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N
° 741

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 mars 2008

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES, DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à donner un logement adapté à chacun et abordable à tous (n° 737),

PAR M. Jean-Yves LE BOUILLONNEC,

Député.

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SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I.— UN DIAGNOSTIC PARTAGÉ ET INQUIÉTANT 9

A.— LE DÉSENGAGEMENT CONFIRMÉ DE L'ÉTAT 9

1. Des aides insuffisantes pour les plus modestes 9

2. Des produits de défiscalisation mal calibrés : l’échec des amortissements « Robien » et « Borloo » 10

3. L’effort insuffisant d’un nombre important de communes en matière de construction de logements sociaux 12

a) L’article 55 de la loi SRU 12

b) Un bilan qui fait apparaître le caractère insuffisamment contraignant du dispositif 13

4. De l'argent en moins pour la construction de logements sociaux 14

5. L'illusion d'une France de propriétaires 15

B.— LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE : LE LOGEMENT AU CœUR DES TENSIONS URBAINES 16

II.— CHANGER DE CAP : QUELLES RÉPONSES POUR UN LOGEMENT ABORDABLE ET ADAPTÉ À TOUS ? 17

A.— AGIR SUR LA DEMANDE POUR RELANCER LE POUVOIR D’ACHAT ET RENFORCER LA PROTECTION DES LOCATAIRES 17

1. Améliorer la solvabilité des locataires 17

2. Sécuriser les accédants à la propriété 18

3. Lutter contre les ventes à la découpe 18

4. Améliorer les rapports locatifs 19

5. Atténuer le poids des charges locatives 21

6. Accompagner les propriétaires modestes dans leur effort financier en faveur de l’éco-habitat 21

B.— CONFORTER LE LIVRET A ET RÉFORMER LA FISCALITÉ DU LOGEMENT POUR LA RENDRE PLUS JUSTE ET PLUS EFFICACE 22

1. Conforter le livret A comme outil de financement indispensable 22

2. Soutenir fiscalement la primo-accession et recentrer l’aide à l’accession sur les ménages les plus modestes 22

3. Supprimer impérativement le dispositif d’amortissement « Robien » 22

4. Favoriser la mobilisation du parc privé dans la mise en œuvre du droit au logement opposable 22

5. Améliorer l’information relative au conventionnement des logements privés et à la sécurisation de leur location 23

C.— UNE VRAIE POLITIQUE DE RELANCE DE LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS SOCIAUX 24

1. Renforcer la contrainte pesant sur les communes déficitaires en logements sociaux : un impératif de solidarité 24

2. Améliorer les conditions d’attribution des logements locatifs sociaux 25

3. Donner à l’État de véritables moyens de peser sur la construction de logements sociaux 26

EXAMEN EN COMMISSION 29

Mesdames, Messieurs,

Les nombreux textes votés par la majorité depuis cinq ans pour lutter contre la crise du logement – loi de programmation et d’orientation pour la ville et la rénovation urbaine, plan de cohésion sociale, loi ENL, loi DALO – n’ont pas réussi à enrayer cette crise, ni à répondre à l’objectif que se fixe la présente proposition de loi : donner un logement adapté à chacun et abordable à tous.

La progression des dépenses liées au logement dans le budget de tous les ménages, l'augmentation insupportable des loyers, les risques d'expulsions qui en découlent, l'inadaptation des logements aux besoins des familles, l'insuffisance de la construction de logements très sociaux, l'aggravation du nombre de logements insalubres, le mal logement des jeunes travailleurs, des jeunes couples, des personnes à mobilité réduite, des familles modestes, des étudiants ou des personnes âgées, l'inefficacité des dispositifs d’accession sociale : c'est tout cela qui, aujourd'hui, constitue la gravité de la crise du logement sur tous les territoires et pour toutes les catégories de population.

Le logement est donc un enjeu majeur, si ce n’est l’enjeu principal, pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Dans un contexte de pénurie de l’offre de logements, les écarts n’ont cessé de se creuser entre les ménages les plus riches, et les plus modestes, dont le pouvoir d’achat est anéanti par le poids du loyer et des charges locatives. Ainsi, en 2006, les 20 % de ménages ayant le niveau de vie le plus faible consacraient près de 25 % de leurs dépenses de consommation au logement, contre 10,8 % pour les 20 % des ménages les plus aisés.

De fait, la France a connu depuis 10 ans une évolution sans précédent des loyers tandis que les prix de l’immobilier ont quasiment doublé sur la même période. Dans le même temps, les aides au logement n’ont pas été revalorisées de manière régulière ni cohérente avec les évolutions du marché.

Celui-ci a d’ailleurs subi les effets pervers d’un certain nombre de dispositifs tels que l’amortissement Robien, qui a davantage constitué un produit de défiscalisation qu’un véritable outil de relance de la construction de logements à des loyers abordables. La politique menée par le Gouvernement en faveur de l’accession à la propriété n’a pas été ciblée sur les ménages les plus modestes puisque le prêt à taux zéro (PTZ) a été considérablement étendu en loi de finances pour 2005, et que le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt a été ouvert à tous les ménages, et non aux seuls primo-accédants.

C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste propose un véritable changement de cap dans la politique menée par les pouvoirs publics, afin d’offrir un logement adapté et abordable à tous, et non seulement aux ménages les plus aisés. Cette politique se veut en cohérence avec la loi DALO, entrée en vigueur le 1er janvier dernier. En effet, sans de véritables mesures en faveur du logement des ménages modestes, comment l’État va-t-il pouvoir mettre en œuvre la loi votée par l’actuelle majorité ?

La proposition de loi qui vous est soumise repose par conséquent sur trois axes :

– le pouvoir d’achat des ménages modestes et la protection des locataires ;

– la réforme des dispositifs fiscaux en faveur du logement ;

– le soutien à la construction de logements sociaux, notamment grâce au renforcement de l’article 55 de la loi SRU.

Le logement constitue le premier poste de dépenses des ménages les plus modestes. Cette situation n’est pas acceptable, c’est pourquoi il vous est proposé de limiter les hausses de loyer à la relocation, et d’améliorer les conditions de versement des aides au logement. Il vous est notamment proposé une revalorisation de ces aides, afin de tenir compte de l’inflation enregistrée depuis 2002, ainsi que la suppression du mois de carence, et du seuil de 15 euros en deçà duquel les aides ne sont pas versées.

Ainsi que le groupe socialiste n’a cessé de le répéter, l’existence de ce seuil ne trouve en effet aucune justification, si ce n’est le souci du Gouvernement de faire des économies budgétaires au détriment des ménages modestes. Il vous est également proposé de revenir à une gestion du fonds de solidarité logement à parité entre l’État et le département. Rien ne justifie encore une fois un tel désengagement budgétaire de l’État, de nature à créer des inégalités entre départements.

Le présent texte comporte, en outre, des dispositions visant à sécuriser les rapports locatifs, avec la création d’un fonds de garantie des impayés, qui soit véritablement universel et mutualiste. Nous vous proposons en conséquence, et dans un souci de cohérence, la suppression du cautionnement solidaire, qui perd son sens dès lors que le fonds de garantie est universel. Le dispositif proposé améliore les conditions dans lesquelles le dépôt de garantie est restitué au locataire par le propriétaire. Ce dernier devra notamment justifier les retenues effectuées sur le montant de ce dépôt de garantie.

La proposition de loi n’envisage pas uniquement le poids du logement du point de vue du loyer, mais également du point de vue des charges locatives, et des charges supportées par les propriétaires bailleurs qui investissent dans des travaux d’amélioration profitant au locataire occupant.

Enfin, le texte vise également à sécuriser les accédants à la propriété victimes d’accidents de la vie.

Le deuxième volet de cette proposition de loi concerne le financement de la construction de logements sociaux, et non plus la solvabilité des ménages. Il vise notamment à renforcer le livret A, en en augmentant le plafond. Le livret A, en effet, est un instrument majeur de financement du logement social.

Par ailleurs, nous vous proposons une réforme d’ampleur de la fiscalité du logement. L’ensemble des analyses économiques illustrent à quel point le dispositif de l’amortissement Robien est mal calibré. Il a sans doute constitué un produit de défiscalisation appétissant pour les investisseurs, mais pas un réel outil de relance de la construction profitant à tous nos concitoyens. Il n’a en tout cas pas répondu à l’objectif qui est le nôtre, et qui consiste encore une fois à proposer un logement abordable à tous. Le Gouvernement s’est employé à réformer le dispositif, mais n’est pas allé jusqu’au bout de sa démarche puisqu’il ne l’a pas supprimé. C’est ce que nous vous proposons.

De même, si l’accession sociale à la propriété tient à cœur à l’ensemble des députés de notre assemblée, il nous semble nécessaire et légitime que les politiques publiques favorisant l’accession soient ciblées sur les ménages les plus modestes, ce qui permettrait du même coup d’accroître l’aide apportée par l’État à ces ménages.

En outre, dans le contexte de la mise en œuvre du droit au logement opposable, il est indispensable que tous les maillons de la chaîne du logement participent à l’effort de logement des populations en difficulté. La mise en œuvre du DALO ne peut reposer sur le seul parc social. Le parc privé doit être mobilisé, tant les objectifs nous paraissent difficiles à atteindre. Il est donc proposé d’exonérer fiscalement les revenus locatifs des propriétaires bailleurs souhaitant accueillir des ménages bénéficiant du DALO. Cette proposition rejoint la démarche adoptée par la majorité, et consistant à recourir à l’outil fiscal pour inciter les propriétaires à louer leur logement à un loyer de niveau social.

Il est également proposé d’améliorer l’information des investisseurs souhaitant effectuer un placement locatif.

Enfin, le troisième et dernier volet de la présente proposition de loi agit sur plusieurs leviers pour relancer la construction de logements sociaux. Il s’agit ici de promouvoir une offre adaptée aux besoins.

En effet, les dispositifs existants, en particulier l’article 55 de la loi SRU, méritent d’être précisés, afin d’éviter les dérives que l’on a pu constater depuis l’entrée en vigueur de cette loi. Votre rapporteur fait notamment référence aux communes préférant payer une pénalité plutôt que de participer à l’effort national de construction de logements sociaux. Il tient également à évoquer les communes n’utilisant pas toute la palette de logements sociaux qu’il leur est possible de construire, se contentant de construire des logements de type PLS, alors que le niveau de plafond de ce type de logements est beaucoup trop élevé pour les ménages modestes.

Le texte renforce donc le système de pénalités afin de le rendre effectif (en le multipliant par cinq), et vise au rééquilibrage de l’offre de logements sociaux PLA-I / PLUS / PLS construits par les communes. Ces mesures paraissent indispensables si l’on veut être à même de répondre aux objectifs de la loi DALO.

L’État pourra en outre disposer d’un droit de préemption dans les communes ne respectant pas leurs obligations légales au titre de l’article 55 de la loi SRU. Il veillera également à répartir au mieux l’effort des différentes collectivités dans la mise en œuvre de la loi DALO. Il n’est pas équitable, en effet, que ce soient uniquement les communes bénéficiant d’un nombre important de logements sociaux qui fassent un effort en faveur du droit au logement opposable. Il s’agit ici d’une question de solidarité nationale.

Outre les modifications de l’article 55 de la SRU, il vous est proposé d’apporter des modifications au droit de l’urbanisme, afin, notamment de lutter contre la rétention foncière, et de permettre aux communes de récupérer une partie de la plus-value engendrée par le classement d’un terrain en zone urbaine. Il vous est également proposé de soutenir l’effort financier des collectivités locales qui construisent des logements sociaux, par le renforcement des dotations qui leur sont accordées.

Par ailleurs, dans un souci de meilleure gouvernance de la politique du logement, il paraît indispensable que le contingent préfectoral ne puisse être délégué qu’aux présidents de structures intercommunales et non plus aux maires. En effet, ce sont les intercommunalités qui établissent les programmes locaux de l’habitat (PLH) et qui sont les mieux à même d’avoir une vision globale du bassin d’habitat dont ils ont la charge.

Enfin, il est nécessaire que l’État contribue par tous les biais possibles à l’effort financier en faveur de la création de logements, c’est pourquoi nous vous proposons de prévoir qu’il doit vendre ses terrains et immeubles à des prix inférieurs à leur valeur vénale dès lors qu’ils sont consacrés à la construction de logements, notamment sociaux. Ce qui peut paraître dans un premier temps comme une dépense pour l’État, constitue en fait un investissement, voire une économie.

I.— UN DIAGNOSTIC PARTAGÉ ET INQUIÉTANT

Près d'un Français sur deux redoute aujourd'hui de perdre son logement et se retrouver à la rue ! Avoir un toit est un besoin vital. Les Français n'ont donc pas d'autre choix que d'assumer cette dépense de plus en plus lourde pour leur budget. Ils doivent notamment faire face à :

• une augmentation sans précédent des loyers (+ 28,8 % en moins de 6 ans) ;

• une explosion des charges : + 44 % entre 1995 et 2005 ; + 40 % entre 1995 et 2005 pour l'énergie et l'eau.

Par conséquent, le logement est le premier poste budgétaire des ménages et donc la cause principale de la perte de leur pouvoir d'achat.

Face à cette crise, la majorité gouvernementale a mené une politique qui a non seulement aggravé le problème mais l'a laissé s'étendre aux classes moyennes.

A.— LE DÉSENGAGEMENT CONFIRMÉ DE L'ÉTAT

1. Des aides insuffisantes pour les plus modestes

Les aides à la personne jouent un rôle essentiel dans la mesure où elles permettent de solvabiliser les locataires et donc de prévenir les expulsions (en hausse de 22 % en cinq ans) et les exclusions. Elles bénéficient aujourd'hui à plus de 6 millions de ménages dont les trois quarts ont des revenus inférieurs au SMIC.

Le Gouvernement aurait pu compenser la hausse débridée des loyers en revalorisant substantiellement ces aides directement versées aux ménages. Mais il a au contraire fait le choix de leur stagnation, les revalorisant insuffisamment, et seulement une année sur deux entre 2003 et 2006 : de 1,2 % en 2003, alors que l'indice des loyers progressait la même année de 3 % , en hausse de 1,8 % en 2005 alors que l'indice des loyers progressait de 3,5 %. Par conséquent, le pouvoir solvabilisateur des aides au logement a perdu 10 % entre 2002 et 2006.

Alors que de plus en plus de ménages sont en difficulté, le Gouvernement a refusé d'élargir les critères d'attribution des aides, voire en a durci les conditions d'accès. Ainsi, en 2003, il a décidé que les ménages qui percevaient une aide inférieure à 24 euros par mois n'y avaient plus droit. En 2006, le seuil de non-versement a été rabaissé à 15 euros par mois, grâce à la pression des parlementaires de gauche.

Le Gouvernement, en outre, se permet même de réaliser des économies budgétaires sur les plus modestes :

– en relevant d'un euro la participation minimale des bénéficiaires à la dépense de logement,

– et en refusant de verser les aides lorsque celles-ci sont inférieures à 15 euros par mois.

Le problème est que le Gouvernement ne peut plus disposer de l'argent qu'il a dilapidé en octroyant des cadeaux fiscaux à une minorité de privilégiés. Ainsi, les dépenses fiscales de la loi relative au travail à l’emploi et au pouvoir d’achat, estimées à 15 milliards d'euros par an en rythme de croisière, représente un montant qui aurait pu permettre à l'État de doubler les aides au logement perçues par les allocataires et d’augmenter le nombre de bénéficiaires ! Cet argent aurait pu également être consacré au budget de l'État dédié à la construction de logements abordables, budget sacrifié chaque année depuis 2002 !

2. Des produits de défiscalisation mal calibrés : l’échec des amortissements « Robien » et « Borloo »

Le Gouvernement dépense beaucoup pour aider les propriétaires, sans aucune contrepartie réelle, sans vérifier l'adaptation des logements aux besoins des ménages et aux situations locales.

Le dispositif « Robien » a été créé par la loi du 2 juillet 2003 relative à l'urbanisme et à l'habitat. Cet avantage fiscal est destiné aux particuliers qui veulent acheter un ou plusieurs logements neufs dans le but de les louer. Il permet aux propriétaires bailleurs d'amortir une partie de leur achat en bénéficiant d'exonérations sur les revenus locatifs qui en sont issus. Or, aucune contrepartie en retour ne leur est demandée : ni contrepartie sociale (les logements ne sont pas réservés à des locataires aux revenus modestes ou moyens), ni contrepartie de loyer (les loyers sont au niveau du marché). Via ces exonérations fiscales, l'État consacre budgétairement en moyenne 33 000 euros à chaque logement « de Robien », ce qui coûte chaque année environ 400 millions d’euros. À titre de comparaison, il consacre tout au plus 20 000 € à la construction d'un logement social !

En outre, les loyers des logements financés à l’aide du dispositif d’amortissement « Robien » ne sont pas abordables ! Ainsi, en 2007, un 3 pièces de 65 m2 :

• À Carcassonne, est loué 419 euros en moyenne dans le parc privé ancien, mais un logement « Robien » de la même surface peut coûter jusqu'à 755 euros par mois.

• À Angers, le même logement est loué en moyenne 361 euros alors que le « Robien », de même surface, peut atteindre 924 euros par mois.

• À Nanterre, un 3 pièces de 65 m2 est loué en moyenne 1 100 euros alors que le « Robien » s'affiche à 1 330 euros par mois.

Le Gouvernement est donc en partie responsable de l'envolée des loyers !

Quant à l’amortissement « Borloo », créé en 2006, il repose sur le même mécanisme fiscal : les loyers sont plafonnés et les ressources des locataires ne peuvent excéder les plafonds prévus pour les logements intermédiaires, soit 4 139 euros mensuels pour un couple dans une grande agglomération, 2 858 euros dans une ville moyenne.

Aubaines fiscales pour les plus riches, les dispositifs « Robien » et « Borloo » permettent en effet à des investisseurs de payer moins d'impôts et de loger des ménages aisés. Or, ils coûtent excessivement cher chaque année aux contribuables et contribuent très fortement à la hausse des prix !

Les 400 millions d’euros dépensés tous les ans pour le «Robien » pourraient permettre la construction de 20 000 logements abordables par an. Le nombre de logements sociaux construits chaque année augmenterait ainsi de 80 % !

L’ensemble des amortissements fiscaux pèse dans le budget de l'État à hauteur de 836 millions d'euros en 2008, en progression de 26 % par rapport à 2007. Une réorientation d'une partie de ces crédits pourrait par exemple permettre une considérable augmentation du nombre de logements accessibles et sociaux et le doublement du prêt à taux zéro (PTZ).

Le Gouvernement le reconnaît d’ailleurs lui-même : ainsi que le précise le Rapport d’évaluation des dispositifs d’aide à l’investissement locatif publié en février 2008 par le ministère du Logement et de la Ville en application de la loi ENL, « les aides à l'investissement locatif étant associées à des plafonds de loyer, elles sont plus rentables dans les zones où les loyers de marché sont plus proches des plafonds. Ce mécanisme pourrait avoir entraîné une mauvaise adaptation de l'offre neuve. (…) Les caractéristiques fiscales des dispositifs influent bien sur la typologie des logements financés. Il est donc crucial de s'assurer a priori que ces caractéristiques favorisent bien l'émergence d'un parc locatif dont le profil répond à la demande, en particulier en termes de taille, de niveau de loyer et de localisation. (…) Les choix de localisation des logements faits par les investisseurs n'apparaissent pas, au vu des études réalisées dans ce rapport, comme parfaitement satisfaisantes. En effet, une part significative des investissements est réalisée dans des zones dont la tension du marché est faible ou intermédiaire. On peut s'interroger sur un ciblage des dispositifs à certaines zones dont le marché immobilier est considéré comme suffisamment tendu pour justifier une aide fiscale de l'État. Cette interrogation peut se doubler d'une réflexion sur l'articulation entre les aides fiscales et les interventions des collectivités dans le domaine de l'habitat, notamment quand elles sont délégataires. Or, le coût d'urbanisation associé à la construction de logements neufs et le risque électoral que cela peut représenter, peut limiter la volonté des élus locaux, en particulier les maires, d'utiliser ce type d'aide. Il conviendra donc de veiller à ce que les incitations des collectivités locales à encourager le recours aux aides fiscales soient conformes avec les besoins de leur marché local de l'habitat. »

3. L’effort insuffisant d’un nombre important de communes en matière de construction de logements sociaux

a) L’article 55 de la loi SRU

Adopté sous le Gouvernement Jospin en décembre 2000, l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain du 13 décembre 2000 visait à favoriser la mixité de l’habitat en prévoyant l’obligation pour certaines communes de disposer de 20 % de logement sociaux.

Sont concernées les communes dont la population est au moins égale, au recensement général de la population de 1999, à 1 500 habitants en Île-de-France et 3 500 habitants dans les autres régions et qui sont comprises dans une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1er janvier de l’année précédente, moins de 20 % des résidences principales.

La loi DALO a étendu le champ d’application de l’article, à compter du 1er janvier 2008, aux communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, dont la population est au moins égale à 1 500 habitants en Ile-de-France et 3 500 habitants dans les autres régions et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1er janvier de l’année précédente, moins de 20 % des résidences principales. Le prélèvement prévu par l’article 55 de la loi « SRU » est opéré à compter du 1er janvier 2014.

Les logements considérés comme des logements sociaux sont strictement énumérés par la loi : il s’agit principalement des logements HLM construits avant 1977, et, après cette date, des seuls logements HLM conventionnés à l’APL, des autres logements conventionnés dont l’accès est soumis à conditions de ressources, des logements ou lits des logements – foyers pour personnes âgées, handicapées, jeunes travailleurs, travailleurs migrants et résidences sociales, et des places en centre d’hébergement et de réinsertion sociale.

La réalisation des objectifs de l’article 55 s’effectue selon un rattrapage triennal.

Les communes ne respectant par leurs obligations sont soumises à un prélèvement proportionnel qui affecte leurs ressources fiscales, à l’exception de celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine, lorsque le nombre de logements sociaux y excède 15 % des résidences principales.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi « ENL » du 13 juillet 2006, le prélèvement a été fixé à 20 % du potentiel fiscal par habitant, multipliés par la différence entre 20 % des résidences principales et le nombre de logements sociaux existant dans la commune l’année précédente, sans que le prélèvement puisse excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune constatées dans le compte administratif afférent au pénultième exercice.

Ce prélèvement peut être reversé à différents bénéficiaires :

– l’EPCI, s’il est compétent pour effectuer des réserves foncières en vue de la réalisation de logements sociaux et doté d’un programme local de l’habitat approuvé ;

– l’établissement public foncier, dès lors que la commune appartient à un tel établissement (cela ne concerne pas l’Île-de-France) ;

– ou le fonds d’aménagement urbain, qui est destiné aux communes et aux EPCI s’engageant dans des actions foncières et immobilières en faveur du logement social.

Le préfet peut engager une procédure de constat de carence lorsque les communes n’ont pas respecté leurs engagements triennaux : en effet, les communes et les EPCI disposant d’un programme local de l’habitat (PLH) établissent, au terme de chaque période triennale, un bilan du respect de leurs engagements en matière de mixité sociale.

En outre, en vertu de l’article L. 302-9-1 du code de la construction et de l’habitation, le préfet peut engager une procédure de constat de carence, lorsque, dans les communes soumises au prélèvement, les engagements triennaux qu’elles ont pris dans le cadre du PLH en matière de construction de logements sociaux à réaliser n’ont pas été tenus. En tenant compte de l’importance de l’écart entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale échue, des difficultés rencontrées par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, le préfet peut prononcer, par arrêté, la carence de la commune et fixer une majoration du prélèvement, pour une durée maximale de trois ans.

b) Un bilan qui fait apparaître le caractère insuffisamment contraignant du dispositif

L’actuelle majorité a tenté de revenir sur ce dispositif. Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, sont assimilés aux logements sociaux visés à l’article 55 de la loi « SRU », pendant cinq ans à compter de leur vente, les logements vendus à partir du 1er juillet 2006 à leurs locataires dans le cadre d’une opération d’accession sociale à la propriété.

En outre, le bilan de l'application de la loi SRU est décevant : sur 719 communes soumises à la loi SRU, 140 n'ont fait aucun effort pour réaliser du logement social.

En 2005, 779 des 1 389 communes concernées disposaient de moins de 20 % de logements sociaux.

96 d'entre elles étaient exonérées de l'application du dispositif :

– 12 d’entre elles, parce qu’elles étaient couvertes par un plan d'exposition au bruit ou une servitude de protection ;

– 32 d’entre elles, dans la mesure où elles ont connu une décroissance démographique ;

– et 52 d’entre elles, au motif qu’elles touchent la dotation de solidarité urbaine et qu’elles disposent de plus de 15 % de logements sociaux.

Sur 683 communes redevables du prélèvement, seules 555 ont fait l’objet d’un prélèvement, les 128 autres ayant effectué des dépenses déductibles supérieures au prélèvement ou ayant été frappées par un prélèvement inférieur à 3 811 euros.

Le prélèvement net total s'est élevé à 36,14 millions d'euros, 20 millions d’euros ayant été redistribués par l'intermédiaire des EPCI et des établissements publics fonciers locaux, les 16 millions restants par le biais des fonds d'aménagement urbain.

En outre, 111 communes ont fait l’objet d’un constat de carence en 2005, et 36 devraient faire l’objet d’un tel constat en 2006. Les régions concernées par cette procédure sont l’Île-de-France, la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur et la région Rhône-Alpes.

Dans le palmarès des « 15 villes cancres du logement social» dressé par la fondation Abbé Pierre, 13 étaient des municipalités de droite, à l'inverse, de nombreuses municipalités de gauche, à l'image de Paris ou Lyon, se sont engagées à atteindre 20 % de logements sociaux dès 2014.

4. De l'argent en moins pour la construction de logements sociaux

Entre 1994 et 2000, environ 70 % de l'ensemble des logements mis en chantier offraient des loyers modérés, c'est-à-dire destinés aux populations modestes. Depuis le début des années 2000, cet équilibre est rompu. Entre 2001 et 2006, l'effort de la collectivité en faveur du logement et, singulièrement, celui de l'État ont reculé rapidement.

Certes, en 2006, 420 900 logements ont été mis en chantier. Mais la part des logements aux loyers accessibles a presque diminué de moitié. Aujourd'hui, à peine plus de 40 % des mises en chantier correspondent à des logements abordables pour les familles modestes.

Cette situation dramatique sur le marché doit être mise en parallèle avec l'absence de mesures susceptibles d'aider les organismes de logement social à répondre à la forte hausse des demandes constatée depuis 2002.

En outre, qui peut accéder au logement social ? Le point sur les plafonds de ressources (par ménage) :

•   pour le logement très social (PLA-I) : environ 1,5 SMIC

•   pour le logement social (PLUS) : environ 2,7 SMIC

Ainsi, le PLUS est accessible à près de 70 % de la population française.

5. L'illusion d'une France de propriétaires

Pour éluder le problème, le Gouvernement incite les ménages à sortir du parc locatif pour qu'ils deviennent, certes, propriétaires mais en s'endettant lourdement. Or, depuis 2002 l'augmentation des prix à l'achat est encore plus forte que celle des loyers. En réalité il est aujourd'hui extrêmement difficile pour une famille aux revenus moyens d'acheter un appartement ou une maison à l'endroit de son choix et qui corresponde à ses aspirations.

Pourtant, des solutions éprouvées existent. Le Gouvernement les a démontées au cours de ces six dernières années. Depuis fin 2001, les prix au m2 pour l'achat dans l'ancien ont bondi de 92 % en sept ans. Rien d'étonnant alors que le nombre des accédants modestes dans l'ancien ait stagné depuis le début des années 2000.

Les aides à la pierre (aides de l'État allouées à la construction et à l'amélioration de logements accessibles) ont par exemple baissé d'environ 30 % entre 2001 et 2007 alors que dans le même temps, les prélèvements fiscaux sur le secteur du logement (fiscalité sur les revenus fonciers, retours de TVA, droits de mutation) ont progressé très rapidement : depuis 2002, le logement rapporte plus à l'État qu'il ne lui coûte ! Par exemple, grâce au logement et à la hausse des prix, l'État a perçu 7,6 milliards d’euros de plus entre fin 2001 et fin 2005, qu'il n'a ni réinvestis, ni redistribués aux ménages. Avec cette somme, il aurait pourtant pu financer 380 000 logements sociaux supplémentaires ou augmenter de 20 % les aides au logement sur toute la période.

B.— LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE : LE LOGEMENT AU CœUR DES TENSIONS URBAINES

La pénurie de logements abordables a transformé le logement en un bien précieux et convoité. Les ménages modestes sont repoussés à la périphérie, les classes moyennes elles-mêmes sont exclues des centres villes.

Cette fragmentation territoriale n'est pas sans conséquence à l'heure où le prix de l'essence atteint un niveau historique. Les coûts de déplacement, plus élevés que jamais, isolent définitivement ceux qui n'ont pas pu acheter ou louer en centre ville. Mais là encore, le Gouvernement laisse faire !

Pire, il encourage l'étalement urbain à travers des programmes trompeurs, tels que la « Maison à 100 000 euros » : par ce dispositif, qui reste d'ailleurs lettre morte, mais aussi par de nombreux discours, le Gouvernement laisse penser que la maison individuelle est l'avenir rêvé de l'habitat pour les Français. Or, à y regarder de plus près, ce rêve imposé peut vite se transformer en cauchemar :

• personnel : le coût des déplacements - en argent, en temps et en qualité de vie - se révèle considérable, annulant ainsi l'avantage retiré d'un achat moins cher loin des centres urbains. En outre, la maison individuelle, tout particulièrement dans les secteurs très résidentiels, peut être adaptée à un certain moment (couple avec jeunes enfants par exemple) mais beaucoup moins à d'autres âges de la vie (jeunes adultes, personnes âgées) ou à d'autres situations familiales.

• collectif : l'étalement urbain génère de nombreux déplacements et contribue au réchauffement climatique. Il posera en outre de graves questions d'équilibre démographique et territorial, d'aménagement et d'équipements collectifs lorsque certains secteurs, peu denses, tendront à assigner à résidence des populations vieillissantes, éloignées des commerces et services et pas suffisamment fortunées pour aller s'installer dans les centres urbains.

La pénurie de logements abordables nourrit l'exclusion, aggrave la crise sociale et génère des tensions, source de violences.

Alors que pendant 30 ans le logement social avait véritablement été un lieu de brassage, il est de plus en plus utilisé comme un parc de relégation. Le Gouvernement reconnaît, d'ailleurs, de plus en plus ouvertement, sa volonté d'y concentrer tous les pauvres au même endroit, créant les conditions d'une véritable explosion sociale.

Les événements tragiques dans de nombreuses villes de novembre 2005, et plus récemment à Villiers-Le-Bel, ont rappelé à l'opinion la réalité de la misère et de la relégation d'une partie de la population en banlieues. Chômage de masse, RMI, sentiment d'abandon par les pouvoirs publics, précarité, insécurité, échec scolaire, ces difficultés sont vécues au quotidien par les habitants. Derrière des apparences volontaristes, les politiques engagées par M. Jean-Louis Borloo en 2005 n'ont, en réalité, fait qu'aggraver la situation et assombri un peu plus encore le bilan du Gouvernement.

Votre rapporteur tient par conséquent à insister sur la nécessité de renforcer la mixité sociale de l’habitat, les risques de ségrégation urbaine étant dénoncés par tous les sociologues urbains. A cet égard, l’article 55 de la loi SRU constitue l’outil principal permettant à l’Etat de promouvoir cette mixité sur l’ensemble du territoire.

II.— CHANGER DE CAP : QUELLES RÉPONSES POUR UN LOGEMENT ABORDABLE ET ADAPTÉ À TOUS ?

A.— AGIR SUR LA DEMANDE POUR RELANCER LE POUVOIR D’ACHAT ET RENFORCER LA PROTECTION DES LOCATAIRES

Le titre Ier de la présente proposition de loi vise à agir sur la demande, trop négligée par la majorité depuis 2002. Il s’agit en effet d’améliorer la solvabilité des locataires, d’améliorer leurs relations avec les bailleurs, de modérer les charges locatives, et de sécuriser les accédants à la propriété victimes d’accidents de la vie.

1. Améliorer la solvabilité des locataires

Dans le cadre de la loi n° 2008-111 du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat, le Gouvernement a repris une idée longtemps soutenue par le groupe socialiste, en prévoyant l’indexation de l’indice de référence des loyers sur l’indice des prix. Cette mesure s’avère néanmoins insuffisante, tant le décrochage est important depuis 5 ans. En outre, le locataire ne sera nullement protégé d’une augmentation importante du loyer lors du renouvellement du bail. Le changement de locataire est en effet une circonstance propice à la revalorisation excessive des loyers. Des mesures de rattrapage sont également nécessaires en matière de revalorisation des aides personnelles au logement.

C’est la raison pour laquelle l’article 1er de la présente proposition de loi propose de limiter les hausses de loyers à la relocation sur une durée de trois ans consécutive à la promulgation de la loi. Il s’agirait d’un mécanisme transitoire, qui permettrait ainsi de limiter l’effet des tensions pesant sur le marché locatif.

Quant à l’article 2, il prévoit une revalorisation des aides au logement, permettant de revenir sur le décrochage qu’ont connu les allocataires depuis cinq ans, entre évolution des loyers et évolution des aides personnelles. Il dispose ainsi qu’au 1er janvier 2009, les plafonds de loyers, le montant forfaitaire des charges et les équivalences de loyer et de charges locatives de l’aide personnalisée au logement, de l’allocation de logement familiale et de l’allocation de logement sociale, sont revalorisées à due concurrence de l’évolution constatée de l’indice des prix à la consommation entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2007.

L’article 3 supprime le mois de carence pour le versement des trois aides, et l’article 4 supprime le seuil de 15 euros en deçà duquel les APL ne sont actuellement pas versées aux locataires, en prévoyant que lorsque l’aide est inférieure à ce montant, un décret peut modifier la périodicité des versements.

La présente proposition de loi vise également à renforcer le rôle du fonds de solidarité logement, en revenant sur la réforme opérée par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Cette réforme avait en effet décentralisé la gestion et le financement du dispositif, les confiant au département au titre de sa compétence en matière d’action sociale. Cette réforme a eu pour effet d’instaurer des disparités importantes entre les territoires, l’État ne jouant plus son rôle de garant de la solidarité nationale.

C’est pourquoi l’article 6 rétablit le financement des fonds de solidarité logement à parité entre l’État et les départements, de même que le rôle des plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD) pour l’établissement des conditions d’octroi des aides distribuées, afin d’éviter qu’à situation équivalente, une personne ne dispose pas de droits équivalents, du fait de sa situation géographique.

2. Sécuriser les accédants à la propriété

L’article 5 renforce la protection des accédants à la propriété et vise également à lutter contre le surendettement, en prévoyant que toute offre préalable et tout contrat de crédit immobilier doit comporter une clause offrant à l’emprunteur la possibilité, sans pénalité, et sans devoir souscrire une assurance, de reporter le paiement des mensualités dues pour une durée de six mois en d’en moduler le montant lors de la survenance d’événements graves affectant ses ressources indépendamment de sa volonté.

3. Lutter contre les ventes à la découpe

Tandis que le groupe socialiste avait déposé une proposition de loi visant à lutter efficacement contre ce qu’il est convenu d’appeler les ventes à la découpe, ou ventes par lots, la majorité a préféré adopter la loi n° 2006-685 du 13 juin 2006 relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d'un immeuble, bien en deçà du problème posé.

En effet, non seulement la portée de cette loi reste beaucoup trop limitée, mais elle comporte par ailleurs des reculs absolument injustifiables. L'insuffisance du texte se mesure aussi bien aux faibles protections qu'il accorde aux habitants des immeubles découpés qu'à son ignorance totale du rôle de la puissance publique. La loi ne concerne que les locataires qui ont les moyens et l'ambition d'acheter leur logement, soit en moyenne moins d'un tiers d'entre eux.

En revanche, la loi ne prévoit aucune protection efficace pour la grande majorité des locataires qui n'ont pas les ressources suffisantes pour devenir propriétaires. Trop peu protectrice des locataires, la loi de 2006 ne comporte aucune disposition visant à encadrer l'activité spéculative des marchands de biens. Celle-ci contribue pourtant à alimenter la flambée des prix et à déstabiliser le marché immobilier. De même, aucune mesure n'est prévue pour permettre aux maires de protéger la mixité sociale de leurs villes. Or on sait que les ventes à la découpe accélèrent fortement l'éviction de populations qui préservent encore la diversité d'habitants des centres-villes. Il est donc indispensable que le maire puisse suspendre la mise en copropriété lorsque les circonstances et les locataires l'exigent.

Il est donc proposé à l’article 7 d’instaurer un permis de mise en copropriété délivré par le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale du territoire concerné, qui sera exigé pour toute opération de division par lots d’immeuble d’au moins cinq logements.

Le maire ou le président de l’EPCI pourra ainsi refuser la délivrance du permis :

– si l’immeuble ne répond pas à des normes techniques et environnementales ;

– si la mise en copropriété de l’immeuble va à l’encontre des objectifs définis dans le programme local de l’habitat (PLH), en particulier en matière de mixité sociale ;

– ou si les locataires ou occupants de bonne foi des locaux d’habitation ne disposent pas d’un contrat de location d’au moins six ans à compter de la date de demande du permis.

4. Améliorer les rapports locatifs

L’article 8 vise à créer un fonds de garantie contre les risques locatifs, qui soit véritablement universel et mutualiste, à la différence de la garantie des risques locatifs, qui exclut du dispositif un nombre important de locataires.

La garantie des risques locatifs exclut du dispositif un nombre important de locataires

Dans le cadre de l’article 32 de la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses dispositions en faveur de la cohésion sociale, codifié à l’article L. 313-1 du code de la construction et de l’habitation, l’État et l’Union d’économie sociale pour le logement (UESL) ont signé le 20 décembre 2006 une convention instituant une garantie des risques locatifs (GRL).

Ce dispositif a vocation à remplacer un mécanisme antérieur, dit de garantie « loca-pass ». L’article L. 331-1 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version issue de la loi n° 2005-841 permet que des ressources du 1 % Logement soient consacrées au financement de compensations versées aux entreprises d’assurance de dommages, pour les contrats d’assurance contre le risque de loyers impayés respectant un cahier des charges social approuvé par décret. Les conditions de mise en œuvre du dispositif ont été précisées dans la convention du 20 décembre 2006. La convention précise ainsi :

– les conditions dans lesquelles l’UESL apporte les compensations prévues par la loi ;

– les conditions dans lesquelles l’État assure un financement analogue pour les catégories de ménages non couvertes par le « 1 % Logement » ;

– que la GRL vise à une réduction de la discrimination de fait à l’entrée du parc locatif ;

– que les ménages dont le taux d’effort serait disproportionné pourront être exclus du bénéfice du contrat ;

– que les locataires éligibles doivent satisfaire des critères de solvabilité (non respect par le locataire des critères de solvabilité usuellement imposés par les contrats d’assurances contre les impayés de loyer), et taux d’effort du locataire n’étant pas manifestement disproportionné au regard du montant du loyer, soit dans la limite d’un maximum de 50 % ;

– la distinction entre les catégories de locataires pris en charges par le « 1 % Logement » et les catégories de locataires pour lesquels le financement des compensations, versées par l’UESL, fait l’objet d’un remboursement par l’État.

La loi DALO a en outre créé un fonds spécifique, intitulé fonds de garantie des risques locatifs, au sein de l’Union d’économie sociale pour le logement. Ce fonds est destiné à verser les compensations prévues par la convention du 20 décembre 2006 aux entreprises d’assurances qui proposent des contrats d’assurances contre les impayés de loyer au titre de la GRL. L’État est amené à contribuer au fonds pour la couverture des impayés de loyer non pris en charge par le « 1 % Logement ».

Le fonds universel proposé dans le présent texte indemnisera les propriétaires subissant des situations d’impayés locatifs. Afin d’éviter les effets de passager clandestin, et d’inciter les locataires de mauvaise foi à payer leur loyer, un décret en Conseil d’État précisera les conditions dans lesquelles la garantie sera effective.

Le fonds sera géré par les partenaires sociaux, avec un financement quadripartite, composé :

– d’une subvention de l’État ;

– du produit d’une contribution sur les revenus locatifs acquittée par les propriétaires ;

– des intérêts liés au placement des dépôts de garantie des locataires ;

– et d’une subvention de l’Union d’économie sociale pour le logement (UESL).

En conséquence de la création de ce fonds, l’article 9 interdit aux bailleurs d’exiger du candidat à la location d’un logement le cautionnement solidaire d’un tiers.

Modifiant l’article 22 de la loi tendant à améliorer les rapports locatifs, l’article 10 améliore les conditions de restitution du dépôt de garantie au locataire, en prévoyant que le propriétaire bailleur doit justifier par la production de factures acquittées les retenues effectuées sur ce dépôt, et en réévaluant les intérêts s’imposant en cas de restitution tardive et non justifiée du montant dû. L’alinéa 3 de cet article porte les intérêts à 30 %.

5. Atténuer le poids des charges locatives

Les articles 11, 12 et 13 visent à atténuer le poids des charges pesant sur le budget des locataires, en sus de leur loyer.

En effet, l’article 67 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 a doublé la prime à la cuve pour les ménages se chauffant au fioul, omettant d’étendre la mesure aux ménages qui se chauffent au gaz naturel liquéfié. C’est pourquoi l’article 11 répare cet oubli.

L’article 12 élargit le régime de TVA à 5,5 % aux réseaux de chaleur.

Quant à l’article 13, il prévoit que les augmentations de loyer induites par des travaux de réhabilitation ne peuvent être répercutées intégralement sur le locataire, en les limitant à 15 % du montant total des travaux.

6. Accompagner les propriétaires modestes dans leur effort financier en faveur de l’éco-habitat

Dans le contexte des négociations du Grenelle de l’environnement, les propriétaires vont devoir fournir un effort financier important pour mettre aux normes les logements qu’ils louent ou occupent.

Afin d’assurer un retour partiel sur investissement pour les propriétaires-bailleurs modestes effectuant des travaux d’isolation au profit de leurs locataires, l’article 14 de la présente proposition de loi leur permet de récupérer partiellement l’amortissement de l’investissement. Afin de tenir compte de l’impact des travaux sur les charges du locataire, le calcul du montant récupéré serait fait un an après les travaux et 50 % du bénéfice pourrait être récupéré sous forme d’augmentation du loyer.

De même, afin d’inciter les propriétaires-occupants d’une résidence principale et les propriétaires-bailleurs à réaliser des travaux d’isolation, l’article 15 étend le crédit d’impôt pour installation de gros équipements au coût de main-d’œuvre, qui constitue l’essentiel des dépenses opérées.

L’article 16 majore le prêt à taux zéro en cas d’acquisition d’un logement répondant à des critères de haute performance énergétique, ou qui fait a posteriori l’objet de travaux de mise en conformité avec ceux-ci.

B.— CONFORTER LE LIVRET A ET RÉFORMER LA FISCALITÉ DU LOGEMENT POUR LA RENDRE PLUS JUSTE ET PLUS EFFICACE

Le titre II vise à conforter le livret A et à opérer un véritable changement de cap en matière de dépenses fiscales. La mesure-phare de ce titre II est la suppression du dispositif d’amortissement « Robien ».

1. Conforter le livret A comme outil de financement indispensable

Le livret A constitue un instrument au service du financement du logement social, dans le cadre d’une stratégie de construction, de réhabilitation, d’acquisition, mais également de renouvellement urbain.

La réforme envisagée par le Gouvernement à la suite de la publication du rapport de M. Michel Camdessus intitulé La modernisation de la distribution du Livret A et des circuits de financement du logement social suscite de nombreuses inquiétudes car jusqu’à présent, le livret A a été le seul instrument fiable de financement.

A contrario, l’article 17 de cette proposition de loi augmente le plafond du livret, afin d’augmenter les encours destinés au logement social, tout en confortant dans le même temps l’épargne populaire. Cette hausse du plafond devrait permettre de maintenir l’attractivité du livret A dans l’hypothèse de l’extension de son mode de distribution à l’ensemble des banques.

2. Soutenir fiscalement la primo-accession et recentrer l’aide à l’accession sur les ménages les plus modestes

Afin de favoriser la primo-accession à la propriété, l’article 18 modifie le régime de TVA applicable aux ventes et prestations de travaux pour les ménages bénéficiant du prêt à taux zéro.

En outre, l’article 19 recentre le dispositif du PTZ sur les ménages les plus modestes, en revenant sur les plafonds antérieurs à la réforme Daubresse, et double le montant du prêt.

3. Supprimer impérativement le dispositif d’amortissement « Robien »

Pour les raisons évoquées plus haut, l’article 20 supprime l’amortissement Robien.

4. Favoriser la mobilisation du parc privé dans la mise en œuvre du droit au logement opposable

Depuis le 1er janvier 2008, les personnes sans logement ou mal logées peuvent faire valoir leur droit au logement. À compter du 1er décembre, les publics les plus prioritaires pourront saisir le juge dès lors qu’ils ne se seront pas vu attribuer un logement ou un hébergement adapté par les commissions départementales de médiation.

Or, l’on sait que le parc social ne peut à lui seul assurer l’effectivité de ce droit opposable. Il est impératif de faire participer le parc privé à l’effort national en faveur des personnes sans logement ou mal logées, notamment le parc de logements vacants.

C’est la raison pour laquelle l’article 21 de la présente proposition de loi permet de faire bénéficier les propriétaires bailleurs d’une déduction fiscale de 100 % sur les revenus locatifs des logements à loyers sociaux occupés par des demandeurs de logements jugés prioritaires au titre du droit au logement opposable, dans les conditions définies par la loi du 5 mars 2007.

Cet article majore en outre le taux de la déduction forfaitaire quand les logements sont loués à des associations, de 30 à 50 % pour les logements à loyers intermédiaires et de 45 à 75 % pour les logements à loyers sociaux.

Enfin, les logements privés à loyer modéré pourront également être mis à disposition d’associations en vue de l’hébergement de demandeurs prioritaires au titre de la loi précitée.

5. Améliorer l’information relative au conventionnement des logements privés et à la sécurisation de leur location

Afin d’encourager le conventionnement de logements privés – notamment le conventionnement sans travaux mis en place par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement –, l’article 22 rend systématique l’information fournie aux investisseurs souhaitant effectuer un placement locatif.

En effet, dans le cadre de son rapport d’information sur l’application de la loi n° 2006-872 dite loi « ENL », votre rapporteur a procédé à des auditions auprès de bénéficiaires du conventionnement ANAH sans travaux, créé par la loi précitée. Ces travaux ont mis en lumière la méconnaissance du nouveau dispositif auprès des petits propriétaires. Il est donc nécessaire d’informer les investisseurs réalisant des placements locatifs.

Cette information portera donc sur les dispositifs « Locapass » et de conventionnement ANAH sans travaux. L’article 22 dispose à cette fin que toute offre ou tout contrat de crédit immobilier souscrit à des fins de réalisation d’un investissement locatif, doit être accompagné d’un descriptif des dispositifs existants permettant de conventionner le logement et de sécuriser le paiement du loyer.

C.— UNE VRAIE POLITIQUE DE RELANCE DE LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS SOCIAUX

Afin d’agir sur l’offre de logements sociaux, et d’offrir à nos concitoyens des logements abordables, dont les loyers tiennent compte de leurs ressources, il est indispensable de renforcer la contrainte pesant sur les communes ne jouant pas le jeu de la mixité sociale, et d’imposer que les logements sociaux construits soient de tous types : PLS (prêt locatif social), mais également PLUS (prêt locatif à usage social) et PLA-I (prêt locatif aidé à l’intégration). La construction de logements de type PLA-I, en particulier, doit aujourd’hui constituer une priorité, sans quoi le droit au logement ne pourra être effectif.

1. Renforcer la contrainte pesant sur les communes déficitaires en logements sociaux : un impératif de solidarité

L’article 23 renforce les contraintes pesant sur les communes concernées par l’article 55 de la loi SRU.

Tout d’abord, le droit en vigueur prévoit que les communes qui touchent la dotation de solidarité urbaine (DSU) n’ont l’obligation de disposer que de 15 % de logements locatifs sociaux sur leur territoire, contre 20 % pour les autres communes. Votre rapporteur estime cette disposition trop peu contraignante, dans la mesure où un certain nombre de communes touchent une somme assez faible de DSU sans pour autant connaître de graves difficultés économiques ou sociales.

C’est pourquoi l’article 23 vise à ne plus viser que les communes touchant la DSU qui sont simultanément situées en zone urbaine sensible (ZUS).

Afin de rendre le dispositif véritablement incitatif, le prélèvement effectué auprès des communes ne remplissant pas leurs obligations au titre de l’article 55 de la loi SRU est mutliplié par cinq.

L’article 24 dispose que les communes visées par cet article, dès lors qu’elles font l’objet d’un constat de carence, voient leur prélèvement doubler automatiquement pour l’année où le constat de carence est prononcé par le préfet.

L’article 25 vise également à renforcer le caractère contraignant de l’article 55 de la loi SRU, et concerne plus particulièrement les communes faisant partie d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Il interdit en effet le reversement, aujourd’hui en vigueur, du prélèvement opéré sur les ressources des communes par les EPCI au titre de l’attribution de compensation prévue par l’article 1609 nonies C du code général des impôts (cf. supra le descriptif du mécanisme de l’article 55 de la loi SRU).

Afin de bien mettre en lumière la structure de l’offre locative sociale des communes soumises à l’article 55 de la loi SRU, et notamment de faire apparaître un éventuel déséquilibre de cette structure au profit des logements de type PLS, l’article 26 de la présente proposition de loi dispose que les inventaires annuels de logements locatifs sociaux transmis aux préfets font apparaître la proportion de chaque catégorie de logement social (PLS, PLUS, PLA-I).

Toujours dans le souci de favoriser la promotion d’une offre locative sociale équilibrée, visant tous les maillons de la chaîne du logement social, l’article 27 dispose que les logements sociaux de type PLS ne peuvent constituer plus de 33 % des logements que construisent par les communes dans le but d’atteindre l’objectif de 20 % de logements sociaux fixé par la loi précitée.

Enfin, l’État se voit accorder par l’article 28 un droit de préemption urbain prioritaire dans les communes déclarées en constat de carence par le préfet au titre de l’article 55 de la loi SRU. Il exerce ce droit afin d’assurer la réalisation des objectifs fixés par cet article de loi ou par le programme local de l’habitat.

Il est précisé que le préfet peut déléguer ce droit de préemption à l’organisme avec lequel il a passé une convention en vue de la construction ou de l’acquisition des logements sociaux nécessaires à la réalisation de ces objectifs.

2. Améliorer les conditions d’attribution des logements locatifs sociaux

L’article 29 prévoit que les associations agréées menant des actions d’insertion en faveur du logement des personnes défavorisées disposent d’une voix délibérative, et non plus consultative comme c’est le cas actuellement, au sein des commissions d’attribution des logements locatifs sociaux.

Les commissions d’attribution dans le droit en vigueur

Les principes généraux d’attribution des logements locatifs sociaux sont définis aux articles L. 441 et suivants du code de la construction et de l’habitation qui disposent que cette attribution participe à la mise en œuvre du droit au logement, afin de satisfaire les besoins des personnes de ressources modestes et des personnes défavorisées. Elle doit notamment prendre en compte la diversité de la demande constatée localement ; elle doit favoriser l'égalité des chances des demandeurs et la mixité sociale des villes et des quartiers.

Dans la mesure où les logements locatifs sociaux sont attribués par les organismes HLM, chaque organisme comprend en son sein une commission d'attribution composée de six membres qui est chargée d'attribuer nominativement chaque logement locatif.

Cette commission comprend, selon des modalités définies par décret, un représentant désigné par des associations préalablement agréées par le représentant de l'État dans le département, à l'exception de tout gestionnaire ou bailleur de logements destinés à des personnes défavorisées, et qui mènent des actions d'insertion ou en faveur du logement des personnes défavorisées sur le territoire où sont implantés les logements attribués. Ce représentant dispose d'une voix consultative dans le cadre des décisions d'attribution de la commission.

En outre, le maire de la commune où sont implantés les logements attribués, ou son représentant, est membre de droit des commissions d'attribution. Il dispose d'une voix prépondérante en cas d'égalité des voix.

Le représentant de l'État dans le département, ou l'un de ses représentants membre du corps préfectoral, assiste, sur sa demande, à toute réunion de la commission d'attribution.

L’article 31 oblige les communes soumises à l’article 55 de la loi SRU à consacrer 30 % de leur surface hors œuvre de tout programme de construction de logements à du logement social. Cette proportion serait portée à 50 % dans les communes faisant l’objet d’un constat de carence, et dans celles créant une zone d’aménagement concerté.

3. Donner à l’État de véritables moyens de peser sur la construction de logements sociaux

Afin de lutter contre la rétention foncière, l’article 30 de la présente proposition de loi renforce le mécanisme fiscal qui prévoit, depuis l’entrée en vigueur de la loi ENL, que la valeur locative cadastrale des terrains constructibles situés dans des zones urbaines délimitées par une carte communale, un plan local d’urbanisme, ou un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé, peut, sur délibération du conseil municipal, être majorée d’une valeur forfaitaire de 0,50 euro, 1 euro, 1,50 euro, 2 euros, 2,50 euros ou 3 euros par mètre carré, pour le calcul de la part revenant aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale sans fiscalité propre.

Il est proposé de renforcer ce dispositif, d’une part en le rendant obligatoire, et d’autre part, en prévoyant une valeur forfaitaire de cinq euros par mètre carré, pouvant être augmentée dans la limite de dix euros par mètre carré.

En revanche, afin de ne pas remettre en cause la capacité de portage foncier des établissements publics fonciers (EPF), seraient exonérés de l’application du dispositif les terrains détenus par ces établissements.

Dans un souci de mixité sociale, l’article 32 dispose que le préfet ne peut attribuer de logement à un demandeur considéré comme prioritaire au titre du droit au logement opposable dans des communes disposant déjà plus de 50 % de logements sociaux.

L’article 33 renforce le dispositif mis en place par l’article 26 de la loi ENL instituant un partage de la plus-value engendrée par l’urbanisation d’un terrain entre le propriétaire et la collectivité locale.

L’adoption de l’article 26 de la loi ENL était fondée sur le constat que les collectivités locales contribuent, par leurs décisions d’urbanisme et par les équipements qu’elles installent en conséquence de telles décisions, à la valorisation des terrains auparavant classés en zone verte ou agricole, et par conséquent à la plus-value réalisée par les propriétaires qui les cèdent. En conséquence, le législateur a prévu la possibilité pour les communes d’instituer une taxe forfaitaire sur la cession à titre onéreux de terrains nus qui ont été rendus constructibles du fait de leur classement par le PLU dans une zone urbaine ou dans une zone à urbaniser.

La présente proposition de loi va plus loin, en prévoyant que dans les communes dotées d’un PLU, est obligatoirement instituée une participation des propriétaires de terrains aux charges publiques engendrées par l’urbanisation. Le conseil municipal fixe le niveau de la participation à laquelle sont soumis ces derniers lorsque leurs terrains sont rendus constructibles. Ce niveau ne peut être supérieur à un tiers de la différence existant entre la valeur vénale des terrains lors de leur aliénation et la valeur établie dans l’année précédant la décision de leur classement en zone constructible.

Afin d’améliorer l’information des communes, l’article 34 propose que les directions départementales de l’équipement complètent le document qu’elles doivent fournir aux communes élaborant leur plan local d’urbanisme, le « porter à connaissance », en leur fournissant la liste des terrains publics.

Les articles 35, 36, 37 et 39 visent à renforcer la contribution financière de l’État à la construction de logements. Ainsi, l’article 35 prévoit la création d’une part supplémentaire au sein de la dotation forfaitaire des communes compétentes en matière de politique de logement, afin de tenir compte de l’effort des communes en matière de construction de logements locatifs sociaux.

Afin de soutenir l’effort financier des EPCI compétents en matière de logement qui construisent des logements locatifs sociaux, l’article 36 applique un coefficient de pondération à la dotation de base des EPCI.

L’article 37 vise, quant à lui, à intégrer dans les critères prioritaires de versement de la dotation de solidarité communautaire le nombre de logements locatifs sociaux des communes membres de l’EPCI.

L’article 39 vise à dissoudre une contradiction inhérente à la politique de cession du parc immobilier de l’État, menée par la majorité depuis 2002. En effet, le Gouvernement a engagé depuis cette date un processus de cessions immobilières. Tandis que le ministre du budget a toujours privilégié la valorisation du patrimoine immobilier de l’État, dans un souci de réduction de sa dette, il n’en demeure pas moins que la cession des terrains de l’État au profit de la construction de logements sociaux figurait parmi les objectifs fixés par le Premier ministre sous la précédente législature dans le cadre du Pacte national pour le logement. Cet objectif n’a bien entendu pas été respecté, alors même que la perte de recettes que cela peut constituer pour l’État constitue en réalité une forme d’investissement dans la politique du logement. C’est la raison pour laquelle il est proposé d’obliger l’État à vendre ses terrains et immeubles à des prix inférieurs à leur valeur vénale, lorsqu’ils sont destinés à la construction de logements, notamment sociaux.

Dans les communes soumises à l’article 55 de la loi SRU, 50 % au moins de la surface hors œuvre totale des immeubles réalisés doivent être consacrés à la réalisation de logements locatifs sociaux, contre 20 % dans les autres communes.

Ce dispositif s’appliquerait également aux cessions d’immeubles appartenant aux entreprises publiques et aux établissements publics dont la liste serait fixée par le pouvoir réglementaire.

Enfin, l’article 40 compense les pertes de recettes et les créations de charges résultant de l’application de la proposition de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 26 mars, la commission a examiné la proposition de loi visant à donner un logement adapté à chacun et abordable pour tous sur le rapport de M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

Après l’exposé du rapporteur, M. Michel Piron, s’exprimant au nom du groupe UMP, s’est interrogé sur l’intérêt de présenter aujourd’hui un tel texte, alors que le Gouvernement a annoncé le dépôt d’un projet de loi sur le logement dans les prochaines semaines. Le diagnostic du groupe SRC étant erroné, une mise en perspective des problèmes actuels en matière de logement s’impose.

Le titre I de la proposition de loi a pour objet une politique de la demande, alors que la politique de l’offre ne fait l’objet que du titre III. Or, selon un constat généralement partagé, la crise du logement s’explique par l’insuffisance des constructions dans les années 1990 à 2000. Les experts estiment ainsi qu’il manque de six cent mille à un million de logements. La priorité absolue est donc d’augmenter l’offre de logements. Augmenter les moyens financiers des demandeurs de logement sans augmenter l’offre, c’est contribuer à la hausse des prix de l’immobilier sans résoudre le problème.

La loi Robien avait pour objet de développer l’offre, et a permis de relancer la construction. 437 000 logements neufs ont été construits en 2007, confirmant une reprise entamée en 2004. Ces bons chiffres ne résultent pas de décisions prises il y a quelques mois, ils ont des origines plus anciennes. En outre, les délais sont longs entre la décision de financement et les réalisations concrètes. Ainsi, les financements actuels, plus que doublés en dix ans, ne sont pas encore totalement traduits par des réalisations sur le terrain. Il faut prendre en compte les problèmes de la filière de la construction.

Enfin, la notion de logement social elle-même est controversée. Elle ne recouvre pas le seul champ des PLAI.

La proposition de loi soulève une question fondamentale : avec qui, des communes et des intercommunalités notamment, mener la politique du logement ? Le dispositif Robien a déjà fait l’objet d’un reciblage : l’amélioration de la territorialisation est en cours. Quant à la dimension temporelle, il faut œuvrer à la stabilité des règles, pour ne pas décourager les producteurs.

Des propositions du groupe SRC, celles qui sont nouvelles ne sont pas justes, et celles qui sont justes ne sont pas nécessairement nouvelles. Ainsi, l’article 5 vise à instaurer de nouvelles contraintes pour les banques : est-ce pertinent dans le contexte financier actuel ? La réforme du fonds de solidarité pour le logement (FSL) est-elle cohérente avec la décentralisation ? Comment articuler l’article 16, qui crée un lien entre le prêt à taux zéro (PTZ) et l’environnement, et l’article 19, qui fait du PTZ un instrument social ?

Sur la garantie des risques locatifs (GRL), pourquoi ne pas attendre le rapport qui sera présenté très prochainement par le Gouvernement ? La même question se pose à propos des articles 14 et 15 qui anticipent sur les conclusions des groupes de travail mis en œuvre dans le cadre du Grenelle de l’environnement.

En conclusion, on ne peut que déplorer la complexification des règles qu’entraînerait l’adoption de la proposition de loi, et le lourd accroissement des charges financières (dû à la revalorisation de l’APL, à la suppression du mois de carence et du seuil de 15 euros, à l’extension du taux réduit de TVA aux réseaux de chaleur, à l’obligation pour l’État et les établissements publics de vendre des terrains en dessous de leur valeur vénale, à la majoration des PTZ et au renforcement des dotations forfaitaires aux collectivités territoriales). Même s’il témoigne de bonnes intentions, un tel patchwork de mesures ne saurait recueillir l’assentiment du groupe UMP.

M. Michel Piron a conclu en préconisant qu’il convenait dans ces conditions de ne pas passer à l’examen des articles.

M. François Brottes, s’exprimant au nom du groupe SRC, a estimé que l’urgence sociale et la situation des millions de mal-logés imposaient de passer rapidement à l’examen des articles de la proposition de loi.

M. Pierre Gosnat a indiqué que la première réaction du groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine (GDR) avait été de partager le constat fait dans l’exposé des motifs de la proposition de loi et d’approuver l’essentiel de ses quarante articles. Il a estimé que l’opportunité d’examiner une telle proposition de loi n’était pas contestable dans la mesure où le logement constituait, avec l’emploi, la préoccupation majeure des familles et des jeunes. Cette préoccupation portait à la fois sur la recherche d’un logement et sur la part croissante représentée par le coût du logement dans le budget de chaque foyer. La situation actuelle est à certains égards comparable à la crise des années cinquante : l’offre générale de logements, de même que celle de logements sociaux, est insuffisante. Dans le même temps, la production de logements sociaux se ralentit, l’État se désengage dans l’attribution des aides à la pierre et certains maires refusent d’appliquer l’article 55 de la loi SRU rendant obligatoire un pourcentage de 20 % de logements sociaux. Dans le parc privé, une augmentation des loyers de l’ordre de 15 à 20 % est constatée lors des relocations. De même, dans le logement social, une augmentation des prix est constatée pour les constructions neuves : les loyers s’élèvent désormais à 650 ou 700 euros hors charges pour des F3. Comme l’a souligné le rapporteur, le PLS, qui représente une grande partie du parc social, est devenu inaccessible pour les jeunes et les foyers à revenus modestes. Il est nécessaire de s’interroger sur les raisons qui ont conduit à cette situation, alors que pendant plusieurs décennies il avait toujours été possible de répondre à la demande. La réforme Barre en 1977 a fixé le cap, en soulignant que le logement, dont le coût représentait à l’époque 12 à 15 % des revenus des ménages, n’était pas considéré à sa juste valeur marchande, évaluée plutôt aux alentours de 30 % de ces mêmes revenus. Depuis, l’État s’est désengagé massivement, un phénomène de spéculation est apparu et le logement est devenu de plus en plus une marchandise comme une autre.

L’exposé des motifs de la proposition de loi entend « balayer une partie des grandes thématiques du secteur du logement afin de redonner du pouvoir d’achat aux ménages les plus éprouvés » mais ce pouvoir d’achat ne peut venir que d’une augmentation des salaires et cette formule apparaît trop restrictive. Il aurait fallu rappeler avant tout le droit au logement, duquel doivent découler les mesures proposées. Le groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine approuve les articles de la proposition de loi avec parfois quelques réserves. L’article 32 par exemple fixe un seuil trop élevé, rares étant les communes comptant déjà plus de 50 % de logements sociaux. L’article 38, qui vise à revenir sur la délégation faite au maire du contingent préfectoral, prévoit un cadre trop restrictif car toutes les communes ne sont pas engagées dans un processus d’intercommunalité. Il aurait fallu également prévoir des articles traitant de la réhabilitation du parc social et du parc privé dégradé. L’accès des jeunes à un logement aurait aussi sans doute gagné à être davantage mis en avant.

Le Président Patrick Ollier a indiqué que la majorité partageait le constat fait par le rapporteur. Il a précisé qu’une réunion devait avoir lieu le soir même au ministère du logement sur le futur projet de loi qui sera déposé par Mme Christine Boutin. La majorité était donc consciente de la nécessité de faire évoluer les choses. Un certain nombre d’éléments présents dans la proposition de loi seront repris dans le projet de loi et il sera intéressant de voir si l’opposition votera à cette occasion les dispositions du texte du Gouvernement.

Cependant, la proposition de loi prévoit également de nouvelles contraintes. La France accuse un retard en matière de logement et la crise actuelle est le fruit d’un manque de volonté politique aussi bien à gauche qu’à droite. C’est pendant la période 1997-2002 que ce retard s’est le plus creusé. La volonté de le rattraper aujourd’hui se heurte à un marché de la construction saturé et à l’incapacité des entreprises à répondre aux appels des élus et à tenir leur calendrier. Les difficultés actuelles sont également liées à un problème d’acheminement des matériaux. La proposition de loi crée des charges induites considérables, alors qu’il faudrait réduire ces charges. Il est dangereux de renforcer les contraintes sur les propriétaires bailleurs. Ces contraintes doivent être examinées dans le cadre de la commission nationale de concertation et risquent d’avoir un effet dissuasif, qui peut augmenter la vacance de logements. Le Prêt à Taux Zéro (PTZ) doit quant à lui rester un instrument permettant la libération de logements sociaux et favorisant les rotations. La suppression de la délégation faite au maire du contingent préfectoral n’est pas non plus opportune car le maire est l’autorité de proximité qui connaît le mieux les problèmes et revenir sur cette délégation consisterait à remettre en cause un élément de décentralisation.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur, a répondu aux interrogations portant sur l’opportunité de l’examen de cette proposition de loi, en rappelant que celle-ci était le résultat d’une participation très active et continue de son groupe sur le thème du logement. Il a également réaffirmé qu’un véritable changement de cap était aujourd’hui nécessaire. Le PLS, notamment parce qu’il ne coûte rien à l’État, a été favorisé. Mais il est inaccessible à près des deux tiers des demandeurs de logements. Il a également relevé les changements d’attitude de la ministre du logement, qui semble annoncer aujourd’hui le dépôt prochain d’un projet de loi, tout en ayant explicitement écarté cette hypothèse lors des discussions budgétaires de l’automne dernier. S’agissant des contraintes, il est regrettable qu’une seule ville située dans le Val-de-Marne, soit réellement sanctionnée pour non-respect de l’article 55 de la loi SRU. Une loi doit être appliquée partout.

La Commission a alors décidé de ne pas passer à l’examen des articles et en conséquence de ne pas présenter de conclusions.

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