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N° 4232

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 janvier 2012.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES SUR LE PROJET DE LOI relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique (n° 4224),

PAR Mme Marie-Jo ZIMMERMANN,

Députée.

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La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente ; Mmes Danielle Bousquet, Geneviève Levy, Bérengère Poletti, vice-présidentes ; Mmes Martine Billard, M. Olivier Jardé, secrétaires ; Mmes Edwige Antier ; Marie-Noëlle Battistel ; Huguette Bello ; Marie-Odile Bouillé ; Chantal Bourragué ; Valérie Boyer ; Martine Carrillon-Couvreur ; Joëlle Ceccaldi-Raynaud ; Marie-Françoise Clergeau ; Catherine Coutelle ; Pascale Crozon ; Marie-Christine Dalloz ; Claude Darciaux ; Marianne Dubois ; M. Guy Geoffroy ; Mmes Arlette Grosskost ; Françoise Guégot ; MM. Guénhaël Huet ; Bruno Le Roux ; Mmes Gabrielle Louis-Carabin ; Jeanny Marc ; Martine Martinel ; Henriette Martinez ; M. Jean-Luc Pérat ; Mmes Josette Pons ; Catherine Quéré ; MM. Jacques Remiller ; Daniel Spagnou ; Philippe Vitel.

INTRODUCTION 5

I.– LA PLACE DES FEMMES DANS LA FONCTON PUBLIQUE 6

B. LES FEMMES RESTENT MAJORITAIREMENT EMPLOYÉES SUR DES MÉTIERS RÉPUTÉS FÉMININS 8

C. LES EMPLOIS DE DIRECTION SONT ASSEZ PEU FÉMINISÉS 10

D. LA MIXITÉ RESTE FAIBLE DANS LES CONSEILS SUPÉRIEURS DES FONCTIONS PUBLIQUES 11

E. LA SOUS-REPRÉSENTATION DES FEMMES EST ÉGALEMENT MANIFESTE DANS LES COMMISSIONS ADMINISTRATIVES PARITAIRES 12

II.– LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PROJET DE LOI 14

A. LA DÉFINITION D’UNE POLITIQUE D’ÉGALITÉ DANS LES TROIS FONCTIONS PUBLIQUES 14

B. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DU DISPOSITIF PRÉVU PAR LE PROJET DE LOI 15

1. Donner aux employeurs publics un véritable outil de gestion de l’égalité professionnelle 15

2. Étendre l’obligation du rapport de situation comparée aux établissements publics administratifs 16

III.– L’ADOPTION NÉCESSAIRE DE MESURES D’APPLICATION IMMÉDIATE 17

A. FIXER DES RÈGLES DE MIXITÉ POUR LA COMPOSITION DES CONSEILS D’ADMINISTRATION ET DE SURVEILLANCE DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS 17

B. ÉTABLIR LA PARITÉ DANS LES INSTANCES REPRÉSENTATIVES DE LA FONCTION PUBLIQUE 18

C. CONCOURIR À UNE REPRÉSENTATION ÉQUILIBRÉE DES JURYS DE CONCOURS OU D’EXAMENS PROFESSIONNELS ET DES COMITÉS DE SÉLECTION 19

D. INSTAURER UNE PARITÉ DANS LES NOMINATIONS AUX EMPLOIS DE DIRECTION DE LA FONCTION PUBLIQUE, AINSI QUE POUR UN CERTAIN NOMBRE D’EMPLOIS POURVUS EN CONSEIL DES MINISTRES 20

E. AMÉLIORER LE DÉROULEMENT DE CARRIÈRE DES FEMMES APRÈS UN CONGÉ PARENTAL 21

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 23

LES RECOMMANDATIONS ADOPTÉES 28

MESDAMES, MESSIEURS,

Si les deux premiers titres du présent projet de loi visent à transposer l’important protocole d’accord du 31 mars 2011 destiné à poser les bases d’une réforme nécessaire du cadre législatif et réglementaire applicable aux agents contractuels dans les trois versants de la fonction publique – la fonction publique de l’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière –, le titre III de ce texte entend traiter de la lutte contre les discriminations dans la fonction publique dans le prolongement du rapport sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique remis par notre collègue, Mme Françoise Guégot, au Président de la République, en mars 2011 : un chapitre est ainsi consacré à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ne pouvait manquer d’en être saisie.

De fait, alors que la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ainsi que les trois lois définissant respectivement le statut de chacune des trois fonctions publiques (1), garantissent aux agents du secteur public un statut commun et égal entre les femmes et les hommes en prévoyant des conditions semblables de recrutement, de rémunération et d’avancement, la situation des femmes au sein du secteur public n’a que peu évolué et les inégalités demeurent nombreuses.

En dépit des diverses actions menées par les employeurs publics depuis une dizaine d’années pour contrer ces inégalités, l’étude de quelques chiffres significatifs permet d’en établir la réalité (I) et justifie pleinement que le Gouvernement propose de compléter la loi précitée du 13 juillet 1983 en prévoyant la communication au futur Conseil commun de la fonction publique d'un rapport sur les mesures mises en oeuvre pour assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (II). Néanmoins, cette politique nécessaire d’information doit, aux yeux de la Délégation, être complétée par des dispositions d’application plus immédiate (III).

I.– LA PLACE DES FEMMES DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Les chiffres qui concernent la place des femmes dans la fonction publique ne descendent pas toujours suffisamment dans le détail. En fait, au niveau des publications officielles, des statistiques sectorielles font défaut. En particulier, il manque des statistiques fines sur les métiers de la fonction publique exercés par des femmes et, plus spécialement, sur les métiers de la fonction publique traditionnellement exercés par les hommes et qui connaissent actuellement une certaine féminisation (2). De même, les informations sur la situation comparée des femmes et des hommes dans les différentes fonctions publiques sont parcellaires.

Malgré les insuffisances constatées de l’outil statistique, la parité semble bien ancrée dans les trois fonctions publiques (A), mais cette situation favorable au niveau global n’est pas sans comporter certaines disparités : les femmes, majoritairement employées dans des secteurs réputés féminins (B), sont sous-représentées dans les emplois de direction (C), dans les Conseils supérieurs des fonctions publiques (D), ainsi que dans les commissions administratives paritaires (E).

A. La parité en nombre est atteinte dans les trois fonctions publiques

Dans la fonction publique dans son ensemble, le taux de féminisation est de 60,1 % pour l’année 2009 : un taux plus important se constate dans la fonction publique hospitalière où il atteint 77 %, tandis qu’il est de 52 % dans la fonction publique de l’État et de 60,4 % dans la fonction publique territoriale. On ne note pas d’évolution significative de ces taux par rapport à ceux observés en 2008, ces derniers s’élevant à cette date respectivement à 76,7 % pour la fonction publique hospitalière, à 51,7 % pour la fonction publique de l’État et à 61 % pour la fonction publique territoriale.

En termes d’effectifs physiques, ces taux représentent environ 835 000 femmes dans la fonction publique hospitalière, 1 244 000 femmes dans la fonction publique de l’État et 1 070 000 femmes dans la fonction publique territoriale.

TAUX DE FEMMES PAR STATUT ET CATÉGORIE HIÉRARCHIQUE

DANS LES TROIS FONCTIONS PUBLIQUES EN 2009 (en %)

Source : Rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2010-2011, ministère de la Fonction publique, direction générale de l’Administration et de la fonction publique.

Si la parité femmes/hommes est un phénomène bien vivant au sein des trois fonctions publiques françaises, une petite nuance doit cependant être apportée concernant la fonction publique de l’État.

À partir des données du tableau ci-dessus, on remarque, en effet, que les femmes sont majoritaires dans les trois catégories hiérarchiques A, B (3) et C, avec des taux de féminisation à peu près comparables pour les emplois de la catégorie A sur l’ensemble de la fonction publique. Néanmoins, ces statistiques ne doivent pas faire oublier la prédominance des enseignants, dans la fonction publique de l’État. Ainsi, hors enseignants, la féminisation de la catégorie A dans la fonction publique de l’État est en réalité inférieure à celle observée, à ce niveau, dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique hospitalière. Elle s’élève à 44,7 % (4) contre 60,4 % pour la fonction publique territoriale et à 77 % pour la fonction publique hospitalière.

B. LES FEMMES RESTENT MAJORITAIREMENT EMPLOYÉES SUR DES MÉTIERS RÉPUTÉS FÉMININS

Le rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2010- 2011 semble indiquer qu’il n’y a pas eu de progression significative, entre 2008 et 2009, de la place des femmes dans les métiers réputés « masculins », métiers dans lesquels les femmes font encore un peu figure d’exception.

Cela est particulièrement perceptible, si l’on observe le tableau qui précède concernant le taux des femmes par statut et par catégorie hiérarchique dans les trois fonctions publiques en 2009. On peut y remarquer en effet la faible représentation des femmes dans les métiers militaires (14,2 %) ou les métiers techniques (13,7 %). Au contraire, les femmes occupent très largement certains métiers « traditionnellement » considérés comme féminins : dans la fonction publique de l’État, elles sont ainsi majoritaires dans l’Éducation nationale (69 %) ; dans la fonction publique territoriale, elles sont majoritairement représentées dans les métiers à vocation sociale ou de service (les femmes représentent par exemple 96,6 % des assistantes maternelles) ; elles sont enfin également majoritaires dans la filière soignante, hors médecins, dans la fonction publique hospitalière (80 %).

De même, le tableau ci dessous permet de se rendre compte de cette « spécialisation » dans le cas de la fonction publique de l’État : le poids des femmes dans l’enseignement, ainsi que dans les professions culturelles, médicales et liées au travail social ou aux professions intermédiaires de santé, y apparaît en effet comme tout à fait prépondérant.

EFFECTIFS PHYSIQUES
ET RÉPARTITION DES AGENTS DES MINISTÈRES PAR SEXE
SELON LA CATÉGORIE SOCIOPROFESSIONNELLE EN 2009 (en %)

Source : Rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2010-2011, ministère de la Fonction publique, direction générale de l’Administration et de la fonction publique.

C. LES EMPLOIS DE DIRECTION SONT ASSEZ PEU FÉMINISÉS

De manière plus générale, indépendamment des disparités que l’on vient de signaler, on note, en ce qui concerne les emplois de direction des trois fonctions publiques, que les femmes restent sous-représentées sur ces emplois.

On peut constater en effet, à la lecture du tableau ci-dessous, que, pour les trois fonctions publiques, plus le niveau de responsabilité est élevé, moins les femmes sont nombreuses.

EFFECTIFS PHYSIQUES ET PART DES FEMMES DANS LES EMPLOIS DE DIRECTION
DES TROIS FONCTIONS PUBLIQUES (en %)

(1) Emplois civils dans les ministères au 31 décembre 2009.

(2) Emplois au 31 décembre 2007.

(3) Emplois au 31 décembre 2009.

Source : Rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2010-2011, ministère de la Fonction publique, direction générale de l’Administration et de la fonction publique.

En outre, dans le cadre de cette tendance globale à la sous-représentation dans les emplois de direction, on observe de fortes différences selon les filières.

Ainsi, dans la fonction publique hospitalière, l’évolution d’ensemble se caractérise par une féminisation lente mais continue, avec néanmoins un déséquilibre entre les deux corps de directeurs. Le corps des directeurs d'hôpital (DH) est, en effet, composé majoritairement d’hommes. En revanche, le corps des directeurs d'établissement sanitaire, social et médico-social (D3S) a amorcé une féminisation significative au cours de ces dernières années, avec un effectif en croissance régulière.

Par ailleurs, on peut également noter que la fonction publique territoriale affiche le taux de féminisation des emplois de direction le plus faible des trois fonctions publiques avec 18%.

D. LA MIXITÉ RESTE FAIBLE DANS LES CONSEILS SUPÉRIEURS DES FONCTIONS PUBLIQUES

De même que l’on enregistre une sous-représentation des femmes dans les emplois de direction de la fonction publique, on assiste à un phénomène identique dans la composition du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État (CSFPE), du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) et du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière (CSFPH), alors pourtant que les femmes sont majoritaires, en termes d’effectifs globaux, dans les trois fonctions publiques.

En effet, dans aucun de ces trois Conseils, que ce soit parmi les représentants titulaires et suppléants des employeurs ou ceux du personnel, la part des femmes n’atteint les 50 %. En moyenne, les représentants des employeurs sur l’ensemble de la fonction publique ne correspondent qu’à 26,8 % de femmes et ce taux n’est que de 37,9 % en ce qui concerne les représentants du personnel. En outre, on peut noter que cette sous-représentation est encore plus marquée lorsque l’on ne prend en compte que les titulaires. Ces taux sont alors respectivement de 15,3 % et 30,5 %.

PART DES FEMMES (TITULAIRES ET SUPPLÉANTES) PARMI LES REPRÉSENTANTS
DES EMPLOYEURS ET DU PERSONNEL
DANS LES TROIS CONSEILS SUPÉRIEURS DE LA FONCTION PUBLIQUE
EN 2009 (en %)

Source : Rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2010-2011, ministère de la Fonction publique, direction générale de l’Administration et de la fonction publique.

On observe que les situation ne sont pas les mêmes selon la fonction publique concernée. Ainsi, si la part des femmes est beaucoup plus importante parmi les représentants du personnel que parmi ceux des employeurs au sein de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale, on remarque que la situation est inversée dans la fonction publique de l’État qui remplit en l’espèce son devoir d’exemplarité.

Il peut, par ailleurs, être intéressant de relever le cas particulier du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière où les femmes représentent moins de 10 % des représentants des employeurs alors que la féminisation des agents y est la plus importante. Les chiffres traduisent ainsi la sous-représentation des femmes dans les plus hautes instances représentatives de leurs professions et confirment d’une autre manière, leur sous-représentation dans les postes de direction.

E. LA SOUS-REPRÉSENTATION DES FEMMES EST ÉGALEMENT MANIFESTE DANS LES COMMISSIONS ADMINISTRATIVES PARITAIRES

Au sein des commissions administratives paritaires (CAP) de la fonction publique de l’État (5), on enregistre, de la même manière, une sous-représentation notable des femmes. Ainsi, les femmes y représentent 59,4 % des agents de catégorie A, seuls susceptibles de représenter l’administration pour l’ensemble des ministères, mais elles ne sont que 38,5 % à être nommées pour cette représentation au sein des CAP.

REPRÉSENTATION DES FEMMES NOMMÉES PAR L’ADMINISTRATION DANS LES CAP PORTANT SUR LA PÉRIODE DU 1ER JANVIER 2005 AU 31 DÉCEMBRE 2007 (EN %)

Source : Rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2010-2011, ministère de la Fonction publique, direction générale de l’Administration et de la fonction publique.

Par ailleurs, il est particulièrement intéressant de noter que l’écart moyen entre la part des femmes siégeant dans les CAP et la part des femmes dans l’ensemble des fonctionnaires ne se réduit pas davantage lorsqu’il s’agit des représentants élus par le personnel et non plus des représentants nommés par l’administration. Les taux sont comparables. Ainsi, parmi les élus syndicaux, 40 % seulement sont des femmes, alors qu’elles représentent 59 % de l’ensemble des fonctionnaires. Cela revient à signifier que les syndicats, en définitive, restent un peu en arrière de leurs ambitions affichées pour promouvoir la parité dans la fonction publique. Cela s’explique par le fait que les syndicats eux-mêmes ne pratiquent pas une mixité intégrale au sein de leurs instances dirigeantes.

REPRÉSENTATION DES FEMMES ÉLUES DU PERSONNEL DANS LES CAP
PORTANT SUR LA PÉRIODE DU 1ER JANVIER 2005 AU 31 DÉCEMBRE 2007 (en %)

Source : Rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2010-2011, ministère de la Fonction publique, direction générale de l’Administration et de la fonction publique.

On peut relever enfin que le taux de féminisation des représentants n’est pas proportionnel à la part des femmes dans l’effectif total. Là encore, la situation varie en fonction de la filière. Ainsi, à titre d’exemple, on peut observer que, pour un taux de femmes comparable dans l’ensemble des fonctionnaires entre le ministère de la Défense et le ministère de l’Outre-Mer, la part des femmes parmi les élus syndicaux varie de près de 20 % (en faveur du ministère de l’Outre-Mer).

La conclusion qui peut être tirée de cette présentation statistique de la présence des femmes dans la fonction publique est que la part du travail des femmes y reste mal appréhendée en l’absence de données chiffrées complètes et détaillées. Néanmoins, par rapport aux données relatives au vivier d’origine que constituent les femmes fonctionnaires de catégorie A, il apparaît d’ores et déjà clairement que la place qui leur est aujourd’hui réservée dans les emplois de direction ainsi qu’au sein des Conseils supérieurs des trois fonctions publiques est totalement insuffisante.

II.– LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PROJET DE LOI

Si diverses statistiques sexuées ont le mérite d’exister ça et là au sein de chacune des trois fonctions publiques, elles ne permettent pas de distinguer quantitativement et qualitativement les disparités constatées entre les femmes et les hommes et ne peuvent donc pas contribuer à la définition d’une politique d’égalité.

Afin d’y remédier, le présent projet de loi propose, par son article 41, que le Gouvernement communique au Conseil commun de la fonction publique un rapport sur les mesures mises en oeuvre dans les trois fonctions publiques pour assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Une telle disposition constitue une excellente première étape (A) mais elle doit être plus largement développée pour être pleinement efficace (B).

A. LA DÉFINITION D’UNE POLITIQUE D’ÉGALITÉ DANS LES TROIS FONCTIONS PUBLIQUES

Aux termes mêmes de l’étude d’impact du projet de loi, la mesure proposée par l’article 41 précité « consiste à prévoir la production, devant la nouvelle instance de dialogue social commune de la fonction publique, d'un rapport spécifique comportant des données relatives à la situation comparée des hommes et des femmes dans les trois versants de la fonction publique à tous les moments clés de leur carrière ».

Il s’agit tout à la fois d’établir un diagnostic fiable des causes des inégalités qui perdurent entre les femmes et les hommes et de le communiquer au Conseil commun de la fonction publique. Cette institution dédiée à l’emploi public a été créée par la loi du 5 juillet 2010 relative au dialogue social et devrait être très prochainement installée.

Sans le dire expressément, l’objectif ainsi recherché est la mise en place au sein du secteur public d’un rapport de situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes sur le modèle de celui que définit l'article L. 2323-57 du code du travail. Imposé sous peine d’une pénalité financière (6) aux chefs d’entreprises du secteur privé – ainsi qu’aux dirigeants des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) – comptant 50 salariés au moins, ce document constitue un outil privilégié des négociations sur l’égalité professionnelle : portant notamment sur les conditions générales d’emploi, de promotion professionnelle, de rémunération, de formation, de travail, etc., il doit mesurer et comprendre les situations existantes au travers d’indicateurs chiffrés ; fournissant aux employeurs une analyse objective et détaillée des points de blocage et des causes de disparités persistant entre les femmes et les hommes, ces indicateurs leur permettent ainsi d’agir en toute connaissance de cause dans la définition des actions qu’ils entendent mettre en place afin de favoriser l’égalité professionnelle.

Cette extension du rapport de situation comparée au secteur public avait déjà été imposée par la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : créant un article 6 quater au sein de la loi n° 83-34 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ce texte fait en effet obligation au Gouvernement de déposer tous les deux ans sur les bureaux des assemblées parlementaires « un rapport sur la situation comparée dans la fonction publique des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes ».

Pourtant, ainsi que le soulignait Mme Françoise Milewski, économiste au Centre de recherche en économie de Sciences-Po, devant la Délégation (7), le rapport de situation comparée dans la fonction publique n’est plus déposé au Parlement. Seul est aujourd’hui publié un bilan annuel de la fonction publique qui ne comporte qu’un nombre réduit d’indicateurs et dont la méthodologie a récemment été modifiée, ce qui interdit une lecture comparée de ces indicateurs dans le temps et, de fait, empêche toute possibilité d’analyse des évolutions éventuelles de la situation des femmes et des hommes au sein du secteur public.

B. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DU DISPOSITIF PRÉVU PAR LE PROJET DE LOI

1. Donner aux employeurs publics un véritable outil de gestion de l’égalité professionnelle

Afin de réellement disposer de données factuelles et transparentes permettant d’identifier les obstacles qui s’opposent au déroulement des carrières des femmes fonctionnaires, il convient d’imposer, non pas seulement « la rédaction d’un rapport spécifique » dont la fréquence n’est pas précisée, mais l’établissement annuel d’un rapport sur la situation comparée (RSC) des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans chacune des trois fonctions publiques, dans des conditions identiques à celles existant dans le secteur privé (8).

La rédaction respective de ces documents doit être confiée, pour le domaine qui les concerne, au Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et au Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière. Ces trois collèges paritaires, notamment chargés d’examiner toute question relative à la fonction publique dont ils sont saisis et de formuler des propositions, semblent les plus à même de collecter ces informations et de les transmettre au Gouvernement en lui proposant des plans d’action.

Afin de tenir compte des spécificités des recrutements par concours et d’évaluer les raisons pour lesquelles les postes de certains secteurs de la fonction publique sont majoritairement occupés par des femmes et certains autres par des hommes, chaque RSC devra comporter des analyses de la situation comparée des élèves inscrits au sein des écoles relevant du Réseau des écoles de service public, ainsi que des données statistiques relatives aux candidats inscrits, admissibles et admis, se présentant aux concours et aux examens professionnels des trois fonctions publiques.

Le Gouvernement, saisi des trois rapports, en fera ensuite une synthèse qu’il présentera, pour son information, au Parlement et, pour le suivi des mesures dont il aura décidé la priorité, au Conseil commun de la fonction publique.

La Délégation préconise la remise annuelle au Gouvernement par le Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière d’un rapport de situation comparée dans chacune des trois fonctions publiques. Une synthèse de ces documents sera ensuite transmise par le Gouvernement au Parlement et au Conseil commun de la fonction publique.

2. Étendre l’obligation du rapport de situation comparée aux établissements publics administratifs

Si l’ensemble de la fonction publique est tenu de fournir des données chiffrées permettant de mesurer les politiques d’égalité professionnelle qui sont menées en son sein, il paraîtrait illégitime et illogique que les établissements publics administratifs de l’État (9), dont les personnels sont des agents de l’État, ne soient pas soumis à cette même obligation.

L’État se doit d’être exemplaire en ce domaine et il n’est pas acceptable que le secteur public demeure en retrait par rapport au secteur privé. Aussi, tout comme les établissements publics industriels et commerciaux et les entreprises du secteur privé, les établissements publics administratifs de cinquante agents au moins devraient rédiger un rapport de situation comparée ; établi dans les mêmes conditions que celles visées à l'article L. 2323-57 du code du travail, ce rapport serait transmis au conseil d’administration ou à l’organe équivalent de l’établissement.

La Délégation souhaite que les établissements publics administratifs de cinquante agents au moins soient tenus de rédiger un rapport de situation comparée.

Mettre à la disposition des employeurs du secteur public un outil efficace de diagnostic et de gestion des carrières de leurs agents des deux sexes constitue une première étape fondamentale d’une politique d’égalité des femmes et des hommes ; cette étape doit néanmoins être accompagnée d’autres mesures concrètes et immédiates tendant à assurer la visibilité des femmes dans les trois fonctions publiques et à faire reconnaître leurs compétences.

III.– L’ADOPTION NÉCESSAIRE DE MESURES D’APPLICATION IMMÉDIATE

A. FIXER DES RÈGLES DE MIXITÉ POUR LA COMPOSITION DES CONSEILS D’ADMINISTRATION ET DE SURVEILLANCE DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS

On distingue classiquement les établissements publics administratifs et les établissements publics industriels et commerciaux. Les premiers sont des personnes morales de droit public et leur personnel est intégralement composé de fonctionnaires. La compétence du juge administratif s’y exerce systématiquement. Les seconds, sans que leurs textes d’établissement caractérisent toujours la nature et les attributs de leur personnalité morale, relèvent en pratique de l’application du droit privé et donc de la compétence du juge judiciaire. Leur personnel est généralement sous statut de droit privé, sauf les emplois de direction et celui de comptable dont les titulaires sont fonctionnaires et qui appliquent, sauf exceptions particulières, les règles de la comptabilité publique.

Du point de vue de l’égalité femmes/hommes, le dénominateur commun de ces deux types d’établissements publics est que leurs conseils d’administration ou leurs organes équivalents et éventuellement leurs conseils de surveillance ne font pas la part belle à la mixité. En fait, les conseils d’administration fonctionnent exactement comme ceux des grandes sociétés anonymes cotées ou employant plus de 500 personnes avant que n’intervienne la loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle. La prépondérance des hommes y est écrasante.

Il serait donc souhaitable de transposer, ainsi que le propose le rapport de Mme Françoise Guégot (10), le dispositif de la loi du 27 janvier 2011 aux établissements publics.

Cette transposition pourrait se faire de la manière suivante :

- immédiatement, c'est-à-dire six mois après la promulgation du présent projet de loi, il serait prévu, dans les cas où l’un des deux sexes n’est pas représenté au conseil d’administration ou de surveillance des établissements publics, qu’au moins un représentant de ce sexe soit nommé dès le premier renouvellement de l’un des mandats d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance intervenant à compter de la promulgation de la loi ;

- ensuite, il serait prévu, à compter du deuxième renouvellement des conseils d’administration intervenant à partir de la promulgation du présent projet de loi, c'est-à-dire à horizon de 2018, que la proportion d’administrateurs de chaque sexe dans les conseils d’administration des établissements publics ne puisse être inférieure à 40 % ;

- lorsque le conseil d’administration est composé au plus de huit membres, l’écart entre le nombre des administrateurs de chaque sexe ne pourrait être supérieur à deux ;

- enfin, les nominations intervenues en violation du dispositif précédent seraient nulles, à l’exception des nominations d’administrateurs appartenant au sexe sous-représenté au sein du conseil d’administration ; cette nullité n’entraînerait pas la nullité des délibérations du conseil d’administration.

Au total, pour améliorer la mixité dans les conseils d’administration ou les organes équivalents des établissements publics, ainsi que dans les conseils de surveillance, la Délégation propose de transposer à ces organismes le dispositif issu de la loi du 27 janvier 2011, dite loi Copé-Zimmermann.

B. ÉTABLIR LA PARITÉ DANS LES INSTANCES REPRÉSENTATIVES DE LA FONCTION PUBLIQUE

Les trois fonctions publiques étant plus majoritairement constituées de femmes, il paraît évident que leurs principales instances représentatives – le Conseil commun de la fonction publique, les Conseils supérieurs des trois fonctions publiques et les commissions administratives paritaires – doivent, au minimum, respecter le principe de parité.

S’il convient de laisser aux organisations syndicales la liberté de désigner leurs représentants à ces différents Conseils – mais il conviendra de mener avec elles une réflexion plus générale sur la nécessité d’instaurer une représentation équilibrée par genre dans leurs listes électorales –, il est souhaitable d’établir une obligation de parité entre les représentants femmes et hommes des collèges des autorités administratives et des employeurs publics. Cette parité devra être effective au plus tôt pour les différents Conseils de la fonction publique et au plus tard, à compter du 1er janvier 2015, pour les commissions administratives paritaires.

La Délégation préconise que :

- les membres respectifs du Conseil commun de la fonction publique, du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière soient désignés, dans chacune des autorités administratives qu’ils représentent, en respectant une proportion égale de femmes et d’hommes, à une unité près ;

- les membres représentant l'administration au sein des commissions administratives paritaires, instituées au titre de la fonction publique de l’État, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, soient désignés en respectant une proportion égale de femmes et d’hommes, à une unité près.

C. CONCOURIR À UNE REPRÉSENTATION ÉQUILIBRÉE DES JURYS DE CONCOURS OU D’EXAMENS PROFESSIONNELS ET DES COMITÉS DE SÉLECTION

Il est important d’améliorer la part des femmes au sein de tous les métiers de la fonction publique et, notamment, ceux où elles sont faiblement représentées. À cet effet, il conviendrait, en les féminisant davantage, de mieux sensibiliser à l’égalité professionnelle et aux discriminations liées au sexe les jurys des concours et des examens professionnels, ainsi que les comités de sélection des trois fonctions publiques.

Il doit, à ce propos, être rappelé que l’article 31 de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a imposé aux autorités organisatrices une obligation de composer leurs jurys et leurs comités de sélection « de façon à concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes ». Les modalités d’application de ce texte devant être définies par décret, un tel décret n’a été publié que pour la fonction publique de l’État. En conséquence, seules les administrations de la fonction publique de l’Etat ont mis en place un seuil minimal d’au moins un tiers de représentants de chacun des deux sexes. Les fonctions publiques territoriale et hospitalière n’ont, quant à elles, fixé aucune proportion minimale de chacun des sexes dans la composition de leurs jurys et comités.

Ce mépris de la loi ne doit pas perdurer. Là encore, il convient de tenir compte du fait que les femmes représentent plus de la moitié des agents dans toutes les fonctions publiques et qu’il est anormal qu’elle ne soient pas représentées, quasi à la proportionnelle, dans les instances de recrutement et ou de gestion des carrières.

La Délégation recommande d’obliger les autorités administratives chargées de constituer des jurys ou des comités de sélection à respecter une proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe.

D. INSTAURER UNE PARITÉ DANS LES NOMINATIONS AUX EMPLOIS DE DIRECTION DE LA FONCTION PUBLIQUE, AINSI QUE POUR UN CERTAIN NOMBRE D’EMPLOIS POURVUS EN CONSEIL DES MINISTRES

Comme on l’a observé, à la lecture des tableaux statistiques, dans la première partie de ce rapport, les emplois de direction dans les trois fonctions publiques sont assez peu féminisés.

Ces emplois de direction sont de trois sortes : les postes de directeurs d’administration centrale qui sont pourvus en conseil des ministres en application du 3ème alinéa de l’article 13 de la Constitution ; les postes de directeurs des services des collectivités territoriales qui sont pourvus par les élus locaux responsables de l’exécutif dans leurs collectivités ; et les postes de chefs d’établissement membres du corps des directeurs d’hôpitaux (DH) qui sont pourvus par le ministre chargé de la Santé et par le directeur général du Centre national de gestion.

Il en va de même, ainsi que le souligne le rapport de Mme Françoise Guégot (11), à propos des emplois pourvus en Conseil des ministres, et spécialement ceux pourvus en application du 4ème alinéa de l’article 13 de la Constitution. Ces emplois sont détaillés dans l’Ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l’État. Les postes visés par ce texte sont notamment : les emplois de procureur général près de la Cour de cassation, de procureur général près de la Cour des comptes et de procureur général près d’une cour d’appel, ainsi que les emplois de direction dans les établissements publics, les entreprises publiques et les sociétés nationales quand leur importance justifie d’une inscription sur une liste dressée par décret en Conseil des ministres (12).

Il paraîtrait tout à fait opportun d’introduire le principe de parité dans la nomination à l’ensemble de ces emplois, ce qui peut se faire par une loi simple, ainsi que l’indique l’article 1er de la Constitution qui dispose que la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.

La Délégation propose d’établir le principe de parité pour les nominations aux emplois de direction dans les trois fonctions publiques, ainsi que pour les emplois pourvus en Conseil des ministres en application du quatrième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

E. AMÉLIORER LE DÉROULEMENT DE CARRIÈRE DES FEMMES APRÈS UN CONGÉ PARENTAL

Le congé parental est l’une des positions de la fonction publique dans laquelle l’agent public, qu’il soit ou non titulaire, est placé hors de son administration ou de son service d’origine, sans rémunération, pour élever un enfant, généralement après sa naissance, mais pas exclusivement (on peut prendre aussi un congé parental après une adoption). À condition qu’il dispose d’un an d’ancienneté, cette disposition est de droit pour l’agent public, c'est-à-dire que l’administration ne peut pas s’opposer à sa demande. Le congé parental est fixé à une durée initiale d’un an au maximum. Il peut être prolongé deux fois sans toutefois excéder la date du troisième anniversaire de l’enfant (avec des dispositions particulières si l’enfant est adopté). À son retour dans l’administration, l’agent public conserve ses droits à avancement au titre de la période du congé parental, mais réduits de moitié.

Cette disposition n’est pas très favorable pour la carrière des femmes qui sont les principales bénéficiaires du congé parental. Ainsi, comme le souligne à bon droit le rapport de Mme Françoise Guégot (13), de nombreux fonctionnaires se trouvent pénalisés dans leur carrière avec l’arrivée d’un enfant.

Il serait donc légitime de prévoir que les fonctionnaires, au moins les fonctionnaires titulaires, lorsqu’ils sont bénéficiaires d’un congé parental, conservent la totalité de leurs droits à avancement pendant la période de ce congé.

La Délégation estime nécessaire de maintenir dans leur intégralité les droits à avancement des fonctionnaires titulaires en cas de congé parental.

*

* *

Au total, et pour résumer, les recommandations de la Délégation tendent principalement :

— à améliorer les statistiques concernant les femmes dans les trois fonctions publiques, statistiques qui restent encore trop souvent incomplètes ou insuffisamment détaillées.

— à améliorer la participation des femmes au sein du secteur public, notamment par l’instauration de la parité dans tous les jurys de concours et les examens professionnels de la fonction publique, ainsi que dans les comités de sélection ;

— à accroître la part des femmes dans les emplois de direction en établissant la parité dans toutes les nominations à ces types d’emplois ;

— à établir la parité dans les Conseils supérieurs des trois fonctions publiques et dans les commissions administratives paritaires.

Parallèlement – mais cela dépasse assurément la question de la parité dans la fonction publique – il serait sans doute souhaitable que les organisations syndicales entament une réflexion pour accroître elles-mêmes la mixité au sein de leurs propres instances dirigeantes.

C’est ainsi que les femmes pourront trouver toute la place qui leur revient au sein des trois fonctions publiques.

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

La Délégation aux droits des femmes, sous la présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, a examiné le présent rapport d’information, au cours de sa réunion du mardi 31 janvier 2012.

Un débat a suivi l’exposé de la Présidente.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Pour donner une suite au rapport sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique, remis par notre collègue, Mme Françoise Guégot, au Président de la République, en mars 2011, nous avons souhaité introduire diverses dispositions relatives à la parité dans le projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

Je rappelle que, lors de la discussion au Sénat de ce projet de loi, aucun amendement sur la parité n’a été adopté.

Les recommandations formulées dans le présent rapport reprennent, de fait, celles qu’avait présentées Françoise Guégot qui, depuis le mois de septembre, s’est par ailleurs attachée à persuader le ministre de la fonction publique, M. François Sauvadet, de la nécessité d’intégrer dans ce texte des amendements portant sur ce sujet. Le ministre s’est déclaré favorable à ce que la question soit abordée.

Nous avons déposé hier soir des amendements qui seront discutés demain par la commission des lois. Nous allons tout faire pour qu’ils soient adoptés par la commission afin que les dispositions que nous proposons soient intégrées au texte qui sera discuté en séance.

Françoise Guégot. Nous avons cherché à déterminer, parmi les préconisations formulées dans mon rapport, lesquelles étaient de nature législative. Trois thèmes ont pu être ainsi repris sous forme d’amendements.

Le premier concerne l’élaboration d’un rapport de situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes afin de disposer d’éléments statistiques couvrant les trois fonctions publiques. Cette mesure apportera une meilleure lisibilité des situations existantes, à la hauteur de ce qui se fait déjà dans le secteur privé.

Le deuxième sujet abordé est celui de la prise en compte du congé parental dans les droits à avancement des fonctionnaires titulaires. Aujourd’hui, l’évolution du salaire à l’ancienneté ne prend pas en compte cette position de congé parental.

Le troisième thème est celui de la parité : nous proposons un taux minimum de 40 % de femmes dans les jurys de concours, dans les conseils d’administration ou les organes équivalents des établissements publics et pour les nominations à des postes de direction. Les débats porteront sur cette proportion de 40 % qui est préconisée, en lieu et place d’une parité stricte.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Cette dernière solution nous a semblé la plus souple.

Françoise Guégot. Atteindre 40 % serait déjà une très bonne chose.

J’insiste sur le fait que, concernant la composition des jurys de concours, contrairement à ce que de nombreuses personnes pensent, la question de la parité n’est pas résolue. Une loi a bien été votée sur ce sujet mais un seul décret d’application à la fonction publique de l’État a été publié.

Grâce à la loi Coppé-Zimmermann, le principe de parité a été mis en œuvre dans le secteur privé. Il faut maintenant que l’État montre l’exemple car même dans des secteurs très féminisés, le plafond de verre joue à plein pour l’accès aux postes de responsabilité.

Le rapport que j’ai présenté porte encore sur d’autres problèmes ; par exemple sur la déclinaison des différents outils visant à mieux concilier la vie familiale et la vie professionnelle. Mais les mesures correspondantes ne relèvent pas de la loi.

Concernant le texte qui nous intéresse, la position du ministre est a priori favorable. Des débats sont cependant prévisibles, en particulier sur le fait que le taux de 40 % que nous proposons devrait s’appliquer non seulement aux fonctions de direction mais aussi aux emplois pourvus en Conseil des ministres – ce qui risque d’être une pierre d’achoppement.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Certes, mais nous ne reculerons pas ! Tous nos amendements seront défendus.

J’ai toujours été surprise du fait que des actions en faveur de la parité avaient pu être entreprises dans le secteur privé mais pas dans la fonction publique. C’est avec raison que Françoise de Panafieu a pu dire qu’on imposait au privé ce que l’État ne s’impose pas à lui-même.

Toutes les autorités semblent favorables à des avancées sur ce sujet. François Sauvadet paraît, en particulier, très ouvert à notre démarche. La loi étant discutée après que le Gouvernement a demandé la procédure d’urgence, il nous faut saisir l’occasion et battre le fer tant qu’il est chaud.

Catherine Coutelle. Toutes ces recommandations me paraissent très intéressantes. Je m’interroge cependant sur quelques points.

A la page huit du rapport, il est écrit que, dans la fonction publique, « les femmes restent majoritairement employées sur des métiers féminins ». Or parmi les préconisation formulées par le rapport, aucune n’aborde ce problème. Il est vrai qu’il ne semble pas exister de solutions immédiates pour y répondre.

Je me demande également si l’extension de l’obligation d’élaborer un rapport de situation comparée aux établissements publics administratifs, telle que vous le proposez à la page seize du rapport, englobe tous les types d’autorités et d’agences créées à l’occasion de lois très diverses. Par exemple qu’en est-il des agences régionales de santé (ARS) – car je ne connais aucune femme directrice d’une ARS ?

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. L’amendement que nous proposons porte sur tous les types d’établissements publics. Les ARS devraient donc être concernées, dans la mesure où elles sont des établissements publics.

J’ajoute qu’un Conseil commun de la fonction publique est en train d’être mis en place. Alors que le projet de loi prévoit que cette nouvelle instance sera destinataire d’un rapport sur les mesures mises en œuvre pour assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, j’ai obtenu que ce rapport soit annuel et comprenne des données statistiques pour les trois fonctions publiques.

Madame Catherine Coutelle. Alors que le présent rapport établit le constat d’une faible participation des femmes aux commissions administratives paritaires, il me semble regrettable qu’aucune recommandation ne préconise une meilleure représentation de ces grandes oubliées des négociations syndicales.

Madame Marie-Jo Zimmermann. En fait, la deuxième partie de la quatrième recommandation répond à votre préoccupation.

En ce qui concerne les organisations syndicales, il serait souhaitable, au cours de la prochaine législature, que la mixité puisse s’appliquer à leurs organes de direction. Ce serait une question à aborder, en accord avec les grandes centrales, dès octobre 2012. Cette question est cependant délicate car il faudrait, avant toutes choses, que les syndicats se mettent bien d’accord entre eux sur les objectifs qu’ils souhaitent poursuivre

.Madame Catherine Coutelle. Pour la dernière résolution contenue dans le rapport et visant le maintien des droits à avancement au titre du congé parental, pourquoi ne vise-t-on que les personnels titulaires et non les personnels non titulaires ?

Madame Françoise Guégot. Pour les non titulaires, il n’y a pas de règles d’avancement de type « grille de la fonction publique » ; soit ils sont contractuels et les tableaux d’avancement ne s’appliquent pas : le décompte de l’ancienneté est pris en compte autrement ; soit ils sont en stage probatoire en attendant une titularisation, et, de même, ils sont dans une situation où le dispositif prévu par l’amendement ne trouve pas à s’appliquer.

Madame Marie-Jo Zimmermann. C’est d’ailleurs l’un des objectifs du projet de loi que d’améliorer la situation juridique des contractuels dans la fonction publique.

Madame Catherine Coutelle. On me rapporte fréquemment des cas dramatiques à propos de contractuels dans la fonction publique. Ainsi, dans ma région, une personne travaillant à l’hôpital vient de se voir proposer, pour la dixième fois consécutive, un contrat à durée déterminée (CDD) d’un mois. Pour lui accorder un temps complet, le directeur de l’hôpital n’a pas trouvé d’autre solution qu’un travail de nuit. C’est la même chose à la Poste. Je connais une personne pour qui l’établissement public a multiplié des CDD très courts. Comme cet établissement vient d’être condamné pour ce motif, le dernier CDD de la personne a été interrompu et elle ne sait pas quand elle pourra être réembauchée.

Madame Françoise Guégot. Il est vrai que l’État n’est pas toujours exemplaire et qu’il se permet parfois, dans la gestion de ses ressources humaines, d’entériner des situations qui n’existeraient pas dans le secteur privé.

Madame Catherine Coutelle. D’autre part, plusieurs personnes que nous avons entendues à la Délégation nous ont affirmé qu’il n’y avait pas de « plafond de verre » pour l’accession aux plus hautes responsabilités dans la fonction publique…

Madame Françoise Guégot. Ici, ce sont les chiffres qui parlent d’eux-mêmes. Et c’est un grand mérite de Mme Marie-Jo Zimmermann que d’avoir toujours soulevé cette question des statistiques à propos des femmes et d’avoir toujours voulu faire en sorte que l’on puisse disposer d’une situation claire en ce domaine.

Il faut poursuivre sur cette voie visant à obtenir des statistiques les plus exhaustives possibles. En effet, plus on aura de transparence sur les chiffres et plus on aura de facilités à contraindre les directions des ressources humaines et les autres structures à évoluer. Les chiffres pourront nous renseigner aussi sur les raisons de discriminations qui ne peuvent pas s’expliquer seulement parce que les intéressées ont, éventuellement, connu des phases de travail à temps partiel.

On peut supposer, en outre, qu’indépendamment des constats chiffrés et des mesures correctives prises, des campagnes bien ciblées, menées dans les médias, et même dès le stade de l’école, contribueront, de plus en plus, à orienter les femmes vers des métiers plus intéressants et mieux rémunérés que ceux auxquels elles se restreignent encore trop souvent actuellement. C’est là un travail de longue haleine et je voudrais voir cesser un jour des réflexions comme celle–ci, émanant d’un chef d’entreprise, à qui l’on venait d’installer de l’informatique mobile : « Avec ce type d’équipement, ma secrétaire est contente. »

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je suis en tout cas très heureuse de finir mon mandat à la Délégation avec des propositions visant à étendre le rapport de situation comparée dans toute la fonction publique.

Mme Marie-Noëlle Battistel. On pourrait même aller en ce domaine jusqu’à prévoir des sanctions financières !

La Délégation a adopté le présent rapport et les recommandations suivantes :

LES RECOMMANDATIONS ADOPTÉES

1) Faire remettre annuellement au Gouvernement par le Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière un rapport de situation comparée dans chacune des trois fonctions publiques. Une synthèse de ces documents sera ensuite transmise par le Gouvernement au Parlement et au Conseil commun de la fonction publique.

2) Obliger les établissements publics administratifs de cinquante agents au moins à rédiger un rapport de situation comparée.

3) Transposer dans les conseils d’administration ou les organes équivalents des établissements publics, ainsi que dans leurs conseils de surveillance, le dispositif paritaire issu de la loi du 27 janvier 2011, dite loi Copé-Zimmermann.

4) Respecter une proportion égale de femmes et d’hommes, à une unité près, dans la désignation :

– des membres respectifs du Conseil commun de la fonction publique, du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière ;

– des membres représentant l'administration au sein des commissions administratives paritaires instituées au titre de la fonction publique de l’État, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière.

5) Obliger les autorités administratives chargées de constituer des jurys ou des comités de sélection à respecter une proportion minimale de 40 % de personnes d’un même sexe.

6) Établir le principe de parité pour les nominations aux emplois de direction dans les trois fonctions publiques, ainsi que pour les emplois pourvus en Conseil des ministres en application du quatrième alinéa de la Constitution.

7) Maintenir dans leur intégralité les droits à avancement des fonctionnaires titulaires en cas de congé parental.

1 () Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives a la fonction publique de l’État, loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives a la fonction publique territoriale, loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives a la fonction publique hospitalière.

2 () Si la Police ou la Gendarmerie, par exemple, tiennent de telles statistiques, au moins partielles, leurs résultats sont insuffisamment exploités, insuffisamment diffusés et insuffisamment mis en perspective, ainsi qu’a pu s’en apercevoir la Délégation en procédant à des auditions sur cette féminisation des métiers masculins, à la fin de l’année 2011.

3 () Dans la fonction publique de l’État, les femmes sont majoritaires dans cette catégorie B, hors emplois militaires.

4 () Ce taux prend en compte les emplois militaires, largement occupés par des hommes. Hors ces emplois, la part des femmes passe à 53,5 %.

5 () Les données manquent pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière

6 () Sauf dans le cas où un accord sur l’égalité professionnelle a déjà été conclu.

7 () Audition du 24 mai 2011.

8 () Voir le A précédent.

9 () Voir la définition, infra, en III A.

10 () Rapport précité sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique, p.33. Ce rapport peut être librement consulté à l’adresse suivante :

http://www.francoiseguegot.fr/sessions/data/fic/liens/version_finale_rapport_08_03_2011-2011-03-08-15-40.pdf

11 () Rapport précité, p. 32.

12 () Par ailleurs, certains textes législatifs ou règlementaires peuvent prévoir des emplois nécessitant une procédure de désignation par décret en Conseil des ministres.

13 () Rapport précité, p. 34.


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