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N
° 786

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 avril 2008.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 611, autorisant l’adhésion à la convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires,

PAR M. Michel VAUZELLE,

Député

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INTRODUCTION 5

I – LES EAUX DE BALLAST : UNE MENACE MAJEURE POUR LES OCÉANS 7

A – UNE POLLUTION MARINE MONDIALE 7

B – DES CONSÉQUENCES DÉSASTREUSES 8

1. Pour l’environnement et la santé 8

2. Pour l’économie littorale 9

II – UNE PRISE DE CONSCIENCE INTERNATIONALE 11

A – LA CONVENTION DU 13 FÉVRIER 2004 : UNE RÉPONSE GLOBALE 11

1. Des obligations pour les Etats 12

2. Des obligations pour les navires 13

B – DES QUESTIONS TECHNIQUES EN SUSPENS 14

1. La complexité du déballastage en haute mer 14

2. Des procédés techniques à mettre au point pour la gestion des eaux 15

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

Si les eaux de ballast sont indispensables à la navigation, elles sont également un vecteur de pollution marine méconnu.

Garantes de la stabilité des navires – l’ajustement du niveau des eaux permet de compenser les variations de cargaison et de carburant –, elles transportent, au gré du ballastage, de nombreuses espèces marines ainsi que des organismes aquatiques nuisibles ou pathogènes.

Le trafic maritime contribue ainsi à introduire sur les littoraux des organismes étrangers à l’écosystème local, provoquant des désordres écologiques importants qui peuvent également affecter la santé et l’économie côtière.

Face à cette menace pour les océans, une prise de conscience générale a permis d’aboutir à l’adoption, sous l’égide de l’organisation maritime internationale, de la convention du 13 février 2004 pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires.

Cette convention y apporte une réponse globale, reposant d’abord sur la coopération et l’assistance scientifique et technique entre les Etats. Elle impose également des obligations aux Etats et aux navires en vue de parvenir, d’une part à une gestion harmonisée des eaux de ballast et, d’autre part à un traitement plus efficace, ce dernier objectif demeurant à ce jour difficile à atteindre.

I – LES EAUX DE BALLAST : UNE MENACE MAJEURE
POUR LES OCÉANS

L’organisation maritime internationale (OMI) classe les eaux de ballast parmi les quatre menaces majeures pesant sur les océans, avec la destruction de l’habitat marin, la surexploitation des ressources marines et la pollution marine d’origine terrestre.

L’OMI a commencé à s’intéresser à cette source de pollution marine à la fin des années 1980. Le programme « Globallast » (1), qu’elle met en œuvre depuis 2000 et qui apporte assistance technique et expertise aux pays en développement, illustre la mondialisation de la problématique des organismes aquatiques nuisibles contenus dans les eaux de ballast.

Cette préoccupation grandissante est justifiée par des conséquences désastreuses pour l’environnement, la santé et l’économie côtière qui constituent un enjeu majeur pour le transport maritime.

A – Une pollution marine mondiale

Les eaux de ballast sont pompées ou rejetées afin d’équilibrer les navires en fonction de la cargaison. Ces opérations se déroulent le plus souvent lors du chargement ou déchargement du navire, dans les zones portuaires. A cette occasion, de nombreuses espèces marines déjouant les filtres parviennent à pénétrer dans les ballasts. Suivant le parcours du navire, elles échappent à leur milieu naturel pour être introduites dans d’autres écosystèmes. Parmi ces organismes transportés peuvent se trouver des espèces aquatiques envahissantes, des virus et des bactéries, y compris des souches pathogènes. Implantées dans un nouvel environnement, ces espèces nuisibles prolifèrent en l’absence de prédateurs.

Avec l’usage de l’eau comme ballast, le trafic maritime a permis aux espèces de traverser la zone tropicale sans être arrêtées par la barrière thermique qui a longtemps séparé les eaux du Sud et celles du Nord. La croissance des échanges maritimes et l’augmentation du gabarit des navires ont aggravé ce phénomène.

Les navires transfèrent chaque année entre trois et cinq milliards de tonnes d’eaux de ballast (dont 22 millions en France), transportant jusqu’à 7 000 espèces différentes chaque jour.

Si la majorité des espèces ne survit pas au voyage, les organismes aquatiques nuisibles ou pathogènes qui y parviennent prolifèrent rapidement et provoquent d’importants dégâts.

B – Des conséquences désastreuses

« Les espèces aquatiques envahissantes [...] peuvent avoir des conséquences extrêmement graves pour l’environnement, l’économie et la santé publique. Des espèces introduites peuvent même devenir envahissantes, en se développant plus vite que les espèces natives et en se multipliant dans des proportions nuisibles. À la différence d’autres formes de pollution des mers, telles que les déversements d’hydrocarbures, à la suite desquels des mesures correctives peuvent être prises et l’environnement finit par se régénérer, les effets des espèces marines envahissantes sont très souvent irréversibles » (2).

Si cette pollution marine affecte directement l’environnement et, dans une moindre mesure, la santé, ses conséquences pour l’économie côtière peuvent également être désastreuses.

1. Pour l’environnement et la santé

La particularité de cette pollution réside dans son origine naturelle : les écosystèmes se trouvent perturbés par des formes de vie naturelles importées d’un autre milieu. Les organismes aquatiques nuisibles ou pathogènes colonisent des écosystèmes entiers, souvent aux dépens des espèces locales.

Les exemples de catastrophes écologiques provoquées par l’importation d’espèces nuisibles ne manquent pas :

– la lutte contre la moule zébrée (Dreissena polymorpha) a coûté aux Etats-Unis entre 750 millions et 1 milliard de dollars entre 1989 et 2000 ;

– le goémon asiatique (Undaria pinnatifada) envahit rapidement de nouvelles zones, déplaçant les espèces natives des fonds marins en Australie du Sud ;

– la méduse nord-américaine se nourrissant par filtration (Mnemiopsis leidyi) a appauvri les stocks de plancton natif à un point tel qu’elle a joué un rôle dans l’effondrement des pêcheries commerciales d’anchois et de sprats en mer Noire ;

– dans nombre de pays, les algues microscopiques introduites (dinoflagellés toxiques) ont été absorbées par des crustacés et mollusques se nourrissant par filtration, tels que les huîtres. Lorsqu’ils sont consommés par les humains, ces crustacés et mollusques contaminés peuvent provoquer des troubles divers (gastro-entérites, troubles nerveux), voire une paralysie parfois mortelle. Des maladies telles que le choléra ont également pu être véhiculées par les eaux de ballast rejetées.

2. Pour l’économie littorale

La survie économique des régions côtières est tributaire de l’équilibre de l’écosystème marin. Ces dernières subissent de plein fouet la pollution par les eaux de ballast au travers des activités dépendantes de la mer que sont principalement la pêche, l’aquaculture et le tourisme.

Quelques chiffres résument le poids économique de l’aquaculture et de la pêche côtière : la première représente 22 000 emplois et 500 000 millions d’euros de chiffres d’affaires, la seconde 30 000 emplois et 250 000 tonnes par an. Le tourisme littoral représente 17 % de l’économie maritime, 190 000 emplois directs et 21 milliards d’euros de chiffres d’affaires.

Les activités économiques sur le littoral ne sont pas compatibles avec un écosystème aquatique malade. Or, les résultats d’une campagne de prélèvements sur les navires transitant dans les ports français, menée par l’IFREMER, montrent que la moitié des navires présentent des bactéries pathogènes.

La France est ainsi de plus en plus confrontée aux algues toxiques qui affectent la production, mais également le tourisme.

L’apparition d’algues toxiques dans des secteurs qui en étaient jusqu’à présent épargnés est particulièrement préoccupante : la coquille Saint Jacques a ainsi été contaminée pour la première fois par le Pseudonistzchia en 2004 en baie de Seine, en baie de Quiberon et en rade de Brest.

La prolifération des algues toxiques a pour conséquence la fermeture de zones de production et l’interdiction consécutive de commercialisation. Sont principalement répertoriées l’Alexandrium sur l’étang de Thau, le Dinophysis sur la ria d’Etel et en baie de la Vilaine, le Pseudonitzschia sur le bassin d’Arcachon.

L’exemple de la crise du secteur conchylicole vendéen, début juillet 1995, illustre la menace que fait peser ce phénomène sur l’économie littorale. Le développement anormalement élevé et géographiquement étendu d’une espèce phytoplanctonique non indigène, le Gymnodinium Nagasakiense, dont les toxines ont un effet mortel sur les moules, a été à l’origine d’une crise grave. Les pertes subies ont été estimées, pour l’ensemble de la production vendéenne, à 3,8 millions d’euros. Environ vingt-cinq entreprises nord-vendéennes ont été gravement touchées, dont une vingtaine immédiatement menacées dans leur survie, en raison de très lourdes pertes, de fragilisation antérieure ou d’activité exclusive.

Les dégâts occasionnés par les organismes marins nuisibles ou pathogènes ont incité les Etats et le régulateur international de la mer à réagir par des mesures préventives.

En 1991, le comité de protection de l’environnement de l’OMI a adopté des lignes directrices afin de prévenir l’introduction d’espèces nuisibles. En 1992, la conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement a reconnu la menace que constituaient les eaux de ballast pour les écosystèmes marins. L’OMI a ensuite adopté plusieurs résolutions (3). La faible prise en compte de ces recommandations a convaincu les différents acteurs de négocier un texte contraignant.

Parallèlement, les Etats les plus sérieusement confrontés au problème des eaux de ballast ont mis en œuvre une réglementation nationale applicable dans leurs eaux aux navires battant pavillon d’un Etat tiers : l’Australie, le Canada, le Chili, Israël, la Nouvelle-Zélande, les Etas-Unis et le Brésil.

II – UNE PRISE DE CONSCIENCE INTERNATIONALE

Le 13 février 2004, est adoptée la convention internationale par laquelle les Etats parties s’engagent à prévenir, atténuer et éliminer le transport d’organismes aquatiques nuisibles et pathogènes par les navires grâce à un contrôle accru et à des mesures renforcées de gestion des eaux de ballast et des sédiments.

Cette convention, subtil compromis entre les Etats soucieux de protéger leur économie côtière, les Etats préoccupés par l’essor de leur flotte de transport, les associations environnementales et les armateurs, n’est pas encore entrée en vigueur. Pour ce faire, elle doit en effet être préalablement ratifiée par au moins trente Etats, dont les flottes marchandes représentent au moins 35 % du tonnage brut de la flotte mondiale. A ce jour, douze Etats, réunissant 3,46 % du tonnage mondial seulement, y ont adhéré (4). Ce délai permettra peut-être de lever certains obstacles techniques persistants.

A – La convention du 13 février 2004 : une réponse globale

La convention comporte 22 articles, accompagnés d’une annexe qui fixe les règles pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et des sédiments des navires. Ces nouvelles dispositions déterminent en cette matière les obligations qui s’imposent aux Etats, d’une part et aux navires d’autre part.

La convention s’applique aux navires autorisés à battre le pavillon d’un Etat partie (article 3). Les dispositions de la convention s’appliquent où que soit situé le navire (article 8). Toutefois, la convention ne s’applique pas :

– aux navires qui ne sont pas construits ou conçus pour transporter des eaux de ballast ;

– aux navires d’un Etat partie qui sont exploités uniquement dans les eaux relevant de sa juridiction, à moins que celui-ci ne décide que le rejet d’eaux de ballast par ces navires porterait atteinte ou nuirait à la santé humaine, à son environnement, à ses biens ou ses ressources ou à ceux d’Etats adjacents ou d’autres Etats ;

– aux navires d’un Etat partie qui sont exploités uniquement dans les eaux de la juridiction d’un autre Etat partie pour autant que ce dernier autorise cette exclusion. Toutefois, un Etat partie ne doit pas accorder une telle exclusion si cela porte atteinte ou nuit à la santé humaine, à son environnement, à ses biens ou ses ressources ou à ceux d’Etats adjacents ou d’autres Etats ;

– aux navires exploités uniquement dans les eaux relevant de la juridiction d’un Etat partie et en haute mer ;

– aux navires de guerre ou d’Etat ;

– aux eaux de ballast permanentes dans des citernes scellées (dites citernes passives) à bord des navires qui ne font pas l’objet de rejet.

La convention s’applique à tous les types de navires mais concerne essentiellement les navires dont le poids de la cargaison est significatif. Sont donc visés les vraquiers, les transporteurs de vrac liquide (hydrocarbures), les transporteurs de vrac sec (notamment céréaliers et minéraliers) et les opérateurs de porte-conteneurs ou de cargos classiques. Leurs caractéristiques techniques et commerciales induisent cependant de grandes disparités dans le recours au ballastage.

En raison de l’influence de la consommation de carburant sur l’assiette du navire, l’augmentation des cours du pétrole favorise l’optimisation de cette consommation et, par voie de conséquence, augmente l’utilisation d’eaux de ballast.

La convention fixe aux Etats des obligations en matière de coopération et de contrôle tandis que les navires sont soumis à des règles de gestion des eaux de ballast.

1. Des obligations pour les Etats

La convention insiste à plusieurs reprises sur la nécessité de développer la coopération et l’assistance entre les parties (article 2), plus particulièrement en matière de recherche scientifique et technique et de surveillance (article 6), de contrôle (article 11), d’assistance technique et de coopération régionale (article 13), ou encore de communication de renseignements (article 14).

Les Etats parties doivent également surveiller les effets de la gestion des eaux de ballast dans les eaux relevant de leur juridiction (article 6). Il s’agit d’observer, de mesurer, d’échantillonner, d’évaluer et d’analyser l’efficacité et les impacts défavorables de toute technologie ou méthode de traitement ainsi que les impacts défavorables dus aux organismes et agents pathogènes identifiés comme ayant été transférés par les eaux de ballast des navires.

Les Etats se voient confier un contrôle des navires qui peut prendre les formes suivantes :

– les Etats s’assurent du respect par les navires battant son pavillon des prescriptions de la convention (article 4) ;

– chaque Etat partie veille à ce que les navires autorisés à battre son pavillon ou exploités sous son autorité, qui sont soumis aux dispositions en matières de visites et de délivrance de certificats, fassent l’objet de visites et que des certificats leurs soient délivrés conformément aux règles de l’annexe (article 7) ;

– toute infraction à la convention doit être prévue et sanctionnée par la législation de l’Etat dont relève le navire en cause, où qu’elle soit commise. Toute infraction commise dans les eaux sous juridiction d’un Etat partie doit être prévue et sanctionnée par la législation de cet Etat (article 8).

Enfin, les Etats s’engagent à mettre en place des installations de réception des sédiments dans les ports ou dans les terminaux qu’ils ont désignés et qui accueillent les réparations ou le nettoyage des citernes à ballast (article 5).

2. Des obligations pour les navires

Les navires doivent mettre en œuvre des plans de gestion des eaux de ballast approuvés par les autorités compétentes de l’Etat du pavillon (règle B1).

Les personnels navigants sont tenus, dans le cadre du plan de gestion, d’établir et de tenir à jour des registres des eaux de ballast consignant au minimum les informations suivantes : date, position géographique, citernes et cales à cargaison du navire, température et salinité de l’eau de ballast, quantité d’eau de ballast chargée et déchargée, etc (règle B2).

La gestion des eaux de ballast est soumise à deux règles : les navires auront, dans un premier temps, l’obligation de renouveler au moins 95 % des eaux de ballast en haute mer (règle D1) et ils devront, dans un second temps, disposer d’un système de gestion des eaux de ballast par traitement afin de pouvoir garantir le respect d’une teneur maximale en microorganismes vivants (règle D2). La seconde règle comporte une obligation de résultat qui la rend plus contraignante que la première.

Les navires construits avant 2009 devront respecter la première règle jusqu’en 2014 ou 2016, en fonction du volume de leurs ballasts. A partir de ces dates, ils devront satisfaire à la seconde. Les navires construits entre 2009 et 2012 devront satisfaire immédiatement à la seconde règle, à l’exception de ceux dont les ballasts sont supérieurs à 5 000 tonnes. Ces derniers pourront ne l’appliquer qu’à partir de 2012. Tous les navires construits à partir de 2012 devront satisfaire à la seconde règle dès leur construction (règle B3).

– Le renouvellement des eaux en haute mer : il doit être effectué à 200 milles marins de la terre la plus proche par au moins 200 mètres de fond ; en cas d’impossibilité, la distance de le terre est ramenée à 50 milles. Le respect de cette règle (B4) ne doit pas avoir pour effet de dévier le navire de sa route ou de le retarder.

Cependant, si l’opération compromet la stabilité ou la sécurité du navire, de son équipage ou de ses passagers, en raison des conditions météorologiques, de la conception du navire, d’une défaillance de l’équipement ou de toute autre circonstance exceptionnelle, le capitaine peut décider « raisonnablement » de ne pas procéder au renouvellement.

L’absence de renouvellement des eaux de ballast conforme aux règles prévues doit être justifiée dans le registre des eaux de ballast.

– le traitement des eaux : la convention impose des normes de qualité des eaux. Les navires doivent ainsi rejeter moins de dix organismes viables par mètre cube, d’une taille minimale ou supérieure à 50 microns et moins de dix organismes viables par millilitre d’une taille égale ou supérieure à 10 microns (règle D2).

Les méthodes de contrôle de ces règles sont en cours de définition. A ce jour, seule la consultation du registre des eaux de ballast, du plan de gestion ou des certificats permet d’apprécier le respect des normes. En outre, la convention prévoit que les opérations de contrôle ne doivent pas retarder les navires, et qu’un navire indûment retenu ou retardé serait en droit de demander réparation (article 12).

Les navires doivent enfin éliminer et évacuer les sédiments des ballasts conformément au plan de gestion des eaux (règle B5).

B – Des questions techniques en suspens

Les solutions préconisées par la convention se heurtent néanmoins à des obstacles qui tiennent, d’une part à la complexité du déballastage en haute mer, d’autre part à l’absence actuelle de procédés satisfaisants de gestion des eaux.

1. La complexité du déballastage en haute mer

L’efficacité de la procédure de renouvellement de ballast est contrariée par deux éléments. Elle peut s’avérer difficilement applicable du fait de la configuration des côtes et des fonds marins ; sa réalisation présente des risques sur le plan technique.

Contrairement aux Etats-Unis ou au Canada, la navigation en Europe est d’abord une navigation de transit. Les navires croisent dans les eaux territoriales des Etats européens sans jamais passer en haute mer. Ainsi, le navire qui remonte d’Espagne à destination des Pays-Bas transitera t-il seulement par les eaux territoriales françaises, puis belges, allemandes et enfin néerlandaises, sans pouvoir déballaster en haute mer. Cette réglementation paraît donc difficilement applicable en Europe.

Le déballastage est, en outre, une opération longue et périlleuse pour laquelle les circuits de ballastage des navires actuels sont très rarement conçus et qui peut compromettre la sécurité de ces derniers durant son exécution. Pendant le déroulement de ce processus, les conditions d’équilibrage et de stabilité du navire ne sont, en effet, pas optimales. En outre, la durée des traversées et la diminution des effectifs à bord des navires peuvent compliquer ces opérations, voire les rendre impossibles. Ces inconvénients sont aggravés en cas de navigation difficile (mauvais temps, trafic important, faible stabilité).

Néanmoins, anticipant l’évolution de la réglementation, plusieurs armateurs de taille mondiale pratiquent déjà en haute mer l’échange des eaux de ballasts sur leurs navires (notamment, en France CMA, CGM et Louis Dreyfus Armement).

Les solutions semblent à ce jour s’orienter vers le traitement des eaux de ballast plutôt que vers un protocole de gestion de ces eaux.

2. Des procédés techniques à mettre au point pour la gestion des eaux

Deux types de méthodes de traitement des eaux de ballast sont envisagés par la convention :

– l’approche chimique : il s’agit d’injecter un élément chimique dans les ballasts qui éliminera toutes les cellules nuisibles dans l’eau. Les limites de cette technique sont que les composés chimiques sont soit insuffisamment puissants, et donc partiellement inefficaces, soit trop puissants ce qui pose le problème du rejet des eaux traitées dans l’environnement.

– l’approche mécanique : le but est de nettoyer, par divers procédés mécaniques, l’eau contenue dans les ballasts afin de pouvoir la rejeter sans risque pour l’environnement. Globalement, là encore, les procédés ne sont pas au point et ne demeurent que partiellement efficaces. De plus, ils sont souvent très onéreux et présentent des problèmes de place à bord des navires : installer les systèmes les plus encombrants reviendrait à installer un moteur supplémentaire à bord. Ces solutions sont envisageables à terme pour les navires neufs, mais semblent difficilement applicables aux navires existants.

Les systèmes de gestion des eaux de ballast qui utilisent des substances actives doivent être approuvés par l’OMI (règle G9). Les autres systèmes de gestion des eaux de ballast doivent être approuvés par le gouvernement de l’Etat sous l’autorité duquel le navire est exploité compte tenu des directives élaborées par l’OMI (règle G8).

Pour les premiers, l’OMI a confié à un groupe technique le soin d’examiner les propositions de systèmes de gestion soumises à son approbation, et de lui faire rapport en indiquant si la proposition présente un risque pour la santé de l’homme, l’environnement, les biens ou les ressources, d’après les critères énoncés dans la procédure.

Des demandes d’approbation de substances actives ont été présentées par de nombreux Etats. Un seul système, basé sur l’utilisation de rayons ultra-violets et de dispositifs de filtration, a été approuvé par l’OMI, en juillet 2007. Une dizaine de systèmes de gestion des eaux de ballast, utilisant ou non des substances actives, sont actuellement à l’essai.

Par ailleurs, demeure le problème des sédiments qui ne seraient pas traités et dans lesquels se réfugient les bactéries nuisibles. Un système de traitement des sédiments, en parallèle, est donc indispensable.

CONCLUSION

Soulignant une nouvelle fois la fragilité des océans, la convention du 13 février 2004 pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires renforce les obligations qui s’imposent aux Etats et aux navires.

En dépit des obstacles techniques qui devront être surmontés dans les années à venir, la convention améliore la protection des océans. Partageant cette préoccupation, votre Rapporteur est donc favorable à l’adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 8 avril 2008.

Après l’exposé du rapporteur et suivant ses conclusions, la commission a adopté le projet de loi (no 611).

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La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 611).

© Assemblée nationale

1 () Global ballast water management programme.

2 () Présentation du programme « Globallast ».

3 () Notamment la résolution A.868(20) portant « directives relatives au contrôle et à la gestion des eaux de ballast des navires en vue de réduire au minimum le transfert d’organismes aquatiques nuisibles et d’agents pathogènes

4 () Barbade, Égypte, Espagne, Kenya, Kiribati, Maldives, Nigeria, Saint-Kitts-et-Nevis, Sierra Leone, Norvège, République arabe syrienne et Tuvalu.