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N° 420

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 novembre 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI DE M. JEAN GLAVANY ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES (N° 370), visant à abroger l’article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales,

PAR M. Jean GLAVANY,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. LE FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT PRIMAIRES 6

A. UNE CONSTRUCTION LENTE ET COMPLEXE 6

1. De la loi Guizot à la loi Goblet et au principe « à école publique, fonds publics, à école privée, fonds privés » 6

2. Une prise en charge croissante des dépenses des écoles primaires privées par la collectivité 7

a) La loi Debré : contractualisation et prise en charge des dépenses de fonctionnement 8

b) La question des dépenses d’investissement 10

c) Une codification de la stratification législative 11

B. LES RÈGLES DE FINANCEMENT POUR LES ÉLÈVES SCOLARISÉS HORS DE LEUR COMMUNE DE RÉSIDENCE 12

1. La participation de la commune de résidence au financement des écoles publiques de la commune d’accueil 12

2. L’extension de l’obligation de financement aux écoles privées par l’article 89 de la loi du 13 août 2004 13

II. L’ARTICLE 89 : UNE DISPOSITION PROBLÉMATIQUE DONT L’ABROGATION EST SOUHAITABLE 16

A. UNE DISPOSITION FAISANT L’OBJET D’INTERPRÉTATIONS CONTRA-DICTOIRES 16

1. D’une circulaire à l’autre 16

2. La conciliation provisoire des points de vue 19

B. LES MOTIFS DE FOND JUSTIFIANT UNE ABROGATION 20

1. Une inconstitutionnalité peu douteuse 20

2. Une disposition coûteuse pour les finances communales 22

3. Une disposition préjudiciable au développement de l’enseignement public 23

4. Une mise en cohérence souhaitable des dispositions législatives 23

EXAMEN EN COMMISSION 24

ANNEXES 27

MESDAMES, MESSIEURS,

Lors de la deuxième lecture au Sénat du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales, un amendement fut adopté pour rendre obligatoire la contribution des communes de résidence aux dépenses de fonctionnement des écoles primaires privées sous contrat d’association situées sur le territoire d’une autre commune lorsque des enfants de la commune de résidence sont scolarisés dans ces écoles. Cette disposition fut ensuite considérée comme adoptée conforme par l’Assemblée nationale, en vertu de la procédure prévue par l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Bien que n’ayant jamais fait l’objet d’un débat en séance publique à l’Assemblée nationale, cette disposition devint l’article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Disposition apparemment mineure, elle a suscité dès la rentrée scolaire 2004-2005 un mécontentement des maires, désormais contraints d’accroître la participation financière des communes aux dépenses de fonctionnement des écoles primaires privées sous contrat d’association.

En outre, l’interprétation de cette disposition législative s’est avérée particulièrement difficile, certains considérant que l’obligation de financement incombe à toute commune dont des élèves sont scolarisés dans une école primaire privée sous contrat d’association hors du territoire communal, d’autres faisant valoir à l’inverse le fait que cette obligation ne peut être supérieure à celle imposée aux communes pour les élèves scolarisés dans une école publique.

En dépit de cette difficulté, aucune mesure réglementaire d’application n’est venue préciser le sens de la disposition. Une circulaire interministérielle du 2 décembre 2005 a confirmé l’existence d’une nouvelle obligation à la charge des communes, sans y apporter d’autre précision que la mention du principe de parité, en vertu duquel les avantages accordés aux écoles privées ne peuvent être supérieurs aux avantages dont bénéficient les écoles publiques.

Des recours engagés contre la circulaire du 5 décembre 2005 ont permis d’obtenir son annulation, par un arrêt du Conseil d’État du 4 juin 2007, pour un motif de forme. Les ministères de l’intérieur et de l’éducation nationale se sont empressés de publier une nouvelle circulaire reprenant l’essentiel des dispositions de la précédente circulaire (seule une modification a été apportée à l’annexe de la circulaire, en ce qui concerne la liste des dépenses de fonctionnement à prendre en compte).

De nouveaux recours ont déjà été formés contre cette nouvelle circulaire. Le mécontentement des maires, qui se voient dans l’obligation de participer au financement des écoles primaires privées d’autres communes, même dans l’hypothèse où une école publique existe sur le territoire communal, est toujours aussi fort. La représentation nationale ne peut donc se satisfaire de la situation actuelle, qui pose indirectement la question de la protection et de la promotion de l’école primaire publique, qui est véritablement l’école de la République, ouverte à tous et dispensant un enseignement gratuit et laïque.

Les règles de financement des établissements d’enseignement primaires, qui sont au cœur du débat sur l’application du principe de laïcité depuis plus d’un siècle, sont le résultat d’une construction historique lente et complexe, et l’article 89 de la loi du 13 août 2004 vient remettre en cause une situation équilibrée (I). Des raisons de forme comme de fond justifient dès lors que soit proposée une abrogation de cet article (II).

I. LE FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT PRIMAIRES

A. UNE CONSTRUCTION LENTE ET COMPLEXE

1. De la loi Guizot à la loi Goblet et au principe « à école publique, fonds publics, à école privée, fonds privés »

Les règles relatives au financement des établissements d’enseignement primaires, qui sont au cœur du débat sur l’application du principe de laïcité depuis plus d’un siècle, sont le résultat d’une construction lente et complexe, à laquelle a présidé le législateur mais qui a également bénéficié du concours de la jurisprudence administrative.

La nécessité de contribuer au financement des établissements d’enseignement primaires dérive directement de la volonté d’établir une école primaire dans chaque commune française, qui est imposée par la loi Guizot du 28 juin 1833 sur l’instruction primaire. L’article 9 de cette loi prévoit en effet que : « Toute commune est tenue, soit par elle-même, soit en se réunissant à une ou plusieurs communes voisines, d’entretenir au moins une école primaire élémentaire. » L’obligation d’entretien pèse donc dès l’origine sur les communes, même si le département et l’État peuvent contribuer aux dépenses liées à l’instruction primaire.

La grande étape pour le développement de l’enseignement primaire est l’adoption des lois Ferry sur l’éducation : la loi du 16 juin 1881 qui institue la gratuité de l’enseignement primaire (1) et la loi du 28 mars 1882 qui prévoit l’obligation scolaire. Si la gratuité était un préalable nécessaire à la création d’une obligation scolaire, elle a également pour conséquence une contribution accrue des pouvoirs publics à l’enseignement primaire.

Alors que le financement public de l’enseignement primaire privé était, jusqu’en 1885, largement pratiqué, la loi Goblet du 30 octobre 1886 sur l’enseignement primaire introduisit une modification radicale dans ces règles de financement. L’article 2 de cette loi disposait : « Les établissements d’enseignement primaire de tout ordre peuvent être publics, c’est-à-dire fondés par l’État, les départements et les communes, ou privés c’est-à-dire fondés et entretenus par des particuliers ou des associations. » Le Conseil d’État, s’appuyant sur cette disposition, adopta une jurisprudence interdisant tout financement public des établissements privés d’enseignement primaire. Comme l’expliquait le commissaire du gouvernement Valabrègue, l’article 2 de la loi du 30 octobre 1886 opère une distinction entre deux groupes d’écoles primaires et, « en dehors de ces deux groupes d’écoles, il n’y a pas de place pour un troisième qui serait formé par les écoles privées recevant des subventions de l’État, du département et des communes » (2).

Le principe était donc simple : aux écoles publiques étaient réservés les fonds publics, tandis que les écoles privées devaient fonctionner à partir de fonds privés.

De manière accessoire, on peut signaler que, dans le même temps, les dépenses des établissements privés d’enseignement secondaire ont toujours pu être prises en charge par les personnes publiques, dans la limite de 10 % de leur montant, en vertu de l’article 69 de la loi du 15 mars 1850 sur l’enseignement (dite loi Falloux) (3).

2. Une prise en charge croissante des dépenses des écoles primaires privées par la collectivité

Après la seconde guerre mondiale, la rédaction du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 est l’occasion de nouveaux débats sur la liberté de l’enseignement et la place respective de l’enseignement public et de l’enseignement privé. Finalement, le Préambule précise uniquement que « L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État. »

Le début des années 1950 donne lieu à l’adoption d’une disposition accordant le même avantage financier aux écoles primaires publiques et privées. La loi Barangé du 28 septembre 1951 (4) prévoit en effet que l’allocation créée en faveur des enfants recevant l’enseignement du premier degré bénéficie non seulement aux établissements publics d’enseignement mais également aux établissements privés d’enseignement, le montant de l’allocation étant alors affecté par priorité à la revalorisation du traitement des maîtres (5).

C’est toutefois la loi Debré, du 30 décembre 1959, qui marque l’étape décisive dans la prise en charge des dépenses des établissements privés d’enseignement par la collectivité.

a) La loi Debré : contractualisation et prise en charge des dépenses de fonctionnement

La loi n° 59-1557 du 30 décembre 1959 sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privés introduit une modification considérable dans la nature des rapports entre les établissements d’enseignement privés et les personnes publiques. Cette loi permet aux établissements privés le souhaitant de passer un contrat avec l’État et de pouvoir prétendre dans ce cadre à une aide financière, l’enseignement délivré étant alors placé sous le contrôle de l’État et compatible avec « le respect total de la liberté de conscience ».

Deux formes de contractualisation sont offertes aux établissements d’enseignement privé.

La première forme de contractualisation est celle du contrat d’association à l’enseignement public, pour les établissements qui répondent à un besoin scolaire reconnu. Dans ce cas, l’enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l’enseignement public. Les enseignants sont soit des maîtres de l’enseignement public soit des maîtres liés à l’État par contrat. Leur rémunération est assurée par l’État. Les dépenses de fonctionnement sont prises en charge dans les mêmes conditions que pour l’enseignement public.

La seconde forme de contractualisation offerte aux établissements d’enseignement privés du premier degré (6) est le contrat simple. Dans ce cas, l’État exerce un contrôle pédagogique et financier mais l’exigence d’identité des programmes ne s’applique pas. Les établissements effectuent eux-mêmes le recrutement de leurs enseignants, qui sont liés à l’établissement par un contrat de droit privé. La rémunération des enseignants est toutefois assurée par l’État. La participation des communes aux dépenses des établissements est en revanche purement facultative. Un décret prévoit que les conditions de prise en charge de ces dépenses de fonctionnement doivent être fixées par convention passée entre la collectivité et l’établissement intéressé, sans que les avantages consentis puissent être proportionnellement supérieurs à ceux consentis par les mêmes collectivités et dans le même domaine aux classes des établissements d’enseignement public correspondants du même ressort territorial (7).

Il convient de préciser que la prise en charge des dépenses de fonctionnement ne peut intervenir pour les services dits hors contrat, que sont par exemple la garderie du matin, le service d’études. Le contrat, simple ou d’association, est en effet conclu spécifiquement pour les missions liées à l’enseignement. La loi Debré, plutôt qu’à une remise en cause du principe d’absence de financement des établissements primaires privés, a donc procédé à l’octroi de dérogations modulées à ce principe.

En outre, la jurisprudence est venue conforter la distinction entre différents régimes de contribution aux dépenses de fonctionnement. Le Conseil d’État a ainsi jugé « que, si les communes sont tenues, par application des dispositions de l’article 4 de la loi du 31 décembre 1959, de prendre en charge les dépenses de fonctionnement des classes élémentaires des établissements d’enseignement sous contrat d’association, elles n’ont à supporter les dépenses de fonctionnement des classes enfantines ou maternelles de ces établissements que lorsqu’elles ont donné leur accord au contrat concernant ces classes » (8). Dès lors, la prise en charge des dépenses de fonctionnement pour l’enseignement maternel et les classes enfantines (c’est-à-dire les classes prévues pour accueillir les enfants avant l’âge de la scolarisation obligatoire) est une simple faculté pour la commune, que l’établissement soit un établissement sous contrat d’association ou un établissement sous contrat simple. Il en va de même pour les dépenses de fonctionnement des classes élémentaires des établissements d’enseignement privés sous contrat simple. Le Conseil d’État a en revanche affirmé le caractère obligatoire des dépenses de fonctionnement des classes d’enseignement élémentaire privées sous contrat d’association (9). Ces dépenses, obligatoires au sens de l’article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales, peuvent par conséquent faire l’objet d’une procédure d’inscription d’office au budget communal.

Par la suite, la loi Guermeur du 25 novembre 1977 (10) a prévu que la prise en charge des dépenses de fonctionnement prendrait la forme d’une « contribution forfaitaire versée par élève et par an ». Ce forfait communal devait être calculé à partir du coût moyen d’un élève de l’enseignement public, dans les classes correspondantes et sur le même territoire. Bien que la loi Chevènement du 25 janvier 1985 (11) ait abrogé la disposition relative au forfait communal, les communes sont demeurées libres de prendre en charge les dépenses de fonctionnement soit de manière directe soit sous la forme d’un forfait communal.

b) La question des dépenses d’investissement

Le législateur a d’autre part ouvert des dérogations à l’interdiction du financement public des écoles élémentaires privées en matière de dépenses d’investissement.

L’article 51 de la loi de finances rectificative pour 1964 a permis à l’État de garantir les emprunts émis par des groupements ou associations à caractère national en vue de financer la construction, l’acquisition ou l’aménagement de locaux d’enseignement privé. L’article 19 de la loi n° 86-972 du 19 août 1986 étend cette possibilité de garantie d’emprunt aux collectivités territoriales. Ainsi, les communes qui le souhaitent peuvent garantir les emprunts contractés par les établissements d’enseignement primaires privés (de même que cette possibilité est accordée aux départements pour les collèges et aux régions pour les lycées). Cette garantie d’emprunt est accordée indépendamment du fait que l’établissement soit ou non sous contrat.

L’article 19 précité prévoit par ailleurs que, pour les établissements privés sous contrat ou sous contrat d’association, les matériels informatiques pédagogiques nécessaires à l’application des programmes d’enseignement du premier et du second degré sont fournis par l’État ou que leur acquisition est subventionnée par celui-ci. Cet article prévoit enfin que les collectivités peuvent concourir à cette acquisition, dans le respect du principe de parité entre établissements publics et privés.

Enfin, la question du financement des dépenses d’investissement atteint un paroxysme au cours du second semestre de l’année 1993, avec la tentative de la majorité conservatrice de l’époque de permettre une aide très large des collectivités territoriales aux dépenses d’investissement des établissements d’enseignement privés et d’abroger la disposition de la loi Falloux qui fixe depuis 1850 les règles de financement des établissements secondaires privés.

Au terme d’une procédure parlementaire marquée par des péripéties nombreuses (12), l’article 2 de la loi finalement adoptée (13) prévoyait que les collectivités puissent librement fixer les modalités de leur intervention en matière d’aide aux investissements des établissements privés d’enseignement. Cet article ayant été censuré par le Conseil constitutionnel (14), les règles de participation aux dépenses d’investissement des établissements privés d’enseignement demeurent distinctes pour le primaire et pour le secondaire : alors que des subventions d’investissement sont autorisées dans la limite de 10 % du total des investissements pour l’enseignement privé secondaire, la participation financière aux investissements des écoles primaires privées est interdite.

c) Une codification de la stratification législative

En raison de la contribution significative versée par les personnes publiques aux écoles privées sous contrat, le gouvernement avait envisagé, en 1984, la création d’un grand service public de l’éducation nationale, laïque et gratuit, ce qui aurait permis l’intégration complète des établissements privés sous contrat dans le régime de droit commun des écoles publiques. Ce projet ne put aboutir. Par conséquent, le droit actuel en matière de financement des établissements d’enseignement demeure hétérogène, à l’image de la nature hétérogène des établissements eux-mêmes.

L’ordonnance du 15 juin 2000 (15), qui a procédé à une réécriture d’ensemble ainsi qu’à une codification des dispositions en matière d’éducation, a laissé subsister des règles relatives au financement des établissements primaires d’enseignement inchangées :

––  les rémunérations du personnel enseignant de l’enseignement primaire public ainsi que les rémunérations du personnel enseignant de l’enseignement primaire privé sous contrat simple ou sous contrat d’association sont assurées par l’État (art. L. 211-8 du code de l’éducation pour le public, art. L. 442-5 et L. 442-12 du même code pour le privé sous contrat) ;

––  les dépenses de fonctionnement et d’investissement de l’enseignement primaire public sont obligatoirement prises en charge par les communes (art. L. 212-4 du même code) ;

––  les dépenses de fonctionnement des classes élémentaires de l’enseignement privé sous contrat d’association sont également obligatoirement prises en charge par les communes, directement ou par le biais d’un forfait communal, dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l’enseignement public (art. L. 442-5 du même code) (16) ;

––  la prise en charge par les communes des dépenses de fonctionnement des classes de l’enseignement privé sous contrat simple est facultative (art. L. 442-12 du même code), de même que celle des dépenses de fonctionnement des classes maternelles et enfantines de l’enseignement privé sous contrat d’association ;

––  l’acquisition des matériels informatiques pédagogiques des établissements d’enseignement privés sous contrat est financée par l’État et peut faire l’objet d’un concours de la part des communes qui le souhaitent (art. L. 442-16 du même code) ;

––  les communes peuvent apporter leur garantie aux emprunts contractés par tout établissement privé d’enseignement primaire (art. L. 442-17 du même code).

B. LES RÈGLES DE FINANCEMENT POUR LES ÉLÈVES SCOLARISÉS HORS DE LEUR COMMUNE DE RÉSIDENCE

1. La participation de la commune de résidence au financement des écoles publiques de la commune d’accueil

L’article L. 212-8 du code de l’éducation prévoit que la commune de résidence d’un enfant scolarisé dans l’école publique d’une autre commune doit verser une contribution financière à l’établissement concerné.

Cet article dispose que la commune de résidence n’est tenue de verser une contribution que dans certains cas, limitativement énumérés :

––  s’il n’est pas possible de scolariser l’enfant dans sa commune de résidence (17) ;

––  si l’inscription dans une école relevant d’une autre commune a reçu l’accord du maire de la commune de résidence consulté par la commune d’accueil ;

––  si la scolarisation dans une autre commune est justifiée par les obligations professionnelles des parents, par des raisons médicales ou par l’inscription d’un frère ou d’une sœur dans un établissement de la même commune.

Ce point est essentiel car le principe de parité devrait exiger que les mêmes contraintes pèsent sur l’enseignement privé.

L’article R. 212-21 du code de l’éducation apporte des précisions complémentaires utiles sur les motifs pouvant justifier la scolarisation hors de la commune de résidence. L’obligation professionnelle des parents n’implique une participation financière de la commune de résidence que dans la mesure où cette commune « n’assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants, ou l’une seulement de ces deux prestations ». L’état de santé de l’enfant doit rendre nécessaire « d’après une attestation établie par un médecin de santé scolaire ou par un médecin agréé, une hospitalisation fréquente ou des soins réguliers et prolongés, assurés dans la commune d’accueil et ne pouvant l’être dans la commune de résidence ». L’inscription d’un frère ou d’une sœur dans une école primaire de la commune d’accueil doit être justifiée soit par des raisons médicales ou les obligations professionnelles des parents, soit par l’absence de capacité d’accueil dans la commune de résidence, soit par la poursuite de la scolarité primaire commencée ou poursuivie durant l’année scolaire précédente dans la commune d’accueil.

L’article 87 de la loi du 13 août 2004 a modifié l’article L. 212-8, afin d’assimiler le territoire de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à celui de la commune d’accueil ou de résidence lorsque les compétences relatives au fonctionnement des écoles publiques ont été transférées à un EPCI. Par conséquent, dès lors qu’un élève est scolarisé dans une école publique située sur le territoire de l’EPCI, il n’est pas considéré comme scolarisé en dehors de sa commune de résidence et sa scolarisation ne donne pas lieu au versement d’une contribution spécifique aux dépenses de fonctionnement par la commune de résidence.

2. L’extension de l’obligation de financement aux écoles privées par l’article 89 de la loi du 13 août 2004

Le premier alinéa de l’article L. 442-9 du code de l’éducation prévoit la possibilité, pour les communes, de conclure un accord pour financer les dépenses de fonctionnement des établissements d’enseignement privés sous contrat d’association situés hors du territoire communal et recevant des élèves domiciliés dans la commune.

Toutefois, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, à défaut d’un accord entre la commune d’accueil et la commune de résidence, aucune contribution financière ne pouvait être exigée de la commune de résidence pour les dépenses de fonctionnement des établissements d’enseignement privés extérieurs à la commune. Une disposition réglementaire précisait cette simple faculté accordée aux communes : « Pour les élèves non domiciliés dans la commune siège de l’établissement, leurs communes de résidence peuvent participer, par convention, aux dépenses de fonctionnement de ces classes, sous réserve des dispositions de l’article 7-3 ci-après. » (18)

Lors de l’examen en seconde lecture du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales, le Sénat a adopté le 1er juillet 2004, sur proposition de Michel Charasse, avec l’avis favorable du Gouvernement et en dépit de la perplexité exprimée par le rapporteur de la commission des Lois, un amendement qui a modifié les modalités de la participation des communes aux dépenses concernant les élèves scolarisés hors de leur commune de résidence dans des écoles privées sous contrat d’association. Le sénateur Michel Charasse, dans la présentation de son amendement, avait expliqué qu’il souhaitait ainsi mettre un terme à l’abus d’un « certain nombre de maires de communes de résidence [qui] incitaient les familles à envoyer leurs enfants à l’école privée de la commune voisine pour éviter le paiement de la participation [aux dépenses de fonctionnement] » (19).

L’amendement, adopté par le Sénat et devenu l’article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, prévoit en premier lieu que la commune de résidence d’un enfant scolarisé dans une école privée sous contrat d’association située dans une autre commune doit contribuer aux frais de fonctionnement de cette école. En second lieu, il aligne la procédure de fixation de la contribution sur celle applicable aux enfants scolarisés dans une école publique. Ainsi, à défaut d’accord entre les communes intéressées, la contribution de la commune de résidence est fixée par le préfet.

Le préfet, qui n’est donc saisi que dans l’hypothèse où la commune de résidence et la commune d’accueil ne trouvent aucun accord, doit dans un premier temps consulter le conseil départemental de l’éducation nationale (20). La contribution que le préfet peut être conduit à fixer doit tenir compte des ressources de la commune de résidence ainsi que du nombre d’enfants de cette commune scolarisés dans la commune d’accueil.

Par ailleurs, en vertu du nouvel article L. 442-13-1 du code de l’éducation, introduit par l’article 87 de la loi du 13 août 2004, lorsque les communes ont confié leur compétence en matière de fonctionnement des écoles publiques à un établissement public de coopération intercommunale, les droits et obligations des communes s’apprécient à l’échelle de l’ensemble du territoire de l’EPCI. Par conséquent, la distinction entre commune de résidence et commune de scolarisation est sans incidence tant que ces communes sont toutes deux membres d’un EPCI compétent en matière d’éducation primaire.

L’article 89 de la loi du 13 août 2004 a transformé une simple faculté pour la commune de résidence en une obligation, pouvant être imposée par le représentant de l’État dans le département, à défaut d’accord entre les communes. Cette disposition, d’application directe (par conséquent dès l’année scolaire 2004-2005), a suscité des réactions diverses et une incompréhension des élus locaux.

Dès le début de l’année 2005, le législateur a modifié la disposition. Un amendement présenté par le sénateur Yves Détraigne lors du débat sur le projet de loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, adopté par le Sénat puis par la commission mixte paritaire, a permis d’encadrer plus précisément le montant de la contribution due par la commune de résidence pour la scolarisation d’un enfant dans une classe primaire privée sous contrat d’association située en dehors de la commune. Cette précision utile permet de calculer selon une modalité reconnue par tous la contribution qui doit dans tous les cas être versée par la commune de résidence aux écoles privées de la commune de scolarisation. Alors que la contribution versée pour un élève scolarisé hors de la commune dans une école publique est fixée en référence au coût moyen par élève pour les écoles publiques de la commune d’accueil, la contribution versée pour un élève scolarisé hors de la commune dans une école privée ne peut être supérieure au coût moyen par élève pour les écoles publiques de la commune de résidence. À défaut d’école publique dans la commune, le coût moyen de référence est alors celui des classes élémentaires publiques du département. Par conséquent, le départ d’un élève vers une école privée hors de la commune ne peut pas avoir pour conséquence d’alourdir les dépenses communales pour cet élève.

Par la suite, au cours de l’année 2006, différentes propositions de loi ont visé soit à abroger l’article 89 de la loi du 13 août 2004 (21) soit à en restreindre la portée (22). Mme Annie David fut nommée rapporteur des deux propositions de loi sénatoriales par la commission des Affaires culturelles du Sénat le 11 octobre 2006, sans que cette nomination ait depuis lors été suivie d’un examen sur le fond de ces propositions par ladite commission.

Plus récemment, lors de l’examen de la proposition de loi relative à la simplification du droit en première lecture au Sénat, un amendement présenté par les sénateurs socialistes et proposant la suppression de l’article 89 a été rejeté pour des raisons de forme, l’objet de l’amendement ayant été jugé distinct de celui du texte soumis à l’examen (23). Plusieurs sénateurs, des différentes tendances politiques, ont dans le même temps reconnu le caractère problématique de la situation actuelle, le rapporteur au nom de la commission des Lois, M. Bernard Saugey, déclarant n’être « pas opposé par principe à la mesure proposée ». On peut donc raisonnablement espérer que le Sénat accueillerait avec intérêt la proposition de loi que notre assemblée lui transmettrait.

Ces différentes initiatives parlementaires confirment le fait que l’article 89 de la loi du 13 août 2004 est une disposition problématique, dont votre rapporteur vous propose l’abrogation, tant pour des raisons de droit que dans un souci de mettre un terme à des interrogations que le Gouvernement ne peut ou ne souhaite clarifier.

II. L’ARTICLE 89 : UNE DISPOSITION PROBLÉMATIQUE DONT L’ABROGATION EST SOUHAITABLE

A. UNE DISPOSITION FAISANT L’OBJET D’INTERPRÉTATIONS CONTRADICTOIRES

La question des hypothèses dans lesquelles une commune doit financer les dépenses de fonctionnement pour des élèves scolarisés dans des établissements d’enseignement privés hors de la commune s’est posée de manière récurrente dans les mois qui ont suivi l’entrée en vigueur de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

En effet, le texte de loi ne précise pas si une contribution financière est due dans les seuls cas prévus pour les écoles publiques – impossibilité de scolariser l’enfant dans la commune, accord préalable du maire de la commune de résidence, raisons médicales, obligations professionnelles des parents, inscription d’un frère ou d’une sœur dans un établissement de la même commune – ou pour tous les élèves inscrits dans une école privée, quelle qu’en soit la cause. Or, l’article 89 ne prévoyait pas de décret d’application et les ministères concernés – le ministère de l’intérieur et le ministère de l’éducation nationale - ont estimé qu’une simple circulaire serait suffisante.

1. D’une circulaire à l’autre

La circulaire du 2 décembre 2005 (24) a permis de préciser les dépenses devant être prises en compte pour le calcul de la contribution financière des communes de résidence aux dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat d’association des communes d’accueil.

Il convient toutefois de rappeler que, dans le cadre de recours exercés contre une précédente circulaire qui comprenait une liste des dépenses de fonctionnement des classes sous contrat à prendre en charge, le Conseil d’État avait jugé que « cette énumération, d’ailleurs suivie de l’indication des frais « exclus des dépenses de fonctionnement », ne saurait être regardée comme présentant un caractère limitatif et que le ministre n’a pas entendu exclure la prise en compte au titre des dépenses de fonctionnement d’autres dépenses exposées dans les classes correspondantes de l’enseignement public et présentant ce caractère au sens de la disposition législative » (25).

LE CALCUL DE LA CONTRIBUTION COMMUNALE AUX DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT

La contribution communale aux dépenses de fonctionnement pour les élèves scolarisés dans des écoles privées sous contrat d’association hors de la commune est établie à partir des dépenses moyennes de fonctionnement pour l’externat des écoles publiques de la commune. À défaut d’école publique dans la commune, le coût moyen des dépenses de fonctionnement des écoles publiques du département sert de référence.

Pour le calcul de ce coût de fonctionnement, les dépenses énumérées en annexe à la circulaire sont :

––  l’entretien des locaux liés aux activités d’enseignement ;

––  l’ensemble des dépenses de fonctionnement de ces locaux ;

––  l’entretien et le remplacement du mobilier scolaire et du matériel collectif d’enseignement ;

––  la location et la maintenance de matériels informatiques pédagogiques et les frais de connexion et d’utilisation de réseaux ;

––  les fournitures scolaires et les dépenses pédagogiques et administratives nécessaires au fonctionnement des écoles publiques ;

––  la rémunération des intervenants extérieurs recrutés par la commune et chargés d’assister les enseignants pendant les heures d’enseignement prévues dans les programmes officiels ;

––  la quote-part des services généraux de l’administration communale ou intercommunale nécessaire au fonctionnement des écoles publiques ;

––  le coût des transports des élèves vers les sites d’activités scolaires et le coût d’utilisation d’équipements sportifs.

En outre, l’annexe de la circulaire du 2 décembre 2005 incluait également au titre des dépenses de fonctionnement à prendre en compte :

––  les dépenses de contrôle technique réglementaire ;

––  la rémunération des agents territoriaux de service des écoles maternelles ;

––  la participation aux dépenses relatives aux activités extrascolaires présentant un caractère facultatif.

Ces trois types de dépenses sont exclus par la nouvelle circulaire du 27 août 2007, conformément aux souhaits exprimés par l’Association des maires de France. En revanche, l’Association des maires de France n’a pas obtenu que soit également retirée de la liste la quote-part des services généraux nécessaire au fonctionnement des écoles publiques.

La circulaire du 2 décembre 2005 n’a pas levé les ambiguïtés de la disposition législative.

D’après cette circulaire : « les dispositions de l’article 89 doivent être combinées avec le principe général énoncé à l’article L. 442-5 selon lequel « les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l’enseignement public ». Il en résulte que la loi ne peut être lue comme imposant aux communes une charge plus importante pour le financement des écoles privées que pour celui des écoles publiques. […] En revanche, et conformément au principe de parité qui doit guider l’application de la loi, la commune de résidence doit participer au financement de l’établissement privé sous contrat dans tous les cas où elle devrait participer au financement d’une école publique qui accueillerait le même élève ». Cette formulation très générale laissait malheureusement la place à des interprétations divergentes du texte de loi.

La première interprétation, défendue par l’Association des maires de France (AMF), est celle qui considère que la commune est tenue de verser une contribution financière uniquement dans les cas prévus par l’article L. 212-8 du code de l’éducation pour les écoles publiques. Dans la plupart des cas, cette interprétation conduit à n’accorder une compensation financière que lorsque la scolarisation dans une école privée hors du territoire communal intervient en raison de l’absence de capacité d’accueil dans la commune, avec l’accord préalable du maire de la commune de résidence, pour des raisons médicales, en raison des obligations professionnelles des parents ou en raison de l’inscription d’un frère ou d’une sœur dans un établissement de la même commune.

La deuxième interprétation, défendue par le secrétariat général de l’enseignement catholique, considère à l’inverse que le versement d’une participation financière est justifié dès lors qu’un élève est scolarisé dans une école privée hors de sa commune de résidence.

Face à de telles divergences, il aurait été nécessaire, conformément aux souhaits exprimés par l’AMF, d’adopter un texte réglementaire d’application. Dans son rapport d’application sur la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, notre collègue Alain Gest estimait également qu’il aurait « été préférable de détailler les cas dans lesquels la commune de résidence doit participer aux frais de fonctionnement d’une école privée située dans une autre commune, le cas échéant par décret, plutôt que de se limiter à énoncer les principes généraux de parité entre l’enseignement public et l’enseignement privé » (26).

Toutefois, les recours en annulation de la circulaire déposés en février 2006 devant le Conseil d’État laissaient espérer que ce dernier se prononcerait sur l’interprétation de la disposition législative. Or, tel n’a pas été le cas. Le Conseil d’État a annulé le 4 juin 2007 la circulaire du 2 décembre 2005 pour des motifs de forme : cette circulaire avait été signée par les directeurs de cabinet du ministre de l’intérieur et du ministre de l’éducation nationale, alors que le directeur des affaires financières du ministère de l’éducation nationale et le directeur général des collectivités locales du ministère de l’intérieur disposaient tous deux d’une délégation de signature et devaient donc en être les signataires (27).

Considérant que cette décision d’annulation ne remettait « nullement en cause le fond de la circulaire attaquée », le ministère de l’éducation nationale et le ministère de l’intérieur ont repris les termes de la circulaire du 2 décembre 2005 dans une nouvelle circulaire du 27 août 2007 (28), afin qu’elle soit « appliquée dans les meilleures conditions dès cette année scolaire ».

L’adoption de cette nouvelle circulaire est d’autant plus surprenante que le ministre délégué aux collectivités territoriales Brice Hortefeux, lors d’une réponse à une question orale, avait reconnu qu’il convenait « de prendre acte de la divergence d’interprétation et de considérer qu’elle doit être tranchée, dans la mesure du possible, dans un cadre national, par le Conseil d’État » (29).

2. La conciliation provisoire des points de vue

L’étendue exacte de l’obligation pesant sur les communes de résidence, faisant l’objet d’interprétations divergentes de la part des élus locaux et des établissements concernés, notamment entre l’Association des maires de France (AMF) et le secrétariat général de l’enseignement catholique (SGEC), il a fallu procéder à une concertation.

La concertation entre les représentants des maires et les représentants de l’enseignement privé sous contrat, sous l’égide du ministère de l’intérieur, a permis de dégager des conclusions communes au mois de mai 2006 (cf. Annexe). Ces conclusions, qui servent de modus vivendi provisoire, ont sur les principaux points donné raison aux demandes de l’AMF :

––  la commune de résidence doit obligatoirement verser une contribution financière lorsqu’elle ne peut accueillir les enfants dans une école publique ;

––  la commune de résidence qui a une capacité d’accueil n’est tenue de verser une contribution financière que lorsque la scolarisation d’un enfant dans une école élémentaire privée hors de la commune répond à l’un des trois cas dérogatoires prévus par l’article L. 212-8.

Une demande du SGEC a en revanche été prise en compte en ce qui concerne la communication entre la commune de résidence et l’école élémentaire privée extérieure, puisque la commune de résidence peut soit régler directement le forfait communal en concertation avec l’établissement soit passer par la commune d’accueil pour tenter de trouver un accord.

L’AMF et le SGEC ont par ailleurs convenu de privilégier, dans toute la mesure du possible, la négociation au niveau local, entre communes et établissements, et de ne recourir à un arbitrage préfectoral qu’en dernier recours.

Ce point d’équilibre, atteint au mois de mai 2006, a pu provisoirement sembler satisfaisant, dans l’attente de la décision du Conseil d’État sur la circulaire du 2 décembre 2005, qui aurait dû permettre de trancher la divergence d’interprétation.

L’attente ayant été déçue, une nouvelle intervention du législateur est justifiée. Elle est d’autant plus urgente que les associations de maires ne peuvent se satisfaire de la situation actuelle. L’Association des maires ruraux de France a déjà appelé les maires ruraux à « ne payer aucune des sommes qui pourront leur être réclamées [au titre des dépenses des élèves scolarisés dans le privé hors de leur commune de résidence], sauf en cas d’accords locaux préalables, et de maintenir leur position jusqu’au contentieux si nécessaire ».

B. LES MOTIFS DE FOND JUSTIFIANT UNE ABROGATION

1. Une inconstitutionnalité peu douteuse

Dans sa décision sur la loi du 21 janvier 1994 relative aux conditions de l’aide aux investissements des établissements d’enseignement privés par les collectivités territoriales, le Conseil constitutionnel a censuré un article qui accordait aux collectivités territoriales une liberté totale pour octroyer aux établissements d’enseignement privés sous contrat une aide aux investissements, dans la seule limite du montant des investissements réalisés dans l’enseignement public.

L’un des motifs de censure invoqués par le Conseil constitutionnel était l’absence « de garanties suffisantes pour éviter que des établissements d’enseignement privés puissent se trouver placés dans une situation plus favorable que celle des établissements d’enseignement public, compte tenu des charges et obligations de ces derniers » (30).

Pour le même motif, la disposition introduite par l’article 89 de la loi du 13 août 2004 aurait pu encourir une censure justifiée. Cette disposition permet à une commune d’accorder une aide financière à une école privée sous contrat d’association située hors du territoire communal dès lors qu’un élève de la commune est scolarisé par cette école, alors même que des capacités d’accueil des enfants dans une école publique située sur le territoire communal existent. Elle crée ainsi une rupture d’égalité au détriment des établissements publics d’enseignement primaire situés dans la commune de résidence, alors même que ces derniers ont pour objet de répondre aux besoins de scolarisation de la commune.

Par ailleurs, dans sa décision précitée, le Conseil constitutionnel considérait également « que si le principe de libre administration des collectivités locales a valeur constitutionnelle, les dispositions que le législateur édicte ne sauraient conduire à ce que les conditions essentielles d’application d’une loi relative à l’exercice de la liberté de l’enseignement dépendent de décisions des collectivités territoriales et, ainsi, puissent ne pas être les mêmes sur l’ensemble du territoire » (31).

Or, en l’état actuel de la rédaction de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 et à défaut de disposition réglementaire d’application, la manière dont le financement des écoles primaires privées sous contrat d’association situées hors du territoire communal est assuré dépend de l’interprétation de la législation par la commune :

––  soit le conseil municipal fait preuve de la plus grande bienveillance à l’égard de l’enseignement privé, pour ne pas dire d’un penchant coupable en sa faveur, et elle considère qu’il faut accorder une aide financière pour tout élève scolarisé dans l’enseignement privé sous contrat d’association hors du territoire communal ;

––  soit le conseil municipal est attaché à un enseignement public, laïque et républicain, et il n’accorde une aide financière que dans la mesure où la scolarisation d’un élève dans un établissement d’enseignement privé sous contrat d’association intervient soit faute d’une école publique sur le territoire communal, soit en raison de l’accord donné par le maire de la commune de résidence, soit pour l’un des trois motifs spécifiques prévus par l’article L. 212-8 du code de l’éducation (raison médicale, obligation professionnelle des parents, scolarisation de frères et sœurs dans une autre commune).

Cette variation dans l’espace de l’application d’une disposition législative qui a vocation à être la même sur l’ensemble du territoire de la République n’est pas acceptable.

Enfin, par les nouvelles dépenses qu’elle engendre pour les communes, la disposition, d’origine parlementaire, si elle avait fait l’objet d’un contrôle de recevabilité financière, aurait dû être déclarée contraire à l’article 40 de la Constitution.

2. Une disposition coûteuse pour les finances communales

L’article 89 de la loi du 13 août 2004 a contribué à augmenter le nombre d’enfants scolarisés dans les écoles primaires privées sous contrat d’association bénéficiaires d’un forfait communal.

Le forfait communal appliqué aux élèves scolarisés dans l’enseignement primaire privé sous contrat d’association est très variable selon les communes et selon les départements. Il semble s’établir, en moyenne, autour de 400 à 500 euros par an et par élève. Les élèves scolarisés dans une classe élémentaire d’une école privée sous contrat d’association située hors de leur commune de résidence représenteraient d’autre part environ 35 % de l’ensemble des élèves scolarisés dans ces classes (soit plus de 120 000 élèves). Par conséquent, le coût de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 pour les communes peut être estimé à plus de 60 millions d’euros.

Cette disposition, coûteuse pour les finances communales, intervient alors que le projet de loi de finances pour 2008 remet en cause le contrat de croissance et de solidarité qui assurait une progression annuelle supérieure à l’inflation des dotations de l’État aux collectivités territoriales. Des efforts supplémentaires sont ainsi demandés aux communes alors même que leurs marges financières se réduisent.

D’autre part, la comparaison des obligations nouvelles de financement pour les élèves scolarisés dans le privé hors du territoire communal avec les obligations qui incombent aux départements et aux régions, respectivement pour les élèves des collèges privés et les élèves des lycées privés scolarisés hors de leurs circonscriptions de résidence, illustre le fait que les contraintes financières imposées aux communes en matière de financement de l’enseignement privé sont plus lourdes que celles imposées aux départements ou aux régions.

En effet, l’article 7-2 du décret du 22 avril 1960 précité prévoit qu’un département ne doit participer aux charges de fonctionnement des collèges privés sous contrat d’association situés dans un autre département que dans la mesure où 10 % au moins des élèves résident dans le département. À défaut d’un accord entre les deux départements, les modalités de la participation sont fixées par le représentant de l’État dans la région, sans que celui-ci soit tenu par des règles de calcul particulières. Les dispositions sont identiques en ce qui concerne la participation des régions de résidence aux dépenses de fonctionnement des lycées privées sous contrat d’association, le seuil ouvrant droit au versement d’une participation étant toutefois abaissé à 5 % des effectifs dans le cas d’un lycée d’enseignement professionnel.

De plus, l’article L. 442-8 du code de l’éducation prévoit que doivent participer aux réunions de l’organe de l’établissement primaire compétent pour délibérer sur le budget des classes sous contrat d’association non seulement un représentant de la commune siège de l’établissement mais également un représentant « de chacune des communes où résident au moins 10 % des élèves et qui contribue aux dépenses de fonctionnement des classes fréquentées ». Cette disposition, qui est issue de la loi Chevènement du 25 janvier 1985 (32) et qui n’a depuis lors jamais été remise en cause, incite à penser qu’une participation financière aux dépenses de fonctionnement des classes primaires privées sous contrat d’association ne devrait pouvoir être demandée qu’au-delà d’un seuil significatif d’élèves scolarisés dans ces classes, à l’instar de ce qui est prévu pour l’enseignement secondaire.

3. Une disposition préjudiciable au développement de l’enseignement public

La disposition est également préjudiciable aux communes en favorisant l’enseignement privé au détriment de l’enseignement public, et en favorisant l’enseignement hors du territoire communal au détriment de l’enseignement sur le territoire de la commune. Elle peut encourager une fuite des élèves hors de la commune et rendre ainsi dans certains cas plus difficile le maintien d’une école publique sur le territoire communal.

En l’état actuel, l’enseignement privé sous contrat d’association bénéficie déjà d’un traitement aussi favorable que l’enseignement public : alors qu’il n’accueille que 17,1 % des enfants scolarisés, il dispose de près de 145 000 personnes rémunérées par l’État. Des dispositions telles que l’article 89 de la loi du 13 août 2004 ne peuvent que créer un déséquilibre en faveur de l’enseignement privé.

Or, l’enseignement public demeure le seul enseignement qui assure pleinement le respect de l’intégralité des principes républicains. Le principe de laïcité est en particulier plus efficacement défendu par l’enseignement public. La proximité avec la population est également plus grande dans l’enseignement public, qui accueille tous les enfants dans l’école de la République. Insensiblement, c’est le cœur du service public de l’enseignement qui aurait à pâtir d’une trop grande complaisance à l’égard de l’enseignement privé.

4. Une mise en cohérence souhaitable des dispositions législatives

La commission des Lois, qui s’est engagée résolument dans la voie de la simplification du droit et qui a récemment, à l’initiative de son président, notre collègue Jean-Luc Warsmann, été à l’origine d’une proposition de loi de simplification du droit, ne pourra qu’être sensible à la contradiction entre deux dispositions législatives relatives au financement des écoles primaires privées.

Alors que le premier alinéa de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 dispose que « les trois premiers alinéas de l’article L. 212-8 du code de l’éducation sont applicables pour le calcul des contributions des communes aux dépenses obligatoires concernant les classes des écoles privées sous contrat d’association », le premier alinéa de l’article L. 442-9 du code de l’éducation dispose pour sa part que « l’article L. 212-8 du présent code, à l’exception de son premier alinéa, et l’article L. 216-7 du présent code ne sont pas applicables aux classes sous contrat d’association des établissements d’enseignement privés ». L’une ou l’autre de ces dispositions doit être modifiée ou supprimée, afin d’éviter la persistance d’une contradiction entre plusieurs textes de loi.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteur vous propose l’abrogation de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 (article unique de la proposition de loi).

*

* *

La Commission a examiné la proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 21 novembre 2007. Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale a eu lieu.

M. Serge Blisko, après avoir rappelé qu’il n’était pas lui-même élu d’une petite commune, a fait observer que l’adoption de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 précitée, tel qu’interprété par les circulaires d’application, avait conduit à faire peser sur les maires des communes rurales en particulier une charge supplémentaire, alors même que pesait déjà sur eux l’obligation de financer une école publique dès lors que le nombre d’élèves l’exigeait.

Intervenant au détriment de l’enseignement public, cette situation a rompu le caractère égalitaire et harmonieux du régime établi depuis la loi « Debré » qui avait organisé le financement et permis ainsi le maintien de l’enseignement privé d’une manière relativement satisfaisante.

Le maintien des écoles publiques en zone de déperdition démographique s’avère complexe, non seulement à cause de la concurrence des écoles privées, les parents étant à juste titre libres de choisir le type d’enseignement qu’ils souhaitent pour leurs enfants, mais aussi parce que, pour maintenir les enfants sur place et éviter une « fuite » démographique dans les écoles des communes-centre, les petites communes, notamment en zone suburbaine, font des efforts considérables en faveur du secteur périscolaire, pour aider les parents y compris le mercredi ou le matin avant l’ouverture. Cette charge lourde pesant sur l’enseignement public et les communes justifie que l’article unique de la proposition de loi soit discuté et adopté.

M. Michel Ménard, intervenant sur le fondement des dispositions du premier alinéa de l’article 38 du Règlement, a estimé que la question soulevée par l’abrogation de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 était moins celle du débat entre enseignement public et enseignement privé, la loi « Chevènement » de 1985 ayant introduit une « mesure simple et pratique » qui a permis de pacifier les relations entre eux, que celle des finances des petites communes rurales, qui font des efforts très importants pour maintenir, construire, ouvrir des écoles publiques, dans un contexte de maintien difficile des services publics en milieu rural. Il a regretté que les dépenses supplémentaires introduites par la loi du 13 août 2004 soient obligatoires et limitent les bénéfices de l’afflux des populations dans les zones rurales proches des grandes agglomérations.

M. Georges Fenech a demandé au rapporteur des précisions sur les atteintes au principe de laïcité, évoquées dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, que l’article 89 entraînerait.

Le président Jean-Luc Warsmann a précisé que la loi du 13 août 2004 avait été soumise au Conseil constitutionnel, que l’opposition n’avait pas argué d’inconstitutionnalité l’article 89 et que le Conseil n’avait soulevé d’office aucune question de conformité à la Constitution.

M. Alain Vidalies, après avoir souligné que le Conseil constitutionnel n’avait pas à répondre à une question qui ne lui avait pas été posée, a relevé que la difficulté posée par l’article 89 était moins celle de ses objectifs initiaux, rappelés par le rapporteur dans son propos liminaire, que celui de l’interprétation qui en était donnée par les circulaires, manifestement contraire aux intentions de l’auteur de l’initiative et, en tout état de cause, appliquée bien au-delà du cas visé initialement des seules communes où il n’existait pas d’école publique et dont les maires, sans participation financière, incitaient les parents à scolariser leurs enfants dans les écoles privées des communes voisines.

Puis, tout en reconnaissant que la rédaction de l’article 89 n’avait sans doute pas été tout à fait satisfaisante, il a rappelé que la première circulaire avait été annulée, tandis que la seconde, qui fait elle-même l’objet d’une contestation, semble juridiquement fragile.

En outre, il a estimé que, s’il était loisible d’avoir une interprétation différente des intentions de l’auteur de l’amendement à l’origine de l’article 89, il convenait alors de ne pas user du moyen subreptice de la circulaire et il appartenait au législateur de prendre une nouvelle disposition en toute transparence.

En réponse à M. Georges Fenech, le rapporteur a exposé que la question du financement des établissements d’enseignement privés est au cœur de l’application du principe de laïcité, dans la mesure où le principe de parité est l’une des formes prises, au fil du temps et des débats, par le principe de laïcité. Il a rappelé que le Conseil constitutionnel s’était fondé sur le principe de parité lorsqu’il avait censuré l’article 2 de la loi du 21 janvier 1994 qui visait à favoriser les aides à l’investissement accordées aux établissements privés. Il a jugé que le déséquilibre introduit par l’article 89 de la loi du 13 août 2004 en matière de financement des écoles primaires privées, en remettant en cause le principe de parité, remet ainsi en cause le principe de laïcité.

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À l’issue de ce débat, la Commission a décidé de ne pas présenter de conclusions sur la proposition de loi visant à abroger l’article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (n° 370).

ANNEXES

Relevé de conclusions de la réunion du 16 mai 2006 au ministère de l’intérieur et de l’aménagement du territoire

1.  Il est rappelé que la procédure des 2ème et 3ème alinéas de l’article L. 212-8 du code de l’éducation, étendue par l’article 89 au calcul des contributions des communes aux dépenses obligatoires concernant les classes des écoles privées sous contrat d’association, n’a vocation à intervenir que dans les cas où aucun accord n’a pu être obtenu pour la prise en charge des dépenses de fonctionnement afférentes aux élèves « non-résidents ».

2.  Dans ce cas, il appartient, selon les cas, au maire de la commune d’accueil, ou au directeur de l’école privée sous contrat par l’intermédiaire de la direction diocésaine de l’enseignement catholique, de saisir le préfet en vue de la mise en œuvre de cette procédure.

3.  S’agissant des désaccords portant sur une commune de résidence qui serait dépourvue de capacité d’accueil dans ses établissements scolaires, le préfet appliquera la procédure prévue aux 2ème et 3ème alinéas de l’article L. 212-8, afin de déterminer, après avis du CDEN, la contribution de chaque commune en tenant compte de ses ressources, du nombre d’élèves concernés et du coût moyen par élève calculé sur la base des dépenses de l’ensemble des écoles publiques de la commune d’accueil.

La contribution ainsi fixée ne peut être supérieure au coût qu’auraient représenté pour la commune de résidence ces élèves s’ils avaient été scolarisés dans une de ses écoles publiques ou, en l’absence d’école publique, au coût moyen des classes élémentaires publiques du département ; elle constitue une dépense obligatoire au sens de l’article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales.

4.  S’agissant des désaccords portant sur une commune de résidence qui disposerait de capacité d’accueil dans ses établissements scolaires, il est pris acte de l’existence d’une divergence d’interprétation quant à la portée de l’article 89 dans ces cas, et à l’application, par combinaison avec l’article L.442-5 du code de l’éducation, des 4ème et 5ème alinéa de l’article L. 212-8. Il est convenu de trancher cette divergence d’interprétation si possible dans un cadre national, le cas échéant dans le cadre des recours engagés devant le Conseil d’État contre la circulaire du 2 décembre 2005, ou lors d’une saisine ultérieure de la Haute Assemblée.

5.  Dans l’attente, le préfet déterminera la contribution de la commune, dans le cadre de la procédure prévue aux 2ème et 3èmc alinéas de l’article L. 212-8, pour tous les cas où celle-ci devrait participer au financement d’une école publique extérieure qui accueillerait le même élève.

La contribution ainsi fixée ne peut être supérieure au coût qu’auraient représenté pour la commune de résidence ces élèves s’ils avaient été scolarisés dans une de ses écoles publiques ou, en l’absence d’école publique, au coût moyen des classes élémentaires publiques du département ; elle constitue une dépense obligatoire au sens de l’article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales.

6.  Afin de faciliter la mise en œuvre de ces dispositions, les échanges d’informations seront facilités et, dans toute la mesure du possible, anticipés, qu’il s’agisse de la communication par les établissements aux communes concernés, des listes d’élèves inscrits ou de la communication par les maires des informations nécessaires au calcul du coût de scolarisation dans les écoles publiques de leur commune et du coût moyen des classes élémentaires publiques du département,

7.  Le présent relevé de conclusion sera diffusé par les participants à la réunion à leurs correspondants locaux, qui seront réunis, à l’initiative des préfets, pour faciliter sa mise en œuvre locale.

Loi n° 2004-809 du 13 août 2004
relative aux libertés et responsabilités locales

Art. 89. —  Les trois premiers alinéas de l’article L. 212-8 du code de l’éducation sont applicables pour le calcul des contributions des communes aux dépenses obligatoires concernant les classes des écoles privées sous contrat d’association.

La contribution par élève mise à la charge de chaque commune ne peut être supérieure, pour un élève scolarisé dans une école privée située sur le territoire d’une autre commune, au coût qu’aurait représenté pour la commune de résidence ce même élève s’il avait été scolarisé dans une de ses écoles publiques ou, en l’absence d’école publique, au coût moyen des classes élémentaires publiques du département.

Code de l’éducation

Art. L. 212-8. —  Lorsque les écoles maternelles, les classes enfantines ou les écoles élémentaires publiques d’une commune reçoivent des élèves dont la famille est domiciliée dans une autre commune, la répartition des dépenses de fonctionnement se fait par accord entre la commune d’accueil et la commune de résidence. Lorsque les compétences relatives au fonctionnement des écoles publiques ont été transférées à un établissement public de coopération intercommunale, le territoire de l’ensemble des communes constituant cet établissement est assimilé, pour l’application du présent article, au territoire de la commune d’accueil ou de la commune de résidence et l’accord sur la répartition des dépenses de fonctionnement relève de l’établissement public de coopération intercommunale.

À défaut d’accord entre les communes intéressées sur la répartition des dépenses, la contribution de chaque commune est fixée par le représentant de l’État dans le département après avis du conseil départemental de l’éducation nationale.

Pour le calcul de la contribution de la commune de résidence, il est tenu compte des ressources de cette commune, du nombre d’élèves de cette commune scolarisés dans la commune d’accueil et du coût moyen par élève calculé sur la base des dépenses de l’ensemble des écoles publiques de la commune d’accueil. Les dépenses à prendre en compte à ce titre sont les charges de fonctionnement, à l’exclusion de celles relatives aux activités périscolaires. Un décret en Conseil d’État détermine, en tant que de besoin, les dépenses prises en compte pour le calcul du coût moyen par élève ainsi que les éléments de mesure des ressources des communes.

Toutefois, les dispositions prévues par les alinéas précédents ne s’appliquent pas à la commune de résidence si la capacité d’accueil de ses établissements scolaires permet la scolarisation des enfants concernés, sauf si le maire de la commune de résidence, consulté par la commune d’accueil, a donné son accord à la scolarisation de ces enfants hors de sa commune. Pour justifier d’une capacité d’accueil au sens du présent alinéa, les établissements scolaires doivent disposer à la fois des postes d’enseignants et des locaux nécessaires à leur fonctionnement.

Par dérogation à l’alinéa précédent, un décret en Conseil d’État précise les modalités selon lesquelles, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, une commune est tenue de participer financièrement à la scolarisation d’enfants résidant sur son territoire lorsque leur inscription dans une autre commune est justifiée par des motifs tirés de contraintes liées :

1° Aux obligations professionnelles des parents lorsqu’ils résident dans une commune qui n’assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants ou si la commune n’a pas organisé un service d’assistantes maternelles agréées ;

2° À l’inscription d’un frère ou d’une sœur dans un établissement scolaire de la même commune ;

3° À des raisons médicales.

Ce décret précise, en outre, les conditions dans lesquelles, en l’absence d’accord, la décision est prise par le représentant de l’État dans le département.

Lorsque les compétences relatives au fonctionnement des écoles publiques ont été transférées à un établissement public de coopération intercommunale, le président de cet établissement est substitué au maire de la commune de résidence pour apprécier la capacité d’accueil et donner l’accord à la participation financière.

La scolarisation d’un enfant dans une école d’une commune autre que celle de sa résidence ne peut être remise en cause par l’une ou l’autre d’entre elles avant le terme soit de la formation préélémentaire, soit de la scolarité primaire de cet enfant commencées ou poursuivies durant l’année scolaire précédente dans un établissement du même cycle de la commune d’accueil.

Art. L. 235-1. —  Le conseil de l’éducation nationale institué dans chaque département comprend des représentants des communes, départements et régions, des personnels et des usagers.

La présidence est exercée par le représentant de l’État ou le représentant de la collectivité concernée selon que les questions soumises aux délibérations du conseil sont de la compétence de l’État, du département ou de la région.

Un décret en Conseil d’État précise notamment l’organisation et les compétences de ce conseil. Ce décret peut comporter les adaptations rendues nécessaires par l’organisation particulière de Paris, de la Corse et des départements d’outre-mer.

Art. L. 442-5. —  Les établissements d’enseignement privés du premier et du second degré peuvent demander à passer avec l’État un contrat d’association à l’enseignement public, s’ils répondent à un besoin scolaire reconnu qui doit être apprécié en fonction des principes énoncés aux articles L. 141-2, L. 151-1 et L. 442-1.

Le contrat d’association peut porter sur une partie ou sur la totalité des classes de l’établissement. Dans les classes faisant l’objet du contrat, l’enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l’enseignement public. Il est confié, en accord avec la direction de l’établissement, soit à des maîtres de l’enseignement public, soit à des maîtres liés à l’État par contrat. Ces derniers, en leur qualité d’agent public, ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l’État, liés par un contrat de travail à l’établissement au sein duquel l’enseignement leur est confié, dans le cadre de l’organisation arrêtée par le chef d’établissement, dans le respect du caractère propre de l’établissement et de la liberté de conscience des maîtres.

Nonobstant l’absence de contrat de travail avec l’établissement, les personnels enseignants mentionnés à l’alinéa précédent sont, pour l’application des articles L. 236-1, L. 412-5, L. 421-2 et L. 431-2 du code du travail, pris en compte dans le calcul des effectifs de l’établissement, tel que prévu à l’article L. 620-10 du même code. Ils sont électeurs et éligibles pour les élections des délégués du personnel et les élections au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et au comité d’entreprise. Ils bénéficient de ces institutions dans les conditions prévues par le code du travail. Les rémunérations versées par l’État à ces personnels sont prises en compte pour le calcul de la masse salariale brute, tel que prévu à l’article L. 434-8 du même code, et la détermination du rapport entre la contribution aux institutions sociales et le montant global des salaires, mentionné à l’article L. 432-9 du même code.

Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l’enseignement public.

Les établissements organisent librement toutes les activités extérieures au secteur sous contrat.

Art. L. 442-9. —  L’article L. 212-8 du présent code, à l’exception de son premier alinéa, et l’article L. 216-8 du présent code ne sont pas applicables aux classes sous contrat d’association des établissements d’enseignement privés.

Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat d’association des établissements d’enseignement privés du second degré sont prises en charge sous la forme de contributions forfaitaires versées par élève et par an et calculées selon les mêmes critères que pour les classes correspondantes de l’enseignement public.

La contribution de l’État est calculée par rapport aux dépenses correspondantes de rémunération des personnels non enseignants afférentes à l’externat, qui sont à la charge de l’État en application des 3° et 4° de l’article L. 211-8. Elle est majorée d’un pourcentage permettant de couvrir les charges sociales et fiscales afférentes à la rémunération de ces personnels, qui demeurent de droit privé, et les charges diverses dont les établissements publics sont dégrevés. Le montant global de cette contribution est déterminé annuellement dans la loi de finances.

Les départements pour les classes des collèges, les régions pour les classes des lycées et, en Corse, la collectivité territoriale pour les classes des collèges et des lycées versent chacun deux contributions. La première contribution est calculée par rapport aux dépenses correspondantes de rémunération des personnels non enseignants afférentes à l’externat des collèges ou des lycées de l’enseignement public assurés par le département ou la région et en Corse par la collectivité territoriale, en application des dispositions des articles L. 213-2-1 et L. 214-6-1. Elle est majorée d’un pourcentage permettant de couvrir les charges sociales et fiscales afférentes à la rémunération de ces personnels, qui demeurent de droit privé, et les charges diverses dont les établissements publics sont dégrevés. La seconde contribution est calculée par rapport aux dépenses correspondantes de fonctionnement de matériel afférentes à l’externat des établissements de l’enseignement public ; elle est égale au coût moyen correspondant d’un élève externe, selon les cas, dans les collèges ou dans les lycées de l’enseignement public du département ou de la région ; elle est majorée d’un pourcentage permettant de couvrir les charges diverses dont les établissements d’enseignement public sont dégrevés. Elles font l’objet d’une compensation dans les conditions prévues par les articles L. 1614-1, L. 1614-3 et L. 1614-4 du code général des collectivités territoriales.

Le montant des dépenses pédagogiques à la charge de l’État pour les classes sous contrat d’association des établissements d’enseignement privés du second degré est déterminé annuellement dans la loi de finances.

Art. L. 442-12. —  Les établissements d’enseignement privés du premier degré peuvent passer avec l’État un contrat simple suivant lequel les maîtres agréés reçoivent de l’État leur rémunération qui est déterminée compte tenu notamment de leurs diplômes et des rémunérations en vigueur dans l’enseignement public.

Le contrat simple porte sur une partie ou sur la totalité des classes des établissements. Il entraîne le contrôle pédagogique et le contrôle financier de l’État.

Peuvent bénéficier d’un contrat simple les établissements justifiant des seules conditions suivantes : durée de fonctionnement, qualification des maîtres, nombre d’élèves, salubrité des locaux scolaires. Ces conditions sont précisées par décret.

Les communes peuvent participer dans les conditions qui sont déterminées par décret aux dépenses des établissements privés qui bénéficient d’un contrat simple.

Il n’est pas porté atteinte aux droits que les départements et les autres personnes publiques tiennent de la législation en vigueur.

Art. L. 442-13-1. —  Lorsqu’un établissement public de coopération intercommunale est compétent pour le fonctionnement des écoles publiques, cet établissement est substitué aux communes dans leurs droits et obligations à l’égard des établissements d’enseignement privés ayant passé avec l’État l’un des contrats prévus aux articles L. 442-5 et L. 442-12.

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1 () Pour l’enseignement secondaire, la gratuité interviendra bien plus tard, avec la loi de finances pour 1928.

2 () Conclusions sur les arrêts Ville de Muret, Ville de Vitré et Ville de Nantes du 20 février 1891.

3 () Cette disposition, réservée à l’enseignement secondaire, prévoyait que : « Les établissements libres peuvent obtenir des communes, des départements ou de l’État, un local et une subvention, sans que cette subvention puisse excéder le dixième des dépenses annuelles de l’établissement. »

4 () Loi n° 51-1140 du 28 septembre 1951 instituant un compte spécial du Trésor.

5 () La même année, une autre loi n° 51-1115 du 21 septembre 1951 portant ouverture de crédits sur l’exercice 1951 (dite loi Marie) prévoit que les bourses d’enseignement secondaire peuvent être accordées aux élèves inscrits dans un établissement d’enseignement privé.

6 () Le contrat simple peut être conclu, le cas échéant, avec des établissements du second degré ou de l’enseignement technique, après avis du comité national de conciliation. Cette hypothèse est, dans les faits, extrêmement rare et le contrat simple concerne presque exclusivement des établissements primaires.

7 () Article 7 du décret n° 60-390 du 22 avril 1960 relatif au contrat simple passé avec l’État par les établissements d’enseignement privés.

8 () Arrêt d’Assemblée Ville de Moissac c/ Nicol et autre, 31 mai 1985.

9 () Arrêt d’Assemblée Ministre de l’éducation nationale c/ Association d’éducation populaire de l’école Notre-Dame d’Arc-les-Gray, 31 mai 1985.

10 () Loi n° 77-1285 du 25 novembre 1977 complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l’enseignement.

11 () Loi n° 85-97 du 25 janvier 1985 modifiant et complétant la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 et portant dispositions diverses relatives aux rapports entre l’État et les collectivités territoriales.

12 () À l’Assemblée nationale, le dépôt d’une nouvelle proposition de loi par M. Bruno Bourg- Broc pour échapper à l’irrecevabilité financière des propositions initialement examinées par la commission des affaires culturelles, et l’introduction de la disposition contestée par voie d’amendement gouvernemental ; au Sénat, l’adoption d’une motion d’irrecevabilité pour écarter en bloc plusieurs milliers d’amendements.

13 () Loi n° 94-51 du 21 janvier 1994 relative aux conditions de l’aide aux investissements des établissements d’enseignement privés par les collectivités territoriales.

14 () Décision n° 93-329 DC du 13 janvier 1994.

15 () Ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de l’éducation, ratifiée par la loi n° 2003-339 du 14 avril 2003.

16 () Le décret d’application apporte toutefois une limite supplémentaire à cette prise en charge obligatoire des dépenses de fonctionnement, en précisant qu’elle ne concerne que les élèves domiciliés dans la commune siège de l’établissement (art. 7 du décret n° 60-389 du 22 avril 1960 relatif au contrat d’association à l’enseignement public passé par les établissements d’enseignement privés).

17 () Même si la disposition législative ne le précise pas, cette impossibilité de scolarisation vise l’absence d’école publique sur le territoire de la commune. Il serait en effet paradoxal qu’une commune ne soit pas tenue de verser une contribution financière pour des enfants scolarisés hors de leur commune de résidence au prétexte qu’une école privée est présente sur le territoire communal.

18 () Article 7 du décret n° 60-389 du 22 avril 1960 précité. L’article 7-3 fait référence au principe de parité entre l’enseignement public et l’enseignement privé, qui exige que les avantages consentis à l’enseignement privé ne puissent être proportionnellement supérieurs à ceux consentis dans le même domaine et par la même collectivité à l’enseignement public.

19 () Compte rendu des débats de la séance du 1er juillet 2004 (J.O. Débats Sénat).

20 () Le conseil départemental de l’éducation nationale est composé de représentants des collectivités territoriales, des personnels et des usagers, conformément à l’article L. 235-1 du code de l’éducation.

21 () Proposition de loi n° 291 (session 2005-2006), déposée sur le bureau du Sénat le 5 avril 2006 et proposition de loi n° 3037 (XIIe législature), enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 avril 2006.

22 () Proposition de loi n° 284 rectifiée (session 2005-2006), déposée sur le bureau du Sénat le 30 mars 2006.

23 () Compte rendu des débats de la séance du 25 octobre 2007 (J.O. Débats Sénat).

24 () Circulaire n° 2005-206 du ministère de l’éducation nationale et du ministère de l’intérieur : Financement par les communes des dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat (Bulletin officiel du ministère de l’éducation nationale n° 46 du 15 décembre 2005).

25 () Arrêt d’Assemblée Syndicat national de l’enseignement chrétien CFTC et autres, 25 octobre 1991.

26 () Rapport d’information sur la mise en application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, 28 juin 2006 (n° 3199, XIIe législature), p. 125.

27 () Arrêt Ligue de l’enseignement et autres, 4 juin 2007.

28 () Circulaire n° 2007-142 du ministère de l’éducation nationale et du ministère de l’intérieur : Modifications apportées par la loi relative aux libertés et responsabilités locales en matière de financement par les communes des écoles privées sous contrat (Bulletin officiel du ministère de l’éducation nationale n° 31 du 6 septembre 2007).

29 () Réponse à la question orale sans débat n° 1045 S de M. Michel Mercier (J.O. Sénat du 31 mai 2006).

30 () Décision n° 93-329 DC du 13 janvier 1994.

31 () Ce considérant avait déjà été à l’origine de la censure d’une disposition de la loi du n° 85-97 du 25 janvier 1985 qui prévoyait de soumettre la conclusion des contrats d’association à l’accord de la commune siège de l’école (décision n° 84-185 DC du 18 janvier 1985).

32 () Article 18 de la loi n° 85-97 du 25 janvier 1985 modifiant et complétant la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 et portant dispositions diverses relatives aux rapports entre l’État et les collectivités territoriales.