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COMPOSITION
de L’OFFICE PARLEMENTAIRE D’ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

Président

M. Claude BIRRAUX

Premier Vice-Président

M. Jean-Claude ÉTIENNE

Vice-Présidents

M. Claude GATIGNOL, député Mme Brigitte BOUT, sénatrice

M. Pierre LASBORDES, député M. Christian GAUDIN, sénateur

M. Jean-Yves LE DÉAUT, député M. Daniel RAOUL, sénateur

DÉputés

SÉnateurs

M. Christian BATAILLE

M. Claude BIRRAUX

M. Jean-Pierre BRARD

M. Alain CLAEYS

M. Pierre COHEN

M. Jean-Pierre DOOR

Mme Geneviève FIORASO

M. Claude GATIGNOL

M. Alain GEST

M. François GOULARD

M. Christian KERT

M. Pierre LASBORDES

M. Jean-Yves LE DÉAUT

M. Michel LEJEUNE

M. Claude LETEURTRE

Mme Bérengère POLETTI

M. Jean-Louis TOURAINE

M. Jean-Sébastien VIALATTE

M. Gilbert BARBIER

M. Paul BLANC

Mme Marie-Christine BLANDIN

Mme Brigitte BOUT

M. Marcel-Pierre CLÉACH

M. Roland COURTEAU

M. Marc DAUNIS

M. Marcel DENEUX

M. Jean-Claude ÉTIENNE

M. Christian GAUDIN

M. Serge LAGAUCHE

M. Jean-Marc PASTOR

M. Xavier PINTAT

Mme Catherine PROCACCIA

M. Daniel RAOUL

M. Ivan RENAR

M. Bruno SIDO

M. Alain VASSELLE

SOMMAIRE

Introduction 3

DE L’APPLICATION à LA RéVISION DE LA LOI DE 2004 7

I - La publication tardive et incomplète des décrets d’application 7

A- Une situation moins alarmante qu’en 1998 7

B - Un bilan en demi-teinte de l’application de la loi 8

C - Les principaux textes en attente 12

II - Une loi révisable ? 14

A - Des délais de révision rarement respectés 14

B - Inscrire la bioéthique dans le préambule de la constitution ? 14

C - Des interrogations sur le principe d’une révision périodique 16

III - Les instances de régulation de la loi de bioéthique 19

A - La montée en puissance de l’Agence de la biomédecine (ABM) 19

B - Le Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) : une autorité influente 23

C - Les espaces éthiques régionaux de réflexion 27

Première partie

Droits de la personne et caractéristiques génétiques : utilisation des tests génétiques, diagnostic prénatal, diagnostic préimplantatoire 29

I - Un encadrement juridique strict du recours aux examens génétiques 29

A - Un recours accru aux examens génétiques 30

B - La communication des résultats d’un examen génétique 41

II - Les défis éthiques : le spectre de la « biologisation » 45

A- L’explosion des tests génétiques en libre accès sur Internet 45

B - Les risques d’eugénisme : les tests prédictifs en débat 51

C - Les risques de discrimination 57

D - La nécessité de protéger les données concernant les caractéristiques génétiques 58

II - L’intérêt scientifique et technologique croissant de l’après génome et les tensions éthiques 61

A - Le développement du génotypage 61

B - La révolution génomique : mythe ou réalité ? 61

C - La thérapie génique entre déception et espérance 64

D - L’essor de la pharmacogénétique 65

Deuxième partie

Les prélèvements et greffes d’organes et de tissus 69

I - Favoriser le don : le bilan de la loi de 2004 69

A - Une législation adaptée s’inscrivant dans la continuité 69

B - Les règles relatives aux prélèvements d’organes sur donneur décédé 73

C - Garder au prélèvement d’organes sur une personne vivante un caractère exceptionnel 80

II - Les activités de prélèvements et de greffes en France et à l’étranger 87

A - Une pratique des prélèvements et de la greffe en France assurant un accès équitable
aux greffons 87

B - Les principaux chiffres nationaux de la greffe en 2007 restent marqués par la pénurie
de greffons 89

III - La collaboration internationale et la lutte contre le trafic d’organes 100

A - Une collaboration progressant à l’échelon de l’Union européenne 100

B - La lutte contre le trafic d’organes 103

IV - Les évolutions scientifiques et techniques 107

A - La lutte contre la pénurie de greffons 107

B - La thérapie cellulaire 108

C - La maîtrise du phénomène de rejet 110

D - L’allo-transplantation de tissus composites : les interrogations éthiques sur
la transplantation faciale 112

E - Les xénogreffes 113

Troisième partie

L’assistance médicale à la procréation (AMP) 115

I - Un encadrement strict de l’accès à l’AMP et ses conséquences
sur le droit de la filiation 117

A - Le cadre technique de l’AMP 117

B - Une procédure rigoureuse ayant des conséquences sur la filiation de l’enfant à naître 117

II - Les fondements de la loi de 2004 en débat : droit de l’enfant/ droit à l’enfant 122

A - Des interrogations sur la rigidité du cadre de l’accès à l’AMP 122

B - L’anonymat et la gratuité des dons de gamètes 129

C - La gestation pour autrui : un débat nécessaire 138

III - Le bilan de l’AMP et le tourisme procréatif 158

A - Le bilan mitigé de l’AMP en France 158

B - Des disparités d’accès et de résultats 160

C - Le tourisme procréatif 165

IV - Les interrogations sur les nouvelles techniques d’AMP 169

A - Des interrogations sur les effets de l’ICSI (micro-injection ovocytaire de spermatozoïdes)
sur la santé des enfants 169

B - L’évolution des stratégies de transfert embryonnaire 171

C - Les techniques de conservation des ovocytes 174

D - Alléger les traitements de stimulation ovarienne 175

E - Améliorer la connaissance de l’aptitude des embryons à se développer 176

F - Pallier les défaillances des ovaires et de l’utérus 177

QUATRIème partie

la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires
et f
œtales humaines
181

i - Une recherche sur les cellules souches embryonnaires, entravée par la loi 181

A - Le statut juridique incertain de l’embryon 181

B - Les conséquences du moratoire sur la recherche sur l’embryon 184

ii - Les progrès de la recherche fondamentale sur les cellules souches 195

A - Les cellules souches pluripotentes induites (IPS) 196

B - Le sang placentaire et la thérapie cellulaire 199

iii - Les débats éthiques et scientifiques sur les cellules souches 208

A - L’avis n °93 du CCNE « Commercialisation des cellules souches humaines
et autres lignées cellulaires », du 22 juin 2006 208

B - Les débats sur le recours aux cellules souches embryonnaires 210

C - Le clonage non reproductif 212

CINQUIème PARTIE

NEUROSCIENCES ET IMAGERIE CéRéBRALE : QUELLES FINALITéS ET QUELS ENJEUX éTHIQUES? 221

i - L’émergence d’un questionnement sur les neurosciences et la neuroimagerie 221

A - L’accélération des recherches et les convergences des technologies : les interrogations. 221

B - L’exploration des mécanismes cérébraux : l’état des lieux 222

ii - De l’homme réparé  à l’homme augmenté 225

A - L’utilisation des implants cérébraux : un débat sur l’interface homme/machine 225

B - Le transhumanisme : le détournement à des fins non thérapeutiques des implants cérébraux 226

iii - L’exigence d’une régulation 230

A - Les possibilités d’entrave à la liberté individuelle 230

B - Quelles régulations ? 233

CONCLUSIONS 237

La loi à l’épreuve des réalités : le « dumping » éthique et juridique 237

EXAMEN ET ADOPTION DU RAPPORT PAR L'OFFICE PARLEMENTAIRE 241

LES RECOMMANDATIONS 249

ANNEXE 1 : Personnalités auditionnées par les rapporteurs 259

ANNEXE 2 : Comité de pilotage 267

ANNEXE 3 : Décret n° 2008-328 du 9 avril portant création d’un comité de réflexion
sur le Préambule de la Constitution
269

ANNEXE 4 : Lettre du Premier ministre 271

ANNEXE 5 : Liste des équipes autorisées par l'Agence de la biomédecine 273

INTRODUCTION

La loi n° 2004-800 du 6 août 2004, relative à la bioéthique organise, une double saisine de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).

En effet, l’article 40 dispose :

« I. - La présente loi fera l’objet d’un nouvel examen d’ensemble par le Parlement dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur.

II. - Elle fera en outre l’objet, dans un délai de quatre ans, d’une évaluation de son application par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. »

En outre, les articles 25 et 26 qui portent sur la recherche sur l’embryon et les cellules souches, interdisent la recherche sur l’embryon humain tout en l’autorisant à titre exceptionnel pour une période limitée à 5 ans, lorsque l’homme et la femme qui forment le couple à l’origine de l’embryon y consentent.1

L’article 26 précise que six mois avant le terme de la période de cinq ans, l'Agence de la biomédecine et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques établissent chacun un rapport évaluant les résultats respectifs des recherches sur les cellules souches embryonnaires et sur les cellules souches adultes afin de permettre un nouvel examen de ces dispositions par le Parlement. Ce moratoire commence à la publication du décret d’application de ces dispositions.

Le décret n°2006-121 relatif à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires et modifiant le code de la santé publique a été publié le 6 février 2006.

Une évaluation comparée des résultats des recherches sur les cellules souches adultes et les cellules souches embryonnaires doit donc être conduite par l’OPECST et l’Agence de la Biomédecine (ABM) au cours de l’année 2010. Un processus de suivi a d’ores et déjà été initié par l’OPECST, lors de l’audition publique sur les cellules souches du 22 novembre 2005 et lors de la présentation du rapport n°3498 sur le fonctionnement des cellules humaines du 6 décembre 2006, par M. Alain CLAEYS, co-rapporteur du présent rapport.

Le champ de l’évaluation

Comme il s’agissait de répondre à cette double saisine législative, le champ de l’évaluation a été limité volontairement aux dispositions de la loi de 2004, bien que le domaine de la bioéthique soit plus vaste et pourrait notamment inclure la fin de vie, les essais cliniques ou la protection des données de santé.

En revanche, conformément aux souhaits exprimés par le Conseil scientifique de l’Office et aux demandes des chercheurs, les implications éthiques du recours aux neurosciences et à l’imagerie cérébrale ont été étudiées. La loi de bioéthique de 2004 n’aborde pas ces problématiques nouvelles qui, de l’avis des chercheurs eux-mêmes, nécessiteraient une réflexion approfondie, voire des régulations.

Conscients des bouleversements à l’œuvre dans le domaine de la recherche sur les cellules souches, nous nous réservons, par ailleurs, la possibilité dans une phase ultérieure, d’approfondir ce vaste sujet, conformément à l’article 26 précité de la loi de 2004.

La méthode

Contrairement aux usages en cours au sein de l’Office, nous avons souhaité organiser, pendant l’évaluation, des auditions ouvertes au public alors qu’en règle générale, ces auditions intervenaient en fin d’étude. Cette initiative, soutenue par M. Claude BIRRAUX, président de l’OPECST, visait à conférer une transparence et une visibilité plus grande aux travaux de l’OPECST et à offrir un espace de débats entre les différents acteurs directement concernés par la bioéthique. Inscrite dans le prolongement des divers travaux conduits par l’Office sur la bioéthique depuis 1992, cette initiative a souligné la continuité des études réalisées dans le cadre de l’OPECST.

Comme le rappelait M. Claude BIRRAUX, président de l’OPECST, lors de l’ouverture de la première audition publique : « Dans le domaine de la bioéthique, qui provoque tellement de débats, voire même d’affrontements dans la société, la formule des auditions publiques contradictoires ouvertes à la presse, initiée par l’Office, est particulièrement bien adaptée. L’organisation d’auditions publiques était déjà suggérée dans le travail initial réalisé au sein de l’Office parlementaire en 1992 par feu le sénateur Franck SERUSCLAT, dont le rapport sur « Les sciences de la vie et les droits de l’Homme : bouleversement sans contrôle ou législation à la française ? » symbolise la première incursion de l’Office parlementaire dans le domaine de la bioéthique ».

Concilier des droits parfois divergents : droits des scientifiques à effectuer leur recherche sans encadrement paralysant /respect des règles éthiques, droits des patients à bénéficier de traitements nouveaux performants /principe de précaution, droits d’accéder à l’assistance médicalement à la procréation / droit de l’enfant, tel est le rôle du législateur dans ce domaine. Rechercher un consensus sur les valeurs qui fondent notre  « vivre ensemble », sans entraver le progrès scientifique, ni accroître les craintes qu’il génère dans la société, tel est l’esprit dans lequel nous avons abordé l’ensemble des sujets que traite la loi de 2004.

C’est pourquoi, la méthode des auditions publiques associant chercheurs, juristes, sociologues, philosophes, et membres d’instances de la biomédecine et de comités d’éthique, est apparue féconde pour identifier les futurs défis que les sciences du vivant et les nouvelles technologies lancent au législateur. Trois auditions publiques dont le compte-rendu constitue le tome II du rapport, ont été organisées:

- « Sciences du vivant et société : la loi bioéthique de demain », le 29 novembre 2007,

- « Exploration du cerveau, neurosciences : avancées scientifiques, enjeux éthiques », le 26 mars 2008,

- « Assistance médicale à la procréation : enjeux et défis éthiques », le 10 juin 2008.

En outre, nous avons entendu les responsables des principales institutions de recherche, des chercheurs, des praticiens, dans le domaine des sciences du vivant, comme des sciences humaines, ainsi que des représentants des religions et des grands courants de pensée, des responsables associatifs. Nous avons participé à plusieurs colloques, nous nous sommes rendus au Royaume-Uni et en Espagne et avons visité différents centres de recherche en France. La liste de ces auditions figure en annexe 1 du rapport.

Nous avons effectué cette évaluation avec un comité de pilotage dont la composition se trouve en annexe du rapport. Nous tenons à exprimer notre gratitude à ses membres ainsi qu’à toutes les personnalités que nous avons auditionnées.

Les études et travaux menés parallèlement par d’autres instances, telles que l’Agence de la biomédecine, les avis du Comité national consultatif d’éthique, les travaux des organisations internationales, comme l’UNESCO, le Conseil de l’Europe, le Groupement européen d’éthique, ainsi que les colloques et les rapports parlementaires ont nourri notre réflexion.

Fidèle à la tradition instaurée au fil de ses études par l’Office, notre objectif n’est pas de préjuger des décisions qui seront prises ultérieurement par le législateur. Il ne nous appartient pas de trancher des débats de société ou de déterminer les modèles familiaux de demain, les états généraux de la bioéthique qui devraient être organisés courant 2009 permettront de mieux cerner les attentes de nos concitoyens sur ces points. Identifier les principaux enjeux scientifiques et éthiques, informer sur les évolutions en cours dans les domaines couverts par la loi de 2004, tel a été le sens de notre démarche. Aussi, trouvera-t-on dans ce rapport, plus d’interrogations que de positions tranchées.

Nous nous sommes efforcés au cours de cette étude de fonder nos interrogations et suggestions sur le respect de la dignité de chacun, les principes de solidarité, de responsabilité, et de réciprocité ainsi que sur la défense du principe de non marchandisation du vivant. Nous inspirant des conseils judicieux du Professeur Axel KAHN, président de l’Université Paris Descartes2, nous nous sommes efforcés de nous interroger sur « la vie bonne » et de nous méfier « des icônes corruptrices », telles que la passion scientifique, la fascination technologique ou la perspective réelle ou supposée de bienfaits considérables d’une expérience discutable sur le plan éthique.

Reprenant les souhaits formulés par le Professeur Frédérique DREIFUSS-NETTER3, nous avons veillé à ce que nos évaluations permettent l’élaboration d’une future loi « utile, cohérente, et juste ».

DE L’APPLICATION À LA RÉVISION DE LA LOI DE 2004

Fruit d'un travail de concertation et de réflexion approfondi, la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique a été saluée par l'ensemble des acteurs comme le compromis nécessaire entre le respect de la dignité humaine et la prise en compte des progrès scientifiques intervenus depuis le vote des lois de juillet 1994. Comme pour les lois de 1994, la mise en œuvre de la loi de 2004 a été ralentie par des retards dans l’élaboration et la publication des mesures réglementaires. Les services ministériels se sont trouvés débordés par le nombre considérable de textes réglementaires à publier qui, de surcroît, nécessitaient des arbitrages entre plusieurs instances administratives. Des équipes de chercheurs ont été pénalisées par le retard pris dans l'application de la loi.

I - LA PUBLICATION TARDIVE ET INCOMPLÈTE DES DÉCRETS D’APPLICATION

La publication tardive des décrets d’application des lois devient une sorte de coutume qui ne concerne pas le seul domaine de la bioéthique. Une fois de plus, les rapporteurs le déplorent, tout en reconnaissant que des efforts ont été accomplis en comparaison de la situation qui a prévalu pour les lois de bioéthique de 1994. Cependant, évaluer des dispositions qui ne sont pas encore complètement appliquées, ou viennent à peine de l’être, reste une gageure.

A- UNE SITUATION MOINS ALARMANTE QU’EN 1998

Près de cinq ans après sa promulgation, la loi du 29 juillet 1994 n'était pas encore intégralement applicable du fait des retards pris dans la parution des textes réglementaires nécessaires.

Les rapporteurs de l’OPECST notaient alors que pour la partie «greffes » de la loi, plusieurs décrets essentiels pour sa mise en oeuvre (autorisation des établissements, registre des refus, règles de sécurité sanitaire) avaient subi un retard variant entre 32 et 39 mois.

Les conditions d'autorisation des études menées sur l'embryon furent fixées par le décret du 27 mai 1997 ;  la pratique du diagnostic préimplantatoire ne débuta que dans le courant de l'année 1999. Quant à la procédure d'accueil d'un embryon par un couple tiers, elle ne put recevoir, faute de texte, aucun commencement d'application.

Sur les dispositions relatives à la médecine prédictive, à l'identification génétique et à la recherche génétique, le décret du 6 février 1997 fixait, certes, les conditions d'agrément des personnes habilitées à pratiquer les tests, mais la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social renvoya ensuite les conditions de prescription et de réalisation des tests à un texte réglementaire qui, faute de parution, rendait toute évaluation impossible.

B - UN BILAN EN DEMI-TEINTE DE L’APPLICATION DE LA LOI

1- L’entrée en vigueur progressive des dispositions de la loi de 2004

Par rapport à la situation lors de l’évaluation des lois de bioéthique de 1994, on note une réelle amélioration, même si la grande majorité des décrets d’application sont parus à la fin de l’année 2006, soit près de deux ans après la publication de la loi. En réalité, la présente évaluation porte sur des dispositions véritablement entrées en vigueur depuis deux ans dans le meilleur des cas.

Sur les 40 articles qui constituent la loi, 24 ne nécessitaient pas de textes de nature réglementaire et ont été directement appliqués. L'application effective des autres dispositions requérait la publication de plus d’une quarantaine de textes réglementaires dont prés d’une trentaine de décrets.

a) Les articles entrés en vigueur dès le 6 août 2004 portent pour l'essentiel  sur :

- les règles de consentement aux examens des caractéristiques génétiques d'une personne (article 4) ;

- le don et l'utilisation des éléments du corps humain : fixation du régime du prélèvement, de la distribution et de l'utilisation du sang et de ses composants (article 8), mise en place d'une information obligatoire sur les modalités de consentement au don d'organes à fins de greffe dans le cadre de l'appel de préparation à la défense (article 10), principe de la participation de tous les établissements de santé à l'activité de prélèvement d'organes ou de tissus (article 11), sollicitation des comités de protection des personnes en cas de constitution d'une collection d'échantillons biologiques et de changement de finalité d'utilisation à des fins scientifiques d'éléments du corps humain (article 13), dispositions pénales relatives au non-respect des dispositions régissant le prélèvement d'organes, de tissus, de cellules ou de produits du corps humain (articles 15 et 16) ;

- l'encadrement des conditions de brevetabilité d'une invention constituant l'application technique d'une fonction d'un élément du corps humain et d'exploitation de ces brevets (articles 17 et 18) ;

- les dispositions pénales relatives aux conditions de constitution, de distribution, de cession, d'importation ou d'exportation de préparations de thérapie génique ou de thérapie cellulaire xénogénétique (article 20) ;

- l'interdiction du clonage reproductif défini comme une intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée (article 21) ;

- la qualification du clonage reproductif et de l'eugénisme comme « crime contre l'espèce humaine » et à la fixation des sanctions applicables aux infractions en matière d'éthique biomédicale, dont le délit de clonage à des fins thérapeutiques ou de recherche (articles 28 et 29) ;

- la possibilité de dissoudre un mouvement sectaire en cas de condamnation pénale pour infraction contre l'espèce humaine (articles 30 et 31) ;

- l'inscription dans le code de la santé publique des dispositions concernant le régime pénal applicable en cas d'infraction à l'interdiction du clonage reproductif, de l'eugénisme et de la recherche sur l'embryon (article 32).

Certaines dispositions ont pu entrer immédiatement en vigueur, bien que figurant dans des articles du texte requérant l'intervention de textes réglementaires, tel est le cas, de la prise en charge intégrale des frais de prélèvement et de collecte par les établissements de santé (article 7), du caractère de priorité nationale de la greffe et du prélèvement d'organes, ainsi que du principe d'équité dans la répartition et l'attribution des greffons (article 9).

b) Les dispositions transitoires

Les dispositions transitoires appliquées dès la promulgation de la loi concernent :

- la prorogation des mandats des membres des comités d'experts chargés d'autoriser les prélèvements de moelle osseuse sur les mineurs jusqu'à l'installation de nouveaux comités d'experts (article 33) ;

- le régime transitoire applicable aux autorisations délivrées aux établissements de santé pour effectuer des prélèvements de moelle osseuse ou de cellules hématopoïétiques et l'établissement d'équivalences pour les autorisations accordées sous la précédente réglementation pour les produits de thérapies cellulaire et génique (articles 34 et 35) ;

- le régime transitoire prévu pour la mise en conformité des organismes se livrant à des activités de conservation et de cession d'éléments du corps humain à des fins de recherche avec les obligations posées par la loi du 6 août 2004 (article 36) ;

- enfin, la prorogation pour deux ans des autorisations et des agréments délivrés pour la réalisation des examens des caractéristiques génétiques d'une personne et les pratiques de diagnostic prénatal (DPN), de diagnostic préimplantatoire (DPI) et d'assistance médicale à la procréation (AMP) (article 38).

c) Les mesures à effet différé

La loi du 6 août 2004 comprend plusieurs articles dont l'effectivité intervient postérieurement à sa promulgation, sans pour autant nécessiter de textes réglementaires. Ce sont les mesures relatives à l'évaluation de la législation. Tel l'article 22 qui prévoit que, un an au plus tard après la promulgation de la loi, le Gouvernement devra déposer au Parlement un rapport sur les initiatives prises pour élaborer une législation internationale réprimant le clonage reproductif.

De même, aux termes de l’article 26, l’Agence de la biomédecine (ABM) et l'OPESCT sont chargés d'établir un rapport évaluant les résultats respectifs des recherches sur les cellules souches embryonnaires et adultes et ce, six mois avant la fin de la période de cinq ans pendant laquelle la recherche sur l'embryon est autorisée à titre dérogatoire. Ce délai ne court qu’à partir de février 2006, date de la parution du décret d’application.

2- Les décrets publiés : une accélération très récente

Les premiers constats ne furent pas encourageants, et la situation de 1998, lors de l’évaluation des lois de 1994, risquait de se reproduire.

Ainsi, dans le rapport d’information de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale sur l'état d'application de la loi, présenté en mars 2005, le rapporteur, M. Pierre-Louis FAGNIEZ faisait déjà état de retards préoccupants mais publiait un calendrier prévisionnel de la parution des décrets transmis par l’exécutif d’un grand optimisme ; à l’exception d’un seul décret, tous semblaient devoir paraître avant la fin 2005 !

Dans le rapport d’information de la commission des Affaires sociales du Sénat sur l'état d'application de la loi en avril 2006, le rapporteur, M. Alain MILON, observait que 13 décrets seulement avaient été publiés. Fin 2006, la moitié seulement des décrets étaient parus.

Le 29 novembre 2007, lors de la première audition publique organisée dans le cadre du présent rapport, le Professeur Didier HOUSSIN, directeur général de la santé indiquait que « sur 27 décrets à prendre, 20 ont été pris ; il en reste donc 7 dont 2 sont en cours d’examen au Conseil d’État : 4 sont en cours d’élaboration et 2 sont, suspendu pour l’un, et sans objet pour l’autre. Ceci pour observer que la loi de bioéthique est relativement bien appliquée pour l’instant, même s’il reste encore un petit effort à accomplir sur la production de certains textes ». Le dispositif a effectivement été complété par la parution de 2 décrets en avril 2008.

a) La mise en place de la nouvelle organisation institutionnelle

Au printemps 2005, soit plus de six mois après la promulgation de la loi, est parue au Journal officiel la première série de textes réglementaires d'application qui concernait le Comité national consultatif d’éthique et la nouvelle Agence crée par la loi : l’Agence de la biomédecine. Leur publication a permis la création effective de cette Agence, le 10 mai 2005, dès la nomination de sa directrice. Ils ont été complétés en décembre 2006, par le décret fixant les conditions de saisine de l'Agence de la biomédecine par les académies, les sociétés savantes médicales ou scientifiques et les associations ayant une activité dans le domaine de la qualité de la santé et de la prise en charge des malades.

b) Les décrets pris en matière de greffe

Une seconde série de textes réglementaires a ensuite été publiée au dernier semestre de l'année 2005. Il s'agit des décrets nécessaires à l'application des dispositions relatives aux greffes et prélèvements d'organes et de produits du corps humain, essentielles dans un contexte de pénurie de greffons. Le fonctionnement de l'ABM constituait un préalable à l'applicabilité de ces dispositions.

Les deux décrets relatifs aux prélèvements sur les donneurs vivants et aux prélèvements sur les donneurs à coeur arrêté visaient à mieux répondre aux besoins des patients en attente de greffons. Fin 2005, deux décrets relatifs au transfert du fichier des donneurs tenu par l'association France greffe de moelle complétait le dispositif pour le rendre fonctionnel.

En décembre 2006, le décret relatif à l'information par les médecins des personnes âgées de seize à vingt-cinq ans sur les modalités de consentement au don d'organes à fins de greffe était enfin publié.

Deux autres décrets paraissaient en 2007, celui du 17 juillet 2007 relatif à la biovigilance et à l'hémovigilance et celui du 10 août 2007 relatif au prélèvement, à la conservation et à la préparation à des fins scientifiques d'éléments du corps humain, et modifiant le code de la santé publique.

c) Les dispositions réglementaires sur la recherche sur l'embryon

Dans l'attente de l'ouverture du moratoire de cinq ans sur la recherche sur l'embryon, le dispositif transitoire prévu par l'article 37 de la loi a été mis en place, dès septembre 2004, par la publication du décret n°2004-1024 du 28 septembre 2004 relatif à l'importation à des fins de recherche, de cellules souches embryonnaires, aux protocoles d'étude et de recherche et à la conservation de ces cellules. Il fallait permettre aux chercheurs français de postuler à l'appel d'offres européen prévu pour le financement de ces recherches, dont la clôture était fixée à l'automne 2004. Ce décret a été complété par trois arrêtés  publiés entre septembre 2004 et mars 2005.

Ce système temporaire a pris fin avec la parution du décret n°2006-121 du 6 février 2006 relatif à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires et modifiant le code de la santé publique. Ce décret autorise la recherche sur des lignées de cellules françaises et en fixe les conditions d'autorisation et de mise en œuvre, et sa publication constitue le point de départ du moratoire de 5ans.

d) Des retards importants concernant les dispositions réglementaires sur les tests génétiques et les prélèvements

Quatre décrets très attendus ont été publiés pour certains très récemment ce qui a entraîné des difficultés. Il s’agit des textes suivants :

- décret n° 2006-1661 du 22 décembre 2006 relatif au diagnostic prénatal et au diagnostic biologique effectué à partir de cellules prélevées sur l'embryon in vitro et modifiant le code de la santé publique,

- décret n° 2007-519 du 5 avril 2007 relatif aux conditions d'autorisation de l'activité de prélèvement de cellules et modifiant le code de la santé publique,

- décret n° 2008-321 du 4 avril 2008 relatif à l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ou à son identification par empreintes génétiques à des fins médicales,

- décret n° 2008-891 du 2 septembre 2008 relatif à l'importation et à l'exportation des produits du corps humain,

- décret n°2008-968 du 16 septembre 2008 relatif aux conditions d’autorisation des activités portant sur les tissus et leurs dérivés, les préparations de thérapie cellulaire, de thérapie génique et de thérapie cellulaire xénogénique, et aux conditions d’autorisation de ces produits, suivi par le décret n° 2008-1190 du 15 novembre 2008, relatif à la préparation à des fins scientifiques, de tissus et cellules issus du corps humain.

C - LES PRINCIPAUX TEXTES EN ATTENTE

Les dispositions relatives à l'information de la parentèle en cas de maladie génétique grave n’ont pas été prises ; il en est de même des modalités de recueil, de transmission, de conservation et d'accès aux informations dans le cadre d'une information médicale à caractère familial. Or, il s’agit d’un c’est un problème complexe.

De même, n’a pas été publié le décret fixant les conditions dans lesquelles les médecins s'assurent que leurs patients âgés de seize à vingt-cinq ans sont informés des modalités de consentement au don d'organes à fins de greffe et doivent, à défaut, leur délivrer individuellement cette information.

On attend toujours la liste des catégories de cellules pouvant être prélevées à fins d'administration autologue.

Par ailleurs, l'extension des dispositions de la loi aux territoires d'outre-mer, prévue à l'article 39 de la loi, par une ordonnance n’a pu intervenir.

Quant au rapport que le gouvernement devait déposer au Parlement, un an au plus tard après la promulgation de la loi, sur les initiatives prises pour élaborer une législation internationale réprimant le clonage reproductif, il n’a jamais été déposé.

II - UNE LOI RÉVISABLE ?

A - DES DÉLAIS DE RÉVISION RAREMENT RESPECTÉS

Toute loi est révisable, l’originalité des lois relatives à la bioéthique porte sur la périodicité de leur révision qui est précisée et formalisée dans leurs dispositions, tous les 5 ans. Ce délai n’a pas été respecté lors de la révision des lois de 1994 qui n’a commencé qu’en juin 2001, date de dépôt du projet de loi, et ne s’est achevée qu’en 2004.

D’après les informations transmises par le ministère de la santé, de la jeunesse et des sports, la procédure de révision de la loi de 2004 ne devrait être initiée qu’en 2009 par les états généraux de la bioéthique qui auraient déjà dû se tenir en 2008. Le projet de loi devrait être déposé dans le meilleur des cas fin 2009. La date de 2010 semble plus réaliste car, à ce jour, la date de ces états généraux, préalables à la révision n’est pas clairement fixée, on sait seulement qu’un comité de pilotage sera mis en place et que l’usage d’Internet sera l’une des modalités de consultation.

Le Conseil d’État a reçu, le 11 février 2008, une demande d’étude préalable au réexamen de la loi relative à la bioéthique, émanant du Premier ministre portant sur les dispositions régissant l’assistance médicale à la procréation, notamment les dispositions encadrant le diagnostic préimplantatoire et le diagnostic prénatal, la contrariété à l’ordre public des conventions de mères porteuses4. Cette étude, menée par M. Philippe BAS qui préside un groupe de travail devrait être terminée vers la fin de l’année 2008. De même, le Comité national consultatif d’éthique a été saisi par la ministre de la santé de la jeunesse et des sports pour mener une étude identifiant «les questions, les problèmes philosophiques et les interrogations éthiques qui pourraient impliquer une évolution de la législation»5.

Au cours des différents entretiens avec les personnalités en charge de ce dossier, le calendrier a varié. Il reste qu’existe une date butoir, celle de février 2011, date à laquelle le moratoire pour effectuer des recherches sur les cellules souches embryonnaires arrive à expiration.

B - INSCRIRE LA BIOÉTHIQUE DANS LE PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION ?

Le Président de la République a installé, le 15 avril 2008, le « Comité de réflexion sur le préambule de la Constitution ». Présidé par Mme Simone VEIL, ce groupe de réflexion est chargé « d’étudier si et dans quelle mesure, les droits fondamentaux reconnus par le préambule de la Constitution doivent être complétés par des principes nouveaux ».

Lors de l’installation de ce Comité, le Président de la République s’est interrogé : «Y a-t-il des principes directeurs sur lesquels il conviendrait de fonder, au-delà de l'évolution des techniques, notre approche des problèmes liés à la bioéthique ?».

Les préconisations du Comité devaient être transmises au Président de la République avant le 30 juin 2008 afin de servir de base à l’élaboration d’un projet de loi. À ce jour, le Comité n’a pas rendu publiques ses préconisations.

Pour Mme Noëlle LENOIR, avocate, ancienne membre du Conseil constitutionnel : « si la Constitution doit refléter les défis du XXIème siècle, elle doit inclure la troisième génération des droits de l'homme, qui comprend l'environnement, l'informatique et la bioéthique ».

Selon M. Bertrand MATHIEU, Professeur de droit, qui faisait partie du Comité BALLADUR chargé de préparer la réforme des institutions, celui-ci a abordé la question de savoir s'il devait revoir le préambule. Les membres du Comité y ont finalement renoncé, en considérant que cela aurait débordé leur mission et allongé leurs travaux. Il y a deux hypothèses, explique M. MATHIEU, « soit on pose des principes généraux, soit on réglemente certaines pratiques».

Les grands principes, en revanche, trouveraient plus naturellement leur place dans ce préambule, « qui doit s’attacher à refléter des valeurs stables », estime le Professeur Axel KAHN, président de l’Université Paris-Descartes. Au premier rang de celles-ci, se trouve le principe de dignité, au sens où il affirme la valeur inaliénable de la personne humaine. Cependant, celui-ci figure déjà en bonne place dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 : « Tous les être humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». Ce principe a d’ailleurs déjà été reconnu comme ayant valeur constitutionnelle. L’inscrire dans le préambule obéirait alors à un mouvement logique. Quelle portée confèrera-t-on à ce principe car un conflit peut surgir entre la liberté et la dignité, lorsqu’on se demande si une personne peut consentir à une expérimentation sur elle-même ?

Inscrire le principe de dignité dans le Préambule dans la mesure où il affirme la valeur inaliénable de la personne humaine pourrait poser problème au regard de la loi de bioéthique. Si la notion de dignité renvoie à celle de protection de la vie, comment fera-t-on pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires aujourd'hui autorisées en France ?

Recommandation

L’introduction de principes concernant la bioéthique dans le préambule de la constitution ne paraît pas indispensable.

C - DES INTERROGATIONS SUR LE PRINCIPE D’UNE RÉVISION PÉRIODIQUE

1 - Interrogations sur le principe

Lors de l’audition publique du 29 novembre 2007, les intervenants se sont interrogés sur le principe d’une révision régulière des lois relatives à la bioéthique.

Le Professeur Axel KAHN, président de l’Université Paris-Descartes, a estimé qu’une loi bioéthique n’est pas un mode d’emploi de pratiques, et qu’elle doit être fondée sur des valeurs robustes. « Ma préférence irait dans le sens d’une loi cadre, qui pose véritablement les principes, qui rentre dans quelques détails et qui, par ailleurs, installe en effet une série d’agences indépendantes comme l’Agence de la biomédecine, chargées d’un rôle jurisprudentiel, c'est-à-dire d’interpréter l’esprit de la loi en fonction des nouvelles pratiques, et dès que l’on constate le risque d’une dérive jurisprudentielle, c'est-à-dire lorsque la jurisprudence peut devenir contradictoire avec l’esprit de la loi, les agences peuvent demander au législateur de reprendre la main. Cette démarche démocratique me semble être le meilleur système. »6

Pour le Professeur Jean-François MATTEI, président de la Croix Rouge française, la révision périodique présente des inconvénients : « …J’avais souhaité en 1994 que la loi soit révisée au bout de cinq ans, en me calquant sur la loi de 1975 sur l’interruption volontaire de grossesse. Sur une loi ayant des incidences fortes sur la société, c’est une bonne précaution que de l’estimer, l’évaluer et la revoir après 5 ans. Mais le fait que dans la loi de 2004, on ait proposé et prévu de la réviser cinq ans plus tard, nous fait rentrer dans un système absolument inédit. Cela signifie qu’on a une loi qui, tous les cinq ans, est revue. Quels en sont les avantages et les inconvénients : l’avantage  est que cela oblige à le faire. Mais c’est bien le seul, les autres aspects sont des inconvénients : une loi provisoire est une loi qui perd de sa force. Les personnes attendent 7.

Les courants de pensée comme la plupart des associations sont favorables à une révision périodique qui permet de débattre des avancées de la science et de réajuster la législation.

Pour le Professeur Jean-Claude AMEISEN, président du Comité d’éthique de l’INSERM, « l’idée d’une loi qui se dit « révisable » et qui est appliquée en tant que telle a quelque chose de sain, même s’il est toujours bon d’en ériger le principe car cela évite le caractère incantatoire du droit, où la promulgation tient lieu d’application. Dans les problèmes éthiques, l’interrogation porte souvent sur la nouveauté du problème éthique posé. Il s’agit davantage de modifier le cadre conceptuel sans le transformer radicalement pour prendre en considération une évolution de la réalité. Il convient peut-être de trouver un cadre qui permette de répondre plus vite à des changements rapides, ou de disposer de solutions plus durables indépendamment des changements. Il semble plus opportun de fixer précisément le champ d’action d’un certain nombre d’agences indépendantes permettant la validation et l’interrogation sur les pratiques, ce qui fait le plus défaut, plutôt que donner une définition forcément vite obsolète de ce qu’il convient de faire »8.

Les rapporteurs reprennent à leur compte ces suggestions, d’autant que cela oblige l’Exécutif à prendre plus rapidement les mesures réglementaires prévues par la loi.

Recommandation

Il conviendrait que la future loi :

- définisse le cadre et les grands principes éthiques sur chaque thématique ;

- soit évaluée périodiquement par l’Agence de la biomédecine, le Comité consultatif national d’éthique et l’OPECST, ces organismes devant suggérer au législateur les modifications nécessaires, dès que la réglementation leur apparaît inadaptée.

2 - Interrogations sur le calendrier et les modalités d’organisation de la révision

La question du calendrier et de la méthode de révision fut posée à maintes reprises au début des travaux des rapporteurs. Il était question dans un premier temps de confier à l’Agence de la biomédecine le soin d’organiser les états généraux de la bioéthique qui devaient se tenir en 2008.

Le Professeur Didier HOUSSIN, directeur général de la santé, expliquait : « J’indiquerai brièvement la manière dont se profile la révision de la loi de bioéthique, vue du ministère de la Santé. Le ministre Xavier BERTRAND a demandé à l’Agence de la biomédecine de préparer les états généraux de la bioéthique. Mme Roselyne BACHELOT l’a confirmé, en indiquant que l’horizon serait celui de l’année 2009 »9.

L’organisation d’états généraux en 2009 est toujours prévue, mais les modalités de leur organisation ont changé. Un comité de coordination des états généraux de la bioéthique devrait être mis en place prochainement conformément à la communication de Mme Roselyne BACHELOT, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, lors du conseil des ministres du 16 juillet 2008. Le porte parole du gouvernement, M. Luc CHATEL a indiqué : « le débat ne doit pas être qu'un débat d'experts, ce débat doit s'ouvrir largement à l'ensemble de notre société. Les changements en matière de pratique médicale, de procréation, de diagnostic méritent un vrai débat public ».

Avant ces états généraux, le gouvernement a demandé des rapports à des organismes experts sur les points qui nécessitent débats.

Le Conseil d'État devrait rendre des conclusions en décembre, le Comité consultatif national d'éthique doit préciser les « grands enjeux philosophiques et éthiques qui se posent dans le cadre de la révision » et l'Agence de biomédecine doit remettre un bilan de l'application de la loi de 2004.

Selon le gouvernement, un projet de loi de révision devrait être déposé avant la fin 2009, pour une révision au premier trimestre 2010. L’Agence de la biomédecine ne serait donc plus chargée d’organiser les états généraux de la bioéthique. Un comité de pilotage des états généraux serait chargé de les coordonner : des questionnaires seraient adressés via Internet et des débats de citoyens devraient se tenir dans les régions. Le Parlement doit être associé aux travaux de ce comité afin que la révision de la loi soit préparée dans de bonnes conditions.

Recommandation

Il conviendrait que les rapporteurs de l’OPECST soient associés aux travaux du Comité de pilotage des états généraux de la bioéthique.

III - LES INSTANCES DE RÉGULATION DE LA LOI DE BIOÉTHIQUE 

Les objectifs du législateur en 2004.

La loi crée l'Agence de la biomédecine (ABM), chargée des missions antérieurement dévolues à l'établissement français des greffes (EFG) dans le domaine du prélèvement et de la greffe d'organes, de cellules et de tissus, notamment la gestion de la liste d'attente et de l'attribution des greffons. Elle lui confère des compétences dans les domaines de la reproduction, de l'embryologie et de la génétique humaine : autorisation des recherches sur l'embryon et les cellules embryonnaires, autorisation du diagnostic préimplantatoire, mais aussi agrément des praticiens réalisant des activités d'assistance à la procréation, de diagnostic prénatal et préimplantatoire et des examens des caractéristiques génétiques à des fins médicales.

Son champ d'activité est plus large que celui confié par le projet de loi initial de 2002 à l'agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaine (APEGH), remplacée par l'ABM lors de la première lecture à l'Assemblée nationale.

Le CCNE devient une autorité indépendante et des espaces de réflexion éthique sont créés au niveau régional pour assurer un suivi de proximité.

A - LA MONTÉE EN PUISSANCE DE L’AGENCE DE LA BIOMÉDECINE (ABM)

1 - Des missions diverses

L’Agence de la biomédecine est la seule agence en Europe rassemblant quatre domaines, le prélèvement et la greffe, la procréation, l'embryologie et la génétique humaines. Cette synergie a été défendue par le législateur de 2004. Elle est l'autorité de référence sur tous les aspects médicaux, scientifiques et éthiques relatifs à ces questions et assume les missions suivantes :

- suivre, évaluer et contrôler les activités thérapeutiques et biologiques relevant de ses compétences, veiller à leur transparence, participer à l'élaboration de la réglementation des activités relevant de ses prérogatives ;

- délivrer les autorisations pour les recherches in vitro sur l'embryon et les cellules embryonnaires et pour la conservation de cellules souches embryonnaires à des fins de recherches et autoriser les échanges de cellules reproductives et de cellules souches embryonnaires avec des pays tiers destinés à la recherche ;

- délivrer les autorisations des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal et des centres de diagnostic préimplantatoire et agréer les praticiens réalisant des actes liés à l'assistance médicale à la procréation, au diagnostic prénatal et au diagnostic préimplantatoire, des examens des caractéristiques génétiques ;

- reprendre l'ensemble des activités de l'Établissement français des Greffes en matière de prélèvement et de greffe et gérer le Registre France Greffe de Moelle, registre national des volontaires au don de moelle osseuse ainsi que les fichiers nécessaires à la gestion et au suivi des activités thérapeutiques relevant de sa compétence ;

- promouvoir le don d'organes, de tissus et de cellules, ainsi que le don de gamètes.

Mme Carine CAMBY, alors directrice générale de l’Agence a expliqué comment elle concevait la mission de l’Agence, lors de l’audition publique du 29 novembre 2007. « Nous étions dans une situation particulière dans la mesure où nous héritions de toute l’expérience de l’Établissement français des greffes, mais ce dernier avait une mission de promotion de la greffe et de qualité des pratiques dans ce domaine. Il n’avait pas de mission d’autorisation, ni d’inspection. Cela a donc impliqué un changement de logique lors du passage à l’Agence de la biomédecine puisque, tout d’un coup, la loi nous confiait la mission de délivrer un certain nombre d’autorisations au nom de l’État… Nous nous trouvions dans un champ difficile à définir car il fallait trouver les cohérences entre la greffe, la procréation médicalement assistée (AMP), l’embryologie, la recherche sur l’embryon, la génétique humaine, ce qui n’était pas évident ».

2 - Un fonctionnement et une composition interdisciplinaires

Les différentes instances de l’Agence ont été renouvelées très récemment  à expiration de leur mandat : Mme Emmanuelle PRADA-BORDENAVE a remplacé Mme Carine CAMBY à la direction générale de l’Agence le 4 juillet 2008. Il en est de même du conseil d’administration, et du conseil d’orientation.

a) Le conseil d'administration

Le conseil d'administration de l’Agence de la biomédecine est composé de 33 membres, représentants des différents ministères et établissements publics à caractère sanitaire et personnalités qualifiées dans les domaines de compétences de l’Agence. Il se réunit plusieurs fois par an pour aborder des sujets traitant aussi bien du financement, de la stratégie ou de la gestion du personnel de l’Agence que de ses domaines d’activités ou encore la promotion du don. Les membres et le président du conseil sont nommés par arrêté et décret ministériels, pour une durée de 3 ans. L’ensemble du conseil d’administration de l’Agence de la biomédecine a été nommé le 18 juin 2008 et la présidente, le Professeur Mauricette MICHALLET, le 5 juillet 2008.

b) Le conseil d'orientation de l’Agence de la biomédecine

Il est constitué d’experts scientifiques et médicaux, de représentants d’associations, de personnalités qualifiées, de membres de diverses institutions telles que le Comité consultatif national d’éthique et la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Les membres et le président du conseil sont nommés par arrêté ministériel, pour une durée de 3 ans. Le conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine a été nommé le 7 juillet 2008. Il est désormais présidé par le Professeur Sadek BELOUCIF qui a remplacé M. Alain CORDIER. Ce conseil veille à la cohérence de la politique médicale et scientifique de l’Agence, ainsi qu’au respect des principes réglementaires et éthiques applicables à ses activités.

Pour Mme Carine CAMBY, alors directrice générale de l’Agence de la biomédecine : « Il convenait de trouver des équilibres entre toutes ces disciplines et l’Agence a voulu concilier, autour de ces questions difficiles, des expertises différentes permettant d’obtenir une approche équilibrée de ces questions (...).Le conseil d’orientation a développé l’expertise éthique au sein de l’Agence »10.

c) Le comité médical et scientifique et les groupes d'experts

Instance d'expertise, de conseil et de proposition placée auprès du directeur général, le comité médical et scientifique assure la coordination scientifique des travaux d'experts réunis dans les différents champs de compétence de l'Agence.

Composé de 6 représentants institutionnels, 13 personnalités qualifiées en matière de prélèvement et de greffe d’organes, de tissus et de cellules, 13 personnalités qualifiées dans le domaine de la médecine de la reproduction, de la biologie de la reproduction, de la génétique et du diagnostic prénatal et préimplantatoire, le comité médical et scientifique est présidé par le Professeur Jean-Paul VERNANT. Ses membres sont nommés par le directeur général de l'Agence de la biomédecine.

Selon Mme Carine CAMBY, «l’Agence dispose d’une expertise dans le domaine de la communication, car la loi lui confère des missions de communication pour assurer la promotion de la dite loi, du don d’organes, de tissus, de cellules et de gamètes. C’est une mission d’information du grand public, mais aussi des professionnels de santé, dans des domaines dans lesquels ces disciplines sont finalement assez fermées, avec parfois un nombre de praticiens relativement réduit qui interviennent au quotidien dans leurs services, et en ayant peu de contacts entre eux sur des thématiques sur lesquelles les regards croisés sont extrêmement intéressants. Tel est le rôle du conseil médical et scientifique de l’Agence ».

3 - Un bilan remarquable

L’Agence de la biomédecine est rapidement devenue un acteur majeur et incontournable des questions de bioéthique, sous l’impulsion de sa première directrice générale, Mme Carine CAMBY et de l’ensemble de ses responsables. Cette instance interdisciplinaire créée par la loi de 2004 a largement contribué à l’accélération de la parution des décrets d’application, à la diffusion de l’information scientifique et statistique tant aux professionnels qu’au public, dans les domaines de sa compétence.

La transparence de ses activités assurées en temps réel par un site Internet remarquable ; les avis et rapports de ses différentes instances et notamment de son conseil d’orientation, ses rapports annuels d’activité, ses communiqués de presse sont une source d’information précieuse pour les parlementaires et l’ensemble des acteurs concernés.

4 - Le rôle futur de l’Agence de la biomédecine (ABM): vers une extension de ses compétences ?

Pour le conseil d’orientation de l’ABM, Mmes Carine CAMBY et Emmanuelle PRADA-BORDENAVE, nouvelle directrice générale de l’Agence de la biomédecine, et nombre de personnalités auditionnées,la future loi de bioéthique devrait être une loi cadre renforçant les grands principes éthiques fondamentaux, l’ABM ayant un rôle jurisprudentiel dans leur application pratique, ainsi qu’une responsabilité dans l’avertissement des risques de dérive. L’Agence de la biomédecine dans sa pratique devrait faire part de ses observations et propositions à l’exécutif, mais aussi au législateur et ce de manière plus solennelle que le simple envoi du rapport annuel.

La question de la tutelle de l’Agence de la biomédecine mérite d’être posée : certes, il est logique que son autorité de tutelle soit le ministère de la santé de la jeunesse et des sports, mais l’Agence intervient également dans le domaine de la recherche à travers les autorisations qu’elle délivre pour les recherches in vitro sur l'embryon et les cellules embryonnaires, pour la conservation de cellules souches embryonnaires à des fins de recherches, ainsi qu’au travers des évaluations auxquelles elle est tenue par la loi de procéder. Il serait donc judicieux que l’Agence soit également sous la tutelle du ministère de l’enseignement et de la recherche.

Pour simplifier les procédures, il serait judicieux que les agréments des praticiens et autorisations concernant l’assistance médicale à la procréation relèvent de la seule Agence de la biomédecine, sans passer par l’autorisation des Agences régionales d’hospitalisation.

Recommandation

Il conviendrait de :

- développer des synergies entre l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), la Haute autorité de santé et l’Agence de la biomédecine et clarifier leurs domaines respectifs de compétences dans la détermination des politique de santé,

- clarifier les compétences respectives du Conseil d’orientation de l’ABM et celui du Comité national consultatif d’éthique CCNE,

- prévoir la remise solennelle du rapport de l’ABM au Parlement et une réunion annuelle commune entre l’OPECST et l’Agence de la biomédecine afin d’identifier en temps réel les points nécessitant l’intervention rapide du législateur,

- organiser une double tutelle de l’ABM par le ministère de la santé, de la jeunesse et des sports et celui de l’enseignement et de la recherche,

- confier à l’ABM la définition de la stratégie de recherche dans le domaine des cellules souches embryonnaires car elle autorise, encadre et participe à l’évaluation de ces recherches.

Dans un souci de simplification, l’ensemble des agréments des praticiens et autorisations concernant l’assistance médicale à la procréation relèverait de la seule Agence de la biomédecine

B - LE COMITÉ CONSULTATIF NATIONAL D’ÉTHIQUE (CCNE) : UNE AUTORITÉ INFLUENTE

La France a été le premier pays à créer un Comité Consultatif National d’Éthique. Sa vocation est de susciter une réflexion de la part de la société sur les avancées de la connaissance scientifique dans le domaine du vivant.

Créé par décret du président de la République du 23 février 1983, sous l’impulsion du Professeur Jean BERNARD, ce comité fut rattaché au premier ministre. Composé de chercheurs, biologistes, médecins, représentants des principaux courants de pensée philosophique et des principales familles spirituelles, ce groupe d’experts avait pour mission de donner son avis sur les problèmes moraux soulevés par les progrès de la recherche dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé.

La loi de 2004 lui confère le statut d’autorité indépendante et élargit son champ de compétence aux questions de société posées par les avancées de la science. Sa contribution au débat social doit permettre à la société de s’approprier la réflexion éthique au-delà des experts et des instances politiques.

1 - Un fonctionnement parfois entravé par l’Exécutif

a) Une composition pluridisciplinaire

Carrefour de personnalités, le Comité Consultatif National d’Éthique est composé de manière pluridisciplinaire pour permettre de poser, selon le Professeur Didier SICARD11, son président d’honneur, « un regard critique sur chaque question. ».

La composition du Comité est définie par la loi : 15 personnalités appartenant au secteur de la recherche, 19 personnalités choisies pour leur compétence et leur intérêt pour les problèmes éthiques, 5 personnalités appartenant aux principales familles philosophiques et spirituelles. Ces 39 membres sont nommés pour 4 ans, renouvelables une fois. Les travaux du Comité sont conduits par son Président, nommé par le Président de la République, pour une période de 2 ans, renouvelable.

La société civile est assez sous représentée au sein du CCNE, comme l’a observé son nouveau président, le Professeur Alain GRIMFELD12. Les membres du CCNE sont surtout des experts issus du monde médical.

Il est question de réduire le nombre de ces membres cette solution ne permettra pas d’ouvrir davantage le CCNE à la société civile non médicale.

b) Le fonctionnement

Le CCNE peut être saisi par le Président de la République, les Présidents des Assemblées parlementaires, les membres du gouvernement, un établissement d’enseignement supérieur, un établissement public, une fondation reconnue d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche, le développement technologique ou la promotion et la protection de la santé.

Le CCNE peut s’autosaisir de toutes questions posées par un citoyen ou l’un de ses membres. Ce pouvoir d’auto saisine lui permet d’être à l’écoute des préoccupations éthiques de la société et garantit son indépendance. Le CCNE se trouve donc parfois saisi en même temps que d’autres organismes, notamment le conseil d’orientation de l’ABM. Ne conviendrait-il pas de placer dans cette logique le CCNE en amont des activités de l'Agence de la biomédecine, en prévoyant entre les deux des relations organiques étroites et des synergies? Mais est-il nécessaire de formaliser cet agencement dans un texte législatif ?

Le travail au sein du CCNE se répartit entre trois instances :

- le comité plénier : instance délibérative majeure, il réunit mensuellement les membres pour débattre des avis en cours. Le quorum nécessaire pour adopter un avis est fixé à la moitié des membres ;

-  la section technique : organe d’instruction des saisines, elle comprend 12 membres qui répondent directement au dossier si la question est circonscrite ou proposent un examen par le comité plénier si la question est plus complexe ou présente un enjeu d’envergure pour la société ;

- les groupes de travail : chaque question est en premier lieu instruite par un groupe de travail composé de membres du CCNE qui peuvent faire appel à des personnalités extérieures afin d’apporter leur éclairage sur la question traitée.

Ni les séances du comité plénier, ni celles de la section technique ne sont publiques. À l’issue de l’examen de la question, un rapport définitif est rédigé, accompagné de recommandations ou d’avis.

Lorsque le CCNE est saisi, l'instruction et la réflexion suivent une procédure rigoureuse, pour laquelle chaque membre est sollicité. Cette réflexion est accomplie en réunions de la section technique, mensuelles ou bimensuelles, et lors de séances plénières, mensuelles. La rédaction définitive d'un avis doit être adoptée par le Comité réuni en séance plénière, qui constitue l'instance délibérative majeure.

Le président participe à toutes les réunions. Les membres y participent en fonction de leurs implications propres dans la thématique abordée, tant en ce qui concerne la présence aux réunions que la collaboration à la rédaction des avis. Le président est assisté par le secrétaire général et son équipe qui peut compter jusqu'à 5 personnes.

Le président et le secrétaire général peuvent par ailleurs être appelés à donner des conférences sur les sujets en cours, en régions, et à intervenir au nom du comité français auprès des instances ou lors des réunions européennes, et plus généralement internationales.

Le CCNE a connu une période difficile début 2008 car le mandat de certaines personnalités choisies par le Président de la République était arrivé à expiration sans que les nouveaux membres ne soient nommés.

La presse a relayé des critiques à l’égard du CCNE et de son président d’alors, le Professeur Didier SICARD, critiques qui paraissaient peu fondées à l’égard d’une institution collégiale ayant rendu des avis pertinents en toute indépendance.

2 - Un rôle essentiel

a) Des avis très pertinents

La première mission du Comité est de produire des avis et rapports sur les questions dont il est saisi. Son champ de compétence, lié aux sciences du vivant, lui confère un rôle majeur dans nombre de questions de société. Le CCNE a produit 104 avis depuis sa création dont plus d’une vingtaine depuis la loi de 2004. Ses avis portent sur des problématiques très diverses : informatisation des données de santé, nanotechnologies, nanosciences, biométrie, identification par empreinte génétique, dépistage de la surdité, troubles du comportement chez l’enfant, prise en charge de l’autisme, tests prédictifs, accès aux origines, anonymat, cellules souches etc…

Comme l’expliquait, le Professeur Didier SICARD, « les avis du CCNE ont un réel retentissement médiatique et un impact réel car ils rappellent la complexité de l’interrogation éthique, de la problématique bénéfice /risque face à « la gourmandise technologique » qui semble saisir certains de nos concitoyens. Ils soulignent les risques de stigmatisation de populations ou de patients face aux politiques de prévention que la science rend plus efficace et en appelle à une protection des données personnelles »13.

Selon le Professeur Alain GRIMFELD, nouveau président du CCNE, « l'éthique n'est pas contemplative. Elle est l'exercice d'une morale active, en quête d'un point d'équilibre entre la compassion et la raison. Il ne s’agit pas de réformer l’éthique. Il convient d’agir en toute humilité, de mener les débats autrement. Il faut se rapprocher du terrain. Chaque avis devra se terminer par des recommandations. Il ne s’agit pas d’édicter, mais de construire une éthique de la responsabilité. Le débat éthique est contradictoire, il doit satisfaire aux évolutions » 14.

Selon lui, « il est nécessaire de bénéficier de la richesse des réflexions qui se développent dans les espaces éthiques en temps réel mais il serait utile de disposer d une vision annuelle pour être informé de l’état de cette réflexion car les comités d’éthiques locaux sont de qualité variable. Ce ne sont pas des agents de labellisation ».

b) Une influence à accroître

- Au niveau international

La création du CCNE en 1983, premier comité consultatif national d’éthique à avoir été créé au monde, a ouvert la voie à l’émergence de comités homologues dans d’autres pays pour réfléchir aux nouvelles questions soulevées par les progrès de la science et de la médecine.

Le CCNE entretient des relations régulières avec ses homologues étrangers et participe à la mise en place de comités dans les pays en développement, activité extrêmement utile pour lutter contre le relativisme éthique. Les rencontres sont régulières entre les comités d’éthique allemand, anglais et français.

Le CCNE participe activement à la Conférence permanente des comités d’éthique européens et à l’initiative Global Summit des comités nationaux d’éthique dont la dernière réunion s’est tenue à Paris les 1er et 2 septembre 2008, sur le thème de la fin de vie. Il s’associe aux réflexions éthiques internationales développées autour du Comité international de bioéthique de l’UNESCO (CIB), du Comité directeur pour la bioéthique du Conseil de l’Europe (CDBI), du Groupe de conseillers pour l’éthique de la biotechnologie de l’Union Européenne (GEE).

Ceci est très utile pour disposer d’une vision d’ensemble des questions éthiques à l’échelle internationale.

- Au niveau national

Les interrogations de la société sur les sciences conduiront à accroître le rôle du CCNE, tant au regard des besoins exprimés par les ministères de tutelle que vis-à-vis des milieux associatifs et des jeunes : certains lycées ont déjà participé à des journées nationales organisées par le comité. Une réflexion sur une éducation à l’éthique et à la bioéthique doit être menée auprès de tous mais surtout auprès des jeunes car les textes sont mal connus alors qu’ils concernent pour la plupart la sphère de l’intime et de la protection de la santé.

Recommandation

Il conviendrait de

- diversifier la composition du CCNE en nommant davantage de personnalités issues de la société civile non médicale, plutôt que réduire le nombre de ses membres,

- clarifier les relations du CCNE avec le comité d’orientation de l’ABM,

- faire en sorte que le CCNE intervienne avant l’Agence de la biomédecine sur des sujets de société comme d’éthique biomédicale,

- déterminer les rôles respectifs du CCNE et du Comité d’orientation de l’Agence de la Biomédecine souvent amenés à traiter des mêmes thématiques,

- placer dans cette logique le CCNE en amont des activités de l'Agence de la biomédecine, en prévoyant entre les deux des relations organiques étroites et des synergies.  

C - LES ESPACES ÉTHIQUES RÉGIONAUX DE RÉFLEXION

La loi crée des espaces éthiques de réflexions dans chaque région. Dans l'attente de la publication d’un arrêté les instaurant, certains espaces fonctionnent déjà ; ils accueillent les professionnels de santé et leur proposent des repères et des modes de réflexion

Selon l’article. L. 1412-6, « Des espaces de réflexion éthique sont créés au niveau régional ou interrégional ; ils constituent, en lien avec des centres hospitalo-universitaires, des lieux de formation, de documentation, de rencontre et d'échanges interdisciplinaires sur les questions d'éthique dans le domaine de la santé. Ils font également fonction d'observatoires régionaux ou interrégionaux des pratiques au regard de l'éthique. Ces espaces participent à l'organisation de débats publics afin de promouvoir l'information et la consultation des citoyens sur les questions de bioéthique ».

« Les règles de constitution, de composition et de fonctionnement des espaces de réflexion éthique sont définies par arrêté du ministre chargé de la santé après avis du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé ».

Pour le Professeur Jean-François MATTEI, président de la Croix-rouge française, « les espaces éthiques régionaux facilitent la réflexion, l’enseignement et la communication dans les hôpitaux et les CHU. Ils sont utiles »15. Cependant, nombre de structures (entreprises, journaux, facultés..) se dotent de Comités d’éthique qui prennent des avis sans droit ni titre. Or, ces avis, relayés par la presse, sont pris en considération par le public. Les espaces éthiques régionaux, ainsi que le CCNE, devraient contribuer à clarifier cette situation.

Recommandation

Il conviendrait de :

- publier l’arrêté concernant le fonctionnement des espaces éthiques régionaux,

- accroître les liens entre le CCNE et les espaces éthiques régionaux ,

- clarifier les rôles du CCNE et des espaces éthiques régionaux, par rapport aux Comités d’éthique d’entreprises, de journaux, de facultés qui rendent des avis relayés par la presse.

PREMIÈRE PARTIE :
DROITS DE LA PERSONNE ET CARACTÉRISTIQUES GÉNÉTIQUES : UTILISATION DES TESTS GÉNÉTIQUES, DIAGNOSTIC PRÉNATAL, DIAGNOSTIC PRÉIMPLANTATOIRE

I - UN ENCADREMENT JURIDIQUE STRICT DU RECOURS AUX EXAMENS GÉNÉTIQUES

Les objectifs du législateur en 2004.

Pour réglementer le recours aux examens génétiques, la loi de 2004 a pris en considération plusieurs facteurs :

- les risques potentiels liés à une utilisation discriminatoire, voire eugéniste des résultats des examens génétiques,

- les progrès intervenus en matière de tests génétiques augmentant le nombre de prédispositions à des pathologies susceptibles d’être révélées,

- les progrès intervenus dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation,

- les finalités multiples des examens génétiques.

La loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique érige en principe le consentement exprès de la personne qui doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l'examen, après qu'elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Ce consentement est révocable.

Une série de dispositions encadrent les examens génétiques ; elles figurent pour la plupart aux articles 16-10 à 16-13 du code civil et L. 1131-1 et suivants du code de la santé publique. Des sanctions pénales sont édictées dans les cas de recours à ces techniques hors du cadre légal (articles 225-25 et suivants du code pénal)

L’article 16-13 du code civil pose le principe que « Nul ne peut faire l'objet de discriminations en raison de ses caractéristiques génétiques ».

L’article 16-10 du code civil précise les finalités auxquels doivent répondre de tels examens et les modalités du consentement exigé.

Les articles L. 1131-1 et suivants du code de la santé publique, après avoir renvoyé aux dispositions du code civil, pour rappeler les modalités de recueil du consentement (préalable, exprès et écrit), et de l’information de la personne concernée par l’examen, consacre la compétence de l’Agence de la biomédecine pour délivrer l’agrément aux praticiens habilités à procéder aux examens des caractéristiques génétiques.

L’article L. 2131-1 du même code précise les conditions du recours au diagnostic prénatal (DPN) dont le but est de détecter, in utero chez l'embryon ou le foetus une « affection d'une particulière gravité ». Il s’effectue dans des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN).

L’article L. 2131-4 du code précité détermine les conditions du diagnostic biologique effectué à partir de cellules prélevées sur l'embryon in vitro, diagnostic préimplantatoire (DPI) autorisé à titre exceptionnel quand le couple a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint « d'une maladie génétique d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ». Les deux membres du couple expriment par écrit leur consentement à la réalisation du diagnostic. On notera que ces dispositions ne font jamais référence à la notion de test génétique.

A - UN RECOURS ACCRU AUX EXAMENS GÉNÉTIQUES

1- L’identification des personnes par empreintes génétiques

a) Une identification très encadrée en matière civile

L’identification par empreintes génétiques ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant, soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou la suppression de subsides. Aux termes de l’article 311-12 du code civil, l’expertise biologique est de droit en matière de filiation sauf s’il existe un motif légitime d’y résister. Les tribunaux, en effet, déterminent par tous les moyens les preuves de la filiation la plus vraisemblable.

L’article 340 du code civil exige des présomptions ou indices graves pour rendre admissible la preuve de la paternité. Une décision récente a été rendue sur ce point16. Le juge peut autoriser la communication d’éléments biologiques comme des échantillons médicaux prélevés lors d’une intervention chirurgicale dès lors qu’une action en reconnaissance de filiation naturelle est en cours et que ces éléments peuvent être indispensables pour l’expertise.

Sont habilitées à procéder à des empreintes génétiques les personnes ayant fait l’objet d’un agrément dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Dans le cadre d’une procédure judiciaire, ces personnes doivent, en outre, être inscrites sur une liste d’experts judiciaires.

Le consentement de l'intéressé doit être préalablement et expressément recueilli. Sauf accord exprès de la personne, manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort. Cette disposition faisait référence à l’action en reconnaissance de filiation intentée par une jeune femme qui prétendait être la fille d’Yves Montand.

b) Le droit des étrangers et l’utilisation contestée des empreintes génétiques

L’article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile modifié par la loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile dispose :

« Le demandeur d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, ou son représentant légal, ressortissant d'un pays dans lequel l'état civil présente des carences, qui souhaite rejoindre ou accompagner l'un de ses parents mentionné aux articles L. 411-1 et L. 411-2 ou ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, peut, en cas d'inexistence de l'acte de l'état civil ou lorsqu'il a été informé par les agents diplomatiques ou consulaires de l'existence d'un doute sérieux sur l'authenticité de celui-ci qui n'a pu être levé par la possession d'état telle que définie à l'article 311-1 du code civil, demander que l'identification du demandeur de visa par ses empreintes génétiques soit recherchée afin d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa. Le consentement des personnes dont l'identification est ainsi recherchée doit être préalablement et expressément recueilli. Une information appropriée quant à la portée et aux conséquences d'une telle mesure leur est délivrée ».

Auparavant, dans son avis n°100 du 9 octobre 2007 « Migration, filiation et identification par empreintes génétiques », le CCNE avait exprimé de fortes réserves concernant l’utilisation de tests génétiques, prévu dans un amendement au projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile.

« La protection et l'intérêt de l'enfant doivent être une priorité quand il s'agit de décisions concernant la famille. Le doute devrait jouer a priori au bénéfice de l'enfant. Cette inscription dans la loi d'une identification biologique réservée aux seuls étrangers, quelles qu'en soient les modalités, introduit de fait une dimension symbolique dans la représentation d'une hiérarchie entre diverses filiations, faisant primer en dernier lieu la filiation génétique vis-à-vis du père ou vis-à-vis de la mère comme étant un facteur prédominant, ce qui est en contradiction avec l'esprit de la loi française ….

« Outre la question de la validité des marqueurs biologiques pour mettre en évidence des liens de filiation, d'un point de vue symbolique, le relief donné à ces critères tend à accréditer dans leur recours une présomption de fraude. Le CCNE est préoccupé par la charge anormale de preuves qui pèsent sur le demandeur. Le risque d'instrumentalisation de la génétique à des fins sociales et culturelles ne doit pas altérer l'image d'une discipline scientifique dont la contribution dans le champ médical au soulagement de la souffrance est majeure ».

Déféré devant le Conseil constitutionnel, L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, a été validé par décision n° 2007-557 du 15 novembre 2007. Il a fait l’objet d’une polémique.

Les rapporteurs estiment que les dispositions de l’article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers qui concerne les empreintes génétiques devront être de nouveau débattues lors de la révision de la loi.

c) Utilisation et conservation des empreintes en matière pénale.

La détermination des empreintes génétiques requiert a priori un prélèvement biologique et constitue donc une atteinte à l'intégrité physique de la personne. De même, l'enregistrement et la conservation des empreintes génétiques dans un fichier peuvent susciter des craintes pour les libertés publiques.

En matière pénale, les examens génétiques sont effectués au cours d’une enquête sous le contrôle d’un officier de police judiciaire. En principe, le prélèvement nécessaire à la détermination des empreintes génétiques requiert le consentement de l'intéressé, sauf s'il s'agit d'une personne condamnée pour un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement, car le procureur de la République peut alors requérir un tel prélèvement. Par ailleurs, dans tous les cas, l'identification de l'empreinte génétique peut être réalisée à partir du « matériel génétique qui se serait naturellement détaché du corps de l'intéressé ».

Ces empreintes sont conservées dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Ce fichier a été institué par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions de nature sexuelle. Son fonctionnement a été précisé par le décret n° 2000-413 du 18 mai 2000. Depuis lors, ces dispositions ont été intégrées au code de procédure pénale, puis modifiées. Les possibilités d'enregistrement dans le FNAEG étaient à l'origine limitées : seules les empreintes génétiques des personnes condamnées pour une infraction à caractère sexuel ou pour certaines atteintes aux mineurs pouvaient être conservées. Elles ont été élargies à plusieurs reprises : par la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure et par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Ces textes ont également facilité les modalités d'alimentation et de consultation du FNAEG.

La loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a modifié le code de procédure pénale pour préciser dans quelles conditions les prélèvements nécessaires à la détermination des empreintes génétiques peuvent être effectués afin de faciliter l'identification des auteurs de certaines infractions. L'officier de police judiciaire au cours de l'enquête de flagrance et le procureur de la République au cours de l'enquête préliminaire peuvent faire procéder « sur toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits en cause ou sur toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction, aux opérations de prélèvements externes nécessaires à la réalisation d'examens techniques et scientifiques de comparaison avec les traces et indices prélevés pour les nécessités de l'enquête ». Le refus de se soumettre à ces opérations est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende lorsqu'il émane d'une personne suspectée.

La liste des infractions justifiant un enregistrement au FNAEG a été allongée par les réformes successives, de sorte qu'elle inclut désormais la plupart des infractions punies d'une peine d'emprisonnement. Actuellement, il s’agit des empreintes génétiques des individus condamnés pour l'une des infractions énumérées à l’article 706-55 du Code de procédure pénale : infractions de nature sexuelle, crimes contre l’humanité, crimes et délits d’atteintes volontaires à la vie de la personne, de tortures et actes de barbarie, de violences volontaires, de menaces d’atteintes aux personnes, de trafic de stupéfiants, d’atteintes aux libertés de la personne, de traite des être humains, de proxénétisme, d’exploitation de la mendicité et de mise en péril des mineurs. Toutes les personnes qui purgent une peine de prison pour une telle infraction doivent faire l'objet de prélèvements en vue d'un enregistrement de leurs empreintes au FNAEG. Celles-ci peuvent être conservées, ainsi que celles des personnes qui remplissent les critères d'une mise en examen pour les mêmes infractions. En revanche, les empreintes génétiques des simples suspects ne peuvent pas être enregistrées au FNAEG.

L’enregistrement dans ce fichier vise à faciliter la recherche des auteurs de ces infractions à l’aide de leur profil génétique. Il permet également de rechercher les personnes disparues, à l’aide du profil génétique de leurs descendants ou de leurs ascendants, et de centraliser les empreintes génétiques des personnes non identifiées, dont les empreintes sont issues de prélèvements sur les lieux d’une infraction.

L’enregistrement de ces empreintes est réalisé dans le cadre d’une enquête de police, d’une commission rogatoire ou de l’exécution d’un ordre de recherche délivré par une autorité judiciaire. Les empreintes et les informations qui s’y rapportent sont conservées pendant 40 ans pour les personnes définitivement condamnées, et 25 ans pour les personnes mises en cause.

Les personnels habilités à consulter le FNAEG sont les personnels de la sous-direction de la police technique et scientifique de la direction centrale de la police judiciaire, de la police nationale, de la gendarmerie nationale, et ceux affectés au service central de préservation des prélèvements biologiques.

Le FNAEG créé en 1998 pour les seuls délinquants sexuels contiendrait aujourd’hui 615 600 fiches nominatives selon la CNIL contre 4 millions au Royaume-Uni. Selon certaines estimations, il pourrait en compter 3 millions en 2010 car depuis 2003 près de 137 infractions peuvent donner lieu à tests génétiques.

La polémique récente soulevée par le fichier EDVIGE incite à une réflexion globale sur les fichiers contenant des données personnelles. Les données de santé et notamment celles concernant les caractéristiques génétiques doivent être particulièrement protégées. Cette exigence est unanimement formulée.

Recommandation

Il conviendrait de :

- s’interroger sur la capacité matérielle dont dispose la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) pour contrôler un tel fichier, vérifier si ceux qui y accèdent, sont toujours les personnels habilités à le faire,

- mener une réflexion plus générale sur la protection des données de santé et des fichiers contenant ces données.

2 - Les examens génétiques à des fins de recherche scientifique

Le code civil dispose que l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ne peut être entrepris qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique. Cependant, le dispositif mis en place pour les examens réalisés à des fins scientifiques n’a jamais bénéficié d’un encadrement spécifique définissant d’une part, les notions d’examens et d’identification à des fins scientifiques ainsi que les objectifs qui leur sont assignés et d’autre part, les modalités d’information des personnes.

Il serait souhaitable selon plusieurs chercheurs que l’on s’interroge également sur la cohérence de ce dispositif avec l’article L.1211-2 du code de la santé publique, introduit par la loi de 2004 qui dispose que « l'utilisation d'éléments et de produits du corps humain à une fin médicale ou scientifique autre que celle pour laquelle ils ont été prélevés ou collectés est possible, sauf opposition exprimée par la personne sur laquelle a été opéré ce prélèvement ou cette collecte, dûment informée au préalable de cette autre fin. Il peut être dérogé à l'obligation d'information lorsque celle-ci se heurte à l'impossibilité de retrouver la personne concernée, ou lorsqu'un des comités consultatifs de protection des personnes, consulté par le responsable de la recherche, n'estime pas cette information nécessaire ».

Ce nouveau dispositif permet une exploitation scientifique des collections constituées depuis de nombreuses années, le maintien des articles, tant dans le code civil que le code de la santé publique, impose une information et un consentement écrit des personnes pour la réalisation d’examen ou d’identification génétique, y compris sur des éléments issus de collections, sans possibilité de dérogation. Il limite la portée et l’intérêt de l’article L.1121-2 du code de la santé publique pour la communauté scientifique.

Recommandation

Il conviendrait de clarifier les règles de consentement concernant l'utilisation d'éléments et de produits du corps humain à une fin médicale ou scientifique autre que celle pour laquelle ils ont été prélevés ou collectés: soit en admettant qu’une présomption de consentement existe, soit en demandant par des questions subsidiaires l’autorisation de la personne.

3 - L’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins médicales

Le nouvel article R. 1131-1 du code de la santé publique, modifié par le décret n°2008-321 du 4 avril 2008 auquel renvoie la loi de 2004 précise, dans son article R.1131-1 que « l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ou son identification par empreintes génétiques à des fins médicales consiste à analyser ses caractéristiques génétiques héritées ou acquises à un stade précoce du développement prénatal. Cette analyse a pour objet, soit de poser, de confirmer ou d’infirmer le diagnostic d’une maladie à caractère génétique chez une personne, soit de rechercher les caractéristiques d’un ou plusieurs gènes susceptibles d’être à l’origine du développement d’une maladie chez une personne ou les membres de sa famille potentiellement concernés, soit d’adapter la prise en charge médicale d’une personne selon ses caractéristiques génétiques ».

L’article R.1131-2 précise désormais que « constituent des analyses aux fins de détermination des caractéristiques génétiques d’une personne ou de son identification par empreintes génétiques à des fins médicales, les analyses de cytogénétique, y compris les analyses de cytogénétique moléculaire, les analyses de génétique moléculaire ainsi que toute autre analyse de biologie médicale prescrite dans l’intention d’obtenir des informations pour la détermination des caractéristiques génétiques d’une personne équivalentes à celles obtenues par les analyses mentionnées précédemment ».

L’utilisation de ces nouvelles techniques est réservée à des praticiens et des établissements de santé justifiant d’une formation ou d’un plateau technique suffisants.

4 - L’extension des examens génétiques effectués avant la naissance : diagnostic prénatal (DPN) et diagnostic préimplantatoire (DPI)

Les premières applications du DPI sur l'embryon humain n'ont pas eu lieu en France. C'est la Grande-Bretagne qui a ouvert la voie en autorisant le DPI en 1990 : la première naissance après DPI chez un couple à risque de transmission de la mucoviscidose a été obtenue en 1992. En France, le DPI a été autorisé par les lois de bioéthique du 29 juillet 1994. Ce n'est qu'en novembre 2000 que Valentin, premier bébé français issu d'un DPI, a vu le jour.

Le DPI a été autorisé en France par la loi du 29 juillet 1994 qui détermine le régime juridique du « diagnostic biologique ». Le terme préimplantatoire n'est pas employé. L’article L. 2131-4 du code de la santé publique précise que « le diagnostic biologique effectué à partir de cellules prélevées sur l'embryon in vitro n'est autorisé qu'à titre exceptionnel » et dans le respect de certaines conditions. Cette technique permet d'éviter le recours au diagnostic prénatal et à l'avortement thérapeutique qu'il peut induire.

Techniquement, le DPI nécessite l'utilisation d'une méthode de procréation médicalement assistée, la fécondation in vitro, en vue de l'obtention d'un embryon humain. Cet embryon doit être ex utero pour être accessible au diagnostic. Le diagnostic biologique est pratiqué à partir de cellules prélevées sur l’embryon in vitro par une biopsie embryonnaire généralement réalisée sur des embryons humains de 3 jours. Enfin, le diagnostic de l'anomalie génétique est réalisé par des techniques de biologie moléculaire. Ne seront transférés in utero que les embryons dépourvus de l'anomalie recherchée

a) Une extension du recours au DPN et au DPI en 2004

En 2004, deux extensions du diagnostic prénatal ont été votées par le législateur. En vertu du nouvel article L.2131-4 du code de la santé publique, le diagnostic peut désormais être effectué lorsqu’une anomalie responsable d'une maladie a été préalablement identifiée non seulement chez l'un des parents mais chez « l'un de ses ascendants immédiats dans le cas d'une maladie gravement invalidante, à révélation tardive et mettant prématurément en jeu le pronostic vital ». Cette disposition devait surtout permettre à des parents issus d'une famille atteinte de la Chorée de Huntington de donner naissance à un enfant indemne sans obtenir d'information sur leur propre statut.

Après de longs débats, le législateur n’a pas dressé de liste de maladies pour lesquelles la demande de DPN d’un couple serait recevable. Pour lutter contre toute dérive eugénique, il a souhaité prendre en compte la gravité de chaque situation familiale et éviter des souffrances aux individus atteints et à leurs familles. Après un DPN, l’interruption médicale de grossesse sera licite s’il existe une forte probabilité d’atteinte du foetus par une maladie reconnue d’une particulière gravité et incurable. Une part d’incertitude médicale est réservée dans le diagnostic.

La deuxième extension concerne « le bébé du double espoir ». En effet, l’article L. 2131-4-1 du code précité autorise le DPI  lorsque : « le couple a donné naissance à un enfant atteint d'une maladie génétique entraînant la mort dès les premières années de la vie et reconnue comme incurable au moment du diagnostic ; le pronostic vital de cet enfant peut être amélioré de façon décisive, par l'application sur celui-ci d'une thérapeutique ne portant pas atteinte à l'intégrité du corps de l'enfant né du transfert de l'embryon in utero, conformément à l'article 16-3 du code civil ; le diagnostic a pour seuls objets de rechercher la maladie génétique ainsi que les moyens de la prévenir et de la traiter, d'une part, et de permettre l'application de la thérapeutique mentionnée au troisième alinéa, d'autre part ».

En vertu de cette nouvelle disposition, les parents d'un enfant pourront sélectionner un embryon, non seulement indemne de la même maladie mais donneur compatible pour l'enfant malade. Un prélèvement de cellules souches pourra avoir lieu mais seulement à partir du sang du cordon du nouveau-né.

Cette technique difficile est relativement maîtrisée. Pour pouvoir être réimplanté, l'embryon devra passer un triple test : être apte à se développer, être exempt de la maladie recherchée et être compatible avec son aîné.

b) Un encadrement strict par l’Agence de la biomédecine

Le décret n°2006-1661 du 22 décembre relatif au diagnostic prénatal et au diagnostic biologique effectué à partir de cellules prélevées sur l'embryon in vitro et le décret précédent n°2006-1660 de la même date relatif au don de gamètes et à l'assistance médicale à la procréation et modifiant le code de la santé publique organisent la mise en oeuvre du DPN et du DPI.

- Les activités soumises à agrément

Ces décrets d’application encadrent étroitement les indications et les conditions de mise en oeuvre du DPN et du DPI. Il s’agit d’activités soumises à autorisation ou agrément. En effet, les analyses de cytogénétique et de biologie en vue d’établir un DPN ou un DPI ne peuvent être pratiquées que dans des établissements spécialement autorisés par les Agences régionales d’hospitalisation (ARH) et par des praticiens agréés par l’Agence de la biomédecine (ABM).

La loi renforce le conseil génétique du DPN et du DPI par la création de centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN). La collégialité d’une décision pour une interruption médicale de grossesse ou pour l’indication d’un DPI implique un partage de réflexions et de responsabilités.

L’interruption médicale de grossesse (IMG) et le DPI ne peuvent avoir lieu sans une attestation, délivrée après examen du dossier au sein d’un CPDPN qui réunit autour des généticiens cliniciens, des obstétriciens, échographistes et pédiatres néonatologues, des cytogénéticiens, des généticiens moléculaires, et des biologistes de la reproduction. Ces centres sont autorisés par l’ABM. Il y en a actuellement 48 en France.

- Un régime différent pour le diagnostic prénatal (DPN) et le diagnostic préimplantatoire (DPI)

Des différences séparent DPN et interruption médicale de grossesse d’une part, et DPI d’autre part. Les unes sont dues au fait que le DPI supposant une fécondation in vitro, les conditions de celles-ci lui sont applicables  (voir la 3ème partie du rapport). C’est au couple qu’appartient l’initiative de la demande de DPI, tandis que la décision d’IMG est laissée à la femme enceinte. À la différence du DPN, l’anomalie recherchée a dû être identifiée préalablement et précisément chez les parents ou l’un des parents, et depuis 2004, l’un des ascendants directs, selon le mode de transmission de la maladie en cause ; aucune autre analyse concernant une autre pathologie, ne peut être effectuée sur la cellule prélevée. Les autres différences de régime s’expliquent par la défiance justifiée du législateur et partagée par les rapporteurs, envers ce qui ne peut être « autorisé qu’à titre exceptionnel ».

Comme nombre de leurs interlocuteurs, les rapporteurs craignent que cette technique ne soit étendue à des indications de plus en plus larges, favorisant l’eugénisme. C’est pourquoi, l’encadrement du recours au DPI prévu par la loi de 2004 est tout à fait utile et nécessaire.

c) Des demandes de DPN et de DPI relativement stables

- Le DPN

Sur le plan biologique, le diagnostic prénatal (DPN) se rapporte à des prélèvements soit sur le foetus ou le liquide amniotique, le sang fœtal, soit sur le sang de la mère. Ces prélèvements permettent d’obtenir un diagnostic ou une probabilité d’atteinte de ce foetus. Les techniques d’analyse employées sont la cytogénétique pour l’étude du nombre et de la forme des chromosomes, la génétique moléculaire pour les études de l’ADN foetal et toutes les autres disciplines biologiques (hématologie, immunologie, maladies infectieuses, biochimie foetale) qui mettent en évidence une pathologie fœtale délétère. Le nombre de laboratoires autorisés varie selon les activités de 2 pour l’hématologie, à 74 pour la cytogénétique et les marqueurs sériques.

Selon l’Agence de la biomédecine, parmi les 92000 prélèvements réalisés en 2006, 4690 anomalies de la formule chromosomique ont été identifiées : 845 étaient en faveur d’une anomalie équilibrée et 3845 avec un déséquilibre dont 641 portant sur les gonosomes (chromosomes déterminants le sexe). Dans les anomalies déséquilibrées, 1838 étaient une trisomie 21, soit près d’un diagnostic positif déséquilibré sur deux, et 1543 ont fait l’objet d’une demande d’interruption volontaire de grossesse pour motif médical par la femme, soit 84 %.

Le taux de demande d’IMG pour les autres trisomies autosomiques est équivalent (environ 84 %). En revanche, cette demande ne concerne plus que 58 % des situations dans lesquelles une monosomie X est constatée sans qu’il soit possible de savoir s’il y a une malformation associée avec le diagnostic.

- Le DPI

Pour le DPI, l’ABM constate que la demande de diagnostic préimplantatoire (DPI) pour des maladies monogéniques est en recul (-18 %). En revanche, celle en cytogénétique croît (+ 30 %), dépassant une demande sur deux. Si l’activité augmente en termes de cycles débutés (+ 8 %) et de ponctions (+ 9 %), le nombre de transferts est stable (134 en 2005 et 137 en 2006). En revanche, on constate en 2006 une augmentation de 15 % de naissances et 25 % d’enfants nés vivants. Il est à noter que ces pourcentages ont été calculés sur des effectifs assez restreints. En ce qui concerne le DPI avec typage HLA, pour venir en aide à un aîné, on ne compte que 3 demandes en 2007 ; elles ont obtenu une autorisation.

Selon le Professeur Jean-François MATTEI17, président de la Croix Rouge française, « une des réussites de notre législation de bioéthique résidait dans les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal où se trouvent un encadrement, un contrôle de qualité, une évaluation des agréments et accréditations très correctes » et il soulignait combien la création de « conseillers en génétiques » était extrêmement utile.

Le conseiller en génétique est un nouvel acteur susceptible de venir en aide aux praticiens. Ses compétences et ses missions sont fixées par le décret ministériel n°1429 du 3 octobre 2007 : « Il exerce sur prescription médicale sous la responsabilité d’un médecin qualifié en génétique et par délégation de celui-ci (...). Il a un exercice salarié au sein d’une équipe pluridisciplinaire dans un établissement de santé, notamment au sein des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal ».

Le conseil génétique relève de médecins généticiens. Le conseil génétique à la charge du médecin généticien comprend la consultation médicale, l’enquête génétique familiale, la prescription d’investigations après information et consentement du patient et parfois de la parentèle concernée, l’information du patient, éventuellement de sa parentèle ainsi que du médecin traitant, sur l’interprétation du résultat issu des trois étapes précédentes, et enfin la stratégie préventive et/ou curative et son suivi. Il couvre tous les âges de la vie : la période pré conceptionnelle, la période prénatale, l’enfant, l’adulte.

Cependant le conseil d’orientation de l’Agence souligne dans ses leçons d’expérience l’aggravation de la pénurie de moyens en conseil génétique au regard des besoins. Elle a atteint selon lui un niveau d’alerte qui pourrait remettre en cause ce parti pris. Il ajoute : « C’est un vrai débat à l’heure où le monde de l’assurance et, à un moindre degré, celui du travail se font de plus en plus pressants, ne serait-ce que pour récupérer ces données médicales pour d’autres finalités ».

D’après l’ABM, malgré une très légère baisse des dossiers examinés
(2,5%), le nombre d'attestations demandées et délivrées en vue d'autoriser une interruption volontaire de grossesse pour motif médical (IMG) a crû de plus de 10 % entre 2005 et 2006. Le taux de refus de délivrance de cette attestation reste stable, autour de 1,7 %, sur les deux dernières années. Le nombre moyen de réunions annuelles reste supérieur à 52, indiquant ainsi une fréquence de réunions au moins hebdomadaire. Le nombre moyen de dossiers examinés par réunion est proche de 10.

En ce qui concerne les motifs qui conduisent la femme à demander une IMG, leur répartition est très stable entre 2005 et 2006 : une anomalie chromosomique dans 36 % des cas ; la proportion est la même pour les syndromes malformatifs ou associations malformatives. Ces deux catégories représentent, à elles seules, plus de 70 % des motifs d'IMG. Une cause génique existe dans 6 % des cas ; les indications infectieuses dans 1 %.

L'analyse des refus d'autorisation d'IMG d'une année sur l'autre montre une certaine stabilité, excepté pour les anomalies viscérales isolées qui semblent être plus discutées. Malgré une délivrance d'une attestation d'IMG par le CPDPN, près de 400 femmes (402 en 2006, 406 en 2005) n'ont pas souhaité poursuivre leur démarche d'IMG. Dans ce cas, près d'une fois sur deux, la grossesse a abouti à la naissance d'un enfant vivant et dans 25 % des cas elle a conduit à une mort fœtale in utero ou mort néonatale.

Il est très difficile d'évaluer l'activité échographique d'expertise des CPDPN. En effet, un grand nombre de centres ne font pas clairement la différence entre échographie de dépistage et échographie diagnostique. Seules des enquêtes spécifiques et ciblées semblent pouvoir apporter une information de ce type.

d) Le DPI, un acte technique généralement autorisé en Europe.

L'Allemagne, qui considère l'embryon comme une personne, a interdit ce diagnostic dans sa loi 13 décembre 1990. La très grande majorité des autres pays de l'Union Européenne autorisent la technique du DPI. Ils sont sur ce point en harmonie avec les textes européens.

L'article 18 de la convention d'Oviedo interdit la création d'embryons aux fins de recherche mais ne prohibe pas le DPI. Concernant la recherche sur les embryons conçus, il est renvoyé aux législations nationales : « lorsque la recherche ... est admise par la loi, celle-ci assure une protection adéquate de l'embryon ».

La recommandation 1100 du Conseil de l'Europe « sur l'utilisation des embryons et des foetus humains dans la recherche scientifique » indique que pourraient être autorisées et même encouragées des recherches visant des fins de diagnostic, notamment prénatal. L'annexe B de la Recommandation 1100 précise à propos des embryons préimplantatoires que les recherches in vitro sur les embryons viables ne doivent être autorisées que « s'il s'agit de recherches appliquées de caractère diagnostique ou effectuées à des fins préventives ou thérapeutiques et si elles n'interviennent pas sur leur patrimoine génétique non pathologique ».

B - LA COMMUNICATION DES RÉSULTATS D’UN EXAMEN GÉNÉTIQUE

La communication au patient et l’utilisation des informations recueillies en recourant aux examens des caractéristiques génétiques fait l’objet de dispositions spécifiques. La loi du 6 août 2004 prévoit que seul le médecin prescripteur de l’examen des caractéristiques génétiques est habilité à communiquer les résultats de cet examen. En cas de diagnostic d’une anomalie génétique grave posé lors de l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne, le médecin informe la personne ou son représentant légal des risques que son silence ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernés dès lors que des mesures de prévention ou de soins peuvent être proposées à ceux-ci. Le médecin informe la personne qu’elle peut choisir d’informer les membres de la famille par l’intermédiaire de l’Agence de la biomédecine (article L. 1111-2 du code de la santé publique).

1 - L’information de la parentèle : une question délicate

L’examen des caractéristiques génétiques d’une personne n’est pas un diagnostic classique. Il touche au patrimoine génétique de toute une parentèle. Il peut concerner, outre l’intéressé, un descendant, des parents, un conjoint, des collatéraux, des enfants à naître. Il vaut pour le présent et peut concerner une part de l’avenir. Les affections qu’il révèle, quelquefois très graves, peuvent ou non être traitées.

a) Des dispositions inappliquées ou inapplicables

L’information prévue à l’article L. 1111-2 précité est résumée dans un document signé et remis par le médecin à la personne concernée, qui atteste de cette remise. Dans ce cas, l'obligation d'information à la charge du médecin réside dans la délivrance de ce document à la personne ou à son représentant légal. L’article L. 1124 du code de la santé publique alinéa 4, dispose que « la volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission. »

La personne concernée, ou son représentant légal, peut choisir d'informer sa famille par la procédure de l'information médicale à caractère familial. Elle indique alors au médecin le nom et l'adresse des membres de sa famille dont elle dispose, en précisant le lien de parenté qui les unit. Ces informations sont transmises par le médecin à l'Agence de la biomédecine qui informe, par l'intermédiaire d'un médecin, les membres de la famille de l’existence d’une information médicale à caractère familial, susceptible de les concerner et des modalités leur permettant d’y accéder.

Les modalités de recueil, de transmission, de conservation et d'accès à ces informations sont précisées par un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Ce décret n’est toujours pas publié, preuve d’une réelle difficulté de mise en oeuvre. La loi ne s’applique donc pas. Le fait pour le patient de ne pas transmettre l'information relative à son anomalie génétique dans les conditions prévues par la loi ne peut servir de fondement à une action en responsabilité à son encontre.

b) Une situation complexe pour les praticiens

D’après les médecins généticiens rencontrés par les rapporteurs tant lors des auditions que lors du débat le 10 juillet 2008 à l’atelier de la plateforme génétique et société animé par le Professeur Anne CAMBON-THOMSEN, directrice de recherche INSERM et Mme Emmanuelle RIAL-SEBBAG, juriste de l’INSERM, au Génopole de Toulouse Midi Pyrénées, différentes réactions sont possibles :

- la personne concernée souhaite informer elle-même et directement les membres de sa famille,

- elle peut souhaiter informer elle-même les membres de sa famille, mais avec l’aide de son médecin généticien,

- elle peut vouloir choisir d’informer sa famille par la procédure de l’information médicale à caractère familial,

- elle peut aussi refuser toute information aux membres de sa famille et rejeter toute aide proposée sans engager sa responsabilité.

- elle peut tout autant ne pas vouloir être informée elle-même du diagnostic la concernant et concernant les membres de sa famille.

En effet, le code de la santé publique évoque le danger encouru par les membres de la famille, par l’expression « risque de transmission » qui n’est pas assimilable à un risque de contagion puisqu’il s’agit de transmission génétique et non de transmission infectieuse.

La question de la transmission des résultats de l’examen aux membres de la famille s’est posée et a été débattue dans les années 1995-1996 pour le HIV, et les maladies psychiatriques ; les premières lois de bioéthique de 1994 ne contenaient aucune disposition sur ce point précis. Dans le cadre de la révision des lois de 1994, le CCNE a rendu un avis n°76 le 24 avril 2003 « à propos de l'obligation d'information génétique familiale en cas de nécessité médicale ». Il y affirme la primauté du secret médical et estime en conclusion que l’intérêt du groupe ne doit pas être défendu par la loi sous forme de sanction pénale.

La nécessité, selon le CCNE, de ne pas ruiner la confiance du malade dans son médecin est en effet un élément dominant. Il est indispensable que la relation entre la personne qui consulte le médecin généticien et celui-ci ne soit pas entachée du moindre risque de rupture de confiance. S’il en était autrement, des personnes incertaines sur leur situation génétique pourraient hésiter à consulter le spécialiste.

Pour le conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, il convient de s’interroger sur le maintien de l’option actuellement retenue par la loi lorsqu’elle se borne à indiquer que « le fait de ne pas vouloir transmettre l’information (…) ne peut servir de fondement à une action en responsabilité » à l’encontre de la personne concernée par la maladie. Il se demande s’il n’y aurait pas avantage à chercher des voies permettant de diffuser le contenu de l’information à transmettre aux personnes potentiellement concernées, sans pour autant être tenu de révéler la situation du patient dont les examens ont mis au jour cette information. Le conseil d’orientation estime dans ses leçons d’expérience que la procédure actuellement prévue par la loi de 2004 est particulièrement compliquée, voire inadaptée. Les rapporteurs constatent qu’elle n’est d’ailleurs pas appliquée ; le décret n’est pas publié, sa rédaction se heurtant à des difficultés de mise en oeuvre.

Si l’on autorisait le médecin à informer les membres de la famille du diagnostic génétique de son patient, il faudrait déterminer avec précision les différentes hypothèses où l’information du diagnostic génétique a une utilité pour des personnes autres que celle qui a fait la demande d’un tel diagnostic. Ceci ne peut concerner que des maladies graves pouvant être transmises à la descendance. Qu’en serait-il des pathologies de gravité intermédiaire comme la présence de gènes de susceptibilité au cancer, ou de maladies d’une gravité limitée si elles sont prises en charge de manière adéquate? Cependant, comment savoir si la parentèle souhaite être informée ? Qu’en sera-t-il si le patient souhaite ne pas savoir ou si cette pathologie est découverte fortuitement au cours d’une recherche scientifique, voire d’un don de gamète ?

Recommandation

Les rapporteurs souhaitent que la question de la levée du secret médical dans l’intérêt d’une famille soit débattue au Parlement, en envisageant l’ensemble des possibilités.

2 - L’information des personnes dans le cas d’examens génétiques effectués dans le cadre d’une recherche

Quels objectifs assigner à L. 1121-2 précité quant à la communication à la personne des résultats des examens et identifications génétiques réalisés dans le cadre d’une recherche ? Il est en effet peu cohérent de solliciter le consentement d’une personne à un examen et que cette sollicitation reste sans effet à son égard.

Il pourrait être également prévu que, dans le cadre d’une utilisation des éléments biologiques issus d’une collection ou plus généralement dans le cadre d’une utilisation secondaire des éléments biologiques, l’information ne soit dispensée que s’il est possible de retrouver la personne concernée. Toutefois, cette question doit être réexaminée car actuellement, grâce aux plateformes de génomique et à l’utilisation de robots de pointe, il est plus rapide de séquencer un génome à grande échelle et d’obtenir des résultats qui n’étaient pas spécifiquement recherchés. Que faire d’une telle masse d’informations?

Recommandation

Les rapporteurs estiment concevable que la personne qui participe à une recherche mettant en jeu ses caractéristiques génétiques, puisse, si elle y consent, bénéficier d’une information relative aux résultats globaux de cette recherche.

Dans ce cas, ils demandent que cette information, parfois assez anxiogène pour la personne concernée, soit dispensée par un médecin pouvant préciser la portée de ces résultats, et leurs éventuelles conséquences pour sa santé.

II - LES DÉFIS ÉTHIQUES : LE SPECTRE DE LA « BIOLOGISATION »

La génétique fascine nos contemporains qui y cherchent des réponses sûres, des certitudes. Malgré les efforts très remarquables des généticiens pour expliquer que « tout n’est pas dans les gènes », que l’environnement joue un rôle primordial. L’épigénétique est moins connu du grand public qui cherche des réponses, en recourant à des tests en libre accès sur Internet.

On recense environ 30 000 gènes dans le génome et on répertorie environ 5 000 maladies génétiques différentes responsables d’environ 30 000 nouveaux cas par an pour l’ensemble de toutes ces maladies. En France, environ 3% des naissances présentent une particularité génétique plus ou moins grave identifiable cliniquement ou par un test diagnostique (génétique ou autre). En Europe, 25 à 30 millions d’Européens sont potentiellement concernés par une maladie génétique Les maladies génétiques les plus fréquentes sont la mucoviscidose : 1 naissance sur 3 000, la myopathie : 1 naissance sur 4 000, le groupe des maladies caractérisées par les retards mentaux : 1 enfant sur 200.

A- L’EXPLOSION DES TESTS GÉNÉTIQUES EN LIBRE ACCÈS SUR INTERNET

1 - Un phénomène récent échappant à toute régulation

Les sommes considérables investies, près de 3 milliards de dollars pour le seul projet génome humain entre 1989 et 2003, porteraient leurs premiers fruits. Au cours de l’année 2007, au moins trois sociétés (23andMe, DecodeMe, Navigenics) se sont lancées sur le marché des tests génétiques individuels. Une vingtaine d’entreprises opéreraient dans ce domaine prometteur. Il s’agit, selon 23andMe, de « combiner la puissance d’Internet et celle de la génétique » pour « permettre aux individus d’être de véritables acteurs de leur santé ». Ou encore, selon Navigenics, de « faire passer la médecine d’une pratique de soins aux malades, à une pratique d’évitement des maladies par détection précoce des personnes susceptibles de développer les maladies ».

Ces entreprises proposent à leurs clients d’étudier leur génome et d’en déduire leur risque de développer une vingtaine de maladies courantes pour lesquelles des facteurs génétiques ont été identifiés. 23andMe et DecodeMe proposent également à son client de retracer sa généalogie, de comparer son information génétique à celle de proches, d’amis, de vedettes, pour une mise en réseau sur Internet par le biais de réseaux sociaux encore inédits.

a) Le mode de fonctionnement

Les trois sociétés fonctionnent de la même façon. Recruté par des annonces sur des sites Internet et rassuré par la présence d’éminents universitaires dans les conseils scientifiques de ces sociétés, le client doit payer. Contre une somme comprise entre 985 et 2 500 dollars (entre 640 et 1 600 euros), selon le prestataire, le client reçoit un kit pour racler quelques cellules de sa paroi buccale. Son génome analysé, l’information est engrangée dans une base de données sécurisée par la société. Au bout d’un mois, il accède par Internet à ses informations personnalisées, qui seront mises à jour au gré des nouvelles découvertes scientifiques. Le client effectue lui-même la démarche sans intermédiaire médical. « Pour devenir de véritables acteurs de notre propre santé », comme le proclament ces sociétés, mais également « pour contourner le scepticisme du corps médical ».

b) Des constats inquiétants

La mise à disposition à large échelle de tests de susceptibilité à des maladies pose des questions éthiques, juridiques et économiques. Une trentaine de sites Internet étrangers, en majorité américains, mais aussi suisses et jusqu’à une période récente espagnols, proposent aujourd’hui de tels services, sans s’entourer d’aucune précaution d’ordre éthique.

Ils proposent une analyse des variations de nucléotides simples pour y chercher des facteurs de susceptibilité à certaines pathologies. Alzheimer, cancers du sein, du côlon, de la prostate, glaucome, diabète ou encore dégénérescence maculaire font partie des tests proposés.

Chaque recherche par pathologie est facturée entre 200 et 500 dollars. Le plus souvent, les résultats sont fournis sous forme brute, sans aucun moyen d’en décoder le véritable sens pour chaque individu. Or, la majorité des pathologies évoquées mettent en jeu plusieurs gènes et de nombreux facteurs, notamment environnementaux. La valeur prédictive des ces tests n'est donc que relative. La révélation brutale d’un pronostic défavorable peut modifier la perception que l’individu se fait de son existence, indépendamment de l’imprécision et du caractère aléatoire du pronostic, ensuite elle pourrait modifier la perception que la société ou les autres individus se feront de lui si cela est connu. Cependant, en savoir davantage sur ses origines, semble devenir une exigence ; l’affirmation d’une forme d’autonomie, du droit de savoir, de se connaître, se fait de plus en plus pressante.

Les performances de ces analyses pourraient évoluer rapidement, grâce au recours à des études d’associations appliquées à l’ensemble du génome. Quelques sites, comme Navigenics, ont choisi de ne proposer des tests que lorsque le patient peut agir, par une modification de son comportement ou par une surveillance accrue, lorsqu’il reçoit ses résultats.

En outre, la plupart des tests génétiques actuellement disponibles n’ont pas été validés, comme le sont tous les tests biologiques, par des instances publiques, et ils reposent encore sur la simple mise en évidence d’un lien entre une pathologie ou une prédisposition à une maladie et un certain profil génétique. Il existe des risques d'erreurs car un test génétique apporte surtout une donnée à interpréter.

En 2007, Google a investi 3,9 millions de dollars dans le lancement de 23andMe. Dans ce contexte, les chercheurs sont assez divisés. Certains estiment que les valeurs de risque utilisées dans les calculs reposent sur des résultats récents qui demandent confirmation. D’autres considèrent au contraire, que des informations personnalisées ne peuvent qu’influencer positivement le comportement sanitaire des gens et les inciter à utiliser au mieux les « potentialités de leur génome ». Les sociétés précitées en liaison avec Google détiennent une véritable base de données génétiques des populations, la quasi-totalité de la population de l’Islande a ainsi été testée.

c) Les mises en garde des praticiens et des chercheurs

Comme l’expliquait le Professeur Anne CAMBON-THOMSEN, directrice de recherche au CNRS18, « les dimensions génétiques ont quelque peu évoluées depuis la loi modifiée en 2004. Le risque accru, par rapport à certaines pathologies fréquentes, l’intervention de facteurs génétiques dans la capacité de répondre aux médicaments, la prévision de complications dans certaines maladies et le rejet dans les transplantations illustrent ces évolutions ».

Elle se demandait : « Comment faire pour que les tests génétiques, qui sont des « réducteurs d’incertitude » ou des « révélateurs d’incertitude explicitée », ne deviennent ni des réducteurs de liberté, ni des réducteurs d’espoir selon l’usage qui en est fait? C’est un challenge pour le dialogue sociétal, un challenge de régulation, un challenge pour le système de santé, un challenge au niveau européen, un challenge international pour la santé des populations ».

Quant au Professeur Hervé CHNEIWEISS, directeur du centre de psychiatrie et neurosciences, il se demandait19 « Comment stopper l’instrumentalisation débridée des découvertes biomédicales ? Les sciences du vivant mettent à notre disposition une profusion de biomarqueurs, indices biologiques d’un état ou d’un mode de fonctionnement particulier du vivant : mutations génétiques, taux de protéines, d’hormones, de peptides associés à des phénomènes pathologiques, voire à des prédispositions à un risque de maladie. Utiles à la recherche, ces biomarqueurs peuvent enrichir la palette des analyses biomédicales usuelles, à condition d’être considérés avec discernement et évalués dans leur utilité pratique avant d’être livrés au public. Ce n’est pas la tendance, portée par la peur de tout et le risque zéro : serions-nous en train de devenir des techno malades imaginaires ? »

Le Professeur Arnold MUNNICH, chef de service ; centre de génétique médicale, hôpital Necker-enfants malades soulignait lui aussi20 : « Dans un petit nombre de situations, nous sommes certains de ce que nous avançons ; mais dans la majorité des situations, nous nous taisons parce que nous n’avons rien de solide et de convaincant à exprimer. C’est pourquoi le nombre des situations dans lesquelles les praticiens réalisent des tests génétiques est au fond très limité, au regard de ce qui est techniquement possible. Tout ce qui est techniquement possible n’est pas nécessairement souhaitable, surtout lorsque tant d’incertitudes existent (variabilité de l’expression d’un gène, gène modificateur, etc…). Tous ces tests sont empreints d’un degré très important d’incertitude, c’est une notion dont on doit absolument s’imprégner et qui, d’ailleurs, en limite l’interprétation ».

En France, l’accès au test génétique est contrôlé et encadré, mais ce contrôle est impossible quand les utilisateurs ont recours à Internet. Un contrôle à l’échelon européen et international est absolument nécessaire mais difficile à mettre en place.

Recommandation

Il conviendrait de

- tenter de canaliser l’achat et l’utilisation des résultats de tests génétiques, phénomène qui gagne l’Europe,

- effectuer des mises en garde tant sur la fiabilité des tests proposés, que sur l’usage des résultats non clairement couverts par le secret, voire l’anonymat,

- interdire à l’échelon européen de se prévaloir de résultats de ces tests tant au niveau juridique que médical.

2 - Un contrôle limité

Il suffit d’utiliser Internet, voire de lire la presse quotidienne pour apprendre l’existence de laboratoires étrangers qui, moyennant finance et sans garantie d’efficacité, proposent des tests : tests de paternité, analyses génétiques destinées à satisfaire la curiosité de chacun sur ses origines familiales, les diverses migrations de sa famille afin de construire sa lointaine généalogie, tests de susceptibilité à telle ou telle maladie (cancers, maladies neurodégénératives, etc…) pour se rassurer ou pas.

On constate une attirance des individus à l’égard de cette information génétique, toujours considérée comme solide, parce que basée sur des structures scientifiques.

Certes, la personne ne pourra pas se prévaloir de résultats ainsi obtenus en France. Il n’empêche, le fait de détenir même secrètement, une information de cet ordre qu’elle soit juste ou erronée aura forcément un impact sur la perception de celui qui la détient, et des conséquences de tous ordres : doute sur sa santé, difficultés familiales, levée brutale de secret de famille etc… Ces tests, non associés à une action thérapeutique ou de prévention, posent d’ailleurs problèmes. Comment et dans quelles conditions les prélèvements sont-ils effectués ? Est-ce avec le consentement de la personne ou à son insu ? Comment les résultats sont-ils obtenus, avec quel degré de fiabilité, quel niveau de lecture ? Comment les personnes reçoivent-elles et utilisent-elles ces informations ? Or, les conditions de prélèvement de conservation sont aléatoires et, « en outre, le résultat d'un test génétique n'est pas interprétable en soi », comme l’a souligné le Professeur Arnold MUNNICH21.

Les tests génétiques produisent de l’information génétique : pour quoi faire ? Ce débat porte sur ce droit individuel à l’information. À partir du moment où la possibilité de connaître l’information existe, l’accès à cette dernière peut faire l’objet d’une revendication, malgré la nécessité d’accompagnement de l’information génétique.

3 - Un encadrement juridique variable selon les pays

La soif d’information biologique sur soi est sans limite. L’enjeu est de savoir sur quoi l’on fonde la limitation et à qui laisse-t-on le soin de donner l’information accompagnant des tests éventuellement disponibles. Cependant, une telle autorité n’aura sans doute que peu de pouvoir pour contrôler ce type de service par Internet. Faudra-t-il contraindre les fournisseurs à donner un conseil génétique ou médical ? Devrait-on exiger une déclaration préalable des tests commercialisés? Comment de telles conditions pourront-elles être respectées pour des tests fournis par une entreprise basée à l’étranger? La Commission sur la génétique humaine du Royaume-Uni a d’ailleurs mis en garde les consommateurs anglais. L’Agence de la biomédecine commence à agir ainsi, comme en témoigne la réunion organisée le 2 octobre 2007 sur le thème : « tests génétiques en accès libre et pharmacogénétique : quels enjeux individuels et collectifs en Europe ? ».

Corollaire de cette évolution, une attention croissante au niveau national et européen s’est portée sur l’encadrement de l’ensemble des « activités » de génétique. Les préoccupations essentielles se situent à trois niveaux : la qualité des tests génétiques, les conditions d’utilisation des tests génétiques, l’utilisation des résultats de ces tests.

a) Aux États-Unis

La loi varie d’un État à l’autre, la loi californienne sur les tests biologiques interdit que ceux-ci soient réalisés en dehors d’une prescription médicale. Au nom du code de régulation des entreprises et des professions, le département de la santé publique de cet État a envoyé début juin des lettres de mise en demeure à plusieurs sociétés spécialisées dans la mise à disposition du grand public, par Internet, des analyses d’ADN. Deux de ces entreprises, 23andMe et Navigenics liées à la firme Google  ont décidé de passer outre et de continuer leurs activités, arguant que leurs affaires étaient totalement légales.

b) En Europe

La situation est très hétérogène dans les pays d’Europe. Peu de pays disposent d’une législation spécifique, comme l’Autriche, ou plus récemment la Suisse et le Portugal. On trouve cependant des dispositions concernant les tests génétiques dans des lois couvrant le champ général de la bioéthique, comme en France, ou relatives aux droits des patients, comme au Danemark, ou encore à la protection des données, comme en Allemagne. Toutefois, ces dispositions ne définissent pas toujours un cadre juridique complet pour les tests génétiques.

Dans la plupart des pays, des lignes directrices ont été développées par différents secteurs, notamment les sociétés de génétique humaine ou de cliniciens généticiens. Quelques pays ont, par ailleurs, mis en place des instances consultatives chargées de conseiller le gouvernement sur les questions ayant trait à la génétique tels le Royaume Uni, l’Autriche, et plus récemment l’Espagne. Aucun des instruments juridiques en vigueur dans les différents pays d’Europe ne s’applique en dehors des frontières nationales, et notamment ne couvre les offres commerciales accessibles sur Internet qui sont proposées par des laboratoires situés en dehors de ces pays, majoritairement aux États-Unis.

Les tests génétiques sont considérés couverts par la Directive 98/79/CE, relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. La Directive porte essentiellement sur les aspects de sécurité et de qualité et ne traite pas des conditions d’utilisation des tests génétiques, ni de celles de leurs résultats. Les exigences définies par la Directive varient selon le niveau de risque présenté par les dispositifs concernés. Or, les tests génétiques y sont généralement considérés comme présentant un niveau de risque peu élevé, pour lesquels les procédures d’évaluation de la conformité peuvent, en règle générale, rester sous la responsabilité du fabricant.

D’autres initiatives ont été prises au niveau européen, comme celle d’Eurogentest qui est un réseau européen d’excellence dans le domaine des tests génétiques, dans le but d’harmoniser et d’améliorer la qualité générale des services génétiques en Europe.

c) Des normes internationales peu opérationnelles

Sur les aspects éthiques relatifs aux tests génétiques, le seul texte juridique international contraignant est la Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine du Conseil de l’Europe (STE n°164, 4 avril 1997) qui établit un certain nombre de principes fondamentaux s’appliquant aux conditions d’utilisation des tests génétiques et de leurs résultats. Elle limite notamment l’utilisation des tests génétiques prédictifs de maladie aux seules fins médicales ou de recherche médicale et interdit toute forme de discrimination à l’encontre d‘une personne sur la base de son patrimoine génétique.

Sur la base de ces principes, le comité directeur pour la bioéthique (CDBI) du Conseil de l’Europe a élaboré un nouvel instrument juridique, complétant les dispositions de la Convention dans le domaine spécifique des tests génétiques à des fins médicales: le Protocole additionnel à la Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine, relatif aux tests génétiques à des fins médicales. Ce protocole porte notamment sur l’information et le consentement préalable, le conseil génétique ; il établit des règles générales pour la conduite des tests génétiques, des règles de protection de la vie privée, et assure le droit à l’information recueillie au moyen de tests génétiques.

Des efforts visant à améliorer le respect de normes minimales de qualité et de sécurité des services d’analyse génétique au niveau international ont été entrepris par l’Union européenne et l’OCDE.

B - LES RISQUES D’EUGÉNISME : LES TESTS PRÉDICTIFS EN DÉBAT

- Le test diagnostic permet de confirmer l’origine génétique d’une maladie déjà existante. Le test pré symptomatique permet d’établir pour la personne testée une mutation génétique liée à la maladie dont les symptômes ne sont pas apparents et, sur cette base, de définir la probabilité de développement de la maladie, avant l’apparition des premiers symptômes, comme la maladie de Huntington qui ne se déclare généralement pas avant 40 ans. À terme, la multiplication des tests génétiques pourrait révolutionner les programmes de dépistage de très nombreuses maladies avant comme après la naissance.

Or cette perspective soulève de graves problèmes éthiques : « Ce sera bientôt un péché pour des parents que de mettre au monde un enfant atteint de maladie génétique », prévient M. Bill ALBERT, président d’un groupe de travail européen sur les discriminations génétiques. « Si bien que les progrès des tests risquent de déboucher sur une épuration génétique violant, plus encore qu’aujourd’hui, le droit des personnes handicapées à venir au monde. »

- Le test d’identification de porteur sain permet de savoir si une personne en bonne santé est porteuse d’une anomalie génétique liée à une maladie qui ne s’exprimera pas chez elle, telle une maladie se transmettant sur le mode récessif, qu’elle est susceptible de transmettre à ses enfants et qui, dans certaines conditions, serait susceptible d’affecter leur santé.

L’information résultant de ces tests permet de confirmer le diagnostic d’une maladie génétique chez une personne qui en présente les symptômes. Elle peut aussi avoir un rôle prédictif en renseignant sur les risques de développer une maladie. L’intérêt d’identifier les maladies génétiques est de pouvoir prendre en charge la transmission de la maladie dans la famille et notamment à ses descendants.

- Le test de prédisposition fournit des informations sur la composante génétique d’un trouble multifactoriel : s’il existe une mutation sur l’un des gènes BRCA, le risque de développer un cancer du sein avant 50 ans serait de 20% pour le gène BRCA2 à 40 % pour le gène BRCA1. Mais des facteurs autres que génétiques entrent aussi en jeu dans le développement de la maladie.

Le développement des connaissances relatives au caractère héréditaire de certaines maladies peut conduire au développement des hypothèses où il est recouru au diagnostic prénatal. Que sont ou seront les maladie d’une particulière gravité ? Quel niveau de prédiction ont ou auront les futurs tests ? Des anomalies génétiques dont on ne peut pas prévoir de manière certaine la gravité et la nature des lésions qu'elles sont susceptibles d'entraîner pourront-elles être diagnostiquées ? Quels seront les types d’anomalies à prendre en compte, et sur quels éléments prédictifs s’appuyer ? Quel est le degré de validité des tests ?

1 - La validation des tests face à la volonté de les commercialiser

La validation des tests génétiques est une question délicate, il convient d’éviter les erreurs, notamment dans des domaines dans lesquels le test intervient pour valider ou invalider un diagnostic, un traitement, ou l’évolution d’une pathologie.

Dans son avis n° 99 du 24 septembre 2007 « à propos d’un test (ISET-Oncologie) visant à détecter dans le sang des cellules tumorales circulantes », le CCNE recommande des mesures strictes de validation des tests : « l’évaluation par une autorité de santé (HAS, AFSSAPS ou Agence de la Biomédecine) demeure un préalable indispensable à la commercialisation de tout test/procédé à but diagnostique, indépendamment de ses conditions de remboursement ; l'absence d'évaluation des applications médicales de l'invention devrait faire l'objet d'une mention obligatoire portée à la connaissance du public. La mise au point d'un outil technique n'est pas une fin en soi, indépendante de l'usage qui en sera fait...Ce n’est pas à la technique de dicter son usage ». Cet avis fait suite à un différend qui a eu un grand retentissement médiatique.

Recommandation

Il conviendrait de

- préciser les conditions de tout essai clinique concernant des tests génétiques,

- indiquer à ceux qui acceptent de les expérimenter l’étape du processus de validation dans lequel se situe l’expérience.

2 - Le débat sur l’utilisation de DPN et DPI en oncogénétique

Des divergences d’approche entre les Centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN) concernant l’autorisation de pratiquer un DPI ont été rapportées dans la presse. Le Monde22 a fait état d’une controverse sur la possibilité ou non d’élargir le DPI à la recherche de prédisposition à des formes familiales de certains cancers du côlon, du sein ou de l'ovaire. Le Professeur Stéphane VIVILLE, directeur de l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg, estimait qu'un tel élargissement peut dans certains cas, après étude approfondie des dossiers familiaux, être justifié : « La loi n'a, fort heureusement, pas établi une liste des pathologies concernées par le DPI. Et il n'y avait pas besoin de modification de la loi pour que nous puissions prendre en charge la prédisposition à certains cancers. Cette loi, comme dans le cas du diagnostic prénatal et de l'interruption médicale de grossesse, laisse aux centres spécialisés la liberté de jugement pour ce qui est des critères de « particulière gravité » et « d’incurabilité ». Mme Carine CAMBY alors directrice générale de l’ABM considérait, quant à elle, que « s’il doit y avoir une interprétation extensive de la loi de bioéthique, cela ne peut quant à elle être le fait d'un seul centre ».

Le conseil d’orientation de l’ABM qui émet un avis sur l’agrément des praticiens et des centres concernés s’est demandé si l’on pouvait définir des bases communes de décision d’une équipe à une autre, à la lumière des bilans d’activité, s’il existait une hétérogénéité décisionnelle à l’échelon régional ou national.

Les rapporteurs ont suivi ce débat sur l’utilisation de DPN et de DPI en oncogénétique. Ils ont auditionné23 le Professeur Dominique STOPPA-LYONNET, chef de service à l’Institut Curie, auteur du rapport « Diagnostic prénatal, interruption médicale de grossesse, diagnostic préimplantatoire et formes héréditaires de cancers », quelle a présenté à la demande de l’Agence de la biomédecine et de l’Institut national du cancer (INCA). Les éléments de son constat sont exposés ci-dessous.

a) En France

Le Professeur STOPPA-LYONNET constate qu’une dizaine d’IMG sont réalisées annuellement sur des formes héréditaires de cancers. Le premier dossier de demande de DPI, motivé par le risque de transmission d’un cancer, a été ouvert en 2000 pour un couple dont l’un des membres était atteint de Polypose Adénomateuse Familiale (PAF). Entre 2000 et 2007, 3 enfants indemnes de cette pathologie sont nés, ainsi que 2 enfants indemnes de maladie de von Hippel Lindau et un enfant indemne de sclérose tubéreuse de Bourneville, soit 6 au total. Sur deux ans (2005 et 2006), 24 attestations en vue de la réalisation d’un DPI ont été données par des CPDPN dans le contexte de formes héréditaires de cancers isolés et 7 seulement quand le cancer n’est pas au devant du tableau clinique.

Selon le rapport précité, le nombre d’attestations de DPI apparaît plus élevé pour les formes héréditaires de cancers que pour les maladies associées à un risque de cancer, à la différence de ce qui est observé pour le DPN. En 2007, une demande de DPI a concerné une prédisposition au cancer du sein et de l’ovaire. Il s’agissait d’un homme porteur d’une mutation BRCA1 et dont l’histoire familiale était particulièrement grave. Cette demande a été très débattue au sein du CPDPN qui a dû arbitrer entre la gravité de l’histoire familiale et les critères de gravité et d’incurabilité exigés par la loi concernant la maladie (cancers du sein et de l’ovaire). La demande du couple n’a finalement pas été retenue sur l’argument « d’insuffisance de gravité » au regard de l’interprétation que faisait le CPDPN des textes réglementaires.

b) À l’étranger

Aux États-Unis, fin 2006, un article a fait un état des lieux international des DPN et DPI réalisés pour une indication oncogénétique. Concernant les maladies à révélation tardive (cancer du sein et de l’ovaire et mutations BRCA1/2, syndrome de Lynch), on aurait réalisé aux États-Unis, une douzaine de DPI pour ces situations dans des centres privés. Il n’y a pas de régulation fédérale de la conduite de ces DPI.

Au Royaume-Uni, le bilan national est très faible. Une dizaine maximum. L’acceptabilité des IMG est laissée à l’appréciation du gynécologue-obstétricien, ou spécialiste de médecine fœtale. Selon la loi, deux médecins doivent signer le formulaire officiel, déclarant que les conditions requises décrites ci-dessus sont satisfaites. Les décisions sont guidées par les recommandations de différentes instances et associations. En revanche, les autorisations de DPI sont centralisées par l’HFEA (Human Fertilisation Embryology Authority). Chaque demande de DPI est analysée par l’HFEA qui donne ou non son autorisation ou « license approval ». Le retentissement de l’anomalie génétique est pris en compte non seulement chez l’enfant mais aussi dans sa famille. La perception de la gravité de la maladie par le couple est un élément essentiel qui conduit à donner l’autorisation. Lors de l’accompagnement des couples dans leur décision finale, il est nécessaire d’informer sur les alternatives du DPN et du DPI et sur le retentissement familial et individuel du handicap ainsi que sur sa prise en charge.

L’HFEA a, en mai 2006, retenu le principe de l’autorisation de DPI pour «des maladies de l’adulte à pénétrance faible et en particulier les prédispositions aux cancers du sein et de l’ovaire (BRCA1/2) et les prédispositions aux cancers du côlon dans le cadre d’un syndrome de Lynch en raison de l’importance de la gravité de l’affection perçue par le couple à risque ». En septembre 2007, l’HFEA a donné sa première autorisation pour un couple risquant de transmettre une mutation BRCA1.

Dans les autres pays européens, des DPN et des IMG sont réalisés pour les formes héréditaires de cancers. Le DPI a été légalisé en Espagne, en Suède, en Norvège et au Danemark. Il n’est pas interdit en Belgique, Finlande, Grèce ni aux Pays-Bas. Il est interdit en Allemagne, Autriche, Irlande, Italie (depuis la loi de 2004, alors qu’il y était pratiqué auparavant) et Suisse. Concernant les DPI pour les formes héréditaires de cancers plus tardifs (BRCA1/2, syndrome de Lynch), le principe du DPI a été refusé aux Pays-Bas. Un premier et seul article mentionnant la mise en oeuvre de 2 DPI dans un contexte BRCA1 a été publié en mars 2007 par un laboratoire belge.

3 - La sélection génétique des êtres humains ?

Selon le Professeur Bertrand MATHIEU24, Professeur de droit à Paris II, « lorsque l’on observe les règles et les pratiques, il convient d’admettre que, sans rupture ouverte avec des principes fondamentaux, affirmés de manière récurrente, cette sélection est aujourd’hui largement admise. Elle répond à des considérations diverses. Il peut s’agir d’exigences compassionnelles ou de la volonté de répondre à des exigences individuelles, mais les préoccupations économiques et de santé publique ne sont pas absentes. Il en est ainsi dans le cadre de l’articulation entre diagnostic prénatal et avortement médical et entre diagnostic préimplantatoire et procréations médicalement assistées ».

La dérive tient tant à l'extension des maladies diagnostiquées, qu'à l'élargissement des groupes de population concernés. C'est pourquoi, dans un avis du 22 juin 1993, le Comité consultatif national d'éthique avait condamné le dépistage systématique de la trisomie 21. Cependant, l'évolution du droit régissant concrètement ces pratiques ne semble pas aller en ce sens.

Pour le Professeur MATHIEU, « En effet, des anomalies génétiques peuvent être diagnostiquées sans que l’on puisse prévoir de manière certaine la gravité et la nature des lésions qu'elles sont susceptibles d'entraîner. Il en est de même pour les prédispositions à certaines pathologies. Le développement des connaissances relatives au caractère héréditaire de certaines maladies tend à conduire à un recours plus fréquent au diagnostic prénatal et, à l’avortement. Il s’agit de savoir jusqu’où aller dans le diagnostic. Quels types d’anomalies prendre en compte, doit-on tenir compte des éléments prédictifs ? ».

D’après lui, le renforcement de la précision et de la fiabilité de ces tests tend à établir implicitement des seuils de qualité de la vie humaine : « S’agissant des tests préimplantatoires, cette pratique peut conduire à développer un eugénisme positif conduisant à choisir d’implanter certains embryons en fonction de leurs caractéristiques ou de leur qualité génétique. La légalisation de ce que l’on a appelé « l’enfant de la deuxième chance» quel que soit le jugement que l’on peut porter sur cette pratique, constitue un pas en ce sens ».

Cette approche rejoint les inquiétudes exprimées par le Professeur Jacques TESTART, directeur de recherche à l’INSERM dans une tribune25 intitulée : « À la recherche de l'enfant parfait ». Il s’interrogeait sur le recours au diagnostic préimplantatoire (DPI) pour dépister chez l’embryon la prédisposition à certains cancers : « Faut-il alors s’inquiéter de telles extensions des indications tant que le DPI s’en tient aux maladies particulièrement graves ? …Sans préjuger la « gravité » des pathologies que le DPI permettrait d’éviter, il existe une gradation qualitative des indications médicales pour le tri des embryons. Primitivement, il s’applique à des maladies monogéniques ou chromosomiques qui se manifesteraient inévitablement si l’embryon porteur évoluait en enfant. .. Puis le DPI se voit proposé pour des pathologies risquant statistiquement d’affecter l’enfant si l’embryon présente un « facteur de risque » génétique, comme celui de cancer en cause dans l’actuelle controverse. Ce caractère aléatoire de la manifestation pathologique empêchait auparavant le recours à l’IMG mais peut s’accommoder des moindres rigueurs du DPI».

Il conclut par ces mots : « Alors que les pathologies d’apparition inexorable sont pour la plupart déjà connues et quantifiées, ces « prédispositions génétiques »sont potentiellement infinies.  Puisque nul ne peut décider pour tout le monde quelles sont ces « maladies particulièrement graves » qui justifient le DPI, la régulation ne peut emprunter que deux voies, qui devraient être soumises au jugement informé d’une conférence de citoyens : soit, comme aujourd’hui, on abandonne chaque décision au colloque praticiens-patients, au risque d’un glissement progressif vers l’exigence de « l’enfant parfait », soit on pose des limites qui, sans prétendre qualifier la gravité d’une pathologie, éviteraient la mise en œuvre de cette utopie de l’enfant parfait ».

Le Professeur Didier SICARD, président d’honneur du CCNE26 s’inquiétait du « caractère systématique des dépistages, devant un système de pensée unique, devant le fait que tout ceci soit désormais considéré comme un acquis. Cette évolution et cette radicalité me posent problème. Comment défendre un droit à l'inexistence ? J'ajoute que le dépistage réduit la personne à une caractéristique. C'est ainsi que certains souhaitent que l'on dépiste systématiquement la maladie de Marfan dont souffraient notamment le président Lincoln et Mendelssohn ».

« Aujourd'hui, Mozart, parce qu'il souffrait probablement de la maladie de Gilles de la Tourette, Einstein et son cerveau hypertrophié à gauche, Petrucciani par sa maladie osseuse, seraient considérés comme des déviants indignes de vivre. On ne peut pas ne pas s'inquiéter du refus contemporain grandissant de l'anomalie identifiable par un dépistage. Nous donnons sans arrêt, avec une extraordinaire naïveté, une caution scientifique à ce qui au fond nous dérange. Et nous ne sommes pas très loin des impasses dans lesquelles on a commencé à s'engager à la fin du XIXe siècle pour faire dire à la science qui pouvait vivre et qui ne devait pas vivre. Or l'histoire a amplement montré où pouvaient conduire les entreprises d'exclusion des groupes humains de la cité sur des critères culturels, biologiques, ethniques ».

Dans ses leçons d’expérience, le conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine estime que les conditions posées par la loi concernent, dans le cas du DPN, la forte probabilité pour un foetus d’être atteint d’une maladie d’une particulière gravité. Dans le cas du DPI, il s’agit de la probabilité de transmission héréditaire de cancers. Il se demande lui aussi comment se prémunir de toute dérive eugénique. Il rappelle que « la légalité d’une pratique n’est pas toujours une garantie de sa conformité à la morale et ne peut se substituer à une interrogation en conscience, menée au cas par cas ».

Pour le Professeur Dominique STOPPA-LYONNET27, chef de service à l’institut Curie, il n’est pas nécessaire de modifier les dispositions législatives actuelles, position qu’elle a explicitée lors de son audition. Cependant, les conclusions du rapport qu’elle a remis à l’ABM insistent sur la nécessité « de guider les CPDPN dans leur décision en leur donnant des orientations pour attester de la gravité et de l’incurabilité des différents cas de formes héréditaires de cancers qu’ils auront à examiner. L’histoire médicale individuelle et familiale du couple demandeur devra également être prise en compte. Les formes héréditaires de cancers de l’enfant ou de l’adulte jeune dont les possibilités de prise en charge sont limitées ou invalidantes, font déjà l’objet d’attestation de gravité ».

Les formes héréditaires de cancers à révélation tardive ne pourront pas faire, le plus souvent, l’objet d’une attestation conduisant à un DPN (et une éventuelle IMG) ou un DPI, mais cependant de rares situations familiales où les tumeurs sont particulièrement évolutives et les décès nombreux et précoces pourront faire l’objet d’une attestation de gravité. Ce débat réapparaîtra inexorablement, même si les rapporteurs estiment que les décisions relèvent de décisions au cas par cas.

Recommandation

Il conviendrait de

- proposer qu’une liste de maladies d’une particulière gravité soit dressée de manière indicative,

- guider les CPDN dans leurs décisions.

C - LES RISQUES DE DISCRIMINATION

La connaissance des caractéristiques génétiques d’une personne risque d’engendrer des discriminations de diverses sortes. On associe telle caractéristique à telle donnée génétique ; cette connaissance est utilisée pour prédire la survenance possible ou probable de telle maladie. À l’inverse, on peut se prévaloir de qualités génétiques supposées pour obtenir un avantage : emploi, assurance etc…

Au niveau économique et social, le développement des tests rejoint la volonté de s’approprier le maximum d’informations disponibles sur un individu, besoin toujours renforcé par les progrès techniques fulgurants accomplis dans les domaines de l’informatique et de la communication.

S’agissant des tests prédictifs, si, en France, il est interdit aux assureurs d’utiliser les résultats de tels tests quelle que soit la manière dont ils sont susceptibles de se les procurer, ce n’est pas le cas dans certains pays voisins comme le Royaume-Uni. Les Compagnies d’assurances britanniques pourraient obtenir l’accès à des informations issues de tests génétiques en 2011. Pour l’instant, un moratoire existe. Certaines banques britanniques les exigent pour des prêts supérieurs à 200 000 €. Il en va de même en Suisse lorsque le prêt dépasse 250 000 €.

Plusieurs réponses sont possibles. En France, les informations génétiques sont considérées comme échappant par nature au domaine des informations auxquelles l’assureur peut avoir accès. Cette solution très protectrice conduit cependant à opérer une distinction incertaine entre les maladies génétiques et les autres maladies, et se heurtera de plus en plus à un environnement juridique international favorable à la communication à l’assureur d’informations relatives à la santé. Il convient d’éviter que les compagnies d’assurance s’emparent de ces informations, les exigent pour assurer les personnes.

En matière d’emploi, l’interdiction de recourir à des tests génétiques, qu’ils soient demandés ou qu’ils soient spontanément fournis par les intéressés, est fondée sur l’interdiction des discriminations opérées à partir des caractéristiques génétiques.

D - LA NÉCESSITÉ DE PROTÉGER LES DONNÉES CONCERNANT LES CARACTÉRISTIQUES GÉNÉTIQUES

Plusieurs lois ont soumis l’hébergement et le traitement de données de santé à caractère personnel ainsi que leur accès et leur publication ou diffusion à différentes conditions pour préserver le secret des informations recueillies et éviter l’identification de la personne.

La loi n° 2002- 303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé dispose que les entreprises et organismes proposant une garantie des risques d’invalidité ou de décès ne devaient pas tenir compte des résultats de l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne demandant à bénéficier de cette garantie, même si ceux-ci leur étaient transmis par la personne concernée ou avec son accord. Elle leur interdit de poser des questions relatives aux tests génétiques et à leurs résultats, et de demander à une personne de se soumettre à des tests génétiques avant que ne soit conclu le contrat et pendant toute la durée de celui-ci.

La loi n° 2004-810 du 13 août 2004 sur l’assurance maladie ayant instauré un dossier médical personnel, créé auprès d’un hébergeur de données, comporte différentes dispositions réservant l’accès à ce dossier aux professionnels de santé que le patient a autorisés. De même, l’accès à la carte individuelle électronique de santé, attribuée aux bénéficiaires de l’assurance maladie, fait l’objet de dispositions spécifiques.

Des personnalités auditionnées par les rapporteurs se sont inquiétées des risques d’atteintes à l’intimité de la vie privée que pouvait constituer la circulation de ces données.28

Dans son avis n° 104 du 29 mai 2008, « le dossier médical personnel et l'informatisation des données de santé », le CCNE relevait que « l’informatisation croissante des données médicales de santé s’inscrit dans un contexte culturel de méfiance. … L’histoire des systèmes de communication informatique atteste qu’en dépit des précautions prises par les concepteurs de programmes, des possibilités de subtilisation de données confidentielles existent. L’outil informatique a la redoutable puissance de démultiplier les possibilités de transmission des informations.

« La crainte persiste que des données personnelles de santé puissent « voyager », via l’Internet, qu’elles puissent être récupérées, par exemple, par des assureurs ou des employeurs potentiels. (…) L’outillage informatique n’est pas toujours fiable dans son maniement. Il est source d’épisodes anxiogènes (panne ou vol de l’ordinateur, erreurs « fatales » au moment de l’enregistrement des données, pertes ou altération de fichiers, virus, complexité des procédures d’utilisation et du jargon informatique...). La sécurité informatique n’est-elle pas elle-même génératrice d’anxiété aussi bien pour le professionnel que pour le patient (« oubli » d’un code, changement de clé, lieu équipé, temps nécessaire…) ? ».

« Un autre motif de méfiance, ajoute le CCNE, vient de ce que l’accès au dossier médical informatique pourrait jouer comme un piège pour la personne dans ses relations avec une compagnie d’assurance ou une banque. Ces risques imposent aussi une réflexion approfondie des autorités compétentes sur les informations qui ne devraient pas figurer dans un DMP, ou qui ne pourraient y figurer qu’avec des précautions et des garanties spécifiques (données concernant les ascendants et les collatéraux, caractéristiques génétiques, troubles mentaux, comportements, etc.). La durée de présence de certaines informations dans le dossier pourrait être limitée (exemple : troubles transitoires du comportement, notamment dans l’enfance et l’adolescence). Cette réflexion devrait solliciter tous les acteurs concernés, et particulièrement la CNIL ».

En 2004, un groupe de travail de la Commission européenne avait édicté 25 recommandations sur les implications éthiques, juridiques et sociales des tests génétiques. Il plaidait notamment pour une définition normalisée universelle des tests génétiques, un dialogue avec le public, une qualité des conseils en matière de génétique, une protection des données assurant la confidentialité de la vie privée et l’autonomie, une protection contre les discriminations. Ces recommandations sont toujours d’actualité.

Le Professeur Jean-François MATTEI29, président de la Croix Rouge française, s’est également inquiété de cette situation. Les rapporteurs partagent cette inquiétude : les risques d’erreur ou de transfert d’informations à l’insu de la personne ne sont pas négligeables. Ils estiment nécessaire d’accroître la protection des données personnelles et les garanties des individus face aux compagnies d’assurances et aux employeurs, en introduisant une modification dans l’article 16-10 du code civil qui prévoit que l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique.

Recommandation

Il conviendrait d’introduire dans l’article 16-10 précité :

- une disposition stipulant que « seule la personne concernée peut entreprendre cette démarche » (on vise l’examen de ses caractéristiques génétiques),

- une autre disposition stipulant que « nul ne peut se prévaloir de l’analyse de son génome pour en tirer avantage », pour éviter les discriminations à l’embauche, à l’obtention de prêt, à l’assurance etc… 

II - L’INTÉRÊT SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE CROISSANT DE L’APRÈS GÉNOME ET LES TENSIONS ÉTHIQUES

Le génome humain - soit une séquence d’environ 3 milliards de paires de bases qui constituent l’information nécessaire pour « fabriquer » un être humain - a été publié en février 2001 après des années d’efforts menés par des organismes de recherche, tant publics que privés. Plus de 99 % du génome est commun à tous les humains. La fraction restante, bien qu'infime, est essentielle, parce que les variations dans la séquence des acides nucléiques qu'elle comporte influent sur la susceptibilité aux maladies, leur expression clinique, leur évolutivité et également la réponse aux médicaments, lorsque ces variations sont localisées dans des zones critiques.

A - LE DÉVELOPPEMENT DU GÉNOTYPAGE

Il consiste à caractériser dans l'ADN les variations génétiques entre des individus, et permet d'étudier la transmission de ces variantes entre parents et enfants, puis d'établir une corrélation entre ces informations et les caractères héréditaires (relations phénotype-génotype). Le génotypage a largement contribué aux récents succès de la génétique. Le génotypage exige des plateaux techniques multidisciplinaires qui vont des banques d'ADN jusqu'à un plateau technique à haut débit pour le génotypage avec des marqueurs de type microsatellites, de la bioinformatique pour analyser les résultats. Ces moyens sont disponibles au Centre national de génotypage (CNG), qui contribue non seulement au développement de marqueurs, mais aussi au développement et à l'introduction de technologies émergentes de génotypage, telles que l'électrophorèse capillaire ou les « puces à ADN ».

B - LA RÉVOLUTION GÉNOMIQUE : MYTHE OU RÉALITÉ ?

La génomique vise à étudier l'ensemble des gènes portés par de la matière vivante, et le programme permettant de définir, créer, faire vivre et reproduire une plante, un animal, un humain. Le séquençage du génome humain constitue la première étape d’une quête plus vaste, celle de la détermination de la fonction des protéines dont la composition est codée par l’ADN. Depuis quelques années, des progrès importants ont été effectués dans le séquençage de l'ADN et surtout dans sa synthèse.

1 - L’utilisation de la robotique et de l’informatique

Grâce à la robotique et à l’informatique, la productivité dans le séquençage mesurée en paire de bases séquencée par un professionnel et par jour s'est accrue de 20.000 fois en 15 ans avec une baisse du coût de l'opération dans des proportions comparables. La productivité a augmenté d'un facteur 7.000 sur les 15 dernières années.

La mission a pu le constater à la Génopole d’Evry30 avec une présentation de M. Marc PESCHANSKI, directeur d’I-STEM, Institut des cellules souches pour le traitement et l'étude des maladies monogéniques (I-Stem).

Ce laboratoire explore les potentiels thérapeutiques des cellules souches embryonnaires et adultes, dans les maladies rares d’origine génétique. Afin d’étudier à grande échelle l’efficacité de molécules sur des lignées de cellules modèles de maladies génétiques, il possède notamment un robot de criblage à haut débit capable de gérer en même temps et sans intervention humaine la culture de cellules disposées dans 40 000 puits. La mission a pu visiter ce laboratoire en présence de M Philippe BUSQUIN, président du STOA.

I-Stem a obtenu, début 2005, la toute première autorisation à travailler sur les cellules souches embryonnaires en France, à partir de lignées de cellules importées de l’étranger. En juin 2006, il a reçu l’autorisation de l’Agence de la biomédecine pour construire une banque de lignées de cellules mutées pouvant servir de modèles pour l’étude des maladies monogéniques. L’équipe de Michel PUCEAT, au sein d’I-Stem, a démontré la capacité des cellules souches embryonnaires à se différencier en cellules cardiaques au sein des cœurs défaillants de rats (Publication dans Stem Cells en juin 2007). Le laboratoire « Structure et Activité des Biomolécules Normales et Pathologiques » a pour objectif principal de comprendre la structure atomique et le fonctionnement de molécules du squelette de la cellule.

La mission a également visité la Génopole de Toulouse31 avec une présentation de M. Claude CHEVALET, Directeur de recherche à l’INRA. La plateforme Génomique de la Génopole de Toulouse est un dispositif régional qui met à la disposition des équipes de recherche publique et privée du matériel de pointe et une communauté de compétences dans le domaine du génotypage et du séquençage. Les espèces étudiées sont très diverses, allant des animaux d'élevage ou sauvages aux mammifères modèles, des plantes cultivées, aux arbres et aux microorganismes, en passant par l'homme.

Les programmes de recherche en génomique nécessitent de disposer d’un matériel de plus en plus performant, produisant des données à haut débit. Les équipes de recherche travaillant sur différents organismes se sont regroupées pour disposer ensemble d'un outil régional de premier ordre. La plateforme Génomique de la Génopole Toulouse Midi-Pyrénées est l'une des plateformes technologiques, mise en place dès la création de la Génopole en 2000. Les travaux réalisés sur la plateforme Génomique concourent à une meilleure connaissance de l'organisation, du fonctionnement et de la régulation des génomes, ainsi que de la diversité naturelle existant entre individus. Son cœur de métier consiste à mettre à disposition des laboratoires publics et privés des instruments à moyen/haut débit dans le domaine du génotypage et du séquençage, ainsi que de l'étude de l'expression des gènes.

Les retombées pratiques de ces programmes sont par exemple l'identification de mutations affectant les maladies génétiques humaines, les caractères de production ou de qualité des produits animaux ou végétaux. Parmi les espèces étudiées par les équipes travaillant sur la plateforme, on peut citer l'homme, des mammifères modèles comme la souris ou le rat, des animaux de rente comme le porc ou la poule, des animaux sauvages comme une espèce de lémuriens, des plantes cultivées comme la luzerne ou le tournesol, des arbres ou des microorganismes. Les techniques utilisées étant similaires quelle que soit l'espèce étudiée, la plateforme est un lieu de rencontre, de formation et d'échanges qui permet la mise en commun de l'expérience des uns et des autres. Dans le cadre de la Génopole, la plateforme Génomique est donc une plateforme régionale mettant à disposition des équipes privées et publiques du matériel de pointe et une communauté de compétences.

Avec ces grands instruments, il est plus rentable de procéder au séquençage à grande échelle. Il serait intéressant d’utiliser les données ainsi recueillies pour accroître la connaissance de la génétique des populations dans un but de santé publique. Toutefois la question de la conservation de ces données demeure un problème, de même que les conditions de délivrance de l’information génétique à des personnes qui ne l’on pas sollicitée.

L'intégralité de la séquence génomique de plus d'une cinquantaine de génomes microbiens est désormais publiée. Les génomes d'environ cent soixante autres organismes sont en cours de séquençage, et les projets foisonnent. Ces dernières années, le nombre de séquences obtenues a doublé d'une année sur l'autre.

2 - Une démarche globale

L'analyse fonctionnelle des gènes n'est pas nouvelle. La nouveauté réside dans le caractère global des démarches : alors que la génétique classique s'intéresse tout au plus à quelques séquences à la fois, la génomique fonctionnelle opère en parallèle sur plusieurs centaines ou milliers de séquences d'ADN et de protéines fournies par le séquençage. De puissants outils informatiques et des méthodes biologiques automatisées, en constante évolution, permettent une analyse de plus en plus rapide des données. Étudier la fonction des gènes et leurs interactions requiert une analyse de leur expression. Quand interviennent-ils ? Dans quelles conditions ? Des outils comme les puces à ADN, spécifiques d'un génome et élaborées une fois sa séquence connue, permettent de cataloguer l'ensemble des gènes exprimés par une cellule à un moment donné.

Ces dernières années, le nombre de séquences obtenues a doublé d'une année sur l'autre. L'objectif ne se limite pas à fournir la séquence brute d'un génome. Un important travail de recherche informatique est effectué pour prédire la position des gènes dans la séquence et les caractériser.

L’après génome exigera des investissements considérables en infrastructures et en formation, et soulèvera des problèmes éthiques, juridiques et politiques très délicats à résoudre. Des génomes entiers sont désormais à la disposition de la communauté scientifique, et certains ont fait l'hypothèse que l'on devait pouvoir en déduire la structure de centaines de milliers de protéines.

C - LA THÉRAPIE GÉNIQUE ENTRE DÉCEPTION ET ESPÉRANCE

La thérapie génique est fondée sur l'idée de transférer dans les cellules somatiques d'un organisme un morceau d'ADN comportant une séquence, dont l'expression est capable de pallier la déficience qui provoque la maladie. Il s’agit de compenser le dysfonctionnement d'un allèle mutant par l'ajout d'un allèle normal fonctionnel. On peut aussi utiliser cette technique pour faire fabriquer un antigène et produire un vaccin préventif ou thérapeutique. Les cibles les plus faciles sont donc les maladies héréditaires monogéniques, telles que l'hémophilie, la myopathie de Duchenne ou la mucoviscidose.

Bien que cette technologie en soit encore à ses débuts, elle a déjà été utilisée avec un certain succès. Plusieurs exemples réussis sur des modèles animaux sont encourageants, comme le développement de lymphocytes qui « leurrent » le virus du sida chez la souris. Le risque majeur est d'induire une prolifération anormale des cellules et donc une tumeur.

C'est ce qui a été observé lors du premier essai, réalisé par le Professeur Alain FISCHER à l'hôpital Necker de Paris, chez dix « bébés-bulles » souffrant d'une grave immunodéficience. Dans un premier temps, l'essai s'est révélé être une réussite totale et 9 bébés ont pu sortir de leurs bulles et vivre normalement, ce qui a démontré la validité du concept. Cependant, deux des enfants ont développé une leucémie, ce qui a entraîné l'arrêt de l'essai32. Malgré le décès de l'un des enfants, l'essai a repris en 2004 avec un protocole modifié, l'efficacité ayant été confirmée. La cause de l'effet indésirable a pu être identifiée. Par la diminution de la quantité de cellules souches manipulées et la caractérisation du site d'insertion du vecteur avant ré-injection, la sécurité des malades devrait être grandement améliorée.

En 2005, un nouvel essai clinique a été réalisé aux États-Unis sur des malades atteints d'une maladie de Parkinson sévère. Un an après, la tolérance paraît correcte et une petite amélioration des symptômes est observée. La thérapie génique a suscité beaucoup d'espoir dès les années quatre-vingt. Après une longue période de déception, qui n'a pas empêché les chercheurs de progresser, cette approche de « l'ADN médicament » redevient prometteuse. De nombreuses pistes nouvelles s'ouvrent, comme des vaccins à base d'ADN, la thérapie de cancers par l'utilisation d'un gène suicide ou encore celle des petits ARN interférents, susceptibles d'empêcher l'expression d'un gène précis.

D - L’ESSOR DE LA PHARMACOGÉNÉTIQUE

Les médecins et pharmaciens ont depuis longtemps constaté qu’un médicament efficace pour un patient ne l’est pas nécessairement pour un autre. Dans certains cas, un médicament peut même entraîner une forte toxicité, voire provoquer un décès. La pharmacogénétique est l’étude des facteurs génétiques ayant une influence sur la réponse de l’organisme aux médicaments.

1 - Des constats encourageants

Selon les cas, les résultats des tests génétiques permettent d’adapter les traitements à la maladie identifiée, pour prendre des mesures préventives limitant les symptômes ou prévenant l’apparition de la maladie, à travers notamment une surveillance régulière.

La variation de la réponse aux médicaments chez l’individu provient de causes multiples, et notamment génétiques. Une variation génétique, selon les individus, peut influencer le devenir du médicament dans l’organisme, et donc le choix du traitement en fonction de la cible visée par ce médicament. On évite ainsi de donner à un patient un médicament qui pourrait s’avérer inefficace, voire toxique pour lui. Depuis longtemps déjà, sans l’appui de tests génétiques, les médecins adaptent certains traitements en tenant compte de signes biologiques ou cliniques présentés par le patient, révélateurs d’une sensibilité génétique aux médicaments.

2 - Les perspectives thérapeutiques

On étudie les polymorphismes génétiques pour plusieurs médicaments existants, et notamment ceux qui ont une fenêtre thérapeutique étroite, dont la dose engendrant une efficacité est proche de celle engendrant une toxicité tels certains anticancéreux. La pharmacogénétique n’est cependant pas encore une pratique de routine.

Quelques domaines semblent prometteurs, comme la thérapeutique de certains cancers au regard du choix du médicament, la génétique permettant désormais d’identifier les caractéristiques génétiques des tumeurs. On peut imaginer, à l’avenir, d’adapter la thérapeutique cancéreuse à un patient en fonction des caractéristiques génétiques de sa tumeur.

3 - Quels enjeux éthiques pour la pharmacogénétique ?

Si la pharmacogénétique peut conduire à un bénéfice médical réel pour les patients, elle soulève de nombreuses questions éthiques ou politiques: équité d’accès au traitement pour les patients, identification d’une population de patients, degré de confidentialité car l’on touche à l’information génétique de l’individu et à l’exigence de contrôle dans la qualité des tests. La pharmacogénétique pourrait générer une sous-classe de malades orphelins, au profil génétique si rare qu’aucun industriel ne voudra investir dans la mise au point de médicaments leur étant destinés.

Le conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine33 a observé que les avancées de la pharmacogénétique accentuent le questionnement éthique de la délivrance de l’information génétique. Cette discipline en plein essor met en évidence des « anomalies » sur gènes de récepteurs, de transporteurs, d'enzymes ou d'autres protéines impliquées dans la réponse à de nombreux médicaments. Ces « particularités génétiques » peuvent avoir des conséquences médicales importantes en cas de traitement. Elles permettent de comprendre pourquoi  certaines personnes développent des effets indésirables majeurs, une toxicité ou une inefficacité thérapeutique à des médicaments d'usage courant et/ou d'intérêt thérapeutique majeur.

Les résultats de la pharmacogénétique pourront à l’avenir donner des informations sur les caractéristiques génétiques d’une personne. Dans ces conditions, le praticien peut considérer qu’une information de la parentèle est nécessaire. Considèrera-t-on que l’information doit se faire dans les mêmes conditions que celle sur « l’information médicale à caractère familial » ?

Lors des états généraux de la bioéthique, l’utilisation, l’accès aux tests génétiques et la conservation des données qui en sont issues devront être mis en débat. Il est illusoire de croire que l’on arrêtera l’essor des tests génétiques, qu’on en limitera l’accès par Internet. En revanche, l’information du public est une exigence absolue sur les possibilités réelles des tests, les risques d’erreur et le degré de validité.

Recommandation

Il conviendrait de

- renforcer l’information du public sur les modalités légales d’accès aux tests génétiques en France,

- informer sur les risques d’erreurs, voire de piratages des données lors de l’achat de tests par Internet,

- questionner les citoyens sur l’accès aux tests génétiques lors des états généraux.

DEUXIÈME PARTIE
LES PRÉLÈVEMENTS ET GREFFES D’ORGANES ET DE TISSUS

I - FAVORISER LE DON : LE BILAN DE LA LOI DE 2004

Les lois sur la « bioéthique » du 29 juillet 1994 et du 6 août 2004 ont déterminé le statut juridique du corps humain et celui de ses éléments. Dans ce cadre, elles définissent les limites à leur utilisation. Dans tout prélèvement d’organes surgit la crainte pour certains d’une vision utilitariste du corps s’opposant au principe moral qui considère l’individu comme une fin en soi. Ces lois ont tenté de réduire cette tension éthique, tout en accompagnant les progrès dans le traitement de maladies graves exigeant une greffe.

A - UNE LÉGISLATION ADAPTÉE S’INSCRIVANT DANS LA CONTINUITÉ

1 - Les dispositifs parcellaires antérieurs à la loi du 29 juillet 1994 sur le don et les éléments et produits du corps humain

La loi du 15 novembre 1887 toujours en vigueur, sur la liberté des funérailles, admet qu'une personne capable puisse régler par testament le sort de sa dépouille mortelle. Il est ainsi possible de faire don de son corps, après sa mort, à la faculté de médecine : l'utilisation du corps, et donc des organes, s'inscrit alors essentiellement dans une perspective de recherche et d'enseignement médical.

La loi Lafay du 7 juillet 1949 avait déjà autorisé les prélèvements anatomiques après décès, en vue de la greffe de la cornée, chaque fois que la personne décédée avait, par disposition volontaire, légué ses yeux à un établissement public ou à une œuvre privée, pratiquant ou facilitant la pratique de cette opération. Avec le développement des techniques médicales de greffe d’organes à partir des années cinquante, ce cadre juridique s'est révélé insuffisant car il ne permettait ni de favoriser le développement des transplantations d'organes, ni de satisfaire la demande d'organes.

La loi Caillavet du 22 décembre 1976, première grande loi en matière de don d’organes, a constitué un cadre juridique permettant les prélèvements les plus divers, non seulement d'organes, mais aussi de tissus. Le législateur a choisi d’adapter le nombre d’organes disponibles aux besoins grandissants, en consacrant une présomption de consentement aux prélèvements après décès.

Le vote des deux lois du 29 juillet 1994 relatives, l'une « au respect du corps humain », l'autre « au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal » a eu entre autres pour objet de poser les principes généraux fondant le statut juridique du corps humain et régissant le don et l'utilisation de ses éléments et produits. Les lois de 1994 ont été complétées par d'autres dispositions, résultant de la loi de 1998 relatives au renforcement de la veille sanitaire et au contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.

2 - La loi de 2004 réaffirme les principes : consentement gratuité, indisponibilité du corps humain, anonymat

La loi de 2004 réaffirme le principe de l'inviolabilité et la non patrimonialité du corps humain, et y adjoint l'interdiction de la publicité, la sécurité sanitaire et la biovigilance. La loi distingue les organes (le cœur, les poumons, les reins, le foie, le pancréas) et les tissus (la peau, les os, la cornée, les valves cardiaques, la moelle osseuse, etc.)

a) Le consentement et la finalité thérapeutique, centre du dispositif

Le consentement de l'intéressé ne suffit pas à valider une intervention sur son corps. Selon la loi de 1994, une telle intervention n'est licite que si elle répond à une finalité thérapeutique. La loi de 2004 n'a pas modifié cette règle, mais en a délimité le domaine en distinguant selon que l'atteinte à l'intégrité du corps est portée dans l'intérêt de la personne ou dans l'intérêt d'autrui. L’article 16-3 du code civil stipule désormais : « il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui ».

L’article L.1211-2 du code de la santé publique dispose : «Le prélèvement d'éléments du corps humain et la collecte de ses produits ne peuvent être pratiqués sans le consentement préalable du donneur. Ce consentement est révocable à tout moment ».

Le consentement du receveur est indispensable après que le receveur ait été informé de l’origine de l’organe proposé. Un texte spécifique a été élaboré par les services de l’Agence de la biomédecine, et un dispositif d’évaluation est en cours.

Ceci d’autant plus que la part des donneurs d'organes âgés de plus de 50 ans qui était autrefois marginale est en augmentation rapide depuis 1996. Actuellement, l'âge moyen des donneurs prélevés est de 49,7 ans et la part des donneurs de plus de 65 ans est passée de 6,6 % en 2000 à 22,6 % en 2006. Le taux des 50-64 ans se stabilise (33 %) alors que celui des 16-49 ans reste à 43 % (il était de 62,5 % en 2000). Cette tendance est particulièrement sensible pour le foie et les reins34.

b) La gratuité et le principe de non marchandisation

L’article 16-1 énonce que « le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial». La loi a clairement interdit la commercialisation du corps. La gratuité des dons à partir du corps humain est la conséquence du principe de non patrimonialité du corps humain, de ses éléments et produits. L'interdiction de toute rémunération du donneur n'exclut toutefois pas un remboursement des frais qu'il a pu engager.

La loi de 2004 n'a pas modifié le système mis en place en 1994, et s'est bornée à préciser, dans le code de la santé publique, que « les frais afférents au prélèvement ou à la collecte sont intégralement pris en charge par l'établissement de santé chargé d'effectuer le prélèvement ou la collecte ». Ces dispositions sont évidemment applicables au don d'organes.

c) L’anonymat du don par personne décédée

Les règles édictées par la loi de 1994 n’ont pas été modifiées. L’article  16-8 du code civil et les dispositions du code de la santé publique consacrent la règle de l'anonymat en lui donnant une portée générale ; elle s'applique à tous les dons sauf à ceux entre personnes vivantes. Principe d’ordre public, l'anonymat est imposé, non seulement entre le donneur et le receveur, mais aussi à l'égard des tiers détenteurs d'informations relatives au donneur et au receveur.

Toutefois, la loi prévoit deux dérogations : « en cas de nécessité thérapeutique », le code civil précisant que « seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès aux informations permettant l'identification de ceux-ci» et « en cas de don entre vivants ». L'anonymat du don ne concerne donc que le prélèvement d'organes sur une personne décédée.

d) L’interdiction de la publicité

Pour prévenir toute dérive pouvant remettre en cause, les principes de non patrimonialité et d'anonymat du don, cette interdiction s'applique au don d'organes. La publicité ne doit pas donner lieu à la mise en œuvre de moyens destinés à vanter les pratiques de prélèvement ou de transplantation, ni à faire connaître tel ou tel établissement autorisé à les mettre en œuvre.

Cependant, le code de la santé publique, complété par la loi de 2004, précise que l'interdiction de la publicité « ne fait pas obstacle à l'information du public en faveur du don d'éléments et produits du corps humain. Cette information est réalisée sous la responsabilité du ministre chargé de la santé, en collaboration avec le ministre chargé de l'éducation nationale ». Elle est mise en oeuvre par l’Agence de la biomédecine qui organise régulièrement des campagnes d’information et des journées d’action et participe à la journée mondiale du don d’organes.

3 - La loi de 2004 renforce la sécurité sanitaire et introduit le principe de la balance avantage/risque

a) Le risque de contamination

Le risque que le receveur soit contaminé par une maladie transmissible du donneur, a été pris en compte en 1994. Le législateur de 2004 a eu le même souci, tout en renouvelant sur certains points l'approche de la sécurité sanitaire.

La loi de 2004 prévoit que le prélèvement d'éléments et la collecte de produits du corps humain à des fins thérapeutiques, sont soumis aux règles de sécurité sanitaire en vigueur, concernant notamment les tests de dépistage des maladies transmissibles. La loi vise ainsi à étendre la recherche de la sécurité sanitaire à toutes les étapes de la greffe, du prélèvement à l'utilisation, y compris les étapes intermédiaires de préparation.

Cependant, elle consacre un système de balance entre avantages et risques. L’article L. 1211-6 du code de la santé publique dispose que « les éléments et produits du corps humain ne peuvent être utilisés à des fins thérapeutiques si le risque mesurable en l'état des connaissances scientifiques et médicales couru par le receveur est supérieur à l'avantage escompté par celui-ci ». A contrario, ces éléments et produits peuvent être utilisés à des fins thérapeutiques si le risque encouru est inférieur à l'avantage escompté. C'est donc au cas par cas, et selon l'état des connaissances scientifiques et médicales au moment de l'utilisation du greffon ou du produit, qu'il convient d'évaluer l'acceptabilité du risque pour le receveur, au regard du bénéfice escompté.

b) La biovigilance

La réglementation impose des examens avant tout prélèvement, que celui-ci soit envisagé sur une personne vivante ou sur une personne décédée pour vérifier s'il existe ou non des contre-indications à l'utilisation thérapeutique des organes ou tissus à prélever, notamment au regard des risques de transmission de maladies. L'appréciation de l'opportunité du prélèvement après réalisation des examens de sélection clinique relève de la responsabilité du médecin préleveur.

Lorsque le résultat d'une des analyses de biologie médicale a fait apparaître un risque de transmission d'infection, la greffe d'organe n’est pas possible, sauf en cas d’urgence vitale (pour le cœur, le foie ou le poumon). Selon la loi de 2004, la biovigilance porte sur les éléments et produits du corps humain, mais aussi sur les produits dérivés autres, tels que les médicaments, les dispositifs médicaux, et les produits thérapeutiques annexes. Toutefois, la pénurie de greffons a conduit à un allégement des critères de « prélevabilité ». Les défunts porteurs de virus de l’hépatite B et C ne sont plus exclus du don quand le rapport bénéfice risque se révèle positif pour le receveur. En 2006 près de 200 donneurs ont bénéficié de ce statut dérogatoire.

Recommandation

Il conviendrait qu’un dispositif précis d’information des patients receveurs, quant à la qualité des organes qu’ils reçoivent, quel que soit le type de prélèvement, soit expressément prévu, et que l’on n’agisse pas en urgence.

B - LES RÈGLES RELATIVES AUX PRÉLÈVEMENTS D’ORGANES SUR DONNEUR DÉCÉDÉ

Le législateur de 1976 voulait favoriser le développement de la transplantation d'organes grâce à un accroissement de la disponibilité des greffons. La même volonté se retrouve chez le législateur, tant en 1994, qu'en 2004. Dans le but d'accroître le nombre de greffons utilisables, la loi Caillavet avait consacré une présomption de consentement faisant de tout individu un donneur potentiel d'organes après sa mort. La portée pratique de la règle du consentement présumé est considérable. Aujourd’hui, en France, près de 95 % des prélèvements en vue de la transplantation sont effectués sur des personnes décédées.

La loi de 2004 a institué un devoir collectif de reconnaissance envers les donneurs mis à contribution pour le bien d'autrui. Dans les établissements de santé autorisés à prélever des organes en vue de dons à des fins thérapeutiques, « il est créé un lieu de mémoire destiné à l'expression de la reconnaissance aux donneurs d'éléments de leur corps en vue de greffe ». D’après Mme Marie-Claire PAULET, présidente de France ADOT35 (Fédération des associations pour le don d’organes et de tissus humains)36, et M. Jean-Pierre SCOTTI, Président de la Fondation greffe de vie37, ces lieux sont méconnus, on n’honore pas suffisamment les donneurs, les relais médiatiques sont insuffisants.

1 -Le constat de mort

a) Le cadre légal

Le constat de la mort résulte d'une déclaration de décès dont la réalité est garantie par le respect d'un délai d'inhumation. Le décret du 2 août 2005 autorise le prélèvement à coeur arrêté, fixe les conditions de prélèvement des organes, des tissus et des cellules. Il établit la liste des organes et tissus prélevables chez ces donneurs.

Les différentes situations théoriques ont été regroupées dans une classification internationale, dite classification de Maastricht en 1995 :

- Catégorie I : personnes victimes d’un arrêt cardiaque en dehors de tout contexte de prise en charge médicale. Le prélèvement d'organes ne peut être envisagé que si des gestes de réanimation ont pu être effectués moins de 30 minutes après la survenue de l'arrêt cardiaque.

- Catégorie II : personnes victimes d’un arrêt cardiaque en présence de secours qualifiés, aptes à réaliser une réanimation cardiorespiratoire efficace, mais qui ne permettra pas de récupération hémodynamique.

- Catégorie III : personnes victimes d’un arrêt cardiaque après qu’une décision d’arrêt des thérapeutiques actives en réanimation ait été prise en raison d’un pronostic particulièrement défavorable.

- Catégorie IV : personnes décédées en état de mort encéphalique et qui sont victimes d’un arrêt cardiaque irréversible au cours de leur prise en charge en réanimation. Cette dernière catégorie ne présente pas de différence significative par rapport à la prise en charge habituelle des patients en mort encéphalique et chez qui le prélèvement a été accepté.

Les personnes décédées après une phase de retrait des thérapeutiques actives en réanimation (catégorie III) sont spécifiquement exclues du don, ce qui représente un garant éthique majeur vis-à-vis à la fois du public, mais aussi de l’ensemble des personnels soignants concernés pour éviter toute ambiguïté entre thérapeutique et prélèvement.

Selon l’article R 1 232-1 du code de la santé publique modifié par le décret précité du 2 août 2005, « le constat de la mort, dans le cas de personnes présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant, doit reposer sur trois critères cliniques simultanément présents : l’absence totale de conscience et d'activité motrice spontanée, l’abolition de tous les réflexes du tronc cérébral, l’abolition de ventilation spontanée ». L’article R 1232-2 ajoute que « dans le cas de personnes décédées cliniquement, mais assistées par ventilation mécanique, assistance respiratoire artificielle, et conservant une circulation cardio-vasculaire, il est recouru pour attester du caractère irréversible de la destruction encéphalique, soit à deux électroencéphalogrammes nuls et aréactifs effectués à un intervalle minimal de quatre heures, réalisés avec amplification maximale sur une durée d'enregistrement de trente minutes et dont le résultat est immédiatement consigné par le médecin qui en fait l'interprétation, soit à une angiographie objectivant l'arrêt de la circulation encéphalique et dont le résultat est immédiatement consigné par le radiologue qui en fait l'interprétation ».

b) Les interrogations sur les critères de la mort à cœur arrêté

La mort cardiaque voit sa réalité bouleversée puisque les techniques de réanimation peuvent en repousser les limites. Le décret précité permet les prélèvements à cœur arrêté. L’article R. 1232-4-1 du code de santé publique, dispose que « les prélèvements d'organes sur une personne décédée ne peuvent être effectués que si celle-ci est assistée par ventilation mécanique et conserve une fonction hémodynamique.

« Toutefois, les prélèvements des organes figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, pris sur proposition de l'Agence de la biomédecine, peuvent être pratiqués sur une personne décédée présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant ».

L’article R. 1232-4-2 précise que « les prélèvements mentionnés au deuxième alinéa de l'article R. 1232-4-1 sont réalisés dans le respect de protocoles édictés par l'Agence de la biomédecine. Ces protocoles déterminent notamment les situations dans lesquelles ces prélèvements peuvent être effectués ainsi que les conditions de leur réalisation ».

L’arrêté du 2 août 2005 indique que  « les organes qui peuvent être prélevés sur une personne décédée présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant sont le rein et le foie ». L’Agence de la biomédecine a édicté un protocole de prélèvement sur donneur à cœur arrêté pour donner des chances supplémentaires à ceux qui ont besoin d’une greffe rénale. L’ABM a autorisé 10 centres pilotes à participer à cette expérience.

Selon le rapport adopté le 6 mars 2007 par l’Académie nationale de médecine sur les prélèvements d'organes sur donneur à coeur arrêté, ce protocole respecte toutes les dispositions légales et réglementaires. Il satisfait à tous les critères éthiques et déontologiques. L’Académie nationale de médecine explique que selon les publications internationales récentes, les résultats de la greffe rénale à partir de donneurs à cœur arrêté sont désormais comparables à ceux observés pour les greffes réalisées à partir de donneurs en mort encéphalique et à cœur battant. « Il apparaît donc à notre groupe de travail que le prélèvement de reins sur donneurs à cœur arrêté doit être encouragé pour le bien des si nombreux receveurs en attente ».

En Espagne, l'activité de prélèvement sur donneurs décédés après un arrêt cardiaque représente à Barcelone et Madrid respectivement 20 % et 63 % des prélèvements, avec des résultats équivalents aux prélèvements sur donneurs en état de mort encéphalique. Aux Pays-Bas, les prélèvements sur donneurs décédés après arrêt cardiaque représentent 30 % de la totalité des prélèvements rénaux. D'autres pays, comme le Royaume-Uni ou les États-Unis, le Japon pratiquent également ce type de prélèvement.

Pourtant, les critères de la « mort à coeur arrêté » retenus dans le protocole de prélèvement suscitent des interrogations. Les sociétés savantes réfléchissent à garantir l’étanchéité des deux voies : circulation extracorporelle pour l’intérêt du malade et technique d’assistance circulatoire pour un patient décédé, après arrêt cardiaque réfractaire, en vue d’un don d’organe. Mme Marie-Claire PAULET, présidente de l’association France ADOT, a souhaité que la problématique des critères de la mort soit évoquée lors des états généraux de la bioéthique. Le conseil d’orientation de l’Agence rappelle, dans ses leçons d’expérience que « même si les critères cliniques et para cliniques de définition de la mort sont bien établis et détaillés par le législateur, il n’en demeure pas moins qu’il n’existe pas une « mort cardiaque » et une « mort cérébrale », mais qu’une seule et unique mort, celle de la personne. Il est nécessaire de lever l’ambiguïté, et s’il existe plusieurs façons de mourir il n’y en a qu’une seule d’être mort : c’est la destruction irréversible de l’encéphale, qu’elle soit consécutive à un arrêt cardiaque ou à un œdème cérébral ».

Les rapporteurs n’ignorent pas la tension générée par l’attente d’un greffon qui sauvera la vie d’un patient, ce qui implique de pouvoir obtenir un greffon prélevé sur un donneur décédé, donc un décès.

Recommandation

Il conviendrait que le problème des critères de la mort soit réexaminé.

2 - La dispense de consentement explicite

La loi Caillavet de 1976 avait autorisé le prélèvement d'organes sur le cadavre d'une personne lorsque, de son vivant, elle n'avait pas fait connaître son refus d'un tel prélèvement. Les lois de bioéthique de 1994 et de 2004 ont procédé de la même façon. La règle posée est une présomption de consentement au prélèvement après le décès. La loi de 1994 a apporté à la réglementation qui résultait de la loi Caillavet des modifications ponctuelles significatives, sans toutefois la remettre en cause sur l'essentiel. Elle a néanmoins traduit à l'époque le souci du législateur de cantonner le domaine de la présomption de consentement.

La loi de 2004, maintient la dispense d'obtention du consentement explicite du « donneur », et la généralise, sauf exceptions, à tous les prélèvements après décès, quelles que soient leurs finalités : thérapeutiques ou scientifiques, afin de simplifier le système pour les praticiens en étendant le champ des « donneurs » potentiels. La législation prévoit toutefois deux hypothèses dans lesquelles la présomption de consentement peut être renversée, lorsque le défunt, de son vivant, a fait connaître son refus d'un prélèvement sur son corps après la mort, ou en cas de témoignage de ce refus par les proches. Dans la loi, le silence vaut consentement. Ce consentement présumé implique que tout le monde est donneur d’organes et le droit de refuser exprime le respect du libre arbitre.

Seule l’inscription au registre national des refus affirme cette prise de position sans ambiguïté. L’opposition orale prévue par la loi permet de faire des proches les témoins de cette opposition. Mais la pratique des entretiens avec les proches de donneurs potentiels montre que l’avis transmis n’est pas toujours celui du défunt. Il arrive parfois qu’il reflète la conviction du proche. Ainsi, selon Mme Claire PAULET, présidente de France ADOT38 et M. Jean-Pierre SCOTTI39, président de la fondation Greffes de vie, la volonté du défunt de son vivant peut ne pas être respectée.

a) « La preuve » du consentement implicite

La loi, basée sur le « consentement présumé» n’apporte aucune précision quant à la nature et la qualité de l’information qui devraient être décrites dans le dispositif légal : action de sensibilisation des jeunes en particulier, et des citoyens en général, journée d’appel à la défense, programmes scolaires, démarches administratives, etc. Selon la fondation Greffe de vie, il serait impératif de mieux faire connaître la loi. Celle-ci mène des actions en ce sens et distribue des « passeports de vie » qui n’ont aucune valeur juridique, mais qui sont destinés à attester que la personne connaît la loi. Si elle porte ce passeport, ces proches ne peuvent ignorer sa volonté tacitement exprimée d’être donneur.

Le Professeur Jean-François MATTEI, président de la Croix-Rouge française40 suggérait qu’une mention sur le don figure sur la carte vitale. Mais que signifierait l’absence de mention, un refus ou une méconnaissance de la loi ?

b) Le débat récurrent sur le caractère explicite du consentement

Le don d'organe volontaire est sans doute le plus bel acte de générosité qu'un être humain puisse offrir à son prochain. Mais ce geste déclenche de nombreuses réticences. Près du tiers des Français restent opposés au prélèvement post mortem et ce pourcentage reste constant. En 2006, 980 prélèvements n'ont pu être réalisés, compte tenu du refus des donneurs potentiels décédés ou de celui de leur entourage.

Pour ces opposants, cet acte salvateur pour les vivants est assimilé à une insupportable mutilation des corps de leur proche. « Cette décision pénible qui doit être prise dans l'urgence est rendue encore plus difficile par les techniques de ventilation et de circulation artificielles qui donnent « l'apparence de la vie » aux personnes décédées dans les hôpitaux » observe M. Alain PEREZ41.

Selon Mme Marie-Claire PAULET, présidente de France-ADOT42, remplacer le consentement présumé par un « consentement explicite » aurait le mérite d’être clair et résoudrait le problème difficile de la recherche, auprès de ses proches, de la position du défunt. Cependant ce choix pourrait potentiellement être lourd de conséquences, au détriment de l’accès à la greffe.

En effet, ce choix ne pourra n’être que facultatif et il est probable que seule une minorité se positionnera de manière effective, face à une question qui confronte à la mort observe M. Jean-Marie SCOTTI43, président de la Fondation Greffe de vie. Aussi, pour les proches, les personnes n’ayant pas effectué de choix seront plutôt considérées comme opposées au don. Un choix obligatoire, risquerait de générer une opposition réactionnelle de la population, entraînant des conséquences dramatiques pour les malades en attente de greffe et pour l’activité de transplantation en général.

Depuis la loi de 2004, la possibilité pour une personne d'inscrire son refus sur le registre national automatisé, et au-delà, les modalités du consentement au don d'organes à fins de greffe, font l'objet d'une information délivrée aux jeunes appelés à la journée de service national.

c) Le consentement écrit au prélèvement sur une personne décédée incapable

La loi de 2004 a maintenu le principe d'un consentement écrit au prélèvement sur une personne mineure ou majeure sous tutelle. Chacun des titulaires de l'autorité parentale doit donner son accord en cas de prélèvement sur une personne décédée qui était mineure.

3 - L’expression du refus

a) L’inscription au registre des refus

Parmi les moyens envisageables d'expression du refus du prélèvement, la loi vise expressément l’inscription sur un registre automatisé. La manifestation du refus est «révocable à tout moment». C'est le décret n° 97-704 du 30 mai 1997 relatif au registre national automatisé des refus de prélèvement sur une personne décédée, d'organes, de tissus et de cellules qui détermine actuellement les conditions de fonctionnement et de gestion du fichier national automatisé institué par la loi.

Toute personne majeure ou mineure âgée de 13 ans au moins peut s'inscrire sur le registre afin d'exprimer son refus d'un prélèvement sur son corps après son décès, soit à des fins thérapeutiques, soit pour rechercher les causes du décès, soit à d'autres fins scientifiques, soit dans plusieurs de ces cas.

Le règlement d'application prévoit que la demande d'inscription sur le registre doit être adressée par voie postale à l’Agence de la biomédecine. Cette demande doit être datée, signée et accompagnée de la photocopie de tout document susceptible de justifier de l'identité de son auteur (carte nationale d'identité en cours de validité, passeport, même périmé, permis de conduire, titre de séjour). Une attestation d'inscription sur le registre doit alors être adressée à l'auteur de la demande, à moins qu'il n'ait indiqué expressément qu'il ne souhaitait pas recevoir d'attestation.

Aucun prélèvement, quelle que soit la finalité de celui-ci, ne peut être opéré sur une personne âgée de plus de 13 ans, sans interrogation obligatoire et préalable du registre des refus. Le registre national des refus compte aujourd’hui environ 50.000 personnes inscrites, et ce chiffre ne varie plus depuis quelques années.

b) Le recueil auprès des proches du défunt de l'opposition exprimée par celui-ci de son vivant

L’article L. 1232-1du code de la santé publique énonce que « si le médecin n'a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s'efforcer de recueillir auprès des proches l'opposition au don d'organes éventuellement exprimée de son vivant par le défunt, par tout moyen...».

À la rédaction de la loi de 1994 qui visait le « témoignage de la famille sur la volonté du défunt », la loi de 2004 substitue les termes de « proches » car le défunt peut ne pas avoir de famille mais des amis, un concubin ou bien encore un partenaire de PACS. La nouvelle formule prévue par la loi a été voulue pour limiter les contournements par les proches de la règle du consentement présumé. D’après les associations consultées, elle semble efficace. La loi de 2004, comme celle de 1994, n'impose pas au médecin qui ne connaît pas la volonté du défunt de recueillir celle-ci auprès des proches, elle l'oblige néanmoins à une démarche en ce sens ; «il doit s'efforcer », ce qui prohibe l'abstention.

La loi prévoit que les proches du défunt doivent être informés de la « finalité des prélèvements envisagés » comme de leur « droit à connaître les prélèvements effectués ». Ceci traduit le souci du législateur de garantir aux proches du défunt une meilleure information quant aux prélèvements envisagés et effectués.

La loi ne confère donc aucune valeur légale à des cartes de donneur volontaire distribuées par certaines associations. Il appartient à tous ceux qui se sont prononcés favorablement au don d’organes, même s’ils possèdent une carte, de faire connaître cet avis à leurs proches, afin que ces derniers soient en mesure de témoigner de l’absence d’opposition au don d’organes exprimée de leur vivant.

La législation n’est semble-t-il pas à l’origine de la pénurie de greffons en France. Il existe plutôt un problème culturel. Les proches ont tendance à refuser les prélèvements et à interpréter une volonté non exprimée par un refus.

La demande de prélèvement intervient dans un contexte douloureux, le temps manque aux équipes pour expliciter leur geste, les prélèvements devant toujours être effectués rapidement. Parfois les lieux pour recevoir les proches font défaut, comme l’a rappelé le Professeur Jean-François MATTEI et l’a remarqué le conseil d’orientation de l’ABM.

Lors de leur mission en Espagne44, les rapporteurs ont interrogé leurs différents interlocuteurs sur les méthodes mises en œuvre dans ce pays pour atteindre l’autosuffisance. Des entretiens avec le Professeur Carlos ALONSO BEDATE, jésuite membre du Comité de bioéthique, Professeur à l’université autonome de Madrid, le Professeur Augustin ZAPATA GONZALEZ, université Complutens de Madrid, et le docteur Alberto Fidallo FRANCISCO, député, il ressort que la tradition du don d’organe est ancienne, très ancrée culturellement et remonte à la guerre civile ; c’est un usage, l’expression d’une solidarité. Les possibilités thérapeutiques qu’offre la greffe sont bien connues. Les refus sont plus rares et l’attitude des praticiens y est différente. Le don d’organe a été en quelque sorte décrit comme une norme sociale qui pourtant ne paraît pas relever d’une conception utilitariste du corps.

Les rapporteurs approuvent l’initiative de l’Agence de la biomédecine de s’inspirer de l’exemple espagnol, pays dont la législation est comparable à celle de la France.

Recommandation

La révision de la disposition sur le caractère implicite du consentement n’est pas opportune, en revanche, il conviendrait de

- mieux faire connaître la loi, au moment de l’accomplissement de démarches administratives, telles que le renouvellement de documents d’identité ou de la carte vitale. C’est une solution raisonnable afin que la loi soit mieux connue et que les proches aient la certitude que le défunt n’était pas opposé à une loi connue de lui,

- s’inspirer de l’information effectuée lors de la journée du service national,

- accroître la médiatisation de la journée du don d’organe et plus généralement d’organiser des campagnes de sensibilisation plus médiatisées à la greffe,

- aménager des lieux pour dialoguer avec les familles lorsqu’un prélèvement est envisagé.

C - GARDER AU PRÉLÈVEMENT D’ORGANES SUR UNE PERSONNE VIVANTE UN CARACTÈRE EXCEPTIONNEL

La loi Caillavet du 22 décembre 1976 avait autorisé le prélèvement d'organe sur un donneur majeur « en vue d'une greffe ayant un but thérapeutique sur un être humain », ce qui excluait tout prélèvement à des fins scientifiques. Mais la qualité du receveur n'était pas déterminée. La loi de 1994 a restreint les possibilités de prélèvement d'organes sur une personne vivante, tout en maintenant comme finalité le don dans l'« intérêt thérapeutique » d'un receveur et en distinguant entre les prélèvements envisagés sur une personne majeure et capable et ceux envisagés sur une personne incapable majeure ou mineure. La loi de 2004 ne modifie pas fondamentalement ce schéma. Elle élargit néanmoins le champ des donneurs.

L'ablation d'un organe en vue d'un don à autrui expose à l'évidence le donneur à des risques non négligeables pour sa santé. La gravité de l'acte commande que sa licéité soit subordonnée à une finalité limitée et à une volonté exprimée après une complète information. La règle de proportionnalité s'applique. Même si l'intérêt thérapeutique du receveur peut justifier un prélèvement d'organes, ce même intérêt ne peut autoriser n'importe quelle atteinte à l'intégrité du donneur. Une pesée des risques pour ce dernier et des avantages de la greffe pour le malade s'impose au médecin, sous sa responsabilité. Il faut en conséquence que le receveur soit parfaitement identifié dès le prélèvement, et que son état de santé actuel justifie bien le prélèvement envisagé.

D’après l’Agence de la biomédecine, en dehors de la greffe de moelle osseuse, le don d’organe entre vivants concernait en 2007, 8% des greffes, essentiellement rénales, exceptionnellement hépatiques ou pulmonaires. Cette activité est largement inférieure à celle des pays d’Europe du Nord et des États-Unis où le pourcentage de greffes entre vivants évolue entre 30 et 40% des greffes réalisées. La greffe rénale à partir d’un donneur vivant a de meilleurs résultats que celle réalisée avec un donneur en état de mort cérébrale, avec un risque limité pour le donneur, sous réserve de son évaluation minutieuse avant le don.

1 - L’exigence d’un lien familial élargi incompatible avec l’anonymat du don

Avant la loi de 2004, le receveur devait avoir la qualité de père ou de mère, de fils ou de fille, de frère ou de sœur du donneur, ou de conjoint en cas d’urgence. Depuis la loi de 2004, le champ des donneurs est étendu, sans condition d'urgence, « au conjoint du receveur, à ses frères ou sœurs, à ses fils ou filles, ses grands-parents, ses oncles et tantes, ses cousins germains et cousines germaines ainsi qu'au conjoint du père et de la mère du receveur ou bien encore à toute personne apportant la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans avec le receveur ».

Le régime applicable au prélèvement d'organes sur une personne vivante, majeure et capable est incompatible avec le principe d'anonymat du don. Le don d'organes entre vifs est donc obligatoirement un don ciblé. La loi française est un peu plus restrictive que la Convention européenne sur les droits de l'homme et de la biomédecine, laquelle ne fait pas état de la parenté nécessaire du receveur.

2 - Le formalisme de l'expression du consentement  du donneur: l’intervention d’un magistrat

La loi Caillavet du 22 décembre 1976 avait subordonné le prélèvement d'organes sur une personne vivante à l'exigence d'un consentement formellement exprimé. Dans les grandes lignes, les lois de bioéthique reprennent ce dispositif ancien, tout en lui apportant sur certains points, des modifications. Le consentement est « révocable sans forme à tout moment ». Jusqu'au prélèvement effectif, le consentement exprimé n'oblige en rien le donneur.

a) L’information par un comité d’experts

Au titre des dispositions propres aux prélèvements d'organes sur une personne vivante, les articles L. 1231-1 et suivants du code de la santé publique imposent une information préalable du donneur par un comité d’experts composé de deux médecins et une personne qualifiée dans le domaine des sciences humaines et sociales, sur les risques qu'il encourt et sur les conséquences éventuelles du prélèvement. Cette information porte sur toutes les conséquences prévisibles d'ordre physique et psychologique du prélèvement ainsi que sur les répercussions éventuelles de ce prélèvement sur la vie personnelle, familiale et professionnelle du donneur. Le comité d'experts informe le donneur sur les risques et conséquences du prélèvement, sauf en cas d’urgence vitale ; l'autorisation du comité est obligatoire, sauf si le donneur est le père ou la mère du receveur.

La réglementation ajoute que cette information « porte en outre sur les résultats qui peuvent être attendus de la greffe pour le receveur ». Le comité d’experts doit aussi s’assurer de la justification médicale de l’intervention. Le conseil d’orientation de l’agence de la biomédecine se demande s’il ne conviendrait pas de recourir à deux instances distinctes, l’une concernant le discernement éthique, et l’autre traitant de l’évaluation médico-technique de la greffe.

b) L’expression formalisée du consentement : le rôle du magistrat

Mme Mathilde ZELANY, psychologue clinicienne a montré45 combien la question du don d’organe entre vivant était complexe, et combien ce choix était contraint. Comment, en effet, dire non et ne pas donner à son frère, à sa femme ? Comment refuser ? En outre, quels sont à terme les effets de cette dette impayable dans les relations entre les protagonistes.

Le consentement doit être exprimé devant le président du tribunal de grande instance, ou le magistrat désigné par lui. Ce dernier doit s'assurer au préalable que le consentement du donneur est « libre et éclairé » et surtout que le don est conforme aux dispositions déterminant la finalité du prélèvement et le cercle admis des donneurs.

Le recueil du consentement du donneur donne lieu à la rédaction d'un acte signé par celui-ci et le magistrat. L’original de l'acte est conservé au greffe du tribunal et la copie est transmise au directeur de l'établissement de santé dans lequel le prélèvement est envisagé. Ce dernier communique alors cette information au médecin responsable du service, du département ou de la structure de soins concerné. Le rôle du magistrat est très important. Il est nécessaire que le magistrat soit saisi dans des délais raisonnables pour qu’il dispose d’un temps suffisant de discussion avec le donneur pour s’assurer que celui-ci est bien informé et ne subit aucune pression familiale.

3 - Le prélèvement sur une personne incapable face aux nouvelles techniques

a) Une interdiction à maintenir

L’article L.1231-2 du code de la santé publique dispose qu’« aucun prélèvement d'organes, en vue d'un don, ne peut avoir lieu sur une personne vivante mineure ou sur une personne vivante majeure faisant l'objet d'une mesure de protection légale ». La règle énoncée par la loi de 1994 et maintenue par celle de 2004, est claire ; son non respect est pénalement réprimé par l’article 726-1 du code pénal auquel renvoie l'article 511-3 du code de la santé publique qui exclut de l’interdiction le don de moelle osseuse.

« Toutefois, un prélèvement de moelle osseuse sur un mineur au profit de son frère ou de sa soeur peut être autorisé par un comité médical constitué dans les conditions fixées par la réglementation applicable localement, sous réserve du consentement de chacun des titulaires de l'autorité parentale ou du représentant légal du mineur. Les consentements prévus aux alinéas précédents sont exprimés devant le président du tribunal de première instance ou le magistrat désigné par lui. Ils peuvent être révoqués sans forme à tout moment. En cas d'urgence, le consentement est recueilli par tout moyen par le procureur de la République. Le comité médical s'assure que le mineur a été informé du prélèvement ».

Cet article rejoint le principe posé par la Convention européenne sur les droits de l'homme et de la biomédecine qui interdit, elle aussi, le prélèvement d'organes sur une personne n'ayant pas la capacité d'exprimer un consentement libre et éclairé.

b) Les risques de dérives

Cette question resurgira inévitablement. L'équipe du Professeur Mark BOUCEK aux États-Unis a annoncé dans le New England Journal of Medicine avoir pratiqué, entre mai 2004 et mai 2007, des greffes de cœur chez trois nouveau-nés en prélevant les organes sur des bébés atteints de lésions cérébrales irréversibles. Les médecins ont interrompu avec l'accord de la famille les soins lourds, à savoir l’assistance respiratoire et les drogues, programmant une fin de vie inéluctable, pour organiser le don d'organes.

Le diagnostic de la mort des petits donneurs a été établi sur des critères d'arrêt de la circulation et des battements cardiaques. Mais l'équipe n'a attendu en moyenne que 75 secondes après l'arrêt du cœur pour démarrer la procédure de prélèvement, alors que les recommandations de l'Institute of Medicine et les sociétés savantes suggèrent d'attendre au moins 2 minutes et au plus 5 minutes. Les chirurgiens de Denver défendent leur bilan : 100 % de survie à six mois avec cette technique, alors qu'avec le don d'organes «classique» par mort cérébrale, la survie n'est que de 84 %.

4 - La transplantation avec donneur vivant

Ce questionnement concerne le prélèvement d’organes vitaux, le foie et le poumon quand le pronostic vital du receveur est engagé à court terme.

a) Les risques encourus par les donneurs

Le Professeur Anne FAGOT-LARGEAULT, Professeur au collège de France46 a expliqué que « le prélèvement d’un rein ou d’un morceau de foie, ou encore d’une moelle chez un donneur, comporte des risques ; les accidents de l’intervention chirurgicale comme les complications, les séquelles possibles existent, et il ne suffit pas que les frais médicaux soient couverts. Il ne s’agit pas non plus de payer le donneur. Le don doit rester un don. Mais si le donneur, à la suite du prélèvement et des complications médicales consécutives au prélèvement perd son emploi, ne peut plus payer son loyer, devient incapable de subvenir aux besoins de sa famille, il me semble qu’il n’est pas équitable d’inciter les donneurs à donner, ce que fait la loi en son état car l’on a élargi le cercle des donneurs potentiels, et on les laisse seuls assumer les catastrophes personnelles et familiales qui peuvent résulter de ce don».

Or ces cas ne sont pas rares. Un homme de 48 ans, ayant fait don d’un lobe hépatique à l’hôpital Beaujon en vue d’une greffe pour son frère malade, est décédé le 15 mars 2007 à l’hôpital Bichat où il avait été transféré. Ce décès est survenu suite à des complications médicales, 56 jours après le prélèvement. D’après l’Agence de la biomédecine, le prélèvement et la greffe s’étaient déroulés dans de bonnes conditions et les suites immédiates des deux interventions chez le donneur et le receveur étaient satisfaisantes jusqu’à ce que surviennent plusieurs complications médicales associant notamment une phlébite, une embolie pulmonaire et une insuffisance rénale aiguë qui ont conduit au décès du donneur. L’état de santé du receveur est satisfaisant.

Le Professeur Jacques BELGHITI, ancien président de l’Association française de chirurgie hépatique et de transplantation et de L’International Liver Transplantation Society, spécialiste de la greffe de foie à partir de donneurs vivants a renoncé à la pratiquer, comme certains autres collègues, à la suite de ce décès. Il s’inquiète des dérives dans ce domaine. Il constate que « les pays occidentaux arrêtent peu à peu les greffes sur donneurs vivants adultes. Mais celles-ci se développent énormément en Asie, au Japon, à Taiwan, à Hongkong. Que va-t-il se passer en Chine ? N’est-ce pas ouvrir, là, la boîte de Pandore ? Comment s’assurer que le donneur est bien volontaire, qu’il ne le fait pas pour de l’argent ? »47.

Le Professeur Jean-Michel DUBERNARD, ancien président de la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, chirurgien transplanteur à l’hôpital Edouard Herriot à Lyon, considère qu’il existe toujours un risque pour la santé du donneur. S’il trouve cela « admirable dans le cas d’un parent pour ses enfants », il est plus réticent quand il s’agit de frère, de sœur ou d’un conjoint. Il estime que « mieux vaut développer les prélèvements sur les personnes décédées »48. Il reste que la greffe de rein par donneur vivant donne des résultats plus satisfaisants que lorsque on utilise un greffon venant d’un donneur décédé.

Dans le monde, on dénombre 13 décès de donneurs vivants de foie pour plus de 6000 prélèvements de lobes hépatiques. En France, sur 415 greffes hépatiques réalisées depuis 1994, à partir de donneurs vivants, on compte jusqu’à ce jour 2 décès de donneurs. La greffe hépatique avec donneur vivant comporte des risques pour le donneur. En effet, l’intervention est risquée car le taux de mortalité en Europe est de 0,27%. Même si une attention particulière est portée aux suites post opératoires des donneurs, la qualité de vie après le don, est encore mal évaluée, les complications rapportées étant très hétérogènes.

b) Le cercle des donneurs vivants doit-il être élargi ?

Selon le conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, et à la lumière de l’expérience d’autres pays, la question d’un élargissement complémentaire du cercle des donneurs mérite d’être envisagée. Les questions posées sont les suivantes : peut-on élargir la possibilité de don à l’ensemble de la famille génétique, ou permettre un don entre proches sans lien génétique ? Envisagera-t-on la possibilité d’un don altruiste ce qui satisfait parfaitement le principe de solidarité, mais pourrait être la source de dérives difficiles à contrôler ? A contrario, le don des enfants, jeunes adultes, vers les parents est-il souhaitable?

La greffe entre vivants, dans le contexte d’un cercle de donneurs familiaux même élargi, illustre avec une singulière acuité les problèmes éthiques du don non anonyme, induisant au sein des familles d’éventuelles pressions difficilement décelables, voire d’après Mme Marie-Claire PAULET, présidente de France-ADOT49, des tensions même après des greffes réussies. Elle en a conclu que le don entre vivants devait conserver un caractère très exceptionnel.

Le don d’organes entre vifs est l’illustration de la problématique connue des dettes impayables qui peuvent rendre difficiles les relations familiales en cas d’échec. Le conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine s’est interrogé sur la possibilité de don croisé pour éviter ces difficultés, mais cela résout moins bien les problèmes de compatibilité.

La société encourage les donneurs à donner, mais qu’advient-il d’eux et de leur famille si, à la suite du don, ils ont des problèmes de santé récurrents et invalidants, et se retrouvent dans l’incapacité de travailler ?

Recommandation

Il conviendrait de

- affirmer plus nettement le caractère exceptionnel de la pratique du don d’organes entre vifs qui doit être un ultime recours, notamment pour la greffe de foie,

- exiger l’avis de deux instances distinctes au sein du comité d’experts, l’une concernant le discernement éthique et l’autre traitant de l’évaluation médico-technique de la greffe,

- saisir le tribunal de grande instance dans un délai raisonnable,

- conférer un véritable statut au donneur vivant,

- assurer son suivi médical gratuitement sur une longue période,

- prévoir un accompagnement psychologique systématique,

- éviter que le donneur vivant ne pâtisse de son acte tant au plan physique, social, que financier,

- mettre en place un système d’assurance spécifique au donneur d’organe lui permettant d’éviter une situation catastrophique à la suite de son don.

II - LES ACTIVITÉS DE PRÉLÈVEMENTS ET DE GREFFES EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER

A - UNE PRATIQUE DES PRÉLÈVEMENTS ET DE LA GREFFE EN FRANCE ASSURANT UN ACCÈS ÉQUITABLE AUX GREFFONS

1 - Les activités de prélèvements

a) Une participation généralisée des établissements de santé

L’organisation opérationnelle des prélèvements d’organes sur personne décédée repose sur les établissements autorisés à pratiquer cette activité, le renouvellement de l’autorisation par l’Agence régionale de l’hospitalisation (ARH) étant prévu tous les 5 ans. Il n’existe pas dans ce domaine de schéma spécifique, la demande d’autorisation auprès de l’autorité compétente repose sur la volonté des acteurs de l’établissement. Les schémas interrégionaux d’organisation sanitaire de la greffe (SIOS), en cours d’élaboration par les ARH avec l’appui de l’Agence de la biomédecine, intègrent tous un volet « réseaux de prélèvement ».

Depuis la loi de 2004, et pour favoriser les prélèvements d'organes, tous les établissements de santé, qu'ils soient autorisés ou non, participent à l'activité de prélèvement d'organes ou de tissus en s'intégrant dans des réseaux de prélèvement, conformément à L. 1233-1 du code de la santé publique.

b) Le régime spécifique des prélèvements sur donneurs vivants

En matière de prélèvements d'organes à des fins thérapeutiques sur des personnes vivantes, l'autorisation ne peut être accordée qu'aux seuls établissements de santé ayant, sur le même site que celui sur lequel seront effectués les prélèvements, une activité de transplantation des organes pour le prélèvement desquels l'autorisation est demandée, afin d’assurer la sécurité des donneurs qui bénéficient des équipements et locaux des sites de transplantation. On limite ainsi les transports de greffons prélevés sur une personne vivante, afin d'accroître les chances de réussite de la greffe et de préserver au mieux la qualité de l'organe prélevé, et la sécurité des équipes.

c) La séparation des équipes de soins et des équipes chargées de la transplantation

Dans la pratique, les équipes médicales de prélèvement sont en général celles qui ont à transplanter l'organe ou les organes à prélever. Les médecins qui établissent le constat de la mort, et ceux qui effectuent le prélèvement ou la greffe, doivent faire partie d'unités fonctionnelles ou de services distincts, afin de garantir l'indépendance du diagnostic de mort et la protection du « donneur » potentiel. Le code de la santé publique impose par ailleurs aux médecins ayant procédé à un prélèvement sur une personne décédée « de s'assurer de la meilleure restauration possible de son corps ».

Cette obligation revêt un caractère éminemment éthique. Les praticiens, qui pour la plupart respectent déjà cet impératif, doivent prendre la mesure de l'importance attachée par ceux qui sont déjà confrontés à la perte d'un être cher à l'observation scrupuleuse de cette prescription. C'est non seulement une marque de respect à l'égard des morts, mais aussi à l'égard des familles.

2 - Les activités de greffe

a) La planification et l'autorisation des activités de greffe

Les moyens que nécessite la pratique des greffes d'organes et le coût que celles-ci représentent justifient que les autorisations d'activités de transplantation soient soumises aux règles de la planification sanitaire. La loi de 1994 a consacré le principe d'une planification sanitaire des transplantations d'organes et la loi de 2004 a apporté quelques retouches ponctuelles au système. Les greffes d'organes sont effectuées dans les établissements de santé autorisés.

b) Les praticiens chargés des greffes

Les principes applicables aux praticiens chargés des greffes sont les mêmes que ceux décrits pour les médecins chargés des prélèvements. La loi prévoit par ailleurs qu’aucune rémunération à l'acte ne peut être perçue par les praticiens effectuant des greffes d'organes au titre de ces activités.

3 - Les patients en attente d'une greffe

a) L’inscription sur une liste

La pratique des greffes d'organes nécessite l'inscription des patients sur une liste nationale, établie par type de transplantation. Ce système existe depuis longtemps, il a été reconnu par un décret du 24 septembre 1990 relatif aux activités de transplantation d'organes qui avait réservé aux établissements hospitaliers autorisés l'initiative de l'inscription des patients sur cette liste.

La loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale a consacré le principe de l'inscription des patients en attente d'une greffe sur une liste d'attente et a confié à l'Établissement français des greffes, devenu l’Agence de la biomédecine, l'enregistrement de l'inscription sur cette liste et sa gestion.

Afin de tenter d’homogénéiser les durées d’attente de greffe, et de respecter des principes d’équité, des règles de répartition des greffons ont été élaborées selon un système de score, tenant compte notamment de critères tels qu’une menace vitale à court terme, l’âge, l’ancienneté d’inscription sur la liste d’attente, l’appariement en âge donneur/receveur, la compatibilité HLA, la difficulté d’accès à la greffe…

Ces règles permettent notamment aux receveurs pédiatriques (jusqu’à 17 ans), ainsi qu’aux patients hyper immunisés de bénéficier d’une priorité d’accès à la greffe.

b) Le tourisme de transplantation :

Le risque de commercialisation des organes est pratiquement exclu en France. Cependant certains patients bénéficient d’une greffe à l’étranger dans des conditions contraires aux principes éthiques définis par la loi : faut-il pénaliser cette démarche ? Quelle attitude doit-on définir pour les acteurs de la santé qui auront à soigner ces personnes ?

Comment s’assurer que les donneurs venant de l’étranger ont eu avant leur venue en France, une information qualifiée et suffisante qui leur permette de prendre en compte les éventuels risques ainsi que les conséquences familiales et professionnelles d’un tel acte, et qu’ils bénéficient d’un suivi médical de qualité après le don, dans leur pays d’origine ? D’après les informations dont disposent les rapporteurs, ce phénomène serait rare en France, mais pas inexistant.

Un article50 fait état d’une douzaine de patients français ayant bénéficié d’une greffe de rein par donneur vivant contre rémunération à l’étranger en 5 ans. Les greffes auraient été pratiquées en Turquie, en Egypte, en Chine ou encore en Inde et, à deux exceptions près, auraient eu de mauvais résultats.

Recommandation

Il conviendrait de

- disposer de chiffres plus précis concernant les greffes par donneurs vivants effectuées à l’étranger,

- mener une réflexion sur ce phénomène, s’il se révélait plus important qu’on le prétend.

B - LES PRINCIPAUX CHIFFRES NATIONAUX DE LA GREFFE EN 2007 RESTENT MARQUÉS PAR LA PÉNURIE DE GREFFONS

L’ensemble des données figurant ci-dessous, sont extraites du rapport annuel 2007 de l’Agence de la biomédecine qui effectue un recensement précis et de grande qualité.

1 - Les évaluations globales

En 2007, 4 666 malades ont été greffés. 1 562 personnes ont été prélevées. 5,6 % des donneurs d’organes étaient des personnes vivantes. 227 malades sont morts faute de greffe, 13 081 personnes étaient inscrites sur la liste d’attente d’un organe. Le manque d’informations sur la volonté du défunt est l’une des principales causes de refus de la famille : dans près de 4 cas sur 10, le défunt a déclaré son opposition au don, dans les 6 autres cas, l’opposition vient de la famille.

Pour les sujets en état de mort encéphalique, l’année 2007 est marquée par une constante progression des activités de recensement du nombre de donneurs potentiels (+ 2,6 %) et de prélèvement (+ 8,3 %). Le taux national de prélèvement a augmenté à 24,7 par million d’habitants (pmh) pour une population de 63,22 millions d’habitants. Cette progression est en partie liée à une baisse du taux d’opposition, qui est passé en dessous du seuil de 30 %, soit 28 %. La moyenne d’âge des donneurs prélevés se stabilise à 50 ans.

Pour les sujets décédés après arrêt cardiaque, depuis la mise en place du programme en octobre 2006, 10 centres pilotes se sont engagés dans l’activité de prélèvement sur donneurs décédés après arrêt cardiaque. En 2007, 39 donneurs (0,6 pmh) ont fait l’objet d’un prélèvement de rein ; 42 greffes rénales ont pu être réalisées.

Pour les donneurs vivants, en 2007, cette activité n’a pas progressé : 235 greffes de rein (8,8 % des greffes rénales) et 18 greffes de lobe de foie (1,7 % des greffes hépatiques) ont pu être réalisées.

En 2007, l’activité de prélèvement d’organe a continué de progresser de façon importante. L’évolution des caractéristiques des donneurs se stabilise en terme d’âge, hormis une augmentation des donneurs de la tranche d’âge (50-64ans). Les causes de décès se répartissent de façon stable depuis 3 ans, avec plus de la moitié d’origine vasculaire. Les disparités interrégionales ont tendance à s’effacer, probablement à la faveur du redécoupage géographique et de l’évolution du fonctionnement des établissements en réseau.

L’extension des donneurs potentiels aux donneurs décédés après arrêt cardiaque a contribué pour 1,4 % des greffes de rein et devrait s’accroître.  Les résultats de l’activité à partir de donneurs vivants n’a pas progressé pour le prélèvement de rein et accuse une baisse importante pour le prélèvement de lobe de foie.

Répartition des greffes en 2007

Source : Rapport de l’Agence de la biomédecine 2007

Tableau extrait du Rapport de l’Agence de la biomédecine de 2007

 

2004

2005

2006

2007

Population : millions d'habitants (Pmh)

61.530

61.789

62.042

63.219

ORGANES

 

 

 

 

Prélèvements sur sujets en état de mort encéphalique

 

 

 

 

Sujets recensés

Nombre

2514

2802

3070

3147

 

Pmh

40.9

45.3

49.5

49.8

Sujets prélevés

Nombre

1 291

1371

1442

1562

 

Pmh

21.0

22.2

23.2

24.7

Sujets non prélevés

Nombre

1 223

1431

1628

1585

 

Pmh

19.9

23.2

26.2

25.1

Causes de décès

 

 

 

 

Accident vasculaire cérébral 

1 385

1570

1666

1719

Traumatisme

734

767

877

856

Autre 

395

465

527

572

Pourcentage de sujets non prélevés*

48.6 %

51.1 %

53.0 %

50.4 %

Causes de non prélèvement

 

 

 

 

Opposition au prélèvement 

30.5 %

31.3 %

32.0 %

28.1 %

Antécédents médicaux 

12.1 %

10.1 %

9.9 %

10.5 %

Obstacle médical 

4.8 %

8.6 %

10.3 %

11.1 %

Autre

1.2 %

1.1 %

0.8 %

0.6 %

*Les pourcentages des causes de non prélèvement sont exprimés en fonction du nombre de sujets recensés. Regroupement des causes de non prélèvement :

- Opposition au prélèvement : refus défunt / famille, opposition du procureur, interdiction administrative - Obstacle médical : problèmes de maintien du sujet, essentiellement hémodynamiques

- Antécédents médicaux : âge, sérologies, infections, antécédents pathologiques...

Age moyen des donneurs prélevés

47.2

48.8

49.7

50.0

Répartition par âge des donneurs prélevés

 

 

 

 

0 - 15 ans 

3.7 %

2.4 %

3.5 %

3.3 %

16 - 45 ans 

36.1 %

34.9 %

32.9 %

30.7 %

46 - 60 ans 

37.6 %

35.7 %

35.0 %

37.0 %

> 60 ans 

22.5 %

26.9 %

28.7 %

28.9 %

Répartition par sexe des donneurs prélevés

 

 

 

 

Sexe féminin 

37.0 %

40.0 %

41.1 %

38.7 %

Sexe masculin 

63.0 %

60.0 %

58.9 %

61.3 %

Liste d'attente au 31/12 de chaque année **

 

 

 

 

Coeur

Nombre

272

253

240

270

 

Pmh

4.4

4.1

3.9

4.3

Coeur poumons

Nombre

38

29

34

28

 

Pmh

0.6

0.5

0.5

0.4

Poumon

Nombre

145

91

130

140

 

Pmh

2.4

1.5

2.1

2.2

Foie

Nombre

474

486

539

575

 

Pmh

7.7

7.9

8.7

9.1

Rein

Nombre

5678

5970

6181

6491

 

Pmh

92.35

96.6

99.6

102.7

Pancréas

Nombre

179

170

170

151

 

Pmh

2.9

2.8

2.7

2.4

Intestin

Nombre

4

13

13

20

 

Pmh

0.1

0.2

0.2

0.3

Total

Nombre

6801

7012

7307

7675

 

Pmh

110.5

113.5

117.8

121.4

Nombre d'inscrits au 31/12 : inscriptions médicales antérieures au 1er janvier et de sorties de liste après le 1er janvier

Les malades encore en pré-inscription médicale au moment de l'extraction des données ne sont pas pris en compte. Ils apparaîtront dans le dénombrement dès lors que leur inscription aura été confirmée administrativement.

Greffes dont donneurs vivants, y compris domino

2004

2005

2006

2007

Coeur

Nombre

317

339

358

366

 

Pmh

5.2

5.5

5.8

5.8

Coeur poumons

Nombre

22

21

22

20

 

Pmh

0.4

0.3

0.4

0.3

Poumon

Nombre

145

184

182

203

 

Pmh

2.4

3.0

2.9

3.2

Foie

Nombre

931

1024

1037

1061

 

Pmh

15.1

16.6

16.7

16.8

Rein

Nombre

2424

2572

2731

2911

 

Pmh

39.4

41.6

44.0

46.0

Pancréas***

Nombre

103

92

90

99

 

Pmh

1.7

1.5

1.5

1.6

Intestin

Nombre

7

6

8

6

 

Pmh

0.1

0.1

0.1

0.1

Total

Nombre

3 949

4238

4428

4666

 

Pmh

64.2

68.6

71.4

73.8

***Pancréas : les greffes d'îlots ne sont pas comptées. Ces données dépendent de l'état de mise à jour des listes d'attente par les équipes.

 

2 - Les activités de greffe auprès des patients adultes : une amélioration du temps de survie

a) La greffe cardiaque

En 2007, l’activité de greffe cardiaque a progressé de 29 % par rapport à 2003 (2 % par rapport à 2006). Les indices de pénurie s’améliorent. La médiane nationale d’attente continue de baisser, à 3,5 mois pour la période 2003-2007. La mortalité en liste d’attente rapportée à l’ensemble des malades en attente reste inférieure à 10 %. La survie d’un receveur greffé entre 2000 et 2006 est de 76 % à un an et de 67 % à 5 ans. Elle reste meilleure que pour un receveur greffé avant 1994. Sur la cohorte des malades greffés entre 1993 et 2006, les groupes 0-15 ans, 16-60 ans et plus de 60 ans ont des survies à 1 an respectivement de 78 %, 75 % et 68 %. La survie à 1 an des receveurs de plus de 60 ans est significativement plus faible que pour le groupe des 16-60 ans. Le groupe des retransplantations a une survie à 1 an de 66 % et une médiane de survie de 72 mois

b) La greffe pulmonaire

La greffe pulmonaire progresse pour la 4ème année consécutive. Le nombre des nouveaux inscrits enregistrés depuis 2006 confirme la sous-estimation antérieure des besoins réels de la population (451 malades en attente de greffe pulmonaire ou cardio-pulmonaire en 2007). L’Agence de la biomédecine a renforcé l’accès à la greffe des malades les plus urgents et les plus graves par l’introduction de priorités nationales pulmonaire (2007) et cardio-pulmonaire (2006). La survie à 1 an de la cohorte 2000-2006 continue de s’améliorer (différence significativement supérieure à celle des cohortes antérieures à 1995 que ce soit pour le coeur-poumons ou le poumon). Le faible taux de dossiers non suivis (nouvelles datant de plus de 2 ans) rend cette tendance fiable. La survie apparaît également meilleure pour la greffe bi pulmonaire et les malades atteints de mucoviscidose.

c) La greffe hépatique

L’activité de greffe hépatique n’augmente plus que de 1 à 2% par an depuis 2005 contre 5,4 % par an entre 2000 et 2005. On observe une pénurie de greffons, avec des besoins qui restent encore supérieurs aux possibilités de greffe malgré l’amélioration du prélèvement.

On note une baisse constante depuis 2005 de l’efficacité du prélèvement hépatique qui doit faire l’objet d’une attention particulière On observe cependant une baisse de la mortalité en liste d’attente grâce à la mise en place depuis mars 2007 de nouvelles modalités d’attribution des greffons prenant en compte la gravité du malade, le type d'indication et la distance entre le centre de prélèvement et le centre de greffe.

La baisse importante du nombre de greffe hépatique adulte et enfant à partir d’un donneur vivant est constante depuis deux ans et est en partie liée à l’arrêt de cette activité par une équipe après la survenue du décès d’un donneur en mars 2007.

Globalement, la survie du receveur après une greffe de foie réalisée entre 1993 et 2006 est de 92,4 % à un mois, 83,7 % à un an, de 72,9 % à cinq ans et 63 % à dix ans. On note une différence significative dans les résultats selon l’âge du receveur et le degré d'urgence. La survie après retransplantation est meilleure s’il s’agit d’une retransplantation tardive de plus de 3 mois après la greffe initiale.

d) La greffe de rein

L’année 2007 est marquée par une augmentation significative du nombre de greffes rénales pour atteindre un niveau jamais enregistré auparavant et par le prélèvement et la greffe des premiers greffons issus de donneurs décédés après arrêt cardiaque. En 2007, 2 911 greffes rénales ont été réalisées en France, ce qui correspond au nombre le plus élevé observé depuis 1987, soit 46,1 pmh. L’activité de greffe rénale augmente de 6,6% par rapport à 2006 et de 13,2% par rapport à 2005. Parmi ces 2 911 greffes, 235 ont été effectuées à partir de donneurs vivants (8,1 %). L’essentiel de cette augmentation est en rapport avec l’augmentation de l’activité de prélèvement sur donneur décédé.

La comparaison des courbes de survie des greffons montre une amélioration significative des résultats selon les cohortes de greffe 1985-1989, 1990-1994, 1995-1999 puis 2000-2006 avec des survies respectives à 1an de 82,7 %, 85,9 %, 90,1 % et 92,2 % et à 5 ans de 66,3 %, 73,6 %, 79,8 % et 80 %.

e) La greffe pancréatique

Parmi les 99 greffes pancréatiques réalisées en 2007, 83 étaient des greffes combinées rein-pancréas (82 en 2006), 11 des greffes de pancréas isolé (8 en 2006) et enfin 4 greffes multi viscérales qui consistent à greffer en un seul bloc le foie, le pancréas et l’intestin. L’activité de greffe pancréatique reste globalement stable en France. Le taux de malades greffés (1,6 par million d’habitants) reste faible. Dix équipes ont réalisé des greffes pancréatiques en 2007. Seules deux équipes ont réalisé plus de 20 greffes.

f) La greffe d’îlots de Langerhans

Lors d’une greffe d’îlots de Langerhans, seuls les îlots de cellules du pancréas capables de sécréter de l’insuline sont injectés au patient. Le nombre d’îlots isolés à partir d’un donneur n’est pas toujours suffisant pour corriger totalement le diabète. Certains receveurs sont amenés à recevoir des îlots issus de plusieurs donneurs. Au 1er janvier 2007, 25 malades étaient en attente d’une greffe d’îlots, 16 malades ont été inscrits pendant l’année. Au cours de l’année 2007, 15 malades ont bénéficié d’au moins une injection d’îlots de Langerhans pendant l’année. Parmi ceux-ci, 8 ont reçu leur première injection, 5 leur deuxième injection, 1 sa troisième injection et 1 sa quatrième injection. À l’heure actuelle, les greffes d’îlots sont réalisées dans le cadre de deux protocoles de recherche clinique. Les résultats à long terme de ces deux protocoles permettront de mieux préciser la place de la greffe d’îlots dans le traitement du diabète.

La survie à 1 an (94,3 %) et à 5 ans (79,6 %) du greffon rénal est comparable à celle des greffes de rein seul. La survie du greffon pancréatique est inférieure à celle du rein (81,5 % à 1 an et 69,9 % à 5 ans).

g) La greffe intestinale

La greffe intestinale permet de suppléer la fonction de l'intestin grêle. Elle se heurte à des complications vasculaires, métaboliques ou hépatiques ne permettant pas sa poursuite. Au 1er janvier 2007, 13 patients étaient en attente d’une greffe intestinale, 14 nouveaux patients ont été inscrits pendant l’année 2007. 6 patients ont été greffés en 2007, 1 est décédé avant greffe, à la fin de l’année 2007, 20 malades restaient inscrits en liste d’attente.

Parmi ces 6 greffes, 4 sont des greffes multi-viscérales de bloc « foie-intestin-pancréas » chez des adultes, 3 ont été réalisées par l’équipe de greffe hépatique de Lyon Edouard Herriot et 1 par l’équipe de greffe hépatique de Lyon Croix Rousse. Deux greffes isolées ont été réalisées chez des enfants dans l’équipe de l’hôpital Necker-Enfants malades. Les deux enfants attendaient depuis plus de 20 mois, les quatre adultes depuis moins d’un an. Deux équipes de greffe intestinale prenant en charge des adultes ont été récemment autorisées, l’une à l’hôpital Beaujon et l’autre au CHU de Nice. L’accès à la greffe des enfants en attente d’une greffe intestinale demeure difficile.

3 - Les greffes pédiatriques

a) Les greffes cardiaques

Le nombre de greffes cardiaques pédiatriques est en progression de 46 % par rapport à 2006 mais concerne de petits effectifs. La population pédiatrique représente 4,4 % des malades en attente d’une greffe cardiaque. La durée d’attente est de 2,1 mois pour la période 2003-2007. Sur la période 2002-2007, des disparités apparaissent selon les âges avec une médiane d’attente allant de 1,9 mois pour les 10-15 ans à 5 mois pour les 2-10 ans.

La mortalité en attente reste élevée (15,2 % de l’ensemble des enfants inscrits), supérieure à celle observée pour l’ensemble des inscrits (9,3 %). La survie post greffe à 1 an pour la période 1985-2005 ne diffère pas significativement selon l’âge. Elle s’étale de 68 % pour les 0-1an à 76 % pour les 11-15 ans. La médiane de survie des 11-15 ans est de 131 mois. La survie à 1 an s’est améliorée dans le temps. La survie post greffe à 1 an pour la période 1985-2005 ne diffère pas significativement selon l’âge. Elle s’étale de 68 % pour les 0-1an à 76 % pour les 11-15 ans.

b) Les greffes pulmonaires ou cardio-pulmonaires

En 2007, 25 malades pédiatriques étaient en attente d’une greffe pulmonaire (17) ou cardio-pulmonaire (8). La mucoviscidose représente 82 % des inscrits en attente d’une greffe pulmonaire. Pour la période 2002-2007, la médiane d’attente n’est pas observable pour les greffes cardio-pulmonaires car l’effectif est trop faible. Elle est de 10,3 mois pour les greffes pédiatriques pulmonaires ce qui est supérieur aux adultes (5,1 mois). La tendance est cependant plutôt à la baisse (7,1 mois) sur des cohortes plus récentes (2003-2007) par rapport à la cohorte 1999- 2002.

Les indicateurs de pénurie donnent un ratio de 1 greffon pour 2,4 candidats en attente (1,6 pour tout nouveau candidat et 0,9 pour ceux qui restaient inscrits au début de l’année). La mortalité en liste d’attente est de 20 % pour les malades en attente de greffe pulmonaire et de 14,3 % pour les malades en attente de greffe cardio-pulmonaire.

Sur les 9 greffons prélevés et greffés aux malades pédiatriques en France, seuls 4 provenaient de greffons pédiatriques alors que 15 greffons pulmonaires ou cardio-pulmonaires pédiatriques ont été prélevés. La tendance des prélèvements pédiatriques est discrètement à la hausse 15 en 2007 contre 11 en 2006.

La greffe pédiatrique pulmonaire est peu fréquente (7 en 2007) et s’est répartie sur 2 centres en 2007 : Paris-Georges Pompidou (5 greffes) et Lyon (2 greffes). L’indication principale reste la mucoviscidose (85,7% des greffes pulmonaires pédiatriques). L’activité de greffe pédiatrique pulmonaire et cardio-pulmonaire reste faible alors que la durée d’attente et la mortalité en liste d’attente demeurent élevées. L’instauration d’une priorité nationale pédiatrique étendue à tous les donneurs de greffons thoraciques de moins de 50 kg et de moins de 55 ans reste insuffisante. Les survies à 1 an sont de 75 % pour la greffe pulmonaire et de 60 % pour la greffe cardio-pulmonaire.

c) La greffe hépatique

En 2007, 71 greffes hépatiques ont été réalisées en France au profit de receveurs âgés de moins de 16 ans lors de leur inscription en liste d'attente, contre 54 en 2004 et 74 en 2006, soit une progression de l’activité de greffe de 31,5 % en 3 ans et un retour au niveau d’activité observé en 2003. 9 d'entre elles sont issues de donneurs vivants (contre 17 en 2006) et 38 proviennent du partage d'un greffon (contre 29 en 2006). Globalement, la survie du receveur après une greffe de foie réalisée entre 1996 et 2006 est de 88,8 % à 1 mois, 83,2 % à 1 an, 79,4 % à 5 ans et 75,2 % à 10 ans.

d) La greffe de rein

La durée médiane de séjour en liste d'attente avant greffe rénale pour la cohorte globale des malades inscrits avant l’âge de 16 ans depuis 2002 est de 3,8 mois (contre 18,8 mois pour les adultes). Le nombre de donneurs pédiatriques prélevés d’un rein fluctue de façon importante d’une année sur l’autre (46 donneurs en 2007, 41 donneurs en 2006, 26 en 2005 et 44 en 2004). Néanmoins, une analyse sur une plus longue période révèle une diminution du nombre de donneurs pédiatriques prélevés (34,3 % depuis 1998).

En 2007, 76 patients inscrits avant l’âge de 16 ans ont bénéficié d’une greffe rénale (– 9,5 % par rapport à 2006). Parmi ces 76 jeunes malades, 11 ont reçu un greffon de donneur vivant (7 en 2006). Le bilan fait état d’une excellente survie des greffons de 93,6 % à 1an et 83,9 % à 5 ans.

Ce bilan montre la nécessité de mettre en œuvre un système plus performant, notamment dans le domaine des greffes pédiatriques. Il existe une pénurie de greffons, on est assez loin de l’auto suffisance. En revanche le taux de survie des patients a progressé ce qui montre que les techniques opératoires ont progressé, que les phénomènes de rejet sont de mieux en mieux maîtrisés.

Recommandation

Il conviendrait de :

- parvenir à l’auto suffisance en matière de greffons par des campagnes d’information ciblée  sur les résultats obtenus,

- améliorer le système des greffes pédiatriques,

- développer des systèmes miniaturisés permettant de suppléer au manque de greffons.

III - LA COLLABORATION INTERNATIONALE ET LA LUTTE CONTRE LE TRAFIC D’ORGANES

En 2007, le nombre d’organes échangés entre la France et ses voisins européens est resté faible : importation de 4 greffons (4 coeurs) et exportation de 21 greffons (3 reins, 9 foies, 7 coeurs et 2 poumons).

A - UNE COLLABORATION PROGRESSANT À L’ÉCHELON DE L’UNION EUROPÉENNE

1 - L’existence d’organisations structurées

Chaque pays de l’Union européenne dispose aujourd’hui d’une organisation plus ou moins structurée qui encadre le prélèvement et la greffe. En Espagne, en Italie ou en Suisse, l’activité est encadrée au niveau national par des institutions de santé, comme l’Agence de la biomédecine.

D’autres pays ont choisi d’agir en coopération avec des structures supranationales. La répartition et l’attribution des greffons sont alors gérés par des organismes couvrant plusieurs pays : Eurotransplant (Allemagne, Autriche, Belgique, Hollande, Luxembourg, Slovénie) Scandiatransplant (Danemark, Finlande, Norvège, Suède), UK Transplant (Ecosse, Grande-Bretagne, Irlande). Enfin, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe interviennent dans la définition de grandes orientations communes s’agissant d’éthique, de qualité, de sécurité, de coopération avec les nouveaux et futurs États membres.

2 - Des disparités de législations et de pratiques

Les pays européens se distinguent également sur la question du consentement au don d’organes. Le consentement explicite impliquant que le prélèvement n’est autorisé que si le donneur a donné explicitement son consentement de son vivant concerne le Danemark, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Irlande et l’Allemagne. Le consentement présumé concerne l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l’Italie, le Luxembourg, le Portugal et la Suède.

En général, l'ensemble des pays pratique l’entretien avec la famille pour prendre connaissance des volontés du défunt, peu exprimées de son vivant. Tous les pays de l’Union Européenne ont institué l’anonymat et la gratuité pour les dons après la mort.

3 - Des initiatives de coopération efficaces

a) Le projet Alliance-O

En 2004, l’Allemagne, l’Espagne, la France, la Hongrie, l’Italie, le Portugal et le Royaume-Uni ont décidé de se réunir pour partager leur expertise et leurs pratiques dans le domaine de la greffe, et faire progresser leur réflexion. C’est l’objectif du projet Alliance-O qui dispose d’un financement assuré par la Commission européenne sur une période de trois ans à hauteur de 2 millions d’euros. Piloté par l’Agence de la biomédecine, le projet Alliance-O avait pour principal objectif d’assurer la coordination des programmes de recherche nationaux et régionaux des pays concernés. Après trois années de travail,
Alliance-O
a publié ses recommandations dans un livre blanc rendu public en octobre 2007.

Il existe d’importantes différences de pratiques au sein de chacun des pays. Certaines sont dues à la taille ou au nombre des équipes de greffe du pays ; d’autres sont plus difficiles à expliquer. Il faut améliorer l’organisation et les pratiques de chaque pays et renforcer les collaborations.

De nombreux outils destinés à améliorer l’activité liée à la greffe d’organes ont déjà été développés par l’un ou l’autre pays. Alliance-O recommande qu’ils soient partagés et améliorés ensemble pour mettre en place des stratégies plus efficaces au bénéfice des patients Le projet Alliance-O a pris fin en 2007 mais le travail de coopération se poursuivra, en s’ouvrant à de nouveaux pays partenaires. Des groupes de travail sont mis en place sur des sujets techniques précis, comme la répartition et l’attribution des organes, les référentiels de qualité, les méthodes et outils d’évaluation.

b) L’enquête de la Commission européenne

En Juin 2006, la Direction générale de la santé et de la protection des consommateurs (SANCO) de la Commission européenne a lancé une consultation ouverte sur les dons et transplantations d'organes pour déterminer les principaux problèmes et pour envisager les mesures à prendre au niveau communautaire. Cette consultation sur Internet s'est achevée en septembre 2006.

Dans ce contexte, la Direction générale SANCO a commandité l'étude Eurobaromètre spécial sur le thème du don et de la transplantation d'organes. L'enquête a été réalisée entre le 6 octobre et le 8 novembre 2006 auprès de 28 584 personnes dans les 25 États membres de l'Union européenne ainsi que dans les pays adhérents (Bulgarie et Roumanie), la Croatie, et la communauté turque chypriote. Cette enquête aborde les points suivants :

- L'existence de ces questions dans les débats familiaux : le sujet a-t-il déjà été abordé dans le cercle familial ? 41% des citoyens Européens y répondent positivement.

- La disposition des Européens à l'égard du don d'organes : 56% des Européens se déclarent prêts à faire don d'un de leurs organes à un service de don d'organes après leur mort. Un peu plus d'un sur quatre s'y refuserait (26%), et près d'un sur cinq n'a pas d'idée sur la question (18%).

- La disposition des Européens à donner leur accord pour qu'un organe soit prélevé sur un de leurs parents proches décédés : (54%) donnerait son accord si l'hôpital le leur demandait.

- L'opinion sur la carte de donneur d'organes et sa diffusion dans la population européenne : 81% d'entre eux sont pour cette utilisation, 19% s’y sont opposés.

L'étude démontre clairement qu'ouvrir le débat en famille sur ce sujet renforce de manière importante les opinions positives sur la transplantation et du don d'organes. Les conclusions de l’enquête montrent que pour faciliter les démarches autour du don d'organes, des campagnes de communication, aurait des conséquences très positives à court ou moyen terme, sur l'acceptation du don d'organes dans l'opinion.

3 - Les chiffres du prélèvement et de la greffe à l’échelon international

L’Espagne obtient depuis déjà de nombreuses années les meilleurs résultats européens, et même mondiaux, pour l’activité de prélèvement et de greffe. Les rapporteurs ont été frappés par cette culture du don d’organe très ancrée dans ce pays. L’Agence de la biomédecine s’inspire actuellement de ces pratiques.

B - LA LUTTE CONTRE LE TRAFIC D’ORGANES

La transplantation d’organes humains a été victime de son propre succès. Les chirurgiens savent désormais réaliser des greffes d’environ 25 types différents de tissus ou d’organes humains, et le taux de survie s’améliore sans cesse (60 % des patients vivent plus de cinq ans). Plus d’un million de personnes dans le monde en ont profité depuis 1954, date de la première transplantation. Mais l’offre ne suffit pas à répondre à la demande: le nombre des personnes décédées avant d’avoir pu bénéficier d’une greffe a doublé depuis 1988.

1 - Le tourisme de transplantation : une réalité inquiétante

a) un constat troublant

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le commerce d'organes prospère sur des vides juridiques et la corruption ; il représentait en 2005, environ 10 % de l'ensemble des transplantations rénales pratiquées dans le monde. L’OMS a lancé une initiative proposant, depuis 2005, un programme visant à contrecarrer le développement de réseaux internationaux et commerciaux de prélèvements et de transplantations.

Le tourisme de transplantation voit des personnes souffrant d'insuffisance rénale en quête d'un rein et des chirurgiens greffeurs se déplacer dans le seul but d'effectuer une transplantation aux dépens de personnes le plus souvent très pauvres et acceptant de vendre l'un de leurs reins. Les « cours » varient selon les pays : en Afrique du sud, un donneur de rein rémunéré touchera 700 dollars, en Inde, 1 000 dollars, en Moldavie 2 700 dollars, en Turquie entre 5 000 et 10 000 dollars, et plus de 30 000 dollars aux États-Unis, selon des chiffres présentés à une réunion de l'OMS en 2006.

C'est la pénurie des greffons disponibles dans les pays industrialisés qui est pour l'essentiel à l'origine de ces pratiques. La Chine est-elle encore une plaque tournante de ce marché ? En 2005, 12 000 organes transplantés dans le pays étaient prélevés sur des condamnés à mort. Cependant, une loi de 2006, entérinée en avril 2007 par le Conseil d’État chinois, interdit la commercialisation d'organes et impose le consentement des donneurs.

Second foyer de transplantations à partir de donneurs vivants, le Pakistan pourrait connaître une évolution similaire. En septembre 2007, une ordonnance interdisant la commercialisation du corps humain et autorisant le prélèvement d'organes sur des personnes en état de mort encéphalique a été signée.

Aux Philippines, le tourisme de transplantation a fait naître un « business florissant » : des agences proposent ainsi des « forfaits » s’élevant de 45 000 à 100 000 €. Les Philippines sont une destination de choix pour des malades venant acheter à des personnes en situation vulnérable un organe qu'il leur faudrait attendre des années dans leur pays.

En Inde, un vaste réseau de trafic d’organes aurait été démantelé au début de l’année 2008. Un médecin était à l’origine d’un trafic mêlant misère et corruption. Les donneurs étaient des paysans pauvres recrutés sous la menace et rémunérés quelques centaines d’Euros. Les receveurs se recrutaient parmi les riches indiens et les étrangers.

Pour l'OMS, il s’agit de savoir si les mesures prises en Chine, au Pakistan et dans les Philippines, pays qui viennent de s’engager à mettre fin au trafic d’organes, auront ou non pour conséquence le développement de nouveaux circuits dans d'autres pays.

En avril 2008, la presse a rapporté que dans ses Mémoires, l’ancien procureur général du Tribunal pénal international de La Haye pour l’ex-Yougoslavie, Mme Carla Del PONTE, explique comment 300 prisonniers serbes auraient été éviscérés par leurs bourreaux albanais.  Pour ce faire, 300 hommes et femmes serbes, ainsi que d’autres, étaient transférés du Kosovo en Albanie par les soldats de l’Armée de libération du Kosovo (UCK) en 1999.

b) Des tentatives de régulation51

L’Iran est le seul pays au monde dans lequel l’État rémunère officiellement ses donneurs 3 000 € (ce qui représente un an et demi de salaire minimum), tout en interdisant l'accès à son système aux receveurs étrangers.

Aux États-Unis, le directeur du programme de transplantation rénale de l’hôpital universitaire du Minnesota souhaiterait que l’on essaie de mettre en place un système régulé de paiement des donneurs de reins. Pour lui, donneurs et receveurs doivent rester anonymes. Au niveau du prix, il estime qu’aux États-Unis, l’État économise 60 000 € par transplantation. Une des propositions qu’il formule serait d’utiliser cette somme pour couvrir les coûts administratifs, l’opération et le paiement du donneur, sans supplément de coût. Il souhaite ainsi « réguler le marché noir existant ».

En 2004 l'Assemblée mondiale de la santé, structure qui réunit tous les États membres de l'OMS, s'était saisie pour la première fois de ce sujet délicat, et avait adopté une résolution soulignant que la transplantation était une activité chirurgicale spécifique, qui ne devait pas s'inscrire dans une relation médecin malade mais être considérée comme un service de la communauté pour la communauté et devrait être placée sous le contrôle des gouvernements. La résolution de 2004 demandait à l'OMS de fédérer le combat contre de telles pratiques.

2 - La déclaration d’Istanbul : une tentative de lutte à l’échelon international

Une réunion au sommet s’est tenue à Istanbul du 30 avril au 2 mai 2008, pour répondre aux problèmes urgents de ventes d’organes, de tourisme de transplantation et de trafic de donneurs d’organes, de plus en plus fréquents dans le contexte de la pénurie d’organes à l’échelle mondiale. Elle réunissait plus de 150 représentants provenant du monde entier : médecins, scientifiques, représentants de gouvernements, spécialistes en sciences sociales et éthiciens. La déclaration s’appuyant sur la déclaration universelle des droits de l’homme définit les agissements qui doivent être prohibés.

Le trafic d’organes consiste à rechercher, transporter, transférer, détenir ou réceptionner des personnes vivantes ou décédées ou leurs organes en faisant usage de menaces, de violence ou de toute autre forme de coercition et d’abduction, par la fraude ou par tromperie, par abus de pouvoir ou en mettant à profit la vulnérabilité des individus ; c’est aussi le fait de donner ou de recevoir en tant que tierce partie un paiement ou toute autre forme de bénéfice, pour conduire un donneur potentiel à se laisser exploiter par l’ablation de ses organes en vue d’une transplantation.

Le commerce de transplantation est une politique ou une pratique au cours de laquelle un organe est traité comme une marchandise, notamment en étant acheté ou vendu, ou utilisé en vue d’un gain matériel.

Le voyage pour transplantation se définit par le déplacement d’organes, de donneurs, de receveurs ou de professionnels de la transplantation au-delà des frontières juridictionnelles, dans un objectif de transplantation.

Ce voyage pour transplantation devient du tourisme de transplantation s’il implique un trafic d’organes et/ou un commerce de transplantions, ou si les ressources utilisées pour la transplantation de patients venant de l’extérieur d’un pays qu’il s’agisse d’organes, de professionnels ou de centres de transplantation réduisent les capacités de ce pays à répondre aux besoins de transplantation de sa propre population.

Les principales recommandations de la déclaration visent à répondre au besoin d’augmenter le don d’organes cadavériques en encourageant les pays à partager leurs informations, leur expertise et leur technologie avec ceux qui cherchent à améliorer leurs efforts en matière de dons d’organes. L’objectif est d’assurer « la protection et la sécurité des donneurs vivants ainsi que la juste reconnaissance de leur acte héroïque, tout en luttant contre le tourisme de transplantation, le trafic d’organes et le commerce de transplantation, par la prise en charge des donneurs d’organe, y compris celle des victimes du trafic d’organes, du commerce de transplantation et du tourisme de transplantation ».

La déclaration préconise  la mise en place d’organisations et de structures pour assurer la standardisation, la transparence et la responsabilité du soutien du don. Elle prévoit, en outre, que la compensation financière correspondant à la perte de revenus du donneur et le remboursement de ses dépenses courantes soient pris en charge par l’organisme ayant assuré la greffe plutôt que d’être versés directement par le bénéficiaire au donneur.

IV - LES ÉVOLUTIONS SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES

L'Agence de la biomédecine a lancé avec l'INSERM une expertise collective sur la transplantation d'organes dont les premiers résultats devraient être connus en 2008. Ce travail donnera un éclairage sur les pistes de recherche à poursuivre.

La greffe est un champ médical en progrès constant. Elle bénéficie du développement de nouvelles techniques et de l’acquisition de nouvelles connaissances scientifiques. Deux enjeux focalisent l’attention des médecins et des chercheurs : la pénurie d’organes, contre laquelle on explore de nouvelles sources de greffons et des alternatives à la greffe d’organes, et l’allongement de la vie des greffons et des greffés, qui implique de toujours mieux maîtriser le phénomène de rejet.

A - LA LUTTE CONTRE LA PÉNURIE DE GREFFONS

1 - L’utilisation d’organes « à critères élargis »

Avec les progrès de la greffe, des organes qui autrefois pouvaient être exclus du prélèvement sont désormais examinés au cas par cas. Deux critères conditionnent le choix de prélever : l’état de l’organe et l’existence en liste d’attente d’une personne à qui la greffe de cet organe, avec ses caractéristiques et ses éventuelles imperfections, apportera plus de bénéfices que de risques.

Entrent dans cette catégorie les reins prélevés sur des personnes de plus de 60 ans, qui sont souvent hypertendues ou diabétiques. Ces reins sont greffés à des malades de même classe d’âge présentant de ce fait les mêmes caractéristiques. Le suivi des patients greffés montre un réel bénéfice en termes de survie comparé au traitement par dialyse.

2 - Les solutions d’attente à la greffe

Les greffons cardiaques vont en priorité aux malades les plus menacés, car ce sont eux qui en bénéficieront le plus. Mais certains patients en liste d’attente se dégradent très rapidement. Les greffés rénaux bénéficiaient depuis longtemps de la dialyse, ou rein artificiel. Les chirurgiens cardiaques se sont de intéressés au cœur artificiel.

De machines énormes, réservées à l’assistance cardiaque à l’hôpital, on est parvenu récemment à concevoir des dispositifs miniaturisés qui peuvent être en partie implantés dans le cœur même du malade, l’autre partie étant constituée d’une mécanique extracorporelle portable, et qui permettent aux malades de retourner vivre à son domicile. Plus que des alternatives à la greffe, ces appareils d’assistance cardio-circulatoire sont pour le moment plutôt considérés comme des solutions d’attente.

D’autres travaux sur les organes artificiels – foie, poumon, pancréas, etc.- ont été menés, mais jusqu’ici les résultats ne sont pas concluants

3 - Des tentatives pour réanimer les greffons

Très récemment, en Suisse, le Professeur Jean-Bernard BUCHS a développé avec son équipe une machine de haute technologie qui permet de maintenir en vie les organes et de les réanimer. Elle permettrait de contrôler les organes de donneurs de plus de 60 ans, le plus finement possible. Grâce au travail collectif réalisé avec l'équipe du Centre d'imagerie biomédicale, les organes sont analysés par un appareil de résonance magnétique nucléaire (IRM) afin de savoir s'ils pourront reprendre une fonction après qu'ils aient été greffés. Une fois réanimés et testés, ils peuvent être conservés quelques heures jusqu'au moment de la transplantation dans des solutions spéciales à une température de 4 degrés.

La machine qui s'intègre dans l'IRM permet de rechercher d'éventuelles tumeurs microscopiques. Elle vérifie en temps réel si la circulation s’opère normalement dans les organes. Cette technique permettrait de réanimer et d'évaluer l'état de vie des organes et d'augmenter le nombre de greffons disponibles d'environ 30%. Les études ont été conduites expérimentalement sur des porcs.

4 - Le redémarrage du greffon cardiaque

Une innovation controversée est utilisée par plusieurs hôpitaux américains. Immédiatement après le diagnostic d'arrêt cardiaque, une machine miniaturisée de circulation extracorporelle est branchée sur veine et artère du donneur : elle pompe et oxygène le sang à la place du cœur et des poumons ; elle permet donc de «sauver» le futur greffon cardiaque, mais elle retarde alors la destruction du cerveau, un des critères impératifs de la mort.

B - LA THÉRAPIE CELLULAIRE

On sait greffer des organes, des tissus, mais également des cellules dotées de fonctions particulières. Depuis le milieu des années quatre-vingt dix, on greffe ainsi des îlots de Langerhans, amas de cellules du pancréas, en remplacement de certaines greffes pancréatiques.

1 - La réparation de l’organe

Plusieurs équipes de chercheurs travaillent actuellement à une nouvelle application de la greffe cellulaire : réparer un organe en utilisant des cellules souches. Les cellules du donneur sont « greffées » par injection intraveineuse, comme s’il s’agissait d’une transfusion sanguine.

En revanche, on ne sait pas encore réparer un organe avec de telles cellules. Quant à reconstituer un organe intégralement avec de telles cellules, cela n’est pas envisagé à ce jour. Un organe est en effet constitué de plusieurs types cellulaires imbriqués selon une architecture complexe.

Le Professeur Philippe MENASCHE, chirurgien cardiaque et directeur d’unité INSERM, et son équipe travaillent depuis plusieurs années à « réparer » des cœurs qui ont par exemple subi un infarctus du myocarde. L’objectif est de recoloniser la zone de tissus morts avec des cellules souches susceptibles de la restaurer. Tout l’enjeu est d’identifier les meilleures cellules réparatrices. Plusieurs voies sont explorées : cellules souches musculaires prélevées sur le malade même, cellules souches embryonnaires. La seconde voie apparaît comme la plus prometteuse. Seule une cellule sur dix survit après la greffe : la priorité aujourd’hui est d’améliorer ce taux de survie.

2 - Le cœur bio-artificiel

Début 2008, avec un cœur de rat mort et des cellules vivantes de cœurs de rats nouveaux nés, des chercheurs de l'Université du Minnesota (Minneapolis, États-Unis) ont réussi à créer en laboratoire un cœur battant de rat, à partir d'un organe d'un animal mort et de cellules cardiaques néonatales de rat. Pour ce faire, ils ont éliminé la totalité des cellules de cet organe, grâce au procédé dit de « décellularisation », ne laissant que « la matrice extra-cellulaire », l'échafaudage sur lequel reposent les cellules. Ils ont ensuite injecté dans cette matrice des « cellules progénitrices » issues de cœurs de rats nouveau-nés et ont placé cette structure dans une préparation stérile.

Quatre jours après, des contractions étaient observées et huit jours après, le cœur avait une fonction de pompe équivalant à environ 2 % de la fonction d'un cœur adulte. L’intérêt de cette avancée scientifique serait de développer des vaisseaux sanguins ou des organes transplantables et fabriqués à partir des propres cellules d'un individu.

S'il était mis au point chez l'homme, le «cœur bio-artificiel» pourrait augmenter le nombre de cœurs disponibles pour une transplantation en allongeant la durée d'utilisation de l'organe après le décès du donneur (aujourd'hui de 4 heures au maximum).

L'objectif suivant sera de transplanter ces cœurs bio-artificiels afin d'explorer leur fonctionnalité « in vivo ».

Ces recherches reposent sur l’utilisation de cellules souches embryonnaires. Elles démontrent la nécessité de continuer les recherches sur ces cellules.

C - LA MAÎTRISE DU PHÉNOMÈNE DE REJET

Sans maîtrise du phénomène de rejet, l’essor de la greffe n’aurait pas été possible. Le rejet est un phénomène naturel : face à un corps étranger, l’organisme humain a comme première réaction de chercher à l’éliminer. Jusqu’à la fin des années cinquante, il a constitué un frein essentiel à l’essor de la greffe d’organes. La découverte du système HLA (Human Leucocyte Antigen) et le développement d’une famille de médicaments bien particulière, les immunosuppresseurs, sont deux étapes importantes de l’histoire de la greffe.

Le système HLA est un groupe de gènes qui codent pour des protéines particulières. Ces protéines sont présentes dans toutes les cellules du corps. Elles permettent à l’organisme de distinguer les cellules qui lui appartiennent, y compris les cellules du sang, des cellules étrangères. Ces marqueurs génétiques sont très variés et, sauf exception (vrais jumeaux), on peut considérer que chaque individu possède une combinaison HLA qui lui est propre.

Lorsqu’on attribue un greffon à un malade, on veille systématiquement à ce que les groupes sanguins du donneur et du receveur soient compatibles. En revanche, il est quasiment impossible de trouver, parmi les donneurs, une personne rigoureusement identique au receveur pour l’identité HLA.

L’introduction dans l’organisme d’un organe qui n’a pas le même système HLA est immédiatement perçue comme une agression. Il déclenche une réaction de type immunitaire, comme s’il s’agissait d’un virus ennemi. C’est le phénomène de rejet

1 - Les médicaments immunosuppresseurs

Le rejet est prévenu et combattu en bloquant partiellement le fonctionnement du système de défense immunitaire. Ce blocage n’est pas spécifique : il agit contre le rejet mais il affaiblit également les défenses de l’organisme contre d’autres types d’agression. On utilise pour cela des médicaments « immunosuppresseurs ». Chaque patient greffé se voit administrer un traitement combinant plusieurs molécules avec différents modes d’action, qui conditionne sa survie et sa qualité de vie. La combinaison médicamenteuse est adaptée en fonction du type de greffe, de l’état du patient et de sa tolérance aux médicaments.

De plus en plus efficaces et maîtrisés, les traitements immunosuppresseurs ont de nombreux effets indésirables. En premier lieu, ils ont l’inconvénient de rendre l’organisme plus vulnérable aux maladies infectieuses (virales, bactériennes, fongiques) et aux tumeurs cancéreuses. L’adaptation du traitement année après année et la lutte contre les pathologies opportunistes astreignent chaque personne greffée à un suivi médical à vie.

2 - Les recherches en cours

Un colloque s’est tenu en février 2008 à l’Académie des sciences sur la recherche en transplantation52. Des progrès dans les recherches sur les marqueurs de hauts risques immunologiques, la tolérance aux immuno suppresseurs, la détection des intolérances ont été décrits.

Pour le Professeur Robert LECHLER du King's College de Londres, d'énormes défis se présentent aux chercheurs. Il s'agit d'abord d'obtenir une extension importante du taux de survie moyen des organes greffés. À plus long terme, l'expert britannique envisage de se passer des immunosuppresseurs (toxiques) qui demeurent une lourde contrainte pour les bénéficiaires du don d'organe.

La première cible des chercheurs est le système HLA dont l’importance est capitale dans le rejet ou l'acceptation d'un greffon, mais aussi dans les maladies auto-immunes, et la transfusion. C'est également le système génétique humain, le plus polymorphe qui soit. Il y a six gènes sur le chromosome 6, chacun étant responsable d'un groupe d'antigènes ayant des rôles importants dans la défense des maladies, la reproduction, le cancer, etc.

Selon le Professeur Dominique CHARRON, Directeur d’Unité INSERM (immunologie biologique), pour chaque emplacement chromosomique, les variations individuelles sont gigantesques : la science a déjà répertorié et typé «plus de 3 000 allèles HLA et en prenant en compte les allèles non exprimés, on devrait atteindre les 6 000 variantes», ce qui explique la difficulté de trouver un donneur compatible avec un receveur. Au cours de la dernière décennie, la notion de l'immunogénétique, dite non-HLA est apparue. «Tout n'est pas dans les gènes, et le projet Human Epigenome va étudier les antigènes importants dans la prise de greffe dans chaque tissu, les variations interindividuelles, le profil de méthylation des protéines codées». Certaines substances ayant un rôle de signalisation (les cytokines) conditionnent, plus encore que le HLA, le succès de la prise de transplantation de cellules souches. Des mutations de certains facteurs de croissance tissulaire ont un rôle capital dans le succès des greffes de rein.

Le HLA, n'a pas encore révélé tous ses secrets : «Le développement des biothérapies immunitaires doit faire anticiper un fort développement de l'immuno pharmacogénétique du système HLA, et des autres gènes du complexe majeur d'histocompatibilité».

Ainsi parmi les gènes du groupe HLA, le système G qui est responsable de la tolérance immunitaire du fœtus par la mère lors de la grossesse varie peu (il n'y a que 7 isoformes protéiques connues) et son expression est restreinte : Mme Nathalie ROUASS-FREISS, directeur de recherches au Commissariat de l'énergie atomique, a observé que «dans une étude sur les greffes cardiaques, sur 51 sujets étudiés, 9 receveurs exprimaient la protéine du HLA-G. Ils avaient tous eu un nombre réduit d'épisodes de rejet. De même dans les greffes hépato-rénales, l'expression de la molécule G était associée, chez le greffé, à une meilleure acceptation du greffon».

De multiples preuves de son rôle «immuno-modulateur » ont poussé les chercheurs dans deux directions : la molécule G pourrait devenir un marqueur applicable en clinique du suivi de la greffe. Et elle pourrait devenir un médicament antirejet : des microbilles revêtues de la protéine HLA-G injectées à l'animal ont déjà permis l'allongement de la survie de greffes de peau expérimentales chez la souris.

D - L’ALLO-TRANSPLANTATION DE TISSUS COMPOSITES : LES INTERROGATIONS ÉTHIQUES SUR LA TRANSPLANTATION FACIALE

En novembre 2003, le Collège royal des chirurgiens anglais était la première société savante au monde à traiter de la transplantation faciale. Son rapport rappelait que la greffe du visage implique d’enlever le visage mais également les muscles faciaux et la graisse sous-cutanée sur le receveur et sur le donneur, les lèvres, le menton, les oreilles, le nez, huit artères et même du tissu osseux. La musculature du visage est propre au crâne sur lequel elle se développe. Les muscles faciaux d’une personne doivent ainsi être "re-sculptés" s’ils doivent être transplantés sur un autre crâne.

Début mars 2004, l’avis n°82 du CCNE avait considéré qu’une greffe totale de visage était déraisonnable, cette alternative ne permettant pas de revenir en arrière. En raison des risques de rejet ou d’infection, le remède pourrait se révéler pire que le mal que le CCNE jugeait comme un « handicap sans risque vital ». L’expression « greffe du visage » doit être combattue. On ne greffe jamais un visage mais un tissu composite. Il faut donc combattre les fantasmes associés à une telle intervention qui reste une allogreffe de tissu composite destinée à réparer un visage déformé ou détruit. C’est pourquoi l’idée même de retrouver le visage d’un autre sur un visage n’a pas de sens autre qu’imaginaire. Les autres greffes de tissu composite privilégient le plus souvent la récupération d’une fonction alors qu’ici on tend à la reconstitution d’une forme « acceptable ».

Si l’avis était négatif concernant le remplacement total d’un visage, il laissait la porte ouverte à des greffes partielles reconstituant le triangle bouche-nez-menton en tant qu’ultime recours et suivant un protocole précis.

Une première française de greffe partielle de la face concernant le nez, les lèvres et le menton a été réalisée en novembre 2005 par les équipes des Professeurs DEVAUCHELLE, TESTELIN et DUBERNARD. Cette greffe a suscité des questionnements, mais aussi de grands espoirs chez des personnes gravement blessées et handicapées.

E - LES XÉNOGREFFES

1 - Des tentatives infructueuses

En octobre 1984, un nouveau-né, la petite Fay, souffrant de problèmes cardiaques graves, subissait la greffe d’un cœur de babouin dans un hôpital américain. Son sort passionna des millions de personnes. Mais, 20 jours après la transplantation, le conte de science-fiction tourna à la tragédie et Fay mourut le 15 novembre 1984. Sa mère reprocha aux médecins de ne pas l’avoir informée des dangers potentiels de l’opération. Les chirurgiens ignoraient à l’époque que l’enjeu dépassait largement la vie de ce bébé.

Environ 25 transplantations de ce type ont été tentées, – la plus récente remonte à 1993 avec des reins, des cœurs ou des foies de babouins ou autres singes. Le taux de survie a été très faible : la plupart des patients sont morts dans les semaines suivantes. Cependant, grâce aux progrès de la biotechnologie, on envisage de tenter de nouvelles expériences. Des scientifiques américains ont déjà implanté des cellules de porc chez des patients diabétiques ou atteints de la maladie de Parkinson. Des gènes d’intérêt humains sont clonés et transférés dans des embryons en vue de développer des lignées de porcs transgéniques «humanisés». Ces ajouts génétiques se sont montrés efficaces lors de tests effectués sur des primates.

Le regain d’intérêt pour les xénogreffes s’accompagne d’une inquiétude croissante: un virus présent chez le porc pourrait être transmis au patient puis à d’autres humains, entraînant une pandémie.

2 - Les recherches en cours

En temps normal, le corps humain considérerait un organe porcin comme un dangereux «intrus» et le détruirait en quelques minutes en le privant de tout apport sanguin. Les laboratoires ont trouvé le moyen de contourner ces défenses immunitaires en introduisant des protéines de surface humaines dans les organes de porc, par une manipulation génétique. Ces protéines donneraient en quelque sorte à l’organe porcin un déguisement humain.

TROISIÈME PARTIE
L’ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION (AMP)

L’AMP renvoie à la sphère de l’intime, elle met en jeu le désir de procréer de personnes infertiles, l’intérêt de l’enfant à naître, et l’action de ceux qui aident à ces naissances. Elle interroge la société sur le modèle de filiation qui la fonde et à ce titre intéresse fortement les générations futures. Elle implique de nombreuses disciplines, et incite à une réflexion interdisciplinaire approfondie.

Le Professeur Henri ATLAN a rappelé que la procréation sans sexualité constitue une nouveauté radicale dans l’histoire de l’humanité. … « Face à ces questions, un éventail de réponses législatives existe et, dans cet éventail, deux extrêmes. L’un est celui qui a cours aux États-Unis, pays dans lequel la valeur suprême est celle de la liberté individuelle. La décision appartient à l’individu quel qu’il soit : homme, femme, couple, hétérosexuel, homosexuel. À l’autre extrême, se trouve la position de la France où c’est la société qui décide qui a accès aux techniques, et la loi prévoit que cet accès est réservé aux couples hétérosexuels stables. Ces deux positions extrêmes ont chacune des avantages et des inconvénients. La position individualiste respecte le désir de chacun en toutes circonstances, mais crée une inégalité par l’argent puisque chacun doit supporter le coût financier de l’opération. En revanche, la position française peut se prévaloir de l’avantage de l’égalité au moins dans le principe puisque les frais sont pris en charge par la société. Cependant elle implique ce que certains considèrent comme une intrusion insupportable dans la vie privée ».53

Les rapporteurs estiment que les droits de chaque intervenant dans le processus d’assistance médicale à la procréation doivent être pris en considération, avec un souci constant de protéger l’enfant à naître, adulte de demain qui ne manquera pas de questionner la société, voire le législateur, sur les conditions de sa naissance.

Ils sont conscients, comme l’a relevé Mme Catherine LABRUSSE-RIOU, Professeur de droit à l’université de Paris I, que « par l’effet des progrès, ou des pouvoirs, qui s’exercent sur sa conception et sur sa venue au monde, l’enfant se trouve en quelque sorte sous la puissance des adultes »54. Il est nécessaire que chacun ait une identité généalogique et soit rattaché à un père et à une mère dont ils dépendent.

La législation de 2004, en faisant référence à l’assistance médicale à la procréation plutôt qu’à la procréation médicalement assistée vise à :

combattre l’infertilité d’un couple stable ;

- préciser que la médecine doit aider la naissance d’enfants de couples infertiles sans s’ingérer dans le processus d’apparition de la vie ;

- répondre à la demande parentale d’un couple en remédiant à l’infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué ;

- éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité ;

- prévenir l’altération éventuelle, relative à une prise en charge médicale par recueil et conservation de gamètes ou de tissu germinal ;

La loi de 2004 n’a pratiquement pas remis en cause les fondements de celle de 1994, les débats s’étant focalisés sur d’autres points.

Ce sont donc des dispositions en grande partie issues de la loi n°94-654 du 29 juillet 1994 relative à l’utilisation des éléments du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, qui devront être réexaminées avec un recul de près de 15 ans, à la lumière des évolutions de la science, de l’impact des technologies nouvelles, des exigences de la société, de l’émergence de nouveaux modèles familiaux et juridiques, dans un monde globalisé dans lequel l’information circule en temps réel. L’accès à Internet, la diversité des législations nationales comme les progrès scientifiques et techniques ont largement modifié les comportements.

Les rapporteurs ont entendu des associations impliquées dans l’AMP : l’association Pauline et Adrien, l’association Amphore, l’association Maia, l’association CLARA (Comité de soutien pour la légalisation de la gestation pour autrui), l’association PMA (Procréation médicalement anonyme), et organisé deux débats : l’un, lors de l’audition publique du 29 novembre 2007, et l’autre, lors de celle du 10 juin 2008. On se reportera au compte rendu des débats figurant dans le tome II du rapport.

I - UN ENCADREMENT STRICT DE L’ACCÈS À L’AMP ET SES CONSÉQUENCES SUR LE DROIT DE LA FILIATION

Le cadre technique de l’assistance médicale à la procréation est délimité par les articles L. 2141-1 et suivants du code de la santé publique, ses conséquences sur la filiation sont définies par les articles 311-19 et 311-20 du code civil.

A - LE CADRE TECHNIQUE DE L’AMP

L’article L. 2141-1 définit l’AMP : « L'assistance médicale à la procréation s'entend des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle, ainsi que toute technique d'effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis de l'Agence de la biomédecine. »

L’article L. 2141-2 en délimite le champ : « L'assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à la demande parentale d'un couple. Elle a pour objet de remédier à l'infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué ou d'éviter la transmission à l'enfant ou à un membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité ».

Ainsi l’AMP est réservée aux couples de sexes différents mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans. Ils doivent être vivants et unis. L’insémination ou le transfert d’embryon n’est pas possible en cas de décès de l’un d’entre eux, de dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps, de cessation de la vie commune ou de révocation écrite de son consentement par l’un ou l’autre.

Les deux membres du couple doivent également être en âge de procréer. La conception in vitro d’un embryon doit être réalisée avec les gamètes d’au moins l’un des deux membres du couple. Le double don de gamètes par des tiers est en principe interdit et le don est anonyme, sauf s’il répond aux critères définis par les articles L. 2141-2 et L. 2142-6 du code de la santé publique.

B - UNE PROCÉDURE RIGOUREUSE AYANT DES CONSÉQUENCES SUR LA FILIATION DE L’ENFANT À NAÎTRE

Préalablement à l’AMP, l’équipe médicale doit procéder à des entretiens avec le couple demandeur, afin de vérifier la motivation de l'homme et de la femme formant le couple et leur rappeler les possibilités ouvertes par la loi en matière d'adoption, de les informer des possibilités d’échec ou de réussite, des risques à court et à long terme, de la pénibilité et des contraintes techniques, et de leur rappeler les règles légales. La demande du couple doit être confirmée, par écrit, à l’expiration d’un délai de réflexion d’un mois à compter du dernier entretien. L’article 2141-10 du code de la santé publique détaille ces règles et la procédure à suivre.

La mise en oeuvre de l'assistance médicale à la procréation doit être précédée d'entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l'équipe médicale pluridisciplinaire du centre auquel ils s’adressent. La demande ne peut être confirmée que par écrit et à l'expiration d'un délai de réflexion d'un mois à l'issue du dernier entretien.

À ces règles, communes à toutes les techniques d’assistance médicale à la procréation, s’ajoutent des dispositions particulières aux techniques de procréation exogène. En effet, le dernier alinéa de l’article précité dispose :

« Les époux ou les concubins qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur doivent préalablement donner, dans les conditions prévues par le code civil, leur consentement au juge ou au notaire ».

1 - L’AMP avec tiers donneur

En cas d’implantation avec tiers donneur, le couple doit exprimer son consentement par acte authentique, devant le président du Tribunal de grande instance ou devant notaire ; le juge ou le notaire doit informer les demandeurs des conséquences de leur engagement, notamment de l’interdiction de contester ultérieurement la filiation (article 311-20 du code civil).

Dans ce cas, « aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de la procréation » et « aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l'encontre du donneur » article 311-19 du code civil.

Ainsi, la loi interdit toute action en contestation de filiation ou en réclamation d’état sauf s’il est soutenu que l’enfant n’est pas issu de l’assistance médicale à la procréation ou que le consentement a été privé d’effet. Il en résulte qu’il est impossible pour l’un des membres du couple de recourir à une expertise génétique à l’étranger après la naissance de l’enfant pour établir devant le juge français qu’il n’est pas le parent biologique. Si le couple est marié, la présomption de paternité s’applique; s’il vit en concubinage, le « père » qui ne reconnaîtrait pas l’enfant issu de la procréation assistée à laquelle il a consenti engagerait sa responsabilité envers la mère et envers l’enfant.

Donner une filiation stable et incontestable à l’enfant, tel a été le souci du législateur car ce mode de procréation introduit un hiatus entre filiation biologique et filiation juridique. C’est la raison pour laquelle la procréation avec tiers donneur est traitée par le code civil. Les règles applicables à l’assistance médicale à la procréation ont été conçues à l’origine pour aider les couples infertiles, l’intérêt de l’enfant, ses possibles questionnements étant pris en compte surtout à travers des règles protectrices de sa filiation.

Comme le montre Mme Geneviève DELAISI de PARSEVAL, psychanalyste, dans son ouvrage « Famille à tout prix », le législateur s’est inspiré du modèle d’établissement de la filiation naturelle fondée sur le lien biologique pour traiter de la procréation avec donneur. Le donneur anonyme s’efface pour faire place au mari ou au compagnon de la mère. La donneuse d’ovocyte s’efface aussi, puisque la mère est celle qui accouche.

2 - Le don d’embryon

Il est fréquent que les couples disposent d’embryons qui n’ont pas été implantés lors des tentatives de fécondation. Pour éviter une conservation illimitée des embryons in vitro, chaque année les deux membres du couple sont consultés par écrit par les équipes médicales sur le point de savoir s’ils maintiennent ou non leur projet parental (article L. 2141-4 du code de la santé publique).

S’ils n’ont plus de projet parental ou en cas de décès de l’un d’eux, les deux membres du couple ou le survivant, peuvent consentir à l’accueil d’embryons par un autre couple. Lorsque les deux membres d'un couple, ou le membre survivant, ont consenti, dans les conditions prévues aux articles L. 2141-5 et L. 2141- 6, à l'accueil de leurs embryons et que ceux-ci n'ont pas été accueillis dans un délai de cinq ans à compter du jour où ce consentement a été exprimé par écrit, il est mis fin à la conservation de ces embryons.

Les centres constatent d’ailleurs qu’il arrive que les couples ne répondent pas à leur sollicitation car la décision est difficile à prendre. D’après les psychologues, il n’est pas simple d’assumer l’existence d’embryons surnuméraires, de décider de mettre fin à un projet parental et de l’exprimer. Mme Geneviève DELAISI de PARSEVAL, psychanalyste a attiré l’attention des rapporteurs à ce sujet55.

Les articles L. 2141-4 et suivants du code de la santé publique réglementent le don d’embryons. Le consentement au don d’embryon(s) est exprimé par écrit, et confirmé par écrit devant l’équipe médicale après un délai de réflexion de trois mois. Ce consentement par écrit est précédé d’un entretien avec l’équipe médicale, d’un contrôle de l’inexistence de certaines maladies ou d’infections. Ce consentement confirmé est réitéré devant le Président du tribunal de grande instance dans le ressort du centre d’assistance médicale à la procréation.

En effet, l’accueil d’un embryon par un couple, qui déroge au principe de l’interdiction du double don de gamètes, est subordonné à une décision de l’autorité judiciaire après réception du consentement écrit du couple demandeur (article L. 2141-6 du code de la santé publique). Le juge doit s’assurer que le couple remplit toutes les conditions légales et fait procéder à une enquête permettant d’apprécier les conditions d’accueil de l’enfant sur les plans familial, éducatif et psychologique.

Cette procédure s’inspire de l’enquête qui conditionne la délivrance de l’agrément pour l’adoption. Le consentement peut être révoqué par écrit par l’un ou l’autre membre du couple, et devient caduc en cas de décès, de dépôt d’une requête en divorce ou en séparation de corps, ou de cessation de la vie commune.

Ainsi le modèle de la filiation adoptive plénière négligé dans l’AMP avec tiers donneur apparaît dans le cas de l’accueil d’un embryon ne faisant plus l’objet d’un projet parental.

Il efface le couple à l’origine du don, et renforce l’anonymat des donneurs. À ce titre Mme Pauline TIBERGHIEN56, présidente de l’association Procréation médicalement anonyme (PMA), y est hostile, car cela brouille encore plus l’accès aux origines de l’enfant à naître.

3 - Assistance médicale à la procréation et adoption

L’article L 2141-10 du code de la santé publique fait allusion à l’adoption. Il dispose : « La mise en oeuvre de l'assistance médicale à la procréation doit être précédée d'entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l'équipe médicale…. Ils doivent notamment :

1° Vérifier la motivation de l'homme et de la femme formant le couple et leur rappeler les possibilités ouvertes par la loi en matière d'adoption »

Il est certes utile de rappeler qu’il est possible d’adopter un enfant. Chacun sait que dans le cas de l’adoption, il s’agit de donner des parents à un enfant qui n’en a pas ou plus, et dans le cas de l’AMP, il s’agit d’aider un couple infertile à avoir un enfant. Toutefois, les rapporteurs s’interrogent sur l’impact de cette disposition dans la pratique. L’adoption est-elle présentée comme une démarche concurrente et incompatible avec l’AMP ? A contrario, le couple qui souhaite obtenir un agrément en vue d’une adoption doit-il cacher son engagement dans un parcours d’AMP ?

Le fait d’avoir déjà des enfants ne retire pas à un couple le droit d’adopter. S’engager dans un parcours d’AMP ne devrait pas valoir renonciation implicite à entreprendre des démarches en vue d’adopter un enfant.

Dans la pratique c’est le cas, ce qui conduit les couples à cacher le fait qu’ils mènent les deux démarches parallèlement, pour être plus surs d’avoir un enfant, et éviter les limites d’âge attachées à l’adoption comme à l’AMP.

Lors des entretiens que les rapporteurs ont eus avec Mme Laure CAMBORIEUX, présidente de l’association Maia57, cette question a été évoquée. Ainsi pour obtenir l’agrément à adoption, les couples prétendent avoir « fait le deuil de l’enfant biologique », ce qui rassurerait les services sociaux. En revanche, lors de la mise en oeuvre de l’AMP, les couples prétendent qu’ils ne souhaitent pas adopter un enfant.

Recommandation

Les rapporteurs s’interrogent sur les effets pervers de la mise en concurrence indirecte de deux démarches distinctes d’accession à la parenté que sont l’adoption et l’AMP. Ils estiment que l’une n’exclut pas l’autre.

Il conviendrait de :

- clarifier la pratique des centres d’AMP vis-à-vis des couples qui souhaitent également adopter un enfant,

- éviter de poser des questions sur « le deuil de  la parenté biologique » lors de l’agrément pour adoption.

II - LES FONDEMENTS DE LA LOI DE 2004 EN DÉBAT : DROIT DE L’ENFANT/ DROIT À L’ENFANT

A - DES INTERROGATIONS SUR LA RIGIDITÉ DU CADRE DE L’ACCÈS À L’AMP

Selon le conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, chaque année en France, plus de 6 000 enfants naissent après AMP sur un total de plus de 700 000 naissances. Un couple sur 6 consulte pour des problèmes d’infertilité, définie comme l’absence de grossesse après deux ans de rapports sexuels réguliers sans contraception. Cependant, malgré les progrès constants des techniques de procréation, 4 à 7% des couples dont la femme est en âge de procréer, resteront infertiles définitivement. De nombreuses critiques apparaissent : pratiques trop encadrées par la loi, trop restreintes pour les couples, trop limitées dans les centres d’AMP ; taux d’échecs trop importants en France ; inégalités financières entre les couples ; « tourisme procréatif ».

Ces critiques ont largement été relayées par Mme Laure CAMBORIEUX, présidente de l’association MAIA, et partiellement reprise par Mme Dominique LENFANT de l’association Pauline et Adrien.58

1 - La notion de couple stable

Mme Dominique MEHL, directrice de recherche au CNRS, a estimé que les conditions posées par la loi « les unes après les autres, vacillent sur leur socle du fait de l’évolution des pratiques et des mentalités, ainsi que des mouvements qui se manifestent dans la société ». Selon elle, « certaines conditions d’accès, comme le concubinage notoire depuis deux ans, sont déjà caduques. Certains médecins admettent que ces certificats ne servent à rien car ils s’obtiennent très facilement »59. D’autres interlocuteurs ont émis le même avis.

Un certain nombre de questions se posent, telles que la définition de la stérilité, l’ouverture de l’AMP aux célibataires, et aux personnes de même sexe, l’adoption leur étant déjà ouverte. Les personnes de même sexe demandent que la stérilité soit définie par les conditions sociales dans lesquelles se situent les couples.

a) L’accès des femmes célibataires à l’AMP

Certains pays comme la Grèce, le Portugal, l’Espagne, les Pays-Bas, la Belgique, la Grande-Bretagne ou la Hongrie autorisent l’AMP chez des femmes célibataires. Faut-il autoriser l’accès à l’AMP aux femmes seules et si c’est le cas, avec quelle technique? Insémination intra-utérine avec sperme de donneur, fécondation in vitro, accueil d’embryon ?

Pour le Professeur François THÉPOT, adjoint au directeur médical de l’Agence de la biomédecine, les conditions d’accès à l’AMP sont établies à partir de l’infertilité médicalement constatée. « Ainsi, en matière de certificat de concubinage, les deux ans exigés correspondent, d’un point de vue médical, au temps pendant lequel un couple doit être exposé à la grossesse pour prouver l’infertilité. Le système peut paraître cohérent sur la base de cette option »60.

Selon le Professeur  Pierre JOUANNET, vice-président du Comité médical et scientifique de l’Agence de la biomédecine,  « la société française a décidé à travers le législateur que cette technologie ( AMP) pouvait être utilisée pour résoudre un manque d’enfant quand existe un problème médical. D’autres pays ont procédé différemment. D’autres choix sont donc possibles. Toutefois, si nous décidions de changer, nous ferions un bond que certains appellent anthropologique. D’un côté, nous décidons de résoudre un problème de stérilité. De l’autre, nous optons pour une procréation en dehors de toute question de stérilité. Il précise : « Une femme seule qui recourt à une AMP qui le décide parce qu’elle est seule, a ensuite la possibilité de ne pas y recourir si plus tard elle rencontre un homme ; ce n’est pas le cas d’une femme stérile qui aura toujours besoin d’une AMP ».

Il rappelle que « le législateur, en 1994, souhaitait une certaine stabilité du couple. Pour n’importe quelle équipe médicale qui utilise ce genre de techniques et pour les personnes concernées, cette stabilité n’est pas une notion complètement étrangère à la démarche. La durée exigée est un détail, tout comme l’existence ou pas d’un acte de mariage, mais la stabilité est fondamentale »61.

Mme Geneviève DELAISI DE PARSEVAL estime qu’il faut préciser la notion de « couple » prévue par la loi et se demande pourquoi traiter différemment un parent qui peut adopter seul mais qui ne peut avoir accès à l’AMP.

b) L’accès des couples homosexuels

L’article L 2141-2 du code de la santé publique réserve l’accès à l’AMP à un couple « classique » formé d’un homme et d’une femme, en âge de procréer, mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune depuis deux ans, vivants, et non divorcés ou séparés.

Mme Frédérique DREIFUSS-NETTER, Professeur de droit à l’université Paris-Descartes, membre du CCNE relève que « le droit de l’assistance médicale à la procréation apparaît, aujourd’hui, en porte-à-faux à la fois avec les grandes tendances du droit de la famille, et avec l’évolution de la notion de filiation du fait du pluralisme des modèles familiaux dans la société. Ce modèle ne correspond plus à la diversité des types sociologiques de famille, en particulier avec le développement de la famille monoparentale. En outre, au nom de l’égalité, une évolution tendant à consacrer les droits des couples homosexuels est apparue dans le domaine de l’adoption » 62.

Dans son avis n° 90 du 24 novembre 2005 « Accès aux origines, anonymat et secret de la filiation », le CCNE n’avait pas pris position sur la distinction « homoparentalité/monoparentalité » en indiquant à propos de cette dernière : « La société en effet se considère comme protectrice des intérêts de l’enfant et exige un certain nombre de garanties d’ordre moral, économique et social. L’adoption a été ouverte à des personnes seules, afin de permettre à un plus grand nombre d’enfants de trouver un foyer d’accueil fût-il monoparental. Cet accès d’une personne seule à l’adoption a, de fait, entrouvert la porte à l’homoparentalité dans la mesure où l’orientation sexuelle d’une personne ne saurait être prise en compte pour évaluer sa capacité à prendre en charge le devenir d’un enfant.»

La Cour Européenne des Droits de l’Homme est intervenue à ce sujet, le 22 janvier 2008, en invoquant la discrimination pour une femme homosexuelle française qui n’avait pas pu adopter d’enfant. Elle a condamné la France pour violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination), ce qui ouvrirait la voie de l’homoparentalité.

Nombreux sont ceux qui se rendraient à l’étranger notamment en Belgique aux fins d’obtenir une fécondation in vitro avec tiers donneur, puis qui reviennent en France et tentent de faire reconnaître, au moins devant le juge aux affaires familiales dans le cadre d’une délégation d’autorité parentale, les droits et obligations du membre du couple non géniteur sur l’enfant né, l’adoption n’étant pas encore permise en France, comme c’est le cas aux Pays-Bas, en Belgique ou en Espagne.

Dans un rapport d’information issu d’une audition publique d’experts éminents, présenté au nom de la Commission des lois du Sénat sur « les nouvelles formes de parentalité et le droit », le sénateur Jean-Jacques HYEST constatait « la question de l’homoparentalité a fait l’objet de débats passionnés. Si le consensus semble se faire jour sur le fait qu’un parent a les mêmes compétences éducatives quelle que soit sa sexualité, la question de l’ouverture aux couples homosexuels de l’adoption et de la procréation médicalement assistée à l’instar de certains États européens semble plus problématique » 63.

Il explique que le sérieux des différentes études relatives au bien-être des enfants élevés par un couple de même sexe a été contesté par certains participants à l’audition publique tandis que d’autres jugeaient que la législation française était discriminatoire, tant pour les aspirants parents que pour les enfants, et ne pouvaient de toute façon empêcher le développement d’un « tourisme procréatif ».

Recommandation

Le délai de deux ans de stabilité est parfois critiqué, faut-il que la loi définisse ainsi le couple stable ? Qu’en est-il si les causes de l’infertilité de l’un des partenaires sont préexistantes à la constitution du couple ? De même, les rapporteurs s’interrogent sur l’accès des femmes célibataires à l’AMP ce qui remettrait en question le modèle issu de la loi de 2004.

Certes, de nouvelles formes de parentalité existent, les familles sont souvent recomposées, ou monoparentales, cependant les rapporteurs considèrent que les techniques d’AMP étant lourdes, difficiles à mettre en oeuvre, elles doivent être réservées aux stérilités médicalement avérées.

Il conviendrait, cependant de :

- reconsidérer la notion de couple stable, le délai de deux ans de stabilité,

- ouvrir aux femmes célibataires médicalement infertiles l’accès à l’AMP avec un suivi psychologique,

- mener un débat approfondi sur l’accès des couples homosexuels à l’AMP lors de la révision de la loi.

2 - Le transfert d’embryon post mortem

a) Les situations envisagées

L’article. L. 2141-2 du code de la santé publique issu de la loi de 2004 a précisé les situations mettant obstacle à l’insémination intra-utérine ou au transfert d’embryons : dépôt d’une requête en divorce ou en séparation de corps, cessation de communauté de vie, révocation par écrit du consentement de l’homme ou de la femme.

Le divorce, la séparation de corps, la cessation de la vie commune, le défaut de consentement sont des raisons peu contestées de mettre fin au processus l’AMP. La question de l’insémination et surtout du transfert d’embryon post mortem se pose. Ils ne sont pas autorisés y compris quand le membre du couple décédé a manifesté sans équivoque sa volonté de recourir à d’assistance médicale à la procréation. Cette interdiction a été justifiée par le respect dû à l’enfant eu égard aux difficultés quant au droit de la filiation et des successions. Toutefois, cette interdiction apparaît sévère pour le membre du couple survivant qui peut par ailleurs consentir au don de ses embryons en vue d’un accueil par un autre couple et elle le sera d’autant plus si on ouvrait l’AMP aux femmes célibataires.

Deux situations doivent être distinguées. En cas d’insémination post-mortem, il s’agit d’utiliser du sperme conservé d’un homme défunt qui n’aurait pas forcément donné son accord à ce geste s’il était vivant au moment de l’insémination, son consentement ayant été donné au moment du recueil de sperme. Dans ce cas, l’acte volontaire qu’est le don du sperme doit-il prévaloir sur toute autre considération, et le décès conduire à la destruction des paillettes de sperme conservées, ou au contraire doit-on estimer que ce sperme était destiné à l’insémination demandé par le couple ayant un projet parental ? Pour les rapporteurs seul l’existence de l’embryon fait sens.

En cas de transfert d’embryons post-mortem, le consentement du conjoint, acte volontaire de donner son sperme, a été obtenu au moment de la réalisation de la fécondation in vitro FIV ou de la micro-injection ovocytaire de spermatozoïdes (ICSI), dont le but est l’obtention d’embryons et leurs transferts, mais ne peut pas être, par définition, confirmé au moment du geste médical. Le transfert d’embryons n’est donc pas possible, et une femme veuve, ayant des embryons congelés, ne peut que les laisser détruire, les donner en vue de recherches, ou les donner à un autre couple (accueil d’embryons), mais non les adopter alors qu’elle pourrait adopter l’enfant d’un autre.

b) L’affaire PIRES

Avant toute loi de bioéthique, le TGI de Créteil (1984) avait ordonné au CECOS la remise à une veuve du sperme conservé de son mari, alors que face à une même demande le TGI de Toulouse y avait opposé un refus de principe, suivi par la Cour d'appel de Toulouse le 18 avril 1994. L’affaire fit grand bruit.

Les époux PIRES avaient fait procéder à une fécondation in vitro qui avait abouti à la constitution de quatre embryons dont deux avaient été transférés sans succès. En 1990, M. PIRES étant décédé accidentellement, son épouse avait demandé à l’hôpital, le transfert des embryons restants, ce qui lui avait été refusé, notamment au motif que le couple avait signé un document indiquant qu'au décès de l'un d'eux, les embryons non transférés seraient détruits. Mme PIRES fut déboutée de sa demande et la Cour d’appel ordonna la destruction des embryons.

Saisie du pourvoi, la première Chambre civile de la Cour de cassation rendit un arrêt le 9 janvier 1996, avant l'entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 1994, estimant que « l'assistance médicale à la procréation ne pouvait avoir pour but légitime que de donner naissance à un enfant au sein d'une famille constituée, ce qui exclut le recours à un processus de fécondation in vitro ou sa poursuite lorsque le couple qui devait accueillir l'enfant a été dissous par la mort du mari avant que l'implantation des embryons, dernière étape de ce processus, ait été réalisée ».

Elle approuvait la Cour d'appel d'avoir appliqué des principes que la loi devait ensuite consacrer. En revanche, elle cassait l'arrêt en ce qu'il a ordonné la destruction des embryons, en appliquant rétroactivement l'article 9 de la loi n° 94-654, prévoyant la fin de la conservation des embryons in vitro conçus avant l'entrée en vigueur de la loi, à la condition que leur accueil soit impossible, et que la conservation ait duré cinq ans.

c) Les éléments du débat

Dans la première version du projet de loi de bioéthique de 2004 issue du Conseil d’État, le transfert post-mortem des embryons avait été proposé dans l’année qui suivait le décès, après un délai de réflexion de la femme de 3 mois, et pour l’obtention d’un seul enfant. Cette disposition a été ensuite supprimée du texte de loi définitif.

Le Professeur Jean-françois MATTEI, président de la Croix-Rouge française, a expliqué aux rapporteurs pourquoi il n’était pas favorable au transfert d’embryon post mortem : « il s’agit de cas d’exception, or gérer un ou deux cas annuels entraîne un bouleversement de l’aspect juridique de la filiation. Pour accéder à la demande de transfert post mortem, comme c’est une responsabilité partagée par la société, qui acceptera que cela se fasse, quels seront les critères retenus ? Celui de l’état de santé de la mère ? Qu’en sera-t-il, si elle est toujours en dépression, qu’elle prend des médicaments contre-indiquant une grossesse, va-t-on décaler d’autant la période de transfert ? Par ailleurs, on devra respecter transfert un délai, et il faudra que le couperet tombe. De plus, il faudra trouver une fiction juridique de façon à éliminer tous les problèmes découlent, d’embryon héritier réservataire, etc »64

La mission parlementaire d’information de l’Assemblée sur la famille et les droits des enfants présidée par M. Patrick BLOCHE, député socialiste, dont la rapporteure était Mme Valérie PÉCRESSE, était favorable à la levée de l’interdiction du transfert d’embryon post mortem65. Mme Geneviève DELAISI de PARSEVAL, psychanalyste s’est interrogée sur l’intérêt du maintien de l’interdiction du transfert d’embryon post mortem que la rédaction initiale de la loi de 2004 permettait66.

Recommandation

Les rapporteurs ne méconnaissent pas les problèmes soulevés, et l’intérêt de l’enfant à naître, mais ils considèrent qu’il est inhumain d’imposer à une femme qui vient de perdre son époux ou son compagnon, la destruction ou le don d’un embryon, ceci relève du dialogue singulier entre l’équipe médicale et la personne concernée.

Ils suggèrent que le transfert d’embryon post mortem soit autorisé à certaines conditions :

- consentement écrit de l’époux au transfert d’embryon post mortem recueilli par un magistrat,

- délai de 3 à 6 mois, non reconductible après le décès de l’époux ou du compagnon,

- suivi psychologique de la mère.

3 - Une limite d’âge pour recourir à l’AMP ?

a) Les éléments du débat

Au regard des conditions de recours aux techniques d’assistance médicale à la procréation posées par les textes, il est délicat de définir l’âge de procréer. Celui-ci pour le grand public est considéré comme déterminée par la loi. Or, il n’en est rien, c’est indirectement la sécurité sociale qui le détermine : elle ne rembourse que 6 inséminations et 4 FIV, pour les femmes de moins de 43 ans.

L’âge moyen de la ménopause est de 49 ans, au-delà de 42 ans, les taux de grossesse s’effondrent (sans être nuls) et les taux de complications obstétricales et générales augmentent. La plupart des équipes médicales ne prennent pas en charge un couple dont l’homme a dépassé 60 ans. Les Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) ont depuis longtemps limité l’âge des donneurs anonymes à 45 ans, et de nombreuses études montrent désormais l’impact de l’âge paternel sur la descendance (anomalies chromosomiques, mutations géniques spontanées). De plus, l’âge élevé du père risque d’avoir un impact psychologique et social important sur l’enfant.

b) Les positions de l’Agence de la biomédecine et de la haute autorité de santé

En 2006, l’Agence de la biomédecine a envisagé que la possibilité de réaliser une AMP soit discutée en équipe pluridisciplinaire lorsque l’âge de la femme est supérieur à 42 ans révolus ou que celui de l’homme est supérieur à 59 ans révolus. Le rapport sur l’adoption confié à M. Jean-Marie COLOMBANI, publié en mars 2008, se prononce pour un écart d’âge de 45 ans entre l’âge de l’adoptant ou du plus jeune des parents dans le cas d’un couple. Les Suédois envisagent aujourd’hui de ramener à 42 ans l’âge maximum des parents adoptants (actuellement de 45 ans).

Ces limites correspondent à la pratique médicale, eu égard aux risques de fausses couches ou d’anomalies génétiques pour l’enfant. Certains médecins se demandent si en permettant la naissance d’un enfant dans un couple âgé ou porteur d’une maladie grave en cas de recueil préventif de gamètes, ils ne participent pas à une « maltraitance programmée » si l’enfant devient orphelin.

Le conseil d’orientation a préféré, dans un avis en 2006, ne pas retenir de limite normative d’âge car une telle limite ne ferait pas suffisamment droit aux différences clinico-biologiques pouvant exister entre les personnes. Toutefois, dans ses leçons d’expérience publiées en juin 2008, il s’est interrogé sur l’âge limite de l’AMP : « Faut-il prendre en charge des infertilités médicalement non pathologiques, comme cela est le cas pour des femmes dont l’âge seul est à l’origine de l’infertilité ? Doit-on envisager une conservation de tissus ovariens ou d’ovaires ou d’ovocytes lorsque leur congélation sera efficace dans le but de les utiliser au-delà de l’âge de la ménopause ou lorsqu’il existe des antécédents familiaux de ménopause précoce?».

La Haute autorité de Santé a décrit, dans une étude de décembre 2006 sur l’ICSI, les effets pervers de la limite d’âge appliquée pour le remboursement de l’AMP : « Les limitations imposées par la Sécurité sociale pour le remboursement des actes d’AMP peuvent être responsables de perte de chance pour les couples, et incitent à l’hyperstimulation ovarienne, au transfert d’embryons multiples et à la prise en charge rapide des couples quelle que soit l’indication. Des propositions de modification des conditions de prise en charge en AMP ont été faites par les experts, à l’attention des institutions concernées. » 

En septembre dernier, une femme de 59 ans a accouché de triplés à la suite d’un don d’ovocytes effectué à l’étranger. Cette information a relancé le débat récurrent sur l’âge limite pour procréer et sur les effets du tourisme procréatif.

Recommandation

La loi de 2004 ne précise pas de limite d’âge à l’AMP et les rapporteurs considèrent que cette question relève des bonnes pratiques médicales et de l’appréciation des situations au cas par cas. Cependant une information concernant les effets potentiellement néfastes de l’âge sur l’augmentation des risques médicaux et psychologiques encourus par la mère et l’enfant doit être diffusée, le recours au don d’ovocytes à l’étranger permettant de tourner les règles de bonnes pratiques édictées en France.

Il conviendrait que l’Agence de la biomédecine mène une campagne nationale d’information et de prévention sur l’âge et la procréation pour éviter les dérives et les faux espoirs que suscitent certaines pratiques.

B - L’ANONYMAT ET LA GRATUITÉ DES DONS DE GAMÈTES

Selon Mme Catherine LABRUSSE-RIOU, Professeur de droit à l’Université Paris I : « on peut s’étonner à première vue que les gamètes humains soient, en médecine, comme dans la loi, traités comme d’autres produits ou éléments du corps humain, alors qu’ils disposent d’une fonction bien spécifique. Cette indifférence apparente fait en quelque sorte fi de la nature des choses, même si cela est décrié. C’est une réalité qui, d’une manière ou d’une autre, finit toujours par refaire surface. (…) La spécificité des dons de gamètes consiste en cette dissociation des éléments constitutifs du rapport de filiation, qui est complexe, à la fois biologique, psychique, sociale et juridique, où tout est lié par le droit commun qui se trouve éclaté entre des personnes différentes »67.

1 - Une législation protégeant l’anonymat et assurant la gratuité des dons et la sécurité sanitaire

Le don de gamètes s'est développé depuis 1972 sous l'égide des CECOS qui avaient élaboré une charte, dont la plupart des dispositions ont été consacrées par la loi en 1994. Cette charte s’inspirait du don du sang et traitait le don de sperme comme le don du sang, reprenant le principe de la gratuité et de l’anonymat. La politique initiée par les CECOS présente le don de gamètes comme un don de couple à couple. Dans la version de 1994, la loi exigeait d’ailleurs que le donneur fasse partie d'un couple ayant procréé.

La loi de 2004 exige seulement que le donneur ait procréé et, s'il est en couple, qu'il obtienne le consentement de son partenaire article (L. 1244-2 du code de la santé publique). Un nombre limité d'enfants, 5 dans la loi de 1994, nombre porté à 10 dans la loi de 2004, peut être délibérément conçu à partir des gamètes d'un même donneur.

Conformément aux articles L. 1244-5 et R. 1244-1 du code précité, des agréments et autorisations spécifiques doivent être obtenus pour les activités de recueil, traitement, conservation et cession de gamètes issus d'un don. Ces activités ne peuvent être exercées qu'au sein d'organismes et établissements de santé sans but lucratif, ce qui concerne en pratique surtout le secteur public. En revanche, aucune autorisation ou agrément n'est requis pour procéder à l’insémination artificielle avec les gamètes acquis auprès d'un centre autorisé.

L'AMP ne peut être mise en oeuvre que par des organismes et établissements de santé public ou à but non lucratif, autorisés dans les conditions de l’articles L.1244-5. Le décret n°  2006-1660 du 22 décembre 2006 relatif au don de gamètes et à l'assistance médicale à la procréation et modifiant le code de la santé publique a précisé les conditions d'autorisation et d'exercice de l'activité.

Les articles R. 1211-25 et suivants du code de la santé publique édictent les conditions de sécurité sanitaire qui doivent être mises en œuvre. En principe, des tests doivent être effectués à six mois d'intervalle sur la personne du donneur, la deuxième série intervenant après le recueil des gamètes. Cependant, pour le don d'ovocytes, ce système, issu du décret n° 96-993 du 12 novembre 1996, obligeait à congeler les embryons obtenus dans l'attente de la deuxième série de contrôle. Or, la décongélation provoquait la perte d'un nombre non négligeable d'embryons qui auraient pu être transférés. C'est pourquoi, le décret n° 2004-606 du 24 juin 2004, a modifié les dispositions relatives aux tests sanitaires pour le don d'ovocytes.

Conformément à l’article 16-8 du code civil, gratuité et anonymat sont les deux principes qui gouvernent le don de gamètes. Donneurs et receveurs ne peuvent connaître leurs identités respectives, l'identité du donneur étant conservée dans le dossier archivé sous forme codée, un médecin pouvant seulement accéder pour raisons thérapeutiques, à des informations non identifiantes (article L 1244-6 du code de la santé publique)

2 - L'anonymat, la gratuité des dons de gamètes  en débat

L'anonymat et la gratuité limiteraient les dons de gamètes surtout les dons d'ovocytes qui exigent une stimulation ovarienne, suivie d’une ponction sous anesthésie ce qui n’est pas anodin. Il existe peu de donneuses au bénéfice d'un couple inconnu. Certains se rendent en Belgique avec une donneuse parente ou amie afin d'y bénéficier du don direct, ou en Espagne pour obtenir un don anonyme et indemnisé. En France, il est interdit de subordonner le bénéfice d'un don de gamètes à la désignation par le couple d'une donneuse même en faveur d'un autre couple anonyme (article L. 1244-7 du code de la santé publique).

a) La pratique de la double liste

La pratique de la double liste qui s’est instituée grâce au don d’ovocytes croisé, a été mise en cause. Ce système n’est pas véritablement contraire à la loi, il vise à encourager les femmes à trouver elles-mêmes des donneuses d’ovocytes. Le conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine connaît bien cette situation qu’il décrit ainsi : « L’Agence de la biomédecine a pour mission de promouvoir le don de gamètes, sachant qu’en France, 92% des motivations des donneuses d’ovocytes sont d’ordre relationnel, c'est-à-dire qu’elles connaissent dans leur entourage une personne devant avoir recours au don d’ovocytes. Les donneuses font de fait un don au profit de couples inconnus, mais dans le cadre d’un accompagnement de personnes qu’elles connaissent. »68.

Mme Laure CAMBORIEUX, présidente de l’association Maia, a décrit cette situation qui génère, selon elle des inégalités d’accès à l’AMP69, et une pénurie de dons, ce qui a également été souligné par le professeur René FRYDMAN70, chef du service de gynécologie-obstétrique à l’hôpital Antoine Béclère.

Mme Dominique MEHL, directeur de recherche au CNRS, évoque la pratique du don croisé dans son ouvrage « les enfants du don ». Elle explique comment des personnes qui souhaiteraient donner spontanément se mettent en contact avec des femmes pour les faire passer plus vite. Elle y montre d’ailleurs que la femme recevant le don d’ovocyte s’interroge sur le don qu’elle recevra et celle qui le fait. Elle confond parfois la donneuse qui l’accompagne avec la donneuse réelle qu’elle ne connaîtra pas.

Mme Ginette GUIBERT, gynécologue l’a critiqué : « Il faut sortir d’une certaine langue de bois à ce sujet. Le trafic existe en France. Des pressions sont exercées par l’intermédiaire du système du don croisé, il existe des pressions entre donneuses et receveuses. Nous recevons des femmes qui sont les employées de celle qui a besoin d’ovocytes ou qui sont en tractation financière avec elle. Il existe réellement un phénomène de marchandisation et l’anonymat ne préserve absolument pas de cela ». Elle ajoute que « la cohérence du droit n’est pas l’homogénéité des pratiques. » 71

Le lien entre anonymat et gratuité apparaît moins opérant s’agissant des dons de gamètes et notamment des dons d’ovocytes.

b) La levée de l’anonymat des dons et les revendications des enfants nés de donneurs anonymes

L’existence d’un double état civil géré par les CECOS questionne ; les conseils de transparence prodigués aux parents, le recours toujours possible aux tests génétiques par les enfants devenus adultes, les conséquences parfois néfastes de la découverte d’un secret conduit à s’interroger sur la pertinence du principe de l’anonymat des dons de gamètes. Si les parents décident de lever le secret, ce qui est souvent conseillé, que peuvent-ils dire ?

Les rapporteurs ont entendu Mme Pauline TIBERGHIEN, les responsables de l’Association procréation médicalement anonyme (PMA) et des personnes nées par insémination avec donneur anonyme (IAD), qui militent pour la levée de l’anonymat. Ils avancent que l’anonymat n’est pas conforme à l’article 7 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant qui prévoit le droit de l’enfant à connaître ses origines72. Mme Laure CAMBORIEUX, Présidente de l’Association Maia, critique également l’anonymat du don.

Les rapporteurs ont également rencontré M. David GOLLANTZ, correspondant de l’association PMA, et M. Walter MERRICK, membre de la HFEA, père de deux enfants nés par IAD au Royaume-Uni73. Ils ont expliqué le fonctionnement de la législation britannique qui permet, depuis le 1er avril 2005, aux enfants nés par IAD de demander à connaître leur origine à leur majorité (18 ans). Les premières demandes devraient apparaître en 2023. Cette législation n’est pas rétroactive, mais les donneurs qui ont fait un don avant 2005, peuvent lever l’anonymat en s’inscrivant sur un registre. Si Mme Geneviève DELAISI de PARSEVAL, psychanalyste, Mme Dominique MEHL, directrice de recherche au CNRS, et Mme Irène THERY, sociologue, directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, se sont montrées favorables à la levée de l’anonymat des dons de gamètes, les rapporteurs ont relevé les réserves, voire les réticences d’une partie du corps médical à la levée de l’anonymat notamment celles du Professeur Alain GRIMFELD74, président du CCNE.

Lors de l’audition du 29 novembre 2007, le Professeur René FRYDMAN, chef du service de gynécologie obstétrique de l'hôpital Antoine Béclère, avait montré, statistiques à l’appui, que la France souffrait d’une pénurie d’ovocytes. : « La situation demeure difficile, non pas sur le plan technique, mais vis-à-vis de la prise en charge. Le fonctionnement de notre système, qui s’appuie sur le don anonyme et gratuit, rencontre des difficultés. L’analyse des motivations des donneuses montre que celles-ci effectuent habituellement cette tentative pour quelqu’un, même si c’est en définitive pour quelqu’un de dérivé, et non pour la personne en question directement. En faisant cela, la donneuse peut penser que la personne pour qui elle a un intérêt affectif pourra en bénéficier par la suite. Une autre raison pourrait être une reconnaissance financière».

Auparavant, s’exprimant dans L’express du 22 février 2007, il avait souligné que « le don d'ovocytes pose problème en France, parce qu'on ne trouve pas de donneuses - dans une moindre mesure, c'est aussi le cas pour le don de sperme. Personnellement, je pense que la règle de l'anonymat et de la gratuité trouve un peu ses limites. Certaines femmes seraient prêtes, par exemple, à effectuer un don pour leur sœur ou pour une amie, mais elles ne le peuvent pas. La gratuité absolue me semble être aussi un frein : on pourrait imaginer une forme de reconnaissance, une indemnisation de cet acte qui n'est quand même pas simple, non pas de la main à la main, mais pris en charge par la société, sans pour autant tomber dans le commerce à outrance comme en Espagne ou aux États-Unis ».

Mme Catherine LABRUSSE-RIOU, Professeur de droit à l’université Paris I, avait relevé que « dès le départ, l’anonymat a constitué la pierre d’achoppement de tout le système des procréations médicalement assistées. Peut-on aujourd’hui, dans l’état actuel du droit, admettre l’accouchement sous X, avec des ouvertures possibles et organisées à la connaissance de la mère, sous réserve de toute une série de conditions, et refuser ce même accès à la connaissance du donneur de sperme ? Peut-on faire fonctionner ensemble, ces deux systèmes ?»75.

Mme Laure CAMBORIEUX, présidente de l’Association Maia, a expliqué elle aussi que les couples ayant recours au don d’ovocyte en France connaissent des difficultés : forte incitation à venir avec une donneuse, longs délais d’attente qui d’ailleurs varient selon les centres, absence d’accompagnement psychologique, pression financière conduisant à demander des transferts multiples d’embryons76.

c) Les débats lors de l’audition publique du 10 Juin 2008

Mme Geneviève DELAISI de PARSEVAL a souligné que « le principe d’anonymat, en proclamant l’indifférence et l’interchangeabilité des gamètes, prive l’enfant, non seulement d’une partie de son histoire, mais aussi d’une partie d’humanité. Ces sujets sont bien nés de géniteurs et de génitrices identifiés. Selon elle, « une troisième voie est possible, entre « le tout biologique » et « le tout volonté », pour penser le lien familial dans une famille composée avec des dons de gamètes.» Elle a également fait état des interrogations de certains donneurs qui seraient prêts à se faire connaître.

Mme Irène THÉRY lui a fait écho en expliquant que le don de gamètes n’est pas un « don de cellules mais un don d’hérédité » et qu’un enfant a le droit de connaître la « totalité de son histoire ».

Mme Pauline TIBERGHIEN, a fait valoir qu’« aujourd’hui, nous avons effectivement trente ans de recul et il est grand temps d’admettre que la recherche des origines est une quête universelle. Quatorze pays, avant nous, l’ont déjà fait. Il existe une fédération internationale qui regroupe toutes les associations défendant la même cause que PMA, c’est-à-dire la liberté de choix, le choix, pour une personne issue d’un don, de savoir ou de ne pas savoir. Dans ce cadre, il ne s’agit pas de simplement reprendre ce qui se fait à l’étranger, mais de se servir de l’expérience des autres pays pour ne pas tomber dans les mêmes écueils. (…) Nous demandons la possibilité de livrer des informations détenues par le corps médical, et non des secrets de famille ».

M. Arthur de KERMALVEZEN, membre de l’association PMA, a observé que « l’anonymat encourage le secret de famille. L’association PMA est pour l’anonymat, mais contre l’anonymat à perpétuité. En d’autres termes, l’anonymat est utile à condition qu’à la demande de l’enfant et uniquement à la demande de l’enfant, le géniteur puisse être identifié par l’enfant s’il le souhaite. Mes parents ont reçu un cadeau qui a permis que je sois là et c’est moi qui, en premier lieu, en profite. Cependant, ce cadeau est un peu comme un bouquet de fleurs sur lequel serait apposée une jolie carte marquée anonyme. Au bout d’un moment, vous ne profitez plus des fleurs ».

Selon Mme Carine CAMBY, ancienne directrice générale de l’Agence de la biomédecine « le principe d’anonymat a été retenu afin d’assurer une protection du donneur et une protection du receveur. Par ailleurs, la levée de l’anonymat peut accroître les risques de trafic ». Elle a ajouté que « pour être honnête, de nombreux acteurs sont un peu ennuyés face à ces évolutions. La revendication de ces jeunes est légitime et, dans le même temps, nous ne savons pas bien comment la traiter dans le contexte actuel ».

Mme Hélène GAUMONT-PRAT, Professeur de droit à l’université Paris-VIII, directrice du laboratoire « droit médical et droit de la santé », ancien membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), a constaté que l’anonymat faisait l’objet d’attaques diverses pour des raisons médicales « liées à l’importance donnée à la connaissance des données génétiques, à une volonté d’accès à la traçabilité génétique, et aux difficultés rencontrées pour l’obtention d’ovocytes », et des raisons socio-juridiques fondées sur la connaissance de l’évolution des législations étrangères ou sur les pressions de certains courants psychanalytiques. Elle a évoqué également des raisons sociétales : « dans l’hypothèse où l’on s’orienterait vers une nouvelle forme de famille fondée sur la « parentalité », ce qui supposerait qu’une place soit conférée à un tiers, voir à plusieurs, si la pratique envisagée le requiert.» Elle a rappelé l’avis n° 90 du CCNE du 24 novembre 2005 « Accès aux origines, anonymat et secret de la filiation ».

Cet avis avait mis en évidence les différences entre anonymat et secret en les illustrant par différentes situations (accouchement sous X, adoption ou procréation médicalement assistée). Pour le CCNE, le secret autour des conditions de procréation, plus que l’anonymat, est délétère. S’agissant de l’AMP avec tiers donneur, cet avis propose de respecter l’anonymat des donneurs et receveurs. « La rupture de l’anonymat comporte probablement plus d’éléments perturbants que la rupture du secret. Ici encore, les gamètes ne sont pas des parents ». Il suggère de permettre que l’enfant ait accès à des informations non identifiantes tout en maintenant le principe de l’anonymat des donneurs.

Pour M Pierre JOUANNET, vice-président du Comité médical et scientifique de l’Agence de la biomédecine, médecin à l’hôpital Cochin, membre correspondant de l’Académie de médecine, « tout choix, en matière d’éthique, est souvent un compromis avec avantage et inconvénient. Il faut donc bien réfléchir à ces questions. J’ai rencontré un certain nombre de parents et d’enfants et j’ai aussi entendu des personnes qui exprimaient un autre point de vue (…) en particulier j’ai rencontré des personnes qui n’étaient pas en souffrance. »

Mme Jacqueline MANDELBAUM, membre du Comité consultatif national d’éthique, responsable du laboratoire de fécondation in vitro de l’hôpital Tenon, s’est interrogée sur le retour d’expérience issu des pays qui ont levé l’anonymat. « Nous ne disposons pas de séries de données indiquant comment cela est vécu. Je me suis laissé dire et ne sais si c’est exact, que cette situation était due au fait que les parents n’expliquaient plus à leur enfant le mode de leur conception. La levée de l’anonymat se produirait donc dans un moment où l’espèce humaine n’est pas suffisamment adulte pour cela ».

3 - Les leçons du droit comparé : les exemples européens

Selon une étude de droit comparé du Sénat77, pour l’Allemagne et la Suisse, la question concerne seulement le don de sperme, car ces deux pays interdisent le don d'ovocytes. Quant à l'Italie, elle interdit tout don de gamètes.

a) Le principe de l'anonymat du don de gamètes

Ce principe a été réaffirmé au Danemark et en Espagne en 2006, à l'occasion de la révision des lois qui régissent l'assistance médicale à la procréation. Cependant, la loi espagnole permet aux enfants conçus par assistance médicale à la procréation d'obtenir, à partir de l'âge de la majorité, des renseignements généraux sur les donneurs (taille, poids, appartenance ethnique, profession, etc.), mais pas l'identité de ceux-ci.

Au Danemark, la levée de l'anonymat des donneurs de gamètes est régulièrement évoquée. La majorité des membres du comité national d'éthique s'est exprimée pour cette levée avant la révision de la loi.

b) Le droit d’accès à ses origines

En Allemagne, l'affirmation du droit à la connaissance des origines génétiques depuis 1989 par la Cour constitutionnelle fédérale, empêche les donneurs de rester anonymes. En outre, l'enfant conçu par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut contester la paternité du mari de sa mère, même si ce dernier a donné son consentement au don de sperme. Après que la filiation a été contestée avec succès, rien n'empêche que le juge établisse la paternité du donneur.

Les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse ont abandonné le principe de l'anonymat et organisé la transmission d'informations sur les donneurs de gamètes, notamment d'informations portant sur l'identité.

La Suède l'a fait dès 1984, en légiférant sur l'insémination artificielle. La loi est entrée en vigueur le 1er mars 1985. Le même droit à la connaissance des origines génétiques a été octroyé aux enfants nés grâce à un don d'ovocytes, après que celui-ci eut été légalisé le 1er janvier 2003.

En Suisse, le principe selon lequel « toute personne a accès aux données relatives à son ascendance » a été inscrit en 1992 dans la constitution fédérale, avant d'être développé par la loi fédérale de 1998 sur la procréation médicalement assistée, qui est applicable depuis le 1er janvier 2001.

En adoptant en 2002 une loi sur les informations relatives aux donneurs de gamètes, les Pays-Bas ont abandonné le double régime du don de gamètes, qui permettait aux donneurs le souhaitant de garder l'anonymat. Cette loi concerne les dons postérieurs au 1er juin 2004

Le Parlement britannique a adopté en 2004 de nouvelles dispositions sur la divulgation des informations portant sur les donneurs de gamètes : la liste des éléments communicables aux enfants nés grâce à un don a été allongée. Pour les dons postérieurs au 1er avril 2005, les intéressés auront notamment accès au nom, aux prénoms et à la date de naissance des donneurs. En outre, les donneurs enregistrés avant cette date ont la faculté d'opter pour le nouveau régime et de lever l'anonymat.

Dans ces quatre pays, les enfants conçus par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur ont donc la possibilité de connaître l'identité de ce dernier, en principe lorsqu'ils atteignent l'âge de la majorité. Dans aucun de ces quatre pays, la levée de l'anonymat n'a de conséquences pour la filiation, car des dispositions explicites précisent que celle-ci s'établit conformément aux règles de droit commun et que le mari de la mère ne peut contester sa paternité lorsqu'il a donné son consentement au don de sperme.

4- Recommandation des rapporteurs

En France, il y aurait 50 000 personnes qui seraient nées par IAD. Toutes ne le savent pas.

a) Les propositions de levée de l’anonymat des dons de gamètes

Parmi les propositions de lois issues des travaux de la Mission parlementaire d’information précitée de l’Assemblée sur la famille et les droits des enfants présidée par M. Patrick BLOCHE, député, dont la rapporteure était Mme Valérie PÉCRESSE78, il était prévu de proposer au couple qui a recours au don de gamètes, un « double guichet, ou une option » qui leur permettrait de choisir soit un donneur anonyme, soit un donneur ayant accepté d’être identifié, pour ne pas tarir les dons tout en ménageant aux enfants la possibilité de connaître leur origine. Cependant cette option a été critiquée par Mme Carine CAMBY qui considère que le recours à un double guichet « est une situation très difficile à vivre pour les enfants. Certains d’entre eux auraient accès à l’information à leur majorité parce que le donneur y a consenti au moment du don et d’autres ne pourraient pas y accéder en raison du refus du donneur. Cette situation serait ingérable ».

Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) a publié son rapport d’activité 2005-2006 aux termes duquel il se montre favorable à la levée du secret « dans toutes les situations où cela paraît possible dans de bonnes conditions ».

b) Les recommandations des rapporteurs

Recommandation

Les rapporteurs rappellent leur attachement au principe de gratuité des dons. Cependant, ils considèrent que le don d’ovocyte implique des contraintes, nécessite une stimulation ovarienne et une anesthésie avec des suites opératoires. Il ne se développera dans des conditions éthiques respectueuses des personnes qui font ce don comme de celles qui le reçoivent qu’avec un suivi médical des donneuses, une indemnisation forfaitaire correspondant au temps passé en soin et en suivi médical. Si cette solution était retenue, il conviendrait de limiter à un, voire deux dons par femme, afin d’éviter toute exploitation de la donneuse d’ovocyte.

La levée de l’anonymat sur les dons de gamètes demandée par les enfants issus d’IAD est une revendication légitime au regard du droit à connaître ses origines. Actuellement, les gamètes sont traités comme le sang et les CECOS disposent d’un état civil parallèle. La levée de l’anonymat aurait vraisemblablement des conséquences sur le nombre de donneurs de sperme qui risque de diminuer dans un premier temps, en revanche, elle pourrait inciter au don d’ovocytes selon certaines analyses.

La solution du double guichet pour intéressante qu’elle soit car elle repose sur la volonté des personnes n’est pas satisfaisante au regard des droits de l’enfant qui se verrait exclu de toutes possibilité de connaître ses origines biologiques, si les parents et le donneur ou la donneuse ont opté pour l’anonymat, pour autant les rapporteurs n’excluent pas totalement cette option.

Il conviendrait :

- soit de s’inspirer de la loi espagnole qui permet un accès aux motivations et données non identifiantes sur le donneur, à la majorité, si l’enfant le demande,

- soit de s’inspirer de la législation britannique qui autorise la levée totale de l’anonymat à la majorité si l’enfant le demande, et qui permet à ceux qui ont fait un don avant l’application de la loi de s’inscrire, s’ils le souhaitent, sur un registre pour que leur identité puisse être révélée, si l’enfant en fait la demande à sa majorité,

- de prévoir que l’identification du donneur ou de la donneuse ne peut en aucun cas avoir une incidence sur la filiation de l’enfant issu du don, même si l’enfant ne dispose pas de filiation paternelle ou maternelle.

C - LA GESTATION POUR AUTRUI : UN DÉBAT NÉCESSAIRE

La maternité pour autrui constitue une pratique séculaire remédiant à l’infertilité d’une femme.

Les techniques d’insémination artificielle, de fécondation in vitro, permettent à une femme de porter un enfant conçu en dehors de tout rapport charnel, avec les ovocytes d’une autre femme. La procréation pour autrui se distingue de la gestation pour autrui : dans le premier cas, la femme qui porte l’enfant est sa mère génétique ; dans le second, elle n’en est que la gestatrice, l’enfant ayant été conçu avec les gamètes du couple demandeur ou de tiers donneurs.

Longtemps tolérée, elle remet cependant en cause une règle fondamentale du droit de la filiation de la plupart des États occidentaux, selon laquelle la maternité légale résulte de l’accouchement. « Mater semper certa est » : à la différence du père, la mère est toujours certaine.

1 - Une prohibition stricte de la gestation pour autrui en France

a) Une prohibition pénalement et civilement sanctionnée

Au regard de la loi pénale, la maternité pour autrui constitue une supposition d’enfant, réprimée car elle constitue une atteinte à la filiation. Des sanctions sont ainsi prévues à l’égard des auteurs de cette infraction, des intermédiaires et de leurs complices. La supposition d’enfant consiste en effet à attribuer la maternité d’un enfant à une femme qui n’en a pas accouché, L’article 227-13 du code pénal punit de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende « la substitution volontaire, la simulation ou dissimulation ayant entraîné une atteinte à l’état civil d’un enfant », ainsi que leur tentative.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que « les délits de simulation et de dissimulation d’enfant, prévus par l’article 227-13 du code pénal (…) constituaient les deux aspects des faits de supposition d’enfant qualifiés par l’article 345 ancien dudit code » car « la supposition impliquait tant la simulation de la naissance par la mère fictive que la dissimulation de la maternité de la mère réelle »79.

L’article 227-12 du code pénal réprime la provocation à l’abandon, l’entremise en vue d’adoption et, depuis la loi bioéthique n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, « le fait de s'entremettre entre une personne ou un couple désireux d'accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre ».

La provocation à l’abandon est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. L’entremise en vue de l’adoption, dans un but lucratif, et l’entremise en vue d’une maternité de substitution, en l’absence de but lucratif, sont punies d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende, tout comme leur tentative. S’agissant de l’entremise en vue d’une maternité de substitution, ces peines sont doublées lorsque les faits ont été commis à titre habituel ou dans un but lucratif.

Seuls les intermédiaires peuvent être poursuivis et sanctionnés sur ce fondement, à l’exclusion de la mère de substitution et des parents intentionnels. En revanche, le couple demandeur pourrait éventuellement tomber sous le coup de la provocation à l’abandon, si la preuve en était rapportée.

Sur le plan civil, les conventions de maternité pour autrui ont été sanctionnées par la Cour de cassation, avant d’être formellement prohibées par la loi de 1994 relative au respect du corps humain.

En 1989, la première chambre civile de la Cour de cassation a ainsi validé la dissolution de l’association « Alma Mater », prononcée par les juges du fond en application de l’article 3 de la loi du 1er juillet 1901 relative à la liberté d’association, au motif que « l’objet même de l’association est de favoriser la conclusion et l’exécution de conventions qui, fussent-elles verbales, portent tout à la fois sur la mise à la disposition des demandeurs des fonctions reproductrices de la mère et sur l’enfant à naître et sont donc nulles en application de l’article 1128 du code civil ».

Puis les juges du fond ne s’inclinant pas, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation condamna catégoriquement cette pratique en 1991 « la convention par laquelle une femme s'engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre public de l'indisponibilité du corps humain qu’à celui de l'indisponibilité de l'état des personnes ».

Cette solution confirmée par le législateur dans la loi de bioéthique de 1994 relative au respect du corps humain, n’a pas été remise en cause lors de l’examen de la loi de 2004 relative à la bioéthique qui a inséré dans le code civil les articles aux termes desquels le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial (article 16-1) ;  toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle (article 16-7), peu importe qu’elle soit conclue à titre onéreux ou gratuit. Ces dispositions sont d’ordre public (article 16-9), car elles visent à protéger aussi bien les intéressés que la société dans son ensemble. Étant d’ordre public, la nullité de la convention de maternité pour autrui est absolue, et ne peut faire l’objet d’une confirmation.

b) Des interrogations nécessaires sur certaines situations

À la suite d’un cancer, d’accidents lors de grossesse ou d’accouchement, ou en raison de malformations congénitales (syndrome MRKH, maladie génétique où les jeunes femmes naissent sans utérus ou avec un utérus atrophié), certaines femmes ne pourront jamais mener une grossesse alors quelles sont en âge de procréer et que certaines d’entre elles disposent d’ovocytes. Ces femmes ont découvert leur absence d’utérus avant que la loi interdisant la gestation pour autrui ne soit votée et leurs médecins leur avaient alors indiqué que la solution passerait par la GPA.

Selon Mme Dominique MEHL, directrice de recherche au CNRS, « quand ces femmes ont des ovocytes, elles savent que la GPA est la seule solution pour aller au bout de leur capacité corporelle d’avoir un enfant. Cette demande n’est pas facile à éradiquer car ces femmes ne se vivent pas comme stériles. Actuellement, ces femmes n’ont d’autre issue que de se rendre à l’étranger ou de recourir à des pratiques clandestines en France »80.

En 2003, dans un grand centre anglais pratiquant la gestation pour autrui, 27 % des patientes avaient subi une chirurgie consécutive à un cancer, 16 % souffraient d’une absence congénitale d’utérus, 16 % avaient été victimes d’une hystérectomie post-partum, 16 % avaient connu des échecs répétés de FIV et 13 % des fausses couches récurrentes.

Par ailleurs, les couples qui se rendent à l’étranger pour y bénéficier d’une législation moins prohibitive se trouvent dans une situation juridique parfois complexe en France, soit que des poursuites soient intentées contre eux, soit qu’ils ne peuvent obtenir la transcription exacte de l’état civil des enfants vis-à-vis de la mère.

L’affaire MÉNESSON est emblématique des difficultés rencontrées par les parents d’intension. Elle a été exposée aux rapporteurs par M. Dominique MÉNESSON, président de l’association CLARA (Comité de soutien pour la légalisation de la gestation pour autrui), et son épouse Mme Sylvie MÉNESSON81.

En 1998, Sylvie et Dominique MÉNNESSON décident de devenir parents grâce à une mère porteuse. Après trois ans d’attente, leur gestatrice donne naissance à des jumelles, en Californie, où la pratique est autorisée. Les deux enfants sont issus d’une fécondation in vitro réalisée avec les gamètes du couple commanditaire. La Cour suprême de Californie confère définitivement aux deux Français la qualité de mère et père de ces enfants. En novembre 2000, le couple rentre en France avec ses enfants à l'aide des passeports américains établis avant leur départ, mais le Consulat de France à Los Angeles transmet aux services juridiques de Nantes une lettre dans laquelle il décide de surseoir à l'exécution de la transcription « aux motifs de soupçons d'une adoption illégale », pouvant causer, entre autres, un « trouble à l'ordre public».

En décembre 2001, le couple est convoqué par le juge d’instruction au motif de « mise en examen pour entremise en vue de gestation pour le compte d’autrui » fondée sur l’article 227-12 du code pénal et « simulation ayant entraîné une atteinte à l’état civil d’enfants » fondée sur l’article 227-13 du Code pénal. En décembre 2002, le couple reçoit une notification d’absence de délit qui devait entraîner un non-lieu. En mai 2003, une procédure civile demandant l'annulation des actes de naissance américains, ainsi que l’annulation de la transcription de ces actes de naissance est introduite par le Parquet.

En août 2003, le couple reçoit une nouvelle mise en examen pour «tentative de simulation ayant entraîné une atteinte à l’état civil d’enfants». En octobre 2004, il obtient une ordonnance de non lieu : « Que le délit d’entremise en vue de gestation pour le compte d’autrui apparaît inapplicable en l’espèce et que la loi pénale française ne semble pas applicable car l’infraction n’a pas été commise sur le territoire. : tous les faits constitutifs de ce qui pourrait être qualifié de simulation au sens de l’article 227-12 du code pénal ont eu lieu sur le territoire des États-Unis, conformément à la législation en vigueur dans ce pays ».

En décembre 2005, le jugement civil a été prononcé en faveur des époux. le Tribunal a déclaré irrecevable la demande du Parquet aux motifs qu’il ne «saurait remettre en cause l’existence même des actes de naissance des enfants F. et V. établis en exécution d’une décision prononcée par la Cour Supérieure de Californie ».

En janvier 2006, le Parquet a fait appel de cette décision devant la Cour d’Appel de Paris. Le 25 octobre 2007, la Cour d'appel de Paris confirme le jugement en première instance en déclarant la demande du ministère public irrecevable et indiquant «qu’au demeurant, la non transcription des actes de naissance aurait des conséquences contraires à l’intérêt supérieur des enfants qui, au regard du droit français, se verraient privés d’acte civil indiquant leur lien de filiation, y compris à l’égard de leur père biologique».

Dans cet arrêt, qui fait actuellement l’objet d’un pourvoi en cassation, la Cour d’appel de Paris ne s’est véritablement prononcée ni sur la gestation pour autrui, ni sur le lien de filiation des enfants ainsi nés, mais sur leur état civil.

Les rapporteurs se sont longuement interrogés sur la gestation pour autrui. Ils ont entendu Mme Dominique MEHL, sociologue, directrice de recherche au CNRS, Mme Geneviève DELAISI de PARSEVAL, psychanalyste, le Professeur Israël NISAND, gynécologue obstétricien, chef de service aux hôpitaux de Hautepierre à Strasbourg, des associations qui militent en faveur de la levée de la prohibition comme l’association CLARA, présidée par Dominique MÉNESSON, l’association MAIA, présidée par Mme Laure CAMBORIEUX, et des personnalités très réservées à l’égard de cette pratique comme les représentants des autorités religieuses, du Grand Orient de France et de la Grande Loge de France, des Professeurs de médecine et de droit comme M Alain GRIMFELD, Président du CCNE, M Jean-François MATTÉI, président de la Croix rouge française, Mme Jacqueline MANDELBAUM, directrice du laboratoire de fécondation in vitro de l’hôpital Tenon, Mme Hélène GAUMONT-PRAT, Professeur de droit à l’université Paris-VIII, directrice du laboratoire « droit médical et droit de la santé », ancien membre du Comité consultatif national d’éthique.

Les rapporteurs ont organisé une table ronde sur ce thème lors de l’audition publique du 10 juin dernier et ont suivi avec intérêt les débats provoqués par le rapport d’information82 présenté par Mme Michèle ANDRÉ, MM. Alain MILON et Henri de RICHEMONT, sénateurs, au nom de la commission des lois et de la commission des affaires sociales, et les controverses qu’il a suscitées au sein de ces commissions.

2 - La controverse médicale et scientifique

La controverse médicale et scientifique porte sur les effets de la grossesse sur l’enfant à naître qui sera séparé de celle qui l’aura porté ; l’accent est mis sur les liens mère-enfant qui s’établissent lors de la grossesse, le retentissement sur l’enfant à naître du comportement de la gestatrice, sur les dangers de la grossesse pour celle-ci et sa famille. Elle porte sur le primat du génétique, le désir des femmes qui ont été privées d’utérus d’avoir un enfant et la nécessité de leur venir en aide.

Le Professeur Jacqueline MANDELBAUM  constate que « dans la maternité pour autrui avec insémination, c’est l’importance du spermatozoïde qui était mise en avant. Avec la grossesse pour autrui, c’est l’ovocyte qui est devenu l’élément central. C’est l’enfant génétique de la femme stérile que porte la « nounou ». L’utérus est d’ailleurs souvent qualifié par les deux parties de « simple four »83.

a) L’intérêt de l’enfant

Le Professeur Jean-François MATTEI estime qu’« accepter la GPA, c’est ramener la grossesse, la gestation à une période neutre, impersonnelle, sans effet sur le devenir de l’enfant. C’est en définitive vouloir considérer que l’utérus n’est qu’un simple incubateur ». Il craint que la gestatrice pour autrui ne se mette systématiquement en stratégie de défense personnelle : «  Elle sait qu’elle donnera cet enfant, donc elle évitera de considérer cet enfant comme un enfant à elle ». Il constate que « la GPA conduit à établir un contrat entre la mère et le couple car il faut déterminer quelle doit être la responsabilité de la mère porteuse au regard de la consommation de tabac, d’alcool d’un traitement éventuel, de son activité professionnelle. Le comportement de la gestatrice et ses habitudes joueront sur la qualité de l’enfant à naître » 

Il s’interroge sur les conditions du défraiement. « Cela implique de le prévoir par contrat. Cela me choque et me bouleverse qu’on puisse établir un contrat sur un enfant à venir. Cela me semble radicalement nouveau. Même si on essaie d’habiller la question d’argent du voile du défraiement, du dédommagement, du prix de l’impossibilité de travailler. Je n’ignore pas la pression des praticiens et des couples en quête d’enfants mais jamais aucune technique d’AMP n’a autant justifié pour moi l’ambiguïté entre enfant sujet et enfant objet. »84

Le Professeur Axel KAHN, président de l’université Paris Descartes, a expliqué : «… ma position ne serait pas forcément hostile à des cas où le recours à une mère porteuse serait autorisé. En revanche, j’éviterais systématiquement de supprimer tout lien entre la mère et l’enfant parce que le contrat en aurait décidé autrement auparavant. Le contrat n’est pas de nature à modifier la caractéristique d’une relation biologique. L’intimité profonde entre une femme et cet enfant qu’elle porte pendant neuf mois ne peut pas être annihilée derrière les termes d’un contrat. Par conséquent, je pense que la technique qui est utilisée à l’heure actuelle dans de très nombreux pays d’Europe, qui comporte en effet le risque de refus d’accouchement sous X, d’abandon et d’adoption, est selon moi la seule possibilité. 85»

La « biologisation » de la filiation, le primat du génétique, fondement d’une démarche de gestation pour autrui sont fréquemment évoquées. Mme Dominique MEHL reconnaît que la gestation pour autrui soulève le primat du diktat de la génétique. « On pourrait croire que ces femmes, qui disposent de leurs gamètes, sont obsédées par la transmission de leur patrimoine génétique. Lorsque l’on discute avec ces personnes, on se rend vite compte que celles-ci… ont une large connaissance de la génétique. Elles savent pertinemment que le patrimoine ne fait pas l’identité, que les conditions de la gestation peuvent modifier l’apport génétique initial ». Elle précise : « Pour ces personnes, l’essentiel n’est pas de transmettre une hérédité ou un patrimoine, mais d’avoir une participation corporelle qui induit, même si elle est aléatoire, la question de la ressemblance physique. Les demandeurs souhaitent pouvoir se reconnaître dans leurs enfants et que leurs enfants se reconnaissent dans les traits physiques de leurs parents »86.

Mme Caroline ÉLIACHEFF, psychanalyste et le Professeur René FRYDMAN, chef du service gynécologie-obstétrique à l’Hôpital Antoine Beclère s’interrogent 87 : « Au fond, de quoi s'agit-il ? Tout simplement de faire un enfant. Mais encore ? Un enfant génétiquement de soi. Et pour y satisfaire quand on n'y arrive pas à deux, on n'hésiterait pas à faire courir des risques à de nombreuses personnes. Comment ? D'abord en pratiquant une fécondation in vitro (FIV) avec les ovules de la femme dépourvue d'utérus et le sperme de son compagnon. Puis en transférant l'embryon ainsi obtenu dans l'utérus d'une femme porteuse. Ce qui compte, c'est l'enfant de soi, de ses gènes ».

b) Les risques pour la mère porteuse

Les risques pour la mère porteuse sont d’ordre physique, liés à la procédure de fécondation in vitro et à toute grossesse, et d’ordre psychologique ; ils ne sont pas anodins.

Selon le Professeur Jacqueline MANDELBAUM 88qui cite les conclusions d’une étude californienne menée en 1999 par l’équipe de Parkinson, « il faut en moyenne trois transferts pour obtenir une grossesse. Cette étude rapporte une grande série de 95 accouchements de 128 enfants. 20 % de fausses couches et quelques grossesses extra-utérines ont été recensées, comme cela se produit dans d’autres circonstances. Parmi ces 95 accouchements, on comptabilise la naissance de 27 paires de jumeaux, de deux groupes de triplés, et de cinq réductions à deux fœtus de trois grossesses quadruples et de deux triples. On recense aussi 40 % de menaces d’accouchement prématuré lorsque l’accouchement est gémellaire, entraînant un alitement prolongé. Des hypertensions sont comptabilisées dans quelques cas, des saignements gênants dans 5 % des cas, un diabète dans 2 % des cas. Le taux de césarienne y est de 20 % et de 56 % dans le cas d’une grossesse multiple. Quelques complications du post-partum sont constatées (6 %) ainsi que 5 baby blues. Les résultats de cette étude montrent que les risques existent et qu’ils ne sont pas anodins ».

Quant à l’évaluation du retentissement psychologique de la GPA, Mme MANDELBAUM cite le travail mené par le Professeur Olga Van Den AKKER au Royaume-Uni dans un pays ayant encadré la GPA, en protégeant les gestatrices, « 61 % d’entre elles ont volontairement accepté de répondre aux questionnaires envoyés pendant la grossesse. 66 % des femmes contactées ont répondu au premier questionnaire d’inclusion, mais seules 25 % ont répondu au suivant. Il est donc difficile de généraliser ces réponses. L’impression générale est cependant rassurante… Toutefois, quand on les compare aux femmes demandeuses, elles disent être moins aidées par leur entourage (compagnon, parents, amis) et avouent connaître des dysfonctionnements dans leur couple ».

Le retentissement de la GPA sur la famille de la mère porteuse fait l’objet d’interrogations, Mme MANDELBAUM se demande « Qu’en est-il du ressenti du compagnon de cette femme porteuse, de ses enfants et de ses parents lorsque toute une famille est emmenée dans cette aventure et pourra en ressentir les effets ? Il est difficile de répondre car aucune étude n’existe à ce jour. La femme porteuse doit aussi affronter le regard des autres, celui des collègues de travail, des commerçants, etc. ».

Pour Mme Elisabeth BADINTER, écrivaine et philosophe89, « on peut porter un enfant sans faire de projet, sans fantasmer, sans tricoter une relation avec lui ».

Pour Mme ELIACHEFF et le Professeur FRYDMAN : « S'adjuger douze mois de la vie d'un être humain, ce n'est pas rien ! Une grossesse, ce n'est pas toujours simple, et une mère porteuse n'est à l'abri ni d'une fausse couche, ni d'une césarienne, ni de complications, ni de porter un enfant malade, ni d'un baby blues. Ses propres enfants devront intégrer l'idée que l'enfant qu'elle porte n'est pas un frère ni une soeur, qu'il n'a pas été conçu avec leur père et qu'il sera (aban)donné à une autre famille dès la naissance. La société peut-elle exposer de la sorte ces enfants au bon vouloir de leur mère ? Et le couple ? Et le mari ? »

3 - La controverse éthique et juridique

La controverse éthique et juridique porte notamment sur la fragmentation de la parenté et l’intérêt de l’enfant à naître, le risque d’exploitation des femmes, la marchandisation de leur corps, l’atteinte à leur dignité. Il s’agit de protéger l’enfant à naître et la gestatrice, perçue comme pouvant être exploitée. La responsabilité de chaque intervenant questionne.

a) La fragmentation de la parenté et l’intérêt de l’enfant

Mme Hélène GAUMONT-PRAT, Professeur de droit, fait valoir que « la gestation pour autrui implique l’existence d’une situation variable avec trois, quatre ou cinq acteurs dans la procréation, ainsi que l’absence parfois totale d’un lien biologique entre les parents destinataires, et l’enfant. Les deux dernières pratiques étant des techniques médicalisées. La multiplication des acteurs dans le processus de la procréation conduit à une dissociation de la sexualité, du biologique, et du social comme c’est le cas dans l’AMP, mais aussi à une fragmentation de la parenté. Quelle sera l’information donnée à l’enfant sur les conditions de sa naissance ? »90. En outre, quel sera le sort de l’enfant si le couple d’intention ne le reconnaît pas ou entre temps est dissout par la mort, une séparation, un divorce ?

La motivation de la gestatrice est au coeur des interrogations : agira-t-elle par altruisme ? Certains comme le Professeur Israël NISAND le pensent. D’autres estiment que les gestatrices sont souvent des femmes fragiles psychologiquement, pour qui ce rôle serait valorisant. La motivation financière ne serait pas étrangère à certaines démarches notamment dans les pays où la GPA n’est pas encadrée.

Selon Mme Dominique MEHL91, « pour de nombreuses femmes gestatrices, une situation de stérilité existe dans l’entourage, elles ont été témoins d’une souffrance liée à la stérilité. Ces femmes affirment aussi que cette grossesse pour autrui leur donne un sentiment d’accomplissement personnel, voire de puissance personnelle. Elles expriment aussi le fait que cette grossesse vient rehausser leur estime d’elles-mêmes. Parmi les témoignages que j’ai pu recueillir, la motivation financière des gestatrices n’est pas la motivation première, je ne nie pas que cela puisse exister ailleurs. »

Elle ajoute : « Le plus souvent, le terme de « nounou » est employé, c'est-à-dire qu’elles se considèrent les gardiennes, l’espace d’un moment, d’un enfant qu’elles vont ensuite confier à leurs parents. Ce terme de « nounou » illustre aussi parfaitement le désir de préserver à la fois une certaine distance et l’envie de partager une certaine proximité. On se situe dans une sorte de famille élargie mais non dans une famille restreinte »

Mme Sylvianne AGACINSKI, Professeur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales92, juge sévèrement la légalisation éventuelle de la gestation pour autrui : « elle est un cas très grave de l’extension du marché à toute chose, quelle qu’elle soit. C’est une dérive que Marx dénonçait déjà au XIXe siècle, mais qui atteint des proportions inédites avec le développement des biotechnologies. La gestation autorisée sera forcément rémunérée, faisant du ventre des femmes un instrument de production et de l’enfant lui-même une marchandise ».

Mme GAUMONT-PRAT souligne le caractère contractuel du contrat qui lie la gestatrice au couple d’intention et par conséquent elle y perçoit « la marchandisation et la commercialisation de la procréation ». Elle observe qu’aux États-Unis, « on peut passer un contrat avec une mère porteuse, en prenant une assurance. C’est un acte de cession de l’enfant qui sera envisagé puisqu’il y a contrat, livraison, acte de cession ». Elle juge que l’on porte aussi atteinte à la dignité de la mère porteuse et de l’enfant et que « cette démarche souligne le désir des adultes de fabriquer une sorte de « droit à l’enfant » allant évidemment à l’encontre du droit des enfants ». Elle conclut en faisant allusion à l’arrêt précité de la Cour d’appel de Paris du 25 octobre 2007 « institutionnaliser une pratique d’exception parce que cela se fait à l’étranger alors que les enfants risquent d’en souffrir contribue à un mélange qui n’est pas nécessaire à l’heure actuelle. On peut peut-être trouver d’autres remèdes. Il y a une différence éthique entre accompagner des situations en permettant l’établissement juridique de la filiation dans certains cas spécifiques, et institutionnaliser une pratique qui reste d’exception»93.

b) La nécessité d’un encadrement en question

La prohibition de la gestation pour autrui en France conduirait les parents d’intention à se rendre à l’étranger dans des pays où la pratique de la gestation pour autrui est autorisée, ce qui favoriserait les personnes les plus fortunées. Selon certains intervenants, la pratique de la GPA existerait en France de manière clandestine. Aussi mieux vaudrait légiférer pour protéger l’ensemble des intervenants, et mettre fin à des dérives. Tel est le point de vue de l’association Maia, de l’association CLARA et de Mme Geneviève DELAISI de PARSEVAL qui estime injuste la situation des femmes qui ne peuvent procréer pour raison médicale ; elle plaide pour un encadrement de la pratique tel qu’il existe en Grèce et au Royaume-Uni94. L’état civil de l’enfant né à l’étranger préoccupe à juste titre : qui sera la mère au regard de la loi française ?

Mme Dominique MEHL estime que « l’interdiction conduit les demandeurs à se précipiter vers des pays marqués parfois par des pratiques non éthiques, par la concurrence commerciale, par une pratique médicale qui manque de limpidité ou, pour le moins, qui demeure opaque. Ces pratiques ont, en outre, pour conséquences dramatiques que les enfants reviennent sur le territoire sans état civil français. En interdisant, nous créons une situation d’inégalité car ce sont les couples dotés de moyens financiers ou ceux qui se saignent qui pourront satisfaire leur désir d’enfant »95.

Pour Mme Elisabeth BADINTER, écrivaine et philosophe96, « l’exemple américain peut nous amener à penser qu’il s’agit là d’une mercantilisation inappropriée du corps de la femme. Mais je pense qu’on peut y mettre des barrières. En fait, cela rend une loi et un encadrement encore plus nécessaires. La légalisation est justement un moyen d’empêcher les dérives, comme les agences d’intermédiaires. Il ne faut pas que des femmes se retrouvent à donner leur ventre, comme d’autres donnent un rein, pour manger ».

Le Professeur Israël NISAND, chef du service gynécologie-obsétrique97 aux hôpitaux de Hautepierre (Strasbourg), regrette que « la loi interdise tout, ce qui interdit la discussion et l’analyse au cas par cas de dossiers au demeurant très différents ». Il explique que « continuer de tout interdire présente le risque qu’un jour, au hasard de promesses électorales, on se mette à tout autoriser d’un seul coup, ce qui ne serait pas mieux ». Il ajoute : « Au centre du débat éthique sur les GPA, se trouve donc la relation de subordination d’une femme vis-à-vis d’une autre et son instrumentalisation possible. Et question la plus délicate à traiter : l’indisponibilité du corps humain et la répulsion à le faire entrer dans le champ des biens et des contrats. Au centre du débat éthique, se trouvent aussi posés le sort de l’enfant ainsi conçu et les conséquences négatives qui peuvent l’atteindre, voire altérer ses droits, lui qui n’est responsable en rien de ces montages compliqués. En effet, l’instabilité juridique issue de ces pratiques à l’étranger peut confiner au drame lorsque l’enfant n’a toujours pas d’état civil validé après plusieurs années de vie ». Selon lui, « les valeurs essentielles auxquelles nous tenons tous collectivement peuvent être bel et bien respectées dans le cadre de la grossesse pour autrui, à condition de l’encadrer correctement ».

4 - L’état des lieux à l’étranger98

La situation à l’étranger fait apparaître une extrême diversité des situations, allant de l’interdiction absolue à l’encadrement restrictif, en passant par un vide juridique propice au trafic.

a) Les États qui interdisent la GPA : Allemagne, Espagne, Italie et Suisse

En Allemagne, la loi sur la médiation en matière d’adoption de 1989 définit et interdit la maternité de substitution. Elle prohibe également la mise en relation d’une mère de substitution avec un couple demandeur et le fait de favoriser un tel rapprochement. Les intermédiaires sont passibles de un à trois ans de prison ; aucune peine n’est en revanche prévue ni pour les membres du couple demandeur, ni pour la mère de substitution.

La loi de 1990 sur la protection de l’embryon prohibe toute insémination artificielle ainsi que tout transfert d’embryon sur une femme prête à remettre à des tiers l’enfant à naître. L’interdiction est assortie d’une peine pouvant atteindre trois ans d’emprisonnement. Enfin, une convention de gestation pour autrui est nulle au regard du code civil, car contraire aux bonnes mœurs. Pour contourner cette loi, certains couples allemands se rendraient en Europe de l’Est.

En Espagne, l’interdiction de la maternité pour autrui a été posée par une loi du 22 novembre 1988 relative aux techniques de procréation médicalement assistée, et confirmée par la loi n°14 du 26 mai 2006, aux termes de laquelle « sera nul de plein droit le contrat par lequel est convenue la gestation, à titre onéreux ou gratuit, d’une femme qui renoncera à la filiation maternelle en faveur du cocontractant ou d’un tiers ». La maternité pour autrui est sanctionnée par une peine d’amende de 10 000 à 1 million d’euros et peut entraîner la fermeture du centre médical ou des services de procréation médicalement assistée qui y ont concouru. Certains couples espagnols se rendraient à l’étranger, notamment en Amérique latine pour contourner la loi.

En Italie, la législation en matière de procréation médicalement assistée est particulièrement restrictive. La loi n° 40 du 19 février 2004 sur la procréation médicalement assistée prohibe ainsi la pratique et l’organisation de toute forme de maternité de substitution, ainsi que toute publicité à cet effet. Les sanctions encourues sont une peine de trois mois à deux ans de réclusion et une amende de 600 000 à un million d’euros. Les médecins encourent quant à eux une suspension professionnelle d’un à trois ans. Toute maternité pour autrui pratiquée sans recourir à l’assistance médicale à la procréation est indirectement prohibée par la loi sur l’adoption qui prévoit en effet une peine de prison, comprise entre un et trois ans, pour toute personne qui remettrait à un tiers un enfant en dehors des procédures officielles d’adoption.

En Suisse, le don d’ovules, le don d’embryon et la maternité pour autrui sont interdits. La prohibition de la maternité pour autrui résulte à la fois de la constitution fédérale et de la loi fédérale du 18 décembre 1998 sur la procréation médicalement assistée qui prévoit des sanctions pénales à l’encontre de toute personne qui « applique une méthode de procréation médicalement assistée à une mère de substitution » ou qui « sert d’intermédiaire à une maternité de substitution ». Certains couples se rendraient à l’étranger pour recourir aux services d’une mère de substitution. Les tribunaux suisses n’ont pas encore eu à se prononcer sur la filiation maternelle des enfants.

b) Les États qui n’ont pas légiféré

Tel est le cas des États fédéraux comme les États-Unis et le Canada

Aux États-Unis, la maternité pour autrui ne fait l’objet d’aucune législation fédérale, si bien que chaque État applique ses propres règles. La situation juridique y est souvent incertaine, une trentaine d’États n’ayant pas légiféré.

La maternité pour autrui est formellement prohibée dans plusieurs États des États-Unis. Les contrats ayant pour objet de l’organiser sont tenus pour nuls au Kentucky, dans l’Indiana, en Louisiane et dans le Nebraska. Des sanctions pénales sont prévues en Arizona, dans l’État de New York, au Nouveau Mexique, dans l’Utah et dans le Michigan ainsi que dans le district de Columbia.

La maternité pour autrui n’est admise que dans moins d’une dizaine d’États.

- Dans l’Illinois par exemple, la loi relative à la maternité pour autrui entrée en vigueur le 1er janvier 2005 prévoit qu’un contrat doit être conclu par écrit et attesté par deux témoins, chaque partie étant représentée par un conseiller juridique indépendant. La compensation financière éventuelle attribuée à la mère de substitution doit être remise à un tiers indépendant. Les parties doivent également avoir subi un bilan psychologique. La mère de substitution doit remplir des conditions précises. L’un des deux parents intentionnels au moins doit être le parent génétique de l’enfant. Une attestation médicale doit certifier que la maternité pour autrui constitue l’ultime recours pour avoir un enfant. L’établissement de la filiation est largement facilité, dès lors que la procédure est respectée, leurs noms sont portés sur l’acte de naissance d’origine.

- En Arkansas, la maternité pour autrui est encadrée par une loi qui favorise le transfert de filiation. Après la naissance, les parents intentionnels peuvent obtenir une décision judiciaire permettant l’établissement d’un nouvel acte de naissance établissant la filiation avec l’enfant.

Dans d’autres États, la maternité pour autrui s’est développée grâce à la jurisprudence. Ainsi, en Californie, la Cour suprême a considéré que les parents légaux d’un enfant étaient ceux qui avaient l’intention de l’être dès la conception de l’enfant. Selon la loi californienne, la maternité est prouvée soit par l’accouchement, soit par un test génétique. Si la gestatrice et son conjoint en sont d’accord, les parents intentionnels peuvent demander au tribunal qu’il rende, avant la naissance, une décision en vertu de laquelle ils sont considérés comme les parents légaux de l’enfant à naître et ont le droit de lui donner un prénom. La gestatrice et son conjoint n’ont alors ni droit, ni responsabilité légale à l’égard de l’enfant, et l’établissement où a lieu l’accouchement doit porter le nom des parents intentionnels sur la déclaration de naissance.

Apparue à la fin des années 1970, l’activité d’intermédiaire s’est fortement développée en raison de son attrait financier : le prix d’une gestation pour autrui s’élève en moyenne à 60 000 dollars (un peu moins de 41 000 euros), mais peut dépasser 100 000 dollars (un peu moins de 68 000 euros). Actuellement, sur l’ensemble des États-Unis, on estime à environ un millier le nombre annuel d’enfants naissant d’une gestation pour autrui

Au Canada, la loi fédérale du 29 mars 2004 sur la procréation assistée interdit la gestation pour autrui à titre onéreux mais autorise implicitement les contrats de gestation pour autrui à titre gratuit. Elle ne se prononce ni sur la validité du contrat de gestation pour autrui, ni sur la filiation, ces deux questions relevant de la compétence des provinces et territoires. S’agissant de l’établissement de la filiation en général, les lois provinciales protègent la femme qui accouche : elle seule a le droit de décider si elle garde ou non l’enfant. Toutefois, la jurisprudence prend parfois en compte les arguments des parents intentionnels.

Au Québec, l’article 541 du code civil dispose que « toute convention par laquelle une femme s’engage à procréer ou à porter un enfant pour le compte d’autrui est nulle de nullité absolue. » et dans la plupart des provinces, la situation juridique est incertaine en l’absence de loi visant expressément le contrat de maternité pour autrui.

- En Alberta, la loi de 2003 relative à la famille prévoit que les contrats de gestation pour autrui ne sont pas exécutoires et ne peuvent pas permettre de prouver que la gestatrice consent à se séparer de l’enfant qu’elle a mis au monde. Toutefois, le juge peut, à la demande de la mère génétique et si la gestatrice en est d’accord, déclarer que la mère génétique est la mère légale de l’enfant. La requête ne peut pas être introduite moins de quatorze jours après la naissance de l’enfant.

- En Nouvelle-Écosse, le règlement sur l’enregistrement des naissances permet au juge d’établir la filiation de l’enfant à l’égard de ses parents intentionnels lorsque l’accord entre la mère de substitution et le couple est antérieur à la conception et que l’enfant est génétiquement celui de l’un au moins des deux membres du couple.

En Belgique, la maternité pour autrui se pratique en dehors de tout cadre juridique explicite. Plusieurs centres de procréation médicalement assistée réalisent des fécondations in vitro en liaison avec des gestations pour autrui, semble-t-il exclusivement en cas d’impossibilité médicalement constatée, pour une femme, de porter un enfant mais pas de le concevoir.

Cependant le droit de la filiation constitue un obstacle au développement de la maternité pour autrui. En effet, la femme qui accouche d’un enfant, que celui-ci soit ou non issu de ses propres gamètes, est juridiquement considérée comme sa mère. Quant à la filiation paternelle, elle dépend de l’état civil de la mère de substitution. Ces dispositions obligent donc les parents commanditaires à demander l’adoption de l’enfant, mais la loi prévoit que la mère ne peut consentir à l’adoption que deux mois après la naissance de l’enfant. Des tribunaux ont déjà été saisis de demandes d’homologation d’adoptions consécutives à des maternités pour autrui.

c) Les pays qui autorisent et encadrent la gestation pour autrui

Aux Pays-Bas, la maternité pour autrui est tolérée lorsqu’elle ne donne pas lieu à une contrepartie financière. Deux voies coexistent : une voie très encadrée qui passe par la fécondation in vitro et une autre voie plus libérale qui s’appuie sur le droit reconnu à toute mère de confier son enfant à un couple tiers. Un règlement du 1er avril 1998 relatif aux établissements qui pratiquent la fécondation in vitro, n’autorise la gestation pour autrui au moyen de celle-ci que si elle constitue la seule possibilité pour sa bénéficiaire de devenir mère et si la gestatrice a déjà eu au moins un enfant. Lorsque cette procédure est suivie, l’adoption peut être prononcée assez rapidement, car les parents ne font pas l’objet d’une enquête approfondie.

Pour faire établir la filiation de l’enfant à leur égard, les couples ayant fait appel à une mère de substitution sans fécondation in vitro peuvent utiliser le droit commun de l’adoption, en vertu duquel une mère peut renoncer à son autorité sur un enfant au profit d’un couple tiers. La procédure est cependant assez lourde.

Toute activité de mise en relation d’un couple avec une mère de substitution, est sanctionnée pénalement et passible de peines pouvant atteindre un an de réclusion et 16 750 € d’amende.

En Israël, le père devrait fournir les spermatozoïdes et l’ovule devrait provenir soit de la mère bénéficiaire soit d’une donneuse mais pas de la mère de substitution. La gestatrice doit être une résidente israélienne et célibataire mais des dérogations seraient accordées. L’accord entre la gestatrice et les parents bénéficiaires doit être entériné par un comité de sept membres comprenant des médecins, un psychologue, un assistant social, un juriste et un représentant de la religion des parties concernées. Ce comité approuve l’accord après vérification que la santé de la mère et celle du bébé ne sont pas en danger, et que les parties ont pris leur décision librement et en connaissance de cause.

Après l’accouchement, l’enfant est placé sous la tutelle d’un assistant social représentant l’État, depuis sa naissance jusqu'à l’aboutissement d’une procédure d’adoption. La gestatrice serait remboursée de ses dépenses légales et d’assurance et recevrait une compensation pour le temps de la grossesse, la perte de revenu et la douleur.

Au Danemark, les règles sont rédigées de façon, d’une part, à empêcher la réalisation de la GPA à titre onéreux et, d’autre part, à ne pas la favoriser. En revanche, elles n’empêchent pas qu’une personne qui souhaite devenir parent et qui ne le peut pas, fasse appel à une femme de son entourage, celle-ci pouvant même bénéficier d’une insémination artificielle dans certains établissements. Cependant, le droit civil gêne le développement de la gestation pour autrui, car le changement de filiation requiert une adoption.

En Grèce, les maternités de substitution ont été autorisées par la loi du 19 décembre 2002 sur l’assistance médicale à la procréation, complétée par la loi du 27 janvier 2005. Toute assistance médicale à la procréation et la maternité de substitution suppose une autorisation judiciaire.

L’article 1458 du code civil pose en principe que dans le cas où il est médicalement établi qu’une femme, mariée ou vivant en concubinage, ne peut assumer la gestation d’un enfant, elle peut demander à bénéficier d’une assistance médicale à la procréation. Le transfert dans le corps d’une femme d’embryons qui lui sont étrangers puis la gestation par elle peuvent ainsi être autorisés en vertu d’une décision judiciaire rendue avant le transfert si les conditions suivantes sont réunies :

– il faut un accord passé par écrit entre les personnes qui désirent un enfant et la femme qui lui donnera naissance, le consentement du mari de celle-ci étant également requis quand il s’agit d’une femme mariée ;

– toute contrepartie pécuniaire est interdite, excepté le remboursement des frais de grossesse et d'accouchement ainsi que, le cas échéant, le versement d’une indemnité correspondant aux salaires perdus par la mère porteuse durant la grossesse à concurrence d’un maximum évalué par une autorité indépendante ;

– le consentement doit avoir été donné de façon libre et éclairée et une limite d'âge est fixée à cinquante ans pour la femme commanditaire et la gestatrice.

Toute infraction à la loi est pénalement sanctionnée par une peine privative de liberté d’au moins deux ans et par une amende d’au moins 1 500 €. Les mêmes peines sont applicables aux intermédiaires.

L’originalité de cette législation tient aux règles relatives à la filiation de l’enfant conçu et né dans ces circonstances qui fait exception au principe général « mater semper certa est » gouvernant le droit commun de la filiation, la femme bénéficiaire de l’autorisation judiciaire est réputée être la mère légale de l’enfant et être inscrite comme telle dans l’acte de naissance dès l’origine. En outre, toute action en contestation de ce lien de filiation est irrecevable, sauf si elle est exercée dans les six mois de la naissance par la mère présumée ou par la gestatrice et s’il est prouvé que l’enfant a été conçu avec un ovocyte de la mère porteuse en violation de la loi, dans ce cas la filiation est rétroactivement établie envers la gestatrice.

La paternité du mari est présumée en application du droit commun, dès lors que la naissance a eu lieu durant le mariage ou dans les trois cents jours suivant sa dissolution ou son annulation. Dans un couple non marié, le concubin doit exprimer par acte notarié son consentement à l’assistance médicale à la procréation réalisée grâce à une gestatrice, ce qui vaut reconnaissance volontaire de paternité. Que le couple bénéficiaire soit marié ou non, la filiation paternelle est ainsi inscrite dans l’acte de naissance. La législation grecque n’est applicable qu’au profit d’une femme domiciliée en Grèce et à condition que la gestatrice le soit elle aussi. Selon Mme Geneviève DELAISI de PARSEVAL99, cette loi est la plus protectrice et la plus respectueuse de la dignité des personnes, et devrait inspirer le législateur en France.

Au Royaume-Uni, la maternité pour autrui est encadrée par deux lois datant respectivement de 1985 et 1990. La loi de 1985 prévoit que les conventions de maternité pour autrui ne sont pas exécutoires : la gestatrice est toujours la mère légale de l’enfant, et ce n’est qu’ensuite, avec son accord, que la filiation peut être modifiée. Elle interdit ensuite toute publicité et toute rémunération des intermédiaires, que ce soit pour la mise en relation, le conseil juridique ou la gestion des listes de volontaires. Enfin, des amendes s’élevant jusqu’à 5 000 livres (environ 3 500 euros) et une peine d’au plus trois mois de prison sont prévues pour les auteurs des infractions.

Des règles plus strictes ont été définies par la loi sur la fertilisation humaine et l’embryologie de 1990 à l’égard des maternités pour autrui pratiquées dans des établissements de santé : le principe est qu’en contrepartie du respect de conditions médicales et juridiques plus rigoureuses, s’ajoutant aux règles de droit commun précitées, les parents intentionnels peuvent faire établir la filiation de l’enfant à leur égard plus rapidement, sans passer par la procédure de l’adoption, en obtenant du tribunal une décision appelée « parental order »

Les conditions d’obtention de cette décision sont les suivantes : le couple doit être marié, l’un de ses membres doit être le parent génétique de l’enfant et être domicilié au Royaume-Uni ; tous deux doivent être âgés de plus de dix-huit ans ; le domicile de l’enfant doit être le même que celui du couple. La demande doit être formulée dans les six mois suivant la naissance, l’accord de la mère de substitution doit être donné plus de six semaines après la naissance, et le couple ne doit pas avoir rémunéré la mère de substitution, le « dédommagement raisonnable » des frais engagés par celle-ci pour mener à bien la grossesse étant toutefois admis.

Le montant du dédommagement raisonnable n’est pas fixé et le tribunal l’apprécie en fonction de la situation sociale de la mère de substitution : une femme percevant un salaire important pourrait ainsi être davantage dédommagée qu’une femme exerçant un travail peu rémunéré. En règle générale, les sommes versées sont comprises entre 7 000 et 15 000 livres (soit entre 5 000 et 10 000 euros).

5 - Des réserves quant à la légalisation de la gestation pour autrui

Le rapport précité100 de la mission de l’Assemblée nationale d’information sur la famille et les droits de l’enfant, a montré les difficultés juridiques et éthiques soulevés par la levée de cette prohibition

a) Un flou inquiétant sur le nombre des couples susceptibles d’être concernés

Lors de l’audition publique du 10 juin 2008, le Professeur Israël NIISAND avançait le chiffre d’une centaine de couples par an maximum, et Mme Jacqueline MANDELBAUM celui d’une cinquantaine qu’elle considérait comme sous estimé : « ce nombre est largement sous-estimé car bien plus de personnes pensent qu’elles devraient légitimement avoir accès à ces traitements d’infertilité, considérant qu’elles ont des raisons tout aussi légitimes d’y avoir recours que les femmes n’ayant plus d’utérus. Que ces situations soient plus nombreuses ne fait que poser un problème supplémentaire. »

Pour M. Dominique MÉNNESSON, co-président de l’association CLARA, l’indication de la grossesse pour autrui de pure infertilité utérine, représente 18 % des cas ; rapporté au nombre de personnes qui consultent pour une AMP, on obtient un chiffre de 2 000 demandes par an.

b) Les propositions récentes d’autorisation en France

Mme Geneviève DELAISI de PARSEVAL estime urgent de légiférer pour donner un état civil stable aux enfants, elle propose de maintenir l’interdiction de la procréation pour autrui et de n’autoriser que la gestation pour autrui soit avec l’ovocyte de la mère d’intention, soit avec celui d’une donneuse et elle préconise un suivi psychologique.

Le Professeur Israël NISAND s’inspire du système d’autorisation du diagnostic prénatal. Il suggère « la création d’une instance composée, comme les comités de protection des personnes, d’une parité de représentants (professionnels et non-professionnels, femmes et hommes, personnalités compétentes sur le plan du droit de la famille). Ces centres régionaux pourraient prendre le temps d’instruire les demandes sur une année, afin de vérifier si la GPA proposée respecte bien les droits de l’enfant et les droits de la mère porteuse quant à l’indisponibilité de son corps. Des médecins pourraient y être auditionnés en tant qu’experts techniques ». Selon lui, l’autorisation finale serait accordée de manière nationale, après un avis de la commission régionale, la centralisation nationale aurait le mérite de diminuer la variabilité des décisions due à la diversité des subjectivités.

Les propositions présentées dans le rapport précité du Sénat101 sont fondées sur un encadrement strict de la gestation pour autrui considérée comme une technique d’AMP classique. S’appliquent à cette technique toutes les conditions d’accès à l’AMP (couple hétérosexuel stable ayant deux ans de vie commune) ainsi qu’un lien génétique avec l’un des membres du couple et l’impossibilité médicale de mener à bien une grossesse.

La gestatrice quant à elle doit avoir eu un enfant sans avoir rencontré de difficulté particulière pendant la grossesse. Elle ne peut mener plus de deux grossesses pour le compte d’autrui, et être domiciliée en France. Les couples demandant à bénéficier d’une GPA et la gestatrice doivent faire l’objet d’un agrément délivré par une commission pluridisciplinaire placée sous l’égide de l’Agence de la biomédecine (ABM). Une habilitation spécifique pour pratiquer la GPA doit être exigée des praticiens et des centres de procréation médicalement assistée, la mise en relation des couples demandeurs et des gestatrices pouvant s’effectuer par des associations à but non lucratif, agréées par l’ABM sans donner lieu à rémunération.

La gestatrice devrait bénéficier de tous les droits sociaux afférents à la maternité et un «dédommagement raisonnable » pourrait lui être versé par le couple bénéficiaire afin de couvrir les frais qui ne seraient pas pris en charge par la sécurité sociale. Le transfert d’embryon serait subordonné à une décision du juge judiciaire chargé de vérifier les agréments, recueillir les consentements écrits des parents intentionnels et de la gestatrice ainsi que, le cas échéant, celui du conjoint, du concubin ou du partenaire de PACS de cette dernière, de les informer des conséquences de leur engagement au regard notamment du droit de la filiation, de fixer le montant du dédommagement raisonnable devant être versé par le couple bénéficiaire à la gestatrice, ce montant pouvant le cas échéant être révisé. En cas d’évènement imprévu au cours de la grossesse, la gestatrice seule pourrait prendre les décisions afférentes au déroulement de la grossesse, notamment demander son interruption.

La gestatrice qui désirerait devenir la mère légale de l’enfant devrait en exprimer la volonté dans le délai de la déclaration de naissance, soit trois jours à compter de l’accouchement. On notera que le délai de décision de la gestatrice est bref. Son nom figurerait alors dans l’acte de naissance et les règles du droit commun de la filiation s’appliqueraient. Dans l’hypothèse où elle n’aurait pas exprimé le souhait de devenir la mère légale de l’enfant dans les trois jours suivant l’accouchement, les noms des parents intentionnels seraient automatiquement inscrits sur les registres de l’état civil en exécution de la décision judiciaire ayant autorisé le transfert d’embryon et sur présentation de celle-ci par toute personne intéressée.

Recommandation

Les rapporteurs considèrent que les propositions visant à lever la prohibition de la gestation pour autrui en l’encadrant strictement ne lèvent pas les objections de fond qui entachent cette technique extrêmement «biologisante ». Ils rejoignent en cela les objections formulées par le Professeur René FRYDMAN et Mme Caroline ELIACHEFF, même s’ils n’ignorent pas les cas difficiles rapportés par le Professeur Israël NISAND. Il est des couples que l’on souhaite aider mais la loi doit poser des limites.

Ils considèrent qu’on ne peut aborder la levée de cette prohibition sans réfléchir au devenir de l’ensemble des intervenants, notamment à celui de l’enfant à naître, et à celui de la gestatrice et sa famille. Un encadrement de la GPA implique un contrat sur un enfant à naître dont l’intérêt doit être protégé et mobilise une femme et les membres de sa famille pendant un an au moins.

- Les risques pour l’enfant à naître demeurent. Comment prendra-t-on en considération les liens de cet enfant avec la gestatrice, alors que les médecins démontrent chaque jour l’importance des échanges fœtaux maternels? Que lui dira-t-on de sa naissance à l’age adulte ? Qu’adviendra-t-il de lui si le couple d’intention se sépare ?

- Les risques d’instrumentalisation de la gestatrice demeurent. Qu’adviendra-t-il d’elle si sa grossesse se déroule mal ? Qui sera responsable : l’équipe médicale, l’instance qui a délivré les agréments, le couple d’intention ? Comment informera-t-elle sa propre famille, ses propres enfants, ses proches ?

- Les risques de frustration des couples intentionnels demeurent : très encadrée médicalement pour être juridiquement et éthiquement acceptable, cette technique continuera de conduire les couples à des délais d’attente très longs, des espérances déçues. Les infertilités de causes inconnues qui existent en seront exclues entraînant des injustices qui ne feront pas cesser le tourisme procréatif.

- Les rapporteurs estiment que les difficultés de l’adoption en France sont à prendre en considération, elles sont bien souvent l’une des raisons de la volonté des couples de recourir à la GPA. Le rapport de M. Jean-Marie COLOMBANI ouvre des pistes intéressantes ; il reste que le nombre d’enfants juridiquement adoptables est faible par rapport au nombre des couples candidats. Cependant, les rapporteurs demandent aux praticiens de l’AMP comme à ceux qui sont chargés de délivrer des agréments à adoption d’éviter d’opposer les deux démarches.

III - LE BILAN DE L’AMP ET LE TOURISME PROCRÉATIF

A - LE BILAN MITIGÉ DE L’AMP EN FRANCE

1 - Une activité stable selon les données de l’Agence de la biomédecine (ABM)

L’activité d’AMP en France est relativement stable au cours de ces dernières années avec environ 119 000 tentatives réalisées pendant l’année 2006, comprenant différentes techniques, inséminations, fécondations in vitro (FIV classiques et FIV avec ICSI) et transferts d’embryons congelés issus des FIV et des ICSI. Ces tentatives sont réalisées dans la très grande majorité des cas avec les gamètes des deux membres du couple. Dans 6 % des cas, la tentative d’AMP fait appel à des spermatozoïdes ou des ovocytes issus d’un don.

La répartition des tentatives au sein des différentes techniques d’AMP est globalement comparable à celle des quatre années précédentes. Les inséminations artificielles, quelle que soit l’origine du sperme, occupent toujours une place importante avec plus de 54 000 cycles dans l’année. Les fécondations in vitro, représentant plus de 51 000 cycles en 2006, sont réalisées par ICSI dans 60 % des cycles. La part des ICSI a légèrement augmenté ces dernières années. Aux tentatives de FIV et d’ICSI viennent s’ajouter, 14 300 cycles de transferts d’embryons congelés.

Le nombre d’enfants nés après AMP en 2006 selon la technique et l’origine des gamètes se repartit ainsi : accueil d'embryons 0,05 %, insémination intra-utérine intra conjugale 26 %, FIV hors ICSI intra conjugale 22 %, ICSI intra conjugale 35 %, transfert d’embryons congelés (TEC) intra conjugale 10 %, AMP avec spermatozoïdes de donneur 6 %, AMP avec don d'ovocytes 1 %.

L’ABM note une légère tendance à l’amélioration des taux de grossesse pour l’ensemble des techniques d’AMP, qui semble se confirmer par l’accroissement des taux d’accouchements. Toutefois, malgré l’application dans les centres d’une politique de transfert embryonnaire plus prudente, 2 embryons par transfert en moyenne, le taux d’accouchements multiples reste supérieur à 20 %.

Les tentatives de l’année 2006 ont conduit à la naissance de 20 042 enfants, soit comme en 2006, 2,4 % des naissances enregistrées par l’INSEE la même année en France. 6% de ces enfants sont issus d’un don de spermatozoïdes (1 122 enfants) et 1 % sont nés grâce à un don d’ovocytes (106 enfants).

a) Fécondation in vitro en intra conjugal

En 2006 on remarque une diminution du nombre de cycles de FIV hors ICSI qui représentent 40 % des cycles de fécondation in vitro. Lors de la ponction ovocytaire, 72 % des femmes avaient moins de 38 ans. Les taux de grossesse et d’accouchement semblent s’améliorer en 2006. Le nombre moyen d’embryons transférés est stable. Le pourcentage de transferts de plus de 2 embryons semble diminuer en 2006 avec 15,8 % des transferts réalisés comparativement à 18,7 % en 2005. Néanmoins, le taux des accouchements gémellaires reste supérieur à 20 %. Le taux d’implantation qui représente les chances moyennes qu’un embryon transféré s’implante, s’élève à 16 %.

b) Le don de gamètes

Si l’activité d’AMP avec tiers donneur est peu importante au regard des activités d’AMP en intra conjugal, on note une augmentation du nombre de dons d’ovocytes en 2006 avec 228 ponctions d’ovocytes effectuées, comparées aux 168 de l’année précédente. La part des dons d’ovocytes faits au cours d’une FIV pour soi-même est faible (6,1 %). On compte 248 donneurs de spermatozoides dont le sperme a été congelé dans l'année

Les chances de grossesse après don d’ovocytes sont les meilleures parmi toutes les AMP avec près de 34 % de grossesse après FIV hors ICSI, 29 % après ICSI et 20 % après transfert d’embryons congelés.

c) Les autoconservations

L’activité de conservation d’ovocytes ou de tissu ovarien en vue de préserver une fertilité ultérieure est désormais possible. Au cours de l’année 2006, les patientes pour lesquelles une autoconservation a été réalisée sont au nombre de 132. Au total, à la fin de l’année 2006, plus de 500 patientes ont bénéficié de la conservation d’ovocytes ou de tissus ovariens.

d) Embryons congelés et projet parental

Il y a au 31 décembre 2006, dans les centres d’AMP, environ 176 000 embryons conservés qui, dans la majorité des cas (52 %), seront transférés pour répondre au projet parental du couple à l’origine de leur conception. En revanche, un peu plus de 20 % des embryons conservés ne feront plus l’objet d’un projet parental du couple après un délai de conservation variable. Ils pourront éventuellement, après consentement du couple soit être accueillis par un autre couple soit être cédés à la recherche.

e) Le tourisme procréatif en France

Les professionnels magistrats et médecins sont confrontés aux demandes des couples étrangers qui revendiquent des techniques de procréation médicalement assistée interdites ou méconnues dans leur pays d’origine.

Par exemple, un couple d’italiens peut se faire domicilier en France pour réclamer à l’équipe médicale d’un centre d’AMP, la mise en œuvre d’une fécondation in vitro avec tiers donneur, ce qui est interdit en Italie. Il en va de même pour un couple d’Afghans dont la loi nationale méconnaît et ne réglemente pas l’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation. La situation se complique quand les couples sont en situation irrégulière en France. La tendance est de raisonner en appliquant la loi nationale pour les questions qui touchent à la personne. Cela se révèle d’autant plus difficiles car aux limites posées par l’application de l’AMP dans des lois nationales, s’ajoutent celles qui réglementent le droit des étrangers. Ce peut être également des couples atteints d’une maladie génétique, des couples étrangers, en situation visiblement irrégulière et ayant d’autres enfants restés au pays.

Mme Frédérique DREIFUSS-NETTER, Professeur de droit à Paris IV, a relevé que « dans ces affaires, la loi actuelle est discrète et n’interdit rien formellement et les équipes se retrouvent confrontées à des interrogations éthiques majeures. Si ces couples étaient fertiles, rien ne leur interdirait d’avoir des enfants. Par l’intermédiaire des professionnels, ils s’adressent à la société. Quelle est leur responsabilité morale, sinon juridique, à l’égard de la société et à l’égard des enfants à naître ? Comment se préoccuper de l’intérêt supérieur de l’enfant sans s’ingérer abusivement dans la vie de ces couples ?»102.

B - DES DISPARITÉS D’ACCÈS ET DE RÉSULTATS

Selon M. François THÉPOT, adjoint au directeur médical et scientifique de l’Agence de la biomédecine, une des spécificités françaises serait la répartition relativement homogène des centres et des résultats103. Il explique qu’« en termes de nombre de centres d’AMP, le Danemark en compte 21, la France 104, l’Allemagne 120 et le Royaume-Uni 74. On peut atteindre 20 % de taux de grossesses par insémination lorsque nous sommes dans un système de donneurs fertiles. En revanche, le taux tombe à 12 % pour les inséminations avec des spermes de couples qui n’arrivent pas à avoir d’enfant. Au niveau des dons d’ovocytes, il y a 33 % de taux de grossesses. Enfin, le plus mauvais résultat en FIV avec sperme de donneur se situe à 24 % de taux de grossesses. »

RÉSULTATS PAR TECHNIQUE EN GROSSESSES ÉCHOGRAPHIQUES PAR TENTATIVE

 

MAXIMUM

MINIMUM

INSÉMINATIONS

18,2% (IIU-D)

12,2% (IIU)

FIV hors ICSI

33,6% (DO)

24,2% (FIV-D)

ICSI

28,8% (ICSI-D)

25,8% (ICSI)

TEC

24,6% (AE)

17,4% (TEC)

Données : Agence de la biomédecine France 2006 (publication 2008)

Selon M. François THÉPOT, « en France, il existe bien un accès égalitaire et équitable à l’AMP en tant que traitement et une véritable protection des femmes, puisque des systèmes de consentement sont prévus. »

Cet avis n’est pas tout à fait partagé par les associations que les rapporteurs ont entendues. Elles ont dénoncé de sérieuses disparités dans la qualité de l’accueil selon les centres : délais d’attente variant du simple au double, accompagnement psychologique souvent défaillant, absence de transparence des résultats. De nombreux couples se rendent en Espagne ou en Belgique pour abréger les délais d’attente surtout quand un don d’ovocyte est nécessaire.

Un journaliste 104constatait qu’«un millier de Françaises infertiles y ont reçu des embryons l’an dernier dans des centres de Catalogne. Des centaines d’Italiennes, d’Allemandes ou d’Anglaises leur emboîtent le pas. 80 % des clientes sont étrangères. Pourquoi un tel succès ? La législation espagnole est des plus souples : nul besoin d’avoir été mère pour donner ses ovules et liberté d’action pour les cliniques ».

Les rapporteurs se sont rendus en Espagne en juillet dernier, et cette situation a été confirmée, car si la législation est nationale, la pratique relève des régions, ce qu’observe l’article précité : «En Catalogne, surtout, le système est à la fois souple et réglementé ». Les centres rémunèrent les donneuses environ 900 €. En Espagne, le don d’ovocyte est rémunéré et des annonces fleurissent sur les campus universitaire auprès des étudiantes. Les cliniques privées font de la publicité. Cette activité étant régulée à l’échelon régional, il est difficile de contrôler le nombre des dons effectués par donneuse, et selon les autorités espagnoles rencontrées par les rapporteurs, cette activité sera mieux contrôlée à l’avenir pour éviter qu’une même femme donne à de multiples reprises ses ovocytes. Il reste qu’en Espagne, les délais d’attente sont réduits : deux mois maximum, après l’appel d’une femme, celle-ci peut recevoir des ovules.

1 - les difficultés de l’activité du don d’ovocyte en France

a) Une méconnaissance du niveau de la demande

En matière de don d’ovocyte, il est difficile de savoir ce qui se passe réellement en France et quel est le niveau exact de la demande. L’Agence de la biomédecine estime que, en 2005, il y avait environ 1 300 couples demandeurs de don d’ovocyte. D’après les associations Pauline et Adrien et MAIA, rencontrées par les rapporteurs, les délais d’attente varient selon les centres.

Le Professeur René FRYDMANN, chef du service de gynécologie-obsétrique à l’Hôpital Antoine Béclère, l’a expliqué: « Les nouvelles consultations de l’année 2005 s’élèvent à 564, parmi lesquelles 36 % des femmes sont venues avec une donneuse. Cela fait plus 1343 demandes. » Mais il considère que « ce chiffre est mal évalué, puisque certaines femmes sont immédiatement découragées lorsqu’elles sont informées des délais d’attente, et vont directement à l’étranger »105. Il estime à près de 2000 la demande annuelle. Selon lui, les données ne permettent pas de déterminer combien de demandes en consultation ont effectivement conduit à une réelle « inscription » sur la liste d’attente (à noter 206 soit 36,5 % sont venues avec une donneuse). Par ailleurs, on ne peut pas évaluer le nombre de demandes à l’étranger. Au total, selon lui en 2005, plus de 1340 femmes étaient en attente d’un don d’ovocytes ou bien s’étaient présentées à une consultation. Il considère que « la situation demeure difficile, non pas sur le plan technique, mais vis-à-vis de la prise en charge. Le fonctionnement de notre système, qui s’appuie sur le don anonyme et gratuit, rencontre des difficultés ».

Il semblerait que le délai moyen d’attente soit d’environ de 28 mois (entre 9-60 mois), soit plus de deux ans. Pour les femmes qui viennent avec une donneuse, le fait d’alimenter le stock, même si elles ne font pas le lien direct, réduit ce délai à 15 mois en moyenne (entre 6-36 mois).

b) La répartition régionale de l’activité

D’après le Professeur René FRYDMNAN, en 2005, la répartition de l’activité du don d’ovocytes en France est très concentrée sur l’Ile-de-France, la Bretagne, voire en Rhône-Alpes, et en Alsace : transferts d’embryons immédiats : 47 % en l’Ile-de-France, 17 % en Bretagne, 22% en Alsace ; transferts d’embryons congelés : 53 % en l’Ile-de-France, 22% en Bretagne, 10% en Rhône-Alpes. Sur le reste du territoire, l’activité est minime. On comprend mieux pourquoi les Français se rendent en Espagne ou en Belgique.

Pour le Professeur Pierre JOUANNET, vice-président du comité médical et scientifique de l’agence de la biomédecine, médecin a l’hôpital Cochin, membre correspondant de l’académie de médecine106, « ceci s’explique en grande partie par le fait que les administrations hospitalières et les pouvoirs publics n’ont donné aucun moyen spécifique pour que cette activité puisse être menée dans de bonnes conditions ». Le don d’ovocyte est possible depuis 1994, mais sa mise en œuvre dans les établissements est restée confidentielle, voire inexistante et n’est absolument pas adaptée aux choix et aux besoins de la société.

En France, 25 centres sont autorisés à procéder à des dons d’ovocyte mais seulement 19 étaient actifs en 2005. Dans 9 régions, il n’y avait aucune activité et 6 régions ont enregistré moins de 10 FIV avec don d’ovocytes en 2005. Cette année là, près des deux tiers de l’activité, ont été concentrés sur l’Ile-de-France et la Bretagne


Il ajoute : « Les difficultés du don d’ovocyte en France s’expliquent aussi par une réglementation longtemps inappropriée. Pour des raisons de sécurité sanitaire mal comprise, on ne pouvait transférer les embryons qu’après une quarantaine de 6 mois pendant laquelle ils étaient conservés congelés. C’était complexe et inefficace. Heureusement, la réglementation a changé en 2004 ».

D’après Mme Emmanuelle PRADA-BORDENAVE107, directrice générale de l’ABM, « la campagne entreprise par l’Agence de la Biomédecine en mai 2008 serait entrain de porter ses fruits. On constate pour 2008, une légère augmentation de l’activité du don d’ovocyte ».

2 - Les résultats à l’étranger

ART* IN THOSE COUNTRIES WHERE ALL CLINICS REPORTED TO THE NATIONAL REGISTER IN 2004

Country

Cycles

Population

Cycles/

million

ART deliveries

ART infants

National births

ART infants (%)

Denmark

11 518

5 413 392

2 128

2 152

2 616

62 741

4,2

France

69 746

60 424 213

1 154

10 460

12 664

745 634

1,7

Germany

56 813

75 212 900

755

8 458

10 270

643 822

1,6

UK

39 981

60 270 708

663

8 338

10 301

655 745

1,6

* Data refer to IVF, ICSI, FER and ED combined

D'après ESHRE European Society of Human Reproduction and Embryology 2008

Ces statistiques peuvent laisser suspecter que la France ne se situe pas parmi les pays les plus en pointe sur l’AMP ; elles doivent, néanmoins, être relativisées. Selon M. François THÉPOT, adjoint au directeur médical et scientifique de l’Agence de la biomédecine108, « la France se situe dans la moyenne des pays à système de santé comparable. Par millions d’habitants, 2 000 cycles sont enregistrés au Danemark, contre 663 cycles au Royaume-Uni et 750 cycles en Allemagne. Au Danemark, 4,2 % des enfants sont issus de la fécondation in vitro, ce taux représentant 1,6 % dans les deux autres pays ». Il reconnaît que la France fait face à la demande d’enfant à tout prix, le business procréatif est présent sur Internet car l’offre internationale s’accélère. Or, il convient, selon lui de faire la différence entre les pays ayant pris une option libérale et les pays se concentrant sur une AMP traitement.

Selon le Professeur René FRYDMAN, les résultats de l’AMP en France sont peu satisfaisants. Il en dresse un bilan sans concession dans un entretien paru dans La recherche109. Il constate, comme les associations Pauline et Adrien et Maia qu’on ne connaît pas clairement le taux de réussite des centres. « Il y a une omerta totale sur la réussite des centres d’AMP dans ce pays, et ceux qui n’ont pas un taux de réussite correct continuent à travailler sans se poser de questions ! Rien ne bouge, pas même la Sécurité sociale, alors que cela lui coûte cher – une FIV classique revient à environ 3 000 euros, une FIV avec ICSI, 5 000 euros… Le taux de réussite en France est globalement de 17 %, alors qu’il devrait être le double. Si vous faites une recherche sur Internet pour trouver le taux de réussite de tel ou tel centre aux États-Unis, vous trouvez non seulement le taux de réussite global du centre en question, mais qui plus est le taux de réussite par tranche d’âge des femmes. En France, il n’y a rien de tel ».

Il se demande pourquoi seuls 10 centres d’AMP français sur 100 sont certifiés conformes à la norme de qualité ISO 900. De même, il constate l’absence d’évaluation universitaire sur de qualité du travail fourni, citant la revue Fertility and Sterility de février 2008 où figure un classement par auteur, par institution et par pays ;il explique que rapporté au nombre d’habitants, la France est seizième.

Recommandation

Il conviendrait de :

- améliorer la transparence des résultats et des pratiques,

- exiger que chaque centre pratiquant l’AMP publie sur son site ses statistiques en fonction de l’âge et des pathologies des personnes traitées.

Les rapporteurs estiment qu’une telle démarche aurait une valeur informative et éducative servant de base à une politique de prévention de l’infertilité liée à l’âge ou à certaines pathologies des futurs parents.

C - LE TOURISME PROCRÉATIF

La question du tourisme procréatif et du baby business se situe en contre-point des résultats décrits, comme de la législation relative à l’AMP en France. Quand un couple ne peut pas accéder aux techniques que lui offre son pays, il tente de les contourner en se rendant à l’étranger. Ceci se produit dans de nombreux domaines mais s’est développé de manière exponentielle ses dernières années, s’agissant de la procréation. Comme pour les tests génétiques, les sites prometteurs fleurissent sur Internet, les contacts se prennent, les intermédiaires s’enrichissent, et les régulations médicales, juridiques ou éthiques sont souvent inopérantes ou contournées.

Lors du cycle de trois conférences-débats organisé par l’Institut du droit de la famille et du patrimoine et l’Académie nationale de médecine qui s’est tenu de mars à mai 2008 à Paris sur le thème « L’embryon, le foetus, l’enfant : assistance médicale à la procréation et lois de bioéthique », des vidéos montraient toutes sortes de sites Internet offrant des possibilités d’achat de gamètes, de gestation pour autrui, ou de fécondation in vitro, quel que soit l’âge.

Cette offre est bien réelle et sa menace pèsera in fine sur les choix qui seront faits lors de la révision. Les médias rendent d’ailleurs volontiers compte de ces « trafics » sur lesquels la communauté internationale devrait se pencher avec plus de détermination.

1 - Le développement du baby business

a) La situation aux États-Unis

Dans un ouvrage The Baby Business qui a eu un certain retentissement aux Etats-Unis, Mme Debora SPAR, Professeur d’économie à Harvard, décrit comment l’industrie de la fertilité et de l’adoption ne représente qu’un seul et même « marché  où se vend un produit » qui, pour la plupart des gens, a une valeur inestimable : un enfant.

L’auteur décrit les rouages des cliniques et des agences qui « commercialisent » des enfants, et ce que des parents sont prêts à endurer pour avoir leur propre enfant. En 2004, plus d’un million d’Américains ont subi un traitement pour la fertilité, au point que ce secteur pèse aujourd’hui 3 milliards de dollars par an. Selon elle, aux Etats-Unis, « le marché de la fertilité est l’un des rares secteurs à fonctionner virtuellement, sans aucun contrôle ni autorité de surveillance. Il est aussi simple d’acheter du sperme dans une banque que d’acheter des chaussures ».

Il n’y a pas non plus de réglementation pour la commercialisation des ovules, en partie parce que la Food and Drug Administration (FDA) n’a pas clairement établi les conditions dans lesquelles elle les considére comme des « tissus reproductifs ».

Elle explique que les mères porteuses peuvent gagner entre 10 000 et 75 000 dollars. Le prix des ovules s’échelonne de 3 000 à 100 000 dollars, si la donneuse dispose des « bons gènes », comme le prouvent [sic] ses résultats scolaires, une taille au-dessus de la moyenne, des capacités musicales ou athlétiques. Les cliniques fournissent les profils des donneurs, qui comportent des questionnaires exhaustifs, des entretiens enregistrés, et même les impressions du personnel.

b) En Europe

Un véritable marché du don d’ovocytes se développe en Europe avec des officines aux techniques commerciales plus ou moins agressives qui permettent de contourner les limites fixées par les législations nationales. Dans les années 1990, en Italie, le docteur ANTINORI faisait figure d’apprenti sorcier en donnant des espoirs de maternité à des quinquagénaires en mal d’enfant. Les prouesses du médecin italien sont désormais à la portée de presque toutes les bourses.

En Ukraine, où le salaire mensuel moyen plafonne à 200 €, le don désintéressé connaît quelques limites. Si les Ukrainiennes acceptent de jouer les « nounous » pour des couples français, belges ou allemands, c’est généralement pour l’argent.

Selon la presse110, l’Europe de l’Est figure parmi les destinations des couples européens confrontés à l’infertilité. Les tarifs bas et une législation plus souple ont permis une multiplication des agences et cliniques spécialisées dans le baby business : on en recense une vingtaine en Ukraine, dix-sept en République tchèque et une quarantaine en Pologne. Le coût des programmes de « maternité de substitution » s’échelonne entre 15 000 € et 30 000 €. À titre de comparaison, il faut compter plus de 50 000 dollars pour un enfant made in America, contre seulement 10 000 en Inde, nouvelle destination du tourisme procréatif.

En Europe, les prix varient de 2 500 € comme en Grèce à plus de 12 000 € en Espagne où la demande a fait croître les prix. Une quarantaine de cliniques privées sont présentes sur Internet et proposent leurs services dans plusieurs langues. Aux États-Unis, des sites offrent des formules « FIV et détente » de 10 000 dollars pour une intervention111.

En France, les couples candidats à une FIV se tournent vers des pays qui garantissent l’anonymat des donneurs et acceptent les femmes de plus de 43 ans. Pour quelques milliers d’euros, et quel que soit leur âge, des femmes se rendent aujourd’hui en Espagne, en Grèce ou en Ukraine pour contourner la législation.

Selon cet article, chaque mois, entre 25 et 30 couples de Français s’adresseraient à une clinique de Thessalonique, pour obtenir un don d’ovocytes. Les femmes ont généralement entre 35 et 45 ans, mais peuvent être plus jeunes dans des cas de stérilité ou plus âgées puisque la Grèce autorise ces FIV jusqu’à 50 ans. « En France, les médecins évaluaient la probabilité d’une grossesse à 5 % et avec un taux de succès qui diminuait d’année en année. Cette clinique nous promettait plus de 50 % de chance », a admis un couple.

Mme Laure CAMBORIEUX112, présidente de l’association Maia, a confirmé l’existence de ce tourisme procréatif, et les possibilités offertes par l’Espagne.

c) « La délocalisation des activités d’AMP » vers l’Inde et les pays d’Asie

The Guardian113 a publié un article qui illustre cette tendance. L’auteur donne l’exemple d’une femme de 42 ans, célibataire, qui a acheté du sperme on line auprès d’une banque de sperme à New York. Elle s’est ensuite rendue à Bombay pour 1 600 livres tout inclus, où elle a bénéficié d’un don d’ovocytes. Sa donneuse indienne a été payée 500 livres. En Grande-Bretagne, elle aurait attendu longtemps et payé 7 000 livres, de plus on ne lui aurait pas implanté plus de deux embryons, alors qu’elle en a reçu cinq en Inde. L’âge constitue un facteur qui attire les Britanniques en Inde, aucune limite n’étant inscrite dans la loi. En juillet, une Indienne de 70 ans a accouché de jumeaux, devenant la plus vieille mère du monde. Dans le centre de l’Angleterre, des jumelles sont récemment nées d’une mère de 59 ans qui avait été suivie en Inde.

Les grossesses se délocalisent en Inde. L'opération, qui peut coûter en Inde jusqu'à 20 000 dollars, est cinq fois moins chère qu'aux États-Unis. Des agences se sont même créées dans le but de recruter des mères porteuses. La « clinique de la fertilité », à Bombay, propose sur son site Internet un formulaire de candidature. La postulante doit avoir eu au moins un enfant et répondre à une série de questions. Les demandes de couples étrangers auraient quadruplé l'année dernière. En l'absence de régulation, ce nouveau « marché », évalué à 450 millions de dollars, est en pleine croissance114.

2 - Des conséquences inquiétantes pour les enfants et les parents d’intention

La presse a relaté deux cas emblématiques de trafic.

En avril 2004, sur Internet, une jeune belge, propose à un couple belge qui ne peut pas avoir d'enfant, d'être mère porteuse.  Moyennant 8 000 €, elle se trouve enceinte à la suite d’une insémination artificielle avec le sperme du mari. La grossesse se passe bien. Mais la mère porteuse se rend compte qu'elle aurait pu gagner plus d'argent. Elle aurait démarché, sur Internet, des parents potentiels prêts à la rémunérer davantage. Un couple de néerlandais est prêt à dépenser 15 000 € pour le bébé. La future mère envoie un courriel au couple belge lui apprenant qu’elle a perdu l'enfant, peu après elle accouche d'une petite fille D…., et enclenche la procédure d'adoption au bénéfice du couple néerlandais. Quand le couple belge a appris le mensonge, il a tenté de récupérer la petite fille. et un premier jugement belge donne raison au père biologique, mais il est finalement débouté, après que la justice ait estimé par deux fois que la petite D…. devait rester avec ses parents adoptifs, aux Pays-Bas« L'enfant, aujourd'hui âgé de trois ans, est bien traité par ses parents. Elle n'a jamais connu d'autres parents qu'eux ».

M… a été conçue in vitro au Japon avec le sperme et les ovules de ses parents, un couple de Japonais qui ne pouvaient pas avoir d’enfant. Elle s’est développée dans l’utérus d’une indienne et est donc née sur le sol indien. Ses parents japonais devaient l’adopter à sa naissance. Entre temps, le couple a divorcé et la mère ne veut pas de l’enfant. Le père voudrait récupérer sa fille. Mais en Inde, un père célibataire ne peut pas adopter une petite fille, même si celle-ci est génétiquement son enfant. La mère porteuse qui n’a jamais souhaité prendre en charge le nouveau-né, âgé de 14 jours, l’a abandonné. M… se retrouverait donc à l’hôpital d’Anand.

IV - LES INTERROGATIONS SUR LES NOUVELLES
TECHNIQUES D’AMP

A - DES INTERROGATIONS SUR LES EFFETS DE L’ICSI (MICRO-INJECTION OVOCYTAIRE DE SPERMATOZOÏDES) SUR LA SANTÉ DES ENFANTS

1 - Le rapport de la Haute autorité de santé (HAS) de décembre 2006

L’ICSI est majoritairement indiquée en cas d’infertilité masculine et après échec de la FIV. La HAS constate que le risque principal pour les enfants conçus par FIV ou ICSI est d’abord associé aux grossesses multiples, les taux moyens de naissances multiples étant plus élevés après FIV (41,5 %) et après ICSI (42,2 %) comparativement à la population générale (3,1 %). Les taux de prématurité, d’hypotrophie et de malformations congénitales majeures ne sont pas significativement différents après FIV et ICSI de ceux des grossesses naturelles pour les enfants issus de grossesses multiples. Il en va de même pour les risques de malformation.

Selon la HAS, les études de grande cohorte avec un long suivi à 5 ans n’ont pas rapporté de différences majeures entre les enfants conçus naturellement ou après ICSI quant au développement physique, cognitif et psychologique. Sur les risques génétiques, épigénétiques et oncologiques, l’ICSI permet aux patients infertiles présentant une fréquence accrue d’anomalies chromosomiques estimée en moyenne à 5,5 % versus 0,37 % au sein d’une population de donneurs de sperme phénotypiquement normaux de procréer. Ceci peut expliquer la fréquence accrue d’anomalies chromosomiques transmises, observées chez les enfants issus d’ICSI (en moyenne 3 % versus 0,37 % dans la population générale.

Ainsi, les données actuelles ne permettent pas de conclure quant à la survenue de perturbations épigénétiques et d’évènements oncologiques. Toutefois, la HAS observe qu’aucune étude n’a encore évalué la fertilité des enfants conçus par ICSI, et les effets sur leur descendance puisque les plus âgés d’entre eux n’ont aujourd’hui que 14-15 ans. Elle demande des études sur l’impact de la congélation de l’embryon en AMP, l’impact de l’âge féminin et masculin sur l’efficacité de l’ICSI et de la FIV.

2 - Les interrogations du Professeur René FRYDMAN

Le Professeur René FRYDMAN s’est exprimé récemment115 sur l’ICSI. Il craint que les enfants ainsi conçus soient stériles : « Le fait d’avoir pas ou peu de spermatozoïdes, peut être lié à des troubles chromosomiques chez l’homme concerné….Cela peut également découler de l’absence d’une région du chromosome Y contenant un ou plusieurs gènes impliqués dans la spermatogenèse. Dans ce cas-là, un garçon conçu par ICSI sera stérile, comme son père. Enfin, une stérilité masculine due à l’absence ou à l’atrophie des canaux déférents signifie souvent que l’homme concerné a une ou plusieurs mutations du gène CFTR … qui entraîne la mucoviscidose, lorsque les deux allèles portent une mutation sévère ». Selon lui, il est nécessaire de procéder préalablement à une ICSI à des analyses chromosomiques ou géniques, selon les cas, ce que tous les centres ne font pas.

3 - La nécessité d’un suivi des enfants nés par ICSI

a) La demande de la HAS

Le rapport précité de la HAS met en exergue la nécessité du suivi des enfants issus de l’AMP, et tout particulièrement de l’ICSI, en tenant compte des questions éthiques posées. Il convient, selon la HAS de réaliser des études à grandes échelles correctement structurées afin de confirmer ou d’infirmer les tendances observées depuis bientôt 15 ans, notamment en termes de risques de malformations congénitales et d’anomalies chromosomiques et épigénétiques, et d’évaluer les risques de l’utilisation de spermatozoïdes issus de prélèvements chirurgicaux.

b) La position du Professeur René FRYDMAN

Le Professeur René FRYDMAN remarque dans l’article précité que l’État s’est très peu soucié jusqu’à présent du suivi des enfants issus d’AMP et que ces suivis sont extrêmement variables selon les centres. « Un suivi n’a de sens que si l’on dispose d’une population témoin. De plus, il faut des cohortes importantes, avec un suivi qui s’étale sur plusieurs années. Enfin, il faut des modalités de suivi non biaisées .... Un suivi valable nécessite non seulement de la volonté et de la compétence, mais aussi des moyens.

Il évoque les résultats d’un suivi effectué à l’hôpital Antoine Béclère de Clamart pendant dix ans sur 423 enfants, dont la plupart avaient été conçus par FIV classique et quelques-uns par ICSI, avec seulement 9 % de perdus de vue. « Nous n’avons pas mis en évidence de problèmes majeurs…Les grossesses après AMP sont un peu plus compliquées que les autres à âge égal, avec un peu plus d’hypertension chez les mères et un peu plus de prématurité des enfants (en dehors des problèmes de grossesse gémellaire). Aujourd’hui, notre souci est d’effectuer des études plus fines. Avec quelques autres centres français, nous avons ainsi lancé un suivi avec des examens biologiques, pour évaluer la fréquence des maladies d’empreinte » (maladies découlant de la mauvaise expression des gènes soumis à empreinte parentale, c’est-à-dire des gènes dont, normalement, seule la copie provenant du père, ou seule celle provenant de la mère, est exprimée chez l’enfant). Selon lui, il faudra attendre cinq ans avant d’avoir les résultats de ces enquêtes et « il faut informer les couples des risques classiques liés à l’ICSI comme la transmission de l’infertilité ».

Lors de son audition, Mme Dominique LENFANT, présidente de l’association Pauline et Adrien116, les difficultés d’assurer un suivi des enfants et des couples ont été abordées. Les personnes qui sollicitent les associations à un moment particulier de leur vie, ont tendance à prendre des distances après la naissance de l’enfant. En outre, un suivi trop intrusif induirait, selon certains, une forme de stigmatisation. Pour autant, les rapporteurs estiment qu’il est important que les enfants nés par AMP soient suivis.

Recommandation

Les rapporteurs considèrent qu’avant de recourir à une ICSI, l’équipe médicale doit systématiquement

- procéder à l’analyse génétique des causes de la stérilité;

- informer le couple des risques éventuels que cette stérilité soit transmise à l’enfant.

B - L’ÉVOLUTION DES STRATÉGIES DE TRANSFERT EMBRYONNAIRE

1 - Les conclusions de la HAS

La HAS a conclu le rapport précité de décembre 2006 en demandant de ne plus recourir au transfert multiple d’embryons, et se montre sévère avec la réglementation édictée par la Sécurité sociale : « les limitations imposées par la Sécurité sociale pour le remboursement des actes d’AMP peuvent être responsables de perte de chance pour les couples. Elles incitent à l’hyperstimulation ovarienne, au transfert d’embryons multiples et à la prise en charge rapide des couples quelle que soit l’indication. Le nombre limité de tentatives prises en charge conduit les couples à recourir au transfert multiple d’embryons, plutôt qu’au transfert unique. Or le transfert multiple favorise les grossesses multiples reconnues comme porteuses de risques ».

Par conséquent, une réflexion doit être menée sur la possibilité de laisser le choix au couple entre le transfert unique et le transfert multiple, ce qui selon la HAS implique une adaptation du nombre de tentatives remboursées en fonction du type de transfert.

2 - Les observations du Professeur Pierre JOUANNET, vice-président du comité médical et scientifique de l’Agence de la biomédecine, médecin à l’hôpital Cochin, membre correspondant de l’Académie de médecine

Selon le Professeur Pierre JOUANNET, « faire évoluer les stratégies de transfert embryonnaire pour réduire les risques des grossesses multiples devrait être une priorité... Le souci de diminuer l’incidence des grossesses multiples après AMP a incité plusieurs pays européens à mener des actions coordonnées au plan national en matière du transfert embryonnaire. »


Proportion de transferts réalisés avec 1, 2, 3 ou 4 embryons ou plus après fécondation in vitro dans différents pays européens en 2004 et taux de grossesses multiples (d’après Andersen et al., Hum. Reprod., 23, 756-71, 2008.

Selon lui, « le dernier bilan européen publié récemment montre que les stratégies de transfert embryonnaire sont variables d’un pays à l’autre. Dans certains pays, comme la Suède et la Finlande, plus aucun transfert ne s’effectue avec trois embryons et dans leur majorité, les transferts concernent un embryon. La Belgique a également mis en place une politique nationale dans ce domaine. En revanche, la France n’a pas vraiment mis en oeuvre de stratégie. La proportion de transfert d’un embryon est minime, comme en Allemagne et en Autriche et les transferts de trois embryons et plus sont nombreux dans ces trois pays. Il existe clairement un lien entre les stratégies de transfert embryonnaire et le risque de grossesses multiples ».

En 2004, plus de 20 % des grossesses obtenues après FIV étaient gémellaires ou triples dans tous les pays qui n’avaient pas développé de politique de transfert d’un embryon. Elles étaient deux fois moins nombreuses en Belgique et quatre fois moins nombreuses en Suède, comme le montre le tableau ci-dessous.

 

Allemagne

Belgique

France

Suède

Proportion de femmes de ≥ 35 ans

       

traitées en FIV (%)

43

41

49

52

traitées en ICSI (%)

41

39

38

48

Proportion de cycles avec transfert

       

de 1 embryon (%)

12

49

17

67

de ≥ 3 embryons (%)

27

9

23

0

Grossesses cliniques/ponction

       

après FIV (%)

25.7

21.5

22.7

30.2

après ICSI (%)

26.7

20.0

23.8

27.0

Naissances multiples (%)

21.8

10.4

22.4

5.6

Il constate que « le mouvement vers la réduction du nombre d’embryons transférés existe dans tous les pays, notamment en France. En Belgique, les pouvoirs publics ont proposé que le remboursement des actes soit conditionné par le fait qu’un seul embryon soit transféré lors de la première tentative chez les femmes de moins de 36 ans. En Suède, la disposition a fait l’objet d’un consensus au sein de la profession avant d’être précisée dans la réglementation. »

Ainsi le tableau ci-dessus, montre qu’en 2004, 67 % des transferts ont été effectués avec un seul embryon en Suède, contre 17 % en France et 12 % en Allemagne. La proportion des transferts de trois embryons et plus a été nulle en Suède cette année là, pratiquement nulle en Belgique et plus élevée en France et en Allemagne. Les taux de grossesses multiples atteignaient 20 % en France et en Allemagne, 10 % en Belgique et 5 % en Suède.

La proportion de femmes de plus de 35 ans traitées était plus élevée en Suède qu’en France, mais les taux de grossesse globaux sont meilleurs en Suède.

À partir du début des années 2000, la décision a été prise en Suède de préconiser à tout prix le transfert d’un seul embryon et à partir de là, l’incidence des grossesses multiples a chuté considérablement. Cet exemple démontre qu’il est possible à l’échelle d’un pays de diminuer de manière très importante l’incidence des grossesses multiples avec leur cortège de complications associées tout en maintenant de très bons résultats.


Évolution du taux de naissance (birth rate) et du taux de naissances multiples (MBR) en fonction de la proportion de transfert de trois (TET) et d’un seul (SET) embryon après FIV en Suède (d’après Karlström et Bergh, Hum. Reprod., 22, 2202-7, 2007).

Le Professeur Jean-François MATTEI a fait le même constat : les chances de parvenir à une naissance sont plus sûres en transférant un seul embryon.

Comme l’a souligné le Professeur Pierre JOUANNET, l’aptitude des embryons à un développement normal peut être appréciée selon 3 types de critères : morphologique, métabolique et génétique. Actuellement, seuls les premiers sont utilisés en pratique courante. Dans les heures et les jours qui suivent la fécondation, on mesure le nombre de cellules qui constituent l’embryon et leur intégrité. Les chances d’implantation sont au maximum si l’embryon est au stade de 4 cellules, 2 jours après la fécondation. L’état de l’embryon dès le 2ème jour influence donc ses capacités d’implantation mais aussi son développement après l’implantation.

En utilisant ce type de critères et d’autres comme la qualité nucléaire à ce stade du développement, il est possible d’obtenir d’excellents taux de grossesse après transfert d’un seul embryon au moins chez les femmes les plus fertiles et en supprimant tout risque de grossesse multiple

Les rapporteurs s’étonnent que la pratique des centres d’AMP en France privilégie encore le transfert multiple d’embryons qui induit des grossesses multiples.

Recommandation

Il conviendrait de

- faire évoluer les pratiques mises en œuvre par la sécurité sociale qui conduisent les couples à demander un transfert multiple d’embryons,

- adapter les stratégies de transfert d’embryons au cas par cas en privilégiant le transfert unique.

C - LES TECHNIQUES DE CONSERVATION DES OVOCYTES

1 - Une technique aux résultats aléatoires

La première naissance obtenue grâce à un ovocyte congelé a eu lieu il y a plus de vingt ans en 1986, en Australie, mais pendant plus de dix ans, aucune autre équipe n'a pu reproduire ces résultats exceptionnels. En effet, les chromosomes du noyau de l'ovocyte sont attachés à des microtubules très sensibles à la congélation, entraînant des risques d'anomalies chromosomiques.

Après toute une série d'études chez l'animal, des chercheurs australiens ont réussi à mettre au point un protocole « de descente lente en température ». Tant et si bien que, cette fois, les cellules congelées ont pu conserver intact leur capital génétique.

Le Professeur Elena PORCU, en Italie, a relancé cette technique pour des jeunes femmes s'inscrivant dans des programmes d’AMP, et a obtenu, après fécondation in vitro de ces ovocytes avec des spermatozoïdes, des taux de 16 à 20 % d’implantation par transfert embryonnaire alors que ce taux était doublé avec des ovocytes non congelées.

Les chercheurs n’ont pu obtenir que 1 % de naissances à partir d'ovocytes conservés dans le froid puis 2 %. La technique se révélait peu efficace.

Elle a été utilisée essentiellement pour préserver la fécondité de jeunes femmes traitées pour un cancer par chimiothérapie induisant des risques de stérilité, mais désireuses d'avoir des enfants par la suite.

Un nouveau procédé, la vitrification ; permet de passer directement de l'état non congelé, où l'eau de l'ovocyte est dans son élément liquide, à l'état de vitrification, où cette même eau est transformée, toujours sous l'effet du froid, en « verre », évitant ainsi la phase de cristallisation qui peut léser la paroi des membranes, avec des taux de succès de l'ordre de 6 à 9 % d'enfants nés à partir d'ovocytes vitrifiés puis décongelés. La technique de la congélation lente modifiée et de la vitrification devraient permettre d'améliorer les taux de succès, en les faisant passer de 2 % de naissance à 6 % ou 9 %, estime le Professeur Jacqueline MANDELBAUM.

Il reste que la congélation d'ovocytes est peu utilisée en pratique car les résultats sont encore peu satisfaisants

2 - L’utilisation d’ovocytes immatures

En juillet 2007, une équipe canadienne a annoncé la naissance d’un bébé obtenu par fécondation in vitro à partir d’un ovocyte immature, développé en laboratoire, congelé puis décongelé pour être fécondé.

Pour prélever des ovocytes arrivés à maturation, les médecins doivent d’abord stimuler les ovaires avec des traitements hormonaux. Or les femmes atteintes d’un cancer ou souffrant du syndrome des ovaires polykystiques ne peuvent pas supporter ces traitements. C’est pourquoi, on doit prélever des ovocytes immatures. Le développement d’ovocytes immatures en laboratoire n’avait pas donné de résultats concluants. L’équipe du Dr Hananel HOLZER a amélioré le processus de maturation in vitro et obtenu un très bon taux de survie. Chaque ovocyte a ensuite été fécondé avec un seul spermatozoïde grâce à une ICSI.

D - ALLÉGER LES TRAITEMENTS DE STIMULATION OVARIENNE

Selon le Professeur René FRYDMAN, des recherches visant à alléger les traitements stimulants la fonction ovarienne sont en cours. D’ici un an ou deux ans, il sera possible de passer à une injection tous les 4 ou 5 jours au lieu d’une piqûre quotidienne aujourd’hui.

Il plaide pour que l’on compare plusieurs méthodes en les adaptant au cas par cas. Dans l’article précité de La Recherche, il explique : « nous nous sommes rendu compte que chez certaines femmes, tout se passe comme si la stimulation ovarienne perturbait l’endomètre, et empêchait l’embryon de s’implanter. Donc, pour les femmes présentant un échec d’implantation, nous proposons maintenant de procéder sans stimulation ovarienne, en suivant le cycle naturel. Du coup, il n’y a pas beaucoup d’embryons. En revanche, ils s’implantent à 30 %, ce qui est un bon résultat ». Il s’étonne qu’il existe peu d’études en France sur le suivi des femmes après stimulation et observe qu’ « au niveau mondial, nous disposons de quelques études qui semblent plutôt rassurantes et qui montrent qu’en deçà de 12 stimulations hormonales, il ne semble pas que les femmes traitées aient plus de risques de développer un cancer que les femmes non traitées ».

E - AMÉLIORER LA CONNAISSANCE DE L’APTITUDE DES EMBRYONS À SE DÉVELOPPER

Récemment, des chercheurs australiens et grecs ont réalisé une expérience très intéressante. Sur des blastocystes, c'est-à-dire sur des embryons âgés de 5 jours, ils ont prélevé avant l’implantation quelques cellules du trophectoderme, celles qui formeront le placenta, et ils ont analysé l’expression des gènes. Ensuite, les blastocystes ont été transférés. Les chercheurs ont trouvé que les blastocystes qui se développaient pour faire un enfant exprimaient un grand nombre de gènes que les autres blastocystes, pourtant morphologiquement identiques, n’exprimaient pas.

Il s’agit selon le Professeur JOUANNET117 d’une première approche qui devrait permettre dans l’avenir de mettre au point des outils moléculaires pour mieux identifier les embryons les plus aptes au développement. « Cette recherche, très intéressante, n’aurait pas été possible en France, d’une part parce que les financements pour ce type de recherche sont inexistants, d’autre part parce qu’il est interdit de transférer un embryon sur lequel une recherche a été réalisée. Il faut que cette situation change si l’on souhaite mieux lutter contre la stérilité et améliorer les performances des techniques d’AMP. »

Cette proposition rejoint les interrogations du Professeur René FRYDMAN et du Professeur André SYROTA, directeur général de l’INSERM118. Ils font valoir que l’on s’interdit ainsi de progresser dans la compréhension des mécanismes qui favorisent l’implantation d’embryons. En outre, on aboutit à des situations paradoxales car la recherche sur les gamètes peut entraîner la création d’embryons (interdite), conséquence de cette recherche et étape nécessaire pour vérifier certains paramètres avant de passer à la clinique. Or les progrès de la reproduction humaine seront liés en partie à ces types de recherche. Paradoxalement, on autorise l’ICSI, on féconde avec des gamètes nouvellement traités et on observe à la naissance si l’enfant ne présente pas de troubles. Afin d’éviter la création d’embryons, conséquence de la recherche, on préfère aujourd’hui faire une espèce d’expérimentation sur les enfants à naître. Ne pourrait-on accepter que la recherche biomédicale soit possible à cette période de la vie comme elle est possible à tous les autres âges de la vie ?

Recommandation

Les rapporteurs estiment que toute technique ayant pour objectif d’améliorer les possibilités de développement in utero d’un embryon humain devrait être considérée comme un soin et non comme une recherche.

Il convient de

- se donner les moyens d’améliorer les résultats de l’AMP en France par un suivi plus régulier des familles concernées,

- d’utiliser des techniques permettant de d’accroître les possibilités de transférer in utero des embryons pouvant se développer.

F - PALLIER LES DÉFAILLANCES DES OVAIRES ET DE L’UTÉRUS

1 - La greffe de fragments d'ovaire

Des travaux coordonnés par le Docteur Nadine BINART (INSERM) laissent entrevoir un espoir de grossesse pour des femmes traitées pour un cancer dans leur enfance, grâce à une greffe de fragments d'ovaire prélevés avant la puberté.

Toutefois, cette possibilité de restaurer la capacité à procréer ne serait pas durable car la durée de vie du greffon est très courte, de 3 à 8 mois chez les rongeurs, et ne serait pas, a priori, plus longue chez la femme, selon le Docteur Nadine BINART. La réimplantation de leur propre tissu ovarien immature ne permettrait donc pas, pour le moment, de restaurer durablement, à l'âge adulte, le cycle hormonal des femmes guéries de leur cancer. En revanche, le tissu ovarien de la fillette conservé congelé en banque permettrait de greffer plusieurs fragments, ce qui rendrait possible plusieurs grossesses.

La réimplantation d'un ovaire immature prélevé au stade pré pubère puis congelé permet de réactiver le cycle hormonal de la souris devenue adulte et d'obtenir une descendance. Aucune anomalie génétique n'a été observée chez les souris issues de cette manipulation, alors que certaines techniques de procréation médicalement assistées augmentent sensiblement le nombre de malformations ou de tumeurs, d'après des observations britanniques.

Cette absence d'anomalie génétique de la descendance, reste encore à prouver selon les chercheurs. Depuis 1995, en France, toutes les fillettes pré pubères soumises à un traitement pouvant entraîner une stérilité se voient proposer le prélèvement et la congélation de tissus ovariens, plus précisément de la partie extérieure de l'ovaire (cortex ovarien) qui renferme les ovules (ovocytes) immatures, sans qu'on ait encore proposé une réimplantation à une femme guérie de son cancer. C'est pourquoi le Docteur Frédérique SAUVAT, chirurgien pédiatre, et l'équipe du Docteur Nadine BINART ont créé un modèle animal pour évaluer les résultats de la réimplantation d'un ovaire immature chez des souris. Les résultats montrent que la fertilité peut être restaurée chez les souris greffées.

Jusqu’aux résultats de cette étude parus en avril 2008, on savait qu’un cortex ovarien mature, prélevé chez une femme ayant eu sa puberté avant un traitement stérilisant, congelé puis réimplanté à l'issue du traitement pouvait donner une descendance. Trois naissances ont été répertoriées à ce jour dans le monde (Belgique, Israël, États-Unis). En revanche, on ignorait ce qui se passerait avec du tissu ovarien prélevé avant la puberté : « ces travaux apportent des résultats très encourageants » à ce sujet explique-t-elle.

2 - Les possibilités ouvertes par la greffe d’utérus

Dans le numéro du mois de janvier 2007 de l’International Journal of Gynecology and Obstetrics, l’équipe du Professeur Del PRIORE du Downtown Hospital annonçait être en mesure de proposer des greffes d’utérus aux femmes qui en sont privées et rappelait avoir déjà pratiqué cette intervention avec succès sur des animaux.

Toutefois aucune opération réussie concernant des femmes n’a été réalisée à ce jour. Ce retard est dû aux graves risques médicaux, soulignés par de nombreux médecins de renom, que la greffe d’utérus fait encourir à la femme et à l’embryon : les traitements immunosuppresseurs nécessaires pour empêcher le rejet de la greffe sont fortement cancérigènes et représentent un danger avéré pour la santé de la femme et le développement de l’embryon.

La viabilité médicale de la greffe d’utérus dépend en réalité de la recherche génétique : celle-ci devrait permettre un jour de pratiquer des greffes sans provoquer les réactions de rejet qui nécessitent des traitements immunosuppresseurs cancérigènes. Cependant, cette recherche est aujourd’hui loin d’autoriser ce type de greffes.

3 - L’utérus artificiel, métaphore ou réalité de demain

Le Professeur Henri ATLAN relève dans son ouvrage « l’utérus artificiel » que l’« ectogénèse » entraînerait la disparition d’une asymétrie immémoriale, dès lors que les hommes et les femmes deviendraient égaux devant la reproduction de l’espèce ; la procréation serait alors bien plus médicalisée tandis que la parenté deviendrait plus sociale que biologique. Or selon lui, les avancées biotechnologiques laissent raisonnablement penser que l'utérus artificiel pourrait voir le jour dans un délai qu'on peut estimer à cinquante, voire cent ans.

L’ectogenèse devrait servir à sauver les embryons d'avortements spontanés de la même manière qu'aujourd'hui on sauve les grands prématurés. Elle permettra également aux femmes sans utérus de procréer. Mais on peut légitimement penser que si l'ectogenèse devient une possibilité, alors une part non négligeable de femmes voudra l'utiliser pour échapper aux servitudes de la grossesse et de l'accouchement. Comme pour la contraception et l'avortement, l'ectogenèse s'inscrira alors dans le droit des femmes à disposer de leur corps. Et la gestation extracorporelle de devenir la norme. Il est difficile de mesurer les conséquences sur les enfants qui naîtraient grâce à une telle technique que plusieurs personnes auditionnées ont d’avance condamnée

Selon Henri ATLAN, « la maternité dans les conditions d'une ectogenèse deviendrait très proche de la paternité ». Les hommes et les femmes seraient désormais égaux face à la fonction de reproduction. Faut-il le déplorer ou au contraire s'en féliciter ?

QUATRIÈME PARTIE
LA RECHERCHE SUR L’EMBRYON ET LES CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES ET F
œTALES HUMAINES

I - UNE RECHERCHE SUR LES CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES, ENTRAVÉE PAR LA LOI

A- LE STATUT JURIDIQUE INCERTAIN DE L’EMBRYON

1 – L’absence de personnalité juridique

Ce n'est qu'à la naissance, et à condition de naître vivant et viable, que la personne acquiert un état civil. L'acte de naissance est réservé à l'enfant, même décédé au moment de la déclaration, mais dont il est démontré qu'il a vécu. Dans le cas contraire, seul un acte d'enfant sans vie pourra être établi et inscrit sur le livret de famille à la rubrique des décès (article 79-1 du code civil). 

En vertu d'une circulaire n° 2001-576 du 30 novembre 2001, il était préconisé de procéder à cette formalité que si la gestation avait duré 22 semaines ou si l'enfant mort-né avait un poids de 500 g selon les critères de l'OMS. La Cour de cassation a décidé par trois arrêts du 6 février 2008 qu'aucune condition relative à la durée de gestation ou au poids du foetus ne peut être imposée dans le silence de l'article 79-1 sur ce point.

Le décret n° 2008-800 du 20 août 2008 relatif à l'application de l’article précité a précisé que « l'acte d'enfant sans vie prévu par le second alinéa de l'article 79-1 du code civil est dressé par l'officier de l'état civil sur production d'un certificat médical établi dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la santé et mentionnant les heure, jour et lieu de l'accouchement. »

L'Assemblée plénière de la Cour de cassation, dans un arrêt du 29 juin 2001 a considéré que les dispositions du code pénal relatives à l'homicide involontaire ne sont pas applicables à l'embryon ou au foetus. Malgré l'opposition d'une partie de la doctrine, la Chambre criminelle de la Cour de cassation s'est de nouveau prononcée dans le même sens le 25 juin 2002 et le 4 mai 2004. 

La Cour Européenne des droits de l'homme, a estimé que le point de départ du droit à la vie, à supposer qu'il s'applique au foetus, relève de la marge d'appréciation des États119.

2 – L’embryon et le fœtus, personnes humaines en devenir

Le statut juridique de l'embryon est souvent présenté comme une alternative entre les deux grandes catégories juridiques que sont les choses et les personnes. Seules les personnes peuvent être sujets de droit tandis que les choses sont objets de droit. Des juristes estiment que le législateur a considéré l'embryon comme une chose ; d'autres estiment qu'un tel statut n'est pas incompatible avec la protection légale que mérite une chose « sacrée » ou une chose « personnifiée ».

L'absence de droits subjectifs n'exclut pas que la personne en devenir bénéficie d'une protection objective, à l'aide des instruments que sont les droits fondamentaux d'inspiration constitutionnelle : respect de l'être humain dès le commencement de la vie, dignité de la personne humaine.

a) La protection de l’embryon et du fœtus in utero

L'embryon ou le foetus in utero n'a pas d'existence juridique autonome en dehors de la personne de la femme. C'est ainsi que la loi HURIET sur les personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, modifiée par la loi 2004-806 du 9 août 2004, ne connaît que la recherche sur les femmes enceintes ou les parturientes, soumise à des conditions restrictives (article L 1121-5 du code de la santé publique). Ainsi, une fois expulsés, les foetus ont longtemps été considérés comme des déchets opératoires comme le montre l'avis du Comité consultatif national d'éthique du 22 mai 1984 sur les prélèvements de tissus d'embryons et de tissus humains morts à des fins thérapeutiques, diagnostiques et scientifiques.

La loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique subordonne le prélèvement de tissus et de cellules embryonnaires ou foetaux au consentement écrit de la femme, après une information sur les finalités du prélèvement (article L 1241-5 du code de la santé publique).

La loi ne s'est préoccupée du foetus en tant que tel qu'à travers la répression de l'avortement, puis de la loi sur l'interruption de grossesse. Le Conseil d'État et la Cour de cassation ont, à plusieurs reprises, rappelé la conformité de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse avec la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l'homme et ses dispositions garantissant le droit à la vie. En outre, l’article L. 2213-1 du code de la santé publique autorise l'interruption de grossesse « à tout moment en cas de péril grave pour la santé de la femme ou s'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. »

b) La protection de l'embryon in vitro

En vertu, de la loi du 6 août 2004 (article L 2213-1 du code de la santé publique), le couple, consulté chaque année sur le point de savoir s'il maintient son projet parental ou le survivant après décès d'un des membres du couple, peut demander la fin de la conservation. La demande doit être faite par écrit et confirmée au bout de trois mois. Les embryons conservés depuis plus de cinq ans pourront aussi être détruits si le couple ne répond pas ou s'il existe un désaccord. Il en est de même pour les embryons, qui au bout de cinq ans après autorisation n'auront pas pu faire l'objet d'un accueil. Pour éviter d'augmenter le nombre des embryons surnuméraires, il est prévu qu'aucune nouvelle tentative de fécondation in vitro ne peut être entreprise tant que le couple a encore des embryons conservés, sauf si « un problème de qualité affecte ses embryons ».

La loi autorise également le tri des embryons grâce au diagnostic préimplantatoire pratiqué afin d'éviter la naissance d'un enfant atteint d'une anomalie d'une particulière. Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 27 juillet 1994, estimant que le législateur n'a "pas considéré que devait être assurée la conservation en toutes circonstances et pour une durée indéterminée de tous les embryons déjà formés", n'a pas cru devoir remettre en cause ce choix.

La loi a voulu éviter l'instrumentalisation de l'embryon in vitro : l'embryon ne peut être conçu in vitro que dans le cadre et selon les modalités de l'assistance médicale à la procréation.

Cette exigence est renforcée par l'interdiction de concevoir un embryon à des fins commerciales ou industrielles ou à des fins d'expérimentation ou de recherche, ce qui rejoint la préoccupation du Conseil de l'Europe dans la Convention d'Oviedo, et par le principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon assortie d’une dérogation.

Il est fréquemment reproché au législateur de n’avoir pas conféré de statut à l’embryon. Il a considéré que toute prise de position tranchée risque de déséquilibrer l’édifice qu’il a construit patiemment en s’efforçant de concilier des positions diverses aux plans religieux, philosophique et scientifique.

Si l’embryon bénéficie d’une protection juridique, son devenir dépend essentiellement du projet parental, et en dernier ressort en cas d’interruption volontaire ou médicale de grossesse de la décision de la mère.

Recommandation

Les rapporteurs estiment que le statut de l’embryon tel qu’il apparaît dans la législation n’a pas à être modifié, à condition toutefois de clarifier les questions posées par la recherche sur l’embryon.

B - LES CONSÉQUENCES DU MORATOIRE SUR LA RECHERCHE SUR L’EMBRYON

1.- Un dispositif déjà critiqué par l’OPECST et les grands organismes de recherche

a) L’interdiction totale par la loi de 1994

La recherche sur les cellules souches embryonnaires fut l’un des grands enjeux de la loi du 6 août 2004. Les débats furent passionnés, et un compromis fut trouvé, compromis qui fit difficilement consensus. Il fallait arriver à concilier les demandes des chercheurs et les réticences de celles et ceux qui refusaient toutes atteintes à l’embryon humain. Ils se fondaient sur la loi du 29 juillet 1994 qui interdisait la recherche sur l'embryon. L'article L 2141-8 ancien du code de la santé publique stipulait : "la conception in vitro d’embryons humains à des fins de recherche est interdite. Toute expérimentation sur l’embryon est interdite".

Le décret d'application du 27 mai 1997 prévoyait les conditions légales encadrant l'étude sur l'embryon. Celle-ci devrait comporter un avantage direct pour l'embryon en vue de l'augmentation de la réussite de l'implantation ou constituer une amélioration des techniques de l'AMP; deux restrictions étaient prévues : les études ne devaient ni modifier le patrimoine génétique de l'embryon ni porter atteinte à son développement.

Devant les perspectives ouvertes par la recherche sur les cellules souches embryonnaires, le Comité consultatif national d'éthique, le Conseil d'État, l'Académie nationale de médecine préconisèrent l'autorisation de ces recherches dans certaines conditions : les géniteurs devront donner leur consentement et les embryons surnuméraires utilisés ne pourront plus être transférés. Ils exprimaient leur souhait de voir maintenues les interdictions du clonage reproductif et de la constitution d'embryons aux fins de recherche.

b) Le régime dérogatoire prévu par la loi de 2004

Tout en réaffirmant l'interdiction de la recherche sur l'embryon, la loi de 2004 autorise, pendant cinq ans, les recherches permettant des progrès thérapeutiques majeurs. Les articles L. 2151-5 et suivants du code de la santé publique régissent le régime de ces recherches qui peuvent intervenir sur les embryons dépourvus de projet parental avec le consentement du couple ou, en cas de décès, du membre survivant. Des recherches peuvent également être pratiquées sur les embryons non congelés, lors d'une fécondation in vitro et sur les embryons non transférés après diagnostic pré-implantatoire. Les protocoles doivent être autorisés par l'Agence de la biomédecine.

Les recherches sur les cellules embryonnaires issues d’embryons surnuméraires et portant atteinte à l’embryon sont réglementées de la manière suivante : le principe de l’interdiction est affirmé, « La recherche sur l’embryon humain est interdite ». Un régime dérogatoire est mis en place pendant 5 ans : «Par dérogation, et pour une période limitée à cinq ans, les recherches peuvent être autorisées sur l’embryon et les cellules embryonnaires».

La dérogation est subordonnée à sept conditions :

1. les recherches sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs, à savoir une visée thérapeutique pour le traitement de maladies particulièrement graves ou incurables, ainsi que le traitement des affections de l’embryon ou du foetus,

2. elles ne peuvent pas être poursuivies par une méthode alternative d’efficacité comparable, en l’état des connaissances scientifiques,

3. elles interviennent sur les embryons conçus in vitro dans le cadre d’une AMP,

4. ces embryons ne font plus l’objet d’un projet parental, par un consentement écrit préalable du couple dont ils sont issus, ou du membre survivant de ce couple, consentement confirmé à l’issue d’un délai de réflexion de trois mois et révocable à tout moment et sans motif,

5. le couple est dûment informé des possibilités d’accueil des embryons par un autre couple ou d’arrêt de leur conservation,

6. le protocole de recherche a fait l’objet d’une autorisation par l’Agence de la biomédecine, en fonction « de la pertinence scientifique du projet de recherche, de ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques et de son intérêt pour la santé publique »,

7. « les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation. »

Dans un premier temps, l’article 37 de la loi de 2004 a accordé aux ministres de la santé et de la recherche, le pouvoir d'autoriser l'importation de cellules souches embryonnaires, à titre transitoire, après avis d'un comité ad hoc (décret n° 2004-1024 du 28 septembre 2004; arrêté du 28 septembre 2004). Ces dispositions étaient destinées à permettre aux chercheurs français de répondre aux appels à projets lancés par la Commission européenne. La loi a ensuite été complétée par le décret n° 2006-121 du 6 février 2006 relatif à la recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires et modifiant le code de la santé publique. Le régime dérogatoire commence effectivement le 6 février 2006 et devrait courir jusqu’au 5 février 2011.

2 - Une procédure d’autorisation complexe gérée par l’agence de la biomédecine (ABM)

Les premières autorisations de recherches sur l’embryon et les cellules embryonnaires et d’importation de lignées de cellules et de conservation ont été délivrées en 2005 et début 2006 dans le cadre du dispositif transitoire prévu par la loi : ainsi, les ministres de la recherche et de la santé ont délivré, après avis d’un comité ad hoc, 40 autorisations à 12 équipes de recherche. Depuis le 6 février 2006, date du décret fixant le cadre réglementaire des autorisations, l’ABM instruit les dossiers de demande et délivre les autorisations. Le conseil d’orientation de l’ABM, émet un avis préalable à toute décision en s’appuyant sur l’expertise d’un collège d’experts scientifiques, composé de chercheurs, qui examine la pertinence scientifique des projets soumis. L’ABM peut faire appel à des experts scientifiques extérieurs au collège. La mission d’inspection de l’ABM participe également à l’instruction des dossiers.

En 2007, l’ABM a précisé les conditions de dépôt et d’instruction des dossiers d’autorisation de recherche. Elle a notamment défini à cette occasion la notion de « modification substantielle » d’un protocole de recherche qui posait problème. Auparavant, toute modification induisait un accroissement inutile des démarches administratives, au détriment du temps consacré à la recherche comme l’a montré l’audition de Mme Martine LOISEAU120, ingénieur responsable des problèmes éthiques au CNRS.

L’ABM a aussi défini les règles de traçabilité des composants cellulaires et cellules différenciées obtenus. En outre, les procédures de demande et d’examen des modifications de protocoles déjà autorisés et d’importation de nouvelles lignées pour les équipes dont les protocoles sont déjà autorisés ont également été allégées.

a) Procédure d’examen des demandes d’autorisation

Première demande

Les demandes sont déposées à l’Agence de la biomédecine selon un dossier type et lors de fenêtres de dépôt arrêtées par le directeur général. Si le dossier est recevable, la décision du directeur général de l’Agence de la biomédecine doit intervenir dans un délai de 4 mois après la clôture de la fenêtre de dépôt des dossiers, toute demande d’information complémentaire prorogeant ce délai.

Chaque projet de recherche est expertisé par deux experts scientifiques désignés par le directeur général de l’Agence, puis débattu au sein d’un collège d’experts. Puis le projet accompagné de son rapport d’expertise scientifique est étudié par deux rapporteurs, membres du conseil d’orientation de l’Agence qui émet un avis. Enfin le directeur général arrête sa décision, la notifie au demandeur. Elle est publiée au Journal officiel.

La personne responsable de la recherche informe l’ABM du démarrage de ses travaux et lui adresse un rapport annuel sur leur avancement, puis un rapport final au terme de l’autorisation. Chaque équipe autorisée est inspectée sur place par la mission d’inspection de l’ABM dans les six mois qui suivent le dépôt de son premier rapport annuel.

Modification d’un protocole de recherche déjà autorisé

Préalablement à sa mise en œuvre, toute modification de protocole doit être déclarée à l’Agence qui qualifie la modification de substantielle ou non substantielle. D’après la délibération du conseil d’orientation de l’ABM du 9 novembre 2007, une modification d’un protocole touchant aux conditions initiales d’autorisation énoncées par le législateur (perspective de progrès thérapeutiques majeurs, absence de méthode alternative, pertinence scientifique, mise en oeuvre respectant les principes éthiques, intérêt pour la santé publique), ainsi que le changement de responsable de l’équipe, sont considérés comme substantiels.

Si la demande de modification est substantielle, elle peut être déposée en dehors de toute fenêtre de dépôt. Le dossier est instruit selon la même procédure que le dossier initial : expertise, avis du conseil d’orientation, décision du directeur général de l’Agence.

Si la demande de modification est qualifiée de non substantielle, elle est notifiée à l’Agence par un simple courrier argumenté précisant les informations techniques. Le directeur général fait intervenir les services et la mission d’inspection de l’Agence.

Les modifications substantielles ont porté sur des changements de responsables du programme, ou de locaux pour la recherche et la conservation, et sur des transferts de recherches d’un laboratoire à l’autre. Les modifications techniques et organisationnelles qui ne remettent pas en cause l’économie générale du protocole – locaux, équipe, faisabilité – sont considérées, a priori, comme non substantielles. Elles doivent cependant être déclarées à l’ABM, seule habilitée à évaluer le caractère substantiel ou non d’une modification de protocole et à requalifier une modification en « modification substantielle ».

Importation de nouvelles lignées de cellules souches embryonnaires procédure simplifiée

La demande d’importation de nouvelle(s) lignée(s) peut être déposée en dehors de toute fenêtre de dépôt. Seuls les items relatifs à la nouvelle demande doivent être remplis. Le directeur général de l’ABM se prononce après avis de son conseil d’orientation et notifie sa décision au demandeur dans le délai réglementaire.

b) Nombre d’autorisations

Au total, 88 autorisations ont été délivrées depuis la loi du 6 août 2004, dont 48 par l’ABM sous le régime du décret du 6 février 2006. En 2007, 8 nouveaux protocoles de recherche et 7 modifications substantielles de protocoles ont été autorisés par la directrice générale de l’Agence. Conformément au décret du 6 février 2006, l’ABM a mis en place le registre national des embryons et cellules embryonnaires détenus par les établissements et organismes à des fins de recherche. Elle y distingue les lignées de cellules souches embryonnaires humaines (CSEh), les embryons, et les lignées de CSEh dérivées. Elle délivre aux équipes un code d’identification national contribuant à la traçabilité de ces éléments. Les équipes doivent s’y référer pour la tenue de leur propre registre.

Le tableau des autorisations et des équipes figure en annexe.

3 - Un système critiqué par la communauté scientifique

a) Les interrogations de l’ABM

Le conseil d’orientation de l’ABM s’est interrogé dans ses leçons d’expérience121 :

- sur l’exigence de progrès thérapeutiques majeurs : faut-il continuer à suspendre l’autorisation d’une recherche à l’identification d’un motif thérapeutique majeur (conçu comme un progrès concernant le traitement de maladies particulièrement graves ou incurables, ainsi que le traitement des affections de l’embryon ou du foetus)? - la gravité et l’incurabilité sont-elles assimilables ? - la visée thérapeutique est-elle la seule visée possible d’une recherche fondamentale ? N’est-ce pas antinomique ? Faut-il remplacer « motif thérapeutique » par « motif scientifique et médical » ou par « motif médical » ?

- sur l’alternative d’efficacité comparable en l’état des connaissances scientifiques : il s’est demandé si les alternatives se limitent aux seules recherches sur les cellules souches adultes ou si elles incluent également les cellules issues de transferts nucléaires. Sommes-nous aujourd’hui méthodologiquement en mesure de faire des études comparées avec les recherches pharmacologiques, les recherches génétiques ou épigénétiques, les recherches en santé publique ? Les chercheurs peuvent-ils raisonner en termes d’alternatives d’efficacité comparable comme c’est le cas en matière de recherche clinique ? Les avancées en matière de recherche sur les cellules souches adultes offrent une « alternative d’efficacité comparable » à celle de cellules souches issues d’embryons surnuméraires ? Cette alternative est-elle scientifiquement crédible en l’état actuel des connaissances ? En situation d’arbitrage budgétaire, le législateur doit-il recommander de privilégier les recherches sur les cellules souches adultes, plus aisées d’obtention ?

Le conseil d’orientation s’interroge également sur l’origine surnuméraire des embryons : Y a t-il une différence ontologique entre un embryon « surnuméraire » créé suite à une AMP, un embryon transmis par voie de recherche (par exemple « issu » d’une recherche pour tester une recherche sur la congélation d’ovocytes) et un embryon conçu pour la recherche (embryon uniquement créé pour la recherche, dans le cadre par exemple de la constitution d’une banque d’embryons créés pour être mis à disposition de chercheurs et de recherche – ce qui est à ce jour ni envisagé ni possible) ?

Mme Emmanuelle PRADA-BORDENAVE, directrice générale de l’ABM122, a quant à elle souligné l’impact néfaste du système du moratoire qui induit une instabilité juridique peu propice à attirer les jeunes chercheurs et les chercheurs étrangers. Cela conduirait à un ralentissement du nombre des projets de recherche. Actuellement, selon elle, la plupart des projets ont été déposés, et l’on se situe dans une phase d’attente.

b) Les entreprises du médicament (LEEM Recherche) ont relayé ces critiques

Selon M. Bernard LEMOINE123, vice-président délégué des LEEM, le potentiel dont dispose la France est sous valorisé. Ce principe dérogatoire rend, sur le plan international, la position de la France illisible et induit un manque de visibilité pour les investisseurs étrangers. L’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont des positions très claires et compréhensibles au niveau mondial. Avec cette attitude, la France peut également manquer des occasions d’améliorer son potentiel d’innovation et sa compétitivité.

« Aujourd’hui, en termes de compétitivité et d’attractivité sur le territoire français, nous ne rassemblons pas les conditions optimales pour mener ces recherches. Pour autant, je m’empresse de dire que nous parvenons à travers des systèmes de dérogation que vous connaissez bien, de permettre aux chercheurs de mener un certain nombre de recherches – au passage, il faut souligner qu’on a un niveau de recherche académique sur le sujet qui est d’excellente qualité et il y a un décalage entre ce niveau de qualité de nos chercheurs et la capacité de nos entreprises de conduire des recherches dans ce domaine là. »

Des résultats majeurs des recherches fondamentales sur les cellules souches de ces dernières années ont ouvert la voie à l’exploitation des propriétés de ces cellules dont les possibilités, notamment en pharmacologie, commencent à s’apercevoir. Outre les indications de la thérapie cellulaire, relativement peu nombreuses aujourd’hui, les cellules souches ont un rôle important dans l’identification de cibles thérapeutiques, ou en toxicologie prédictive. L’utilisation des cellules souches permettrait, à terme, de diminuer le coût de développement des médicaments, limiter les essais sur les animaux et l’homme.

L’exploitation des cellules souches au niveau industriel passe d’abord par le développement de technologies appropriées encore au stade de prototype, par l’établissement de standards de qualité pour les nouvelles lignées ainsi que pour des protocoles d’amplification et de différentiation et une production et une utilisation standardisée à grande échelle. Les entreprises du médicament ont clairement mis en évidence cette situation dans l’ouvrage « Innovation Santé 2015 ».

c) Les critiques de la communauté scientifique

Pour le Professeur Claude HURIET124, « l’utilisation des cellules embryonnaires humaines telle qu’elle a été interdite, mais autorisée dans la loi de 2004 est une aberration. En effet, on ne peut pas à la fois l’interdire en s’appuyant, j’imagine, sur des valeurs profondes et intangibles, et l’autoriser à titre dérogatoire pendant une période de cinq ans en habillant ce moratoire de quelques considérations scientifiques ou pseudo scientifiques.».

Pour le Professeur Axel KAHN125, président de l’université Paris-Descartes, « la loi stipule que la recherche sur l’embryon est interdite mais que l’interdiction est levée pour cinq ans, c'est-à-dire qu’on établit un moratoire, non pas sur une autorisation mais sur une interdiction… Il est parfaitement clair qu’il faut trancher. Ou bien la recherche sur l’embryon est interdite, ou bien elle est autorisée dans telles ou telles conditions ». Il estime que cette recherche doit être autorisée parce qu’il n’y a pas d’argument moral important pour l’interdire et que, même si l’on crée des cellules ayant nombre de propriétés des cellules souches embryonnaires, l’étude des maladies du développement humain aux premiers âges de la vie fait partie d’une recherche biologique et médicale totalement et complètement légitime. « Jamais on ne pourra considérer que la cellule cutanée qui a retrouvé des propriétés de cellule pluripotente grâce à ce traitement, notamment au transfert de gènes ou grâce à d’autres traitements, sera l’équivalent des premiers moments du développement de l’embryon humain. Encore faut-il déterminer les conditions de cette recherche ».

D’après Mme Laure COULOMBEL126, directrice de recherches à l’INSERM, directrice adjoint de « médecine sciences », « la première question essentielle est la connaissance du mécanisme de la pluripotence, qui est fondamentale pour la compréhension de ce qui implique qu’un même patrimoine génétique s’exprimera dans un cas et non dans un autre. Il faut bien comprendre que la capacité que l’on possède aujourd’hui de conférer à une cellule adulte, des propriétés de pluripotence provient de la connaissance accumulée depuis des années sur les gènes qui contrôlent cette pluripotence chez l’embryon. Le message que j’adresse, est qu’il faut absolument garder l’étude de ces trois entités en parallèle. » Cette pluripotence est spontanée dans les cellules embryonnaires. Elle est induite dans les cellules adultes, par une manipulation génétique, avec ce que cela peut comporter de risques, notamment de transformation.

Selon le Professeur André SYROTA, directeur général de l’INSERM, « la notion des recherches « permettant un progrès thérapeutique majeur » est inopérante. Les recherches actuelles relèvent en réalité de la recherche fondamentale dont les applications sont incertaines et certainement pas immédiates, même si les attentes sont grandes127. Cette position a été largement étayée par le Professeur Nicole LE DOUARIN, Professeur au Collège de France, membre de l’Académie des sciences, qui explique dans son ouvrage « Les cellules souches, porteuses d’immortalité » que les résultats d’une telle recherche sont aléatoires et que la recherche fondamentale nourrit la recherche médicale.

Pour la plupart des chercheurs comme pour les rapporteurs, les recherches sur les cellules souches se fertilisent mutuellement : sans les recherches sur les CESh, celles très prometteuses sur les cellules souches adultes n’auraient pas été possibles.

d) La problématique de l’évaluation par l’OPECST et l’Agence de la biomédecine

Une évaluation, afin de permettre un nouvel examen des dispositions par le Parlement a été prévu par la loi: « Six mois avant le terme de la période de cinq ans (qui court à partir du 6 février 2006, date de la parution du décret d’application), l’Agence de la biomédecine et l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques établissent chacun un rapport évaluant les résultats respectifs des recherches sur les cellules souches embryonnaires et sur les cellules souches adultes.» 

L’OPECST s’est déjà prononcé sur les difficultés qu’induit la rédaction de l’article dans le rapport sur « les recherches sur le fonctionnement des cellules humaines »128 par l’un des co-rapporteurs, M Alain CLAEYS. Le rapport préconisait notamment de réviser dès 2007 l'article 25 de la loi 2004 relative à la bioéthique afin que le régime d'interdiction, même assorti de dérogation, concernant la recherche sur l'embryon, soit supprimé au profit d'un régime d'autorisation contrôlée : « Toutes les dispositions de l'article 25 de cette loi portant rédaction des quatre premiers alinéas de l'article L 2151-5 du code de la santé publique, concernant la recherche sur l'embryon doivent être supprimées. Par contre, devraient être maintenues les dispositions concernant le rôle de l'Agence de la biomédecine. Les dispositions supprimées seraient remplacées par celles des deux premiers alinéas de l'article L 2151-3 du code de la santé publique, dans la rédaction donnée par l'article 19 du projet de loi relatif à la bioéthique voté par l'Assemblée nationale en première lecture le 22 janvier 2002 »

La même année, M. Pierre-Louis FAGNIEZ, alors parlementaire en mission remettait au ministre de la Santé un rapport intitulé « Cellules souches et choix éthiques » arrivant à des conclusions voisines dans sa recommandation numéro 4. « Passer d’un régime dérogatoire à un régime d’autorisation des recherches sur les cellules souches embryonnaires. L’expérience acquise par l’Agence de la biomédecine dans l’encadrement des recherches sur les cellules souches embryonnaires est très rassurante : les chercheurs se conforment totalement aux exigences très strictes du régime dérogatoire dont l’opportunité n’a plus de sens. Pas plus que l’exigence des progrès thérapeutiques majeurs qui n’est plus justifiée à ce stade de nécessaire développement de la recherche fondamentale. »

Le conseil d’orientation de l’ABM s’est interrogé sur les questions méthodologiques soulevées par l’article 26 de la loi concernant l’état des lieux des connaissances scientifiques : « l’évaluation des recherches actuellement menées sur les embryons surnuméraires ou les lignées de cellules embryonnaires doit-elle porter sur les seuls « progrès thérapeutiques se limiter à contrôler la présence d’une « visée thérapeutique » ; s’il s’avère que les investigations en cours n’ont qu’une portée cognitive, appartiennent-elles encore aux recherches devant être soumises à évaluation ? L’évaluation porte-t-elle sur les seules recherches conduites par des équipes françaises, ou concerne-t-elle l’ensemble des travaux réalisés à l’échelle internationale ; si l’approche est mondiale, les recherches sur le transfert nucléaire doivent-elles entrer dans le champ d’une étude comparée ?129 »

4 - Une coordination de la recherche française sur les cellules souches embryonnaires nécessaire

Il n’y a pas actuellement de réseau structuré national de recherche, mais plutôt des collaborations entre chercheurs ou des réseaux régionaux, chaque équipe/centre organisant à l’échelon local ou parfois régional l’importation et la conservation des lignées. Une coordination des équipes en un réseau informel d’échanges de données entre laboratoires est envisagée, éventuellement appuyé sur un réseau national. Une réflexion sur l’opportunité de développer en France une banque nationale de CSEh est également en cours. Elle est pilotée par l’Agence et avec le concours de l’INSERM et de l’Établissement Français du Sang (EFS). La plupart des équipes d’Ile-de-France participent au consortium Ingecell, au sein du domaine « Médecine moléculaire et cellulaire » du pôle de compétitivité Médicen.

Il convient de souligner que pour l’ensemble des recherches mais particulièrement dans le domaine de la recherche sur les cellules souches, les difficultés rencontrées dans l’activité scientifique se situent sur le plan administratif. La superposition des instances d’évaluation d’un projet (AP-HP, ABM, APSAPSS, Comités d’éthique etc...) alourdissent terriblement la procédure au point de la rendre inefficace. Pour nombre de chercheurs, le temps de penser à un projet, de l’écrire, de passer par toutes ces instances aboutit à une mise en œuvre au bout d’un an, un an et demi et à mi-parcours la publication d’équipes étrangères sur un sujet identique ou voisin risque d’être déjà faite130.

La création d’une banque française de cellules souches embryonnaires humaines serait un pas dans la bonne direction, si son accès était simplifié. Cela répond à un besoin évident et s'inscrit dans une réflexion internationale dynamique sur l'organisation et le « banking » de ces cellules. Une organisation coordonnée permettrait de simplifier les démarches administratives, d'identifier un interlocuteur pour les instances nationales et internationales, d'assurer la distribution d'un outil cellulaire certifié reconnu et plus accessible à la recherche, et d'être une force de proposition en termes scientifiques, mais aussi prospectifs.

Les équipes françaises sont confrontées à un défi d’innovations technologiques très important. Actuellement, les autres pays font des investissements colossaux pour développer ces axes, la France est absente de cette compétition car le principe dérogatoire ne permet aux industriels et aux sociétés de capital-risque d’avoir la visibilité nécessaire à des investissements importants.

Cette situation décourage les équipes scientifiques et médicales. Le Professeur SYROTA, directeur général de l’INSERM et de nombreux chercheurs sont favorables à une telle création.

Recommandation

La levée du moratoire prévu dans la loi actuelle, sur la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines est l’un des enjeux majeurs de la révision de la loi.

Pour les rapporteurs comme pour la plupart des personnalités entendues, la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines doit être autorisée et encadrée.

Les rapporteurs ne peuvent que rappeler les positions prises au nom de l’OPECST lors de l’examen du rapport n°3498 sur les recherches sur le fonctionnement des cellules humaines en décembre 2006 auxquelles ils souscrivent entièrement. Il était demandé de réviser dès 2007 l'article 25 de la loi de 2004 et d’autoriser la recherche sur l'embryon :

«La révision de cet article 25 s'impose dès 2007, sans attendre 2009, afin que le régime d'interdiction, même assorti de dérogation, concernant la recherche sur l'embryon, soit supprimé au profit d'un régime d'autorisation contrôlée.

« Toutes les dispositions de l'article 25 de cette loi portant rédaction des quatre premiers alinéas de l'article L 2151-5 du code de la santé publique, concernant la recherche sur l'embryon doivent être supprimées. Par contre, devraient être maintenues les dispositions concernant le rôle de l'Agence de la biomédecine.

Les dispositions supprimées seraient remplacées par celles des deux premiers alinéas de l'article L 2151-3 du code de la santé publique, dans la rédaction donnée par l'article 19 du projet de loi relatif à la bioéthique voté par l'Assemblée nationale en première lecture le 22 janvier 2002 ».

« "Art. 16-4 (troisième alinéa). - Est interdite toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant, ou se développer un embryon humain, qui ne seraient pas directement issus des gamètes d'un homme et d'une femme."

« Art. L. 2151-2. - La conception in vitro d'embryons humains à des fins de recherche est interdite, sans préjudice des dispositions prévues à l'article L. 2141-1-1.

« Art. L. 2151-3. - Est autorisée la recherche menée sur l'embryon humain et les cellules embryonnaires qui s'inscrit dans une finalité médicale, à la condition qu'elle ne puisse être poursuivie par une méthode alternative d'efficacité comparable, en l'état des connaissances scientifiques.

« Une recherche ne peut être conduite que sur les embryons conçus in vitro dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation qui ne font plus l'objet d'un projet parental. Elle ne peut être effectuée, après un délai de réflexion de trois mois, qu'avec le consentement écrit préalable du couple dont ils sont issus, ou du membre survivant de ce couple, par ailleurs dûment informés des possibilités d'accueil des embryons par un autre couple ou d'arrêt de leur conservation. Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation. Dans tous les cas, le consentement des deux membres du couple est révocable à tout moment et sans motif. »

« Une recherche ne peut être entreprise que si son protocole a fait l'objet d'une autorisation par l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines. La décision d'autorisation est prise en fonction de la pertinence scientifique du projet de recherche, de ses conditions de mise en oeuvre au regard des principes éthiques et de son intérêt pour la santé publique. L'agence communique ces protocoles aux ministres chargés de la santé et de la recherche qui peuvent, conjointement, interdire ou suspendre la réalisation de ces protocoles, lorsque leur pertinence scientifique n'est pas établie ou lorsque le respect des principes éthiques n'est pas assuré ».

Il conviendrait de :

- créer une banque de cellules souches gérées par l’Agence de la biomédecine pour simplifier les démarches administratives, assurer la distribution d'un outil cellulaire certifié reconnu et plus accessible à la recherche,

- simplifier les démarches administratives à effectuer par les chercheurs.

II - LES PROGRÈS DE LA RECHERCHE FONDAMENTALE SUR LES CELLULES SOUCHES

Les trois types de cellules souches des vertébrés sont les suivants :

- les cellules totipotentes de l’embryon précoce (morula, blastocyste). Elles sont à un état transitoire qui peut être capté ;

- les cellules souches restreintes à un lignage déterminé, qui servent à construire l’embryon pendant le développement embryonnaire ;

- les cellules souches adultes qui servent au renouvellement des tissus.

Mme Nicole le DOUARIN, Professeur au Collège de France, membre de l’Académie des sciences, a montré que lorsqu’une cellule se différencie, on s’aperçoit que dans la grande majorité des cas, elle cesse de se multiplier. Elle ne peut plus proliférer, sa durée de vie est limitée.

Elle rappelle que « dans les organismes hautement multicellulaires, avec des tissus hautement différenciés, toutes nos cellules sont destinées à mourir, et à mourir avant même que nous ne mourions. Par conséquent, l’existence d’un système de remplacement des cellules est indispensable. Ce système de remplacement, dans tous les tissus, est assuré par des cellules ayant gardé le souvenir de l’embryon, de leur statut embryonnaire ; ce sont les cellules souches. Ces cellules souches sont très peu nombreuses parce qu’elle se divises très peu. Elles ont une division dite asymétrique, et ne produisent pas de cellule semblable à elles-mêmes. Elles donnent une cellule semblable à elle-même qui restera cellule souche, et une autre cellule ayant un pouvoir prolifératif considérable, qui donnera de nombreuse cellules, qui possèderont à leur tour la capacité de se différencier en divers types cellulaires ».131.

La cellule souche est une cellule douée d’auto renouvellement, et en même temps pluripotente, c’est-à-dire qu’elle produit plusieurs lignées de cellules à partir d’elle-même.

Selon le Professeur Nicole LE DOUARIN, « Les cellules les plus extraordinaires sont les cellules embryonnaires. Ces cellules souches embryonnaires représentent la capture en culture d’une phase, normalement transitoire, du développement où les cellules embryonnaires sont pluripotentes ».

A - LES CELLULES SOUCHES PLURIPOTENTES INDUITES (IPS)

1 - Une avancée considérable

a) Les découvertes récentes

À partir de cellules adultes, issues de la peau, ont été insérés dans leur noyau quatre gènes s'exprimant normalement qu'au stade embryonnaire. Après quelques semaines, des cellules capables de donner naissance à tous les tissus et organes du corps humain, ont été obtenues. Deux équipes de chercheurs, l'une menée par le Professeur Shinya YAMANAKA de l'Université de Kyoto, et l'autre dirigée par le Professeur James THOMSON de l'Université de Wisconsin,  sont parvenues pour la première fois à « reprogrammer » des cellules adultes humaines en cellules possédant des propriétés similaires à celles des cellules souches embryonnaires (Cell, 30 novembre 2007 ; Science, édition, 20 novembre 2007). Ces cellules, dites « pluripotentes induites » (CPi ou iPS en anglais pour induced pluripotent stem), ont ensuite été orientées in vitro vers différents types cellulaires, notamment des cellules musculaires cardiaques qui se sont mises à battre au bout de douze jours dans le tube à essai. Cet exploit fut salué par la plupart des experts, qui n'hésitent pas à parler d'une véritable « révolution scientifique ».

« On ne pensait pas que ce serait si facile, a expliqué le Professeur James THOMSON lors de la présentation de ses travaux. Des milliers de laboratoires aux États-Unis pourraient le faire demain ». L’expérience est reproductible. Les chercheurs américains ont prélevé des cellules issues de la peau d'un fœtus et du prépuce d'un nouveau-né. Puis ils y ont inséré quatre gènes (Oct3/4, Sox2, LIN28 et NANOG) au moyen d'un vecteur viral (rétrovirus). Ces gènes ont été choisis car ils s'expriment lors des premières phases du développement embryonnaire et semblent ne jamais s'exprimer ensemble par la suite.

Les chercheurs Japonais ont utilisé des cellules de peau et de tissu conjonctif et un autre cocktail de gènes spécifiques aux cellules embryonnaires a été inséré (Oct3/4, Sox2 également et Klf4). À ces trois gènes, ils en ont ajouté un autre (c-Myc) qui ne s'exprime que dans les cellules cancéreuses. Ils l'ont utilisé pour forcer la prolifération cellulaire.

Grâce aux rétrovirus, ces gènes intègrent le génome des cellules adultes et activent plusieurs centaines d'autres gènes qui enclenchent un retour en arrière. Les cellules ainsi manipulées génétiquement deviennent alors capables, comme les cellules souches embryonnaires, de se différentier en plusieurs types cellulaires (peau, muscle, neurone…).

b) De nouvelles définitions ?

Mme Laure COULOMBEL132 s’est interrogée : « Qu’entend-on par « cellule souche embryonnaire » ou, désormais, par « cellule souche pluripotente », qui pourrait avoir un intérêt thérapeutique ? Il convient de distinguer deux populations cellulaires complètement différentes : d’une part, des cellules souches embryonnaires dérivées à partir d’embryons obtenus après une fécondation in vitro, et donc à la suite d’un don de l’embryon à la recherche , entité embryonnaire normale, même si le fait de la cultiver in vitro lui confère des contraintes qui ne sont pas physiologiques, et d’autre part, nous disposons désormais d’une seconde catégorie, qu’on appelle des « cellules souches adultes », qui sont reprogrammées, et auxquelles on reconfère une capacité de pluripotence qu’elles ne possèdent pas spontanément ». Dans cette catégorie, entrent les cellules que l’on obtient par transfert nucléaire, et depuis très récemment, une troisième catégorie de cellules adultes, auxquelles on peut reconférer des propriétés de pluripotence.

2 - Des tentatives d’utilisation dans un but thérapeutique chez l’animal

Dans la droite ligne de ces travaux, pour tenter de guérir des souris atteintes de drépanocytose, une maladie sanguine due à un défaut de structure de l'hémoglobine et responsable notamment de graves anémies, une troisième équipe a eu recours à la même expérience, en la combinant cette fois avec une technique de thérapie génique. Outre les quatre gènes nécessaires à la reprogrammation des cellules adultes, en cellules souches, le gène « normal » de l'hémoglobine a également été introduit pour corriger le gène défaillant.

L'injection des cellules « pluripotentes induites » - qui ont reçu les quatre gènes reprogrammateurs et  une copie dans le sang des souris leur permet de produire des globules rouges normaux et diminue les symptômes de la maladie. Cette publication133 ainsi que les précédents travaux, prouveraient que la technique est réalisable chez l'homme.  Cependant si les cellules « pluripotentes induites » sont effectivement capables de se transformer en tissus fonctionnels in vitro, rien ne prouve qu'une fois transplantées elles parviendront à remplacer efficacement l'organe déficient. Surtout, on ne sait pas comment évolueront ces cellules modifiées génétiquement.

Les recherches sur les souris ont en effet montré que cette manipulation génétique entraînait des tumeurs ce qui s’explique car, parmi les « gènes re programmateurs », certains sont cancérigènes et sont justement utilisés pour forcer la prolifération cellulaire. Par ailleurs, les virus utilisés pour insérer ces gènes dans le génome de la cellule adulte représente également un risque de cancers. « Ces résultats vont sans aucun doute accélérer la recherche vers la thérapie cellulaire, a déclaré le Professeur James Thomson à l'issue de sa publication. Mais d'autres travaux sont nécessaires avant d'envisager une quelconque application ».

3 - Des débats sur les possibilités thérapeutiques chez l’homme

Certains chercheurs ont vu dans ces deux publications la fin du clonage thérapeutique. Le biologiste écossais Ian WILMUT, qui avait cloné le premier mammifère en 1997, a même décidé d'abandonner la technique du transfert nucléaire pour se consacrer à la reprogrammation, plus simple et plus réalisable à ses yeux. Selon M John GEARHART, directeur du programme de recherche sur les cellules souches à l'Université de Johns Hopkins (Baltimore, États-Unis) « si la stratégie de la reprogrammation s'avère efficace – ce qui devrait être démontré très prochainement – cela diminuera le rôle du transfert nucléaire pour obtenir des cellules pluripotentes dont le patrimoine génétique est identique aux patients ».

Selon le Professeur Shoukrat MITALIPOV de l'Université d'Orégon : « La façon la plus naturelle de reprogrammer des cellules adultes en cellules souches embryonnaires est d'utiliser les ovules ! Par cette méthode, vous n'avez besoin d'aucune manipulation génétique, d'aucun gène susceptible d'entraîner des cancers, d'aucun virus… Le problème, c'est que personne n'a encore réussi cette technique chez l'homme et qu'elle paraît encore très compliquée. Il faut beaucoup d'ovules et il y a peu d'aides financières à cause des questions éthiques que ces recherches soulèvent. Voilà pourquoi certains chercheurs abandonnent cette voie ».

Pour le Professeur Shinya YAMANAKA, il serait « prématuré de conclure que les cellules pluripotentes induites remplaceront les cellules souches embryonnaires ».

Pour le Professeur Jean-Claude AMEISEN, président du Comité d’éthique de l’INSERM, « cela constitue sans doute l’un des arguments pour repenser un dispositif assez restrictif et très ambigu dans la loi de 2004, qui est de subordonner le développement de recherches sur des cellules aux applications thérapeutiques prévisibles un jour ». Claude HURIET, président de l’Institut Curie, membre du Comité international de bioéthique de l’UNESCO s’interroge : « Est-ce que ces données nouvelles à vérifier, auront des traductions législatives dans le sens de la suppression du moratoire, ce qui équivaudrait à supprimer l’interdiction. Il ne fait aucun doute pour moi que les informations scientifiques récentes posent à l’évidence la nécessité d’une révision de la loi »134

Le risque tumoral a été évoqué par le Docteur Leila MAOUCHE-CHRETIEN, lors de la visite des rapporteurs à l’Institut des maladies émergentes et des thérapies Innovantes (IMETI) du CEA qui travaille avec le Professeur George DALEY du Harvard Stem Cell Institute sur l’évaluation de l’utilisation thérapeutique des IPS chez le singe et le chien, en particulier sur les maladies génétiques, et la maladie de Parkinson. Une analyse de près de 30 000 gènes a ainsi révélé que ces cellules reprogrammées n'étaient pas identiques aux cellules souches embryonnaires. Un millier de gènes s'exprimeraient différemment. On ignore comment ces différences jouent sur les capacités de division à long terme des cellules.

4 - Des débats sur les implications éthiques à venir

Lors de l’audition publique du 10 juin 2008, sur l’assistance médicale à la procréation, l’utilisation future de cellules souches pluripotentes induites a été évoquée.

« Dans l’avenir, on risquerait de se retrouver dans une situation où n’importe quelle cellule adulte humaine pourrait être considérée comme un embryon si on parvient à la déprogrammer et à la reprogrammer pour la conduire à repartir vers un état de totipotence. L’on n’est pas encore parvenu à ce résultat, mais l’on sait déjà déprogrammer et reprogrammer des cellules pour en faire des cellules pluripotentes » fait observer le Professeur Henri ATLAN.

En écho, le Professeur Axel KAHN, fait un constat semblable : « De graves problèmes se poseront dans cinq ans ou dix ans. La méthode du Professeur YAMANAKA est maîtrisée dans plusieurs laboratoires. Ces cellules peuvent passer dans la lignée germinale, et contribuer à la fabrication d’ovocytes et de spermatozoïdes in vivo. Un jour viendra où il sera possible d’envisager de faire des enfants à partir de la peau d’hommes et de femmes totalement stériles. Nous pourrons faire bien plus, puisque ces cellules d’un homme ou d’une femme peuvent être orientées vers une différenciation mâle ou femelle. En d’autres termes, un homme comme une femme pourront donner des ovocytes et des spermatozoïdes. On imagine la multiplicité des situations face auxquelles on se trouvera ».

Les rapporteurs s’interrogent également car ces hypothèses seront sans doute au cœur des prochains débats éthiques.

B - LE SANG PLACENTAIRE ET LA THÉRAPIE CELLULAIRE

Les cellules souches sont devenues un énorme enjeu à la fois thérapeutique, économique et financier. Cet enjeu est d’autant plus important qu’une découverte scientifique majeure a été rendue publique à la fin de 2007.

En 1987, le Professeur Eliane GLUCKMAN, chef du service hématologie et greffe de moelle à l’hôpital Saint-Louis de Paris, et son équipe réussissaient en France la première greffe mondiale de sang de cordon chez un enfant atteint d'une grave leucémie se manifestant par le dysfonctionnement de la moelle osseuse, l'anémie de Franconi. Cette première greffe mondiale de sang placentaire a sauvé la vie de l’enfant grâce aux cellules souches sanguines provenant du cordon ombilical prélevé à la naissance de sa petite soeur. Le sang placentaire apparaît alors comme une alternative crédible à la greffe de moelle, qui pose notamment des problèmes de compatibilité entre donneurs.

Le sang de cordon, ou sang placentaire, contient des cellules souches hématopoïétiques (CSH), capables de régénérer les globules blancs, les globules rouges et les plaquettes du sang qui sont contenues dans la moelle osseuse. La greffe de sang de cordon apparaît donc comme une alternative prometteuse à la greffe de moelle osseuse.

1 - Un réseau français de sang placentaire insuffisant

En 1999, l'Agence française du sang, devenue l'Établissement français du sang le 1er janvier 2000, et l'Établissement français des greffes, devenu l'Agence de la biomédecine le 10 mai 2005, ont mis en place le réseau français de sang placentaire. Ce réseau à but non lucratif reposant sur le financement public comprend actuellement trois établissements de transfusion sanguine, situés à Besançon, Bordeaux et Annemasse. Les deux premiers organisent les prélèvements en collaboration avec les maternités participantes - une dizaine actuellement -, conditionnent les unités de sang placentaire et réalisent les tests biologiques nécessaires à la validation des greffons. Le troisième établissement, celui d'Annemasse, assure le stockage à long terme de ceux-ci dans l'azote liquide.

Actuellement, environ 6 000 unités de sang placentaire sont conservées en France, alors que les scientifiques estiment qu'il en faudrait 50 000  pour couvrir les besoins. La France est régulièrement obligée d'importer des greffons à un prix unitaire variant entre 15 000 et 25 000 €. Un plan national de développement prévoit d'augmenter le nombre d'établissements qui collectent le sang de cordon ainsi que celui des maternités partenaires, afin d'atteindre les 10 000 unités de sang placentaire d'ici la fin de l'année 2010. En effet, dans les maternités qui ne participent pas au réseau, les cordons ombilicaux, faute de statut juridique clair, sont éliminés comme « déchets opératoires ».

Le sang placentaire n'a pas de statut explicite. Par analogie avec le don de sang ou d'organes, le don de cordon est bénévole, anonyme et gratuit. Les greffons stockés sont inscrits dans le registre national France Greffe de Moelle, géré par l'Agence de la biomédecine. Le sang placentaire récolté est mis à la disposition de la collectivité en vue de greffes allogéniques. La France oppose aux banques privées, son propre système, élaboré au début des années 90 dans le sillage de la découverte du Professeur GLUCKMAN. Il repose sur le bénévolat, l’anonymat et le financement public. Un système fondé sur la solidarité dont chacun peut bénéficier. Cependant, l’arrivée des banques privées de sang de cordon placentaire a bouleversé la donne.

2 - Les débats sur la conservation du sang placentaire à des fins autologue dans des banques commerciales

Interrogés en 2002 par la Direction générale de la santé publique sur les banques de sang de cordon autologues, l'Académie nationale de médecine, dans son rapport du 19 novembre 2002, et le Comité consultatif national d'éthique, dans son avis n° 74 du 12 décembre 2002, se sont déclarés contre la création de banques commerciales privées ayant pour objet le prélèvement et le stockage de sang de cordon pour un usage strictement personnel.

a) La position de l’ABM

Le conseil d’orientation de l’ABM a relevé un manque de pertinence scientifique et médicale décisive justifiant la conservation de sang placentaire à des fins autologues car on dispose de peu, voire d’aucunes données précises concernant la qualité et l’utilité potentielles des produits conservés.

La Commission européenne demande de s’assurer de la qualité de l’information fournie à ceux qui veulent y recourir, de la fiabilité des banques sur le long terme, de la sécurité des prélèvements. La loi française autorise la création de banque de dérivés du corps humains à des fins thérapeutiques. Les articles
L. 1243-2 et suivant du code de la santé publique réglemente cette activité.

Les entreprises concernées doivent obtenir une autorisation de l’AFSSAPS pour la préparation, conservation, distribution et cession des cellules (article L. 1243-2). Tout produit d’origine cellulaire doit également être autorisé par l’AFSSAPS après évaluation de son efficacité thérapeutique d’après des données pré cliniques et cliniques (articles L. 1243-5 et R 1243-38). Pour les banques situées hors de France, la loi française stipule que seuls les établissements autorisés à conserver peuvent exporter les tissus et cellules à fins thérapeutiques après autorisation de l’AFSSAPS (article L. 1245-5). La distribution de produits cellulaires non autorisés est punie de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende (article L. 1272-7). L’importation et l’exportation des tissus et cellules sans autorisation sont punies de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende (article L. 1272-8). La réglementation française n’autorise pas les parents à exporter les tissus de leur enfant, pour les conserver dans des banques commerciales autologues.

b) Le questionnement scientifique et médical

Dans certains cas de leucémie aiguë de l’enfant, la maladie pourrait être présente dans le sang placentaire alors qu’elle ne se révèle que plusieurs années plus tard. Le système immunitaire autologue qui n’a pas su prévenir la leucémie une première fois, n’a pas de raison de mieux se débarrasser des cellules malignes après greffe. Les spécialistes préconisent de greffer les malades leucémiques avec des cellules allogéniques HLA compatibles plutôt qu’avec des cellules autologues.

Pour les maladies congénitales, la greffe autologue n’a aucune pertinence. En ce qui concerne les aplasies, la greffe autologue est concevable et envisageable. Toutefois, il s’agit de maladies exceptionnelles, pour lesquelles il est reconnu que les greffes allogéniques permettent d’obtenir d’excellents résultats.

Selon l’ABM, les avantages thérapeutiques du sang placentaire autologue ne sont pas avérés, a contrario, les cellules de sang placentaire issues de don et typées HLA en situation allogénique présentent une ressource importante et avérée dans le traitement de certaines maladies. Toutefois, l’ABM reconnaît que la perspective d’une médecine réparatrice rend le choix plus difficile, du fait des possibilités régénératrices des cellules souches, des espoirs suscités conduisant à vouloir donner « toutes chances au cas où », et en raison du questionnement éthique lié à l’utilisation de cellules souches embryonnaires, même si, les cellules souches issues du sang placentaire n’offriront pas nécessairement toutes les réponses thérapeutiques recherchées au regard d’autres sources de cellules souches.

c) Le respect des bonnes pratiques de prélèvement et de conservation.

Le prélèvement et la conservation de sang placentaire à visée allogénique sont pratiqués en France depuis près de vingt ans. Il est donc possible de définir des règles de bonnes pratiques, de sécurité et de qualité auxquelles les banques autologues devraient répondre au même titre que les banques allogéniques. En particulier, les modalités de conditionnement et de conservation doivent garantir une sécurité maximale depuis le prélèvement jusqu’à la congélation, puis un contrôle de la chaîne du froid. Le respect de ces règles est-il toujours compatible avec une promesse commerciale de réussite à 100 % alors que tous les experts considèrent qu’il n’est possible de prélever et conserver un sang placentaire que dans seulement 25 % des cas où cela était initialement prévu.

En outre, le prélèvement ne doit en aucun cas perturber le fonctionnement de l’équipe obstétricale et soignante. Le recueil à tout prix du sang placentaire par la sage femme lors de la naissance pourrait retentir sur le lieu, l’horaire et les conditions de l’accouchement.

d) L’exigence de la solidarité.

La création en France de sociétés commerciales proposant la conservation de sang placentaire à des fins autologues constituerait une entorse aux principes retenus par la loi de bioéthique, comme l’anonymat pour le don d’organes et de tissus. Le Comité consultatif national d’éthique 135 a estimé dans l’avis n° 74  sur « les banques de sang autologues de cordon ombilical en vue d’une utilisation autologue ou en recherche » que « le danger le plus grave est pour la société dans la mesure où l’instauration de telles banques est de nature à s’opposer au principe de solidarité sans lequel il n’y a pas de survie possible. ». Quant à l’hypothèse d’un accès rendu gratuit, elle augmenterait les charges pesant sur le financement public des soins, au point que ce « coût démesuré et actuellement inutile d’une conservation autologue généralisée » serait « totalement contradictoire avec les impératifs d’une santé publique fondée sur la solidarité et consciente des priorités ». Il ajoute, toutefois « si des indications raisonnables existaient, il conviendrait que la proposition devint systématique et soit organisée, prise en charge, contrôlée sous la responsabilité publique ».

Le conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine a inscrit sa réflexion dans le prolongement de celles de l’Établissement Français des Greffes, du CCNE, de l’Académie nationale de médecine, et du groupe européen d’éthique des sciences et des nouvelles technologies.

Ces instances ont souligné l'absence d'indication thérapeutique à la conservation du sang de cordon d'un enfant pour lui-même. Plus récemment, le 5 septembre 2006, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français a publié un communiqué dans le même sens, qui déconseille « aux professionnels de la naissance d'accepter de faire des prélèvements de sang de cordon en vue d'une conservation autologue dans une banque privée, à la demande des parents » et qui « encourage le don gratuit et bénévole de sang de cordon pour alimenter des banques publiques ».

Le conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine suggère de développer et d’amplifier sa politique de promotion de banques de sang placentaire allogénique, qui sont pour le moment insuffisamment développées. Il a émis un avis défavorable à toute perspective de soutien ou d’agrément, en France et pour le moment, de banques commerciales de sang placentaire.

3 - La création de banque mixtes de sang placentaires en question

Les couples français sont de plus en plus nombreux à conserver le sang du cordon ombilical de leur nouveau-né dans une banque privée étrangère, dans la clandestinité, le transport de sang étant interdit en France. C’est une opération minutée, car il ne doit pas s’écouler plus de quarante-huit heures entre l’accouchement et la récupération du sang.

Pour éviter d’enfreindre la loi, certaines futures mères accoucheraient à l’étranger. Dans tous les cas l’objectif est le même : conserver pour soi ou pour sa famille le sang de cordon, riche en cellules souches, source d’immenses espoirs thérapeutiques.

Alors que la France n’autorise le prélèvement de sang de cordon qu’à titre de don, les banques privées permettent à leurs clients de les stocker pour s’en servir plus tard à des fins personnelles. Pour environ 2 000 €, plus 100 € par an de frais de stockage, les banques privées congèlent à 180°C les cellules dans l’azote et en assurent la conservation pendant vingt ans. En attendant les miracles de la science, on fait le pari d’une médecine « régénérative » qui sera capable de guérir de nombreuses maladies en remplaçant, grâce à une greffe, les cellules malades ou déficientes par des cellules saines.

« La recherche sur les cellules souches de sang de cordon, c’est le talon d’Achille de la France », observe M. Grégory KATZ-BENICHOU, vice-président d’Eurocord, fondation comprenant un réseau européen de banques de sang de cordon, une plate-forme de recherche, ainsi qu’un pôle de formation..

Le Professeur Eliane GLUCKMAN souligne qu’avec 6 000 greffons par an, la France se situe à la seizième place mondiale. » Alors que, pour atteindre le niveau des banques internationales, « nous devrions disposer d’un total de 50 000 unités ». Faute de quoi, nous sommes obligés d’importer, ce qui coûte cher. Entre 15 et 25 000 euros le greffon, selon le pays d’origine.

La France est-elle en train de prendre la mesure des enjeux ? Un colloque organisé en novembre par la Mme Marie-Thérèse HERMANGE, sénateur, a réuni des scientifiques et des responsables politiques, s’appuyant sur les résultats obtenus par le Professeur YAMANANKA sur les cellules souches induites, les intervenants se sont montrés favorables à la création de banque de sang de cordon mixtes. Il en a largement été question lors du colloque du consortium Novussangis le 14 mai 2008, auquel les rapporteurs ont assisté. Y ont été présentées les nouvelles possibilités d’utilisation du sang de cordon : (diabète, réparation des os notamment).

4) L’état des lieux à l’étranger

Dans nombre de pays, le sang placentaire est explicitement pris en compte par la législation. Selon les cas, il est considéré comme un médicament, un tissu ou un produit sanguin. S'agissant de sa conservation, il existe deux groupes de pays. En dix ans, les banques privées se sont multipliées, au point que l’on en compte désormais 134 dans le monde. Les États-Unis arrivent en tête avec une quinzaine d’établissements qui possèdent des filiales en Amérique du Sud ou en Asie. En Europe, la Grande-Bretagne dispose de sept banques privées. L’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie... tous les autres pays européens ont suivi le mouvement, à l’exception de la France.

a) L’absence de statut des banques de sang placentaire : la coexistence banques publiques banques privées.

Ce modèle, retenu par l'Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Pologne, le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis, se traduit par la coexistence de banques publiques et de banques privées, voire l'émergence de banques mixtes. La loi subordonne le fonctionnement des banques de sang placentaire à la seule détention d'une autorisation administrative. Comme elle ne se prononce pas sur le statut de ces établissements, elle permet la coexistence des banques privées et des banques publiques.

En Allemagne, on dénombre à ce jour quatre banques publiques, parmi lesquelles celle de Düsseldorf, la plus importante d'Europe qui détient plus de 13 500 unités. Il y a également sept banques privées, qui collectent le sang placentaire dans environ 95 % des maternités. La plus importante conserve actuellement quelque 50 000 unités. Les banques privées y diversifient depuis peu leur offre, plusieurs d'entre elles proposent à leurs clients l'option du don à un tiers compatible.

Aux Pays-Bas, le réseau public, constitué par deux établissements de stockage alimentés par les prélèvements effectués dans plusieurs maternités de quatre villes, coexiste avec plusieurs banques privées.

Au Danemark, la conservation du sang placentaire s'effectue uniquement dans des banques privées, car les autorités sanitaires ont décidé de ne pas créer de banque publique, mais de développer la coopération entre les plus grands hôpitaux du pays et la banque publique finlandaise, qui couvre les besoins de tous les pays scandinaves.

Au Royaume-Uni, l'année 2007 a vu la création de la première banque mixte, à la fois publique et privée, qui propose de conserver le sang placentaire en deux échantillons, l'un destiné à un usage personnel et l'autre accessible de tout demandeur. Actuellement, il y a deux banques publiques, la Banque de sang de cordon du NHS (National Health Service, Service national de santé) placée sous l'égide du Service national du sang, et la Banque de sang de cordon de Belfast, qui dépend du Service national de transfusion sanguine d'Irlande du Nord. Actuellement, la Banque de sang de cordon du NHS conserve plus de 11 000 unités de sang placentaire. Il y a plusieurs banques privées de sang placentaire. Elles démarchent les hôpitaux, les cliniques et les particuliers, auxquels elles envoient des kits de prélèvement. En février 2007, le fondateur du groupe Virgin, Sir Richard Branson, a créé Virgin Health Bank, première banque de sang placentaire à la fois privée et publique, qui propose de conserver le sang placentaire prélevé en deux échantillons. Elle conserve 20 % du sang placentaire. Le reste est destiné aux établissements publics.

Au Canada, la conservation du sang placentaire est régie par le règlement du 7 juin 2007 sur la sécurité des cellules, tissus et organes humains destinés à la transplantation. Ce texte fixe les normes qui garantissent la sécurité des transplantations, mais ne se prononce pas sur le statut des banques de sang placentaire. Actuellement, il existe deux banques publiques l’une au Québec et une en Alberta, une banque mixte et une dizaine de banques privées. Depuis juin 2007, la création d'une banque nationale publique de sang de cordon est à l'étude. Une banque privée a, parallèlement à son activité traditionnelle développé un programme de dons, grâce auquel elle stocke des unités de sang placentaire mises à la disposition de tout demandeur.

Aux États-Unis, conformément aux règles édictées par l'Agence de contrôle pharmaceutique et alimentaire (Food and Drug Administration : FDA), les banques de sang placentaire sont soumises à un régime différent selon qu'elles réalisent le stockage en vue d'une greffe autologue ou allogénique. Les règles de la FDA ne comportent pas de dispositions sur le statut de ces établissements. Actuellement, coexistent des banques de sang placentaire publiques, privées et mixtes. Pour augmenter de 150 000 le nombre d'unités en stock, la loi de 2005 relative à l'utilisation thérapeutique et à la recherche sur les cellules souches (Stem Cell Therapeutic and Research Act 2005) fait bénéficier les banques de sang placentaire qui concluent un contrat avec l'administration d'un financement public jusqu'en 2010.

b) Le statut des banques de sang placentaire.

Dans quelques pays, la législation qui initialement avait l'interdit les banques privées, évolue pour admettre la légalité de ces dernières, qu'elle contraint toutefois au respect de certaines obligations. C’est le cas de la Belgique, l'Espagne et l'Italie, de la Pologne.

En Belgique, le vide juridique a permis à une banque privée de s'implanter. Le ministre de la santé a présenté en conseil des ministres le 25 avril 2008 le projet de loi sur l'obtention et l'utilisation de matériel corporel humain destiné à des applications humaines ou à des fins de recherche scientifique. Ce texte autorise les établissements privés, à condition qu'ils soient rattachés à une banque publique. En outre, il subordonne tout stockage au bénéfice d'un receveur identifié au fait que le greffon reste à la disposition des banques publiques. Cryo-Save, une banque privée belge devenue numéro un en Europe avec 50 000 greffons, a noué des partenariats avec 36 États : elle fournit des greffons au secteur public, et alimente la recherche.

En Espagne, le décret royal du 10 novembre 2006 sur les normes de qualité et de sécurité applicables à toutes les opérations relatives aux cellules et aux tissus d'origine humaine, a supprimé l'interdiction des banques de sang placentaire privées. Toutefois, les banques privées ne peuvent pas avoir de but lucratif et, en cas de besoin, elles ont l'obligation de céder au réseau public les unités qu'elles stockent. Le réseau public espagnol est important et repose sur sept banques de sang placentaire, la couverture de chacune correspondant en général à une communauté autonome. Actuellement, quelque 30 000 unités sont stockées, mais le plan national pour le sang de cordon, présenté par le ministre de la santé au début de l'année 2007, vise à faire passer ce chiffre à 60 000 en 2015.

En Italie, depuis le début 2008, la loi permet le stockage du sang placentaire à des fins personnelles ainsi que la création de banques privées sur le sol italien, mais les dispositions réglementaires nécessaires à sa mise en oeuvre n'ont pas été adoptées. Au contraire, l'ancien dispositif, dont l'application devait cesser le 30 juin 2008, a été reconduit jusqu'au 28 février 2009, de sorte que le monopole public persiste jusqu'à cette date. Les personnes qui souhaitent conserver le sang placentaire de leurs enfants pour une éventuelle autogreffe doivent donc s'adresser à des établissements étrangers.

En Pologne, l'activité des banques de sang placentaire est régie par la loi du 1er juillet 2005 relative à la collecte, à la conservation et à la greffe de cellules, de tissus et d'organes ainsi que par les règlements d'application de cette loi. Les textes ne comportent aucune disposition relative au statut des banques de stockage. La conservation du sang placentaire est essentiellement le fait de banques privées dont l'activité est limitée.

5) Les propositions en France

Un rapport d'information136 très récent « sur le potentiel thérapeutique des cellules souches extraites du sang de cordon ombilical », présenté par Mme Marie-Thérèse HERMANGE, sénateur, préconise de porter le plus rapidement possible et au plus tard d'ici 2020 le nombre d'unités de sang de cordon stockées en France à 50 000 , d’assurer un maillage territorial de maternités habilitées à effectuer le prélèvement qui garantisse la collecte au sein de tous les bassins de population, de former les personnels médicaux et les campagnes d'information à destination, et de permettre, à titre expérimental, l'implantation de banques privées respectant les principes de solidarité liés aux greffes de sang de cordon, ainsi que le développement d'une activité privée par les banques publiques afin de consolider leur financement.

Recommandation

Les rapporteurs de l’OPECST considèrent eux aussi que la France doit dans ce domaine rattraper son retard.

Il conviendrait de :

- mener une campagne d’information nationale sur le sang de cordon, afin que les futurs parents puissent décider de sa conservation,

- organiser la collecte et le transport du sang de cordon, de manière plus systématique et plus efficace,

- accroître le nombre de banques de sang par la création, si nécessaire d’unités mixtes sous le contrôle et la coordination de l’Agence de la biomédecine et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSAPS).

III – LES DÉBATS ÉTHIQUES ET SCIENTIFIQUES SUR LES CELLULES SOUCHES

A - L’AVIS N° 93 DU CCNE « COMMERCIALISATION DES CELLULES SOUCHES HUMAINES ET AUTRES LIGNÉES CELLULAIRES » , du 22 JUIN 2006

1- Une acceptation de la commercialisation sous condition

Le CCNE rappelle avec conviction les principes d'indisponibilité et de non patrimonialité du corps humain. Il fonde son raisonnement sur une distinction entre éléments du corps et techniques inventives qui s'appuient sur ces éléments. Il reprend à propos des cellules souches l'interdiction d'en faire commerce en tant que telles. Il admet en revanche que soient rémunérés d’une part les actes, interventions et opérations qui précèdent, entourent et suivent les prélèvements de cellule, notamment les diverses transformations dont elles font l'objet, et d'autre part les diverses utilisations dont le produit transformé pourrait être l'objet au terme de modifications profondes. Il préconise que soient supervisées au cas par cas les modifications induites par la recherche en cause, sur le fond en préconisant une utilisation pour le bien public des résultats.

Cet avis extrêmement important pour l'avenir de la recherche sur les cellules souches humaines, donne son aval, sous certaines conditions, à la commercialisation de ces cellules. Pour le Professeur Didier SICARD, alors président du CCNE, il faut anticiper. Dans un secteur où existent des conflits d'intérêts entre les malades, les investisseurs, la recherche et la société avec des prises de position et des perspectives divergentes selon les pays. Cet avis précise que « les cellules souches en tant qu'éléments du corps humain, ne doivent pas elles-mêmes être l'objet d'une commercialisation, ou donner lieu à une rémunération ». Toutefois, ce principe fondamental « ne fait cependant pas obstacle au fait que des procédés permettant d'obtenir des produits thérapeutiques puissent être rémunérés, y compris sous forme commerciale ». 

Pour Mme Monique CANTO-SPERBER, écrivaine, philosophe, directrice de l’École normale supérieure, rapporteur de cet avis, « bon nombre de laboratoires investissent des sommes considérables dans ces recherches. Mais ils veulent avoir la certitude que ces inventions bénéficieront d'une protection juridique éventuelle par brevet et qu'elles pourront être commercialisées. »

Au demeurant, cet avis a suscité la controverse, trois des quarante membres du CCNE ont refusé de s'y associer dont Mme Marie-Thérèse HERMANGE, sénateur de Paris, insistant sur un risque « d'instrumentalisation de l'embryon » au profit de programmes de recherche « opportunistes, voire orientés à des fins purement lucratives . Il semble que l'on ait franchi sans le dire un pas très important dans la banalisation de la recherche sur l'embryon, loin des précautions du législateur et des motivations désintéressées invoquées jusqu'ici », expliquent-ils.

Le Comité d'éthique s'était déjà plusieurs fois depuis 1990 exprimé sur la « non-commercialisation » du corps et du génome humain. Le Comité d'éthique opère la distinction entre commercialisation avec recherche de profit et « dédommagements » pour des travaux de préparation et de conservation de lignées de cellules.

Selon Mme Monique CANTO-SPERBER, « c'est un avis de la « zone grise », entre totale gratuité d'un côté et commercialisation des cellules pouvant conduire à l'exploitation de l'homme de l'autre. Mais on ne peut pas ignorer les demandes des malades qui sont en attente ».

Le CCNE insiste aussi sur l'importance de l'information prodiguée au donneur de ces cellules, ou au couple de parents lorsqu'il s'agit de cellules embryonnaires, afin qu'il puisse influer sur leur utilisation. Rappelant l'exemple du Human Genome Project, non breveté par le consortium public qui l'a décrypté, le Professeur Jean-Claude AMEISEN, président du comité d'éthique de l'INSERM, estime que tous les acteurs de la recherche jouent un rôle dans « la régulation de la dimension éthique du marché ».

2 - Les interrogations de la Commission consultative des droits de l’Homme (CNCDH)

Dans sa contribution débat « Droits de l'homme, bioéthique et rapport au corps » du 14 novembre 2007, la CNCDH se montre réservée, comme l’a souligné Mme Nicole QUESTIAUX, membre de la CNCDH137 .

« Cette construction prête à discussion parce que les autorités qui délivrent les brevets ne raisonnent pas sur des bases qui distinguent des techniques à breveter des éléments d'origine humaine à exclure. Surtout, la personne détentrice des droits et obligations tenant au corps reste à l'écart du dispositif ; il n'est même pas dit qu'elle sera avertie que le chercheur va tirer rémunération d'un prélèvement, pour lequel elle n'est pas en droit de se faire rémunérer elle-même ».

Pour Mme Nicole QUESTIAUX, les protagonistes, qu'ils soient scientifiques ou juristes, ne jouent pas le jeu de la transparence. Les premiers proposent de façon opportuniste des distinctions dans l'organisation de la matière vivante et dans le continuum de son développement, auxquels ils ne semblent pas croire eux-mêmes. Les seconds croient s'en tirer en excluant du droit des brevets le corps humain, ses éléments et ses produits « en tant que tels ». « Les uns et les autres sont poussés dans leurs retranchements en raison même du progrès des connaissances. Personne ne sait ce que veut dire « en tant que tels », puisque tout l'objet de ces textes est de régler ce qui se passe du fait que l'on intervient sur le corps. S’il suffit d'isoler l'élément pour que ce ne soit plus l'état que l'on voulait protéger, la protection n'a plus guère de sens ».

La CNCDH en conclut « qu’il faudrait plaider pour l’élaboration d'un droit des brevets spécifiques pour les recherches portant sur le matériau biologique humain, qui mette à plat des distinctions devenues incompréhensibles. Cette élaboration viserait à mettre en ordre le réseau de droits et obligations triangulaire qui relie la personne, à la fois autonome et membre de la société, le chercheur porteur d’un projet personnel qui doit être reconnu et rémunéré, et pourtant comptable devant la communauté scientifique du partage des connaissances, et la société à laquelle il incombe de rechercher un bien commun, au besoin en protégeant la personne contre elle-même ».

B - LES DÉBATS SUR LE RECOURS AUX CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES

1 - Les leçons du colloque organisé le 22 novembre 2007 par Mme Marie Thérése HERMANGE, sénateur de Paris

Pour la recherche et les traitements, le recours aux embryons n'est pas forcément obligatoire selon certains. Lors du colloque sur les cellules souches adultes, Mme Marie-Thérèse HERMANGE, sénateur de Paris et membre du Comité consultatif national d'éthique, souhaitait « proposer au législateur un tour d'horizon complet des acquis et des promesses des cellules souches non embryonnaires pour nourrir sa réflexion en vue de la révision des lois de bioéthique ».

Elle souhaitait, comme dans le rapport précité sur l’utilisation du sang de cordon, démontrer que seuls les traitements à base de cellules souches sont utilisés en routine et emploient des cellules souches adultes la plupart du temps issues de la moelle osseuse. Ceux qui en bénéficient sont les patients atteints de maladies du système hématopoïétique (leucémie, lymphome), de maladies héréditaires (raréfaction de la moelle osseuse, pathologies de l'hémoglobine) et de certains déficits immunitaires.

Le sang de cordon n'est pas l'unique source permettant de dériver différents types de cellules. Certaines cellules souches adultes présentes dans les tissus ayant un fort taux de renouvellement comme la peau (cellules épithéliales) ou les os (cellules mésenchymateuses) peuvent être utilisées en médecine « réparatrice ». Martijn van GRIENSVEN, directeur adjoint à l'institut Ludwig BOLZMANN pour la traumatologie de Vienne, essaye de les exploiter pour obtenir des os, des cartilages et des tendons dans la chirurgie traumatologique.

2 - Les leçons du forum sur les cellules souches embryonnaires humaines des 4 et 5 février 2008

Le Professeur Marc PESCHANSKI a tiré les leçons du First International Symposium on Human Embryonic Stem Cell research que le réseau Inge Cell du Pôle de Compétitivité Medicen Paris-Région a organisé à Évry 1 les 4 et 5 février 2008 dans un éditorial de « médecine-sciences » 138 . Les rapporteurs se sont rendus à la Génopole d’Évry, lors d’une réunion avec M. Philippe BUSQUIN, président du STOA (Scientific Technology Options Assessment) (Office d’évaluation du Parlement européen)139.

Selon le Professeur Marc PESCHANSKI, les exemples de résultats majeurs issus de ces recherches fondamentales foisonnent : identification du rôle de nombreuses molécules dans l’orientation des cellules souches pluripotentes vers les lignages les plus divers, description des propriétés du cycle cellulaire qui sous-tendent leur immortalité.

Il précise que « le résultat le plus emblématique de tout cet ensemble est sans nul doute aujourd’hui, du fait notamment de l’ouverture qu’il a récemment permis vers la re programmation de cellules adultes, l’identification de réseaux de gènes associés au maintien de la capacité d’auto renouvellement, impliquant notamment les facteurs de transcription OCT4, SOX2 et NANOG. C’est en effet grâce à ces nombreux travaux sur les cellules souches embryonnaires, stimulés par l’accès aux cellules ES humaines, que le Professeur Shinya YAMANAKA a élaboré les principes de la re programmation qui permet à des cellules différenciées de recouvrer une capacité d’auto renouvellement « ES-like » et la pluripotence, obtenant ainsi les maintenant fameuses cellules pluripotentes induites (Induced Pluripotent Stem cells, IPS) chez la souris puis chez l’homme ».

Il considère que  « réaliser des expansions considérables à partir d’une cellule unique, au travers de repiquages successifs nécessitant des traitements agressifs de cellules adhérentes, expose à la sélection de cellules présentant des altérations génomiques procurant un avantage prolifératif ».

Il plaide pour une certaine industrialisation des process, utilisant notamment des plateformes robotisées, il considère que la mise au point des protocoles de différenciation demeure un des principaux objectifs des laboratoires. « Les éléments que la nature utilise pour guider une cellule pluripotente vers un phénotype totalement spécifié parmi des centaines de possibilités sont loin d’être tous connus. Ce n’est par ailleurs pas forcément reproductible en laboratoire. Dans cette quête, l’imagination des chercheurs trouve aujourd’hui un appui de poids dans l’accès à des systèmes de dépôt robotisés et à des automates de culture ».

D’après le Professeur Marc PESCHANSKI, les cellules souches embryonnaires et les IPS humaines apparaissent ainsi potentiellement, aujourd’hui, comme l’un des outils privilégiés de l’ère du post-génome. La piste de la thérapie cellulaire est toujours mise en avant mais elle ne représente pas l'unique intérêt de ces cellules embryonnaires.

Comme l’a montré le Professeur Nicole Le DOUARIN dans son ouvrage précité140 et la plupart des chercheurs interrogés, les cellules embryonnaires humaines permettent de percer un peu plus les secrets du développement embryonnaire et du fonctionnement cellulaire. On commence ainsi à comprendre quels mécanismes moléculaires sont impliqués dans l'immortalité de ces cellules. Les cellules embryonnaires servent de modèles pour étudier certaines maladies. De nombreux laboratoires travaillent effectivement sur des cellules issues d'embryons porteurs d'une pathologie décelée lors d'un diagnostic préimplantatoire. Cela permet alors d'observer, dans un tube à essai, le développement de ces maladies au niveau cellulaire.

Selon le Professeur Marc PESCHANSKI, « on pourrait ainsi tester presque en aveugle toutes les molécules qu'on possède et qui pourrait avoir un effet bénéfique, afin de trouver par hasard, comme cela est déjà arrivé à de nombreuses reprises par le passé, de nouveaux médicaments ».

Par ailleurs, l’utilisation des cellules souches embryonnaires en pharmacologie se développe, car elles possèdent in vitro, l’avantage d’être une ressource inépuisable du fait de leur immortalité, ce qui permet de s’appuyer sur le même fond génétique en effectuant des essais successifs141.

Recommandation

Pour la plupart des chercheurs comme pour les rapporteurs, les recherches sur les cellules souches se fertilisent mutuellement : sans les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines, celles très prometteuses sur les cellules souches pluripotentes induites IPS n’auraient pas été possibles. Celles-ci, bien qu’issues de cellules souches adultes poseront également des questions éthiques si elles contribuent à la fabrication d’ovocytes et de spermatozoïdes. Ces hypothèses seront sans doute au cœur de prochains débats éthiques.

C - LE CLONAGE NON REPRODUCTIF

Des questions sémantiques ont été soulevées et méritent que l’on s’y arrête d’après le Professeur Henri ATLAN qui souhaite que soit bannie l’expression clonage thérapeutique. Il s’agit pour lui de transfert de noyau somatique. Le rapport précité du Professeur FAGNIEZ reprend cette distinction dans sa recommandation n°7.

« Modifier la terminologie : « La législation doit substituer au terme « clonage thérapeutique » les expressions « clonage non reproductif »ou « transfert nucléaire somatique » qui reflètent davantage les réalités actuelles de la recherche. L’emploi juxtaposé du terme « thérapeutique » à celui de « clonage » est à l’origine d’un contresens sur l’état de développement actuel des recherches dans ce domaine, qui demeure très en amont de toute application thérapeutique »

1 - Des évolutions à l’œuvre

Le 5 juillet 1996, naissait la brebis Dolly, premier mammifère cloné à partir de cellules adultes. Cet évènement a considérablement accéléré le développement de la biologie cellulaire et les polémiques. Les débuts du clonage animal remontent à 1952 avec les travaux des biologistes américains Robert BRIGGS et Thomas KING. Des phénomènes de clonage naturel chez certaines formes d'invertébrés avaient déjà été observés, mais ce clonage par une intervention humaine semblait beaucoup plus complexe. Robert BRIGGS et Thomas KING débutèrent leurs travaux sur des grenouilles en utilisant le « transfert de noyau de cellule somatique ».

Au début des années 1970, le biologiste britannique John GURDON a réussi à cloner un têtard à partir d'une cellule somatique. Cependant l'application de cette méthode aux mammifères semblait devoir être beaucoup plus problématique qu'avec les amphibiens. Il faut en effet d'abord disposer d'ovocytes de mammifère qui ne sont pas très nombreux et qu'il faut se procurer par des méthodes invasives. Il faut ensuite transférer les embryons clonés dans un utérus de « mère porteuse » pour pouvoir aboutir à une gestation. Compte tenu de toutes ces difficultés, on pensait que le clonage des mammifères resterait pour longtemps une possibilité éloignée. Aussi la naissance de Dolly a-t-elle été un évènement considérable ouvrant des perspectives de nouvelles techniques médicales. Mais il avait été nécessaire de pratiquer 277 transpositions nucléaires pour qu'un fœtus viable atteigne le terme de la gestation et survive après sa naissance.

Aujourd’hui le clonage des mammifères adultes est possible. Il a été réussi sur de nombreuses espèces, moutons bovins, chèvres souris porcs lapins, rats, chats, équidés et récemment chez le chien. Chez les primates, les essais ont tout d’abord échoué, ils ont finalement été couronnés de succès. Chez l’homme, des tentatives ont été menées en Angleterre et en Corée du sud, où le transfert nucléaire à visée thérapeutique est autorisé, elles ont jusqu’ici été négatives.

a) Les différents types de clonage.

Il convient de distinguer deux types de démarches, selon le sort réservé à l’ovocyte dans lequel le noyau d’une cellule somatique est implanté. Dans le clonage dit reproductif, l’ovocyte devenu une cellule diploïde (contenant deux n chromosomes) sera implanté dans l’utérus d’une mère porteuse lorsqu’il aura atteint le stade blastocyste.

Dans le clonage dit thérapeutique, le développement de l’ovocyte ayant subi le transfert nucléaire est interrompu lorsque le stade blastocyste est atteint. La masse cellulaire interne dont les cellules sont totipotentes, est placée en culture in vitro, dans des conditions telles que cet état différencié, totipotent et prolifératif des cellules embryonnaires puisse être perpétué. On obtient ainsi des lignées permanentes de cellules souches humaines dont l’expérimentateur peut en principe induire la différenciation selon la voie qu’il choisit.

D’après le Professeur Nicole Le DOUARIN142, « contrairement à ce que laissent parfois entendre les polémiques, le clonage thérapeutique ne consiste en aucune façon à produire un clone destiné à fournir des pièces de rechange à la personne dont il serait dérivé. Il se borne à cultiver des tissus dérivés de cellules totipotentes, sans chercher à produire un individu complet ou ces tissus viendraient s’intégrer. Les cellules différenciées ainsi obtenues sont destinées à se substituer à des cellules mortes ou malades de patients souffrant de diverses maladies pour lesquelles il n’existe jusqu’ici pas de traitement. »

Elle précise « Dans le cas du clonage à visée thérapeutique ou scientifique, l’ovocyte est privé de son noyau, qui est remplacé par celui d’une cellule somatique. Le processus de la transposition nucléaire comprend trois étapes. Il faut d'abord enlever l'A.D.N. nucléaire de l'ovocyte en faisant attention à l'endommager le moins possible. Il faut ensuite faire fusionner l'ovocyte énucléé avec une cellule somatique. L'ovocyte doit normalement donner le signal permettant la reprogrammation de l'A.D.N. de la cellule somatique. Enfin, il faut isoler le groupe de cellules de la masse interne du blastocyste et les faire croître sur des substrats de culture.

Dans un certain nombre de cas l’œuf ainsi constitué commence à se développer en se segmentant, une forte proportion de ses embryons atteint le stade blastocyste. Les chercheurs qui tentent de reproduire des cellules souches embryonnaires à partir d’un ovocyte muni d’un noyau somatique visent à disposer de cellules spécifiques d’un patient donné dans un but thérapeutique. »

Comme tous les scientifiques, elle souligne le faible rendement de la technique du clonage. Pour obtenir le développement d’un œuf cloné jusqu’au stade blastocyste, il faut parfois des centaines d’ovocytes. Ceux-ci ne peuvent provenir que de femmes jeunes en âge de se reproduire, soumises à une stimulation hormonale destinée à provoquer une super ovulation, opération génératrice d’inconfort pour la donatrice, et invasive au moment du prélèvement qui peut avoir une influence néfaste sur sa fertilité future et entraîner dans certains cas des complications graves.

b) L’utilité du clonage non reproductif

La création de lignées de cellules souches embryonnaires par transposition nucléaire pourrait avoir quatre domaines d'application : la possibilité de mieux connaître les maladies humaines, une meilleure compréhension des mécanismes de l’embryogenèse, l'élaboration de nouveaux instruments de recherche et la thérapie cellulaire.

C’est pourquoi, le rapport précité du Professeur Pierre-Louis FAGNIEZ se prononçait en faveur de l’autorisation du transfert nucléaire sous contrôle strict : « L’évaluation des recherches et le contrôle de l’Agence de la biomédecine permettent une pratique sécurisée de cette technique souhaitée par un grand nombre de scientifiques, mais perçue avec réticence par une partie de l’opinion. Elle doit s’accompagner d’un effort d’information et de transparence. »

Il en allait de même du rapport précité présenté par M Alain CLAEYS au nom de l’OPECST qui recommande d’autoriser la transposition nucléaire : « La transposition nucléaire devrait être autorisée par la loi relative à la bioéthique, qui devrait prévoir un dispositif rigoureux de contrôle de l'Agence de la biomédecine ».

Parallèlement, il montrait qu’il convenait que la France ratifie la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'Homme et la biomédecine dite Convention d'Oviedo et le Protocole additionnel à cette Convention du 12 janvier 1998 qui interdit dans son article 1er  « toute intervention ayant pour but de créer un être humain génétiquement identique à un autre être humain vivant ou mort » pour réaffirmer son attachement à l’interdiction du clonage reproductif.

Les rapporteurs s’étonnent d’ailleurs que le rapport que devait présenter le Gouvernement au Parlement dans un délai d'un an présentant les initiatives prises auprès des instances appropriées pour élaborer une législation internationale réprimant le clonage reproductif soit toujours en attente de publication (article 22 alinéa 1 de la loi de 2004). Quant au texte de l'article 18 de cette Convention, (qui prévoit que
« 1- lorsque la recherche sur les embryons in vitro est admise par la loi, celle-ci assure une protection adéquate de l'embryon. 2- la constitution d'embryon aux fins de recherche est interdite »). Cette disposition pourrait interdire la transposition nucléaire. Il conviendrait que ce point fasse l’objet d’une réserve interprétative ; il en est de même en ce qui concerne la disposition de l'article 1er du Protocole additionnel interdisant le clonage humain qui doit également être précisée. C'est ce qu'ont fait les Pays-Bas dans une note du 29 avril 1998 en déclarant qu'ils interprétaient le terme « être humain » comme se référant exclusivement à un individu humain né.

c) Des recherches pour éviter l’utilisation d’ovocytes

Pour surmonter les limites inhérentes à la donation d’ovocytes par des femmes volontaires, on est tenté de prélever par biopsie des fragments d’ovaires, puis de les mettre en culture in vitro dans un milieu hormonal permettant aux gamètes d’atteindre la maturité. Cette technique a été utilisée avec succès chez la souris, mais elle est difficile à mettre en œuvre chez les mammifères de grande taille. On pourrait également selon certains chercheurs utiliser des cellules pluripotentes induites IPS pour fabriquer des ovocytes, auront-elles les mêmes propriétés ? On peut également remplacer les ovocytes humains par des ovocytes animaux.

d) La question des cybrides

Le mot « cybride » provient de la contraction de « cytoplasme » et de « hybride ». La création d'un embryon « cybride » consiste à prendre un ovocyte (cellule précurseur de l'ovule) d'origine animale. Puis à retirer de cet ovocyte le noyau (appelé cytoplasme) et à le remplacer par un noyau d'origine humaine. L'embryon ainsi formé n'est donc pas complètement humain.

L'ADN du génome, c'est à dire les gènes contenus dans le noyau, est bien humain; en revanche, l'enveloppe est d'origine animale, ainsi qu'une petite partie du milieu entourant le noyau. Le statut juridique de cette création biologique n'est  pas encore clairement défini. Que peut-on attendre comme avancées thérapeutiques liées aux « cybrides» ? Ceci avait été fait dès 1998 par une compagnie privée américaine.

Les problèmes moraux soulevés par « ce chimérisme » ont découragé les chercheurs qui ne paraissaient pas avoir poussé plus loin l’expérience. En 2002, Huizhen SHENG, qui exerce au centre de biologie du développement de l’Hôpital Xinhua à Shanghai a utilisé des ovocytes de lapin dans lesquels elle a transféré un noyau humain. Quelques uns de ces oeufs hybrides se seraient développés jusqu’au stade blastocyste.

Ces « cybrides » résultent du transfert d’un noyau humain dans un ovocyte animal énucléé, ce qui donne un patrimoine génétique presque entièrement humain sauf en ce qui concerne les mitochondries

Ces manipulations ont été formellement autorisées et encadrées strictement après un débat houleux au Royaume-Uni en septembre 2007. De longues discussions se sont tenues au sein du gouvernement britannique qui s'est finalement laissé convaincre par la création « d’embryons-chimères » à des fins scientifiques, à la stricte condition que ceux-ci soient détruits au bout de quatorze jours, limite au-delà de laquelle une grande partie des chercheurs anglo-saxons estiment que l'embryon n'est pas encore un être humain et qu'il peut être manipulé sans que l'on puisse porter atteinte, selon eux, à la dignité humaine.

L'autorisation accordée par l’Agence britannique chargée d’encadrer l’utilisation scientifique et médicale d’embryons humains, la HFEA, visait à répondre à la demande de groupes de chercheurs étudiant les cellules souches, c'est-à-dire ces cellules indifférenciées, capables de s'auto-renouveler, de se différencier en d'autres types cellulaires (globules sanguins, cellules nerveuses, musculaires ou osseuses) et de proliférer en culture.

Le gouvernement britannique est ainsi le premier pays à autoriser formellement cette manipulation. La production d'embryons hybrides a déjà été tentée dans d'autres pays, notamment aux États-Unis, dans des sociétés travaillant sur fonds privés (notamment Advanced cell technology depuis 2001), ou en Chine. La position adoptée par le parlement britannique a été exposée aux rapporteurs par Lord Naren PATEL143, président de la commission des sciences et technologies de la chambre des Lords et de Stem Cell Oversight Committee. Il estime que cette position favorisera le développement de modèles, et reste attaché à la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines.

Le Professeur Anne FAGOT-LARGEAULT144, a fait observer que « la frontière posée par la loi actuelle entre la recherche sur les cellules souches embryonnaires, issues d’embryons humains abandonnés dans les congélateurs de la procréation médicalement assistée (cette recherche qui est autorisée sous conditions et provisoirement, mais tout de même permise en ce moment), et la recherche sur des cellules embryonnaires que l’on aurait construites artificiellement par transfert de noyaux (interdite, sanctionnée), paraît actuellement paradoxale et obsolète ».

Elle estime que les discussions et évolutions récentes concernant la production pour la recherche d’embryons cybrides, nécessitent, « une réflexion nouvelle sur la manière de tracer les frontières entre ce que la loi peut ou doit interdire et ce qui pourrait être autorisé et encadré au titre de la recherche et géré par l’Agence de la biomédecine ».

Selon elle, « la seule ligne de partage vraiment viable est celle qui séparerait ce qui peut être envisagé au titre de la recherche, à condition qu’il n’y ait pas d’implantation dans un utérus ou pas d’utilisation thérapeutique immédiate et directe, et ce qui pourrait éventuellement faire l’objet d’une autorisation dans le cadre de la procréation médicalement assistée ou de la thérapie régénérative. »

La plupart des grands pays n'ont pas, à ce jour, légiféré sur ces questions délicates. Le Canada a autorisé la création d'hybrides à des fins de recherche exclusivement, mais aucune demande n'a encore été déposée. La législation espagnole et la législation belge ne sont pas claires et ces recherches semblent possibles en Israël. Les États-Unis ont expressément interdit la création de tels embryons.

Pour les chercheurs, dans un premier temps, il s'agit de mieux comprendre les mécanismes fondamentaux qui expliquent la formation et le développement de cellules souches. L'enjeu est donc avant tout fondamental. Dans un deuxième temps, les scientifiques souhaitent disposer d'embryons porteurs de maladies génétiques spécifiques, le plus souvent liés à un seul gène (Chorée d’Huntington, Parkinson, sclérose latérale amyotrophique...). Ils pourraient alors observer l'évolution de la maladie dans les cellules pour arriver peut-être à trouver de nouveaux traitements.

2 - Les interrogations du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine

Ce Conseil avait été en 2006 saisi pour rendre un avis sur le questionnement éthique lié à la perspective du clonage non reproductif. Il a enrichi ses travaux dans ses leçons d’expériences publiées en juillet 2008.

Il s’est fondé sur les recherches développées à partir des cellules souches adultes, celles issues du sang placentaire, celles issues des embryons surnuméraires, celles issues des embryons non choisis à l’issue d’un DPI en cas de maladie génétique d’une particulière gravité reconnue comme incurable, celles issues des foetus suite à une interruption médicale ou volontaire de grossesse, et s’est demandé si elles étaient parvenues à un stade d’acquisitions scientifiques justifiant le recours au clonage non reproductif.

Il se demande si l’espoir mis dans les cellules souches issues d’embryons clonés, au regard du potentiel des cellules souches issues d’embryons surnuméraires, s’avère déterminant, si l’argument de l’immuno-histo-compatibilité des cellules souches embryonnaires issues du transfert de noyaux de cellules somatiques est démontré.

Est-il scientifiquement pertinent de vouloir poursuivre une recherche sur des cellules souches issues d’embryons clonés au moment où s’ouvre une voie alternative, dans le même champ scientifique de recherche, avec la re-programmation de cellules souches adultes ? Ou au contraire, face à l’incertitude des connaissances, ne faut-il pas favoriser toutes les voies possibles de recherche pour avoir la réponse aux questions scientifiques posées, particulièrement sur les mécanismes de différenciation cellulaire tant nucléaires que cytoplasmiques, pour mieux comprendre certaines physiopathologies (cancers, maladies dégénératives, etc.), la pharmacologie (toxicité, mode d’action, génomique, etc.)? Il évoque également les enjeux économiques face au discernement éthique.

3 - La position de l’OPECST

Comme l’a souligné M. Alain CLAEYS dans son rapport précité, ces recherches se heurtent à la question de la disponibilité ovocytaire. On ne peut instrumentaliser les femmes.

Toutefois les rapporteurs estiment que les difficultés actuelles liées au recueil d’ovocytes pourraient se trouver un jour levées par la mise au point de techniques alternatives de production d’ovocytes. C’est pourquoi ils se prononcent de nouveau en faveur de l’autorisation encadrée de la transposition nucléaire. Ils se proposent de continuer à étudier ces problématiques à la lumière des développements nouveaux de la recherche.

Recommandation

Il conviendrait de

- maintenir  l’interdiction du clonage reproductif humain, et que la France poursuive ses efforts en faveur de cette interdiction,

- ratifier la convention d’Oviedo au plus vite  et le protocole additionnel de janvier 1998,

- encourager la poursuite de la recherche fondamentale, sans privilégier telle ou telle approche. Toutes les voies de recherche doivent être explorées. Les travaux prometteurs sur les IPS ont pu être réalisés grâce aux recherches menées sur les cellules souches embryonnaires,

- autoriser, sous réserve de la disponibilité des ovocytes humains, la transposition nucléaire avec un dispositif rigoureux de contrôle par l'Agence de la biomédecine  et une interdiction d’implantation,

- débattre de l’autorisation de la transposition nucléaire inter espèces sous réserve d’interdire l’utilisation d’ovocytes humains et l’implantation  du cybride, et de limiter le développement du cybride à 14 jours,

- considérer les recherches sur les cellules souches humaines comme prioritaires et d’agir dans le cadre de l’ANR.

Les rapporteurs estiment utile et nécessaire de continuer leurs travaux d’évaluation sur les cellules souches, comme la loi leur en fait l’obligation. Cette partie du rapport ne constitue qu’une étape dans leur évaluation, des évolutions scientifiques et législatives étant à l’œuvre en Allemagne, et désormais aux États-Unis.

CINQUIÈME PARTIE
NEUROSCIENCES ET IMAGERIE CÉRÉBRALE : QUELLES FINALITÉS ET QUELS ENJEUX ÉTHIQUES?

Les rapporteurs se sont interrogés sur les enjeux éthiques des neurosciences et de l’imagerie cérébrale, sujet que la loi de bioéthique de 2004 ne traite pas directement. Les questions éthiques que soulève l’accélération des recherches sur le fonctionnement du cerveau, fait naître des interrogations, des inquiétudes et surtout un besoin de débattre de l’impact de ces recherches et de ces nouvelles technologies sur notre société fascinée par elles, mais qui craint les manipulations, les atteintes à la vie privée, et à l’autonomie de la volonté.

I - L’ÉMERGENCE D’UN QUESTIONNEMENT SUR LES NEUROSCIENCES ET LA NEUROIMAGERIE

Les rapporteurs ont estimé utile d’organiser une audition publique sur les principaux enjeux éthiques des neurosciences et de la neuroimmagerie. Elle a eu lieu le 26 mars 2008, il s’agissait de déterminer les enjeux éthiques spécifiques aux avancées scientifiques et techniques dans le domaine des neurosciences et de la neuroimagerie, des membres du Conseil scientifique de l’OPECST s’étant interrogés sur les impacts éthiques de ces avancées.

A - L’ACCÉLÉRATION DES RECHERCHES ET LES CONVERGENCES DES TECHNO-LOGIES : LES INTERROGATIONS.

L’accélération des recherches en sciences du vivant, dans les domaines des nanotechnologies, des technologies de l’information et des neurosciences induit en même temps une accélération des convergences de ces technologies.

Au cours de l’audition publique sur « les nanotechnologies : risques potentiels, enjeux éthiques » organisée par l’OPECST, cette question a été largement évoquée145.

Dans son avis n° 96 « Questions éthiques posées par les nanosciences, les nanotechnologies et la santé », le Comité national consultatif d’éthique (CCNE) appelle à être d’une vigilance extrême sur les graves conséquences pour les libertés individuelles et le respect de la dignité humaine si les capacités d’identification et d’interconnexion se développent à l’insu des personnes. Les développements éventuels à des fins militaires ne doivent pas être transférés dans la vie civile sans débat préalable de société respectueux des personnes ».

Dans son avis du CCNE n° 98 sur la biométrie146, il constatait : « Les trois questions les plus angoissantes sont celles du glissement du contrôle de l'identité à celui des conduites, celle de l'interconnexion des données et leur obtention à l'insu des personnes concernées. On constate une exigence de progrès répondant à de réelles nécessités thérapeutiques, mais également un désir de performances, de maîtrise de son corps, de connaissances de ces émotions et de celles d’autrui. Qu’apportent les neurosciences et la génétique au diagnostic des pathologies mentales ? Quel est leur pouvoir prédictif et comment les diagnostics prédictifs pour certains troubles sont-ils reçus par les patients et leurs familles alors qu’aucun traitement n’existe ? Quels sont les effets du dépistage précoce quand il n’y a pas de remède, qu’un risque de stigmatisation existe ? »

Si nos comportements, nos décisions peuvent être décortiqués telles des mécaniques biologiques, si les outils diagnostiques aident à prédire les troubles psychiques, leur cause, leur évolution, ou les réponses aux traitements, s’il est possible de manipuler des cerveaux et des comportements par des drogues de l’humeur, de la mémoire, de l’éveil, par des implants cérébraux ou des greffes de cellules, quels en seront les usages et les limites ?

Des questions se posent : que lit-on, que dépiste-t-on, que soigne-t-on ? Peut-on attribuer un sens ou un contenu aux nouvelles techniques d’imagerie, déduire les causes biologiques d’un comportement ou d’une maladie mentale ? Quels sont les diagnostics actuels et à venir de troubles psychiatriques, tels que l’autisme, la schizophrénie ou la dépression ? Quel est leur intérêt médical et social ?

Les rapporteurs ont souhaité que ces problématiques qui touchent aux libertés individuelles soient évoquées dans un souci de clarification et d’information.

B - L’EXPLORATION DES MÉCANISMES CÉRÉBRAUX : L’ÉTAT DES LIEUX

1- L’imagerie cérébrale et la prédiction : que lit-on, que dépiste-t-on, que soigne t-on ?

a) L’utilisation de l’imagerie

Selon le Professeur Denis Le BIHAN, directeur de NeuroSpin CEA, directeur de l’Institut fédératif de recherche d’imagerie neurofonctionnelle, passer de l’imagerie structurale à l’imagerie fonctionnelle, fut une révolution, car on obtient une image chez une personne normale faisant travailler son cerveau pour déterminer les régions cérébrales impliquées. Il explique : « dans le cerveau, fonction et localisation sont étroitement liées, à toutes les échelles, ce qui explique l’importance de la neuroimagerie. L’imagerie permet de regarder le cerveau depuis l’extérieur et surtout de savoir comment il se fabrique pendant la grossesse, et se développe à tous les stades de celle-ci. Grâce à l’informatique, on extrait virtuellement le cerveau du fœtus, cela permet de voir d’éventuelles anomalies afin de les traiter. Nous pouvons actuellement voir fonctionner un cerveau. Une personne est allongée dans un cylindre, sans bouger, totalement immobile, on lui donnera l’instruction d’imaginer un chat. Lorsque la personne imagine un chat, la région qui sert à voir le monde réel s’active. Le cerveau utilise donc cette région pendant l’imagerie mentale…. l’on arrive même à déterminer si une personne volontaire pour une expérience, imagine un objet vertical ou un objet horizontal. »

Pour lui, « explorer et identifier les régions cérébrales, pour établir une architecture fonctionnelle cérébrale, savoir s’il existe un ou plusieurs codes neuraux en établissant des liens avec l’architecture cérébrale, développer des mécanismes de rééducation, découvrir les mécanismes cellulaires et moléculaires des maladies pour les prévenir et établir des diagnostics précoces, tels sont les grands défis que devra relever la neuroimagerie ».

b) Les applications pratiques et les implications éthiques

Le Professeur Stanislas DEHAENE, directeur de l’unité INSERM CEA de neuroimagerie cognitive, a montré que les recherches sur le cerveau recouvraient un spectre très large, certaines relèvent directement de la psychologie, d’autres débouchent sur une utilisation en milieu médical. Tel est le cas pour les patients dont l’une des artères cérébrales est bouchée, ce qui provoque un infarctus cérébral. Il rappelle que l’on a découvert, dans les années soixante-dix, que dans la région en train de mourir, le mouvement spontané de diffusion des molécules d’eau se ralentit de 30 à 50%. Dans les toutes premières minutes on observe cela à l’imagerie. Grâce à l’imagerie médicale, le médecin peut établir un diagnostic très précoce, dans les six premières heures, et donner au malade un traitement actif qui débouchera l’artère. Selon lui, « il est nécessaire de développer ces méthodes d’imagerie pour observer le mode de fonctionnement des neurones au travail, les connexions neuronales, voir le cerveau se construire, les gènes au travail et étudier la chimie du cerveau ».

Il souligne que « l’effet de l’éducation qu’a reçue une personne se traduit directement par des changements d’organisation de ces circuits. Ce que nous observons en imagerie est le contraire du déterminisme et de l’idée que les bas niveaux déterminent ceux qui sont hauts. Très souvent, nous observons le résultat de contraintes conjointes de la génétique et de l’éducation ».

Il évoque ses recherches sur la lecture et ce qu’il advient dans le cerveau d’un enfant qui connaît des difficultés de lecture. » Il ne s’agit pas de produire des images de la pathologie et de condamner ces enfants, au contraire ! L’on produit également des images de la rééducation, pour en suivre les progrès. On observe ainsi, la réactivation de nouveaux circuits dans l’hémisphère droit en fonction du degré et du type de rééducation ».

Il admet qu’« une certaine forme de décodage de l’activité cérébrale est possible grâce au développement de nouvelles techniques. On peut s’en inquiéter, mais aussi se demander quelles en seront les applications pratiques. Cette forme de décodage de l’activité cérébrale en temps réel pourrait permettre au sujet de prendre le contrôle de son propre cerveau ».

Toutefois, selon lui « l’imagerie cérébrale se contente d’enregistrer l’activité cérébrale, elle ne manipule pas le cerveau. Il est également possible de décoder des états à l’échelle du millimètre, mais l’on ne peut pas décoder le « micro code », à savoir ce qui fait la spécificité d’un individu, ses connaissances particulières, son lexique personnel, ses souvenirs. Ce « micro code » reste à un niveau qui continuera de dépasser pendant très longtemps, sinon à jamais, nos capacités de décodage parce qu’il se situe au niveau du neurone unique ».

Le Professeur Emmanuel-Alain CABANIS, Université Paris VI, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingt, a montré l’intérêt du recours à l’imagerie pour le dépistage et la prévention de pathologies graves : dépistage d’anomalie de la forme, modifiant complètement la thérapeutique. « C’est donc toujours un patient, examiné, informé et demandeur avec des degrés de compréhension difficiles à évaluer et à comparer, qui commande l’action de l’exploration intracrânienne. On dépiste des anomalies cliniquement significatives et l’on soigne les cinq grands âges de la vie de l’âge néonatal ou intra-utérin à l’âge avancé ou troisième âge. »

Le Professeur Thomas BOURGERON, responsable du groupe « génétique humaine et fonction cognitive à l’Institut Pasteur », a expliqué qu’il existe des gènes qui semblent être spécifiques de telle ou telle fonction. Certains modèles animaux et certaines pathologies humaines montrent que la mutation d’un seul gène ou d’un très petit nombre de gènes risque de venir altérer une ou plusieurs fonctions cognitives. En soi, l’hypothèse de l’existence d’un ou plusieurs gènes du langage, par exemple, ne pose pas de problème éthique. Il reconnaît cependant qu’il est probable qu’il y ait des variations interindividuelles dans les gènes spécifiquement impliqués dans les fonctions cognitives : « Si je poursuis ma recherche, c’est pour comprendre le fonctionnement du cerveau et pour tenter de remédier à certaines atteintes des fonctions cognitives. Cependant, si l’on identifie les variations interindividuelles, il est tout à fait loisible d’opérer une discrimination que je supporte mal entre les « bons » et les « mauvais » gènes du langage, et de supprimer ou d’augmenter la fréquence de ces variations ».

II - DE L’HOMME RÉPARÉ  À L’HOMME AUGMENTÉ

A - L’UTILISATION DES IMPLANTS CÉRÉBRAUX : UN DÉBAT SUR L’INTERFACE HOMME/MACHINE

1 - Les progrès réalisés dans la maladie de Parkinson et les possibilités de soigner d’autres pathologies

Le recours aux nanotechnologies en médecine a déjà interrogé l’OPECST, il y a consacré l’audition publique précitée de novembre 2006. Le Professeur François BERGER, Professeur de médecine, Institut des neurosciences de Grenoble, équipe nano médecine et cerveau (INSERM- CEA) a montré la banalisation des recours à la stimulation profonde par électrodes, puisque 40 000 parkinsoniens ont été implantés dans le monde depuis 1995 avec des stimulateurs cérébraux (brain pacemakers). Il explique que : « Presque 350 000 patients ont été implantés depuis 1995. Il s’agit d’une thérapeutique validée et remboursée par la sécurité sociale, reconnue par la Food and Drug Administration. En ciblant d’autres noyaux, comme le noyau sous-thalamique, on a pu étendre cette stratégie à tous les symptômes de la maladie de Parkinson et à d’autres pathologies, notamment dans les dystonies. L’efficacité du traitement est donc considérée comme majeure, dans un contexte de handicap très lourd ».

Selon lui, « l’effet de la neurostimulation au niveau du noyau sous-thalamique pourrait entraîner un ralentissement du processus dégénératif. L’indication de neurostimulation devrait alors être beaucoup plus précoce, peut-être pré clinique, dans l’hypothèse où l’on disposerait de bio marqueurs, ce qui ne manquerait pas de poser des problèmes éthiques ».

Il souligne que : « l’apport des micros et nanotechnologies consiste à rendre ces dispositifs de moins en moins invasifs, plus efficaces, multifonctionnels, voire plus intégrés à la physiologie cérébrale. Une expérience de stimulation en trois dimensions est en cours à Grenoble, elle permet d’optimiser les sites de stimulation en fonction de la neuroanatomie d’un patient spécifique ».

Il apparaît désormais possible de mettre le cerveau en interface avec des ordinateurs, et parvenir à commander un exosquelette pour compenser le déficit moteur, telle serait la perspective, pour les personnes atteintes de ce type d’handicap.

2 - Des interrogations sur l’action produite

Le Professeur BERGER reconnaît que les enjeux éthiques de ces travaux ont été soulignés très tôt car les citoyens ont peur, d’autant qu’il existe dans l’histoire des erreurs graves : la lobotomie par exemple, qui ne constituait une indication thérapeutique que pour très peu de malades, et a connu une diffusion incontrôlée et totalement dépourvue d’évaluation.

Cela n’est pas sans poser question pour le Professeur Bernard BIOULAC, directeur scientifique neurosciences et cognition du CNRS, directeur de l’Institut des neurosciences de Bordeaux qui explique que  « par la stimulation, on sait que l’on interagit sur la dynamique du réseau » mais il considère « que l’on ignore ce qui se passe exactement. Le courant est vraisemblablement distribué parallèlement dans l’ensemble du système nerveux, agissant de façon prévalente sur un réseau particulier mais agissant également ailleurs ce qui a obligatoirement des interférences éthiques et bioéthiques. Il est important de comprendre ce que l’on fait lorsque l’on accomplit des progrès dans le traitement de l’humain. »

Il s’interroge : « La question rémanente est de savoir ce que l’on fait exactement : comment l’écoulement du courant électrique agit-il dans le système nerveux central ? L’électrochoc produit encore de bons résultats dans le traitement de certaines formes de dépression, mais on ignore toujours largement la nature exacte de l’action produite. Dans la stimulation cérébrale profonde, il est important de disposer de modèles animaux pour savoir ce que l’on fait. Cela est déjà difficile pour les maladies motrices, mais pour les maladies mentales, les modèles de rongeurs ou de primates que l’on utilise suscitent de graves interrogations. Il faut pourtant avancer et comprendre ce qui se passe au niveau élémentaire avant de procéder à des implantations sur l’homme.

B - LE TRANSHUMANISME : LE DÉTOURNEMENT À DES FINS NON THÉRAPEUTIQUES DES IMPLANTS CÉRÉBRAUX

1 - L’homme réparé/ l’homme augmenté

Les implants sont utilisés à des fins thérapeutiques. Mais qu'adviendra-t-il si l'on commence à les poser pour augmenter la mémoire ou améliorer les vitesses de calcul ? Pour le Professeur Jean-Didier VINCENT, Professeur à l’université de Paris Sud-Orsay, directeur de l’Institut de neurologie Alfred Fessard, Membre de l’Académie des sciences, « l’homme est parvenu à un tournant radical de son histoire où il prend conscience qu’il ne réalisera jamais le rêve cartésien d’être maître et possesseur de la nature. Il est devenu l’esclave d’une nouvelle nature une nature artificielle, qu’il a lui-même produite, une nature supérieure à la misérable natura naturans dont nous sommes les produits naturels. Il cherche aujourd'hui à échapper à cette calamité en alignant son corps sur ses instruments. Grâce à l’engineering de l’humain, extrême perversion de l’offre et de la demande, on imite les objets que nous avons fabriqués. Longtemps, l’homme a été le modèle de la machine ; aujourd'hui, la machine est le modèle de l’homme. L’enjeu n’est donc plus d’imiter la nature mais de créer une nouvelle nature ».

Il s’interroge : « Faudra-t-il y voir une évolution normale vers une sorte de transhumain ou s'agit-il d'interdire dès à présent les applications autres que thérapeutiques ? Dans ce cas, où s'arrête la thérapie ? Les lunettes que nous portons nous améliorent-elles ou nous soignent-elles ? »

Pour le Professeur Jean-Claude AMEISEN, président du Comité d’Éthique de l’INSERM, « la problématique de l’homme transformé touche toutes les branches de la médecine mais se pose de manière plus aiguë en neurosciences. Si on demande à quelqu’un s’il veut être augmenté ou amélioré, il y a peu de chances que la réponse soit non. Si on lui demande, en revanche, s’il veut être modifié, la question devient : quels seront les avantages, les risques, les bénéfices ?  Le langage n’est pas neutre. Parler de modification induit la question de la réversibilité, de la dépendance, des bénéfices et des risques, qui est toujours une question contextuelle, changeante. Les mots utilisés sont importants. »

Selon lui, l’autre interrogation porte sur : « qui manipule qui ? » : « Les interfaces homme/machine sont fascinantes : piloter un ordinateur par la pensée, manier une prothèse et ressentir ce qu’elle envoie comme sensation est extraordinaire. Il y a vraiment des avancées fantastiques dès qu’on interconnecte et que la pensée peut directement avoir un effet moteur. Mais il faut être sûr que c’est l’autonomie de la personne qui est aux commandes et non la personne qui est contrôlée de l’extérieur ». Pour le Professeur Didier SICARD, président d’honneur du CCNE, la notion anglaise intraduisible en Français de « enhancement » a nécessairement pour contrepartie la dépendance. Le dopage d’un sportif n’offre pas une vision très éthique de l’existence. Comment le fait de combler un cerveau par un logiciel y parviendrait-il ? Le CCNE dans son avis n°96147 « Questions éthiques posées par les nanosciences, les nanotechnologies et la santé » s’interroge sur « le risque de réduction d’un être humain à l’univers de ses paramètres génétiques et biochimiques est aujourd’hui, et encore plus demain, évident. La facilité avec laquelle l’observateur aura accès à un ensemble considérable de données, permettra d’identifier instantanément telle personne à tel profil. Le patient ou le sujet « code barre » sera né et on peut imaginer les crises soulevées par cette accessibilité de l’intime biologique à des institutions extérieures pas toujours bienveillantes, avec un risque de croisement santé-assurance-employeurs ».

2 - La convergence des technologies et le transhumanisme

Le Professeur Didier Vincent décrit le programme américain qui comprend quatre voies technologiques convergentes vers le « post-humain ». Les biotechnologies seraient les premières utilisées, les nanotechnologies tireraient l’ensemble, complétées par les technologies de l’information et les sciences cognitives. Le gouvernement fédéral des États-Unis a doté ce programme couramment appelé NBIC de plusieurs milliards de dollars. On peut considérer le projet comme la première pierre officielle de ce que ses adeptes conviennent de nommer trans-humanisme et qui n’est rien d’autre qu’un état intermédiaire vers le post-humanisme.

Les biotechnologies se proposent non seulement de soigner, mais aussi d’augmenter les capacités « enhancement » de l’homme. Le dernier rapport du United States presidential council of bioethics s’intitule d’ailleurs Beyond therapy : au-delà de la thérapie.

Selon lui, la convergence des technologies s’annonce dans ce domaine d’une redoutable efficacité ; il rappelle le contenu du document officiel de l’autorité fédérale américaine, la National Science Foundation, (NSF) qui a lancé en 2002 ce programme interdisciplinaire. Les nanotechnologies forment l’ossature du projet. « Quand les technologies du xxie siècle convergeront, l’humanité pourra enfin atteindre, grâce à elles, un état marqué par la paix mondiale, la prospérité universelle et la marche vers un degré supérieur de compassion et d’accompagnement. »

Le projet, tel qu’il est défini au départ par Kim Eric DREXLER au Massuchussetts institute of technology (MIT) en 1980, prétend que ces machines rivaliseront avec la nature : ce que celle-ci a fait, l’homme, avec son intelligence, doit pouvoir le faire. L’alliance déjà ancienne, notamment sur le plan idéologique, des sciences cognitives et des sciences de l’information se poursuit par exemple dans l’augmentation exponentielle des capacités des ordinateurs : on peut ainsi extrapoler la loi de MOORE et l’utilisation de machines hybrides combinant neurones humains et éléments électroniques, parallèlement à une connaissance à haute résolution de l’architecture du cerveau.

« Quel doit être la place de l’Europe dans cette course, ou plutôt dans cette fuite en avant animée par un principe « d’immaîtrise » que l’on pourrait aussi appeler, avec Hans JONAS, principe d’irresponsabilité ? » se demande le Professeur VINCENT. Il considère que « l’Europe ne doit ni concurrencer le programme américain, ni le suivre aveuglément, mais affirmer sa place de foyer original pour tout ce qui concerne l’évolution de l’homme, ce qui ne sera pas simple et pourtant ne pourra se décider qu’à l’échelon européen. »

3 - La neuroéconomie

M. Olivier OULLIER, maître de conférence à l’université d’Aix en Provence, a constaté qu’en quelques années, le nombre d'entreprises dédiées au neuromarketing n'a cessé de croître. En France, une dizaine d'agences de communication, prétendant utiliser les neurosciences ont vu le jour. Il explique : « Si le marché du neuromarketing existe, il ne faut absolument pas… faire l’amalgame avec la neuroéconomie qui est une discipline universitaire rigoureuse dont les finalités ne sont nullement commerciales. Mieux comprendre comment nos émotions peuvent intervenir dans les décisions économiques et morales peut avoir un impact positif y compris pour vaincre les mécanismes d’addiction, par exemple, afin de savoir pourquoi les gens prennent la décision de replonger. Dans une autre perspective, des équipes canadiennes utilisent les techniques dites de neurosciences afin de tester l’impact sur la prise de décision des consommateurs de messages comme « fumer tue » ou d’images de poumons atteints de cancer sur les paquets de cigarettes. Si ces techniques permettent un jour d’améliorer les campagnes publicitaires, alors elles doivent être prises en compte par les pouvoirs publics pour promouvoir au mieux les campagnes de sensibilisation et d’intérêt général. C’est dans cette optique qu’un de nos programmes de recherche explore aujourd’hui les méfaits de l’esthétisation des emballages de produits dangereux. L’idée est d’élaborer une signalétique multi-sensorielle plus efficace qui permettrait d’éviter aux enfants et aux personnes âgées notamment de s’empoisonner avec des produits comme l’eau de javel. »

Face à l’émergence de nouveaux risques, aux choix stratégiques et souvent moraux qui impliquent les vies de citoyens auxquels sont confrontés nos dirigeants, de nouveaux paradigmes de gestion de crise sont en cours d’élaboration. Aux États-Unis, les neuroéconomistes font désormais partie des panels d’experts qui contribuent à ces travaux.

III - L’EXIGENCE D’UNE RÉGULATION

« Les neurosciences apparaissent, comme une machine de guerre contre la finitude humaine et contre ce qui donne sens à l’existence : par exemple, le libre arbitre, les valeurs de responsabilité, la dimension symbolique des êtres de langage En ce sens, les neurosciences constituent un facteur de bouleversements dans nos manières de penser, dans nos manières de nous penser, et d’affronter notre condition. La réflexion éthique doit permettre d’amortir cet effet de bouleversement et de prévenir la banalisation des fantasmes que les neurosciences produisent. » observe M. Jean-Michel BESNIER, Professeur de philosophie, Université de Paris IV-Sorbonne, Centre de recherche en épistémologie appliquée (CREA), CNRS, École polytechnique.

Selon M. Bertrand MATHIEU, Professeur à l’Université Paris I, président de l’Association française de droit constitutionnel, « il est nécessaire pour les juristes de réfléchir en amont des développements de la science. Dès lors que l’on raisonne sur un système de valeurs et sur un encadrement, on ne peut pas simplement chercher à s’adapter au plus juste aux évolutions de la science. En matière d’implants, par exemple, comment pourra-t-on, matériellement, établir une frontière entre des actions de rétablissement et d’amélioration des fonctions ? On perçoit bien la possibilité d’entrer dans une logique d’eugénisme, c’est-à-dire d’amélioration de l’espèce humaine, qui pose également un problème d’égalité d’accès à ces techniques, au risque que l’inégalité sociale naturelle se transforme en une inégalité touchant à l’exercice des fonctions. Certes, nous sommes en démocratie. Mais qui décidera de la frontière entre le rétablissement et l’amélioration ? Les scientifiques ? Le législateur ? Sur quels critères ?

A- LES POSSIBILITÉS D’ENTRAVE À LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE

1- La conscience et le libre arbitre

Selon M. Hervé CHNEIWIESS, directeur du laboratoire de plasticité gliale, Centre de Psychiatrie et neurosciences, (INSERM), Membre du Conseil scientifique de l’OPECST « il existe au moins deux domaines spécifiques aux neurosciences  qui interpellent tous ceux qui s’interrogent sur les problématiques éthiques: celui de la conscience et celui de la pensée. L’activité de notre cerveau est à la fois l’origine et l’émergence de la pensée, de la perception et de l’action, ainsi que l’expression de notre identité personnelle ».

D’après M Jean-Michel BESNIER, « les neurosciences interrogent le philosophe et, par delà, bousculent certaines représentations auxquelles le sens commun est attaché. Sont-elles une simple production du cerveau ou quelque chose d’autre qu’on appelait jadis l’âme ? Ces questions de nature épistémologique tournent toutes autour de celle de savoir si l’imagerie ou la démarche des neurosciences résout le vieux problème philosophique du statut de la conscience et de la pensée. Les neurosciences posent aussi la question de la responsabilité et du libre arbitre. Sommes-nous ce que notre cerveau nous dicte ou avons-nous le pouvoir de décider et d’agir de manière autonome ? »

Pour M Jean-Michel BESNIER, le flou fait partie des conséquences du développement des neurosciences. Il induit des responsabilités particulières des chercheurs. Il estime que « les neurosciences, dans une vision mécaniste de l’esprit, accréditent l’idée d’une dépossession de l’initiative, posant la volonté comme une illusion, la conscience comme un effet émergent. Il conteste la légitimité de déduire les valeurs à partir des faits scientifiques alors que les deux champs fonctionnent en boucle ».

En écho, M Alain EHRENBERG, sociologue, directeur du Centre de recherches psychotropes, santé mentale, société CNRS–INSERM et Université Paris-Descartes, rappelle que l’opinion, avec ses valeurs, est partie intégrante des objets étudiés. On admire les outils, on confond généralisation et théorisation, et on tend à oublier que les résultats obtenus n’apportent que des bénéfices très relatifs pour les patients.

2 - L’impact potentiel des neurosciences et de la neuroimagerie sur la justice

Le Professeur Didier SICARD, président d’honneur du CCNE, estime que les neurosciences risquent de bouleverser totalement les juristes qui, n’aimant pas, au fond, les incertitudes, seraient plutôt tentés de demander à l’expertise des neurosciences, non pas la vérité, mais une aide qui serait interprétée par le corps social comme une vérité. « La prudence prônée dans l’emploi des détecteurs de mensonge me paraît sans rapport avec leur utilisation aux États-Unis, avec de nouveaux moyens très sophistiqués »

Selon le Professeur Jean-François MATTEI148, président de la Croix-Rouge française, on ignore si ces images sont la cause ou la conséquence de comportements. Aux États-Unis les avocats utilisent ces images pour plaider l’irresponsabilité : « il n’est pas responsable c’est son cerveau ». Il estime qu’il serait utile qu’une disposition très générale stipule que l’on ne peut pas tenir compte des images fonctionnelles cérébrales pour en tirer un quelconque enseignement sur le comportement et la responsabilité des individus.

a) La responsabilité individuelle et la validité du témoignage

En France, si aucun procès fondé sur la neuroimagerie n'a encore eu lieu, ce n’est pas le cas aux États-Unis où elle a été utilisée dans plusieurs centaines de procès, évitant la peine capitale à certains accusés et faisant chanceler la notion de culpabilité. Le Professeur Hervé CHNEIWEISS s’interroge : « Qu'advient-il en effet du concept de responsabilité individuelle si chaque comportement déviant trouve une origine cérébrale, y compris en dehors d'un contexte de démence au moment des faits ? La littérature regorge de résultats laissant croire que l'imagerie cérébrale pourrait être, a minima, une lucarne sur la pensée. De telles dérives interpellent. Utilisera-t-on demain des IRM pour débattre au tribunal de discrimination raciale ou sexiste ? » Il se demande comment traiter l’adhésion qu’un sujet, témoin par exemple d’une scène violente, peut avoir vis-à-vis d’un souvenir erroné ? L’image cérébrale, si elle s’avère possible, montrera que le sujet ne se ment pas et ne ment pas au tribunal, mais en aucun cas qu’il dit « la » vérité. Cette vérité serait-elle meilleure si la mémoire était soutenue ?

Il apparaît que les neurosciences permettent de caractériser des associations de plus en plus pertinentes et précises entre des cartes fonctionnelles d’activité cérébrale et des comportements individuels comme l’agressivité, l’impulsivité et la violence ; elles sont déjà sollicitées pour caractériser la responsabilité pénale dans certains pays anglo-saxons.

« La demande sécuritaire de plus en plus importante incite les gouvernements à rechercher des indicateurs biologiques de dangerosité de l’individu. La question est donc bien une nouvelle fois de déterminer la valeur prédictive réelle du test envisagé, et non de valider de manière pseudo scientifique des préjugés sociaux. La justice cherche toujours à établir des faits, d’où l’idée qu’il existerait une vérité neurophysiologique inscrite au sein des circuits cérébraux » constate le Professeur Hervé CHNEIWEISS, directeur du laboratoire de plasticité gliale, Centre de Psychiatrie et neurosciences, (INSERM).

b) La notion de consentement éclairé.

Le Professeur SICARD a évoqué le consentement éclairé en psychiatrie : « Il est le concept le plus difficile qui soit… La guérison d’un symptôme par une neurostimulation est source d’un bénéfice considérable pour un grand nombre de personnes mais peut créer des états dépressifs chez d’autres... Il faut se méfier d’une sorte de réparation générale de tous les symptômes qui seraient toujours suivis d’un réel soulagement. Si, pour les troubles moteurs, on peut imaginer qu’on est dans la bienfaisance, quand on approche de la psychiatrie, cela s’avère plus compliqué. »

Pour le Professeur Jean-Claude AMEISEN « le consentement éclairé pour un traitement, chimique ou par implant cérébral par exemple, est un pré requis nécessaire, mais ce consentement éclairé n’est nullement suffisant car la puissance publique est garante des principes d’intégrité et d’inviolabilité du corps humain, et c’est bien sur le fondement de ces principes que nous ne sommes pas libres de faire n’importe quoi de notre corps ».

3 - La valeur prédictive

Selon le Professeur SICARD, « notre société ne supportant plus l’incertitude, demandera de plus en plus de certitudes aux neurosciences, que ce soit de l’ordre de l’imagerie ou de la génétique. Il a été observé avec raison qu’on demande trop à la génétique, ou qu’on la refoule. En même temps, le discours n’est pas neutre car, quand des gènes existent, même si ce sont des gènes de prédisposition et qu’ils présentent une part d’incertitude, la tentation immédiate est de les breveter et de faire des tests de dépistage. Comment une société peut-elle résister au réel fourni par la neuroscience qui fascine l’opinion ? »

B - QUELLES RÉGULATIONS ?

1 – Les avis des instances éthiques

Dans son avis n° 98 sur la biométrie le Comité national consultatif d’éthique (CCNE) constatait : « Les trois questions les plus angoissantes sont donc celles du glissement du contrôle de l'identité à celui des conduites, celle de l'interconnexion des données et leur obtention à l'insu des personnes concernées. »

Dans son avis n° 20 portant sur les implants et tout particulièrement les neuroprothèses, le Groupe européen d’éthique (GEE) soulignait également des risques d’atteinte à la dignité humaine, évidents pour des dispositifs implantés à but professionnels ou d’amélioration de la performance (militaires par exemple), mais également pour les dispositifs à buts médicaux (questions des implants cochléaires unis ou bilatéraux chez les enfants sourds). Le GEE propose d’interdire les implants cérébraux qui pourraient être utilisés « comme fondement d’un cyber- racisme ; pour modifier l’identité, la mémoire, la perception de soi et la perception d’autrui ; pour améliorer la capacité fonctionnelle à des fins de domination ; pour exercer une coercition sur les personnes qui n’en sont pas dotées »

2 - Les régulations envisageables

a) Les propositions de Meeting of Minds

Mme Marie-Agnès BERNARDIS, Coordinatrice de Meeting of Minds, Cité des sciences et de l’industrie, rappelle les recommandations issues des travaux du panel des citoyens européens ayant débattu de ces sujets.

- Quelques recommandations du panel européen :

Sur la dimension recherche et développement : il a été recommandé d’accroître les financements de l’Union européenne en matière de recherche fondamentale et de base sur des cerveaux sains et malades, de consacrer une partie des budgets de la recherche à la communication des résultats au public, d’affecter une partie des fonds globaux alloués à la recherche sur le cerveau à l’étude de l’interaction entre les caractéristiques neurologiques et les facteurs environnementaux d’ordre social et culturel dans le but de réduire les troubles liés au cerveau, de promouvoir la recherche visant à mieux définir la normalité et les états qui devraient être qualifiés d’anormaux afin d’éviter les traitements superflus et réduire la tendance actuelle à soigner avec des médicaments tout état qui s’écarte de la norme.

Il a été préconisé d’instaurer des procédures obligatoires de consentement informé pour toutes les techniques d’imagerie du cerveau, d’interdire l’utilisation des techniques d’imagerie cérébrale par la police, les services de la justice et de la sûreté, de créer un comité paneuropéen de conseil juridique et éthique pour établir des lignes de conduite en matière de recherche sur le cerveau.

Le panel européen a manifesté une grande attention à l’égalité d’accès aux soins et a mis en garde contre la tentation d’augmenter les performances de l’homme surtout dans une société qui valorise les performances individuelles

- Les recommandations du panel français,

Les recommandations portent sur  l’annonce du diagnostic au cas par cas et le droit du patient de ne pas savoir, l’accompagnement du patient et de son entourage en général par des équipes qualifiées et pluridisciplinaires, un meilleur accès à des structures de soin, une meilleure répartition des centres de diagnostic, la création de structures de vie plus humaines, plus familiales, la revalorisation de la médecine gériatrique et formation de personnels qualifiés.

D’autres recommandations concernent l’utilisation de données de l’imagerie cérébrale : ne pas catégoriser les individus à partir des informations recueillies grâce au progrès des neurosciences, une information obtenue en imagerie cérébrale ne devant pas conduire à une interprétation réductrice, éviter les dérives d’une utilisation des données de l’imagerie dans le monde professionnel et social, dans les recrutements, l’assurance, l’information.

Il est nécessaire d’être vigilant sur les outils pouvant provenir des progrès des neurosciences et susceptibles d’être utilisés par des acteurs du monde judiciaire qui doivent être de formés aux questions éthiques posées. Les citoyens avaient bien identifié la différence entre intervenir sur un handicap et augmenter les possibilités de l’homme. Dans le panel français, avaient été inscrites la nécessité d’ouvrir la réflexion sur l’évolution de la relation homme/médicament et de la course au bien-être à tout prix, ainsi que la nécessité de sensibiliser les élèves des écoles à l’usage des médicaments et à leurs éventuels effets secondaires. Le panel français a souligné la nécessité de soutenir des sources d’informations indépendantes des laboratoires pharmaceutiques et a préconisé que la formation continue des médecins soit également indépendante.

b) Les conclusions de l’audition publique

D’après le Professeur Hervé CHNEIWEISS, « une société de l’information et de la communication est forcément une société où le cerveau de chaque individu doit être protégé de l’instrumentalisation. Par ailleurs, les molécules et procédés issus des connaissances en neurosciences doivent être mis au service de la restauration des fonctions perdues et de l’accroissement des libertés d’agir, et non permettre l’assujettissement à une norme sociale ».

Il estime que les principes éthiques et légaux qui ont guidé l’encadrement des données personnelles issues de la génétique et des échanges informatiques devraient permettre d’encadrer l’utilisation de connaissances issues des neurosciences.

Il conviendrait également d’établir un dispositif d’autorisation de mise sur le marché assorti d’évaluation ad hoc pour tout procédé ayant comme objectif ou conséquence d’agir sur les capacités cognitives des individus.

Il ajoute cependant que « pour opérer dans un réel environnement de libéralisme cognitif, il faut transformer le procédé d’amélioration en bien public, accessible à tous, dont personne ne puisse être privé et dont l’usage n’épuise en rien la ressource. En outre, de tels dispositifs peuvent être utilisés dans des buts thérapeutiques, ou pour améliorer la performance d’un individu. Il faut dès lors créer un nouveau garant, une Agence nationale de l’amélioration cognitive chargée d’évaluer le procédé, son innocuité, sa réelle efficacité, son accessibilité, etc. »

c) La position de l’OPECST

Les rapporteurs ont souhaité que la neuroimagerie et les neurosciences qui touchent aux libertés individuelles soient évoquées dans un souci de clarification et d’information. La future loi de bioéthique ne peut ignorer les risques d’interconnexion des fichiers liés à la convergence NBIC, les interfaces homme machine.

Les rapporteurs estiment que les recherches dans le domaine des neurosciences et la neuroimagerie doivent être encouragées et évaluées périodiquement par des instances compétentes. Leur impact médical, social et environnemental doit être débattu.

L’information des patients et de ceux qui se prêtent à des essais cliniques doit être claire et précise notamment sur les résultats possibles et parfois anxiogènes

La protection des données issues de la neuroimagerie doit être assurée contre les risques d’utilisation par des tiers.

Recommandation

Il conviendrait de

- développer les recherches dans le domaine de la neuroimagerie et les neurosciences,

- évaluer périodiquement l’impact de ces recherches au plan médical, mais aussi social et environnemental,

- assurer un accès équitable à ces nouvelles technologies,

- protéger les données issues de ces techniques, d’éviter l’interconnexion des fichiers,

- interdire l’utilisation en justice de la neuroimagerie.

CONCLUSIONS

LA LOI À L’ÉPREUVE DES RÉALITÉS : LE « DUMPING » ÉTHIQUE ET JURIDIQUE

1 - La perception par la société de l’offre thérapeutique

L’accélération de la mondialisation entraîne deux phénomènes : une demande et une attente d’innovations. Selon le professeur Claude HURIET, Président de l’Institut Curie, membre du Comité international de bioéthique de l’UNESCO149 : « Il existe un droit non explicite, à l’innovation sur lequel d’ailleurs la médiatisation n’est pas neutre. Des espoirs quelquefois un peu fous naissent. Ils intéressent d’abord le citoyen et créent ces situations dans lesquelles ceux qui s’interrogent sur le sens de l’innovation et ses limites apparaissent comme des « empêcheurs d’espérer en rond ». Le progrès apparaît de plus en plus vite, il est très médiatisé, ce qui raccourcit le temps consacré à la réflexion pour définir le sens du progrès, ses conséquences, s’intéresser aux relations souvent difficiles entre le respect des valeurs individuelles et le bien commun, assurer « un vivre ensemble » auquel chacun puisse adhérer. Cette accélération du progrès est très largement perceptible dans le domaine des sciences du vivant et entraîne une explosion du marché.

Des découvertes suscitent rapidement, parfois trop rapidement des espoirs thérapeutiques, mais aussi accroissent les inégalités d’accès à l’innovation. On s’aperçoit que tous les patients susceptibles d’en bénéficier, même dans des pays développés, ne pourront sans doute pas y accéder, ce qui pose un problème éthique qui ne doit pas laisser insensible. Parallèlement les contraintes édictées par le législateur au nom des valeurs ou du principe de précaution sont mal perçues ; certains se procurent via Internet des tests génétiques non validés ou des traitements inutiles, voire nocifs, d’autres se rendent à l’étranger pour bénéficier d’une offre juridique plus clémente.

La mondialisation de la recherche génère des tensions économiques et risque de favoriser à court terme « le moins-disant éthique » car cette mondialisation s’accompagne d’une concentration des moyens financiers. Elle conduit à des interrogations de nature éthique et législative en raison de l’effet et de l’impact des lois et règlements sur les stratégies de recherche développement de la part des entreprises.

2 - Sur la perception par la société de l’offre juridique :

Mme Nicole QUESTIAUX150, membre de la Commission consultative des droits de l’Homme (CNCDH), ancien ministre, a constaté «  il existe une sorte de débat non clairement exprimé, qui est sous-jacent à l’application des principes. Il oppose des conceptions différentes des droits de la personne, ceux qui sont à l’aise avec nos principes et ceux qui constamment « regimbent » au nom de l’autonomie. Cette opposition fait aussi intervenir le monde des chercheurs et le monde économique, qui s’allient avec les individualistes pour souhaiter que ces contraintes soient distendues, laissent plus de possibilités à des utilisations qui s’éloignent elles-mêmes de plus en plus de l’utilisation intéressant directement la personne ».

L’utilisation d’Internet a accru ce phénomène et l’on assiste à une évaluation de l’offre juridique en fonction des besoins. Ce phénomène bien connu des juristes fiscalistes s’étend à la bioéthique. Tel interdit est facilement tourné par un déplacement opportun vers un pays voisin dans lequel la loi est plus permissive. Le « dumping juridique » et le « moins disant éthique » font recette dans tous les champs couverts par la bioéthique : explosion des tests génétiques via Internet, tourisme de transplantation, et de procréation, exil des chercheurs. Les débats sur la future loi relative la bioéthique doivent prendre en compte ce phénomène. L’information scientifique et juridique circule très rapidement ; elle est très médiatisée. Juste ou fausse, elle suscite réaction, peurs, espérances, voire sentiment d’injustice de ceux qui n’accèdent pas aux possibilités légalisées ailleurs.

Les valeurs qui fondent les principes de bioéthique s’en trouvent fragilisées : la notion de consentement éclairé devient flou, le principe de l’indisponibilité du corps humain et son corollaire la non commercialisation des éléments du corps humain est mis l’épreuve.

Dans sa contribution précitée, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), rappelle que la règle du consentement est devenue une véritable clé de voûte des textes de bioéthique , elle observe : « Dés qu'il est question de concilier les garanties dues au donneur et la liberté de la recherche, la notion de consentement apparaît. Les occasions de recourir à cette condition se multiplient, tandis que s'affinent ses exigences : consentement informé, retrait possible, personnes habilitées à consentir en cas de capacité diminuée, etc. Cette exigence trouve son fondement dans la volonté de ne jamais revoir les violations tragiques des droits de l'homme nées de l'expérimentation sur l'homme pratiquée par le nazisme »

La CNCDH souligne également que « la généralisation du consentement vient occulter l'importance de l'enjeu qui consiste à utiliser le corps d'une personne dans l'intérêt d'autrui. Une ère nouvelle impliquant la transgression d'interdits s'ouvre avec la généralisation du don d'organes en provenance de personnes vivantes et avec l'intérêt nouveau porté à une utilisation de gamètes, notamment d'ovocytes, ou de cellules susceptibles de se différencier et de se substituer un jour aux greffes ».

De même, le principe selon lequel le corps humain et ses éléments sont hors du champ du commerce n'est pas aisément conciliable avec l'évolution du régime de la propriété industrielle, dont dépend largement le financement des biotechnologies.

Indirectement les éléments issus du corps humains se réifier et à entrent dans le commerce. Dans les pays anglo-saxons, les règles de bioéthique n’excluent pas cette marchandisation. Il faut affirmer avec force que l’on ne peut traiter le corps humain comme une chose.

Le Groupe Européen d’éthique joue son rôle, cependant, la bioéthique et l’éthique en général ne font pas partie des compétences des institutions de l’Union européenne. Cependant, dans le cadre des programmes de recherche, les aspects éthiques sont examinés, indépendamment des aspects scientifiques par des panels particuliers non permanents, dépendant des sujets traités, se réunissant après les avis scientifiques pour examiner ces questions. Il existe une véritable préoccupation sur les problèmes éthiques, notamment dans la recherche au niveau de l’Union européenne. Elle est abordée par différents moyens, et ne concerne que les pays membres de l’Union européenne.

Un renforcement des instances internationales de la bioéthique est nécessaire

C’est avec une certaine lassitude que les rapporteurs de l’OPECST constatent le sort fait en France à la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la biomédecine, Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine, dite Convention d'Oviedo, signée le 4 avril 1997. La France qui a joué un rôle non négligeable dans l'élaboration de ce texte, l’a signé, mais ne l’a toujours pas ratifié, malgré les promesses faites au législateur par les gouvernements successifs.

Or dans le long délai qui s'est écoulé, cette convention a eu sa vie propre, comme l’ont observé Mme Nicole QUESTIAUX et M. Carlos de SOLA, chef du service de la santé et de la bioéthique au Conseil de l’Europe151. Ces protocoles additionnels touchent désormais tous les domaines de la bioéthique. Parmi les textes contraignants du Conseil de l’Europe, outre la Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine, ont été élaborés les protocoles portant sur l’interdiction du clonage d’êtres humains de 1997, un protocole portant sur la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine de 2001, un autre encore sur la recherche biomédicale de 2004, et un protocole sur les tests génétiques à finalité médicales adopté en juin 2008.

II n'existe pas de contradiction majeure entre la Convention d’Oviedo, seul instrument international véritablement contraignant spécifiquement dédié à la bioéthique, et la législation française.

Par ailleurs, la France est partie à un nombre croissant d'engagements internationaux, dans un contexte d'obligations de portée variable comme la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme de l'UNESCO, adoptée en 2005.qui n'a pas de portée obligatoire immédiate, et fait suite à deux autres documents de même nature de l'UNESCO, plus précis dans le champ plus limité qu'ils avaient retenu. Ces textes s’adressent à tous les États, mais en raison de leur portée déclarative, chacun d'entre eux peut rester maître du passage vers les obligations impératives d'une convention, qui viendrait un jour prendre le pas sur le droit national.

Les normes internationales contraignantes dans le domaine de la bioéthique deviennent nécessaires, à défaut toute loi de bioéthique risque d’être tournée par les formes de tourisme que nous avons décrites.

Nous sommes conscients que les lois de bioéthiques, plus que d’autres engagent notre responsabilité vis-à-vis des générations futures. Elles doivent être comprises, explicités pour être acceptées par tous.

Ces lois posent des interdits et des limites au pouvoir devenu immense de l’homme sur la nature, et à une science qui recule sans cesse les frontières du possible.

EXAMEN DU RAPPORT

MM. Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte, ont présenté les conclusions de leur rapport lors de la séance que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a tenue le 18 novembre 2008.

*

M. Alain Claeys, rapporteur, député, a tout d’abord précisé le cadre dans lequel s’inscrit la présentation du rapport de l’OPECST sur l’évaluation de la loi bioéthique : l’Agence de la biomédecine (ABM) vient de rendre son rapport d’évaluation, le Conseil d’État et le Comité national consultatif d’éthique (CCNE) sont saisis et une mission d’information de l’Assemblée nationale commence ses travaux.

Par ailleurs, le Président de la République a mis en place un Comité de révision du Préambule de la constitution, présidé par Mme Simone Veil, qui pourrait faire des propositions concernant la bioéthique, l’introduction de principes concernant la bioéthique dans le Préambule ne lui paraissant pas indispensable.

La révision périodique de la loi pourrait en affaiblir la portée et se révèle assez difficile, dans la mesure où les décrets d’application paraissent tardivement ou ne sont pas publiés. Il serait souhaitable que la future loi définisse le cadre et les grands principes éthiques sur chaque thématique, et qu’elle soit évaluée périodiquement par l’Agence de la biomédecine (ABM), le Comité national consultatif d’éthique (CCNE) et l’OPECST, ces organismes devant suggérer au législateur les modifications nécessaires, dès que la réglementation leur apparaîtrait inadaptée.

S’agissant du calendrier de la révision, les états généraux de la bioéthique doivent se tenir en 2009 et le projet de loi devrait être déposé au début de l’année 2010.

Tout en dressant un bilan positif des instances de régulation de la loi relative à la bioéthique, le rapport suggère de développer des synergies entre l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), la Haute autorité de santé et l’ABM pour clarifier leurs domaines respectifs de compétences dans la détermination des politiques de santé. La remise solennelle du rapport de l’ABM au Parlement et une réunion annuelle commune entre l’OPECST et l’ABM afin d’identifier en temps réel les points nécessitant l’intervention rapide du législateur sont également proposées. L’organisation d’une double tutelle de l’ABM, du ministère chargé de la santé et du ministère chargé de la recherche, permettra de confier à l’ABM la définition de la stratégie de recherche dans le domaine des cellules souches embryonnaires car cette agence autorise et encadre ces recherches, et participe à leur évaluation.

Concernant le CCNE, son indépendance doit être garantie, il serait opportun de diversifier sa composition et de déterminer les rôles respectifs du CCNE et du Comité d’orientation de l’ABM, souvent amenés à traiter des mêmes sujets.

M. Jean-Sébastien Vialatte, rapporteur, député, a abordé les dispositions de la loi sur les caractéristiques génétiques d’une personne, en suggérant de débattre à nouveau des dispositions de l’article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers qui concerne les empreintes génétiques, et de mener une réflexion plus générale pour renforcer la protection des données de santé, notamment celles issues des empreintes génétiques.

L’information de la parentèle en cas de découverte de maladies génétiques lors d’un examen n’est pas bien réglée, le décret n’étant pas paru. Des interrogations subsistent. Faut-il prévoir la levée du secret médical dans certaines conditions? Que faire si un patient refuse de transmettre, voire de connaître cette information ? Par ailleurs, des dispositions doivent être prises pour que l’information de ceux qui participent à une recherche sur leur génome soit assurée.

Le développement de l’accès aux tests génétiques via Internet a un impact inquiétant. Il convient de renforcer l’information du public sur les modalités légales d’accès aux tests génétiques en France et d’effectuer des mises en garde par les instances habilitées tant sur la fiabilité des tests proposés que sur l’usage possible des résultats. Il est proposé qu’il soit interdit de s’en prévaloir pour obtenir un avantage.

Sur le recours au diagnostic préimplantatoire (DPI), il convient de veiller à ce qu’il ne soit pas étendu à des indications de plus en plus larges, favorisant l’eugénisme. C’est pourquoi, l’encadrement du recours au DPI prévu par la loi de 2004, paraît tout à fait utile et nécessaire. Une liste indicative des maladies d’une particulière gravité aiderait les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CDPN).

En ce qui concerne les transplantations d’organes, M Jean-Sébastien Vialatte a fait part des interrogations des rapporteurs sur la greffe à cœur arrêté, pratique très répandue dans le monde mais qui doit être mieux évaluée. Une réflexion sur les critères de la mort est nécessaire. Le caractère exceptionnel de la pratique du don d’organes entre vifs doit être réaffirmé car elle comporte des risques pour le donneur qui subit parfois des pressions intra familiales et provoque quelquefois des tensions à l’intérieur des familles. De même, le Tribunal de grande instance devrait être saisi dans un délai raisonnable de l’examen de la validité du consentement car les magistrats déplorent les saisines trop tardives. Par ailleurs, un lieu de dialogue doit être mis à la disposition des familles des donneurs potentiels décédés.

Conscients du retard de la France pour parvenir à l’auto suffisance, il préconise des campagnes d’information ciblées sur les résultats obtenus par la greffe, d’améliorer le système des greffes pédiatriques et de développer des systèmes miniaturisés permettant de pallier le manque de greffons.

M. Alain Claeys, rapporteur, député, a dressé le bilan de la loi concernant la procréation médicalement assistée (AMP) en soulignant que la loi de 2004 avait peu modifié ce chapitre et que l’on disposait d’un certain recul. Les techniques d’AMP étant lourdes, elles doivent demeurer réservées aux stérilités médicalement avérées et la pratique des centres d’AMP vis-à-vis des couples qui souhaitent adopter un enfant doit être clarifiée. L’hypocrisie de la notion de couple stable et le délai de deux ans de stabilité ont été dénoncés ; cette exigence doit être revisitée. Dans cet esprit, il convient d’ouvrir aux femmes célibataires, médicalement infertiles l’accès à l’AMP puisqu’elles peuvent adopter. Le transfert d’embryon post mortem doit être autorisé et encadré. Un débat approfondi sur l’accès des couples homosexuels à l’AMP lors de la révision de la loi est nécessaire.

Si le principe de gratuité des dons doit être réaffirmé, le don d’ovocyte ne peut se développer que dans des conditions éthiques respectueuses des personnes qui font ce don comme de celles qui le reçoivent. Il implique aussi un suivi médical des donneuses et une indemnisation forfaitaire.

Quant à la levée de l’anonymat sur les dons de gamètes demandée par les enfants issus d’une insémination avec donneurs (IAD), revendication légitime au regard du droit à connaître ses origines, la loi française pourrait s’inspirer soit de la loi espagnole, soit de la législation britannique.

Les rapporteurs n’ont pas examiné la procréation pour autrui (celle qui porte l’enfant en est la mère génétique), mais seulement la gestation pour autrui (GPA) (les gamètes du couple d’intention sont utilisés). M. Alain Claeys a estimé, après une réflexion approfondie et de nombreuses auditions, que les propositions de lever l’interdiction de cette technique en l’encadrant strictement ne lèvent pas les objections de fond qui entachent cette technique. On ne peut aborder la levée de cette prohibition sans réfléchir au devenir de l’ensemble des intervenants, notamment à celui de l’enfant à naître, et à celui de la gestatrice et de sa famille. Un encadrement de la GPA implique un contrat sur un enfant à naître dont l’intérêt doit être protégé, il mobilise une femme et les membres de sa famille pendant un an au moins. Qu’adviendra-t-il d’elle si sa grossesse se déroule mal ? Qui sera responsable : l’équipe médicale, l’instance qui a délivré les agréments, le couple d’intention ? Comment informera t-elle sa propre famille, ses propres enfants, ses proches ? Il a indiqué qu’il serait nécessaire d’améliorer la transparence des résultats et des pratiques de l’AMP en France.

Abordant la recherche sur les cellules souches embryonnaires, M. Alain Claeys, rapporteur, député, a rappelé et repris les positions de l’OPECST et du rapport de M. Pierre-Louis Fagniez en faveur de la levée du moratoire sur cette recherche. La position française manque de lisibilité, la finalité thérapeutique d’une recherche est difficile à démontrer. Cela pénalise les jeunes chercheurs. La recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines doit être autorisée au préalable, et encadrée. Il faut simplifier les démarches administratives imposées aux chercheurs, créer une banque de cellules souches gérées par l’ABM et encourager la poursuite de la recherche fondamentale, sans privilégier telle ou telle approche. C’est pourquoi il conviendrait d’autoriser, sous réserve de la disponibilité des ovocytes humains, la transposition nucléaire avec un dispositif rigoureux de contrôle par l'ABM et une interdiction d’implantation, de débattre de l’autorisation de la transposition nucléaire inter espèces sous réserve d’interdire l’utilisation d’ovocytes humains et l’implantation du cybride, et de limiter son développement à 14 jours. Parallèlement, il sera nécessaire de mener une campagne d’information nationale sur le sang de cordon, d’organiser sa collecte et son transport de manière plus systématique et plus efficace 

Quant à  l’interdiction du clonage reproductif humain, la France doit poursuivre ses efforts en faveur de cette interdiction, ratifier la convention d’Oviedo au plus vite ainsi que le protocole additionnel de janvier 1998, comme l’OPECST l’a demandé à maintes reprises.

Examinant les problèmes éthiques nouveaux que posent les neurosciences et la neuroimagerie, M. Jean-Sébastien Vialatte, rapporteur, député, a rappelé que cette démarche avait été suggérée par le conseil scientifique de l’OPECST. Le développement rapide des nanotechnologies et des biotechnologies fait naître des interrogations, des inquiétudes et surtout un besoin de débattre de l’impact de ces recherches. L’accélération des recherches en sciences du vivant dans ces domaines induit en même temps une accélération des convergences de ces technologies. Les possibilités d’intervention sur le système nerveux sont maintenant multiples, que ce soit avec des molécules chimiques ou des procédés plus ou moins invasifs tels que l’imagerie cérébrale, la stimulation magnétique trans-crânienne, les implants ou les neuroprothèses. Risque-t-on de modifier l’humain ? Ces innovations seront-elles accessibles à tous ? Il conviendrait de développer les recherches dans le domaine de la neuroimagerie et des neurosciences, d’évaluer périodiquement l’impact de ces recherches au plan médical, mais aussi social et environnemental, d’assurer un accès équitable à ces nouvelles technologies, de protéger les données issues de ces techniques, d’éviter l’interconnexion des fichiers et d’interdire l’utilisation en justice de la neuroimagerie.

M. Claude Birraux, président, député, a félicité les rapporteurs pour leur évaluation, laquelle s’inscrit dans la lignée du premier rapport de l’OPECST sur la bioéthique, présenté, par le sénateur Sérusclat, qui posait des questions sans imposer de réponses. Il a souligné les différences d’approche entre la France et le monde anglo-saxon très préoccupé de rentabiliser les innovations médicales.

Il a évoqué, s’agissant de la gestation pour autrui, la concurrence pouvant s’exercer entre les droits de l’enfant et le droit à l’enfant, avant de s’interroger sur l’accès des femmes célibataires à l’AMP.

M. Daniel Raoul, vice-président, sénateur, a demandé si les rapporteurs avaient auditionné Mme Michèle André, rapporteur de la mission d’information du Sénat sur la gestation pour autrui, et s’est interrogé sur les différences entre celle-ci et l’adoption.

Il a par ailleurs exprimé sa perplexité quant à la distinction opposant l’homme réparé à l’homme augmenté, certains médicaments ou certaines prothèses augmentant les capacités tout en soignant, et observé que l’utilisation de certains implants soulevait des questions éthiques dépassant le cadre des neurosciences.

M. Jean-Pierre Brard, député, a félicité les rapporteurs pour leurs travaux qui ouvrent des perspectives de réflexion et posent les problèmes de façon sereine.

Concernant la clause de révision de la loi, il a estimé qu’elle sécurisait le débat car le domaine de la bioéthique n’est pas celui de la certitude mathématique.

S’agissant de l’exigence de stabilité du couple, il a observé qu’une ingérence dans la vie privée ne se justifiait pas en l’absence d’atteinte physique ou psychique de l’être existant.

Évoquant l’homoparentalité, il a préconisé d’auditionner le docteur Stéphane Nadaud, auteur d’une thèse de médecine sur le sujet, démontrant que l’orientation sexuelle ne doit pas être discriminante.

Il s’est prononcé, comme les rapporteurs, en faveur du principe absolu de la gratuité des produits du corps humain, en évoquant le souvenir d’un débat surréaliste sur l’assujettissement du sang à la TVA.

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président, député, s’est interrogé sur l’opportunité de réviser périodiquement la loi de bioéthique, observant que des progrès considérables ont été réalisés depuis une quinzaine d’années, notamment en ce qui concerne le diagnostic préimplantatoire fort controversé à l’origine.

Il a regretté que le rapport ne soit pas plus audacieux sur l’encadrement du recours aux tests génétiques via Internet, des entreprises proposant de décrypter le génome pour 1000 $. Il a suggéré de poser des interdits s’inspirant des lois sur le tourisme sexuel et souligné la nécessité d’anticiper les évolutions suscitées par le développement de la pharmacogénétique et de la médecine personnalisée.

M. Jean-Louis Touraine, député, a évoqué les transplantations, en déplorant que plusieurs centaines de malades meurent chaque année faute de greffe et que plus 13 000 personnes soient inscrites sur liste d’attente.

Á propos du caractère exceptionnel de la greffe par donneur vivant, recommandé par les rapporteurs, il a souligné le retard de la France dans ce domaine. S’il y a eu des accidents dans le passé, le prélèvement d’un rein ne présente plus les mêmes risques que celui d’autres organes, tels que le foie ou le poumon. Effectué sous célioscopie, l’anesthésie constitue dans ce cas le principal risque opératoire, comme pour le prélèvement de moelle osseuse.

Il a demandé de distinguer les greffes de foie et de poumon, qui présentent des risques pour les donneurs vivants, et les greffes de mœlle osseuse et de reins, pour lesquelles les risques sont plus limités, en rappelant que l’Agence de la biomédecine faisait une campagne d’incitation en faveur de la greffe de rein par donneur vivant et que celle-ci concerne100 % des cas au Japon, 40 % aux États-Unis, la France faisant preuve d’une frilosité étonnante. Il a insisté pour que l’on informe mieux les personnes des avantages de la greffe de rein par donneur vivant : le greffon est de meilleure qualité, dure plus longtemps et l’organisme du receveur est moins affaibli par l’attente et les dialyses.

Quant au consentement éclairé des donneurs, il a estimé que les médecins doivent s’adresser à chacun des membres de la famille séparément pour ne pas contraindre le donneur potentiel à accepter.

Regrettant la pénurie de greffons issus de donneurs cadavériques, liée au nombre de refus de don oscillant en France entre 30 et 40 % ce qui correspond au pourcentage de greffons manquants, en dépit du principe du consentement présumé, il s’est interrogé sur la procédure destinée à recueillir l’avis des familles. Estimant que les équipes médicales font preuve d’autocensure et qu’il serait préférable de se contenter de prévenir la famille, il a préconisé la promotion d’une conception bilatérale de la transplantation, l’acceptation d’être greffé et celle de donner devant être liées.

M. Jean-Claude Etienne, premier vice-président, sénateur, après avoir félicité les rapporteurs, a observé que l’articulation des différentes instances chargées de la bioéthique n’était pas clairement définie actuellement, la dualité des organismes, Agence de biomédecine et comité national consultatif d’éthique, suscitant une dualité des réflexions, scientifique d’une part, et éthique d’autre part.

Les rapporteurs ont répondu aux différentes questions.

S’agissant de l’assistance médicale à la procréation, M. Alain Claeys, député, a expliqué que, dans le cadre de leurs travaux d’évaluation, les rapporteurs de l’OPECST avaient auditionné les mêmes personnalités que celles entendues par la mission du Sénat, qu’ils avaient pris connaissance du rapport de Mme Michèle André, mais qu’ils n’étaient pas arrivés aux mêmes conclusions, car les questions éthiques demeurent posées et le tourisme procréatif ne saurait constituer un argument suffisant pour justifier l’autorisation de la GPA.

Concernant de l’accès des femmes célibataires, il a rappelé que l’on se situait dans le cadre d’une stérilité médicalement avérée et qu’il convenait d’éviter certaines hypocrisies.

Quant à la révision périodique de la loi, il a observé que le mécanisme de révision tous les cinq ans est lourd, et estimé qu’il valait mieux trouver des articulations entre l’Agence de la biomédecine et l’OPECST, pour évaluer à date fixe et créer un dispositif plus réactif.

Sur les instances de la bioéthique, il a indiqué que le débat sur le CCNE s’était déroulé au moment du changement de son président car des interrogations sur le devenir de l’institution étaient apparues et souligné que le conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine et le CCNE ne devaient pas se substituer l’un à l’autre, estimant qu’il valait mieux élargir la composition du CCNE et assurer son indépendance pour qu’il éclaire utilement la société, tout en étant en relation avec l’Agence de la biomédecine.

Concernant l’AMP, M. Jean-Sébastien Vialatte, député, a précisé que la GPA impliquait la levée de l’anonymat. Il a ajouté que l’on ne pouvait pas exclure les troubles psychologiques liés au questionnement sur les origines. Il a souligné les différences entre l’adoption, dans le cadre de laquelle un enfant déjà né est recueilli, et l’assistance médicale à la procréation, dont l’objet est de faire naître un enfant.

S’agissant de la gestation pour autrui, il a observé que le principe de gratuité ne peut être assuré qu’avec le corollaire de l’anonymat, ce qui n’est pas possible pour la gestation pour autrui, et il a rappelé qu’en France, on avait des difficultés à trouver 200 donneuses d’ovocytes.

Sur la révision à date fixe, il a estimé que les grands principes ne sont pas révisables et qu’il convenait de s’orienter vers une loi cadre, dont certains éléments seront adaptés quand cela se révèlera nécessaire.

S’agissant de la greffe, il a indiqué qu’au cours des auditions organisées, des appels à la prudence avaient été exprimés à l’égard des greffes du foie et du poumon. Il a souligné que des pressions familiales sur les donneurs vivants avaient été constatées, notamment par France ADOT, et que des magistrats s’étaient plaints de ne pas disposer de délais suffisants pour recevoir les donneurs.

Au terme de ce débat, les recommandations proposées par les rapporteurs ont été adoptées et la publication du rapport a été autorisée.

LES RECOMMANDATIONS

DE L’APPLICATION À LA RÉVISION DE LA LOI DE 2004

ð Sur le cadre de la future loi

L’introduction de principes concernant la bioéthique dans le préambule de la constitution ne paraît pas indispensable. Il conviendrait que la future loi :

Ÿ définisse le cadre et les grands principes éthiques sur chaque thématique ;

Ÿ soit évaluée périodiquement par l’Agence de la biomédecine, le Comité consultatif national d’éthique et l’OPECST, ces organismes devant suggérer au législateur les modifications nécessaires, dès que la réglementation leur apparaît inadaptée ;

Ÿ d’associer les rapporteurs de l’OPECST aux travaux du Comité de pilotage des états généraux de la bioéthique.

ð Sur les instances de régulations de la loi relative à la bioéthique

Il conviendrait de :

Ÿ développer des synergies entre l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), la Haute autorité de santé et l’Agence de la biomédecine pour clarifier leur domaine respectif de compétence dans la détermination des politiques de santé ;

Ÿ prévoir la remise solennelle du rapport de l’ABM au Parlement, et une réunion annuelle commune entre l’OPECST et l’Agence de la biomédecine afin d’identifier en temps réel les points nécessitant l’intervention rapide du législateur ;

Ÿ organiser une double tutelle de l’ABM entre le ministère de la santé, de la jeunesse et des sports et celui de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

Ÿ confier à l’ABM, la définition de la stratégie de recherche dans le domaine des cellules souches embryonnaires car elle autorise, encadre et participe à l’évaluation de ces recherches ;

Ÿ confier à l’ABM l’ensemble des agréments des praticiens et autorisations concernant l’assistance médicale à la procréation dans un souci de simplification ;

Ÿ faire en sorte que le CCNE intervienne avant l’Agence de la biomédecine sur des sujets de société comme d’éthique biomédicale, en prévoyant entre les deux des relations organiques étroites, et des synergies ;

Ÿ déterminer les rôles respectifs du CCNE et du Comité d’orientation de l’Agence de la Biomédecine souvent amenés à traiter des mêmes thématiques ;

Ÿ diversifier la composition du CCNE en nommant davantage de personnalités issues de la société civile non médicale, plutôt que réduire le nombre de ses membres ;

Ÿ publier l’arrêté concernant le fonctionnement des espaces éthiques régionaux ;

Ÿ accroître les liens entre le CCNE et les espaces éthiques régionaux ;

Ÿ clarifier les rôles du CCNE et des espaces éthiques régionaux, par rapport aux Comités d’éthique d’entreprises, de journaux, de facultés etc qui rendent des avis relayés par la presse

PREMIÈRE PARTIE :

DROITS DE LA PERSONNE ET CARACTÉRISTIQUES GÉNÉTIQUES : UTILISATION DES TESTS GÉNÉTIQUES, DIAGNOSTIC PRÉNATAL, DIAGNOSTIC PRÉIMPLANTATOIRE

ð Sur le recours aux examens génétiques et la conservation des données

Il conviendrait de :

Ÿ débattre de nouveau des dispositions de l’article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers qui concerne les empreintes génétiques.

Ÿ s’interroger sur la capacité matérielle dont dispose la Commission informatique et libertés (CNIL) pour contrôler le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG), et vérifier si ceux qui y accèdent, sont toujours les personnels habilités à le faire ;

Ÿ mener une réflexion plus générale sur la protection des données de santé et des fichiers contenant ces données.

Ÿ clarifier les règles de consentement concernant l'utilisation d'éléments et de produits du corps humain à une fin médicale ou scientifique autre que celle pour laquelle ils ont été prélevés ou collectés : soit en admettant qu’une présomption de consentement existe, soit en demandant par des questions subsidiaires l’autorisation de la personne.

ð Sur la communication des résultats concernant les tests génétiques :

Il conviendrait de :

Ÿ débattre au Parlement de la levée du secret médical dans l’intérêt d’une famille, en envisageant l’ensemble des possibilités,

Ÿ permettre à la personne qui participe à une recherche mettant en jeu ses caractéristiques génétiques, si elle y consent, de bénéficier d’une information relative aux résultats globaux de cette recherche. Dans ce cas, les Rapporteurs demandent que cette information, assez anxiogène pour la personne concernée, soit dispensée par un médecin pouvant préciser la portée de ces résultats, et leurs éventuelles conséquences pour sa santé.

ð Sur l’accès aux tests génétiques par Internet

Il conviendrait de :

Ÿ renforcer l’information du public sur les modalités légales d’accès aux tests génétiques en France ;

Ÿ effectuer des mises en garde par les instances habilitées tant sur la fiabilité des tests proposés via Internet, ainsi que sur l’usage possible des résultats de ces tests qui ne sont pas couverts par le secret, voire l’anonymat ;

Ÿ questionner les citoyens sur l’accès aux tests génétiques lors des états généraux de la bioéthique ;

Ÿ interdire de se prévaloir de résultats de tests génétiques tant au niveau juridique, que médical en introduisant dans l’article 16-10 du Code civil une disposition stipulant « seule la personne concernée peut entreprendre cette démarche » (on vise l’examen de ses caractéristiques génétiques) et une autre disposition stipulant que « nul ne peut se prévaloir de l’analyse de son génome pour en tirer avantage », et ce pour éviter les discriminations à l’embauche, à l’obtention de prêt, à l’assurance etc…

Ÿ informer sur les risques d’erreurs, voire de piratages des données lors de l’achat de tests par Internet.

ð Sur les tests génétiques prédictifs

- Sur les essais cliniques, il conviendrait de :

Ÿ préciser les conditions de tout essai clinique concernant des tests génétiques prédictifs ;

Ÿ indiquer à ceux qui acceptent de les expérimenter l’étape du processus de validation dans lequel se situe l’expérience.

- Sur le recours au diagnostic préimplantatoire DPI, comme nombre de leurs interlocuteurs, les rapporteurs craignent que le DPI ne soit étendu à des indications de plus en plus larges, favorisant l’eugénisme. C’est pourquoi, ils réaffirment que l’encadrement du recours au DPI prévu par la loi de 2004 est tout à fait utile et nécessaire il conviendrait de :

Ÿ proposer qu’une liste de maladies d’une particulière gravité soit dressée de manière indicative ;

Ÿ guider les centres pluridisciplinaires de diagnostics prénatals, CPDN dans leurs décisions.

DEUXIÈME PARTIE :

LES PRÉLÈVEMENTS ET GREFFES D’ORGANES ET DE TISSUS

ð Sur la greffe par donneur décédé

La révision de la disposition sur le caractère implicite du consentement n’est pas opportune. En revanche, il conviendrait de :

Ÿ mieux faire connaître la loi, au moment de l’accomplissement de démarches administratives telles que le renouvellement de documents d’identité ou de la carte vitale ;

Ÿ s’inspirer de l’information effectuée lors de la journée du service national ;

Ÿ accroître la médiatisation de la journée du don d’organe et plus généralement d’organiser des campagnes de sensibilisation plus médiatisées à la greffe ;

Ÿ aménager des lieux pour dialoguer avec les familles lorsqu’un prélèvement est envisagé ;

Ÿ prévoir expressément un dispositif précis d’information des patients receveurs, quant à la qualité des organes qu’ils reçoivent, quel que soit le type de prélèvement, et éviter d’agir en urgence ;

Ÿ réexaminer les critères de la mort.

ð Sur la greffe par donneur vivant

Il conviendrait de :

Ÿ affirmer plus nettement le caractère exceptionnel de la pratique du don d’organes entre vifs qui doit être un ultime recours notamment pour la greffe de foie ;

Ÿ exiger l’avis de deux instances distinctes au sein du comité d’experts, l’une concernant le discernement éthique et l’autre traitant de l’évaluation médico-technique de la greffe ;

Ÿ saisir le Tribunal de grande instance dans un délai raisonnable ;

Ÿ conférer un véritable statut au donneur vivant ;

Ÿ assurer son suivi médical gratuitement sur une longue période ;

Ÿ prévoir un accompagnement psychologique systématique ;

Ÿ éviter que le donneur vivant ne pâtisse de son acte tant au plan physique, social, que financier ;

Ÿ mettre en place un système d’assurance spécifique au donneur d’organe lui permettant d’éviter une situation catastrophique à la suite de son don.

Ÿ disposer de chiffres plus précis concernant les greffes par donneurs vivants effectuées par des ressortissants français à l’étranger et mener une réflexion sur ce phénomène, s’il se révélait plus important.

ð Sur les résultats de la greffe en France

Il conviendrait de :

Ÿ parvenir à l’auto suffisance en matière de greffon par des campagnes d’information ciblée  sur les résultats obtenus;

Ÿ améliorer le système des greffes pédiatriques ;

Ÿ développer des systèmes miniaturisés permettant de suppléer au manque de greffons.

TROISIÈME PARTIE :

L’ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION (AMP)

ð Sur l’accès à l’AMP

Les rapporteurs considèrent que les techniques d’AMP étant lourdes, difficiles à mettre en oeuvre, elles doivent être réservées aux stérilités médicalement avérées.

Il conviendrait de :

Ÿ clarifier la pratique des centres d’AMP vis-à-vis des couples qui souhaitent également adopter un enfant ;

Ÿ éviter de poser des questions sur « le deuil de  la parenté biologique » lors de l’agrément pour adoption ;

Ÿ reconsidérer la notion de couple stable et le délai de deux ans de stabilité ;

Ÿ ouvrir aux femmes célibataires, médicalement infertiles l’accès à l’AMP avec un suivi psychologique ;

Ÿ mener un débat approfondi sur l’accès des couples homosexuels à l’AMP lors de la révision de la loi ;

Ÿ autoriser le transfert d’embryon post mortem aux conditions suivantes: consentement écrit de l’époux au transfert d’embryon post mortem recueilli par un magistrat, délais de 3 à 6 mois, non reconductible après le décès de l’époux ou du compagnon ; suivi psychologique de la mère.

La loi de 2004 ne précise pas de limite d’âge à l’AMP ; les rapporteurs considèrent que cette question relève des bonnes pratiques médicales et de l’appréciation des situations au cas par cas. Il conviendrait de

Ÿ diffuser une information concernant les effets potentiellement néfastes de l’âge sur l’augmentation des risques médicaux et psychologiques encourus par la mère et l’enfant, le recours au don d’ovocytes à l’étranger permettant de tourner les règles de bonnes pratiques édictées en France ;

Ÿ mener une campagne nationale d’information et de prévention sur l’âge et la procréation pour éviter les dérives et les faux espoirs que suscitent certaines pratiques.

ð Sur l’anonymat et la gratuité des dons de gamètes

Les rapporteurs rappellent leur attachement au principe de gratuité des dons. Cependant, ils considèrent que le don d’ovocyte implique des contraintes, nécessite une stimulation ovarienne et une anesthésie avec des suites opératoires. Il ne se développera dans des conditions éthiques respectueuses des personnes qui font ce don comme de celles qui le reçoivent qu’avec un suivi médical des donneuses, une indemnisation forfaitaire correspondant au temps passé en soin et en suivi médical. Si cette solution était retenue, il conviendrait de limiter à un, voire deux dons par femme, afin d’éviter toute exploitation de la donneuse d’ovocyte.

La levée de l’anonymat sur les dons de gamètes demandée par les enfants issus d’Insémination avec donneurs (IAD) est une revendication légitime au regard du droit à connaître ses origines.

Il conviendrait :

Ÿ soit de s’inspirer de la loi espagnole qui permet un accès aux motivations et données non identifiantes sur le donneur, à la majorité, si l’enfant le demande ;

Ÿ soit de s’inspirer de la législation britannique qui autorise la levée totale de l’anonymat à la majorité si l’enfant le demande , et qui permet à ceux qui ont fait un don avant l’application de la loi de s’inscrire, s’ils le souhaitent sur un registre pour que leur identité puisse être révélée, si l’enfant en fait la demande à sa majorité ;

Ÿ de prévoir que l’identification du donneur ou de la donneuse ne peut en aucun cas avoir une incidence sur la filiation de l’enfant issu du don, même si celui-ci ne dispose pas de filiation paternelle ou maternelle.

ð Sur la gestation pour autrui

Selon les rapporteurs les propositions de lever la prohibition de la gestation pour autrui, en l’encadrant strictement ne lèvent pas les objections de fond qui entachent cette technique extrêmement «biologisante ». Ils rejoignent en cela les objections formulées par le professeur René FRYDMAN et Mme Caroline ELIACHEFF, même s’ils n’ignorent pas les cas difficiles rapportés par le professeur Israël NISAND. Il est des couples que l’on souhaite aider mais la loi doit poser des limites.

Ils considèrent qu’on ne peut aborder la levée de cette prohibition sans réfléchir au devenir de l’ensemble des intervenants, notamment à celui de l’enfant à naître, et à celui de la gestatrice et sa famille. Un encadrement de la GPA implique un contrat sur un enfant à naître dont l’intérêt doit être protégé et mobilise une femme et les membres de sa famille pendant un an au moins.

Ÿ Les risques pour l’enfant à naître demeurent. Comment prendra-t-on en considération les liens de cet enfant avec la gestatrice, les médecins démontrent chaque jour l’importance des échanges fœtaux maternels? Que lui dira-t-on de sa naissance à l’age adulte ? Qu’adviendra-t-il de lui si le couple d’intention se sépare ?

Ÿ Les risques d’instrumentalisation de la gestatrice demeurent. Qu’adviendra-t-il d’elle si sa grossesse se déroule mal ? Qui sera responsable : l’équipe médicale, l’instance qui a délivré les agréments, le couple d’intention ? Comment informera t-elle sa propre famille, ses propres enfants, ses proches ?

Ÿ Les risques de frustration des couples intentionnels demeurent : très encadrée médicalement pour être juridiquement et éthiquement acceptable, cette technique continuera de conduire les couples à des délais d’attente très longs, des espérances déçues. Les infertilités de causes inconnues qui existent en seront exclues entraînant des injustices qui ne feront pas cesser le tourisme procréatif.

Ÿ Les rapporteurs estiment que les difficultés de l’adoption en France sont à prendre en considération, elles sont bien souvent l’une des raisons de la volonté des couples de recourir à la GPA. Le rapport de M. Jean-Marie COLOMBANI ouvre des pistes intéressantes, il reste que le nombre d’enfants juridiquement adoptables est faible par rapport au nombre des couples candidats. Cependant, les rapporteurs demandent aux praticiens de l’AMP comme à ceux qui sont chargés de délivrer des agréments à adoption d’éviter d’opposer les deux démarches.

ð Sur le bilan de l’amp en france’

Il conviendrait de :

Ÿ améliorer la transparence des résultats et des pratiques,

Ÿ exiger que chaque centre pratiquant l’AMP publie sur son site ses statistiques en fonction de l’âge et des pathologies des personnes traitées ;

Les rapporteurs estiment qu’une telle démarche aurait une valeur informative, et éducative servant de base à une politique de prévention de l’infertilité liée à l’âge ou à certaines pathologies des futurs parents.

ð Sur la micro-injection ovocytaire des spermatozoïdes (ICSI), l’équipe médicale doit systématiquement

Ÿ procéder à l’analyse génétique des causes de la stérilité ;

Ÿ informer le couple des risques éventuels que cette stérilité soit transmise à l’enfant.

ð Sur le nombre d’embryons transférés

Il conviendrait de :

Ÿ faire évoluer les pratiques mises en œuvre par la sécurité sociale qui conduisent les couples à demander un transfert multiple d’embryons ;

Ÿ adapter les stratégies de transfert d’embryons au cas par cas en privilégiant, le transfert unique.

ð Sur l’amélioration des techniques et des soins

Les rapporteurs estiment que toute technique ayant pour objectif d’améliorer les possibilités de développement in utero d’un embryon humain devrait être considérée comme un soin et non comme une recherche. Il conviendrait de :

Ÿ se donner les moyens d’améliorer les résultats de l’AMP en France par un suivi plus régulier des familles concernées ;

Ÿ utiliser des techniques permettant d’accroître les possibilités de transférer in utero des embryons pouvant se développer.

QUATRIÈME PARTIE :

LA RECHERCHE SUR L’EMBRYON ET LES CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES ET FŒTALES HUMAINES

Le statut de l’embryon tel qu’il apparaît dans la législation n’a pas à être modifiée, à condition toutefois de clarifier les questions posées par la recherche sur l’embryon. La levée du moratoire prévu dans la loi actuelle, sur la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines est l’un des enjeux majeurs de la révision de la loi. La recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines doit être autorisée au préalable et encadrée. Il conviendrait de réaffirmer

Les positions prises au nom de l’OPECST dans le rapport n°3498 sur les recherches sur le fonctionnement des cellules humaines en décembre 2006 : révision de l'article 25 de la loi de 2004 et d’autorisation la recherche sur l'embryon :

«La révision de cet article 25 s'impose dès 2007, sans attendre 2009, afin que le régime d'interdiction, même assorti de dérogation, concernant la recherche sur l'embryon, soit supprimé au profit d'un régime d'autorisation contrôlée. Toutes les dispositions de l'article 25 de cette loi portant rédaction des quatre premiers alinéas de l'article L 2151-5 du code de la santé publique, concernant la recherche sur l'embryon doivent être supprimées. Par contre, devraient être maintenues les dispositions concernant le rôle de l'Agence de la biomédecine. Les dispositions supprimées seraient remplacées par celles des deux premiers alinéas de l'article L 2151-3 du code de la santé publique, dans la rédaction donnée par l'article 19 du projet de loi relatif à la bioéthique voté par l'Assemblée nationale en première lecture le 22 janvier 2002 ».

Pour la plupart des chercheurs comme pour les rapporteurs, les recherches sur les cellules souches se fertilisent mutuellement : sans les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines, celles très prometteuses sur les cellules souches pluripotentes induites IPS n’auraient pas été possibles. Celles-ci, bien qu’issues de cellules souches adultes poseront également des questions éthiques si elles contribuent à la fabrication d’ovocytes et de spermatozoïdes in vivo. Ces hypothèses seront sans doute au cœur de prochains débats éthiques.

Il conviendrait de :

Ÿ simplifier les démarches administratives imposées aux chercheurs ;

Ÿ créer une banque de cellules souches gérées par l’Agence de la biomédecine pour simplifier les démarches administratives, assurer la distribution d'un outil cellulaire certifié reconnu et plus accessible à la recherche.

Ÿ encourager la poursuite de la recherche fondamentale, sans privilégier telle ou telle approche. Toutes les voies de recherche doivent être explorées. Les travaux prometteurs sur les IPS ont pu être réalisés grâce aux recherches menées sur les cellules souches embryonnaires ;

Ÿ considérer les recherches sur les cellules souches humaines comme prioritaires et d’agir dans le cadre de l’ANR.

ð Sur les banques de sang de cordon placentaire, la France se doit de rattraper son retard

Il conviendrait de

Ÿ mener une campagne d’information nationale sur le sang de cordon, afin que les futurs parents puissent décider de sa conservation ;

Ÿ organiser la collecte et le transport du sang de cordon, de manière plus systématique et plus efficace ;

Ÿ accroître le nombre de banques de sang par la création, si nécessaire d’unités mixtes sous le contrôle et la coordination de l’Agence de la biomédecine et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, AFSSAPS.

ð Sur le clonage non reproductif

Il conviendrait de :

Ÿ maintenir  l’interdiction du clonage reproductif humain, et que la France poursuive ses efforts en faveur de cette interdiction ;

Ÿ ratifier la convention d’Oviedo au plus vite ainsi que le protocole additionnel de janvier 1998 ;

Ÿ autoriser sous réserve de la disponibilité des ovocytes humains, la transposition nucléaire avec un dispositif rigoureux de contrôle par l'Agence de la biomédecine  et une interdiction d’implantation ;

Ÿ débattre de l’autorisation de la transposition nucléaire inter espèces sous réserve d’interdire l’utilisation d’ovocytes humains et l’implantation  du cybride, et de limiter le développement du cybride à 14 jours.

Les rapporteurs estiment utile et nécessaire de continuer leurs travaux d’évaluation sur les cellules souches, comme la loi leur en fait l’obligation. Cette partie du rapport ne constitue qu’une étape dans leur évaluation, des évolutions scientifiques et législatives étant à l’œuvre en Allemagne, et désormais aux États-Unis.

CINQUIÈME PARTIE :

NEUROSCIENCES ET IMAGERIE CÉRÉBRALE :
QUELLES FINALITÉS ET QUELS ENJEUX ÉTHIQUES ?

Les rapporteurs ont souhaité que ces problématiques qui touchent aux libertés individuelles soient évoquées dans un souci de clarification et d’information.

Il conviendrait de

Ÿ développer les recherches dans le domaine de la neuroimagerie et les neurosciences ;

Ÿ évaluer périodiquement l’impact de ces recherches au plan médical, mais aussi social et environnemental ;

Ÿ assurer un accès équitable à ces nouvelles technologies ;

Ÿ protéger les données issues de ces techniques, d’éviter l’interconnexion des fichiers ;

Ÿ interdire l’utilisation en justice de la neuroimagerie.

ANNEXE 1

PERSONNALITÉS AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS

2007

-24 octobre : Pr Yves MATILLON, Conseiller technique, Pr François LEMAIRE, Chargé de mission,

-6 novembre : Pr Henri ATLAN Professeur à l’Ecole des Hautes études en sciences sociales

-7 novembre : -Pr Pierre Louis FAGNIEZ, Conseiller spécial,

-Pr Didier HOUSSIN, Directeur général de la santé

-20 novembre : -Mme Carine CAMBY, Directrice générale de l’Agence de la Biomédecine

Réunion avec le ministère de la santé, de la jeunesse et des sports

-Dr Daniel NIZRI, Conseiller technique pour le champ pathologies et santé, responsable du pôle santé publique

-Dr Anne-Carole BENSADON, Conseillère, chef du pôle

-21 novembre : -Pr Didier SICARD, Président du Comité consultatif national d’éthique

Réunion avec la Cité des sciences

-M Roland SCHAER, Directeur Sciences et société, Cité des sciences et Mme Benedict De BARITAULT, Chef du département du Collège

-29 novembre Audition publique « sciences du vivant et société : la loi de bioéthique de demain » (Liste des intervenants Tome II)

2008

-16 janvier : Réunion avec le CNRS

-M Frédéric DARDEL, Directeur par intérim du département des sciences du vivant du CNRS,

-Pr Bernard BIOULAC, Directeur scientifique neurosciences et cognition du CNRS,

-Mme Martine LOIZEAU, Ingénieur, responsable des problèmes éthiques du CNRS

-30 janvier : M Laurent DEGOS, Président de la Haute Autorité de Santé

-15 février : Pr Didier SICARD Président du CCNE

-26 mars : audition publique sur l’imagerie cérébrale et les neurosciences (Liste des personnes auditionnées Tome II)

-9 avril : Mme Laure CAMBORIEUX, présidente de l’association Maia

-15 avril : Pr Alain GRIMFELD, Président du CCNE

-16 avril : -Mme Geneviève DELAISI de PARSEVAL, Psychanalyste,

-Mme Dominique MEHL, Directrice de recherche au CNRS,

-29 avril : Réunion avec l’association PMA (Procréation médicalement anonyme)

-Mme Pauline TIBERGHIEN, Présidente de l’Association

-M. Jean François LAPLENIE

-Mme Victoire DELAURME,

-M. Frédéric GUEZOU

-27 mai : Réunion avec l’Archevêché de Paris

Père Michel AUPETIT, et Père Brice de MALHERBE

-Pasteur Claude BATY, Président de la Fédération des églises protestantes

-28 mai : M Gabriel KELLER, Ambassadeur, chargé des questions de bioéthiques

-3 juin : Réunion avec l’Association Pauline et Adrien et l’association Amphore

-Mme Dominique LENFANT, Présidente de l’association

-Dr Miguel JEAN

-Mme BUNFORD, Présidente de l’Association Amphore

- Réunion avec les membres du cabinet du ministre de la santé de la jeunesse et des sports

- Mme Than Le LUONG, Conseiller, Chef du pole Prévention de la santé

-M Alain GRAF, Conseiller, chargé des discours et de l’éthique

-10 juin : Audition publique sur les enjeux scientifiques et éthiques de l’assistance médicale à la procréation (Liste des personnes auditionnées Tome II)

-11 juin :- M. Gilbert SCHULSINGER, Grand Maître Honoris Causa de la Grande loge de France GLF

Dr Serge AJZENFISZ, Président du groupe de réflexion éthique de la GLF

-17 juin : -M. Mohammed AIOUAZ, Chargé de Conférence à la Mosquée de Paris, Professeur de théologie

-Pr Jean-François MATTEI, Président de la Croix rouge française, Ancien ministre

-22 juillet : Pr Dominique STOPPA-LYONNET, Professeur de génétique l’université Paris-Descartes, Chef de service à l’Institut Curie, membre du CCNE

-23 juillet :

-Réunion avec l’Association CLARA (Comité de soutien pour la légalisation de la GPA)

-M. Dominique MENNESSON, co-président

-Mme Sylvie MENNESSON, co-présidente

-Me Nathalie BOUDJERADA, avocate

-Réunion avec les entreprises du médicament LEEM

-M. Christian LAJOUX, Président du LEEM

-M. Bernard LEMOINE, Vice-Président délégué des entreprises du médicament LEEM,

-Mme Catherine LASSALE, Directeur des affaires scientifiques, pharmaceutiques et médicales,

-M. Pierre-Yves ARNOUX, Chargé de mission recherche et développement, biotechnologies,

-Mme Aline BESSIS, Directeur en charge des Affaires publiques.

-Grand Rabbin GUGENHEIM

-10 septembre :

Réunion avec l’INSERM

-Pr André SYROTA, Directeur général de l’INSERM,

-Dr Victor DEMARIA–PESCE, Chargé des relations avec les Parlements Français et Européen

-17 septembre : M Jean-Pierre SCOTTI Président de la fondation greffe de vie et M. Gerald DUCREST, Directeur général de la fondation greffe de vie

-24 Septembre : Mme Emmanuelle PRADA-BORDENAVE Directrice Générale de l'Agence de la Biomédecine

-30 Septembre : Mme Marie Claire PAULET, Présidente de France-ADOT, Fédération d’associations pour le don d’organes et de tissus humains

-1er octobre : M  Jean-Pierre FOUCAULT, président de la Commission « bioéthique et santé publique »  du Grand orient de France

*

VISITES ET AUDITIONS DES RAPPORTEURS EN FRANCE

-19 janvier : réunion publique à la Cité des sciences et de l’industrie : présentation de M. Jean-Sébastien VIALATTE Ethique et bioéthique, la loi de bioéthique en question

-4 février : Visite de l’Institut des cellules souches pour le traitement et l'étude des maladies monogéniques I-STEM par M Marc PESCHANSKI, Directeur de l’I-STEM avec une délégation de membres du Parlement Européen en partenariat avec l’OPECST composée de : M. Philippe BUSQUIN (PSE, Belgique) Président du STOA, Dr Marcelo SOSA-IUDICISSA Administrateur Principal du STOA

-6 février : Participation de M Alain CLAEYS au Colloque organisé par Mme GAUMONT-PRAT Avancées scientifiques et révision des lois de bioéthique : le clonage à visée thérapeutique Université Paris VIII sous l’égide du Laboratoire Droit médical et de la santé de l’université Paris VIII,

-13 Février : Visite de au CEA

Visite de la plate-forme MirCen et la conduite des essais cliniques pour le traitement des maladies neuro dégénératives, hépatiques, cardiaques et infectieuses par Dr Nicole DEGLON

Visite de NeuroSpin. Introduction de la journée par Pierre LEGRAIN, Ethique et exploration du cerveau dans NeuroSpin par Denis LE BIHAN et Stanislas Dehaene. En présence de Lucie Hertz PANNIER et Malgorzata TKATCHENKO. Visite des laboratoires de l’IMETI, présentation de l’appareil de tri-cellulaire

Exposés sur :

-l’utilisation des cellules souches dans les recherches menées par l’Institut de radiobiologie cellulaire et moléculaire (IRCM) par Paul-Henri ROMEO. Cellules souches germinales et toxicologie par René HABERT. Cellules souches leucémiques par Françoise PFLUMIO.

- le recours aux cellules souches pour le développement de nouvelles approches de thérapie cellulaire et de correction génique (IMETI), par Philippe LEBOULCH.

- le transfert de gènes dans les cellules souches hématopoïétiques adultes à des fins de thérapie génique, par Emmanuel PAYEN

- le clonage thérapeutique à partir des cellules souches embryonnaires et des cellules souches totipotentes induites, par Leila MAOUCHE-CHRETIEN.

-17 avril : Participation au colloque de l’Académie nationale de médecine l’embryon, le fœtus l’enfant «  le fœtus dans tous ses états 

-14 mai Participation au Colloque de Novussangis  consortium international de lancement de cellules souches de sang de cordon et de cellules souches adultes à des fins thérapeutiques, conclusions du Président BIRRAUX

-16 mai : Participation au colloque de l’Académie nationale de médecine L’enfant issue d’une AMP : quelle filiation ?

-27 mai : visite de l’institut de la vision INSERM

-10 juillet :Mission à Toulouse

- Entretiens à la Génopole de Toulouse Midi-Pyrénées) présentation M Christian CHEVALET, Directeur de la Génopole, INRA Pr Anne CAMBON-THOMSEN

- visite de la plateforme génomique et protéomique

- visite de la plateforme "Génétique et société",

14h - 14h15 Accueil au Conseil régional Jean TKACZUK, Conseiller régional, Président de la Commission : Recherche, transferts de technologies, enseignement supérieur

-Présentation de l’atelier sur la régulation des tests génétiques, par Mme Anne CAMBON-THOMSEN

-La perspective de la révision de la loi de bioéthique du point de la vue de la régulation des tests génétiques par M Jean Sébastien VIALATTE

-Enjeux juridiques de la régulation des tests génétiques Mme Emmanuelle RIAL-SEBBAG, Professeur de droit

-22 septembre

Interventions des rapporteurs sur sciences et société lors de la journée de rencontre des Commissions et Offices chargés de l'évaluation des choix scientifiques et technologiques au sein des parlements de l'Union européenne

*

MISSIONS À L’ÉTRANGER

-1er-2 juillet : Mission à Londres

-1er juillet

- Réunion avec Mme Juliett TIZZARD, Directrice de la stratégie Human fertilisation and embryology Authority (HFEA) Agence de la procréation et de l’embryologie humaine,-

- Réunion avec le Pr Chris FRITH, Université College London (Institut universitaire de neurosciences et neuro imagerie)

- Réunion avec M Hugh WHITTALL, directeur Nuffield Council of bioethics Conseil de la bioéthique

- Dîner de travail avec Lord Naren PATEL, Rapporteur du texte sur les cybrides,Président de l’UK stem cell comitee, Pr Peter Braude, Spécialiste du DPI

-2 juillet

-Entretien avec M Walter MERRICK donnor conception, membre de l’HFEA

- Réunion au POST (Office parlementaire scientifique et technologique) Pr David COPE, directeur, Dr Sarah Bunn, conseiller biologiste, Dr Border, conseiller

- Déjeuner de travail avec M. David GOLLANTZ, donnor conception netwwork sur l’anonymat des donneurs

- Rencontre avec de chercheurs et doctorants français en neurosciences et mathématiques

-8- 9 juillet : Mission à Madrid

- Réunion avec M. Javier REY, Secrétaire de la Commission Nationale de Reproduction Assistée et collaborateur pour la rédaction de la Loi espagnole de Biomédecine de 2007

- Réunion avec le Pr. Carlos ALONSO BEDATE, Jésuite, Professeur à l’Université Autonome de Madrid, Membre du Comité de Bioéthique d’Espagne et Conseiller pour les question concernant la bioéthique au Centre de Biologie Moléculaire du Conseil Supérieur de la Recherche Scientifique)

- Réunion avec le Pr Agustín ZAPATA GONZALEZ, Professeur de l’Université Complutens de Madrid, rédacteur en chef de la loi espagnole de Biomédecine de 2007 et Alberto FIDALGO FRANCISCO, médecin, Député, Porte-Parole de la Commission Santé et Consommation du Groupe Parlementaire Socialiste et collaborateur pour la rédaction de la Loi espagnole de Biomédecine de 2007

- Réunion avec M. Augusto SILVA, Sous-Directeur Général de la Recherche en Thérapie Cellulaire et Médecine Régénératrice, de l’Institut de Santé Carlos III

ANNEXE 2

COMITÉ DE PILOTAGE


ANNEXE 3

– Décret n° 2008-328 du 9 avril 2008 portant création d'un comité de réflexion sur le Préambule de la Constitution

Le Président de la République,

Sur le rapport du Premier ministre et de la garde des sceaux, ministre de la justice,

Le conseil des ministres entendu,

Décrète :

Article 1

Il est créé un comité de réflexion sur le Préambule de la Constitution. Il est chargé, conformément à ce qu'expose la lettre annexée au présent décret, d'étudier si et dans quelle mesure les droits fondamentaux reconnus par la Constitution doivent être complétés par des principes nouveaux. Il proposera, le cas échéant, un texte correspondant à ses préconisations. Le comité peut entendre ou consulter toute personne de son choix. Il remettra son rapport au Président de la République avant le 30 juin 2008.

Article 2 Mme Simone Veil, ancien membre du Conseil constitutionnel, ancien ministre d'Etat, est nommée présidente du comité institué par le présent décret. Sont nommés membres du comité :

M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale ; Mme Francine Bardy, conseiller à la Cour de cassation ; M. Claude Bébéar, chef d'entreprise ; M. Denys de Béchillon, Professeur de droit public à l'université de Pau et des pays de l'Adour ; M. Philippe Bélaval, conseiller d'Etat ; M. Richard Descoings, conseiller d'Etat, directeur de l'Institut d'études politiques de Paris ; Mme Samia Essabaa, Professeur d'anglais au lycée professionnel du Moulin Fondu (Noisy-le-Sec) ; M. Patrice Gélard, sénateur ; M. Axel Kahn, directeur de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, président de l'université Paris-V (René-Descartes) ; M. Pierre Manent, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales ; M. Jean-François Sirinelli, directeur du Centre d'histoire de Sciences Po.

Est nommé rapporteur général du comité : M. Pascal Chauvin, conseiller référendaire à la Cour de cassation.

Article 3

Le Premier ministre et la garde des sceaux, ministre de la justice, sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l'application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

ANNEXE 4

ANNEXE 5

Liste des équipes autorisées par l'Agence de la biomédecine au 6 août 2008
Source : Agence de biomédecine

Equipe

Chercheur

Localisation

Projet

Autorisations

Inserm U421

M. Pucéat

Evry, Laboratoire I-Stem

Mécanismes génétiques de la spécification cardiaque des CSEH une recherche prospective de traitements des pathologies ischémiques et génétiques cardiaques.

Importation

Recherche Autorisations le 9 février 2007

Inserm U602 Inserm U421

A. Bennaceur-

Griscelli

A. Turhan

Evry, Laboratoire I-Stem

Caractérisation du potentiel hémangioblastique / hématopoïétique des cellules ES humaines à visée thérapeutique et établissement de modèles d'études de CS leucémiques.

Importations (2) Recherche (1) Autorisations le 9 février 2007

CHU Montpellier

J. De Vos S. Hamamah

Montpellier

Dérivation de nouvelles lignées de cellules souches embryonnaires humaines et étude des déterminants de la pluri potence.

Importation Refus

d'autorisation le 9 février 2007

Inserm U790 Inserm U602

W. Vainchenker C. Boucheix

Villejutf, IGR

Identification des gènes impliqués dans le contrôle de l'autorenouvellement de CESH, de la différenciation hématopoïétique et de la différenciation cardiaque.

Recherche Autorisation le 9 février 2007

CHU Montpellier

J. De Vos S. Hamamah

Montpellier

Dérivation de nouvelles lignées de cellules souches embryonnaires humaines et étude des déterminants de la pluri potence.

Importation Autorisation le 13 avril 2007

Inserm U846

P. Savatier

Bron

Dérivation et caractérisation de nouvelles lignées de cellules souches embryonnaires humaines.

Recherche Autorisation le 13 avril 2007

Inserm U514

C. Coraux

Reims

Identification de cellules souches et thérapie cellulaire et génique de la mucoviscidose à partir de cellules épithéliales respiratoires produites à partir de cellules souches embryonnaires humaines.

Recherche Autorisation le 13 avril 2007

UPR1142

M. Mechali

Montpellier

Signatures des origines de réplication et compétence à la réplication des CSEH en auto renouvellement ou induites en différenciation.

Recherche Autorisation le 15 juin 2007

Inserm UMR 549

B. Onteniente

Paris

Potentiel thérapeutique des CSEH dans les lésions aiguës du système nerveux.

Recherche Conservation Autorisations le 15 juin 2007

Inserm U661

J.m. Lemaître

Montpellier

Etude de la reprogrammation des cellules sénescentes vers la pluri potence.

Recherche Autorisation le 15 juin 2007

Inserm U861

M. Peschanski

Evry

(Laboratoire I-stem)

Modifications substantielles de protocoles de recherches autorisés par l'Agence et dans le cadre du dispositif transitoire

Recherche Conservation Autorisations le 11 juillet 2007

Inserm U790

W. Vainchenker

Villejuif (Institut Gustave Roussy)

Modification substantielle (autorisation le 21 mars 2005) : Modélisation in vivo d'hémopathies malignes à partir de cellules souches embryonnaires humaines

Recherche Autorisation le 10 janvier 2008

Inserm U846

P. Savatier

Bron

Criblage fonctionnel d'aptamères peptidiques stimulant l'auto renouvellement des CSEh

Recherche Autorisation le 10 janvier 2008

Inserm U861

M. Peschanski

Evry

(Laboratoire I-stem)

Etude des potentialités des cellules neuronales obtenues à partir de CSEh dans le traitement de la maladie de Huntington

Importation Autorisation le 10 janvier 2008

Inserm U861

M. Peschanski

Evry

(Laboratoire I-stem)

- Etude des potentialités des
cellules neuronales obtenues à
partir de CSEh dans le
traitement de la maladie de
Huntington

Etude des mécanismes impliqués dans la dystrophie myotonique de type 1 (ou maladie de Steinert)

- Validation des méthodes
d'obtention de cardiomyocytes à
partir de CSEh dans le
traitement de l'insuffisance
cardiaque liée à la myopathie de
Duchenne

Importation Autorisation le 10 janvier 2008

Inserm U602 Inserm U790

N. Frydman

(u782)

Jl. Picard

(u782)

A-l.

Bennaceur

(u602)

Hôpital Antoine Béclère, Clamart (U782)

Hôpital Paul Brousse, Villejuif (U602)

Différenciation de cellules embryonnaires en cellules germinales et mise en place de l'information épigénétique et influence de perturbateurs endocriniens

Recherche Autorisation le 28 janvier 2008

Inserm U861

M. Peschanski

Evry

(Laboratoire I-stem)

Dérivation et amplification de lignées de CSEh porteuses de mutation à l'origine de maladies monogéniques

Importation Autorisation le 25 février 2008

Inserm U861

M. Peschanski

Evry

(Laboratoire I-stem)

Etude des mécanismes impliqués dans la dystrophie myotonique de type 1 (ou maladie de Steinert) et l'identification de composés permettant un intérêt thérapeutique potentiel pour cette maladie

Importation Autorisation le 25 février 2008

08.2008

Inserm U861

M. Peschanski

Evry

(Laboratoire I-stem)

-Etude des potentialités des cellules neuronales obtenues à partir de CSEh dans le traitement de la maladie de Huntington

Importation Autorisation le 25 février 2008

Institut Pasteur

J. Dl santo

Paris

Protocole de prélèvement â des fins scientifiques

Importation Autorisation le 31 mars 2008

Inserm il861

M. Peschanski

Evry

(Laboratoire I-stem)

Etude des mécanismes physiopathologiques de la maladie de Huntington et identification de composés présentant un intérêt thérapeutique potentiel pour cette maladie

Importation Autorisation le 26 mai 2008

Inserm U602 Inserm U782

A. Bennaceur g. Tachdjian n. Frydman

Villejuif

(H. Paul Brousse) Clamart (H. Antoine Béclère)

Dérivation et caractérisation de lignées de CSEh porteuses de la mutation à l'origine de maladies monogéniques à visée de rechercher

Protocole de recherche Autorisation le 20 juin 2008

MABgene

P. Henno

Aies

Maîtrise de la différenciation des CSEh en cardiomyocytes et étude de leur potentialité dans le traitement de l'insuffisance cardiaque

Importation Autorisation le 20 juin 2008

Inserm U861

M. Peschanski

Evry

(Laboratoire I-stem)

Modélisation de la dystrophie musculaire facio-scapulo-humérale par l'utilisation de CSEh porteuses de la mutation

Importation Autorisation le 20 juin 2008

Inserm U861

M. Peschanski

Evry

(Laboratoire I-stem)

Etude des mécanismes impliqués dans la dystrophie myotonique de type 1 (ou maladie de Steinert et identification de composés permettant un intérêt thérapeutique potentiel pour cette maladie

Importation Autorisation le 20 juin 2008

Genosafe

Muriel audit

Evry

Mise au point de testes de contrôle de qualité sur les CSEh et leurs dérivés

Protocole de recherche

Conservation Autorisation le 20 juin 2008

Inserm U846

Annick lefebvre

Bron

Analyse du profil de méthylation de gènes soumis à empreinte parentale dans les caractéristiques épigénétiques de l'embryon préimplantatoire

Protocole de recherche Autorisation le 20 juin 2008

1 Article L.2151-5 du Code de la santé publique.

2 Audition publique du 29 novembre 2007

3 Audition publique du 10 juin 2008

4 voir la lettre de saisine en annexe 3

5 voir les lettres de saisine en annexe 4

6 Audition publique du 29 novembre 2008

7 Audition des rapporteurs du 17 juin 2008

8 Audition publique du 29 novembre 2007

9 Audition publique du 29 novembre 2007

10 Audition publique du 29 novembre 2007

11 Audition des rapporteurs du 21 novembre 2007

12 Audition des rapporteurs du 15 avril 2008

13 Audition des rapporteurs du 6 février 2008

14 Audition des rapporteurs du 15 avril 2008

15 Audition des rapporteurs du 17 juin 2008

16 Cour de Cassation, Assemblée plénière 23 novembre 2007

17 Audition des rapporteurs du 17 juin 2008.

18 Audition publique du 29 novembre 2007

19 Libération 23 octobre 2007

20 Audition publique du 29 novembre 2007

21 Audition publique du 29 novembre 2007

22 9 septembre 2006

23 Audition des rapporteurs du 22 juillet 2008

24 Audition publique du 29 novembre 2007

25 Le Monde 14 octobre 2006

26 Le Monde 4 février 2007

27 Audition des rapporteurs du 22 juillet 2008

28 Audition de M. Jean-Pierre Foucault , président de la commission "bioéthique et santé publique " du Grand Orient de France

29 Audition du 17 juin 2008

30 6 février 2008

31 9 juillet 2008

32 Figaro 20 decembre 2004

33 Leçons d’expérience - juin 2008

34 Les Echos 27 février 2008

35 Audition des rapporteurs du 30 septembre 2008

36 Audition des rapporteurs du 30 septembre 2008

37 Audition des rapporteurs du 17 septembre 2008

38 Audition des rapporteurs du 30 septembre 2008

39 Audition des rapporteurs du 17 septembre 2008

40 Audition des rapporteurs du 17 juin 2008

41 Les Echos - 27 février 2007

42 Audition des rapporteurs du 30 septembre 2008

43 Audition des rapporteurs du 17 septembre 2008

44 Mission du 9 juillet 2008

45 Revue Esprit n° 341 - 2008

46 Audition publique du 29 novembre 2007

47 Libération 16 mars 2008

48 La Croix 8 avril 2008

49 Audition des rapporteurs du 30 septembre 2008

50 Le Journal du Dimanche du 28 janvier 2008

51 La Croix - 8 avril 2008

52 Le Figaro - 14 février 2008

53 Audition publique du 10 juin 2008

54 Audition publique du 29 novembre 2007

55 Audition des rapporteurs du 16 avril

56 Audition des rapporteurs du 29 avril 2008

57 Audition des rapporteurs du 9 avril 2008

58 Audition des rapporteurs du 3 juin 2008

59 Audition publique du 1O juin 2008

60 Audition publique du 10 juin 2008

61 Audition publique du 10 juin 2008

62 Audition publique du 10 juin 2008

63 n° 392 Sénat du 14 juin 2006

64 Audition des rapporteurs du 17 juin 2008

65 Rapport de l’Assemblée nationale n°2832 du 25 janvier2006

66 Audition des rapporteurs du16 avril 2008

67 Audition publique du 29 novembre 2007

68 Leçons d’expérience juin 2008

69 Audition des rapporteurs du avril 2008

70 Audition publique du 29 novembre 2008

71 Audition publique du 10 juin 2008

72 Audition des rapporteurs du 27avril 2008

73 Mission à Londres des 1er et 2 juillet 2008

74 Audition des rapporteurs du 15 avril 2008

75 Audition publique du 29 novembre 2007

76 Audition des rapporteurs du 9 avril 2008

77 L’anonymat de dons de gamètes - Septembre 2008

78 Rapport de la mission d’information sur la famille et les droits de l’enfant n°2832 du 25 janvier 2006

79 12 janvier 2000. Bull. crim. n° 22

80 Audition publique du 10 juin 2008

81 Audition des rapporteurs du 23 juillet 2008

82 Rapport d’information n° 421 Sénat 2007-2008 déposé le 25 juin 2008

83 Audition publique du 10 juin 2008

84 Audition des rapporteurs du 17 juin 2008

85 Audition publique du 10 juin 2008

86 Audition publique du 10 juin 2008

87 Le Monde 2 juillet 2008

88 Audition publique du 10 juin 2008

89 Libération - 26 juin 2008

90 Audition publique du 29 novembre 2007

91 Audition publique du10 juin 2008

92 Libération - 26 juin 2008

93 Audition publique du 29 novembre 2007

94 Audition des rapporteurs du16 avril

95 Audition publique du 10 juin 2008

96 Libération - 26 juin 2008

97 Audition publique du 10 juin 2008

98 Étude de législation comparée du Sénat de Janvier 2008

99 in « Famille à tout prix »

100 Rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale n°2832 du 25 janvier 2006

101 Rapport d’information n° 421 du 25 juin 2008 présenté au nom de la Commission des lois et de la Commission des affaires sociales

102 Audition publique du 10 juin 2008

103 Audition publique du 10 juin 2008

104 «  Libération » 9 juin 2008

105 Audition publique du 29 novembre 2007

106 Audition publique du 10 juin 2008

107 Audition des rapporteurs du 24 septembre 2008

108 Audition du 10 juin 2008

109 « La recherche » Juin 2008

110 « Le Figaro » 20 mai 2008

111 « Le Figaro » 13 octobre 2008

112 Audition des rapporteurs du 9 avril 2008

113 30 juillet 2008

114 « Le Monde » - 3 août 2008

115 « La recherche » - Juin 2008

116 Audition des rapporteurs du 3 juin 2008

117 Audition publique du 10 juin 2008

118 Audition des rapporteurs du 10 septembre 2008

119 CEDH 8 juillet 2004 Affaire Vo/France C 53924/00

120 Audition des rapporteurs du 16 janvier 2008

121 Leçons d’expérience juin 2008

122 Audition des rapporteurs du 24 septembre 2007

123 Audition des rapporteurs du 23 juillet 2008

124 Audition publique du 29 novembre 2007

125 Audition publique du 29 novembre 2007

126 Audition publique du 29 novembre 2007

127 Audition des rapporteurs du 10 septembre 2008

128 Rapport de l’OPECST n°3498 du 6 décembre 2006

129 Leçons d’expérience - juin 2008

130 Audition des rapporteurs du Professeur Frédéric DARDELLE, directeur adjoint des sciences du vivant CNRS et du Professeur André SYROTA, directeur général de l’INSERM

131 Audition du 29 novembre 2007

132 Audition publique du 29 novembre 2007

133 « Science » 7 décembre 2007

134 Audition du 29 novembre 2007

135 Avis n°74 du 12 décembre 2002

136 Sénat n°79 (2008-2009) fait au nom de la Commission des Affaires sociales

137 Audition publique du 29 novembre 2007

138 « Medecine-sciences » 24 avril 2008

139 Visite du 4 février 2008

140 Cellules souches porteuses d’immortalités

141 Article « Médecine Sciences » : les cellules souches et la pharmacologie

142 Les cellules souches, porteuses d’immortalité

143 Mission à Londres 1er et 2 juillet 2008

144 Audition du 29 novembre 2007

145 Audition publique 7 novembre 2006 rapport n° 3658 Assemblée nationale

146 Avis n°98 du 20 mai 2007

147 CCNE 7 mars 2007

148 Audition des rapporteurs du 17 juin 2008

149 Audition publique du 29 novembre 2007

150 Audition publique du 29 novembre 2007

151 Audition publique du 29 novembre 2008


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