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N° 3968

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 novembre 2011.

RAPPORT D’INFORMATION

déposé par le

COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES
SUR la médecine scolaire

et présenté

PAR M. Gérard GAUDRON ET Mme Martine PINVILLE

Députés.

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SYNTHÈSE 9

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS 12

INTRODUCTION 15

PRÉAMBULE : LA MÉDECINE SCOLAIRE, L’EXPRESSION D’UNE SPÉCIFICITÉ FRANÇAISE 18

A. UNE IDÉE RÉPUBLICAINE 18

B. LE CHOIX D’UN DISPOSITIF INTÉGRÉ AUX STRUCTURES SCOLAIRES 19

PREMIÈRE PARTIE – UNE MÉDECINE SCOLAIRE À LA CROISÉE DE POLITIQUES PUBLIQUES PLURIELLES 23

I. LA MÉDECINE SCOLAIRE, ACTEUR DE LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE EN FAVEUR DES ENFANTS ET DES ADOLESCENTS 23

A. LE SUIVI DE LA SANTÉ DES ENFANTS SCOLARISÉS 24

1. L’examen de santé lors de la sixième année 24

2. Le bilan de santé à 9, 12 et 15 ans. 26

B. LA LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS DE SANTÉ 27

C. LA LUTTE CONTRE LES MALADIES TRANSMISSIBLES 28

D. LA VEILLE ÉPIDÉMIOLOGIQUE 29

E. UNE PRÉSENCE MÉDICALE DANS L’ÉCOLE 30

II. LA PARTICIPATION DE LA MÉDECINE SCOLAIRE AUX POLITIQUES PUBLIQUES CONNEXES MENÉES EN MILIEU SCOLAIRE 31

A. LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LE HANDICAP 31

B. LA PROTECTION DE L’ENFANCE EN DANGER 34

C. LA PRÉVENTION DES GROSSESSES NON DÉSIRÉES 37

III. LES MISSIONS DE LA MÉDECINE SCOLAIRE ATTRIBUÉES PAR LE MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE 38

A. LA CONTRIBUTION DE LA MÉDECINE SCOLAIRE À LA POLITIQUE ÉDUCATIVE DE L’ÉDUCATION NATIONALE 39

1. Participer à la mise en place des dispositifs adaptés pour la scolarisation des élèves à besoins spécifiques 39

2. Appuyer la dynamique des établissements d’enseignement en matière d’éducation à la santé 39

3. Contribuer à la formation des personnels de l’Éducation nationale en matière de santé 43

B. LES AUTRES MISSIONS CONFIÉES PAR L’ÉDUCATION NATIONALE 43

1. Intervenir en urgence lors d’événements graves 43

2. Certifier l’aptitude des élèves de l’enseignement technique à l’utilisation de machines professionnelles 45

IV. DES MISSIONS TROP NOMBREUSES ET TROP DISPARATES ? 46

A. UN CADRE D’EMPLOI PEU RATIONNEL 46

B. UN EXERCICE MÉDICAL À PART ENTIÈRE 47

C. UNE RATIONALISATION DES TÂCHES ATTRIBUÉES À LA MÉDECINE SCOLAIRE QUI DEMEURE POSSIBLE 48

DEUXIÈME PARTIE – LA DIFFICULTÉ DE LA MÉDECINE SCOLAIRE À ATTEINDRE LES OBJECTIFS QUI LUI SONT FIXÉS 51

I. L’ANALYSE DU FONCTIONNEMENT DU DISPOSITIF DE MÉDECINE SCOLAIRE A FAIT APPARAÎTRE DES DIFFICULTÉS STRUCTURELLES 53

A. UN PILOTAGE PEU AFFIRMÉ ET TENDANT À LA DILUTION DES ENJEUX SANITAIRES AU SEIN DE LA POLITIQUE ÉDUCATIVE CONDUITE PAR L’INSTITUTION 53

1. Reposant sur une définition ambiguë de la santé en milieu scolaire, la capacité d’entraînement de l’administration centrale du ministère de l’Éducation nationale est faible 53

a) Les incertitudes sur le contenu de la mission de promotion de la santé confiée au ministère de l’Éducation nationale 53

b) La politique de santé scolaire se trouve trop souvent réduite au rôle d’une simple politique d’appui aux objectifs de l’éducation nationale en termes de réussite scolaire 55

2. Le pilotage rectoral n’est pas non plus, sauf exception volontariste, organisé pour promouvoir la santé 57

B. UN DÉFICIT DE RESSOURCES HUMAINES RÉSULTANT D’UNE INSUFFISANTE ATTRACTIVITÉ DES MÉTIERS PROPOSÉS 59

1. Une évolution difficile à discerner du fait des ruptures de séries statistiques 59

2. Des perspectives d’évolution préoccupantes 61

3. Le manque de candidats intéressés par les métiers de la santé scolaire 64

4. Des déséquilibres géographiques qui vont en s’accentuant 66

5. Une insuffisance d’attractivité qui tient à une pluralité de facteurs 67

a) Des conditions de rémunérations plus défavorables que celles des corps de la fonction publique comparables 67

b) Une reconnaissance sociale qui n’est pas à la hauteur des enjeux sanitaires auxquels les médecins scolaires sont confrontés 69

II. L’EFFICACITÉ DE LA MÉDECINE SCOLAIRE EN MATIÈRE DE PRÉVENTION SANITAIRE EST ENTRAVÉE PAR LA COMPLEXITÉ DE SON POSITIONNEMENT INSTITUTIONNEL 70

A. LA SANTÉ DE L’ENFANT : LA NÉCESSITÉ D’UN INDICATEUR SYNTHÉTIQUE MAIS QUI RESTE À CONCEVOIR 70

1. Le suivi de la santé de l’enfant a justifié la mise en œuvre de dispositifs ad hoc par les pouvoirs publics 71

a) Les enquêtes épidémiologiques en milieu scolaire : un outil de connaissance de la santé de l’enfant sans équivalent. 71

b) Les données collectées dans le cadre du suivi des objectifs de la loi de santé publique du 4 août 2004 73

2. Une batterie d’indicateurs de santé publique éprouvés, mais qui ne fournit pas une vision globale de la santé des jeunes 75

B. LES INTERROGATIONS SUR L’EFFICACITÉ DE LA MÉDECINE SCOLAIRE TIENNENT MOINS À LA BAISSE DU TAUX DE DÉPISTAGE QU’À L’INSERTION INSUFFISANTE DE SON ACTION AU SEIN DU SYSTÈME DE SANTÉ 76

1. Faute de référentiels sanitaires adaptés, la question des bilans systématiques de santé cristallise les interrogations 76

a) Le bilan de santé à 6 ans 76

b) Un suivi médical au mieux lacunaire au travers des bilans de santé systématiques prévus à 9, 12 et 15 ans 79

2. La politique suivie par l’éducation nationale en matière de prévention de la santé des jeunes n’a pas véritablement tiré les conséquences de la régionalisation des enjeux de santé publique 80

3. Dimension essentielle du dépistage, la question du recours aux soins repose sur le volontarisme des personnels 82

4. L’action exemplaire de certaines académies en matière de détection et d’orientation vers une prise en charge adaptée des troubles «dys» pose la question de leur généralisation 84

III. BIEN QU’ELLE SOIT SOUVENT DÉCISIVE, LA CONTRIBUTION DE LA MÉDECINE SCOLAIRE AUX DIFFÉRENTES POLITIQUES PUBLIQUES MENÉES EN MILIEU SCOLAIRE EST INSUFFISAMMENT RECONNUE 86

A. LA MÉDECINE SCOLAIRE, ET PLUS GÉNÉRALEMENT L’ÉDUCATION NATIONALE, APPORTE UNE CONTRIBUTION DÉCISIVE À L’INTÉGRATION SCOLAIRE DES ÉLÈVES HANDICAPÉS 86

B. LA CONTRIBUTION DE LA MÉDECINE SCOLAIRE À LA PROTECTION DE L’ENFANCE EN DANGER EST ÉGALEMENT ESSENTIELLE 87

C. L’APPORT DE LA MÉDECINE SCOLAIRE À LA POLITIQUE CONTRE LES GROSSESSES NON-DÉSIRÉES EST LIMITÉ PAR LES CONTRAINTES RÉSULTANT DU DISPOSITIF LÉGISLATIF 89

D. L’INVESTISSEMENT DES PERSONNELS DE SANTÉ SCOLAIRE DANS LES ACTIONS D’ÉDUCATION À LA SANTÉ TROUVE PEU DE RELAIS CLAIREMENT IDENTIFIÉS AU SEIN DE LA COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE 92

1. Les personnels de santé scolaire, et en particulier les infirmières scolaires, sont un élément essentiel du dispositif d’éducation à la santé 92

2. Les experts en santé de l’adolescent s’accordent à souligner l’importance d’une éducation à la santé dispensée précocement 92

3. Sur le terrain, la situation semble avoir peu progressé depuis le constat d’insuffisance dressé par une mission commune des inspections générales de l’éducation nationale et des affaires sociales en 2004 94

TROISIÈME PARTIE – LES PRÉCONISATIONS DE LA MISSION PARLEMENTAIRE : UNE MÉDECINE SCOLAIRE RENFORCÉE AU SEIN D’UN SYSTÈME DE PRÉVENTION ORGANISÉ AUTOUR DE L’ENFANT 99

I. LE RENFORCEMENT DU SYSTÈME DE PRÉVENTION À L’ÉGARD DES ENFANTS ET DES ADOLESCENTS EST LA CONDITION PREMIÈRE D’UNE MEILLEURE EFFICACITÉ DE LA MÉDECINE SCOLAIRE. 103

A. INSTALLER UN ORGANE COMPOSÉ D’EXPERTS EN SANTÉ PUBLIQUE CHARGÉS DE CONSEILLER LE PARLEMENT ET LE GOUVERNEMENT SUR LA POLITIQUE DE SANTÉ EN DIRECTION DES ENFANTS ET DES ADOLESCENTS. 103

B. DOTER LA MÉDECINE DE PRÉVENTION D’UN CADRE STATUTAIRE COMMUN POUR LES PERSONNELS MÉDICAUX AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE. 104

II. LA PLACE DE LA SANTÉ AU SEIN DE L’ÉCOLE DOIT ÉGALEMENT ÊTRE RÉAFFIRMÉE 105

A. CLARIFIER LE CONTENU DE LA MISSION DE PROMOTION DE LA SANTÉ CONFIÉE À L’ÉCOLE. 105

B. ADAPTER LES MODALITÉS DU SUIVI BUDGÉTAIRE RÉALISÉ PAR LE PARLEMENT 106

III. UNE AMÉLIORATION DU DISPOSITIF DE MÉDECINE SCOLAIRE EST NÉCESSAIRE POUR QUE CELUI-CI PUISSE DÉPLOYER SON EFFICACITÉ OPTIMALE 107

A. LES AMÉLIORATIONS À APPORTER AU PILOTAGE DE LA MÉDECINE SCOLAIRE. 107

1. La question du rattachement de la médecine scolaire 107

2. Individualiser les organes de pilotage de la médecine scolaire au sein du ministère de l’Éducation nationale 109

a) Au niveau national 109

b) Au niveau rectoral 111

B. ASSURER LA PÉRENNITÉ DE LA SANTÉ SCOLAIRE PAR LA RECONSTITUTION D’UN VIVIER DE CANDIDATS POTENTIELS AUX CONCOURS DE MÉDECINS ET D’INFIRMIERS SCOLAIRES 111

C. AMÉLIORERL’EFFICACITÉ DES ACTIONS DE DÉPISTAGE DE LA MÉDECINE SCOLAIRE 112

1. Confirmer la faculté des médecins scolaires de prescrire des examens diagnostiques, et notamment des bilans orthophoniques 113

2. Affirmer le caractère prioritaire de l’accompagnement aux soins dans les zones défavorisées sur le plan médico-social, en développant les fonctions d’accompagnement en santé des familles 113

D. ÉVALUER LA PERTINENCE DES NOUVELLES ACTIONS DE SANTÉ PUBLIQUE PRESCRITES EN MILIEU SCOLAIRE 114

1. Saisir le Haut conseil de la santé publique sur la pertinence d’actions de dépistage systématiques lors de la 9e, 12e et 15e année 114

2. Saisir le Haut conseil de la santé publique sur la place des services de santé scolaires dans la détection et la prise en charge des « dys » 115

E. RÉAFFIRMER LES ENJEUX DE L’ÉDUCATION À LA SANTÉ AU SEIN DE L’INSTITUTION SCOLAIRE 116

AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES LE 6 OCTOBRE 2011 119

RÉUNION DU CEC DU 17 NOVEMBRE 2011 : EXAMEN DU PROJET DE RAPPORT D’INFORMATION 138

ANNEXE N° 1 : LES SERVICES MUNICIPAUX DE SANTÉ SCOLAIRE EN EXERCICE EN FRANCE 149

ANNEXE N° 2 : RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES BESOINS SANITAIRES : L’EXEMPLE DE L’ACADÉMIE DE LILLE 155

ANNEXE N° 3 : LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES 158

ANNEXE N° 4 : SIGLIER 162

ANNEXE N° 5 : RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES : CONTRIBUTION À L’ÉVALUATION DE LA MÉDECINE SCOLAIRE 163

SYNTHÈSE

Depuis sa fondation en 1945, la médecine scolaire a traversé plusieurs crises. Idée généreuse autant que républicaine, la médecine scolaire, initiée dans le contexte de redressement national qui a marqué l’après-guerre, s’est trouvée à plusieurs reprises confrontée à une pénurie de moyens, conduisant à s’interroger sur le sens profond de ses missions, qui sont nombreuses, et sur les attentes de la société à son égard. En 1989, le PJean-Pierre Deschamps, qui fut un des pionniers de la santé publique française, s’écriait ainsi dans un éditorial « Oui, il faut sauver la médecine scolaire ! » (1).

La médecine scolaire est à nouveau à la croisée des chemins. L’écart n’a jamais été aussi grand qu’aujourd’hui entre les missions qui lui sont confiées, de plus en plus nombreuses, et ses ressources, qui, après avoir connu un renforcement au début des années 2000, connaissent désormais une phase de décrue démographique majeure.

Pour comprendre les raisons d’une telle crise, le Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale a décidé d’inscrire ce thème à son programme de travail et a sollicité sur ce sujet l’assistance de la Cour des comptes, dans le cadre prévu par l’article 472 de la Constitution.

Au vu des conclusions de l’évaluation rendue par la Cour des comptes, confortées par leurs propres investigations sous la forme d’auditions, de questionnements écrits et de missions sur le terrain, les rapporteurs ont constaté que la médecine scolaire, prenant acte de l’évolution du champ de la santé à l’école, avait su se mobiliser massivement pour permettre à l’éducation nationale de relever au cours de la décennie qui vient de s’écouler, deux grands défis : la scolarisation des enfants handicapés ou souffrant de maladie chronique et la détection des troubles du langage et de l’apprentissage. De plus, la mission a constaté qu’en leur qualité de professionnels de santé, les personnels infirmiers de l’éducation nationale occupaient aujourd’hui un rôle majeur dans le dispositif d’éducation à la santé et dans la prise en charge des situations de souffrance psychiques dans les établissements du second degré.

Toutefois, cette réussite, obtenue sans l’octroi de moyens supplémentaires, a nui à l’atteinte des objectifs officiellement assignés à la médecine scolaire, en particulier à la réalisation de bilans de santé systématique en milieu scolaire. De plus, si la mission parlementaire a pu vérifier que l’intervention des personnels de santé s’inscrivait dans le cadre de plusieurs politiques publiques qui sont toujours au cœur des préoccupations des pouvoirs publics, elle a aussi constaté que les textes qui régissent cette action sont anciens et ne sont plus en mesure de replacer les tâches attendues de la part de ces personnels dans une architecture d’ensemble.

Ce phénomène de dilution des enjeux est particulièrement perceptible dans le domaine de la politique sanitaire, qui, bien qu’elle ait fait l’objet d’un renforcement par le Législateur en 2007, est souvent perçue par le ministère de l’Éducation nationale comme une simple politique d’appui à la politique éducative menée par celui-ci.

Par ailleurs, la mission parlementaire a mis en évidence que la profession de médecin scolaire était menacée par des perspectives démographiques encore plus défavorables que pour le reste des professions médicales. La cause réside dans l’insuffisante attractivité de la carrière proposée au sein du ministère de l’Éducation nationale, notamment aux yeux des jeunes médecins. Malgré les spécificités d’un exercice médical dont tous soulignent la variété et l’intérêt, les signes, relevés par la mission parlementaire, d’une désaffection à l’égard des conditions de travail proposées montrent l’urgence de mesures correctives, sous peine d’enregistrer une baisse très rapide des effectifs dans les cinq prochaines années.

Enfin, la mission parlementaire a relevé, à l’instar de la Cour des comptes, que les fonctions de pilotage de la médecine scolaire étaient assumées par un système trop centralisé qui ne donnait pas à celle-ci l’autonomie nécessaire et la capacité de s’adapter à la nature des enjeux de santé actuels. L’analyse menée par la Cour des comptes a en effet montré que le pilotage assuré par l’administration centrale de l’éducation nationale s’avère déconnecté de la réalité des besoins sanitaires tandis que les services rectoraux, concentrés autour de l’objectif de réussite scolaire assigné à l’école, mobilisent peu de moyens pour les activités qui ne concourent pas directement à cet objectif.

Au moment où l’affirmation d’une politique de prévention conduit à donner une place plus grande à la coordination des acteurs de santé et à la prise en compte du caractère pluridisciplinaire des questions de santé, la responsabilité de l’école à l’égard de la santé des élèves scolarisés, bien que subsidiaire par rapport à la responsabilité parentale, demeure essentielle dans trois aspects :

– en liaison avec l’objectif de réussite scolaire de l’école, dont la santé est un déterminant, l’école a la mission de dépister les problèmes de santé des élèves susceptibles d’entraver leur scolarité et de faciliter l’insertion des enfants souffrant d’une maladie ou d’un handicap dans l’école ;

– la mission éducative de l’école intègre l’objectif de rendre les enfants autonomes et responsables à l’égard de leur propre santé ;

– institution publique, l’école est non seulement un relais mais surtout un acteur à part entière des politiques de santé menées par l’État en direction des élèves dont elle a la charge.

Les personnels de santé scolaire sont des acteurs indispensables à la réalisation de ces missions et, s’interrogeant sur les moyens de garantir leur avenir, les rapporteurs ont la conviction, même si la présence en France d’une quinzaine services municipaux de santé scolaire montre l’intérêt de formes d’organisation alternatives, que c’est au sein des services de l’État que la médecine scolaire sera le plus à même de relever ces défis.

Face au constat que la situation dégradée dans laquelle la médecine scolaire est aujourd’hui trouve sa cause profonde dans les carences de la prévention sanitaire autour de l’enfant – insuffisance des moyens mis en œuvre et coordination des acteurs sanitaires globalement médiocre –, les rapporteurs considèrent que les solutions à la crise actuelle sont à replacer dans le cadre d’une politique globale de renforcement de la prévention autour de l’enfant, qui se développerait selon les axes suivants :

● l’amélioration du pilotage de la politique de santé et de prévention en faveur des enfants et des adolescents ;

● l’inscription de la promotion de la santé dans le code de l’éducation comme une mission à part entière de l’école ;

● le renforcement de la lutte contre les inégalités de santé ;

● une réforme du pilotage ministériel de la médecine scolaire ;

● le renforcement de la coordination entre les médecins de prévention par le développement de leurs liens professionnels au travers d’un cadre statutaire commun.

Le renforcement de la prévention autour de l’enfant ne peut cependant produire pleinement ses effets sans s’appuyer sur un dispositif de médecine scolaire dont l’efficacité ne soit garantie et la pérennité assurée. Des mesures urgentes sont nécessaires pour revaloriser la profession de médecin scolaire en vue de reconstituer très rapidement un vivier de candidats à cette carrière, dans le respect du cadre très contraint qui s’impose aujourd’hui à nos finances publiques.

Ces recommandations s’appuient notamment sur les conclusions de la contribution de la Cour des comptes à l’évaluation de la médecine scolaire demandée par le Comité d’évaluation et de contrôle.

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

Le renforcement du système de prévention à l’égard des enfants et des adolescents comme première priorité :

• Installer un organe d’experts en santé publique chargé de conseiller le Parlement et le Gouvernement sur les modalités de la politique de santé physique et psychique en direction des enfants et des adolescents

• Doter la médecine de prévention d’un cadre statutaire commun pour les personnels médicaux au sein de la fonction publique

L’affirmation de la place de la santé au sein de l’école :

• Clarifier le contenu de la mission de promotion de la santé confiée à l’école

• Adapter en conséquence les modalités du programme budgétaire 230 « Vie de l’élève » dans le sens d’une meilleure intégration des enjeux de la promotion de la santé

• Permettre une meilleure prise en compte des enjeux de l’éducation à la santé au sein de l’institution scolaire, allant de l’école élémentaire au lycée, en ciblant en priorité une mise à niveau de la formation initiale et continue des enseignants dans ce domaine

Des moyens garantissant à la médecine scolaire l’efficacité de son action sanitaire :

• Instituer des organes décisionnaires de pilotage de la médecine scolaire au sein du ministère de l’Éducation nationale, aux niveaux national et rectoral

• Améliorer les conditions du pilotage régional de la politique de santé en faveur des enfants et des adolescents par les agences régionales de santé grâce à la création d’observatoires régionaux d’épidémiologie scolaire

• Confirmer la faculté des médecins scolaires de prescrire des examens diagnostiques, et notamment des bilans orthophoniques

• Affirmer la continuité des actions de dépistage et des soins, en développant les fonctions d’ « accompagnement santé » des familles dans les zones prioritaires sur le plan médico-social

Le choix de modalités d’interventions adaptées aux enjeux actuels de la santé publique :

• Saisir le Haut conseil de la santé publique sur la pertinence d’actions de dépistage systématiques lors de la 9e, 12e et 15e année

• Saisir le Haut conseil de la Santé publique sur la place des services de santé scolaires dans la détection et la prise en charge des troubles du langage et de l’apprentissage

Un service de santé scolaire dont l’avenir soit préservé

• Assurer la pérennité du service de santé scolaire par la reconstitution d’un vivier de candidats potentiels aux concours de médecin et d’infirmiers scolaires

INTRODUCTION

Le 21 octobre 2010, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale (CEC) a décidé d’inscrire à son programme de travail pour la session 2010-2011 « l’évaluation de la médecine scolaire ». Ce choix prolongeait de premiers travaux réalisés par l’un de vos rapporteurs, dans le cadre de l’avis qu’il a co-rapporté, au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, sur les crédits de la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances pour 2010 (2).

Conformément à l’article 146-3 du Règlement, les deux commissions permanentes principalement compétentes – commission des Affaires culturelles et de l’éducation pour les aspects éducation nationale et commission des Affaires sociales pour les aspects santé – ont désigné cinq membres (3) pour participer aux travaux à mener. Parmi ces cinq membres, le 7 avril 2011, le Comité a désigné deux rapporteurs, représentant pour l’un la majorité et pour l’autre l’opposition, membre chacun de l’une des deux commissions permanentes concernées.

*

Sur ce sujet, le Comité a, dès l’origine, souhaité, pour la première fois, bénéficier de l’assistance de la Cour des comptes, telle que mentionnée par l’article 47-2 de la Constitution dans sa version révisée le 23 juillet 2008, qui dispose que « la Cour des comptes […] assiste le Parlement […] dans l’évaluation des politiques publiques ».

Cette assistance a pris la forme prévue par l’article 3 de la loi du 3 février 2011 tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, dont M. Bernard Accoyer, Président de l’Assemblée nationale, président de droit du Comité, avait pris l’initiative.

Cet article, codifié à l’article L. 132-5 du code des juridictions financières, dispose que :

« Au titre de l’assistance au Parlement dans le domaine de l’évaluation des politiques publiques prévue par l’article 47-2 de la Constitution, la Cour des comptes peut être saisie d’une demande d’évaluation d’une politique publique par le président de l’Assemblée nationale […] sur proposition […] de toute instance permanente créée au sein d’une des deux assemblées parlementaires pour procéder à l’évaluation de politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d’une seule commission permanente […] », ce qui est le cas du Comité.

S’agissant du contenu de cette assistance constitutionnelle, le même article précise que « l’assistance de la Cour des comptes prend la forme d’un rapport. Ce rapport est communiqué à l’autorité qui est à l’origine de la demande, dans un délai qu’elle détermine après consultation du Premier président de la Cour des comptes et qui ne peut excéder douze mois à compter de la saisine de la Cour des comptes. […] l’instance permanente à l’origine de la demande d’assistance de la Cour des comptes statue sur la publication du rapport qui lui a été transmis ».

Le Président du Comité a transmis cette demande au Premier président de la Cour des comptes le 9 décembre 2010, et la Cour des comptes a remis officiellement son rapport, intitulé Contribution à l’évaluation de la médecine scolaire, par un courrier daté du 26 septembre 2011.

Ce rapport a été présenté par le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, et par le président de la troisième chambre de la Cour des comptes, M. Jean Picq, lors d’une audition publique le 6 octobre 2011. Le compte rendu de cette audition figure en annexe au présent rapport.

La contribution de la Cour des comptes s’agissant de l’évaluation de la médecine scolaire ne s’est d’ailleurs pas arrêtée à ce premier rapport, puisque, en octobre 2011, elle a également remis à la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, une communication sur la prévention sanitaire (4), sujet plus large mais incluant naturellement la thématique de la santé des enfants. Cette communication répond, en application de l’article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières, à une demande de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), et appuie les travaux en cours de la MECSS portant sur la prévention en santé.

*

Les rapporteurs ont souhaité mener une démarche d’évaluation la plus large et la plus rigoureuse possible.

Au-delà de la collaboration avec la troisième chambre de la Cour des comptes, dont ils remercient le président d’avoir bien voulu les informer à intervalles réguliers de l’avancement de ses travaux, les rapporteurs ont souhaité procéder par auditions, de façon à entendre tous les points de vue utiles. Ils ont ainsi réalisé 21 auditions de représentants de l’administration de l’éducation nationale, centrale ou déconcentrée, d’administrations nationales ou régionales chargées de la santé, de médecins et d’infirmières scolaires, de représentants syndicaux de ces derniers, de membres de corps de contrôle ayant participé à des travaux liés au sujet considéré, ainsi que de spécialistes de la santé de l’enfant, et de statisticiens de la santé.

Ils ont souhaité, par ailleurs, procéder à des visites de terrain, dans trois académies géographiquement réparties sur le territoire métropolitain, choisies en concertation avec la Cour des comptes, et en considération de différents critères : taux d’encadrement faible à Lille, articulation avec un service municipal à Lyon et Villeurbanne, plus forte présence d’enfants d’origine étrangère à Montpellier.

Les rapporteurs ont, enfin, procédé par questionnaires écrits, en particulier auprès de plusieurs services municipaux de santé scolaire (5), interrogés en juillet 2011, et qui ont tous accepté de répondre. Cet aspect de leurs travaux a permis de compléter ceux de la Cour des comptes, dont la compétence ne s’étend pas directement, en l’état des textes, aux collectivités territoriales.

Les rapporteurs remercient l’ensemble de ceux qui ont bien voulu participer à leurs travaux sur ce sujet au confluent de trois thématiques que vos rapporteurs jugent essentielles pour l’avenir de notre société : l’enfance, la santé et l’école.

*

Le présent rapport s’attache en premier lieu à présenter les différentes missions confiées, par strates additionnelles successives, à la médecine scolaire (I).

Il procède ensuite à une analyse des principaux problèmes soulevés par la mise en œuvre de ces missions diverses (II), avant de proposer des orientations pour l’avenir (III).

PRÉAMBULE : LA MÉDECINE SCOLAIRE,
L’EXPRESSION D’UNE SPÉCIFICITÉ FRANÇAISE

A. UNE IDÉE RÉPUBLICAINE

L’étude historique autant que la comparaison avec les autres pays montre que la médecine scolaire est une idée républicaine. Comme le rappelle la Cour des comptes en introduction de son rapport, la médecine scolaire est une idée généreuse qui, faute de moyens, a tardé à se mettre en place.

En effet, si la médecine scolaire répond à une préoccupation républicaine ancienne, ce n’est que sous la pression de la situation sanitaire de l’après-guerre que l’ordonnance du 18 octobre 1945 fonde un véritable service public de santé scolaire sous la responsabilité de l’État.

Dès la période révolutionnaire, la Convention, par la voix d’hommes illustres tels que Lakanal et Sieyès, se préoccupait pourtant de la santé des élèves. Toutefois, le projet de décret pour l’établissement de l’instruction nationale défendu par Lakanal au nom du Comité d’instruction publique de la Convention le 26 juin 1793 est repoussé par cette assemblée le 3 juillet de la même année.

Sous la Troisième République, la loi du 30 octobre 1886 organisant l’enseignement primaire, dite loi Goblet, confie aux médecins inspecteurs communaux ou départementaux la mission de visiter les écoles primaires.

Ces choix apparaissent en cohérence avec l’attribution de compétences sanitaires aux maires dans le cadre de leur pouvoir de police, qui incluent la propreté et la salubrité dès la loi dite municipale du 14 décembre 1789 (article 50), et qui seront consacrées par la loi du 15 février 1902 relative à la protection de la santé publique. Cette dernière confie aux maires de vastes compétences en matière de santé publique et dote les maires, pour son application, de bureaux d’hygiène municipaux, l’autorité préfectorale n’intervenant qu’en cas de défaut.

Cependant, dès 1893, commentant la création d’un service d’hygiène scolaire par la ville de Paris et rapportant l’existence d’une note du ministère de l’instruction publique selon laquelle « de nombreux cas de myopie se développaient dans les écoles, par suite de la défectuosité des tables et des sièges et de la distribution vicieuse de la lumière du jour », le Dr Ernest Monin, secrétaire général de la société française d’hygiène, demande : « Qui, plus que la République, peut par une application large et libérale de la loi, concilier les données de la science avec les nécessités administratives ? » (6).

En 1928, Édouard Herriot, ministre de l’Instruction publique, dépose un projet de loi destiné à rendre obligatoire un contrôle médical pour tous les élèves et les personnels au moyen d’un service spécifique et en 1930 des crédits sont ouverts à cet effet au sein d’un ministère nouvellement créé, celui de la Santé publique.

Cette initiative s’inscrit dans un contexte marqué par la progression des idées de la médecine préventive, et notamment celle d’une inspection médicale tendant à protéger les ouvriers sur leur lieu de travail, qui naît après la loi du 9 avril 1898 sur l’indemnisation des accidents du travail et se développe avec la création de diplômes spécialisés en médecine du travail dans les années trente et la création en 1937 d’un corps de médecins conseils de l’inspection du travail.

Dans le champ de la santé scolaire, l’enjeu sanitaire était la généralisation des services de santé mis en œuvre par les collectivités territoriales. Si « des services d’inspection médicale ont fonctionné d’abord dans quelques départements, puis dans la quasi-totalité d’entre eux ainsi que dans des grandes villes où l’inspection se faisait dans un cadre municipal, […] les résultats obtenus ont été très variables du fait de la diversité des organisations, de l’absence de méthodes uniformes, notamment en matière de personnel médical » (7). C’est dans cette perspective que le 10 mars 1938 est fondée l’Association nationale de médecine scolaire et d’hygiène pédagogique, composée principalement de médecins inspecteurs des écoles de la Seine, avec comme objectif de généraliser dans les régions françaises les principes de l’inspection médicale scolaire.

Cependant, dans l’immédiat après-guerre, « les effets des privations sur la santé des enfants ainsi que l’extension de la tuberculose » (8) rendent plus pressant l’impératif d’unifier des activités d’inspection médicale et conduisent le législateur à insérer le contrôle médical scolaire dans un ensemble cohérent de mesures prises pour protéger la population, par l’ordonnance n° 45-2407 du 18 octobre 1945. Cette ordonnance confie à des services d’hygiène scolaire et universitaires le soin d’organiser une visite médicale obligatoire pour tous les enfants de 6 ans, qui soit prolongée par une surveillance sanitaire et des examens périodiques. Les collectivités territoriales demeurent associées à cette organisation au travers de l’obligation qui est faite aux communes de plus de 5 000 habitants de mettre à disposition des centres médico-sociaux scolaires pour la réalisation des visites médicales.

B. LE CHOIX D’UN DISPOSITIF INTÉGRÉ AUX STRUCTURES SCOLAIRES

Comme le souligne le rapport remis par la Cour des comptes, le choix qui a été fait en France d’une médecine relevant de l’État et intégrée au ministère de l’Éducation nationale ne se retrouve pas dans les autres pays.

Si, lors de leur création en 1945, les services d’hygiène scolaires et universitaires furent rattachés dans un premier temps au ministère de l’Éducation nationale, on peut penser que c’est l’analogie avec les services de médecine du travail, également rattachés à leur ministère « technique », le ministère du Travail, qui a prévalu lors de cette décision.

En 1964, une critique de la performance et du cloisonnement de l’administration sanitaire et sociale entraîne une réorganisation territoriale des services sanitaires et sociaux de l’État au sein de nouvelles directions départementales de l’action sanitaire et sociale, regroupant les services sanitaires et sociaux et le service de santé scolaire (9). Un nouveau corps de médecins fonctionnaires est créé par un décret du 30 juillet 1964 au sein du ministère de la Santé publique et de la population, par regroupement du corps des médecins inspecteur de la santé avec les médecins intervenant en milieu scolaire (10). Pour les infirmières le transfert fut, semble-t-il, plus complexe puisque seules les infirmières attachées à un secteur rejoignirent le ministère de la Santé publique tandis que celles qui étaient attachées à un établissement demeuraient au ministère de l’Éducation nationale (11).

Cette organisation à visée sanitaire perdura jusqu’en 1984, période à laquelle un renversement de perspective dans les conceptions de la santé publique conduisit à attribuer au ministre de l’Éducation nationale « les attributions précédemment dévolues au ministre chargé de la santé et relatives à la promotion de la santé des enfants et des adolescents en milieu scolaire », par le décret n° 84-1194 du 21 décembre 1984. L’article 2 du même décret organise le transfert concomitant des services de santé scolaire, désormais placés sous l’autorité du ministre de l’Éducation nationale.

C’est, en l’espèce, l’évolution générale des doctrines sanitaires, mettant alors l’accent sur l’idée de promotion de la santé, qui présida à la décision des pouvoirs publics de transfert des attributions relatives à la santé scolaire. Lors de son audition par la mission parlementaire, le Pr Maurice Tubiana, membre de l’Académie de médecine, a souligné l’importance du changement de la perception de la santé et de ses représentations pour la définition du champ de la médecine préventive et en particulier de la prévention en direction des enfants et des adolescents : la santé n’est plus considérée comme une absence de maladie mais comme une ressource pour la vie, selon la définition donnée par la charte constitutive de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dès 1946.

Cette définition a pour conséquence une évolution du concept de prévention, devenue « prévention et promotion de la santé ». Selon l’OMS, la promotion de la santé constitue un « processus qui consiste à habiliter les personnes à accroître leur contrôle sur leur santé et à améliorer celle-ci » (12) : la promotion de la santé consiste à encourager les particuliers et les collectivités à faire des choix de modes de vie sains, tandis que la définition de la prévention, entendue au sens strict, serait de prévenir les maladies. Une telle définition apparaît particulièrement pertinente pour les actions en faveur de la santé des jeunes, ainsi que l’a rappelé le Pr Maurice Tubiana, membre de l’académie de médecine, devant la mission parlementaire, compte tenu de l’importance pour leur santé des comportements à risques et des consommations addictives.

Il est à noter que si le rattachement du service de santé au ministère de l’Éducation nationale s’inscrit dans une logique de changement de paradigme sanitaire, la présence, deux années avant le décret de décembre 1984, dans le projet de loi dit de décentralisation (13), d’un article envisageant de décentraliser vers les départements les services de santé scolaire et des assistantes sociales, témoigne de la persistance d’opinions divergentes sur ce sujet.

De plus, le rattachement des personnels des services de santé scolaires au sein des services de l’éducation nationale fut réalisé dans des conditions qui obérèrent le fonctionnement à venir des services de santé scolaires. La mise en œuvre des dispositions statutaires du décret du 21 décembre 1984 s’est étalée en fait sur six ans. Si, dès le 13 mai 1985, les infirmières dites « de secteur » rejoignaient un corps d’infirmières de l’éducation nationale existant (14), le rattachement des médecins supposait soit une évolution interministérielle du corps des médecins de santé publique dont ils relevaient, soit la création d’un corps spécifique au sein du ministère de l’Éducation nationale.

C’est tout d’abord vers la voie interministérielle que semble s’être dirigé le pouvoir réglementaire en élaborant en 1985 un projet de décret, communiqué à la mission parlementaire par le syndicat national des médecins scolaires et universitaires (SNMSU). Ce texte qui avait recueilli l’assentiment de quatre syndicats professionnels (15), prévoyait la création d’un seul corps de médecins de la fonction publique, composé de quatre branches parmi lesquelles prenaient place des « médecins de l’enfance et de l’adolescence ». Toutefois, les obstacles administratifs à la constitution de ce corps n’ont pu être résolus, et une fois édictée la circulaire du 4 juillet 1991 du ministre de l’Éducation nationale organisant le service de promotion de la santé en faveur des élèves, la décision fut prise de créer un corps de médecins de l’éducation nationale, par le décret du 27 novembre 1991 cosigné par le ministre de l’Éducation nationale et par celui de la santé. Cette décision fut complétée au ministère de l’Éducation nationale par le rattachement des médecins scolaires contractuels par le décret n° 91-1250 du 12 décembre 1991.

Né d’un accouchement difficile, dans un contexte de conflit professionnel latent sur les modalités d’organisation d’un service commun (16), le service de promotion de la santé en faveur des élèves (SPSFE) était en réalité composé de deux entités fonctionnant de manière indépendante, un service médical et un service infirmier, dont les compétences propres respectives n’étaient pas définies précisément, et « dont la collaboration éventuelle, verticale ou horizontale [n’était] liée qu’à la volonté des personnes » (17).

Ces conditions de fonctionnement ont conduit le ministère de l’Éducation nationale à édicter dix ans plus tard, le 12 janvier 2001, de nouvelles instructions, privilégiant la notion de « mission de promotion de la santé » pour caractériser la structure administrative communes aux deux catégories de personnels de santé et détaillant dans trois circulaires successives l’ensemble des missions confiées aux organes de pilotage nationaux et déconcentrés (circulaire n° 2001-012) ainsi qu’à chacun des deux corps de fonctionnaires (circulaire n° 2001-013 et 2001-014). Ces trois circulaires constituent aujourd’hui encore les textes réglementaires de référence pour l’énoncé des missions de la médecine scolaire, la référence à l’existence d’un service de santé scolaire ne subsistant qu’au sein du code de la santé publique, dans l’intitulé du chapitre consacré à la santé des élèves.

PREMIÈRE PARTIE – UNE MÉDECINE SCOLAIRE
À LA CROISÉE DE POLITIQUES PUBLIQUES PLURIELLES

Le principal constat mis en avant par la Cour des comptes dans le rapport qu’elle a remis le 6 octobre 2011 au Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale est celui d’une multiplicité d’objectifs assignés à la médecine scolaire, dont le nombre « a atteint une dimension qui défie toute capacité de mise en œuvre au niveau individuel » (18).

Un tel constat ne peut laisser le législateur indifférent, dans la mesure où, si les préoccupations qui ont motivé son intervention dans le champ de la santé en milieu scolaire sont anciennes, les politiques publiques qui reçoivent le soutien de la médecine scolaire ont toutes connu des renforcements au cours des dix dernières années, souvent de nature législative : qu’il s’agisse de la politique de santé publique (par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique), de la protection de l’enfance (par la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance), de la lutte contre le handicap (par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées) ou de la politique éducative (par la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école).

Il convenait donc d’examiner plus précisément les différentes missions assignées à la médecine scolaire, pour répondre notamment aux questions suivantes : au sein de quelles politiques publiques ces missions s’inscrivent-elles ? Quelle est précisément la place de la médecine scolaire dans ces différentes politiques ? Quels décideurs, du pouvoir législatif ou de l’autorité ayant en charge la gestion de la médecine scolaire, en sont à l’origine ?

Une première analyse des textes – éclairée par le témoignage des personnels et des responsables de la médecine scolaire – montre qu’en effet, à côté d’une mission de prévention en matière de santé publique, que l’on peut qualifier de mission première de la médecine scolaire, les personnels de santé scolaires apportent une contribution souvent irremplaçable à des politiques publiques plurielles : la lutte contre le handicap, la protection de l’enfance en danger, la prévention des grossesses non désirées ainsi que différents volets de la politique éducative.

I. LA MÉDECINE SCOLAIRE, ACTEUR DE LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE EN FAVEUR DES ENFANTS ET DES ADOLESCENTS

En tant qu’institution publique, l’école est un relais des politiques de santé décidées par l’État. Ce rôle de santé publique, présent dès l’origine de la médecine scolaire dans la lutte contre les maladies contagieuses et en particulier la tuberculose, a été récemment mis en exergue lors du plan de lutte contre la pandémie grippale qui a mobilisé amplement les médecins scolaires.

A. LE SUIVI DE LA SANTÉ DES ENFANTS SCOLARISÉS

1. L’examen de santé lors de la sixième année

La réalisation d’examens de santé, et plus particulièrement celui prévu au cours de la sixième année des enfants, peut être qualifiée de mission historique de la médecine scolaire, puisqu’elle figure à l’article premier de l’ordonnance n° 45-2407 du 18 octobre 1945 qui constitue le texte fondateur de la médecine scolaire en France. Cet article prescrit qu’« au cours de leur sixième année, tous les enfants sont obligatoirement soumis à une visite médicale. Cette visite, à laquelle les parents ou les tuteurs sont tenus, sur convocation administrative de présenter les enfants, ne donne pas lieu à contribution pécuniaire de la part des familles ».

La réglementation a précisé le sens donné à la visite médicale prévue.

Le décret n° 46-2698, pris le 26 novembre 1946 en application de l’ordonnance du 18 octobre 1925, introduit ainsi les termes de « visite médicale d’incorporation », qui ne sont pas sans évoquer la visite médicale effectuée pour les jeunes gens à l’occasion de l’incorporation dans l’armée française pour le service national obligatoire. Parce qu’elles se présentent comme un rendez-vous médical qui concerne l’ensemble d’une classe d’âge, ces visites médicales offrent en effet toutes les deux des perspectives importantes en matière de santé publique grâce aux dépistages réalisés à cette occasion.

Par ailleurs, en conditionnant la scolarisation des enfants à la délivrance d’un certificat médical d’aptitude, le décret du 26 novembre 1946 a aussi fait de la visite médicale prévue par l’ordonnance de 1945 précitée une visite d’aptitude à la vie scolaire (19). L’examen médical à l’âge de 6 ans s’est ainsi trouvé associé à l’idée d’une visite médicale d’admission à l’école élémentaire, à l’instar de la visite médicale d’embauche dans le cadre de la médecine du travail.

Cette liaison, qui justifiait le positionnement de l’examen de santé à l’âge charnière du passage de l’école maternelle à l’école élémentaire, subsiste dans d’autres pays européens, ainsi que la Cour des comptes l’a relevé dans son enquête, notant que, par exemple en Allemagne, chaque enfant doit être soumis, avant son entrée à l’école, à un « check-up médical complet » réalisé par le médecin scolaire, « condition sine qua non à son entrée dans l’école » (20).

Ce lien a cependant été défait, consécutivement à la loi du 11 février 2005 sur le handicap, par le décret n° 2009-553 du 15 mai 2009 qui a supprimé le certificat demandé pour l’admission en école élémentaire. Seule la production d’un certificat médical attestant que l’enfant a bénéficié des vaccinations obligatoires décrites aux articles L. 3111-2 et L. 311-3 du code de santé publique reste nécessaire au moment de l’inscription à l’école (21).

Parallèlement, les progrès de la santé publique ont permis de préciser la finalité de la visite médicale prescrite, remplaçant la notion d’« inspection » initiale par celle de dépistage.

Du point de vue de la santé publique, le bilan de santé prescrit par la loi est considéré comme un acte de prévention secondaire, par référence à la classification de l’OMS qui distingue trois niveaux de prévention :

– la prévention primaire, qui consiste en l’édiction de mesures générales orientées vers la population dans son ensemble et destinées à empêcher la survenance de certaines maladies (par exemple des mesures d’hygiène ou la vaccination) ;

– la prévention secondaire, qui vise à dépister les maladies avant qu’apparaissent les signes cliniques. Il ne s’agit plus d’empêcher la survenance de maladies, mais de permettre une prise en charge précoce pour endiguer ou limiter leur développement ;

– la prévention tertiaire consiste à soigner des problèmes de santé déjà bien identifiés pour éviter des conséquences sur l’état de santé général des personnes malades.

La prévention secondaire dans le cadre de laquelle se situe le bilan de santé de l’élève intègre la notion de dépistage, entrée dans la loi en 2002, et, en aval, la notion de recours aux soins qui constitue le but ultime de ce type de prévention. Si le dépistage n’est pas un diagnostic médical en lui-même, il vise à dégager des signes suffisamment précis de nature à motiver une consultation médicale spécialisée destinée à confirmer ou à infirmer la présence d’un problème de santé.

La nouvelle rédaction de l’article L. 541-1 du code de l’éducation, issue de loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, affirme ainsi le recours aux soins comme le corollaire de la démarche de dépistage engagée en précisant que « les médecins de l’éducation nationale travaillent en lien avec l’équipe éducative et les professionnels de santé afin que, pour chaque enfant, une prise en charge et un suivi adaptés soient réalisés ». En orientant vers le médecin traitant ou des services médicaux spécialisés, le médecin assure la continuité entre la prévention mise en œuvre en milieu scolaire et le système de prévention et de soins.

Enfin, la rédaction de l’article L. 541-1 issue de la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance introduit une notion de « bilan de santé » ouvrant la voie à une répartition des tâches entre les actes infirmiers et médicaux dans l’organisation des tâches de dépistage (22).

2. Le bilan de santé à 9, 12 et 15 ans.

La réalisation d’examens médicaux périodiques fut intégrée dès 1945 aux missions de la médecine scolaire par l’article 1er de l’ordonnance n° 45-2407 du 18 octobre 1945 qui prévoit que des examens médicaux périodiques soient « effectués tout au long de la scolarité ».

Le ministre de l’Éducation nationale a délimité plus précisément les objectifs fixés dans ce domaine aux médecins scolaires, dans la circulaire du 12 janvier 2001 relative aux missions de ces derniers. Cette circulaire identifie deux objectifs :

– réaliser un bilan de santé des élèves du cycle 3 (classes de CE2, CM1 et CM2) dans les établissements des zones d’éducation prioritaire ;

– réaliser un bilan de santé des élèves en classe de troisième des collèges.

Le dispositif fut considérablement renforcé en 2006 lors de l’examen parlementaire du projet de loi relatif à la protection de l’enfance, sur la double initiative du Sénat et de l’Assemblée nationale.

À l’occasion de la présentation du projet de texte devant le Sénat, M. André Lardeux, rapporteur du projet de loi, a présenté un amendement, adopté en séance, visant à approfondir la politique de prévention en faveur des enfants grâce à l’instauration d’un second examen obligatoire à l’entrée au collège, considérant que « le passage en sixième, qui marque également l’entrée dans l’adolescence, est un moment clé pour faire le point sur la situation de l’enfant». Cette proposition faisait suite au rapport du Pr Danièle Sommelet (23), sur la politique de santé à l’égard des enfants et des adolescents, qui déplorait en octobre 2006 l’absence de suivi sanitaire régulier en milieu scolaire. Afin d’orienter le bilan réalisé vers les souffrances psychiques des enfants, la rédaction de l’amendement précisait que le bilan réalisé concernait la santé physique et psychique.

Lors de l’examen en première lecture du projet de loi devant l’Assemblée nationale, la rapporteure du projet de loi, Mme Valérie Pécresse, a présenté devant la commission des Affaires sociales, familiales et culturelles, un dispositif plus ambitieux, organisant le suivi sanitaire des enfants et des adolescents en milieu scolaire sur la base de bilans de santé réguliers réalisés tous les 3 ans, aux âges de 6, 9, 12 et 15 ans. La rapporteure soulignait dans le rapport (24) déposé au nom de la commission « le problème majeur de l’accompagnement financier et humain des mesures », regrettant la « sous-évaluation des moyens humains nécessaires à une véritable politique de prévention sanitaire », en particulier en médecine scolaire. La rapporteure insistait ainsi sur l’intérêt d’un plan de rénovation de la médecine scolaire « afin de redéfinir ses missions dans l’objectif spécifique d’amélioration du suivi de la santé des élèves ayant fait l’objet d’un repérage ».

Se félicitant du consensus politique réuni autour de son amendement, la rapporteure répondait par avance dans son rapport aux doutes exprimés en séance par les orateurs de l’opposition sur la faisabilité du dispositif, en précisant que ce dispositif de prévention « inédit par son ampleur nécessiterait un effort sans précédent » et que s’appuyant sur le plan de recrutement d’une infirmière par établissement du second degré mis en œuvre dans le cadre de la loi du 23 avril 2005, la nouvelle loi préciserait que la surveillance sanitaire est exercée dans les établissements du second degré avec le concours de l’infirmière qui leur est affectée.

B. LA LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS DE SANTÉ

En 1982, une circulaire du ministre de la Santé aux directions départementales de l’action sanitaire et sociale, dite de Bagnolet, relative aux orientations et au fonctionnement du service de santé scolaire, a posé les prémices de la réduction des inégalités de santé (25). Elle prévoyait en particulier :

– des actions de la politique de réduction des inégalités entreprise par le ministère de l’Éducation nationale, de portée générale, et notamment la réalisation à 100 % des trois bilans de santé à 5 et 6 ans, 10 et 11 ans et entre 13 et 16 ans, des actions d’éducation à la santé, le suivi de l’hygiène de l’environnement scolaire ;

– des actions sélectives pour résorber les inégalités et notamment des programmes prioritaires, planifiés, décentralisés au niveau de la région ou du département, s’appuyant sur les données épidémiologiques existantes, harmonisées et donnant lieu à une évaluation.

L’objectif de lutte contre les inégalités de santé s’est trouvé pleinement consacré par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, qui dispose que « l’accès à la prévention et aux soins des populations fragilisées constitue un objectif prioritaire de la politique de santé » (article L. 1411-11 du code de la santé publique).

Au sein du système scolaire, la lutte contre les inégalités de santé est tout d’abord fondée sur le premier article du code de l’éducation (article L. 111-1), qui proclame dans son premier alinéa que le service public de l’éducation contribue à l’égalité des chances.

La circulaire du ministre de l’Éducation nationale en date du 12 janvier 2001 décrivant les orientations générales pour la politique de santé en faveur des élèves inscrit le suivi des élèves des zones rurales et des zones prioritaires parmi les objectifs spécifiques visant certaines catégories d’élèves. Cet objectif est décliné dans les circulaires en date du même jour relatives aux missions des personnels de santé de l’éducation nationale, qui fait du suivi sanitaire des élèves des établissements de certaines zones une mission spécifique de ces personnels, décrite en ces termes : « L’éloignement, l’isolement, les réseaux et les zones d’éducation prioritaire, les établissements où la violence reste un phénomène préoccupant, imposent à l’ensemble des services ministériels concernés une mobilisation cohérente et renforcée, ciblée en priorité sur les sites les plus exposés ; [les médecins et les infirmiers(ières)] doivent être particulièrement vigilants afin que tous les élèves qui en ont besoin puissent accéder aux soins et bénéficier d’un suivi. » (26)

C. LA LUTTE CONTRE LES MALADIES TRANSMISSIBLES

La protection des élèves à l’intérieur des établissements de l’éducation nationale implique que des dispositions soient prises à l’égard des élèves et des membres du personnel atteints de maladies contagieuses. À l’origine de l’ordonnance fondatrice du 18 octobre 1945 (dont les motifs visaient la lutte contre la tuberculose), la lutte contre les maladies transmissibles demeure une des missions premières de la médecine scolaire, comme l’a montré la mobilisation des personnels de santé scolaire lors de la campagne de vaccination d’urgence contre la grippe A (H1N1).

Les dispositions réglementaires prises par le ministre de l’Éducation nationale pointent la responsabilité première du chef d’établissement chargé de prendre les mesures à caractère prophylactique, individuelles et collectives, nécessaires, sur le conseil du médecin scolaire qui en détermine le contenu.

Dans le cas de maladies transmissibles, l’information joue un rôle capital et le médecin scolaire a une place centrale pour délivrer ces informations. La circulaire n° 2001-013 du 12 janvier 2001 précise qu’il doit être informé des cas de toxi-infections alimentaires, de méningite bactérienne, de tuberculose, ou de toute autre infection collective. Le médecin scolaire s’assure alors que la déclaration en a été effectuée auprès des instances sanitaires et il informe le médecin responsable départemental auprès de l’inspecteur d’académie ainsi que le médecin de prévention des personnels du rectorat. Cette mission permet de garantir la sécurité des élèves mais également de participer à la surveillance épidémiologique des maladies transmissibles.

Le médecin conseille le chef d’établissement sur la nature des mesures d’hygiène préconisées pour la collectivité. Seules, les infections à méningocoque justifient une intervention immédiate du médecin de l’éducation nationale, pour la mise en place de mesures de prophylaxie en milieu scolaire. Dans le cas de mesures individuelles d’éviction, le médecin détermine la durée pendant laquelle l’élève ne peut fréquenter le milieu scolaire (27).

La surveillance des vaccinations constitue le second axe de la lutte contre les maladies transmissibles. Le contrôle des vaccinations est réalisé avec l’aide du carnet de santé lors de l’entrée à l’école élémentaire, à l’occasion d’un bilan de santé ou dans le cadre des mesures sanitaires prises par les inspections académiques pour lutter contre les épidémies saisonnières (cas récent des épidémies de rougeole de 2009). Lorsque le médecin scolaire ou l’infirmier(ière) détecte à cette occasion un défaut de couverture vaccinale de l’élève, il le signale par un avis à la famille afin de lui demander de porter remède à ce défaut. Si ce défaut concerne une vaccination obligatoire, il peut, en cas de carence de l’autorité parentale, en informer le chef d’établissement afin que celui-ci puisse prendre des mesures prophylactiques adaptées.

D. LA VEILLE ÉPIDÉMIOLOGIQUE

L’épidémiologie est l’étude des facteurs influant la santé et le développement des maladies. Science descriptive, elle repose sur l’emploi des techniques statistiques pour évaluer l’importance des déterminants de santé ou des facteurs de risques. Les informations qu’elle apporte sont indispensables à la construction et aux progrès de la médecine préventive.

La réalisation d’études épidémiologiques est une mission traditionnelle de la médecine scolaire, qui se retrouve dans tous les pays dès lors que celle-ci s’inscrit dans un dispositif public. La position institutionnelle de la médecine scolaire au sein d’une population soumise à l’obligation scolaire constitue en effet une situation privilégiée pour réaliser des études épidémiologiques atteignant un degré de représentativité très élevé, tant d’un point de vue transversal (études sur une classe d’âge) que longitudinal (études de cohorte suivant l’évolution de la santé dans le temps de plusieurs sujets).

La circulaire ministérielle n° 2001-012 du 12 janvier 2001 relative à l’architecture générale de la promotion de la santé au ministère de l’Éducation nationale confie aux personnels de santé une mission d’observation et de surveillance épidémiologique, et rappelle le caractère obligatoire que revêt l’exploitation des données recueillies par les médecins dans une perspective épidémiologique.

Au niveau national, les enquêtes épidémiologiques réalisées en milieu scolaire sont commandées et réalisées sous la conduite de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère du Travail, de l’emploi et de la santé, qui assure, outre les opérations d’apurement et de redressement, l’exploitation des bases et la publication des principaux résultats.

Les enquêtes réalisées reposent sur la mobilisation de personnels de médecine scolaire, médecins et infirmiers volontaires, qui réalisent à cette fin des bilans de santé sur une population d’élèves choisie par échantillonnage :

– en grande section de maternelle, les médecins de l’éducation nationale renseignent l’enquête à l’occasion du bilan de santé obligatoire avant l’entrée à l’école élémentaire, pour un échantillon d’environ 30 000 enfants ;

– à l’école élémentaire, en classe de CM2, et au collège, en classe de troisième, un examen de santé spécifique est organisé, par les médecins ou les personnels infirmiers, sur un échantillon d’élèves de taille plus faible, qui avoisine 10 000 élèves.

E. UNE PRÉSENCE MÉDICALE DANS L’ÉCOLE

Outre la réalisation des bilans de santé prescrits par la loi, les personnels médicaux ont l’occasion de recevoir les élèves pour des motifs en relation avec leur santé et d’organiser leur suivi médical au sein de l’institution scolaire.

Les personnels infirmiers ont, conformément aux instructions de la circulaire ministérielle n° 2001-14 du 12 janvier 2001, la mission de recevoir les adolescents qui se présentent à l’infirmerie : « L’infirmier(ère) accueille tout élève qui le (la) sollicite pour quelque motif que ce soit, y compris d’ordre relationnel ou psychologique, dès lors qu’il y a une incidence sur sa santé ou sa scolarité. Après un entretien personnalisé, moment privilégié qui permet de nouer une relation de confiance au cours de laquelle l’élève peut exprimer une demande, un malaise, une souffrance en toute confidentialité, il (elle) évalue la situation, pose un diagnostic infirmier dans le cadre de son rôle propre, met en place la démarche de soins adéquate et si l’urgence le justifie, oriente vers la structure la plus adaptée. »

Cette mission constitue une priorité professionnelle aux yeux des représentants syndicaux des personnels infirmiers, auditionnés le 20 octobre 2011, qui évoquent le nombre important de passages dans les infirmeries scolaires : plus de 15 millions sont enregistrés chaque année dans le logiciel spécialisé SAGESSE qui équipe toutes les infirmeries. Les personnels infirmiers rencontrés par la mission parlementaire ont souvent souligné le nombre, parmi les personnes accueillies, de situations de souffrance le plus souvent psychologique qui impliquaient de leur part une écoute attentive. À cet égard, ils souhaitent, à juste titre, que les données statistiques issues des bilans annuels qu’ils produisent soient davantage exploitées par les services centraux du ministère de l’Éducation nationale afin de mieux rendre compte de cette mission d’écoute qu’ils assurent au service des élèves.

Pour leur part, les médecins de l’éducation nationale doivent recevoir les élèves à leur demande ou sur le signalement des enseignants pour un examen approprié . Dans ce cadre, la mission assignée au médecin est « d’assurer le suivi et l’accompagnement de l’élève, de l’orienter si nécessaire vers les structures de soins appropriées, et d’effectuer la liaison entre l’école, le service de soins et la famille » (28).

II. LA PARTICIPATION DE LA MÉDECINE SCOLAIRE
AUX POLITIQUES PUBLIQUES CONNEXES MENÉES
EN MILIEU SCOLAIRE

Dans le prolongement d’une vision globale de la santé des individus promue par l’Organisation mondiale de la santé, la médecine scolaire est amenée à participer à des politiques de prévention voulues par le législateur et qui comportent des actions en milieu scolaire.

La prévention en milieu scolaire est une notion qui englobe tout autant la prévention sanitaire que la prévention des maltraitances et des situations à risque ou la prévention des grossesses non désirées.

A. LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LE HANDICAP

Le souci du législateur de favoriser la scolarisation des enfants et adolescents handicapés s’est manifesté dès 1975.

La loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 consacre en effet son chapitre 1er aux enfants et aux adolescents. Disposant que les enfants et adolescents sont soumis à une « obligation éducative », cette loi prévoit que cette obligation est satisfaite par une éducation ordinaire, ou « à défaut, une éducation spéciale ». Dans ce dernier cas, une commission administrative, la Commission d’éducation spéciale, doit décider des mesures d’aménagement nécessaires et désigner l’établissement scolaire ou d’éducation spéciale dans lequel l’enfant ou l’adolescent peut être accueilli.

Constatant que les freins à l’intégration scolaire n’avaient pas été levés et que l’obligation éducative était encore trop fréquemment non effective (29), le législateur a révisé le principe d’obligation éducative pour en faire une obligation d’intégration scolaire en milieu ordinaire, par la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits, des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Les modalités de mise en œuvre de ces dispositions sont confiées à une commission, la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDA), placée sous l’égide de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) groupement d’intérêt public dont le conseil général assure la tutelle administrative et financière. Les CDA ont la charge de proposer à chaque enfant ou adolescent handicapé, à partir d’une évaluation des compétences et de ses besoins réalisée par une équipe pluridisciplinaire, un parcours de formation « qui fait l’objet d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS) assorti des ajustements nécessaires en favorisant, chaque fois que possible, la formation en milieu scolaire ordinaire » (30).

L’article 2 du décret n° 2005-1752 du 30 décembre 2005, relatif au parcours de formation des élèves présentant un handicap, précise que le PPS définit les modalités de déroulement de la scolarité et les actions pédagogiques, psychologiques, éducatives, sociales, médicales et paramédicales répondant aux besoins particuliers des élèves. Le ministère de l’Éducation nationale indique ainsi sur son site internet que « le PPS définit les modalités de déroulement de la scolarité en précisant :

– la qualité et la nature des accompagnements nécessaires, notamment thérapeutiques ou rééducatifs ;

– le recours à un auxiliaire de vie scolaire ;

– le recours à un matériel pédagogique adapté ;

– les aménagements pédagogiques. »

Des « équipes de suivi de la scolarisation » sont prévues par l’article 19 de la loi du 11 février 2005 pour assurer le suivi des décisions de la Commission des droits et de l’autonomie relatives aux PPS. Ces équipes comprennent « l’ensemble des personnes qui concourent à la mise en œuvre du projet personnalisé de scolarisation et en particulier le ou les enseignants qui ont en charge l’enfant ou l’adolescent ».

La coordination autour du PPS d’un élève handicapé de l’ensemble de ces intervenants est confié à un enseignant spécialisé, l’enseignant référent, qui est chargé d’assurer la continuité et la cohérence de la mise en œuvre du PPS (31). À cette fin, il est chargé de réunir l’équipe de suivi de scolarisation en tant que de besoin. Les enseignants référents exercent leurs missions sur des secteurs géographiques définis par l’inspecteur d’académie, comprenant des écoles et des établissements du second degré, et sont affectés à une école ou un établissement de ce secteur.

Ainsi, si l’instruction des projets personnalisés de scolarité prend formellement sa place au sein de la Maison départementale des personnes handicapées, sous la responsabilité de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, les personnels de l’éducation nationale se trouvent dans les faits étroitement associés à l’élaboration du dossier de PPS avant sa présentation devant la CDA, puis à la mise en œuvre du PPS une fois celui-ci validé par la CDA.

En aval de la décision d’attribution du PPS et en absence de saisine de la MDPH par les parents d’un élève, c’est le chef d’établissement, avec l’appui de la communauté éducative, de l’enseignant référent de secteur et du médecin scolaire, qui peut alerter les parents sur les difficultés de scolarisation d’un élève et suggérer l’instruction d’un dossier auprès de la MDPH (32). Lors de la phase de préparation du PPS par l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH, les personnels de santé scolaire sont à nouveau consultés sur la nature des difficultés de scolarisation rencontrées et les mesures de compensation nécessaires.

Le médecin scolaire de l’établissement où l’élève est inscrit se trouve en particulier interrogé, au titre de son expertise médicale, pour donner son évaluation du handicap dans le cadre scolaire. Cette expertise est d’autant plus importante que la nouvelle définition du handicap donnée par la loi du 11 février 2005 (33) facilite la prise en compte des handicaps d’origine psychique dont l’impact en milieu scolaire ne peut être évalué que par un expert médical ayant la connaissance de ce milieu. L’intervention du médecin scolaire dans la procédure de reconnaissance du handicap ne se substitue pas à celle du médecin traitant suivant l’élève ; leurs deux expertises se complètent au sein d’un dossier médical se composant matériellement de plusieurs volets (34).

Dans certains départements, les inspecteurs d’académie ont souhaité poursuivre la participation que les médecins scolaires assuraient au sein de l’ancienne commission d’éducation spéciale et les ont désignés comme représentants des services de l’État au sein des commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, pour faciliter l’instruction des dossiers des enfants et adolescents handicapés. Cette politique académique est justifiée par le souhait de garantir l’expertise de la médecine scolaire sur l’ensemble des dossiers d’élèves présentés et donc de favoriser un meilleur choix des mesures d’intégration décidées par la commission.

Sous ces différentes modalités, la participation du médecin scolaire à la politique de lutte contre le handicap s’inscrit dans le cadre de la mission essentielle qui lui est confiée à l’égard des élèves handicapés, par des textes plus anciens, notamment par la circulaire n° 2001-013 relative aux missions des médecins scolaires, laquelle précise :

« Le médecin participe au projet d’intégration conduit avec l’ensemble de l’équipe éducative, en liaison avec les partenaires extérieurs. Il lui appartient d’établir les dossiers médicaux et de participer aux commissions de l’éducation spéciale dont il peut être membre titulaire ou suppléant, nommé par le préfet. Il y apporte sa connaissance des besoins de l’enfant ou de l’adolescent handicapé et sa connaissance du système éducatif. Dans les projets d’intégration, il contribue à définir, à partir des déficiences et incapacités existantes, les besoins particuliers de l’élève, les conditions de réalisation de l’intégration et les aménagements à mettre en place au sein de l’école ou de l’établissement (35) ».

Pour sa part, en application des textes datant également de 2001, l’infirmière scolaire participe également à l’intégration scolaire des personnes handicapées, notamment « par la mise en œuvre des soins, des aides techniques et des aménagements nécessaires (36) ».

B. LA PROTECTION DE L’ENFANCE EN DANGER

La protection de l’enfance en danger est une politique ancienne qui prend sa source à la fin du XIXe siècle avec la loi du 24 juillet 1889, qui, en créant la possibilité d’une déchéance judiciaire de la puissance paternelle, fonde la protection judiciaire de l’enfance face au pouvoir discrétionnaire du père. La loi du 19 avril 1898 sur la répression des violences, voie de faits et attentats commis contre les enfants prévoit de son côté, pour la première fois, des mesures autoritaires de placement.

En 1958 est opérée une distinction entre les mesures de protection administrative de l’enfance en danger, qui sont confiées au préfet, et la prise en charge judiciaire de l’enfance en danger, désignée sous les termes de mesures d’assistance éducative et confiée au juge des enfants. Les lois de décentralisation, qui ont organisé le transfert au département des attributions du préfet en matière de protection de l’enfance, ont modifié ce partage des tâches en attribuant également au département la mise en œuvre des mesures judiciaires. Enfin, la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance clarifie la distinction entre la notion d’informations préoccupantes, devant être transmises à une cellule départementale créée à cet effet, et celle de signalement, réservée aux transmissions à l’autorité judiciaire.

Au terme de cette évolution, la protection de l’enfance, qui selon les termes de l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles « a pour but de prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, d’accompagner les familles et d’assurer, le cas échéant, selon des modalités adaptées à leurs besoins, une prise en charge partielle ou totale des mineurs », assure :

– la protection judiciaire, par le moyen des signalements transmis au parquet, des « enfants maltraités », c’est-à-dire victimes de violences physiques ou psychologiques, d’abus sexuels, de négligences lourdes, ayant des conséquences graves sur leur développement physique et psychologique ;

– la protection administrative, par le moyen d’une procédure d’information préoccupante, des « enfants en risque », qui connaissent des conditions d’existence risquant de compromettre leur santé, leur sécurité, leur moralité, leur éducation ou leur entretien, sans pour autant être maltraités.

Lors de l’examen en 2007 du projet de loi réformant la protection de l’enfance, on estimait à 80 000 le nombre d’enfants en situation à risque et à 20 000 le nombre d’enfants maltraités signalés chaque année (37).

L’exercice professionnel des médecins de l’éducation nationale les place, plus que tous autres, en situation de détecter les signes de mauvais traitement à l’occasion de l’examen clinique d’un enfant. Bien qu’il soit soumis au secret professionnel, le médecin est autorisé par l’article L. 226-14 du code pénal à porter à la connaissance du procureur de la République « les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises ». Lorsque la victime est mineure, son accord n’est pas nécessaire. L’article 44 du code de déontologie médicale fait de cette information un devoir professionnel (38).

À cette fin, l’article L. 542-2 du code de l’éducation précise que les examens réguliers tout au long de la scolarité mentionnés à l’article L. 541-1 du même code « ont notamment pour objet de prévenir et de détecter les cas d’enfants maltraités ».

D’autre part, les médecins scolaires font partie des professionnels pour lesquels l’article L. 542-1 du code de l’éducation prévoit une formation spécifique à la protection de l’enfance en danger.

Enfin, l’article L. 542-3 du même code prévoit qu’au moins une séance annuelle d’information sur l’enfance maltraitée, notamment sur les violences intrafamiliales à caractère sexuel, est programmée dans les écoles, les collèges et les lycées.

Les circulaires ministérielles du 12 janvier 2011 relatives aux missions des personnels de santé de l’éducation nationale insistent sur la complémentarité du rôle de ces personnels dans la détection et le signalement des enfants en situation de danger. Dans le cadre d’un travail en réseau, fondé sur le signalement d’un enfant par les personnels de l’établissement, le médecin de l’éducation nationale est amené à faire une évaluation de la situation vécue par l’enfant. La circulaire n° 2001-013 du 12 janvier ajoute qu’« il relève de [l]a compétence [du médecin scolaire] de délivrer un certificat médical décrivant avec objectivité les lésions organiques ou les troubles psychologiques induits par la maltraitance ; s’il constate que la santé ou le développement de l’enfant est compromis ou menacé, et sans préjuger des compétences et de la saisine des autorités judiciaires, il en rend compte sans délai aux services départementaux compétents et/ou au procureur, selon les modalités définies en liaison avec l’autorité judiciaire et les services de l’État dans le département ».

La circulaire n° 2001-014 du même jour insiste sur les particularités de la mission de protection que les infirmier(ière)s de l’éducation nationale exercent au sein de l’institution à l’égard des élèves en situation de vulnérabilité. Dans le prolongement des obligations que leur imposent leurs règles professionnelles (39), ces personnels infirmiers contribuent au « cadre de sécurité [que l’école apporte] face aux violences et aux carences de certains adultes qui les entourent ». Dans ce but, l’infirmier(ère) « doit aider les enseignants à repérer les élèves en situation de risque ou de danger, et mettre en œuvre toutes les mesures pour assurer la protection des élèves ».

Les rapporteurs ont constaté que, dans certaines académies, comme celle de Montpellier par exemple, visitée par la mission parlementaire, les rectorats ont mis en place une cellule chargée de centraliser les fiches de signalement judiciaire ou d’informations préoccupantes envoyées par les établissements, et de les transmettre au procureur ou au service du Conseil général, pour améliorer le fonctionnement du dispositif.

C. LA PRÉVENTION DES GROSSESSES NON DÉSIRÉES

Le souhait de limiter le recours des personnes mineures à une interruption volontaire de grossesse a conduit les pouvoirs publics à développer une politique spécifique de prévention des grossesses non désirées.

Suite à l’annulation par le Conseil d’État le 30 juin 2000 des dispositions du protocole national du 6 janvier 2000 sur l’organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements d’enseignement public locaux, autorisant les infirmières scolaires à prescrire et à délivrer aux adolescentes, en cas d’urgence, le contraceptif dénommé Norlevo, une proposition de loi relative à la contraception d’urgence a été déposée par Mme Danielle Bousquet, députée, le 13 novembre 2000.

Mis sur le marché en avril 1999, le Norlevo est une pilule contraceptive qui empêche l’implantation de l’œuf fécondé dans l’utérus. Ce procédé ne doit pas être confondu avec les formules abortives dont l’action intervient une fois la nidification de l’œuf réalisée. Le contraceptif, actif au cours des soixante-douze heures suivant un rapport sexuel non protégé, est efficace à 99 % dans la prévention de la grossesse s’il est pris dans les vingt-quatre premières heures. L’efficacité est encore de 85-95 % après les soixante-douze heures puis décroît très rapidement. À la différence du second contraceptif d’urgence disponible à cette époque, le Tétragymon, le Norvelo ne présentait aucune contre-indication médicale.

En annulant la circulaire du ministre de l’Éducation nationale du 29 décembre 1999, la Haute juridiction avait estimé que le ministre avait méconnu les dispositions la loi dite Neuwirth du 28 décembre 1967 relative à la régulation des naissances, qui imposaient que les contraceptifs hormonaux soient délivrés en pharmacie sur prescription médicale, alors même que l’Agence française sanitaire des produits de santé avait autorisé d’emblée la commercialisation du Norlevo sans ordonnance.

La proposition de loi précitée avait pour objet de compléter l’article L. 5134-1 du code de la santé publique disposant que les contraceptifs hormonaux ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale, en ajoutant un premier alinéa qui déroge à cette règle pour la « pilule du lendemain » dans le but de donner une base légale à la vente libre d’un contraceptif d’urgence.

Afin de lutter contre le nombre trop élevés de grossesses précoces, estimé à près de 10 000 par an, dont 6 700 donnaient lieu à une interruption volontaire de grossesse, la proposition de loi autorisait également les infirmières scolaires à délivrer aux mineures une contraception d’urgence. Au cours de la discussion parlementaire, plusieurs aménagements du texte ont été adoptés pour faire du dispositif législatif un dispositif d’urgence utilisé en dernier recours. Le texte du dernier alinéa de l’article 1er de la loi du 13 décembre 2000 relative à la contraception d’urgence dispose ainsi que : « Dans les établissements d’enseignement du second degré, si un médecin ou un centre de planification ou d’éducation familiale n’est pas immédiatement accessible, les infirmières peuvent, à titre exceptionnel et en application d’un protocole national déterminé par décret, dans les cas d’urgence et de détresse caractérisée, administrer aux élèves mineures et majeures une contraception d’urgence. Elles s’assurent de l’accompagnement psychologique de l’élève et veillent à la mise en œuvre d’un suivi médical. »

Ce dispositif d’intervention a été complété par des dispositions visant à organiser l’information et l’éducation à la sexualité des élèves, sous la forme de trois séances annuelles dispensées par groupes d’âge homogène, prévues par l’article 22 de la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception qui insère une nouvelle section intitulée « L’éducation à la santé et à la sexualité » dans le code de l’éducation. Cet article 22 précise que l’organisation des séances peut associer les enseignants, les personnels de santé scolaires et des intervenants extérieurs.

Par ailleurs, la politique de prévention contre les grossesses non désirées a été récemment renforcée par le législateur, qui a autorisé, dans le cadre de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) (40), les infirmiers à renouveler eux-mêmes, pour une durée maximale de six mois, les prescriptions de médicaments contraceptifs oraux datant de moins d’un an, à l’exception des produits figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. Depuis la publication de l’arrêté du 24 mai 2010, cette possibilité est opérationnelle mais peu d’informations existent sur l’usage qui en est effectivement fait, y compris en milieu scolaire, où, de l’avis de certains commentateurs, la mesure trouverait un intérêt particulier.

III. LES MISSIONS DE LA MÉDECINE SCOLAIRE ATTRIBUÉES
PAR LE MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE

La contribution des personnels de santé aux missions éducatives de l’éducation nationale trouve un fondement législatif dans la loi n°89-486 du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation (41) qui dispose que les personnels de santé, en tant que membres de la communauté éducative, « concourent directement aux missions du service public de l’éducation et contribuent à assurer le fonctionnement des établissements et des services de l’éducation nationale », où ils assurent la protection sanitaire. L’article 49 de la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école précise que ces personnels jouent un rôle éducatif « en liaison avec les enseignants », qui prend plusieurs formes complémentaires.

Cette participation des personnels de santé, au titre de leur expertise médicale, revêt deux aspects : d’une part des interventions s’inscrivant dans la politique éducative mise en œuvre par l’institution scolaire, d’autre part des interventions mobilisant leur expertise médicale dans un cadre plus ponctuel.

A. LA CONTRIBUTION DE LA MÉDECINE SCOLAIRE À LA POLITIQUE ÉDUCATIVE DE L’ÉDUCATION NATIONALE

1. Participer à la mise en place des dispositifs adaptés pour
la scolarisation des élèves à besoins spécifiques

Les Plans d’accueil individualisé (PAI) sont des protocoles de prise en charge en milieu scolaire des enfants souffrant de troubles de santé. Introduits par la circulaire ministérielle du 22 juillet 1993 (42) relative à l’accueil individualisé des enfants malades, les PAI ainsi créés visaient à répondre à trois types de situations particulières d’accueil à l’école :

– d’enfants souffrant de troubles de santé nécessitant l’administration de médicaments pendant le temps scolaire (par exemple, pour le diabète) ou en urgence (crise d’asthme grave) ;

– d’enfants nécessitant un aménagement du milieu scolaire (par exemple, la restauration pour les enfants souffrant d’intolérance alimentaire) ;

– d’enfants nécessitant un aménagement du déroulement de la scolarité elle-même pour des raisons de santé.

La procédure d’accueil fixée par la circulaire ministérielle du 10 novembre 1999 indique que le projet d’accueil individualisé est établi, sous la responsabilité du chef d’établissement, à la demande des parents et à partir des besoins thérapeutiques précisés par l’ordonnance du médecin traitant. La circulaire n° 2003-135 du 8 septembre 2003 précise que le protocole est rédigé par le médecin scolaire (pour les élèves de plus de 6 ans) ou le médecin de PMI (pour les enfants à la maternelle) sur la base des informations apportées par le médecin traitant. Le modèle fourni en annexe de cette circulaire prévoit une ratification du PAI par l’ensemble de ces intervenants (43).

La loi du 11 février 2005 relative à la lutte contre le handicap n’a pas modifié cette procédure, qui s’est trouvée confirmée par un des décrets d’application de la loi (44).

2. Appuyer la dynamique des établissements d’enseignement en matière d’éducation à la santé

L’éducation à la santé trouve sa place au sein des missions du service de santé scolaire en France dès l’instruction générale du 12 juin 1969 sur le fonctionnement du service de santé, qui constitue, semble-t-il, la plus ancienne référence réglementaire de ces missions.

Toutefois, c’est avec la circulaire du 24 novembre 1998, intitulée Orientations pour l’éducation à la santé à l’école et au collège, que le souci d’organiser et de développer l’éducation à la santé s’intègre dans une approche théorique cohérente, mettant l’accent sur l’appropriation des connaissances, le développement de l’estime de soi, de l’autonomie et du sens de la responsabilité. Comme l’a souligné le Pr Maurice Tubiana, membre de l’Académie de médecine, devant la mission parlementaire, ces concepts se situent dans le droit prolongement de la définition globale de la santé adopté par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans sa charte constitutive du 22 juillet 1946 (45) et des concepts de promotion de la santé mis en avant par la charte adoptée à l’issue de la conférence d’Ottawa le 21 novembre 1986.

La Charte d’Ottawa définit la promotion de la santé comme un processus qui confère aux individus la capacité d’accéder à une meilleure maîtrise de leur propre santé et leur donne les moyens de l’améliorer. L’éducation à la santé, qui, selon la définition des spécialistes de santé publique, consiste à enseigner des comportements favorables à la santé, y est présentée comme une stratégie, parmi d’autres, de promotion de la santé.

La circulaire du 24 novembre 1998 entend consacrer le passage des approches hygiénistes anciennes, prescriptives et fondées sur l’édiction d’interdits, à une approche plus centrée sur les élèves, plus sensible au dialogue et au développement personnel des élèves. Le Pr Maurice Tubiana a évoqué, lors de son audition, le renversement de perspective dans lequel s’inscrivait cette nouvelle approche : dans les années 1970, l’éducation à la santé reposait essentiellement sur des prescriptions hygiénistes, la lutte contre les maladies infectieuses et leur transmission, ainsi que les vaccinations. Depuis 1970, l’axe majeur de l’éducation à la santé est la lutte contre les comportements nocifs, en développant la peur des conséquences de l’alcool, du tabac, du cannabis et des relations sexuelles non protégées. Mais lorsque l’on fait un bilan de cette politique de prévention, on s’aperçoit, selon le Pr Maurice Tubiana, qu’elle a été un insuccès quasi total, du fait de sa logique prohibitionniste (46). Il est essentiel, aux yeux du Pr Maurice Tubiana, de comprendre que l’éducation à la santé ne peut se limiter à transmettre un savoir et que l’enjeu réel de cette éducation est d’inculquer à l’enfant le désir d’agir, d’accepter les normes et de se les donner à lui-même.

La circulaire du 24 novembre 1998 réaffirme ainsi la place de l’éducation à la santé, non seulement dans les enseignements, mais aussi à travers l’ensemble des activités éducatives : « À l’opposé d’un conditionnement, l’éducation à la santé vise à aider chaque jeune à s’approprier progressivement les moyens d’opérer des choix, d’adopter des comportements responsables, pour lui-même comme vis-à-vis d’autrui et de l’environnementNi simple discours sur la santé, ni seulement apport d’informations », elle a pour objectif le développement de compétences différenciées à chaque âge. « Composante d’une éducation globale, l’éducation à la santé ne constitue pas une nouvelle discipline : elle se développe à travers les enseignements et la vie scolaire. Tous les personnels membres de la communauté éducative y prennent part, individuellement et collectivement, chacun selon la spécificité de ses missions ».

S’agissant des personnels de santé – médecins, infirmier(e)s – et des personnels du service social, la circulaire souligne leur rôle essentiel en indiquant que « leurs compétences particulières en font des acteurs privilégiés en matière d’éducation à la santé ». Les circulaires ministérielles nos 2001-013 et 2001-014 du 12 janvier 2001 relatives aux missions des médecins et infirmiers de l’éducation nationale, qui attribuent à ces personnels, la mission de « développer une dynamique d’éducation à la santé », décrivent dans des termes identiques les modalités de cette contribution. Celle-ci réside dans :

– « la participation à l’élaboration du projet santé de l’école ou de l’établissement » ;

– « la participation à la mise en place des rencontres éducatives pour la santé » ;

– « la coordination [que le professionnel de santé] est appelé à assurer avec les autres partenaires institutionnels et les intervenants extérieurs » ;

– « l’évaluation des actions de promotion et d’éducation à la santé ».

Par ailleurs, la multiplicité des intervenants associés aux actions collectives d’éducation à la santé (enseignants, personnels de santé et opérateurs extérieurs) met en relief le rôle essentiel du pilotage confié au Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) au sein de l’architecture définie par la circulaire du 24 novembre 1998. Introduit dans les établissements d’enseignement du secondaire par voie de circulaire, en date du 1er juillet 1998, dans le prolongement des comités d’environnement social créés en 1990, les CESC voient leur rôle d’organe de pilotage des projets d’établissement reconnu par le décret n° 2005-1145 du 9 septembre 2005. Associant, sous la présidence du chef d’établissement, des représentants des personnels de l’éducation nationale (dont les personnels de santé, l’infirmière ou le médecin scolaire), des parents et des élèves, le CESC se voit confirmé, par l’article 20 du décret précité (47), dans ses quatre missions fondamentales :

– contribuer à l’éducation à la citoyenneté ;

– préparer le plan de prévention de la violence ;

– proposer des actions pour aider les parents en difficulté et lutter contre l’exclusion ;

– définir un programme d’éducation à la santé et à la sexualité et de prévention des comportements à risques.

D’un point de vue quantitatif, la circulaire du 24 novembre 1998 fixait comme objectif aux établissements que les actions collectives d’éducation à la santé touchent l’ensemble des élèves du collège « pour un horaire moyen indicatif de 30 à 40 heures au total pour les quatre années de collège».

Le dispositif général organisé par la circulaire de 1998 est complété par des dispositions visant certaines thématiques relevant du champ de l’éducation à la santé mais sur lesquels le législateur et le ministre de l’Éducation nationale ont souhaité mettre l’accent.

L’article 22 de la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception prescrit qu’« une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogène », dans le prolongement de la circulaire dite Fontanet du 23 juillet 1973, qui distinguait l’information, à caractère scientifique et hygiénique, et l’éducation, comme éveil à la responsabilité, et celui de la circulaire du 19 novembre 1998 qui associait aux objectifs antérieurs la prévention du SIDA.

Ce dispositif de prévention par l’information a été renforcé dans le cadre de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique qui prescrit la délivrance de séances d’information dans les collèges et les lycées, données par groupe d’âge homogène, portant sur :

– « les conséquences de la consommation d’alcool par les femmes enceintes sur le développement du fœtus, notamment les atteintes du système nerveux central », à raison d’au moins une séance annuelle ;

– « les conséquences de la consommation de drogues sur la santé, notamment concernant les effets neuropsychiques et comportementaux du cannabis », à raison d’au moins une séance annuelle.

Une proposition de loi a été déposée le 24 octobre 2007 par l’un de vos rapporteurs (48) pour renforcer ce dispositif de prévention par l’information en y ajoutant une séance d’information sur les troubles de l’audition, considérant que la fréquence et la précocité des atteintes de l’audition dont sont aujourd’hui victimes les jeunes (49) vient du fait de leur exposition à des niveaux sonores élevés.

De plus, l’article 48 de la loi du 9 août 2004 prescrit qu’un cours d’apprentissage sur les premiers gestes de secours doit être dispensé dans les écoles.

Enfin, le ministre de l’Éducation nationale définit chaque année plusieurs thèmes devant être abordés de manière prioritaire en matière d’éducation à la santé dans le cadre de la circulaire dite de rentrée adressée aux établissements d’enseignement. Pour 2011, les thèmes prioritaires choisis par le ministre de l’Éducation nationale dans sa circulaire du 5 mai 2011 sont les suivants :

– l’hygiène de vie, l’éducation nutritionnelle et la promotion des activités physiques ;

– l’éducation à la sexualité, l’accès à la contraception, la prévention des IST et du sida ;

– la prévention des conduites addictives et la lutte contre les jeux dangereux ;

– la prévention du mal-être ;

– la formation aux premiers secours.

3. Contribuer à la formation des personnels de l’Éducation
nationale en matière de santé

Les circulaires du 12 janvier 2011 relatives aux missions des médecins et des infirmier(ière)s de l’éducation nationale ouvrent la possibilité à ces professionnels de santé de participer à la formation initiale et continue de l’ensemble des personnels de l’éducation nationale dans le domaine sanitaire, plus particulièrement à un niveau organisationnel, où leurs connaissances spécifiques peuvent les conduire à valider ou à adapter le contenu des formations destinées aux personnels de l’éducation nationale, en fonction des objectifs propres à la santé scolaire.

B. LES AUTRES MISSIONS CONFIÉES PAR L’ÉDUCATION NATIONALE

1. Intervenir en urgence lors d’événements graves

Les modalités d’organisation des soins et des urgences dans les établissements publics d’enseignement relèvent de la compétence et de la responsabilité du chef d’établissement en vertu de l’article R. 541-5 du code de l’éducation.

Le ministère de l’Éducation nationale a diffusé par voie de circulaire en date du 29 décembre 1999 un protocole national sur l’organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements scolaires, qui vise à préciser les modalités des premiers secours dans l’établissement. La circulaire indique qu’il revient au directeur d’école ou au chef d’établissement de mettre en place une organisation qui réponde au mieux aux besoins des élèves et des personnels de son école ou de son établissement et qu’il s’appuie à cette fin sur l’avis technique des infirmières et des médecins de l’éducation nationale. Le protocole ajoute qu’en l’absence d’un personnel de santé, « les soins et les urgences, à l’exception de la contraception d’urgence, sont assurés par les personnels titulaires, soit de l’attestation de formation aux premiers secours (AFPS), soit du certificat de sauvetage secourisme du travail (SST) ». À défaut, le protocole fait état des modalités d’appel au Samu (15) par tout adulte de la communauté éducative face à une situation d’urgence.

Un lieu de soin est déterminé dans l’école et comporte une liste de produits et matériels nécessaires à assurer les soins. Son aménagement doit permettre le respect des règles élémentaires d’hygiène et de sécurité. Il doit en particulier comporter une armoire à pharmacie fermant à clé et accessible à tout adulte de l’école.

Cette organisation est inscrite au règlement intérieur et portée à la connaissance des élèves et des familles qui reçoivent une fiche d’urgence, non confidentielle, à renseigner chaque année.

Interrogée par vos rapporteurs sur ce sujet, la Direction générale de l’enseignement scolaire au ministère de l’Éducation nationale a déclaré qu’un nouveau protocole est en cours d’actualisation avec la Direction générale de la santé pour tenir compte des évolutions législatives et réglementaires dans ce domaine.

Les médecins et les infirmier(ière)s de l’éducation nationale assurent également, sur le fondement des circulaires ministérielles du 12 janvier 2001 des missions spécifiques en cas de survenance d’un événement grave dans l’établissement scolaire, tel que le décès d’un élève par exemple.

Les médecins de l’éducation nationale apportent un soutien psychologique et une assistance immédiate aux victimes ou témoins d’événements traumatisants survenus chez un élève ou un groupe d’élèves. Ils contribuent notamment aux cellules d’écoute et de crise mises en place sous l’autorité du chef d’établissement et apportent leurs conseils.

L’action des médecins de l’éducation nationale vise également les adultes encadrant les enfants témoins de l’événement afin de les guider dans la conduite à tenir face à des réactions imprévues. La circulaire n° 2001-013 indique que « les médecins apportent aux adultes témoins de comportements particuliers d’élèves, ou dépositaires de révélations, leur compétence pour les aider à trouver une remédiation cohérente et appropriée. »

La circulaire n° 2011-013 mentionne enfin la nécessité d’assurer un suivi des conséquences de l’événement, avec l’équipe éducative, au plan individuel et collectif.

Pour leur part, les infirmier(ière)s de l’éducation nationale ont pour mission d’assurer une assistance immédiate aux victimes ou témoins des événements traumatisants survenus et collaborent, sous la responsabilité du directeur d’école ou du chef d’établissement, à la mise en place de cellules d’écoute ou de crise.

Afin de décharger les médecins de secteur de cette mission nécessitant des compétences spécifiques, plusieurs inspections académiques, en particulier celle des Hauts-de-Seine et de Haute-Savoie, ont confié ces interventions à des « cellules d’accompagnement et d’écoute » constituées de plusieurs équipes pluridisciplinaires, chacune étant formée d’un médecin scolaire, d’un psychologue et d’un personnel enseignant.

L’institution des équipes d’intervention a amené ces inspections académiques à formaliser un protocole d’intervention précisant le rôle et les responsabilités du chef d’établissement et de l’équipe éducative locale lors de la venue de ces personnes extérieures à l’établissement. Une fois qu’elles ont été mises en place par l’inspecteur d’académie, ces équipes procèdent à l’évaluation de la situation et désignent en leur sein un coordinateur qui est l’interlocuteur du chef d’établissement, Elles organisent avec l’accord de celui-ci des groupes de parole avec l’équipe éducative et les élèves. Ces groupes de parole ont pour objet de permettre aux élèves de verbaliser l’événement, et au vu des réactions émotionnelles immédiates, de proposer éventuellement une écoute individuelle dans le cadre d’une prise en charge ultérieure par un professionnel de santé.

2. Certifier l’aptitude des élèves de l’enseignement technique à l’utilisation de machines professionnelles

La circulaire du 12 janvier 2001 relative aux missions des médecins scolaires confie à ces médecins la surveillance médicale particulière prévue par le code du travail pour les élèves des filières de formation technologiques ou professionnelles exposés à des risques spécifiques du fait de l’utilisation d’objets ou de machines professionnels.

L’article D. 4153-41 du code du travail conditionne en effet la formation des élèves préparant un diplôme de l’enseignement technologique ou professionnel à une surveillance médicale renforcée, dès lors qu’ils sont conduits à utiliser dans le cadre de leur formation des équipements de travail dont l’usage est habituellement proscrit pour les travailleurs de moins de 18 ans mais autorisé sur dérogation.

L’article D. 4153-43 du même code précise que cette dérogation est accordée par l’inspection du travail, « après avis favorable du médecin du travail ou du médecin chargé de la surveillance des élèves » et autorisation du professeur ou du moniteur d’atelier.

En vertu de cette réglementation, la circulaire du 12 janvier 2001 confie au médecin de l’éducation nationale la charge d’effectuer les examens médicaux et de délivrer des certificats d’aptitude au travail sur machines dangereuses pour les élèves de moins de dix-huit ans concernés. Elle indique que le médecin de l’éducation nationale est aussi amené à délivrer les certificats d’aptitude demandés pour les élèves appelés à faire des stages en entreprise.

IV. DES MISSIONS TROP NOMBREUSES ET TROP DISPARATES ?

Dans le prolongement des constats de la Cour des comptes, la mission parlementaire s’est interrogée sur le fait de savoir si le nombre des politiques publiques au titre desquelles les personnels de santé de l’éducation nationale sont aujourd’hui sollicités n’a pas conduit à définir des missions trop nombreuses et trop disparates.

Si d’un point de vue administratif, l’origine très diverse des décisions qui sont à la source des obligations professionnelles dévolues aux médecins et infirmières de l’éducation nationale forge l’idée d’une multiplication anarchique des tâches qui leur sont attribuées, les personnels concernés, pour leur part, mettent en avant les spécificités de l’exercice médical en milieu scolaire que ces missions, une fois rassemblées, conduisent à définir.

A. UN CADRE D’EMPLOI PEU RATIONNEL

Il faut tout d’abord remarquer que les missions confiées par le législateur à la médecine scolaire le sont souvent « dans le silence du texte de loi », ce explique en partie l’absence de visibilité dont font état les professionnels de santé scolaire quant à leurs tâches.

Cette particularité, présente dès l’ordonnance du 18 octobre 1945 (50), se retrouve dans les récents textes de loi, en particulier la loi du 11 février 2005 relative à la lutte contre le handicap et, de manière plus surprenante, la loi du 5 mars 2007 qui prescrit la réalisation de nouveaux bilans de santé aux âges de 6, 9 et 12 ans.

Si l’on comprend bien que le Législateur a voulu ainsi laisser au Gouvernement le choix des moyens les plus appropriés pour atteindre les objectifs fixés par la loi, c’est non sans raisons que les médecins scolaires ont le sentiment que certaines tâches sont arrivées par défaut dans leur escarcelle, faute d’un dispositif sanitaire plus approprié.

Les syndicats de médecins scolaires soulignent ainsi à juste titre que la participation de la médecine scolaire au nouveau dispositif de scolarisation des enfants handicapés à l’école issu de la loi du 11 février 2005, ne prend appui sur aucun texte, malgré la lourdeur de la charge que représente l’instruction de certains dossiers, hormis le paragraphe correspondant de la circulaire ministérielle n° 2001-013 du 12 janvier 2001 qui est bien antérieure à cette évolution législative.

Bien que cette circulaire n° 2001-013 relative aux missions des médecins de l’éducation nationale demeure, dix ans après sa publication, un document de référence définissant le cadre des emplois de médecins scolaires dans l’éducation nationale, il faut bien constater que les textes réglementaires édictés par le ministère de l’Éducation nationale semblent toujours vouloir laisser subsister une marge d’appréciation sur le contenu exact des tâches attribuées aux personnels de santé scolaire, au détriment d’une identification précise du rôle de ces derniers dans les procédures mises en place dans l’institution. Si cette marge d’appréciation est toujours utilisée de manière positive par les personnels de santé lorsqu’ils s’investissent sur le dossier d’un élève nécessitant une attention particulière, il apparaît que cette imprécision est un obstacle réel à l’élaboration d’une vision d’ensemble des missions de la médecine scolaire dans la perspective d’une rationalisation et d’une réorganisation de ces missions. Les statistiques produites par le ministère de l’Éducation nationale à partir des comptes rendus d’activité adressés par les rectorats montrent une forte variabilité géographique des indicateurs utilisés – dans la réalisation des bilans de santé à 6 ans, en matière de signalement d’enfants en danger ou de délivrance de la contraception d’urgence, par exemple – reflet de pratiques médicales différentes mais aussi de lectures divergentes des directives ministérielles.

B. UN EXERCICE MÉDICAL À PART ENTIÈRE

Il convient de souligner qu’aux yeux d’un certain nombre de médecins scolaires, et en particulier de leurs organisations syndicales représentatives (51), leurs missions, aussi diverses soient-elles, sont autant d’aspects d’un exercice médical particulier, caractérisé par la complémentarité de l’expertise médicale et de la connaissance du milieu scolaire dans lequel évolue l’enfant.

La médecine scolaire occupe effectivement une place singulière parmi les médecines de prévention, en raison des compétences médicales variées que cet exercice médical requiert et qui sont du ressort :

– de la médecine générale, pour la pratique des examens cliniques ;

– de la pédiatrie, pour ce qui concerne les connaissances sur le développement de l’enfant auxquelles l’interprétation des signes cliniques fait appel ;

– de la neuropédiatrie, pour la détection des troubles du langage et de l’apprentissage ;

– de la médecine du travail, pour ce qui concerne la vérification de l’aptitude des élèves au travail sur des machines professionnelles.

Aussi vos rapporteurs estiment-ils que, comme le soulignent les organisations syndicales de médecins, la médecine scolaire continuera de pouvoir susciter des vocations parmi les jeunes médecins, grâce aux spécificités de l’exercice médical qui lui est attaché, dès lors que l’obstacle lié aux conditions de rémunération pourra être levé. À cet égard, il convient de remarquer que les jeunes médecins affichent une nette préférence pour un exercice de la médecine salarié, moins de 10 % d’entre eux optant pour un exercice libéral à l’issue de leurs études (52) contre plus de 50 % pour l’ensemble des médecins (53).

C. UNE RATIONALISATION DES TÂCHES ATTRIBUÉES À LA MÉDECINE SCOLAIRE QUI DEMEURE POSSIBLE

Sans doute faut-il mettre sur le compte d’un intérêt professionnel souvent passionné, l’absence de propositions concertées émanant des personnels concernés lorsque la question de la rationalisation des tâches attribuées à la médecine scolaire est soulevée.

Sans être abandonnées, certaines tâches actuellement prises en charge à titre exclusif par les médecins de l’éducation nationale pourraient être déléguées à d’autres praticiens de la médecine ambulatoire, à l’image de ce qui est déjà pratiqué depuis 1992 pour les dispenses d’épreuve d’éducation physique et sportive. Dans ce cas particulier, un décret en date du 29 septembre 1962 confiait la responsabilité de certifier l’inaptitude d’un élève à passer une épreuve d’éducation physique et sportive aux « médecins de la santé publique concourant à l’exercice des tâches médico-scolaires ». Cette modalité a été abrogée par le décret n° 92-109 du 30 janvier 1992, qui autorise l’octroi de cette dispense sur simple certificat médical.

De même, les demandes d’aménagement des conditions d’examen nécessaires aux candidats handicapés sont-elles examinées par les médecins désignés à cet effet par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, en vertu de l’article 4 du décret n° 2005-1617 du 21 décembre 2005. Lorsqu’ils sont saisis, ces médecins communiquent des avis, dans lesquels ils proposent des aménagements, à l’autorité administrative compétente, qui décide des aménagements accordés et notifie sa décision au candidat.

Dans le même esprit, on peut observer que les fonctions s’apparentant à la médecine du travail que les médecins conseillers techniques placés auprès des recteurs exerçaient au titre de leur mission d’animation de la médecine de prévention des personnels (54) à l’égard des personnels enseignants victimes de problèmes de santé, sont progressivement prises en charge par des médecins de prévention recrutés à cet effet par le ministère de l’Éducation nationale (55) .

Encore faut-il que les médecins se substituant ainsi aux médecins scolaires dans l’exécution de certaines tâches, ne soient pas employés dans des conditions nettement plus avantageuses que ces derniers, comme c’est notamment le cas pour les médecins de travail recrutés par le ministère de l’Éducation nationale dans un statut de médecins contractuels basé sur le grille conventionnelle du Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise (CISME), laquelle sert de référence pour le recrutement des médecins du travail dans plusieurs ministères.

Nonobstant cette réserve, on peut considérer que chaque fois qu’un médecin scolaire est appelé à émettre un avis médical sur le dossier d’un élève dans le cadre d’une procédure administrative sans que cela puisse s’inscrire dans la perspective d’un suivi médical au sein de l’institution scolaire, la question de l’opportunité d’un recours à des avis médicaux extérieurs doit être étudiée.

Une telle approche conduirait non pas à remettre en cause les missions existantes mais à mieux circonscrire le périmètre de ces missions confiées à la médecine scolaire seule, afin d’en alléger la charge sur les personnels.

Cette première approche ne doit pas exclure cependant une démarche d’évaluation plus approfondie dans le champ des missions de prévention sanitaire en milieu scolaire, qui doit pouvoir être réaménagé en considérant le bénéfice sanitaire attendu pour chaque action.

DEUXIÈME PARTIE – LA DIFFICULTÉ DE LA MÉDECINE SCOLAIRE À ATTEINDRE LES OBJECTIFS
QUI LUI SONT FIXÉS

L’évaluation de la médecine scolaire soulève un problème difficile, mais fréquent pour les personnels de l’État contribuant à plusieurs missions : comment évaluer l’action de personnels spécialisés dans leur contribution à la mise en œuvre des différentes politiques auxquels ils participent, autrement que par un bilan d’activité descriptif ?

Pour les personnels de médecine scolaire, le problème a surgi au moment de la mise en place en 2006 du pilotage budgétaire par la performance, introduit par la nouvelle loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001, lorsqu’un indicateur d’activité – le taux de réalisation des bilans de santé à 6 ans – a été retenu comme le principal indicateur de performance du service de santé scolaire.

On ne peut que regretter sur le plan théorique les effets pervers d’une focalisation abusive sur un indicateur d’activité unique, qui rend au demeurant imparfaitement compte de l’ensemble des missions d’un service.

La mission parlementaire a pu aussi constater au cours de ses auditions et de ses rencontres sur le terrain, que si l’indicateur choisi dans le cadre de la LOLF était devenu, de l’aveu des acteurs eux-mêmes (56), un élément central du pilotage national et rectoral de la médecine scolaire – ce qui sur le plan des principes budgétaires peut être considéré positivement –, il est devenu pour les personnels de santé scolaire le symbole de la non-reconnaissance par leur employeur de l’étendue de leurs activités et de la diversité de leurs missions, cristallisant les antagonismes sur une problématique importante certes, mais non unique, de la médecine scolaire. Aux yeux des rapporteurs, ce qui doit avant tout prévaloir c’est la mission de suivi sanitaire des élèves en milieu scolaire, les modalités de ce suivi étant une question seconde par rapport à cet objectif premier.

Au surplus, restreindre le champ du suivi des performances « budgétaires » à un seul indicateur d’activité peut être préjudiciable à terme aux capacités d’adaptation du service concerné, puisqu’il laisse dans l’ombre me dimension essentielle de l’évaluation des politiques publiques : la mesure de l’impact final des actions mises en œuvre, tant en termes sanitaires qu’au regard notamment des enjeux de la lutte contre le handicap et les grossesses non désirées, de la protection de l’enfance en danger et plus généralement de la politique éducative.

Il convenait donc dans le cadre de la mission d’évaluation décidée par le Comité d’évaluation et de contrôle d’approfondir la question de l’évaluation de l’impact. Le Comité a sollicité à cette fin l’assistance de la Cour des comptes pour les aspects centraux relatifs à l’organisation de la médecine scolaire et de sa mission de prévention sanitaire. Pour les autres volets, la mission parlementaire a pu s’appuyer sur plusieurs rapports d’évaluation récents, d’origine parlementaire, ou établis sous la responsabilité de la Cour des comptes et des inspections générales des affaires sociales ou de l’éducation nationale. Il s’agit principalement :

– en ce qui concerne la protection de l’enfance, du rapport thématique de la Cour des comptes sur ce sujet rendu public en octobre 2009 ;

– en ce qui concerne la lutte contre le handicap, du rapport de M. Paul Blanc, sénateur, sur la scolarisation des enfants handicapés, remis en mai 2011 au Président de la République ;

– en ce qui concerne la lutte contre les grossesses non désirées, du rapport d’information de Mme Bérengère Poletti, députée, sur la contraception des mineures, en date du 17 mai 2011 (57), ainsi que du rapport d’évaluation de cette même politique préparé par l’inspection générale des affaires sociales et rendu public en octobre 2009 (58) ;

– en ce qui concerne l’éducation à la santé, le rapport du Pr Maurice Tubiana sur l’éducation à la santé à l’école, adopté par l’Académie de médecine le 30 mars 2010, ainsi que le rapport d’évaluation plus ancien portant sur le même sujet, rendu conjointement par trois corps d’inspection générale en janvier 2004 (59) .

Ces contributions ont été complétées dans le domaine de la prévention sanitaire par l’audition d’un certain nombre de spécialistes de la santé des enfants et des adolescents, en particulier le Pr Maurice Tubiana, membre de l’Académie de médecine, le Pr Danièle Sommelet, Mme Anne-Marie Choquet, épidémiologiste, ainsi que, pour ce qui est des données épidémiologiques, Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques au ministère des affaires sociales.

L’ensemble de ces travaux, et plus particulièrement les investigations réalisées par la Cour des comptes, font ressortir, de manière transversale aux politiques publiques considérées, la permanence des difficultés éprouvées par le ministère de l’Éducation nationale, dans le cadre du pilotage du dispositif de médecine scolaire, à parvenir à une articulation satisfaisante de ces politiques. En l’absence d’orientations claires, les structures académiques anciennes, fondées sur l’attribution d’un secteur géographique propre à chaque médecin scolaire, à l’intérieur duquel celui-ci doit assumer toutes les missions, perdurent, alors même que, comme le souligne le rapport remis par la Cour, un aussi grand nombre de missions ne peuvent manifestement pas être assumées par un interlocuteur unique, et laisse place à une simple gestion par degré d’urgence qui décourage les personnels.

I. L’ANALYSE DU FONCTIONNEMENT DU DISPOSITIF
DE MÉDECINE SCOLAIRE A FAIT APPARAÎTRE
DES DIFFICULTÉS STRUCTURELLES

A. UN PILOTAGE PEU AFFIRMÉ ET TENDANT À LA DILUTION DES ENJEUX SANITAIRES AU SEIN DE LA POLITIQUE ÉDUCATIVE CONDUITE PAR L’INSTITUTION

1. Reposant sur une définition ambiguë de la santé en milieu scolaire, la capacité d’entraînement de l’administration centrale du ministère de l’Éducation nationale est faible

a) Les incertitudes sur le contenu de la mission de promotion de la santé confiée au ministère de l’Éducation nationale

Si la notion de promotion de la santé a inspiré la décision de rattacher au ministère de l’Éducation nationale les attributions du service de santé scolaire, la France ne s’est en définitive pas véritablement ralliée à la doctrine sanitaire de l’OMS, qui distingue depuis la Charte d’Ottawa de 1986, la promotion de la santé, d’une part, confiée à la collectivité dans son ensemble, et la prévention à caractère plus médicalisé, d’autre part. Dans la perspective de la charte d’Ottawa, la promotion de la santé consisterait à encourager les particuliers et les collectivités à faire des choix de modes de vie sains, tandis que la prévention, entendue au sens strict, viserait plutôt à prévenir les maladies.

Les orientations finalement retenues officiellement par la France ont privilégié une approche mixte, avec une conception extensive de la prévention, incluant le champ reconnu par l’OMS à la promotion de la santé. Comme le soulignait en 2002 un rapport du Sénat relatif au projet de loi sur le droit des malades (60), ce n’est qu’avec ce texte qu’une définition de la prévention est entrée dans le droit positif, par l’introduction de l’article L. 1417-1 du code de la santé publique indiquant que l’objet de la politique de prévention est « d’améliorer l’état de santé de la population en évitant l’apparition, le développement ou l’aggravation des maladies ou accidents et en favorisant les comportements individuels et collectifs pouvant contribuer à réduire le risque de maladie ou d’accident ».

Mal acceptée par la doctrine sanitaire française, la mission de promotion de la santé confiée en 1984 au ministère de l’Éducation nationale a disparu des attributions reconnues à ce dernier ou à ses directions d’administration centrale et se trouve reléguée dans les documents budgétaires destinés au Parlement au rang d’un objectif définissant le rôle des personnels de santé scolaire du sein du ministère (61).

Si, parmi les attributions de la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), figurent un grand nombre d’éléments nécessaires à la promotion de la santé, cette dernière ne compte pas au nombre des missions officiellement attribuées à la DGESCO par le décret n° 2006-572 du 17 mai 2006, lequel n’évoque que de manière plus large « la politique en matière de vie scolaire, de prévention et d’action sanitaire et sociale en faveur des élèves ».

La dilution de la mission de promotion de la santé est également sensible dans les compétences énumérées par le socle commun des connaissances et compétences (62) qui décrit les compétences qu’un élève doit maîtriser à l’issue de la scolarité obligatoire, en application de la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école. Ces compétences sont regroupées en sept « piliers », par le décret n° 2006-830 du 11 juillet 2006. Or une seule mention relative à la promotion de la santé peut être trouvée dans une ligne du pilier 6 du socle commun, intitulé « Compétences sociales et civiques ». Celle-ci vise de manière très allusive le fait d’« être éduqué à la sexualité, à la santé et à la sécurité », illustrant « une conception [ancienne] basée sur les savoirs hygiénistes et de prévention » (63).

Les conséquences d’un tel effacement de la mission de promotion de la santé ont été analysées par la mission des inspections générales de l’administration de trois ministères dans un rapport d’évaluation du dispositif d’éducation à la santé rendu en janvier 2004 : « La mission constate donc une carence du pilotage national de la politique d’éducation à la santé caractérisée par la dilution du message ministériel, ainsi que par le manque d’outils et de moyens spécifiques permettant d’assurer la diffusion, le suivi et l’évaluation d’objectifs clairs. L’action de l’administration centrale produit peu d’effet d’entraînement ou de mobilisation des acteurs. L’éducation à la santé apparaît encore comme une mission secondaire qui n’est pas prise en compte dans le pilotage global du système éducatif. »(64). La mission parlementaire, qui a auditionné un des auteurs de ce rapport, Mme Annie Mamecier, inspectrice générale de l’éducation nationale, s’est entendu confirmer par celle-ci la persistance du constat établi par la mission des trois inspections générales.

b) La politique de santé scolaire se trouve trop souvent réduite au rôle d’une simple politique d’appui aux objectifs de l’éducation nationale en termes de réussite scolaire

Comme le souligne la Cour des comptes, la santé scolaire apparaît souvent pensée par le ministère de l’Éducation nationale avec une forte dimension éducative et intégrative, au prix d’un affaiblissement de sa perspective sanitaire.

Lors de ses auditions ou ses déplacements, la mission parlementaire a pu ainsi noter les signes de la permanence au sein de l’institution d’une vision spécifique à l’éducation nationale considérant la santé scolaire comme une politique d’appui à la politique éducative du ministère. Si chacun s’accorde à reconnaître qu’une bonne santé est une condition nécessaire à la réussite scolaire, la tentation est de rechercher la cohérence des interventions des personnels de santé au sein de l’institution dans une réduction du champ de la santé scolaire autour des troubles de santé susceptibles d’entraver la réussite scolaire : les troubles sensoriels (audition, vision), les troubles du langage et de l’apprentissage, les handicaps et les troubles du comportement.

La circulaire n° 2001-012 du 12 janvier 2001 relative aux orientations générales pour la politique de santé en faveur des élèves indique ainsi : « si les responsabilités institutionnelles vis-à-vis de la santé des jeunes n’incombent pas à la seule éducation nationale, celle-ci est concernée par le suivi de la santé des élèves dès lors que des problèmes de santé ou des carences de soins sont susceptibles d’engendrer des difficultés d’apprentissage ou de mettre les élèves en situation d’échec scolaire ». Cette vision de la santé scolaire réapparaît dans la présentation stratégique du projet annuel de performances 2011, au nom du responsable du programme 230 « Vie de l’élève », le directeur général de l’enseignement scolaire (65), qui décrit ainsi les objectifs de l’action santé scolaire : « Le second objectif du programme « Vie de l’élève » est de promouvoir la santé des élèves. La détection des problèmes de santé, qui peuvent rendre difficiles les apprentissages et l’insertion scolaires, doit intervenir dès le début de la scolarité obligatoire. C’est pourquoi l’obligation que la loi fixe à l’école de réaliser un bilan de santé dans la sixième année de l’élève doit concerner en priorité tous ceux des écoles du programme « écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite » (ECLAIR) dans cette tranche d’âge. »

Sans entrer directement en conflit avec les objectifs de la politique de santé en faveur des enfants et des adolescents, une telle vision laisse dans l’ombre plusieurs actions de santé publique conduites par les personnels de santé scolaire dès lors que celles-ci ne s’inscrivent pas dans le périmètre ainsi redéfini de la santé scolaire (66). Le médecin conseiller technique d’un recteur a fait ainsi remarquer à la mission parlementaire qu’il était amené à démontrer, pour chaque demande présentée pour des actions de formation continue à destination des personnels de santé du rectorat, « en quoi l’action de formation envisagée contribue à l’objectif général de réussite scolaire du rectorat ». L’ancienne responsable d’un syndicat de médecins scolaires résume son sentiment au terme d’une longue carrière professionnelle au service de la santé scolaire en indiquant que, au sein de l’institution, le risque est de mettre l’accent sur le rôle de la santé sur le parcours de l’élève en refusant de considérer l’enfant dans sa globalité . Cette analyse est partagée, au ministère chargé de la santé, par sa Direction générale de la santé, dans les éléments qu’elle a communiqués à la Cour des comptes lorsque celle-ci l’a interrogée. La DGS a alors fait valoir qu’il importait à ses yeux de resituer les objectifs de la médecine scolaire « dans une politique générale de santé publique, l’enfant – élève seulement une partie de son temps – étant considéré dans sa globalité ».

Ceci n’est pas sans conséquence sur le pilotage de politique de santé scolaire assurée par le ministère. Faute d’un investissement suffisant sur les questions de santé publique, le ministère de l’Éducation nationale semble souvent avoir acté des décisions prises par les pouvoirs publics sans avoir été en mesure de faire valoir les contraintes de gestion que ces décisions impliquaient pour le service de santé scolaire dont il a la charge, ni de transcrire les ambitions affichées par la politique sanitaire en objectifs organisationnels permettant d’y répondre de manière cohérente.

De plus, faute d’une expertise médicale reconnue, qui a valeur de légitimité professionnelle aux yeux des professions de santé, l’appareil administratif du ministère de l’Éducation nationale ne s’est pas trouvé en situation de coordonner et de fédérer l’action des personnels de santé autour d’objectifs sanitaires clairement déterminés. L’exemple du bilan de santé de 6 ans est emblématique de ces difficultés à définir le contenu et la nature infirmière ou médicale des actes réalisés. La mission parlementaire a pu ainsi constater que faute d’instructions médicales claires, la participation des personnels à la réalisation de ces bilans de santé continuait à faire l’objet d’interprétations divergentes des textes existants.

2. Le pilotage rectoral n’est pas non plus, sauf exception volontariste, organisé pour promouvoir la santé

Au niveau académique, si le rapport de la Cour a pu constater la présence de volet « santé » au sein des projets académiques, l’absence de structures rectorales dédiées au pilotage des actions de santé scolaire a un retentissement sur le fonctionnement de l’ensemble des activités de santé scolaire.

L’organisation académique repose en effet sur l’animation d’un « réseau de pairs » (non hiérarchisé) sur le territoire de l’académie par une cellule de personnels de santé, ayant le statut réglementaire de conseillers du recteur, faisant appel en tant que de besoin aux crédits de fonctionnement globalisés dont dispose le rectorat.

Cette organisation résulte en partie d’une réglementation statutaire qui fixe précisément le cadre d’exercice des attributions du médecin conseiller technique du recteur : « placé auprès du recteur d’académie,[il] conseille celui-ci sur toutes questions à caractère médical et sanitaire concernant les élèves et participe à la mise en œuvre des orientations nationales, à l’application de la politique sanitaire dans le ressort de l’académie ainsi qu’à la coordination et à l’évaluation des actions conduites dans le cadre des politiques sanitaires départementales » (67).

Les circulaires n° 2001-013 et 2001-014 du ministre de l’Éducation nationale, en date du 12 janvier 2001, affirmant la responsabilité du recteur dans la conduite de la politique de santé à l’école, confient dans des termes identiques aux médecins et aux infirmier(ère)s conseillers techniques du recteur la mission d’assister le recteur « dans l’élaboration, l’impulsion, la coordination, et l’évaluation de la politique académique en matière de santé. »

Les textes réglementaires font donc reposer la politique académique en matière de santé scolaire sur une organisation rectorale très concentrée autour de la personne du recteur, maître des tâches qu’il souhaite déléguer (68) à ses conseillers.

Une telle organisation n’est pas en soi un obstacle à la mise en œuvre de politiques académiques dynamiques, dès lors que la sensibilité des recteurs aux questions de santé les porte à identifier des enjeux particuliers dans ce domaine et à dégager les moyens humains et matériels nécessaires pour les réaliser. La mission parlementaire a ainsi pu relever tout l’intérêt de certains projets académiques présentés par les recteurs qu’elle a auditionnés ou qu’elle a rencontrés dans le cadre de ses déplacements.

Exposant les particularités de la politique de détection et d’aide à la prise en charge des troubles de l’apprentissage dans l’académie d’Aix-Marseille (voir paragraphe ci-dessous), M. Jean-Paul de Gaudemar, recteur de cette académie, a par exemple précisé que cette action avait conduit le rectorat à engager un programme de formation des médecins scolaires à la détection de ces troubles et à signer une convention avec le réseau de santé Resodys prévoyant la participation de ces médecins au réseau. De même, les rectorats de Montpellier et de Rouen ont contribué à la création d’un observatoire régional d’épidémiologie scolaire impliquant la commande d’études particulières ou la participation des personnels de santé scolaire aux enquêtes.

Un troisième exemple concerne la coordination des interventions des médecins et des infirmiers scolaires pour la réalisation du bilan à 6 ans dans le département de l’Hérault. Grâce à la diffusion d’un protocole d’intervention élaboré conjointement par les personnels médicaux et infirmiers, l’inspection académique de l’Hérault a vu le taux de réalisation du bilan de 6 ans progresser en 5 ans de 40 % à 90 % sur le département.

La mise en œuvre de ces politiques académiques doit également à l’implication personnelle des médecins conseillers techniques qui en ont assuré la promotion au sein de leur institution.

Toutefois la valeur d’exemplarité que présentent ces actions particulières ne doit pas masquer les difficultés pratiques que rencontrent le plus généralement les personnels de santé conseillers techniques pour développer une politique rectorale de santé.

Comme le relève M. Jean-Louis Michard, évoquant devant la mission parlementaire les difficultés auxquelles se heurte la politique d’éducation à la santé, les questions de santé faisant référence des représentations personnelles sur lesquels il est important de s’interroger, il est fréquemment nécessaire de former les responsables administratifs en poste à ces problématiques, et souvent cet investissement personnel est à réitérer lorsque les responsables sont remplacés.

Dans une logique de gestion globalisée des crédits de fonctionnement du rectorat, les médecins et infirmières conseillères doivent souvent convaincre les autres services de l’institution de la pertinence des actions qu’ils souhaitent développer pour obtenir les enveloppes de crédit nécessaires. Ces contraintes pèsent en particulier sur l’organisation d’actions de formation continue, domaine pour lequel elles sont ressenties comme une incompréhension des obligations particulières auxquelles sont soumis les personnels de santé en matière de formation continue (69). La formation continue est en effet érigée au rang d’obligation légale par l’article L. 4133-1 du code de la santé publique pour tous les médecins, quel que soit leur mode d’exercice, et ceux-ci peuvent devoir faire valider leurs actions de formation professionnelle continue (FMC) par l’Ordre des médecins. L’article L. 4133 du même code précise au surplus que les employeurs publics ou privés sont tenus de prendre les dispositions permettant de respecter leur obligation de développement professionnel continu.

B. UN DÉFICIT DE RESSOURCES HUMAINES RÉSULTANT
D’UNE INSUFFISANTE ATTRACTIVITÉ DES MÉTIERS PROPOSÉS

1. Une évolution difficile à discerner du fait des ruptures de séries statistiques

Si les statistiques communiquées à la mission parlementaire par le ministère de l’Éducation nationale et par le Conseil national de l’Ordre des médecins (70) témoignent qu’un reflux démographique touche désormais la profession des médecins scolaires, les chiffres transmis ne permettent pas d’établir avec précision l’ampleur du mouvement amorcé depuis 2006 :

– le ministère de l’Éducation nationale, qui décompte des postes de médecins scolaires en « équivalents temps plein travaillé » (ETPT), enregistrait 1 659 postes de médecins scolaires occupés à temps complet en 2006. Les statistiques n’en comptent plus que 1 491 aujourd’hui, soit une baisse de 10 %. Il est cependant difficile de rapprocher cette série des données existantes antérieures à 2006, du fait des incertitudes quant à l’impact du changement des méthodes de comptabilisation lié au passage en 2006 aux normes prescrites par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.

Évolution des emplois de médecins scolaires (titulaires et non titulaires)
inscrits au budget du ministère de l’Éducation nationale depuis 2001

 

2001

2002

2003

2004

2005

2006 (*)

2007

2008

2009

2010

2011

Médecins scolaires titulaires

1 286,0

1 313,0

1 330,0

1 330,0

1 332,0

1 228,50

1 297,50

1 319,50

1 323,50

1 322,50

1 322,50

Médecins vacataires

755,40

795,60

826,20

816,90

801,30

430,53

360,34

330,07

231,89

169,14

169,14

Total

2 041,40

2 108,60

2 156,20

2 146,90

2 133,30

1 659,03

1 657,84

1 649,57

1 555,39

1 491,64

1 491,64

Source : ministère de l’Éducation nationale, en équivalent temps plein travaillé (ETPT)

(*) : Le passage en 2006 à la présentation des crédits dans le format prescrit par la nouvelle loi organique relative aux lois de finances (LOLF) introduit une rupture statistique de la série, allant dans le sens d’une baisse des effectifs comptabilisés.

– le Conseil national de l’ordre des médecins a pour sa part enregistré une baisse des médecins inscrits au tableau de l’ordre avec la mention d’une pratique de la médecine scolaire. Le nombre de médecins déclarant une activité régulière de médecin scolaire était de 2 658 au 1er janvier 2006 ; ils n’étaient cependant plus que de 1 918 au 1er janvier 2011, soit une baisse de 30 %.

Le nombre de médecins scolaire recensés par l’ordre des médecins est supérieur au nombre du ministère de l’Éducation nationale pour deux raisons : il comptabilise sans distinguer si les personnes considérées travaillent, pour certaines d’entre elles, à temps partiel (71), et ne comptabilisent donc pas des postes en équivalent temps plein ; par ailleurs, il intègre la centaine de médecins scolaires opérant dans les services municipaux de santé scolaire.

S’agissant des emplois d’infirmier(ière)s scolaires, si l’on examine l’effet du passage aux normes de la LOLF sur le décompte du nombre, on constate que ce passage ne semble pas avoir eu d’impact apparent sur le nombre d’emploi de titulaires recensés, tandis que le nombre d’emplois de personnels vacataires est divisé par deux, à l’instar de la série des emplois de médecins scolaires vacataires.

Sur la base de ces observations, on peut supposer, en première approximation, que ce sont en réalité 272 postes équivalents temps plein de médecins scolaires qui ont été perdus depuis 2005, soit 16 % des effectifs de ce cadre d’emploi.

Si cette perte semble porter, en première apparence, sur les effectifs de médecins scolaires non-titulaires – qui passent de 801 équivalents temps plein (ETP) comptabilisés en 2005 à 169 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2011 –, c’est en réalité sur l’ensemble des deux catégories de personnels, médecins titulaires et vacataires, que la perte est constatée, les dernières mesures prises par le Gouvernement en 2006 (72) ayant permis la titularisation de 200 médecins vacataires sur un total de 228 médecins scolaires recrutés pendant cette période (73), ce qui induit en termes budgétaires le transfert d’emplois d’une catégorie vers l’autre sans réelle création de postes.

En ce qui concerne les emplois de personnels infirmiers scolaires, l’évolution des effectifs depuis 2001 montre une croissance régulière, liée au volontarisme des pouvoirs publics dans ce domaine – un plan de recrutement de 300 infirmier(ière)s scolaires a été décidé par le Gouvernement dans le cadre , de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005 – et à un nombre de candidats aux concours d’infirmier(ière)s de l’éducation nationale nettement supérieur au nombre de postes ouverts.

Évolution des emplois de infirmier(ière)s scolaires (titulaires et non titulaires)
inscrits au budget du ministère d’éducation nationale depuis 2001

 

2001

2002

2003

2004

2005

2006 (*)

2007

2008

2009

2010

2011

Infirmiers(es) scolaires titulaires

5 914,0

6 066,0

6 277,0

6 274,0

6 274,0

6 421,0

6 712,0

7 003,0

7 309,0

7 545,0

7 545,0

Infirmières vacataires

287,50

303,80

303,80

303,80

303,80

167,53

155,69

155,69

 

 

 

Total

6 201,50

6 369,80

6 580,80

6 577,80

6 577,80

6 588,53

6 867,69

7 158,69

7 309,00

7 545,00

7 545,00

Source : ministère de l’Éducation nationale, en équivalent temps plein travaillé (ETPT)

(*) : Le passage en 2006 à la présentation des crédits dans le format prescrit par la LOLF) introduit une rupture statistique de la série allant dans le sens d’une baisse des effectifs comptabilisés.

Plus préoccupant encore, la baisse enregistrée des effectifs de médecins de l’éducation nationale semble malheureusement n’être que l’amorce d’une décrue démographique plus importante.

2. Des perspectives d’évolution préoccupantes

Les problèmes d’effectifs que connaît la médecine scolaire risquent d’être amplifiés par de nombreux départs à la retraite prévisibles.

Les médecins scolaires connaissent en particulier, comme les autres médecins, un vieillissement accéléré de leur pyramide démographique, que traduit l’augmentation très rapide de la moyenne d’âge de ces médecins entre 2006 et 2011 :

 

Nb. de médecins inscrits au tableau de l’ordre des médecins

En 2011

Moyenne d’âge
au 1er janvier 2006

Moyenne d’âge
au 1er janvier 2011

Population des médecins dans son ensemble

199 987

48,5 ans (74)

51,4 ans

Médecins scolaires

1 918

50 ans

53,5 ans

Médecins de PMI

2 264

Nd

52,3 ans

Médecins du travail

5 713

50,5 ans

53,9 ans

Source : Conseil national de l’Ordre des médecins

Ce phénomène est la conséquence de la structure actuelle de la démographie médicale française, marquée par l’entrée massive dans la profession médicale de personnes nées dans l’après-guerre (entre 1945 et 1960). La présence prédominante de cette classe d’âge donne sa forme à la pyramide des âges médicale, qui présente l’aspect d’une cloche dont le centre de gravité se déplace vers le haut au fur et à mesure que cette génération de professionnels de santé prend de l’âge.

Il est possible de rendre compte simplement de la déformation de la pyramide des âges médicale à partir du pourcentage de médecins en exercice âgés de plus de 50 ans. Alors que cette proportion devrait être de 50 % dans une pyramide des âges équilibrée (75), elle est déjà actuellement de 62 % parmi les 200 000 médecins exerçant en France, de 63 % pour les 93 400 médecins généralistes en exercice, et de 68  % pour les 2 264 médecins exerçant en protection maternelle et infantile (PMI), cette proportion atteignant 73 % pour les 1 918 médecins scolaires et 75 % pour les 5 713 médecins du travail recensés par le CNOM.

Ces données illustrent la situation particulière de certaines formes de médecine préventive, parmi lesquelles la médecine scolaire prend sa place, faisant apparaître un risque démographique majeur pour ces professions au fur et à mesure que les médecins âgés de plus de 50 ans, qui forment les trois quarts des effectifs actuels, partiront à la retraite dans les 15 ans à venir.

Dans le cas particulier de la médecine du travail, une estimation de ce risque démographique a été réalisée dans le cade d’une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) en 2009 (76). Les projections réalisées dans le cadre de cette étude font craindre un amoindrissement spectaculaire de cette discipline à l’horizon 2030, le nombre de médecins du travail en fonction pouvant baisser de 6 139 en 2005 à 2 353 en 2030, soit une réduction de 61 %. Le cas de la médecine scolaire se rapproche sensiblement de celui de la médecine du travail.

Un examen plus attentif des évolutions démographiques fait apparaître que, contrairement aux autres spécialités médicales, ces professions de médecine préventive n’ont pas tiré profit du desserrement de la contrainte démographique induit par le relèvement du numerus clausus limitant le nombre de médecins formés par les facultés de médecine chaque année. Alors que la majorité des spécialités médicales ont récemment enregistré un gonflement de leurs effectifs de première classe d’âge (allant de 35 à 40 ans), les professions de médecine préventive concernées conservent une pyramide des âges à base étroite qui hypothèque leur avenir.

PYRAMIDE DES AGES DE L’ENSEMBLE DES MÉDECINS, DES MÉDECINS GÉNÉRALISTES, DES MÉDECINS SCOLAIRES, DES MÉDECINS DE PMI ET DES MÉDECINS DU TRAVAIL

Source : Conseil national de l’ordre des médecins, 2011

L’origine du phénomène est identifiée dans le cas de la médecine du travail : celle-ci est devenue une spécialité médicale délaissée par les étudiants de médecine de sixième année lors de leur choix de spécialité. En 2009, sur 105 spécialisations en médecine du travail proposées à l’issue des épreuves nationales classantes (77), seuls 63 postes ont été pourvus, dont 12 sur les 20 offerts en Île-de-France.

Ces données montrent que, bien qu’ils soient en partie communs à la profession médicale dans son ensemble, les problèmes démographiques auxquels est confrontée la médecine scolaire s’inscrivent dans un cadre plus spécifique, commun à plusieurs médecines préventives, et d’une absence de capacité à assurer le renouvellement des personnels.

Ces perspectives font craindre un effondrement des effectifs de médecins scolaires dans les dix années à venir si aucune mesure n’est prise.

En ce qui concerne les infirmier(ière) scolaires, le ministère de l’éducation nationale a indiqué que ses projections démographiques donnent également à prévoir un grand nombre de départs à la retraite dans les dix prochaines années, impliquant 2 900 personnes sur un effectif total de 7 500 infirmier(ière)s. Le ministère a toutefois précisé que les nouveaux recrutements, de l’ordre de 300 chaque année, permettent jusqu’à maintenant de compenser globalement les départs annuels. (78)

3. Le manque de candidats intéressés par les métiers de la santé scolaire

Le rapport remis par la Cour des comptes souligne la difficulté rencontrée par le ministère de l’Éducation nationale pour recruter de nouveaux médecins titulaires :

RECRUTEMENT DES MÉDECINS DE L’ÉDUCATION NATIONALE

Année

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Postes offerts

97

63

28

42

105

100

100

49

40

Candidats inscrits

Np

Np

Np

107

418

275

147

58

55

Candidats présents

Np

Np

Np

91

347

188

101

45

45

Postes pourvus

91

55

28

34

105

68

54

28

35

Rendement des concours

98,8 %

87,3 %

100 %

80,9 %

100 %

68 %

54 %

57 %

88 %

Source : rapport remis par la Cour des comptes au CEC, p. 60

Il y a malheureusement lieu de craindre que la vision que ce tableau donne du potentiel de recrutement de médecins scolaires ne soit encore trop optimiste.

Comme indiqué supra, les recrutements opérés au cours des dernières années concernent, pour 90 %, des médecins qui intervenaient déjà en milieu scolaire dans le cadre d’un contrat de vacation et qui pour cette raison ne peuvent être considérés comme une véritable entrée dans la profession.

Les chiffres établis par le Conseil national de l’ordre des médecins montrent une décroissance préoccupante du nombre de médecins scolaires entrant annuellement dans la profession :

NOUVEAUX MÉDECINS SCOLAIRES INSCRITS AU TABLEAU DE L’ORDRE DES MÉDECINS

Source : Conseil national de l’ordre des médecins, 2011

Les données recueillies par le CNOM à propos des médecins travaillant dans des services de protection maternelle et infantile, qui sont rémunérés sur la base de la même grille indiciaire que les médecins scolaires, montre une décroissance inscrite sur une longue période de même nature.

NOUVEAUX MÉDECINS DE PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE INSCRITS AU TABLEAU DE L’ORDRE DES MÉDECINS

Source : Conseil national de l’ordre des médecins, 2011

Ces considérations factuelles démontrent un mouvement de déclin sur le long terme de ces deux professions de médecine préventive, qui n’arrivent plus aujourd’hui à puiser dans le vivier des médecins généralistes qui fut leur principale source de recrutement.

4. Des déséquilibres géographiques qui vont en s’accentuant

Le Conseil national de l’ordre des médecins a fait réaliser une carte de la densité régionale en médecins scolaires rapportée au nombre d’élèves (nombre de médecins pour 15 000 élèves) faisant apparaître les variations géographiques de la densité en médecins scolaires, autour d’une moyenne de 2,3 médecins scolaires pour 15 000 élèves. Cette carte, qui vise à mettre en relation sur un simple plan quantitatif l’offre et les besoins sanitaires, montre que les régions rurales marquées par l’existence de ce qu’il est convenu d’appeler des « déserts médicaux », sont celles où la densité en médecins scolaires est la plus faible.

DENSITÉS DÉPARTEMENTALES DES MÉDECINS SCOLAIRES

Une telle vision ne recoupe pas exactement l’analyse présentée par le ministère de l’Éducation nationale sur la base des postes de médecins scolaires déclarés vacants, qui se fonde sur une autre approche, ne tenant pas compte directement des besoins en termes de nombre d’enfants, mais de postes budgétaires à pourvoir. Faisant l’inventaire par académie des postes déclarés vacants en 2010 (au nombre de 123, France entière), le rapport de la Cour des comptes montre que deux tiers de ces postes se concentrent dans 6 académies seulement, fortement déficitaires, qui se situent toutes dans le nord de la France.

Il s’agit des académies de :

– Créteil, où 24 postes sont vacants ;

– Versailles, où 18 postes sont vacants ;

– Rouen, où 15 postes sont vacants ;

– Amiens, où 9 postes sont vacants ;

– Reims, où 9 postes sont vacants ;

– Lille, où 7 postes sont vacants.

5. Une insuffisance d’attractivité qui tient à une pluralité de facteurs

Les sombres perspectives auxquelles est confrontée la profession de médecin scolaire font de l’attractivité de la carrière de ces médecins un enjeu de premier plan.

Dans ce domaine, si la question de la rémunération a son importance, un regard sur la situation de la médecine du travail, qui connaît une situation encore plus dégradée malgré des salaires mensuels supérieurs de plus de 1000 euros, montre l’importance de facteurs connexes tels que la reconnaissance professionnelle, les conditions de travail, les possibilités de mobilité professionnelle et l’accès à des postes de responsabilités.

En ce qui concerne les infirmier(ière)s de l’éducation nationale, si le nombre de candidats qui se sont présentés aux derniers concours de recrutement permet tout le moment d’équilibrer le , cette situation risque de ne pas perdurer si la carrière d’infirmier(ière)s scolaires n’est pas revalorisée à l’image de ce qui a été consenti pour les infirmier(ière)s travaillant dans les établissements hospitaliers.

a) Des conditions de rémunérations plus défavorables que celles des corps de la fonction publique comparables

Rattachés aux corps communs de médecins de santé publique (MSP) jusqu’en 1991, les médecins scolaires ont vu leur différentiel négatif de rémunération avec le corps des médecins inspecteurs de santé publique, dont ils partageaient jusqu’alors les conditions statuaires, s’accroître du fait de revalorisations indiciaires moins favorables. Un différentiel mensuel d’environ 400 euros est aujourd’hui observé dès le premier échelon.

Par rapport aux médecins territoriaux qui partagent la même grille indiciaire, les médecins scolaires observent qu’ils bénéficient d’une progression moins rapide dans les échelons. De plus, le passage au grade de médecin de première classe, une fois l’intéressé parvenu à l’échelon terminal de la deuxième classe, est limité par un plafond d’effectif portant sur le nombre de médecins première classe, fixé à 11 % de l’effectif du corps, alors qu’il n’existe pas de limitations semblables pour les médecins territoriaux.

Ces différentiels, qui prennent de l’ampleur au fur et à mesure de la progression dans la carrière, contribuent à établir parmi les médecins scolaires le sentiment d’être moins bien rémunérés à niveau de recrutement équivalent, et, partant, de bénéficier d’une reconnaissance sociale moindre que les autres médecins. Ce sentiment est alimenté par d’autres signaux provenant de différents horizons, qui ne sont pas tous d’ordre financier.

Pour leur part, les infirmier(ière)s de l’éducation nationale font valoir qu’à la suite de la réforme de la formation des infirmiers, les étudiants en soins infirmiers seront diplômés d’État au grade de la licence à partir de 2012 et accéderont, de ce fait, à la catégorie A. Pour les personnels infirmiers de la fonction publique hospitalière, un droit d’option pour passer de la catégorie B à la catégorie A, a été ouvert jusqu’au 31 mars 2011 par la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique (79). Les organisations syndicales des infirmier(ière)s de l’éducation nationale, auditionnées par la mission parlementaire le 18 octobre 2011 (80) réclament la mise en œuvre de mesures similaires dans le cadre du ministère de l’Éducation nationale, estimant que depuis le passage au 35 heures dans la fonction publique hospitalière, il n’existe plus de différences significatives en termes de durée annuelle de service entre les deux catégories de personnels infirmiers.

La dépense induite par le passage en catégorie A des infirmières de l’État, de l’éducation nationale et de la défense, soit environ 17 000 personnes dont 7 500 infirmier(ère)s scolaires, a été évaluée par un rapport établi par deux inspections générales à 6,8 millions d’euros par an, au terme d’une période de transition de 5 ans (81).

Cette mesure de revalorisation a été considérée comme « inéluctable » par M. Jean-Michel Blanquer, directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’éducation nationale, lorsqu’il a été interrogé sur ce point par l’un de vos rapporteurs (82). M. Jean Marimbert, secrétaire général du ministère de l’éducation nationale, a indiqué le 15 novembre 2011 à la mission parlementaire que le ministère soutenait toujours très activement ce dossier sur le plan interministériel, afin de pouvoir continuer d’attirer dans le corps des infirmier(ière)s de l’éducation nationale des personnels en provenance de la fonction publique hospitalière, mais que, la revalorisation de la carrière des infirmier(ière)s de la fonction publique d’État ne concernant pas seulement les personnels de l’éducation nationale, cette demande posait des difficultés qualifiées de « techniques » par le ministère de la fonction publique.

b) Une reconnaissance sociale qui n’est pas à la hauteur des enjeux sanitaires auxquels les personnels de santé scolaires sont confrontés

Aux yeux des personnels de médecine scolaire, la reconnaissance de leur profession doit porter autant sur une carrière professionnelle mieux organisée, que sur une amélioration des conditions matérielles d’exercice et sur une reconnaissance des spécificités de leur exercice.

Organisée autour de postes de médecin scolaire de secteur et n’offrant qu’un accès limité aux postes de médecin conseiller technique – qui représentent moins de 10 % des effectifs du corps –, la carrière de médecin scolaire n’offre pas suffisamment de postes diversifiés pour attirer des jeunes médecins, qui, même s’ils sont intéressés par l’exercice salarié de la médecine, pourraient redouter d’être « enfermés » dans un exercice médical particulier pendant toute leur vie professionnelle. De plus, la situation actuelle de la médecine scolaire peut décourager les vocations, car comme le remarquait, un peu rudement, un médecin scolaire rencontré par la mission parlementaire, « on entre d’autant moins dans une carrière de la fonction publique que celle-ci paraît étroite et sinistrée ».

Plus profondément, la question de la reconnaissance de la qualification professionnelle des médecins scolaire fait débat depuis longtemps. En 1998, Mme Josianne Carvalho, qui fut responsable de la formation initiale des médecins scolaires pendant de nombreuses années, écrivait : « une qualification pour ce métier, dont la spécificité est désormais prouvée, ne peut que favoriser l’émergence d’une identité professionnelle lisible à l’extérieur et par ce fait, valorisante pour le corps professionnel. Cette qualification couronnerait l’effort de formation et d’appropriation du nouveau métier. Or à ce jour, l’obtention de la qualification en santé publique reste presque exceptionnelle pour les médecins de l’éducation nationale. La délivrance d’un diplôme identique à celui des médecins inspecteurs à l’issue de leur formation à l’ENSP, option médecine scolaire, par exemple (ou promotion de la santé des enfants et des adolescents), voire la création d’un diplôme universitaire spécifique que les plus volontaires pourraient souhaiter passer, serait perçue positivement, aussi bien par les médecins qui débutent, que par les plus anciens » (83).

Malgré les sacrifices consentis par un certain nombre de médecins scolaires pour suivre, souvent à leurs frais, des formations diplômantes s’inscrivant dans une perspective professionnelle (acquisition de la spécialité santé publique, ou d’un diplôme spécialisé dans le domaine des troubles du langage et de l’apprentissage), cette question n’a toujours pas reçu de réponse positive de la part de l’administration de l’éducation nationale.

En ce qui concerne la formation des personnels infirmiers, ceux-ci bénéficient à l’issue du concours d’entrée d’un « stage d’adaptation à l’emploi », organisé par les rectorats, dont la durée est variable mais souvent de courte durée, ne dépassant pas sept jours. De fait, comme a déjà pu le souligner l’un de vos rapporteurs dans un précédent avis budgétaire (84), ces personnels ne bénéficient pas de la part des rectorats d’une formation spécifique suffisante aux problématiques de la santé scolaire, notamment dans la pratique des dépistages en milieu scolaire et de l’éducation à la santé, alors que, dans le même temps, la participation de ces personnels aux bilans de santé réalisés auprès des élèves est souhaitée par les rectorats.

II. L’EFFICACITÉ DE LA MÉDECINE SCOLAIRE EN MATIÈRE DE PRÉVENTION SANITAIRE EST ENTRAVÉE PAR LA COMPLEXITÉ
DE SON POSITIONNEMENT INSTITUTIONNEL

A. LA SANTÉ DE L’ENFANT : LA NÉCESSITÉ D’UN INDICATEUR SYNTHÉTIQUE MAIS QUI RESTE À CONCEVOIR

Le suivi épidémiologique et sanitaire des enfants est autant une question de mesure, celle de la fréquence et de la gravité des troubles de santé existants, que de choix des déterminants de santé à surveiller.

Ces difficultés témoignent des particularités de la médecine de l’enfant qui doit porter autant le regard sur les pathologies ayant une incidence immédiate sur la vie de l’enfant (cas de l’asthme et des allergies par exemple) que sur celles de nature à d’entraver son développement (cas des troubles visuels ou auditifs par exemple) et sur celles susceptibles de se développer dans un avenir plus lointain (à partir de comportements à risque ou addictif en premier lieu). Comme le souligne le Pr Danièle Sommelet (85), dans son rapport sur la santé de l’enfant et des adolescents  remis au ministre de la santé en 2007, « les enjeux de la santé de l’enfant et de l’adolescent ne sont plus ceux d’il y a 50 ans quand la morbidité et la mortalité pédiatriques étaient encore élevées, liées à des problèmes en grande partie résolus, notamment dans le domaine des maladies infectieuses et de certaines pathologies malformatives. Dans le monde actuel, l’enfant concentre, voire amplifie certaines conséquences liées à l’évolution du mode de vie ou de l’environnement écologique, économique ou social. Assurer la bonne santé de l’enfant, c’est prévenir le mal-être des jeunes, les pathologies de l’adulte, la surmortalité prématurée (avant 65 ans) (86)».

Ces considérations méthodologiques accroissent, dans le cas de la santé de l’enfant, la césure qui existe habituellement entre la production de données de santé, usuellement rassemblées par la Drees, et le traitement en vue de l’interprétation de ces données par les organismes spécialisés, en particulier au sein de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), qui a notamment publié en 2009 les résultats d’une expertise collective sur le sujet (87).

1. Le suivi de la santé de l’enfant a justifié la mise en œuvre de dispositifs ad hoc par les pouvoirs publics

Il convient tout d’abord de souligner l’importance des efforts consentis par les pouvoirs publics pour organiser un suivi de la santé des enfants et des adolescents dans un cadre scientifique rigoureux et cohérent. Ce suivi sanitaire s’appuie sur deux dispositifs principaux, coordonnés tous deux par la Drees qui y apporte son savoir-faire en matière de traitement des données statistiques médicales : les enquêtes épidémiologiques en milieu scolaire, d’une part, et les indicateurs relatifs aux 100 objectifs de santé publique dégagés par la loi de santé publique du 4 août 2004, d’autre part.

a) Les enquêtes épidémiologiques en milieu scolaire : un outil de connaissance de la santé de l’enfant sans équivalent.

En raison de leur mode de recueil et de l’importance des effectifs d’élèves interrogés, les enquêtes en milieu scolaire constituent un outil majeur de connaissance de la santé de l’enfant et de l’adolescent. La fiabilité de ces enquêtes est particulièrement précieuse car les enfants, à la différence des autres catégories de population suivies dans le cadre des enquêtes de santé publique ne sont pas en mesure de porter un regard objectivé sur leur propre état de santé.

À la différence des enquêtes menées par l’Irdes (enquête Santé et protection sociale), par l’Insee (enquête décennale santé) ou de l’enquête HBSC de l’Organisation mondiale de la santé (Health Behaviour in School-aged Children) qui s’appuient sur des données déclaratives, les enquêtes réalisées en milieu scolaire reposent sur un examen de santé, effectué par un médecin ou une infirmière de l’éducation nationale. Les données sont recueillies à partir du carnet de santé de l’enfant (vaccinations notamment), des mesures réalisées lors de cet examen (poids, taille) ou encore en interrogeant les parents (en grande section de maternelle) ou l’enfant lui-même (CM2, troisième).

De plus, les effectifs sur lesquels les enquêtes ont porté sont supérieurs à ceux des autres enquêtes de dimension nationale en France ou en Europe et offrent des niveaux d’analyse beaucoup plus fins pour un âge donné. Le champ des enquêtes en milieu scolaire comprend 8 000 élèves pour le niveau CM2, le même nombre en classe de troisième et 24 000 en grande section de maternelle, tandis que les effectifs de l’ensemble des moins de 15 ans étaient de 8 000 pour l’enquête décennale santé de 2002-2003 (Insee) et 4 000 pour les enquêtes Santé et protection sociale de l’Irdes et Handicap-santé 2008 (volet « ménages »). Pour l’enquête HBSC de l’OMS, 1 500 élèves de chacune des classes d’âge 11, 13 et 15 ans avaient été interrogés, soit 4 500 élèves par pays au total.

Les enquêtes en milieu scolaire sont commandées et réalisées sous la conduite de la Drees qui réalise en outre l’exploitation des bases et la publication des principaux résultats.

De 1985 à 1995, les enquêtes en milieu scolaire étaient biennales et ne concernaient que les élèves de grande section de maternelle. Elles se restreignaient au recueil d’informations sur les vaccinations rougeole-oreillons-rubéole (ROR), afin d’estimer la couverture vaccinale contre ces trois maladies et d’évaluer indirectement l’efficacité des campagnes de vaccination ayant suivi la mise sur le marché du vaccin trivalent. Un questionnement sur la vaccination antituberculeuse a été introduit en 1997.

À partir de 1999, la Drees a mis en place un cycle triennal d’enquêtes de santé en milieu scolaire avec une ouverture à d’autres problématiques de santé que celle de la vaccination. La population scolaire enquêtée s’est élargie à deux autres niveaux scolaires : les enfants des classes de CM2 et les adolescents des classes de troisième. L’enquête du cycle triennal est réalisée chaque année ; elle porte alternativement sur des échantillons d’élèves scolarisés en grande section de maternelle, en CM2 et en classe de troisième (générale, technologique, insertion ou Segpa).

En contrepartie, la périodicité de collecte pour une classe d’âge donnée est passée à trois ans. Ainsi les résultats de l’enquête réalisée parmi les enfants de grande section de maternelle 2008-2009, actuellement en cours de dépouillement, ne peuvent être confrontés qu’aux données issues de l’enquête 2005-2006 (exploitées dans les publications actuelles).

Ce système d’enquêtes annuelles a été appliqué entre 1999 et 2009. La Drees a annoncé sur son site internet que les enquêtes sont actuellement en cours de refonte. La principale caractéristique est que les enquêtes seront espacées de deux ans : les prochaines enquêtes auront ainsi lieu au cours de l’année scolaire 2012-2013 pour la grande section de maternelle, en 2014-2015 pour les enfants de CM2 et en 2016-2017 pour les classes de troisième.

Cela n’est pas sans susciter de sérieuses interrogations sur les données qui seront alors obtenues : un suivi épidémiologique satisfaisant est-il possible à l’aide de données récoltées tous les 6 ans pour un niveau scolaire donné (par exemple la grande section de maternelle) ? En ce qui concerne plus précisément les indicateurs de santé associés aux programmes de qualité et d’efficience (PQE) attachés au projet de loi de financement de la sécurité sociale, les évolutions de l’indicateur « taux de prévalence de l’obésité et du surpoids chez l’enfant », utilisé dans le cadre du PQE de la branche Assurance maladie, pourront-elles être suivies avec un degré de fiabilité suffisant pour renseigner annuellement le Parlement sur la performance de notre politique de santé ? Interrogée sur ce point, la directrice de la Drees, Mme Anne-Marie Brocas, a indiqué que cette révision serait réalisée en concertation avec les principaux organismes utilisateurs de données.

b) Les données collectées dans le cadre du suivi des objectifs de la loi de santé publique du 4 août 2004

La Drees coordonne également la collecte des données produites par différents organismes de santé (88) dans le cadre du rapport annuel de suivi des 100 objectifs associés à la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004.

Les 100 objectifs inscrits dans le rapport annexé à la loi de santé publique correspondent aux améliorations de l’état sanitaire attendues avec les connaissances et la technologie disponibles, soit en termes de santé (réduire la mortalité par cancer du sein, réduire la fréquence des complications du diabète, améliorer la qualité de vie des patients présentant une insuffisance rénale chronique,…), soit en termes de déterminants (réduire la consommation de tabac, réduire l’exposition aux polluants atmosphériques,…).

Des indicateurs pertinents permettant le suivi des objectifs associés à la loi ont été définis par un groupe d’experts en santé publique réunissant, sous l’égide de la Direction générale de la santé et de la Drees, les principaux producteurs de données et des experts de chacun des thèmes retenus par la loi.

L’état de santé de la population - Rapport 2009-2010 constitue le quatrième rapport de suivi des objectifs de la loi de santé publique, depuis la première édition en 2006. Ce rapport a permis de fournir les données nécessaires au Haut conseil de la santé publique (HCSP) pour l’évaluation de la loi de santé publique du 9 août 2004, qu’il a rendue publique en mars 2010. Cet ouvrage fournit en 2010 une vision d’ensemble de l’état de santé de la population en France. Pour cette édition, l’ouvrage s’est enrichi de deux dossiers thématiques dont un portant sur la santé des jeunes.

Six objectifs fixés par la loi de santé publique concernent directement la population des enfants et des adolescents. Le suivi de ces objectifs, dont trois sont directement en lien avec la médecine scolaire, repose sur des indicateurs qui renseignent sur l’évolution de la situation sanitaire des enfants. Il s’agit des objectifs suivants :

– lutte contre le rachitisme carentiel, carence en vitamine D (objectif 8 de la loi de santé publique) ;

– lutte contre le surpoids et l’obésité chez l’enfant (objectif 12) ;

– réduction de l’exposition des enfants au plomb (objectif 18) ;

– diminution de l’indice carieux des enfants âgés de 6 et 12 ans (objectif 91) ;

– réduction des accidents de la vie courante chez les enfants et les adolescents (objectif 93) ;

– lutte contre les traumatismes intentionnels dans l’enfance : définition d’actions de santé publique efficaces (objectif 95) ;

– amélioration du dépistage et de la prise en charge des troubles du langage oral et écrit (objectif 96).

Un autre groupe d’objectifs a été associé à des sous-indicateurs de suivi de la population infantile ou juvénile, qui complètent ainsi les données collectées sur la santé des jeunes. Il s’agit de :

– la lutte contre le tabagisme quotidien (objectif 3 de la loi de santé publique) dont un sous-indicateur fait référence à la prévalence du tabagisme quotidien chez les jeunes ;

– la lutte contre l’usage à risque ou nocif de l’alcool (objectif 2), dont un sous-indicateur fait référence aux prévalences de la consommation d’alcool et des ivresses régulières déclarées par les jeunes de 17 ans ;

– l’amélioration de la couverture vaccinale de la population (objectif 42) dont deux sous-indicateurs font référence à la couverture vaccinale des enfants âgés de 24 mois (89)et la couverture vaccinale des enfants âgés de 6 ans (90) ;

– la prévalence de l’asthme (objectif 74) dont un sous-indicateur fait référence à la proportion d’enfants hospitalisés pour asthme dans les 12 mois parmi les élèves asthmatiques de grande section de maternelle, de CM2 et de troisième ;

– la réduction de la fréquence des suicides (objectif 92).

L’ensemble de ces indicateurs constitue un instrument de suivi précieux de la situation sanitaire des enfants et des adolescents. Selon les informations recueillies auprès de la Drees, celle-ci entend continuer ce travail de coordination et de synthèse de données de santé, qui est très apprécié des organismes qui utilisent ces données.

Il convient aussi de noter à cet égard que les indicateurs de suivi des 100 objectifs de la loi de santé, un temps présentés en annexe aux projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), ont nourri les programmes de qualité et d’efficience (PQE) de l’Assurance maladie attachés aujourd’hui aux PLFSS.

2. Une batterie d’indicateurs de santé publique éprouvés, mais qui ne fournit pas une vision globale de la santé des jeunes

Les deux catégories d’indicateurs précitées correspondent à des visions complémentaires de la santé des enfants et des adolescents. Les enquêtes en milieu scolaire font principalement ressortir un besoin en soins, au départ centrés sur les troubles physiques (troubles de l’audition et de la vision) et étendus aux aspects cognitifs et psychologiques, tandis que les indicateurs liés aux objectifs définis par la loi de santé publique font davantage place aux déterminants de santé et aux menaces sérieuses sur celle-ci (hospitalisation pour asthme, suicides).

Les données épidémiologiques collectées n’ont cependant pas pour objet de contribuer à l’élaboration d’un indicateur synthétique qui permettrait de caractériser l’état de santé des enfants et de suivre son évolution dans le temps. Leur objet se limite à mesurer la fréquence, au sein de la population scolaire, de pathologies ou de déterminants de santé désignés par les pouvoirs publics comme des priorités de santé publique dans le domaine de la santé de l’enfant. Il faut de plus remarquer que la fréquence d’apparition des pathologies ou des déterminants de santé, désignée par la notion de prévalence, est bien mieux évaluée que leur incidence sur le développement des enfants concernés : on parle le plus souvent de troubles (de vision, d’audition, du comportement) ou de comportements à risque pour nommer les variables de santé les plus utilisées en matière de santé juvénile. Ainsi, comme le fait remarquer la Cour des comptes dans son rapport, il n’existe aujourd’hui pas de moyen d’évaluer l’impact du dispositif de médecine scolaire sur l’état de santé des enfants, du fait de l’absence d’un indicateur synthétique global permettant de caractériser la santé des enfants et des adolescents et d’en suivre les évolutions.

Une autre approche consiste en la comparaison des indicateurs sanitaires avec les valeurs mesurées dans les autres pays. S’appuyant sur les données internationales collectées par l’Organisation pour la coopération et le développement en Europe (OCDE), le Pr Maurice Tubiana (91) dresse, dans un rapport présenté devant l’Académie de médecine le 30 mars 2010, un constat sévère de la situation sanitaire française : « La santé physique des jeunes Français (0-18 ans) est globalement satisfaisante, mais la qualité de leur santé mentale et de leur insertion sociale devenue très inégalitaire est insuffisante. Dans le classement des 21 pays les plus industrialisés publié en 2007 par l’Unicef sur le bien-être des enfants (fondé sur six groupes de critères), la France n’occupait que la 16e place. […] Les jeunes Français sont parmi ceux qui sont les plus pessimistes quant à leur avenir et qui se sentent le moins intégrés dans une société qu’ils ressentent comme bloquée, car elle ne leur offre que peu de possibilités de promotion. Ils ont le sentiment que leur destin dépend des autres et non d’eux-mêmes. La France est, avec la Finlande, le pays de l’Union européenne où chez les hommes, la mortalité prématurée (entre 15 et 65 ans) est la plus élevée, ce qui est, pour l’essentiel, dû à un taux élevé de mortalité évitable (accidents, suicides, tabac, alcool) qui n’a d’égal ailleurs en Europe que dans certaines régions de l’ex-Allemagne de l’Est et le sud de l’Espagne. Malgré les progrès récents, les Français à 18 ans restent parmi ceux qui fument le plus, boivent le plus d’alcool, fument le plus de cannabis, consomment le plus d’antidépresseurs et de tranquillisants ainsi que de somnifères, se suicident le plus (entre 15 et 35 ans), deviennent le plus souvent HIV séropositifs et où les interruptions volontaires de grossesse sont parmi les plus fréquentes » (92). Devant la mission parlementaire, le Pr Maurice Tubiana a plaidé en conséquence pour le renforcement de la promotion de la santé à l’école, notamment à l’école élémentaire, où il importe de développer les compétences de vie.

S’il est pessimiste, le constat incontesté d’une spécificité française en matière de surmortalité juvénile, dont les racines plongeraient dans une attitude collective peu ouverte par certains aspects aux particularités du développement de l’enfant, conduit les rapporteurs à voir dans ce phénomène le premier indicateur qui devrait être retenu pour mesurer l’impact des actions de prévention sanitaire en faveur des enfants et des adolescents.

B. LES INTERROGATIONS SUR L’EFFICACITÉ DE LA MÉDECINE SCOLAIRE TIENNENT MOINS À LA BAISSE DU TAUX DE DÉPISTAGE QU’À L’INSERTION INSUFFISANTE DE SON ACTION AU SEIN DU SYSTÈME DE SANTÉ

1. Faute de référentiels sanitaires adaptés, la question des bilans systématiques de santé cristallise les interrogations

a) Le bilan de santé à 6 ans

Le bilan de santé à 6 ans a bénéficié à 470 000 enfants au cours de l’année scolaire 2008-2009 selon les dernières statistiques disponibles. Ceci correspond à 65 % des enfants de 6 ans scolarisés. Ce taux connaît une baisse régulière depuis 2003, année où il a atteint la valeur maximale de 88 %, bien qu’il ait été affiché comme une priorité par les pouvoirs publics depuis le lancement du programme quinquennal pour la santé des jeunes de 2003, lequel a fixé comme objectif un taux de réalisation de 100 % (93).

Cette valeur de 100 % a été reprise comme cible dans le cadre du pilotage budgétaire par les performances qui a choisi le taux de réalisation des bilans de 6 ans comme seul indicateur de performance associé à l’action « santé scolaire ».

La raison principale de cette baisse tient à l’alourdissement des tâches lié à l’intégration scolaire des enfants handicapés ou souffrant de troubles de santé. Comme l’expliquent les médecins scolaires rencontrés par la mission parlementaire, une priorisation spontanée et pragmatique des tâches s’impose aux personnels dès lors que l’avis médical peut bloquer l’avancement de certaines procédures nécessaires au déroulement de la scolarité de certains élèves. C’est le cas du certificat d’aptitude technique à l’utilisation de machines professionnelles ainsi que des projets d’accueil individualisé (PAI), établis en début d’année scolaire avec le concours des médecins scolaires.

Ces tâches sont en augmentation depuis dix ans. Les certificats pour l’utilisation des machines professionnelles qui étaient délivrés pour 200 000 élèves pendant l’année 2000-2001, en concernent aujourd’hui 240 000, selon les estimations du Syndicat national des médecins scolaires et universitaires (SNMSU) établies à partir d’une enquête couvrant un tiers de la population scolaire. En ce qui concerne les élèves bénéficiant d’un PAI, leur nombre n’a cessé d’augmenter au sein de la population scolaire, passant de 1,2 % de l’effectif scolaire en 2001-2002 à près de 2 % aujourd’hui. Dans cet ensemble, en 2008-2009, la part des nouveaux PAI reste importante, l’éducation nationale comptabilisant 83 000 nouveaux PAI sur un total de 186 000 PAI en vigueur. Enfin, le nombre d’élèves handicapés examinés par les médecins scolaires dans le cadre de dossiers de scolarisation a doublé pendant la même période, passant de 0,34 % à 0,6 % de l’effectif couvert par les médecins interrogés par le SNMSU.

Conséquence de l’alourdissement des tâches relatives à l’intégration scolaire des élèves, les bilans de santé systématiques sont déplacés vers la deuxième partie de l’année scolaire, au risque que la priorité affichée par les pouvoirs publics soit reléguée au rang de variable d’ajustement face à la multiplication des dossiers à traiter en priorité.

Cette priorisation de fait a été intégrée par les médecins conseillers techniques des recteurs, témoins de l’évolution de ces missions. Une note interne au rectorat de Montpellier suggère ainsi la priorisation suivante :

– élaboration des PAI et des PPS ;

– visites médicales dans le cadre des autorisations pour l’utilisation de machines professionnelles ;

– prise en compte des situations d’urgence (signalement d’enfants en danger, alertes sanitaires, dispositifs adaptés en cas d’événement grave survenant dans une école) ;

– examens médicaux à la demande des élèves, des parents ou des enseignants ;

– bilan médical à 6 ans ;

– conseils techniques aux chefs d’établissement.

Une telle liste illustre les doutes persistants des personnels de santé scolaire sur l’intérêt des dépistages systématiques, compte tenu des moyens dont ils disposent et des alternatives offertes par le repérage et les demandes spontanées d’examen.

Ce scepticisme n’est pas nouveau : en 1998, une contribution signée par le Pr Jean-Pierre Deschamps, illustre défenseur de la médecine scolaire, à un dossier de la revue Santé publique consacré à la santé scolaire, regrettait la priorité « quasi-obsessionnelle mise sur les examens systématiques » (94). Cette opinion était toutefois exprimée antérieurement au développement du dépistage des troubles du langage et de l’apprentissage, qui constitue probablement aujourd’hui un élément capital du bilan à 6 ans.

La cristallisation des difficultés de la médecine scolaire autour du bilan de santé des 6 ans met également au jour les problèmes complexes d’articulation des actes infirmiers et médicaux dans la réalisation de bilans systématiques.

Dans le souci d’améliorer les taux de réalisation de ces bilans, certains rectorats ont cherché à améliorer la coordination dans la réalisation des bilans infirmiers et des bilans médicaux par la mise en place de protocoles départementaux élaborés avec le concours des personnels des deux catégories de professions de santé. Cette stratégie ayant produit des résultats inégaux selon les académies, de fortes hétérogénéités sont aujourd’hui observées parmi les départements, dans le taux de réalisation des bilans de 6 ans, comme le souligne la DGESCO dans la réponse qu’elle a transmise à la mission parlementaire sur ce sujet : « Le taux de réalisation s’échelonne de 25 % à 90 % selon les académies. L’analyse de ces disparités et le dialogue de gestion avec les académies ont montré que la définition même du bilan de santé doit être précisée. En effet, certaines académies n’ont pris en compte que les « visites médicales » effectuées par des médecins de l’éducation nationale, alors que d’autres ayant mis en place des stratégies de travail en équipe entre médecins et infirmières, ont comptabilisé davantage d’élèves bénéficiaires. Il est prévu d’harmoniser progressivement les pratiques afin d’obtenir un taux de réalisation cohérent. »

b) Un suivi médical au mieux lacunaire au travers des bilans de santé systématiques prévus à 9, 12 et 15 ans

Par l’article 1er de la loi du 5 mars 2007, le Législateur a souhaité donner corps à l’idée d’un suivi médical pour tous les enfants et adolescents scolarisés grâce à la mise en place de bilans de santé réguliers.

Dès son adoption, cette disposition s’est heurtée au manque de moyens pour la mettre en œuvre, la médecine scolaire, la plus directement concernée, n’arrivant pas à maintenir les examens de santé qu’elle assurait en dehors du bilan de 6 ans. Alors que 70 % des élèves en classe de troisième bénéficiaient d’un bilan de santé dans les années 2000-2001 à 2002-2003, seulement 14 % des élèves de même niveau en bénéficient actuellement, selon une enquête réalisée par le SNMSU en 2010.

C’est pourquoi, dès la promulgation de la loi, le Directeur général de la santé (DGS) a saisi le Haut conseil de la santé publique (HCSP), par lettre du 19 avril 2007, sur la question de savoir quel devait être le contenu d’une visite obligatoire prévue à l’âge de 12 ans. Dans sa saisine, le DGS rappelait que la visite médicale obligatoire prévue pouvait être réalisée par un professionnel de santé au choix des parents, mais qu’elle devait en tout état de cause demeurer gratuite.

Dans son avis rendu le 18 juillet 2007, le HCSP mentionnait une expérimentation en cours dans trois départements, visant à proposer de manière systématique à tous les adolescents de 12 et 13 ans une consultation de prévention gratuite, par le moyen d’une information conjointe de l’éducation nationale et des caisses primaires d’assurance maladie. Sans se prononcer sur les résultats sanitaires de cette expérimentation, le HCSP soulignait le faible taux de participation à ces consultations de prévention, de l’ordre de 5 % de la population cible, et soulignait les inégalités résultant de ce choix d’organisation.

Le HCSP est revenu sur l’expérimentation de la consultation de prévention en direction des enfants de 12 et 13 ans et sur les conclusions qu’on pouvait en tirer, dans un rapport consacré aux consultations de prévention en mars 2009 (95). Rappelant dans une fiche spécifique les résultats d’une évaluation quantitative réalisée par l’Institut national de veille sanitaire (96), le HCSP a indiqué dans ses conclusions générales que « la réalisation des examens périodiques de prévention n’a d’intérêt que si une prise en charge d’aval et de proximité, à dimension principalement éducative est prévue » et que « dans la perspective d’une organisation renouvelée de la médecine de premier recours et d’une place reconnue à la prévention, il est indispensable de redéfinir les modalités d’intervention entre, d’une part, le médecin traitant, et d’autre part, des activités donnant lieu à des consultations à orientations principalement préventives ».

Si l’on suit le raisonnement du HCSP, le champ de la prévention, notamment en milieu scolaire, ne devrait donc pas être développé sans être pensé dans le cadre d’une organisation globale et d’une intervention mieux coordonnée des acteurs de santé.

2. La politique suivie par l’éducation nationale en matière de prévention de la santé des jeunes n’a pas véritablement tiré les conséquences de la régionalisation des enjeux de santé publique

Le rapport de la Cour des comptes, complété par les observations de la mission parlementaire lors de ses déplacements sur le terrain, a également montré la mobilisation insuffisante des rectorats dans l’exploitation des données de santé disponibles.

Or en raison du développement important des programmes locaux de santé et de la régionalisation du système de santé, la mise en place d’enquêtes épidémiologiques est indispensable aussi bien pour réaliser les états des lieux préalables aux actions, que pour améliorer les actions de prévention ou contribuer à leur évaluation.

Une étude de la Fédération nationale des observatoires régionaux de santé recensant les études épidémiologiques réalisées dans les régions en lien avec les objectifs du Programme national nutrition santé (PNNS) a ainsi montré qu’entre 2000 et 2008 une très faible minorité d’actions avaient été engagées à l’initiative des services déconcentrés du ministère de l’Éducation nationale (97).

Faute de disposer de données sur la santé des élèves ayant fait l’objet d’un traitement statistique approprié, les rectorats ne semblent pas en mesure de faire valoir auprès des services centraux les enjeux et les besoins sanitaires propres à leurs territoires. Comme le souligne le rapport remis par la Cour des comptes, les méthodes utilisées par la DGESCO (98) pour répartir les dotations en personnels de santé entre les académies demeurent sans lien direct avec les besoins de santé des élèves.

Ce constat global assez critique ne doit cependant pas masquer le caractère novateur des observatoires régionaux d’épidémiologie scolaires mis en place dans deux académies métropolitaines.

Il s’agit en l’espèce d’un outil mis en place par le rectorat et l’ancienne direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass) visant à mieux connaître les problèmes de santé présentés par la population scolarisée, grâce au déploiement d’enquêtes thématiques, et au suivi des actions mises en œuvre. Dès 1999, sur l’initiative d’un médecin scolaire conseiller technique, une convention tripartite a associé le rectorat de Montpellier, la Drass de Languedoc-Roussillon et l’Observatoire régional de santé de Languedoc-Roussillon pour la création d’un Observatoire régional d’épidémiologie scolaire (ORES) (99). La formule a été reprise par le rectorat de Rouen et la Drass de Haute-Normandie en 2006 pour la création d’un observatoire régional de santé scolaire en Haute-Normandie.

Le champ des travaux menés par ces deux observatoires comprend différents éléments, notamment :

– la construction d’une batterie d’indicateurs régionaux de santé de la population scolarisée, apportant des éléments pour la définition et le suivi des politiques de santé (100;

– la réalisation d’enquêtes sur des classes d’âge particulières (101;

– l’évaluation d’actions expérimentales d’éducation à la santé et la réalisation d’études thématiques particulières portant par exemple sur les consommations addictives ou les comportements à risques (102).

Cette préoccupation visant à la collecte, au traitement et à la synthèse de données de santé relative à la population en âge scolaire a également motivé la création d’observatoires locaux de santé des élèves par quelques communes françaises, dont certaines appartiennent au réseau français des villes santé de l’OMS (103).

De telles initiatives sont l’expression d’une conception dynamique de l’épidémiologie en milieu scolaire, qui savent dépasser l’exploitation des indicateurs existants pour conduire à la mise en place d’enquêtes ad hoc en fonction des objectifs fixés par les différents acteurs régionaux de santé publique commanditaires.

3. Dimension essentielle du dépistage, la question du recours aux soins repose sur le volontarisme des personnels

Lorsqu’un examen de dépistage est positif, un avis du médecin scolaire recommandant des examens complémentaires est communiqué à la famille. Il comporte un volet détachable, à retourner au service de santé scolaire pour informer les suites données par la famille à l’avis médical.

En 2002, un état des lieux réalisé pendant deux années scolaires, de septembre 1999 à juin 2001, a fait apparaître qu’un tiers seulement des avis médicaux étaient retournés par les familles au service de santé scolaire, accréditant l’idée qu’un grand nombre de dépistages positifs n’étaient pas suivis de soins au bénéfice de l’enfant, en raison d’une incompréhension sur la nature des suites à donner ou de difficultés d’accès aux soins.

Les ministres chargés de la santé et de l’éducation nationale ont alors pris l’initiative d’adresser à leurs services respectifs une circulaire, en date du 3 mai 2002, les alertant sur ce sujet et leur recommandant de mettre en œuvre des dispositifs de partenariat avec les services des collectivités locales et des organismes sociaux, ainsi qu’avec les professionnels de santé et le tissu associatif. Ces partenariats avaient pour objet de faire intervenir des « accompagnants santé » destinés à prendre contact avec les familles n’ayant pas signalé les suites données aux avis médicaux et à rechercher avec elles d’éventuelles difficultés d’accès aux soins. Les deux ministres demandaient à leurs services de créer ou de renforcer de tels dispositifs en priorité pour les élèves scolarisés en zone d’éducation prioritaire (ZEP) et dans les quartiers ciblés au titre de la politique de la ville.

La même préoccupation de renforcer l’efficacité globale des bilans à 6 ans se retrouve dans le programme quinquennal de prévention et d’éducation relatif à la santé des élèves, diffusé par la circulaire du 1er décembre 2003 (104), qui fait figurer l’amélioration du recours aux soins parmi ses principaux objectifs. Il est demandé en l’espèce d’atteindre un taux de retour d’information égal à 80 %. S’appuyant sur les expériences en cours dans les départements de l’Oise et de Seine-Saint-Denis, le programme quinquennal prévoyait de parvenir à cet objectif en encourageant la formation des réseaux locaux en vue d’une recherche de solutions partenariales, la formation d’ « équipes pluriprofessionnelles sensibilisées au repérage d’indicateurs significatifs et le contrôle effectif par les personnels de la communauté éducative concernés par le suivi de la santé des élèves » (105). Les informations fournies en annexes de la circulaire sur les protocoles en vigueur dans les départements de l’Oise et de Seine-Saint-Denis mentionnaient l’intervention d’un accompagnant santé, dont le rôle était tenu par un personnel de la caisse primaire d’assurance maladie ou par des volontaires associatifs. Interrogés sur les suites données à ce dispositif, le ministère de l’Éducation nationale a indiqué que les dispositifs expérimentaux mis en place en 2003 pour faciliter l’accès aux soins n’ont pas été poursuivis, « en raison notamment de la difficulté à trouver des relais en dehors de l’école pour assurer le suivi des soins auprès des familles ».

Le taux de retour d’information demeure stable, à hauteur d’environ 32 % pour l’année 2008-2009. L’interprétation de ce pourcentage demeure l’objet de discussion, la Cour des comptes mentionnant dans son rapport l’opinion d’un professionnel de santé selon lequel le faible taux de retour des avis ne pouvait être considéré comme une absence de suites données aux avis médicaux, qu’il estimait pour sa part plus proche de 90 % (106). Cette valeur peut a contrario paraître optimiste, d’autres éléments d’information récoltés par la mission d’information sur le terrain témoignant de taux moins élevés (de l’ordre de 60 %). En tout état de cause, il conviendrait que des études beaucoup plus fondées soient engagées au niveau national pour mieux connaître les tenants et aboutissants de cette question, en tenant compte des différents contextes géographiques.

Sur le terrain, il semble que peu d’initiatives destinées à favoriser le recours aux soins à la suite des dépistages réalisés subsistent.

La mission parlementaire a cependant eu l’occasion d’aborder cette question avec les services municipaux de santé scolaire de Villeurbanne et de Lyon, ainsi qu’avec les services du rectorat de Montpellier en présence des professionnels de santé libéraux. Les professionnels de santé présents ont confirmé l’intérêt médical qu’ils ont trouvé aux actions réalisées par des structures d’accompagnement agissant en aval du dépistage, que ce soit au titre de la coordination des soins, dans le cadre du service municipal de la ville de Villeurbanne, ou au titre d’un accompagnement social par le service municipal social de la ville de Lyon.

La mission a également pris connaissance des actions de partenariat engagées par l’académie de l’Hérault conjointement avec le conseil général, avec deux réseaux de santé, l’un tourné vers l’accompagnement des familles dans les zones d’éducation prioritaire, l’autre consacrée à la prise en charge des adolescents connaissant des difficultés psychologiques (réseau Philado).

Le réseau d’accompagnement santé des familles à Montpellier existe depuis 2005 et intervient sur une zone géographique couvrant des établissements scolaires appartenant au réseau Ambition réussite (RAR) des quartiers Alco et Mosson et au réseau Réussite scolaire (RER) des hauts de Massane. Si les bilans quantitatifs indiquent que le coût par famille accompagnée reste élevé, les évaluations qualitatives successives ont montré que la fonction d’accompagnement devait respecter des règles de mise en œuvre strictes pour préserver l’autonomie et la responsabilité propre des familles. Les motifs à l’origine du non recours aux soins sont très variés : raisons économiques (absence de couverture maladie complémentaire), incompréhension par rapport aux suites à donner aux avis médicaux, difficultés à s’orienter dans le système de soins, problèmes pratiques de transports… Les pathologies justifiant le plus souvent un accompagnement sont des problèmes d’orthophonie et d’ordre psychologique ou neuro-psychologique.

Ces retours d’expérience conduisent les rapporteurs à formuler l’hypothèse que l’échec de la formule des accompagnants santé expérimentée par les pouvoirs publics en 2003 est peut-être à rechercher dans son orientation généraliste, conduisant à une dilution des efforts là où une action plus ciblée sur les pathologies dont l’enjeu est plus difficile à appréhender pour les familles aurait présenté une meilleure plus-value médicale : la consultation de psychologues, les bilans orthophoniques et la prise en charge des troubles de l’apprentissage.

Cette hypothèse n’est pas sans importance aux yeux des rapporteurs, car les axes qui viennent d’être indiqués correspondent à des priorités affichées par les pouvoirs publics depuis de nombreuses années sans que des progrès significatifs aient pu être mesurés.

Les rapporteurs tiennent à souligner que la fonction d’accompagnant santé pourrait constituer un levier dans la réalisation des principaux objectifs de la politique de santé en faveur des enfants et des adolescents, malgré son coût, dès lors qu’elle serait concentrée sur les pathologies les plus prioritaires.

4. L’action exemplaire de certaines académies en matière de détection et d’orientation vers une prise en charge adaptée des troubles «dys» pose la question de leur généralisation

Un état des lieux, entrepris, par l’inspection des affaires sociales et l’inspection générale de l’éducation nationale en janvier 2002, après la publication du rapport de M. Ringard, avait pointé les lacunes importantes de la prise en charge des enfants souffrant de troubles du langage et de l’apprentissage, insuffisances apparentes dès le stade de la détection des troubles.

Neuf années après ce constat, on peut noter une forte mobilisation de l’éducation nationale sur le dépistage des troubles de l’apprentissage et du langage. En 2008-2009, 350 000 élèves âgés de 6 ans ont ainsi bénéficié d’un bilan standard de dépistage, donnant éventuellement lieu à des examens complémentaires. Dans 20 % des cas, soit 70 000 enfants, ces bilans ont montré la nécessité de soins spécifiques, de nature orthophonique pour un peu moins de 50 % des cas, dans des Rased (107) pour 24 % des cas, en CMP (108) ou en CMPP (109) pour 24 % des cas, ou dans des centres de référence pour les troubles du langage les plus graves dans 4 % des cas. En outre, près de 20 000 examens supplémentaires ont été réalisés au bénéfice d’élèves en cycle primaire, soit 0,5 % de la population scolaire des écoles élémentaires, 20 % d’entre eux nécessitant une prise en charge en centre de référence.

L’afflux de ces nouveaux cas pose la question de l’organisation de leur prise en charge par le système de soins, les centres de référence spécialisés, au nombre de 37 en France, étant désormais saturés.

Lors de l’audition de M. Jean-Paul de Gaudemar, recteur de l’académie d’Aix-Marseille, la mission parlementaire a pris connaissance des réalisations particulières de cette académie dans le domaine de la détection des troubles de l’apprentissage, fondées sur la diffusion d’outils de repérage à destination des enseignants et sur un partenariat actif avec les spécialistes de ces troubles au sein d’un réseau de santé spécifique :

– le rectorat d’Aix-Marseille a tout d’abord favorisé la création depuis trois ans d’équipes d’intervention destinées à effectuer des formations dans les établissements à la demande des enseignants. Désignées sous le nom de Team Dys, ces équipes sont composées d’un médecin scolaire, d’un enseignant et d’un professionnel de terrain n’appartenant pas à l’éducation nationale. Les actions de formation assurées par ces équipes sont destinées à permettre aux enseignants de mettre en œuvre des outils de repérage mis à leur disposition par l’académie. Ainsi, de 2006 à 2009, un outil de repérage, dénommé Reperdys (110), a été expérimenté dans l’académie d’Aix-Marseille et l’académie de Nice, avec des enseignants volontaires, dans le cadre d’un projet régional dénommé « 6 pour dys » (« 6 départements de deux académies pour le repérage des dys »).

– par ailleurs, le rectorat s’est engagé dans un partenariat actif avec le réseau de santé Résodys, visant à faciliter la prise en charge des enfants pour lesquels des troubles du langage ont été repérés dans le cadre des bilans de santé.

Animé par le neurologue Michel Habib, Résodys, créé en mai 2002, est un réseau pluridisciplinaire et pluri-partenarial, destiné à améliorer la qualité de vie et l’intégration scolaire d’enfants souffrant de troubles spécifiques d’apprentissage du langage. Articulé avec le centre hospitalier universitaire de la Timone à Marseille, siège du centre référent pour le traitement de ces troubles sur la région, le réseau associe des praticiens médicaux et paramédicaux (notamment des orthophonistes). Outre des activités de recherche, Résodys organise le dépistage des enfants dyslexiques, grâce à la formation de médecins volontaires en mesure de faire un diagnostic ou d’orienter les enfants vers le centre de référence pour les cas plus complexes. Le réseau peut également participer directement à la prise en charge des cas les moins sévères.

Les médecins membres de Résodys, dits « médecins référents » et parmi eux certains médecins scolaires, occupent aujourd’hui une place à part dans le parcours de diagnostic et de traitement des enfants dyslexiques, grâce aux capacités de diagnostic qu’ils ont développées dans le cadre du réseau. Ils sont ainsi en mesure de procéder eux-mêmes au diagnostic, à partir des éléments en leur possession (bilans orthophonique ou du psychologue, mesure du quotient intellectuel, etc.), afin d’éviter d’envoyer les élèves faire faire ces diagnostics dans des centres de références, surchargés ou géographiquement peu accessibles, dans le cas de dyslexies moyennes qui souvent ne justifient pas un bilan approfondi.

Cette forme d’organisation va au-delà du parcours préconisé par le rapport de M. Ringard de juillet 2000 sur les enfants dysphasiques et dyslexiques, qui imaginait un repérage par les enseignants, un dépistage par les médecins scolaires et un diagnostic par les centres de référence neuro-linguistiques, mais dont la logique se trouve débordée par le nombre d’enfants dyslexiques aujourd’hui repérés.

III. BIEN QU’ELLE SOIT SOUVENT DÉCISIVE, LA CONTRIBUTION DE LA MÉDECINE SCOLAIRE AUX DIFFÉRENTES POLITIQUES PUBLIQUES MENÉES EN MILIEU SCOLAIRE
EST INSUFFISAMMENT RECONNUE

A. LA MÉDECINE SCOLAIRE, ET PLUS GÉNÉRALEMENT L’ÉDUCATION NATIONALE, APPORTE UNE CONTRIBUTION DÉCISIVE À L’INTÉGRATION SCOLAIRE DES ÉLÈVES HANDICAPÉS

Cinq ans après sa mise en application effective, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a permis une augmentation très importante du taux de scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire, qu’elle soit collective, dans les dispositifs adaptés des classes pour l’inclusion scolaire (CLIS) et Unités localisées pour l’inclusion scolaire (UPI), et surtout individuelle. À la rentrée 2010, 201 388 enfants handicapés étaient scolarisés dans ces conditions soit 50 000 de plus qu’à la rentrée 2005, alors que dans le même temps, le nombre des enfants accueillis en milieu hospitalier ou médico-social avait sensiblement diminué.

Cependant, dans le rapport qu’il a remis au Président de la République en mai dernier (111), le sénateur Paul Blanc a estimé que l’école peine à répondre de manière pertinente aux besoins des enfants handicapés, malgré le montant des sommes consacrées par le ministère de l’Éducation nationale à cet accueil, estimées à 1,3 milliard d’euros : l’éducation nationale doit faire face à un « développement exponentiel de la prescription par les Maisons des départementales des personnes handicapées (MDPH) d’aides individuelles, les assistants de vie scolaire individuels (AVS-I), qui sont devenues une quasi-condition de la scolarisation ». De plus, en élargissant la notion de handicap, souligne M. Paul Blanc, la loi précitée de 2005 a eu comme conséquence une très forte augmentation de la qualification de handicap « pour des troubles du comportement ou des apprentissages ne relevant pas nécessairement de cette qualification ».

Parmi les mesures préconisées par M. Paul Blanc, plusieurs sont susceptibles de concerner les personnels de médecine scolaire.

M. Paul Blanc recommande une meilleure évaluation des besoins de l’enfant pour la construction de son projet personnalisé de scolarisation et même de son projet de vie : appréciation in situ, réévaluation régulière, révision du classement de certains troubles et par suite, réduction sensible de la prescription d’aides individuelles. En tant que membres de l’équipe de suivi de la scolarisation, les personnels de médecine scolaire seraient certainement les premiers sollicités, au titre de leur expertise médicale, pour procéder à ces réévaluations périodiques, mais au prix d’un alourdissement de leurs tâches difficilement envisageable dans le contexte actuel.

D’autre part, M. Paul Blanc recommande « un dépistage précoce de certaines difficultés d’apprentissage, les « dys » notamment, en mettant l’accent sur le rôle de la préscolarisation et par suite sur l’importance de la formation des enseignants ». Cette recommandation rejoint les réflexions de la mission parlementaire sur la nécessité de redéfinir un schéma opérationnel de détection et de prise en charge des troubles cognitifs.

B. LA CONTRIBUTION DE LA MÉDECINE SCOLAIRE À LA PROTECTION DE L’ENFANCE EN DANGER EST ÉGALEMENT ESSENTIELLE

Les personnels de l’éducation nationale sont à l’origine d’environ un quart des transmissions reçues par les autorités administratives et judiciaires signalant des enfants ou adolescents estimés en danger ou en risque de danger : 31 866 élèves ont fait l’objet d’une transmission d’information préoccupante au président du conseil général ou d’un signalement au procureur de la République en 2008-2009, soit 3,2 ‰ des élèves scolarisés.

Les trois quarts des transmissions sont adressées au président du conseil général. Les signalements à l’autorité judiciaire sont réservés aux situations d’extrême gravité ou de présomption de mise en danger du mineur relevant d’une infraction pénale.

Dans le premier degré, les directeurs d’école et les enseignants sont à l’origine de plus de 60 % des transmissions, les personnels de santé en assumant environ un tiers. Dans le second degré, le service social est à l’origine des trois-quarts des transmissions. Les transmissions sont toutefois parfois effectuées conjointement dans le cadre d’un travail en équipe.

Source : Ministère de l’Éducation nationale, année 2008-2009

Le collège est le niveau auquel les élèves sont le plus souvent repérés en danger ou en risque de danger.

Source : Ministère de l’Éducation nationale, année 2008-2009

La politique de protection de l’enfance en danger a fait l’objet d’un travail d’évaluation approfondi de la part de la Cour des comptes en 2009 (112).

Dans son constat, celle-ci relève que l’organisation complexe de la protection de l’enfance, faisant intervenir de manière imbriquée le président du conseil général et l’autorité judiciaire, est à l’origine d’une forte hétérogénéité dans la protection des enfants en danger ou en situation de l’être selon les départements.

Les investigations de la Cour l’ont notamment conduite à relever que bien qu’ils soient désormais les principaux acteurs de la protection de l’enfance, les départements ne sont pas systématiquement destinataires des informations concernant des enfants en danger, « notamment parfois celles connues des médecins ou de l’éducation nationale ». La Cour des comptes demande donc à toutes les professions au contact des jeunes de se mobiliser et de faire converger les informations dont elles disposent vers le conseil général. À cet égard, la notion « d’information préoccupante » devrait être précisée afin de définir certains « cas types » pour bien sensibiliser les personnels en contact avec les enfants, notamment dans le milieu médical et dans le système éducatif.

La mission parlementaire a elle-même relevé la forte variation du taux d’informations préoccupantes ou de signalement au procureur de la République transmis par les services de l’éducation nationale, qui vont de 1,7 pour 1 000 élèves à 5,2 pour 1 000 élèves selon les académies, d’après les chiffres fournis par le ministère de l’Éducation nationale. Ses déplacements sur le terrain l’ont également conduite à remarquer que les circuits de transmission variaient, les personnels de l’éducation nationale communiquant les signalements directement aux services départementaux ou judiciaires dans certaines inspections académiques tandis que dans d’autres départements, les inspections académiques ou les rectorats ont mis en place des cellules centralisant ces informations et les retransmettant aux services départementaux ou judiciaires. Compte tenu des recommandations formulées par la Cour des comptes, la mission parlementaire suggère d’évaluer l’efficacité respective de ces deux types de procédure de communication.

C. L’APPORT DE LA MÉDECINE SCOLAIRE À LA POLITIQUE CONTRE LES GROSSESSES NON-DÉSIRÉES EST LIMITÉ PAR LES CONTRAINTES RÉSULTANT DU DISPOSITIF LÉGISLATIF

Les infirmier(ère)s de l’éducation nationale administrent la contraception d’urgence en milieu scolaire, conformément à la loi n° 2000-1209 du 13 décembre 2000 et, plus précisément, au protocole annexé à son décret d’application n° 2001-258 du 27 mars 2001.

13 818 élèves, dont 81% étaient mineures, se sont rendues à l’infirmerie pour demander une contraception d’urgence. Dans 84 % des cas, la demande est apparue justifiée. Le nombre des demandes de contraceptifs d’urgence correspond donc à environ 1 % des lycéennes.

Source : Ministère de l’Éducation nationale, année 2008-2009

Ce chiffre est à comparer aux 14 500 grossesses adolescentes non désirées ayant fait l’objet d’une interruption volontaire de grossesse en 2007.

Une évaluation de la politique de prévention des grossesses non désirées, conduite en octobre 2009 par des membres de l’inspection générale des affaires sociales, a montré que, si la diffusion de la contraception d’urgence n’avait pas vu se réaliser les craintes sur un éventuel recul de la contraception régulière qui avaient été exprimées lors du débat précédant l’adoption de la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, elle ne s’était pas non plus accompagnée de la baisse attendue du recours aux IVG, notamment parmi les personnes mineures.

D’une manière générale, le niveau d’utilisation de la contraception d’urgence est apparu à la mission d’évaluation de l’IGAS « sans commune mesure avec l’importance des risques d’exposition à un risque de grossesse non désirée, dans un ordre de grandeur de 1 à 20 », les professionnels de santé rencontrés par la mission soulignant que le recours à la contraception d’urgence en cas de rapport mal ou non protégés est « loin d’être systématique ».

Si une information insuffisante des femmes en situation de risque peut être évoquée, la mission d’évaluation de l’IGAS a fait également apparaître que la délivrance à titre gratuit de la contraception d’urgence aux jeunes filles mineures se heurtait à des obstacles pratiques tant dans les pharmacies que dans les infirmeries scolaires. Tout en soulignant le rôle irremplaçable des infirmeries scolaires dans l’accès à la contraception d’urgence pour les personnes mineures n’ayant pas l’autorisation de quitter le lycée pour se rendre dans les centres de planning familial (par ailleurs parfois fermés les lendemains de week-end), la mission d’évaluation a identifié des problèmes pratiques, liés aux permanences assurées, à l’approvisionnement de l’infirmerie en contraceptifs dans le cadre d’un budget très faible ou à l’application rigoureuse d’une procédure de délivrance complexe, qui rendent dans les faits plus aléatoire qu’elle ne devrait l’être l’obtention d’un contraceptif d’urgence par les élèves mineures.

Préoccupée du nombre d’interruptions volontaire de grossesse parmi les mineures, « véritable fléau sanitaire », la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre hommes et femmes de l’Assemblée nationale, a chargé Mme Bérengère Poletti d’une mission d’information sur la contraception des mineures.

En ce qui concerne la délivrance de la contraception d’urgence en milieu scolaire, la rapporteure a souligné que contrairement à la procédure très simple de délivrance de la contraception d’urgence en pharmacie, le code de la santé organise « une procédure complexe au regard de situations qui exigent au contraire, une certaine rapidité d’action ». L’article 1er de la loi du 13 décembre 2000 relative à la contraception d’urgence dispose en effet que les infirmiers scolaires ne peuvent administrer une contraception d’urgence à une élève, qu’elle soit mineure ou majeure, que dans les seuls cas où « aucun médecin ou centre n’est immédiatement accessible et si l’élève est dans une situation de détresse caractérisée ». Les infirmiers sont donc tenus non seulement d’avoir un entretien préalable avec l’élève afin de déterminer si cette dernière se trouve réellement dans un état d’urgence et de détresse mais, dans une telle hypothèse, ils doivent rechercher pour elle une pharmacie ou un centre de planification ou d’éducation familiale auprès desquels elle pourra obtenir une contraception d’urgence.

Cette condition préalable paraît en elle-même paradoxale car pour être efficace, la contraception d’urgence doit être prise le plus rapidement possible après un rapport sexuel non protégé. La procédure prévue pour la délivrance de la contraception d’urgence en milieu scolaire retarde son administration de quelques heures supplémentaires – le temps de prendre un rendez-vous qui peut ne pas être immédiat et le temps que l’élève se déplace de l’établissement scolaire vers ledit professionnel.

La rapporteure a constaté que ces conditions de délivrance constituaient dans les faits une limitation pour l’obtention de la contraception d’urgence : contrairement aux délivrances de la contraception d’urgence par les pharmacies qui ont plus que sextuplé en sept ans, les délivrances de contraception d’urgence dans les établissements scolaires n’ont dans ce même temps que doublé, passant de 5 826 en 2001-2002 à 11 600 en 2008-2009. Quant aux élèves réorientées vers l’extérieur pour obtenir effectivement le contraceptif, elles sont passées de 3 909 en 2001-2002 à 5 957 en 2008-2009.

Tout en reconnaissant que l’appropriation de la contraception d’urgence par les jeunes est réelle, la rapporteure a conclu que le but poursuivi par cette politique d’une facilité d’accès, à savoir l’espoir de faire baisser leur taux de recours aux interruptions volontaires de grossesse, n’a pas été atteint.

Il convient toutefois de souligner que les freins procéduraux constatés dans la délivrance de la contraception d’urgence dans les infirmeries scolaires résultent des contraintes posées par le Législateur lui-même, qui s’écartant sur ce point du projet de loi qui lui était présenté, a voulu faire de cette délivrance une voie de dernier recours, une fois l’épuisement des autres possibilités de délivrance dûment constaté.

D. L’INVESTISSEMENT DES PERSONNELS DE SANTÉ SCOLAIRE DANS LES ACTIONS D’ÉDUCATION À LA SANTÉ TROUVE PEU DE RELAIS CLAIREMENT IDENTIFIÉS AU SEIN DE LA COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE

1. Les personnels de santé scolaire, et en particulier les infirmières scolaires, sont un élément essentiel du dispositif d’éducation à la santé

Les personnels de santé de l’éducation nationale rencontrés par la mission parlementaire ont unanimement fait état de leur intérêt pour les actions d’éducation pour la santé à destination des élèves dont ils soulignent l’importance en matière de prévention. Les médecins scolaires regrettent toutefois de ne pas avoir le temps de participer aux actions collectives d’éducation en santé, compte tenu de leur charge de travail pour l’analyse des cas individuels.

Dans la pratique, les infirmier(ière)s de l’éducation nationale jouent un rôle moteur, grâce à leur participation aux Comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC), pour l’instruction des dossiers et la mise en oeuvre des actions collectives d’éducation à la santé, notamment avec le concours de partenaires extérieurs.

Ainsi, dans la majorité des rectorats, le suivi et la coordination des actions d’éducation à la santé font partie du portefeuille d’activité confié aux infirmières conseillères techniques départementales ou rectorales en charge de l’animation du réseau des infirmières de santé scolaire, les médecins conseillers techniques assurant une supervision du dispositif, notamment au niveau des agréments des intervenants extérieurs.

2. Les experts en santé de l’adolescent s’accordent à souligner l’importance d’une éducation à la santé dispensée précocement

S’appuyant sur des comparaisons internationales réalisées sous l’égide de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) (113), le Pr Maurice Tubiana, auditionné par la mission le 17 mai 2011, a souligné un problème sanitaire majeur pour la population juvénile française que représente la surmortalité des adolescents, due non à des maladies mais à une pratique plus répandue de comportements à risques de toutes natures (conduites addictives, pratiques dangereuses, relations sexuelles non protégées,…). Pour le Pr Tubiana, ces résultats sont dus à une mauvaise performance du système de santé et du système éducatif dans le domaine de la prévention sanitaire en faveur des enfants : « les récentes comparaisons internationales […]) montrent que malgré le niveau élevé des dépenses consacrées à la santé et à l’éducation, la France est relativement mal classée, parmi les pays développés en matière de gestion pour la santé [des enfants et des adolescents], écrit-il dans un rapport (114) présenté devant l’Académie de médecine en 2010.

En matière d’éducation à la santé, l’accent doit être mis, recommande-t-il dès le très jeune âge « sur le rôle de l’enfant dans son épanouissement et son bien être en prenant des exemples simples comme le sommeil, l’alimentation et la propreté ».

La même vision inspire les conclusions des deux rapporteurs de la mission parlementaire de lutte contre les toxicomanies, qui a achevé ses travaux en juin 2011, Mme Françoise Branget, députée, et M. Gilbert Barbier, sénateur, qui souhaitent que la lutte contre la drogue soit inscrite, pour plus d’efficacité, dans le cadre de la promotion de la santé : « La prévention ne doit pas seulement viser à limiter la consommation de drogues mais aussi promouvoir, notamment auprès du public des enfants et des adolescents, l’acquisition de comportements faisant obstacle aux risques de troubles qu’il s’agit de prévenir. La prévention ne vise donc pas uniquement tel ou tel produit ou telle ou telle catégorie de produits mais tend à renforcer la capacité des personnes à se protéger et s’assumer pleinement. » (115)

À l’instar du Pr Maurice Tubiana, les rapporteurs de la mission parlementaire constatent que « les témoignages recueillis par la mission d’information établissent de façon convaincante que, plus l’expérience de la drogue est précoce, plus le risque de voir un abus ou une dépendance se manifester par la suite est sensible. La consommation avant l’âge de douze ans apparaît, en particulier, comme un facteur prédictif de la possibilité d’une dépendance à la fin de l’adolescence. Il convient manifestement d’intervenir bien avant : dès l’école primaire […] S’il était une seule leçon à retenir des auditions de la mission d’information, ce serait en effet le caractère prioritaire de la prévention destinée aux plus jeunes. Dès lors, sans méconnaître les efforts menés dans l’ensemble de l’éducation nationale et ailleurs, vos rapporteurs ont choisi de mettre en exergue le rôle central des services de santé scolaire dans le travail de prévention à mener, tout en insistant par ailleurs sur la nécessaire association des familles, trop souvent tenues à l’écart, en fonction, sans doute, de choix méthodologiques dépassés. »

Cette recommandation intervient à un moment stratégique, puisque, explique-t-il en introduction de son rapport devant l’Académie de médecine, les changements dans les modalités de formation des maîtres, dont la responsabilité est maintenant transférée aux universités, conduisent à s’interroger sur le contenu des enseignements qui seront dispensée par ces dernières et sur la place qui sera donnée à l’éducation à la santé dans les formations initiales des enseignants.

Ainsi, une des recommandations adoptées par l’Académie de médecine sur proposition du Pr Maurice Tubiana préconise qu’« une politique globale, interministérielle de santé de l’enfant et de l’adolescent devrait présider à l’organisation de liaisons structurelles entre l’État (éducation nationale), les autorités locales et les instances médico-sociales (PMI...). Elle devrait apporter une aide à l’ensemble des personnels de l’éducation nationale. Cette politique devrait servir de base à l’élaboration des programmes de formation des enseignants que ce soit dans les masters des universités ou dans les sessions de formation continue, ainsi que pour la définition des missions des médecins et personnels de santé scolaire. »

3. Sur le terrain, la situation semble avoir peu progressé depuis le constat d’insuffisance dressé par une mission commune des inspections générales de l’éducation nationale et des affaires sociales en 2004

En juin 2003, une mission sur l’évaluation du dispositif d’éducation à la santé institué par la circulaire du 24 novembre 1998 a été demandée par le ministre de la Jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, le ministre délégué à l’enseignement scolaire et le ministre de la Santé, de la famille et des personnes handicapées, à trois corps d’inspection générale (inspection générale de l’éducation nationale, inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et inspection générale des affaires sociales).

Le rapport remis aux trois ministres par la mission commune, composée de six membres des inspections générales précitées, a été réalisé sur la base de constats faits au niveau national et dans six académies (Aix-marseille, Caen, Clermont-Ferrand, Lille, Nancy-Metz, Rennes)  (116) .

Dans son constat, la mission commune a mis l’accent sur un fort « hiatus entre un enjeu national bien décrit et traduit dans la circulaire du 24 novembre 1998 (et dans bien d’autres circulaires, en particulier celle du 1er décembre 2003) et la réalité constatée ».

Tout en reconnaissant qu’il est difficile de décrire les modalités, d’en apprécier le bien fondé, la cohérence et l’efficacité au regard des publics concernés, la mission commune a ainsi considéré que, dans la majorité des cas, les actions d’éducation à la santé mises en oeuvre dans les écoles, collèges et lycées, présentaient « un caractère ponctuel voire conjoncturel, et qu’elles ne s’inscrivent pas dans un programme d’action formalisé. [... ]. Les établissements ayant conçu et mis en oeuvre dans le cadre du projet d’établissement une démarche globale, cohérente et progressive d’éducation à la santé, conforme aux prescriptions de la circulaire de novembre 1998, constituent des exceptions. Les responsables académiques n’ont pas caché à la mission qu’il leur était difficile d’indiquer des exemples de réalisations de ce type. »

La répartition des rôles entre les acteurs sanitaires dans les établissements d’enseignement était apparue à la mission commune très tributaire des éléments humains : « Le rôle des chefs d’établissement est […] très variable. Ils sont parfois les initiateurs mais le plus souvent des facilitateurs pour la réalisation de projets conçus par des personnels de l’établissement. Le véritable pilote des actions d’éducation à la santé reste le plus souvent l’infirmière. D’autres personnels participent à des degrés divers mais exceptés les professeurs de sciences de la vie et de la Terre (SVT), ils ont rarement le même rôle moteur. Trop souvent le pilotage, par le chef d’établissement ou par d’autres personnels, se résume à un simple transfert de la responsabilité éducative vers des structures extérieures généralement associatives. Il s’agit là d’une véritable sous-traitance plus ou moins encadrée. »

Dans les établissements d’enseignement du second degré, la mission a constaté que les comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté ne jouaient pas toujours leur rôle. «Les circulaires confient au comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) un rôle pivot dans l’organisation des actions, notamment lors de la conception, afin de “contribuer à établir un diagnostic de l’établissement”, puis “d’assurer la coordination et le suivi des interventions des partenaires” et enfin, “d’établir un bilan annuel de l’éducation à la santé”. Dans la réalité, il apparaît que les CESC fonctionnent dans certains cas en cohérence avec une politique globale ; d’autres n’existent que sur le papier. […] Il ne faut pas cacher que dans un certain nombre de cas, le CESC n’est jamais ou rarement réuni. Les chefs d’établissements expliquent qu’ils ne perçoivent pas l’utilité de la structure qui « n’intéresse personne et ne sert en fait qu’à justifier des demandes de subvention ». Les CESC créés en inter établissement avec un établissement support sont rares, ce qui est regrettable car dans certains cas (ZEP, régions présentant des données médico-sociales particulières…), ils permettent d’engager des actions de grande ampleur. »

Dans les établissements d’enseignement primaire, l’éducation à la santé souffre de plus de l’absence d’infrastructures sanitaires présentes sur le terrain. « Le premier degré est beaucoup plus en retard, il n’y a pas de CESC (alors que la circulaire du 1er juillet 1998 incitait à la généralisation de ce dispositif), pas d’infirmière et les médecins de l’éducation nationale sont accaparés par les bilans de santé. Tout repose donc sur la motivation et la capacité d’initiative des maîtres. Dans ce cadre le rôle du directeur et celui de l’inspecteur de l’éducation nationale (IEN) sont absolument déterminants. »

Dans le prolongement de l’audition du Pr Maurice Tubiana, la mission parlementaire a auditionné l’une des auteures du rapport de la mission commune des trois inspections générales, Mme Annie Mamecier, inspectrice générale de l’éducation nationale, ainsi que M. Jean-Louis Michard, également membre de l’inspection générale de l’éducation nationale, qui fut longtemps en charge de ce dossier à l’inspection. Ces deux hauts fonctionnaires ont confirmé à la mission parlementaire la précarité des résultats obtenus par le dispositif actuel d’éducation à la santé.

S’il organise une bonne visibilité des actions d’éducation à la santé au sein des établissements scolaires du second degré, le pilotage confié aux comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté des établissements n’a pas permis de résoudre un certain nombre de difficultés structurelles, que la mission parlementaire a pu discerner au cours de ses échanges avec les personnels de l’éducation nationale rencontrés.

Faute d’interlocuteurs clairement identifiés au sein de la communauté éducative, les établissements se tournent souvent vers des intervenants extérieurs, dont l’action rencontre plusieurs limites. Le faible niveau des budgets consacrés à ces interventions restreint en effet le périmètre des intervenants susceptibles d’être sollicités aux structures locales de promotion de la santé qui reçoivent des subventions par les pouvoirs publics pour conduire ce type d’actions. Ainsi, les actions d’éducation à la santé réalisées sont-elles tributaires du tissu local associatif et, en la matière, comme le remarque Mme Christine Cordoliani, médecin conseillère technique auprès du recteur de Versailles, certaines portions de l’académie peuvent être de véritables « déserts associatifs ». D’autre part, la recherche de financements complémentaires se heurte elle aussi à des difficultés, certaines structures, telles que les Agences régionales de santé, étant réticentes à financer des projets jugés de montants trop faibles et trop éparpillés, tandis que d’autres financeurs, plus réactifs, comme les collectivités territoriales, ne sont pas toujours en mesure de définir des priorités stables d’une année sur l’autre.

Ces difficultés expliquent le taux de rotation malheureusement rapide des personnels de l’éducation nationale volontaires porteurs des projets d’éducation à la santé, lesquels demandent de leur part des savoirs faire en matière d’instruction de dossiers de projet et de recherche de financements auxquels ils ne sont pas toujours préparés.

Pour pallier ces effets les plus perceptibles, certaines académies ont mis en place un réseau de correspondants désignés au sein de chaque bassin d’éducation en tant que référents en matière d’éducation à la santé pour les établissements de leur bassin. Il apparaît néanmoins que le choix de s’appuyer sur des intervenants extérieurs ne permet pas, faute d’interlocuteurs disponibles dans tous les bassins d’éducation, de réaliser des actions d’éducation à la santé sur l’ensemble des thèmes prescrits par la loi (éducation à la sexualité et information sur les conséquences de la consommation d’alcool et de drogue) ou indiqués comme prioritaires par le ministre de l’Education nationale dans la circulaire annuelle de rentrée. La mission parlementaire a noté, à cet égard, avec intérêt qu’une majorité des services municipaux de santé existants, offrant un taux de présence infirmier dans les établissements primaires supérieur à celui assuré par l’éducation nationale, ont favorisé la création en leur sein de programmes d’éducation à la santé à destination des jeunes enfants, qui sont dispensés par les infirmières sur demande des enseignants de leur secteur ou de manière systématique.

Par ailleurs, la qualité des actions d’éducation à la santé dispensées dans les établissements est encore mal évaluée, ces actions ne faisant l’objet que d’un suivi quantitatif de la part des rectorats, qui avouent ne pas toujours disposer des informations suffisantes lorsque les actions réalisées ne bénéficient pas de financement spécifique de la part de l’éducation nationale. Interrogé sur ce point, le ministère de l’Éducation nationale a indiqué qu’une action d’évaluation de portée nationale venait d’être engagée sur cette question.

TROISIÈME PARTIE –
LES PRÉCONISATIONS DE LA MISSION PARLEMENTAIRE : UNE MÉDECINE SCOLAIRE RENFORCÉE
AU SEIN D’UN SYSTÈME DE PRÉVENTION
ORGANISÉ AUTOUR DE L’ENFANT

Depuis sa fondation en 1945, la médecine scolaire a traversé plusieurs crises. Idée généreuse autant que républicaine, la médecine scolaire, initiée dans le contexte de redressement national qui a marqué l’après-guerre, s’est trouvée à plusieurs reprises confrontée à une pénurie de moyens, conduisant à s’interroger sur le sens profond de ses missions, qui sont nombreuses, et sur les attentes de la société à son égard. En 1989, le Pr Jean-Pierre Deschamps, qui fut un des pionniers de la santé publique française, s’écriait ainsi dans un éditorial « Oui, il faut sauver la médecine scolaire ! »

La médecine scolaire est à nouveau à la croisée des chemins. L’écart n’a jamais été aussi grand qu’aujourd’hui entre les missions qui lui sont confiées, de plus en plus nombreuses, et ses ressources, qui, après avoir connu un renforcement au début des années 2000, connaissent désormais une phase de décrue démographique majeure.

Au vu des conclusions de l’évaluation rendue par la Cour des comptes, confortées par leurs propres investigations sous la forme d’auditions, de questionnements écrits et de missions sur le terrain, les rapporteurs ont constaté que la médecine scolaire, prenant acte de l’évolution du champ de la santé à l’école, avait su se mobiliser massivement pour permettre à l’éducation nationale de relever au cours de la décennie qui vient de s’écouler, deux grands défis : la scolarisation des enfants handicapés ou souffrant de maladie chronique et la détection des troubles du langage et de l’apprentissage. De plus, la mission a constaté qu’en leur qualité de professionnels de santé, les personnels infirmiers de l’éducation nationale occupaient aujourd’hui un rôle majeur dans le dispositif d’éducation à la santé et la prise en charge des situations de souffrance psychiques dans les établissements du second degré.

Toutefois, cette réussite, obtenue sans l’octroi de moyens supplémentaires, a nui à l’atteinte des objectifs officiellement assignés à la médecine scolaire, en particulier à la réalisation de bilans de santé systématique en milieu scolaire. De plus, si la mission parlementaire a pu vérifier que l’intervention des personnels de santé s’inscrivait dans le cadre de plusieurs politiques publiques qui sont toujours au cœur des préoccupations des pouvoirs publics, elle a aussi constaté que les textes qui régissent cette action sont anciens et ne sont plus en mesure de replacer les tâches attendues de la part de ces personnels dans une architecture d’ensemble.

Ce phénomène de dilution des enjeux est particulièrement perceptible dans le domaine de la politique sanitaire, qui, bien qu’elle ait fait l’objet d’un renforcement par le Législateur en 2007, est souvent perçue par le ministère de l’Éducation nationale comme une simple politique d’appui à la politique éducative menée par celui-ci.

Par ailleurs, la mission parlementaire a mis en évidence que la profession de médecin scolaire était menacée par des perspectives démographiques encore plus défavorables que pour le reste des professions médicales. La cause réside dans l’insuffisante attractivité de la carrière proposée au sein du ministère de l’Éducation nationale, notamment aux yeux des jeunes médecins. Malgré les spécificités d’un exercice médical dont tous soulignent la variété et l’intérêt, les signes, relevés par la mission parlementaire, d’une désaffection à l’égard des conditions de travail proposées montrent l’urgence de mesures correctives, sous peine d’enregistrer une baisse très rapide des effectifs dans les cinq prochaines années.

Enfin, la mission parlementaire a relevé, à l’instar de la Cour des comptes, que les fonctions de pilotage de la médecine scolaire étaient assumées par un système trop centralisé qui ne donnait pas à celle-ci l’autonomie nécessaire et la capacité de s’adapter à la nature des enjeux de santé actuels. L’analyse menée par la Cour des comptes a en effet montré que le pilotage assuré par l’administration centrale de l’éducation nationale s’avère déconnecté de la réalité des besoins sanitaires tandis que les services rectoraux, concentrés autour de l’objectif de réussite scolaire assigné à l’école, mobilisent peu de moyens pour les activités qui ne concourent pas directement à cet objectif.

La place de la médecine scolaire au sein de la politique sanitaire en faveur des enfants doit en conséquence être clarifiée.

Pas plus qu’elle ne peut prétendre être le centre organisateur de la prévention sanitaire en faveur de l’enfant et de l’adolescent que certains attendent, la médecine scolaire ne doit pas être une cheville ouvrière sans intelligence, réalisant à l’aveugle des tâches de dépistage dont elle n’aurait pas à connaître les suites données.

M. Didier Houssin, ancien directeur général de la santé au ministère de la santé, a rappelé à juste titre devant la mission qu’il est illusoire de tenir le médecin scolaire pour responsable de la politique de prévention en direction des enfants, ou d’imaginer qu’il puisse l’être. En l’état de notre système de santé, il a ajouté que cette mission est hors de portée d’un seul acteur de santé : le médecin scolaire a certainement une place au sein de la prévention sanitaire mais l’efficacité de son action dépend du degré de coordination de l’ensemble du système de santé (117).

La médecine scolaire doit pouvoir se positionner au sein du système de la prévention sanitaire et se faire reconnaître parmi ces acteurs comme un partenaire actif, ayant la capacité d’engager des moyens propres autour des objectifs communs clairement identifiés. Pour cela, il faut que la médecine scolaire dispose d’une certaine autonomie dans la gestion des moyens dont elle dispose, et que ses structures de direction soient dotées des instruments nécessaires à un vrai pilotage, c’est-à-dire de véritables capacités d’analyse des besoins sanitaires et d’évaluation des actions engagées.

Loin d’être un luxe dans la situation de crise de la médecine scolaire actuelle, cette réflexion sur le système sanitaire français et le positionnement de la médecine scolaire apparaît aux yeux des rapporteurs comme préalable à une redéfinition des missions de la santé scolaire, que nombre de ses personnels appellent de leurs vœux face à l’empilement des tâches qui les submergent. Si au terme de cette mission, les rapporteurs considèrent qu’ils n’ont pas la compétence médicale nécessaire pour trancher la question cruciale de savoir s’il convient au nom du réalisme d’abandonner une mission plutôt qu’une autre, ils sont convaincus qu’une solution satisfaisante ne pourra apparaître que dans un cadre plus large intégrant l’action coordonnée de l’ensemble des acteurs de la prévention sanitaire.

Face au constat que la situation dégradée dans laquelle la médecine scolaire est aujourd’hui trouve sa cause profonde dans les carences de la prévention sanitaire autour de l’enfant – insuffisance des moyens mis en œuvre et coordination des acteurs sanitaires globalement médiocre – les rapporteurs entendent donc affirmer leur conviction que les solutions à la crise actuelle sont à rechercher dans le cadre d’une politique globale de renforcement de la prévention autour de l’enfant, qui se développerait selon les axes suivants :

● l’institution d’une instance nationale interministérielle chargée de définir les axes d’une politique de santé et de prévention des risques sanitaires en faveur des enfants ;

● la mise en place dans le cadre des politiques régionales de santé pilotées par les ARS d’un système de prévention coordonné autour de l’enfant, bénéficiant de financements spécifiques et d’une capacité opérationnelle pour l’élaboration de diagnostics territoriaux et l’évaluation des actions de promotion de la santé ;

● le regroupement des corps de médecins exerçant des missions de prévention dans les différents ministères, au sein d’un corps unique de médecins de prévention, interministériel et assorti de différentes spécialités, afin de promouvoir le travail en réseau, la mobilité professionnelle et d’ouvrir des perspectives de carrière plus diversifiées pour ces acteurs de prévention ;

● l’inscription de la promotion de la santé dans le code de l’éducation comme une mission à part entière de l’école, se déployant selon trois axes :

– la prise en compte de la santé en milieu scolaire comme un déterminant de la réussite scolaire des élèves ;

– le développement des compétences des élèves en matière de santé afin de leur permettre d’adopter des comportements favorables à celle-ci ;

– la participation à la politique de santé publique en direction des enfants et des adolescents.

● l’amélioration du pilotage ministériel de la médecine scolaire par la création d’organes de pilotage disposant d’une certaine autonomie de gestion au niveau national et rectoral, afin d’améliorer la prise en compte des objectifs nationaux ou régionaux de santé publique ainsi que l’insertion dans un système de prévention coordonné autour de l’enfant ;

● le renforcement de la lutte contre les inégalités de santé par l’amélioration de l’accès aux soins pour les populations en situation de précarité et par le développement des fonctions d’accompagnement des familles dans l’accès aux soins.

Par ailleurs, le renforcement de la prévention autour de l’enfant ne peut produire pleinement ses effets sans s’appuyer sur un dispositif de médecine scolaire dont l’efficacité ne soit garantie et la pérennité assurée.

Ces recommandations, qui s’appuient notamment sur les conclusions de la contribution de la Cour des comptes à l’évaluation de la médecine scolaire demandée par le Comité d’évaluation et de contrôle, rejoignent celles que formule la Cour des comptes dans le rapport sur la prévention sanitaire que celle-ci vient de remettre à la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale en octobre 2011, concluant à la nécessité d’une réforme du système de prévention français visant à réorganiser celui-ci dans le sens d’une meilleure définition des champs d’intervention et d’une plus grande efficacité globale.

*

* *

I. LE RENFORCEMENT DU SYSTÈME DE PRÉVENTION À L’ÉGARD DES ENFANTS ET DES ADOLESCENTS EST LA CONDITION PREMIÈRE D’UNE MEILLEURE EFFICACITÉ
DE LA MÉDECINE SCOLAIRE.

A. INSTALLER UN ORGANE COMPOSÉ D’EXPERTS EN SANTÉ PUBLIQUE CHARGÉS DE CONSEILLER LE PARLEMENT ET LE GOUVERNEMENT SUR LA POLITIQUE DE SANTÉ EN DIRECTION DES ENFANTS ET DES ADOLESCENTS.

L’amélioration de la coordination des acteurs de santé revêt une importance particulière dans le domaine de la prévention. Dans un de ses rapports consacré à ce thème, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) souligne que « dans la perspective d’une organisation renouvelée de la médecine de premier recours et d’une place reconnue à la prévention, il est indispensable de redéfinir les modalités d’intervention entre, d’une part, le médecin traitant, et d’autre part, des activités donnant lieu à des consultations à orientations principalement préventives : protection maternelle et infantile, médecine scolaire et universitaire, médecine du travail ».  (118)

Pour l’enfant, ce problème prend une dimension particulière compte tenu de l’importance des actions à visée préventive dans la médecine de l’enfant. Par ailleurs, les dysfonctionnements de la prise en charge sanitaire des enfants et des adolescents par le système de santé français, caractérisé par une mauvaise définition du champ d’intervention des différents spécialistes de cette médecine, ont été pointés auprès de la mission parlementaire par le Pr Danièle Sommelet, auteure il y a quelques années d’un rapport éminent sur le sujet (119).

Celle-ci souligne à juste titre que notre système de santé souffre de l’absence d’un organe d’expertise chargé de réfléchir aux différents aspects de la politique de santé envers les enfants et les adolescents et qui soit chargé de conseiller le Parlement et le Gouvernement sur :

– la situation sanitaire des enfants et des adolescents ;

– l’efficacité de la politique de santé en faveur de l’enfant ;

– la répartition des rôles entre les acteurs de cette politique.

Ce rôle pourrait être confié à une instance ad hoc du HCSP conformément aux missions de cet organisme définies par l’article L. 1411-4 du code de la santé publique, qui prévoit que le HCSP fournit aux pouvoirs publics :

– « l’expertise nécessaire à la gestion des risques sanitaires ainsi qu’à la conception et à l’évaluation des politiques et stratégies de prévention » (article L. 1411-4 paragraphe 2) ;

– « des réflexions prospectives et des conseils sur les questions de santé publique » (article L. 1411-4 paragraphe 3).

Cet organe serait, entre autres, chargé d’évaluer l’intérêt des actions menées en milieu scolaire au regard des autres modes d’intervention possibles, à l’instar de ce qui a été entrepris par exemple pour l’évaluation du dispositif de consultation de prévention à destination des adolescents de 12-13 ans.

Dans le cas particulier de ce dispositif lancé à titre expérimental dans trois départements, l’évaluation à laquelle avait procédé la CNAMTS avait ainsi pointé des résultats décevants auprès des jeunes les plus éloignés du système de soins et fait état de l’avis d’un certain nombre d’experts selon lesquels le recours à la médecine scolaire aurait été plus efficace et plus égalitaire que la formule choisie (120).

B. DOTER LA MÉDECINE DE PRÉVENTION D’UN CADRE STATUTAIRE COMMUN POUR LES PERSONNELS MÉDICAUX AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE.

Face aux défis que représente l’évolution de la démographie médicale pour le recrutement de médecins de prévention dans la fonction publique et en particulier pour la médecine scolaire, les rapporteurs préconisent une approche commune à tous les corps médicaux concernés, afin d’améliorer l’attractivité de ces métiers par un statut rénové dans un cadre interministériel, de faciliter la mobilité professionnelle et de permettre la délivrance d’une formation statutaire initiale et continue organisée autour d’un socle commun.

Les investigations de la mission parlementaire ont en effet conduit les rapporteurs à constater que même si la médecine scolaire rencontrait des difficultés spécifiques, un certain nombre de problèmes identifiés étaient communs aux différentes catégories de médecins de prévention au sein de la fonction publique. L’ensemble des métiers de la médecine préventive se trouvent confrontés à la perspective de vacances de poste importantes, liées à des départs en retraite massifs dans les prochaines années, alors que les spécialisations relevant de cette médecine souffrent d’un désintérêt certain auprès des étudiants en médecine : sur les 11 filières de spécialisation actuellement ouvertes à l’issue de l’examen national classant, lors de la sixième année de médecine, les spécialités de médecine du travail et de santé publique sont respectivement classées au 10e et au 11e rang dans les choix des étudiants (121).

Par ailleurs, il est nécessaire de renforcer la coordination entre les acteurs de prévention en développant les liens professionnels qu’il importe qu’ils établissent, grâce à l’introduction d’enseignements communs à toutes les branches de la médecine préventive et à l’aménagement de passerelles entre les différents exercices de la médecine préventive dans le cadre d’un parcours professionnel.

Ces différentes considérations conduisent les rapporteurs à recommander la création d’un corps interministériel offrant un statut commun pour les médecins de prévention à niveau de recrutement équivalent. Ce statut pourrait servir de base à la mise en place d’une formation initiale donnée au sein de la fonction publique pendant l’année de stage, articulée autour d’un tronc d’enseignements communs et de différents modules de spécialisation.

La création d’un statut interministériel ne remettrait toutefois pas en cause les particularités de chaque exercice médical, dans la mesure où il serait complété par les cadres d’emploi que chaque ministère employeur est amené à définir pour ses agents, à l’instar de ce que représente dans l’éducation nationale le contenu des circulaires du 12 janvier 2001 pour les personnels de santé de ce ministère.

Cette perspective ne doit par ailleurs nullement remettre en cause les améliorations indiciaires actuellement envisagées concernant les médecins scolaires, indispensables dans le contexte actuel mais qui ne sauraient constituer une réponse définitive au problème de fond posé.

II. LA PLACE DE LA SANTÉ AU SEIN DE L’ÉCOLE DOIT ÉGALEMENT
ÊTRE RÉAFFIRMÉE

A. CLARIFIER LE CONTENU DE LA MISSION DE PROMOTION DE LA SANTÉ CONFIÉE À L’ÉCOLE.

Ainsi qu’a pu le constater la mission parlementaire, le contenu de la mission de promotion de la santé confiée au ministre de l’Éducation nationale n’a cessé, en l’absence d’une définition claire, de faire l’objet d’interprétations plurielles modifiant le périmètre même de cette mission.

Il est donc nécessaire de réaffirmer la place essentielle que la santé des élèves doit avoir pour l’institution scolaire et le caractère multidimensionnel de la mission de promotion de la santé confiée à l’école.

Bien que subsidiaire par rapport à la responsabilité parentale, la responsabilité de l’école à l’égard de la santé des élèves scolarisés n’en est pas moins réelle. Elle se décline en trois objectifs principaux :

– parce qu’une bonne santé est un facteur de succès scolaire, l’école, qui a fait de la réussite du projet de formation de ses élèves le cœur de sa mission, ne peut négliger ce déterminant. Elle doit en particulier s’efforcer de dépister précocement les difficultés des élèves susceptibles d’entraver leur scolarité (repérage des troubles du langage et de l’apprentissage), mais elle doit aussi faciliter l’insertion dans l’école des enfants souffrant d’une maladie ou d’un handicap ;

– la mission éducative de l’école intègre l’objectif de rendre les enfants autonomes et responsables à l’égard de leur propre santé, en leur apportant non seulement les connaissances scientifiques nécessaires mais aussi en leur inculquant les comportements allant dans le sens de sa préservation ;

– en tant qu’institution publique, l’école est non seulement un relais mais surtout un acteur à part entière des politiques de santé menées par l’État en direction des élèves dont elle a la charge.

Pour être reconnus, ces objectifs devraient se trouver explicités dans les textes officiels qui définissent les missions de l’école.

Par voie de conséquence, la mission de promotion de la santé devrait figurer au nombre des attributions officielles de la Direction générale de l’enseignement scolaire.

B. ADAPTER LES MODALITÉS DU SUIVI BUDGÉTAIRE RÉALISÉ PAR LE PARLEMENT

Les rapporteurs ne remettent pas en cause l’insertion de la mission de promotion de santé dans le programme budgétaire 230 « Vie de l’élève », dont la responsabilité est confiée au Directeur général de l’enseignement scolaire au sein du ministère de l’Éducation nationale, dans la mesure où les préoccupations transversales que regroupent ce programme (la lutte contre l’absentéisme, l’intégration scolaire des handicapés ou l’apprentissage de la responsabilité par exemple) s’inscrivent tout à fait dans la vision globale et positive de la santé à laquelle se réfère la mission de promotion de la santé.

Des améliorations s’avèrent toutefois nécessaires pour que le pilotage du ministère de l’Éducation nationale par la performance, au sens de la LOLF, prenne correctement en compte la mission qui lui est confiée dans le domaine de la santé à l’école.

À ce titre, la mission recommande :

– de modifier l’intitulé du programme 230, pour signifier l’importance donnée à la mission de promotion de la santé et son caractère global, en : « Promotion de la santé et vie de l’élève » ;

– de modifier en conséquence l’intitulé du deuxième objectif associé au programme 230, en « Développer la prévention sanitaire en milieu scolaire » ;

– d’introduire dans ce programme un nouvel objectif (122), associé à un indicateur d’impact, relatifs à la santé psychique des adolescents, conformément aux recommandations des spécialistes en santé publique qui voient dans la surmortalité des jeunes de 12 à 25 ans le principal défaut de la politique de santé française en faveur des jeunes par rapport aux autres pays de l’OCDE.

III. UNE AMÉLIORATION DU DISPOSITIF DE MÉDECINE SCOLAIRE
EST NÉCESSAIRE POUR QUE CELUI-CI PUISSE DÉPLOYER
SON EFFICACITÉ OPTIMALE

A. LES AMÉLIORATIONS À APPORTER AU PILOTAGE DE LA MÉDECINE SCOLAIRE.

1. La question du rattachement de la médecine scolaire

Le fait de savoir si la médecine scolaire doit demeurer une compétence de l’État ou devrait devenir une compétence des collectivités territoriales est une question que le Législateur s’est posée à plusieurs reprises depuis la fondation d’un service national de médecine scolaire en 1945.

En 1982, lors des premières lois de décentralisation, le Législateur a ainsi écarté une disposition du projet de loi répartissant les compétences entre les collectivités territoriales et l’État en matière sanitaire et sociale, qui prévoyait le rattachement de la médecine scolaire aux départements.

De même, lors de l’examen en 2003 des projets de lois constituant l’acte II de la décentralisation, les députés ont à nouveau repoussé un article issu d’un amendement sénatorial confiant aux départements la responsabilité de l’organisation de la médecine scolaire.

Plus récemment, Mme Valérie Pécresse a consacré à la médecine scolaire un chapitre du rapport qu’elle a présenté en 2006 au nom de la mission de l’Assemblée nationale sur la famille et les droits de l’enfant. Prenant acte de l’insuffisance de moyens dont souffre la médecine scolaire, elle a proposé d’expérimenter dans des départements pilotes un élargissement de la compétence de la protection maternelle et infantile à l’ensemble des enfants en cycle primaire (123).

Ces propositions ne sont pas étrangères au fait que les collectivités locales doivent prendre en charge depuis 1945 les charges matérielles relevant de la médecine scolaire, l’ordonnance 18 octobre 1945 prévoyant une participation des collectivités publiques « aux dépenses occasionnées par les examens médicaux périodiques des élèves » et imposant aux communes de plus de 5 000 habitants ainsi qu’à celles inscrites sur une liste fixée par arrêté ministériel de mettre en place à cette fin des centre médico-sociaux scolaire (CMS). Cette répartition des tâches n’a pas été remise en cause par les lois de décentralisation, le Conseil d’État saisi par les ministres de l’Éducation nationale et de l’Intérieur ayant confirmé dans un arrêt du 1er décembre 1992 le caractère obligatoire que revêtaient les dépenses de fonctionnement et d’organisation des CMS (124). De plus, les collectivités territoriales assument depuis les lois de décentralisation de 1982 les charges afférentes à la construction des écoles, des collèges et des lycées, ce qui les conduit à intervenir dans la conception des infirmeries et des cabinets médicaux installés dans les établissements d’enseignement publics.

L’idée que la médecine scolaire aurait vocation à s’insérer au sein d’un bloc de compétences sanitaires et sociales transférées aux départements prend appui sur la valeur exemplaire de l’action de la dizaine de services municipaux de santé scolaire qui restent en fonction. L’existence de ces services municipaux principalement implantés dans des grandes villes et leur proche périphérie (125) sont un héritage de la période antérieure à l’ordonnance du 18 octobre 1945, laquelle a autorisé leur maintien dans les communes où ils étaient présents.

La mission parlementaire, qui a étudié en détails ces services, a pu constater que ceux-ci ne constituaient pas un modèle unique, mais plutôt des modèles alternatifs d’organisation de la médecine, parmi lesquels n’émergeait aucun modèle central, et que les succès incontestables obtenus sur le plan sanitaire par ces organisations reposaient avant toute chose sur le soutien financier très important consenti par les communes dont ils dépendent : d’après les calculs réalisés par la mission parlementaire à partir des chiffres communiqués par ces communes, l’effort financier engagé, rapporté au nombre d’élèves, était supérieur au double, voire au triple des sommes consacrées à la médecine scolaire par l’éducation nationale (126), alors même que ces services interviennent dans des tissus urbains très denses, ce qui tend à minorer les problèmes liés aux déplacements des personnels entre les établissements. On ne peut donc attendre de telles conséquences d’une généralisation de ce type de service dans les collectivités territoriales, alors même que, au plan national, la Cour des comptes a déjà souligné le niveau d’implication très variable des collectivités locales dans l’équipement des centres médico-scolaires dont elles ont la charge (127).

En termes qualitatifs, il est intéressant toutefois de noter qu’une partie des succès obtenus dans le domaine sanitaire tiennent à une amélioration des fonctions d’accompagnement vers les soins, bien que celles-ci soient prises en charge de manière très différente suivant les services municipaux de santé (128).

De plus, l’exemple des services municipaux de santé démontre la capacité de ces structures à s’intégrer sans difficultés apparentes dans la communauté éducative, prenant en charge par exemple l’instruction des dossiers d’intégration scolaire des élèves handicapés (PPS) ou souffrant de maladie chronique (PAI), malgré la différence de statut des personnels.

À ce stade, les rapporteurs estiment cependant, à l’instar de la Cour des comptes, que la mobilisation des collectivités territoriales n’apporterait pas suffisamment de garantie d’une meilleure couverture des besoins sanitaires des élèves, plusieurs rapports de l’inspection générale des affaires sociales soulignant d’ailleurs également l’hétérogénéité des résultats obtenus dans ce cadre. (129)

De plus, un découpage plus ciblé des compétences transférées, centré par exemple sur une délégation du suivi sanitaire scolaire dans les établissements primaires, comporterait des risques non négligeables de dispersion du service de santé scolaire actuellement géré par le ministère de l’Éducation nationale.

2. Individualiser les organes de pilotage de la médecine scolaire au sein du ministère de l’Éducation nationale

a) Au niveau national

Les rapporteurs partagent l’avis présenté la Cour des comptes selon lequel les défaillances relevées dans la contribution du ministère de l’Éducation nationale à la politique sanitaire menée en milieu scolaire tiennent en partie au manque d’expertise médicale à un niveau hiérarchique suffisant pour faire prévaloir une vision de santé publique lorsque des décisions sont à prendre.

Ce constat ne doit pas cependant remettre en cause le rattachement de la médecine scolaire au programme budgétaire 230 « Vie de l’élève », qui illustre pleinement le fait que la promotion de la santé est une mission de l’école dans son ensemble, sans être la prérogative de ses personnels de santé, et qu’elle doit mobiliser toutes les catégories de personnels. La mission parlementaire a par ailleurs entendu l’argument présenté par la DGESCO, selon lequel le programme figure déjà parmi les plus petits programmes budgétaires existants et ne pouvait donc pas voir son périmètre réduit sans être remis en cause de manière plus fondamentale.

La participation de la médecine scolaire au programme 230 entraîne de facto son rattachement au directeur général de l’enseignement scolaire qui assure la responsabilité de ce programme devant le Parlement.

En tout état de cause, la question du rattachement de la médecine scolaire ne peut avoir un impact sur les règles d’organisation des administrations centrales, qui distinguent en matière de gestion des ressources humaines, les compétences réservées aux directions des ressources humaines et celles, résiduelles, qui reviennent aux directions techniques (notamment en matière de recrutement).

À partir de ces principes, les rapporteurs préconisent la création d’une structure administrative directement rattachée au directeur général de l’enseignement scolaire, ayant vocation à assurer le pilotage ministériel de la médecine scolaire, en coordination avec le délégué interministériel à la prévention sanitaire dont la Cour des comptes recommande par ailleurs la création (130) (131).

Cette cellule de pilotage, dont la compétence médicale serait clairement affichée, se verrait plus particulièrement investie des fonctions suivantes :

– la conduite d’études épidémiologiques et la réalisation de diagnostics sanitaires fondés sur l’exploitation des données recueillies, en vue de dégager des axes d’intervention prioritaires en matière de politique sanitaire en milieu scolaire et d’orienter le déploiement des moyens propres à la médecine scolaire ;

– l’évaluation des différentes actions menées dans le cadre de la promotion de la santé en milieu scolaire afin de favoriser la diffusion des bonnes pratiques ;

– l’animation des cellules rectorales ayant les mêmes fonctions au niveau régional ;

– la mise en œuvre d’un plan informatique visant à doter les personnels médicaux d’un outil, unique et conforme aux normes de sécurité applicables pour les données de santé, qui permette :

● la gestion informatique des dossiers médicaux ;

● le transfert de ces dossiers au sein des services de santé scolaire ;

● l’extraction des données collectées en vue d’une exploitation pour des études épidémiologiques.

b) Au niveau rectoral

À l’heure où se met en place la régionalisation des politiques de santé, sous l’égide des agences régionales de santé, il est essentiel que les services rectoraux de santé scolaires puissent se positionner comme des acteurs en capacité d’engager des partenariats actifs dans le domaine de la prévention sanitaire.

Si la référence aux politiques rectorales ne saurait exonérer l’administration centrale des responsabilités qui sont les siennes, en particulier dans l’attribution des moyens nécessaires pour répondre aux besoins prioritaires, il est clair que les politiques rectorales de santé auraient tout à gagner à pouvoir s’appuyer sur un service de santé scolaire spécifique, disposant de moyens propres et à même de réaliser pleinement les missions actuellement assignées aux personnels de santé conseillers techniques, mais sans les doter des moyens correspondants : élaborer, impulser, coordonner et évaluer la politique rectorale de santé. (132)

C’est notamment à ce niveau de décision que doivent être expérimentées et évaluées des solutions aux interrogations formulées par la Cour des comptes, dans ses conclusions, sur l’amélioration nécessaire des modes d’organisation territoriale de la médecine scolaire.

Pour mener à bien leurs nouvelles missions de diagnostic sanitaire et d’évaluation, les rectorats doivent pouvoir s’appuyer sur des observatoires régionaux d’épidémiologie scolaires qui puissent réunir au niveau régional tous les acteurs de santé impliqués dans la prévention en faveur des enfants et des adolescents – en particulier les agences régionales de santé et les collectivités territoriales – pour réaliser des études épidémiologiques locales, en vue d’élaborer des diagnostics et d’évaluer les actions engagées.

B. ASSURER LA PÉRENNITÉ DE LA SANTÉ SCOLAIRE PAR LA RECONSTITUTION D’UN VIVIER DE CANDIDATS POTENTIELS AUX CONCOURS DE MÉDECINS ET D’INFIRMIERS SCOLAIRES

Les particularités de l’exercice médical en milieu scolaire présentent un attrait pour les médecins de toutes spécialités – les médecins généralistes et les pédiatres notamment – permettant à la médecine scolaire de recruter des personnels médicaux bien au-delà des frontières de la médecine de prévention. Les témoignages sont nombreux de professionnels de santé devenus médecins scolaires après une première activité médicale en dehors du ministère de l’Éducation nationale, dans le secteur libéral ou en milieu hospitalier

Pour ces personnels, la pratique des vacations a constitué, dès l’origine de la médecine scolaire, une porte d’entrée dans la profession, non pas parce que ces personnels auraient été des supplétifs méconnus de la fonction publique, comme ce fut le cas d’un certain nombre de vacataires au sein du service public, mais parce que les médecins ayant une autre activité médicale souhaitaient pouvoir mieux connaître les particularités de l’exercice médical en milieu scolaire, soit dans le cadre d’un temps partagé avec un autre exercice médical salarié, soit en restant dans une zone géographique proche de leur résidence, avant de s’engager de manière définitive dans la fonction publique.

Pour différentes raisons, le vivier de futurs médecins titulaires ainsi représenté par les médecins scolaires vacataires est aujourd’hui tari, alors qu’il représentait selon le ministère de l’Éducation nationale 40 % des effectifs de médecins dans ce ministère en 2000. La première raison est qu’en assouplissant les règles d’intégration des médecins vacataires recrutés dans le cadre du concours interne qui leur est statutairement ouvert (133), le ministère de l’Éducation nationale a autorisé une recrutement massif de médecins jusqu’alors vacataires (150 médecins sur 3 ans) ce qui a permis de compenser pendant une courte période le nombre de départs à la retraite. La seconde raison est que, parallèlement, les contraintes de gestion appliquées à ce système de vacations ont été durcies, avec une diminution de moitié des crédits de vacation délégués aux académies et des conditions contractuelles proposées aux médecins vacataires plus défavorables.

Le constat sur le terrain est donc celui d’une disparition rapide des emplois de médecins vacataires, avec la menace que cette disparition fait peser sur le futur recrutement en médecins scolaires.

S’il faut se féliciter que les médecins vacataires qui occupaient un emploi précaire aient pu trouver au sein de la fonction publique des conditions d’emploi plus conformes aux normes en vigueur, les rapporteurs appellent l’attention du ministre de l’Éducation nationale sur les risques que fait peser sur le recrutement des futurs médecins scolaires l’absence de cadre d’emploi que le ministère est en mesure de proposer aux médecins qui souhaiteraient collaborer, dans un premier temps de manière temporaire, aux missions de la médecine scolaire. En l’absence d’une solution plus satisfaisante, ils appellent à une nette amélioration des conditions d’emploi de ces médecins, tant du point de vue du taux horaire proposé, actuellement fixé à 17,5 euros l’heure, que du nombre d’heures de vacation par contrat.

C. AMÉLIORERL’EFFICACITÉ DES ACTIONS DE DÉPISTAGE DE LA MÉDECINE SCOLAIRE

Malgré l’intérêt manifesté par les pouvoirs publics, notamment par la circulaire du ministre de l’Éducation nationale du 25 avril 2002 (134), sur les suites données par les familles aux avis médicaux formulés par les médecins scolaires dans le cadre des bilans de santé systématiques ou à l’occasion d’un examen à la demande, la mission parlementaire a pu constater que les initiatives destinées à faciliter l’accès aux soins à l’issue d’un dépistage étaient peu nombreuses et le taux de recours aux soins est mal évalué, faute de moyens de secrétariat disponibles.

Les rapporteurs entendent souligner que le recours aux soins à l’issue des actions de dépistage systématiques prescrites par les pouvoirs publics est une variable essentielle de l’efficacité de ces actions, et qu’à ce titre les dispositifs destinés à faciliter l’accès aux soins à l’issue d’un dépistage doivent bénéficier d’un plus grand soutien de la part des pouvoirs publics, et notamment des agences régionales de santé.

1. Confirmer la faculté des médecins scolaires de prescrire des examens diagnostiques, et notamment des bilans
orthophoniques

De nombreux acteurs de prévention ont regretté devant la mission parlementaire la complexité de la réglementation sociale actuelle qui conduit à ce que les avis médicaux émis par les médecins de l’éducation nationale doivent, dans certains départements, en fonction de la politique appliquée en la matière par les caisses primaires d’assurance maladies, être confirmés par une seconde visite effectué auprès d’un médecin généraliste, alors même que ces avis portent sur la prescription d’actes de diagnostic, concernant notamment la réalisation de bilans orthophoniques.

Dans la mesure où la prescription d’actes de diagnostics ne contrevient pas à l’interdiction posée par le code de déontologie médicale aux médecins de prévention de prodiguer des soins curatifs (135), il est légitime de s’interroger sur l’origine de ces interprétations divergentes et de demander au ministre chargé de la santé de lever les incertitudes existantes sur la possibilité pour les médecins de l’éducation nationale de prescrire des actes de diagnostic à l’issue d’un dépistage systématique.

2. Affirmer le caractère prioritaire de l’accompagnement aux soins dans les zones défavorisées sur le plan médico-social, en
développant les fonctions d’accompagnement en santé des familles

Lors de ses déplacements sur le terrain, à l’occasion de tables rondes avec les professionnels de santé rencontrés à Villeurbanne et à Lyon ainsi que dans l’académie de Montpellier, la mission parlementaire a pu constater l’intérêt thérapeutique des initiatives locales destinées à promouvoir l’accompagnement dans le recours aux soins à la suite de dépistages réalisés en milieu scolaire, bien que de telles initiatives soient pour le moment peu connues et très dispersées.

Les témoignages entendus confirment les enjeux de santé particuliers que cette fonction d’accompagnement recouvre pour des populations déjà fragiles sur le plan sanitaire, du fait d’obstacles socio-économiques multiples dans l’accès aux soins, tels que l’absence de médecin traitant, des difficultés de compréhension des termes médicaux ou des spécialisations de la médecine, de consultation, etc.

Si les problèmes d’accès aux soins font l’objet d’une réelle attention de la part des pouvoirs publics dans le cadre de la politique de lutte contre les inégalités de santé, ils représentent un enjeu particulier lorsqu’ils menacent de compromettre l’efficacité des actions de dépistage systématiques mises en place sur fonds publics. Ils ne doivent donc pas être laissés dans l’ombre.

C’est pourquoi, les rapporteurs recommandent que des instructions soient données aux agences régionales de santé par le ministère de la santé pour que les structures mises en place par des acteurs de santé locaux et dédiées à l’accompagnement des familles dans l’accès aux soins bénéficient de financements spécifiques et pérennes dès lors que ces structures inscrivent leur action dans le prolongement des bilans de santé mis en œuvre par les médecins scolaires dans les zones socialement défavorisées [anciennes ZEP (zones d’éducation prioritaires) et établissements ECLAIR (écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite)].

D. ÉVALUER LA PERTINENCE DES NOUVELLES ACTIONS DE SANTÉ PUBLIQUE PRESCRITES EN MILIEU SCOLAIRE

Dès lors que ne sont pas levées les hypothèques qui obèrent l’avenir du service de santé scolaire, la participation de la médecine scolaire aux objectifs et aux plans nationaux de santé publique doit être réfléchie en tenant compte des moyens limités que celle-ci est en mesure de mobiliser.

Cette contrainte, dont il ne faut pas cacher qu’elle trouve sa source dans une approche réaliste de la situation, doit pousser les décideurs, et en particulier le Législateur, à sélectionner et à ne retenir que les actions les plus performantes en termes de santé publique.

Dans ce cadre, il paraît nécessaire aux yeux de la mission parlementaire que soient évalués plus précisément les bénéfices attendus des actions engagées le plus récemment et de saisir à cette fin le Haut conseil de la Santé publique (HCSP), qui est l’instance la plus à même de réaliser ces évaluations.

1. Saisir le Haut conseil de la santé publique sur la pertinence d’actions de dépistage systématiques lors de la 9e, 12e et 15e année

Comme d’autres, et notamment la Cour des comptes, la mission parlementaire a fait le constat que faute d’avoir donné à la médecine scolaire les moyens supplémentaires évoqués lors de l’adoption par le Parlement de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, l’organisation d’un suivi sanitaire des enfants et des adolescents au sein de l’institution scolaire, sur la base d’une visite médicale régulière tous les 3 ans à partir de l’âge de 6 ans, est restée lettre morte.

Il faut d’ailleurs noter qu’aucun chiffrage officiel des moyens nécessaires à la mise en œuvre de cette mesure législative n’a été entrepris, ce qui laisse la porte ouverte aux supputations : même un doublement des effectifs actuels de médecins scolaires suffirait-il à examiner quatre fois plus d’élèves qu’aujourd’hui ?

Par ailleurs, il est évident que l’objet de l’examen médical proposé évoluerait avec l’âge de l’élève et le dépistage tendrait progressivement à passer à un entretien de santé, davantage tourné vers la détection des souffrances psychiques, non moins chronophage, mais ne se justifiant peut-être pas de manière systématique.

Il conviendrait donc d’interroger le Haut conseil de la santé publique sur l’intérêt sanitaire de tels bilans de santé systématiques en milieu scolaire.

2. Saisir le Haut conseil de la santé publique sur la place des services de santé scolaires dans la détection et la prise en charge des « dys »

Les troubles du langage et de l’apprentissage, loin d’être la « médicalisation abusive des difficultés scolaires » que certains craignent, constituent certainement l’enjeu majeur de santé publique de ces dernières années en ce qui concerne la santé de l’enfant.

L’implication des médecins scolaires dans ce domaine, qui ont joué un rôle décisif dans l’émergence et la prise en charge de cette question de santé rejoint les préoccupations du Législateur, qui, en 2007, a inclus la détection des troubles du langage dans le bilan de santé prescrit à l’âge de 6 ans.

Toutefois, la séquence préconisée par le rapport de M. Jean-Claude Ringard (136) en 2000, confiant une mission de repérage aux enseignants, une mission de dépistage aux médecins scolaires ou de PMI et la réalisation du diagnostic aux centres de référence existants pour le traitement de ces troubles, semble être devenue obsolète au vu de l’affluence du nombre de cas détectés et de la saturation des centres de référence.

Il apparaît au vu de l’expérience acquise dans ce domaine par les académies les plus avancées sur ce sujet, et notamment l’académie d’Aix-Marseille, qu’une prise en charge adaptée et suffisamment précoce des enfants en milieu scolaire suppose la participation des médecins scolaires au diagnostic des cas les moins sévères, au travers peut-être d’un réseau de santé spécifique venant en soutien des centres de référence.

La généralisation d’un schéma de ce type ne sera pas sans conséquence sur l’utilisation des ressources affectées à la médecine scolaire, compte tenu de l’investissement en formation et en temps pour de nouveaux examens médicaux que ce schéma suppose.

Il est donc proposé que le Haut conseil de la santé publique soit également saisi sur les modalités de détection et de prise en charge par le système de santé français des enfants souffrant de troubles du langage et de l’apprentissage.

E. RÉAFFIRMER LES ENJEUX DE L’ÉDUCATION À LA SANTÉ AU SEIN DE L’INSTITUTION SCOLAIRE

À la suite de l’audition de spécialistes de cette question – le Pr Maurice Tubiana, membre de l’Académie de médecine, auteur d’un rapport présenté devant cette institution (137), Mme Annie Mamecier et M. Jean-Louis Michard, membres de l’inspection générale de l’éducation nationale –, la mission parlementaire ne peut que souligner la précarité des résultats obtenus par les programmes d’éducation à la santé menés au sein de l’institution scolaire, qui apparaissent encore trop souvent comme des greffons mal intégrés dans la politique éducative du ministère de l’Éducation nationale.

Si les personnels de santé ont pour mission d’être les garants du contenu et de la qualité des actions d’éducation à la santé, celle-ci ne pourra prendre vraiment la place qu’elle doit avoir au sein de l’école sans la participation de l’ensemble de la communauté éducative et en particulier des enseignants, qui doivent être en mesure d’intégrer cette dimension éducative dans les enseignements qu’ils dispensent.

Dans ce contexte, conscients que ce sujet mériterait à lui seul une évaluation de niveau interministériel définissant de manière plus adaptée le contenu de cette mission de l’école, les rapporteurs tiennent à souligner que « la priorité des priorités » est aujourd’hui d’assurer la reprise des formations à l’éducation en santé par les universités, au moment où leur est transférée la responsabilité de la formation initiale des enseignants, sous peine d’encourir la perte de cet acquis « qui nous ramènerait dix ans en arrière » (138).



AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD,
PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES
LE 6 OCTOBRE 2011

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Je suis très heureux de vous présenter aujourd’hui le rapport que la Cour a établi sur la médecine scolaire, afin de contribuer à son évaluation. Je le suis d’autant plus qu’il s’agit du premier rapport de la juridiction répondant à une commande passée par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale sur le fondement de l’article L. 132-5 du code des juridictions financières, issu de la proposition de loi du président Accoyer.

Nous avons souhaité adapter au mieux notre travail et nos méthodes en vue de remplir la mission définie par l’article 47-2 de la Constitution, aux termes duquel la Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans l’évaluation des politiques publiques. La Cour a donc mené son enquête auprès des ministères chargés de l’Éducation nationale et de la Santé, de trois académies et des onze inspections académiques correspondantes, afin d’apprécier le pilotage et la gestion de la médecine scolaire. Surtout, nous avons choisi de mener des investigations de terrain auprès d’un échantillon d’écoles maternelles et primaires, de collèges et de lycées sélectionnés en raison de leurs contextes géographiques et sociaux très diversifiés. Ainsi, nous avons pu recueillir les perceptions d’une cinquantaine de médecins et d’infirmiers de l’éducation nationale sur les enjeux de leur action au service des élèves et de leur réussite scolaire.

Pour compléter cette approche, nous avons également sollicité les ambassades de France en Allemagne, en Espagne et au Royaume-Uni, qui nous ont fourni des éléments de comparaison sur la place et l’organisation de la médecine scolaire dans ces différents pays.

Enfin, nous avons organisé, au-delà des procédures traditionnelles de contradiction auxquelles la Cour est particulièrement attachée, douze auditions de près de 25 heures au total. Ces auditions de responsables ministériels, d’experts, de médecins et d’infirmiers, ainsi que de représentants de syndicats de personnels de santé scolaire et de fédérations de parents d’élèves, nous ont permis d’enrichir la matière de cette enquête.

Dans ce rapport, la Cour vise à contribuer à une évaluation de la médecine scolaire en examinant les objectifs, les moyens, l’organisation ainsi que les résultats de cette politique publique. Au terme de notre long travail, nous pouvons mettre en lumière quatre grands diagnostics.

Tout d’abord, les missions de la médecine scolaire se sont multipliées ces dernières années sans hiérarchisation claire entre elles.

Ensuite, la médecine scolaire se heurte à des problèmes d’attractivité de ses métiers et de répartition des moyens insatisfaisante.

De plus, elle est mal gouvernée à tous les niveaux, du manque de pilotage national à l’absence de coordination des acteurs de terrain.

Enfin, le suivi et l’évaluation des effets de la médecine scolaire sont quasi nuls, ce qui empêche à la fois d’en mesurer l’impact sur la santé des enfants et d’identifier les pratiques les plus efficaces.

Premier constat, les objectifs de la médecine scolaire n’ont cessé de se multiplier et de s’élargir au fil des décennies, passant du suivi sanitaire des élèves à une démarche de prévention, puis à l’affirmation d’une mission de promotion de la santé, qui s’efforce de prendre en compte les jeunes individus sous tous leurs aspects. Dès lors, les textes qui définissent les activités des médecins et des infirmiers de l’éducation nationale énoncent de multiples tâches sans établir de priorités entre elles : il leur faut simultanément assurer les visites médicales obligatoires, promouvoir les projets d’éducation à la santé, faciliter la scolarité des élèves confrontés à des problèmes de santé ou à des situations de handicap. Faute de hiérarchisation, les acteurs de terrain ont le sentiment d’une accumulation d’actions parmi lesquelles ils sont contraints d’effectuer eux-mêmes des choix en fonction d’impératifs dictés par l’urgence et de manière un peu improvisée.

Deuxièmement, le recrutement des personnels de médecine scolaire est confronté à d’importantes difficultés. Les raisons en sont que ces métiers sont faiblement attractifs et que les lauréats, qui pour nombre d’entre eux ont décidé de rejoindre l’éducation nationale après avoir exercé une activité de médecin généraliste, ont une mobilité limitée. Cette situation explique des déficits importants dans certaines académies et induit de fortes inégalités territoriales en matière de couverture médicale des publics scolaires. Ce problème de recrutement et de répartition des agents est en outre aggravé par le fait que 32 % des infirmiers et 42 % des médecins de l’éducation nationale devraient partir à la retraite d’ici à 2019.

Les conditions matérielles d’exercice ne sont pas non plus optimales. Ainsi, certains médecins et infirmiers de l’éducation nationale doivent assurer à leurs propres frais l’acquisition de matériels médicaux ou doivent utiliser, sans être remboursés, leur téléphone personnel afin d’organiser les rendez-vous avec les élèves et leurs familles.

Troisièmement, nous avons constaté que le pilotage de la médecine scolaire était très limité, sinon inexistant. Alors qu’elle doit être à la fois une médecine pour l’école et une médecine dans l’école, le rapport de la Cour montre qu’il n’existe pas d’accord entre les ministères de l’Éducation nationale et de la Santé – notamment sur la pertinence de certaines visites médicales obligatoires, un sujet central.

Au sein du ministère de l’Éducation nationale, un seul bureau est consacré à la médecine scolaire, et encore de manière non exclusive. À l’échelon territorial, les fonctions de régulation et d’animation reposent sur les médecins et les infirmiers, conseillers techniques placés auprès des recteurs et des inspecteurs d’académie, mais ce réseau ne bénéficie pas toujours de moyens adaptés de communication et d’échange. Enfin, l’enquête conduit à s’interroger sur le positionnement de la médecine scolaire par rapport à la médecine générale et sur l’homogénéité de ce positionnement. Il est frappant de constater que selon les départements, les caisses primaires d’assurance maladie prennent ou non en charge le remboursement des actes prescrits par les médecins de l’éducation nationale, par exemple en ce qui concerne les bilans orthophoniques.

Quatrièmement, enfin, les données statistiques disponibles pour juger des résultats de la médecine scolaire sont lacunaires et peu fiables. Elles ne permettent pas en l’état de mesurer l’impact de ces activités sur la santé des jeunes ni d’en apprécier l’efficacité, ce qui est un obstacle majeur à toute enquête.

Outre le fait – que les acteurs de terrain soulignent avec vigueur – que le dispositif statistique ne restitue pas une image fidèle de leur travail, les résultats disponibles font apparaître d’importantes inégalités territoriales dans les possibilités d’accès à la médecine scolaire, et même une dégradation des taux de réalisation des visites obligatoires des élèves. Seuls 65 % d’entre eux en bénéficient à l’âge de six ans, alors que la valeur cible de cet indicateur est de 100 %.

Par ailleurs, les acteurs de terrain doivent faire face à de nouveaux enjeux de société qu’ils ont du mal à traiter, notamment avec l’accroissement des situations de souffrance psychique des jeunes.

Enfin, l’impact des actions d’éducation à la santé sur le comportement des jeunes n’est pas mesuré, ce qui empêche de cibler les démarches les plus pertinentes et les plus efficaces.

Vous l’aurez compris, ces multiples difficultés obèrent les performances de la médecine scolaire. L’écart est profond entre les objectifs ambitieux assignés à cette dernière et la réalité de ses résultats. Nous avons donc cherché à identifier les orientations qui pourraient contribuer à le réduire.

Au-delà des constats techniques, l’enquête a tout d’abord montré que la médecine scolaire, qui s’adresse à 12 millions d’élèves et repose sur environ 1 500 médecins et 7 500 infirmiers de l’éducation nationale, constitue un enjeu central à la confluence de trois questions fondamentales pour l’avenir de notre société : la jeunesse, l’école et la santé.

Comme l’observait avec justesse un universitaire auditionné par la Cour, les médecins scolaires sont les seuls à pouvoir observer sur une longue période – entre cinq et quinze ans – une population aussi nombreuse et importante pour l’avenir de la nation. Or nombre de pays comparables au nôtre ne disposent pas de fonctionnaires dédiés à cette fonction, qu’ils recourent à des médecins du secteur privé pour intervenir dans les établissements scolaires ou qu’ils laissent aux familles le soin du suivi médical des élèves. C’est pour cela que la première de nos questions a porté sur le bien-fondé du choix national d’organiser une médecine scolaire.

Ensuite, nous avons examiné la place et le rôle de la médecine scolaire dans le cadre plus large des politiques de santé publique, dans la mesure où elle est chargée non seulement de contribuer à la réussite scolaire des élèves, mais également de veiller à leur état de santé à des âges cruciaux pour le développement de l’individu.

Sur ces deux points, la Cour considère que la médecine scolaire française présente, dans sa forme actuelle, un grand intérêt. Elle assure un suivi médical obligatoire au sein de l’institution scolaire tout en prenant en compte les objectifs éducatifs qu’elle connaît de façon très précise. Cependant, il faut absolument trouver une meilleure façon de l’articuler avec le reste du système français de santé publique. Autrement dit, à notre avis, aucun autre mode d’organisation ne paraît aujourd’hui en mesure d’offrir une alternative assurant cette mission dans les mêmes conditions.

Malgré cet enjeu central pour l’avenir de notre société, l’enquête de la Cour a montré que les personnels de la médecine scolaire estiment, non sans raison, que leur activité n’est ni vraiment reconnue, ni suffisamment valorisée. Cette aspiration à plus de visibilité et de reconnaissance paraît d’autant plus légitime que, tout au long de ses investigations, la Cour a rencontré des médecins et des infirmiers fortement motivés, aimant leur métier, soucieux de répondre aux besoins multiples des élèves. Ils savent être à l’écoute, percevoir un mal-être physique ou psychique, repérer les cas de détresse ; ils sont en mesure de sensibiliser les familles et de les orienter vers les structures et les interlocuteurs extérieurs qui pourront apporter des réponses adaptées.

Ces professionnels font également observer que, dans certains quartiers urbains ou territoires ruraux, ils sont parfois le seul contact qu’aient les élèves et leurs familles avec le monde de la santé. Ainsi, le réseau des médecins et infirmiers de l’éducation nationale nous est apparu comme un capital de tout premier plan qu’il faudrait sûrement mieux valoriser. Le meilleur parti doit être tiré de leur connaissance de l’état sanitaire et psychique des jeunes, et plus encore de leur capacité à identifier à temps difficultés et troubles d’apprentissage.

Au-delà de leur besoin de reconnaissance, les médecins et les infirmiers de l’éducation nationale aspirent surtout à voir leurs multiples activités redéfinies et inscrites dans un cadre plus clair et plus construit. Au fil des ans, leurs missions ont perdu en lisibilité et les grandes priorités se sont estompées sous l’effet de l’accumulation des tâches. Sur le terrain, les professionnels de santé doivent faire face à l’évolution des besoins des élèves, notamment avec un accroissement des situations de mal-être, la fragilisation des liens familiaux et sociaux, un accès inégal aux soins ou la précarité sociale et économique.

Pour faire face à cette demande multiforme des publics scolaires, la question se pose alors du dispositif qui permettrait, du fait de ses objectifs, de son organisation, de son animation et de sa capacité d’évaluation, de mieux situer l’action des médecins et infirmiers de l’éducation nationale par rapport aux grands enjeux de la santé en milieu éducatif. Il faut aussi trouver une manière de valoriser et d’animer le réseau de la médecine scolaire, de le faire fonctionner de manière plus efficiente et plus efficace. Nous avons formulé des orientations en ce sens.

Il nous paraît évident que, pour répondre aux enjeux de la médecine scolaire, des choix clairs doivent être effectués dans plusieurs domaines. Il faudrait à la fois fixer l’enjeu politique et social, apprécier les besoins réels, déterminer les objectifs, allouer les moyens, animer le réseau et son fonctionnement dans la diversité des territoires, reconnaître la valeur ajoutée et rendre les métiers plus attractifs.

C’est donc une vaste entreprise : il s’agit de créer les conditions pour que la santé scolaire devienne une politique publique à part entière, cohérente et pilotée. Dans ce but, la Cour identifie à la fin de son rapport sept axes d’action.

Une réflexion au niveau national devra déterminer des objectifs assortis d’indicateurs précis : dépistages obligatoires, suivi des élèves handicapés, accompagnement des élèves souffrant de pathologies, adaptation à l’enseignement professionnel, éducation à la santé, etc. Le choix de ces indicateurs et la fixation du niveau de leurs cibles exprimeront de facto la hiérarchie des objectifs.

Par ailleurs, la répartition des moyens humains et matériels devrait se fonder avant tout sur une appréciation locale des besoins des élèves, afin d’équilibrer l’allocation des moyens disponibles conformément aux objectifs de la politique mise en œuvre. Au-delà, un choix de nature politique devra être effectué sur la question des moyens : soit on décide que la politique de promotion de la santé scolaire doit être menée à budget constant, ce qui implique un redéploiement des moyens vers les territoires et les publics dont les besoins sont moins bien couverts ; soit les pouvoirs publics ont l’ambition de refonder cette politique en l’appuyant sur des moyens accrus, auquel cas le surcroît de ressources devra être affecté aux besoins jugés les plus importants, les moyens pouvant être trouvés par des redéploiements au sein de l’éducation nationale dans son ensemble.

En effet, comme l’a rappelé la Cour dans son rapport public thématique de mai 2010 sur « l’école face à l’objectif de réussite de tous les élèves », la France se situe, par rapport à la moyenne de l’OCDE, à un niveau de dépenses annuelles par élève inférieur de 5 % pour l’école maternelle et de 15 % pour l’école primaire, mais supérieur de 10 % pour le collège et surtout de 26 % pour le lycée. Des possibilités de redéploiement existent donc.

Venons-en aux sept axes d’actions que nous avons identifiés. Tout d’abord, sur le plan institutionnel, le rattachement actuel de la médecine scolaire au ministère de l’Éducation nationale n’est contesté ni par les personnels, dans leur grande majorité, ni par les responsables du ministère de la santé. Cette politique est avant tout considérée comme une politique d’appui aux politiques scolaires, et non seulement comme la variante d’une politique de santé publique. Toutefois, au sein du ministère de l’Éducation nationale, la faiblesse du pilotage – pour ne pas dire son absence – constitue un frein sérieux à l’efficacité du système de médecine scolaire. C’est pourquoi la médecine scolaire doit selon nous faire l’objet, au niveau national, d’une gestion suffisamment visible et individualisable, au lieu d’être diluée dans des politiques et des dispositifs disparates. Confier la responsabilité de cette politique à une autorité médicale éminente, par exemple, pourrait certainement permettre de lui insuffler une dynamique.

Ensuite, si les grandes lignes de l’organisation locale actuelle peuvent être maintenues afin de préserver sa souplesse et sa réactivité, le constat du relatif isolement des agents de la médecine scolaire – dont certains vont jusqu’à s’estimer oubliés de l’éducation nationale – amène à rechercher une meilleure intégration au niveau local. À ce titre, l’enquête de la Cour a permis de constater que les personnels étaient loin de disposer systématiquement des moyens informatiques et de communication permettant des échanges nécessaires et utiles. Cette condition préalable à une meilleure efficacité doit être remplie en priorité.

Au niveau national – c’est le troisième axe –, il convient de mettre fin aux divergences entre les ministères de l’Éducation nationale et de la Santé concernant l’approche générale de la santé scolaire, et de concilier, grâce à une véritable coordination, deux conceptions différentes : une médecine scolaire au service de la réussite des élèves et une médecine scolaire en tant qu’élément d’une politique de santé publique.

Quatrième et cinquième axes, à l’échelon régional, la répartition des missions des professionnels de santé, telle qu’elle sera organisée par les agences régionales de santé – ARS – devra tenir compte de la spécificité de la promotion de la santé scolaire tout en assurant une complémentarité effective entre les différents acteurs. Les médecins et infirmiers de l’éducation nationale sont en effet en première ligne pour constater et pour prévenir des difficultés ou des pathologies non encore décelées. Leur action doit donc être mise en réseau avec celle des autres intervenants de santé. À cet égard, la question du remboursement des actes découlant de prescriptions de médecins scolaires, actuellement accepté ou non selon les caisses primaires d’assurance maladie, devra être tranchée par les autorités compétentes.

Sixième axe : la question des moyens est inséparable du constat de la dégradation de l’attractivité des métiers de la médecine scolaire. Les difficultés actuelles de recrutement des médecins et infirmières de l’éducation nationale et les perspectives d’aggravation de cette situation, compte tenu de l’évolution démographique des corps concernés, rendent inévitable une adaptation statutaire si les pouvoirs publics veulent assurer la continuité des prestations données à la population scolaire. Cette adaptation devrait être fondée sur le principe d’une comparabilité minimale avec les corps équivalents de l’ensemble des fonctions publiques, tant sur le plan des rémunérations qu’en ce qui concerne les conditions de déroulement de carrière. Et je le répète, elle pourrait être financée à budget constant, par un redéploiement des moyens au sein de l’ensemble du ministère de l’Éducation nationale.

Par ailleurs, le sentiment des personnels, exprimé très fréquemment, d’être insuffisamment reconnus dans leur activité soulève la question de la revalorisation de l’image des médecins et des infirmières scolaires, laquelle passe par la reconnaissance de la qualification professionnelle, tant en formation initiale que continue.

Enfin, la Cour observe qu’à ce jour, les conditions statistiques préalables à une évaluation précise de l’efficacité de la médecine scolaire ne sont pas réunies, qu’il s’agisse du suivi médical ou de l’éducation à la santé. À l’avenir, il sera donc impératif de développer fortement les moyens de mesurer l’impact de la médecine scolaire et d’améliorer la connaissance statistique que nous en avons. Une telle démarche évaluative ne saurait bien évidemment se confondre avec un simple état des lieux de la santé des jeunes en âge scolaire.

Pour l’immédiat, l’objectif essentiel de la Cour aura été de vous donner les moyens de porter une appréciation complète, précise et documentée sur l’efficacité, l’efficience et le service rendu par la médecine scolaire, dont l’objectif essentiel est de permettre aux élèves, en prenant en charge dans les meilleures conditions possibles leurs capacités physiques et psychiques, de suivre avec succès les apprentissages de la scolarité obligatoire.

M. le Président Bernard Accoyer. Au nom de l’Assemblée nationale, je remercie les magistrats de la Cour et je les félicite pour la qualité du travail réalisé. Cette contribution remarquable à notre mission d’évaluation prouve la pertinence de la coopération entre nos deux institutions.

M. Gérard Gaudron, rapporteur. Les premiers commentaires et questions que nous pourrions, ma collègue Martine Pinville et moi-même, formuler à la réception de ce rapport, en tant que corapporteurs de la mission d’évaluation du Comité sur la médecine scolaire, ne peuvent donner qu’un bref aperçu de la profondeur de l’enquête réalisée et de la richesse de l’analyse présentée.

Les visites sur le terrain effectuées par la mission parlementaire, en complément de ses auditions, dans les académies de Lille, Lyon et Montpellier corroborent le constat amplement détaillé par la Cour des comptes : celui de la faiblesse des moyens attribués à la médecine scolaire pour l’accomplissement de ses missions.

Au cours des dix dernières années, nous ne dénombrons pas moins de quatre interventions du législateur en matière de santé à l’école, sur des sujets aussi importants que le handicap, la protection de l’enfance en danger, la prévention des grossesses non désirées et le renforcement de la prévention sanitaire. Or, si de nouveaux objectifs ont été assignés à la médecine scolaire au titre de ces politiques publiques, l’accroissement des missions n’a pas été accompagné d’une augmentation des moyens mis à disposition : ceux-ci sont restés stables depuis dix ans, comme le montre la Cour.

Ainsi peut-on remarquer que, pour suivre 12 millions d’élèves, le budget alloué à l’action « Santé scolaire », au sein du programme 230 « Vie de l’élève », est de 455 millions d’euros, soit une dépense annuelle de 37 euros par élève !

De même, nos observations recoupent celles de la Cour en ce qui concerne les crédits de fonctionnement qui sont destinés aux déplacements, à la formation continue et aux équipements informatiques, ou la rémunération des personnels.

Un deuxième élément du constat présenté par la Cour des comptes est relatif aux difficultés pratiques de l’évaluation dans le cas particulier de la médecine scolaire. Une partie de ces difficultés tient au fait que le dispositif de médecine scolaire intervient à part entière dans la mise en œuvre des différentes politiques publiques que nous avons évoquées. Cela pose la question des limites du champ de l’évaluation. Ainsi, le fait que les médecins scolaires soient devenus, au titre de leur expertise, des intervenants importants de la politique d’intégration scolaire des enfants handicapés – politique qui a permis la scolarisation de 200 000 enfants handicapés en 2010 contre 135 000 en 2004 – doit-il conduire à élargir le champ de l’évaluation à cet aspect de la politique de lutte contre le handicap ? Cette question est d’importance, car, comme l’indique le rapport de la Cour, faute de pouvoir isoler l’impact de l’action des personnels scolaires et le mesurer par des indicateurs appropriés, des indicateurs d’activité ont été choisis par défaut, au risque de provoquer une incompréhension réelle des personnels sur la manière dont est comprise leur action. On ne peut donc que rejoindre la Cour sur l’intérêt d’une réflexion approfondie quant à la nécessité de doter le dispositif de médecine scolaire d’une batterie d’indicateurs de suivi réellement à même de rendre compte de l’impact de son action sous ses différentes formes.

Cette remarque nous amène à un troisième élément du constat présenté par la Cour, qui concerne le pilotage du dispositif. La Cour souligne à juste titre que, face à l’accumulation des objectifs, les organes de pilotage nationaux et académiques ne semblent pas en mesure de communiquer aux personnels de médecine scolaire une hiérarchie des priorités opérationnelles. Par ailleurs, comme la mission, elle note un effet du rattachement au ministère de l’Éducation nationale : la médecine scolaire est parfois considérée par les responsables de ce dernier comme une politique d’appui aux politiques scolaires, au détriment de son volet de santé publique. Ainsi, faute de pouvoir s’appuyer sur un diagnostic sanitaire territorial pour le moment indisponible, la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) continue d’utiliser, pour la répartition des moyens entre académies, des méthodes sans lien avec le critère de santé des élèves. Un tel hiatus n’est pas sans conséquence sur la façon dont les personnels de terrain comprennent leur positionnement au sein de l’institution – leur demande d’une redéfinition de leurs missions est récurrente –, ainsi que sur les difficultés qu’ils éprouvent à se coordonner dans la réalisation de leurs missions communes. Je pense en particulier à la réalisation de l’examen de santé au cours de la sixième année, dont les modalités d’organisation font l’objet d’interprétations divergentes. Il y a clairement là un enjeu d’efficience pour le dispositif de médecine scolaire que seul un pilotage national et académique mieux affirmé est susceptible d’emporter.

Ainsi que le rappelle la Cour dans son rapport, le choix qui a été fait en France d’une médecine intégrée au ministère de l’Éducation nationale ne se retrouve pas dans d’autres pays. Ce choix, fruit d’une longue maturation, explique la place particulière que les personnels de santé scolaire occupent aujourd’hui au sein de la politique sanitaire en direction des enfants et adolescents ainsi que dans les différents volets de la politique éducative, la politique en faveur des élèves handicapés et l’éducation à la santé. On ne peut que rejoindre la Cour quand elle affirme que le réseau des médecins et infirmières scolaires constitue un capital de tout premier plan qu’il faut valoriser en tirant le meilleur parti de leur expertise médicale.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Nous sommes reconnaissants à la Cour des recommandations que le Premier président vient de présenter en vue d’améliorer le dispositif de la médecine scolaire. Ces suggestions pourront utilement recevoir l’éclairage du ministre de l’Éducation nationale, responsable de cette politique publique, lorsque nous solliciterons son avis avant la remise de notre rapport.

Partant du constat d’une incapacité actuelle à hiérarchiser les priorités assignées à la médecine scolaire, la Cour estime qu’une réflexion doit être engagée sur la constitution d’un ensemble d’indicateurs adaptés. La Cour a-t-elle elle-même réfléchi aux indicateurs susceptibles d’être mobilisés par le Parlement dans le cadre du suivi de la performance budgétaire ?

Sans remettre en cause le rattachement de la médecine scolaire au ministère de l’Éducation nationale, la Cour estime que ce dernier devrait en améliorer le pilotage. Comment devrait-il s’y prendre ?

En ce qui concerne la participation des services de médecine scolaire aux politiques de santé publique en direction des enfants et des adolescents, faut-il envisager une plus grande implication du ministère de la santé au niveau national – et si oui, selon quelles modalités –, ou vaut-il mieux se tourner vers les ARS et compter sur leur capacité à porter un diagnostic et à assurer l’organisation territoriale de la médecine préventive ? Dans ce domaine, l’action des agences se limite souvent à une coordination. Leurs missions ne devraient-elles pas être précisées sur ce point ? Lors de nos déplacements, nous avons pu observer une grande variété dans les formes d’organisation.

La question du pilotage renvoie à celle des missions attribuées à la médecine scolaire. Sur ce sujet, quelles évolutions potentielles l’enquête menée par la Cour a-t-elle permis d’entrevoir ?

Il convient notamment de s’interroger sur la pertinence de l’obligation, introduite par l’article 1er de la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance, d’organiser des visites médicales au cours de la neuvième, de la douzième et de la quinzième année. Le Gouvernement n’a pris aucun texte d’application et le ministère de l’Éducation nationale ne s’est pas saisi de la disposition, arguant que les moyens disponibles ne permettaient pas de respecter cette obligation. Dans ce domaine également, la situation varie fortement selon les territoires. Cette absence de suite donnée par le Gouvernement au vote de la loi doit-elle être considérée comme une invitation à réévaluer, selon des modalités à définir, l’intérêt d’une telle obligation au regard des exigences de santé publique et des moyens disponibles ?

Enfin, on ne peut ignorer les problèmes que rencontre aujourd’hui le ministère de l’Éducation nationale dans le recrutement de ses personnels de santé, du fait de l’évolution de la démographie médicale, il est vrai, mais aussi d’une attractivité insuffisante des carrières proposées. Compte tenu du nombre de départs en retraite prévu, et dans un contexte budgétaire contraint, quelles sont les préconisations de la Cour pour rendre ces métiers plus attractifs ?

La question de la santé à l’école a un caractère multidimensionnel. La santé des élèves concerne non seulement les personnels de santé scolaire, qui en sont les garants, mais l’école dans son ensemble, qu’il s’agisse du temps scolaire, où le souci de l’éducation à la santé doit imprégner les enseignements concernés, ou du temps périscolaire – celui de la restauration, par exemple. La place de la santé à l’école est-elle aujourd’hui suffisamment affirmée ?

M. Marc Bernier, désigné par la commission des Affaires culturelles et de l’éducation pour participer aux travaux du Comité. Auteur, avec mon collègue Gérard Gaudron et pour le compte de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, d’un rapport pour avis sur la médecine scolaire, je me réjouis que la première contribution de la Cour des comptes aux travaux du CEC porte sur ce thème.

Nous avions bien mesuré l’importance du problème que pose le manque d’attractivité de la médecine scolaire – il faut d’ailleurs espérer que la médiatisation dont cette réunion fait l’objet permettra de trouver des solutions. Le nombre de postes non pourvus traduit bien ce manque d’attrait, et rend absolument nécessaire une revalorisation des fonctions de médecin ou d’infirmier scolaires. Ainsi, une personne auditionnée nous avait dit qu’un médecin scolaire en début de carrière gagnait moins qu’un interne en médecine.

Quant à l’inégalité territoriale, non seulement elle est manifeste, mais elle se double d’une disparité considérable entre les établissements publics et privés. Ainsi, dans mon département, où 40 % des élèves sont scolarisés dans l’enseignement privé, il existe un médecin scolaire pour 26 000 élèves, mais aucun dans le privé.

De même, il est évident qu’une redéfinition des tâches de la médecine scolaire est nécessaire, tant est confuse la répartition actuelle des missions attribuées aux médecins et infirmiers de l’éducation nationale.

Le 15 novembre 2010, les ministres en charge de la santé et de l’éducation nous avaient annoncé un plan santé au sein de l’éducation nationale. Une conférence de presse commune devait marquer le début de cette collaboration. Malheureusement, les ministres ont changé et cette initiative est restée sans suite. J’espère que votre contribution et le travail du CEC permettront de relancer cette idée.

Je me suis de mon côté déjà beaucoup penché sur les inégalités territoriales en matière de santé. Ne serait-il pas possible, dans les zones déficitaires, de faire participer les médecins du secteur privé à l’éducation à la santé en leur confiant des mandats de santé publique ? Nous avions, avec Christian Paul, fait des propositions en ce sens lors de l’examen de la loi dite « HPST ». Les futurs médecins généralistes que nous avions interrogés n’étaient pas opposés à cette idée, déjà mise en œuvre dans de nombreux pays. De nombreux postes de médecine scolaire ne sont pas pourvus : qu’allons-nous faire pour y remédier ?

Mme Colette Langlade, désignée par la commission des Affaires culturelles et de l’éducation pour participer aux travaux du Comité. L’école a pris, au cours de la dernière décennie, une place prioritaire dans le combat pour l’amélioration de la santé en France, depuis qu’il est apparu que notre pays est, au sein de l’Union européenne, celui où la mortalité due aux comportements – accidents, suicides, alcool, tabac – est la plus élevée. Ces comportements nocifs débutent pendant l’adolescence, mais sont conditionnés par la construction mentale qui se fait pendant la petite enfance.

À l’heure actuelle, la situation de la santé à l’école est préoccupante pour deux raisons principales. Premièrement, l’absence d’une doctrine cohérente : les concepts en ce domaine ont grandement évolué depuis 1975, mais on s’est contenté d’additionner les approches au lieu de redéfinir les buts et d’adapter les moyens. Deuxièmement, l’absence de suivi des actions entreprises : les directives et circulaires n’ont pas manqué, non plus que les études, mais on n’a tiré aucun enseignement des échecs comme des réussites.

La place de la santé pendant la prime enfance a beaucoup évolué. Autrefois, on s’attachait essentiellement, chez les petits, aux problèmes somatiques : malvoyance, malentendance, difficultés motrices. Aujourd’hui, les problèmes psychosociologiques passent sur le devant. Instituteurs et professeurs sont devenus ceux qui repèrent le plus vite les enfants en difficulté et les interventions sont d’autant plus efficaces qu’elles sont précoces : c’est pourquoi il faut réaffirmer que l’éducation à la santé fait partie des missions de l’école.

Or, dans son rapport, la Cour note que « la médecine scolaire n’occupe qu’une place limitée dans les orientations formulées par le ministère de l’Éducation nationale », et elle relève « une difficulté à définir clairement des objectifs nationaux adaptés aux réalités et aux besoins du terrain ». Le directeur général de l’enseignement scolaire lui-même a reconnu, lors de son audition par la Cour, que la médecine scolaire constituait un domaine qui n’était pas dans le « cœur » de métier de l’éducation nationale.

S’agissant des politiques académiques, et surtout des moyens de la médecine scolaire, la question essentielle réside dans la gestion des ressources humaines, marquée par d’importantes difficultés de recrutement, mais également par des rigidités dans les procédures d’affectation. En outre, les conditions matérielles d’exercice sont inégales selon les établissements.

Pour ce qui est du budget et s’agissant des médecins, les données disponibles indiquent une diminution de 169 ETPT (équivalents-temps plein travaillé) entre 2006 et 2011. On ne peut que regretter que cette baisse tienne à une sous-consommation chronique des emplois concernés et à l’utilisation des supports vacants pour financer des postes de conseillers principaux d’éducation.

Le ministère de l’Éducation nationale doit se donner les moyens d’un pilotage national de la médecine scolaire. Cette démarche volontariste pourrait justifier la création d’un service dédié à la médecine scolaire, dirigé par une personnalité reconnue du milieu médical, ainsi que le propose la Cour des comptes. Ce serait un signal fort pour identifier cette médecine scolaire comme une politique publique à part entière et pour assurer une plus grande cohérence stratégique entre objectifs et moyens.

Quant à l’organisation de la médecine, elle est fortement déconcentrée à l’échelon des académies, et plus encore à celui des inspections académiques. Mais cette structuration administrative, assez classique, masque un fonctionnement en réseaux : réseau interne des médecins et des infirmiers en relation avec leurs conseillers techniques situés aux échelons national, rectoraux et départementaux ; réseau externe de partenariats multiformes avec des acteurs extérieurs à l’éducation nationale, qu’ils relèvent des collectivités territoriales, des services et acteurs de santé ou du milieu associatif. Confrontés à cette complexité, les personnels formulent des interrogations sur le positionnement institutionnel de la médecine scolaire. Un collège du Rhône souligne même que le médecin, qui n’assure qu’une demi-journée par mois dans l’établissement, ne peut que gérer les urgences et les visites obligatoires. Il faut donc repenser le rôle de ces praticiens, dont la charge est telle qu’ils ont l’impression d’être soumis à un travail à la chaîne et qu’ils abandonnent l’éducation nationale dès qu’ils le peuvent – d’où aussi un problème de recrutement.

En conclusion, la Cour des comptes s’étonne des divergences entre le ministère de l’Éducation nationale et celui de la santé, et souligne qu’elles doivent impérativement être surmontées en raison de leurs effets sur le suivi médical des élèves. Elle souligne aussi les importants efforts de coordination interministérielle qu’il reste à faire pour clarifier les objectifs de la médecine scolaire par delà les approches sensiblement différentes des deux ministères concernés. Ce qui pose à nouveau la question du positionnement de cette médecine : faut-il la considérer comme prérogative de l’État ou faut-il en faire une responsabilité des collectivités territoriales ?

Pour finir, je ne peux que regretter qu’il ne soit nulle part fait état du rôle de la médecine scolaire et du suivi médical de l’élève dans le dossier de rentrée 2011-2012, pourtant intitulé « Pour la réussite de chaque élève ».

M. Jean Mallot. J’interviens à un double titre, à la fois en tant que membre du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques et en tant que co-président de la MECSS (Mission d’évaluation et de contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale). Il se trouve que cette dernière commence un travail sur la prévention sanitaire et que vous viendrez dans quelques jours, monsieur le Premier président, nous présenter un rapport sur le sujet. Dans ce domaine comme dans celui qui nous occupe aujourd’hui, nous nous heurtons souvent au cloisonnement entre ministères. Or on ne peut parler de prévention sanitaire sans parler de médecine scolaire. De médecine du travail aussi, d’ailleurs, et c’est encore un autre ministère. Il faut que vous nous aidiez à imposer plus de transversalité, pour que l’on puisse faire une vraie prévention sanitaire à l’école, au travail et ailleurs.

La Cour des comptes a fait un excellent travail, qui nous sera très utile et dont nous vous remercions tous. Votre approche est, comme il est normal, différente de la nôtre. Vous faites apparaître la grande richesse potentielle de ce service public et en même temps sa sous-utilisation, sa sous-valorisation. Partant de ce diagnostic, il nous appartient maintenant d’élaborer des préconisations. Les dépenses de santé étant un véritable investissement social et la réussite scolaire étant indissociable de l’état de santé des élèves, je vous poserai deux questions, monsieur le Premier président.

Avez-vous évalué les moyens humains, budgétaires et méthodologiques qu’il faudrait pour revaloriser la médecine scolaire et mieux assurer l’égalité des élèves devant ce service public ?

D’autre part, comment établir une relation avec les autres acteurs de la santé ? La médecine scolaire est en effet isolée cependant que les nombreuses informations utiles dont elle dispose restent inutilisées.

M. Daniel Goldberg. Pour ce qui est de la médecine scolaire, mon département de la Seine-Saint-Denis peut être considéré comme sinistré. Le rapport de la Cour des comptes pose la question centrale de la gestion des ressources humaines. En Seine-Saint-Denis, en effet, les postes existent, mais ne sont pas pourvus, ce qui pose un terrible problème d’égalité territoriale.

Avez-vous réfléchi, monsieur le Premier président, à la question du pilotage local des actions de prévention ? Les enfants voient leur médecin traitant, leur médecin scolaire, les infirmières scolaires, mais il me paraît important de mettre en place un pilotage local, associant notamment les différents niveaux de collectivités territoriales. Les ateliers santé ville, créés il y a quelques années, étaient plutôt sous la responsabilité des communes, mais celles-ci ne disposaient pas toujours du service adéquat pour mener de telles actions.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des Affaires sociales. Mon propos sera d’autant plus modeste que la commission des Affaires sociales n’a pas traité de ce dossier. Mais elle a abordé celui de la médecine du travail, qu’on ne peut pas ne pas étudier en relation avec la médecine scolaire. Il me semble que se pose moins un problème de moyens que d’organisation : en atteste sur la terrain la difficulté de coordonner l’action des centres départementaux d’action sociale, des différentes associations et des structures médicales spécialisées. Ainsi, où sont abordée les questions, délicates entre toutes, de la santé psychologique et du suicide des jeunes : dans le cadre de la médecine scolaire ou dans des structures spécialisées ?

Enfin, certains départements ou certains établissements ont-ils mis en place de bonnes pratiques qui pourraient inspirer ceux qui cherchent des pistes d’avenir ?

M. Didier Migaud. Je vous remercie de vos interventions. Nous avons pour notre part pris un réel intérêt à ce travail, compte tenu de l’importance du sujet et de sa transversalité. Par le biais de la médecine scolaire, nous sommes en effet amenés à traiter de nombreuses autres questions, comme celle de la nécessaire coordination entre le ministère de l’Éducation nationale et celui de la Santé, ou celle du système de prévention sur lequel nous reviendrons prochainement devant la commission des Affaires sociales et en particulier la MECSS.

Aujourd’hui, pour la médecine scolaire, il y a une multiplicité d’objectifs qu’il faut donc hiérarchiser. En revanche, un seul indicateur existe pour mesurer la performance de la médecine scolaire : le pourcentage de réalisation des visites obligatoires à l’âge de six ans. C’est un peu faible ! Il faut donc faire un travail de redéfinition des objectifs et de définition d’indicateurs pour mesurer l’efficacité d’une politique publique qui mérite d’être mieux pilotée.

Sur le pilotage, beaucoup de questions se recoupent, mais le principal constat est celui de l’absence de pilotage ! Or, en raison de l’enjeu, il faut une vraie politique publique, bien pilotée. Nous formulons certaines recommandations qui pourront vous être utiles pour proposer des pistes au Gouvernement, mais il n’est pas dans nos compétences de dire s’il faut des visites obligatoires à l’âge de neuf ou douze ans, par exemple.

Le manque d’attractivité de la profession est un problème réel pour la médecine scolaire. Je suis sensible à ce qu’a dit le président Pierre Méhaignerie : tout problème ne se résume pas à une question de moyens et ne peut se résoudre par une augmentation des effectifs. Nous en sommes les premiers conscients et nous l’avons d’ailleurs dit s’agissant de l’éducation nationale. La Cour des comptes est suffisamment préoccupée par la situation des finances publiques pour ne pas inviter à augmenter la dépense. Des redéploiements doivent être possibles. Cela étant, la question des moyens se pose à certains égards, ne serait-ce que pour permettre la revalorisation du métier de médecin scolaire. Le président Jean Picq vous donnera des précisions, mais le fait qu’un médecin scolaire débutant soit moins bien rémunéré qu’un interne peut poser effectivement un réel problème d’attractivité. Il existe également de fortes disparités entre les médecins scolaires, les médecins du travail et ceux de la PMI.

De la même façon, il existe de vraies inégalités territoriales. Cela pose la question du partage des responsabilités entre l’État et les collectivités territoriales, sachant que certaines d’entre elles ont mis des moyens supplémentaires à disposition de la médecine scolaire, mais que toutes ne peuvent le faire. C’est au pouvoir politique qu’il appartient de trancher pour déterminer si la responsabilité en la matière doit rester au niveau de l’État ou si elle doit être déconcentrée, ou décentralisée. Nous soulevons des questions auxquelles les politiques devront répondre.

M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes. Tout d’abord, je voudrais rendre à l’Assemblée ce que nous lui devons. Si nous avons inscrit ce sujet à notre programme avant que vous ne vous en saisissiez, c’est parce que le rapporteur spécial de la commission des Finances pour les crédits de la mission enseignement scolaire, M. Yves Censi, avait souligné auprès de nous, il y a trois ans, l’intérêt que présenterait une étude de la Cour sur cette question. La connaissance que les parlementaires ont du terrain leur permet de fait de mesurer l’enjeu qui s’y attache. Il y a un an, lorsque nous avons rendu public le rapport sur l’éducation nationale, nous avions passé trois ans sur ce sujet et entendu tout ce que l’éducation compte d’acteurs : jamais il n’avait été question de la médecine scolaire – tout comme il n’en est pas question dans le dossier remis aux élèves, comme vient de le relever Mme Langlade.

Mettre ce sujet sur la place publique constitue donc un premier acquis considérable. L’enjeu est en effet très important, moins du point de vue financier – il ne s’agit que de 0,7 % du budget de l’éducation nationale – que social, et je ne vous cacherai pas que nous avons parfois été saisis par les témoignages que nous avons entendus au cours des auditions. Je pense au médecin scolaire de Seine-Saint-Denis examinant, un lundi matin, un élève qui s’était blessé pendant le week-end, mais qui ignorait que les urgences fonctionnaient même le dimanche, ou à ce médecin de Mayenne découvrant, à l’occasion d’une visite médicale, le très grave état de santé d’un enfant venant de Bosnie. Nous avons également été très frappés par le décalage entre la très forte conscience qu’avaient les médecins et infirmiers scolaires de l’importance de leur mission et leur sentiment, tout aussi fort, que cette mission n’était pas suffisamment reconnue.

Nous n’avons pas voulu nous lancer nous-mêmes dans la définition des indicateurs parce que cela ne relève pas de notre responsabilité mais, quand on prend l’ensemble des tâches, on voit très bien comment ils peuvent se décliner. Qu’il s’agisse des élèves handicapés, des élèves des lycées professionnels qui doivent travailler sur des machines dangereuses ou du nombre de séances d’éducation à la santé, trouver des indicateurs ne pose pas de problème, mais il faut ensuite s’interroger sur leur place et sur leur hiérarchisation. Faire ce travail d’analyse nécessite non pas des moyens, mais de l’inventivité. Les médecins scolaires souffrent de ce que personne ne lit leurs rapports d’activité. Que disent-ils de l’état des enfants ? C’est la seule question qui vaille. Mais comment faire remonter l’information ? Comment l’exploiter ? C’est à cela que servent les indicateurs. Ces médecins sont indignés à l’idée que l’on puisse réduire leur activité au seul taux de visites à six ans, car cela ne représente qu’une faible partie de ce qu’ils font. De surcroît, alors que la totalité d’une classe d’âge devrait être examinée à six ans, seulement deux tiers de ces enfants profitent de cette visite, et cette fraction diminue chaque année. Or, ces examens permettent d’identifier des problèmes d’audition et de vision, et éventuellement de vaccination, chez environ 50 % de ceux qui les subissent. Cela signifie que la moitié des 37 % d’enfants qui ne sont pas vus sont, à très court terme, en situation d’échec scolaire. C’est une responsabilité considérable.

S’agissant du pilotage national, il faut que la médecine scolaire soit visible, qu’elle ait un animateur, une figure médicale reconnue susceptible de parcourir le territoire, de réunir les médecins et les infirmiers scolaires dans les académies, de prendre à témoin l’opinion des enjeux de la médecine scolaire. Et au-delà de cette animation, qui est déjà en soi un exercice important dans une démocratie, il faut mettre en évidence les leviers d’action. Nous avons parlé des objectifs, mais la question considérable de l’allocation des moyens est posée. Nous sommes dans une situation d’autant plus difficile que les déserts médicaux scolaires correspondent aux déserts médicaux au sens général. Il est beaucoup plus difficile de combler les postes vacants au Nord que de recruter des médecins au Sud. M. Bernier s’est demandé si l’on ne pourrait pas faire appel aux médecins du secteur privé dans ces zones. La réponse est donnée quand on sait que 17 euros sont attribués pour de telles vacations aux médecins du secteur privé. A-t-on dès lors une chance d’attirer un médecin généraliste qui travaille par ailleurs douze heures par jour avec des consultations à 23 euros ?

Certains d’entre vous ont évoqué le pilotage local. C’est un sujet délicat car il n’y a pas d’accord général sur le territoire pertinent. Nous citons longuement, dans le rapport, une réponse du ministère de l’Éducation nationale qui rappelle les débats ouverts sur le sujet lors de la décentralisation et qui penche plutôt pour un traitement au niveau régional. En même temps, selon les médecins scolaires et les infirmiers que nous avons entendus, il faudrait plutôt traiter la question au niveau des bassins infra-départementaux. Puisque les agences régionales de santé ont vocation à organiser la coordination des soins, ainsi que la séquence entre médecine de PMI, médecine générale et médecine scolaire, elles ont là un chantier à ouvrir – et certains directeurs d’ARS en ont le désir.

L’informatique a un peu changé la donne. Un médecin nous a ainsi dit que, grâce à elle, il était désormais en mesure d’envoyer des mails aux principaux responsables des CHU, de leur adresser une urgence. Les nouveaux moyens de communication facilitent effectivement la circulation de l’information. La question de l’accès au dossier médical individuel va d’ailleurs se poser et les médecins scolaires que nous avons auditionnés ne relèvent pas de difficultés dans leurs relations avec les médecins généralistes. L’information circule donc, mais les inégalités sont telles que le temps dont disposent les médecins scolaires pour assurer le suivi des visites est bien plus réduit dans certains territoires que dans d’autres. Ǎ cela s’ajoute évidemment la responsabilité des familles, auxquelles les médecins ne peuvent pas se substituer.

S’agissant des examens à six, neuf, douze ou quinze ans, le Premier président vous a répondu. Il nous a paru étrange, pour ne pas dire plus, que sur un sujet d’une telle importance il n’y ait pas d’accord entre les deux ministères concernés. Il y a un accord général sur le fait que la visite à six ans est capitale pour détecter différents troubles, par exemple les troubles de la vision, mais nous ne sommes pas compétents pour apprécier s’il faut supprimer une autre visite. Avec la sémantique propre à la vie administrative dans notre pays, on peut se demander si une visite médicale est plutôt un bilan de santé, un dépistage, ou autre chose. Pour notre part, nous signalons que la compréhension varie en fonction des situations locales et qu’il faudrait réfléchir à la répartition des rôles entre l’équipe éducative, qui peut détecter des cas, le médecin, qui peut s’occuper des cas plus graves, et l’infirmier qui peut faire un premier bilan. Comme vous le savez, les infirmiers scolaires viennent souvent de l’hôpital. On pourrait envisager que, grâce à une formation plus longue, ils puissent faire de la médecine scolaire. Il faut donc engager une réflexion, non pas sur les moyens, mais sur l’articulation des compétences.

Vous avez posé la question de l’attractivité. Comme l’a souligné le Premier président, il y a des disparités considérables entre les médecins de PMI, les médecins de santé scolaire et les médecins du travail. Ainsi, un médecin scolaire commence à 1 754 euros, soit un traitement inférieur à celui d’un interne, et un médecin scolaire de première classe en fin de carrière a un traitement inférieur de 174 euros à celui d’un médecin du travail qui débute. Nous n’avons pas à porter de jugement sur ce que doit être le bon niveau de rémunération, mais il y a là une piste évidente pour la revalorisation de cette activité.

Nous avons aussi été frappés par l’absence de valorisation des acquis de compétence. Dans le secteur de la médecine scolaire, beaucoup d’infirmiers viennent de l’hôpital et beaucoup de médecins étaient généralistes – ce sont souvent des femmes, qui réduisent leur activité par exemple pour s’occuper de leurs enfants. Après le concours, ils passent entre huit et seize semaines, en fonction des compétences et de l’expérience professionnelle de chacun, à l’École nationale de santé publique de Rennes, mais il n’y a pas de valorisation de cette formation. Un médecin scolaire qui est arrivé au niveau maximal n’a pas de perspective de carrière, sauf à devenir médecin conseiller technique, auquel cas il gagnera autour de 4 900 euros. Et s’il veut recommencer à exercer la médecine générale, la compétence santé publique qu’il a acquise dans sa formation et dans l’exercice de son activité n’est pas reconnue. Il y a là aussi une piste d’autant plus intéressante à suivre que l’on nous a dit, lors de l’audition des deux médecins responsables de la formation des médecins de santé scolaire à l’École nationale de Rennes, que l’expérience française, cette exception scolaire, intéressait beaucoup les pays étrangers et même la Finlande, que l’on présente pourtant souvent comme le laboratoire des progrès en matière d’éducation.

Quel équilibre ménager entre les activités de suivi médical et celles d’éducation à la santé ? Nous ne sommes pas compétents pour le définir, mais des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) ont été installés partout et nous avons été frappés par la forte implication des équipes pédagogiques et des chefs d’établissement. Selon ces derniers, « la santé est entrée dans l’école ». L’acuité croissante des questions de mal-être, de souffrance, de violence fait de la santé un sujet d’éducation. Nous pensons qu’il ne faut pas se contenter, en matière d’éducation à la santé, d’organiser des journées sans tabac, des conférences sur la violence ou la sexualité, et qu’il faut s’interroger sur l’impact qu’ont de telles journées sur les jeunes. Cela n’est pas fait.

S’agissant de l’idée de décentraliser la médecine scolaire, celle-ci a fait l’objet d’un débat, mais a été abandonnée en 2003. L’Allemagne, l’Angleterre ont fait le choix d’une décentralisation locale, mais nous confirmons que cela ne correspond pas au souhait des organisations syndicales de médecins et d’infirmiers scolaires et nous constatons surtout l’absence d’un accord sur le bon niveau. Dans certaines villes qui ont des services de médecine scolaire pour les écoles primaires – c’est le cas notamment de Paris, Nantes et Lyon –, les taux d’encadrement sont supérieurs, mais le coût de ces services est également plus élevé. Le débat a donc eu lieu ; il a été tranché et s’il doit être repris, il s’agira de répondre à une seule question : quel est le bon système pour réduire les inégalités territoriales ?

Monsieur le président Méhaignerie, des moyens de communication plus adaptés permettraient de mettre en évidence, d’un territoire à l’autre, des pratiques utiles ou efficientes. Faudrait-il que des équipes mobiles se déplacent sur certaines zones ? Nous n’avons pas obtenu de réponse unanime à cette question. Certains médecins pensent qu’il faudrait avoir un tel système dans certaines zones alors que d’autres estiment capital l’attachement à un établissement.

En conclusion, on ne peut réduire le sujet à la question des moyens, même si nous sommes confrontés à un problème de revalorisation. L’état de santé préoccupant de nos élèves nous impose de réfléchir à une organisation permettant de traiter avec efficacité et détermination ce qui est un enjeu important pour la réussite de tous les jeunes.

M. le Président Bernard Accoyer. Je remercie MM. Didier Migaud et Jean Picq pour cette collaboration inaugurale, qui est la démonstration éclatante de l’intérêt qu’il y a à faire vivre cette synergie entre la Cour et l’Assemblée nationale. Le sujet lui-même a d’ailleurs déjà été choisi de manière concertée avec la Cour, et, de son côté, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques se prêtait particulièrement bien à l’exercice puisque le Comité traite de sujets transversaux. Je veux également saluer le travail de MM. Pascal Duchadeuil et Joël Montarnal. La Cour a ainsi montré toute l’étendue de ses compétences techniques, toute la puissance de son travail collégial et sa capacité à se mobiliser de façon exemplaire.

Comme toujours lorsque l’on se penche sur un sujet transversal, il faut prendre du recul, de la hauteur face à cette spécificité française, dont nous devrions nous féliciter. Cette audition nous a en effet appris que ce type de service n’existait pas dans d’autres pays : c’est déjà un point positif. Par ailleurs, nous avons tellement l’habitude d’additionner les structures, les services, de ne pas remettre en cause ce qui existe pour éviter de faire de la peine à tel ou tel, que nous perdons en efficience. J’ai bien noté que, dans le contexte financier contraint que la Cour des comptes met régulièrement en évidence, il fallait savoir faire mieux avec au maximum les mêmes moyens. Et il faut bien reconnaître que, depuis plusieurs décennies, les gouvernements qui se sont succédé n’ont pas mené de politique absolument convaincante en matière de santé publique. La politique d’assurance maladie figurait au premier rang de nos soucis à tous et, du coup, la prévention, l’éducation sanitaire se sont construites au fil de l’eau, induisant des problèmes de toutes sortes : absence de pilotage, absence d’évaluation et d’objectifs, solitude des professionnels qui se demandent si tout ce qu’ils font est pris en charge, conditions de rétribution qui posent question, absence de délégation des tâches clairement définie alors que les infirmières scolaires sont des professionnelles ayant de l’expérience et qu’elles peuvent traiter les problèmes psychosociaux, sanitaires, d’addiction… Autant de sujets dont les élus politiques feraient bien de se saisir au moment de s’adresser à nouveau à leurs électeurs. La France a tout à gagner à réfléchir, non seulement à l’accès de tous aux soins, mais aussi à la prévention, qui ne s’arrête pas aux portes de l’école et mérite d’être érigée en objectif national partout dans le pays. Mais cette même exigence d’égalité impose aussi que la prévention soit déclinée de façon adaptée aux territoires, voire aux micro-territoires, aux établissements scolaires. Les ARS paraissent être le niveau approprié pour traiter ce problème.

Les pistes proposées par la Cour seront, je n’en doute pas, explorées par les pouvoirs publics. Il faut en effet d’abord définir un grand cadre politique, de grands choix qui s’articulent autour de valeurs partagées par tous, et faire ensuite avec les moyens nécessairement contraints dont nous disposons. Mais des marges de progression existent, notamment grâce à l’engagement des personnels au service de cette mission difficile, qui mérite une beaucoup plus grande attention des pouvoirs publics. Je remercie donc à nouveau la Cour et tous ceux qui ont participé à cette première prometteuse pour la coopération entre nos deux institutions.

RÉUNION DU CEC DU 17 NOVEMBRE 2011 :
EXAMEN DU PROJET DE RAPPORT D’INFORMATION

M. Jean Mallot, président. Le premier point à l’ordre du jour de notre réunion est l’examen du rapport consacré à l’évaluation de la médecine scolaire. Ce rapport a pu s’appuyer sur la contribution de la Cour des comptes, dont le rapport nous a été présenté ici même le 6 octobre par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, et a soulevé des questions pour lesquelles il nous incombait de poursuivre le travail et de formuler des préconisations. Nous avons parmi nous aujourd’hui un représentant de la Cour des comptes, M. Joël Montarnal, conseiller référendaire, qui a été le rapporteur du sujet qui nous réunit aujourd’hui.

M. Gérard Gaudron, rapporteur. Le 7 avril dernier, le Comité d’évaluation et de contrôle nous a confié, à Martine Pinville et à moi-même, la charge d’animer une mission parlementaire d’évaluation sur la médecine scolaire. Cette mission m’était alors apparue comme le prolongement naturel du « bilan de santé » de la médecine scolaire que Marc Bernier et moi-même avions dressé en octobre 2010 dans un avis budgétaire présenté devant la Commission des affaires culturelles. Marc Bernier et moi-même avions pris en effet à cette occasion une première mesure des difficultés graves auxquelles se trouve confrontée la médecine scolaire et de l’inquiétude que ses personnels manifestent face à une telle évolution.

J’ajoute qu’il s’agit là d’un problème au confluent de trois thématiques essentielles pour l’avenir de notre société : l’enfance, la santé et l’école.

Quelques données éclaireront les enjeux du débat : la médecine scolaire représente environ 10 000 personnes, pour la plupart agents de la fonction publique, parmi lesquelles 7 500 infirmières et 1 500 médecins ; le budget correspondant s’élève à environ 450 millions d’euros ; 500 000 visites systématiques sont organisées chaque année pour les enfants qui ont atteint l’âge de 6 ans. On voit donc que, si l’enjeu budgétaire n’est pas absolument majeur pour l’État, il n’est pas pour autant négligeable, loin s’en faut.

Pour compléter ses propres investigations, notre mission parlementaire a bénéficié de l’assistance de la Cour des comptes, que le Comité d’évaluation et de contrôle a sollicitée au titre de l’article 47-2 de la Constitution. Il faut ici saluer le travail remarquable réalisé par la troisième chambre de la Cour des comptes, sous la direction de son président, M. Jean Picq, et les membres du Comité d’évaluation et de contrôle ont en mémoire la présentation faite devant le Comité par le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, le 6 octobre dernier, des conclusions de l’évaluation conduite par la Cour.

Notre mission parlementaire a mené parallèlement aux travaux d’évaluation de la Cour ses propres investigations, qui ont pris la forme de 21 auditions d’experts et d’acteurs de tous horizons de la médecine scolaire, de déplacements sur le terrain, à Lille, Lyon, Montpellier et Villeurbanne, ainsi que de questionnaires écrits. En particulier, la quinzaine de communes ayant conservé un service municipal de santé scolaire ont été interrogées, ce qui a permis de compléter le travail de la Cour des comptes.

Ces investigations de terrain, dont les résultats recoupent pour l’essentiel les conclusions de la Cour des comptes, nous ont permis de constater que la médecine scolaire avait su se mobiliser massivement pour permettre à l’Éducation nationale de relever deux grands défis au cours de la décennie qui vient de s’écouler : la scolarisation des enfants handicapés ou souffrant de maladies chroniques et la détection des troubles du langage et de l’apprentissage.

Notre mission a aussi constaté que les personnels infirmiers de l’Éducation nationale occupent aujourd’hui un rôle majeur dans le dispositif d’éducation à la santé et la prise en charge des situations de souffrance psychiques dans les établissements du second degré.

Cependant, il ne faut pas cacher que la réussite sur ces points particuliers a nui à l’atteinte des objectifs officiellement assignés à la médecine scolaire, car elle a été obtenue sans l’octroi de moyens supplémentaires. L’écart n’a jamais été aussi grand qu’aujourd’hui entre les missions de plus en plus nombreuses qui sont confiées à la médecine scolaire et les moyens humains et matériels dont celle-ci dispose.

Notre mission parlementaire a pu en outre vérifier que l’action des personnels de santé de l’Éducation nationale s’inscrit dans le cadre de politiques publiques au cœur des préoccupations des pouvoirs publics. Toutefois, cette action est mise en œuvre dans un cadre réglementaire qui n’est manifestement plus adapté aux enjeux actuels. Le positionnement institutionnel est trop complexe, le pilotage ministériel insuffisamment coordonné avec la politique sanitaire, les textes sont anciens et les objectifs éloignés de la réalité du terrain : la mission parlementaire partage pleinement les éléments du constat dressé par la troisième chambre de la Cour des comptes sur la nécessité de rénover le cadre d’emploi du dispositif de médecine scolaire.

Au premier chef, les personnels de santé, comme d’ailleurs la Cour des comptes, font notamment observer que les objectifs fixés au titre de la politique de santé publique en direction des enfants et adolescents sont aujourd’hui définis de manière trop étroite pour adapter les interventions à la diversité des situations. Ils ont parfaitement raison.

Notre mission parlementaire a relevé par ailleurs que la profession de médecin scolaire était menacée par des perspectives démographiques très défavorables – bien plus défavorables encore que les autres professions médicales. En effet, les trois quarts des médecins scolaires actuellement en activité sont âgés de plus de 50 ans et vont donc rapidement quitter le milieu professionnel. Les chiffres relatifs aux nouveaux médecins scolaires enregistrés font apparaître une véritable crise des vocations : seulement trois nouveaux médecins sont entrés dans la profession en 2010 pour la France entière. La cause en est l’insuffisante attractivité de la carrière proposée au sein du ministère de l’Éducation nationale, alors que tous soulignent par ailleurs la variété et l’intérêt d’un exercice médical en milieu scolaire. Ces perspectives démographiques nous donnent à craindre un effondrement des effectifs dans les dix années à venir si aucune mesure n’est prise. Ne rien faire, ce serait programmer l’asphyxie et la mort lente d’un dispositif que pourtant – une fois n’est pas coutume – des pays scandinaves eux-mêmes nous envient, comme nous l’a rappelé M. Didier Migaud.

Clarifier les missions assignées à la médecine scolaire, réformer son pilotage et susciter de nouvelles vocations : tels sont les défis majeurs à relever, qui justifient que le Parlement s’en saisisse pour sauver la médecine scolaire – car c’est bien de cela qu’il s’agit.

M. le président Bernard Accoyer remplace M. Jean Mallot au fauteuil de la présidence du Comité.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Chers collègues, nos projets de recommandations vous ont été transmis lundi dernier, et sont distribués sur table. Ils figurent au début du projet de rapport qui vous a également été distribué, immédiatement après la synthèse du rapport. Ces recommandations sont peu nombreuses, mais ont fait l’objet d’une discussion approfondie au sein de notre petit groupe de travail, que nous remercions de son apport très constructif. Nous avons envisagé diverses orientations de court et de plus long terme, traduisant selon les cas des ambitions modestes ou plus élevées.

La discussion budgétaire, et en particulier la commission élargie qui a examiné le budget de l’enseignement scolaire, a donné lieu à un premier échange avec le ministre de l’Éducation nationale. Celui-ci a indiqué qu’un effort allait être fait à court terme notamment pour améliorer les niveaux de rémunération des jeunes médecins scolaires en début de grille. C’est un effort louable, que nous soutenons et qui doit aboutir rapidement. Cependant, cela ne suffira manifestement pas à régler l’ensemble des problèmes actuels de la médecine scolaire, notamment celui du défi démographique. C’est pourquoi nous avons envisagé des orientations plus ambitieuses et de plus long terme.

Avant d’en venir aux recommandations que nous formulons en tant que rapporteurs, Gérard Gaudron et moi-même tenons à souligner qu’un sujet recouvre tous les autres : la place de la santé à l’école.

Plus que jamais, la santé a sa place à l’école. La disparition des maladies transmissibles qui furent à l’origine de la médecine scolaire n’a pas privé celle-ci de raisons d’être. La santé est certes un élément déterminant de la réussite scolaire pour les élèves : l’école a aujourd’hui la mission de dépister les problèmes de santé susceptibles d’entraver la scolarité des élèves et de faciliter l’insertion en son sein des enfants qui souffrent d’une maladie ou d’un handicap. Mais ce n’est pas tout : la mission de l’école à l’égard des élèves intègre dans son volet éducatif l’objectif de développer le sens des responsabilités et les compétences des enfants au travers de l’éducation à la santé. Enfin, en tant qu’institution publique, l’école est devenue un acteur à part entière des politiques de santé menées par l’État en direction des enfants scolarisés. Elle ne peut cependant aujourd’hui assumer ce rôle qu’en développant des liens avec les autres acteurs de prévention et en trouvant sa place au sein d’une prévention organisée autour de l’enfant.

Les personnels de santé scolaire sont des acteurs indispensables à la réalisation de ces missions, et nous avons la conviction que c’est au sein des services de l’État que la médecine scolaire sera le plus à même de relever de tels défis.

La médecine scolaire doit cependant mieux se positionner au sein du système de la prévention sanitaire et avoir la capacité de se faire reconnaître parmi les acteurs de prévention comme un partenaire actif, disposant d’une capacité à mobiliser des moyens propres autour d’objectifs communs clairement identifiés.

Pour cela, il faut que la médecine scolaire soit pourvue d’une certaine autonomie dans la gestion des moyens dont elle dispose, ce qui n’est actuellement pas le cas. Il convient également que ses structures de direction soient dotées des instruments nécessaires à un vrai pilotage, c’est-à-dire de véritables capacités d’analyse des besoins sanitaires et d’évaluation des actions engagées, et pas seulement des instruments de gestion administrative.

Cette réflexion sur le système sanitaire français et le positionnement de la médecine scolaire nous apparaît comme préalable à une redéfinition des missions de la santé scolaire, que nombre de ses personnels appellent de leurs vœux face à l’empilement des tâches qui les submergent. Si nous considérons au terme de cette mission que nous n’avons pas forcément les compétences médicales nécessaires pour savoir s’il convient d’abandonner une mission plutôt qu’une autre, nous sommes convaincus qu’une solution satisfaisante ne pourra apparaître que dans un cadre plus large intégrant l’action coordonnée de l’ensemble des acteurs de la prévention sanitaire, et pas seulement la médecine scolaire.

Les solutions à la crise actuelle sont donc à rechercher dans le cadre d’une politique globale de renforcement de la prévention autour de l’enfant, qui se développerait selon plusieurs axes complémentaires. Il faut tout d’abord créer une instance nationale interministérielle chargée de définir les axes d’une politique de santé et de prévention des risques sanitaires en faveur des enfants. Nos investigations et celles de la Cour des comptes font clairement apparaître que notre système de santé souffre de l’absence d’un organe d’expertise capable d’organiser une vision globale de cette politique de santé et qui soit chargé de conseiller le Parlement et le Gouvernement sur la situation sanitaire des enfants et des adolescents, ainsi que sur la répartition des rôles entre les acteurs de cette politique. Nous préconisons de confier ce rôle à une instance spécifique au sein du Haut conseil de la santé publique, dont c’est la vocation.

Il est en second lieu nécessaire de réaffirmer la place essentielle que la santé des élèves doit avoir pour l’institution scolaire, mais aussi de clarifier le contenu de la mission de promotion de la santé confiée à l’école. L’appui que la médecine scolaire apporte à la politique éducative conduite par l’Éducation nationale ne doit pas occulter la permanence d’enjeux sanitaires au sein de la population scolaire, ni les enjeux spécifiques de l’éducation à la santé. Cela implique non seulement une adaptation des modalités du suivi budgétaire actuellement réalisé par le Parlement, mais aussi que le législateur indique plus précisément qu’il ne l’a fait jusqu’à présent les missions de l’école dans ce domaine.

Il convient par ailleurs de revoir en profondeur le pilotage ministériel de la médecine scolaire en créant des organes de pilotage disposant d’une certaine autonomie de gestion au niveau tant national que rectoral, afin que les objectifs nationaux ou régionaux de santé publique soient mieux pris en compte par le ministère de l’Éducation nationale et que la médecine scolaire puisse devenir un acteur à part entière d’un système de prévention sanitaire coordonné autour de l’enfant.

Il va cependant de soi que ce but ne pourra véritablement être atteint que si les agences régionales de santé (ARS) intègrent dans les politiques régionales de santé l’objectif d’installer un système de prévention coordonné autour de l’enfant et de l’adolescent, articulé autour de financements spécifiques et d’une capacité opérationnelle pour l’élaboration de diagnostics territoriaux et l’évaluation des actions sanitaires, ce qui n’existe pas actuellement. Pour clarifier nos propositions, et même si l’organisation de l’administration est une question de nature réglementaire, nous avons souhaité qu’un projet d’organigramme cible figure en annexe au projet de rapport.

Enfin, face aux défis que représente l’évolution de la démographie médicale pour le recrutement de médecins de prévention dans la fonction publique, et en particulier pour la médecine scolaire, nous préconisons une approche commune à tous les corps médicaux concernés, dans le but d’améliorer l’attractivité de ces métiers par un statut rénové dans un cadre interministériel commun, de faciliter la mobilité et les perspectives professionnelles de ces médecins de prévention et de permettre la délivrance d’une formation initiale et continue, organisée autour d’un socle commun.

En conclusion, idée généreuse autant que républicaine, la médecine scolaire a traversé plusieurs crises depuis sa fondation en 1945, conduisant à s’interroger sur le sens de ses nombreuses missions et sur les attentes de la société à son égard. Les temps ont changé depuis l’immédiat après-guerre et l’état sanitaire de la population, et en particulier celui des jeunes, s’est bien amélioré. La médecine scolaire – notre médecine scolaire, faudrait-il dire – est aujourd’hui à nouveau à la croisée des chemins. Instrument indispensable à la réalisation de plusieurs politiques publiques majeures en milieu scolaire, mais néanmoins soumise à une très forte pression démographique, elle ne pourra continuer d’accomplir ses missions sans une action énergique des pouvoirs publics pour assurer sa pérennité et lui donner une nouvelle capacité d’adaptation face aux enjeux actuels de la santé publique.

Pour conclure, le titre que nous proposons pour le rapport est le suivant : « Une médecine scolaire renforcée et rénovée au service de l’enfant ».

M. Jean Mallot. Je félicite les rapporteurs pour le travail qu’ils viennent de nous présenter. Ce rapport est très important également pour la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), dont je suis co-président et qui travaille actuellement sur la prévention sanitaire. La Cour des comptes a d’ailleurs produit également pour la MECSS un rapport préliminaire qui nous est fort utile et dont les premières constatations soulignent le caractère morcelé des actions de prévention dans notre pays et le besoin de coordination qui se fait sentir. La Cour des comptes propose que cette coordination soit assurée par la Direction générale de la santé et insiste sur le rôle des ARS. La médecine du travail et la médecine scolaire, souvent mentionnées mais dont la mobilisation est parfois difficile, étant deux des grands acteurs de la prévention, le travail qui nous est présenté aujourd’hui nous sera très utile.

Une difficulté consiste à concilier les objectifs de chaque organisme avec l’intérêt général. Ainsi, les deux grands défis récents mentionnés dans la synthèse du rapport – la scolarisation des enfants handicapés ou souffrant de maladies chroniques et la détection des troubles du langage et de l’apprentissage – sont directement liés à l’apprentissage scolaire. Or, la médecine scolaire va au-delà de la détection et du traitement de ces dysfonctionnements et inclut le dépistage de troubles de toutes sortes, qui dépassent le champ scolaire. L’intérêt général doit donc lui aussi dépasser ce cadre, ce qui suppose que les actions de prévention de la médecine scolaire soient insérées dans des programmes régionaux ou nationaux et que certains cloisonnements soient atténués et, si possible, supprimés.

Par ailleurs, le rapport évoque davantage les médecins scolaires que les infirmiers, qui ont un rôle très important dans nos établissements et pour lesquels les difficultés de recrutement, de formation et d’insertion dans les dispositifs généraux sont également fortes.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois constitutionnelles et de l’administration générale de la République, suppléant son président. Je remercie également les rapporteurs de leur travail et de la présentation qu’ils viennent d’en faire. Ayant été pendant plus de 35 ans au contact des élèves, que j’avais mission d’encadrer dans mes différentes fonctions, je témoigne que le sujet n’est pas anecdotique.

Tout en souscrivant aux propos de M. Mallot, je tiens à souligner quelques points importants du rapport, qui exigent une véritable révolution dans les pratiques de l’État. Au moment où celui-ci doit se recentrer sur ses priorités, il importe que les jeunes confiés à l’Éducation nationale bénéficient de toutes les possibilités d’atteindre les objectifs dont dépend leur réussite. On évoque souvent les 150 000 jeunes – et même davantage – qui quitteraient le système scolaire sans bénéficier d’un diplôme ou d’un bagage leur permettant de s’insérer, ainsi que le nombre élevé d’enfants quittant l’enseignement primaire pour entrer dans le secondaire avec de vrais déficits – que, malgré tous les moyens injectés, ils ont fort peu de chances de combler –, mais l’étape du dépistage des difficultés dans les premiers apprentissages n’a, malgré des progrès, pas encore été complètement atteinte. La médecine scolaire est à cet égard incontournable, même si la problématique est évidemment plus large.

Tout ce qui peut permettre, sur des bases médicales solides, le dépistage des troubles du langage et de l’apprentissage doit être privilégié. Tout ce qui peut permettre aux médecins scolaires de se voir conforter dans leur capacité à prescrire des examens doit être conforté. En effet, comme les médecins du travail, les médecins scolaires sont habilités à prescrire, mais ils le font trop peu, comme s’ils craignaient d’entrer en contradiction avec le médecin traitant.

Il y a en outre une urgence nationale à développer l’attractivité du métier de médecin ou d’infirmier en milieu scolaire – on n’attrape pas des mouches avec du vinaigre ! Il faut se demander si le statut de médecin au sein de la fonction publique permet à de jeunes médecins ou à des médecins expérimentés de passer par la médecine scolaire à un moment de leur carrière. Peut-être d’autres statuts, hors du cadre de la fonction publique, contribueraient-ils à accroître l’attractivité. Évitons la situation dramatique dans laquelle nous nous trouverions si, dans dix ans, compte tenu de la pyramide des âges, plus aucun médecin ne choisissait la médecine scolaire.

M. Marcel Rogemont. Je m’associe moi aussi aux remarques des orateurs précédents sur la qualité du rapport qui nous est fourni. Ce rapport montre bien la marginalisation que connaît la médecine scolaire, du fait notamment de la diminution des effectifs de médecins – qui touche semble-t-il davantage les vacataires que les permanents. Les auteurs du rapport ont-ils examiné les pratiques et l’impact de cette situation dans les collectivités territoriales ? Certaines collectivités s’investissent en effet dans la médecine scolaire et pourraient apporter des éléments complémentaires pour l’analyse de l’ensemble du dispositif.

Mme Pascale Crozon. Je souscris moi aussi aux observations qui ont été faites. La proposition de confier à l’ARS la coordination de la médecine scolaire me paraît très importante.

Il convient en outre de ne pas oublier l’éducation sexuelle dans les établissements. Le chiffre de 10 000 grossesses annuelles chez les mineures ne diminue pas – cette question fera d’ailleurs l’objet d’une proposition de loi présentée par Mme Bérengère Poletti – et il faut donc donner aux médecins et infirmiers scolaires des outils supplémentaires pour développer la prévention dans les établissements et éviter ainsi tant d’interruptions volontaires de grossesse dommageables au début d’une vie sexuelle. Diverses mesures devront être mises en place, notamment une formation destinée aux enseignants, pour éviter une aggravation de ce problème.

M. René Dosière. Quand on prend connaissance, dans ce rapport, de l’état de la médecine scolaire, on comprend mieux pourquoi l’État a cherché à plusieurs reprises à décentraliser ce service. De fait, l’État a coutume de décentraliser les politiques qui ne fonctionnent pas bien, sachant que les collectivités locales prendront les moyens nécessaires pour qu’elles fonctionnent mieux.

L’hypothèse d’une décentralisation de la médecine scolaire n’est cependant évoquée que d’une manière descriptive dans le rapport, sans que les rapporteurs prennent position à ce propos. Cette décentralisation permettrait-elle à la médecine scolaire de disposer de plus de moyens et de fonctionner dans de meilleures conditions ? Des liens existent d’ailleurs avec la protection maternelle et infantile (PMI), qui relève de la compétence des conseils généraux.

M. le Président Bernard Accoyer. La médecine scolaire, dont les missions sont tournées vers la santé publique et l’éducation, a pour premier objet le dépistage, d’une part, des affections somatiques telles que la tuberculose, le rachitisme ou les troubles musculo-squelettiques et métaboliques, qui relèvent de la polyvalence médicale, et, d’autre part, des affections ou troubles comportant une dimension psychoaffective, psychologique ou psychiatrique, qui relèvent d’une formation et de connaissances qui ne figurent pas au cœur de la formation polyvalente des médecins. En effet, lorsqu’on dépiste un trouble de langage, de praxie, de lecture ou de calcul, ou que l’on suspecte une psychopathie psychosociale ou des troubles psychiques graves du type autisme, la polyvalence n’est pas toujours la meilleure solution et des professionnels ayant reçu une formation plus spécifique ont bien souvent un meilleur jugement, une meilleure appréciation, de meilleurs outils et donc un meilleur taux de dépistage dans le cadre de ces screenings très larges.

C’est dans un deuxième temps qu’apparaît le second rôle de la médecine scolaire, qui n’a pas besoin d’une surqualification des professionnels : juger de l’efficience et de l’efficacité de la prise en charge – hormis le cas très particulier de la validation des cadres d’insertion des enfants handicapés dans la scolarité. Votre conclusion, qui consiste à confier un rôle plus important aux ARS, me semble donc tout à fait pertinente. En effet, ces troubles ne se présentent pas de la même manière dans les différentes régions de notre pays… Confier aux ARS le rôle de mettre au bon endroit le bon professionnel doté des bons moyens est une évolution positive.

L’éducation sexuelle, qui est une information et une prévention, s’inscrit dans la même démarche et une formation médicale n’est pas indispensable pour la dispenser – il en va d’ailleurs de même, par exemple, pour la diététique.

La surqualification présente à cet égard des risques importants, car elle peut conduire à ne pas identifier des troubles qui seraient immédiatement découverts par un orthophoniste ou une psychologue. Il faut, je le répète, insister sur le rôle de dépistage de la médecine scolaire et confier aux ARS le rôle de synthèse et de coordination.

Madame et monsieur les rapporteurs, je vous remercie pour votre travail remarquable et je vous donne la parole pour répondre aux questions qui vous ont été posées.

M. Gérard Gaudron, rapporteur. Merci, monsieur le président, d’avoir apporté des réponses de spécialiste à plusieurs de ces questions.

Si ce rapport évoque peu les infirmiers, c’est pour rétablir un certain équilibre avec celui que j’avais rédigé avec M. Bernier, dans lequel il en était beaucoup question. Les infirmières ont évidemment un rôle très important, que ce soit pour la prévention ou pour le fonctionnement quotidien des établissements – dans la prévention contre les grossesses non désirées, par exemple, ce sont elles qui sont en première ligne.

Pour ce qui concerne l’attractivité de la carrière, nous proposons un statut commun pour les médecins scolaires et les médecins de santé publique, afin de permettre aux médecins scolaires qui prennent leurs fonctions d’avoir la perspective ultérieure d’une autre activité dans le même corps, s’ils souhaitent infléchir le déroulement de leur carrière. Par ailleurs, l’attractivité financière des postes est exécrable : un médecin scolaire débutant est moins rémunéré que lorsqu’il était interne !

Mme Martine Pinville, rapporteure. La rémunération est en effet un vrai problème.

Dans les quinze ans qui viennent, 70 % des médecins scolaires partiront en retraite : c’est un véritable défi, qui donne sa force à la proposition de créer un corps interministériel réunissant les médecins de santé publique et les médecins scolaires – et peut-être aussi les médecins du travail à plus long terme, bien que le statut de droit privé dont relèvent ces derniers puisse rendre la chose plus difficile.

Il est de fait que certaines collectivités territoriales s’engagent en faveur de la médecine scolaire – c’est le cas par exemple à Lyon, à Villeurbanne ou à Montpellier, où nous nous sommes rendus. Les moyens financiers qu’elles y consacrent sont cependant sans comparaison avec ceux qu’y consacre l’État. Ainsi, à Lyon, ce montant est supérieur à 100 euros par enfant, contre 37 euros pour l’Éducation nationale, ce qui se traduit évidemment par des différences susbstantielles en termes de prévention ou d’accompagnement. À Villeurbanne, chaque école bénéficie d’une permanence infirmière. À Montpellier, un dispositif d’accompagnement en santé a été mis en place pour les jeunes et leur famille. Nos déplacements sur le terrain nous ont montré toute l’efficacité de cette démarche pour les enfants et les adolescents mais, j’y insiste, grâce à des moyens financiers importants.

Le travail doit s’accomplir en partenariat avec l’agence régionale de santé. Les auditions auxquelles nous avons procédé ont démontré que le pilotage de la médecine scolaire suscitait des interrogations fortes, du fait notamment de la multiplicité des missions, ce qui pousse à n’assumer en priorité que les plus urgentes ou celles dont la réalisation est la plus immédiate.

Nous avons senti qu’un état des lieux s’imposait dans les différentes régions, et qu’il devait se traduire par des actions – certainement différentes selon les régions et les publics. Le recteur de l’académie d’Aix-Marseille, par exemple, a engagé un travail important en direction des enfants dyslexiques, qui représentent jusqu’à 10 % des enfants dans certains quartiers difficiles. Un diagnostic sanitaire est donc indispensable, suivi d’une évaluation des actions mises en œuvre. Les médecins scolaires ne peuvent pas tout faire.

La décentralisation de la médecine scolaire a en effet été évoquée au cours de nos travaux, mais cette perspective pose la question des moyens et de l’égalité de traitement des élèves dans l’ensemble de la France. Sans doute les conseils généraux, qui gèrent déjà la PMI, seraient-ils capables de prendre aussi en charge la médecine scolaire, mais il n’est pas certain que les actions seraient menées partout de la même manière. L’école est obligatoire pour tous les enfants, et nous considérons à l’issue de nos travaux que la médecine scolaire doit rester une mission de l’Éducation nationale.

M. le Président Bernard Accoyer. Je félicite encore nos rapporteurs pour leur travail considérable et j’adresse à la Cour des comptes mes remerciements chaleureux, pour cette collaboration dont je me félicite, en particulier au rapporteur de la Cour, M. Joël Montarnal.

Conformément aux dispositions de l’alinéa 8 de l’article 146-3 du Règlement et de l’article 132-5 du code des juridictions financières, le Comité autorise la publication du rapport d’information, auquel le rapport de la Cour sera annexé. Le rapport sera distribué et mis en ligne sur le site internet de l’Assemblée nationale. Il sera transmis au Gouvernement.

ANNEXE N° 1 
LES SERVICES MUNICIPAUX DE SANTÉ SCOLAIRE
EN EXERCICE EN FRANCE

Les services municipaux scolaires exercent leur activité en vertu de l’article L. 14122-1 du code de la santé publique, qui autorise les services communaux d’hygiène et de santé qui étaient en fonction avant l’entrée en vigueur des lois de décentralisation de 1983 à continuer d’exercer leur activité dans un cadre dérogatoire, à la place des services de l’État ou des départements (139).

Il existe actuellement 208 services communaux d’hygiène et de santé sur le territoire national, mais un petit nombre d’entre eux seulement exerçaient des activités de santé scolaire au moment de la décentralisation et ont poursuivi cette mission : la mission parlementaire en a recensé 13, présents principalement dans des grandes villes, auxquels s’ajoutent neuf communes du département des Hauts-de-Seine (140), qui, disposant d’infirmières scolaires depuis 1930, ont fait le choix de les mettre à disposition de l’inspection académique pour des interventions en milieu scolaire sur le territoire (45 infirmières sont ainsi en fonction dans les établissements des communes concernées).

La mission parlementaire a ainsi interrogé les maires de ces communes et s’est déplacée sur le terrain, auprès de deux services municipaux, à Villeurbanne et à Lyon, pour rencontrer les responsables et les agents de ces services ainsi que les professionnels de santé travaillant en partenariat avec ces derniers.

Ces investigations ont fait apparaître que si les communes concernées ont choisi un champ d’intervention centré autour des écoles du premier degré, avec des extensions variables selon les cas, les modalités d’organisation qu’elles ont retenues sont diversifiées. L’ampleur des moyens mobilisés et les compétences médicales rassemblées permettent à ces collectivités de mettre en œuvre des stratégies de dépistage particulières, en complément des bilans de santé obligatoires.

I.– PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES SERVICES MUNICIPAUX DE SANTÉ SCOLAIRE EN EXERCICE

Les 13 services municipaux de santé aujourd’hui en activité présentent des origines diverses. Si les quatre services les plus anciens (141) sont antérieurs à la loi de 1902 qui créa les bureaux communaux d’hygiène publique, les services de santé scolaire créés ultérieurement furent le département scolaire des centres communaux d’hygiène et de santé voulus par les municipalités dans l’entre-deux-guerres (Grenoble, Villeurbanne et Saint-Quentin) ou dans l’immédiat après-guerre (Antibes-Juan-les-Pins, Vénissieux, Clermont-Ferrand et Nantes) (142). Ce rattachement administratif ne semble cependant plus d’actualité du fait de l’évolution des organigrammes, qui rassemblent désormais souvent les services offerts par les collectivités locales soit autour de pôles (rattachement de la santé scolaire à un pôle « éducation »), soit selon une logique de métier (services à vocation sanitaire et sociale).

Le périmètre d’intervention choisi par les municipalités se concentre sur le site des établissements du cycle primaire (école maternelle et élémentaire), deux communes sur 13 ayant élargi ce champ d’intervention à des établissements du second degré : la commune d’Antibes-Juan-les-Pins, dont le service de santé scolaire intervient dans les collèges et lycées privés, et la Ville de Paris qui a, par ailleurs, la charge de lycées municipaux. Huit communes déclarent couvrir la totalité des classes de maternelle – ce qui implique pour certaines d’entre elles la prise en charge, sur la base d’une convention spécifique, du bilan de santé des 3-4 ans normalement réalisé par la PMI –, tandis que quatre limitent leur intervention en école maternelle à la classe de grande section, lieu de réalisation du bilan de santé à 6 ans. Deux communes ont circonscrit leurs interventions aux établissements publics du cycle primaire (Strasbourg et Lyon).

La population urbaine couverte par l’ensemble de ces services municipaux santé scolaire compte 310 000 élèves, représentant 4,6 % des effectifs scolaires nationaux du premier cycle (écoles maternelles et élémentaires).

II.– DES MODALITÉS D’ORGANISATION VARIÉES

Parmi les 13 services étudiés, deux sont exclusivement infirmiers, à Vénissieux (10,8 emplois temps plein d’infirmières) et à Clermont-Ferrand (13 emplois temps plein d’infirmières). Toutefois, à la différence des neuf communes du département des Hauts-de-Seine qui emploient au total 45 infirmières participant au service de santé scolaire de l’éducation nationale, ces services infirmiers conservent une autonomie de gestion se traduisant par la désignation d’une infirmière chargée de la coordination, placée sous l’autorité d’un responsable administratif.

Une seconde forme singulière observée parmi les services municipaux de santé scolaire se caractérise par l’intégration d’un service d’assistantes sociales au sein de la santé scolaire. Il s’agit d’un aspect important pour les services des villes de Grenoble et de Lyon, mais plus mineur pour les villes de Strasbourg et Cannes. Les responsables et les personnels des services de la ville de Lyon ont souligné devant la mission parlementaire qui les a rencontrés le 29 septembre 2011 l’intérêt sanitaire qu’ils ont vu à ce que les actions de dépistage réalisées par les personnels de santé soient relayées par un accompagnement social des familles dans le recours aux soins lorsqu’il s’avère que les familles ont des difficultés. L’analyse des budgets salariaux communiqués par les municipalités montre toutefois que la prise en compte de cette mission sociale implique pour les municipalités qui l’assument des coûts de fonctionnement plus élevés que dans le cas des autres services municipaux, supérieurs à 100 euros par élève et par an pour les trois villes de Grenoble, Lyon et Nantes.

Parmi les dix villes qui emploient des médecins et des infirmières, un ratio d’un médecin pour trois infirmières est fréquent, mais ce ratio est supérieur en faveur des médecins lorsque des personnels administratifs médicaux leur sont adjoints pour la gestion des dossiers. Le cas de la Ville de Paris, qui a fait le choix d’employer une majorité de médecins (au nombre de 64) assistés chacun d’une secrétaire médicale (au nombre de 69) et seulement 8 infirmières, constitue l’exemple où la présence médicale est la plus forte.

Par ailleurs, des personnels médicaux spécialisés sont associés à la réalisation des dépistages dans 6 services sur 13. Il s’agit principalement de chirurgiens-dentistes réalisant des dépistages bucco-dentaires (présents dans trois services) et d’orthophonistes spécialisés dans la détection des troubles du langage et de l’apprentissage (présents dans deux services). Les autres spécialistes mentionnés sont des psychologues (dans deux services), une orthoptiste (dans un service) et une diététicienne (dans un service). Il faut noter que ces spécialistes n’étant pas toujours employés à temps complet, ils sont la plupart du temps recrutés en tant que vacataires, à la différence des personnels médicaux et infirmiers qui sont dans leur très large majorité titulaires.

Au niveau du budget de l’État, des crédits s’élevant à 3 millions d’euros ont été inscrits au projet de loi de finances pour 2012 dans le cadre du programme 230 « Vie de l’élève », au titre des dépenses d’intervention en faveur des collectivités territoriales. Depuis la loi de finances du 23 février 1963 qui a supprimé les participations départementales et communales de ces collectivités pour la couverture des frais d’examen médical des élèves en les mettant à la charge exclusive de l’État, celui-ci verse en effet annuellement une subvention forfaitaire destinée à indemniser ces villes de leurs frais pour ce qui relève des dépenses obligatoires d’examens médicaux des élèves. D’après le ministère de l’Éducation nationale, cette subvention est établie « en fonction du nombre d’élèves scolarisés dans ces villes en grande section de maternelle et dans l’enseignement du premier degré public et privé et des crédits budgétaires » disponibles (143). En 2011, onze villes, appartenant à dix académies, y compris la Nouvelle-Calédonie, ont bénéficié du versement d’une subvention.

Le montant total des crédits budgétés est en augmentation significative depuis 2006, date à laquelle ces crédits s’élevaient à 0,9 million d’euros. Toutefois, pour la plupart des services municipaux de santé scolaire, la participation de l’État ne couvre qu’une partie très faible des coûts réellement engagés par les communes, comme le montrent les réponses des collectivités concernées au questionnaire de la mission parlementaire.

TABLEAU 1 : DATE DE CRÉATION DES SERVICES MUNICIPAUX
ET PÉRIMÈTRE D’INTERVENTION

Communes

Date de création

Périmètre d’intervention

Organisation en secteur (si décrite)

Antibes-
Juan-les-Pins

1945

Écoles maternelles et élémentaires + collèges et lycées privés

 

Bordeaux

1865

Écoles maternelles et élémentaires

4 secteurs. Équipe de secteur : 1 médecin, 1 infirmière, 1 secrétaire médicale

Cannes

 

Écoles maternelles principalement, et écoles élémentaires

 

Clermont-Ferrand

1950

Écoles maternelles et élémentaires

 

Grenoble

1924

Écoles maternelles et élémentaires

5 secteurs. Équipe de secteur : 1 médecin,

Lyon

1879 (144)

Classes de grande section de maternelles et écoles élémentaires publiques

 

(suite du tableau page suivante)

Communes

Date de création

Périmètre d’intervention

Organisation en secteur (si décrite)

Nantes

1942

Classes de grande section de maternelles et écoles élémentaires

 

Nice

1889

Écoles maternelles et élémentaires

Chaque médecin a la responsabilité de
6 secteurs infirmiers

Paris

1879

Écoles maternelles ou élémentaires publiques, et lycées municipaux

12 secteurs sous la responsabilité d’un médecin ayant des fonctions d’encadrement

Saint-Quentin

1923

Classes de grande section de maternelles et écoles élémentaires

4 secteurs

1 infirmière par secteur

Strasbourg

1903

Écoles maternelles et élémentaires publiques

 

Vénissieux

1948

Classes de grande section de maternelles et écoles élémentaires

 

Villeurbanne

1924

Classes de grande section de maternelles et écoles élémentaires

 

Source : Services municipaux de santé scolaire

TABLEAU 2 : EFFECTIFS DES SERVICES MUNICIPAUX DE SANTÉ SCOLAIRE

(en équivalent temps plein (ETP), lorsque cette donnée a été communiquée)

Communes

Effectifs de médecins

Effectifs d’infirmières

Effectifs en autres professions paramédicales

Effectifs en autres professions

Antibes-
Juan-Les-Pins

2,9 ETP

3,4 ETP

0,8 ETP psychologue
0,1 ETP orthophoniste

4 ETP agents administratifs

Bordeaux

4,8 ETP

3,7 ETP

1 ETP orthoptiste

3,8 ETP secrétariat médical

Cannes

1,6 ETP

3 ETP

1 ETP chirurgien-dentiste

3 ETP conseillères socio-éducatives
2 ETP administratifs

Clermont-Ferrand

 

13 ETP

   

Grenoble

6 ETP

4,5 ETP

0,2 ETP médecin spécialiste
0,65 ETP chirurgien-dentiste
1 ETP assistante dentaire

10,7 ETP assistantes sociales
7,4 ETP secrétariat médical
2,5 ETP conseillers socio-éducatifs
2 ETP secrétariat

Lyon

8,4 ETP

41,5 ETP

 

21 ETP assistantes sociales
4 ETP conseillers techniques

Nantes

6 ETP

14 ETP

 

6 ETP assistantes sociales
1 ETP chargé de projet
1 ETP assistante

Nice

4,4 ETP

22,6 ETP

0,5 ETP dentiste
0,6 ETP diététicienne
0,1 ETP psychologue

1ETP secrétariat

Paris

64 médecins

8 infirmières

 

69 secrétaires médicales

Saint-Quentin

1 médecin

4 infirmières

   

Strasbourg

5,6 ETP

7,5 ETP

0,5 ETP orthophoniste

1 ETP assistante sociale
1 ETP administratif

Vénissieux

 

10,8 ETP

   

Villeurbanne

2,4 ETP

11,2 ETP

   

Source : Services municipaux de santé scolaire

TABLEAU 3 : POPULATION SCOLAIRE COUVERTE, COÛT EN CHARGES SALARIALES
ET PARTICIPATION FINANCIÈRE DE L’ÉTAT

(en montant brut et en pourcentage des charge salariales assumées par ces services)

Communes

Nombre d’élèves suivis

Nombre de groupes scolaires

Charges salariales

en euros

Coût salarial par élève

en euros

Participation de l’éducation nationale

En euros et en % des coûts salariaux

Mention d’une convention

Antibes-
Juan-les-Pins

7 700

41

680 000

88

4 000

(0,6 %)

Bordeaux

18 500

132

n.c.

24 000

Convention avec EN

Cannes

5 700

44

n.c

n.c

Clermont-Ferrand

8 600

32

n.c

n.c

Convention avec EN

Grenoble

13 500

100

1 700 000

125

65 000

(3,6 %)

Convention avec EN et PMI

Lyon

23 000

 

n.c.

 

150 000

Nantes

17 500

144

1 750 000

100

29 600

(2 %)

Nice

30 000

175

1 500 000

50

37 000

Convention avec PMI

Paris

142 000

664

n.c.

n.c.

Convention avec EN

Saint-Quentin

5 398

49

212 300

40

8 088

(3,7 %)

Convention avec EN

Strasbourg

22 500

114

990 000

44

38 700

(3,8 %)

Vénissieux

5 269

20

483 000

91

n.c.

Villeurbanne

9 700

29

680 000

70

19 300

(2,5 %)

Total

309 369

         

Source : Services municipaux de santé scolaire

ANNEXE n° 2

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES BESOINS SANITAIRES :
L’EXEMPLE DE L’ACADÉMIE DE LILLE


Source : Rectorat de Lille

Source : Rectorat de Lille

Source : Rectorat de Lille

ANNEXE n° 3

LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES

1. AUDITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL

– Mme Marie Choquet, directrice de recherche à l’INSERM (3 mai 2011).

– M. Jean-Michel Blanquer, directeur général de l’enseignement scolaire, au ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, Mme Nadine Neulat, chef de bureau et Mme Jeanne-Marie URCUN, médecin conseiller technique, bureau Desco B4, direction de l’enseignement scolaire (10 mai 2011).

– Mme Agnès Ducros, médecin, responsable de formation à l’École des hautes études en santé publique (17 mai 2011).

– Pr Maurice Tubiana, membre de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie des sciences (17 mai 2011).

– Mme Annie Mamecier, inspectrice générale de l’éducation nationale, coordonnateur du rapport « Évaluation du dispositif d’éducation à la santé à l’école et au collège » (24 mai 2011).

– Dr Claude Bravard, médecin conseiller technique honoraire, présidente de l’AFPSSU (association de promotion de la santé scolaire et universitaire), et Dr Marie-Claude Romano, médecin conseiller technique honoraire, secrétaire générale de l’AFPSSU (14 juin 2011)

– M. Jean-Yves Grall, directeur général de la santé, ministère du travail, de l’emploi et de la santé, ancien directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) de Lorraine (14 juin 2011).

– Pr Danièle Sommelet, auteur du rapport « L’enfant et l’adolescent, un enjeu de société, une priorité du système de santé » (23 juin 2011).

– Dr Marie-Thérèse Roux, médecin conseiller technique au rectorat de Poitiers, présidente de l’Association des médecins conseillers techniques de l’éducation nationale (Ascomed) (23 juin 2011).

– M. Laurent Chambaud, directeur du pôle santé publique à l’agence régionale de santé d’Île-de-France (23 juin 2011).

– Dr Irène Kahn-Bensaude, vice-présidente du conseil national de l’Ordre des médecins, présidente de la section Santé publique (23 juin 2011).

– M. Jean-Louis Michard, inspecteur général de l’éducation nationale (20 septembre 2011).

– Mme Claire Brisset, ancienne Défenseure des enfants (20 septembre 2011).

– Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère du Travail, de l’emploi et de la santé (20 septembre 2011).

– M. Jean-Paul de Gaudemar, recteur de l’académie d’Aix-Marseille (27 septembre 2011).

– M. Alain Boissinot, recteur de l’académie de Versailles (27 septembre 2011).

– Mme Fadela Amara, Mme Danièle Jourdain-Menninger, Mme Myriam Mesclon-Ravaud, DGilles Lecoq, membres de l’inspection générale des affaires sociales (27 septembre 2011).

– M. Didier Houssin, ancien directeur général de la santé au ministère de la Santé, président du conseil de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) (27 septembre 2011).

– Mmes Brigitte Accart, secrétaire générale et Sophie Martinat, secrétaire académique et secrétaire départementale du Syndicat national des infirmiers et infirmières éducateurs en santé (SNIES UNSA Éducation), Béatrice Gaultier, secrétaire générale du Syndicat national des infirmier(e)s conseiller(e)s de santé (SNICS) et M. Christian Allemand, secrétaire général adjoint (SNICS) (18 octobre 2011).

– Dr Corinne Vaillant, secrétaire générale du syndicat national des médecins scolaires et universitaires, médecin de l’éducation nationale dans l’académie d’Orléans Tours (SNMSA-UNSA éducation) et Dr Jocelyne Grousset, secrétaire générale adjointe du SNMSA-UNSA, médecin de l’éducation nationale en Seine-Saint-Denis (20 octobre 2011).

– Dr Sophie Brunhes, secrétaire générale du Syndicat national autonome des médecins de santé publique de l’éducation nationale - Union confédérale des médecins salariés et Dr Marie Blandine Basalo, ancienne secrétaire générale du Syndicat national autonome des médecins de santé publique de l’éducation nationale (20 octobre 2011).

– M. Jean Marimbert, secrétaire général de l’éducation nationale (15 novembre 2011).

2. AUTRES TRAVAUX

Ÿ Déplacement à Lille : visite au rectorat de l’académie (27 juin 2011).

– Mme Dominique Devise, infirmière conseillère technique ;

– Dr Annick Caron, médecin responsable départemental, conseiller technique auprès de l’inspecteur d’Académie ;

– Dr Charlotte George, médecin, représentant le conseiller technique départemental ;

– Mme Martine Sadik, infirmière scolaire au collège Louise Michel de Lille ;

– Dr Michel Vandevelde, spécialiste en médecine et biologie du sport, spécialiste en santé publique ;

– M. Joël Sansen, conseiller technique du secteur pour l’ASH (adaptation scolaire et scolarisation des élèves handicapés) ;

– M. Patrick Louchard, proviseur vie scolaire.

Ÿ Déplacement à Villeurbanne : visite du service municipal de santé scolaire (29 septembre 2011)

– direction de la santé publique de la Mairie de Villeurbanne : Dr Sophie Pamiès, médecin directeur, Mme Marie-Jo Deparis, infirmière, Dr Fabienne Beynel-Mélinand, médecin scolaire, Mme Anne-Marie Pascal, Dr Françoise Delanghe Louistisserand, médecin scolaire, Mme Mariane Bruni, responsable administratif et financier, et M. Mathieu Fortin, coordinateur santé ;

– Mme Marie-Claude Nallet, de l’éducation nationale de Villeurbanne Nord ;

– Mme Sylvianne Fernandez-Cagna, inspectrice de l’éducation nationale de Villeurbanne Sud ;

– Mme.Valérie Martin, directrice de l’école maternelle Jules Ferry ;

– Mme Sylvie Bontempelli, enseignante référente au Collège Lamartine ;

– Institut de traitement des troubles de l’affectivité et de la cognition (ITTAC) : Dr Louis Forgeard, pédopsychiatre, et Mme Éliane Moulin, psychologue ;

– Mme Régine Cavelier, diététicienne coordinatrice pour le Réseau de prévention et de prise en charge de l’obésité pédiatrique (RéPPOP 69) ;

– Dr Martine Juenet-Nore, médecin, Maisons départementales des personnes handicapées du Rhône ;

– Mme Claire Bloy, Mme Anne Fournier-Portal et Mme Stéphane Vacher, responsables territoriales santé ;

– Mme Hagar Levy-Sebbag, orthophoniste ;

– Dr Françoise Bazin, oto-rhino-laryngologiste phoniatre ;

– Dr Françoise Payot, pédiatre-allergologue.

Ÿ Déplacement à Lyon : visite du service municipal de santé scolaire (29 septembre 2011)

– service médico-scolaire de la ville de Lyon ; Mme Dominique Delorme, conseiller technique médical à la direction de l’éducation, Mme Martine Meunier-Martin, conseiller technique social à la direction de l’éducation, Dr Christine Uzel, médecin scolaire à la direction de l’éducation, Mme Marie-Françoise Barrelon, infirmière scolaire à la direction de l’éducation ;

– M. Jean-Yves Authier, directeur de l’école primaire Nové Josserand ;

– Dr Isabelle Soares-Boucaud, pédopsychiatre au centre de référence pour les troubles du langage à l’hôpital Édouard Herriot ;

– Dr Pierre Fourneret, pédopsychiatre, président de l’association E=MCDys, Réseau Dys/10 ;

– Mme Marie-Claire Thiollier, orthophoniste, coordinatrice de l’association E=MCDys, Réseau Dys/10 ;

– M. Renaud Perdrix, orthophoniste, enseignant à l’ISTR-formation orthophonie ;

– Mme Brigitte Confort, parent, association ADAPEI.

Ÿ Déplacement à Montpellier : visite au rectorat de l’académie (lundi 3 et mardi 4 octobre 2011)

– Dr Anne Narboni, médecin conseillère technique auprès du recteur, académie de Montpellier ;

– Mme Genevieve Lemonnier, infirmière conseillère technique auprès du recteur, académie de Montpellier ;

– M.Gilles Gustau, direction des élèves, des établissements et de la contractualisation ;

– Dr Davy-Aubertin, médecin conseillère technique auprès de l’inspecteur académique de l’Hérault ;

– Mme Laurence Lucereau, infirmière conseillère technique auprès de l’inspecteur académique de l’Hérault ;

– Mme Clarisse Decroix, centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage, CASNAV Hérault ;

– Mme Najat Bentiri, psychologue sociale de santé, CESAM migrations ;

– Dr Michel Anger, médecin de l’éducation nationale, bassin de Montpellier Nord ;

– Dr Catherine Maurin, médecin de l’éducation nationale, bassin de Lunel ;

– Dr Myriam Lalauze, médecin de l’éducation nationale, bassin de Gignac ;

– Mme Pascale Airault, directrice de l’école primaire Louisville de Montpellier ;

– M. Philippe Heinrich, enseignant référent de la CLIS de l’école Louisville ;

– Mme Régine Raoux, AVS Co ;

– Dr Martine Paradis, pédopsychiatre au SMPEA de l’hôpital Saint-Éloi de Montpellier, Réseau Philado ;

– Dr Monique Batlag, psychiatre à la polyclinique de psychiatrie pour grands adolescents et jeunes adultes, hôpital La Colombière de Montpellier secteur Montpellier-Lunel ; dispositif « Lieu commun » ;

– Dr Bénédicte Gasc, pédopsychiatre, Maison de l’adolescent de Montpellier ;

 Participation à une séance du comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) au collège du Pic Saint-Loup, dans l’Hérault, avec M. Thierry Bonafé, principal, Mme Valérie Borgeon, principale adjointe, Mme Catherine Braud, infirmière, Mme Laurence Bonnefoi et Mme Florence Thorez, professeures, Mme Geneviève Lemonnier, infirmière conseillère technique auprès du recteur, Mme Laurence Lucereau, infirmière conseillère technique auprès de l’inspecteur d’académie de l’Hérault, Mme Françoise Reilhan, gestionnaire, ainsi que des parents d’élèves et des élèves ;

– M. Bertrand Blanchard, représentant de l’association Holisme.

ANNEXE n° 4

SIGLIER

– Ademe : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

– Afssa : Agence française de sécurité sanitaire des aliments.

– Afssaps : Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

– Dares : Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, ministère du travail, de l’emploi et de la santé.

– DGS-EA : Direction général de la santé-Environnement et Alimentation.

– Drees : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, ministère du travail, de l’emploi et de la santé.

– INCa : Institut national du cancer.

– Ined : Institut national d’études démographiques.

– Inpes : Institut national de prévention et d’éducation pour la santé.

– Inrets : Institut de recherche dans les domaines du transport et de la sécurité des transports. Au 1er janvier 2011, l’INRETS et le LCPC ont fusionné pour donner naissance à l’IFSTTAR Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux.

– Insee : Institut national de la statistique et des études économiques.

– Inserm : Institut national de la santé et de la recherche médicale.

– INVS : Institut national de veille sanitaire.

– Irdes : Institut de recherche et de document en économie de la santé.

– OFDT : Observatoire français des drogues et des toxicomanies.

– OMS : Organisation mondiale de la santé.

– ONISR : Observatoire national interministériel de sécurité routière.

– UFSBD : Union française pour la santé bucco-dentaire.

– Usen/Cnam : Unité de surveillance et d’épidémiologie nutritionnelle Caisse nationale d’assurance maladie.

ANNEXE N° 5
RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES :

CONTRIBUTION ÀL’ÉVALUATION
DE LA MÉDECINE SCOLAIRE

Le rapport est accessible en pdf, grâce au lien suivant : http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i3968.pdf

1 (1) Oui, il faut sauver la santé scolaire. Jean-Pierre Deschamps, Médecine et enfance 1989 : 179-82.

2 () Avis (n° 2859) présenté au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi de finances pour 2011 (n° 2824) – Tome IV enseignement scolaire, par MM. Marc Bernier et Gérard Gaudron.

3 () Pour la commission des Affaires culturelles et de l’éducation : MM. Gérard Gaudron (UMP) et Marc Bernier (UMP), Mme Colette Langlade (SRC) ; pour la commission des Affaires sociales : Mmes Edwige Antier (UMP) et Martine Pinville (SRC).

4 () http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/mecss/Communication_CDC_prevention_sanitaire.pdf

5 () Antibes-Juan-les-Pins, Bordeaux, Cannes, Clermont-Ferrand, Grenoble, Lyon, Nantes, Nice, Paris, Strasbourg, Vénissieux, Villeurbanne.

6 () Les propos du docteur : médecine sociale, hygiène générale à l’usage des gens du monde, Dr Ernest Monin, Paris, 1893, p. 139.

7 () Ordonnance n° 45-2407 du 18 octobre 1945, exposé des motifs.

8 () Idem.

9 () 100 ans d’une histoire des médecins inspecteurs de santé publique, Jacques Raimondeau et Pierre-Henri Bréchat, revue Actualité et dossier en santé publique n° 41, décembre 2002.

10 () En l’état des informations disponibles, on ignore si les médecins de santé scolaire étaient intégrés dans un corps de la fonction publique avant cette date ou s’ils étaient employés avec le statut de contractuel de la fonction publique.

11 () D’après les informations communiquées par le Syndicat national des infirmières conseillères de santé (SNICS-FSU) , le corps d’infirmières de l’éducation nationale fut ainsi créé par décret du 10 août 1965.

12 () Rapport n° 174, sur le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé (2001-2002) de MM. Francis Giraud, Gérard Dériot et Jean-Louis Lorrain, sénateurs, fait au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat, déposé le 16 janvier 2002.

13 () Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État.

14 () Décret n° 85-516 du 13 mai 1985 portant intégration des infirmiers et infirmières et des assistants et assistantes de service social du service de santé scolaire dans les corps correspondants relevant du ministère de l’éducation nationale.

15 () L’Association des médecins inspecteurs de la santé (AMIS), le Syndicat des médecins de santé publique (CGC), le Syndicat national des médecins inspecteurs du travail et de la main d’œuvre et le Syndicat nationale des médecins scolaires et universitaires.

16 () Se référant à un témoignage anonymisé d’un membre d’un syndicat infirmier, François Lainé décrit en ces termes le conflit lancinant opposant les deux catégories de professionnels de santé : « Les infirmières d’établissements, qui agissaient avec une certaine autonomie depuis 1964, ont en réalité vu d’un très mauvais œil le retour d’un corps composé de médecins attachés à leurs prérogatives hiérarchiques et d’infirmières de secteurs “vassalisées” par ceux-là, qui en auraient fait “leurs bonnes à tout faire, des assistantes pour apporter le café”. Cette remise en cause imaginée de l’indépendance d’action de fait des infirmières est à l’origine du rejet manifesté par elles de la circulaire de 1991, “qui ne définissait pas assez précisément les missions des deux corps ». Norlevo, retour sur les dessous d’une décision, François Lainé, Revue ProChoix n° 16, novembre-décembre 2000, http://www.prochoix.org/pdf/norlevo16.pdf.

17 () Idem.

18 () Rapport de la Cour des comptes, p. 160.

19 () L’article 1 du décret dispose que : « à partir du 1er octobre 1947, nul enfant ayant atteint l’âge de l’obligation scolaire ne sera admis dans un établissement d’enseignement ou d’éducation public ou privé s’il n’est vacciné conformément aux termes en vigueur et porteur d’un certificat médical d’aptitude délivré sans frais par un médecin scolaire agréé ».

20 () Rapport de la Cour des comptes, p. 29.

21 () À défaut, cette vaccination doit être réalisée par le service de santé scolaire dans un délai de trois mois.

22 () La circulaire n° 2001-014 du ministre de l’Éducation nationale, du 12 janvier 2001, relative aux missions des personnels infirmiers de l’éducation nationale précise le contenu du dépistage infirmier prévu à l’occasion de ce bilan :

« 3.1.3 Contribuer, par un dépistage infirmier, à la visite médicale obligatoire entre 5 et 6 ans :

La réalisation de ce bilan s’effectue dans le cadre d’un travail en équipe entre infirmier(ère)s, médecins, enseignants et psychologues scolaires, dans l’intérêt de l’élève.

L’infirmier(ère) peut participer, en fonction de son rôle propre, à la détection précoce des difficultés d’apprentissage de l’élève. Dans ce cas, l’accent doit être mis sur la petite enfance et le début de la scolarité primaire afin d’aider les élèves les plus fragiles.

À l’occasion de ce dépistage, il (elle) effectue : l’entretien avec l’élève, les examens biométriques, le dépistage des troubles sensoriels et la vérification des vaccinations. »

23 () Auditionnée le 17 mai 2011 par la mission parlementaire, le Pr Danièle Sommelet regrettait en ces termes dans son rapport l’absence de suivi sanitaire régulier en milieu scolaire : « Pourquoi l’enfant de 6 à 12 ans, puis l’adolescent ne font-ils pas l’objet d’une surveillance régulière et pourquoi la proposition d’un entretien de santé à 12 et 13 ans est-elle envisagée en ville et pas aussi en milieu scolaire ? » L’enfant et l’adolescent : un enjeu de société, une priorité du système de santé, Danièle Sommelet, 28 octobre 2006, page 34.

24 () Rapport n° 3184 déposé le 5 juillet 2006 au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi réformant la protection de l’enfance, par Mme Valérie Pécresse.

25 () Circulaire n°10/82/S82/256/EN du 15 juin 1982 relative aux orientations et au fonctionnement du service de santé scolaire, http://pmb.ofdt.fr/pmb_documents/LEGI/1064.pdf

26 () Circulaire n° 2001-013 du 12 janvier 2001, « 3.2.2 Suivre les élèves des établissements de certaines zones (rurales, d’éducation prioritaire, établissements sensibles et établissements du plan de prévention de la violence ) ».

27 () Dans le cadre des indications mentionnées par l’arrêté du 3 mai 1989 relatif aux durées et conditions d’éviction, mesures de prophylaxie à prendre à l’égard des élèves et du personnel dans les établissements d’enseignement et d’éducation publics et privés en cas de maladies contagieuses.

28 () Circulaire n° 2001-013 « 3.2.1 Suivre les élèves signalés par les membres de l’équipe éducative, les infirmier(ère)s, les assistant(e)s de service social, les parents ou les élèves eux-mêmes ».

29 () Le rapport de M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur de la commission des Affaires sociales, sur le projet de loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, en date du 11 février 2004, indique que 135 000 enfants ou adolescents handicapés relevaient de l’éducation spéciale en 2000, alors que simultanément 28 000 enfants handicapés seulement étaient scolarisés en classe ordinaire.

30 () Article 19 de la loi du 11 février 2005.

31 () Article 9 du décret n ° 2005-1752 du 30 décembre 2005 relatif au parcours de formation des élèves présentant un handicap.

32 () Selon la procédure prévue par l’article D. 351-8 du code de l’éducation.

33 () L’article 2 de la loi du 11 février 2005 déclare que « constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. »

34 () Le médecin scolaire peut également être amené à apporter son concours à l’équipe de suivi de la scolarisation (article D. 351-11 du code de l’éducation).

35 () Circulaire n° 2001-013 du 12 janvier 2001 – paragraphe 3.2.6 Contribuer à l’intégration scolaire des enfants et adolescents atteints de handicap.

36 () Circulaire n° 2001-014 du 12 janvier 2001 – paragraphe 3.2.7 Contribuer à l’intégration scolaire des enfants et adolescents atteints de handicap.

37 () Rapport d’information n° 2822 sur la famille et les droits de l’enfant, sous la présidence de M. Patrick Bloche, présenté par Mme Valérie Pécresse le 25 janvier 2006.

38 () « Lorsqu’un médecin discerne qu’un mineur de 15 ans est victime de sévices ou de privations, il doit, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives. »

39 () En vertu de l’article R. 4312-7 du code de la santé publique codifié par le décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux règles professionnelles s’appliquant à la profession d’infirmiers ou d’infirmières : « Lorsqu’un infirmier ou une infirmière discerne dans l’exercice de sa profession qu’un mineur est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour le protéger, en n’hésitant pas, si cela est nécessaire, à alerter les autorités médicales ou administratives compétentes lorsqu’il s’agit d’un mineur de quinze ans. »

40 () Modifiant par son article 88 l’article L. 4311-1 du code de la santé publique.

41 () Codifiée par l’ordonnance 2000-6549 à l’article L. 913-1 du code de l’Éducation.

42 () M. Pierre Taudou, médecin conseiller technique auprès du recteur de l’académie d’Aix-Marseille, a souligné auprès de la mission parlementaire le rôle déclencheur à ce sujet des questions posées par l’accueil à l’école des enfants porteurs du VIH, mentionnées par la circulaire ministérielle n° 92-194 du 29 juin 1992.

43 () ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/bo/2003/34/projet.pdf

44 () À l’article 6 du décret n° 2005-1752 du 30 décembre 2005.

45 () « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en l’absence de maladie ou d’infirmité. »

46 () Audition du 17 mai 2011.

47 () Intégré dans le code de l’éducation aux articles R. 421-46 à 48, par le décret n° 2008-263.

48 () Proposition de loi n° 306 déposée le 6 novembre 2007 par M. Gérard Gaudron.

49 () Des études récentes ont mis en évidence l’existence d’un déficit auditif pathologique pour 10 % en moyenne de plusieurs milliers de lycéens examinés.

50 () Cette ordonnance institue une visite médicale obligatoire à l’âge de 6 ans sans préciser la qualité du professionnel de santé chargé de réaliser cette visite, confiant aux services d’hygiène scolaire et universitaire un rôle d’organisation des visites.

51 () Auditionnées le 20 octobre 2011.

52 () Atlas de la démographie médicale en France – situation au 1er janvier 2011, Conseil national de l’ordre des médecins, p. 5.

53 () 91 924 médecins exercent une activité libérale de manière exclusive (soit 46,7 % des médecins ayant une activité professionnelle) et 22 911 médecins ont un exercice mixte (soit 11,5 % des médecins).

54 () Circulaire 2001-013 du 12 janvier 2001 relative aux missions des médecins de l’éducation nationale – Paragraphe 2.1 Missions et fonction des médecins conseillers techniques au niveau du rectorat : « le médecin conseiller technique, dans le champ de ses compétences, conduit l’animation de la médecine de prévention des personnels et de la médecine de promotion de la santé en faveur des élèves. »

55 () Dans le cadre du plan santé et bien-être au travail, le ministère de l’éducation nationale a annoncé le recrutement de 80 médecins de prévention pour améliorer la surveillance médicale des agents et proposer aux personnels les plus exposés de bénéficier d’une aide et d’une surveillance adaptée.

56 () Le directeur général de l’enseignement scolaire a déclaré à la Cour des comptes que l’indicateur du bilan de santé de la sixième année constitue un élément central pris en compte notamment dans le dialogue de gestion avec les académies (rapport de la Cour des comptes, p. 36).

57 () Rapport d’information n° 3444 de Mme Bérengère Poletti, députée, sur la contraception des mineures, déposé le 17 mai 2011 au nom de la délégation des droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale

58 () Évaluation des politiques de prévention des grossesses non désirées et de prise en charge des interruptions volontaires de grossesse suite à la loi du 4 juillet 2001, Mmes Claire Aubin, Danièle Jourdain-Menninger, inspection générale des affaires sociales, octobre 2009.

59 () Rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale, de l’inspection de l’administration de l’éducation nationale et de l’inspection des affaires sociales, portant sur l’évaluation du dispositif d’éducation à la santé à l’école et au collège, remis en janvier 2004 aux ministres de l’Éducation nationale, de la Santé et de l’enseignement scolaire. Mmes Annie Mamecier, Évelyne Ravary, Françoise Boutet-Waiss, MM. Joël Sallé, Pierre Naves et Mme Patricia Vienne.

60 () Rapport n° 174 (2001-2002) de MM. Francis Giraud, Gérard Dériot et Jean-Louis Lorrain, députés, fait au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, déposé le 16 janvier 2002.

61 () À l’action n° 2 relative à la santé scolaire sont associés un objectif : « promouvoir la santé des élèves » et un seul indicateur : « proportion d’élèves ayant bénéficié du bilan de santé dans leur sixième année ».

62 () Introduit par l’article 9 de la loi du 23 avril 2005, le “socle commun de connaissances et de compétences” présente ce que tout élève doit savoir et maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire. Son contenu défini par le décret n° 2006-830 du 11 juillet 2006 décrit l’ensemble des connaissances, compétences, valeurs et attitudes nécessaires pour réussir sa scolarité, sa vie d’individu et de futur citoyen.

63 () Quand l’école parle de compétences en matière d’éducation à la santé, M. Jean-Louis Michard, inspecteur général de l’éducation nationale, La santé de l’homme, n° 407, mai-juin 2010.

64 () Rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale, de l’inspection de l’administration de l’éducation nationale et de l’inspection des affaires sociales, portant sur l’évaluation du dispositif d’éducation à la santé à l’école et au collège, remis en janvier 2004 aux ministres de l’Éducation nationale, de la Santé et de l’Enseignement scolaire, page 12.

65 () Actuellement M. Jean-Michel Blanquer, auditionné par la mission parlementaire le 10 mai 2011.

66 () Notamment les actions de dépistage buccodentaire ou le suivi du poids des enfants.

67 () Article 31 du décret du 27 novembre 1991.

68 () Animé par un neurologue, le Dr Michel Habib, Résodys, créé en mai 2002, est un réseau pluridisciplinaire et pluri-partenarial, destiné à améliorer la qualité de vie et l’intégration scolaire d’enfants souffrant de troubles spécifiques d’apprentissage du langage. Articulé avec le centre hospitalier universitaire de la Timone à Marseille, siège pour la région du centre référent pour le traitement de ces troubles, le réseau associe des praticiens médicaux et paramédicaux (notamment des orthophonistes). Outre des activités de recherche, Résodys organise le dépistage des enfants dyslexiques, grâce à la formation de médecins volontaires en mesure de faire un diagnostic ou d’orienter les enfants vers le centre de référence pour les cas plus complexes.

69 () Depuis la loi 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) et la formation médicale continue (FMC) sont désormais intégrées dans un dispositif unique, le développement professionnel continu (DPC), applicable à toutes les professions de santé.

70 () Audition du Dr Irène Kahn-Bensaude, le 23 juin 2011.

71 () Il est à noter que 338 médecins exerçant en milieu scolaire déclaraient au CNOM avoir une activité mixte (incluant une pratique hospitalière ou libérale) en 2006.

72 () Par décret n°2006-743 du 27 juin 2006, le ministère de l’éducation nationale a mis en place, pour les sessions 2006 à 2008, des concours dérogatoires ouverts aux médecins scolaires non titulaires de la fonction publique.

73 () Lettre de la directrice générale des ressources humaines du ministère de l’éducation nationale au Conseil national de l’ordre des médecins, en date du 15 avril 2011, communiquée à la mission parlementaire par le CNOM.

74 () Elle était de 43,3 ans en 1993 et de 46,1 ans en 2000.

75 () Sur la base d’une entrée dans l’exercice professionnel à 35 ans et d’un départ à la retraite à l’âge de 65 ans, selon les données communiquées par le CNOM, l’âge de 50  ans correspond exactement au milieu de la carrière médicale.

76 () La démographie médicale à l’horizon 2030 : de nouvelles projections nationales et régionales, direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, ministère du travail, Études et résultats n° 679, février 2009.

77 () Le nombre total de postes ouverts aux lauréats étant de 6 189, toutes disciplines médicales confondues.

78 () Audition de M. Jean Marimbert, secrétaire général du ministère de l’éducation nationale, le 15 novembre 2011.

79 () Selon les informations dont dispose le ministère de l’éducation nationale, seule la moitié des personnels infirmiers ont exercé effectivement leur droit d’option, du fait des contreparties au passage à la catégorie A (allongement de la durée de service actif).

80 () Audition de Mmes Brigitte Accart, secrétaire générale et Sophie Martinat, secrétaire académique et secrétaire départementale du Syndicat national des infirmiers et infirmières éducateurs en santé (SNIES UNSA Éducation), de Mme Béatrice Gaultier, secrétaire générale du Syndicat national des infirmier(e)s conseiller(e)s de santé (SNICS) et de M. Christian Allemand, secrétaire général adjoint, le 18 octobre 2011.

81 () Évaluation de l’impact du dispositif LMD sur les formations et le statut des professions paramédicales, Inspection générale des affaires sociales et Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, septembre 2008, page 55.

82 () Avis n° 2824 présenté par MM. Marc Bernier et Gérard Gaudron le 14 octobre 2010, au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi de finances pour 2011, tome IV - Enseignement scolaire, page 37.

83 () Médecins de l’éducation nationale : enjeux et perspectives pour un nouveau métier, J. Carvalho , C. Maitrot, revue Santé publique 1998, volume 10, no 3, p. 269-285.

84 () Avis n° 2824 présenté par MM. Marc Bernier et Gérard Gaudron le 14 octobre 2010, au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi de finances pour 2011, tome IV - Enseignement scolaire, page 38.

85 () Auditionnée par la mission parlementaire le 23 juin 2011.

86 () L’enfant et l’adolescent : un enjeu de société, une priorité du système de santé, Danièle Sommelet, bulletin de l’Académie de médecine, 2008, n° 5.

87 () Santé de l’enfant – Propositions pour un meilleur suivi, Expertise opérationnelle, Inserm, 2009.

88 () l’Ademe, l’Afssa, l’Afssaps, l’Agence de la biomédecine, l’Assurance maladie, la Dares, la DGS-EA, la Drees, l’INCa, l’Ined, l’Inpes, l’Inrets, l’Insee, l’Inserm, l’INVS, l’Irdes, l’OFDT, l’ONISR, l’UFSBD, l’Usen/Cnam ; cf. en annexe n° 4 la signification des sigles.

89 () BCG (Bacille de Calmette et Guérin, vaccin destiné à protéger contre la tuberculose), DTCP (vaccin diphtérie, tétanos, polio), Hib (vaccin de la méningite à Hemophilus Influenzae B), vaccin contre l’hépatite B, ROR (vaccin contre la rougeole, la rubéole et les oreillons).

90 () BCG et ROR.

91 () Auditionné par la mission le 17 mai 2011.

92 () Éducation pour la santé à l’école, rapport du Pr Maurice TUBIANA adopté par l’Académie de médecine le 30 mars 2011.

93 () Il convient de remarquer que lorsque cette décision avait été prise, le taux de réalisation connaissait une progression régulière depuis 1998, passant de 62 % en 1998-1999 à 88 % en 2002-2003.

94 () La santé scolaire en France : évolution et perspectives, M. Tricoire, J. Pommier, J.-P. Deschamps, revue Santé publique 1998, volume 10, n° 3, p. 257-267 .

95 () Consultations de prévention - Constats sur les pratiques actuelles en médecine générale et propositions de développement, Haut Conseil de la santé publique, mars 2009.

96 () Dans 12,5 % des cas un problème de santé a été découvert à l’occasion de la consultation. Il s’agissait dans la majorité des cas de symptômes physiques assez hétérogènes. Le médecin a consigné une souffrance psychique durable chez 5,4 % des enfants vus, découverte à l’occasion de cette consultation dans 1,4 % des entretiens. Pour 28 % des enfants la consultation a motivé une intervention complémentaire.

97 () FNORS – Harmoniser les études en nutrition : un guide de bonnes pratiques pour les études régionales et locales – annexe – juillet 2009.

98 () Direction générale de l’enseignement scolaire.

99 () Associations constituées sous le régime de la loi de 1901, les Observatoires régionaux de santé (ORS) réalisent depuis 1974 des études à caractère épidémiologique à la demande d’acteurs de santé locaux tels que les caisses primaires d’assurance-maladie, les collectivités territoriales ou les services déconcentrés de l’État.

100 () http://www.invs.sante.fr/beh/2009/04/beh_04_2009.pdf

101 () Pour la région Languedoc-Roussillon : http://www.ors-lr.org/travauxetetudes/pdf/ores3eme2008-2009.pdf

102 () Pour une liste plus complète des travaux réalisés par l’observatoire de Languedoc-Roussillon, consulter le lien http://www.orshn.fr/Publications.pdf

103 () La ville de Villeurbanne, dont le service de santé scolaire a été visité par la mission parlementaire, la ville de Châteauroux et celle de Nanterre.

104 () Circulaire n° 2003-210 du 1er décembre 2003 - La santé des élèves : programme quinquennal de prévention et d’éducation.

105 () Idem.

106 () Rapport de la Cour des comptes remis au Comité d’évaluation et de contrôle, p. 143.

107 () Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED).

108 () Centre médico-psychologique (CMP).

109 () Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP).

110 () Reperdys est un outil de repérage des troubles spécifiques des apprentissages élaboré par le Dr Monique Jacquier-Roux (ancienne médecin conseillère technique à l’Inspection académique de la Loire) destiné à permettre aux enseignants un repérage collectif par classe des élèves ayant des troubles spécifiques des apprentissages.

111 () La scolarisation des enfants handicapés, rapport au Président de la République, M. Paul Blanc, sénateur, mai 2011.

112 () La protection de l’enfance, Rapport thématique, Cour des comptes, octobre 2009.

113 () Assurer le bien-être des enfants, OCDE 2009.

114 () Éducation pour la santé à l’école, Pr Maurice Tubiana, Académie de médecine, 2010.

115 () Rapport d’information sur les toxicomanies, présenté par Mme Françoise Branget, députée, et M. Gilbert Barbier, sénateur, le 30 juin 2011.

116 () Rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale, de l’inspection de l’administration de l’éducation nationale et de l’inspection des affaires sociales, portant sur l’évaluation du dispositif d’éducation à la santé à l’école et au collège, remis en janvier 2004 aux ministres de l’Éducation nationale, de la Santé et de l’enseignement scolaire. Mmes Annie Mamecier, Évelyne Ravary, Françoise Boutet-Waiss, MM. Joël Sallé, Pierre Naves et Mme Patricia Vienne.

117 () Audition du 27 septembre 2011.

118 () Le Haut conseil de la santé publique ajoute : « Ce chantier nécessiterait une (ou des) saisine(s) particulière(s) faite(s) au HCSP ». Les consulations de prévention, rapport du Haut conseil de la santé publique, mars 2009.

119 () L’enfant et l’adolescent : un enjeu de société, une priorité du système de santé, Pr Danièle Sommelet, mars 2007.

120 () La prévention sanitaire, Cour des comptes, rapport remis au Parlement, octobre 2011.

121 () Les onze spécialités disponibles à l’issue de l’ECN sont : médecine générale, spécialités médicales, spécialités chirurgicales, pédiatrie, gynécologie-obstétrique, gynécologie médicale, anesthésie-réanimation, psychiatrie, santé publique, médecine du travail, biologie médicale.

122 () L’intitulé de ce deuxième objectif est actuellement « Promouvoir la santé des élèves ».

123 () Rapport n° 2832 fait au nom de la mission d’information sur la famille et les droits des enfants, 25 janvier 2006, proposition n° 67.

124 () Conseil d’État, section de l’intérieur, avis n° 352 706 – 1er décembre 1992

125 () Parist, Asnières et huit communes des Hauts-de-Seine ; Lyon, Villeurbanne et Vénissieux ; Bordeaux ; Nantes ; Clermont-Ferrand ; Grenoble ; Strasbourg ; Nice, Cannes et Antibes-Juan-les-Pins.

126 () Voir annexe 1 du rapport.

127 () Rapport de la Cour des comptes au Comité d’évaluation et de contrôle, page 80.

128 () Les fonctions d’accompagnement sont ainsi assurées par des personnels de santé au titre de la coordination des soins à Villeurbanne et par des assistantes sociales au titre de l’accompagnement social à Lyon.

129 () Étude sur la protection maternelle et infantile en France, inspection générale des affaires sociales, novembre 2006, Mmes Danièle Jourdain-Menninger, Bernadette Roussille, Patricia Vienne et M. Christophe Lannelongue.

Évaluation des actions confiées par l’État aux services communaux d’hygiène et de santé, inspection générale des affaires sociales, octobre 2004.

130 () Rapport de la Cour des comptes sur la prévention sanitaire remis à la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, octobre 2011, recommandation n° 7 : « Afin de mettre en cohérence l’ensemble des plans concernant la prévention sanitaire, arbitrer les éventuels conflits d’intérêts et renforcer l’efficacité du pilotage de cette politique, donner au directeur général de la santé les compétences de délégué interministériel à la prévention sanitaire ».

131 () Voir organigramme cible infra.

132 () Voir organigramme cible infra.

133 () Réponse à la question n° 76525 de M. Alain Bocquet du 9 août 2006 « Médecine scolaire et universitaire - Carrière des médecins vacataires titularisés ».

134 () Circulaire n° 2002-099 du 25 avril 2002 - Mise en place d’un dispositif de partenariat visant à améliorer le suivi et le recours aux soins des enfants repérés comme porteurs de problèmes de santé au cours de la visite médicale obligatoire effectuée au cours de la sixième année de l’enfant.

135 () Article R. 4127-99 du code de la santé publique : « Sauf cas d’urgence ou prévu par la loi, un médecin qui assure un service de médecine préventive pour le compte d’une collectivité n’a pas le droit d’y donner des soins curatifs. Il doit adresser la personne qu’il a reconnue malade au médecin traitant ou à tout autre médecin désigné par celle-ci. »

136 () À propos de l’enfant dysphasique et de l’enfant dyslexique, rapport remis par M. Jean-Charles Ringard, inspecteur d’Académie de Loire-Atlantique, à la ministre déléguée à l’enseignement scolaire en février 2000 et rendu public le 5 juillet 2000.

137 () L’éducation pour la santé à l’école élémentaire, une nécessité, Maurice Tubiana, bulletin de l’Académie nationale de médecine, 2010, tome 194, n°  3, p. 647-662

138 () Pour reprendre les termes de M. Jean-Louis Michard, auditionné le 20 septembre 2011.

139 () Article L1422-1 du code de la santé publique :

« Les services communaux d’hygiène et de santé qui, à la date d’entrée en vigueur de la section 4 du titre II de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, exercent effectivement des attributions en matière de vaccination ou de désinfection ainsi qu’en matière de contrôle administratif et technique des règles d’hygiène continuent d’exercer ces attributions par dérogation aux articles 38 et 49 de ladite loi. À ce titre, les communes dont relèvent ces services communaux d’hygiène et de santé reçoivent la dotation générale de décentralisation correspondante dans les conditions prévues par le code général des collectivités territoriales. »

140 () Asnières-sur-Seine, Bois-colombes, Boulogne-Billancourt, Courbevoie, Gennevilliers, Levalois, Meudon-la Forêt, Rueil-Malmaison, Villeuneuve-la-Garenne.

141 () Bordeaux, Nice, Lyon et Paris.

142 () Le cas du service de la ville de Strasbourg doit être considéré à part, la ville étant allemande au moment de la création de ce service (1903).

143 () Réponse du ministère de l’Éducation nationale à une question écrite des rapporteurs.

144 () Le service municipal de santé scolaire de Lyon a communiqué les informations suivantes :

« Le 19 juillet 1831, la municipalité de Lyon institue une commission chargée de présenter un plan d’organisation des salles d’asile. La municipalité lance une souscription pour ouvrir au cours de l’été 1832 deux salles d’asile et inscrit à son budget, l’année suivante, des crédits destinés aux frais de location. En 1886, ces lieux deviennent officiellement les écoles maternelles et l’attention se porte en milieu scolaire sur la propreté (pédiculoses, dents, mains, etc.).

« Un arrêté préfectoral en date du 1er novembre 1879 prévoit qu’un service médical assure des visites dans les écoles communales laïques de la ville à raison de deux visites mensuelles du médecin inspecteur dans chaque école. Un médecin inspecteur est nommé à la tête de chacune des huit circonscriptions de la ville. Le 27 mai 1890, le Pr Gailleton, maire de Lyon, propose au conseil municipal le regroupement des divers services d’hygiène déjà existants sous une direction unique au sein d’un bureau municipal d’hygiène, qui intègre l’inspection médicale des écoles créée en 1879.

« En mai 1901, on dénombre trois médecins inspecteurs intervenant exclusivement en milieu scolaire. Au cours de l’année scolaire 1909-1910, un « carnet de santé scolaire » est institué. En 1919, pas moins de 14 médecins sont chargés de deux visites annuelles collectives et de deux visites sanitaires des locaux. En 1921, des surveillantes-infirmières sont chargées de veiller à l’hygiène des locaux et assistent le médecin dans les soins aux écoliers. C’est également à cette époque qu’un dispensaire scolaire est créé, chargé des « maladies du nez, gorge, oreilles, déviation osseuses, anomalies psychiques, soins dentaires, affections chirurgicales, maladies du cuir chevelu et de la peau, affections pulmonaires, radioscopie ».

« En 1928, chaque circonscription médicale comprend, pour 2 000 à 2 500 enfants environ, un médecin inspecteur, assisté de deux assistantes scolaires au moins et disposant d’un cabinet médical situé dans l’école la plus centrale de la circonscription. Cette organisation change peu jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, à l’exception du nombre d’infirmières qui croît à 35.

« En 1943, on dénombre 38 circonscriptions médicales, intégrant écoles publiques et privées, maternelles et élémentaires. »

D’après un mémoire déposé par Mme Chantal Bouchardon en 2004, en vue de l’obtention d’un diplôme supérieur en travail social (collège coopératif Rhône-Alpes, Lyon 2004).


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