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N
° 776

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 avril 2008.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 729, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement,

PAR M. Patrick BALKANY,

Député

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INTRODUCTION 5

I – LE PRÉSENT ACCORD S’INSCRIT DANS LE CADRE D’UNE RÉFLEXION RENOUVELÉE SUR LES MIGRATIONS ET LE DÉVELOPPEMENT 7

A. – UNE APPROCHE GLOBALE DES MIGRATIONS ET DU DÉVELOPPEMENT 7

1) Une approche renouvelée au niveau mondial 7

2) A l’échelle européenne, le cadre fixé par la conférence ministérielle de Rabat 9

B. – EN FRANCE, LA MISE EN PLACE D’UNE POLITIQUE INNOVANTE DE GESTION CONCERTÉE DES FLUX MIGRATOIRES ET DE CODÉVELOPPEMENT 10

1) Une stratégie globale de codéveloppement 11

2) Un dialogue approfondi en matière de gestion des flux migratoires 12

II – FONDÉ SUR DES RELATIONS FRANCO-GABONAISES ÉTROITES, CET ACCORD INAUGURE UNE NOUVELLE FORME DE PARTENARIAT 13

A. – LES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LE GABON SONT ANCIENNES ET DENSES 13

B. – UNE DIMENSION NOUVELLE : LA GESTION CONCERTÉE DES FLUX MIGRATOIRES ET LE CODÉVELOPPEMENT 14

1) Favoriser la mobilité des compétences 14

2) Renforcer la coopération en matière de lutte contre l’immigration clandestine 15

3) Soutenir les actions de codéveloppement 16

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

Le 5 juillet 2007, la France et le Gabon ont signé un accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement. Il s’agit du premier accord conclu dans le cadre de la nouvelle politique de gestion concertée de l’immigration, axée notamment sur les pays d’Afrique subsaharienne.

Cette politique a pour objectif de promouvoir une approche globale prenant en compte à la fois les politiques de développement et de codéveloppement, l’organisation des migrations légales et la lutte contre l’immigration irrégulière. Elle s’inscrit, par ailleurs, dans une démarche plus large, entamée lors de la conférence ministérielle de Rabat en juillet 2006, visant à mettre en place un partenariat entre pays africains et européens situés tout au long des routes migratoires. Il s’agit, par cette approche commune, d’apporter des solutions concrètes, efficaces et durables au défi des flux migratoires.

Dans ce contexte, la question migratoire est appréhendée sous deux angles : d’une part, l’apport des migrants installés en France à l’économie de leur pays d’origine ; d’autre part, la régulation des flux migratoires par des mécanismes de réadmission et d’aide au retour.

Le présent accord entre la France et le Gabon illustre cette approche dans la mesure où, s’il intègre des préoccupations de sécurité et de maîtrise des flux migratoires, il vise également à encourager une migration temporaire, fondée sur la mobilité et sur l’incitation à un retour des compétences dans le pays d’origine. Enfin, il met l’accent sur le développement du Gabon grâce à la migration, non seulement à travers l’épargne accumulée par les ressortissants Gabonais en France mais surtout grâce à la formation qu’ils acquièrent lors de leur séjour en France.

Votre rapporteur souhaite mettre l’accent sur cette approche innovante avant de présenter le dispositif institué par le présent accord entre la France et le Gabon.

I – LE PRÉSENT ACCORD S’INSCRIT DANS LE CADRE D’UNE RÉFLEXION RENOUVELÉE SUR LES MIGRATIONS ET LE DÉVELOPPEMENT

Les migrations internationales constituent une réalité ancienne, qui a contribué à un enrichissement certain des sociétés mais a aussi entraîné de profondes mutations de leurs structures. Au fur et à mesure que les marchés du travail et les sociétés se mondialisent, le phénomène des migrations a pris une ampleur nouvelle qui le place au cœur des réflexions et préoccupations de la communauté internationale.

A. – Une approche globale des migrations et du développement

Source d’enrichissement culturel, les migrations peuvent également être à l’origine de déséquilibres, menaçant la stabilité du tissu économique et social et susceptibles d’engendrer de fortes tensions. La question des migrations est donc inséparable de préoccupations de sécurité, de contrôle des frontières et de maîtrise des flux migratoires. Dans le même temps, il existe une corrélation manifeste entre les migrations et le développement qui constitue l’objectif prioritaire que les nouvelles stratégies de codéveloppement entendent promouvoir.

1) Une approche renouvelée au niveau mondial

On estime aujourd’hui à environ 200 millions le nombre de migrants dans le monde, soit 3 % de la population mondiale. Sur ces 200 millions de personnes, la moitié se trouve dans les pays de l’OCDE et l’autre moitié dans les pays en développement. Les pays de l’OCDE accueillent ainsi 100 millions de migrants, dont 40 millions originaires d’un autre pays de l’OCDE et 60 millions de pays en développement. Sur ces derniers 60 millions de migrants, 7 millions sont des Africains, dont la moitié provient d’Afrique subsaharienne et 1,5 million d’Afrique de l’Ouest.

Le tableau ci-après illustre l’évolution du nombre de migrants internationaux sur la période 1990 – 2005 et retrace leur répartition par grande région du monde :

Nombre estimatif de migrants internationaux et répartition par grande région (1990 – 2005)

 

Nombre de migrants internationaux

Augmentation

Répartition des migrants internationaux

 

(en millions)

 

(en %)

Grande région

1990

2005

1990 - 2005

1990

2005

Ensemble du monde

154,8

190,6

35,8

100

100

Régions développées

82,4

115,4

33,0

53

61

Régions peu développées

72,5

75,2

2,8

47

39

Pays les moins avancés

11,0

10,5

(0,5)

7

5

Afrique

16,4

17,1

0,7

11

9

Asie

49,8

53,3

3,5

32

28

Amérique latine et les Caraïbes

7,0

6,6

(0,3)

5

3

Amérique du Nord

27,6

44,5

16,9

18

23

Europe

49,4

64,1

14,7

32

34

Océanie

4,8

5,0

0,3

3

3

Pays à revenu élevé

71,6

112,3

40,6

46

59

Pays développés à revenu élevé

57,4

90 ,8

33,4

37

48

Pays en développement à revenu élevé

14,2

21,5

7,3

9

11

Pays à revenu intermédiaire (tranche supérieure)

24,7

25,7

1,0

16

13

Pays à revenu intermédiaire (tranche inférieure)

24,8

22,6

(2,2)

16

12

Pays à faible revenu

32,7

28,0

(4,7)

21

15

Source : Migrations internationales et développement – Rapport du Secrétaire général des Nations unies, mai 2006

Ces données montrent que, dans les pays développés, le nombre de migrants a augmenté de 33 millions entre 1990 et 2005, tandis que dans les pays en développement, cette augmentation a été d’à peine 3 millions.

Les migrations depuis l’Afrique vers les pays de l’OCDE concernent principalement les pays d’Europe, en raison des liens historiques et de la proximité géographique. L’OCDE (1) relève qu’en Europe, l’immigration nord africaine est très largement supérieure à l’immigration ouest africaine et subsaharienne en général. Dans les sept pays européens pour lesquels l’immigration africaine est quantitativement significative, (Belgique, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni), les ressortissants nord-africains sont de loin les plus nombreux, excepté au Royaume-Uni et au Portugal.

Au-delà de ces flux humains, une attention nouvelle est aujourd’hui portée aux flux financiers qui accompagnent les migrations. D’après la Banque mondiale, les montants des transferts de fonds des migrants vers leur pays d’origine auraient atteint 232 milliards de dollars en 2005, soit nettement plus de deux fois les chiffres de l’aide publique au développement (APD) (2). L’importance de ces volumes a conduit à prendre davantage en considération le rôle des diasporas comme acteurs du développement de leur pays d’origine via, notamment, l’incidence des transferts de leurs épargne sur les économies locales.

Dans cette perspective, des représentants de haut niveau de tous les Etats membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) se sont réunis, les 14 et 15 septembre 2006, en Assemblée générale afin d’étudier l’un des aspects les plus prometteurs des migrations, à savoir leur rapport avec le développement. Cette initiative a mis en lumière un certain consensus sur le fait que les pays peuvent collaborer afin de rendre la situation avantageuse à la fois pour les migrants, pour leurs pays d’origine et pour les sociétés qui les accueillent.

Une réflexion similaire a été engagée au niveau européen, qui a débouché sur le constat d’un nécessaire dialogue entre pays d’origine, de transit et de destination des migrations. Les efforts désespérés de migrants d’Afrique de l’Ouest pour entrer clandestinement en Europe par la voie maritime et les pertes humaines qui en ont été la conséquence ont accéléré la prise de conscience de l’importance de ce dialogue et de la coopération régionale dans le domaine. Ces évolutions ont conduit à une première conférence internationale ministérielle sur la migration et le développement qui s’est tenue en juillet 2006, à Rabat, réunissant environ 60 pays situés le long des routes migratoires d’Afrique centrale et occidentale. Une autre rencontre a suivi, en novembre 2006, en Libye en vue de formuler pour la première fois une approche des migrations commune à l’Union européenne et à l’ensemble de l’Afrique.

2) A l’échelle européenne, le cadre fixé par la conférence ministérielle de Rabat

Le présent projet de loi portant approbation de l’accord entre la France et le Gabon sur la gestion concertée des flux migratoires et le codéveloppement fait expressément référence à l’esprit de la conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement qui s’est tenue à Rabat, les 10 et 11 juillet 2006.

Cette rencontre a, en effet, institué un partenariat novateur sur deux aspects essentiels : d’une part, il s’agissait de la première initiative associant les pays d’origine, de transit et de destination des flux migratoires autour des routes migratoires qui relient l’Afrique et l’Europe ; d’autre part, pour la première fois, les politiques de développement et de co-développement, l’organisation des migrations légales et la lutte contre l’immigration irrégulière étaient prises en compte conjointement.

Outre une déclaration finale, un plan d’action a été adopté à l’issue de la conférence de Rabat afin de donner visibilité et crédibilité à la nouvelle dynamique née de la tenue de la conférence. Les mesures adoptées concernent la promotion du développement (mise en place d’instruments financiers favorisant le codéveloppement, partenariats entre les institutions scientifiques et techniques, renforcement de la coopération en matière de formation), la migration légale (établissement de programmes de coopération en matière de gestion de la migration légale, mesures facilitant la circulation des travailleurs et des personnes) et, enfin, l’immigration irrégulière (coopération dans la lutte contre l’immigration irrégulière, renforcement de la capacité de contrôle des frontières nationales des pays de transit et de départ, coopération opérationnelle policière et judiciaire et aide aux victimes).

Cette rencontre a été suivie d’une autre conférence ministérielle qui s’est tenue à Tripoli, les 22 et 23 novembre 2006. A l’issue de cette réunion, l’Union européenne et l’Union africaine ont adopté la « déclaration de Tripoli », stratégie commune visant à tirer le plus grand parti possible des migrations internationales tandis que le plan d’action contre la traite des êtres humains, élaboré à Ouagadougou en 2002, était formellement approuvé et intégré à cette stratégie globale.

Ces avancées font partie intégrante du partenariat sur les migrations, la mobilité et l’emploi, adopté au Sommet de Lisbonne qui s’est tenu, en décembre dernier, et conclu par l’adoption d’une stratégie conjointe « Union européenne – Afrique ».

B. – En France, la mise en place d’une politique innovante de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement

Dans le prolongement de ces préoccupations relatives aux migrations et au développement, notre pays s’est doté, sous l’impulsion du Président de la République, d’un ministère compétent à la fois pour l’immigration, l’intégration, l’identité nationale et le codéveloppement. Ce nouveau ministère met en œuvre une politique qui envisage la question migratoire sous deux angles : d’une part, l’apport des migrants installés en France à l’économie de leur pays d’origine ; d’autre part, la régulation des flux migratoires par des mécanismes de réadmission et d’aide au retour.

1) Une stratégie globale de codéveloppement

Comme votre Rapporteur l’a souligné précédemment, la relation existante entre les migrations et le développement est au cœur des réflexions des organisations internationales comme des pays d’origine et d’accueil des populations migrantes, qui prennent elles-mêmes de plus en plus conscience de l’importance de la contribution qu’elles peuvent apporter au service du développement de leur pays d’origine.

Les migrants représentent, en effet, un potentiel important à un double titre pour le développement de leur pays d’origine : d’une part, par les compétences qu’ils ont acquises ; d’autre part, par l’épargne qu’ils accumulent.

S’agissant des compétences, le premier objectif est de lutter contre la « fuite des cerveaux » qui constitue un frein au développement des pays du Sud. Lors du Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement précédemment évoqué (3), plusieurs exemples du coût de cette fuite des cerveaux pour les pays du Sud ont été évoqués. Ainsi, la Conférence sur le commerce et le développement (Cnuced) évalue à 184.000 dollars le coût pour l’Afrique du départ de tout cadre ou membre des professions libérales. La Commission économique pour l’Afrique (CEA) note, pour sa part, que le départ des agents sanitaires de l’Afrique vers les pays riches a entraîné un important déficit de compétences essentielles dans le secteur sanitaire. Ainsi, par exemple, selon les statistiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour 2006, plus de 12.000 médecins formés en Afrique du Sud travaillent aujourd’hui dans un pays de l’OCDE. Par comparaison, il y a un peu moins de 33.000 médecins qui exercent dans le pays. Plus de 900 médecins formés au Ghana travaillent dans un pays de l’OCDE contre 3.240 praticiens au Ghana, d’après les chiffres de l’OMS.

Afin de lutter contre ce phénomène, votre Rapporteur souligne qu’une carte « compétences et talents » a été instituée par la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration. L’objectif de ce dispositif est d’accueillir en France des personnes ayant un profil et un projet utiles à la France et à leur pays d’origine. Pour éviter tout pillage des cerveaux, cette carte ne peut être renouvelée qu’une fois lorsqu’elle bénéficie à un étranger ressortissant d’un pays en voie de développement inclus dans la zone de solidarité prioritaire (FSP). Après six ans de séjour en France, son titulaire doit retourner dans son pays d’origine, pour le faire bénéficier de l’expérience acquise en France.

En ce qui concerne l’épargne des migrants, les montants en jeu – 8 milliards d’euros par an – montrent que les transferts de fonds peuvent stimuler considérablement les économies locales. Dans ces conditions, l’utilisation d’une partie de cette épargne à des fins d’investissement productif est susceptible de devenir un levier essentiel du développement des pays sources d’immigration. C’est la raison pour laquelle des initiatives ont été prises, en France, afin d’instituer des conditions favorables aux transferts d’épargne et à l’investissement de ces fonds dans des projets de développement. La loi précitée du 24 juillet 2006 a ainsi institué un compte épargne codéveloppement permettant aux migrants résidant en France d’épargner en bénéficiant d’un avantage fiscal dès lors que les sommes sont réinvesties dans leur pays d’origine. Ce dispositif s’est accompagné de la mise en place d’un livret d’épargne codéveloppement, ouvert à tous les étrangers ressortissants d’un pays en voie de développement et résidant régulièrement en France. A l’image d’un plan d’épargne logement, les sommes placées sur ce livret sont bloquées pendant trois années et rémunérées par des intérêts bancaires, augmentés d’une prime d’Etat.

2) Un dialogue approfondi en matière de gestion des flux migratoires

Ces mesures en faveur du codéveloppement prennent, par ailleurs, toute leur place dans les accords bilatéraux de gestion concertée des flux migratoires, négociés par le Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement.

Ces accords intègrent des préoccupations de contrôle des frontières, de maîtrise des flux migratoires à une stratégie plus générale de soutien à des actions conduites par les migrants dans les domaines de la santé, de l’enseignement supérieur et de la formation, de la gouvernance et du développement économique. Il s’agit de faciliter la circulation des personnes, d’encourager une migration temporaire et d’inciter à un retour des compétences dans les pays d’origine, de manière à favoriser leur développement, non seulement à travers des transferts de fonds, mais surtout grâce à la formation et à l’expérience acquise. En 2007, quatre accords de ce type ont été négociés dont le présent texte avec le Gabon (4).

Afin de renforcer l’efficacité de cette approche globale des migrations, la France entend lui donner une dimension européenne en plaçant la question d’une nouvelle politique européenne de régulation des flux migratoires et de lutte contre l’immigration clandestine au cœur de sa présidence de l’Union européenne, au cours du second semestre 2008.

II – FONDÉ SUR DES RELATIONS FRANCO-GABONAISES ÉTROITES, CET ACCORD INAUGURE UNE NOUVELLE FORME DE PARTENARIAT

Le 5 juillet 2007, la France et le Gabon ont signé un accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement qui inaugure cette nouvelle forme de partenariat que la France entend promouvoir avec les pays d’origine, de transit et de destination de la migration.

A. – Les relations entre la France et le Gabon sont anciennes et denses

Le Gabon est un partenaire traditionnel de la France avec lequel notre pays entretient une relation privilégiée, dont témoigne la visite officielle du Président de la République à Libreville, le 27 juillet 2007.

La présence française dans le pays est importante avec près de 10.000 Français immatriculés en 2007 (5). Cette présence se manifeste notamment par une politique active de coopération, dont le cadre a été renouvelé à la suite de la signature, le 7 octobre 2005, d’un Document cadre de partenariat (DCP) qui définit, pour la période 2006 – 2011, ses axes stratégiques dans trois secteurs prioritaires : la protection de l’environnement et le développement durable, les infrastructures et l’éducation. Au total, plus de 60 % des concours extérieurs au Gabon, qu’ils soient financiers ou techniques, sont d’origine française.

La coopération entre les deux pays est également de nature militaire, à la suite de la signature, en 1960, d’accords de défense et de coopération militaire qui prévoient le pré-positionnement des troupes françaises au Gabon (environ 800 hommes). Le dispositif français en place dans le pays s’inscrit dans un cadre régional à destination des pays d’Afrique centrale. C’est ainsi que Libreville a été utilisée comme base arrière pour l’opération militaire européenne EUROFOR en République démocratique du Congo en 2006.

Sur le plan des échanges, la présence française est forte dans tous les secteurs de l’économie (75 % des investissements étrangers au Gabon). La France est le premier fournisseur du Gabon et son deuxième client. Les trois quarts des exportations françaises vers le Gabon concernent les biens d’équipement professionnel (31,9 % des ventes totales en 2006), les biens intermédiaires (26,2 %) et les biens de consommation (17,6 % des ventes). Globalement, un peu plus de 95 % des importations françaises en provenance du Gabon concernent les matières premières (brutes ou transformées) : pétrole, bois et manganèse. Enfin, plus de 150 filiales ou succursales d’entreprises françaises sont présentes au Gabon, qui représente le premier pays d’Afrique subsaharienne pour le « stock » d’investissements français (IDE) avec 850 millions d’euros en 2006.

Ces relations étroites se manifestent également à travers le nombre d’accords qui unissent nos deux pays dans de nombreux domaines, dont la convention relative à la circulation et au séjour des personnes du 2 décembre 1992 et la convention d’établissement du 11 mars 2002 auquel le présent accord fait référence.

Dans ce contexte de relations étroites, la signature du présent accord sur la gestion concertée des flux migratoires et le codéveloppement témoigne d’une volonté partagée d’approfondir, en lui insufflant une dimension nouvelle, le partenariat entre la France et le Gabon.

B. – Une dimension nouvelle : la gestion concertée des flux migratoires et le codéveloppement

Le présent accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement a pour objet de faciliter la circulation des personnes entre les deux pays pour des motifs économiques, professionnels, familiaux ou médicaux. Il vise également à renforcer la coopération entre les deux pays en matière de lutte contre l’immigration irrégulière. Enfin, il est destiné à soutenir les initiatives de codéveloppement, au profit du développement du Gabon.

La signature de cet accord a ouvert la voie à la négociation d’autres accords de même nature avec un certain nombre de pays, notamment d’Afrique subsaharienne.

1) Favoriser la mobilité des compétences

L’une des priorités de la nouvelle politique migratoire de la France est de réorganiser les modalités de gestion de l’immigration légale et de rééquilibrer ses composantes, en favorisant l’immigration de travail.

Dans cette perspective, le présent accord élargit les possibilités d’obtention de visas de circulation, en prévoyant notamment une délivrance plus systématique de visa de court séjour pour des motifs économiques, professionnels, médicaux ou familiaux (article 1er).

L’accord organise, par ailleurs, les conditions dans lesquelles les étudiants gabonais peuvent compléter leur formation par une première expérience professionnelle, en autorisant la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour de neuf mois, renouvelable une fois, pour les étudiants ayant achevé avec succès leur cycle d’études. Au terme de cette période, l’étudiant pourvu d’un emploi ou d’une promesse d’embauche, peut séjourner en France sans que lui soit opposée la situation de l’emploi, si son activité professionnelle est en lien avec sa formation et sa rémunération au moins égale à une fois et demi le SMIC (article 2, paragraphe 2). Il prévoit également l’ouverture de négociations en vue de la conclusion d’un accord relatif à l’échange de jeunes professionnels de 18 à 35 ans pour des périodes de 18 mois au plus (article 3, paragraphe 1).

En ce qui concerne l’accès à l’emploi en France des ressortissants gabonais, le présent accord prévoit la délivrance d’autorisations temporaires permettant de travailler dans certaines professions – énumérées à l’annexe I de l’accord – pour lesquelles la situation de l’emploi sur le territoire ne sera pas prise en compte. Ces autorisations temporaires peuvent également être délivrées pour un complément de formation en entreprise sur la base d’un contrat de travail d’une durée inférieure à douze mois (article 3, paragraphe 2).

L’accord ouvre, en outre, la possibilité de délivrer la carte « compétences et talents », précédemment évoquée, au ressortissant gabonais « susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique ou au rayonnement, notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la France » (article 3, paragraphe 3).

Par ailleurs, il prévoit que la durée des titres de séjour accordés aux Français au Gabon est portée à cinq ans (article 3, paragraphe 5). Enfin, l’accord précise l’offre de formation aux personnes concernées notamment par le regroupement familial en France, dans le cadre des contrats d’accueil et d’intégration, et d’un bilan de compétence professionnelle ou d’orientation (article 3, paragraphe 6).

2) Renforcer la coopération en matière de lutte contre l’immigration clandestine

Ces dispositions relatives à la circulation des compétences sont complétées par des mesures destinées à renforcer l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière.

Le présent accord prévoit, en particulier, l’adoption de mécanismes de réadmission, dans le respect de la dignité et des droits fondamentaux, des ressortissants français ou gabonais en situation irrégulière sur le territoire de l’autre partie (article 4, paragraphe 1) ainsi que des ressortissants d’Etats tiers ayant séjourné préalablement sur le territoire d’une des parties (article 4, paragraphe 3). Il précise les modalités d’identification des nationaux en renvoyant à une annexe II qui énumère les documents permettant de constater le séjour d’un ressortissant d’un Etat tiers sur le territoire de la partie requise. Ces mécanismes sont complétés par une offre de formation policière par la France comprenant, notamment, une formation des personnels chargés du démantèlement des filières d’immigration clandestine (article 4, paragraphe 7).

Au-delà de ces mécanismes, l’accord pose le principe d’un renforcement de la coopération entre les deux pays en matière d’état civil et de lutte contre la fraude documentaire (article 5). L’objectif est de renforcer la fiabilité de l’état civil gabonais en mettant à disposition des autorités gabonaises la compétence française dans le domaine de la sécurité des titres. En ce qui concerne la fraude documentaire, la coopération entre les deux parties portera notamment sur la formation de spécialistes et des échanges d’information.

3) Soutenir les actions de codéveloppement

Comme votre Rapporteur l’a précédemment souligné, la stratégie de codéveloppement vise à favoriser l’aboutissement d’un ensemble d’actions multilatérales, bilatérales mais aussi individuelles qui passent par les diasporas ou, plus généralement, les migrants résidant en France, au profit de leur pays d’origine. Dans le prolongement des réflexions sur le lien entre migrations et développement, ce volet est indissociable des aspects de régulation des flux migratoires.

Le présent accord vise ainsi à soutenir les initiatives des Gabonais résidant en France au profit du développement du Gabon (article 6). Ce soutien peut se manifester par le cofinancement de projets de développement local mis en oeuvre par des associations de migrants, l’accompagnement des initiatives économiques des migrants, l’appui aux diasporas qualifiées pour des interventions au Gabon ou encore aux initiatives de développement des jeunes Gabonais résidant en France.

L’ensemble de ces actions est mis en œuvre dans le cadre du Fonds de solidarité prioritaire (FSP).

Enfin, votre Rapporteur précise qu’un comité de suivi est institué, appelé à se réunir au moins une fois par an, afin notamment d’évaluer les résultats des actions mentionnées dans l’accord (article 7).

CONCLUSION

Le présent accord témoigne d’une vision globale des migrations qui intègre à la fois des préoccupations de sécurité et de maîtrise des flux migratoires et des préoccupations de développement dont les migrants eux-mêmes sont les acteurs. Il illustre également une volonté d’établir un nouveau partenariat équilibré avec certains pays avec lesquels la France entretient des relations privilégiées.

C’est la raison pour laquelle votre rapporteur recommande l’adoption du projet de loi n°729.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 2 avril 2008.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a eu lieu.

M. François Rochebloine s’est félicité que l’article 1er de la convention consacre la dispense de visa de court séjour pour les titulaires de passeport diplomatique et l’étende aux titulaires de passeport de service. Indiquant être intervenu pour appuyer des demandes de visa d’un certain nombre de ressortissants de pays africains (en particulier du Cameroun et du Sénégal), il a déploré les difficultés auxquelles il s’est trouvé confronté. Il a notamment jugé très regrettable que de jeunes camerounais, qui devaient participer à un tournoi international de football récemment organisé dans sa circonscription pour la troisième année consécutive, n’aient pas obtenu de visa pour se rendre en France. La nécessaire marge de manœuvre dont disposent les consuls pour délivrer des visas doit respecter les textes signés et adoptés par la France. S’agissant de l’article 2 de la convention, il a demandé au rapporteur s’il s’agissait d’une application de la loi relative à l’immigration et à l’intégration, votée en 2006 lorsque M. Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur.

M. Jacques Remiller a fait état de difficultés similaires pour la délivrance de visas à des ressortissants sénégalais devant se rendre en France dans le cadre d’un festival folklorique. Les décisions d’octroi ou de refus sont laissées au bon vouloir des consuls.

Le rapporteur a souscrit à l’observation de son collègue M. François Rochebloine, reconnaissant l’insistance dont il faut parfois faire preuve auprès des consuls pour qu’ils délivrent un visa. Il alors précisé que la carte de séjour « compétences et talents » visée à l’article 3 de la convention comprenait bien les sportifs. Ce qu’il faut, c’est faciliter la libre circulation des ressortissants qui ne posent pas de problèmes et mieux surveiller les personnes indésirables. En effet, une partie de l’immigration clandestine se nourrit d’étrangers arrivés régulièrement sur le sol français, munis d’un visa de court séjour, mais qui ne repartent pas de notre territoire. Evoquant ensuite les flux migratoires entre le Gabon et la France, il a mentionné la présence de 8 200 ressortissants gabonais sur le sol français. Puis il a indiqué que sur les 200 000 étrangers qui s’installent chaque année en France, 60 % sont d’origine africaine, tandis que 100 000 étudiants africains poursuivent actuellement leurs études dans notre pays.

Le Président Axel Poniatowski a précisé qu’il existait trois autres accords internationaux du même type que celui conclu avec le Gabon  et qui concernent le Bénin, le Congo Brazzaville et le Sénégal. En autorisant la ratification de la présente convention avec le Gabon, il s’agit de permettre l’entrée en vigueur du premier de ces accords.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (no729 ).

*

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 729).

© Assemblée nationale

1 () Perspectives des migrations internationales – édition 2007.

2 () D’après la Banque mondiale, ces envois de fonds ont plus que doublé au cours de la décennie écoulée dans la mesure où ils étaient évalués à 102 milliards de dollars en 1995. Une partie importante de ces transferts emprunte des canaux informels, échappant ainsi à toute évaluation officielle, notamment en raison du coût des transferts et de la faiblesse du système bancaire dans certains pays.

3 () Assemblée générale des Nations unies – 14 et 15 septembre 2006.

4 () Les trois autres pays concernés sont le Sénégal, le Congo et le Bénin.

5 () Sao Tomé et Principe inclus.