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N° 4032

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 décembre 2011.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

concernant les modalités de mise en place de l’Autorité de contrôle prudentiel

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Jérôme Chartier

Député.

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INTRODUCTION : LES TROIS DÉFIS DE L’ACP 5

1.– Renforcer les moyens du contrôle prudentiel de l’ACP : contrôles sur place et sanctions 7

2.– Renforcer le contrôle des pratiques commerciales 9

3.– Le principal défi de l’ACP : la gestion des ressources humaines 10

AUDITION DE M. CHRISTIAN BABUSIAUX, PRÉSIDENT DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DE LA COUR DES COMPTES : MERCREDI 23 NOVEMBRE 2011 À 9 HEURES 30 13

AUDITION DE MME DANIÈLE NOUY, SECRÉTAIRE GÉNÉRALE DE L’AUTORITÉ DE CONTRÔLE PRUDENTIEL : MERCREDI 30 NOVEMBRE 2011 À 9 HEURES 30 25

EXAMEN EN COMMISSION : MERCREDI 7 DÉCEMBRE 2011 À 9 HEURES 30 47

ANNEXE : RAPPORT D’ENQUÊTE DE LA COUR DES COMPTES (EN APPLICATION DE L’ARTICLE 58-2° DE LA LOLF) SUR LES MODALITÉS DE MISE EN PLACE DE L’AUTORITÉ DE CONTRÔLE PRUDENTIEL 53

INTRODUCTION : LES TROIS DÉFIS DE L’ACP

Par une lettre de son président Jérôme Cahuzac en date du 1er décembre 2010, la commission des Finances a saisi la Cour des comptes d’une demande d’enquête sur les modalités de mise en place de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) conformément au 2° de l’article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

M. Jérôme Chartier, Rapporteur spécial de la mission Économie, qui avait été le rapporteur de la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010, avait proposé ce thème au bureau de notre Commission.

Un travail d’évaluation par la Cour sur l’application de ces dispositions de la loi était d’autant plus opportun qu’il convenait de tenir compte des dispositions contenues dans l’ordonnance du 21 janvier 2010 notifiée dans la même loi.

M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes, est venu présenter l’enquête devant la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire le 23 novembre 2011. Puis, Mme Danièle Nouy, secrétaire générale de l’ACP, le 30 novembre les réactions de l’ACP. Le compte rendu de ces auditions figure ci-après.

Le rapporteur souligne à titre liminaire que l’enquête porte sur le fonctionnement de l’Autorité et non sur la qualité du contrôle prudentiel. La Cour des comptes ne s’est donc pas livré à une évaluation des actions menées par l’ACP. Une telle évaluation aurait été prématurée dans la mesure ou l’enquête est intervenue après seize mois seulement de fonctionnement de cette nouvelle autorité administrative indépendante.

Le rapporteur rappelle que l’ACP est née de l’ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 ratifiée par l’article 12 de la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010. L’Autorité de contrôle fusionnel est issue de la fusion de quatre autorités indépendantes préexistantes : le comité des établissements et des entreprises d’investissement, le comité des entreprises d’assurances, la commission bancaire et l’autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM).

La création d’une nouvelle autorité de supervision répondait à la volonté d’améliorer la régulation du secteur financier en l’orientant davantage vers le contrôle des risques. L’ordonnance du 21 janvier 2010 a ainsi donné trois objectifs pour renforcer l’efficacité du système français de supervision :

– veiller à la préservation de la stabilité du système financier ;

– protéger les clients et contrôler les pratiques commerciales ;

– renforcer l’influence de la France sur la scène internationale et européenne.

Adossée à la Banque de France, et employant dès à présent un millier d’agents, l’ACP est une autorité administrative indépendante financée par une contribution prélevée sur les organismes assujettis à son contrôle.

Elle dispose de pouvoirs de contrôle prudentiel, de police administrative et de sanction. En matière de protection de la clientèle, l’ACP coopère avec l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour ce qui est du contrôle de la commercialisation des produits financiers par le biais d’un pôle commun créée à cet effet. L’ACP dispose d’un pouvoir de police administrative élargi par rapport à celui dont disposaient la Commission bancaire et l’ACAM. En matière disciplinaire, notification des griefs et jugement ont été séparés, comme l’exige la jurisprudence européenne. L’ouverture de la procédure est effectuée par le collège et la décision de sanction est rendue par une commission des sanctions.

La fusion de quatre autorités administratives dans un contexte de bouleversement des règles prudentielles au plan international et européen et de crise financière sans précédent était une « réforme délicate à bien des égards » selon les propres termes de la Cour des comptes. Le rapporteur est conscient de la difficulté de la mise en place d’une telle autorité notamment en termes de gestion des ressources humaines.

Il convient d’indiquer que, concernant le contrôle prudentiel, les chantiers sont nombreux et représentent un travail considérable de supervision : préparation aux futures règles de Solvabilité II et de Bâle III, suivi du dimensionnement et de l’encadrement des activités de marché, application des nouvelles règlementations françaises (règles relatives à la liquidité, encadrement des bonus…), intensification du contrôle de la gouvernance.

Le rapporteur estime que la fusion tant du point organisationnel que de celui des effectifs est d’ores et déjà en phase de consolidation. Cependant, en se fondant sur l’enquête de la Cour des comptes, il identifie trois sujets méritant l’attention du Parlement dans le cadre de sa mission constitutionnelle de contrôle des finances publiques. Ces sujets devront faire l’objet d’améliorations importantes :

– en matière de contrôle prudentiel, la nécessité de renforcer les contrôles sur place et de clarifier la politique de sanctions ;

– en matière de contrôle des pratiques commerciales, la nécessité de développer le pôle commun ACP-AMF afin de prendre pleinement en considération les préoccupations et l’intérêt des consommateurs ;

– en matière de ressources humaines, la nécessité d’atteindre rapidement le niveau des effectifs prévus et d’engager une politique active de recrutement en vue d’attirer les profils techniques et de renforcer la présence de l’ACP au sein des autorités européennes et internationales de régulation financière.

1.– Renforcer les moyens du contrôle prudentiel de l’ACP : contrôles sur place et sanctions

D’une part, la Cour regrette que la commission des sanctions, indépendante du collège, et dont la création devait constituer l’une des novations importantes de la réforme n’a fait l’objet que de rares saisines. La Cour observe même que « la tendance au fléchissement du nombre de sanctions prononcées, déjà observée dans les anciennes autorités, s’est poursuivie depuis la création de l’ACP ». L'ACP a choisi d'agir de manière préventive en utilisant prioritairement ses pouvoirs de recommandation et de police administrative. Sans doute était-il justifié, dans les premiers mois, de procéder ainsi, mais aucune prévention n'est efficace si elle n'est accompagnée de mesures de sanctions. Le rapporteur ne peut que souscrire à cette observation de la Cour même s’il ose espérer qu’il s’agit d’un retard plutôt que d’une doctrine de l’ACP.

D’autre part, la Cour donne comme première recommandation en matière de contrôles prudentiels l’augmentation du nombre de contrôles sur place.

Mme Danièle Nouy, secrétaire générale de l’ACP a en partie rassuré sur ces deux points la Commission en donnant des données actualisées des contrôles et des sanctions par rapport à l’enquête de la Cour menée au printemps 2011.

Le nombre global d'enquêtes sur place a augmenté, surtout dans le nouveau domaine de compétences, les pratiques commerciales, et par le développement des enquêtes transversales dans les assurances. Celles-ci sont confiées à une nouvelle direction, similaire à la Délégation au contrôle sur place qui existe au sein de la Banque de France. Cette année, les contrôles initiés ont été multipliés par presque quatre dans le domaine des enquêtes transversales assurances – de zéro en 2009, nous sommes passés à sept en 2010, à vingt-six en 2011, et l’évolution se poursuivra. Ils ont été multipliés par dix dans le domaine des pratiques commerciales : soixante en 2011 contre six en 2010.

De fait, les chiffres donnés par la Cour des comptes reflètent les enquêtes sur place qui ont été menées là où l’ancienne organisation – Commission bancaire et ACAM – les réalisait déjà. Ceux de 2009 incorporent le nombre de contrôles effectués pour l’Autorité des marchés financiers (AMF) et pour la Direction générale des opérations de la Banque de France. Or, si l’on ne considère que le contrôle bancaire, le nombre de contrôles est de 130 contrôles et non de141 comme indiqué. L’année suivante, en revanche, la Cour retient bien un chiffre de 141 enquêtes, sans comptabiliser les enquêtes menées pour la Direction générale des opérations et l’Autorité des marchés financiers (AMF).

En outre, le nombre brut d'enquêtes sur place ne paraît pas être un critère pertinent pour mesurer la diversité de la nature des enquêtes. Celles qui ont vocation à examiner certains pans d'activités de grands groupes ou à valider des modèles internes, le cas échéant en incluant un volet de vérification dans des filiales à l'étranger, nécessitent des équipes importantes, spécialisées et pluridisciplinaires, et sont nécessairement plus lourdes et plus longues que des enquêtes à caractère général dans des établissements de petite taille. Pourtant, les unes et les autres sont décomptées de la même manière.

La secrétaire générale de l’ACP a rappelé à juste titre que le contrôle sur place n’est qu’un élément du contrôle prudentiel, qui passe également par le contrôle permanent. Les composantes du contrôle permanent sont multiples : contrôle sur pièces – examen des documents périodiques remis par les établissements –, préparation et tenue des collèges de superviseurs qui se sont multipliés ces dernières années pour les groupes bancaires présents en Europe et dans le reste du monde, échanges au fil de l'eau, réunions régulières avec les principaux responsables des établissements, suivi rapproché de certains établissements lorsque cela a été décidé par le collège. Le temps des marchés peut imposer d’aller plus vite que ne le permettent les vérifications sur place, qui prennent plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Le principal problème est actuellement la liquidité et nous le suivons par des appels quotidiens à tous les grands établissements.

Enfin, en matière de contrôle permanent, l’ACP a mis en œuvre une nouvelle modalité, reprise du contrôle de l’assurance : les « visites sur place » qui complètent les entretiens réguliers et permettent de s'assurer de la prise en compte de recommandations formulées à l’occasion des contrôles sur place et de mener des analyses transversales de certaines activités. Quinze visites sur place auront été menées en 2010, treize en 2011 et trente sont prévues en 2012.

Nombre de contrôles sur place réalisés par la Commission bancaire
et par l’ACAM, puis par l’ACP à partir de mars 2010

– Délégation du contrôle sur place pour l’ACP (hors extensions à l’étranger)

2009 : 110

2010 : 118

2011 : 110, dont 89 achevées en novembre et 21 en cours

– Direction du contrôle des pratiques commerciales

Contrôles débutés en 2010 : 6

Contrôles débutés en 2011 : 62

– Brigades assurances

2009 : 39

2010 : 37

2011 : 34 contrôles achevés en novembre 2011 et 25 contrôles en cours

– Direction des contrôles spécialisés et transversaux

2010 : 6

2011 : 14 contrôles achevés et 13 en cours

– Visites sur place (dans le cadre du contrôle permanent bancaire)

2009 : 0

2010 : 15

2011 : 13

– Entretiens individuels de contrôle bancaire

2009 : 950, soit +8% par rapport à 2008)

2010 : plus de 900

2011 : 852 au 30 septembre, soit environ 1100 sur un rythme annuel.

Source : ACP

En ce qui concerne la politique de sanctions, le nombre actuel de saisines de la commission des sanctions doit s'apprécier dans le cadre du processus global de mise en place de l'Autorité, marqué notamment par la publication tardive
– le 28 juin 2011 – du décret d'application de la loi de régulation bancaire et financière précisant la procédure devant la commission des sanctions. Depuis lors, deux nouvelles ouvertures de procédure disciplinaire sont intervenues, qui s'ajoutent à celle que mentionne la Cour et dont l’une concerne un second grand groupe. Au total, ce sont donc trois saisines qui seront intervenues depuis juin, sachant qu'une nouvelle ouverture pourrait être décidée d'ici à la fin de l'année. En moyenne, cela représente plus d'une saisine tous les deux mois depuis la parution du décret.

Mme Danièle Nouy a indiqué à la Commission que la solution la plus rapidement efficace n’était pas toujours l'engagement de procédures disciplinaires qui sont lourdes et longues. L'exemple de l'AMF dont les procédures ont servi de modèle pour celles de l’ACP montre que les procédures disciplinaires peuvent mettre un bon nombre de mois à aboutir. Elles ne sont donc pas la réponse appropriée à des situations difficiles de liquidité ou de solvabilité nécessitant une action urgente.

2.– Renforcer le contrôle des pratiques commerciales

Selon la Cour, le pôle commun de l’Agence et de l’Autorité des marchés financiers est mis en place, mais « il doit encore faire ses preuves ».

Il existe aujourd'hui une pluralité d'intervenants en matière de protection des consommateurs de produits financiers : non seulement l’AMF et l’ACP, mais aussi le Comité consultatif du secteur financier et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). L’ACP doit mener plus d’actions concertées avec ces intervenants.

Le rapporteur s’interroge également sur le développement au sein de l’ACP d’une « culture du consommateur » en complément de la culture traditionnelle de superviseur prudentiel. L’enjeu est de taille, car l’attente des consommateurs est grande et les besoins de régulation importants.

Dans ce domaine de la protection des consommateurs et des épargnants, il faut cependant éviter la confusion quant aux rôles respectifs de l’ACP, du pôle commun et de l’AMF.

Dans un souci de simplification pour les particuliers, le point d’entrée habilité à recevoir les demandes des clients, « Assurance Banque Épargne Info Service », englobe tous les produits et services financiers mais les deux autorités ont des champs de compétences spécifiquement définis par la loi. En termes de pratiques commerciales, celui de l’ACP comprend une très large palette de services et de produits financiers, dont plusieurs – crédits à la consommation, crédits à l’habitat, conventions de compte, assurance automobile, assurance santé, assurance emprunteur, etc. – ne sont nullement des produits d’épargne et n’entrent pas dans le champ de coordination du pôle commun, qui n’a aucune compétence en la matière. Dans ces domaines très importants pour les consommateurs, les 75 agents que compte actuellement la direction du Contrôle des pratiques commerciales mènent de nombreuses actions de veille et de contrôle selon des méthodologies qui leur sont propres.

Le pôle commun a, quant à lui, la responsabilité des produits d’épargne. Les dépôts bancaires et l’assurance-vie sont dans le champ de compétences de l’ACP, tandis que les actions, les obligations, les instruments financiers vendus directement sur des comptes titres sont du ressort de l’AMF. L’action des deux autorités doit être coordonnée dans le champ de ces produits.

Néanmoins, il faut prendre en compte le fait que la commercialisation de chaque produit relève de dispositions légales et réglementaires spécifiques qu’il convient à chaque autorité de faire appliquer. Ainsi, des produits d’épargne qui sont parfois substituables peuvent être différents du point de vue juridique : un contrat d’assurance n’est pas un compte-titres.

3.– Le principal défi de l’ACP : la gestion des ressources humaines

Le rapporteur ne peut que constater l’enjeu majeur que représente la gestion des effectifs pour l’avenir de l’ACP. En effet, il existe en la matière deux objectifs prioritaires : l'un, quantitatif, est d’atteindre la taille cible le plus rapidement possible ; l'autre, qualitatif, est d’adapter les recrutements externes aux compétences dont l'ACP a besoin en maintenant, pour le contrôle des assurances comme des banques, un haut niveau d'expertise dans un contexte de fortes sollicitations pour la mise en œuvre de la réforme de Bâle III et de Solvabilité II.

Aujourd’hui, trois catégories de personnel coexistent au sein de l’ACP :

– les personnels de statut Banque de France , qui se répartissent entre des titulaires ayant passé le concours et des contractuels recrutés en dehors des concours, y compris des fonctionnaires détachés sous contrat Banque de France ;

– les personnels de droit public, issus de l’ex-ACAM, comprenant des fonctionnaires détachés et des contractuels ;

– les fonctionnaires affectés, soit les cadres du corps de contrôle des assurances, devenus ingénieurs du corps des mines.

Les agents titulaires de la Banque de France constituent la grande majorité des effectifs de l’ACP. Pourtant, des mouvements de départs importants ont été constatés vers la Banque de France, qu’il a fallu compenser par une politique active de recrutement sur le marché du travail menée par l’ACP. Ainsi, la part des personnels « contractuels » de la Banque et des chargés de mission, quoique toujours très minoritaire, a presque triplé entre juin 2010 et octobre 2011.

Le rapporteur considère qu’une accélération des recrutements doit être menée pour faire face aux besoins de profils techniques et expérimentés sur les métiers de la régulation bancaire et des assurances. Cependant, il considère que les rémunérations proposées par l’ACP peuvent constituer un frein aux recrutements sur le marché de travail. En effet, le secrétariat général souhaite maintenir une certaine comparabilité des rémunérations entre les différents statuts au sein de l’Autorité. En éliminant les candidats aux prétentions salariales les plus élevées, l’ACP se retire la possibilité de recruter des profils ès qualités, par exemple des cadres de compagnies bancaires ou d’assurance qui seraient à même de renforcer de manière décisive les capacités de contrôle et de régulation de l’ACP. L’Autorité ne semble pas organisée pour procéder à de tels recrutements de très haut niveau pour un temps déterminé et le rapporteur le regrette.

L’ACP doit donc augmenter son attractivité pour recruter du personnel en nombre et en qualité. De la même façon, l’insuffisante attractivité de l’ACP explique la difficulté que rencontre celle-ci à trouver des agents désireux d’occuper des postes à l’étranger. Or, la faiblesse des forces que l’ACP peut engager pour représenter la France au plan international et surtout au plan européen, avec la création de trois nouvelles autorités de régulation européenne, a été relevé par les entreprises, les fédérations professionnelles, la Cour des comptes et Mme Danièle Nouy elle-même.

*

* *

AUDITION DE M. CHRISTIAN BABUSIAUX,
PRÉSIDENT DE LA PREMIÈRE CHAMBRE
DE LA COUR DES COMPTES :
MERCREDI 23 NOVEMBRE 2011 À 9 HEURES 30

La Commission entend M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes, sur un rapport d’enquête demandé à la Cour des comptes, en application du 2° de l’article 58 de la LOLF, concernant les modalités de mise en place de l’Autorité de contrôle prudentiel instituée par la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière.

M. le président Jérôme Cahuzac. Nous avons le plaisir de retrouver M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes, accompagné de magistrats ayant participé à l’élaboration du rapport réalisé par la Cour à notre demande.

Il y a près d'un an, Jérôme Chartier, qui avait été rapporteur de la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010, a proposé que la Cour se penche sur les modalités de mise en place de 1'Autorité de contrôle prudentiel (ACP).

Chacun se souvient que cette nouvelle autorité est destinée à renforcer la supervision sur les marchés. Ses pouvoirs sont sensiblement plus étendus que ceux des quatre organismes dont elle a pris la suite, en particulier les deux autorités de supervision prudentielle : la Commission bancaire et l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, l’ACAM. L'ACP est donc un organisme de taille imposante, « adossé » à la Banque de France, mais aussi une autorité administrative indépendante dont le rôle est particulièrement éminent dans la période de crise financière que nous traversons.

Même s'il est sans doute un peu tôt pour dresser un état complet de la situation, l'enquête de la Cour des comptes devrait nous être très utile sur cet aspect particulier, mais stratégique, de l'application de la loi. La semaine prochaine, nous entendrons Mme Danielle Nouy, secrétaire générale de l'ACP. Nous lui demanderons quelles leçons l'Autorité tire des constats et des recommandations de la Cour.

M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes. Je remercie votre commission d’avoir posé à la Cour cette question de la supervision, dont chaque jour montre un peu plus le caractère crucial, et de nous avoir invités aujourd'hui à présenter notre rapport.

La mise en place, en mars 2010, de l'Autorité de contrôle prudentiel a répondu à la crise financière et bancaire survenue à partir de l'été 2007. Elle est le produit de la fusion de quatre autorités indépendantes, principalement la Commission bancaire et l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM). Le rapport que votre commission avait demandé à la Cour portait sur la mise en place de cette nouvelle institution et non pas sur l'exercice même de ses missions.

J'aborderai naturellement les questions traditionnelles liées à une fusion, telles que les frais généraux, la rationalisation des fonctions de support, les effectifs, etc. Cependant, compte tenu de l'actualité et même s'il n'entrait pas dans le champ de l'enquête de la Cour d'apprécier la qualité de la supervision exercée par l'ACP, j'évoquerai en premier lieu ce qui, dans le rapport, concerne la supervision prudentielle.

Dans le contexte actuel de profonde instabilité financière, une supervision prudentielle efficace est fondamentale. En effet, les moyens dont dispose l'État pour réguler le secteur financier sont devenus très limités, la réglementation étant pour l'essentiel élaborée au niveau européen, voire international. Il est d’autant plus important que les quelques moyens que conserve l'autorité nationale de supervision prudentielle soient à la hauteur des enjeux actuels. La Cour avait souligné cela dès janvier 2008 dans des référés au Premier ministre sur la Commission bancaire et l'ACAM.

Vous trouverez dans le rapport un certain nombre d'éléments à ce sujet. La Cour y décrit les premières réalisations de l’ACP et les progrès par rapport à la situation antérieure, mais elle relève aussi trois sujets de préoccupation.

Tout d'abord, pour être en mesure de faire face à la situation actuelle de crise, la consolidation de l'Autorité devrait être accélérée.

Le collège de l'Autorité a fixé pour la fin 2012 une cible d'effectifs de près de 1 150 personnes, contre un peu moins de 900 en mars 2010. À la date de notre enquête, en août et septembre, la possibilité d’atteindre cet objectif n'était pas assurée. L'ACP procède à des recrutements importants sur le marché du travail et en provenance de la Banque de France. Elle a dû faire face à un nombre très significatif de retours vers la Banque de France de personnels de l'ancienne Commission bancaire. Elle doit également gérer les conséquences de l'intégration du corps des contrôleurs des assurances dans celui des ingénieurs des mines, réforme statutaire qui incitera bon nombre de commissaires contrôleurs à quitter l’ACP pour d’autres missions. Or, l'ACP doit atteindre le plus rapidement possible son effectif cible afin d'assurer pleinement le contrôle prudentiel.

En deuxième lieu, le nombre des contrôles sur place des établissements, et les moyens qui y sont consacrés devraient être accrus. La Cour a relevé que ce nombre était resté stable depuis les enquêtes qu’elle a menées sur la Commission bancaire et l'ACAM en 2007-2008. Or, le resserrement nécessaire de la vigilance sur la situation des établissements bancaires et d’assurance impose un accroissement du nombre et des moyens du contrôle sur place.

Certes, l'ACP a mis l'accent sur le renforcement des effectifs des contrôleurs du secteur de l’assurance en prévoyant dans son objectif une augmentation de 75 %, eu égard à la situation héritée de l'ancienne ACAM et à l'augmentation des tâches dans ce domaine. Cependant, nous avons également relevé que l'ACP augmentait fortement les effectifs des fonctions de support à l’horizon 2012, alors que ces fonctions représentaient déjà, en mars 2010, 15 % de ses effectifs. Cette proportion nous semble élevée : une fusion doit être l’occasion de gagner sur les fonctions support pour donner la priorité à l’effectif opérationnel. L'adossement de l'ACP à la logistique de la Banque de France et les synergies liées à la fusion des deux anciennes autorités doivent être des facteurs de productivité, de manière à accroître le nombre et l’efficacité des contrôles sur place.

Enfin, pour être pleinement efficace, la supervision prudentielle nécessite un réel usage des pouvoirs de sanction que le législateur a conférés à l’Autorité.

C’était un enjeu important de la réforme, dans la ligne de ce que la Cour des comptes avait préconisé : alors que ce dispositif n’existait ni à la Commission bancaire ni à l’ACAM, une commission des sanctions a été créée au sein de l’Autorité de contrôle prudentiel, à l’instar de celle de l’Autorité des marchés financiers.

L'ACP a choisi d'agir de manière préventive en utilisant prioritairement ses pouvoirs de recommandation et de police administrative. Sans doute était-il justifié, dans les premiers mois, de procéder ainsi, mais aucune prévention n'est efficace si elle n'est accompagnée de mesures de sanctions. Or, loin d'augmenter, le nombre des sanctions a encore fléchi depuis la création de l'Autorité. L'ACP dispose pourtant de tous les pouvoirs et modalités pertinents pour qu'une politique de sanctions soit effectivement mise en œuvre. La Cour n'a pas relevé de difficultés quant aux pouvoirs théoriques que le législateur lui a confiés.

En résumé, un message commun se dégage des trois points que je viens de présenter : la nécessité d'accélérer le déploiement de l'ACP. L'ordonnance créant cette autorité a été publiée près de trois ans après le début de la crise à l'été 2007. Il ne faudrait pas attendre encore deux ans pour que l'ACP fonctionne pleinement.

Je souhaite maintenant évoquer les deux autres missions confiées à cette autorité : la protection des clients et l'action internationale.

Nous connaissons l'intérêt que M. le député Chartier et nombre de membres de votre commission portent à la protection des consommateurs et des épargnants. Dans la situation antérieure, l'ACAM avait, comme l’AMF, des attributions dans ce domaine. En revanche, la Commission bancaire n’intervenait ni dans les relations commerciales ni dans la protection des usagers du système bancaire. La Cour des comptes avait préconisé que l'AMF, qui avait une expérience en la matière, se voie confier l’ensemble de la protection des citoyens dans ces domaines financiers. L'ordonnance du 21 janvier 2010 a choisi une autre voie : elle a également conféré à l’ACP un rôle de protection des usagers et, puisque deux autorités disposent désormais de ce type de pouvoirs, elle a prévu la création d’un pôle commun pour assurer la coordination de l’ensemble.

Le pôle commun s'est mis en place, mais il doit encore faire ses preuves. S’agissant des modalités à mettre en œuvre, il doit développer des contrôles conjoints significatifs sur les pratiques commerciales des intermédiaires financiers. Le pôle ne saurait être un simple outil de coordination entre les deux autorités sur des domaines limités. Il existe aujourd'hui une pluralité d'intervenants en matière de protection des consommateurs de produits financiers : non seulement l’AMF et l’ACP, mais aussi le Comité consultatif du secteur financier et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). C'est pourquoi le pôle devrait devenir rapidement le lieu d'une action concertée globale, faute de quoi cette pluralité d'intervenants devrait être réexaminée. Enfin, il est souhaitable que l'ACP, qui privilégie aujourd'hui le contrôle réglementaire des professionnels, porte une plus grande attention aux préoccupations des consommateurs et des épargnants. Elle pourrait ainsi enrichir les activités du pôle commun.

La contribution aux autorités européennes et internationales de régulation financière était également un objectif important fixé par le législateur. La présence de l'ACP dans les enceintes européennes et internationales se heurte à une insuffisance de moyens : il faut agir sur tous les fronts, notamment pour la poursuite des travaux sur la réglementation prudentielle et au sein des nouvelles autorités européennes. Il conviendrait donc que l'Autorité, mais aussi la Banque de France dont vient une partie de ses effectifs, mettent en œuvre les modalités concrètes de gestion des ressources humaines, avec à la fois des recrutements externes de haut niveau et des redéploiements, pour créer des perspectives de carrière à l'international.

J’en viens à la gestion interne de l’Autorité. En matière d’effectifs, il existe deux objectifs prioritaires : l'un, quantitatif, atteindre la taille cible le plus rapidement possible ; l'autre, qualitatif, adapter les recrutements externes aux compétences dont l'ACP a besoin et de maintenir, pour le contrôle des assurances, un haut niveau d'expertise dans un contexte de fortes sollicitations pour la mise en œuvre de la réforme de Solvabilité II. À cet égard, l'intégration des personnels de l'ancienne ACAM dans les statuts des agents de la Banque de France a fait l'objet d'actions adéquates. L'impact de la disparition du corps des commissaires contrôleurs des assurances, ainsi que la compensation des départs, appellent néanmoins une attention particulière.

S'agissant du budget, l'exercice 2010 a été légèrement excédentaire et l’ACP dispose d’un « matelas » de trésorerie issu de l’ancienne ACAM.

Deux sujets seraient cependant à examiner. Le premier concerne le législateur. À court terme va se poser la question de la contribution de la Caisse des dépôts et consignations au fonctionnement de l’ACP. La commission de surveillance ayant confié à l'ACP l'examen du respect de la réglementation bancaire et financière par la Caisse, cette dernière devra, d’une manière ou d’une autre, contribuer au fonctionnement de l’Autorité.

Le deuxième sujet est de plus long terme, compte tenu de la réserve dont dispose l’ACP, mais il faudra bien y venir un jour : un rééquilibrage des contributions respectives des deux secteurs concernés, banques et assurances, sera certainement nécessaire.

S’agissant enfin des frais de fonctionnement, il conviendrait de réduire certains coûts tout en poursuivant la rationalisation des fonctions de support que j'évoquais tout à l'heure. Trois postes ont attiré notre attention : les frais de mission et la gestion de la flotte automobile ; le budget immobilier, qui est le troisième poste de dépenses de l'ACP ; l'organigramme même de l'ACP, où certaines rationalisations restent à faire : nous avons ainsi relevé que la direction générale comprend cinq secrétaires généraux adjoints.

En conclusion, je soulignerai que l'ACP assume de lourdes responsabilités sur l'ensemble du secteur financier. Notre enquête nous a convaincus qu’elle est déterminée à les exercer. Cependant, dans le contexte actuel, notre dispositif prudentiel est confronté à un enjeu majeur que la Cour avait déjà identifié dans son référé adressé au Premier ministre en janvier 2008 : celui de prévenir et d'anticiper les crises financières. « La supervision bancaire, écrivions-nous, doit être constamment exercée dans la perspective d'un éventuel retournement des cycles économiques et de la survenance d'une crise de confiance qui peut avoir une origine internationale. » Cette phrase conserve son actualité, et la demande de votre commission est intervenue à un moment particulièrement opportun.

Les deux priorités soulignées dans le rapport que nous vous avons remis tiennent en quelques mots : accélérer l'arrivée à l'organisation cible de l'Autorité ; donner à celle-ci la pleine dimension de l’exercice de ses pouvoirs, telle que le législateur l'avait souhaitée.

M. Jérôme Chartier. Cette enquête nous fournit un point de situation très précis et très utile sur l’Autorité de contrôle prudentiel. Le rapport met en exergue trois « points à perfectionner », que je qualifierais pour ma part de manquements, dans l’exercice actuel des missions de l’ACP.

D’abord, le nombre de contrôles sur place n’a pas augmenté par rapport à celui qu’avait constaté la Cour dans ses enquêtes sur la Commission bancaire et l’ACAM avant la crise financière de 2008. Pourtant, au moment où la Cour achevait cette nouvelle enquête en septembre dernier, de nombreux signes annonçaient la « seconde crise ». De plus, une des missions assignées à l’ACP était précisément d’accroître les contrôles sur place tant dans le secteur bancaire que dans le secteur de l’assurance.

Ensuite, le fonctionnement du pôle de protection des consommateurs, commun à l’Autorité des marchés financiers et à l’Autorité de contrôle prudentiel. Le sujet avait été au cœur des débats sur la loi de régulation bancaire et financière, chacune des autorités estimant qu’il devait faire partie de ses prérogatives. Or, la mise en place de ce pôle semble se heurter à des difficultés.

Enfin, la création de l’ACP ne s’est pas accompagnée d’un accroissement de l’influence française dans les instances européennes et internationales travaillant à la définition des normes. On sait pourtant les difficultés que connaît la France dans l’application de Solvabilité II.

Je note par ailleurs que le contrôle de la Caisse des dépôts et consignations fait partie du périmètre de l’ACP mais que les modalités de contribution de la Caisse au fonctionnement de cet organisme restent à définir.

Nous interrogerons la semaine prochaine Mme Danielle Nouy sur la façon dont l’ACP entend donner suite à ce rapport. D’ores et déjà, permettez-moi de poser trois questions.

Premièrement, le rapport souligne que les saisines de la commission des sanctions sont peu nombreuses et que les sanctions prononcées sont faibles. Que recommandez-vous à l’ACP ou, le cas échéant, au législateur pour que le dispositif de sanctions voté dans le cadre de la loi de régulation bancaire et financière soit réellement appliqué ?

Deuxièmement, il semble que l’ACP n’ait l’intention de recruter que du personnel sous statut de la Banque de France. Or, comme vous l’avez justement remarqué, il serait utile – au regard notamment des discussions internationales et des négociations relatives aux nouvelles normes – de procéder au recrutement ès qualités, en dehors du cadre de la Banque de France, de personnes très compétentes et performantes dans ces domaines. Est-ce là une recommandation que vous faites à l’ACP ?

Troisièmement, pour que le pôle commun fonctionne réellement et pour qu’il ait une identité forte auprès des consommateurs, de sorte que chaque Français sache que sa saisine est possible, faut-il que l’ACP lui détache du personnel ? Ou pensez-vous que le fonctionnement sera toujours difficile et qu’il vaut mieux en rester à la concertation, auquel cas l’AMF et l’ACP devront renforcer leur communication auprès des consommateurs ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Pourriez-vous préciser la notion de « droit souple » évoquée dans le rapport et qui est, probablement une transposition de la notion de soft law ? S’agit-il, contrairement à ce que l’expression pourrait laisser croire, de recommandations renforcées ? Ces bonnes pratiques sont-elles opposables devant la justice ? Pourquoi l'ACP n'utilise-t-elle pas un système de sanctions plus classique ?

Bien que l’enquête menée par la Cour porte sur les modalités de mise en place de la nouvelle Autorité et non sur la qualité du contrôle, peut-on déjà porter une première appréciation sur ses actions en matière prudentielle ? Lors de la présentation du projet de loi, la ministre de l’économie avait indiqué que l’ACP devrait contrôler les agences de notation. Nous l’avions interrogée sur les moyens que l’Autorité consacrerait à ce contrôle. À ma connaissance, ces moyens n’existent toujours pas. Cela signifie-t-il que l’on a transféré le contrôle à l’AMF, auquel cas nous attendrons que la Cour consacre une enquête à cette instance pour nous assurer de la mise en place desdits moyens ?

M. Christian Babusiaux. La stagnation du nombre des contrôles sur place tient sans doute à des hésitations consécutives à la fusion, mais aussi au départ d’un nombre non négligeable d’agents retournant à la Banque de France et de commissaires contrôleurs. Malgré l’impulsion que les responsables de l’Autorité ont cherché à donner, ces mouvements de personnel ont certainement perturbé l’activité. De plus, l’ACP doit faire face simultanément à de très nombreuses tâches, notamment la mise en œuvre des nouvelles règles prudentielles applicables aux assurances et aux banques. Pour ses premiers recrutements, elle a cherché à développer les effectifs dans le secteur des assurances et à mettre en place une cellule consacrée à la protection des consommateurs afin de contribuer au pôle commun avec l’AMF. Il est nécessaire de passer désormais à la phase suivante en affirmant clairement l’objectif d’une augmentation des contrôles sur place.

S’agissant du pôle commun, l’Autorité des marchés financiers exerce depuis longtemps une activité de protection des épargnants. Les représentants des associations d’épargnants ou de consommateurs que nous avons auditionnés se sont d’ailleurs dits satisfaits des conditions de travail avec l’AMF. Pour sa part, l’ACP a dû mettre en place une nouvelle structure d’une vingtaine de personnes dont la mission de protection des usagers des services bancaires est fort différente de celles que remplit un organisme surveillant les grandes entités des secteurs de la banque et de l’assurance. De l’avis même des personnes que nous avons auditionnées, cette entité doit développer son action. Le pôle commun ne peut fonctionner que s’il marche sur ses deux jambes, ce qui n’est pas encore le cas. Il sera sans doute opportun de refaire le point dans un an, le temps qu’il fasse ses preuves.

La réflexion sur la contribution de la Caisse des dépôts est en cours. Le président de la commission de surveillance, M. Michel Bouvard ici présent, aura certainement des observations à formuler sur ce point.

Pour ce qui est du nombre de saisines de la commission des sanctions et du nombre de sanctions qu’elle prononce, la Cour formule plusieurs recommandations.

En premier lieu, lorsqu’un contrôle sur place a eu lieu, il faut ensuite assurer un suivi rapproché afin de vérifier que les recommandations ou observations ont été prises en compte. En cas de manquement, la saisine de la commission des sanctions est nécessaire.

En second lieu, la complexité de l’activité de supervision implique que le secrétariat général, qui mène ces contrôles, informe le collège de l’ACP de manière plus systématique. Le collège pourra ainsi se prononcer en toute responsabilité sur la saisine de la commission des sanctions.

En troisième lieu, l’ACP doit préciser sa doctrine en matière de saisine de la commission des sanctions.

Le « droit souple », monsieur le président Cahuzac, est bien une traduction malhabile de l’expression anglo-saxonne soft law. Cela étant, le texte en vigueur ouvre effectivement à l’ACP une série de modalités d’action – code de bonne conduite, recommandations, etc. – relevant de ce soft law qui me semble indispensable dans ces domaines et que l’ACAM avait déjà mis en œuvre, souvent avec succès malgré les débats que cela a soulevés avec le secteur des assurances. Tout ne peut pas reposer sur la loi ou le règlement : il faut être à même d’agir vite et le « droit souple » est un des éléments de cette réactivité. Mais il faut aussi éviter une complexité excessive des différents instruments et de leur articulation. Les acteurs des secteurs concernés nous ont dit qu’il y avait trop de catégories de « droit souple » et qu’il était difficile de distinguer ce qui relève de la recommandation et ce qui a une véritable portée réglementaire, d’autant que telle ou telle recommandation peut être approuvée, et donc rendue obligatoire, par le ministre lui-même.

Bref, le « droit souple » est une bonne idée, mais il sera souhaitable de faire le point, après un certain délai, sur les résultats de l’utilisation de cet ensemble d’instruments et de procéder le cas échéant à une clarification et à une simplification.

J’en viens à votre question sur le contrôle les agences de notation, qui relevait jusqu’au 1er juillet de la compétence de l’AMF. Depuis cette date, c’est l’ESMA – European Securities and Markets Authority – qui assure ce contrôle au niveau européen.

M. Dominique Baert. Compte tenu des fonctions que j’ai exercées par le passé, vous comprendrez que, par déontologie, je m’astreigne à limiter mes questions.

La Cour insiste beaucoup sur la nature, la fréquence et les suites du contrôle sur place. Mais, le contrôle le plus habituel est le contrôle sur pièces, à partir des documents comptables et de suivi transmis par l’établissement. Or, ce contrôle manque d’exhaustivité. La faiblesse du reporting en matière d’opérations de court terme et de gestion de trésorerie au quotidien a pu donner le sentiment que les autorités de contrôle prudentiel n’avaient pas la capacité, en personnel et en moyens techniques, d’apporter des réponses efficaces. Alors que le suivi des opérations quotidiennes devient de plus en plus complexe, la Cour estime-t-elle que le personnel actuellement affecté au contrôle sur pièces est suffisant ?

Par ailleurs, si nous regrettons qu’aucune véritable autorité de contrôle prudentiel européenne ne se fasse jour, les échanges bilatéraux entre autorités nationales permettent un contrôle international de fait. Quel regard la Cour porte-t-elle sur l’efficacité de cette coordination, notamment avec les autres autorités européennes et avec la Fed ?

Enfin, que peut-on attendre d’une autorité de contrôle prudentiel ? Quel est son véritable pouvoir de régulation au regard de l’intérêt public ? En tant que rapporteur spécial pour la mission budgétaire Engagements financiers de l’État, j’ai été très frappé d’apprendre par l’Agence France Trésor que les premiers opérateurs à s’être désengagés de la dette publique française après l’appréciation négative d’une agence étaient de grandes compagnies françaises d’assurance ou d’investissement bancaire. Dans son fonctionnement actuel, l’ACP ne peut que découvrir le phénomène a posteriori, sans être capable d’agir ex ante. Une vraie régulation ne suppose-t-elle pas des échanges avec les investisseurs institutionnels ? La Cour ne pense-t-elle pas que des progrès soient possibles en matière de régulation ex ante ?

M. Michel Bouvard. S’agissant de la Caisse des dépôts et consignations, l’intervention de l’ACP se fait dans un cadre précis. La Caisse n’est pas soumise à l’ACP. Conformément aux dispositions de la loi, c’est la commission de surveillance qui arrête le modèle prudentiel et le niveau des fonds propres, à partir des propositions de la direction générale et d’une contribution de l’ACP. Le champ du contrôle de l’Autorité est donc différent de celui qui existe pour un établissement financier de droit commun. En effet, la Caisse a un statut particulier qui la place sous le contrôle du Parlement. Comme investisseur de long terme, elle doit jouer un rôle contracyclique nécessitant une adaptation des normes prudentielles.

Le législateur n’a pas prévu, à ce jour, de contribution financière de la Caisse. C’est pourquoi, nous avons décidé, avec le directeur général, de ne pas donner suite pour le moment à la facture de 6 millions d’euros que l’ACP nous a présentée, et qui correspond à un montant de 10 millions d'euros en année pleine.

Il ne paraît pas illogique que la Caisse contribue au travail effectué par l’ACP en son sein. Ce travail étant différent de celui que l’Autorité accomplit dans d’autres établissements, il conviendra que nous déterminions des modalités calculées sur une base équitable. Si, pour les fonds d’épargne et la section générale, les choses sont relativement claires, certaines entités de la Caisse relèvent déjà du contrôle de l’ACP, à commencer par CNP Assurances.

Mais, en l’absence d’une disposition législative – à laquelle nous avons le temps de travailler –, il ne peut y avoir de contribution. On notera cependant que la Caisse est un établissement public qui contribue chaque année aux recettes de l’État et que, par ailleurs, l’ACP dispose d’un « matelas ». En attendant l’intervention du législateur, il paraît donc normal que la question soit traitée dans le cadre des relations financières entre l’État et l’ACP.

M. Christian Eckert. Je suis très inquiet. On parle d’une évolution de l’ACP sur des mois, voire des années, alors que les opérations financières se mesurent de plus en plus en jours, voire en secondes ou en nanosecondes. Au vu des événements récents et des errements auxquels ils ont donné lieu, la Cour a raison d’insister sur l’urgence d’accélérer les choses. Cela dit, quelle que soit sa capacité, l’ACP ne pourra pallier les défauts du travail du législateur.

L’activité de contrôle est de plus en plus difficile en raison de l’énormité des flux et de la rapidité de leur circulation. Il est prioritaire de multiplier les contrôles sur place, en particulier dans les salles de marché, et de recruter ou de former les personnels pour les effectuer. La Cour pose à juste titre la question des statuts. Les agents de la Banque de France ne sont pas malheureux, mais leur rémunération est sans commune mesure avec celle des agents qu’ils contrôlent. On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre... Or, il faut des personnels capables de suivre des opérations de plus en plus complexes et changeantes. La Cour mentionne le retour à la Banque de France de certains agents de l’ancienne Commission bancaire ou de l’ACP, mais je puis vous assurer que d’autres s’en vont dans le secteur privé.

Quoi qu’il en soit, ces difficultés ne doivent pas occulter la responsabilité du législateur face à des pratiques qu’il se doit d’interdire ou de limiter. Il faut bien entendu interdire, faute de pouvoir les contrôler, les CDS – credit default swaps – ou la spéculation haute fréquence.

La Cour constate le demi-échec de l’ACP. Elle est fondée à l’expliquer, entre autres, par le temps de réponse qui a accompagné la fusion. Mais cette fusion intervient au plus mauvais moment, et il est de toute façon indispensable que le législateur interdise certaines pratiques bancaires ou financières.

Enfin, la nécessité d’internationaliser l’action des régulateurs, au niveau européen ou au-delà, ne doit pas servir de prétexte pour se défausser en matière de contrôle. Même si l’affaire est antérieure à la création de l’ACP, il est inacceptable qu’un ministre affirme que le contrôle de Dexia n’était pas du ressort de l’autorité de régulation française parce que le siège de la holding était en Belgique. Le contrôle prudentiel doit s’exercer aussi bien sur l’activité des banques étrangères en France que sur celle des banques françaises à l’étranger. J’ai demandé à Mme Nouy le nombre de contrôles effectués par l’ACP dans les agences des banques françaises au Luxembourg. J’attends toujours la réponse, même si je la connais !

M. Alain Rodet. Les recommandations formulées par la Cour permettraient-elles d’éviter une affaire comme celle de Groupama ?

M. Christian Babusiaux. Le rapport de la Cour ne met pas en cause la qualité du contrôle sur pièces. Pour compléter ce contrôle dont vous soulignez à juste titre les limites, monsieur Baert, l’ACP a mis en place un dispositif d’entretiens approfondis avec les banques. Mais, à notre sens, rien ne peut remplacer le contrôle sur place.

S’agissant de la détention de dettes souveraines, il faut distinguer la responsabilité du superviseur, qui vérifie l’application des règles, et la responsabilité des autorités qui fixent ces règles, notamment en matière de répartition des risques. À la vérité, il existe aussi un troisième aspect, celui de l’autorité politique et des relations qu’elle entretient avec le secteur des banques et de l’assurance. En l’occurrence, je crois que la question posée ne relève pas de l’Autorité de contrôle prudentiel.

La Cour n’a pas mené de vérifications spécifiques au sujet des contacts bilatéraux et du fonctionnement européen : ce n’était pas l’objet de son enquête. Mais, de l’avis général des acteurs du système et de l’ACP elle-même, la marge de progrès est grande en matière de collaboration entre les autorités de supervision en Europe.

En ce qui concerne la Caisse des dépôts, le président Bouvard a fort bien resitué la question. Au demeurant, nous avons rappelé la spécificité de la Caisse et souligné que c’est elle qui a choisi de recourir à l’ACP. Il faudra cependant traiter ce sujet, même s’il n’y a pas d’urgence absolue. Comme ce point concerne le législateur, il m’a paru utile de le mentionner.

Par ailleurs, le recrutement de personnels sur le marché du travail pose en effet un problème. Pour l’instant, les agents qui ne sont pas sous statut de la Banque de France sont une petite minorité. Il est évident que cette situation devra évoluer pour que l’ACP dispose de toutes les compétences nécessaires – sans se couper pour autant du vivier de grande qualité que représente la Banque de France. La gestion des ressources humaines est un enjeu majeur pour la nouvelle Autorité.

De nombreuses questions concernent telle ou telle entité du secteur de l’assurance ou du secteur bancaire et n’entrent pas dans le cadre de l’enquête qui nous a été demandée. Je confirme néanmoins que l’ACP a le pouvoir de contrôler les filiales françaises de groupes internationaux, même si ce contrôle est par nature plus complexe.

Mme Marie-Christine Dalloz. Lors de l’examen du budget, je m’étais étonnée que les départs de personnel de catégorie C et D de la Banque de France se transforment en recrutement massif de cadres A et A+. Je n’avais pas obtenu de réponse, mais ce mouvement semble pouvoir s’expliquer par les recrutements que la Cour décrit dans son rapport.

M. Dominique Baert, président. Les missions de contrôle et d’investigation s’accroissent et les missions d’exécution diminuent, en effet.

Monsieur le président Babusiaux, je vous remercie pour cette présentation.

AUDITION DE MME DANIÈLE NOUY,
SECRÉTAIRE GÉNÉRALE DE L’AUTORITÉ
DE CONTRÔLE PRUDENTIEL :
MERCREDI 30 NOVEMBRE 2011 À 9 HEURES 30

La Commission entend Mme Danièle Nouy, secrétaire générale de l’Autorité de contrôle prudentiel, sur un rapport d’enquête demandé à la Cour des comptes en application du 2°  de l’article 58 de la LOLF, concernant les modalités de mise en place de l’Autorité de contrôle prudentiel instituée par la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régularisation bancaire et financière.

M. le président Jérôme Cahuzac. La semaine dernière, M. Babusiaux, président de la première chambre, a précisé devant la commission des Finances les constatations et les propositions de la Cour. Notre échange de ce jour portera sur votre réaction à l'égard de ses conclusions et sur les suites que l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) entend leur donner.

La Cour a souligné que l'ACP avait à son actif un certain nombre de réalisations, à commencer par son installation rapide. Mais nous allons centrer notre attention sur les aspects qui restent perfectibles. L’audition de la semaine dernière a tracé deux axes principaux : d'abord, l'adéquation des moyens de l'Autorité à ses missions, l'aspect essentiel résidant à l'évidence dans la question des ressources humaines ; ensuite, la réalisation des objectifs de la loi de régulation bancaire et financière, dont notre collègue Jérôme Chartier fut le rapporteur.

Mme Danièle Nouy. Je remercie votre commission de me donner l'occasion de présenter, à la suite du rapport de la Cour des comptes, un premier bilan de l'action de l'Autorité de contrôle prudentiel, à un moment où l’on mesure combien la décision de renforcer le contrôle du secteur financier en France était appropriée.

Le changement de structure de la supervision en France a été rapidement réalisé. Pour mémoire, les autorités britanniques ont prévu deux ans pour la seule phase préparatoire d’un changement comparable. Or, la Cour n'a pas constaté de rupture dans l'exercice des fonctions qui relevaient antérieurement des quatre anciennes autorités. Certains des professionnels interrogés ont même relevé « la parfaite continuité de l'activité de l'ACP », ce qui, en pleine crise, nous paraît devoir être relevé.

En matière d'organisation générale de l'ACP et de son secrétariat général, le rapport relève que, grâce à un important travail de préparation, les structures collégiales ont été mises en place rapidement, le premier collège s'étant réuni dès le 9 mars 2010 et s'étant doté de son règlement intérieur le 12 avril. De la date de sa création au 31 décembre prochain, l'ACP aura tenu soixante-six séances, soit une moyenne de trois séances des collèges par mois, dans les formations plénière, restreinte ou sectorielles.

Les principes d'organisation des services ont été arrêtés par le collège dès le 9 mars 2010 et formalisés par une décision du 18 mars. Selon la Cour, cette organisation est « justifiée et pertinente » puisqu'elle s'est traduite par la création de plusieurs directions à vocation transversale – il y en a sept sur les treize que nous comptons – et qu'elle tient compte des nouvelles missions confiées à l'Autorité.

Les moyens matériels ont été rapidement disponibles grâce au regroupement des personnels sur un site unique. L'offre faite aux agents de l’ancienne Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM) d’être intégrés aux personnels de la Banque de France a reçu un accueil globalement favorable.

En ce qui concerne le fond de notre activité, le rapport de la Cour note que les sources d'instabilité financière identifiées par l'ACP ont directement influencé les priorités de contrôle définies pour 2011 par le collège plénier, et que ces axes se sont révélés pertinents à la lumière des développements de l'année, notamment en ce qui concerne la liquidité. Les thèmes et les modalités du contrôle, qu'il soit sur place ou permanent, ont été ajustés en fonction de la situation des établissements, des sujets de préoccupation et des nouvelles réglementations édictées par le législateur. Ce sera également le cas en 2012, dans le cadre des priorités que le collège vient d'adopter.

J’en arrive à la traduction concrète de ces principes d’organisation et de ces travaux en commentant les sujets évoqués lors de l'audition de la Cour, la semaine dernière. Bien que M. Babusiaux ait souligné des progrès par rapport à la situation antérieure et donné acte de ce que l'ACP est déterminée à exercer ses pouvoirs, il a mentionné trois sujets de préoccupation : la nécessité de consolider les effectifs, le nombre de contrôles sur place et la politique de sanction.

S'agissant des effectifs qui constituent un enjeu essentiel compte tenu de l'importance des missions de l'ACP, de l'impact de la crise et de la mise en place des nouvelles réglementations structurantes, notre objectif est d’approcher un effectif de 1 150 personnes à la fin de 2012 contre 898 au lendemain de la fusion. C'est un objectif ambitieux et nous menons, en liaison avec la Banque de France, des actions volontaires – voire volontaristes – de recrutement, tant dans le cadre de la mobilité interne et des concours de la Banque de France que dans le cadre de recrutements externes. Si je peux user d’une expression aussi triviale, je dirais que nous « mangeons à tous les râteliers » : nous recrutons des jeunes à la sortie des grandes écoles, des personnes ayant effectué un début de carrière dans le privé, des fonctionnaires détachés provenant d’horizons divers, des contractuels de la fonction publique.

En matière d'assurance, diverses actions sont engagées pour favoriser le recrutement de profils scientifiques car la refonte du statut des commissaires contrôleurs entraînera mécaniquement une réduction des recrutements par cette voie. À titre d'exemple, l'ACP a mis en place une procédure sans précédent au sein de la Banque de France avec l’organisation de jurys de recrutement, complétée par une participation plus active aux forums de recrutement organisés par certaines grandes écoles. Trente contrats à durée indéterminée de profil scientifique ont été signés en 2011, ce qui nous permet de remplir nos objectifs de recrutement dans le domaine de l'assurance et d'envisager avec confiance la suite. Nous estimons, comme M. Babusiaux et comme la Banque de France, dont l'action est très déterminée dans ce domaine, qu'il s'agit d'un enjeu crucial pour permettre à l'ACP de mener à bien l'ensemble de ses missions.

Le deuxième sujet de préoccupation relevé par M. Babusiaux a trait au nombre des contrôles sur place effectués par l'ACP. Comme cet aspect ne faisait l'objet ni d'une recommandation, ni même d'une remarque explicite dans le relevé d'observations provisoires soumis à contradiction, l'ACP n'a pas été à même de préciser sa position. Il me semble donc particulièrement utile d'aborder ce sujet avec vous aujourd'hui.

Sur le principe, l'ACP souhaite évidemment développer, dans le cadre des renforcements d'effectifs envisagés, le nombre de contrôles sur place.

Le nombre global d'enquêtes sur place a bien augmenté, surtout dans notre nouveau domaine de compétences, les pratiques commerciales, et par le développement des enquêtes transversales dans les assurances. Celles-ci sont confiées à une nouvelle direction, similaire à la Délégation au contrôle sur place qui existe au sein de la Banque de France. Cette année, les contrôles initiés ont été multipliés par presque quatre dans le domaine des enquêtes transversales assurances – de zéro en 2009, nous sommes passés à sept en 2010, à vingt-six en 2011, et l’évolution se poursuivra. Ils ont été multipliés par dix dans le domaine des pratiques commerciales : soixante en 2011 contre six en 2010.

De fait, les chiffres donnés par la Cour des comptes reflètent les enquêtes sur place qui ont été menées là où l’ancienne organisation – Commission bancaire et ACAM – les réalisait déjà. Ceux de 2009 incorporent le nombre de contrôles effectués pour l’Autorité des marchés financiers (AMF) et pour la Direction générale des opérations de la Banque de France ; or, si l’on ne considère que le contrôle bancaire, on est à 130 contrôles et non à 141 comme indiqué. L’année suivante, en revanche, la Cour retient bien un chiffre de 141 enquêtes, sans comptabiliser les enquêtes menées pour la Direction générale des opérations et l’AMF.

Du reste, le nombre brut d'enquêtes sur place ne paraît pas être un critère pertinent pour mesurer la diversité de la nature des enquêtes. Celles qui ont vocation à examiner certains pans d'activités de grands groupes ou à valider des modèles internes, le cas échéant en incluant un volet de vérification dans des filiales à l'étranger, nécessitent des équipes importantes, spécialisées et pluridisciplinaires, et sont nécessairement plus lourdes et plus longues que des enquêtes à caractère général dans des établissements de petite taille. Pourtant, les unes et les autres sont décomptées de la même manière. Il serait facile de « faire du chiffre » en multipliant les contrôles simples, mais je ne crois pas qu’il faille le recommander, bien au contraire.

Par ailleurs, il nous semble que la Cour n'a pas suffisamment pris en considération le fait que le contrôle sur place n’est qu’un élément du contrôle prudentiel, qui passe également par le contrôle permanent. Les composantes du contrôle permanent sont multiples : contrôle sur pièces – examen des documents périodiques remis par les établissements –, préparation et tenue des collèges de superviseurs qui se sont multipliés ces dernières années pour les groupes bancaires présents en Europe et dans le reste du monde, échanges au fil de l'eau, réunions régulières avec les principaux responsables des établissements, suivi rapproché de certains établissements lorsque cela a été décidé par le collège. Il s’agit d’un élément primordial en période de crise. Le temps des marchés peut imposer d’aller plus vite que ne le permettent les vérifications sur place, qui prennent plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Le principal problème est actuellement la liquidité et nous le suivons par des appels quotidiens à tous les grands établissements.

Nous avons fourni des efforts très significatifs depuis la création de l’ACP pour renforcer notre action préventive : analyse des dispositifs de gouvernance des établissements, approfondissement des contrôles internes par l'enrichissement du rapport transmis annuellement à l'ACP, analyse des questionnaires annuels de lutte anti-blanchiment, suivi renforcé des implantations françaises des groupes bancaires à l’étranger, mise en place, pour les grands groupes, de programmes d'entretiens de surveillance rapprochée permettant d'établir un diagnostic approfondi et actualisé sur les risques et les dispositifs de suivi et de maîtrise. En 2010, neuf cents entretiens ont ainsi été menés dans le cadre du contrôle permanent bancaire.

Cette même année, le contrôle permanent a mis en œuvre une nouvelle modalité, qu’il a d’ailleurs reprise du contrôle de l’assurance : les « visites sur place », que par honnêteté intellectuelle nous n’avons pas voulu nommer « enquêtes », mais qui complètent les entretiens réguliers et permettent de s'assurer de la prise en compte de recommandations formulées à l’occasion des contrôles sur place et de mener des analyses transversales de certaines activités. Quinze visites de cette nature auront été menées en 2010, treize en 2011 et trente sont prévues en 2012. Il s’agit, à mon sens, d’un élément qui doit être pris en compte pour faire le bilan des contrôles sur place.

Dans le domaine de l'assurance, le diagnostic actualisé chaque année de la situation des établissements a en outre été renforcé en 2010 par un accroissement des informations relatives aux placements des compagnies. De trimestrielle, l’information deviendra mensuelle pour les plus grands groupes.

Le troisième domaine de préoccupation de la Cour des comptes concerne la politique de sanctions. Celle-ci repose désormais sur une commission indépendante à laquelle le collège transmet les dossiers d'ouverture des procédures disciplinaires qu'il décide. Cette procédure serait, selon la Cour, insuffisamment utilisée. Mais le nombre actuel de saisines de la commission des sanctions doit s'apprécier dans le cadre du processus global de mise en place de l'Autorité, marqué notamment par la publication tardive – le 28 juin 2011 – du décret d'application de la loi de régulation bancaire et financière précisant la procédure devant la commission des sanctions. Depuis lors, deux nouvelles ouvertures de procédure disciplinaire sont intervenues, qui s'ajoutent à celle que mentionne la Cour et dont l’une concerne un second grand groupe. Au total, ce sont donc trois saisines qui seront intervenues depuis juin, sachant qu'une nouvelle ouverture pourrait être décidée d'ici à la fin de l'année. En moyenne, cela représente plus d'une saisine tous les deux mois depuis la parution du décret.

La mise en œuvre des nouveaux pouvoirs de police administrative attribués à l'ACP, notamment les mises en demeure qui supposent une période de surveillance du respect des demandes exprimées par l'Autorité doit également être prise en considération.

L’ACP attache une grande importance à l'action préventive, et elle utilise les divers moyens renforcés que le législateur lui a confiés dans cette période de crise. Dans nombre de cas, la valeur exemplaire de sanction peut être utile. Dans d'autres cas, la solution la plus rapidement efficace n’est peut-être pas l'engagement de procédures disciplinaires. La dernière procédure disciplinaire, qui s’est déroulée il y a quelques jours, a donné lieu à un dossier de 16 000 pages et les auditions ont duré une journée entière. Une telle lourdeur explique pourquoi, en période de crise, nous sommes parfois contraints d’adopter des moyens d’action plus rapides, qui peuvent d’ailleurs déboucher ultérieurement sur des sanctions. L'exemple de l'AMF dont les procédures ont servi de modèle pour celles de l’ACP montre que les procédures disciplinaires peuvent mettre un bon nombre de mois à aboutir. Ce n'est donc pas ainsi que l'on peut gérer des situations difficiles de liquidité ou de solvabilité nécessitant une action urgente.

Nous avons pris bonne note de la dixième recommandation de la Cour visant à clarifier la doctrine du collège en matière de police administrative et de saisine de la commission des sanctions, et de la onzième recommandation tendant à systématiser la saisine de la commission des sanctions en cas de récidive. Ces aspects relèvent en premier lieu du collège. Il faudrait éviter que des éléments de doctrine viennent limiter sa capacité d'appréciation. Bien entendu, le secrétariat général de l’ACP veillera, sur le fondement de l'expérience, à présenter des dossiers bien motivés au collège, lequel disposera ainsi de tous les éléments lui permettant de prendre sa décision.

Je souhaite revenir enfin sur la question de l'équilibre budgétaire de l'ACP. Si, temporairement, les réserves de l'ancienne ACAM peuvent être utilisées pour équilibrer le budget de l'ACP, un relèvement des taux de contribution paraît essentiel, selon des modalités qui devraient permettre d'instaurer un meilleur équilibre entre les contributions du secteur bancaire et du secteur des assurances. Des travaux sont en cours, en liaison avec la direction générale du Trésor, pour estimer l'ampleur du relèvement des taux de contribution qui serait nécessaire pour pérenniser le financement de l'ACP.

Nous avons bien noté la recommandation de la Cour d'identifier les marges d'économie sur les frais généraux et les coûts des fonctions support. La maîtrise des coûts de fonctionnement passe d'abord par la mise en place, qui est en cours, d'outils de suivi – en particulier une comptabilité analytique – et de contrôle de gestion. Nous avons soumis nos propositions au comité d’audit il y a quelques semaines. Le collège plénier devrait les examiner avant la fin de cette année.

En tout état de cause, les points relevés par la Cour feront l'objet d'un examen renforcé. S'agissant des fonctions de support, je note toutefois que l'accroissement envisagé des effectifs porte pour une grande partie sur le domaine informatique, qui emploie 85 des 148 agents recensés par la Cour. Il s’agit d’un domaine où nous avons une grande expérience en matière de maîtrise d’œuvre, ce qui nous permet de rester au plus près de la réglementation et de développer les outils adaptés. Or, les réglementations nouvelles ont été nombreuses, tant dans la banque que dans l’assurance. « Solvabilité II », par exemple, donnera lieu à un important chantier de collecte d’informations auprès des assureurs. Entre les développements liés à « Bâle II » ou à « Bâle III » et Solvabilité II , nous avons remporté l’appel d’offres lancé par l’Agence bancaire européenne (EBA) pour produire son informatique. Nous sommes remboursés des dépenses que nous engageons, et cela contribue à améliorer notre expertise en vue de Solvabilité II.

Par ailleurs, les fonctions logistique et immobilière ont d'ores et déjà été revues à la baisse. Les déménagements ont eu lieu.

L’accroissement important des effectifs du secteur des ressources humaines s’explique par l’effort d’intégration, de formation et d’accompagnement du changement que cette fusion a impliqué. Des réductions interviendront à partir de 2012.

Enfin, je souhaite apporter deux compléments sur le contrôle des pratiques commerciales. En ce qui concerne ce que la Cour qualifie de « droit souple », l'ACP a pris des mesures en adoptant et en publiant, après une très longue concertation, le document de nature explicative « Politique de transparence de l'Autorité de contrôle prudentiel » dont la version finale a été publiée en juillet.

S'agissant des missions du pôle commun constitué avec l'AMF, qui devrait, selon la Cour, développer des réalisations opérationnelles qui soient davantage en prise avec les préoccupations des consommateurs, l'action de l'ACP, en matière de protection de la clientèle, ne se résume pas aux travaux du pôle commun. Celui-ci ne couvre pas certains domaines, dont celui des opérations bancaires. Il s’agit d’une instance de coordination de l'action de l'ACP et de l'AMF, chacune des deux autorités conservant son champ d'action et son positionnement propres.

Du reste, nous avons créé à cet effet, non pas une cellule, mais une direction à part entière qui emploie désormais 75 agents et qui a développé directement, écartant le modèle de l'autorégulation, une action importante de contrôle direct, ce qui est le cœur même de sa mission. Ce positionnement de l'ACP a une cohérence globale qu'il conviendrait de ne pas détruire en l'éparpillant entre des approches trop éloignées de sa mission première. Cela ne l'empêche nullement de coopérer avec d'autres instances, comme le CCSF (Comité consultatif du secteur financier) ou la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). À cet égard, nous avons demandé à la direction générale du Trésor de se faire notre avocat auprès du législateur pour que soit supprimé le secret professionnel entre la DGCCRF, l’AMF et l’ACP.

Nous avons donc la conviction que l'accent mis sur le contrôle des bonnes pratiques commerciales et l'émission de recommandations est de nature à répondre aux préoccupations des consommateurs.

M. Jérôme Chartier. Pourriez-vous détailler le fonctionnement concret du pôle commun ? Les 75 agents de la Direction du contrôle des pratiques commerciales représentent-ils l’ensemble du pôle ou seulement la contribution de l’ACP ? Quelle coordination avez-vous établi avec l’AMF ? Comment le transfert aux commissions des sanctions s’effectue-t-il et quelle est la répartition entre la commission de l’ACP et celle de l’AMF ? Lors du débat sur le projet de loi de régulation bancaire et financière, nous avions insisté pour que cette structure permette au consommateur de se sentir protégé par les autorités de régulation.

Par ailleurs, la Cour a salué le renforcement du pôle international, alors que l’action de l’ACAM en la matière avait fait l’objet de critiques. Pourriez-vous apporter des précisions sur ce pôle en ce qui concerne notamment ses effectifs et les modalités de leur recrutement ? Depuis la mise en place de l’ACP, quels ont été les succès de cette structure ? A-t-elle amélioré la rédaction des documents qui s’imposent aux autorités de régulation françaises ? A-t-elle réussi à faire entendre davantage la voix de la France que dans les négociations de Solvabilité II, par exemple ?

En matière de recrutement, vous avez mentionné l’ambition de parvenir à un effectif de 1 150 agents en 2012. Nous souhaitons un recrutement rapide, de sorte que l’ACP soit dotée de tous les moyens humains nécessaires à l’accomplissement de ses missions. Il semblerait que les recrutements se font par la voie de la mobilité interne et par celle de la mobilité externe – avec la Banque de France, voire d’autres directions de la fonction publique. Procédez-vous également à des recrutements externes ès qualités, en permettant par exemple à d’anciens cadres de compagnies bancaires ou d’assurance de venir renforcer les capacités de contrôle et de régulation de l’ACP ? Si tel est le cas, incite-t-on ces personnels à intégrer des statuts de la fonction publique ? Peuvent-ils, s’ils le souhaitent, rester contractuels ? En d’autres termes, l’ACP est-elle organisée pour procéder à des recrutements de très haut niveau pour un temps déterminé, ce qui pourrait lui rendre de grands services ?

La commission des Finances apprécie depuis longtemps vos qualités de précision et d’honnêteté, madame la secrétaire générale. Depuis la création de l’ACP, quels sont les éléments qui, selon vous, ne fonctionnent pas ou devraient mieux fonctionner ?

Mme Danièle Nouy. Je crains que l’audition de M. Babusiaux par votre commission n’ait pu engendrer une confusion quant aux rôles respectifs de l’ACP, du pôle commun et de l’AMF. Dans un souci de simplification pour les particuliers, le point d’entrée habilité à recevoir les demandes des clients, « Assurance Banque Épargne Info Service », englobe tous les produits et services financiers. Cela étant, les deux autorités ont des champs de compétences spécifiquement définis par la loi. En termes de pratiques commerciales, celui de l’ACP comprend une très large palette de services et de produits financiers, dont plusieurs – crédits à la consommation, crédits à l’habitat, conventions de compte, assurance automobile, assurance santé, assurance emprunteur, etc. – ne sont nullement des produits d’épargne et n’entrent pas dans le champ de coordination du pôle commun, qui n’a aucune compétence en la matière.

Dans ces domaines très importants pour les consommateurs, les 75 agents de notre Direction du contrôle des pratiques commerciales mènent de nombreuses actions de veille et de contrôle selon des méthodologies qui leur sont propres.

Le pôle commun, lui, a la responsabilité des produits d’épargne. Les dépôts bancaires et l’assurance-vie sont dans le champ de compétences de l’ACP, tandis que les actions, les obligations, les instruments financiers vendus directement sur des comptes titres sont du ressort de l’AMF. C’est dans le champ de ces produits d’épargne que l’action des deux autorités doit être coordonnée. Néanmoins, il faut prendre en compte le fait que la commercialisation de chaque produit relève de dispositions légales et réglementaires spécifiques qu’il convient à chaque autorité de faire appliquer. Même si nous appelons de nos vœux une convergence des règles de commercialisation qui rendrait notre activité professionnelle plus simple, force est de constater que des produits d’épargne qui sont parfois substituables peuvent être différents du point de vue juridique : un contrat d’assurance n’est pas un compte-titres. Et dépit de la volonté de la Commission européenne de faire converger les textes, les projets de révision des directives sectorielles – marchés d’instruments financiers, intermédiation en assurance – conservent des spécificités sectorielles que tant l’ACP que l’AMF doivent prendre en compte.

En outre, l’ACP a pour mission de contrôler les pratiques commerciales du secteur de la banque en dehors de l’épargne.

Pour ce qui est du mode de fonctionnement, l’AMF délègue parfois son pouvoir de contrôle à d’autres intervenants, comme les associations professionnelles ou la Banque de France pour les CIF, les conseillers en investissements financiers, ou même l’ACP. De son côté, l’ACP réalise ses contrôles elle-même. Elle forme ses contrôleurs, arrête ses propres méthodologies et assure complètement la maîtrise de ses enquêtes. Elle écarte le modèle de l’autorégulation. Comme je l’ai dit, nous avons mis en place une Direction du contrôle des pratiques commerciales forte de 75 agents. Avec la direction des relations avec les épargnants à l’AMF, elle constitue le pôle commun, sachant que les compétences ne se recoupent pas.

Le positionnement de l’ACP nous paraît donc cohérent. Le cœur de notre travail est le contrôle, qui donne souvent lieu à des recommandations ultérieures. Nous ne traitons pas les réclamations que le pôle commun oriente vers les médiateurs de la banque et de l’assurance, par exemple, mais nous les utilisons pour fixer nos priorités de contrôle : si un établissement ou un organisme est plus concerné que d’autres, c’est chez lui que nous effectuerons en priorité un contrôle sur place ; il en ira de même pour les sujets revenant souvent dans les réclamations.

Par ailleurs, nous avons mis l’accent sur l’action internationale, qui est au demeurant un de mes thèmes de prédilection. Sans doute existait-il un retard en ce domaine pour ce qui est du secteur de l’assurance : nous avons commencé avec un service de cinq personnes qui auparavant n’étaient pas toutes en charge de responsabilités internationales. À titre de comparaison, le service international bancaire comptait alors 21 personnes. L’objectif est d’atteindre cet effectif en matière d’assurance, voire de le dépasser en raison de l’importance de Solvabilité II. Nous en sommes aujourd'hui à 18 ou 19 personnes.

De ce fait, nous sommes beaucoup plus présents dans les instances qui rédigent les documents, et nous assurons cette présence au plus haut niveau. Envoyer un collaborateur « junior » dans un groupe de travail est une chose, envoyer un « poids lourd » de l’institution pour faire passer un message important en est une autre. À ce jour, je n’ai manqué aucune réunion de l’EIOPA (European Insurance and Occupational Pensions Authority) et le dossier Solvabilité II fait l’objet d’un investissement lourd de ma part et de la part de mes collaborateurs – c’est d’ailleurs un plaisir : après Bâle I, Bâle II, Bâle 2.5 et Bâle III, je suis ravie de changer de sujet !

Je partage néanmoins un regret exprimé par la Cour : nous n’arrivons pas à envoyer suffisamment d’agents français dans les instances européennes. Certes, nous le faisons à l’EBA et à l’EIOPA et nous encourageons cette mobilité que nous considérons comme un « plus » dans la carrière des personnes concernées : leur avancement s’en trouve amélioré et nous faisons en sorte que le poste offert à la personne à son retour corresponde à une promotion si elle a réussi sa mission – ce qui est le cas : nos agents réussissent très bien dans les milieux internationaux.

S’agissant des ressources humaines, l’évolution m’a paru un peu lente au cours des premiers mois. L’ACP a été créée en mars. Une fois les instruments de recrutement mis en place, il a fallu attendre la fin des vacances d’été pour commencer à examiner les dossiers et à faire passer les candidats devant nos jurys. Souvent, l’arrivée des personnes retenues n’a eu lieu qu’au début de 2011 en raison de la période de préavis.

À l’heure actuelle, nous recrutons déjà plus de contractuels que d’agents ayant passé des concours. Mais il convient de préciser que tous les agents que nous recrutons sont des agents statutaires de la Banque de France, catégorie au sein de laquelle on distingue les titulaires, qui ont passé les concours, et les contractuels. En d’autres termes, les personnes issues du privé et qui y retourneront peut-être sont des contractuels statutaires. Cette situation ne présente pas de difficulté particulière, sinon les efforts que nous déployons pour convaincre des profils de qualité de venir travailler au sein d’une jeune institution. Pour ce qui est des profils scientifiques, nous dépassons même nos objectifs de recrutement dans le secteur des assurances.

Les rémunérations ne constituent pas un handicap, même s’il nous faut parfois un peu plus de temps pour recruter, et même s’il nous arrive de refuser volontairement une personne qui se montre trop gourmande. Je considère en effet qu’on ne doit pas altérer le fonctionnement de l’institution. Beaucoup d’agents travaillent avec une grande motivation, alors qu’ils pourraient avoir des salaires bien supérieurs dans le privé. Il n’est pas souhaitable qu’une personne recrutée différemment gagne beaucoup plus pour l’accomplissement d’une tâche comparable. Le service public exige un peu de raison en ce domaine et nous devons montrer l’exemple. Cela ne nous empêche pas, je le répète, de recruter les profils de qualité que nous souhaitons.

J’en viens à votre question concernant ce qui ne fonctionne pas ou pourrait fonctionner mieux. Lorsque l’on m’a confié l’ACP, en pleine période de crise, je m’attendais à quelque chose de beaucoup plus difficile, d’autant que ni les commissaires contrôleurs ni les compagnies d’assurance ne montraient un grand enthousiasme à l’égard de cette fusion et de l’adossement à la Banque de France. Or, ce qui nous unit – la culture du contrôle, la culture du risque – l’emporte largement. Peut-être la crise a-t-elle été un ciment : lorsqu’il faut accomplir vite un grand nombre de tâches à la fois, les états d’âme passent au second plan et l’on fait ce qui doit être fait.

L’aspect international peut donner lieu à quelques regrets. Permettez-moi toutefois de citer la réponse que M. Jean-Philippe Thierry, vice-président de l’ACP, a faite à la Cour qui lui demandait si des changements s’étaient produits sur ce point : « C’est le jour et la nuit ! » Force est de constater que les moyens de l’ancienne ACAM n’étaient pas suffisants pour jouer le rôle que nous sommes à même de remplir aujourd'hui. Cette petite institution ne pouvait offrir de débouchés de long terme à ses cadres et elle rencontrait des difficultés à recruter. Mes collègues ont néanmoins accompli un travail remarquable malgré les faibles effectifs qu’ils pouvaient consacrer à l’action internationale. Et nous allons poursuivre nos efforts pour détacher davantage de personnes dans les institutions européennes.

Par ailleurs, la Cour a reconnu que l’organisation retenue – trois directions de contrôle pour la banque, trois directions de contrôle pour l’assurance – était pertinente. Il est important, en pleine crise et alors que la réglementation connaît de nombreux changements, de ne pas toucher à ces deux blocs. En revanche, pour permettre la fertilisation croisée que nous souhaitons entre la banque et l’assurance, nous veillons à l’échange des personnes. Nous avons commencé à faire passer des agents à profil « bancaire » vers les brigades contrôlant les assurances. Le mouvement est plus difficile dans l’autre sens, dans la mesure où nous faisons face au gros chantier de Solvabilité II et au risque de perte d’expertise lié à l’intégration du corps des commissaires contrôleurs dans le corps des mines. Pour l’heure, un seul commissaire contrôleur a des responsabilités en matière bancaire. Si, à l’avenir, le mouvement se fera dans les deux sens, du contrôle des banques vers celui des assurances et vice-versa, je ne vois pas encore à quelle échéance on devrait modifier les blocs de contrôle. Mais je souhaite accélérer la circulation des personnes.

M. Christian Eckert. En somme, on a juxtaposé deux structures sans les croiser puisque vous regrettez de ne pouvoir assurer une interactivité et une interchangeabilité entre les personnels de deux structures dont les métiers sont très différents. Quel est l’intérêt d’avoir créé une entité dont le rapport de la Cour des comptes montre qu’elle reste séparée en deux blocs ?

Votre description me semble trop idyllique. Certains événements graves ont eu lieu dans le domaine du contrôle bancaire. Peut-on passer sous silence le fait que le rapport sur l’affaire Dexia n’ait donné lieu à aucune sanction ? Je n’ai pas eu accès à ce document, contrairement à la presse qui fait état de la possibilité de sanctions pénales. Alors que, selon vous, les contrôles sont quotidiens et aussi rapprochés qu’il est possible, comment se fait-il que l’on n’ait pas mis en place un contrôle sur place quotidien des liquidités de Dexia ? Si on ne l’a pas fait, c’est une faute. Si on l’a fait, cela n’aura pas permis de déceler la situation à laquelle nous sommes arrivés. La question du suivi et des sanctions est donc centrale. Je veux bien que l’on se penche sur l’organisation interne de vos services mais, pour le moins, ils n’ont pas fourni la preuve de leur efficience dans un cas qui n’est pas tout à fait anodin ! Pourriez-vous donc préciser ce qui s’est passé durant l’affaire Dexia ?

En matière de gestion des personnels, vous vous félicitez de la mobilité entre la Banque de France et l’ACP. Le rapport de la Cour des comptes fait pourtant état du retour de plusieurs cadres de l’Autorité vers la Banque de France. La mobilité est-elle aussi assurée que vous le dites, notamment en termes de gestion des carrières ? D’après ce qui m’a été rapporté, il vaut mieux travailler dans les services traditionnels de la Banque de France plutôt qu’à l’ACP si l’on veut accéder à certains grades. Le nombre de promotions est-il réparti équitablement entre les services centraux et ceux des différentes inspections ?

Vous avez aussi insisté sur la diversité de nos recrutements. Il semblerait que ce soient les nouveaux recrutés qui rejoignent l’ACP. Ne recherche-t-on pas un personnel plus ancien et peut-être plus qualifié pour y travailler ?

Le rapport de la Cour indique également que l’immobilier et les fonctions support sont lourds, peut-être surdimensionnés. Cela ne nuit-il pas aux contrôles sur place, qui sont pourtant essentiels ? Au fond, s’agit-il, pour l’ACP, de valider des procédures de contrôle interne ou d’aller faire elle-même des contrôles sur place ? De contrôler les radars ou de contrôler la vitesse des automobilistes ? Les affaires Dexia, Kerviel, etc., montrent que votre contrôle des contrôles internes n’est pas aussi efficace que vous l’affirmez.

Enfin, pourriez-vous préciser votre nouvelle mission de protection des consommateurs ? Cette mission n’entrait pas dans la tradition de l’ancienne Commission bancaire. Avez-vous néanmoins obtenu des résultats ?

M. Louis Giscard d’Estaing. Cette réunion fait suite à l’enquête réalisée par la Cour des comptes en application de l’article 58-2° de la LOLF, mais également à d’autres travaux que notre assemblée a consacrés à l’Autorité de contrôle prudentiel, qu’il s’agisse des discussions relatives à la loi de régulation bancaire et financière ou du rapport réalisé par le CEC sur les autorités administratives indépendantes.

Ma première question portera sur les enjeux immobiliers évoqués par le rapport de la Cour. Lors de sa création, l’ACP a fait le choix de s’implanter dans un bâtiment voisin de celui de l’ACAM, qui lui-même était loué à un fonds d’investissement européen. Ne serait-il pas souhaitable que l’Autorité s’installe durablement dans des locaux relevant de la sphère publique, afin d’éviter le paiement d’un loyer et de réaliser, à long terme, des économies ? J’ai conscience toutefois que ce sujet n’est pas directement de notre ressort, dans la mesure où l’ACP dispose d’un financement propre.

Par ailleurs, existe-t-il des pratiques commerciales ou des produits à caractère financier qui ne seraient pas concernés par l’activité du pôle commun constitué entre l’ACP et l’Autorité des marchés financiers ? En particulier, les produits de défiscalisation immobilière font-ils partie du champ d’activité de ce pôle ?

Enfin, nous avons récemment décidé de fixer un plafond d’effectifs pour chacune des autorités administratives indépendantes. Quel est, selon vous, le niveau d’effectifs qui vous permettrait de satisfaire à toutes les missions qui vous ont été confiées ?

M. François Goulard. Pour la surveillance d’établissements dont les implantations à l’étranger sont nombreuses, une coopération internationale paraît indispensable. Comment travaillez-vous avec les autres organismes de contrôle, européens ou non ? Trouvez-vous auprès d’eux l’appui nécessaire ? L’intensité du contrôle et de la surveillance qu’ils exercent est-elle celle que l’on est en droit d’attendre ? Bref, le contrôle prudentiel est-il une réalité à l’échelle internationale, ou des progrès restent-ils à accomplir dans ce domaine ?

M. Henri Emmanuelli. Selon des rumeurs persistantes, certaines banques ou certaines compagnies d’assurance – comme Groupama – sont dans une situation très difficile. Avez-vous eu l’occasion de réaliser des contrôles dans les établissements concernés ? Comme l’ACP est contrainte à une certaine forme de confidentialité, je ne cherche pas à obtenir des noms ; cela étant, l’opacité est aussi la source du mouvement erratique des marchés.

Plus généralement, il semblerait que les banques françaises n’aient pu satisfaire qu’à hauteur de 400 milliards d’euros – sur un total de 600 milliards  – leur besoin de refinancement. Il resterait donc 200 milliards à refinancer d’ici à la fin de l’année. Cette information est-elle exacte ou vous paraît-elle aberrante ?

M. Jean-Claude Sandrier. Cette réunion a certes pour thème les modalités de mise en place de l’Autorité de contrôle prudentiel, mais les questions de fond me paraissent plus importantes, notamment s’agissant de l’utilité et de l’efficacité de l’Autorité.

Quel contrôle exercez-vous sur la circulation des capitaux, et sur les engagements hors bilan des banques ?

Le versement des dividendes, bonus et stock options vous paraît-il faire l’objet d’une transparence suffisante ?

Avez-vous une connaissance précise de l’implantation des banques françaises dans des paradis fiscaux ?

L’amélioration de la régulation financière en France et dans d’autres pays est-elle un défi susceptible d’être relevé alors que la loi tend justement vers une totale déréglementation ?

M. Michel Bouvard. Pour avoir, depuis quelques mois, l’occasion d’observer la pratique de l’ACP, je peux témoigner de l’apport qu’elle représente pour les institutions contrôlées. Même le travail d’audit des services de contrôle interne a son utilité : il permet de faire progresser la culture de contrôle et de promouvoir de meilleures pratiques.

L’Autorité exerce son contrôle en appliquant les normes internationales ou nationales en vigueur : elle peut donc en apprécier la pertinence, en particulier grâce aux contacts qu’elle entretient avec ses homologues étrangers. Que pensez-vous de l’évolution du système prudentiel ? Comment pourrions-nous jouer tout notre rôle en ce domaine plutôt que de nous contenter d’appliquer les normes d’outre-Atlantique ?

Vous avez exprimé, à ma grande satisfaction, le souhait que certains agents de l’Autorité puissent intégrer les structures de l’Union européenne, tout en précisant que vous étiez attentifs à gérer leur retour. De fait, la France semble incapable de permettre à ses ressortissants d’effectuer une carrière complète à Bruxelles afin d’accéder aux plus hautes responsabilités. Trop souvent, nos fonctionnaires ne font qu’un court séjour au sein des structures internationales, avec le désir de regagner la France au plus vite. Les Britanniques, de leur côté, gèrent la carrière de leurs fonctionnaires internationaux de façon beaucoup plus méthodique.

Notre collègue Louis Giscard d’Estaing a rappelé le souhait de la Commission de contrôler les moyens des autorités indépendantes. Le fait que l’ACP dispose de recettes propres ne nous interdit pas d’être attentifs à la manière dont elle les alloue. C’est pourquoi nous souhaiterions savoir de quels effectifs elle a besoin pour accomplir sa tache, quitte à décider plus tard d’augmenter le plafond législatif des autorisations d’emplois dans le cas où de nouvelles missions lui seraient confiées.

M. Charles de Courson. Disposez-vous des moyens adéquats – ressources humaines suffisantes, système informatique compatible – pour assurer la bonne articulation de votre action avec celle de vos partenaires européens et étrangers ? Dans le cas contraire, il paraîtrait difficile de contrôler des groupes de plus en plus mondialisés.

L’Autorité de contrôle prudentiel étant adossée à la Banque de France, une grande partie de son personnel bénéficie du statut des agents de la Banque. Or, la Cour des comptes note, dans son rapport, qu’entre mars 2010 et avril 2011, 89 employés de l’ancienne Commission bancaire ont demandé leur mutation pour retourner à la Banque de France. Selon la Cour, ce mouvement important traduit l’inquiétude du personnel quant à la perte de certains avantages liés à leur statut d’agents de la Banque.

Il est vrai que ces derniers bénéficient d’un régime encore plus favorable que les parlementaires.

M. Dominique Baert. Je m’inscris en faux contre cette affirmation.

M. Charles de Courson. Je vous prouverai ce que j’avance.

Quoi qu’il en soit, le fait qu’une grande partie de votre personnel relève du statut des agents de la Banque de France ne fait-il pas obstacle à la mobilité externe, dans la mesure où ce statut est une cage dorée ?

M. Dominique Baert. Certains s’en vont, pourtant.

M. Charles de Courson. Très peu le font, et d’ailleurs ils conservent leurs avantages.

Dans la mesure où la mobilité externe de vos agents – vers les institutions internationales ou vers d’autres organismes – doit être encouragée, de façon à développer les synergies, ne faudrait-il pas plutôt privilégier les contractuels de longue durée, qui pour l’instant ne sont qu’une petite minorité ?

Enfin, la Cour des comptes estime à plus de 15 % la part des frais généraux dans votre budget. Que pensez-vous de sa suggestion de « resserrer les boulons » dans ce domaine ?

M. Yves Censi. Existe-t-il une instance européenne comparable à l’ESMA – l’European securities and markets authority – et plus particulièrement chargée de la concertation entre autorités de contrôle des banques et des assurances ?

L’adoption du « Dodd-Frank Act » a suscité des débats très riches sur la régulation et le contrôle prudentiels. Y a-t-il un mouvement de coordination entre votre activité et l’évolution importante actuellement en cours aux États-Unis ?

Mme Danièle Nouy. J’ai dû mal m’exprimer au sujet des « blocs de contrôle ». Il est vrai qu’en pleine période de crise, et alors que le chantier « Solvabilité II » est en cours, je n’ai pas souhaité mélanger les contrôleurs de banque et d’assurance, mais au contraire maintenir la cohérence d’une organisation qui fonctionnait bien, tant du côté de l’ACAM que de celui de la Commission bancaire, tout en favorisant la mobilité du personnel. Néanmoins, dans tous les autres services – l’international, le juridique, les ressources humaines, l’informatique –, les personnels ont fusionné sous l’autorité d’une direction générale unique. En outre, les conglomérats financiers font l’objet de réunions regroupant les contrôleurs bancaires et ceux de l’assurance. Une véritable vision globale, transversale est ainsi élaborée.

Dexia étant un établissement de crédit, je suis contrainte, dans le cadre d’une audience publique, de mesurer mes propos. Le problème majeur auquel est confrontée la banque est un manque de liquidités consécutif à des difficultés touchant des portefeuilles de dette souveraine. Nous ne pensons donc pas qu’une sanction soit, à l’heure actuelle, la réponse la plus adaptée.

M. Henri Emmanuelli. Avez-vous surveillé cette liquidité ?

Mme Danièle Nouy. Bien entendu.

M. Christian Eckert. Et en 2008 ?

Mme Danièle Nouy. En 2008 aussi. Aujourd’hui, cette surveillance est effectuée tous les jours, comme pour un certain nombre d’autres grands établissements.

M. Christian Eckert. Ce n’était pas le cas en 2008.

Mme Danièle Nouy. Une des raisons des difficultés de Dexia est sa détention de portefeuilles à long terme de dette souveraine. En 2008, personne ne disait que les dettes souveraines n’étaient pas liquides – sachant que Dexia avait couvert le risque de taux.

M. Christian Eckert. Il y a eu une perte de 3 milliards d’euros !

M. le président Jérôme Cahuzac. Vous l’avez compris, madame la secrétaire générale, il s’agit d’un dossier sensible pour nos collègues. Si aucune sanction n’est prise alors que 3 milliards d’euros d’argent public se sont évanouis, on se demande bien dans quelle situation il pourrait y en avoir. Certaines personnes ont pourtant une responsabilité directe dans cette catastrophe.

Mme Danièle Nouy. Je ne dis pas qu’il n’y aura pas de sanction, mais pour le moment, nous sommes préoccupés par la liquidité, et nous veillons à ce que la restructuration de Dexia ait lieu sans faire courir de risque systémique à la place. La suite appartiendra aux responsables du collège et de la commission des sanctions. Mon travail, depuis le début de la crise, consiste à gérer les difficultés de Dexia, qui sont de deux ordres. Tout d’abord, une de ses filiales – une compagnie d’assurance monoline – donnait des garanties de risque de crédit sur des émissions d’obligations. Elle n’aurait sans doute pas dû le faire dans ces conditions, mais à l’époque, personne, pas même les contrôleurs des compagnies d’assurance américaines, n’avait pointé de risque dans ce type d’opérations. Ensuite, le problème vient du portefeuille d’obligations à long terme, composé de dette souveraine, pour lequel la garantie du risque de taux et les swaps entraînent le versement de collatéral.

M. le président Jérôme Cahuzac. Nous comprenons parfaitement que des solutions doivent être trouvées pour éviter tout risque systémique. Mais puisque vous n’avez pas exclu cette hypothèse, devons-nous comprendre que des sanctions pourraient être prises, soit à l’égard de l’établissement, soit à l’égard des responsables ? Les rémunérations des anciens dirigeants de Dexia étaient conséquentes : elles étaient certes proportionnelles aux responsabilités qu’ils exerçaient, mais elles deviendraient incompréhensibles si ceux qui ont failli restent à l’abri de toute sanction. Des procédures sont-elles engagées ?

Mme Danièle Nouy. J’aurais préféré pouvoir affirmer que le dossier est clos, mais c’est loin d’être le cas. En tout état de cause, la prise de sanctions ne fait pas partie de mes attributions. Quant au collège de l’ACP, il sanctionne des institutions, et non des personnes. La mise en cause de la responsabilité de personnes physiques relèverait donc d’autres procédures.

Je le répète, mon travail consiste à veiller que la restructuration de Dexia se passe de façon ordonnée et n’entraîne pas de risques systémiques.

M. le président Jérôme Cahuzac. Aucune procédure de sanction n’est donc engagée à l’égard de l’établissement.

Mme Danièle Nouy. En France, non, mais je ne sais pas ce qui se passera pour le groupe. Je rappelle que nous n’étions pas le superviseur prioritaire de Dexia.

M. Christian Eckert. Cette réponse n’est pas acceptable !

Mme Danièle Nouy. J’en viens à la question des mouvements de personnels. D’une manière générale, les départs vers la Banque de France sont compensés par les arrivées, mais il est vrai que cet équilibre a été rompu depuis la création de l’ACP, en particulier chez les non-cadres. Une explication possible tient à la localisation de nos bureaux, situés près de Saint-Lazare, alors que les salariés préféreraient l’emplacement de la Banque de France, plus proche de Châtelet-Les-Halles.

M. Charles de Courson. Je tombe des nues !

M. François Goulard. Le problème de la localisation et des transports en commun est pourtant classique dans les administrations et les entreprises.

Mme Danièle Nouy. Il n’est pas impossible que certains soient par ailleurs inquiets à l’idée de travailler pour une autorité indépendante, fût-elle adossée à la Banque de France, parce qu’elle est dotée d’un statut et d’un budget particuliers. Une telle inquiétude serait pourtant infondée.

Je précise que les personnels sous statut Banque de France comprennent aussi bien les fonctionnaires que les contractuels. Cela ne signifie pas pour autant que ces derniers soient rémunérés dans les mêmes conditions que les personnels titulaires ayant passé un concours. Nous recrutons d’ores et déjà plus de contractuels que de fonctionnaires.

M. Charles de Courson. Les contractuels ne bénéficient donc pas du régime de la Banque de France, dans lequel le taux de cotisation patronale dépasse les 100 %, contre 43 % dans le privé ?

Mme Danièle Nouy. Non, ils relèvent du régime général.

Par ailleurs, il est exact que les carrières se déroulent différemment à l’ACP et à la Banque de France, mais un tel fait ne peut pas expliquer le mouvement de retour vers cette dernière, car les promotions sont plus rapides et plus importantes au sein de l’Autorité – c’était déjà le cas à la Commission bancaire –, afin de tenir compte d’un travail jugé plus lourd, plus exigeant et plus sophistiqué. La Banque de France a d’ailleurs accentué cet effort depuis la création de l’ACP afin d’équilibrer les mouvements entre les deux institutions.

En matière immobilière, nous suivons exactement les recommandations de Cour des comptes en tirant parti des synergies existant entre l’Autorité et la Banque de France : le dossier a été entièrement géré – et de mon point de vue, de façon très satisfaisante – par la Direction de l’immobilier de la Banque. Pour faciliter les communications au quotidien, celle-ci a souhaité maintenir une certaine proximité entre les deux institutions, en installant l’ACP près des locaux de l’ex-ACAM.

Je n’ai de toute façon exprimé aucune exigence en matière de standing des locaux. Si vous en doutez, je vous invite à vous arrêter devant le bâtiment situé au 73 rue de Richelieu, où j’ai travaillé très longtemps, et qui était beaucoup plus inconfortable et disgracieux que n’importe laquelle des succursales de la Banque de France en province.

Vous m’avez interrogée sur les produits de défiscalisation immobilière. La règle est simple : tout ce qui est vendu par un organisme assujetti à l’ACP – banque ou compagnie d’assurance – est placé sous le contrôle de notre Direction des pratiques commerciales. Nous ne contrôlons pas le produit lui-même, mais la façon dont il est vendu.

En ce qui concerne les effectifs, nous avons obtenu du collège plénier l’autorisation de recruter 1 150 agents d’ici à la fin de l’année 2012. Un tel niveau devrait nous permettre de travailler dans de bonnes conditions en régime de croisière, et me semble pouvoir servir de référence. Toutefois, comme l’a dit M. Bouvard, l’attribution éventuelle de missions nouvelles devrait s’accompagner de nouveaux recrutements.

Après avoir connu une situation dans laquelle 650 agents étaient répartis sur quatre sites différents – ce qui entraînait une grande perte de temps –, nos nouveaux locaux ont été calibrés pour l’accueil de ces 1 150 agents, dont le recrutement ne sera achevé qu’à la fin de l’année prochaine. Il est donc possible que certains bureaux soient encore inoccupés. Mais, je le répète, ce choix est raisonnable et résulte d’une décision de la direction de l’immobilier de la Banque de France. Je suis d’ailleurs ravie de ne pas avoir dû m’en préoccuper.

Je l’ai dit, le nombre de contrôles sur place a augmenté. Quant au travail de validation des méthodes de contrôle interne, il représente une obligation supplémentaire et ne se substitue absolument pas au contrôle direct. Ni l’un ni l’autre ne peuvent être négligés.

Depuis le temps que je pratique ce métier, je connais très bien la plupart de mes confrères chargés du contrôle prudentiel dans les autres pays, ce qui facilite nos relations. En ce qui concerne l’intensité du contrôle effectué, nous avons longtemps figuré parmi les plus rigoureux, parce que nous voulions absolument éviter de connaître une crise de même nature que celle des années 1990. Aujourd’hui, même si un certain nombre de nos confrères sont devenus plus rigoureux, je suis parfois très surprise par leurs réactions. Ainsi, lorsque l’Autorité bancaire européenne – EBA – a lancé une initiative en faveur de la recapitalisation des banques françaises, elle a choisi une méthodologie inspirée de Bâle II, alors que nous étions favorables à un ratio de fonds propres de type « Bâle III », plus exigeant. En outre, à notre grande horreur, certains représentants d’autorités de contrôle ont suggéré que ce ratio de fonds propres puisse être couvert par des hybrides, c’est-à-dire des quasi-fonds propres, présentés aux personnes qui les souscrivent comme des placements de père de famille. Bien entendu, nous avons refusé.

M. Emmanuelli a évoqué les besoins de refinancement des établissements français de crédit. Le refinancement à moyen et long terme était pratiquement achevé en août, lorsque la crise de la dette dans la zone euro a provoqué une méfiance à l’égard des banques françaises. Certains établissements ont même anticipé les besoins qu’ils auraient en 2012. À court terme, les échéances se sont considérablement raccourcies lors du renouvellement de certaines créances, notamment en dollars, si bien qu’une partie du refinancement reste à effectuer. Nous avons toutes les raisons de penser que cela se passera bien, dans la mesure où la BCE est extrêmement accommodante en matière de refinancement en euros, et où il est possible de réaliser – pour un coût certes un peu plus élevé – des swaps permettant de se procurer de la liquidité en dollars. En outre, la BCE a mis en place certaines facilités à l’occasion du passage à la nouvelle année, et nos banques ont suffisamment de collatéral à donner à la Banque centrale pour pouvoir y accéder. Nous ne devrions donc pas connaître de difficultés particulières, même si la disparition de certaines sources de refinancement a mis nos banques sous pression.

J’en viens à notre appréciation de la pertinence des normes internationales en matière prudentielle. Le mouvement de balancier a sans doute été un peu fort : ainsi, alors que les normes n’étaient pas suffisamment strictes en termes de qualité des fonds propres, elles sont désormais beaucoup plus exigeantes. En principe, ce changement aurait dû être effectué de façon graduelle – par exemple, l’application des accords de Bâle III était prévue entre 2013 et 2019 – ; malheureusement, les marchés sont en train d’écrire un autre scénario. Il nous reste à faire en sorte que cette accélération du calendrier ne se traduise pas par des difficultés de financement de l’économie française et européenne.

Toutefois, le deleveraging, c’est-à-dire la réduction de la taille du bilan, ne conduit pas nécessairement à la crise de liquidité : lorsqu’une filiale ou une activité bancaire est vendue à une banque américaine ou asiatique, l’acheteur continue à proposer les mêmes services. Cette réduction de la taille du bilan, toute regrettable qu’elle est, devient nécessaire à cause du coût du financement – notamment en dollars –, mais elle n’est pas une tragédie. Cela étant, nous devons veiller à ce que l’économie reste financée dans de bonnes conditions.

Je n’ai absolument rien contre l’idée de voir des agents détachés auprès d’institutions internationales accomplir là-bas toute leur carrière – certains le font, d’ailleurs. Ce qui peut faire obstacle à leur départ, c’est la crainte de se voir « mis au placard » à leur retour. À cet égard, la Banque de France donne le bon exemple. C’est ainsi qu’après un séjour de sept ans à Bâle, elle m’a permis de devenir secrétaire générale de la Commission bancaire.

Je vous confirme, monsieur de Courson, que nous disposons des moyens nécessaires pour peser dans les négociations internationales. En outre, nos représentants sont des gens passionnés qui ne comptent ni leur temps, ni leurs efforts pour les faire aboutir. Quant au statut « Banque de France », il ne représente ni un handicap ni une cage dorée. La preuve en est qu’il ne suffit pas – et c’est parfois malheureux – à retenir ceux qui veulent partir.

La critique de la Cour des comptes ne concerne pas les frais généraux mais les frais liés aux fonctions de support. Or, parmi les 148 agents concernés, 85 effectuent de la maîtrise d’œuvre dans le secteur de l’informatique. Il s’agit donc de postes hautement qualifiés, qui n’ont aucun caractère de confort pour l’institution. En outre, une partie d’entre eux travaillent pour l’Agence bancaire européenne et sont rémunérés par elle.

La Banque de France doit réaliser à partir du 1er décembre un audit de l’Autorité. Je veillerai à ce que les recommandations de la Cour des comptes – et en particulier celle qui concerne les frais de support – soient examinées à cette occasion, de façon à identifier les sources potentielles d’économies.

Nous suivons de près l’évolution de la législation américaine, et notamment l’application du « Dodd-Frank Act ». Si elle contribue à réduire les risques, la séparation des activités pour compte propre et des activités bancaires traditionnelles est une idée qui devrait sans doute inspirer la Commission européenne. De même, la recherche d’une égalité des conditions de concurrence constitue un élément très important de cette législation. À cet égard, l’application de la réglementation de « Bâle 2.5 », qui renforce les exigences de fonds propres sur les opérations de marché ayant entraîné la crise – titrisation, retitrisation, titrisation pour compte propre –, représente un vrai risque de distorsion, puisqu’elle s’appliquera en Europe dès la fin de 2011, alors que les États-Unis, eux, n’y sont pas encore prêts.

La Banque de France, monsieur Sandrier, a une visibilité sur la circulation des capitaux. L’ACP aussi, en partie, d’autant que nous pouvons mettre en commun nos informations. De même, le hors-bilan est sous notre contrôle, et même le « hors hors-bilan », comme les special purpose vehicles.

Nous avons également connaissance de toutes les implantations des banques françaises à l’étranger, y compris dans les paradis fiscaux. Par définition, ces pays accueillent une activité minimale, et presque tout se passe du côté du siège social ou dans d’autres pays : il n’est donc pas difficile d’obtenir des informations en ce domaine. J’ai d’ailleurs été auditionnée sur le sujet par une commission du Parlement. Mon rôle consiste à contrôler l’application de la réglementation : si le législateur souhaite interdire aux banques françaises de travailler dans les paradis fiscaux, je pourrai appliquer sa décision avec toute la rigueur nécessaire, sans difficulté.

Je ne crois pas que l’on puisse parler de déréglementation excessive. Dans ce domaine, le mouvement de balancier que nous connaissons aujourd’hui pourrait même avoir été trop loin. Nous le saurons dans les mois ou les années à venir.

M. Hervé Mariton. Outre sa fonction de contrôle, l’ACP est-elle un lieu d’expertise au bénéfice du pouvoir d’exécutif ?

Par ailleurs, compte tenu de l’importance des enjeux en termes de crédit public, estimez-vous avoir un rôle à jouer auprès des citoyens, notamment en période de crise ?

Mme Danièle Nouy. Nous jouons en effet un rôle d’expertise au profit des services de l’État. Nous travaillons souvent en collaboration étroite avec la Direction générale du Trésor, par exemple pour préparer certaines négociations internationales, ou pour la transposition de directives européennes. Nous collaborons surtout avec le ministère de l’Économie ou la direction générale du Trésor, mais d’autres services de l’État peuvent bénéficier de notre aide.

Quant à votre deuxième question, elle me donne l’occasion d’évoquer des statistiques relatives à l’activité du pôle commun, qui nous met en contact direct avec le grand public. Au cours des six derniers mois, nous avons reçu et traité plus de 30 000 appels concernant l’assurance ou la banque ; c’est le double du nombre d’appels reçus lors des six mois précédents. Pendant la même période, l’activité liée à la Bourse et aux produits financiers a crû de 40 %. Notre site Internet compte 180 visiteurs par jours, un nombre qui ne cesse d’augmenter depuis le début de l’année.

M. Hervé Mariton. Ces consultations concernent-elles plutôt les produits ou les établissements ?

Mme Danièle Nouy. Elles ont trait aux relations des particuliers avec leur banque ou leur compagnie d’assurance.

Nous publions également des recommandations destinées au grand public, par exemple sur le traitement des réclamations ou même les contrats obsèques. Nous sommes encore une jeune institution, mais nous tenons à aborder tous les problèmes susceptibles d’intéresser le citoyen.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je vous remercie, madame, pour vos réponses complètes et précises.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa séance du mercredi 7 décembre 2011 à 9 heures 30, la Commission examine le rapport d’information sur le rapport d’enquête réalisé par la Cour des comptes, en application du 2° de l’article 58 de la LOLF, concernant les modalités de mise en place de l’Autorité de contrôle prudentiel.

M. Louis Giscard d’Estaing, Président. Nous avons aujourd’hui le troisième acte de nos échanges sur les modalités de mise en place de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), après l’audition le 23 novembre de M. Babusiaux qui a présenté les principales conclusions du rapport de la Cour des comptes, puis celle, le 30 novembre, de Mme Danièle Nouy, secrétaire générale de l’ACP, qui nous a fait part des réactions de l’Autorité de contrôle prudentiel.

Il convient maintenant de mettre à la disposition du public un document présentant le rapport de la Cour et le compte rendu de ces deux auditions. Ce rapport sera précédé d’une introduction de M. Jérôme Chartier qui, en tant qu’ancien rapporteur de la loi de régulation bancaire et financière, est à l’origine de notre demande d’enquête. M. Jérôme Chartier, vous avez la parole.

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Par une lettre de son président Jérôme Cahuzac en date du 1er décembre 2010, la commission des Finances a saisi la Cour des comptes d'une demande d'enquête sur les modalités de mise en place de l'Autorité de contrôle prudentiel conformément au 2° de l'article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Rapporteur spécial de la mission Économie à laquelle se rattache l'ACP et rapporteur de la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010, j'avais proposé ce thème au bureau de notre Commission.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le Président, nous avons pu débattre avec M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes, lorsqu’il est venu présenter l'enquête devant notre Commission, puis avec Mme Danièle Nouy, secrétaire générale de l'ACP. Ces auditions ont été fructueuses : les collègues de tous bords ont participé au débat et ont montré leur intérêt pour cette jeune institution qui a un rôle déterminant dans le contexte actuel de crise bancaire et financière et de bouleversement des règles prudentielles au plan national et international.

Je souligne que l'enquête porte sur le fonctionnement de l'Autorité et non sur la qualité du contrôle prudentiel, laquelle n’est pas en cause. La Cour des comptes ne s'est donc pas livré à une évaluation des actions menées par l'ACP. Une telle évaluation aurait été prématurée dans la mesure où l'enquête est intervenue après seize mois seulement de fonctionnement de cette nouvelle autorité administrative indépendante.

L'ACP est née de l'ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 ratifiée par l'article 12 de la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010, inspirée par la volonté d'améliorer la régulation du secteur financier en l'orientant davantage vers le contrôle des risques. Adossée à la Banque de France, et employant dès à présent un millier d'agents, l'ACP est une autorité administrative indépendante financée, ce qui est une originalité, par les contributions prélevées sur les organismes assujettis à son contrôle. Il serait intéressant de s’inspirer de ce dispositif pour le fonctionnement de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

La fusion de quatre autorités administratives préexistantes dans un contexte de bouleversement des règles prudentielles au plan international et européen et de crise financière sans précédent était une « réforme délicate à bien des égards » selon les propres termes de la Cour des comptes. Cela souligne les difficultés de mise en œuvre et de fonctionnement parallèlement à l’exécution de l’ensemble des missions relevant de l’ACP.

Je suis aussi tout à fait conscient de la difficulté de la mise en place d'une telle autorité notamment en termes de gestion des ressources humaines. Mais en me fondant sur l'enquête de la Cour des comptes, j'ai identifié trois sujets méritant l'attention du Parlement dans le cadre de sa mission constitutionnelle de contrôle des finances publiques.

Ces trois sujets devront faire l'objet d'améliorations importantes pour que l'ACP entre dans une phase de véritable consolidation et atteigne une vitesse de croisière pour l’exécution de ses missions.

Premièrement, en matière de contrôle prudentiel, j'observe la nécessité de renforcer les contrôles sur place et de clarifier la politique de sanctions.

Deuxièmement, en matière de contrôle des pratiques commerciales, je constate la nécessité de développer le pôle commun ACP-AMF afin de prendre pleinement en considération les préoccupations et l'intérêt des consommateurs. À la lumière des propos de Mme Nouy, il apparaît nécessaire utile de renforcer la notion de pôle commun. Je ferai parvenir un courrier en ce sens à l’AMF et à l’ACP.

Troisièmement, en matière de ressources humaines, d'une part l'ACP doit atteindre le niveau des effectifs prévus et, d'autre part, engager une politique active de recrutement en vue d'attirer les profils techniques et de renforcer sa présence au sein des autorités européennes et internationales de régulation financière. Les négociations conduites au niveau européen et international pourraient ainsi être davantage inspirées de la situation française.

M. Louis Giscard d’Estaing, Président. Lors des auditions de M. Babusiaux et de Mme Nouy, des compléments d’information avaient été demandés par certains de nos collègues. Pouvez-vous nous indiquer si ces informations complémentaires vous ont été transmises ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Nous ne les avons pas encore reçues, mais elles seront intégrées dans la version définitive du rapport.

M. Alain Rodet. À la lumière des propos de notre rapporteur et de ceux tenus par la secrétaire générale de l’ACP lors de son audition, il me semble que se dessine un schéma où les contrôles vont s’exercer principalement sur les directions générales des groupes bancaires et d’assurance, et laisser de côté les filiales. Par exemple, le groupe Crédit agricole est constitué de Crédit agricole SA et de ses caisses régionales. Il en est de même pour le groupe Banque populaire – Caisse d’épargne. L’ACP peut-elle effectuer des contrôles sur l’ensemble de ces groupes, de façon consolidée ? Une appréciation macroéconomique des indices, au niveau des holdings ou au niveau des directions générales de ces groupes me semble insuffisante.

M. Jérôme Chartier, rapporteur. C’est la raison pour laquelle il convient d’être très vigilants au sujet des contrôles sur place. Il est évident que les contrôles par relations suivies, tels que décrits par Mme Nouy lors de son audition, concernent essentiellement les interlocuteurs traditionnels que sont les directions générales. Les contrôles sur place revêtent un intérêt particulier : il s’agit de vérifier sur place le fonctionnement d’une filiale, d’une direction générale ou du département d’une filiale, par exemple le service de production. C’est une mission importante de l’ACP, notamment en ce qui concerne les questions de transparence et d’information des consommateurs. Sur ces sujets, seuls des contrôles sur place permettent une connaissance réelle des processus de production. Ces contrôles sur place doivent être renforcés, en dépit de leur caractère long et fastidieux : la commission doit être vigilante sur leur progression. L’année prochaine, il est souhaitable que le rapporteur spécial de la mission Économie fasse le point sur leur évolution dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2013.

M. Christian Eckert. Le nombre de contrôles sur place est décevant. Ils ont certes augmenté dans le domaine de l’assurance, mais ils restent insuffisants dans le domaine bancaire, notamment dans les salles de marché. La question que j’avais adressée à Mme Lagarde sur ce sujet reste à ce jour sans réponse : je ne sais toujours pas combien de contrôles sur place ont été opérés dans les filiales des banques françaises au Luxembourg. Au regard des affaires connues de tous, il s’agit là d’un sujet essentiel. J’imagine, par exemple, que nous serons bientôt amenés à nous intéresser à Groupama. Il aurait d’ailleurs été utile d’interroger Mme Nouy sur le suivi par l’ACP du comportement de Groupama, dont Mediapart fait état depuis plusieurs mois, et pour lequel la Caisse des dépôts serait sollicitée pour participer à son redressement.

L’audition de Mme Nouy ne m’a pas convaincu, notamment en ce qui concerne la question des personnels. Ainsi, les informations en ma possession contredisent l’affirmation selon laquelle les promotions des employés détachés à l’ACP seraient supérieures à celle des employés en poste dans l’organisme central de la Banque de France. Il s’agit probablement de l’une des causes du retour vers la Banque de France des employés détachés à l’ACP.

J’invite donc le rapporteur à poursuivre sa mission de suivi : il convient en effet d’amplifier les contrôles sur place. Il ne s’agit pas de contrôler uniquement les systèmes d’audit interne, qui ont largement fait la preuve de leur défaillance. Il convient également d’améliorer la gestion des ressources humaines : en interne avec la banque de France, et en externe en procédant au recrutement de personnels compétents.

Il conviendrait enfin d’appréhender ce sujet sous l’angle budgétaire : les contrôles sur place, en province ou à l’étranger, nécessitent de fait des moyens conséquents. N’est-ce pas pour des raisons budgétaires que les contrôles sur place ne sont pas aussi nombreux et systématiques que souhaitable ? La contribution des organismes bancaires et assurantiels au budget de l’ACP, qui n’est pas considérable, pourrait être, selon moi, réévaluée.

Enfin, je déplore le retard dans la parution du décret relatif aux sanctions, lesquelles sont assez peu nombreuses.

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Les cotisations ne sont pas négligeables : pour une mission de contrôle de l’ACP sur la Caisse des dépôts, compte tenu de la particularité de ce contrôle évoqué lors de la loi NOME et de la loi de régulation bancaire et financière, la contribution a été évaluée à 6 millions d'euros. En revanche, l’affectation des ressources pour les missions de l’ACP est un vrai sujet. M. Eckert a raison : cela explique sans doute la faiblesse des contrôles sur place, que les relations suivies évoquées par Mme Nouy ne sauraient remplacer efficacement. Si je rejoins M. Eckert sur la nécessité d’augmenter les contrôles sur place, il me semble que contrôler les salles de marché est d’un moindre intérêt. Il me semble en fait que M. Eckert souhaite davantage réagir sur l’attitude des traders. Cependant, à mon sens, cela ne relève pas de la mission de l’ACP, mais de celle de l’AMF.

Je rejoins encore M. Eckert sur le fait que l’ACP doit se renforcer en personnel expérimenté. Mais cela a un coût élevé dans ce secteur d’activité. Le rapport de la Cour des comptes indique que la grille des traitements de l’ACP ne prévoit pas d’accueillir des personnels aux compétences extraordinaires. À l’ACP, comme à l’AMF, on accueille des personnes en début de carrière, extrêmement performantes, mais qui quittent souvent cette institution au bout de cinq ans. Les personnels restants n’ont pas forcément la technicité pour procéder aux contrôles complexes.

En ce qui concerne les sanctions, six mois ont effectivement été nécessaires à la parution du décret, ce qui n’est pas si long, même si je conviens qu’il eût été préférable de le publier plus tôt. Il reste à vérifier que l’action de la commission des sanctions soit véritablement effective, sachant qu’auparavant, les sanctions étaient extrêmement rares.

M. Henri Emmanuelli. Le rapporteur nous assure que l’on sait comment fonctionne une salle des marchés. Je rappelle pourtant que, dans le cadre des travaux de la commission d’enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies, la secrétaire générale de l’ACP nous avait expliqué les difficultés auxquelles les contrôles se heurtaient.

En particulier, le courtage haute fréquence, ou high-frequency trading, échappe aujourd’hui à tout contrôle. Contrairement à ce que nous avait affirmé à l’époque le président d’Euronext Paris, il y a aujourd’hui plus d’opérations sur les pôles de liquidité – dark pools – que sur les marchés régulés.

Je crains que toutes ces auditions n’aient guère d’utilité car nous nous heurtons toujours à la même langue de bois : nous n’avions pas vu venir la déconfiture de Dexia et, aujourd’hui, c’est la presse qui nous alerte sur la situation de Groupama !

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Il est question ici de l’ACP, et non de l’AMF. La régulation des activités de marché – qui se heurte effectivement aux difficultés que vous avez signalées – relève de l’AMF et de l’Autorité européenne des marchés financiers – l’ESMA, European Securities and Markets Authority. La montée en puissance de cette dernière est encore très récente : elle assure, depuis le 1er novembre dernier, l’enregistrement des agences de notation. Je crois qu’il faut accélérer le développement de la supervision européenne, qui constitue à mon avis le niveau le plus pertinent. Quant à l’AMF, je tiens à souligner qu’elle a consenti un effort d’investissement sans précédent l’an dernier, à hauteur de 20 millions d’euros de dépenses informatiques supplémentaires.

M. Claude Bartolone. La commission d’enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux a également entendu les représentants de l’ACP. J’ai eu la même impression que notre collègue Henri Emmanuelli : la nouvelle autorité a bien été mise en place, mais elle peine à agir.

M. Henri Emmanuelli. J’avais bien à l’esprit, tout à l’heure, les champs de contrôle respectifs de l’ACP et de l’AMF. Il me semble néanmoins que des opérations de marché réalisées par les équipes d’un établissement de crédit relèvent de l’ACP !

M. Louis Giscard d’Estaing, Président. Je prolonge la question de nos collègues : comment s’articulent les compétences des deux autorités nationales de régulation s’agissant du contrôle de la commercialisation des produits financiers ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Le fonctionnement du pôle commun de contrôle des pratiques commerciales constitue, à mon avis, le point faible de notre système de régulation. Il n’y a pas encore eu de rapprochement suffisant entre l’ACP et l’AMF en la matière. Je propose de laisser encore une année aux deux autorités pour consolider le pôle commun, avant de procéder à une évaluation complète.

S’agissant des emprunts structurés évoqués par Claude Bartolone, je vous rappelle que la Commission bancaire n’avait pas, à l’époque, compétence pour contrôler les pratiques commerciales des établissements de crédit, contrairement désormais à l’ACP.

M. Louis Giscard d’Estaing, Président. Je remercie le rapporteur pour ses explications. En application de l’article 145 du Règlement, je vous propose à la Commission de voter pour se prononcer sur l’autorisation de la publication du présent rapport.

La commission des Finances autorise la publication du rapport d’information.

ANNEXE : RAPPORT D’ENQUÊTE DE LA COUR DES COMPTES
(EN APPLICATION DE L’ARTICLE 58-2° DE LA LOLF)
SUR LES MODALITÉS DE MISE EN PLACE DE L’AUTORITÉ
DE CONTRÔLE PRUDENTIEL

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