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N
° 499

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 décembre 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’adhésion à la convention sur la mise à disposition de ressources de télécommunication pour l’atténuation des effets des catastrophes et pour les opérations de secours en cas de catastrophe,

par M. Jean GLAVANY

Député

Voir les numéros  :

Sénat : 298, 378 et T.A. 120 (2006-2007).

Assemblée nationale : 115.

INTRODUCTION 5

I – EN SITUATION D’URGENCE, « LES TÉLÉCOMMUNICATIONS SAUVENT DES VIES » 7

A. LES TÉLÉCOMMUNICATIONS SONT ESSENTIELLES POUR LA PRÉVENTION ET LA GESTION DES CATASTROPHES 7

1) Un rôle déterminant à tous les stades de la gestion d’une catastrophe 7

2) Les initiatives de l’Union internationale des télécommunications (UIT) 8

B. LEVER LES OBSTACLES À LEUR UTILISATION DANS LES SITUATIONS D’URGENCE EST DONC INDISPENSABLE 10

1) L’intérêt d’un dispositif multilatéral 10

2) La participation de la France 11

II – LA CONVENTION DE TAMPERE VISE À FACILITER LA MISE À DISPOSITION D’UNE ASSISTANCE EN MATIÈRE DE TÉLÉCOMMUNICATION EN CAS DE CATASTROPHE 13

A. LES OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LA PRÉSENTE CONVENTION 13

B. LES CONDITIONS DE MISE À DISPOSITION DE L’ASSISTANCE EN MATIÈRE DE TÉLÉCOMMUNICATIONS 14

C. LA RECONNAISSANCE DE FACILITÉS D’INTERVENTION POUR LES SECOURISTES 16

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

ANNEXE : ETATS SIGNATAIRES DE LA CONVENTION DE TAMPERE 21

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat a adopté, le 1er août dernier, un projet de loi autorisant l’adhésion de la France à la convention sur la mise à disposition de ressources de télécommunication pour l’atténuation des effets des catastrophes et pour les opérations de secours en cas de catastrophe, adoptée en juin 1998, lors de la conférence intergouvernementale sur les télécommunications d’urgence qui s’est tenue à Tampere, en Finlande.

Cette convention, ci-après dénommée « convention de Tampere », a pour objectif principal de faciliter l’utilisation des ressources de télécommunication d’urgence dans les pays qui l’ont ratifiée. Les liaisons de communication jouent, en effet, un rôle crucial non seulement pour la prévention des catastrophes mais aussi pour les opérations de secours. Elles permettent de suivre l’évolution de phénomènes présentant un risque particulier, d’alerter les autorités, de prévenir les populations, de coordonner les secours, d’évaluer les dégâts et de mobiliser les aides à la reconstruction.

Or, ces interventions sont malheureusement fréquentes, comme viennent de le rappeler les ravages causés par le cyclone Sidr qui a dévasté le Bangladesh, le 15 novembre dernier. Cette catastrophe vient alourdir un bilan humain et matériel déjà élevé depuis le début de l’année, à la suite des inondations qui ont frappé 22 pays d’Afrique de l’ouest, du centre et de l’est, des séismes dévastateurs au Pérou et en Indonésie, des typhons en Asie de l’Est et des ouragans dans les Caraïbes.

Dans chacune de ces situations, si les catastrophes ne peuvent être évitées, les technologies de l’information et de la communication (TIC) permettent néanmoins d’en atténuer les effets et de relancer, au plus vite, les activités de développement. Le dispositif multilatéral institué par la convention de Tampere, présente donc un intérêt majeur dans la mesure où il facilite une mise en œuvre rapide de l’aide en vue d’accroître son efficacité.

La France manifeste aussi souvent que possible sa solidarité à l’égard des populations affectées par des catastrophes, comme l’atteste l’aide apportée, au cours des six derniers mois, aux victimes des inondations en Afrique, du cyclone Dean à la Jamaïque, de l’ouragan Félix au Nicaragua ou du séisme qui a frappé le Pérou, le 15 août dernier. Notre pays ne peut donc rester absent de ce dispositif destiné à faciliter la mise à disposition d’une assistance en matière de télécommunications pour atténuer les effets des catastrophes.

I – EN SITUATION D’URGENCE, « LES TÉLÉCOMMUNICATIONS SAUVENT DES VIES »

Tel est le constat dressé par M. Yoshio Utsumi, Secrétaire général de l’Union internationale des télécommunications (UIT), institution spécialisée des Nations Unies, qui, avec le Bureau des Nations unies de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a été un élément moteur de l’élaboration de la convention de Tampere. Les liaisons de communication constituent, en effet, un élément essentiel pour la prévention des catastrophes. Les télécommunications d’urgence sont, en outre, fondamentales pour les instances nationales et les institutions d’aide humanitaire concernées par les opérations de secours, d’assistance médicale et de rétablissement en cas de catastrophe.

A. Les télécommunications sont essentielles pour la prévention et la gestion des catastrophes

Bien que les catastrophes naturelles ne puissent être entièrement évitées, les technologies de l’information et de la communication (TIC) permettent néanmoins d’en atténuer les effets et de relancer au plus vite les activités de développement.

1) Un rôle déterminant à tous les stades de la gestion d’une catastrophe

En amont, les technologies actuelles (satellites de télécommunication, radars, appareils de télémesure, équipements météorologiques, etc.) permettent de disposer d’un système de télédétection et de donner l’alerte. Avant même certaines catastrophes, des informations sur l’imminence d’un danger peuvent ainsi être diffusées auprès des populations concernées afin qu’elles prennent toutes les précautions possibles pour en atténuer les conséquences. C’est ainsi qu’en 2004, les autorités jamaïcaines ont été en mesure de diffuser des messages d’alerte plusieurs jours avant l’arrivée de l’ouragan Ivan. Plus récemment, peu après le passage du cyclone Félix qui a ravagé le Nicaragua, le Honduras voisin était en alerte face à l’imminence de l’ouragan Henriette et le risque qu’il faisait courir d’inondation de la vallée du Sula. Environ 30.000 personnes ont ainsi temporairement évacué leur logement (1).

En aval, les télécommunications sont essentielles pour les secouristes qui doivent pouvoir faire connaître le nombre de morts et de blessés, savoir où ont été transportés ces derniers et vers quels centres ils devraient être acheminés, estimer l’étendue de l’aide médicale nécessaire. Les secouristes ont également besoin des télécommunications pour coordonner la logistique des opérations de secours et d’aide. Or, ces liaisons de communication, absolument vitales, sont souvent interrompues à la suite d’une catastrophe. Ainsi, six jours après le passage du cyclone Sidr sur la région sud-ouest du Bangladesh, 25 à 30 % des zones dans les districts sinistrés étaient encore sans électricité, malgré les efforts réalisés (2). Le rétablissement de ces liaisons est donc indispensable pour que les services publics compétents et les organisations humanitaires soient en mesure de déployer les secours de manière efficace. Il permet également de mettre en œuvre des actions de « téléphonie humanitaire ». A titre d’exemple, « Telecoms sans frontières », ONG française dont votre Rapporteur a rencontré les responsables, offre trois minutes de communication par famille. En cas de catastrophe, l’appel à un proche est, en effet, très important dans la mesure où il offre un soutien psychologique et facilite le rapprochement familial.

Une fois les premiers secours intervenus, les télécommunications jouent également un rôle irremplaçable, facilitant le travail de reconstruction et permettant de coordonner le retour des populations déplacées.

Or, comme l’a précédemment évoqué votre Rapporteur, la fréquence des catastrophes naturelles et leurs conséquences dramatiques en termes humains et matériels incitent à mieux coordonner l’utilisation des ressources en télécommunication. On estime, en effet, à un million le nombre de morts causées par les catastrophes, chaque décennie. A ces pertes considérables s’ajoutent malheureusement des millions de sans-abri auxquels il faut également porter assistance.

2) Les initiatives de l’Union internationale des télécommunications (UIT)

L’Union internationale des télécommunications (UIT)

L’Union internationale des télécommunications (UIT) est l’institution spécialisée des Nations Unies pour les technologies de l’information et de la communication. Pôle de convergence mondial où se retrouvent pouvoirs publics et secteur privé, l’UIT aide le monde à communiquer dans trois secteurs : les radiocommunications, la normalisation et le développement. L’UIT a son siège à Genève et compte 191 Etats membres ainsi que plus de 700 membres de secteur (opérateurs de télécommunication).

Compte tenu de l’importance des télécommunications dans les situations d’urgence, l’Union internationale des télécommunications (UIT) s’efforce de développer des initiatives visant à coordonner le déploiement de ces ressources pour les opérations de secours ainsi qu’à assurer un accès universel rapide, immédiatement après qu’une catastrophe se soit abattue.

A cet égard, le tsunami qui a dévasté l’Asie du Sud-Est le 26 décembre 2004 a fait très nettement ressortir l’importance des travaux de l’UIT. Cette tragédie a mis en lumière la nécessité de mettre en place un système d’alerte rapide permettant de diffuser efficacement les informations disponibles lorsqu’une catastrophe est imminente. Elle a également souligné l’importance d’un plan national de télécommunications d’urgence destiné à améliorer les capacités de réactions aux catastrophes et, plus largement, à aider les pays vulnérables à mieux se préparer à leur survenance. Ces mesures s’inscrivent dans une stratégie de prévention et de réaction qui suppose notamment une définition claire du rôle joué par les organismes, possédant des moyens de télécommunications, dans la coordination des secours ; la modernisation des infrastructures de réseaux obsolètes ; l’élaboration d’un protocole commun d’alarme dans les langues locales pour la diffusion de messages d’alerte ; l’établissement de bandes de fréquences réservées pour les situations d’urgence, etc. Il s’agit donc de processus qui peuvent s’avérer lourds mais dont la multiplication des catastrophes naturelles en 2007 (inondations en Afrique, séismes dévastateurs au Pérou et en Indonésie, typhons en Asie de l’Est et ouragans dans les Caraïbes) vient rappeler l’impérieuse nécessité.

En cas de catastrophe, l’UIT intervient en fournissant des téléphones portables par satellite Thuraya et des terminaux de réseau mondial d’Inmarsat (GAN). Les téléphones par satellite Thuraya utilisent les réseaux à satellite et les réseaux GSM et fournissent des coordonnées GPS précises qui facilitent les opérations de secours. Les terminaux GAN d’Inmarsat sont principalement utilisés pour les communications vocales et aussi, dans certains cas, pour la transmission de données à haut débit. L’UIT prend en charge l’ensemble des dépenses, y compris celles liées au transport et à l’utilisation du matériel.

Cette organisation a, par ailleurs, pris l’initiative d’un Forum mondial sur l’utilisation efficace des télécommunications dans la gestion des catastrophes naturelles qui se tient, à Genève, en cette fin d’année 2007. L’objectif de cette rencontre est d’élaborer des stratégies concrètes et d’adopter des mesures pratiques en vue du développement et du déploiement efficaces de systèmes de télécommunication et de TIC pour la gestion des catastrophes, la préparation de celles-ci, l’alerte avancée et les opérations de secours.

Les recommandations et résolutions de l’UIT sont suivies par le Groupe de travail sur les télécommunications d’urgence qui en facilite l’application.

Groupe de travail sur les télécommunications d’urgence

L’UIT fait partie du Groupe de travail ad hoc sur les télécommunications d’urgence (Working Group on Emergency Telecommunications – WGET), constitué par le Bureau des Nations unies chargé de la coordination des affaires humanitaires (United Nations Office for Humanitarian Affaires – OCHA), qui a pour mission de faciliter l’utilisation des télécommunications au service de l’assistance humanitaire et d’accroître l’efficacité des activités des participants dans les domaines réglementaire, opérationnel et technique.

Le groupe de travail encourage l’adoption de mesures portant application des résolutions et recommandations de l’UIT relatives aux télécommunications utilisées dans le cadre des opérations de secours en cas de catastrophe. En outre, il contribue activement à la promotion et à la mise en oeuvre de la convention de Tampere.

B. Lever les obstacles à leur utilisation dans les situations d’urgence est donc indispensable

1) L’intérêt d’un dispositif multilatéral

Si les lois et règlements nationaux sur l’importation et l’utilisation des ressources de télécommunications sont tout à fait légitimes, ces dispositions peuvent néanmoins constituer, en situation d’urgence, un frein aux opérations de secours. Elles rendent, en effet, très difficile l’importation rapide d’équipements de télécommunication d’urgence et gênent la réponse des équipes de secours. En outre, dans les premières heures qui suivent une catastrophe, les fonctionnaires chargés d’accorder les autorisations nécessaires sont rarement joignables, ce qui empêche la coordination de l’utilisation des fréquences ainsi que l’obtention des autorisations pour l’importation des équipements ou leur utilisation. Parmi les obstacles réglementaires à l’utilisation des télécommunications figurent l’obligation de licence pour l’utilisation des fréquences, le paiement des droits de leur utilisation, les restrictions à l’importation d’équipements ainsi que les dispositions limitant les mouvements du personnel humanitaire. Ces formalités sont à l’origine de retards et, malheureusement, de pertes en vies humaines.

C’est une des raisons pour lesquelles l’UIT a recommandé l’adoption d’un accord multilatéral destiné à lever les nombreux obstacles empêchant l’utilisation des ressources de télécommunication pour suivre l’évolution de phénomènes présentant un risque particulier, alerter les autorités, prévenir les populations, coordonner les opérations de secours, évaluer les dégâts et mobiliser les aides à la reconstruction.

La convention de Tampere, dont la ratification fait l’objet du présent projet de loi, a pour objectif de répondre à ces difficultés en demandant aux Etats parties de faciliter la mise à disposition rapide d’une assistance en matière de télécommunications en vue d’atténuer les effets d’une catastrophe.

Adoptée en juin 1998, cette convention trouve son fondement dans la Conférence internationale sur les communications en cas de catastrophe qui s’est tenue à Genève en 1990, et la Conférence mondiale de développement des télécommunications de Buenos Aires en 1994. Elle est le résultat de consultations approfondies entre Etats, organisations intergouvernementales et ONG, favorisées par le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) et par l’UIT. Elle établit un cadre international propre à faciliter la fourniture et l’utilisation de ressources de télécommunication et à encourager la coopération pour atténuer les effets des catastrophes ainsi que pour la mise en œuvre des opérations de secours.

2) La participation de la France

Alors que la convention de Tampere a été adoptée en 1998 et malgré la mobilisation de notre pays pour venir en aide aux populations victimes de catastrophes naturelles dans le monde, la France est aujourd’hui absente du cadre multilatéral de coopération que la convention met en place.

Ce retard s’explique, en partie, par des difficultés juridiques liées à la répartition des compétences entre l’Union européenne et ses Etats membres dans les domaines couverts par la convention. La Commission européenne a, en effet, constaté que cette convention a une incidence notamment sur le droit communautaire dérivé concernant les services et équipements de télécommunications. Elle ne peut donc s’appliquer entièrement dans les Etats membres que si la Communauté européenne y adhère. Or, l’article 12 de la convention ne prévoit que l’adhésion des Etats membres de l’Organisation des Nations unies ou de l’Union internationale des télécommunications.

Afin de surmonter cette difficulté, la Commission européenne a proposé, le 16 décembre 2002, une formule de réserve permettant aux Etats membres de ratifier la convention de Tampere, sans violer leurs obligations communautaires, dont le contenu est le suivant : « Dans la mesure où certaines dispositions de la convention de Tampere sur la mise à disposition de ressources de télécommunication pour l’atténuation des effets des catastrophes et pour les opérations de secours en cas de catastrophe (« la convention ») relèvent de la compétence des Communautés européennes, [non de l’Etat membre de l’UE] devra, pour assurer la pleine mise en œuvre de la convention, se conformer aux procédures propres à cette organisation internationale ». Cette réserve est destinée à être retirée une fois l’adhésion de la Communauté européenne réalisée, après amendement de la convention. Elle a permis à certains pays comme le Danemark, les Pays-Bas, la Suède ou le Royaume-Uni de ratifier la convention de Tampere.

Alors que treize pays membres de l’Union européenne dont déjà parties à la convention, votre Rapporteur déplore le retard pris par la France, largement imputable à des lenteurs administratives. Les difficultés auxquelles la convention apporte des réponses ont, en effet, été en grande partie aplanies depuis son adoption en 1998, comme l’ont précisé les responsables de l’organisation « Télécoms sans frontières ». Il est aujourd’hui grand temps que la France rejoigne ses partenaires européens au sein d’un dispositif multilatéral qui peut réduire les délais de réaction pour atténuer les effets des catastrophes et améliorer les opérations de secours.

II – LA CONVENTION DE TAMPERE VISE À FACILITER LA MISE À DISPOSITION D’UNE ASSISTANCE EN MATIÈRE DE TÉLÉCOMMUNICATION EN CAS DE CATASTROPHE

La convention sur la mise à disposition des ressources de télécommunication pour l’atténuation des effets des catastrophes et pour les opérations de secours en cas de catastrophe – dénommée ci-après « convention de Tampere » – a été adoptée, à l’unanimité, le 18 juin 1998 par les délégués des 75 pays représentés à la conférence intergouvernementale sur les télécommunications d’urgence qui s’est tenue, à l’invitation de la Finlande, à Tampere. Elle est entrée en vigueur le 8 janvier 2005, après avoir été ratifiée par trente pays. Le 16 août 2007, la convention de Tampere a été ratifiée par l’Irlande, portant à 37 le nombre des Etats parties (se reporter à l’annexe).

A. Les objectifs poursuivis par la présente convention

Comprenant 17 articles, cette convention demande aux Etats de faciliter la mise à disposition rapide d’une assistance en matière de télécommunications pour atténuer les effets des catastrophes. Elle repose, en effet, sur la conviction, rappelée en préambule, que « la mise en œuvre judicieuse et à brefs délais de ressources de télécommunication et la circulation efficace et rapide d’informations précises et fiables sont essentielles pour réduire les pertes en vies humaines, les souffrances et les dégâts causés par les catastrophes aux biens et à l’environnement ».

La présente convention vise les catastrophes, définies comme « une grave perturbation du fonctionnement de la société causant une menace réelle et généralisée à la vie ou à la santé humaine, aux biens ou à l’environnement, que la cause en soit un accident, un phénomène naturel ou une activité humaine (…) » (article 1er, paragraphe 6).

Elle définit le cadre général d’une coopération entre Etats parties et les autres partenaires dans le domaine de l’aide humanitaire internationale, qu’il s’agisse d’entités privées, d’entreprises, d’organisations non gouvernementales ou du mouvement de la Croix Rouge et du Croissant Rouge. L’ensemble de ces partenaires est invité à intervenir sous la supervision du coordonnateur des Nations unies pour les secours d’urgence qui est expressément désigné comme le « coordonnateur des opérations » pour la présente convention (article 2, paragraphe 1). Le dispositif institué se limite toutefois aux seules activités de coordination à caractère international (article 2, paragraphe 3).

L’objectif principal de la convention de Tampere est de faciliter l’utilisation des ressources de télécommunications en cas de catastrophe. L’utilisation de ces ressources doit, en effet, permettre de « prévoir et surveiller les risques naturels, les risques sanitaires et les catastrophes », de partager les informations disponibles et de les diffuser auprès du public. Lorsque la catastrophe est survenue, la convention vise à favoriser une mise à disposition rapide de l’assistance ainsi que l’installation de « ressources de télécommunications fiables et souples » qui seront utilisées par les organisations de secours et d’assistance humanitaires (article 3, paragraphe 2).

Dans ce cadre d’intervention, le « coordonnateur des opérations » est chargé d’élaborer et de mettre à jour des procédures et systèmes de collecte et de diffusion des informations nécessaires à la mise en œuvre de la présente convention. L’objectif est de mettre ainsi à la disposition des Etats parties et des autres partenaires de l’aide des modèles d’accord ainsi que les meilleures pratiques permettant d’améliorer l’efficacité des efforts engagés conjointement pour atténuer les effets d’une catastrophe (article 3, paragraphe 4).

B. Les conditions de mise à disposition de l’assistance en matière de télécommunications

L’article 4 de la convention établit les procédures de demande et de fourniture d’assistance en matière de télécommunications.

L’Etat qui demande une assistance peut s’adresser à tout autre Etat partie à la convention, soit directement, soit par l’intermédiaire du « coordonnateur des opérations ». En tout état de cause, il doit préciser l’ampleur et le type d’assistance requise. La convention reconnaît ainsi le droit à tout Etat partie de diriger, gérer et coordonner l’assistance fournie sur son territoire en matière de télécommunications (article 4, paragraphe 8). En outre, aucune assistance ne peut être fournie par un État Partie sans le consentement de l’État demandeur, qui a le droit de refuser tout ou partie de l’aide proposée « conformément à sa législation et à sa politique générale » (article 4, paragraphe 5). Il s’agit ainsi de maintenir un équilibre – toujours délicat – entre le principe de souveraineté des Etats et la souplesse d’intervention qui s’impose dans les situations d’urgence.

Dans le même temps, la convention de Tampere prévoit que l’assistance peut être demandée directement à des entités autres que des États ou à des organisations intergouvernementales (article 4, paragraphe 6). Si l’assistance est demandée à un autre Etat partie, ce dernier doit faire savoir immédiatement s’il est prêt à fournir l’assistance requise et indiquer « la portée, les termes, conditions et restrictions applicables à cette assistance ainsi que, le cas échéant, les coûts y afférents » (article 4, paragraphe 3).

Pour compléter ce dispositif, la présente convention demande, par ailleurs, aux Etats de dresser un inventaire des informations concernant l’assistance en matière de télécommunications (article 8). Cet inventaire doit préciser les coordonnées des autorités nationales autorisées à demander, offrir, accepter et mettre fin à l’assistance. Il peut comprendre des informations concernant des ressources de télécommunications particulières ou des plans relatifs à l’utilisation de ces ressources. L’ensemble de ces informations est notifié au « coordonnateur des opérations » qui est chargé de les diffuser rapidement, à moins qu’un Etat partie n’ait préalablement spécifié par écrit que leur diffusion doit être limitée. Les mêmes modalités s’appliquent aux informations émanant d’entités autres qu’un Etat.

Comme votre Rapporteur en a précédemment souligné la nécessité, la présente convention s’attache également à lever les obstacles à l’utilisation des ressources de télécommunication en cas de catastrophe (article 9). Il peut s’agir de dispositions réglementaires limitant l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’équipements de télécommunication ainsi que celles limitant les mouvements des personnels qui exploitent ces équipements. La convention précise les formes que peut prendre la réduction de ces obstacles réglementaires. Elle prévoit, en outre, que chaque Etat facilite, à la demande des autres parties et dans la limite de sa législation, le transit à destination ou en provenance de son territoire du personnel, des équipements, des matériels et des informations associés à l’utilisation des ressources de télécommunication pour les opérations de secours. Chaque Etat notifie au « coordonnateur des opérations » les mesures prises « en vue de réduire ou d’éliminer les obstacles réglementaires de ce type ».

La convention de Tampere prévoit, en outre, les conditions financières qui peuvent assortir la mise en œuvre de l’assistance en matière de télécommunication. Elle fait ainsi obligation aux Etats parties d’établir, avant la fourniture de l’assistance, le montant des droits ou des coûts qui devront être payés ou acquittés. Pour éviter que ces droits soient excessifs, les Etats parties doivent prendre en compte un certain nombre de paramètres parmi lesquels la nature de la catastrophe ainsi que ses conséquences, les besoins des pays en développement ou encore les principes des Nations unies en matière d’assistance humanitaire (article 7, paragraphe 8). La conclusion de cet accord relatif au paiement ou au remboursement des coûts ne doit cependant pas retarder la mise en œuvre de l’assistance en télécommunication. Dans cette perspective, la présente convention prévoit que le « coordonnateur des secours » élabore, d’entente avec les Etats parties, « un modèle d’accord de paiement et de remboursement qui peut constituer la base de la négociation des obligations de paiement et de remboursement (…) ». Ces dispositions s’appliquent aux entités autres qu’un Etat si l’Etat demandeur a préalablement consenti à la fourniture de l’assistance proposée.

Enfin, la convention de Tampere prévoit que tout Etat demandeur ou prêtant assistance peut, à tout moment, mettre fin à l’assistance reçue ou fournie en matière de télécommunication. Aux termes de son article 6, des consultations sont engagées afin de prendre en compte les risques pour la vie humaine que comporte la cessation de l’assistance ainsi que ses conséquences sur les opérations de secours en cours.

C. La reconnaissance de facilités d’intervention pour les secouristes

Comme cela a été précédemment évoqué, la convention de Tampere ne concerne pas uniquement les Etats qui fournissent une assistance en matière de télécommunication, mais également l’ensemble des acteurs venant soutenir l’activité des organisations humanitaires et de secours des Nations unies telles que le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR), le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA), et la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Afin de faciliter leurs interventions, la convention garantit aux représentants de ces organisations des privilèges, des immunités ainsi que certaines facilités nécessaires à l’exercice de leurs fonctions.

La présente convention reconnaît ainsi aux organisations internationales qui interviennent pour les opérations de secours en cas de catastrophe l’immunité en matière d’arrestation, de détention et de juridiction pour les actes « liés spécifiquement et directement à la fourniture d’assistance en matière de télécommunication » ainsi que l’immunité contre la saisie, la saisie-arrêt ou la réquisition des équipements de télécommunication. Elle prévoit également une exonération d’impôts et de taxes lors de l’accomplissement de la mission d’assistance ainsi que pour « les équipements, le matériel et les autres biens amenés ou achetés sur le territoire de l’Etat partie demandeur afin de fournir une assistance en matière de télécommunication » (article 5, paragraphe 1).

L’article 5 de la convention de Tampere pose également le principe de la protection du personnel, des équipements et du matériel amenés sur le territoire de l’Etat qui sollicite une assistance. Cet Etat doit, en outre, permettre l’agrément rapide ou l’exemption d’agrément des équipements de télécommunication amenés son territoire. Enfin, il ne doit pas chercher à détourner l’utilisation de quelque ressource de télécommunication que ce soit, fournie au titre de la présente convention « à des fins qui ne soient pas directement liées à la prévision ou à la surveillance des catastrophes, ou aux mesures visant à s’y préparer, y faire face, en atténuer les effets ou fournir des secours pendant les catastrophes ou à la suite de celles-ci ». À l’inverse, les représentants des organisations fournissant une assistance sont tenus de respecter la législation et la réglementation de l’Etat. Le paragraphe 7 de l’article 5 précise que « ces personnes et ces organisations ont également un devoir de non-ingérence dans les affaires intérieures de l’Etat partie sur le territoire duquel elles ont pénétré ».

CONCLUSION

La convention de Tampere constitue un instrument essentiel de coopération et de mutualisation des ressources en télécommunication dans des situations d’urgence. Elle repose, en effet, sur le principe de la mise à disposition rapide d’une assistance en matière de télécommunications à l’ensemble des acteurs, nationaux comme internationaux, qui interviennent pour venir en aide aux populations victimes de catastrophes graves. En contribuant à l’alerte sur l’imminence d’une catastrophe et à l’accélération de la mise en œuvre des secours, ce dispositif doit permettre d’épargner des vies humaines.

C’est pourquoi, votre Rapporteur est favorable à l’adhésion de la France à la convention de Tampere et recommande l’adoption du projet de loi n°115.




EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 12 décembre 2007.

Après avoir remercié le rapporteur pour son exposé, M. Renaud Muselier s’est déclaré très favorable à l’adhésion de la France à la convention de Tampere.

M. Gérard Voisin s’est interrogé sur les raisons qui motivaient le retrait du soutien de l’opérateur « France Télécom » à l’organisation non gouvernementale « Télécoms sans frontières ».

M. Jean Glavany a indiqué que « France Télécom » semblait ne plus considérer le soutien à cette organisation comme une priorité de son action de mécénat. Cette situation est tout à fait regrettable dans la mesure où l’opérateur a soutenu « Télécoms sans frontières » dès sa création dont l’initiative revient, d’ailleurs, à l’un de ses cadres. En outre, l’ONG réalise près de 80 % de ses achats en France et ses activités offrent une formidable vitrine au savoir-faire et au matériel français. Enfin, le professionnalisme de cette organisation est largement reconnu puisqu’elle a été désignée « premier intervenant » par les Nations unies dans leur dispositif de réponse aux urgences humanitaires. Une image concrète de son action est d’ailleurs celle des centres de communication et des réseaux satellitaires qui sont mis en place dans les 24 heures qui suivent la survenance d’une catastrophe.

Déplorant le retard pris par la France pour adhérer à la convention de Tampere, M. Claude Birraux a émis le vœu que le rapporteur puisse faire part, en séance publique, du caractère inacceptable des lenteurs administratives qui en sont à l’origine.

Dans la mesure où le présent projet de loi fera l’objet d’une adoption simplifiée et ne sera donc pas débattu en séance publique, M. Jean Glavany a indiqué qu’il ferait une démarche auprès du ministère des Affaires étrangères. La convention de Tampere n’a, en effet, plus le même intérêt aujourd’hui : les principales difficultés auxquelles elle tentait d’apporter une réponse ont été, en grande partie, aplanies au cours des dix années qui ont séparé son adoption du présent projet de loi autorisant l’adhésion de la France au dispositif. L’Etat restant actionnaire minoritaire de « France Télécom », il tentera également de faire passer un message à la direction de « France Telecom » afin que l’opérateur maintienne son soutien à l’ONG « Télécoms sans frontières ».

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (no 115).

*

* *

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 115).

ANNEXE : ETATS SIGNATAIRES DE LA CONVENTION DE TAMPERE

(septembre 2007)

Pays

Date de signature

Ratification

Argentine

11 mai 1999

5 juillet 2007

Barbade

 

25 juillet 2003

Bénin

18 juin 1998

 

Brésil

12 mars 1999

 

Bulgarie

22 septembre 1999

20 juin 2000

Burundi

18 juin 1998

 

Canada

15 juin 1999

18 mai 2001

Tchad

20 octobre 1999

 

Chili

18 juin 1998

 

Congo

18 juin 1998

 

Costa Rica

20 juin 2003

 

Chypre

18 juin 1998

14 juillet 2000

République tchèque

4 septembre 2002

17 juin 2003

Danemark

18 juin 1998

2 juin 2003

Salvador

9 août 2000

18 avril 2002

Estonie

25 mai 1999

 

Finlande

18 juin 1998

1er avril 1999

Gabon

27 avril 2001

 

Allemagne

18 juin 1998

 

Ghana

18 juin 1998

 

Guinée

 

8 octobre 2002

Haïti

11 février 1999

 

Honduras

25 février 1999

 

Hongrie

20 juin 2003

7 avril 2004

Islande

20 juin 2003

 

Irlande

 

16 août 2007

Inde

29 novembre 1999

29 novembre 1999

Italie

18 juin 1998

 

Kenya

18 juin 1998

12 février 2003

Koweït

18 juin 1998

13 juin 2002

Liban

17 novembre 1998

27 janvier 2006

Liberia

 

16 septembre 2005

Liechtenstein

 

8 juin 2004

Lituanie

 

9 décembre 2004

Madagascar

12 septembre 2002

 

Mali

18 juin 1998

 

Malte

18 juin 1998

 

Iles Marshall

11 novembre 1998

 

Mauritanie

18 juin 1998

 

Mongolie

18 juin 1998

 

Népal

23 avril 1999

 

Pays-Bas

19 décembre 2000

6 juillet 2001

Nicaragua

18 juin 1998

18 novembre 1999

Niger

18 juin 1998

 

Oman

19 août 1999

16 avril 2003

Panama

20 septembre 2001

5 mars 2003

Pérou

14 janvier 1999

27 octobre 2003

Pologne

18 juin 1998

 

Roumanie

18 juin 1998

17 novembre 2005

Fédération de Russie

14 mars 2002

 

Sainte-Lucie

31 janvier 2000

 

Saint-Vincent-et-les-Grenadines

 

14 août 2003

Sénégal

20 novembre 1998

 

Slovaquie

16 février 2000

6 février 2001

Espagne

 

27 février 2006

Sri Lanka

5 août 1999

13 octobre 1999

Soudan

4 décembre 1998

 

Suisse

10 juin 2003

13 septembre 2004

Tadjikistan

18 juin 1998

 

Macédoine

3 décembre 1998

 

Tonga

 

8 mai 2003

Ouganda

28 octobre 1998

5 septembre 2002

Royaume-Uni

 

18 juin 2003

États-Unis d’Amérique

17 novembre 1998

 

Uruguay

13 mai 2003

 

Ouzbékistan

6 octobre 1998

 

Venezuela

3 avril 2003

15 mai 2005

Source : www.reliefweb.int/telecoms/tampere/signatories

© Assemblée nationale

1 () Le Monde, 6 septembre 2007.

2 () « Bangladesh : le bilan des victimes du cyclone Sidr pourrait être plus lourd », IRIN, 21 novembre 2007.