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N
° 605

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 janvier 2008.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine sur le transfèrement des personnes condamnées,

PAR Mme Martine AURILLAC,

Députée

Voir les numéros  :

Sénat : 457 (2006-2007), 122 et T.A. 39 (2007-2008)

Assemblée nationale : 520

INTRODUCTION 5

I – LA SITUATION PARTICULIÈRE DE HONG KONG AU SEIN DE LA CHINE PERMET DE CONCLURE UN ACCORD BILATÉRAL DE TRANSFÈREMENT DES PERSONNES CONDAMNÉES 7

A – LE STATUT PARTICULIER DE RÉGION ADMINISTRATIVE SPÉCIALE DE HONG KONG 7

B – UN SYSTÈME JURIDIQUE RESPECTUEUX DES DROITS DE L’HOMME 8

II – L’ACCORD EST LARGEMENT INSPIRÉ DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DU 21 MARS 1983 11

A – LES CONDITIONS ET LE CADRE PROCÉDURAL DU TRANSFÈREMENT 11

B – LES MODALITÉS D’EXÉCUTION DES PEINES APRÈS LE TRANSFÈREMENT 13

CONCLUSION 15

EXAMEN EN COMMISSION 17

Mesdames, Messieurs,

La France est liée par des accords bilatéraux de transfèrement des personnes condamnées avec une vingtaine de pays, africains pour un grand nombre d’entre eux, étant donné la densité des échanges de populations entre certains Etats africains et la France. Elle est aussi partie à la convention du Conseil de l’Europe sur le transfèrement des personnes condamnées du 21 mars 1983, qui est appliquée dans une soixantaine d’Etats, qui ne sont pas tous européens.

La rareté des accords dans ce domaine entre la France et les pays d’Asie (1) est liée en partie au fait que les populations originaires de cette région du monde ont longtemps été assez peu nombreuses sur le territoire français, et inversement, et en partie aux lacunes de l’Etat de droit dans certains de ces pays, qui ne permettent pas d’envisager une coopération trop étroite pour l’exécution des peines. Ainsi, malgré la présence d’une communauté chinoise assez importante en France, notre pays n’a pas jugé opportun de négocier un accord sur le transfèrement des personnes condamnées avec la République populaire.

La situation est différente vis-à-vis de Hong Kong, où vit une communauté française non négligeable, et où règne un véritable Etat de droit. La version en langue anglaise d’un tel accord bilatéral a été paraphée dès 1999, mais les versions en langue française et chinoise n’ayant pu l’être qu’en janvier 2005, l’accord n’a été signé, dans les trois langues, que le 9 novembre 2006, à l’occasion de la visite officielle en France du chef de l’exécutif de Hong Kong.

Votre Rapporteure indiquera d’abord dans quelle mesure le statut particulier de la région administrative de Hong Kong a permis la conclusion de cet accord, avant de présenter les stipulations de celui-ci, qui sont très largement inspirées de celles de la convention du Conseil de l’Europe.

I – LA SITUATION PARTICULIÈRE DE HONG KONG AU SEIN DE LA CHINE PERMET DE CONCLURE UN ACCORD BILATÉRAL DE TRANSFÈREMENT DES PERSONNES CONDAMNÉES

La conclusion par la France d’un accord bilatéral de transfèrement des personnes condamnées avec Hong Kong est permise d’un point de vue juridique par les dispositions de la Loi fondamentale de la région administrative spéciale et du point de vue de l’opportunité par le fait que cette région est un véritable Etat de droit.

Quatre autres pays européens ont également signé un accord bilatéral de ce type avec Hong Kong : le Royaume-Uni en 1997, l’Italie en 1999, le Portugal en 2001 et la Belgique en 2006.

A – Le statut particulier de région administrative spéciale de Hong Kong

À la fin de la première guerre de l’opium de 1840, l’île de Hong Kong fut cédée par la dynastie des Qing à la Grande-Bretagne par le Traité de Nankin. Les conflits ultérieurs entre la Chine et la Grande-Bretagne en 1860 et en 1898 eurent pour résultats l’annexion d’une seconde partie du territoire de Hong Kong et des Nouveaux territoires dans le cadre d’un bail de 99 ans.

Le droit appliqué à Hong Kong était le droit britannique. La plus haute instance judiciaire du territoire était la Cour suprême qui chapeautait la cour d’appel et la Haute Cour. Les affaires locales étaient gérées par les conseils municipaux élus, le Conseil urbain (pour le centre de Hong-Kong) et le Conseil régional (pour les Nouveaux territoires).

En 1984, une déclaration commune a été signée par le Premier ministre britannique Margaret Thatcher et son homologue chinois Zhao Ziyang en vue de la rétrocession de Hong-Kong.

Aux termes de la déclaration commune, Hong Kong devint, le 1er juillet 1997, une « région administrative spéciale » dotée d’un haut degré d’autonomie pour cinquante ans. Pendant cette période, Hong Kong conservera son système capitaliste, fondamentalement différent du système socialiste qui prévaut partout ailleurs en République populaire de Chine. La loi Fondamentale, une sorte de constitution de Hong Kong taillée sur mesure a été votée en 1990 et est entrée en vigueur le 1er juillet 1997. Son préambule affirme que : « Le système et les politiques socialistes ne seront pas pratiqués dans la région administrative spéciale, celle-ci conservant inchangés le précédent système capitaliste et l’ancien mode de vie du territoire pour les cinquante ans à venir. »

C’est le fondement de la politique dite « un pays, deux systèmes », l’objectif était de maintenir la stabilité politique et la prospérité économique de Hong Kong. La région administrative spéciale de Hong-Kong jouit de pouvoirs législatif, juridique et exécutif indépendants. Elle reste un territoire fiscal, douanier et monétaire indépendant, et le dollar de Hong Kong demeure librement convertible.

La défense et les affaires étrangères, symboles de la souveraineté de l’Etat sont du ressort du gouvernement central de la République populaire de Chine. Tous les autres domaines relèvent directement de la région administrative spéciale de Hong Kong. C’est en vertu de ce principe que le régime juridique antérieur ainsi que les institutions publiques ont été conservés.

L’article 151 de la loi fondamentale de la région administrative spéciale de Hong Kong accorde à celle-ci la capacité de conclure des accords avec les Etats étrangers sous réserve de l’accord préalable du gouvernement central chinois. L’autorisation de signer l’accord bilatéral de transfèrement des personnes condamnées a été donnée par lettre le 9 juin 2006, permettant sa signature le 9 novembre 2006. Cet accord permettra d’approfondir la coopération entre la France et Hong Kong dans le domaine pénal, qui repose d’ores et déjà sur une convention d’entraide judiciaire en matière pénale signée le 25 juin 1997.

Les deux partenaires sont par ailleurs liés par un accord relatif aux services aériens signé le 20 août 1990 et par un accord sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements du 30 novembre 1995.

B – Un système juridique respectueux des droits de l’Homme

Directement inspiré du système de common law britannique, le système juridique de Hong Kong assure aux résidents de la région un degré élevé de sécurité juridique. Il garantit notamment le respect des droits de l’Homme et des libertés publiques (liberté de conscience, d’opinion, de mouvement...), ainsi que le prévoit la Loi fondamentale. Le corpus juridique applicable à Hong Kong est totalement spécifique, les lois chinoises n’en faisant pas partie, à l’exception de quelques textes symboliques strictement définis, liés à la fête, à l’emblème et à l’hymne national.

Egalement inspiré de la tradition anglo-saxonne, le système judiciaire est organisé selon une hiérarchie qui place au sommet la Cour d’appel final, juridiction suprême de Hong Kong. Lui sont subordonnés la Haute Cour, elle-même composée de la Cour d’appel et de la Cour de première instance, la Cour de district, les tribunaux d’instance et les tribunaux spécialisés. Hong Kong dispose aussi d’un médiateur aux pouvoirs étendus.

Hong Kong a aboli la peine de mort pour tous les crimes en 1993. Depuis sa rétrocession, la région administrative spéciale continue à ne pas appliquer la peine de mort. De nombreux résidents de Hong Kong ont en revanche été condamnés à mort ou exécutés en Chine.

Si les institutions politiques de la région administrative spéciale ne sont pas encore pleinement démocratiques, le chef de l’exécutif étant élu par un collège de 800 grands électeurs largement favorables à Pékin, le gouvernement n’étant responsable que devant le chef de l’exécutif, et seule la moitié des membres du Conseil législatif étant véritablement désignée au suffrage universel, les droits de l’Homme et les libertés fondamentales sont correctement respectés à Hong Kong et la Justice y est rendue dans des conditions comparables à celles qui prévalent dans les grandes démocraties anglo-saxonnes.

II – L’ACCORD EST LARGEMENT INSPIRÉ DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DU 21 MARS 1983

La convention du Conseil de l’Europe sur le transfèrement des personnes condamnées, signée le 21 mars 1983 et entrée en vigueur le 1er juillet 1985, fixe les règles applicables aux transfèrements des prisonniers condamnés entre les 63 Etats qui y sont parties. Depuis que cette convention est entrée en vigueur pour la Russie, le 1er décembre 2007, tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, à l’exception de Monaco, y sont parties, ainsi que 17 Etats non membres. Mais ni la Chine dans son ensemble, ni Hong Kong ne figure parmi eux.

Les stipulations de l’accord bilatéral qui est l’objet du présent projet de loi sont néanmoins très largement inspirées de celles de la convention du Conseil de l’Europe. Elles visent à organiser la possibilité, pour une personne condamnée à une peine privative de liberté à la suite d’une infraction pénale, de purger sa peine dans son pays d’origine. Cette possibilité répond au souci de favoriser la réinsertion sociale des personnes condamnées et à des considérations humanitaires, dans la mesure où des difficultés de communication, les barrières linguistiques et l’absence de contact avec la famille peuvent avoir des effets néfastes sur le comportement des détenus étrangers.

Actuellement, onze Chinois nés à Hong Kong sont emprisonnés en France, tandis qu’aucun Français n’est détenu à Hong Kong. Mais la communauté française de la région administrative spéciale compte 7 000 personnes auxquelles s’ajoutent les 200 000 touristes français qui s’y rendent chaque année. L’accord pourrait donc s’avérer très utile dans l’avenir. Les résidents de Hong Kong qui ont déjà été jugés en France pourront, sous réserve de remplir les autres conditions (voir infra), bénéficier des stipulations de l’accord, son article 15 les rendant applicables aux condamnations prononcées avant comme après son entrée en vigueur.

A – Les conditions et le cadre procédural du transfèrement

En application de l’article 2 de l’Accord, il revient à la personne condamnée d’exprimer sa volonté d’être transférée auprès des autorités de la Partie sur le territoire de laquelle elle est détenue (c’est-à-dire de la Partie de transfèrement) ou auprès de celle de la Partie où elle souhaite poursuivre l’exécution de sa peine (c’est-à-dire la Partie d’accueil). La demande est ensuite formulée officiellement par la Partie à laquelle la personne condamnée s’est adressée.

Les six conditions à remplir pour pouvoir bénéficier des stipulations de l’Accord sont énumérées à l’article 3 :

– le jugement doit être définitif ;

– au moment de la demande, la personne doit encore avoir à purger au moins six mois d’emprisonnement, sauf cas exceptionnel permettant de déroger à cette durée minimale ;

– la condamnation fait suite à une infraction pénale au regard du droit de la Partie d’accueil ;

– la personne condamnée ou, le cas échéant, la personne légalement habilitée à la représenter (les parents d’un mineur, par exemple), accepte le transfèrement ; l’article 6 charge la Partie de transfèrement de vérifier la réalité de ce consentement et le fait qu’il est exprimé en toute connaissance de cause, mais la Partie d’accueil a aussi la possibilité de s’assurer que ces conditions sont remplies ;

– les deux Parties concernées sont d’accord ;

– la personne doit avoir la nationalité française si elle demande à être transférée en France ; elle doit être un résident permanent de Hong Kong si elle souhaite finir d’y purger sa peine.

Les cinq premières conditions sont rigoureusement identiques à celles qui figurent dans l’article 3 de la convention du Conseil de l’Europe, tandis que la sixième a été adaptée à la spécificité du statut de la région administrative spéciale de Hong Kong, à laquelle n’est attachée aucune nationalité. Ainsi, un Britannique, tout comme un Chinois, pourrait y être transféré s’il en est résident permanent.

Votre Rapporteure observe que, par exemple, un Britannique résident permanent de Hong Kong emprisonné en France pourrait demander à être transféré soit au Royaume-Uni, en application de la convention du 21 mars 1983, soit à Hong Kong, en application du présent accord. Selon le cas, c’est l’un ou l’autre de ces cadres juridiques qui s’applique.

Afin de faciliter la prise de décision des deux Parties, l’article 4 prévoit l’obligation pour chacune d’elle de transmettre à l’autre une série d’informations relatives notamment à la personne condamnée, à la condamnation et aux effets du transfèrement.

Les autorités compétentes pour formuler et accepter ou refuser – par écrit – une demande sont le ministère français de la justice et le département de la justice de la région administrative spéciale de Hong Kong (article 5). La décision de la Partie d’accueil doit être transmise à l’autre Partie dans les plus brefs délais.

En application de l’article 7, les deux Parties conviennent ensemble des date et lieu de la remise de la personne condamnée.

L’article 13 de la Convention met les frais occasionnés par le transfèrement à la charge de la Partie d’accueil (à l’exception de ceux engagés exclusivement sur le territoire de l’autre Partie), mais lui permet d’en demander le paiement à la personne condamnée ou à des tiers.

La coopération entre les deux Parties à l’accord doit les conduire à faciliter le transit à travers leur territoire d’une personne transférée en application d’une convention conclue entre l’autre Partie et un Etat tiers. Une Partie ne peut refuser ce transit que si la personne concernée est l’un de ses ressortissants.

B – Les modalités d’exécution des peines après le transfèrement

Comme le précise l’article 2, la personne transférée purge dans le pays d’accueil la condamnation qui lui a été infligée. Mais, selon l’article 8, l’exécution de la peine est poursuivie conformément à la législation de la Partie d’accueil, ce qui peut avoir une incidence sur les modalités d’exécution de cette peine.

En effet, si cette Partie « est liée par la nature juridique et la durée de la condamnation telles que déterminées dans la partie de transfèrement », elle peut adapter cette condamnation afin de la rendre compatible avec sa législation dans le cas où elle ne le serait pas. Cette mesure d’adaptation ne doit néanmoins pas avoir pour conséquence d’aggraver la condamnation prononcée par la Partie de transfèrement.

L’article 9 ouvre par ailleurs à la Partie d’accueil la possibilité d’accorder la grâce, l’amnistie ou la commutation de la peine, selon ses propres règles juridiques.

L’article 11 prévoit des échanges d’informations sur l’exécution de la peine, et en particulier sur les conditions de son achèvement (fin de l’exécution ou évasion avant la fin). La Partie de transfèrement peut demander un rapport sur l’exécution de la condamnation.

CONCLUSION

Le transfèrement d’une personne condamnée est subordonné à l’accord de celle-ci et à l’accord du pays où elle a été condamnée et de celui où elle sera amenée à purger sa peine, tandis que les éventuelles mesures d’adaptation de la peine au droit de la Partie d’accueil ne peuvent pas avoir pour conséquence de l’aggraver : ces conditions permettraient donc à la France de refuser une demande de transfèrement vers Hong Kong si le système pénitentiaire devait y devenir plus dur ou s’éloigner du respect des droits de l’Homme. L’accord ouvre une possibilité qui peut s’avérer précieuse, dans la mesure où l’un de nos ressortissants peut toujours se trouver dans une situation délicate : il constituera un instrument utile pour nos autorités consulaires chargées de veiller au respect des droits des Français en difficulté à l’étranger.

Les autorités de Hong Kong ont notifié le 7 décembre 2006 l’accomplissement de leurs procédures constitutionnelles requises pour l’entrée en vigueur de cet accord, dont le Sénat a adopté le projet de loi autorisant l’approbation le 19 décembre 2007. Son entrée en vigueur n’est donc plus subordonnée qu’à l’adoption par notre Assemblée du présent projet de loi, à laquelle votre Rapporteure est favorable.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 16 janvier 2008.

Après l’exposé de la Rapporteure, le Président Axel Poniatowski a souhaité savoir qui, des autorités françaises ou de celles de Hong Kong, était à l’origine de cet accord.

Mme Martine Aurillac, rapporteure, a indiqué que Hong Kong en avait fait la demande, dès la fin des années 1990, mais que les avocats français installés dans la région administrative spéciale y étaient également très favorables.

Suivant les conclusions de la Rapporteure, la commission a adopté le projet de loi (no 520).

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* *

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 520).

© Assemblée nationale

1 () La France a conclu un accord bilatéral avec la Thaïlande, tandis que le Japon et la Corée sont parties à la convention du Conseil de l’Europe.