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N
° 563

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 janvier 2008.

AVIS

fait

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE (n° 561) modifiant le titre XV de la Constitution,

par M. Hervé de CHARETTE

Député

INTRODUCTION 5

LES PRINCIPAUX APPORTS DU TRAITÉ DE LISBONNE 7

CONSTITUTION EUROPÉENNE / TRAITÉ DE LISBONNE : QUELLES DIFFÉRENCES ? 11

I – LES CONSÉQUENCES CONSTITUTIONNELLES DE L’APPARTENANCE DE LA FRANCE À L’UNION EUROPÉENNE 13

A – LES ADAPTATIONS SUCCESSIVES DE LA CONSTITUTION FRANÇAISE À LA CONSTRUCTION DE L’EUROPE 13

1) Les évolutions constitutionnelles liées aux approfondissements successifs de la construction européenne 13

2) La caducité partielle de la révision constitutionnelle préalable au référendum du 29 mai 2005 sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe 17

B – LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DU 20 DÉCEMBRE 2007 RELATIVE AU TRAITÉ DE LISBONNE CONFIRME ET PRÉCISE CELLE DU 19 NOVEMBRE 2004 RELATIVE AU TRAITÉ ÉTABLISSANT UNE CONSTITUTION POUR L’EUROPE 22

1) Les dispositions du traité de Lisbonne qui n’appellent pas de révision de la Constitution 22

a) Les dispositions du traité de Lisbonne qui reprennent des engagements antérieurement souscrits par la France 22

b) Les dispositions relatives aux droits fondamentaux de l’Union 23

c) La référence au principe de primauté 24

2) Les dispositions du traité de Lisbonne qui nécessitent une révision de la Constitution 24

a) Les clauses du traité qui opèrent, au profit de l’Union européenne, des transferts de compétences mettant en cause les conditions essentielles de la souveraineté nationale 24

b) Les pouvoirs nouveaux reconnus aux Parlements nationaux 25

II - UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE LIMITÉE AUX EXIGENCES POSÉES PAR LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL 29

A – UNE REPRISE DE LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE CADUQUE DE 2005 29

1) Les modifications apportées au titre XV de la Constitution 29

a) Jusqu’à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne 29

b) A compter de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne 29

2) Une révision constitutionnelle limitée au traité de Lisbonne 31

B – UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE QUI NE PRÉJUGE PAS DE MODIFICATIONS ULTÉRIEURES DANS LE CADRE D’UN FUTUR PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE SUR LA RÉFORME DES INSTITUTIONS 36

1) Le champ d’application de l’article 88-4 de la Constitution 36

a) Le débat ouvert en 2005 par « l’amendement Balladur » 36

b) Les conséquences sur l’article 88-4 de l’éventuelle reconnaissance d’un droit de résolution du Parlement 37

2) La ratification des futurs traités d’adhésion à l’Union européenne 37

CONCLUSION 39

EXAMEN EN COMMISSION 41

ANNEXE : Décision du Conseil constitutionnel n°2007-560 DC du 20 décembre 2007 45

Mesdames, Messieurs,

La signature du traité de Lisbonne, le 13 décembre 2007, va-elle enfin mettre un terme à une décennie de tentatives avortées de réforme institutionnelle de l’Union européenne ? Voici en effet dix ans, depuis la négociation du traité d’Amsterdam, que l’Europe peine à adapter ses institutions à la nouvelle donne de l’élargissement et aux exigences nées des attentes exprimées par les citoyens face aux bouleversements géopolitiques et aux conséquences de la mondialisation.

La démarche constitutionnelle engagée en février 2002 avec l’ouverture des travaux de la Convention européenne présidée par M. Valéry Giscard d’Estaing a échoué du fait des référendums négatifs français et néerlandais du printemps 2005. Plongée dans une grave crise de confiance, l’Europe a cherché pendant deux ans les moyens d’éviter la paralysie et de redonner du souffle à un projet politique en quête de sens. Il aura fallu attendre l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République pour que les conditions soient à nouveau réunies d’une seconde chance. Cette seconde chance, c’est le traité de Lisbonne qui entrera en vigueur le 1er janvier 2009 s’il est ratifié par les 27 Etats membres de l’Union européenne.

A la différence de la Constitution européenne qui abrogeait les traités actuels pour les remplacer par un texte unique, le traité de Lisbonne se limite à modifier les traités existants, d’où son appellation de « traité modificatif ». Ce nouveau texte amende ainsi les traités européens en vigueur, à savoir le traité de Rome de 1957, l’Acte unique européen de 1986, le traité sur l’Union européenne de 1992, le traité d’Amsterdam de 1997 et le traité de Nice de 2000.

Le jour même de sa signature, le traité de Lisbonne a été soumis par le Président de la République à l’examen du Conseil constitutionnel qui a rendu sa décision quelques jours plus tard, le 20 décembre dernier. Sans surprise, le juge constitutionnel a conditionné l’autorisation de ratifier le traité de Lisbonne à une révision préalable de notre Constitution, comme cela avait été le cas en 2005 pour permettre l’organisation du référendum sur la Constitution européenne.

L’Assemblée nationale est ainsi saisie d’un projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution. Ce projet de loi comporte trois articles :

– l’article 1er modifie l’article 88-1 de la Constitution pour autoriser la République française à participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité de Lisbonne. Cette modification constitutionnelle est un préalable à la ratification du traité de Lisbonne ;

– l’article 2 concerne les modifications rédactionnelles apportées au titre XV de la Constitution à compter de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne ;

– l’article 3 abroge les dispositions caduques de la révision constitutionnelle de 2005 du fait de l’absence d’entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l’Europe.

L’examen du présent projet de loi constitutionnelle est une illustration des conséquences constitutionnelles de l’appartenance de la France à l’Union européenne. Les modifications proposées sont toutefois strictement limitées aux exigences posées par le Conseil constitutionnel, en attendant d’autres évolutions dans le cadre d’une future réforme des institutions.

Les principaux apports du Traité de Lisbonne

1. La clarification des principes fondateurs de l’Union

– Les Communautés européennes et l’Union européenne ne font plus qu’une : l’Union européenne, dotée de la personnalité juridique.

– Les valeurs et les objectifs de l’Union sont énoncés de façon simple et claire : la paix, le bien-être des peuples, un espace de liberté, de sécurité et de justice, le plein emploi, le progrès social, une économie sociale de marché hautement compétitive, la lutte contre l’exclusion sociale et les discriminations, la protection des citoyens.

– La répartition des compétences entre l’Union européenne et les Etats membres est clarifiée. En vertu du principe d’attribution, toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux Etats membres.

– L’action de l’Union doit respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité, lesquels sont soumis au contrôle politique des Parlements nationaux et au contrôle juridictionnel de la Cour de justice de l’Union européenne.

2. Un cadre institutionnel rénové

– Le Conseil européen devient une institution à part entière de l’Union européenne. Il est doté d’un président stable à plein temps élu pour un mandat de deux ans et demi renouvelable une fois. La fonction de Président du Conseil européen n’est pas compatible avec un mandat national.

– Le Parlement européen voit ses pouvoirs sensiblement renforcés par l’extension de la procédure législative ordinaire qui le met sur un pied d’égalité avec le Conseil de l’Union européenne.

– La Commission européenne verra, à partir de 2014, sa composition réduite à un nombre de commissaires égal aux deux tiers du nombre d’Etats membres (soit 18 dans une Union à 27), selon un principe de rotation égalitaire entre les pays.

– Le Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité aura désormais une double casquette : il sera à la fois le mandataire du Conseil pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et vice-président de la Commission pour les relations extérieures. La cohérence de l’action externe de l’Union devrait s’en trouver renforcée.

– Un mode de décision plus démocratique et plus efficace qui renforcera la capacité de l’Union à décider et à agir. A partir du 1er novembre 2014, la majorité dite « qualifiée » correspondra à 55 % des Etats représentant 65 % de la population. Une minorité de blocage devra inclure au moins 4 Etats membres. Toutefois, un protocole sur les dispositions transitoires prévoit qu’entre le 1er novembre 2014 et le 31 mars 2017, tout État pourra demander à revenir aux règles de vote du traité de Nice pour un vote particulier. Pendant cette période, le « compromis de Ioannina » restera applicable. Il signifie que lorsque la minorité de blocage est presque atteinte, la discussion doit se poursuivre pour essayer de parvenir à un quasi-consensus.

3. De nouveaux droits pour les citoyens

– La citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas.

– La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, sans être reproduite dans le traité, acquiert une pleine valeur juridique, ce qui signifie qu’elle devient opposable. Les citoyens européens pourront ainsi s’en prévaloir devant un juge pour faire annuler des actes pris par les institutions de l’Union ou par les Etats membres pour la mise en œuvre de la législation européenne.

– La création d’un droit d’initiative citoyenne permettra à au moins un million de citoyens originaires d’un nombre significatif d’Etats membres de prendre l’initiative de demander à la Commission de soumettre toute proposition appropriée sur les questions qui leur paraissent nécessiter l’élaboration d’un acte juridique pour la mise en œuvre des traités. Le traité de Lisbonne renvoie à un règlement européen les modalités de mise en œuvre de ce nouveau droit (article 24 TFUE).

– Le Conseil de l’Union siège obligatoirement en public lorsqu’il délibère et vote la législation européenne.

– L’espace de liberté, de sécurité et de justice sera renforcé grâce à une coopération européenne accrue au niveau judiciaire en matière civile et pénale. Des définitions communes des euro-crimes (terrorisme, blanchiment, traite des êtres humains, trafic d’armes, criminalité organisée, etc.) pourront être adoptées. Le traité de Lisbonne ouvre également la possibilité de créer un Parquet européen.

4. De nouveaux droits pour les Parlements nationaux

– Un article du traité de Lisbonne est spécifiquement consacré au rôle des Parlements nationaux qui « contribuent activement au bon fonctionnement de l’Union ». Le protocole sur le rôle des Parlements nationaux consacre le droit à l’information des Parlements nationaux ainsi que « leur capacité à exprimer leur point de vue sur les projets d’actes législatifs de l’Union ainsi que sur d’autres questions qui peuvent présenter pour eux un intérêt particulier ».

– Des prérogatives nouvelles leur sont reconnues pour contrôler le respect du principe de subsidiarité, à travers un mécanisme d’alerte précoce ainsi que la possibilité de saisir directement la Cour de justice de l’Union européenne de recours pour violation, par un acte législatif européen, du principe de subsidiarité.

– Chaque Parlement national pourra s’opposer à la procédure de révision simplifiée des traités ainsi qu’à l’activation de la clause passerelle en matière de coopération judiciaire civile (aspects du droit de la famille ayant une incidence transfrontière).

5. Une Europe protectrice face à la mondialisation

– Pour la première fois, l’Union se donne pour objectif de protéger ses citoyens dans le cadre de la mondialisation.

– Une clause sociale générale impose de prendre en compte les « exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale ainsi qu’à un niveau d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine » dans la définition et dans la mise en œuvre de l’ensemble des politiques de l’Union.

– Les services publics à caractère économique (dénommés « services d’intérêt économique général ») sont inscrits dans le traité, ce qui donne un fondement juridique aux institutions de l’Union pour définir les principes et les conditions qui régissent leur mise en place et leur fonctionnement, dans le respect de la compétence des États. Quant aux services publics administratifs, ils demeurent de la compétence exclusive des États membres.

6. Des progrès en matières de politique étrangère et de sécurité commune, au service d’un rôle accru de l’Europe dans le monde

– La création d’un Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui s’appuiera sur un nouveau service européen d’action extérieure, permettra de renforcer la cohérence de l’action extérieure de l’Union.

– Une « clause de défense mutuelle » est instaurée, en vertu de laquelle si l’un des Etats membres de l’Union européenne fait l’objet d’une agression, les autres ont un devoir d’assistance à son égard.

– Une « clause de solidarité » assigne à l’Union et à chaque Etat membre le devoir de porter assistance, par tous les moyens, à un Etat membre touché par une catastrophe d’origine humaine ou naturelle ou par une attaque terroriste.

– Dans le domaine de la défense, le traité de Lisbonne consacre l’existence de l’Agence européenne de défense et introduit la « coopération structurée permanente », ouverte aux Etats qui s’engageront à participer aux principaux programmes européens d’équipement militaire et à fournir des unités de combat immédiatement disponibles pour l’Union européenne.

Constitution européenne / Traité de Lisbonne :
Quelles différences ?

1. Le traité de Lisbonne abandonne la démarche constitutionnelle. Alors que la Constitution européenne proposait d’abroger l’ensemble des traités actuels et de les remplacer par un texte unique, le traité de Lisbonne se borne à modifier les traités existants, d’où son appellation de « traité modificatif ».

2. Les symboles de l’Union (drapeau, hymne, devise) ne sont plus mentionnés dans le traité. De même, les termes de « Constitution », de « ministre européen des Affaires étrangères », de « lois » et de « lois-cadres » ne sont pas repris par le traité de Lisbonne. Il n’est également plus fait explicitement mention du principe de primauté du droit de l’Union sur le droit des Etats membres.

3. La « concurrence libre et non faussée » ne figure plus dans la liste des objectifs de l’Union. Loin d’être un objectif en soi, elle n’est qu’un outil parmi d’autres, au service des consommateurs.

4. Les services publics à caractère économique sont protégés par un nouveau protocole qui a la même valeur juridique que les traités. En outre, l’Union pourra adopter un règlement sur les services d’intérêt économique général pour garantir leurs conditions de fonctionnement. Celles-ci seront définies de façon positive, et non plus par exception aux règles de la concurrence.

5. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne figure plus dans le texte même des traités, mais se trouve inscrite par le biais d’un renvoi, à l’article 6 du Traité sur l’Union européenne. Un protocole soustrait le Royaume-Uni et la Pologne à l’application de la Charte.

6. La nouvelle règle de majorité qualifiée (55 % des Etats représentant 65 % de la population) n’entrera en vigueur qu’à partir du 1er novembre 2014 (au lieu de 2009 dans le traité constitutionnel). Du 1er novembre 2014 au 31 mars 2017, tout État pourra demander à revenir aux règles de vote du traité de Nice pour un vote particulier. Le « compromis de Ioannina » est maintenu, ce qui signifie que lorsque la minorité de blocage est presque atteinte, la discussion doit se poursuivre pour essayer de parvenir à un quasi-consensus.

7. Le plafond du nombre des membres du Parlement européen passe de 750 à 751, ce siège supplémentaire étant attribué à l’Italie.

8. La Banque centrale européenne figure désormais dans la liste des institutions de l’Union, ce qui lui rend applicable le principe de « coopération loyale » entre institutions.

9. Un article spécifique est désormais consacré au rôle des Parlements nationaux, lesquels « contribuent activement au bon fonctionnement de l’Union ».

10. Le régime général des coopérations renforcées est légèrement modifié : le seuil requis pour les déclencher passe d’un tiers des Etats membres à neuf.

11. Le traité de Lisbonne mentionne la lutte contre le changement climatique parmi les objectifs de l’Union en matière de politique de l’environnement.

12. Le traité de Lisbonne étend à l’ensemble de la coopération judiciaire en matière pénale et de la coopération policière ainsi qu’au développement de l’acquis de Schengen l’ « opt out » dont bénéficient le Royaume-Uni et l’Irlande.

I – LES CONSÉQUENCES CONSTITUTIONNELLES DE L’APPARTENANCE DE LA FRANCE À L’UNION EUROPÉENNE

Si la construction européenne n’a eu aucun impact sur la Constitution française jusqu’en 1992, la ratification du traité de Maastricht a marqué le début d’un cycle de révisions constitutionnelles liées à l’appartenance de la France à l’Union européenne. En quinze ans, la Constitution a en effet été modifiée à quatre reprises pour permettre l’approfondissement du projet européen.

A – Les adaptations successives de la Constitution française à la construction de l’Europe

En application de l’article 54 de la Constitution de 1958, « lorsqu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de le ratifier ou de l’approuver ne peut intervenir qu’après la révision de la Constitution ». Il appartient au Président de la République, au Premier ministre, au Président de l’Assemblée nationale ou du Sénat, à soixante députés ou à soixante sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel de la conformité des traités à la Constitution. Cette saisine n’est toutefois pas obligatoire, et le juge constitutionnel ne dispose pas du pouvoir de s’autosaisir.

1) Les évolutions constitutionnelles liées aux approfondissements successifs de la construction européenne

Jusqu’en 1992, la participation de la France à la construction européenne ne s’était accompagnée d’aucune modification constitutionnelle, jamais un traité européen n’ayant jusqu’à cette date été soumis au contrôle de constitutionnalité. En effet, le traité de Paris instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) et les deux traités de Rome créant la Communauté économique européenne (CEE) et l’Euratom sont entrés en vigueur sous la IVe République (1). Quant au traité de Bruxelles de 1965 et à l’Acte unique de 1987, ils n’ont pas été déférés au Conseil constitutionnel et sont donc entrés en vigueur sans que la question de leur constitutionnalité ait été posée.

C’est avec le traité de Maastricht, signé en 1992, que la Ve République a progressivement amorcé sa mue européenne. Il a en effet fallu attendre la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 1992 sur le traité sur l’Union européenne pour que la Constitution française et la construction européenne ne s’ignorent plus.

Le traité de Maastricht et la Constitution française

Le Conseil constitutionnel a été saisi à deux reprises du traité de Maastricht.

Il a été saisi une première fois le 11 mars 1992 par le Président François Mitterrand, conformément à la procédure de l’article 54 de la Constitution, de la question de savoir si l’autorisation de ratifier ce traité devait être précédée d’une révision de la Constitution. Dans sa décision du 9 avril 1992 (n°92-308 DC), le juge constitutionnel a considéré qu’une révision constitutionnelle était nécessaire.

La Constitution a ainsi été révisée en juin 1992 par la loi constitutionnelle n°92-554 du 25 juin 1992. Cette révision est allée au-delà de ce qu’exigeait le traité de Maastricht puisque, outre l’insertion d’un titre spécifique sur les Communautés européenne et l’Union européenne, elle a également modifié l’article 54 de la Constitution relatif au contrôle de conformité à la Constitution des engagements internationaux. La possibilité de saisir le Conseil constitutionnel d’un engagement international a en effet été élargie à 60 députés ou 60 sénateurs, à l’instar de la procédure en vigueur depuis la révision constitutionnelle d’octobre 1974 sur le contrôle de constitutionnalité des lois.

Cette faculté nouvelle a été immédiatement utilisée à propos du même Traité de Maastricht, qu’un groupe de 70 sénateurs a déféré une seconde fois au Conseil constitutionnel le 14 août 1992, afin que celui-ci vérifie que la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 avait effectivement supprimé tous les éléments d’incompatibilité entre ce Traité et la Constitution. 

Par sa décision du 2 septembre 1992 (n°92-312 DC), le Conseil constitutionnel a alors considéré que le traité de Maastricht ne comportait pas de clause contraire à la Constitution telle que révisée en juin 1992.

Le référendum autorisant la ratification du traité de Maastricht s’est ainsi tenu le 20 septembre 1992.

Soumis au contrôle du Conseil constitutionnel, les traités de Maastricht (1992) et d’Amsterdam (1997) ne sont entrés en vigueur qu’au prix d’une révision constitutionnelle. Il en aurait été de même du traité établissant une Constitution pour l’Europe si le processus de ratification avait été mené à son terme. En revanche, le traité de Nice – conclu en décembre 2000 sous présidence française de l’Union européenne, en période de cohabitation – n’a fait l’objet d’aucun contrôle de constitutionnalité.

Chronologie des traités européens

Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA)

Signé à Paris le 18 avril 1951 et entré en vigueur le 23 juillet 1952 pour une durée limitée à 50 ans. Le traité instituant la CECA a expiré le 23 juillet 2002.

Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne (CEE)

Signé à Rome le 25 mars 1957 et entré en vigueur au début de l’année 1958 pour une durée illimitée.

Traité de Rome instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom)

Signé à Rome le 25 mars 1957 et entré en vigueur au début de l’année 1958 pour une durée illimitée

Traité de fusion

Signé à Bruxelles le 8 avril 1965 et entré en vigueur le 1er juillet 1967. Les trois communautés alors distinctes (CECA, CEE et Euratom) sont placées sous l’autorité d’une Commission et d’un Conseil uniques.

Acte unique européen

Signé à Luxembourg (le 17 février 1986) et à La Haye (le 28 février 1986), il est entré en vigueur le 1er juillet 1987. L’acte unique européen amende le traité de Rome (CEE) pour permettre la réalisation d’un marché unique sans frontières intérieures et introduit une nouvelle forme de coopération en matière de politique étrangère.

Traité de Maastricht

Signé le 7 février 1992 et entré en vigueur le 1er novembre 1993, il institue l’Union européenne. Le traité de Maastricht renomme la Communauté économique européenne qui devient la Communauté européenne. Ce traité prévoit également de nouvelles formes de coopération dans les domaines de la défense et de la justice et des affaires intérieures.

Traité d’Amsterdam

Signé le 2 octobre 1997, il entre en vigueur le 1er mai 1999. Il modifie le traité de Rome (CEE) et le traité de Maastricht créant l’Union européenne.

Traité de Nice

Signé le 26 février 2001, il entre en vigueur le 1er février 2003. Le traité modifie l’architecture institutionnelle en vue de l’élargissement de l’Union à l’Est (pays d’Europe centrale et orientale) et au Sud (Chypre et Malte).

Traité établissant une Constitution
pour l’Europe

Signé à Rome le 29 octobre 2004, ce traité n’est jamais entré en vigueur, deux Etats membres (la France et les Pays-Bas) s’étant prononcés contre sa ratification.

Traité de Lisbonne

Signé à Lisbonne le 13 décembre 2007, il entrera en vigueur le 1er janvier 2009 à condition d’avoir préalablement été ratifié par les 27 Etats signataires.

Le traité de Lisbonne modifie deux traités :

– le traité sur l’Union européenne (TUE). Il s’agit du traité de Maastricht signé en 1992 et modifié depuis par les traités d’Amsterdam et de Nice ;

– le traité de Rome instituant la Communauté européenne, signé en 1957 et modifié à de nombreuses reprises par l’Acte unique et les traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice. Le traité de Lisbonne change l’appellation de ce traité qui devient le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

En l’absence de mécanisme de contrôle de constitutionnalité par voie d’exception, la vérification a posteriori de la conformité à la Constitution des traités européens non soumis à l’examen du Conseil constitutionnel n’est plus possible. Le juge constitutionnel a en effet précisé dans sa décision du 19 novembre 2004 – ce qu’il vient de confirmer dans sa récente décision du 20 décembre 2007 relative au traité de Lisbonne – qu’il se refusait à contrôler la conformité à la Constitution des stipulations des traités qui reprennent des engagements antérieurement souscrits par la France (2). Il s’agit là de l’application du principe « Pacta sunt servanda » qui signifie, en matière de droit international, que les Etats parties à un traité ne peuvent se prévaloir d’obstacles posés par leur ordre juridique interne pour éviter d’exécuter leurs obligations internationales (3) .

Néanmoins, le juge constitutionnel français conserve une interprétation souple du principe « Pacta sunt servanda » dès lors qu’en cas de conflit de normes, il continue de faire primer la Constitution sur le droit communautaire (primaire et dérivé), même si une évolution jurisprudentielle récente sur les lois de transposition des directives tire les conséquences juridiques de la participation de la France à la construction européenne.

En effet, la révision constitutionnelle de 1992 a donné un fondement constitutionnel spécifique à la construction européenne, un nouvel article 88-1 énonçant que « la République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences ». Dans sa décision du 10 juin 2004 (4), le Conseil constitutionnel a déduit de cette disposition que « la transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle ». Le Conseil constitutionnel a toutefois réservé l’hypothèse où les dispositions communautaires en cause seraient contraires à une règle ou à un principe « inhérent à l’identité constitutionnelle de la France », par exemple le principe de laïcité. Si peu fréquentes que soient les hypothèses dans lesquelles elle pourrait jouer, cette réserve n’en est pas moins une exception au consentement donné par le Constituant à la transposition du droit de l’Union.

2) La caducité partielle de la révision constitutionnelle préalable au référendum du 29 mai 2005 sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe

Inséré dans la Constitution par la loi constitutionnelle du 25 juin 1992, le titre XV intitulé « Des communautés européennes et de l’Union européenne » a depuis cette date été modifié à trois reprises :

– en 1999, pour autoriser la ratification du traité d’Amsterdam ;

– en 2003, pour autoriser la ratification de la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen (5) ;

– en 2005, pour autoriser la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe.

Le tableau comparatif ci-après présente les modifications rédactionnelles successivement apportées au titre XV ; la colonne de droite correspond au texte constitutionnel actuellement en vigueur. Pour tenir compte des décisions du Conseil constitutionnel, les autorisations de ratifier les traités de Maastricht, d’Amsterdam puis le traité établissant une Constitution pour l’Europe ont nécessité de mentionner explicitement la participation de la France aux Communautés et à l’Union européenne selon les modalités fixées par lesdits traités.

La révision constitutionnelle du 1er mars 2005 a toutefois présenté la particularité de comporter deux volets : l’un transitoire, l’autre permanent. Le volet transitoire, du jour de la révision constitutionnelle jusqu’à l’entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l’Europe, autorisait la France à participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité constitutionnel, ce qui rendait possible la ratification dudit traité. Quant au volet permanent, dont l’application était subordonnée à l’entrée en vigueur du traité constitutionnel, il tirait les conséquences constitutionnelles des nouveaux droits conférés par ce traité aux parlements nationaux.

L’absence d’entrée en vigueur du traité constitutionnel européen rend la révision constitutionnelle du 1er mars 2005 caduque à un double titre :

– d’abord dans son volet transitoire, puisque l’article 88-1 dans sa rédaction actuelle fait référence à un traité qui n’entrera jamais en vigueur ;

– ensuite dans son volet permanent, subordonné à l’entrée en vigueur du traité constitutionnel.

Par sa décision du 20 décembre 2007, le Conseil constitutionnel a de fait admis la caducité de cette révision constitutionnelle en considérant que l’autorisation donnée par le Constituant à la République à l’article 88-1 al. 2 de « participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l’Europe signé le 29 octobre 2004 » ne pouvait valoir pour un traité différent.

ÉVOLUTIONS RÉDACTIONNELLES DU TITRE XV DE LA CONSTITUTION (1992-2005)

1992

Loi constitutionnelle no 92-554
du 25 juin 1992 ajoutant à la Constitution un titre:
<< Des Communautés européennes et de l’Union européenne >>

1999

Loi constitutionnelle no 99-49
du 25 janvier 1999 modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution

2003

Loi constitutionnelle n° 2003-267
du 25 mars 2003 relative au mandat d’arrêt européen

2005 (texte en vigueur)

Loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution

TITRE XIV1

DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

ET DE L’UNION EUROPEENNE

Art. 88-1. - La République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences.




Art. 88-2. - Sous réserve de réciprocité, et selon les modalités prévues par le Traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’union économique et monétaire européenne ainsi qu’à la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures des Etats membres de la Communauté européenne.


Art. 88-3. - Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d’application du présent article.

Art. 88-4. - Le Gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil des Communautés, les propositions d’actes communautaires comportant des dispositions de nature législative.








Pendant les sessions ou en dehors d’elles, des résolutions peuvent être votées dans le cadre du présent article, selon des modalités déterminées par le règlement de chaque assemblée.

(1) : Ce titre, qui portait initialement le n°XIV est devenu le titre XV du fait de l’article 3 de la loi constitutionnelle n°93-952 du 27 juillet 1993.

TITRE XV

DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

ET DE L’UNION EUROPEENNE

Art. 88-1. - La République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences.




Art. 88-2. - Sous réserve de réciprocité, et selon les modalités prévues par le Traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’union économique et monétaire européenne. ainsi qu’à la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures des Etats membres de la Communauté européenne.

Sous la même réserve et selon les modalités prévues par le Traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction issue du traité signé le 2 octobre 1997,peuvent être consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés.


Art. 88-3. - Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d’application du présent article.

Art. 88-4. - Le Gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil des Communautés, de l’Union européenne, les projets ou les propositions d’actes communautaires des Communautés européennes et de l’Union européenne comportant des dispositions de nature législative. Il peut également leur soumettre les autres projets ou propositions d’actes ainsi que tout document émanant d’une institution de l’Union européenne.

Pendant les sessions ou en dehors d’elles, Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions peuvent être votées dans le cadre du présent article, selon des modalités déterminées par le règlement de chaque assemblée le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets, propositions ou documents mentionnés à l’alinéa précédent.

TITRE XV

DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

ET DE L’UNION EUROPEENNE

Art. 88-1. - La République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences.




Art. 88-2. - Sous réserve de réciprocité, et selon les modalités prévues par le Traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’union économique et monétaire européenne.

Sous la même réserve et selon les modalités prévues par le Traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction issue du traité signé le 2 octobre 1997, peuvent être consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés.


La loi fixe les règles relatives au mandat d’arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du Traité sur l’Union européenne.

Art. 88-3. - Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d’application du présent article.

Art. 88-4. - Le Gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l’Union européenne, les projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne comportant des dispositions de nature législative. Il peut également leur soumettre les autres projets ou propositions d’actes ainsi que tout document émanant d’une institution de l’Union européenne.

Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions peuvent être votées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets, propositions ou documents mentionnés à l’alinéa précédent.

TITRE XV

DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

ET DE L’UNION EUROPEENNE

Art. 88-1. - La République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences.

Elle peut participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l’Europe signé le 29 octobre 2004.

Art. 88-2. - Sous réserve de réciprocité, et selon les modalités prévues par le Traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’union économique et monétaire européenne.

Sous la même réserve et selon les modalités prévues par le Traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction issue du traité signé le 2 octobre 1997, peuvent être consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés.

La loi fixe les règles relatives au mandat d’arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du Traité sur l’Union européenne.

Art. 88-3. - Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d’application du présent article.

Art. 88-4. - Le Gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l’Union européenne, les projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne comportant des dispositions de nature législative. Il peut également leur soumettre les autres projets ou propositions d’actes ainsi que tout document émanant d’une institution de l’Union européenne.

Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions peuvent être votées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets, propositions ou documents mentionnés à l’alinéa précédent.

Art. 88-5. - Tout projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un Etat à l’Union européenne et aux Communautés européennes est soumis au référendum par le Président de la République.

B – La décision du Conseil constitutionnel du 20 décembre 2007 relative au traité de Lisbonne confirme et précise celle du 19 novembre 2004 relative au traité établissant une Constitution pour l’Europe

Saisi le 13 décembre 2007 par le Président de la République en application de l’article 54 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision une semaine plus tard, le 20 décembre 2007.

Le travail préparatoire du juge constitutionnel l’a conduit à comparer trois traités :

– les textes actuellement en vigueur, du traité sur l’Union européenne (TUE) et du traité instituant la Communauté européenne (TCE) dans leur rédaction issue du traité de Nice de 2001 ;

– le traité établissant une Constitution pour l’Europe du 29 octobre 2004 (TECE), qui n’a pu entrer en vigueur à la suite de l’absence de ratification par la France et les Pays-Bas ;

– le traité de Lisbonne du 13 décembre 2007, qui modifie le TUE et le TCE en renommant ce dernier « traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

1) Les dispositions du traité de Lisbonne qui n’appellent pas de révision de la Constitution

a) Les dispositions du traité de Lisbonne qui reprennent des engagements antérieurement souscrits par la France

Conformément au principe « Pacta sunt servanda », le Conseil constitutionnel a soustrait au contrôle de conformité à la Constitution les stipulations du traité de Lisbonne reprenant des engagements antérieurement souscrits par la France (6).

Il faut toutefois préciser que les dispositions du traité établissant une Constitution pour l’Europe ne font pas partie des engagements souscrits par la France, dès lors que ce traité, dont l’autorisation de ratification a été refusée par le peuple français, n’est jamais entré en vigueur. Les textes de référence sur lequel s’est fondé le Conseil constitutionnel pour opérer son contrôle sont ainsi les traités européens (traité sur l’Union européenne et traité instituant la Communauté européenne) dans leur version issue du traité de Nice.

Néanmoins, le Conseil constitutionnel a systématiquement renvoyé à sa décision du 19 novembre 2004 pour les dispositions du traité de Lisbonne qui reprennent à l’identique celles du TECE. C’est ainsi que le juge constitutionnel n’a statué de façon explicite que sur les seules dispositions du traité de Lisbonne qui ne figuraient ni dans les traités de 2001 (i.e dans leur version résultant du traité de Nice), ni dans le traité établissant une Constitution pour l’Europe de 2004.

b) Les dispositions relatives aux droits fondamentaux de l’Union

A l’instar de ce qu’il avait jugé dans sa décision du 19 novembre 2004 sur le TECE, le Conseil constitutionnel a considéré que ni la reconnaissance à la Charte des droits fondamentaux de l’Union d’une pleine valeur juridique, ni l’adhésion future de l’Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) n’étaient contraires à la Constitution.

Si la Charte des droits fondamentaux de l’Union n’est pas reprise directement dans le traité – comme c’était le cas auparavant dans la partie II du TECE –, l’article 6 TUE (dans sa rédaction issue du traité de Lisbonne) qui y renvoie lui donne la même portée juridique. Son texte a été adapté (7), sur la forme uniquement, et solennellement proclamé le 12 décembre 2007 à Strasbourg par le Parlement européen, le Conseil et la Commission. En l’espèce, le Conseil constitutionnel s’est fondé sur le fait que les dispositions de la Charte n’étendent en aucune manière les compétences de l’Union telles que définies dans les traités (cf. art. 6 TUE). Reprenant l’argumentation qu’il avait développée dans sa décision du 19 novembre 2004, il a considéré que la Charte n’appelait de révision de la Constitution « ni par le contenu de ses articles, ni par ses effets sur les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ».

En ce qui concerne l’adhésion de l’Union européenne à la CEDH visée à art. 6 § 2 TUE, le Conseil estime qu’elle n’appelle pas de révision constitutionnelle dès lors que le nouvel article 218 § 8 TFUE prévoit que la décision portant conclusion de l’accord portant adhésion de l’Union à ladite convention entrera en vigueur après son approbation par les Etats membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Dans le cas de la France, cette référence renvoie à l’autorisation législative prévue par l’article 53 de la Constitution.

c) La référence au principe de primauté

Il convient par ailleurs de signaler qu’à la différence du traité établissant une Constitution pour l’Europe, le traité de Lisbonne ne comporte plus de référence au principe de primauté du droit de l’Union sur le droit des États membres. Le Conseil constitutionnel n’a donc pas eu à se prononcer à nouveau sur le principe de primauté, d’origine jurisprudentielle, comme il l’avait fait dans sa décision du 19 novembre 2004, en concluant alors à sa conformité à la Constitution

2) Les dispositions du traité de Lisbonne qui nécessitent une révision de la Constitution

a) Les clauses du traité qui opèrent, au profit de l’Union européenne, des transferts de compétences mettant en cause les conditions essentielles de la souveraineté nationale

Par sa décision du 20 décembre 2007, le Conseil constitutionnel reprend un raisonnement identique à celui qu’il avait tenu dans sa décision du 19 novembre 2004 sur le TECE. Il estime en effet qu’appellent une révision constitutionnelle les clauses du traité de Lisbonne qui opèrent, au profit de l’Union européenne, des transferts de compétences mettant en cause les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale (8).

Un transfert de compétence correspond à de nouvelles modalités de prise de décision : il peut s’agir de l’application de la procédure législative ordinaire à des domaines nouveaux, qui confère un pouvoir de décision au Parlement européen. Cela peut également concerner le passage à la majorité qualifiée – immédiat ou différé – à des domaines jusqu’alors régis par la règle de l’unanimité, privant ainsi la France de tout pouvoir d’opposition.

Dans sa décision du 20 décembre 2007, le Conseil a renvoyé à sa motivation utilisée dans sa décision du 19 novembre 2004 pour les dispositions du traité de Lisbonne identiques à celles du TECE. Il a en revanche statué de façon explicite sur les dispositions nouvelles du traité de Lisbonne. En d’autres termes, les motivations figurant dans la décision du 20 décembre 2007 sont limitées aux seuls cas où le Conseil constitutionnel a constaté des différences rédactionnelles entre le traité établissant une Constitution pour l’Europe et le traité de Lisbonne.

Le Conseil constitutionnel a distingué quatre cas de figure :

– les transferts de compétence intervenant dans des matières nouvelles ;

– les modalités nouvelles d’exercice de compétences déjà transférées, applicables dès l’entrée en vigueur du traité ;

– le passage à la majorité qualifiée en vertu d’une décision européenne ultérieure ;

– les procédures de révision simplifiée.

En comparaison avec le TECE, le traité de Lisbonne ne transfère pas à l’Union d’autres compétences intervenant dans des matières régaliennes nouvelles. Il ne retire par ailleurs aucune des matières transférées par le TECE. Pour autant il existe des différences de rédaction, qui concernent les articles 77, 81, 82 et 83 TFUE. Mais aucune de ces différences rédactionnelles ne pose de question de constitutionnalité nouvelle.

En ce qui concerne la création possible d’un parquet européen par une décision du Conseil prise à l’unanimité, le Conseil constitutionnel avait jugé dans sa décision du 19 novembre 2004 que cette disposition appelait une révision constitutionnelle, indépendamment de la procédure décisionnelle suivie, eu égard à la portée qu’elle revêt pour l’exercice de la souveraineté nationale. Le traité de Lisbonne prévoit un mécanisme pour surmonter l’absence d’unanimité (art. 86 §1) en permettant, sous certaines conditions, à un groupe de neuf Etats membres d’instaurer entre eux une coopération renforcée dans ce domaine. La révision de la Constitution, qui était nécessaire avec le TECE, le demeure avec le traité de Lisbonne.

S’agissant enfin des clauses passerelles qui permettent le passage à la majorité qualifiée en vertu d’une décision européenne ultérieure prise à l’unanimité, le Conseil constitutionnel a relevé que le traité de Lisbonne modifiait les modalités de mise en œuvre de l’une d’entre elles, en matière de droit de la famille, en permettant à tout Parlement national de s’opposer à sa mise en œuvre (art. 81 §3). Ce changement appelle une révision constitutionnelle en ce qu’il confère une prérogative nouvelle au Parlement français (considérant n°32).

b) Les pouvoirs nouveaux reconnus aux Parlements nationaux

Les dispositions relatives aux Parlements nationaux introduites dans le traité de Lisbonne et dans les protocoles qui lui sont annexés accroissent le pouvoir de contrôle exercé par les Parlements nationaux sur l’exercice des politiques européennes.

L’article 12 TUE synthétise le rôle dévolu aux Parlements nationaux dans l’Union européenne :

Article 12 TUE

Les parlements nationaux contribuent activement au bon fonctionnement de l’Union :

a) en étant informés par les institutions de l’Union et en recevant notification des projets d’actes législatifs européens conformément au protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne ;

b) en veillant au respect du principe de subsidiarité conformément aux procédures prévues par le protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité ;

c) en participant, dans le cadre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, aux mécanismes d’évaluation de la mise en oeuvre des politiques de l’Union dans cet espace, conformément à l’article 70 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et en étant associés au contrôle politique d’Europol et à l’évaluation des activités d’Eurojust, conformément aux articles 88 et 85 dudit traité ;

d) en prenant part aux procédures de révision des traités, conformément à l’article 48 du présent traité ;

e) en étant informés des demandes d’adhésion à l’Union, conformément à l’article 49 du présent traité ;

f) en participant à la coopération interparlementaire entre parlements nationaux et avec le Parlement européen, conformément au protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne.

Parmi les nouveaux pouvoirs reconnus aux Parlements nationaux – le cas échéant à chaque chambre d’un Parlement national –, le Conseil constitutionnel a jugé que les prérogatives suivantes nécessitaient une révision constitutionnelle :

– Le droit reconnu au Parlement français de s’opposer à la mise en œuvre de la révision simplifiée des traités – également appelée « clause passerelle » –, dans les conditions prévues à l’article 48 TUE, lesquelles reprennent en substance l’article IV-444 du TECE. La procédure de révision simplifiée permet au Conseil européen, statuant à l’unanimité, d’adopter une décision autorisant le Conseil à statuer à la majorité qualifiée dans un domaine jusqu’alors régi par la règle de l’unanimité (9). Le Conseil européen peut également adopter une décision faisant passer l’adoption d’un acte législatif européen d’une procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire.

– Le droit reconnu au Parlement français, conformément à l’article 81 § 3 TFUE, de s’opposer, dans un délai de six mois, à l’adoption parle Conseil d’une décision soumettant certains aspects du droit de la famille ayant une incidence transfrontière non plus à une procédure législative spéciale mais à la procédure législative ordinaire.

– Les nouveaux droits reconnus à l’Assemblée nationale et au Sénat en matière de contrôle du respect du principe de subsidiarité. Le protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité annexé au traité de Lisbonne reprend les dispositions du protocole n°2 annexé au TECE, mais en modifie la substance en vue de renforcer le rôle des Parlements nationaux. Il allonge ainsi le délai d’examen des projets d’actes législatifs par les parlements nationaux de six à huit semaines et ajoute une procédure de contrôle renforcé de la subsidiarité s’agissant des projets d’actes européens soumis à la procédure législative ordinaire.

Les modalités de contrôle du respect du principe de subsidiarité
par les Parlements nationaux

Le carton jaune

– Tout parlement national peut dans un délai de huit semaines (au lieu de six dans le TECE) à compter de la transmission d’un projet d’acte législatif, adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé exposant les raisons pour lesquelles il estime que le projet en cause n’est pas conforme au principe de subsidiarité. Il appartient par ailleurs à chaque Parlement national ou à chaque chambre de consulter, le cas échéant, les assemblées régionales dotées de compétences législatives.

– Les institutions dont émanent les projets d’actes législatifs tiennent compte des avis motivés adressés par les Parlements nationaux, chaque parlement national disposant de deux voix, une pour chacune des deux chambres dans un système bicaméral. Le projet est réexaminé si les avis motivés sur le non-respect du principe de subsidiarité représentent au moins un tiers des voix attribuées aux parlements nationaux, un quart s’agissant de dispositions prises au titre de l’article 76 TFUE (coopération administrative dans les domaines de la coopération policière et judiciaire en matière pénale). Après réexamen l’institution de laquelle émane le projet d’acte peut le maintenir, le retirer ou le modifier en motivant sa décision.

Le carton orange

– Une procédure de contrôle renforcée est introduite s’agissant des projets d’actes régis par la procédure législative ordinaire. Si des avis motivés émanent d’au moins la moitié des voix attribuées aux Parlements nationaux (et non un tiers ou un quart), l’examen du projet d’acte législatif n’est pas poursuivi dès lors que 55 % des membres du Conseil ou une majorité des voix exprimées au Parlement européen sont d’avis que celui-ci n’est pas compatible avec le principe de subsidiarité.

Le carton rouge

– La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour se prononcer sur les recours pour violation du principe de subsidiarité effectués par un Etat membre au nom de son Parlement national ou de l’une de ses chambres.

Le Conseil Constitutionnel a considéré, pour les mêmes raisons que celles mentionnées dans sa décisions du 19 novembre 2004 sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe, que ces nouvelles prérogatives reconnues aux parlement français en matière de contrôle du principe de subsidiarité, appelaient une révision de la Constitution.

II - UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE LIMITÉE AUX EXIGENCES POSÉES PAR LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Le présent projet de loi constitutionnelle reprend la substance de la révision constitutionnelle de 2005 qui n’a pu entrer en vigueur faute de ratification du TECE. Cette révision est limitée à ce qui est strictement nécessaire pour autoriser la ratification du traité de Lisbonne.

A – Une reprise de la révision constitutionnelle caduque de 2005

1) Les modifications apportées au titre XV de la Constitution

A l’instar de la révision constitutionnelle du 1er mars 2005, le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution présente la particularité de modifier notre Constitution en deux temps.

a) Jusqu’à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne

Ce projet contient tout d’abord des dispositions qui ont pour objet de permettre l’examen par le Parlement du projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne. C’est pourquoi l’article 1er du texte du Gouvernement remplace, au second alinéa de l’article 88-1, l’actuelle référence au « traité établissant une Constitution pour l’Europe signé le 29 octobre 2004 » par une phrase indiquant que la France « peut participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne signé le 13 décembre 2007 ». L’utilisation du verbe « pouvoir » souligne que la participation à une Union régie par le traité de Lisbonne suppose, à l’évidence, que celui-ci entre en vigueur, c’est-à-dire qu’il ait été ratifié par chacun des 27 Etats membres.

b) A compter de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne

L’article 2 du projet de loi constitutionnelle comporte les dispositions qui n’entreront en vigueur qu’à compter de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, envisagée au 1er janvier 2009. Le titre XV de la Constitution portant actuellement sur les Communautés et l’Union européenne serait alors refondu, l’article 88-1 disposant désormais que la République « participe » à l’Union européenne dans les conditions fixées par le traité de Lisbonne. Il s’agirait alors non plus d’une possibilité mais d’une réalité juridique. Les références aux traités de Maastricht et d’Amsterdam (art. 88-2 alinéas 2 et 3) devenant alors sans objet seraient supprimées.

En cas d’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, trois modifications substantielles seraient alors apportées au titre XV de la Constitution, qui concerneraient :

– L’extension du champ d’application de l’article 88-4 – qui permet à l’Assemblée nationale et au Sénat de voter des résolutions non contraignantes sur les projets de textes européens – à l’ensemble des projets d’actes législatifs au sens européen du terme et non plus aux seuls projets ou propositions d’actes européens comportant, selon le droit français, des dispositions de nature législative. En effet, la distinction opérée par la Constitution française entre domaine législatif et réglementaire n’est pas pertinente au niveau européen. Il serait paradoxal que l’Assemblée nationale et le Sénat ne puissent pas se prononcer, au titre de l’article 88-4, sur des projets d’actes législatifs qui leur seront pourtant désormais automatiquement transmis par les institutions de l’Union européenne dans le cadre de la nouvelle procédure de contrôle du respect du principe de subsidiarité.

Il faut toutefois préciser qu’actuellement, les projets d’actes législatifs européens qui ne relèvent pas en droit français du domaine de la loi peuvent néanmoins être transmis au Parlement, mais au titre de la clause facultative de l’article 88-4. Le Gouvernement n’est ainsi pas tenu, juridiquement, de répondre favorablement à une demande de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Cependant, en application de la circulaire du Premier ministre du 22 novembre 2005, le Gouvernement soumet désormais systématiquement au Parlement l’ensemble des projets d’actes législatifs européens, c’est-à-dire ceux régis par la procédure de co-décision.

– L’ajout d’un article 88-6 qui autorise l’Assemblée nationale ou le Sénat à émettre un avis motivé sur la conformité d’un projet d’acte législatif européen au principe de subsidiarité. Le premier alinéa de cet article concerne la procédure de contrôle en amont (carton jaune ou orange) tandis que le deuxième alinéa est relatif au contrôle ex post qui autorise chaque assemblée à former un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Il appartient au Gouvernement de transmettre de recours à la Cour de justice ; l’emploi de l’indicatif présent souligne qu’il s’agit là d’une compétence liée. Le troisième alinéa renvoie à chaque chambre le soin d’organiser les modalités de mise en œuvre du contrôle du principe de subsidiarité qui pourra également s’appliquer en dehors de sessions parlementaires (10).

– L’ajout d’un article 88-7 pour fixer les conditions dans lesquelles le Parlement français – et non pas, comme dans le cas précédent, chacune des chambres – pourra faire opposition à la procédure dite de révision simplifiée de l’article 48 TUE et de l’article 81 § 3 TFUE en matière de coopération judiciaire civile(11). Cette procédure donne au Conseil européen le pouvoir de décider, à l’unanimité, de modifier le champ d’application des règles de majorité ou de procédure législative telles qu’elles sont définies initialement dans le traité de Lisbonne. Cette révision du traité ne sera pas soumise à ratification des Etats membres sauf si l’un des Parlements nationaux s’y oppose. L’article 88-7 prévoit que, pour ce faire, l’Assemblée nationale et le Sénat devront adopter chacune une motion en termes identiques. Un pouvoir égal est ainsi reconnu aux deux chambres, et aucune de procédure de navette parlementaire n’est ici prévue. Il appartiendra aux règlements des assemblées de fixer les conditions dans lesquelles ces motions seront déposées, examinées, adoptées et notifiées.

2) Une révision constitutionnelle limitée au traité de Lisbonne

Le présent projet de loi constitutionnelle est strictement limité à ce qui est nécessaire pour autoriser la ratification du traité de Lisbonne. La technique juridique utilisée est la même que celle employée précédemment lors des révisions constitutionnelles préalables aux ratifications des traités de Maastricht et d’Amsterdam. C’est également cette méthode qui avait été utilisée en 2005 pour autoriser la tenue du référendum sur la Constitution européenne. Or la non ratification du traité constitutionnel a rendu inopérante la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 parce qu’elle visait expressément le TECE et non un traité ultérieur. Or la jurisprudence du Conseil constitutionnel est claire : l’autorisation donnée à la République par le constituant pour « participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l’Europe signé le 29 octobre 2004 » (art. 88-1) ne peut être invoquée pour un traité différent.

Est-il dès lors opportun de voter une nouvelle révision constitutionnelle spécifique au traité de Lisbonne – au risque que l’histoire se répète si l’un des 27 Etats membres ne ratifie pas le traité – ou serait-il préférable d’envisager une révision de portée générale consistant à autoriser une fois pour toutes les transferts de compétences nécessaires à la construction européenne, indépendamment des modalités prévues par tel ou tel traité ?

En d’autres termes, le temps ne serait-il pas venu d’envisager une formule qui couvrirait, par anticipation, les adaptations rendues nécessaires par les traités futurs ? Cette question n’appelle pas de réponse évidente, et les difficultés juridiques qu’elle soulève appellent à la prudence.

Les Constitutions de certains Etats membres prévoient une « clause européenne générale ». C’est notamment le cas en Allemagne où depuis sa modification du 21 décembre 1992, la Loi fondamentale comporte un article 23 alinéa 1er au terme duquel : « Pour l’édification d’une Europe unie, la République fédérale d’Allemagne concourt au développement de l’Union européenne (…). A cet effet, la Fédération peut transférer des droits de souveraineté par une loi approuvée par le Bundesrat… ».

De même, au Portugal, un paragraphe 6 a été ajouté à l’article 7 de la Constitution par la révision du 25 novembre 1992. Ce paragraphe prévoit que : « Dans des conditions de réciprocité, dans le respect du principe de subsidiarité et en vue de la réalisation de la cohésion économique et sociale, le Portugal peut passer des conventions sur l’exercice en commun des pouvoirs nécessaires à la construction de l’Union européenne ».

Les Constitutions allemande et portugaise vont au-delà d’une simple autorisation de l’Etat à participer à la construction européenne. Il s’agit en effet davantage d’habilitations constitutionnelles explicites destinées à servir de fondement aux transferts de compétences aux Communautés européennes et à l’Union européenne.

Pour autant, l’existence d’une clause générale d’habilitation constitutionnelle suffirait-elle à éviter toute révision constitutionnelle préalable à la ratification d’un traité européen ? Rien n’est moins sûr, dès lors que les transferts de compétence ne sont pas les seuls motifs possibles d’inconstitutionnalité comme en témoigne l’obligation de réviser notre Constitution pour y introduire les nouveaux droits conférés au Parlement s’agissant du contrôle du principe de subsidiarité et de l’opposition à la procédure de révision simplifiée des traités.

Cependant, la multiplication des révisions constitutionnelles liées à la construction européenne montre bien que la question se pose. Comment y répondre ? Il s’agit à ce stade d’évoquer seulement des pistes de réflexion.

Une alternative possible pourrait consister à coupler les révisions constitutionnelles et la ratification des traités européens ayant une incidence directe ou indirecte sur le fonctionnement des institutions, en opérant un parallélisme avec la procédure de l’article 89 de la Constitution. En prévoyant une procédure identique (12) pour la révision de la Constitution et pour la ratification des traités européens ayant une incidence directe ou indirecte sur le fonctionnement des institutions, la procédure de ratification gagnerait en cohérence et pourrait faire l’objet de deux votes distincts à l’issue d’un seul et même débat.

Cette solution s’inscrit dans le prolongement de la proposition formulée par le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions pour les traités d’élargissement.

Il s’agit là d’une piste de réflexion qui pourrait être approfondie en vue de l’examen prochain du projet de loi constitutionnelle sur la réforme des institutions.

TITRE XV DE LA CONSTITUTION DE 1958

Rédaction actuelle du titre XV de la Constitution
(Loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005
modifiant le titre XV de la Constitution)

Rédaction du titre XV de la Constitution
à compter de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne

TITRE XV

DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

ET DE L’UNION EUROPEENNE

Art. 88-1. - La République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences.

Elle peut participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l’Europe signé le 29 octobre 2004.

Art. 88-2. - Sous réserve de réciprocité, et selon les modalités prévues par le Traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’union économique et monétaire européenne.

Sous la même réserve et selon les modalités prévues par le Traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction issue du traité signé le 2 octobre 1997, peuvent être consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés.

La loi fixe les règles relatives au mandat d’arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du Traité sur l’Union européenne.

Art. 88-3. - Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d’application du présent article.

Art. 88-4. - Le Gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l’Union européenne, les projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne comportant des dispositions de nature législative. Il peut également leur soumettre les autres projets ou propositions d’actes ainsi que tout document émanant d’une institution de l’Union européenne.

Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions peuvent être votées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets, propositions ou documents mentionnés à l’alinéa précédent.

Art. 88-5. - Tout projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un Etat à l’Union européenne et aux Communautés européennes est soumis au référendum par le Président de la République.

TITRE XV

DE L’UNION EUROPEENNE

Art. 88-1. - La République participe à l’Union européenne constituée d’Etats qui ont choisi librement d’exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tels qu’ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007.

Art. 88-2. - La loi fixe les règles relatives au mandat d’arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du Traité sur l’Union européenne.

Art. 88-3. - Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d’application du présent article.

Art. 88-4. - Le Gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l’Union européenne, les projets d’actes législatifs européens ainsi que les autres projets ou propositions d’actes de l’Union européenne comportant des dispositions qui sont du domaine de la loi. Il peut également leur soumettre les autres projets ou propositions d’actes ainsi que tout document émanant d’une institution de l’Union européenne.

Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions peuvent être votées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets, propositions ou documents mentionnés à l’alinéa précédent.

Art. 88-5. - Tout projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un Etat à l’Union européenne est soumis au référendum par le Président de la République.

Art. 88-6. - L’Assemblée nationale ou le Sénat peuvent émettre un avis motivé sur la conformité d’un projet d’acte législatif européen au principe de subsidiarité. L’avis est adressé par le président de l’assemblée concernée aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne. Le Gouvernement en est informé.

Chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l’Union européenne par le Gouvernement.

A ces fins, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d’initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée.

Art. 88-7. - Par le vote d’une motion adoptée en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat, le Parlement peut s’opposer à une modification des règles d’adoption d’actes de l’Union européenne dans les cas prévus, au titre de la révision simplifiée des traités ou de la coopération judiciaire civile, par le traité sur l’Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tels qu’ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007. »

B – Une révision constitutionnelle qui ne préjuge pas de modifications ultérieures dans le cadre d’un futur projet de loi constitutionnelle sur la réforme des institutions

Au-delà des modifications apportées au titre XV par le présent projet de loi constitutionnelle, d’autres évolutions pourraient intervenir ultérieurement dans le cadre d’une future réforme des institutions. S’agissant du volet européen, elles pourraient concerner d’une part le champ d’application de l’article 88-4 et d’autre part, la procédure de ratification des futurs traités d’adhésion à l’Union européenne (article 88-5).

1) Le champ d’application de l’article 88-4 de la Constitution

a) Le débat ouvert en 2005 par « l’amendement Balladur »

Lors de la précédente révision constitutionnelle de 2005, votre Rapporteur avait joint sa voix à un amendement modifiant la rédaction de l’article 88-4 de la Constitution afin que le Parlement puisse, sous certaines conditions, voter des résolutions sur tout document européen, au-delà des seuls projets ou propositions d’actes soumis par le Gouvernement au titre des clauses obligatoire et facultative de l’article 88-4. Il avait en effet semblé à MM. Balladur, Blum et moi-même qu’il n’était pas satisfaisant que certains documents européens – faute de comporter des dispositions de nature législative au sens français du terme – ne puissent faire l’objet d’une résolution si le Gouvernement ne souhaitait pas les soumettre formellement au Parlement. Cet amendement visait notamment les Livres verts et Livres blancs de la Commission européenne, les accords interinstitutionnels et les communications.

Cet amendement n’avait alors pas été adopté au motif qu’il remettait en cause l’équilibre des institutions de la Ve République, en portant atteinte aux prérogatives du pouvoir exécutif en matière de politique extérieure, et plus particulièrement à celles du Président de la République qui, aux termes de l’article 52 de la Constitution, négocie et ratifie les traités.

Toutefois, la circulaire gouvernementale du 22 novembre 2005 relative à l’application de l’article 88-4 reprend à son compte l’esprit de cet amendement puisque le Premier ministre y écrit:

« Afin de renforcer encore l’association du Parlement, je suis prêt à donner suite, en règle générale, aux demandes émanant des présidents des commissions des affaires étrangères de chaque assemblée ou des présidents des délégations parlementaires pour l’Union européenne, de se faire communiquer des documents dont la transmission ne serait pas obligatoire, mais qui pourraient utilement éclairer leurs travaux ».

C’était peu de choses. Mais le débat de l’époque a montré à quelles résistances les auteurs de l’amendement se sont heurtés à l’intérieur des structures de l’État, s’agissant notamment des rapports entre le pouvoir exécutif et le Parlement.

b) Les conséquences sur l’article 88-4 de l’éventuelle reconnaissance d’un droit de résolution du Parlement

Le projet de loi constitutionnelle soumis à notre examen ne propose pas de modifier en ce sens l’article 88-4. La nécessité de ratifier dans les meilleurs délais le traité de Lisbonne justifiant pleinement de s’en tenir à une révision limitée de la Constitution, votre Rapporteur ne souhaite pas rouvrir à ce stade le débat sur l’article 88-4.

Il est en effet préférable d’attendre la révision constitutionnelle en préparation sur la réforme des institutions, laquelle devrait être soumise au printemps en première lecture à notre Assemblée. Le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions, qu’à présidé M. Edouard Balladur, propose de reconnaître au Parlement le droit de voter des résolutions dans tous les domaines (politique intérieure, extérieure et européenne). Il est ainsi proposé d’ajouter un alinéa à l’article 24 de la Constitution, autorisant les assemblées parlementaires à voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement.

Si un droit de résolution général devait être reconnu au Parlement, il conviendrait alors de s’interroger sur la pertinence du maintien de l’article 88-4, dès lors que le droit de résolution ne serait plus spécifique aux sujets européens. En revanche, les résolutions adoptées dans le cadre des articles 88-6 (contrôle du principe de subsidiarité) et 88-7 (droit d’opposition à la révision simplifiée des traités) devraient bien entendu conserver leur spécificité.

2) La ratification des futurs traités d’adhésion à l’Union européenne

La loi constitutionnelle du 1er mars 2005 a introduit dans la Constitution un nouvel article 88-5 qui prévoit que « tout projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un Etat à l’Union européenne et aux Communautés européennes est soumis au référendum par le Président de la République ». Le Parlement se trouve ainsi dessaisi de sa compétence pour ratifier cette catégorie de traités.

Cette modification de la Constitution a fait suite à un engagement pris par le Président de la République Jacques Chirac dans le cadre de l’ouverture des négociations d’adhésion avec la Turquie. L’entrée en vigueur de cet article 88-5 n’était pas conditionnée par la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe.

Dans le cadre de la réflexion souhaitée par le Président Nicolas Sarkozy sur la réforme des institutions, la question s’est posée de savoir si cet article 88-5 devait être maintenu en l’état. Auditionné par le comité de réflexion sur la réforme des institutions, M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, s’est lui-même prononcé – à titre personnel – pour la suppression de cette disposition.

Le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis ne propose pas, à ce stade, de revenir sur l’article 88-5, le débat devant être tranché lors de la révision sur la réforme des institutions prévue au printemps prochain.

La proposition du comité de réflexion sur la réforme des institutions consiste à aligner la procédure applicable à la ratification des traités d’élargissement de l’Union européenne sur celle qui régit les révisions de la Constitution à l’article 89. L’autorisation de ratifier les traités d’adhésion serait dès lors soumise – selon le choix opéré par le Président de la République – soit à référendum, soit à un vote du Congrès se prononçant à une majorité des 3/5e des suffrages exprimés.

CONCLUSION

Cette nouvelle révision de la Constitution – la 23e depuis 1958 – doit rendre possible la ratification du traité de Lisbonne par la voie parlementaire, comme le Président de la République en avait pris l’engagement devant les Français pendant la campagne présidentielle.

Le 17 décembre dernier, la Hongrie a ouvert le cycle des ratifications en devenant le premier pays de l’Union à dire « oui » au traité de Lisbonne.

A quelques mois du lancement de sa présidence de l’Union européenne, au cours de laquelle les décisions préparatoires à la mise en œuvre du traité devront être adoptées, la France doit à son tour donner l’exemple en achevant sa procédure de ratification dans les meilleurs délais.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné pour avis le présent projet de loi au cours de sa réunion du 8 janvier 2008.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a eu lieu.

Le Président Axel Poniatowski a apporté son soutien à la double proposition consistant, d’une part, à ajouter une « clause européenne générale » à la Constitution et, d’autre part, à coupler le débat de révision constitutionnelle avec celui de ratification du traité à proprement parler, lorsque l’autorisation de ratification est conditionnée par une modification de la Constitution.

Il a ensuite évoqué la question des symboles de l’Union européenne, qui ne sont plus mentionnés dans le traité de Lisbonne, mais qui continueront néanmoins à être utilisés par l’Union. Il a alors fait référence à la déclaration adoptée par seize Etats membres par laquelle ils réaffirment leur attachement à ces symboles.

Puis il a demandé au rapporteur des précisions relatives aux modalités de mise en œuvre des nouveaux droits reconnus au Parlement français. Quelles seront les bases juridiques applicables en matière de contrôle du respect du principe de subsidiarité et de droit d’opposition à la procédure de révision simplifiée des traités ?

Le rapporteur pour avis a indiqué que les nouvelles prérogatives dévolues aux parlements nationaux, prévues par le traité de Lisbonne, seront intégrées au Titre XV de la Constitution nationale puisqu’elles modifient l’équilibre institutionnel de notre pays. En revanche, les modalités de mise en œuvre seront fixées par les règlements respectifs de chaque assemblée.

M. Marc Dolez a salué l’habileté du rapport présenté à la commission. En se concentrant sur les questions techniques et en concluant sur la possibilité de créer une clause générale sur les futurs traités européens, celui-ci élude la question de fond : le traité modificatif est-il différent du traité que les Français ont rejeté par référendum en 2005 ? Le Président Valéry Giscard d’Estaing a publiquement affirmé, considérant la proximité des deux textes et la soumission du traité de Lisbonne à la seule ratification parlementaire : « Quel est l’intérêt de la manœuvre ? D’abord et avant tout, échapper à la contrainte du référendum ».

Le principal problème soulevé par le texte du traité de Lisbonne est donc celui du respect de la souveraineté populaire. Le seul moyen d’imposer qu’un référendum soit organisé est d’empêcher que la majorité des trois cinquièmes du Congrès réuni à Versailles ne se prononce en faveur du projet de révision.

Le rapporteur pour avis a répondu que l’objectif de son rapport n’était pas de faire preuve d’habileté mais de clarté. La seule question étudiée est celle de la révision de la Constitution qui permettrait, s’il en est ainsi décidé, de ratifier le traité signé à Lisbonne. La méthode à suivre pour décider d’une telle ratification ne peut interférer dans cette discussion.

M. Jean-Paul Lecoq a insisté sur le fait que la question posée n’était pas celle du traité lui-même, mais plutôt celle de la réalité du pouvoir de décision en France. Il n’est pas question ici d’empêcher la ratification d’un texte qui a été rejeté il y a deux ans : le peuple français a le droit de se contredire, l’essentiel est que ce soit lui qui le fasse.

Le fait que la ratification du traité modificatif par voie parlementaire ait été une promesse de campagne du Président de la République ne peut être considéré comme un argument suffisant pour revenir par une voie différente sur une décision du peuple français.

Le Président Axel Poniatowski a fait remarquer qu’il ressortait de l’ensemble des interventions que la proposition de n’organiser qu’un seul débat en cas de ratification d’un traité européen semblait rencontrer de nombreux échos positifs.

M. Jacques Myard a affirmé que le traité modificatif posait une question cruciale, à la fois technique et politique mais ayant également des implications vis-à-vis du concept de civilisation européenne. D’abord, du point de vue juridique, il n’est pas acceptable qu’un envoyé plénipotentiaire puisse signer un traité dont le caractère contradictoire à la Constitution est évident. Ceci a pourtant été le cas pour le traité de Lisbonne, dont il ressortait clairement qu’il bouleversait la nature de la construction européenne et réduisait singulièrement le rôle du Parlement en transférant de nombreuses compétences aux institutions communautaires. En deuxième lieu, un problème politique subsiste : seul un référendum peut dédire un référendum précédent. En troisième lieu, il est nécessaire de questionner, à l’aune de la mondialisation actuelle, la pertinence de la construction européenne telle qu’elle se fait.

En réalité, le traité modificatif contribue encore à hypertrophier l’appareil bureaucratique européen, aujourd’hui menacé de thrombose. Ce texte va à l’encontre des intérêts de la France et de l’Europe, dont l’organisation devrait être souple et flexible pour faire face à des enjeux internationaux toujours plus changeants et qui ressortira toujours plus paralysée de la réforme des institutions qui est ici proposée.

M. Jean-Marc Roubaud a indiqué qu’à l’heure où le monde changeait rapidement et face aux difficultés rencontrées de ce fait par les Français, en matière de pouvoir d’achat notamment, certaines critiques et remarques allaient à l’encontre de l’intérêt de tous. Le traité signé à Lisbonne convient à tous, la France est aujourd’hui la seule à hésiter. La demande de procéder à un référendum n’est pas recevable. Celui organisé en 2005 a biaisé le débat sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe parce que les enjeux nationaux avaient alors été prédominants. Pour les semaines à venir, le déroulement optimal de la procédure de ratification doit être privilégié par rapport à des considérations de politique intérieure qui nuisent à la clarté des débats.

Mme Nicole Ameline a tout d’abord insisté sur la nécessité d’adopter le traité de Lisbonne afin de renforcer le rôle de l’Europe dans un monde de plus en plus polycentrique. Puis, elle a estimé que les parlementaires devaient faire preuve de cohérence non seulement au plan politique mais également au plan juridique : le projet de loi examiné ne porte pas sur le traité proprement dit mais sur la révision constitutionnelle nécessaire à son adoption. Enfin, en parfait accord avec M. Jean-Marc Roubaud, elle a souligné que les parlementaires avaient une responsabilité collective et devaient adresser un signal politique fort à nos partenaires européens à quelques mois de la présidence française de l’Union européenne. L’image de notre pays en Europe a, en effet, énormément pâti du rejet de la Constitution européenne et il importe aujourd’hui de revaloriser l’image de la France en s’engageant résolument en faveur de l’adoption du traité de Lisbonne. Elle a, par ailleurs, souhaité obtenir des précisions sur les procédures de ratification du traité, engagées par nos partenaires européens.

Le rapporteur pour avis a rappelé que la Hongrie avait d’ores et déjà ratifié le traité de Lisbonne et que le parlement tchèque pourrait se prononcer d’ici à la fin du moins de janvier. Une nouveauté par rapport aux autres textes réside dans le fait que les délais de ratification sont très courts puisque la ratification par les Etats membres doit avoir lieu dans un délai d’un an afin de permettre une entrée en vigueur du traité le 1er janvier 2009.

En réponse à Mme Nicole Ameline, M. François Loncle s’est, au contraire, félicité de la cohérence dont ses collègues avaient fait preuve en posant une question de méthode ainsi qu’une question de fond. Dans la mesure où le présent traité a été construit à partir du projet de constitution européenne et que ce projet a été rejeté par nos compatriotes, il est légitime de s’interroger sur la méthode retenue, à moins d’admettre un dysfonctionnement démocratique majeur. Dans ces conditions, un souci de cohérence impose, au contraire, de respecter le peuple qui s’est exprimé, par référendum, sur la constitution européenne.

Le rapporteur pour avis a relevé que le débat engagé portait en réalité sur l’étape suivante de la procédure, à savoir sur la ratification proprement dite du traité de Lisbonne et non sur le principe de la révision constitutionnelle. Si ce débat est compréhensible, les parlementaires n’en doivent pas moins assurer, pour l’heure, leur travail de législateur en se prononçant sur le projet de révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité. Il s’agit d’une exigence intellectuelle à laquelle nul député ne peut se soustraire, quelle que soit son opinion sur les dispositions du traité de Lisbonne. Il a ajouté qu’il était naturellement en faveur d’un véritable débat de fond sur le contenu même du traité, dont le déroulement au sein de l’Assemblée ne devait pas être escamoté. Sous réserve de ces observations, il s’est déclaré favorable à l’adoption du projet de révision constitutionnelle.

Avant d’appeler au vote, le président Axel Poniatowski a indiqué que les députés étaient appelés à se prononcer sur le principe d’une révision constitutionnelle et non sur le débat de fond concernant le traité de Lisbonne. A cet égard, il a indiqué que la commission des affaires étrangères procéderait, conjointement avec la délégation pour l’Union européenne, à l’audition de M. Valéry Giscard d’Estaing le 16 janvier, de M. Reinhard Silberberg, secrétaire d’État auprès du ministre allemand des affaires étrangères, le 22 janvier, et de M. Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne, le 29 janvier prochain.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a émis un avis favorable à l’adoption du projet de loi (no 561).

*

* *

La commission vous demande donc d’émettre un avis favorable à l’adoption du présent projet de loi.

ANNEXE

Décision du Conseil constitutionnel n°2007-560 DC du 20 décembre 2007

Traité modifiant le traité sur l’Union européenne
et le traité instituant la Communauté européenne

Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Président de la République le 13 décembre 2007, en application de l’article 54 de la Constitution, de la question de savoir si l’autorisation de ratifier le traité modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé à Lisbonne le même jour, doit être précédée d’une révision de la Constitution ; 

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, 

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son article 88-1 en son premier alinéa ; 

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; 

Vu le traité instituant la Communauté européenne ; 

Vu le traité sur l’Union européenne ; 

Vu les autres engagements souscrits par la France et relatifs aux Communautés européennes et à l’Union européenne ; 

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 relative au « traité établissant une Constitution pour l’Europe » ; 

Le rapporteur ayant été entendu ;  

1. Considérant que le traité modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté a été signé le 13 décembre 2007 à Lisbonne par les plénipotentiaires des vingt-sept États membres de l’Union européenne ; qu’il est demandé au Conseil constitutionnel d’apprécier si ce traité comporte une clause contraire à la Constitution ; 

2. Considérant que l’article 1er de cet engagement international modifie le traité sur l’Union européenne ; qu’en vertu du 2) de cet article 1er, l’Union se substitue et succède à la Communauté européenne ; que le 8) de l’article 1er confère à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu’adaptée le 12 décembre 2007, la même valeur juridique que les traités ; que son article 2 modifie le traité instituant la Communauté européenne ; qu’en application du 1) de cet article 2, l’intitulé de ce traité devient : « Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » ; que son article 3 prévoit que cet engagement est conclu pour une durée illimitée ; que son article 4 est relatif aux deux protocoles qui lui sont annexés ; que son article 5 a trait à la renumérotation des articles, sections, chapitres, titres et parties du traité sur l’Union européenne et du traité instituant la Communauté européenne ; que son article 6 prévoit qu’il est ratifié par les États conformément à leurs règles constitutionnelles respectives et entre en vigueur le 1er janvier 2009, à condition que tous les instruments de ratification aient été déposés, ou, à défaut, le premier jour du mois suivant le dépôt de l’instrument de ratification de l’État signataire qui procède le dernier à cette formalité ; que son article 7, qui dénomme le nouveau traité « traité de Lisbonne », énumère les langues dans lesquelles il fait foi ; qu’enfin, ce traité annexe onze protocoles au traité sur l’Union européenne, au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ou au traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique ; 

- SUR LES NORMES DE RÉFÉRENCE : 

3. Considérant que, par le préambule de la Constitution de 1958, le peuple français a proclamé solennellement « son attachement aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 » ; 

4. Considérant que, dans son article 3, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen énonce que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation » ; que l’article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum » ; 

5. Considérant que le préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième alinéa, que la République française se « conforme aux règles du droit public international » et, dans son quinzième alinéa, que « sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix » ; 

6. Considérant que, dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait l’article 27 de la Constitution de 1946, l’existence de « traités ou accords relatifs à l’organisation internationale » ; que ces traités ou accords ne peuvent être ratifiés ou approuvés par le Président de la République qu’en vertu d’une loi ; 

7. Considérant que les conditions dans lesquelles la République française participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne sont fixées par les dispositions en vigueur du titre XV de la Constitution, hormis celles du second alinéa de l’article 88-1 qui est relatif au traité établissant une Constitution pour l’Europe, lequel n’a pas été ratifié ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article 88-1 de la Constitution : « La République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences » ; que le constituant a ainsi consacré l’existence d’un ordre juridique communautaire intégré à l’ordre juridique interne et distinct de l’ordre juridique international ; 

8. Considérant que, tout en confirmant la place de la Constitution au sommet de l’ordre juridique interne, ces dispositions constitutionnelles permettent à la France de participer à la création et au développement d’une organisation européenne permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l’effet de transferts de compétences consentis par les États membres ; 

9. Considérant, toutefois, que, lorsque des engagements souscrits à cette fin contiennent une clause contraire à la Constitution, remettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale, l’autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle ; 

10. Considérant que c’est au regard de ces principes qu’il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l’examen du traité de Lisbonne, ainsi que de ses protocoles et de son annexe ; que sont toutefois soustraites au contrôle de conformité à la Constitution celles des stipulations du traité qui reprennent des engagements antérieurement souscrits par la France ; 

- SUR LES DROITS FONDAMENTAUX DE L’UNION : 

11. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du 1 de l’article 6 du traité sur l’Union européenne résultant du 8) de l’article 1er du traité de Lisbonne : « L’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu’adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les traités. - Les dispositions de la Charte n’étendent en aucune manière les compétences de l’Union telles que définies dans les traités. - Les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte sont interprétés conformément aux dispositions générales du titre VII de la Charte régissant l’interprétation et l’application de celle-ci et en prenant dûment en considération les explications visées dans la Charte, qui indiquent les sources de ces dispositions » ; 

12. Considérant que, hormis les changements de numérotation, les stipulations de la Charte, à laquelle est reconnue la même valeur juridique que celle des traités, sont identiques à celles qui ont été examinées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 novembre 2004 susvisée ; que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés par cette décision, la Charte n’appelle de révision de la Constitution ni par le contenu de ses articles, ni par ses effets sur les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ; 

13. Considérant, en second lieu, qu’aux termes du 2 du même article 6 du traité sur l’Union européenne : « L’Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales… » ; que, toutefois, le 8 de l’article 218 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, résultant du 173) de l’article 2 du traité de Lisbonne, prévoit que la décision portant conclusion de l’accord portant adhésion de l’Union à ladite convention entrera en vigueur après son approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ; que cette dernière référence renvoie, dans le cas de la France, à l’autorisation législative prévue par l’article 53 de la Constitution ; 

- SUR LES COMPÉTENCES ET LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION : 

14. Considérant qu’en vertu de l’article 88-2 de la Constitution, dans sa rédaction issue des révisions constitutionnelles des 25 juin 1992, 25 janvier 1999 et 25 mars 2003 : « Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’Union économique et monétaire européenne. - Sous la même réserve et selon les modalités prévues par le traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction résultant du traité signé le 2 octobre 1997, peuvent être consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés. - La loi fixe les règles relatives au mandat d’arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du Traité sur l’Union européenne » ; 

15. Considérant qu’appellent une révision constitutionnelle les clauses du traité qui transfèrent à l’Union européenne des compétences affectant les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale dans des domaines ou selon des modalités autres que ceux prévus par les traités mentionnés à l’article 88-2 ; 

16. Considérant que le « principe de subsidiarité », énoncé par le paragraphe 3 de l’article 5 du traité sur l’Union européenne, dans sa rédaction issue du 6) de l’article 1er du traité de Lisbonne, implique que, dans les domaines ne relevant pas de la compétence exclusive de l’Union, celle-ci n’intervienne que « si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union » ; que, toutefois, la mise en œuvre de ce principe pourrait ne pas suffire à empêcher que les transferts de compétence autorisés par le traité revêtent une ampleur ou interviennent selon des modalités telles que puissent être affectées les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ; 

17. Considérant que, conformément à l’article 289 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, résultant du 236) de l’article 2 du traité de Lisbonne, sauf dispositions contraires, les actes législatifs seront adoptés, sur proposition de la seule Commission, conjointement par le Conseil des ministres, statuant à la majorité qualifiée prévue aux articles 16 du traité sur l’Union européenne et 238 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tels qu’issus du traité de Lisbonne, et par le Parlement européen, selon la « procédure législative ordinaire » prévue à l’article 294 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tel que résultant du traité de Lisbonne ; que, sauf exception, relèveront désormais de cette procédure toutes les matières de la compétence de l’Union, notamment celles qui intéressent l’« espace de liberté, de sécurité et de justice » faisant l’objet du titre V de la troisième partie du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; 

En ce qui concerne les transferts de compétence intervenant dans des matières nouvelles 

18. Considérant qu’appellent une révision de la Constitution les dispositions du traité de Lisbonne qui transfèrent à l’Union européenne, et font relever de la « procédure législative ordinaire », des compétences inhérentes à l’exercice de la souveraineté nationale ; qu’il en est ainsi de l’article 75 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et les activités connexes, de son article 77, dans le domaine du contrôle aux frontières, du d) du paragraphe 2 de son article 79, dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres humains, de son article 81, dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile, et de ses articles 82 et 83, dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale, pour celles des compétences mentionnées auxdits articles qui n’entrent dans les prévisions ni des articles 62 et 65 du traité instituant la Communauté européenne, ni des articles 31 et 34 du traité sur l’Union européenne ; 

19. Considérant qu’appelle également une révision de la Constitution, eu égard à la portée que revêt une telle disposition pour l’exercice de la souveraineté nationale, l’article 86 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tel que résultant du traité de Lisbonne, qui, d’une part, prévoit que le Conseil peut, à l’unanimité, instituer un Parquet européen, organe habilité à poursuivre les auteurs d’infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union et à exercer devant les juridictions françaises l’action publique relative à ces infractions et, d’autre part, organise les modalités selon lesquelles, à défaut d’unanimité, une telle création peut néanmoins avoir lieu ; 

En ce qui concerne les modalités nouvelles d’exercice de compétences déjà transférées, applicables dès l’entrée en vigueur du traité : 

20. Considérant qu’appelle une révision de la Constitution toute disposition du traité qui, dans une matière inhérente à l’exercice de la souveraineté nationale mais relevant déjà des compétences de l’Union ou de la Communauté, modifie les règles de décision applicables, soit en substituant la règle de la majorité qualifiée à celle de l’unanimité au sein du Conseil, privant ainsi la France de tout pouvoir d’opposition, soit en conférant un pouvoir de décision au Parlement européen, lequel n’est pas l’émanation de la souveraineté nationale, soit en privant la France de tout pouvoir propre d’initiative ; 

21. Considérant que le 2 de l’article 31 du traité sur l’Union européenne, tel que résultant du traité de Lisbonne, qui reprend l’article III-300 du traité établissant une Constitution pour l’Europe, et les articles 76, 82, 83, 85, 87 à 89, 133 et 329 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui reprennent respectivement les articles III-264, III-270, III-271, III-273, III-275 à III-277, III-191 et III-419 du traité établissant une Constitution pour l’Europe, appellent une révision de la Constitution pour les mêmes motifs que ceux énoncés par la décision du 19 novembre 2004 susvisée ; 

22. Considérant qu’appelle également une révision de la Constitution, en tant qu’il confère un pouvoir de décision au Parlement européen, le v) du a) du 6 de l’article 218 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui étend le domaine des accords dont le Conseil ne peut approuver la conclusion qu’après l’approbation du Parlement européen ; 

En ce qui concerne le passage à la majorité qualifiée en vertu d’une décision européenne ultérieure : 

23. Considérant qu’appelle une révision de la Constitution toute disposition du traité qui, dans une matière inhérente à l’exercice de la souveraineté nationale, permet, même en subordonnant un tel changement à une décision unanime du Conseil européen ou du Conseil des ministres, de substituer un mode de décision majoritaire à la règle de l’unanimité au sein du Conseil des ministres ; qu’en effet, de telles modifications ne nécessiteront, le moment venu, aucun acte de ratification ou d’approbation nationale de nature à permettre un contrôle de constitutionnalité sur le fondement de l’article 54 ou de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution ; 

24. Considérant que le 3 de l’article 31 du traité sur l’Union européenne, tel que résultant du traité de Lisbonne, qui reprend le 3 de l’article III-300 du traité établissant une Constitution pour l’Europe, ainsi que le d) du 2 de l’article 82 et le 3ème alinéa du 1 de l’article 83 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui reprennent respectivement le d) du 2 de l’article III-270 et le 3ème alinéa du 1 de l’article III-271 du traité établissant une Constitution pour l’Europe, appellent une révision de la Constitution pour les mêmes motifs que ceux énoncés par la décision du 19 novembre 2004 susvisée ; 

25. Considérant qu’appellent également une révision de la Constitution les dispositions du 3 de l’article 81 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, issues du traité de Lisbonne, qui permettent au Conseil, par une décision prise à l’unanimité et sauf opposition d’un parlement national, de soumettre certains aspects du droit de la famille ayant une incidence transfrontière à la procédure législative ordinaire ; 

En ce qui concerne les procédures de révision simplifiée prévues par les 6 et 7 de l’article 48 du traité sur l’Union européenne, tels que résultant du 56) de l’article premier du traité de Lisbonne : 

26. Considérant, d’une part, que le 6 de l’article 48 du traité sur l’Union européenne, qui institue une procédure de révision simplifiée concernant les politiques et actions internes de l’Union, reprend les dispositions de l’article IV-445 du traité établissant une Constitution pour l’Europe ; que, comme l’énonce la décision du 19 novembre 2004 susvisée, la référence aux règles constitutionnelles des États membres renvoie, dans le cas de la France, à l’autorisation législative prévue par l’article 53 de la Constitution ; 

27. Considérant, d’autre part, que le 7 de l’article 48 du traité sur l’Union européenne, qui institue une procédure de révision simplifiée des traités, reprend les dispositions de l’article IV-444 du traité établissant une Constitution pour l’Europe ; que cette disposition appelle une révision de la Constitution pour les mêmes motifs que ceux énoncés par la décision du 19 novembre 2004 susvisée ; 

- SUR LES NOUVELLES PRÉROGATIVES RECONNUES AUX PARLEMENTS NATIONAUX DANS LE CADRE DE L’UNION : 

28. Considérant que le traité soumis au Conseil constitutionnel accroît la participation des parlements nationaux aux activités de l’Union européenne ; que le 12) de son article 1er fait figurer à l’article 12 du traité sur l’Union européenne la liste des prérogatives qui leur sont reconnues à cet effet ; qu’il y a lieu d’apprécier si ces prérogatives peuvent être exercées dans le cadre des dispositions actuelles de la Constitution ; 

29. Considérant que le 7 de l’article 48 du traité sur l’Union européenne, dans sa rédaction résultant du 56) de l’article 1er du traité de Lisbonne, qui reconnaît au Parlement français le droit de s’opposer à la mise en œuvre d’une procédure de révision simplifiée des traités, reprend les dispositions de l’article IV-444 du traité établissant une Constitution pour l’Europe ; qu’il appelle une révision de la Constitution pour les mêmes motifs que ceux énoncés par la décision du 19 novembre 2004 susvisée ; qu’il en va de même des articles 6, 7 paragraphes 1 et 2, et 8 du protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, auquel renvoie le traité de Lisbonne, qui reprennent les dispositions figurant aux articles 6 à 8 du protocole n° 2 annexé au traité établissant une Constitution pour l’Europe, tout en allongeant le délai dans lequel le Parlement français pourra, le cas échéant selon des procédures propres à chacune de ses deux chambres, formuler un avis motivé ; 

30. Considérant, en outre, que le 3 de l’article 81 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dans sa rédaction résultant du 66) de l’article 2 du traité de Lisbonne, reconnaît à un parlement national le droit de s’opposer, dans un délai de six mois, à une décision du Conseil tendant à soumettre certains aspects du droit de la famille ayant une incidence transfrontière non plus à une procédure législative spéciale prévoyant l’unanimité au sein du Conseil après consultation du Parlement européen mais à la procédure législative ordinaire ; 

31. Considérant que le 3 de l’article 7 du protocole précité sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité confère aux parlements nationaux, dans le cadre de la procédure législative ordinaire, des moyens nouveaux, par rapport au traité établissant une Constitution pour l’Europe, pour veiller au respect du principe de subsidiarité ; qu’il résulte de cette disposition que, lorsque la Commission décide de maintenir une proposition à propos de laquelle une méconnaissance du principe de subsidiarité a été dénoncée par une majorité des voix dont disposent les parlements nationaux ou, le cas échéant, chacune de leurs chambres, tout parlement national détenant deux voix et chacune des chambres d’un parlement bicaméral une seule, l’avis motivé de la Commission et ceux des parlements nationaux sont soumis au Conseil et au Parlement européen ; que si, en vertu d’une majorité de 55 % des membres du Conseil ou d’une majorité des suffrages exprimés au Parlement européen, le législateur de l’Union est d’avis que la proposition de la Commission n’est pas compatible avec le principe de subsidiarité, son examen n’est pas poursuivi ; 

32. Considérant que le droit reconnu au Parlement français de s’opposer à la soumission à la procédure législative ordinaire de certains aspects du droit de la famille rend nécessaire une révision de la Constitution afin de permettre l’exercice de cette prérogative ; qu’il en va de même des moyens nouveaux qui lui sont conférés, le cas échéant selon des procédures propres à chacune de ses deux chambres, pour contrôler le respect du principe de subsidiarité dans le cadre de la procédure législative ordinaire ;

- SUR LES AUTRES DISPOSITIONS DU TRAITÉ : 

33. Considérant qu’aucune des autres dispositions du traité soumis au Conseil constitutionnel au titre de l’article 54 de la Constitution n’implique de révision de celle-ci ; 

- SUR L’ENSEMBLE DU TRAITÉ : 

34. Considérant que, pour les motifs ci-dessus énoncés, l’autorisation de ratifier le traité modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne exige une révision de la Constitution, 

D É C I D E : 

Article premier.- L’autorisation de ratifier le traité modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne ne peut intervenir qu’après révision de la Constitution. 

Article 2.- La présente décision sera notifiée au Président de la République et publiée au Journal officiel de la République française. 

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 décembre 2007, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Guy CANIVET, Jacques CHIRAC, Renaud DENOIX de SAINT MARC et Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER et M. Pierre STEINMETZ. 

© Assemblée nationale

1 () Comme le souligne le Professeur Joël Rideau dans un article publié à l’occasion du 40e anniversaire de la Ve République sur « La construction européenne et la Constitution de 1958 » : « Le débat constitutionnel était pourtant ouvert. La conformité à la Constitution de la CECA et surtout celle du projet de Communauté européenne de défense et de l’avant-projet  de Communauté politique qui l’accompagnait avaient été un des thèmes de la campagne menée contre cette construction, imprégnée de fédéralisme, par ses adversaires, et en particulier par les gaullistes entraînés par le Général de Gaulle. Michel Debré tenta en 1957 de faire déclarer contraire à la Constitution la ratification des traités de Rome par le Comité constitutionnel » (article en ligne sur le site du Conseil constitutionnel : www.conseil-constitutionnel.fr)

2 () Cf. considérant n°8 de la décision n°2004-505 du 19 novembre 2004 relative au traité établissant une Constitution pour l’Europe et considérant n°9 de la décision n°2007-560 DC du 20 décembre 2007 relative au traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne.

3 () Cf. art. 46.1 de la Convention de Vienne de 1969 qui énonce que « le fait que le consentement d’un Etat à être lié par un traité a été exprimé en violation d’une disposition de son droit interne ne peut être invoqué par cet Etat comme viciant son consentement ».

4 () Décision n°2004-496 DC.

5 () C’était la première fois qu’un acte européen de droit dérivé nécessitait une révision constitutionnelle.

6 () Considérant n°10 de la décision n°2007-560 DC du 20 décembre 2007.

7 () L’adaptation ne porte pas sur la formulation des droits contenus dans la charte. Elle consiste à préciser le champ d’application de la Charte ainsi que la portée et l’interprétation des droits et des principes. Il a notamment été ajouté que les droits fondamentaux garantis pas la Charte doivent être interprétés en harmonie avec les traditions constitutionnelles communes aux États membres et que les explications élaborés en vue de guider l’interprétation de la Charte doivent être prises en considération par les juridictions de l’Union et des États membres.

8 () Dans sa décision du 19 novembre 2004, le Conseil constitutionnel ne s’était toutefois pas livré à un contrôle exhaustif de l’ensemble des clauses du TECE opérant des transferts de compétences au profit de l’Union, comme en atteste l’emploi du terme notamment (considérant n°27).

9 () A l’exception toutefois des décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense.

10 () S’agissant des modalités possibles de mise en œuvre de ces nouvelles prérogatives, se reporter au rapport d’information de la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne : Vers une Europe plus démocratique et plus efficace : les Parlements nationaux, nouveaux garants du principe de subsidiarité (rapport d’information n° 1919 - XIIe législature - de MM. Jérôme Lambert et Didier Quentin, novembre 2004).

11 () Il s’agit là d’un élément nouveau par rapport à la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 20 décembre 2007.

12 () C’est-à-dire soit un vote du Congrès à une majorité des 3/5e des suffrages exprimés, soit un référendum.