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N° 3999

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 novembre 2011.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION
ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE

sur la diversité du recrutement dans la gendarmerie et la police nationales,

PAR M. Guy GEOFFROY,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. DES DISPOSITIFS DESTINÉS À DIVERSIFIER LE RECRUTEMENT DE LA POLICE ET DE LA GENDARMERIE NATIONALES 7

A. LE DISPOSITIF DES GENDARMES ADJOINTS VOLONTAIRES ET DES ADJOINTS DE SÉCURITÉ 7

1. Les gendarmes adjoints volontaires 7

a) Le nombre de jeunes concernés 10

b) La formation initiale reçue 11

2. Les adjoints de sécurité 12

a) Le nombre de jeunes concernés 13

b) La formation initale reçue 14

B. LES CADETS DE LA RÉPUBLIQUE 15

1. Une opportunité vécue comme une chance par les jeunes concernés 15

2. La formation initiale reçue 16

C. LA RÉMUNÉRATION DES JEUNES ET LE FINANCEMENT DE CES DISPOSITIFS 18

1. Les gendarmes adjoints volontaires 18

2. Les adjoints de sécurité 18

3. Les cadets de la République 19

D. LA DIVERSITÉ DANS LE RECRUTEMENT DES CADRES 20

1. Les classes préparatoires aux concours d’officier et de commissaires de police 20

2. La classe préparatoire aux concours d’officier de la gendarmerie nationale 22

II. CES DISPOSITIFS PERMETTENT EFFECTIVEMENT DE FAVORISER LA DIVERSITÉ 23

A. LE PROFIL DES JEUNES ENGAGÉS 23

1. Modalités du recrutement 23

a) Les gendarmes adjoints volontaires 23

b) Les adjoints de sécurité et les cadets de la République 25

c) La cible spécifique des classes préparatoires intégrées 26

2. Niveau scolaire des jeunes 27

a) Les gendarmes adjoints volontaires 27

b) Les adjoints de sécurité 28

c) Les cadets de la République 28

3. Diversité des origines sociales ou géographiques des jeunes engagés 28

B. LE DEVENIR DES JEUNES ENGAGÉS 30

1. L’accès aux concours de la fonction publique 31

a) Les gendarmes adjoints volontaires 31

b) Les adjoints de sécurité et les cadets de la République 32

2. La reconversion 33

a) La reconversion des gendarmes adjoints volontaires 34

b) La reconversion des adjoints de sécurité 37

C. UNE FORMATION À VALORISER : LE BACCALAURÉAT PROFESSIONNEL « SÉCURITÉ-PRÉVENTION » 38

1. Une formation qui répond à un besoin croissant 38

2. Une formation à développer 39

3. L’accès à ce baccalauréat professionnel par le biais de la validation des acquis de l’expérience doit être valorisé 40

a) Une validation déjà possible pour les sapeurs-pompiers 41

b) Une validation qui pourrait être étendue 41

AUDITION DE M. CLAUDE GUÉANT, MINISTRE DE L’INTÉRIEUR, DE L’OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L’IMMIGRATION 43

EXAMEN EN COMMISSION 69

LISTE DES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR 73

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 75

Mesdames, Messieurs,

L’ascension sociale est l’un des fondements de notre République. Pourtant, l’étude « PISA » (1) montre que notre système éducatif peine à offrir un ascenseur social aux élèves en difficulté. En 2008, le président de la République a demandé « une mobilisation de tout l’appareil d’État » pour que « la promotion sociale redevienne une promesse pour tous ».

Les deux forces de sécurité ont ainsi orienté leurs dispositifs de recrutement afin de permettre à des jeunes en difficulté scolaire ou sociale de pouvoir disposer d’une « deuxième chance » en bénéficiant d’un accès sur contrat à la police et à la gendarmerie nationales.

Depuis 1999, les gendarmes adjoints volontaires et les adjoints de sécurité permettent à des jeunes de bénéficier de contrats pouvant durer cinq ans pour les premiers et six ans pour les seconds, tout en pouvant passer un concours spécifique permettant d’accéder au statut de sous-officier de gendarmerie ou à celui de gardien de la paix.

Lancé en 2004 par M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, le programme des cadets de la République vise à promouvoir l’égalité des chances au sein de la police. Après une scolarité d’un an leur permettant une remise à niveau, les jeunes peuvent passer le concours interne de gardien de la paix ou devenir adjoints de sécurité.

Depuis 2005, le souci de favoriser la diversité dans l’encadrement des forces de sécurité a conduit à la mise en place de classes préparatoires intégrées préparant aux concours d’officier ou de commissaire de police et d’officier de gendarmerie.

L’intérêt de l’ensemble de ces dispositifs est double : il permet à des jeunes de valoriser leur potentiel et aux forces de sécurité de mieux s’ouvrir à la diversité et, ainsi, mieux correspondre à la société française dans sa réalité.

La promotion de la « diversité » implique que l’ensemble de ce que recouvre cette notion soit pris en compte, qu’il s’agisse des origines sociales ou géographiques (quartiers difficiles, zones rurales, outre-mer). S’agissant des cadets de la République, il peut s’agir de fils et filles d’ouvriers, d’employés, de chômeurs ; les personnes concernées proviennent majoritairement, mais pas uniquement, des quartiers sensibles.

Mais l’égalité des chances, ce n’est pas seulement favoriser la diversité. Votre rapporteur a retenu la définition de l’égalité des chances qui lui a été donnée par un élève de la classe préparatoire de la gendarmerie nationale : il s’agit de « gommer le facteur d’inégalité » qui limite les chances de réussir professionnellement.

Le mérite des différents dispositifs proposés est d’offrir aux jeunes concernés une formation de qualité avec un fort encadrement. Les jeunes que votre rapporteur a rencontrés ont tous souligné les bienfaits de la discipline, qui apparaît indispensable au bien-être individuel et collectif.

En revanche, la contrainte budgétaire tend à réduire le nombre des places offertes aux concours d’entrée dans la fonction publique. Le ministère de l’Intérieur doit donc adapter profondément son discours à l’égard de ces jeunes : le débouché traditionnel du concours ne pourra plus concerner qu’une minorité d’adjoints de sécurité et de gendarmes adjoints volontaires. C’est donc l’effort effectué pour leur reconversion tout autant dans le secteur privé que dans la fonction publique qui doit désormais être mis en lumière.

Si votre rapporteur, au cours de ses déplacements, a été très favorablement impressionné par les jeunes qu’il a rencontrés, il ne l’a pas moins été par leurs encadrants. En effet, les formateurs et les encadrants de ces jeunes, que ce soit dans la police ou dans la gendarmerie, font preuve d’un enthousiasme qui mérite d’être souligné et salué.

I. DES DISPOSITIFS DESTINÉS À DIVERSIFIER LE RECRUTEMENT DE LA POLICE ET DE LA GENDARMERIE NATIONALES

Les différents dispositifs destinés à diversifier le recrutement de la police et de la gendarmerie nationales relèvent de deux logiques distinctes :

– le recrutement des gendarmes adjoints volontaires et des adjoints de sécurité ressortit à une logique de service : il répond donc aux besoins exprimés. Bien évidemment, ces recrutements poursuivent également l’objectif de favoriser la diversité des recrutements ;

– le recrutement des cadets de la République et des élèves des classes préparatoires intégrées de la police et de la gendarmerie nationale n’ont, eux, pour seul objectif que de concourir à la politique d’égalité des chances.

C’est donc logiquement que le ministre de l’Intérieur, entendu par la commission des Lois, le 14 septembre 2011, a précisé qu’il convenait de « distinguer le programme des " cadets de la République " d’une part, de celui des adjoints de sécurité et des gendarmes adjoints volontaires d’autre part ». Il a, en effet, insisté sur le fait que « le premier programme a été conçu dans la perspective d’une mise à niveau en matière de formation et d’une préparation à des concours dont certains jeunes seraient exclus sans supplément de formation compte tenu de leur niveau initial ». Il a ajouté que « ce dispositif permet ainsi à des jeunes mal adaptés aux cursus scolaires traditionnels et à la recherche d’une orientation de découvrir les opportunités offertes par une carrière dans la police tout en bénéficiant d’une préparation aux concours et d’une remise à niveau générale ».

A. LE DISPOSITIF DES GENDARMES ADJOINTS VOLONTAIRES ET DES ADJOINTS DE SÉCURITÉ

1. Les gendarmes adjoints volontaires

Pour être reçu, le candidat doit avoir entre 17 et 26 ans, être apte physiquement et être en règle avec le code du service national. Aucun diplôme n’est requis mais les jeunes doivent passer un test psychotechnique, répondre à un questionnaire de connaissances générales et réussir une épreuve de compréhension de texte.

L’objectif est de proposer à ces jeunes une première expérience professionnelle forte et valorisante pour l’avenir, appréciée des employeurs publics et privés. Les gendarmes adjoints volontaires sont agents de police judiciaire adjoints. Ils secondent les sous-officiers de gendarmerie dans la plupart des missions de la gendarmerie (prévention de la délinquance, enquêtes judiciaires, interventions sur des accidents, assistance et secours…). Ils peuvent être affectés non seulement au sein des brigades territoriales mais aussi au sein des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie.

Le contrat de volontariat est conclu pour une durée de deux ans. Il est renouvelable une fois pour une période de trois ans, sans que la durée totale du volontariat dans les armées ne puisse excéder cinq ans. Le contrat comporte une période probatoire de six mois, au cours de laquelle le jeune ou l’autorité militaire peut le dénoncer à tout moment sans justification particulière. Cette période peut être renouvelée une fois pour raisons de santé ou insuffisance de formation.

La gendarmerie connaît deux autres formes de volontariat (2) : les gendarmes adjoints volontaires « emploi particulier » qui doivent être titulaires d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou d’une expérience en rapport avec l’emploi souhaité (sauf pour les emplois de bureau ou liés aux télécommunications, où le baccalauréat est requis) et les aspirants de gendarmerie issus du volontariat (AGIV) qui peuvent accéder à des fonctions d’encadrement.

Il a été précisé à votre rapporteur que la gendarmerie, dans son recrutement, recherchait un « profil » correspondant à ce que l’on attend d’un gendarme (quel que soit son grade, d’ailleurs). Il s’agit d’une personne faisant preuve d’une intégrité absolue, présentant un profil médical exigeant et des capacités physiques minimales, disposant d’aptitudes comportementales lui permettant d’intégrer les contraintes liées à l’organisation (structure militaire, système hiérarchique, devoir d’exemplarité, etc.), aux conditions de travail (disponibilité, mobilité, cadre de travail, vie en caserne, etc.) et aux missions (confrontation avec la mort, emploi de la force et usage des armes, scènes de crime, responsabilités et pouvoirs conférés, etc.) tout en étant capable d’évoluer dans une force publique à statut militaire mettant en œuvre des pouvoirs de coercition.


CONDITIONS DE RECRUTEMENT DES GENDARMES ADJOINTS VOLONTAIRES

Les candidats doivent remplir les conditions suivantes :

- être de nationalité française ;

- être âgés au moins de 17 ans et au plus de 26 ans à la date du dépôt de la candidature ;

- jouir de leurs droits civiques et être de bonne moralité ;

- être en règle au regard des dispositions du service national :

- pour les hommes nés à partir de 1980 et les femmes nées à partir de 1983, avoir satisfait aux obligations de la journée défense et citoyenneté anciennement appelée journée d’appel de préparation à la défense ;

- ne pas avoir échoué trois fois aux épreuves de sélection ;

- ne pas être titulaires d’une solde de réforme (ex-militaires) ;

- ne pas avoir bénéficié, pour les ex-militaires, d’un congé de reconversion qui entraîne la cessation définitive de l’activité.

- la taille minimale exigée est de 1,70 m pour les hommes et de 1,60 m pour les femmes, à l’exception des candidats pour la garde républicaine dans le 1er régiment d’infanterie de la garde républicaine (taille comprise entre 1,75 m et 1,85 m ; sauf pour la musique : 1,70 m pour les hommes et 1,65 m pour les femmes) et le 2e régiment d’infanterie de la garde républicaine : 1,72 m.

Les candidats réunissant les conditions déposent un dossier de candidature dans l’une des 4800 unités de gendarmerie, dites de « prise en compte initiale », puis sont soumis à une procédure de sélection organisée en deux phases.

Convoqués dans un centre de sélection, ils subissent des épreuves et des contrôles destinés à évaluer leurs capacités intellectuelles et professionnelles (première phase). Après analyse des résultats, la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) prononce ou non un agrément initial des candidatures et convoque les candidats en école, sous réserve qu’ils satisfassent à la deuxième phase de la sélection. Un examen médical de sélection et une enquête sur leurs antécédents et leur environnement sont alors réalisés pour s’assurer que les intéressés répondent aux normes d’aptitudes médicales exigées et présentent les garanties morales requises pour l’exercice de la fonction de volontaire (deuxième phase).

En cas d’inaptitude médicale ou de renseignements défavorables, la décision d’agrément initial peut être rapportée.

SCHÉMA DE SÉLECTION DES VOLONTAIRES


Source : direction générale de la gendarmerie nationale, sur la base des statistiques de 2008

a) Le nombre de jeunes concernés

Depuis 1999, la gendarmerie a recruté, chaque année, entre 3 744 (en 2009) et 7 312 (en 2003) gendarmes adjoints volontaires, comme le montre le tableau suivant :

LE RECRUTEMENT DES VOLONTAIRES DE 1998 A 2010

Source : direction générale de la gendarmerie nationale

Jusqu’en 2010, les gendarmes adjoints volontaires souscrivaient, au maximum, cinq contrats d’un an. Depuis le 12 juillet 2010, leur statut a évolué : ils souscrivent désormais un contrat initial de 2 ans suivi d’un second contrat de 3 ans.

Compte tenu du caractère annuel du renouvellement des contrats, le tableau suivant présente le taux de renouvellement des contrats jusqu’au 30 juin 2010. Un nouvel indicateur de suivi, adapté à la modification intervenue, a été mis en place depuis le 1er janvier 2011, mais ses résultats ne seront exploitables qu’en 2012.

TAUX DE RENOUVELLEMENT DES CONTRATS (SITUATION AU 30 JUIN 2010)

Année de recrutement

Nombre de contrats signés

Taux de renouvellement entre le 1er et le 2e contrat

Taux de renouvellement entre le 2e et le 3e contrat

Taux de renouvellement entre le 3e et le 4e contrat

Taux de renouvellement entre le 4e et le 5e et dernier contrat

2005

6 137

69 %

71 %

66 %

77 %

2006

6 349

69 %

71 %

77 %

 

2007

6 887

70 %

83 %

   

2008

5 614

76%

     

2009

4 297

89 %

     

2010 (au 30/06)

1 619

84 %

     

2010

5 377

       

Le tableau suivant montre les flux de recrutements et de départs des gendarmes adjoints volontaires :

ÉVOLUTION DES RECRUTEMENTS ET DES DÉPARTS ANTICIPÉS DES GENDARMES ADJOINTS VOLONTAIRES

 

Candidatures déposées

Contrats signés

Départs anticipés

2007

15 614

6 887

3 090

2008

15 337

5 614

3 418

2009

16 700

3 744

3 155

2010

15 304

5 357

3 054

2011 (1er semestre)

11 216

2 950

1 481

Pour mémoire, la gendarmerie a recruté 118 aspirants de gendarmerie issus du volontariat en 2010 et les 622 gendarmes adjoints volontaires « emploi particulier ».

b) La formation initiale reçue

D’une durée de six mois, la formation du gendarme adjoint volontaire s’inscrit dans ce que l’on appelle une « approche compétences » et comprend :

—  la formation initiale en école (3 mois), qui vise l’acquisition des compétences indispensables pour une adaptation efficace à l’environnement professionnel et au premier emploi ;

—  la formation complémentaire en unité (3 mois), qui revêt un double objectif : l’acquisition des « savoir-faire » opérationnels non acquis en école et l’évaluation des compétences en situation par l’encadrement direct ainsi qu’un dispositif de tutorat qui permet d’épauler la jeune recrue et facilite la transmission des connaissances et son insertion au sein de l’institution.

Sanctionnée par l’attribution du diplôme de gendarme adjoint volontaire, titre homologué au niveau V (comme les CAP ou les BEP), la formation couvre l’ensemble des savoirs et « savoir-faire » détaillés par le référentiel des activités et des compétences.

DOMAINES ABORDÉS LORS DE LA FORMATION DES GENDARMES ADJOINTS VOLONTAIRES

Domaines abordés

Activités exercées

Les actes élémentaires du niveau militaire du rang

- Adopter un comportement conforme aux règles d’éthique et de déontologie dans la vie professionnelle et privée ;

- Respecter les règles applicables dans le domaine de la discipline générale militaire ;

- Assurer son rôle d’exécutant en matière de cérémonial militaire ;

- Développer son aptitude physique au métier.

Le service d’accueil, de permanence, de sécurité, de liaison au sein d’une unité de la gendarmerie nationale

- Accueillir le public, répondre au téléphone et transmettre les appels ;

- Participer à un service de sécurité ;

- Effectuer les liaisons administratives et réagir efficacement en cas d’événement fortuit.

Les actes réflexes et élémentaires du gendarme adjoint volontaire, agent de police judiciaire adjoint

- Effectuer les contrôles de personnes sous l’autorité des officiers et agents de police judiciaire ;

- Utiliser les équipements individuels de dotation et les moyens de transmission ;

- Utiliser les moyens de transmission dans le cadre de l’alerte et du compte rendu.

Les missions de police judiciaire et de police administrative dans les limites des attributions légales et dans le respect des garanties fondamentales de la personne humaine.

- Participer à des enquêtes de police judiciaire ;

- Participer à des missions de police administrative ;

- Assister l’officier ou l’agent de police judiciaire dans l’exécution des :

- décisions de justice ;

- transfèrements et extractions de détenus.

- Dans le cadre de la police judiciaire ou de la police administrative, constater une infraction et rendre compte à l’officier de police judiciaire sous la forme d’un rapport d’infraction.

La lutte contre l’insécurité routière

- Participer à la surveillance du réseau routier à l’occasion de services d’initiative ou imposés ;

- Participer à la constatation des accidents de la circulation routière ;

- Dans le cadre de la police de la route, procéder à des relevés d’infraction par timbre-amende et sous la forme d’un rapport d’infraction.

Les missions de sécurité publique d’assistance et de secours

Participer à l’alerte, à la protection et au secours de la population lors d’événements graves et calamiteux

2. Les adjoints de sécurité

Les adjoints de sécurité, sous l’autorité directe, effective et constante d’un policier titulaire dénommé « encadrant », qui assure leur encadrement opérationnel, sont chargés :

—  de participer aux activités de surveillance générale de la police nationale ;

—  de contribuer à l’information et à l’action de la police nationale dans ses rapports avec les autres services publics nationaux et locaux ;

—  de faciliter le recours et l’accès au service public de la police, en participant à l’accueil, à l’information et à l’orientation du public ;

—  de contribuer aux actions d’intégration, notamment en direction des étrangers ;

—  de soutenir les victimes de la délinquance et des incivilités, en les aidant dans leurs démarches administratives, en liaison avec les associations et les services d’aide aux victimes ;

—  d’apporter une aide au public sur les axes de circulation, à la sortie des établissements d’enseignement, dans les îlots d’habitation et dans les transports en commun.

La qualité d’agent de police judiciaire adjoint permet également aux adjoints de sécurité d’exercer des missions répressives, en complémentarité avec les policiers. Dès leur affectation dans leur service d’emploi, les adjoints de sécurité font l’objet d’une prise en charge individuelle (formation et insertion au sein de la police nationale). Leurs tuteurs, qui sont des policiers expérimentés, ont pour mission de veiller à leur adaptation dans leur nouvel environnement professionnel.

Depuis 2011, les adjoints de sécurité ne sont plus engagés pour une durée maximale de 5 ans non renouvelable, mais pour une période de 3 ans renouvelable une fois, par reconduction expresse, soit une durée maximale de 6 ans (3).

a) Le nombre de jeunes concernés

Depuis 1997, date de la création du dispositif, la police nationale a recruté 57 006 jeunes (au 1er août 2011). Parmi eux, 46 006 sont sortis du dispositif. Au 1er août 2011, le total des effectifs d’adjoints de sécurité (en poste et en école) s’élevait à 11 001 agents (4) répartis en 3 catégories :

–  les adjoints de sécurité « classiques » (6 951 agents actuellement en fonction), qui exercent leurs missions aux côtés des fonctionnaires actifs de la police nationale et qui correspondent à deux cas de figure : ceux recrutés directement à l’issue d’une formation initiale de 3 mois et les anciens cadets de la République n’ayant pas encore réussi un concours de la fonction publique ;

–  les adjoints de sécurité en contrat d’accompagnement dans l’emploi (3 284 agents) : pour contribuer à la réussite du plan gouvernemental de mobilisation pour l’emploi, en application de l’article 150 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, la police nationale est autorisée à recruter des agents en contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE) pour exercer des missions d’adjoints de sécurité, dans les mêmes conditions que les autres adjoints de sécurité. Au terme des 24 mois du CAE, ils poursuivront leurs missions pendant une période d’un an. Au-delà de cette période globale de 3 ans, ils peuvent également voir leur contrat renouvelé pour 3 ans ;

—  les cadets de la République (5) (766 agents) : à l’issue d’une formation spécifique d’une année, destinée à les préparer au concours de gardien de la paix et à l’emploi d’adjoints de sécurité, ces agents sont affectés dans un service de police du département où ils sont domiciliés. 749 cadets ont été affectés en qualité d’adjoints de sécurité le 1er septembre 2011 et 17 cadets, de Nouvelle-Calédonie, incorporés en mars 2011, seront affectés dans les services de police locaux en mars 2012. En effet, à l’issue de leur année de formation, s’ils ne réussissent pas un concours immédiatement, les cadets deviennent adjoints de sécurité « classiques » pour deux ans, avant un éventuel renouvellement du contrat pour trois ans.

b) La formation initiale reçue

La durée de la formation initiale, qui s’étend sur une période de 14 semaines, dont 12 semaines dans un établissement de formation relevant de la police nationale, a pour but d’enseigner aux élèves les valeurs déontologiques, les connaissances et savoir-faire techniques policiers indispensables à l’exercice de leurs missions. À l’issue de celle-ci, les adjoints de sécurité ont, de droit, la qualification d’agent de police judiciaire adjoint.

La formation initiale de douze semaines en école est sanctionnée par une attestation d’aptitude générale à l’emploi et par une attestation de formation aux premiers secours. Elle est complétée par un stage pratique de deux semaines, organisé par les structures de formation du service d’emploi, qui prépare l’adjoint de sécurité aux fonctions précises qui seront les siennes et à l’environnement dans lequel il les exercera. La formation initiale se fonde, comme celle des gardiens de la paix, sur la méthode de l’approche dite par compétences, ancrée dans la réalité opérationnelle et les pratiques professionnelles. Elle comprend des enseignements fondamentaux, consistant en un « socle minimal des connaissances nécessaires pour les mises en situation de police » (82 heures), de l’informatique (20 heures), les matières relevant des ateliers pédagogiques personnalisés (143 heures) et 4 situations de police, comprenant l’accueil du public, la patrouille, la sécurité routière et l’interpellation (156 heures).

Votre rapporteur a suggéré au ministre de l’Intérieur, entendu par votre Commission, d’allonger la durée de formation des adjoints de sécurité et des gendarmes adjoints volontaires afin que des personnels encore plus efficaces puissent être affectés dans les brigades et les commissariats. Celui-ci a indiqué que la durée de formation actuelle paraissait adaptée : « On peut encore la perfectionner, comme vous le suggérez, mais il semble qu’elle convienne aux services employeurs, d’autant qu’elle est prolongée par un accompagnement professionnel permettant à ses bénéficiaires de se perfectionner pendant la durée de leur contrat – 100 heures annuelles de formation sont ainsi dispensées ».

B. LES CADETS DE LA RÉPUBLIQUE

Votre rapporteur s’est rendu à l’école nationale de police de Fos-sur-mer pour y rencontrer les cadets de la 7e promotion et les cadres de l’école.

1. Une opportunité vécue comme une chance par les jeunes concernés

Lancé le 14 janvier 2004, sur la base de formations complémentaires d’initiative locale, le programme des cadets de la République a pour objectif de développer chez les jeunes une meilleure connaissance de l’institution policière, de favoriser un rapprochement entre police et population et d’assurer la diversité du recrutement des personnels, pour une police nationale à l’image de la population. Ce programme, mis en œuvre dans le cadre d’un partenariat entre des écoles de police et des lycées professionnels, permet à des jeunes en situation d’échec scolaire ou issus de quartiers sensibles, à la recherche d’un emploi, de préparer dans les meilleures conditions le concours de gardien de la paix.

Alors que, depuis 2005, le recrutement des cadets était ouvert à des candidats âgés de 18 à moins de 26 ans, cette limite d’âge supérieure a été
– comme pour les adjoints de sécurité – portée à 30 ans par la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure précitée. De même, à la suite de l’entrée en vigueur de cette même loi, les cadets ne sont plus engagés pour une durée maximale de 5 ans non renouvelable, mais « pour une période de 3 ans renouvelable une fois, par reconduction expresse », soit une durée maximale de 6 ans. Ils continuent à constituer une catégorie d’adjoints de sécurité et restent donc comptabilisés dans le plafond d’emplois de la police nationale.

Une nouvelle promotion d’environ 900 cadets a intégré les structures de formation le 1er septembre 2011.

Votre rapporteur a été très favorablement marqué par sa rencontre avec une douzaine de cadets. Tous ont souligné l’intérêt pour eux du dispositif. Ces jeunes ont pu reprendre confiance en eux et constater qu’ils n’étaient pas des « enfants perdus de la République », comme ils avaient parfois pu le croire. S’agissant du cadre général du dispositif, deux éléments revenaient fréquemment : d’une part, la possibilité d’une « remise à niveau » scolaire, nécessaire pour pouvoir bâtir un projet professionnel et, plus largement, un projet de vie et, d’autre part, la satisfaction d’évoluer dans un univers où des règles strictes sont posées.

Ce dernier point montre bien l’intérêt de ce dispositif. Le fait que les jeunes soient hébergés sur site (6) renforce la cohésion du groupe et favorise un climat propice au travail, au dépassement de soi et à l’entraide. Tous les jeunes interrogés ont souligné que la discipline imposée leur convenait parfaitement. Plus encore, cette discipline et les règles d’organisation sont bel et bien recherchées, plusieurs jeunes ayant d’ailleurs indiqué qu’ils ressentaient un besoin d’être « encadrés » voire « recadrés » avant leur incorporation. En outre, le défi que constitue leur année de formation leur permettre de « beaucoup apprendre sur [eux-mêmes] ».

2. La formation initiale reçue

Pendant la première année de leur engagement, les cadets suivent une formation initiale spécifique d’une durée de douze mois, dispensée en alternance dans un établissement relevant du ministère de l’Éducation nationale et une école de police, au cours de laquelle ils reçoivent la formation initiale d’adjoints de sécurité (rénovée en 2009 avec une mise en œuvre de la pédagogie de l’approche par compétences) et sont préparés au concours de gardien de la paix. Durant cette période, ils effectuent sept semaines de stage (découverte et adaptation à l’emploi) dans les services de police.

Depuis septembre 2007, l’ensemble des écoles du réseau de formation de la police nationale, certaines directions départementales de la sécurité publique (dans les départements franciliens), les services de la préfecture de police de Paris et les nouvelles implantations territoriales aux Antilles et en Polynésie française, participent, sur la base des dotations d’emplois d’adjoints de sécurité qui leur ont été attribuées, au recrutement des cadets et à l’organisation de leur formation. Le partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale demeure un élément essentiel de ce programme.

À l’issue de leur formation, les cadets passent le second concours de gardien de la paix – quand il a lieu – et sont affectés en qualité d’adjoints de sécurité dans un service de police dans l’attente des résultats du concours. Ceux qui ont échoué, tout en continuant leur contrat, ont la possibilité de repasser ce concours de manière illimitée pendant la durée de leur engagement.

Les 28 semaines dans les écoles nationales de police permettent aux jeunes cadets de bénéficier de 980 heures de formation professionnelle à l’exercice de la mission d’adjoint de sécurité et de préparation aux concours administratifs. Au cours de 12 semaines en lycée professionnel (les 28 semaines et les 12 semaines sont, dans les faits, alternées), les jeunes cadets bénéficient de 300 heures d’enseignement général en français, en histoire, en géographie, en mathématiques, en informatique et en anglais. En outre, les jeunes cadets effectuent trois stages, d’une durée totale de 7 semaines, dans les services de police : un stage d’observation d’une semaine, un stage d’application de deux semaines et un stage d’adaptation de quatre semaines.

Au cours de ces stages, les cadets de la République ne participent pas aux activités opérationnelles proprement dites, notamment parce qu’ils ne peuvent porter d’armes. Pourtant, leur participation, même marginale, aux activités opérationnelles serait un atout dans leur formation et dans leur perception des métiers de la police nationale.

Proposition n° 1 : faire participer les cadets aux activités opérationnelles, en les autorisant, de manière exceptionnelle et pour une durée réduite, à porter une arme.

Le tableau suivant présente les principales caractéristiques des statuts d’adjoints de sécurité et de cadet de la République :

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES STATUTS D’ADJOINT DE SÉCURITÉ
ET DE CADET DE LA RÉPUBLIQUE

 

Adjoint de sécurité

Cadet de la République

Origine

Hommes ou femmes de 18 à 30 ans issus de milieux défavorisés ou de quartiers sensibles dans le cadre de la promotion de l’égalité des chances

Idem

Niveau scolaire

Sans condition de diplôme

Idem

Recrutement

Par une commission départementale au siège de la direction départementale de la sécurité publique statuant sur la motivation du candidat et sur des critères objectifs : aptitude physique et tests psychotechniques

Validation après enquête administrative

Idem, mais au sein de la structure de formation de la police nationale.

Contractualisation

Préfecture du lieu de recrutement.

Durée : 3 ans renouvelable une fois

Préfecture du lieu d’implantation de la structure de formation de la police nationale.

Durée : 3 ans (dont 1ère année de formation) renouvelable une fois.

Formation initiale

Formation rémunérée dispensée par les écoles nationales de police ou les centres de formation de la police

Durée de 12 semaines + 2 semaines de stage sur le site d’emploi opérationnel soit 14 semaines au total

Après formation les adjoints de sécurité pourront assister les fonctionnaires des services opérationnels de la police nationale dans leurs missions de prévention et de répression de la délinquance, de surveillance générale et d’assistance aux victimes.

Assurée par les structures de formation de la police nationale pour une durée de 12 mois en intégrant la préparation du second concours et des stages en services opérationnels :

- 28 semaines en école nationale de police

- 7 semaines sur un site d’emploi opérationnel

- 12 semaines en lycée professionnel

Discipline

L’article 17 de l’arrêté du 24 août 2000 fixe les droits et obligations des adjoints de sécurité

L’article 17 de l’arrêté du 24 août 2000 fixe les droits et obligations des adjoints de sécurité.

Le directeur de la structure de formation de la police nationale peut, à tout moment, s’il le juge nécessaire saisir d’une demande de sanction le Préfet signataire du contrat, seul détenteur du pouvoir disciplinaire.

Protection sociale

Agents contractuels de droit public affiliés aux CPAM de leur domicile (maladie, maternité, invalidité, décès). Prestations accidents de travail servies par les secrétariats généraux pour l’administration de la police (décret 17 janvier 1986 portant dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l’État).

Idem.

Source : ministère de l’Intérieur

C. LA RÉMUNÉRATION DES JEUNES ET LE FINANCEMENT DE CES DISPOSITIFS

1. Les gendarmes adjoints volontaires

Le coût moyen (hors compte d’affectation spéciale « pensions ») des volontaires en 2011 est de 14 672 euros (alors que le coût moyen de l’ensemble des militaires de la gendarmerie est de 37 074 euros).

Les crédits demandés au titre de la masse salariale pour 2012 atteindraient 327,8 millions d’euros. Le plafond d’emploi des volontaires de la gendarmerie, qui était de 13 908 en 2010 est passé à 13 570 en 2011 et devrait se fixer à 12 530 en 2012.

Chaque gendarme adjoint volontaire perçoit, en sortie d’école, 878 euros net (pour un célibataire). Il perçoit également une prime d’alimentation de 217 euros (qui peut varier selon le lieu d’affectation). Il est, comme les autres militaires de la gendarmerie, logé gratuitement en caserne et bénéficie du tarif militaire sur les lignes de la SNCF.

En outre, le ministère de l’Intérieur finance le coût des allocations chômage des jeunes qui ne sont pas reclassés à l’issue de leur contrat (montant prévisionnel pour 2011 : 14 millions d’euros).

2. Les adjoints de sécurité

La rémunération d’un adjoint de sécurité se décompose en un salaire (basé sur le SMIC), d’une indemnité d’exercice des fonctions et, le cas échéant, de la prime de résultats exceptionnels. Le coût pour l’État inclut, en outre, les cotisations patronales.

Il convient de souligner que, s’agissant des adjoints de sécurité recrutés en contrat d’accompagnement dans l’emploi, le ministère de l’Intérieur est exonéré d’une partie des cotisations patronales et que 80 % du salaire fait l’objet d’une prise en charge par le ministère en charge de l’emploi. Depuis 2011, cette part a été ramenée à 70 % pour les nouveaux contrats.

Le ministère de l’Intérieur prend également à sa charge les prestations versées aux anciens adjoints de sécurité qui se retrouvent au chômage à l’issue du dispositif (montant annuel d’environ 15 millions d’euros).

Le montant des dépenses de l’année 2010 s’est élevé à 200,2 millions d’euros pour les adjoints de sécurité, les cadets de la République ainsi que pour les adjoints de sécurité en contrat d’accompagnement dans l’emploi.

Les adjoints de sécurité sont équipés (habillement, arme de service, équipements divers) lors de la sortie d’école. Le coût d’équipement est de 1 915 euros répartis entre 980 euros d’habillement et 935 euros d’armement et de matériel de protection.

Le tableau suivant présente le coût salarial d’un adjoint de sécurité selon son lieu d’affectation :

COÛT SALARIAL D’UN ADJOINT DE SÉCURITÉ (ADS)

(en euros)

DÉSIGNATION

Affectation en province

Affectation à Paris
et à Versailles

Traitement brut mensuel

1365,03

1365,03

Indemnité d’exercice des fonctions d’ADS

60,00

150,00

Contribution solidarité-autonomie

4,28

4,55

Cotisations maladie-maternité-invalidité décès

182,40

193,92

Cotisations familiales

76,95

81,81

Cotisations vieillesse sous plafond sécurité sociale

118,28

125,75

Cotisations vieillesse sur la totalité de la rémunération

22,80

24,24

IRCANTEC sous plafond sécurité sociale

48,59

51,66

Fonds national d’aide au logement

7,13

7,58

Cotisation versement transport

21,27

22,61

Coût réel mensuel unitaire

1906,73

2027,15

3. Les cadets de la République

Les cadets de la police nationale sont rémunérés sur la base d’une allocation d’études définie par l’arrêté du 4 juillet 2005. Le montant brut mensuel de cette allocation est fixé à 597 euros.

Le coût prévisionnel pour 2011 de ce dispositif est évalué à 8,2 millions d’euros pour une charge annuelle de 847 ETPT cadets. Ce montant se décompose en :

—  6,2 millions d’euros en rémunérations versées ;

—  2 millions d’euros en charges patronales.

Le coût mensuel d’un cadet pour l’État est estimé à 797,43 euros.

Votre rapporteur s’est étonné de l’écart de rémunération entre les adjoints de sécurité et les cadets de la République. À l’occasion de son audition par la commission des Lois, le ministre de l’Intérieur a rappelé que, parce que les deux dispositifs ne relèvent pas de la même logique, les cadets de la République « ne disposent pas de la même allocation que les ADS, recrutés dans une logique de service et de professionnalisation, et non de préparation aux concours, même s’ils bénéficient de modules particuliers pour le concours de gardien de la paix ».

Cette différence de traitement demeure mal perçue par les cadets de la République même si, pour les jeunes que votre rapporteur a rencontrés, la question financière n’a pas influé sur le choix de leur voie de formation. Effectivement, ils comprennent très bien la chance qui leur est offerte et la qualité des enseignements proposés. Cependant, les jeunes qui intègrent directement le dispositif des adjoints de sécurité, sans passer par le statut de cadet, suivent également une courte formation initiale de 14 semaines, au cours de laquelle leur rémunération est la même que celle qu’il percevront lors de leur affectation en commissariats.

Votre rapporteur suggère donc qu’au cours des 14 dernières semaines de la formation des cadets, ceux-ci soient rémunérés comme les adjoints de sécurité, alors que le début de leur formation ferait l’objet de la rémunération actuelle.

Proposition n° 2 : prévoir que pendant les 14 dernières semaines de leur formation, les cadets de la République sont rémunérés comme les adjoints de sécurité.

D. LA DIVERSITÉ DANS LE RECRUTEMENT DES CADRES

Votre rapporteur a souhaité pouvoir apprécier les efforts accomplis par la police et la gendarmerie nationales en faveur de la diversité à tous les niveaux de leur recrutement. Les dispositifs de classes préparatoires intégrées (CPI) pour l’accès aux concours d’officier de la gendarmerie et aux concours d’officier et de commissaires de police ont particulièrement retenu son attention. Il s’est notamment rendu, le 28 septembre 2011, à la caserne Babylone (Paris) pour rencontrer les cadres et les jeunes élèves de la CPI de la gendarmerie.

1. Les classes préparatoires aux concours d’officier et de commissaires de police

Les classes préparatoires intégrées de commissaire et d’officier de police ont été instaurées en 2005. Elles ont été des précurseurs dans la fonction publique puisqu’aujourd’hui on compte 24 CPI, dont le pilotage et la coordination sont assurés par la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP).

Placées dans le cadre du dispositif plus général de la promotion de l’égalité des chances, les classes préparatoires intégrées s’adressent à des jeunes gens (âgés de 18 à 35 ans), issus de milieux sociaux fragilisés ou en difficulté d’insertion mais titulaires des diplômes requis pour s’inscrire aux concours de commissaire ou d’officier (licence pour la CPI du concours d’officier et Master 2 pour la CPI du concours de commissaire).

Quelques opérations de communication sont mises en place pour informer les jeunes diplômés de l’existence de ces classes préparatoires. Le blog de recrutement du ministère de l’Intérieur est un canal de communication apparemment très utilisé, mais des policiers chargés de la communication sur les métiers diffusent également, à un public ciblé, les informations utiles, lors de forums, ou par des interventions en facultés ou universités.

La sélection des candidats s’effectue en deux temps : l’instruction du dossier personnel du candidat puis un entretien oral devant un jury. Ceux-ci, une quinzaine pour chaque préparation, sont retenus en fonction de différents critères et notamment de leur motivation pour le métier de policier.

La formation qui leur est dispensée pendant 8 mois, à l’école nationale supérieure des commissaires (ENSP) de Saint-Cyr-au-Mont-d’or (Rhône) et à l’école nationale supérieure des officiers de police (ENSOP) à Cannes-Ecluse (Seine-et-Marne), leur assure une préparation à la méthodologie des différentes épreuves d’admissibilité et d’admission, ainsi qu’un entraînement spécifique pour les épreuves sportives. Un passage en service opérationnel leur permet de découvrir les missions dévolues aux commissaires et officiers de police.

Ces jeunes, durant cette classe préparatoire, bénéficient pour la grande majorité, d’une bourse et de l’allocation pour la diversité d’un montant d’environ 2 000 euros pour 8 mois.

En 2011, la CPI préparant au concours d’officier a accueilli 18 élèves, âgés de 22 ans à 30 ans. Parmi eux, 7 étaient sans emploi (39 %) et 11 étaient encore étudiants (61 %), dont 9 étaient boursiers. Il s’agissait de 13 femmes et de 5 hommes, dont 4 étaient titulaires d’une licence (22 %) tandis que les 14 autres étaient au moins titulaires d’un master 1.

En 2011, la CPI préparant au concours de commissaire a accueilli 15 élèves, âgés de 24 ans à 27 ans. Parmi eux, 3 étaient sans emploi (20 %) et 12 étaient des étudiants boursiers. Il s’agissait de 9 femmes et de 6 hommes, dont 13 étaient titulaires d’un master 2 en droit, un titulaire d’un master 2 « carrières publiques et métiers du politique » et un diplômé d’un institut d’études politiques.

Au total, sur les derniers cinq exercices, le taux de réussite des élèves des CPI est particulièrement satisfaisant. Sur les 171 jeunes diplômés ainsi accompagnés, 58,5 % ont d’ores et déjà réussi leur entrée au sein de la police nationale : 9 comme élèves commissaires, 27 comme élèves officiers et 64 comme élèves gardiens de la paix.

Certains ont passé avec succès d’autres concours de la fonction publique notamment ceux d’officier de gendarmerie ou d’inspecteur des douanes.

Ainsi, ce sont 63,4 % des élèves qui ont réussi leur insertion professionnelle pour la CPI préparant au concours de commissaire et 83,2 % pour la CPI préparant au concours d’officier.

Pour l’année 2011-2012, les septièmes sessions de classes préparatoires viennent de débuter et les CPI préparent 13 jeunes au concours de commissaire et 15 à celui d’officier.

2. La classe préparatoire aux concours d’officier de la gendarmerie nationale

Rattachée à la garde républicaine, la classe, soutenue par l’agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé), est ouverte aux étudiants titulaires d’un master 1 minimum et âgés de 26 ans au maximum souhaitant réussir le concours d’officier de gendarmerie.

Cette formation comporte un premier volet, académique et traditionnel, regroupant les cours de préparation aux concours d’officier de gendarmerie et de la fonction publique réalisée en partenariat avec institut d’études juridiques de l’université Paris II. Des compléments de formation sont assurés par l’école des officiers de la gendarmerie nationale, des officiers de gendarmerie et des professeurs d’universités. Ils bénéficient ainsi de 25 heures de culture générale, de 22 heures d’histoire, de cours de droit public, de droit pénal ou de méthodologie de la note de synthèse. Le second volet, militaire et citoyen, est constitué d’une formation militaire initiale, de l’emploi à la garde républicaine et de formations proposées par l’institution (permis de conduire, secourisme, etc.).

Pendant une année, les élèves se préparent à la réussite au concours universitaire d’officier de gendarmerie, aux concours de catégorie A, ou aux autres concours et sélections de la gendarmerie, leur offrant la possibilité de devenir officier par la voie interne.

La particularité de la CPI de la gendarmerie réside dans le fait que les élèves s’engagent comme gendarmes adjoints volontaires : ils sont donc rémunérés : ils perçoivent une solde mensuelle d’environ 800 euros et une prime d’alimentation de 217 euros. Ce statut permet notamment d’offrir une deuxième chance aux candidats essuyant un échec à leur première tentative.

Sur les 13 élèves de l’année 2010-2011, trois ont été reçus au concours d’officier de gendarmerie, un a été reçu au concours d’officier du corps de soutien technique et administratif, cinq ont été reçus au concours de sous-officiers de la gendarmerie nationale (avec la perspective de pourvoir présenter le concours d’officier par la voie interne) et un a été reçu au concours d’inspecteur des douanes. Les trois autres élèves ont bénéficié d’un accompagnement personnalisé : l’un est aspirant de gendarmerie issu du volontariat (AGIV) et les deux autres ont conservé leur statut de gendarme adjoint volontaire (l’un est affecté au centre de recherche de l’école des officiers de la gendarmerie nationale, l’autre est affecté à la garde républicaine).

Votre rapporteur a rencontré les 15 élèves de la CPI actuellement en scolarité et leur encadrement. Il a été profondément marqué par cette rencontre humainement très forte, par le caractère adapté de la formation proposée et, surtout, par la volonté de ces jeunes qui force l’admiration.

Tous ont réussi à obtenir un diplôme de master 2, souvent avec une mention bien, voire très bien, malgré des difficultés familiales, sociales et financières paraissant incompatibles avec leurs études. Comme l’un des jeunes a pu le dire à votre rapporteur avec ses mots : « les critères sociaux ne sont pas usurpés ».

Ces jeunes, issus de milieux parfois déstructurés, sont aussi venus chercher dans l’institution militaire « la rigueur », « l’esprit de corps », voire tout simplement une « famille ».

Votre rapporteur est pleinement convaincu que l’« investissement » de la Nation en faveur de ces jeunes méritants est non seulement pleinement justifié sur le plan des principes, mais aussi également d’un point de vue opérationnel, car ces jeunes ont toutes les qualités requises pour faire d’excellents serviteurs de l’État.

II. CES DISPOSITIFS PERMETTENT EFFECTIVEMENT DE FAVORISER LA DIVERSITÉ

A. LE PROFIL DES JEUNES ENGAGÉS

Au cours des déplacements qu’il a effectués, votre rapporteur a pu apprécier les efforts engagés par la gendarmerie et la police nationales pour entrer en contact avec les jeunes. Les stratégies de communication et de promotion des outils offerts par les forces de sécurité portent leurs fruits puisque le niveau des recrutements est satisfaisant et que les objectifs de diversité de ces mêmes recrutements sont atteints.

1. Modalités du recrutement

Les modalités du recrutement dépendent des objectifs assignés à chacun des dispositifs : les gendarmes adjoints volontaires et les adjoints de sécurité font l’objet de recrutements massifs organisés sur la base d’une communication générale. En revanche, le dispositif des cadets de la République et celui des classes préparatoires intégrées, visant un public spécifique, font l’objet de dispositifs de communication et de recrutement plus adaptés.

a) Les gendarmes adjoints volontaires

L’information des jeunes est effectuée au moyen d’un site Internet très complet (7) et par un contact humain irremplaçable. Votre rapporteur a visité à Amiens (Somme) l’un des 22 centres d’information et de recrutement (en métropole) de la gendarmerie nationale.

La fonction de ces militaires, très motivés, est de présenter la variété des missions de la gendarmerie nationale, souvent méconnue.

Ils sensibilisent les jeunes au « tremplin » (8) que peut constituer le statut de gendarme adjoint volontaire dans leur vie. Parmi les intérêts qu’il peut présenter figure notamment la mobilité géographique, qui permet à des jeunes d’apprendre à se connaître et se définir loin de leur famille ou de leur quartier.

Pour faciliter le contact avec les jeunes, les militaires des centres d’information et de recrutement se rendent régulièrement dans les maisons de l’emploi et de la formation, les missions locales, les missions locales « insertion formation emploi » ou les centres d’orientation et d’information. Ils tiennent également des permanences dans des universités et d’autres lieux d’enseignements. Cette démarche de rencontre avec les jeunes se fonde aussi sur des partenariats nationaux ou locaux avec d’autres acteurs de la sécurité et par la participation aux salons et forums d’information destinés aux jeunes.


LE DÉVELOPPEMENT DE PARTENARIATS DESTINÉS À FAVORISER
LE RECRUTEMENT DES GENDARMES ADJOINTS VOLONTAIRES

● Le partenariat avec l’établissement public d’insertion de la défense (EPIDe)

L’attention de votre rapporteur a été attirée sur des initiatives visant à permettre à des jeunes, pris en charge dans des centres EPIDe, d’accéder aux sélections de gendarmes adjoints volontaires. Des initiatives locales permettent, en effet, d’aider les jeunes souhaitant se porter candidats à ces sélections à se préparer en matière de culture générale, de tests psychotechniques et de condition physique. Dans le même temps, les centres EPIDe s’ouvrent à l’univers de la gendarmerie nationale, des conférences étant organisées sur les métiers qu’elle propose.

Au centre EPIDe de Cambrai (Nord), 13 jeunes ont réussi (depuis début 2010) les tests pour devenir gendarmes adjoints volontaires, parmi un vivier annuel d’une douzaine de jeunes intéressés.

Ces initiatives locales devraient faire l’objet très prochainement d’une convention entre l’établissement public et la gendarmerie nationale afin de les généraliser dans les 20 centres EPIDe.

● Le partenariat avec les missions locales

Le mercredi 9 novembre 2011, la gendarmerie nationale a signé une convention avec le conseil national des missions locales, représenté par son président, le député Bernard Perrut.

Cette convention va permettre aux militaires en charge du recrutement de promouvoir le travail en réseau avec les 470 missions locales, chargées d'une mission de service public pour l'orientation et l'insertion des jeunes de 16 à 25 ans.

Cette convention va, entre autres, permettre de bénéficier de relais locaux supplémentaires pour susciter de nouvelles candidatures aux postes de gendarmes adjoints volontaires. Elle s'inscrit dans le cadre de la politique de cohésion sociale engagée par le gouvernement visant à accompagner les jeunes éloignés du marché de l'emploi. La cible retenue en priorité est celle des gendarmes adjoints volontaires sans que les autres catégories de personnels soient délaissées. La gendarmerie bénéficiera donc du réseau national des missions locales dans le dessein de développer la politique de recrutement. Concomitamment, elle fournira des outils de communication aux missions locales afin de les informer des différents processus de recrutement et répondra à leurs sollicitations.

b) Les adjoints de sécurité et les cadets de la République

La communication à l’égard des jeunes s’effectue en application de directives et de partenariats définis par la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN).

L’outil de communication le plus utilisé est sans conteste le blog (9) consacré au recrutement qui présente de manière ergonomique et complète les différents métiers de la police et les différentes voies d’accès.

Des partenariats sont noués, à l’échelle nationale, pour informer les jeunes sur les dispositifs des adjoints de sécurité et des cadets de la République. Deux ont particulièrement retenu l’attention de votre rapporteur : il s’agit d’un partenariat avec la société de travail temporaire Randstad et avec la fédération française de judo. Cette dernière est emblématique car les valeurs de ce sport sont apparues comme étant proches de celles de la police nationale. Le partenariat vise à promouvoir un meilleur dialogue entre la police et la population, « en direction des jeunes en difficultés sociales ». À l’occasion des journées « Ensemble pour un avenir citoyen », les jeunes licenciés de la fédération bénéficient d’une information sur les métiers de la police nationale.

Le partenariat avec Randstad permet, depuis 2005, la tenue des journées « Sécurité Citoyenneté » dans huit écoles de police réparties sur l’ensemble du territoire (10). Depuis six ans, environ 3 000 jeunes ont participé à ces journées de sensibilisation sur les métiers de la sécurité et mettant l’accent sur la lutte contre les discriminations, pour la mixité sociale et l’égalité des chances dans l’accès à l’emploi. À l’occasion de l’édition 2011, la société partenaire a mené une enquête-bilan auprès des participants afin de faire le point sur leur situation, analyser leur parcours et recueillir leur avis. Il apparaît que le dispositif a permis de susciter de véritables vocations : 59 % des participants se sont inscrits au minimum à un concours. Parmi les orientations retenues, les cadets de la République recueillent l’intérêt le plus marqué : 40 % des participants se sont inscrits aux épreuves de sélection.

Sur la 7e promotion de cadets de l’école nationale de la police nationale de Fos-sur-mer, que votre rapporteur a rencontrée, 3 élèves retenus pour la formation de cadet (sur 72) avaient participé à une journée « Sécurité Citoyenneté » (sur les 22 stagiaires ayant participé à cette journée, 11 avaient fait acte de candidature pour devenir cadet de la République).

À l’occasion de son déplacement à la délégation interrégionale au recrutement et à la formation de la police nationale de l’est (11) (DIRF-Est), située à Metz, votre rapporteur a pu apprécier les actions entreprises localement pour le recrutement des adjoints de sécurité et des cadets de la République.

Le pôle « promotion, égalité et intégration » de la DIRF a particulièrement mis l’accent sur le volet : « égalité des chances », qui fait partie de ses missions. La promotion des métiers de la police nationale a fait l’objet de partenariats avec les établissements publics d’insertion de la défense (EPIDe) (12) et les écoles de la deuxième chance. Pour la zone est, des partenariats ont été noués avec les deux EPIDe de Langres (Haute-Marne) et d’Étang-sur-Arroux (Saône-et-Loire) et quatre écoles de la deuxième chance de Nancy (Meurthe-et-Moselle), Forbach, Freyming-Merlebach (Moselle) et Épinal (Vosges).

D’ici à la fin de l’année 2011, un partenariat devrait être conclu avec les EPIDe de Belfort (Territoire-de-Belfort), Saint-Quentin (Aisne), Strasbourg (Bas-Rhin), Velet (Haute-Saône) et avec les écoles de la deuxième chance de Longwy, Lunéville (Meurthe-et-Moselle), Bar-le-Duc, Verdun (Meuse), Woippy, Montigny-lès-Metz (Moselle) et Sainte-Marguerite (Vosges).

Les partenariats avec la gendarmerie nationale se développent puisqu’après une action conjointe menée par la police avec le centre d’information et de recrutement de la gendarmerie d’Alsace en 2010 et quinze autres opérations mutualisées avec celle-ci, 30 actions mutualisées entre les deux forces devraient être conduites d’ici à la fin de l’année 2011.

De manière générale, votre rapporteur a pu observer que tant la police que la gendarmerie sollicitaient les collectivités territoriales pour proposer d’insérer des informations concernant le recrutement diversifié des forces de sécurité dans les supports de communication de ces collectivités. Pour autant, ces actions, issues d’initiatives locales, pourraient encore être amplifiées et systématisées.

Proposition n° 3 : développer encore plus la communication sur le recrutement diversifié de la police et de la gendarmerie nationale en utilisant le vecteur que sont les supports de communication des collectivités territoriales.

c) La cible spécifique des classes préparatoires intégrées

Compte tenu de la spécificité du public visé (master 2 et profil modeste), il est difficile de définir une politique de communication et de recrutement pour les classes préparatoires intégrées. La diffusion de l’information auprès des universités s’effectue correctement. En revanche, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) refusent de transmettre les listes des étudiants boursiers – public particulièrement concerné par les classes préparatoires intégrées –, pour des raisons de confidentialité de ces fichiers.

Votre rapporteur suggère cependant de promouvoir une politique de communication dans les résidences universitaires gérées par les CROUS car une forte majorité des résidents sont par ailleurs boursiers.

Proposition n° 4 : sensibiliser les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) à l’enjeu que représente pour la police et la gendarmerie nationale l’information des jeunes boursiers.

Il convient qu’à défaut d’une communication, par les CROUS, de listes d’étudiants boursiers, une information puisse être délivrée (par exemple par voie d’affichage) dans des lieux fréquentés par des boursiers, comme les résidences universitaires.

2. Niveau scolaire des jeunes

Les données dont dispose votre rapporteur montrent que le niveau de diplôme des jeunes au moment de leur engagement est cohérent avec le souci de favoriser ceux qui ont connu des difficultés au cours de leur parcours scolaire.

a) Les gendarmes adjoints volontaires

Le niveau scolaire des jeunes gendarmes adjoints volontaires, très proche de celui des adjoints de sécurité, montre qu’environ les trois quarts des jeunes recrues sont au moins titulaires du baccalauréat, bien qu’aucun diplôme ne soit requis pour devenir gendarme adjoint volontaire.

Le tableau suivant présente le niveau scolaire des gendarmes adjoints volontaires :

DIPLÔMES DÉTENUS PAR LES GENDARMES ADJOINTS VOLONTAIRES RECRUTÉS

Années

Niveau
< baccalauréat

Titulaire du
baccalauréat

Niveau
> baccalauréat

Non renseigné
– Sans diplôme

2007 (1)

68 %

25 %

7 %

 

2008

35,9 %

42,1 %

5,3 %

16,7 %

2009

32,3 %

47,5 %

10,2 %

10 %

2010

36,2%

46,8%

7,8%

9,1%

2011 (1er semestre)

34 %

47,9 %

6,9 %

11,1 %

(1) Pour l’année 2007, le changement de système d’information des ressources humaines et la mise en place du « prologiciel Agorh@ » ont généré des pertes de données qui ne permettent pas de consolider les statistiques relatives aux diplômes. Celles-ci ne sont livrées qu’à titre indicatif.

Source : direction générale de la gendarmerie nationale.

L’âge moyen des gendarmes adjoints volontaires, au moment du recrutement, est de 20 ans et un tiers d’entre eux est féminin.

b) Les adjoints de sécurité

L’âge moyen des adjoints de sécurité, au moment du recrutement, est de 22 ans. 55 % d’entre eux sont au moins titulaires du baccalauréat, 38 % ont un CAP, un BEP ou sont titulaires du diplôme national du brevet et 7 % sont sans diplôme. 36 % d’entre eux sont des femmes. Enfin, 43 % sont étudiants au moment de la signature du contrat.

c) Les cadets de la République

Parmi les 856 cadets recrutés en 2010 (824 en métropole et 49 dans les départements et collectivités d’outre-mer), 23,26 % ont moins de 20 ans et 33,07 % sont des femmes.

Leur niveau de formation est le suivant :

—  0,61% a un diplôme supérieur au baccalauréat ;

—  37,87% sont titulaires du baccalauréat ;

—  27,91% ont un CAP-BEP ;

—  21,97% ont le BEPC ;

—  7,16% sont sans diplôme.

Sur l’ensemble des cadets de cette promotion, 98 ont quitté le programme en cours de formation (78 ont démissionné et 20 ont été licenciés)

Ce sont donc 745 cadets de métropole qui ont été affectés en qualité d’adjoints de sécurité dans les services de police, à compter du 31 août 2011.

3. Diversité des origines sociales ou géographiques des jeunes engagés

Votre rapporteur a observé les statistiques pour essayer de vérifier si les différents dispositifs permettaient de participer effectivement à l’objectif de diversité du recrutement.

S’agissant des classes préparatoires intégrées, il ne fait pas de doute que l’objectif est atteint puisque les jeunes élèves sont placés dans des conditions, pour préparer les concours administratifs, qu’ils n’auraient pas pu connaître sans cet appui. En effet, les jeunes admis en classes préparatoires intégrées sont non seulement méritants (ils ont obtenu un master 2), mais, en outre, ils ont du surmonter des difficultés personnelles, familiales ou financières – parfois extrêmes, comme votre rapporteur a pu le constater – qui les auraient, sans nul doute, empêchés de pouvoir trouver le temps (la plupart étaient salariés pour financer leurs études) et les moyens de passer ces concours.

Votre rapporteur souligne que ce dispositif traduit très précisément la politique de promotion de l’égalité des chances : ces jeunes ne se voient pas accorder un avantage destiné à compenser un « handicap », quel qu’en soit la forme, mais ils ont la chance de voir leurs désavantages « gommés » pour les placer dans les mêmes conditions que leurs compétiteurs.

S’agissant des adjoints de sécurité, le ministre de l’Intérieur a indiqué à la Commission que « depuis 1997, le dispositif des ADS a permis de recruter plus de 57 000 jeunes, dont 84 % ont un niveau d’études équivalent ou inférieur au baccalauréat, et 46 % sont issus de zones urbaines sensibles – c’est le résultat d’une action résolue des services ».

S’agissant des gendarmes adjoints volontaires, votre rapporteur a pu constater que les origines géographiques et socio-professionnelles des jeunes montrent que le dispositif permet effectivement de participer à la diversité dans le recrutement de la gendarmerie.

Le tableau suivant présente les origines socio-professionnelles des seuls candidats gendarmes adjoints volontaires - agents de police judiciaire adjoints :

ORIGINE SOCIOPROFESSIONNELLE DU CHEF DE FAMILLE DES CANDIDATS (2010)

 

Hommes

Femmes

Ensemble

 

Nombre de candidats

Proportion
(en %)

Nombre de candidats

Proportion
(en %)

Nombre de candidats

Proportion
(en %)

Agriculteurs

99

1,1

98

2,4

197

1,5

Artisans/Commerçants

633

7,1

346

8,6

979

7,6

Artistes

0

0,0

0

0,0

0

0,0

Employés/Ouvriers

3 624

40,6

1 674

41,7

5 298

41,0

Fonctionnaires

651

7,3

228

5,7

879

6,8

Cadres

588

6,6

198

4,9

786

6,1

Chefs d’entreprise

137

1,5

57

1,4

194

1,5

Professions libérales

58

0,7

15

0,4

73

0,6

Militaires de la gendarmerie

25

0,3

6

0,1

31

0,2

Militaires (Terre/Air/Mer)

285

3,2

91

2,3

376

2,9

Police/Douanes

103

1,2

34

0,8

137

1,1

Pompiers

51

0,6

14

0,3

65

0,5

Retraités

730

8,2

337

8,4

1 067

8,2

Sans emploi

720

8,1

337

8,4

1 057

8,2

Non renseigné

1 218

13,7

580

14,4

1 798

13,9

Total

8 922

100,0

4 015

100,0

12 937

100,0

Source : direction générale de la gendarmerie nationale

Au total, près de 50 % des candidats sont issus d’une famille d’ouvriers, d’employés ou de chômeurs.

De même, la diversité géographique est un facteur important. L’intérêt d’une formation avec hébergement est de permettre à des jeunes ruraux de milieu modeste de pouvoir en bénéficier sans entraves.

Le tableau suivant montre la diversité géographique du recrutement des gendarmes adjoints volontaires :

TAUX DE RECRUTEMENT DES VOLONTAIRES PAR RÉGION

 

Population française
18-26 ans

Nombre de recrutés

Taux de
candidature
(p. 10 000)

Métropole

Ensemble

Hommes

Femmes

Ensemble

Ensemble

Alsace

214 723

122

70

192

8,9

Aquitaine

326 815

191

98

289

8,8

Auvergne

136 691

102

45

147

10,8

Basse-Normandie

158 580

86

57

143

9,0

Bourgogne

168 778

115

63

178

10,5

Bretagne

333 972

182

83

265

7,9

Centre

263 451

119

47

166

6,3

Champagne-Ardenne

155 024

112

41

153

9,9

Corse

28 980

4

0

4

1,4

Franche-Comté

129 472

85

32

117

9,0

Haute-Normandie

215 203

100

39

139

6,5

Ile-de-France

1 460 774

304

132

436

3,0

Languedoc-Roussillon

275 792

235

103

338

12,3

Limousin

71 312

62

26

88

12,3

Lorraine

279 179

166

85

251

9,0

Midi-Pyrénées

297 658

167

75

242

8,1

Nord-Pas-de-Calais

521 352

436

140

576

11,0

Pays-de-la-Loire

383 882

142

67

209

5,4

Picardie

215 494

184

75

259

12,0

Poitou-Charentes

174 704

107

49

156

8,9

Provence-Alpes-Côte-d’Azur

515 401

306

150

456

8,8

Rhône-Alpes

704 645

224

97

321

4,6

Outre-mer

         

Guadeloupe

46 938

24

22

46

9,8

Guyane

27 959

5

2

7

2,5

Martinique

42 345

48

35

83

19,6

Réunion

103 244

70

21

91

8,8

Mayotte

n.c.

3

0

3

n.c.

Saint-Pierre-et-Miquelon

n.c.

0

0

0

n.c.

Nouvelle-Calédonie

n.c.

2

2

4

n.c.

Polynésie Française

n.c.

3

2

5

n.c.

Wallis-et-Futuna

n.c.

0

0

0

n.c.

Total Métropole

7 031 882

3 551

1 574

5 125

7,3

Total Outre-mer

220 486

155

84

239

10,8

TOTAL

7 252 368

3 706

1 658

5 364

7,4

Source : direction générale de la gendarmerie nationale

B. LE DEVENIR DES JEUNES ENGAGÉS

La question du devenir des jeunes adjoints de sécurité et des gendarmes adjoints volontaires est cruciale car il ne faudrait pas que ces jeunes, qui font montre d’une grande volonté de servir leurs concitoyens ne voient pas leur efforts récompensés par une reconversion réussie. Cette question est particulièrement importante pour les adjoints de sécurité issus des cadets de la République : en effet, après avoir été pris en charge par l’État et aidé à mettre en valeur leurs qualités, il ne faudrait pas que ces jeunes aient le sentiment que les efforts énormes qu’ils ont pu accomplir auront été vains.

Avec un taux d’insertion dans la vie professionnelle de près de 85 %, ces dispositifs se montrent, globalement, à la hauteur des attentes placées en eux. Le ministre de l’Intérieur a ainsi déclaré devant la commission des Lois : « Au total, près de 85 % des personnes ayant bénéficié d’un poste d’ADS ont réussi leur reconversion professionnelle. La police nationale contribue donc significativement à l’insertion des jeunes dans une activité professionnelle. Depuis 2002, le taux de reclassement des gendarmes adjoints dans le secteur public ou privé est également de 85 %, ce que je tiens à saluer. »

Plusieurs indicateurs permettent d’apprécier le taux d’insertion professionnelle des jeunes adjoints de sécurité et des gendarmes adjoints volontaires : réussite aux concours de la police et de la gendarmerie, réussite aux autres concours administratifs ou insertion dans le secteur privé.

1. L’accès aux concours de la fonction publique

a) Les gendarmes adjoints volontaires

Jusqu’en 2012, les gendarmes adjoints volontaires pouvaient accéder à une carrière de sous-officier, par voie de sélection. Depuis 2000, plusieurs mesures avaient été prises pour faciliter cet accès :

—  le gendarme adjoint volontaire, qui n’avait jamais été soumis à la sélection de sous-officier, était autorisé à déposer sa candidature dès lors qu’il avait effectué six mois de service en qualité de volontaire ;

—  depuis février 2001, une préparation spécifique aux tests de sélection de sous-officiers de gendarmerie était mise en œuvre au niveau des groupements.

Ainsi, depuis 2006, 4 656 gendarmes adjoints volontaires ont accédé au statut de sous-officier de gendarmerie, sur un total de 11 546 sous-officiers recrutés. En outre, 869 gendarmes adjoints volontaires ont accédé au corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale, sur un total de 1 778 candidats recrutés. Au total, ce sont donc 5 525 gendarmes adjoints volontaires qui sont devenus sous-officier. À compter de 2012, l’accès au corps des sous-officiers de gendarmerie se fera uniquement par concours. La préparation spécifique dont peuvent bénéficier les gendarmes adjoints volontaires leur permettra de préparer ces épreuves au mieux.

En 2010, sur 5308 gendarmes adjoints volontaires ayant quitté la gendarmerie, 769 sont devenus sous-officiers (656 sous-officiers de gendarmerie et 113 sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale), soit 14,5 % d’entre eux.

RÉSULTATS DES GENDARMES ADJOINTS VOLONTAIRES AUX SÉLECTIONS DE SOUS-OFFICIERS DE LA GENDARMERIE

 

Sous-officiers de gendarmerie issus de gendarmes adjoints

Sous-officiers du corps de soutien technique et administratif issus de gendarmes adjoints

2007

1 220 (soit 37,40 % du volume recruté)

295 (soit 51,40 % du volume recruté)

2008

892 (soit 40,80 % du volume recruté)

225 (soit 38,60 % du volume recruté)

2009

443 (soit 54,20 % du volume recruté)

41 (soit 33,06 % du volume recruté)

2010

656 (soit 55,55 % du volume recruté)

113 (soit 45,20 % du volume recruté)

2011 (1er semestre)

116 (soit 32,22 % du volume recruté)

Donnée non disponible

b) Les adjoints de sécurité

Sur 46 006 adjoints de sécurité sortis du dispositif depuis 1997, 23 967 ont réussi une intégration durable dans la police nationale en réussissant un concours d’accès à un corps de fonctionnaires.

L’insertion au sein de la police nationale est favorisée par :

— l’accès aux concours de gardien de la paix avec la création d’un concours spécifique (dit « second concours ») ouvert aux adjoints de sécurité comptant un an d’ancienneté de service, et aux cadets de la République à l’issue de leur année de formation. Ce concours comporte des épreuves faisant largement appel à l’expérience professionnelle acquise au sein de la police nationale ;

— l’accès à différents concours internes de la police nationale et du ministère de l’intérieur, sous réserve de justifier des durées d’exercice requises (1 an pour le concours d’adjoint administratif et 4 ans pour celui de secrétaire administratif) ;

— la possibilité pour les adjoints de sécurité de bénéficier de toutes les préparations internes dispensées par les structures de formation de la police nationale, pour l’accession aux différents concours d’entrée dans la police, dès lors qu’ils remplissent soit les conditions d’ancienneté (pour les concours internes), soit les conditions de diplômes pour les recrutements externes.

Proposition n° 5 : mieux articuler dans le temps la date du « second concours » de gardien de la paix, réservé aux adjoints de sécurité et aux cadets de la République, avec la fin de leur formation.

En effet, la date de ce concours – les années où il a lieu – ne coïncide plus avec la fin de la scolarité des cadets de la République. Un décalage de deux mois dans le temps de ce concours, qui a actuellement lieu au printemps, permettrait d’offrir de meilleures chances aux cadets de la République, qui ont fait part à votre rapporteur des difficultés qu’ils rencontrent pour passer un examen neuf mois après la fin de leur formation. Notons d’ailleurs que le calendrier actuel favorise paradoxalement les rares cadets de la République titulaires du baccalauréat qui peuvent se présenter au concours externe en cours de formation.

TAUX DE RÉUSSITE AU CONCOURS DE GARDIEN DE LA PAIX DES CADETS DE LA RÉPUBLIQUE

       

NOMBRE DE RÉUSSITES AU CONCOURS DU GARDIEN DE LA PAIX

     
 

EFFECTIFS PROMOTION

TOTAL INSCRITS AU CONCOURS

 

CONTIGUES À LA FORMATION DU CADET

NON CONTIGUES À LA FORMATION DU CADET

TOTAL ADMIS

TAUX DE RÉUSSITE TOTAL

INCORPORÉS GARDIENS DE LA PAIX À CE JOUR

1ère promotion 2005 - 2006

24

24

INSCRITS

24

 

16

66,67 %

16

ADMIS

13

3

2e promotion 2006-2007

29

27

INSCRITS

27

 

21

77,78 %

19

ADMIS

14

7

3e promotion 2007-2008

26

26

INSCRITS

26

 

12

46,15 %

8

ADMIS

9

3

4e promotion 2008-2009

26

5

INSCRITS

Pas de concours en 2009

5

4

NON REPRÉSENTATIVE

2

ADMIS

 

4

5e promotion 2009 - 2010

25

17

INSCRITS

7

10

5

29,41 %

0

ADMIS

0

5

6e promotion 2010 - 2011

57

27

INSCRITS

 

27

3

11,11 %

0

ADMIS

 

3

                 

TOUTES PROMOTIONS

187

126

INSCRITS

111

15

61

48,41 %

45

ADMIS

39

22

Source : école de police de Fos-sur-mer

2. La reconversion

Pour apprécier concrètement les efforts accomplis pour favoriser la reconversion, votre rapporteur s’est rendu au centre d’orientation et de reconversion (COR) de la gendarmerie nationale de Picardie, à Amiens, et a rencontré le conseiller « mobilité carrière » de la délégation interrégionale au recrutement et à la formation de la police nationale de l’est, à Metz.

Compte tenu de la réduction du nombre de postes offerts aux concours de la fonction publique, l’enjeu de la reconversion devient crucial. De nombreux témoignages recueillis par votre rapporteur montrent que beaucoup des jeunes ayant bénéficié d’une reconversion dans le secteur privé n’auraient pas pu accéder à un tel emploi sans avoir bénéficié de la formation et de l’expérience acquises dans le cadre du dispositif d’adjoint de sécurité ou de gendarme adjoint volontaire.

a) La reconversion des gendarmes adjoints volontaires

Lors de son incorporation, chaque gendarme adjoint volontaire se voit remettre un « passeport professionnel » qui lui rappelle qu’il doit dès ce moment songer à sa reconversion, qu’il souhaite ou non intégrer la gendarmerie, le contrat ne pouvant dépasser cinq ans. Ce document est à la fois l’outil de notation par le supérieur hiérarchique du gendarme adjoint volontaire mais aussi le document utilisé pour préparer d’éventuelles formations en vue d’une reconversion.

Avant quatre ans de service, la gendarmerie peut aider le gendarme adjoint volontaire à rédiger un curriculum vitae ou une lettre de motivation, à consulter des offres d’emploi ou à financer des cours à distance.

À partir de quatre ans de service, outre le remboursement éventuel de cycles d’enseignement, le gendarme adjoint volontaire peut bénéficier :

—  d’aides portant sur la formation : il peut s’agir de stages de formation (jusqu’à 12 mois (13), de formations gratuites en entreprise, essentiellement sous forme de « périodes de formation gratuite en entreprise », l’entreprise n’étant pas tenue de proposer un contrat à l’issue de la période, ou de stages dont le financement est pris en charge à 97 % par l’État (14) ;

—  d’aides à l’accompagnement vers l’entreprise : il peut s’agir de « stages à la création d’entreprise », de « sessions d’accompagnement vers l’entreprise », de « périodes d’adaptation en entreprise », d’une durée de 6 mois maximum, l’entreprise ayant vocation à proposer un contrat à durée indéterminée ou bien un contrat à durée déterminée d’au moins six mois, de « l’aide à la création ou reprise d’entreprise », d’une durée de 6 mois maximum (15) avec un suivi d’une durée de 12 mois par un tuteur d’un partenaire du pôle « défense mobilité ».

Bien que les dispositifs d’aides à la reconversion ne soient disponibles qu’à compter de quatre ans d’engagement, l’attention des jeunes gendarmes adjoints volontaires est attirée, dès le début de leur engagement (et grâce à des réunions d’information effectuées après 18 mois de service) sur la nécessité d’anticiper sur cette dernière année de service. Un bilan d’orientation doit être effectué au plus tôt afin de pouvoir définir un projet professionnel et un parcours de reconversion qui puisse être validé pour être mis en œuvre dès le début de la quatrième année de service.

MISSIONS DES CONSEILLERS À L’EMPLOI

– conseiller et guider les personnels dans leurs démarches ; conduire les entretiens nécessaires ;

– traiter les demandes de reconversion de tous les personnels ;

– assurer le lien nécessaire avec le gestionnaire en veillant à la préservation des intérêts des personnels en démarche de reconversion ;

– constituer les dossiers de congés de reconversion des gendarmes adjoints volontaires et les soumettre à signature du commandant de région ;

– constituer les autres dossiers de reconversion et les transmettre au bureau reconversion avec avis du commandant de région ;

– constituer un réseau d’information et de partenaires (établissements de formation, administrations, entreprises...) ;

– veiller à l’enregistrement des offres d’emploi sur « e-recruiting » ;

– assurer le suivi des statistiques d’activité de reconversion ;

– coordonner l’activité des agences de reconversion de la défense ;

– participer au soutien des familles.

Source : gendarmerie nationale

Parmi les 4 539 gendarmes adjoints volontaires ayant quitté la gendarmerie en 2010, 70 % comptaient moins de 4 ans de service. Ils ne sont donc pas allés jusqu’au terme de leur contrat.

Hormis les candidats admis à des concours administratifs, la gendarmerie a donc accompagné 1 001 gendarmes adjoints volontaires et 851 d’entre eux, soit 85 %, ont pu être reclassés. Notons que 66 % des gendarmes adjoints volontaires quittant la gendarmerie avant 4 ans de services se reclassent également.

Le tableau suivant illustre l’effort spécifique accompli pour la reconversion des gendarmes adjoints volontaires :

TAUX DE RECLASSEMENT DES GENDARMES EN 2010

Catégories

Officiers

Sous-officiers

Gendarmes adjoints volontaires

Total

Nombre de reclassés

31

417

851

1 299

Taux de reclassement

84 %

75 %

85 %

82 %

Source : gendarmerie nationale

Votre rapporteur souhaite souligner que les gendarmes adjoints volontaires étant des militaires, ils peuvent bénéficier des dispositions de l’article L. 4139-2 du code de la défense qui prévoit le dispositif des « emplois réservés ».

Pour pouvoir bénéficier de ce dispositif, les militaires doivent compter au moins quatre années de service et être en activité ou libéré depuis moins de trois ans. Ils doivent constituer un dossier auprès du conseiller en emploi et compléter leur passeport professionnel. Les militaires peuvent ensuite être inscrits deux listes – au maximum – d’aptitude régionales, ou sur la liste nationale, dont la durée de validité maximale est de trois ans.

Les emplois réservés concernent les administrations de l’État, des collectivités territoriales, de la fonction publique hospitalière et des établissements publics à caractère administratif. Ce dispositif permet donc à des gendarmes adjoints volontaires de pouvoir être recrutés directement, sans concours, comme gardien de police municipale.

Cette faculté est doublement bénéfique : pour le jeune militaire, qui peut ainsi valoriser l’expérience et les compétences acquises dans la gendarmerie ; pour la commune qui le recrute, qui peut utilement bénéficier de cette expérience.

Pour autant, à l’occasion de son déplacement à Metz, votre rapporteur a pu percevoir combien cette faculté offerte aux gendarmes adjoints volontaires, du fait de leur statut militaire, pouvait être ressentie comme une « injustice » par les adjoints de sécurité.

Proposition n° 6 : prévoir un dispositif en faveur des adjoints de sécurité ayant exercé au moins quatre ans leur permettant d’être inscrit sur des listes d’aptitude pour l’accès aux emplois de police municipale de la fonction publique territoriale.

Il ne s’agit pas d’étendre le dispositif des emplois réservés dont bénéficient les gendarmes adjoints volontaires car les adjoints de sécurité sont des civils. En outre, le dispositif serait de moindre envergure car il ne concernerait non pas l’ensemble de la fonction publique mais serait concentré sur la seule filière de la police municipale, plus particulièrement propice à la reconversion des adjoints de sécurité.

La fonction de reclassement représente un coût budgétaire de 5,29 millions d’euros (16) en 2010 pour la gendarmerie nationale. Ce montant comprend 2,4 millions d’euros pour les services chargés de cette mission, 30 000 euros pour leurs frais de fonctionnement et 2,86 millions d’euros pour le coût des formations ou des stages de reconversion.

Le coût par militaire reclassé (tous grades confondus) est donc de 4 073 euros pour ceux qui ont effectué plus de quatre ans de service et 2 459 euros pour l’ensemble des reclassés.

Ce montant, qui peut paraître important est, en réalité, parfaitement adapté car, faute de reconversion, la gendarmerie nationale doit verser des indemnités de chômage aux anciens gendarmes adjoints volontaires qui n’auraient pas retrouvé d’emploi. Le montant des indemnités de chômage a atteint 11,6 millions d’euros en 2010 pour 1300 chômeurs (contre 12 millions d’euros en 2009 et 10,2 millions d’euros en 2008). Le coût prévisionnel pour 2011 atteindrait 14 millions d’euros.

b) La reconversion des adjoints de sécurité

Si le plan d’insertion professionnelle mis en place par la police nationale en faveur des adjoints de sécurité est encadré par deux circulaires ministérielles anciennes (18 août 1999 et 1er mars 2002), le dispositif est en constante mutation pour mieux répondre aux besoins des jeunes concernés.

En ce qui concerne la promotion interne à la police nationale, le centre de préparation aux concours et examens et de l’enseignement des langues (de l’institut national de formation de la police nationale de Clermont-Ferrand) prépare à distance, sur simple inscription, dès la première année de contrat, à un ensemble de concours de la police nationale dont celui de gardien de la paix : soit à titre externe (si le jeune est titulaire des diplômes requis), soit à titre interne (selon les conditions d’ancienneté d’exercice). Pour le « second concours » qu’est le concours interne (réservé aux adjoints de sécurité et au cadets de la République), une remise à niveau des savoirs de base et une aide méthodologique peuvent être apportées dans le cadre d’ateliers de pédagogie personnalisée, sur la base du volontariat et sous certaines conditions (dont celle de l’inscription à la préparation mentionnée précédemment, les cours étant liés à l’objectif de réussite du second concours).

En ce qui concerne la promotion externe, quatre types d’actions sont mis en œuvre :

—  la validation des acquis de l’expérience. L’adjoint de sécurité a la possibilité de faire reconnaître l’expérience acquise au sein de la police nationale par l’obtention d’un diplôme de niveau V (CAP-BEP) de l’Éducation nationale : il s’agit de la mention complémentaire « sûreté des espaces ouverts au public ». Cette mention permet de faciliter le reclassement vers les métiers de la sécurité privée voire, pour les adjoints de sécurité sans diplôme, d’obtenir une équivalence de niveau pour l’accès à d’autres concours (police municipale par exemple) ;

—  les actions de formations spécifiques. L’adjoint de sécurité peut bénéficier d’une formation à la qualification professionnelle d’agent de service et de sécurité incendie et d’assistance aux personnes (SSIAP 1) sous forme d’un stage de deux semaines avec examen final ;

—  la facilitation du reclassement dans certains secteurs professionnels. Des accords nationaux ou régionaux sont conclus avec des entreprises du secteur de la sécurité, de la grande distribution ou du transport public de voyageurs. Ces accords prévoient des « facilités de reclassement », sous réserve d’un entretien d’embauche.

—  L’encouragement des initiatives prises par les adjoints de sécurité avec leurs tuteurs. Les adjoints de sécurité peuvent mobiliser tout ou partie des 500 heures de formation acquises en 5 ans (voire 6 ans désormais) pour des formations concourant à leur reconversion professionnelle.

L’une des difficultés rencontrées réside dans l’hésitation des adjoints de sécurité à accepter un autre emploi dès lors que la perte de leur statut les prive de la possibilité de passer le concours interne de gardien de la paix.

Proposition n° 7 : permettre aux adjoints de sécurité, ayant effectué un premier contrat de trois ans – et bénéficiant de son renouvellement – de pouvoir conserver la possibilité de se présenter au concours interne de gardien de la paix jusqu’au terme théorique du contrat, malgré une démission.

Enfin, une « bourse à l’emploi interactive » a été mise en place. Elle permet de visualiser les offres d’emplois, classées par secteur d’activité et par département.

C. UNE FORMATION À VALORISER : LE BACCALAURÉAT PROFESSIONNEL « SÉCURITÉ-PRÉVENTION »

À l’occasion de la préparation de ce rapport, l’attention de votre rapporteur a été attirée sur le baccalauréat professionnel « sécurité-prévention », qui résulte d’une heureuse initiative conjointe du ministère de l’Intérieur et du ministère de l’Éducation nationale.

1. Une formation qui répond à un besoin croissant

Parmi les objectifs assignés à cette formation, figure celui de préparer les jeunes aux différents métiers qu’offre le domaine de la sécurité, celui de « promouvoir l’égalité des chances » et de répondre à des exigences de professionnalisme en sécurité privée.

Créé par un arrêté ministériel du 9 mai 2006, le baccalauréat professionnel spécialité « sécurité-prévention » a pour finalité de préparer à l’exercice des différents métiers de la sécurité :

—  soit au sein de la fonction publique (police nationale, gendarmerie nationale, police municipale, sécurité civile, etc.) ;

—  soit pour le compte d’une entreprise pourvue de son propre service de sécurité ou d’une entreprise prestataire de services de prévention et sécurité.

En 2011, 52 établissements proposent cette formation dans toute la France, dont trois à La Réunion, en Guadeloupe et en Polynésie française.

Le baccalauréat professionnel « sécurité prévention » se prépare en deux ans après un BEP ou un CAP ou en trois ans après une classe de 3e. Il comprend :

– un enseignement général ;

– des modules de formation spécialisés : techniques de communication, relations avec le public, secours et assistance aux personnes, protection des biens et de l’environnement, maintien de l’ordre public et respect des lois et règlements, prévention des actes de délinquance et régulation des actes de malveillance et négligence ;

– une formation « prévention et secours civiques de niveau I » (PSC I) qui remplace depuis le 1er août 2007 l’attestation de formation aux premiers secours (AFPS), ainsi que la formation « premiers secours en équipe niveau II » (PSE II), anciennement appelée « certificat de formation aux activités de premiers secours en équipe (CFAPSE) ;

– un stage pratique de 18 semaines pour la formation en deux ans et de 22 semaines pour celle en trois ans, toutes deux réparties à parts égales dans la sécurité civile et la sécurité publique par exemple au sein de la police nationale, de la police municipale, d’un centre d’incendie et de secours, d’une entreprise de sécurité privée, etc.

Dans le cas d’un stage effectué en centre d’incendie et de secours, le lycéen s’engage en qualité de sapeur-pompier volontaire.

2. Une formation à développer

Votre rapporteur s’est rendu dans le lycée professionnel de Dammarie-lès-Lys, en Seine-et-Marne, qui propose cette formation, pour y rencontrer le chef de l’établissement ainsi qu’un responsable pédagogique. Il a pu constater que ce diplôme faisait l’objet d’un vif engouement puisque 300 jeunes ont postulé l’an dernier pour 18 places proposées.

La sélection des élèves repose notamment sur ce que l’on qualifie d’« entretien-positionnement » qui permet de mieux cerner les motivations des jeunes postulants.

Votre rapporteur souligne que le baccalauréat professionnel, de niveau IV, et le CAP « agent de prévention et de sécurité », de niveau V, pourraient être mieux articulés. En effet, la détention du CAP doit être considérée comme un utile complément du baccalauréat professionnel.

Globalement, ce baccalauréat professionnel fait l’objet d’une appréciation positive consensuelle. Pourtant, seuls 5 établissements proposent cette formation en Île-de-France, alors même qu’elle est le principal bassin d’emploi des métiers de la sécurité.

Parmi les raisons expliquant cette offre insuffisante, deux méritent d’être relevées. Tout d’abord, les établissements concernés doivent pouvoir recruter les professionnels susceptibles de pouvoir assurer les enseignements liés à la sécurité, notamment par voie contractuelle. Ensuite, la mise en place de cette formation implique la création d’un plateau technique (notamment pour la simulation d’incendies) d’un coût estimé à 100 000 euros. Compte tenu de l’intérêt de cette formation, votre rapporteur estime que les régions devraient pouvoir engager les investissements nécessaires à ce diplôme d’avenir.

Proposition n° 8 : développer le nombre des établissements scolaires proposant le baccalauréat professionnel « sécurité-prévention » en Île-de-France, premier bassin d’emploi des métiers de la sécurité.

Le suivi des diplômés et leur insertion professionnelle pourrait être facilité par la montée en puissance d’association d’anciens élèves, permettant notamment d’assurer une forme de tutorat des jeunes et aussi de développer des partenariats.

Enfin, certains jeunes diplômes pourraient également être incités à poursuivre leurs études, lorsque cela paraît adapté, pour accéder au niveau de la licence professionnelle.

3. L’accès à ce baccalauréat professionnel par le biais de la validation des acquis de l’expérience doit être valorisé

Si le baccalauréat professionnel « sécurité-prévention » est de grande qualité, il convient que les jeunes qui n’ont pas atteint ce stade d’études mais qui ont pu acquérir des compétences grâce au dispositif des cadets de la République ou de leur expérience professionnelle dans le secteur de la sécurité puissent valoriser leurs acquis.

a) Une validation déjà possible pour les sapeurs-pompiers

Le diplôme du baccalauréat professionnel « sécurité-prévention » est aujourd’hui accessible par la validation des acquis de l’expérience pour les sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires. Cette possibilité permet aux sapeurs-pompiers non seulement d’obtenir une reconnaissance de leur savoir-faire, mais aussi de leur donner l’occasion de poursuivre leurs études et, pour les volontaires, de bénéficier d’une évolution de carrière.

Ils doivent avoir au moins trois ans d’expérience (soit 4 800 heures) en tant que sapeur-pompier et être chef d’équipe ou chef d’agrès sur un véhicule de secours et d’assistance aux victimes ou un autre véhicule de secours. En revanche, l’accès à la validation des acquis de l’expérience n’est assorti d’aucune condition d’âge ou de grade.

La validation des acquis de l’expérience comprend plusieurs étapes, permettant aux candidats de valider leur expérience et leurs compétences de sapeur-pompier et faire connaître leur parcours professionnel. Les candidats doivent en outre suivre une formation certifiante sur le volet relatif à la sécurité publique, qui permet de valider le module « police » nécessaire à l’obtention de ce diplôme.

Les premiers bénéficiaires de ce dispositif étaient des sapeurs-pompiers de Seine-et-Marne, en 2007-2008. Le stage « police », organisé en partenariat avec l’école nationale de police de Draveil, leur a permis d’être formés au droit pénal, à la déontologie, aux cadres juridiques d’enquête des policiers, à la légitime défense, au code de la route, etc.

b) Une validation qui pourrait être étendue

Les cadets de la République ne sont pas, dans leur immense majorité, titulaires d’un baccalauréat. Votre rapporteur estime que, compte tenu de la qualité et de la densité des enseignements qui leur sont dispensés, ceux d’entre eux qui le souhaitent doivent pouvoir accéder, par la validation des acquis de l’expérience, au baccalauréat professionnel « sécurité-prévention ».

Cet accès devrait, bien évidemment, impliquer que ces jeunes suivent des formations complémentaires pour s’assurer que l’ensemble du programme de ce baccalauréat professionnel a été suivi.

Une telle possibilité serait de nature à conforter l’attrait du dispositif des cadets de la République, tout en offrant à ces jeunes la juste récompense des efforts qu’ils accomplissent. En outre, dans un contexte où le nombre de postes offert aux concours interne des gardiens de la paix se réduit, ce diplôme serait de nature à valoriser les compétences acquises par ces jeunes au cours de leur année de formation et, ainsi, de favoriser leur insertion professionnelle tant le secteur public comme dans le secteur privé.

La validation des autres modules (notamment celui relatif à la sécurité civile) par les cadets pourrait faire l’objet d’une aide spécifique du ministère de l’Intérieur.

Proposition n° 9 : proposer aux jeunes cadets de la République de passer le baccalauréat professionnel « sécurité-prévention », par validation des acquis obtenus dans le cadre de leur formation.

Une autre solution pourrait consister, pour l’Éducation nationale, à dissocier cette formation en deux et prévoir un baccalauréat professionnel orienté vers la sécurité civile et un autre orienté vers la sécurité publique et privée.

L’accompagnement des jeunes vers le baccalauréat professionnel « sécurité-prévention » pourrait également concerner les adjoints de sécurité et les gendarmes adjoints volontaires.

Proposition n° 10 : accompagner les jeunes adjoints de sécurité et gendarmes adjoints volontaires souhaitant obtenir le baccalauréat professionnel « sécurité-prévention », par validation des acquis de l’expérience, en les aidant dans l’obtention du module relatif à la sécurité civile.

AUDITION DE M. CLAUDE GUÉANT, MINISTRE DE L’INTÉRIEUR, DE L’OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L’IMMIGRATION

Au cours de sa réunion du 14 septembre 2011, la Commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration, dans le cadre de la préparation du présent rapport d’information budgétaire.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Cette audition, autorisée mercredi dernier par notre Bureau, nous permet d’entendre M. Claude Guéant dans le cadre des travaux sur le rapport d’information budgétaire de notre collègue Guy Geoffroy, consacré à la diversité du recrutement dans la gendarmerie et la police nationales.

Cela fait plusieurs années, en effet, que notre Commission a choisi de ne pas rendre seulement un avis sur les budgets dont elle est saisie, mais aussi de proposer à ses rapporteurs d’approfondir un thème particulier.

Si cette audition a été jugée particulièrement opportune sur de nombreux bancs, c’est qu’elle coïncide, par ailleurs, avec la demande d’un groupe politique désireux de vous entendre, monsieur le ministre.

Suivant nos habitudes, je propose de commencer par un exposé liminaire du rapporteur, auquel le ministre pourra répondre ; nous passerons ensuite aux questions sur la diversité dans le recrutement de la gendarmerie et la police nationales, ainsi qu’à toutes les questions d’actualité que nos collègues souhaiteront poser.

M. Manuel Valls. Notre collègue Guy Geoffroy n’est sans doute pas surpris par le succès manifestement rencontré par son travail, tout à fait estimable. Je précise, monsieur le président, que ce ne sont pas des « questions diverses » que nous souhaitons poser. Avec l’autorisation du rapporteur, nous pourrions même commencer par le sujet qui m’a conduit à vous écrire au nom de mes collègues, et dont la gravité n’échappe à personne.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je n’ai pas parlé de « questions diverses », cher collègue, mais de « questions d’actualité ». Je propose tout simplement de respecter l’ordre du jour, ainsi que notre façon habituelle de procéder.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je me félicite, monsieur Valls, qu’au moins une partie des sujets qui nous occupent aujourd’hui intéresse de nombreux membres de cette Commission, alors même que l’Assemblée ne siège pas en ce moment.

En ma qualité de rapporteur pour avis des crédits de la sécurité, j’ai été chargé par notre Commission de rédiger un rapport d’information budgétaire sur la diversité du recrutement dans la gendarmerie et la police nationales. Ce type de travail, fruit d’une excellente initiative de notre président, nous permet d’aborder d’un peu plus près certains sujets, qui sont souvent au cœur de l’actualité, comme la vidéosurveillance, les unités territoriales de quartier et le sujet que nous abordons aujourd’hui. J’ajoute que ce travail s’intègre parfaitement à l’analyse des crédits à laquelle nous allons nous atteler dans les semaines à venir.

Depuis le début du mois de juillet, j’ai entamé une série de déplacements et d'auditions, afin de rencontrer les responsables du recrutement de la police et de la gendarmerie, les personnes chargées d’accueillir les jeunes dans les centres d'information ou lors des forums, ainsi que les responsables des écoles et les cadres.

Ce travail concerne tous les niveaux de recrutement : j’irai ainsi rencontrer, à la fin du mois, les responsables de la classe préparatoire intégrée (CPI) pour l'accès au concours d'officier de la gendarmerie nationale, et je me suis également intéressé aux CPI mises en place par la police pour les concours d'officier et de commissaire.

S’agissant de la police nationale, je me suis tout particulièrement intéressé aux « cadets de la République », que j’ai pu rencontrer à Fos-Sur-Mer, de même qu’aux adjoints de sécurité.

Je voudrais souligner, tout d’abord, le grand intérêt du dispositif des « cadets », qui permet de remettre à niveau des jeunes en difficulté et de leur offrir des perspectives d'avenir. J’ai été impressionné tant par le dispositif de formation que par les cadets eux-mêmes – j’ai eu l’occasion, en effet, de rencontrer assez longuement la promotion sortante. Tous m'ont fait part de l'importance, dans leur vie, de ce passage par l'école de police – ou de gendarmerie, car c'est aussi vrai des gendarmes adjoints volontaires. Ces jeunes ont pu reprendre confiance en eux et constater qu'ils n'étaient pas des « enfants perdus de la République », comme ils avaient parfois pu le croire.

À l’occasion d’un déplacement à Tulle, le 25 juillet dernier, j’ai également pu assister à la journée d'incorporation d’élèves gendarmes adjoints volontaires. Je me suis notamment entretenu avec trois d’entre eux, choisis au hasard dans l'amphithéâtre où ils se trouvaient réunis. J’ai pu mesurer leur enthousiasme et leur volonté de servir leur pays et leurs concitoyens.

Avant de remettre mon rapport, probablement à la mi-octobre, je me rendrai aussi à Clermont-Ferrand, afin de rencontrer les personnels qui sont en charge de l'information sur les carrières de la police, et qui vont au contact des jeunes. Je me rendrai, en outre, à Lille ou à Amiens pour rencontrer leurs homologues de la gendarmerie nationale. Il me restera ensuite à rencontrer les responsables du recrutement au sein de la direction de la gendarmerie nationale.

Si j’ai souhaité que la Commission puisse dès maintenant vous entendre, monsieur le ministre, c’est afin que nous puissions aborder ensemble un certain nombre d’éléments et de suggestions qui pourraient figurer dans ce rapport.

Après avoir rencontré les « cadets de la République » – pour la plupart des jeunes non titulaires du baccalauréat –, et les responsables de leur formation, il m’a paru souhaitable, en premier lieu, que le dispositif permette de valider des modules du baccalauréat professionnel « sécurité et prévention » grâce à la validation des acquis de l’expérience. Le niveau de formation est, en effet, tout à fait comparable à celui du baccalauréat. J’observe, par ailleurs, que très peu de lycées professionnels franciliens proposent cette formation alors que la région Île-de-France est le premier bassin d'emploi pour les métiers de la sécurité.

J’en viens à la question de la durée de formation. Celle des cadets – presque une année – est très appréciée, et elle me semble tout à fait adaptée. Celle des adjoints de sécurité et des gendarmes adjoints volontaires pourrait, en revanche, être un peu allongée afin que des personnels encore plus efficaces puissent être affectés dans les brigades et les commissariats.

Sur le plan matériel, j'ai été surpris d’apprendre que les cadets perçoivent une rémunération inférieure à celle des adjoints de sécurité (ADS) en formation, alors qu’ils ont le même statut lorsqu’ils sont en poste dans la police nationale. Leur formation est aujourd’hui plus longue, mais leur rémunération est plus faible. Afin d’y remédier, la période de formation des cadets correspondant à celle des ADS pourrait être prise en charge de manière identique sur le plan financier. Je dois préciser, cependant, que cette question n’a été évoquée par aucun des jeunes que j’ai rencontrés : ils n’ont pas choisi leur voie de formation en fonction de la rémunération proposée.

La police et la gendarmerie étant désormais réunies sous votre autorité, monsieur le ministre, je m’étonne, par ailleurs, que les cadets et les ADS ne bénéficient d’aucun tarif réduit en matière de transports pour rejoindre leur famille le week-end, contrairement aux gendarmes adjoints volontaires, qui sont des militaires.

Je voudrais insister, en outre, sur l'importance de la reconversion des adjoints de sécurité et des gendarmes adjoints volontaires. Une partie d'entre eux espère, en particulier, réussir le concours de sous-officier de la gendarmerie ou celui de gardien de la paix. Or, le nombre décroissant des places offertes à ce dernier concours risque de décourager les cadets. J’observe, d’ailleurs, que la date du concours a été décalée et qu’elle ne correspond plus à la fin de leur formation. Il ne faudrait pas que les très grands espoirs suscités chez ces jeunes se traduisent par une déception proportionnelle à leurs attentes.

J’ajoute que les cadets titulaires d'un baccalauréat peuvent aujourd’hui passer le concours externe en cours de formation, tandis que les autres doivent attendre l'année suivante pour se présenter. Ne pourrait-t-on pas envisager de mettre un terme à cette situation en décalant de deux mois le concours interne de gardien ?

Je tiens à rappeler, en dernier lieu, que le ministère de l'intérieur a pris à bras-le-corps la question de la reconversion des jeunes en fin de contrat : leur accompagnement, qui va être prochainement renforcé, suivant un dispositif sur lequel vous pourrez peut-être revenir, me semble essentiel.

Voilà les premières réflexions que je voulais vous livrer. Je ne manquerai pas de les compléter grâce au jeu des questions-réponses qui devrait suivre cette rapide présentation.

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Je vous remercie d’avoir choisi le thème de la promotion et de la diversité dans la police et la gendarmerie nationales : ce sont des valeurs que ces deux services cultivent depuis longtemps, et qui sont essentielles pour la cohésion de notre société.

Il convient, tout d’abord, de bien distinguer le programme des « cadets de la République » d’une part, de celui des adjoints de sécurité et des gendarmes adjoints volontaires d’autre part. Le premier programme a été conçu dans la perspective d’une mise à niveau en matière de formation et d’une préparation à des concours dont certains jeunes seraient exclus sans supplément de formation compte tenu de leur niveau initial. Ce dispositif permet ainsi à des jeunes mal adaptés aux cursus scolaires traditionnels et à la recherche d’une orientation de découvrir les opportunités offertes par une carrière dans la police tout en bénéficiant d’une préparation aux concours et d’une remise à niveau générale.

C’est pourquoi les cadets de la République, qui sont nombreux – près de 900 sont incorporés, ce mois-ci, dans les écoles de police –, ne disposent pas de la même allocation que les ADS, recrutés dans une logique de service et de professionnalisation, et non de préparation aux concours, même s’ils bénéficient de modules particuliers pour le concours de gardien de la paix.

J’en viens plus particulièrement au dispositif concernant les gendarmes adjoints volontaires et les adjoints de sécurité. L’objectif est d’offrir une deuxième chance : alors que le concours de gardien de la paix exige d’être titulaire du baccalauréat, ce dispositif permet de recruter des jeunes sans cette condition, après une évaluation de leur aptitude et de leur volonté de servir dans la police ou la gendarmerie. Depuis 1997, le dispositif des ADS a permis de recruter plus de 57 000 jeunes, dont 84 % ont un niveau d’études équivalent ou inférieur au baccalauréat, et 46 % sont issus de zones urbaines sensibles – c’est le résultat d’une action résolue des services.

D’une durée de trois mois, la formation comporte l’apprentissage des principes fondamentaux des métiers et des règles d’intervention sur la voie publique. On peut encore la perfectionner, comme vous le suggérez, mais il semble qu’elle convienne aux services employeurs, d’autant qu’elle est prolongée par un accompagnement professionnel permettant à ses bénéficiaires de se perfectionner pendant la durée de leur contrat – 100 heures annuelles de formation sont ainsi dispensées.

Ainsi que vous l’avez indiqué, le ministère de l’intérieur veille à la reconversion professionnelle des ADS et des gendarmes adjoints volontaires, notamment au sein de la police nationale : un deuxième concours d’accès au corps des gardiens de la paix a ainsi été spécialement conçu pour les ADS, les places offertes à ce titre représentant 50 % des effectifs recrutés, contre 40 % à l’origine. S’agissant de la gendarmerie, 55 % des sous-officiers de gendarmerie recrutés en 2010 étaient à l’origine des gendarmes adjoints volontaires. Un nouvel itinéraire est donc en train de se créer, en complément du système des concours. Ce dernier a certes de nombreuses qualités, mais il souffre aussi de défauts que nul n’ignore. Avec ces dispositifs, nous recrutons des candidats qui ont déjà été testés, et qui ont pu vérifier leur propre intérêt pour le métier vers lequel ils s’orientent.

J’ajoute que la reconversion professionnelle concerne d’autres métiers de la fonction publique – la formation continue permet, en effet, de se diriger vers les concours organisés par d’autres administrations –, de même que le secteur privé, en particulier grâce aux partenariats instaurés avec les professionnels de la sécurité privée, les entreprises de transports ou la grande distribution.

Au total, près de 85 % des personnes ayant bénéficié d’un poste d’ADS ont réussi leur reconversion professionnelle. La police nationale contribue donc significativement à l’insertion des jeunes dans une activité professionnelle. Depuis 2002, le taux de reclassement des gendarmes adjoints dans le secteur public ou privé est également de 85 %, ce que je tiens à saluer.

Deux autres éléments témoignent du volontarisme de la police et de la gendarmerie.

La féminisation des forces de sécurité, tout d’abord, va grandissant : on compte actuellement 25 % de femmes dans la police nationale, et j’ai eu la surprise de constater, à mon retour au ministère, que des femmes occupaient désormais des postes dans tous les services – des femmes commandent des CRS, ce qui était encore difficile à imaginer il y a quelques années. On compte, en outre, 15 % de femmes au sein de la gendarmerie nationale.

En ce qui concerne les personnes handicapées, les forces de sécurité ont pleinement atteint leur l’objectif fixé par la loi en matière d’emploi : la police atteint le seuil de 6 % prévu, tandis que la gendarmerie le dépasse largement. Il est vrai que nous avons développé une politique systématique de réorientation des personnels blessés dans l’exercice de leurs fonctions et qui souhaiteraient continuer de travailler dans des services qu’ils affectionnent.

M. Claude Bodin. Un des dispositifs que nous avons adoptés dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) permet désormais de s’engager dans la réserve civile de la police nationale sans en être un retraité : tous les citoyens âgés de 18 à 65 ans sont potentiellement concernés. Pouvez-vous nous indiquer comment le nouveau dispositif se met en place, et quelles sont les tâches dévolues aux réservistes ?

M. Philippe Goujon. Le dispositif dit « passerelle » autorise une autre forme de diversification des profils : grâce au rapprochement, très réussi, entre la police et la gendarmerie, un gardien de la paix peut aujourd’hui être détaché dans la gendarmerie, et réciproquement, ce qui permet aux personnels de diversifier leurs perspectives de carrière et d’enrichir leur expérience. Pouvez-vous revenir sur ce dispositif en nous indiquant ce que vous en attendez pour les personnels des deux forces ?

M. le ministre. Le décret ouvrant la réserve civile au-delà du seul vivier des anciens policiers, en application de la LOPPSI 2, est actuellement en cours d’examen au Conseil d’État – il fera l’objet d’une délibération le 4 octobre prochain. On peut s’attendre à ce qu’il soit publié dans le courant du mois d’octobre.

Les réservistes pourront se voir confier des fonctions de surveillance générale, des fonctions exercées aux côtés des officiers de police judiciaire, des fonctions relevant de la police de la route, ainsi que des fonctions techniques ou scientifiques, et cela d’autant plus facilement qu’ils auront une compétence professionnelle dans ce domaine. On peut ainsi envisager d’attirer dans nos rangs des compétences aujourd’hui absentes. Ces missions pourront être exercées pendant des périodes comprises entre 45 et 90 jours par an. J’ajoute que les réservistes seront dotés d’un uniforme, mais pas d’une arme.

S’agissant de la passerelle entre la police et la gendarmerie, nous avons mis en œuvre cette possibilité, pour la première fois, au cours de cette année : 45 policiers ont ainsi fait l’objet d’un détachement dans la gendarmerie, et 43 gendarmes dans la police nationale. Alors qu’on aurait pu imaginer que les choix soient guidés par des considérations plutôt géographiques, nous avons observé, le plus souvent, un souhait de renouvellement des méthodes de travail, après un certain temps de service dans une unité. Tout cela en dit long sur la motivation de ces agents, ce qui est très encourageant.

M. Manuel Valls. Changeons maintenant de sujet : dans un courrier du 2 septembre dernier, j’exprimais le souhait, au nom des membres de mon groupe, que notre Commission puisse auditionner plusieurs personnalités impliquées dans les repérages de communications téléphoniques visant un journaliste du Monde. Nous vous remercions, monsieur le président, de nous donner l’occasion d’interroger le ministre de l’intérieur sur cette affaire, mais nous ne devons pas en rester là.

La gravité des faits commis exige, en effet, que l'Assemblée nationale puisse auditionner l’ensemble des protagonistes de cette affaire. Qu’ils en aient été des agents actifs, des témoins passifs ou des spectateurs impuissants, tous doivent pouvoir être entendus sur ces atteintes qui ont été portées à la liberté de la presse et à la loi de 1991 relative au secret des correspondances. Dans un contexte marqué par la défiance à l’égard du politique et par bien d’autres révélations, au cours des derniers jours, de telles pratiques ne font qu’éloigner davantage les Français de leurs représentants. Pour restaurer la confiance, il est donc impératif que les institutions républicaines se montrent à la hauteur de leur rôle : la garantie de l’indépendance de la justice et de la liberté de la presse est une priorité essentielle. Il appartient à tous les parlementaires de montrer qu’ils sont les gardiens vigilants des lois et des valeurs !

Cette interpellation n’a rien d’exceptionnel : conformément à sa mission de contrôle, il est naturel que la commission des Lois s’interroge sur cette affaire et qu’elle puisse obtenir des éclaircissements de la Chancellerie, de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) et du directeur de cabinet du Premier ministre. Mais il importe, avant tout, que nous puissions entendre dans les meilleurs délais M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur au moment des faits incriminés, M. Bernard Squarcini, chef de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), ainsi que M. Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale. À défaut, notre groupe envisage de demander la création d’une commission d’enquête conformément aux articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale.

Dans l’immédiat, les membres du groupe auquel j’appartiens vous poseront plusieurs questions, monsieur le ministre, visant à établir non seulement le degré d’information et de responsabilité du ministère de l’intérieur, mais aussi le vôtre dans les fonctions de secrétaire général de l’Élysée que vous exerciez à l’époque. Pour ma part, je voudrais rappeler quelques évidences et un principe.

La première évidence concerne l’infraction légale. Le 1er septembre 2011, vous avez confirmé que la direction centrale du renseignement intérieur avait effectué des repérages de communications téléphoniques au sujet d’un journaliste du Monde, Gérard Davet, pour tenter d’identifier ses sources dans le cadre de l’affaire « Woerth-Bettencourt », qui concerne le financement d’une formation politique. Ces pratiques sont d’autant plus inquiétantes qu’elles concernent des journalistes et mettent en cause la liberté de la presse : en se procurant des informations confidentielles auprès d’un opérateur téléphonique, Orange, sans impératif prépondérant d’intérêt public et hors de toute saisine de l’autorité judiciaire, la DCRI a délibérément violé la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes. J’observe, par ailleurs, qu’aucun des motifs prévus par la loi de 1991 ne peut être retenu : il ne nous a pas semblé, au cours des derniers mois, que l’affaire « Woerth-Bettencourt » avait le moindre rapport avec la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, la prévention du terrorisme, la criminalité et la délinquance organisée, ou la reconstitution et le maintien de groupements dissous. Après avoir démenti qu’il avait été saisi, le délégué général de la CNCIS a d’ailleurs indiqué qu’il n’aurait jamais donné son accord à une telle procédure.

La seconde évidence concerne l’intention, qui est indigne. De l’aveu de Frédéric Péchenard, les fadettes du journaliste ont été demandées à l’opérateur avant qu’un membre de la Chancellerie, en l’espèce M. David Sénat, ne soit mis en cause. Il y a un an, le directeur général de la police nationale ne reconnaissait qu’une brève et ponctuelle vérification ; invité par France Info, le 9 septembre dernier, ce même haut fonctionnaire, qui semble progressivement faire office de fusible dans cette affaire, est allé un peu plus loin en reconnaissant qu’il avait demandé à la DCRI d’identifier la personne qui, soumise au secret professionnel et ayant un accès à des documents sensibles, divulguait des informations confidentielles dans une affaire judiciaire en cours, ce qui constituait une infraction pénale, indiquait-il ; il aura presque fallu un an pour que le Gouvernement reconnaisse, par votre voix, monsieur le ministre, que la DCRI avait effectivement procédé à la surveillance électronique des communications d’un journaliste du Monde.

La loi a donc été violée à plusieurs reprises et la liberté de la presse a été bafouée. Dans quel but ? À quelles fins ? Qui a donné l’ordre de procéder ainsi ? A quel niveau ? Étiez-vous au courant, à votre poste de secrétaire général de l’Élysée ? Votre prédécesseur au ministère de l’intérieur, Brice Hortefeux, a-t-il été informé ? La gravité des faits justifie pleinement nos questions, et appelle des réponses précises. Je demande que nous prenions le temps nécessaire pour en parler avec vous, mais aussi que nous puissions auditionner les personnes dont j’ai rappelé les responsabilités directes et indirectes dans cette affaire, en vue de faire toute la lumière.

Quand la loi est violée, il convient, à tout le moins, que notre Commission puisse poser les questions précises qui s’imposent, et surtout qu’elle obtienne, pour l’opinion publique, des réponses aussi précises que possible.

M. Julien Dray. Au-delà des remarques et des questions qui viennent d’être formulées, je voudrais appeler l’attention sur les explications déjà données dans cette affaire et sur l’absence de réponse du Gouvernement à leur sujet. Quand, d’une part, le directeur général de la police nationale se permet de dire à la radio que, face à une infraction pénale, il a été amené, compte tenu de l’urgence, à en commettre une autre, en allant au-delà de ce que permet la loi, et que, d’autre part, cette déclaration ne suscite pas la moindre réponse des ministres chargés de diriger les hauts fonctionnaires concernés, cela signifie tout simplement que le Gouvernement avalise le fait qu’un haut fonctionnaire de la police, agissant dans le cadre d’une situation urgente que l’on peut comprendre – divulgation de procès-verbaux et instrumentalisation de ces derniers – se permette de s’émanciper du cadre fixé par la loi.

Si cela a eu lieu dans un cas, qui nous dit qu’il ne s’agit pas d’une méthode générale, utilisée dans d’autres affaires, et que, suivant une sorte de logique horizontale, un certain nombre de hauts fonctionnaires n’ont pas échangé des informations dans des conditions pour le moins discutables ? Nous ne serions plus alors dans un État de droit.

On voit bien la philosophie sous-jacente : la fin justifie les moyens, il faut tenir compte de l’urgence, de certains impératifs et de l’intérêt général, etc. Or l’essence de l’État de droit est de ne pas confondre les infractions en commettant d’autres infractions. Nous en sommes pourtant là dans cette affaire.

L’accumulation des révélations et des déclarations, dont plus personne n’arrive à comprendre la réalité, ne peut que jeter le trouble, car vous n’avez pas pris la décision élémentaire qu’aurait dû adopter tout ministre de l’intérieur : quand le directeur général de la police nationale dit à la radio qu’il s’est permis d’outrepasser les lois, le ministre de l’intérieur doit prendre les décisions qui s’imposent dans l’heure qui suit, à moindre d’être le complice de ce type de décisions et d’y avoir participé lui-même, ce que je n’ose pas croire de la part d’un ministre de la République. Votre silence et celui du ministre de la justice sont malheureusement inquiétants. Dans ces conditions, la question est de savoir si les « cabinets noirs » n’ont pas été reconstitués tout au long des années qui viennent de s’écouler.

Plusieurs députés du groupe UMP. Vous en êtes des spécialistes !

M. Julien Dray. Il ne s’agit pas de revenir sur l’histoire…

M. Marcel Rogemont. Des lois ont été votées depuis lors !

M. Julien Dray. La question est simple : couvrez-vous de votre autorité, monsieur le ministre, le fait qu’un haut fonctionnaire n’ait pas respecté la loi ?

M. le ministre. Il va de soi, pour le Gouvernement, que toutes les lois doivent être respectées, celle qui concerne la protection des sources de la presse comme les autres, même si l’on a tendance à les négliger quelque peu – je pense, en particulier au respect du secret de l’instruction et au respect du secret des procédures judiciaires. Pour beaucoup, ces lois, qui sont pourtant extrêmement protectrices des libertés individuelles et tendent à sauvegarder les droits de la défense, ne présentent visiblement plus aucun intérêt, puisqu’elles peuvent être foulées aux pieds tous les jours. Or, et je le répète, pour le Gouvernement, toutes les lois doivent être respectées.

Même si j’ai déjà eu l’occasion de le faire en séance publique, vous me permettrez de rappeler brièvement ce qui s’est passé : au mois de juillet de l’année dernière, un certain nombre de procédures judiciaires, couvertes par le secret de l’instruction, ont fait l’objet de publication dans la presse ; la DCRI ayant eu connaissance du fait qu’un haut fonctionnaire pouvait être l’organisateur de ces fuites, la décision a été prise de mener une enquête pour confirmer ou infirmer cette information.

Compte tenu des éléments en cause – la protection du secret de l’instruction et l’obligation de secret qui s’impose à tout fonctionnaire dans le cadre de son activité professionnelle –, le directeur général de la police nationale a déclenché une enquête, comme il l’a répété publiquement il y a quelques jours. J’entends maintenant dire qu’il servirait de fusible et que ses propos seraient inexacts. Avant de revenir sur les insinuations et les amalgames, qui me semblent graves pour notre vie démocratique, j’aimerais rappeler ce qui s’est produit, à savoir une vérification des communications téléphoniques grâce aux fadettes, lesquelles permettent d’établir l’existence de communications entre des personnes, sans prise de connaissance du contenu de ces mêmes communications.

Personne ne l’a affirmé ici, mais j’ai entendu dire en d’autres lieux que des écoutes auraient été réalisées. Or ce ne fut pas le cas du tout : aucune conversation n’a été écoutée, ni a fortiori enregistrée.

Puisque vous vous érigez en professeurs de morale, permettez-moi de rappeler que 3 000 conversations téléphoniques, concernant 150 personnes, ont été enregistrées entre 1983 et 1986.

M. Manuel Valls. C’est pour cette raison que la loi de 1991 a été votée !

M. le ministre. Je crois que cela valait la peine d’être dit.

M. Marcel Rogemont. Appliquez plutôt les lois !

M. le ministre. Nous les appliquons toutes. Une vérification a ainsi été réalisée. Une plainte ayant été déposée par le journal Le Monde, la justice est saisie, et c’est maintenant à elle de se prononcer.

Vous affirmez, pour votre part, que la loi a été violée et que M. Péchenard devrait être sanctionné pour ce motif. Or, c’est au juge de se prononcer sur la réalité d’une infraction. Nous sommes heureusement dans un pays où les infractions pénales ne sont pas constatées par voie de communiqués de presse ou par des débats entre journalistes, mais par un tribunal. Attendons qu’il se prononce ! Le directeur général de la police nationale et le directeur central du renseignement intérieur ont lancé cette enquête en toute bonne foi, suivant leur interprétation des textes en vigueur. Si une erreur a été commise, c’est à la justice de l’établir.

M. Christian Eckert. Vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, que l’obtention des fadettes auprès des opérateurs téléphoniques est régie par la loi, au même titre que les écoutes téléphoniques. Envisagez-vous des sanctions disciplinaires contre ceux qui auraient commis des fautes ? Je précise que ces sanctions ne sont pas seulement pénales : en tant que ministre de l’intérieur, vous êtes le supérieur hiérarchique des personnes citées, qui ont reconnu avoir transgressé la loi de 1991.

Vous avez indiqué, par ailleurs, que vous respectiez le secret de l’instruction et celui des procédures judiciaires. Or, selon Le Monde, le directeur d’un grand journal aurait été invité à l’Élysée, le 8 juillet 2010, quelques heures avant la publication par son quotidien, Le Figaro, d’extraits des procès-verbaux réalisés lors de l’audition de Claire Thibout dans l’affaire « Woerth-Bettencourt ». L’existence de ces fuites n’a pas été contestée, mais vous allez peut-être le faire devant la représentation nationale. Une première série de fuites a fait l’objet d’une enquête, tandis que d’autres semblent avoir été orchestrées par l’Élysée pour démonter le témoignage de Claire Thibout.

Ma question est donc la suivante : le 8 juillet 2010, avez-vous communiqué à la presse, vous ou l’un de vos collaborateurs au secrétariat général de l’Élysée, des extraits de procès verbaux ?

M. Patrick Bloche. Vous faites référence, monsieur le ministre, à des faits condamnables remontant à 25 ans, mais vous oubliez que deux lois ont été votées depuis : celle de 1991, modifiée en 2004 et relative au secret des correspondances, puis celle du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes, « vendue » à grands renforts médiatiques par le Gouvernement et le Président de la République au nom de l’objectif, fixé en 2007, de rendre la République française « irréprochable ». On sait ce qui est arrivé : ces deux lois ont été délibérément violées. Vous avez beau affirmer que Gérard Davet n’a pas été « écouté », la seule consultation de ses fadettes est une violation caractérisée de la loi de 2010. Il n’existait pas, en effet, d’impératif prépondérant d’intérêt public en l’espèce, et l’enquête a eu lieu en dehors de toute procédure judiciaire.

Comme Manuel Valls l’a rappelé, M. Péchenard et son entourage avaient indiqué en septembre 2010 que la police était intervenue « dans le cadre de sa mission de protection des institutions » et que les vérifications techniques avaient été réalisées après consultation d’une personne qualifiée désignée par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Or, le délégué général de la CNCIS, Rémi Récio, a démenti cette information, le 14 septembre 2010, dans des déclarations au Monde et au Parisien. Il a rappelé que, conformément à la loi du 23 janvier 2006, ce type de requêtes ne pouvait être recevable que dans le cadre de la prévention du terrorisme, ce qui n’était bien sûr pas le cas. Que pouvez-vous répondre à cela ?

J’aimerais savoir, en outre, comment vous expliquez que M. Squarcini ait attendu le 2 septembre, soit plus d’un mois après l’intervention de la DCRI, pour saisir le procureur de la République par une note, alors que le haut fonctionnaire soupçonné d’être la source de Gérard Davet avait déjà été prié de quitter son poste. Pourquoi un tel retard ?

Vous venez d’indiquer, par ailleurs, que l’enquête tendait à confirmer ou à infirmer une information faisant de M. Sénat la source des fuites. Dans ces conditions, pourquoi ne pas avoir effectué les vérifications techniques auprès de ce dernier au lieu de le faire auprès de M. Davet, en violation de la loi de 2010 ?

En dernier lieu, pourquoi attendre la fin de l’instruction judiciaire conduite par la juge Sylvie Zimmermann ? N’estimez-vous pas que la responsabilité de M. Péchenard soit suffisamment établie pour qu’il soit administrativement sanctionné par le retrait des fonctions qu’il exerce aujourd’hui ?

Mme Aurélie Filippetti. Lorsque j’ai interpellé le Gouvernement sur cette affaire, le 14 septembre 2010, son porte-parole, Luc Chatel, m’a répondu qu’aucune atteinte n’avait jamais été portée au principe de protection des sources des journalistes, et qu’il était « normal que les journalistes enquêtent et travaillent avec des informateurs ».

Or, les faits viennent aujourd’hui contredire ces affirmations. Aux termes de la loi de 2010, « il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources », c’est-à-dire par l’interception des communications comme par la consultation des fadettes, « que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi ». Quel est donc, dans cette affaire, l’impératif prépondérant d’intérêt public ? Il ne s’agissait pas de protéger la sécurité nationale, ni de défendre les intérêts de la nation, mais d’empêcher la divulgation d’informations concernant une affaire en cours. Vous avez ainsi porté une atteinte très grave à la liberté de la presse, dont la protection des sources constitue une des « pierres angulaires » selon la jurisprudence européenne. Au lieu de chercher à identifier, dans le cadre d’une enquête pénale, l’auteur d’une violation du secret de l’instruction, vous avez demandé la communication de la liste des appels d’un journaliste : c’est lui qui a été visé dans l’exercice de ses fonctions, qui consistent à donner au public des informations qui peuvent ne pas faire plaisir au pouvoir en place, ou à l’opposition, mais qui sont nécessaires à la constitution d’une opinion publique éclairée. Vous n’aviez naturellement pas besoin de connaître le détail des conversations, car leur contenu figurait dans la presse : il s’agissait des auditions concernées ; vous souhaitiez seulement savoir à qui ce journaliste pouvait bien parler.

Vous nous dites, monsieur le ministre, que la justice doit se prononcer dans cette affaire. Selon un arrêt rendu, le 5 mai 2011, par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bordeaux, la violation du secret professionnel dans le cas d’une enquête pénale est effectivement une « infraction d’un notable degré de gravité » […] « à ce titre, la recherche de l’auteur d’une telle violation pourrait constituer un but légitime de nature à justifier une atteinte, dans certains cas exceptionnels, au droit éminent d’un journaliste à la protection de ses sources ». En l’espèce, l’enquête policière portait toutefois « sur la dénonciation pour le moins hypothétique, par un particulier, de la probabilité, voire simple possibilité, de la commission d’un délit de violation du secret professionnel ». La première condition, à savoir l’existence d’un impératif prépondérant d’intérêt public, n’était donc pas remplie.

Depuis 2010 – Brice Hortefeux était alors ministre de l’intérieur, tandis que vous occupiez la fonction de secrétaire général de l’Élysée –, le Gouvernement a donc menti et organisé une communication variable au fil du temps, à mesure que de nouvelles révélations venaient infirmer les justifications précédemment apportées. Une violation manifeste de la loi relative à la protection du secret des sources a bien eu lieu, et une atteinte très grave a été portée à l’exercice de la liberté de la presse dans notre pays – selon Reporters sans Frontières, la France a d’ailleurs régressé au 44e rang mondial en ce qui concerne la liberté de la presse. C’est pourtant un principe fondamental, reconnu tant au plan constitutionnel qu’au plan européen.

Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour rétablir l’État de droit dans notre pays ?

M. Jean-Jacques Urvoas. Comme je n’ai pas bien compris la position du ministre sur le plan strictement administratif, j’aimerais savoir, en premier lieu, s’il condamne la méthode utilisée par la DCRI, service relevant de son ministère.

En second lieu, est-il possible de croire que le directeur d’une administration centrale d’une telle importance aurait agi sans informer son ministre de tutelle ?

Comment peut-on affirmer, par ailleurs, qu’un haut fonctionnaire aurait éventuellement le droit de s’émanciper du cadre de la loi ? À vous suivre, ce qui s’est passé serait alors illégal, mais pas illégitime.

En quatrième lieu, pouvez-vous nous dire si vous avez donné des instructions à des directeurs d’administration centrale, fussent-ils des préfets, lorsque vous étiez secrétaire général de l’Élysée ?

Enfin, quelle conséquence la mise en examen du directeur général de la police nationale ou du directeur central du renseignement intérieur pourrait-elle avoir, selon vous, sur le fonctionnement des services de la République ?

M. le ministre. Tant les orateurs précédents que ceux qui viennent de s’exprimer ont évoqué à plusieurs reprises l’État de droit dans lequel nous avons la chance de vivre. Je tiens à rappeler que l’État de droit, c’est aussi la protection des personnes et le respect de la présomption d’innocence.

Je le répète : une instruction judiciaire est un cours. Une instance judiciaire dira le droit. Il me paraît très grave, eu égard à l’État de droit que, tous, nous chérissons, de faire des procès à l’avance, d’interpréter des textes, de caractériser des infractions pénales. Je ne vais pas sanctionner le directeur général de la police nationale alors qu’une instance a été déposée qui, peut-être, conclura au caractère irréprochable de la procédure.

Tous, vous affirmez que la loi a été violée. Mais c’est au juge qu’il appartient de le déterminer.

M. Henri Emmanuelli. Le directeur général de la police a lui-même déclaré qu’il avait violé la loi.

M. le ministre. Non, il n’a jamais déclaré qu’il avait violé la loi ! Il a dit qu’il avait donné une instruction…

M. Bernard Derosier. …contraire à la loi !

M. le ministre. Il n’a jamais déclaré qu’il avait violé la loi. Je m’insurge en faux contre ce que vous dites. Il a dit qu’il avait donné une instruction pour vérifier les communications téléphoniques.

Cette affaire concerne également la législation sur les interceptions téléphoniques. Je mets quiconque au défi de trouver dans les textes actuels, qui constituent notre droit positif, une disposition relative aux fadettes, pour la simple raison qu’à l’époque où la loi a été votée, les fadettes étaient technologiquement impossibles.

Face aux insinuations qui commencent à percer – le « vous » a été utilisé à la fois au sens collectif et au sens personnel –, je tiens à rappeler que, n’étant pas, à l’époque ministre de l’intérieur, je n’ai pas donné d’instructions. Je n’en ai pas non plus donné comme secrétaire général de l’Élysée, où il n’y a jamais eu de cabinet noir. Mais la situation est telle que les questions posées deviennent des certitudes ! C’est très grave sur le plan de la vie démocratique.

M. Jean-Jacques Urvoas. Condamnez-vous ce qu’a fait le DCRI ?

M. le ministre. Je ne condamnerai l’action menée par la DCRI que si la justice la déclare irrégulière. La justice ne l’a pas dit.

M. Henri Emmanuelli. Vous attendez que la justice se prononce.

M. le ministre. La justice est une institution qui doit être respectée, et chacun peut en convenir, tout de même. Décider que les procès se tiennent désormais devant l’opinion sans passer par la justice traduirait une dérive considérable.

Il est vrai que, lorsque ce sont les vôtres qui sont concernés, vous n’en tirez pas les mêmes conséquences !

Mme George Pau-Langevin. Vos propos me surprennent, monsieur le ministre : chacun sait en effet qu’en cas d’infraction commise par un fonctionnaire, l’administration peut recourir, à côté de la procédure judiciaire, à la procédure disciplinaire. À partir du moment où la hiérarchie a eu connaissance de certains faits, pourquoi le ministre, qui est l’autorité supérieure, ne pourrait-il pas prendre une décision à l’encontre de fonctionnaires qui n’ont pas respecté le droit ?

Par ailleurs, pourquoi vous a-t-il semblé utile de dénoncer la délinquance des Comoriens à Marseille ? Un grand nombre de personnes d’origine comorienne se sont effectivement installées à Marseille : elles sont, pour la plupart, venues après l’indépendance, et ont réintégré la nationalité française – leurs enfants sont donc français. À quelle méthode statistique avez-vous recouru pour isoler la délinquance commise par cette catégorie de la population ? De plus, quel est l’intérêt, dans la lutte contre la délinquance, d’isoler telle ou telle catégorie de la population ?

De même, à la suite de votre évocation de la délinquance roumaine, notamment sur les Champs-Élysées, nous avons eu à déplorer que notre pays ait été critiqué par les instances européennes pour sa conception assez particulière de la politique à mener à l’égard des Roms. Quel est du reste l’intérêt pour vous de mettre l’accent sur la nécessité de reconduire des Roumains dans leur pays dans la mesure où, demain, avec l’entrée de la Roumanie dans l’Espace Schengen, une telle reconduite sera de l’histoire ancienne ? N’existe-t-il pas un autre moyen de lutter contre la délinquance des mineurs ?

M. Claude Goasguen. La question que je souhaite poser s’adresse à vous, monsieur le président de la commission des Lois.

On ne cesse, ce matin, d’évoquer la violation de la loi : or nous la violons, en ce moment, et nous violons même la loi fondamentale, celle qui garantit la séparation des pouvoirs. La vocation du pouvoir législatif n’est pas de se substituer au pouvoir judiciaire lorsqu’une instance est introduite devant un tribunal. Que la commission des Lois se transforme en parodie de tribunal alors qu’un vrai tribunal enquête sur une affaire très grave, c’est absurde. Il est vrai que nos collègues sont en période électorale : cela ne les autorise pas à utiliser la commission des Lois pour leurs primaires ! Ou alors, il faut faire venir M. Hollande et Mme Aubry pour respecter l’égalité entre les candidats. Nous perdons beaucoup de temps à vous écouter…

Mme Delphine Batho. La responsabilité pénale n’exclut pas la responsabilité politique. Le Gouvernement est responsable devant le Parlement. Le ministre de l’intérieur et le directeur général de la police nationale s’exprimeraient devant les médias sur cette affaire et le seul endroit où il serait interdit d’en parler, ce serait l’Assemblée nationale ?

M. le président Jean-Luc Warsmann. Ce n’est pas le cas.

Mme Delphine Batho. Monsieur le ministre, vous arguez du fait que la justice est saisie : encore heureux qu’elle le soit ! Dois-je vous rappeler que la plainte du journal Le Monde a été, dans un premier temps, classée sans suite ?

Vous avez par ailleurs insisté sur le fait que le secret de l’instruction doit être respecté : dans ces conditions, comment se fait-il que le parquet ait été saisi le 7 septembre 2010 pour un délit commis le 19 juillet 2010 ?

Vous avez également affirmé que c’est une information de la DCRI qui aurait déclenché l’enquête : or les faits ont établi que la vérification téléphonique a été effectuée le 19 juillet, jour de la parution de l’article dans Le Monde, sur le téléphone du journaliste de ce même quotidien.

Je ne peux pas non plus vous laisser dire – M. Daniel Vaillant interviendra peut-être sur le sujet – que les fadettes sont l’objet d’un vide juridique : elles sont régies par l’article 22 de la loi de 1991. Matignon, dans sa note, comme le délégué général de la CNCIS ont largement expliqué qu’on se trouvait en dehors de tout cadre légal.

Monsieur le ministre, un policier ne peut pas se procurer de fadettes, surtout de la part d’un service de renseignements, sans instruction écrite de son ministre de tutelle ou du Premier ministre. Pouvez-vous nous dire qu’aucune instruction de ce genre n’a été donnée ?

N’étant pas ministre de l’intérieur à l’époque, vous avez également déclaré : « Je pourrais le savoir, mais je me refuse à le savoir ». Pourquoi, monsieur le ministre ?

M. le ministre. Précisez : savoir quoi ?

Mme Delphine Batho. Enfin, à la question visant à déterminer si d’autres journalistes avaient été surveillés, vous avez répondu : « À ma connaissance, non. Une telle enquête, c’est tout à fait exceptionnel. » Ce propos confirme bien l’existence d’une enquête et le fait que vous en connaissiez les tenants et les aboutissants.

M. le ministre. Il m’arrive de lire les journaux !

M. Daniel Vaillant. Je m’exprimerai avec réserve puisque je suis membre, au nom de l’Assemblée nationale, de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS). Je parle également sous le contrôle de M. Bernard Derosier, qui a été membre de cette institution bien avant moi.

Je me réjouis tout d’abord de l’adoption de la loi de 1991, après qu’un certain nombre de turpitudes eurent été commises. Elle a donné satisfaction puisque, depuis son application sous différents gouvernements, nous n’avons pas été saisis de problèmes aussi graves que celui que nous examinons aujourd'hui.

Cette loi a, de plus, été complétée par celle de 2006 sur le terrorisme, dont l’article 6 prévoit qu’une personnalité qualifiée encadre de manière autonome, sous le contrôle de la CNCIS et de Matignon, les nombreuses demandes relatives à la lutte contre le terrorisme.

Certains éléments du dossier sont troublants.

Chacun a connaissance du rappel à l’ordre, ou du moins du conseil bienveillant du président Jean-Louis Dewost – c’était avant que M. Hervé Pelletier ne le remplace à la tête de la CNCIS – : on subodorait déjà que des opérateurs tels que SFR, Orange ou Bouygues avaient pu être directement sollicités. Le cabinet du Premier ministre avait du reste rappelé aux trois ministères qui ont l’occasion de saisir Matignon et, à travers Matignon, la CNCIS, que les opérateurs ne peuvent pas donner en direct des informations ou des fadettes. Je me place ici, non pas sur le plan judiciaire, mais sur les plans de la loi et des procédures administratives.

Le directeur de cabinet du Premier ministre, après que la réponse du délégué général de la CNCIS, M. Récio, eut paru dans Le Monde, a fait lui-même un rappel à l’ordre au nom du Premier ministre.

Il est facile de mettre en cause le seul directeur de la police nationale du fait qu’il ait déclaré à la radio : « C’est moi. » Ce que je reproche aux fonctionnaires impliqués, si on leur a demandé de contrevenir à la loi, c’est leur non-désobéissance. Il est facile, je le répète, de prétendre que MM. Péchenard et Squarcini ont pris cette décision sous leur bonnet sans en référer à l’autorité politique. Je rappelle que le ministère de l’intérieur est placé sous l’autorité du Premier ministre. Si tel n’est plus le cas depuis quelques années, c’est une erreur. Le Premier ministre ou son directeur de cabinet ont-ils été saisis préalablement de la demande de renseignements de repérage technique auprès de l’opérateur Orange ? Pour le savoir, il nous serait utile d’auditionner le directeur de cabinet du Premier ministre, MM. Péchenard et Squarcini et, de nouveau, vous-même, monsieur le ministre. J’ai le sentiment que c’est à juste titre que Matignon ne se sent pas concerné par cette affaire. Je peux en tout cas témoigner que jamais la CNCIS n’a été saisie d’une demande du Premier ministre en vue de donner une autorisation préalable.

L’année dernière, dans la précipitation, M. Péchenard avait invoqué, dans un premier temps, l’article 6, relatif à la personnalité qualifiée chargée d’encadrer les demandes liées au terrorisme. Il ne s’agissait pas, en l’occurrence, de fadettes, mais de fadaises ! Puis, on a invoqué l’article 22 avant de se rabattre sur l’article 20 ! Une hiérarchie administrative placée sous une autorité politique ne peut pas se permettre un tel flottement !

Cette affaire a créé un vrai malaise au sein de la CNCIS. Son nouveau délégué général, M. Olivier Guérin, a dû, il y a peu, rappeler dans Libération que, si la Commission avait été saisie, elle aurait donné un avis défavorable. Je peux vous le confirmer : ni le président Hervé Pelletier, ni le sénateur Jean-Jacques Hyest ni moi-même n’aurions donné suite à une telle demande venue de Matignon. Cela signifie, à mes yeux, qu’aucune demande n’est venue de Matignon et je subodore même que l’Hôtel de Matignon n’a lui-même reçu aucune demande. Indépendamment des conclusions de la procédure judiciaire, une faille dans le dispositif administratif est évidente. Lorsque j’étais ministre de l’intérieur, les demandes d’écoute administrative transitaient par les voies régulières, c'est-à-dire le directeur de cabinet de Matignon : aucune autorisation n’est passée par une autre voie.

Oui ou non, monsieur le ministre, y a-t-il eu une entorse à cette règle ?

M. le ministre. Avant la loi de 1991, les écoutes visant des particuliers n’étaient quand même pas encouragées par les lois de la République ! La loi sur le secret des correspondances est ancienne : elle a toujours dû être respectée.

Il est clair aux yeux de tous, monsieur Vaillant, qu’il n’y a pas eu saisine officielle auprès de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

M. Bernard Derosier. La loi n’a donc pas été respectée.

M. le ministre. Mme Pau-Langevin a affirmé qu’il y avait eu violation manifeste de la loi : je le répète, c’est au juge qu’il appartient d’apprécier s’il y a violation de la loi.

Monsieur Vaillant, j’ignore si le cabinet du Premier ministre a été saisi.

J’ajoute qu’aucune loi n’évoque la technique des fadettes.

Mme Aurélie Filippetti. Si, puisque la loi fait référence à la protection des sources.

M. le ministre. Le mot n’y figure pas.

À mes yeux, du reste, compte tenu du véritable vide juridique dont ce type de recherche fait l’objet et de son caractère très particulier, il conviendrait de recourir à un texte législatif pour l’encadrer. Une fadette, c’est la lecture d’une enveloppe, non de son contenu. C’est la loi sur les correspondances qui régit la question.

M. Julien Dray. Pour une fois, ce n’est pas le contenu de l’enveloppe qui est important !

M. Marcel Rogemont. Le nom de l’expéditeur n’est pas toujours mentionné au dos de l’enveloppe !

M. le ministre. Les services du ministère de l’intérieur estiment avoir appliqué correctement les textes en vigueur. Or vous affirmez le contraire – tel est, du moins, le sens de vos interventions. Je le répète : il appartiendra aux tribunaux de dire si les textes ont été correctement appliqués ou non. Il conviendra également de combler le vide juridique existant en la matière.

Mme Batho a prétendu que je refusais de savoir, sans préciser le contexte de mes propos ni ce que je refuse de savoir. Ce que je refuse de savoir, c’est la manière dont la recherche a été effectuée – si elle a commencé par la personne soupçonnée ou par des journalistes –, parce qu’il appartient à la justice de déterminer ce qu’il en est. Je refuse d’apprécier une question d’ordre juridique à la place de la justice.

M. Jean-Jacques Urvoas. Votre travail est de diriger l’administration !

M. le ministre. Mais pas de me substituer à la justice, comme m’y a invité Mme Batho. Laissons la justice faire son travail !

Mme Sandrine Mazetier. Assumez vos responsabilités !

M. le ministre. Je refuse de me substituer à la justice.

M. Daniel Vaillant. Il vous appartient de diriger votre ministère.

M. Jacques Alain Bénisti. Monsieur le président, les commissaires aux lois ont été convoqués sur un ordre du jour précis : nous avons tous fait l’effort, hors session, de venir évoquer, avec le ministre de l’intérieur, notamment la question de la diversité dans le recrutement des forces de sécurité. Or nous avons l’impression d’être tombés dans un traquenard. J’ignore qui en est à l’origine.

M. le rapporteur. C’est M. Valls !

M. Jacques Alain Bénisti. L’ordre du jour de la Commission ayant été détourné, il aurait fallu, monsieur le président, lever la séance pour évoquer, avec l’accord du ministre, un autre sujet qui n’a rien à voir avec notre Commission. Comme M. Goasguen l’a rappelé, nous sommes totalement hors la loi. La commission des Lois ne saurait se substituer à la justice sans laisser entendre que la justice ne peut pas prendre à bras-le-corps les questions qui la concernent ! Demander à des commissaires aux lois de se substituer à la justice est inadmissible !

M. Jean-Jacques Urvoas. Vous oubliez l’article 24 de la Constitution : il revient au Parlement de contrôler l’action du Gouvernement.

M. Jacques Alain Bénisti. Monsieur le président, si vous nous autorisez à débattre de n’importe quel sujet en dehors de l’ordre du jour, pourquoi ne pas évoquer l’affaire Strauss-Kahn, l’affaire Guérini, l’affaire Patrick Sève dans mon département, ou tout autre sujet ? L’ordre du jour de la commission des Lois doit être respecté.

Les Français sont plus préoccupés de problèmes de sécurité publique que de fadettes.

Nous pouvons nous réjouir, monsieur le ministre, qu’une étape supplémentaire ait été franchie dans la mutualisation et l’harmonisation des corps de l’État chargés de la sécurité – la gendarmerie et la police nationales, auxquelles il convient d’adjoindre les EPIDE (établissements publics d'insertion de la défense), dans le cadre desquels de jeunes retraités de l’armée travaillent à la prévention de la délinquance, conformément à ce que j’ai préconisé dans mon rapport. J’y observais que les EPIDE réussissaient auprès des 18-25 ans : c’est pourquoi j’ai proposé d’y recourir également pour les 15-18 ans. Toutes les générations doivent être mobilisées pour assurer notre sécurité : les jeunes générations avec les cadets de la République, les adjoints de sécurité et les jeunes retraités de l’armée. Sur ce sujet majeur, les Français attendent des décisions du ministre de l’intérieur et des parlementaires.

Delphine Batho et moi-même préparons un rapport qui met en valeur la mutualisation des services de la gendarmerie et de la police nationale dans le cadre du nouveau fichier TPJ (traitement des procédures judiciaires), très performant, qui, associant l’ancien Judex et le STIC, optimisera tous les systèmes de recherche des auteurs de délits.

Quant à la réorganisation de la police nationale dans la région parisienne, elle est un élément très positif qui permettra de renforcer la sécurité de nos concitoyens grâce à une augmentation et à une meilleure répartition des effectifs.

Je pensais que nos collègues de gauche, qui sont aussi des élus de terrain, étaient mobilisés sur les problèmes de sécurité, mais ils préfèrent s’occuper de fadettes : je suis déçu.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je ne laisserai jamais la commission des Lois devenir un tribunal. Nous ne sommes pas une instance judiciaire. Nous n’avons pas à juger. Il est en revanche légitime que nous auditionnions les ministres et que ces derniers répondent aux questions des députés. Nous jouons ce matin notre rôle, tout notre rôle, rien que notre rôle.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, selon vous, la loi ne traiterait pas des fadettes et il appartiendrait à la justice de dire s’il y a eu faute. Cela signifierait que la loi, à vos yeux, ne protégerait que le contenu des sources. Or la loi ne parle pas du « contenu » des sources, mais de la « protection » des sources.

M. le ministre. Je n’ai jamais rien dit de tel ! Ne continuez pas dans ce travers qui consiste à transformer mes propos pour les mettre systématiquement en cause.

M. Alain Vidalies. Je comprends que mon observation vous agace…

M. le ministre. Oui, parce qu’elle ne repose sur rien.

Monsieur le président, ces insinuations sont absolument scandaleuses, on me prête des propos que je n’ai jamais tenus !

M. Alain Vidalies. Le débat vous énerve peut-être, monsieur le ministre, mais je continuerai de m’exprimer.

M. le ministre. Quand on me fait dire quelque chose que je n’ai pas dit, je m’insurge !

M. Alain Vidalies. C’est la démonstration juridique que vous venez de faire vous-même : on ne sait pas si la loi traite du contenu des sources ou traite des sources en général. Or, en réalité, la loi n’évoque que les sources et les moyens d’investigation des sources. C’est la raison pour laquelle vous vous trouvez confronté à une violation de la loi.

Pour vous en sortir, vous, ou d’autres, prétextez que vous n’avez pas violé les sources mais procédé uniquement à du repérage. C’est génial : vous inventez un concept qui n’est pas inscrit dans la loi – le repérage –, pour mieux vous mettre à son abri ! Envisagez-vous de présenter un projet de loi visant à protéger les citoyens des repérages ou à créer une Commission nationale de contrôle des repérages ?

Il en est du repérage comme des vols qualifiés par leurs auteurs d’emprunts forcés ! Le repérage n’existe pas plus que l’emprunt forcé : c’est une violation des sources.

Du reste, le délit que vous invoquez comme étant à l’origine d’un tel « repérage » est assez fréquemment commis : aujourd'hui encore, la presse est pleine de comptes rendus de procès-verbaux. Le repérage constitue-t-il une pratique systématique en vue de mettre un terme à ce délit ou cette affaire a-t-elle bénéficié d’un traitement particulier ?

Vous affirmez également que vous ne prendrez de décision qu’après que la justice aura parlé. Vous estimez donc qu’il n’y a pas, à l’heure actuelle, de violation de la loi. En effet, si vous pensiez le contraire, vous pourriez prendre dès aujourd'hui des décisions, en vertu de l’autonomie du pouvoir disciplinaire. À moins de remettre en cause tout l’édifice de notre droit administratif, vous ne pouvez pas prétendre être privé du droit de prendre une décision : le droit positif vous contredit. Si, aujourd'hui, vous ne prenez pas de décision d’ordre disciplinaire, c’est que vous estimez qu’aucune faute n’a été commise. Pouvez-vous, monsieur le ministre, confirmer votre position sur ce point de droit ?

M. Sébastien Huyghe. Je tiens tout d’abord à souhaiter la bienvenue au grand nombre de nos collègues ici présents qui n’appartiennent pas à la commission des Lois, même s’ils se conduisent plus en apprentis procureurs qu’en députés de la nation.

Comme l’a remarqué Claude Goasguen, le parti socialiste est en pleine campagne pour ses primaires : chacun des candidats cherche à mettre en cause un membre de la majorité. Toutefois, cela n’autorise aucun d’entre vous à dire n’importe quoi au sein de cette commission. J’ai ainsi été très étonné d’entendre Manuel Valls affirmer que, si la loi est violée, c’est à la commission des Lois qu’il appartient de se prononcer. Que fait-il de la justice ? C’est à elle que ce rôle appartient ! Sinon, lors de notre prochaine réunion, auditionnons M. Guérini !

Monsieur Valls, vous avez évoqué l’indépendance de la justice. Or, en mettant en cause un des ministres de la République, alors même qu’une instance judiciaire a été introduite, vous cherchez à influer sur le cours de la justice. Il conviendrait de mettre vos actes en accord avec vos paroles. Vous avez également demandé l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire : vous savez très bien que le Parlement ne peut en ouvrir une à partir du moment où une instance judiciaire est ouverte. Vous êtes plus dans la communication politique que dans la recherche de la vérité.

Nous aurions pu aborder avec le ministre de l’intérieur un grand nombre de sujets qui auraient intéressé nos concitoyens. Monsieur le ministre, nous avons voté la réforme de la garde à vue qui est appliquée depuis le 1er juin dernier. Le comité de suivi, mis en place conjointement par le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice, s’est réuni hier : quelles sont ses conclusions sur les trois premiers mois d’application de la nouvelle loi ? Des ajustements au plan réglementaire ou législatif se révèlent-ils nécessaires ?

M. Éric Raoult. Monsieur le président, si je suis venu ce matin, alors que je ne suis pas membre de la commission des Lois, c’est que M. Claude Guéant devait évoquer la diversité dans le recrutement des policiers et des gendarmes car cette question concerne directement les rapports difficiles existant entre la police et la jeunesse. Je voulais également demander à M. le ministre s’il comptait encourager les recrutements au sein des missions locales pour l’emploi. En effet, si les forces de l’ordre étaient à l’image de la diversité de notre pays, les choses pourraient évoluer dans le bon sens ! Je renvoie à ce sujet à l’excellent ouvrage de M. Manuel Valls ou au rapport sur les banlieues de M. Julien Dray.

Quel dommage que vous ayez transformé cette séance en tribunal populaire ! Nous ne sommes plus en 1981, quand les ministres de la majorité précédente passaient devant des commissions composées presque exclusivement d’élus socialistes ! Vous avez, ce matin, dévoyé le règlement ! De manière orchestrée, vous avez tenté de mettre en accusation un ministre, oubliant qu’une commission n’est pas une fosse aux lions.

M. Patrick Bloche. À quoi servirions-nous si nous ne pouvions plus contrôler l’action du Gouvernement ?

M. Éric Raoult. Monsieur Bloche, j’ai bien compris que la meilleure défense, c’est l’attaque. Mais vous auriez dû procéder d’une autre façon.

M. Dominique Raimbourg. Nous sommes d’accord avec vous, monsieur le ministre, lorsque vous affirmez qu’il appartient à la justice de dire si la loi a été violée ou pas.

D’habitude, toutefois, lorsque la justice est saisie d’une infraction et que c’est un fonctionnaire qui est soupçonné, ce fonctionnaire peut être suspendu le temps que la justice rende sa décision. Envisagez-vous de prendre une telle mesure de suspension ? Je rappelle que le conseiller de Mme Alliot-Marie mis en cause dans les écoutes a, lui, immédiatement quitté le cabinet ministériel pour une affectation en outre-mer. Je ne sais s’il s’agissait d’une mesure disciplinaire ou d’un déplacement dans l’intérêt du service, mais le résultat fut identique. Une telle mesure respecte les règles de la démocratie et la séparation des pouvoirs.

M. Manuel Valls. Je respecte l’État de droit, la présomption d’innocence et la séparation des pouvoirs. Comme Mme Batho l’a remarqué, des débats sur l’affaire qui nous occupe ce matin se déroulant en dehors de l’Assemblée nationale, il est normal que nous, députés de la nation, voulions en apprendre davantage sur d’éventuels dysfonctionnements au sein de l’État. J’ai adressé un courrier en ce sens au président de la commission des Lois, qui a lui-même proposé qu’à l’occasion de la venue du ministre de l’intérieur nous puissions en débattre.

Comme Julien Dray l’a souligné, aucune infraction ne saurait en justifier une autre. En l’occurrence, la violation du secret de l’instruction ne saurait légitimer celle de la liberté de la presse. Telle est du moins l’idée que nous nous faisons du fonctionnement de la République et de l’application des lois.

Monsieur le ministre, M. Péchenard, directeur général de la police nationale, a reconnu lui-même avoir demandé à la direction centrale du renseignement intérieur d’identifier le haut fonctionnaire qui, bien qu’il fût soumis au secret professionnel, divulguait des informations confidentielles relatives à une instruction judiciaire en cours : il avait accès à des documents sensibles relatifs à l’affaire Woerth-Bettencourt. « Je trouve cela grave, a-t-il ajouté. Il s’agit d’une infraction pénale ». Le directeur général de la police nationale a donc lui-même reconnu qu’il y a eu infraction et qu’il s’est affranchi des règles, puisque ni le juge ni la commission ad hoc n’ont été saisis.

Le respect de la procédure judiciaire n’interdit pas aux parlementaires d’interroger le ministre de l’intérieur sur les déclarations du directeur général de la police nationale qui s’est, de son aveu même, affranchi de la loi. Assumez vos fonctions, monsieur le ministre.

Quel est le degré de responsabilité qui a conduit le directeur général de la police national à agir ainsi ? S’est-il de lui-même affranchi de la loi ou l’a-t-il fait sur ordre ? Nous connaissons tous suffisamment le fonctionnement de la République, ainsi que l’homme. Il serait étonnant qu’il s’en soit affranchi et qu’il n’ait pas auparavant consulté sa hiérarchie.

Vous vous abritez derrière la procédure judiciaire pour gagner du temps : un ministre de l’intérieur responsable ne saurait éluder nos questions. Si vous n’étiez pas au courant et si vous êtes aujourd'hui certain qu’aucun ordre n’a été donné, à l’époque, par le ministre de l’intérieur et le secrétaire général de l’Élysée, alors, il y a eu faute. Et quand il y a faute de la part d’un directeur d’une administration centrale, celui-ci doit partir.

Quelles sont les erreurs commises par les préfets de police successifs de Marseille – trois en l’espace de quelques mois – ou par M. Paillé, qui ne plaît pas au pouvoir, pour qu’ils aient été dégagés sans aucune procédure ? Monsieur le ministre, compte tenu de la gravité de faits, si aucun ordre n’a été donné au directeur général de la police nationale par sa hiérarchie, vous nous devez une explication. Vous ne pouvez pas prendre pour prétexte la procédure judiciaire pour, je le répète, éluder nos questions.

C’est notre rôle, mes chers collègues, que d’interpeller le ministre de l’intérieur sur le fonctionnement des institutions de la République.

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser votre vision de vos responsabilités en tant que ministre de l’intérieur, lequel est habituellement surnommé « le premier flic de France » ? Quel exemple donnez-vous à toute la chaîne hiérarchique en cherchant à ce point à échapper à vos responsabilités ? Vous affirmez qu’il ne vous appartient pas d’interpréter la loi : si tous les policiers et les gendarmes se retranchaient derrière un tel argument pour refuser, au quotidien, de décider s’il y a infraction ou non, imaginez la situation dans laquelle se retrouveraient les Français, qui sont déjà exposés à un grand nombre d’incivilités, de délits et de crimes, voire à une explosion de la violence. Que se passerait-il si tous les agents de votre ministère se comportaient comme vous vous comportez, à l’instant, devant nous ?

Par ailleurs, depuis quand la DCRI est-elle particulièrement chargée de la protection du secret de l’instruction ? Trouvez-vous, de plus, efficaces les résultats obtenus ? Je tiens à vous rappeler que vous êtes également le ministre de tutelle de la DCRI.

M. Charles de La Verpillière. M. Manuel Valls, par ailleurs candidat aux primaires du parti socialiste, a rendu hommage aux principes républicains et constitutionnels de la séparation des pouvoirs et de la présomption d’innocence. Cet hommage est un peu tardif, mais il est vrai qu’il est treize heures onze et que le journal télévisé est commencé.

Nos collègues socialistes ont un problème avec le cumul : le cumul des mandats parlementaire et local, tout d’abord. Ils nous assènent des tartuferies en la matière mais ils conservent précieusement tous leurs mandats. Aujourd'hui, ils inventent le cumul de la fonction parlementaire de contrôle de l’action gouvernementale avec la fonction judiciaire…

M. Charles de La Verpillière. …et, qui plus est, au sein de la fonction judiciaire, ils cumulent à la fois les fonctions d’officier de police judiciaire, de juge d’instruction, de procureur, de juge – et bientôt, peut-être, de gardien de prison. On se croirait revenu au temps de Fouquier-Tinville.

M. Manuel Valls. Je comprends votre inquiétude, M. de La Verpillière !

M. Charles de La Verpillière. Robespierre a fini, lui aussi, sur l’échafaud, victime du système qu’il avait mis en place. Alors, faites attention !

Mme Delphine Batho. Je tiens à donner lecture de l’article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. »

Cela signifie que l’attente du résultat d’une procédure judiciaire ne peut justifier le fait que soit éludée la question de la responsabilité d’un haut fonctionnaire. C’est pourquoi, comme l’a noté M. Manuel Valls, si sa responsabilité n’est pas mise en cause, c’est que ce n’est pas à son niveau que les décisions ont été prises.

M. le ministre. Je regrette que la question de la diversité et de la promotion sociale dans la police et la gendarmerie ait été laissée de côté. Il est en effet fondamental que la police et la gendarmerie soient à l’image de la nation et que la promotion sociale soit utilement reconnue.

Monsieur Huyghe, je n’ai pas connaissance des conclusions de la commission de suivi. Je sais en revanche que la police et la gendarmerie estiment que les nouvelles dispositions ne facilitent pas leur travail – c’est le moins qu’on puisse dire. Des précisions devront être apportées, s’agissant notamment des relations entre l’officier de police judiciaire et l’avocat. Une chose est sûre : le nombre de gardes à vue diminue et le taux d’élucidation aussi. Il convient assurément de s’adapter au texte. Autant les droits de la défense doivent être respectés et améliorés – c’est tout le sens de la décision du Conseil constitutionnel et de la loi que vous avez votée –, autant les droits des victimes doivent être respectés, notamment l’espoir que l’agresseur ou le voleur soit identifié et déféré à la justice. Il faudra travailler de nouveau sur ces points.

Il convient également que la police et la gendarmerie poursuivent leur évolution historique, notamment en matière de police technique et scientifique, contre laquelle les socialistes ont toujours voté, alors qu’elle permettra de substituer le règne de la preuve à la tradition de l’aveu.

M. Daniel Vaillant. Vous n’avez jamais eu l’occasion de voter pour ou contre un texte puisque vous n’avez jamais été élu !

M. le ministre. J’ai un souvenir très clair du débat sur le fichier des empreintes génétiques !

M. Bernard Derosier. Vous avez été meilleur préfet que ministre !

M. le ministre. Je vous laisse libre de vos appréciations. Ne tombons pas dans l’injure !

Par ailleurs, monsieur Raoult, nous avons signé une convention avec la Fédération des missions locales, afin d’effectuer un recrutement aussi diversifié que possible. Dans les zones urbaines sensibles, le recrutement va dans le sens d’une intégration de ceux qui seraient, autrement, laissés pour compte.

S’agissant de la protection des sources des journalistes, j’ai été choqué par les propos que j’ai entendus, notamment de la part de Mme Mazetier, préconisant que les policiers se substituent au juge !

Vous avez affirmé, madame la députée, que je devrais me substituer au juge ! Cela me semble énorme !

Mme Sandrine Mazetier. Heureusement que les policiers assument leurs missions !

M. le ministre. Avec votre plus total soutien, ce dont ils sont conscients !

J’en viens à l’essentiel.

Le sort du directeur général de la police national a été évoqué. D’aucuns ici suggèrent que je le sanctionne. Je me refuse à le faire tant que j’ignorerai s’il a commis une faute.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Il l’a lui-même reconnu !

M. le ministre. Non, il a dit qu’il avait donné une instruction. Votre raisonnement néglige un aspect : la validité de la procédure utilisée eu égard aux textes en vigueur. Or, aujourd'hui, je ne suis pas en état de porter une appréciation sur cette validité.

Mme Sandrine Mazetier. Alors, démissionnez !

M. le ministre. De plus, la sanction administrative n’est pas obligatoire. Si les faits sont patents, elle peut intervenir avant la décision judiciaire, mais il est très fréquent qu’une sanction administrative soit suspendue à la décision judiciaire. J’attends en l’occurrence la vérité et la vérité c’est la justice qui la dira, la vérité juridique.

Intenter des procès en place publique alors même que la justice est saisie est une véritable dérive de notre démocratie, surtout dans le cas d’affaires complexes méritant un examen juridique exhaustif.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je vous remercie, monsieur le ministre.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 23 novembre 2011, la Commission examine le présent rapport d’information budgétaire.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je félicite le rapporteur pour la qualité de son travail qui s’appuie sur les nombreux déplacements et auditions qu’il a effectués.

M. Yves Nicolin. Il s’agit d’un rapport à la fois fouillé, concis et clair. Son mérite est de formuler un nombre resserré de propositions, tout à fait réalistes. Parmi elles, la recommandation visant à développer la communication sur le recrutement diversifié de la police et de la gendarmerie a une importance toute particulière, car les jeunes manquent souvent d’information en la matière. J’insiste également sur la proposition consistant à proposer aux jeunes, cadets de la République, de passer le baccalauréat professionnel « sécurité-prévention », par validation des acquis obtenus dans le cadre de leur formation : il y a là une source prometteuse pour l’avenir. J’ai cependant un regret : la promotion de la diversité aurait mérité d’être envisagée, non seulement sous l’angle de la carrière professionnelle, mais aussi sous l’angle de la vocation à servir dans la police ou la gendarmerie.

M. Claude Bodin. Je salue également la très grande qualité du travail du rapporteur. À la lecture du rapport, il apparaît que le taux de candidature aux fonctions de gendarmes adjoints volontaires atteint seulement trois jeunes pour 10 000 dans la région Île-de-France, qui est pourtant le premier bassin d’emplois en ce domaine. Quelles mesures préconisez-vous pour faire progresser ce taux et encourager le recrutement de volontaires ?

Mme Marietta Karamanli. Le rapport de M. Guy Geoffroy présente plusieurs recommandations intéressantes. Pour autant, la promotion de la diversité ne devrait pas seulement être faite en direction des agents, mais aussi de l’ensemble du public. Des concours et des formations spécifiques peuvent, par exemple, être mis en place en faveur des personnes handicapées, ceci en vue du recrutement initial des agents – et non pas exclusivement au cours de leur carrière. Ce type de dispositifs existe notamment en Belgique, qui promeut depuis de nombreuses années la « diversité identitaire » au sein de la police fédérale. Par ailleurs, que devient l’Observatoire de la diversité et de la parité ? Cet organisme avait été créé en 2007 pour lutter contre les discriminations et favoriser la parité entre les hommes et les femmes. Mais son site Internet se contente aujourd’hui d’annoncer la tenue de deux réunions... prévues en 2009. Quelle est donc l’activité réelle de cet Observatoire ?

M. Jacques Valax. Les dispositifs visant à favoriser l’emploi de jeunes et à développer la diversité dans la police et la gendarmerie sont positifs a priori, en particulier s’ils débouchent sur une formation de qualité. Malheureusement, en pratique, force est de constater que ces dispositifs sont en voie d’abandon. Il y a fort à craindre, comme l’indique d’ailleurs le rapport dès son introduction, que les contraintes budgétaires conduisent à se tourner de plus en plus vers le secteur privé. C’est dommage.

M. Michel Hunault. Depuis l’été 2011, à la suite d’une recommandation de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), qui y avait vu – à juste titre – un élément discriminatoire, la condition de taille minimale a été supprimée pour le recrutement dans la gendarmerie. Dispose-t-on d’une première évaluation de cette mesure ? Par ailleurs, des passerelles existent-elles entre les dispositifs de recrutement traités dans le rapport d’information et l’accès à la réserve de la gendarmerie nationale ?

M. Christian Vanneste. Cet excellent travail du rapporteur suscite de ma part trois questions. Tout d’abord, j’ai eu connaissance d’un cas d’échec à un concours d’entrée dans la gendarmerie nationale au seul motif que, lors de l’épreuve orale, le jury avait décelé un excès de motivation du candidat. Sauf à détourner ce type de profil vers des entreprises privées de sécurité, il est gênant de voir qu’un candidat adhérant tout particulièrement à la valeur de protection de l’ordre public puisse être écarté pour cette unique raison. Je souhaiterais par ailleurs connaître la position du rapporteur sur la problématique dite de la « discrimination positive » en matière de recrutement dans la police et la gendarmerie. Enfin, l’ouverture à la diversité passe également, selon moi, par l’embauche de personnes handicapées. Par exemple, le développement croissant de la vidéo-protection devrait fournir des tâches susceptibles d’être exercées par des personnes souffrant de difficultés de mobilité.

M. Philippe Goujon. Je souhaite également saluer l’excellent travail du rapporteur, qui qualifie l’Île-de-France, dans sa proposition n° 8, de premier bassin d’emploi des métiers de la sécurité, que celle-ci soit publique ou privée.

Rejoignant les propos de notre collègue Claude Bodin, je voudrais insister sur la nécessité d’accroître les formations et les recrutements dans ces métiers et ce, grâce à des programmes de fidélisation et de soutien – comme les aides au logement.

Je souhaiterais également revenir sur le nouveau dispositif de passerelles qui permet aujourd’hui le détachement d’un gardien de la paix dans le grade et l’emploi de gendarme et inversement. Ce dispositif, qui permet de diversifier les perspectives de carrière, a-t-il vocation à se développer davantage et à s’appliquer au recrutement ?

M. Jérôme Lambert. Je souhaiterais revenir sur deux points.

Tout d’abord, en réponse à la question soulevée par M. Christian Vanneste sur l’excès de motivation d’un candidat recalé à un concours de la gendarmerie nationale, je tiens à rappeler qu’un jury de concours ne motive pas, en général, sa décision, quelle qu’en soit la nature – admission ou rejet.

Ensuite, compte tenu de l’important vivier de recrutements que constitue aujourd’hui la réserve – opérationnelle, mais aussi citoyenne – de la gendarmerie nationale, j’aurais souhaité que l’accent soit mis dans le rapport sur la diversité de recrutement dans cette réserve, en particulier dans sa dimension citoyenne.

Mme George Pau-Langevin. Ce rapport est intéressant et porte sur un sujet très important, celui de la diversité. Je voudrais à ce titre rappeler qu’aujourd’hui, un grand nombre de policiers en exercice sont originaires des départements et collectivités d’outre-mer.

Si l’objet du présent rapport est de permettre à des jeunes de quartiers populaires – métropolitains – d’accéder à la police et à la gendarmerie nationales et notamment à des postes d’encadrement, il me semble important de rappeler que cette question de la promotion se pose également pour les agents issus de l’outre-mer. Il serait, dans cette perspective, opportun de comparer leur situation avec celle des surveillants de prison qui sont également très souvent issus de l’outre-mer et pour lesquels la question de l’accès à des postes d’encadrement se pose avec acuité.

M. le rapporteur. Je partage l’analyse de notre collègue Yves Nicolin. En effet, les propositions n° 3 – développer la communication sur le recrutement diversifié de la police et de la gendarmerie en utilisant les supports de communication des collectivités territoriales – et n° 9 – proposer aux cadets de la République de passer le baccalauréat professionnel « sécurité-prévention » par validation des acquis obtenus dans le cadre de leur formation – sont la colonne vertébrale de cette réflexion. La question de la motivation des jeunes est effectivement essentielle : c’est d’ailleurs l’un des intérêts des partenariats que j’ai mentionnés puisqu’il s’agit, au travers d’une information précise, de faire découvrir les métiers des forces de sécurité et ainsi de faire naître des vocations. Il n’y a donc pas de contradiction entre vocation et carrière.

Les chiffres évoqués par notre collègue Claude Bodin concernent le taux de volontariat des jeunes franciliens pour la gendarmerie nationale. Or, nous savons que même si elle a un rôle important en Île-de-France, elle assure la sécurité d’une faible partie de la population de cette région. Elle est donc, de ce fait, moins connue des jeunes franciliens.

À Mme Marietta Karamanli et aux collègues qui ont évoqué la question du handicap, je voudrais rappeler que le ministre de l’Intérieur a souligné devant notre Commission, le 14 septembre dernier, que ses services remplissaient leurs obligations en la matière. Le rapport d’information traite uniquement des emplois opérationnels de la police et la gendarmerie nationales. S’agissant la situation de l’Observatoire de la diversité et de la parité entre les femmes et les hommes, je note votre observation préoccupante et j’interrogerai le Gouvernement sur ce point.

M. Jacques Valax ne peut pas dire que les dispositifs présentés sont « à l’abandon » ! Je constate simplement que la réduction du nombre de postes aux concours implique que certains de ces jeunes devront s’orienter vers d’autres secteurs. Cela n’entame en rien la vitalité des dispositifs des adjoints de sécurité et des gendarmes adjoints volontaires, bien au contraire ! Je peux témoigner du dynamisme des jeunes concernés et de leurs encadrants.

Je n’ai pas d’éléments d’appréciation des conséquences de la modification des critères de taille pour le recrutement dans la gendarmerie nationale, que M. Michel Hunault évoquait. S’agissant de la réserve, dont M. Jérôme Lambert a également fait état, je tiens à souligner que les jeunes doivent prendre toute leur place dans la réserve citoyenne.

M. Christian Vanneste a mentionné un exemple d’« excès de motivation ». Il n’a d’ailleurs pas précisé s’il s’agissait de la sélection d’un volontaire ou d’une épreuve d’un concours. Je dois dire que tous les jeunes que j’ai rencontrés, qu’ils soient cadets, adjoints de sécurité, gendarmes adjoints volontaires ou élèves de classe préparatoire intégrée font tous preuve d’une grande motivation. C’est d’ailleurs un critère décisif de leur sélection. Bien que l’on ne parle pas de discrimination positive, une grande priorité est accordée à des facteurs pouvant s’apparenter à cette notion. J’ai bien noté, également, la suggestion de placer des personnes handicapées dans les salles de surveillance des systèmes de vidéoprotection.

M. Philippe Goujon a abordé un vrai casse-tête : la question du logement des jeunes policiers, notamment en Île-de-France. C’est un vrai frein aux candidatures. Le fait que les gendarmes soient logés en caserne est un atout pour la gendarmerie. Le système des passerelles entre les deux forces de sécurité fonctionne puisqu’un nombre équivalent de jeunes des deux forces – environ 45 – en ont bénéficié cette année.

En ce qui concerne l’accès aux fonctions d’encadrement des jeunes originaires des outre-mers, que Mme George Pau-Langevin a évoqué, je confirme que cette dimension est bien prise en compte, notamment dans la classe préparatoire intégrée de la gendarmerie. Il s’agit de jeunes qui pourront accéder directement à des fonctions d’encadrement.

Enfin, l’accès des jeunes femmes à ces dispositifs me semble satisfaisant puisqu’elles représentent un tiers des gendarmes adjoints volontaires et 36 % des adjoints de sécurité.

M. Jean-Luc Warsmann, président. Je félicite à nouveau le rapporteur pour la qualité et l’excellence de son travail.

La Commission autorise ensuite à l’unanimité le dépôt du rapport de la mission d’information budgétaire en vue de sa publication.

LISTE DES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR

Proposition n° 1 : faire participer les cadets aux activités opérationnelles, en les autorisant, de manière exceptionnelle et pour une durée réduite, à porter une arme.

Proposition n° 2 : prévoir que pendant les 14 dernières semaines de leur formation, les cadets de la République sont rémunérés comme les adjoints de sécurité.

Proposition n° 3 : développer encore plus la communication sur le recrutement diversifié de la police et de la gendarmerie nationale en utilisant le vecteur que sont les supports de communication des collectivités territoriales.

Proposition n°4 : sensibiliser les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) à l’enjeu que représente pour la police et la gendarmerie nationale l’information des jeunes boursiers. Il convient qu’à défaut d’une communication, par les CROUS, de listes d’étudiants boursiers, une information puisse être délivrée (par exemple par voie d’affichage) dans des lieux fréquentés par des boursiers, comme les résidences universitaires.

Proposition n° 5 : mieux articuler dans le temps la date du « second concours » de gardien de la paix, réservé aux adjoints de sécurité et aux cadets de la République, avec la fin de leur formation.

Proposition n° 6 : prévoir un dispositif en faveur des adjoints de sécurité ayant exercé au moins quatre ans leur permettant d’être inscrit sur des listes d’aptitude pour l’accès aux emplois de police municipale de la fonction publique territoriale.

Proposition n° 7 : permettre aux adjoints de sécurité, ayant effectué un premier contrat de trois ans – et bénéficiant de son renouvellement – de pouvoir conserver la possibilité de se présenter au concours interne de gardien de la paix jusqu’au terme théorique du contrat, malgré une démission.

Proposition n° 8 : développer le nombre des établissements scolaires proposant le baccalauréat professionnel « sécurité-prévention » en Île-de-France, premier bassin d’emploi des métiers de la sécurité.

Proposition n° 9 : proposer aux jeunes cadets de la République de passer le baccalauréat professionnel « sécurité-prévention », par validation des acquis obtenus dans le cadre de leur formation.

Proposition n° 10 : accompagner les jeunes adjoints de sécurité et gendarmes adjoints volontaires souhaitant obtenir le baccalauréat professionnel « sécurité-prévention », par validation des acquis de l’expérience, en les aidant dans l’obtention du module relatif à la sécurité civile.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

● Déplacement à Lognes (Seine-et-Marne)

—  Mme Martine NAUTÉ, contrôleuse générale de police, sous-directrice de la formation et du développement des compétences de la direction des ressources et des compétences de la police nationale

—  Mme Maria Julia ARANDA, commissaire divisionnaire, adjointe au chef du département du recrutement et de l'égalité des chances

—  Mme Karine BELLEUT, commandant de police à l'échelon fonctionnel, chef de la mission de l'égalité des chances du département du recrutement et de l'égalité des chances

—  M. André POPON, capitaine de police, mission de l'égalité des chances du département du recrutement et de l'égalité des chances

● Déplacement à Fos-sur-mer (Bouches-du-Rhône)

—  M. Henri CASTETS, commissaire divisionnaire, délégué interrégional au recrutement et à la formation de la police nationale du sud

—  M. Philippe LAVOGIEZ, commandant de police, adjoint au directeur de l'Ecole nationale de police de Fos-sur-Mer, chargé des formations

—  12 cadets de la République et les gradés les encadrant.

● Déplacement à Tulle (Corrèze)

Direction générale la gendarmerie nationale

—  Lieutenant-colonel Gil ROCHETEAU, adjoint au chef du bureau de la formation au service des ressources humaines.

École de gendarmerie de Tulle

—  Colonel Jean-Marie GRIMAL, commandant l'école

—  Colonel Patrick MARCHETTI, chef d’état-major

—  Chef d'escadron Denis PELTIER, division d'instruction de l'école

—  Capitaine BOURGOIS, commandant la 3e compagnie

—  Capitaine PAYTAVI, commandant la 5e compagnie

—  Lieutenant DEQUESNES, 1ère compagnie

—  Aspirante KHELEF, 2e compagnie

—  Adjudant-chef BOIS, cellule bureautique

—  Adjudant-chef THUILLIEZ, 6e compagnie

—  Adjudant-chef FERNANDEZ, 6e compagnie

—  Adjudant-chef BOCHE, 4e compagnie

—  Adjudant RAYMONDAUD, 1ère compagnie

—  Adjudant CANDEIAS, 4e compagnie

—  Adjudant STIEVENARD, 5e compagnie

—  Maréchal des logis-chef PROUT, 5e compagnie

—  15 jeunes gendarmes adjoints volontaires (3e semaine de formation)

—  15 jeunes gendarmes adjoints volontaires (12e semaine de formation)

—  3 jeunes gendarmes adjoints volontaires (à l’occasion de leur journée d’incorporation)

● Déplacement à Amiens (Somme)

—  Général Philippe MAZY, commandant de la région de gendarmerie de Picardie

—  Lieutenant-colonel Bernard LAMBERT, officier de communication

Centre d’information et de recrutement de Picardie :

—  Adjudant-chef Marie-Alexandra DEMAY, chef du centre

Centre d’orientation et de reconversion de Picardie

—  Major Pascal MARCHAL, conseiller principal à l'emploi

● Déplacement à Dammarie-Lès-Lys (Seine-et-Marne)

—  Mme Michèle CARDIN, proviseur du lycée polyvalent Frédéric Joliot-Curie

—  M. Farid AISSAOUI, proviseur adjoint (section d’enseignement professionnel)

—  M. Rémy CHARNASSÉ, chef des travaux

● Déplacement à Metz (Moselle)

Sous-direction de la formation et du développement des compétences

—  Mme Maria Julia ARANDA, commissaire divisionnaire, adjointe au chef du département du recrutement et de l'égalité des chances

—  Mme Nathalie DURAND, commandant de police à l'échelon fonctionnel, chef de la mission de la politique du recrutement et de la promotion des carrières du département du recrutement et de l'égalité des chances

—  M. Maxime GARCIA, lieutenant de police, mission de l'égalité des chances du département du recrutement et de l'égalité des chances

Mission de reconversion et de reclassement professionnel

—  M. Vincent TERRENOIR, commissaire divisionnaire, chef de la mission de reconversion et de reclassement professionnel

—  M. David NERCESSIAN, commandant de police à l'échelon fonctionnel

—  Mme Sabine VANSAINGELE, contractuelle

Délégation interrégionale au recrutement et à la formation de l’est

—  M. Yves FRITZ, commissaire divisionnaire, délégué interrégional

—  M. Patrick GREGOIRE, capitaine de police, chef de l'unité promotion recrutement égalité des chances (UPREC)

—  Mme Pascale ROY, commandant de police, conseiller mobilité carrière

—  Mme Catherine GIRAUD, commandant de police, conseiller mobilité carrière

—  M. Joël DEOM, major de police, conseiller mobilité carrière

—  M. Pierre TAINTURIER, brigadier chef de police, conseiller mobilité carrière

● Déplacement à la caserne Babylone de la garde républicaine (Paris)

Classe préparatoire intégrée

—  Lieutenant Émilie MILLION-BRODAZ, responsable de la classe préparatoire intégrée

—  15 jeunes gendarmes adjoints volontaires constituant la 2e promotion de la classe préparatoire intégrée

Direction générale de la gendarmerie nationale

—  Colonel Pierre CAUDRELIER, chef du bureau du recrutement

—  M. MOREAU, bureau du recrutement

—  Chef d'escadron Christophe HEURTEBISE, bureau de la formation

—  Lieutenant-colonel Richard PEGOURIÉ, bureau des personnels officiers

—  Lieutenant-colonel CARRET, bureau de la reconversion

—  Lieutenant-colonel MENDES, bureau de l'analyse et de l'anticipation

—  Colonel Christophe BOYER, directeur des enseignements de l’école des officiers de gendarmerie de Melun

1 () Enquête PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) de 2009, réalisée dans le cadre de l’OCDE.

2 () Les élèves de la classe préparatoire

3 () En application de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

4 () Contre seulement 8 714 agents un an plus tôt.

5 () Leur dénomination complète est : « cadets de la République – option police nationale ».

6 () De nombreuses écoles de police proposent d’accueillir les cadets de la République en internat.

7 () www.lagendarmerierecrute.fr.

8 () L’expression est du chef du centre d’information et de recrutement de Picardie.

9 () www.blog-police-recrutement.com.

10 () Pour l’édition 2011 : Montbéliard, Lyon Chassieu, Périgueux, Toulouse, Nîmes, Fos-sur-Mer, Rouen Oissel et Roubaix.

11 () Le ressort territorial comprend les régions : Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne, Franche-Comté et Bourgogne.

12 () Dans la 7e promotion de cadets de l’école nationale de la police nationale de Fos-sur-mer, un stagiaire est issu d’un EPIDe ; 7 jeunes formés dans un EPIDe s’étaient présentés aux épreuves de sélection.

13 () Pendant les 6 premiers mois, le gendarme adjoint volontaire peut bénéficier d’un congé de reconverion (sa solde nette mensuelle passe d’environ 900 euros à environ 650 euros, puis d’un congé complémentaire de reconversion au cours duquel sa solde nette est encore réduite)

14 () 3 % du coût restant à la charge du gendarme adjoint volontaire.

15 () Aide à l’accompagnement, au conseil et au suivi individuel dans le montage et la réalisation d’un projet de création ou reprise d’entreprise par le pôle « défense mobilité » et de prestations externes (association « entente des générations pour l’emploi et l’entreprise », chambres de commerce et d’industrie, chambres des métiers, etc.)

16 () Hors compte d’affectation spéciale « pensions ».


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