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N
° 890

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 mai 2008

AVIS

fait

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE de modernisation des institutions de la Ve République,

par M. Axel PONIATOWSKI

Député

Voir les numéros  :

Assemblée nationale :820, 881, 883, 892

INTRODUCTION 5

I – UN PARLEMENT MIEUX ASSOCIÉ À LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE 7

A – LA REPRÉSENTATION DES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER À L’ASSEMBLÉE NATIONALE 7

B – LE DROIT DE RÉSOLUTION 11

C – LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DES INTERVENTIONS MILITAIRES
À L’ÉTRANGER
15

II – UN PARLEMENT PLUS ENGAGÉ EN MATIÈRE EUROPÉENNE 23

A – LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DES AFFAIRES EUROPÉENNES 23

B – LES NOUVELLES RÈGLES DE RATIFICATION DES TRAITÉS D’ADHÉSION
À L’UNION EUROPÉENNE
27

C – LES RÉVISIONS CONSTITUTIONNELLES LIÉES À LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE 30

EXAMEN EN COMMISSION 31

ANNEXES 43

COMPTE RENDU DE L’AUDITION DE M. ÉDOUARD BALLADUR 45

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 57

Mesdames, Messieurs,

À quelques mois du cinquantième anniversaire de la Constitution de 1958, le Parlement est appelé à débattre d’un projet de loi constitutionnelle visant à moderniser le fonctionnement de nos institutions.

En un demi-siècle, notre loi fondamentale a été révisée à 23 reprises. Toutefois, la présente réforme est sans doute l’une des plus importantes après celle qui a posé le principe de l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. En effet, sans changer la nature de la Ve République qui emprunte à la fois au régime parlementaire et au régime présidentiel, il s’agit autant de tirer les conséquences de la pratique institutionnelle que d’adapter nos institutions aux exigences d’une démocratie moderne en instaurant un nouvel équilibre institutionnel. Comme l’a déclaré le Président de la République Nicolas Sarkozy : « Le monde et la société française ont beaucoup changé et… le moment est venu de nous interroger sur la manière dont ces changements affectent nos modes de gouvernement et l’idée que nous nous faisons de la démocratie ».

L’avenir de nos institutions a donné lieu à d’importants débats au cours de la campagne présidentielle du printemps 2007. Au lendemain de son élection, le Président de la République a ainsi confié à M. Edouard Balladur, ancien Premier ministre, la charge de présider un Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République. Composé d’éminents juristes et de personnalités de sensibilités politiques différentes, ce comité a remis un rapport assorti de 77 propositions. C’est sur la base de ce rapport que le Gouvernement a élaboré son projet de réforme constitutionnelle.

Tirant les conséquences du quinquennat présidentiel, la réforme proposée procède à un rééquilibrage des pouvoirs dont le principal bénéficiaire est le Parlement.

Dans le cadre de ses activités législatives, le Parlement partagera avec le Gouvernement la maîtrise de l’ordre du jour, bénéficiera de délais pour examiner plus sereinement les textes qui lui seront soumis et pourra s’opposer au recours à la procédure d’urgence. L’augmentation du nombre des commissions permanentes, qui devrait passer de six à huit, contribuera par ailleurs à améliorer les conditions du travail législatif. L’adoption du principe de la discussion des projets de loi en séance publique à partir du texte adopté par la commission modifiera l’équilibre des débats en faveur du législateur.

Enfin, l’usage de la procédure d’engagement de responsabilité, pierre angulaire du parlementarisme rationalisé, sera restreint, dans des conditions qui peuvent néanmoins prêter à débat.

Les moyens de contrôle du Parlement seront également renforcés : il bénéficiera du concours de la Cour des comptes, il pourra exercer un droit de regard sur certaines nominations, il disposera d’un droit général d’adoption de résolutions.

Le Président de la République verra certains de ses pouvoirs encadrés (pouvoir de nomination, droit de grâce, pouvoirs exceptionnels) mais il sera désormais autorisé à venir s’exprimer devant le Parlement, ce qui ouvre des perspectives nouvelles, notamment en matière de politique étrangère.

Le projet de loi offre également des garanties nouvelles aux citoyens en instituant notamment un Défenseur des droits des citoyens et en introduisant l’exception d’inconstitutionnalité.

Reflétant ce nouvel équilibre général, plusieurs articles du projet de loi concernent directement les questions européennes ou internationales ou trouvent une application dans ces domaines traditionnellement réservés au pouvoir exécutif. Cette constatation a conduit la commission des Affaires étrangères à se saisir pour avis.

Le rôle du Parlement est demeuré jusqu’à présent très limité sur ces questions. Or, l’importance prise pas la construction européenne au cours du demi-siècle écoulé nécessitait d’en tirer les conséquences appropriées sur le fonctionnement de nos institutions. De même, il devenait indispensable d’accroître la participation de la représentation nationale en matière de politique étrangère.

Le projet de loi de modernisation de nos institutions prend en compte cette double exigence. Dans ce présent avis consacré aux dispositions permettant une meilleure association du Parlement français aux sujets de politique européenne et internationale, votre Rapporteur, tout en soulignant les avancées contenues dans ce projet, a souhaité formuler un certain nombre de propositions complémentaires.

I – UN PARLEMENT MIEUX ASSOCIÉ À LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE

M. Edouard Balladur, alors président de la commission des Affaires étrangères, estimait que « la diplomatie est la prérogative de l’exécutif. Mais le Parlement doit jouer tout son rôle, à sa juste place, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui » (1). Le projet de loi constitutionnelle répond à cette préoccupation en associant de façon plus étroite le Parlement à la définition et au contrôle de la politique étrangère de la France. Trois dispositions nouvelles y concourent : la représentation des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale, la reconnaissance au bénéfice du Parlement d’un droit de résolution et la mise en place d’une procédure de contrôle parlementaire des interventions militaires à l’étranger.

A – La représentation des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale

1 326 087 ressortissants français étaient inscrits sur le registre mondial des Français établis hors de France au 31 décembre 2007. Cette inscription étant facultative, la population française à l’étranger est estimée à plus de deux millions de personnes.

Nos concitoyens expatriés sont non seulement les premiers vecteurs de l’influence française à l’étranger mais aussi une source précieuse d’information sur les pays dans lesquels ils résident.

En permettant aux Français de l’étranger d’élire des députés, le projet de loi satisfait une revendication ancienne et réalise l’une des promesses de campagne du Président de la République et de la majorité présidentielle, réitérée par Nicolas Sarkozy lors de sa visite en Tunisie le 29 avril dernier.

« Il n’y a aucune raison pour que les Français vivant hors de France ne puissent influencer, dans les mêmes conditions que les Français vivant en France, les choix politiques décisifs concernant notre pays. Or, c’est actuellement le cas puisque ces Français ne sont représentés qu’au Sénat. Nous permettrons donc aux Français de l’étranger d’élire également des députés. » (2)

La représentation des Français établis hors de France est inscrite dans la Constitution depuis 1958. Son article 24 en assigne la mission au Sénat exclusivement.

Jusqu’en 1983, les sénateurs représentant les Français établis hors de France étaient désignés par le Sénat sur proposition du Conseil supérieur des Français de l’étranger. Depuis la loi du 18 mai 1983 (3), ils sont élus par un collège formé des membres élus du Conseil supérieur des Français de l’étranger, devenu l’Assemblée des Français de l’étranger depuis 2004.

Actuellement, douze sénateurs représentent les Français de l’étranger (4). Ils sont élus, à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne sans panachage ni vote préférentiel, par les 153 conseillers (155 à partir de 2009) de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) qui forment le collège électoral sénatorial.

Les conseillers sont élus pour six ans par les ressortissants inscrits au registre des Français établis hors de France. Le collège électoral est renouvelable par moitié tous les trois ans. La série A (77 sièges) comprend les circonscriptions d’Amérique (30) et d’Afrique (47) ; la série B (76 sièges), celles d’Europe (52) ainsi que celles d’Asie-Océanie et Levant (24). On dénombre actuellement 52 circonscriptions électorales, avec un ou plusieurs conseillers par circonscription. Un pays peut comporter plusieurs circonscriptions, et une circonscription peut recouvrir plusieurs pays. Le mode d’élection est celui de la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel, dans les circonscriptions qui élisent au moins trois conseillers ; dans les autres circonscriptions, l’élection a lieu au scrutin majoritaire à un tour.

Seuls deux pays européens, le Portugal et l’Italie, prévoient la représentation de leurs citoyens installés à l’étranger.

En Italie, la création en 2000 d’une circonscription « Étranger » au Parlement a permis l’attribution de douze des 630 sièges de la Chambre des députés et de trois des 315 sièges du Sénat en faveur de la représentation des Italiens de l’étranger. Le nombre total de députés et de sénateurs est néanmoins resté inchangé.

Au Portugal, deux des vingt-deux circonscriptions électorales sont réservées à la représentation parlementaire des Portugais de l’étranger, l’une à ceux résidant en Europe et l’autre hors d’Europe. Dans ce Parlement monocaméral, les deux circonscriptions permettent d’élire quatre députés sur un total de 230.

Alors que le nombre de Français à l’étranger ne cesse de croître, leur participation au processus électoral est entravée par deux facteurs : en premier lieu, les difficultés matérielles rencontrées dans l’exercice effectif du droit de vote dont témoigne notamment le taux d’abstention constaté lors des dernières élections présidentielles ; en second lieu, leur représentation partielle au Parlement.

Pour résoudre les premières, la loi du 28 mars 2003  (5) autorise le vote par correspondance électronique des Français établis hors de France pour les élections de l’AFE. Celui-ci a été expérimenté pour la première fois à l’occasion du renouvellement partiel de juin 2003 pour la circonscription des Etats-Unis. Il a été généralisé pour le renouvellement de juin 2006 mais, en raison de contraintes techniques particulièrement lourdes, les électeurs n’ont été que 14 % à choisir ce mode d’élection.

Afin de garantir le respect du droit de suffrage, l’idée d’une représentation à l’Assemblée nationale des Français de l’étranger a été périodiquement avancée. Une proposition de loi organique avait été déposée en ce sens au Sénat sous la précédente législature (6).

Le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, présidé par Édouard Balladur, a néanmoins écarté cette réforme considérant qu’il était « inopportun de modifier le mode de représentation des Français de l’étranger » et donc recommandé le statu quo.

Le projet de loi s’affranchit de cette suggestion puisque l’article 9 prévoit que les Français établis hors de France sont également représentés à l’Assemblée nationale. L’élection de ces députés soulève cependant plusieurs questions quant à sa mise en œuvre, que n’avait pas manqué de souligner le Comité.

La première difficulté tient à la détermination du nombre de députés susceptibles d’être élus par les Français de l’étranger.

Le nombre de députés peut difficilement être inférieur au nombre, élevé, de sénateurs représentant les Français établis hors de France, soit douze sièges. En outre, l’importance de la population française à l’étranger pourrait justifier l’attribution d’une vingtaine de sièges afin de respecter la proportionnalité entre poids démographique de la circonscription et siège de député qui gouverne le découpage électoral.

Cette question ne peut être en outre être appréhendée sans se prononcer sur le nombre global de membres de l’Assemblée nationale. Face aux critiques sur le caractère pléthorique de la représentation nationale, les responsables politiques s’accordent pour considérer que le nombre actuel de 577 députés constitue une limite maximale. C’est pourquoi il est souhaitable que la création de nouveaux sièges s’effectue à nombre constant sauf à alimenter l’antiparlementarisme et la défiance vis-à-vis des élus.

Dès lors, la traduction de la représentation des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale s’apparente à un exercice de funambule. L’élection de députés issus de circonscriptions nouvelles dans les limites de l’effectif actuel de la représentation nationale privera nécessairement certains députés de leur siège existant. Les opérations de découpage électoral risquent de s’avérer particulièrement délicates. Il est donc nécessaire que la réflexion sur le nombre de sièges attribués aux députés représentant les Français de l’étranger s’inscrive dans la perspective de révision des circonscriptions législatives que le Conseil constitutionnel a appelé de ses vœux à plusieurs reprises et en vue de laquelle l’article 10 du projet de loi crée une commission indépendante.

Le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement a indiqué lors de son audition par la commission des Lois (7) que le choix n’était pas encore arrêté : « S’agissant de la représentation du 1,4 million de Français de l’étranger, il est envisagé, au stade actuel de la réflexion, un nombre de dix à douze députés élus au scrutin de liste, soit majoritaire soit proportionnel, au sein de très grandes circonscriptions délimitées au niveau mondial – sans que le découpage soit encore arrêté ».

Ce propos confirme que la détermination du mode de scrutin et la délimitation des circonscriptions constituent une autre source de complexité. On peut ainsi se demander si les quatre grandes circonscriptions définies pour l’élection des conseillers de l’AFE peuvent être le cadre des élections législatives. Le mode de scrutin peut-il être différent selon la taille et la population française des circonscriptions ? Il importe à tout le moins que le découpage des circonscriptions reflète la diversité des zones géographiques dans lesquelles les Français sont établis. Actuellement, les sénateurs représentant les Français de l’étranger sont ainsi tous issus de la zone Europe. Quelle que soit la délimitation retenue, la dispersion des Français de l’étranger sur la planète et la singularité de leur représentation semblent justifier l’introduction de la part de scrutin proportionnel que d’aucuns réclament par ailleurs.

Si l’objectif louable d’améliorer la représentation des Français de l’étranger peut être partagé, sa mise en œuvre devra être suivie avec vigilance par le Parlement, et singulièrement l’Assemblée nationale, afin d’en maîtriser les conséquences pour la représentation nationale.

B – Le droit de résolution

« Permettre au Parlement de s’exprimer sur la politique étrangère, c’est ouvrir notre pays aux grandes questions internationales. C’est l’une des conditions pour que la France s’adapte mieux à la mondialisation, en maîtrise les conséquences et aborde l’évolution internationale plus confiante et plus forte. » (8)Ainsi M. Edouard Balladur concluait-il le bilan d’activités de la commission des Affaires étrangères sous sa présidence.

Le projet de modernisation de nos institutions s’y emploie en dotant le Parlement d’un nouveau mode d’expression, la résolution, qui permet de rapprocher la France des autres grandes démocraties.

En effet, le droit de résolution est reconnu aux Parlements de la majorité des démocraties ainsi qu’au Parlement européen. Il trouve d’ailleurs à s’y exercer principalement en matière internationale.

En Allemagne, le Bundestag adopte des « motions autonomes à caractère non législatif ». En Belgique, au cours de la 51ème législature, la Chambre des représentants a examiné 115 propositions de résolution (9). Au Royaume-Uni, la Chambre des communes discute de « substantive motions ». Aux Etats-Unis, la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants avait adopté une résolution reconnaissant le génocide arménien avant que le vote en séance plénière ne soit reporté. Plus récemment, la Chambre, sur la proposition de sa présidente, Mme Nancy Pelosi, a voté une résolution sur la situation au Tibet (10).

Afin de permettre au Parlement français d’exercer la fonction « tribunitienne » utile au fonctionnement de toute démocratie, l’article 12 du projet de loi constitutionnelle reprend une proposition formulée par le comité présidé par M. Balladur : il prévoit l’ajout dans la Constitution d’un nouvel article 34-1 autorisant les assemblées à voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement.

1 – Le Parlement dispose actuellement d’un droit de résolution limité

Tirant les enseignements des pratiques observées sous la IVe République, la Constitution de 1958 a en effet strictement encadré les prérogatives du Parlement et le domaine de la loi tandis que le Conseil constitutionnel, par sa décision du 17 juin 1959 portant sur le règlement de l’Assemblée nationale (11), a fortement limité le champ des résolutions parlementaires. Aux termes de cette décision, les règlements des assemblées ne peuvent ainsi « assigner aux propositions de résolution un objet différent de celui qui leur est propre, à savoir la formulation de mesures et décisions relevant de la compétence exclusive de [l’assemblée], c’est-à-dire les mesures et décisions d’ordre intérieur ayant trait au fonctionnement et à la discipline de [ladite] assemblée, auxquelles il conviendrait éventuellement d’ajouter les seuls cas expressément prévus par des textes constitutionnels et organiques ». En aucun cas, le droit de résolution ne saurait ainsi être utilisé pour mettre en jeu la responsabilité du Gouvernement.

La Ve République ne prohibe donc pas le droit de résolution, mais en a pendant longtemps limité l’usage aux seules questions d’organisation et de fonctionnement interne des assemblées, avant d’élargir son champ d ’application aux questions européennes.

Le droit de résolution a ainsi été étendu en 1992, lors de la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maastricht. Un nouvel article 88-4 a alors été inséré dans la Constitution pour autoriser l’Assemblée nationale et le Sénat à voter des résolutions sur des projets et propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne soumis par le Gouvernement. La reconnaissance d’un droit de résolution parlementaire spécifique en matière européenne est en quelque sorte la contrepartie des transferts de souveraineté consentis à l’Union européenne. Dessaisi d’une partie de ses compétences désormais exercées à l’échelon européen, le Parlement français s’est ainsi vu doter d’un nouvel instrument de contrôle parlementaire en matière européenne.

En l’état actuel, les résolutions parlementaires sont possibles dans les cas suivants :

– résolutions modifiant le règlement des assemblées ;

– résolutions tendant à la création d’une commission d’enquête ;

– résolutions tendant à la suspension des poursuites ou à la suspension de la détention d’un membre d’une assemblée ;

– résolutions portant mise en accusation du président de la République devant la Haute Cour de justice ;

– résolutions portant sur des projets et propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne soumis au Parlement en application de l’article 88-4 de la Constitution ;

Par ailleurs, la loi constitutionnelle (12) du 4 février 2008 prévoit l’existence de nouvelles catégories de résolutions à compter de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne (TUE) et le traité instituant la Communauté européenne (TFUE) :

– résolutions portant avis motivé sur la conformité d’un projet d’acte législatif européen au principe de subsidiarité (art. 88-6);

– résolutions relatives à un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne contre un acte législative européen pour violation du principe de subsidiarité (art. 88-6).

Ces dernières catégories de résolutions, auxquelles il convient d’ajouter les motions adoptées en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat au titre de l’article 88-7 pour s’opposer à certaines modifications du TUE et du TFUE, sont distinctes des résolutions européennes de l’article 88-4 au sens où elles ne s’adressent pas au Gouvernement français mais visent directement les institutions de l’Union européenne. Sous certaines conditions prévues par les traités européens, ces résolutions peuvent avoir une force juridique contraignante.

2 – La création d’un droit de résolution parlementaire à caractère général

Le droit de résolution général prévu à l’article 12 du projet de loi vise à consacrer dans la Constitution une prérogative qui existe dans nombre de parlements étrangers, en particulier au sein de l’Union européenne. L’exercice du droit de résolution doit permettre notamment d’éviter l’adoption de lois dénuées de toute portée normative, procédure qui permet de contourner l’interdiction de voter des résolutions. Les résolutions n’ont pas de valeur juridique contraignante ; leur portée est de nature exclusivement politique.

Le nouvel article 34-1 ne prévoit aucune limitation au champ des résolutions parlementaires : elles pourront porter tant sur des sujets de politique intérieure que sur des questions de politique étrangère. La pratique observée dans les parlements étrangers et au Parlement européen révèle que les sujets internationaux sont les premiers concernés par le vote de résolutions.

La rédaction envisagée du nouvel article 34-1, combinée avec d’autres dispositions de la Constitution, appelle plusieurs remarques.

L’article 34-1 renvoie au règlement de chaque assemblée le soin de fixer les conditions de mise en œuvre du droit de résolution. La Constitution ne précise pas si l’exercice de ce droit de résolution nécessite une adoption en séance publique ou si un vote en commission pourrait, dans certains cas, permettre l’adoption d’une résolution par l’une ou l’autre des assemblées.

Or s’agissant des résolutions portant sur des textes européens, l’article 88-4 mentionne expressément la possibilité pour l’Assemblée nationale et le Sénat de voter des résolutions, « le cas échéant en dehors des sessions », ce qui signifie qu’un vote en commission peut suffire.

Faut-il interpréter le silence de l’article 34-1 comme une limitation de l’exercice du droit général de résolution aux seules périodes de sessions parlementaires lorsqu’elles ne relèvent pas de l’article 88-4 ?

On conçoit aisément le risque d’un usage immodéré du droit de résolution à caractère général si celui ci peut s’exercer à tout moment.

Toutefois l’instauration d’un droit de résolution, à géométrie variable, susceptible de s’appliquer ou non selon la période de l’année n’est pas satisfaisant notamment en matière internationale où il trouvera régulièrement matière à s’exercer.

L’actualité européenne et a fortiori l’actualité internationale ne connaissent pas le rythme des sessions parlementaires et nombreux sont les événements importants qui se sont produits alors que le Parlement français n’était pas en session. Il suffit d’évoquer le putsch de Moscou d’août 1991, les attentats du 11 septembre 2001, l’intervention militaire israélienne au Liban en juillet 2006.

Alors que l’article 34-1 prévoit de renforcer le rôle du Parlement en lui accordant un droit de résolution général, il serait pour le moins paradoxal pour ne pas dire choquant que dans une situation internationale où se produiraient des faits exceptionnels ou d’une extrême gravité, tels que ceux précités, la représentation nationale ne puisse recourir à cette disposition constitutionnelle pour adopter une résolution.

En revanche, le vote des résolutions de l’article 88-4 peut lui intervenir « le cas échéant en dehors des sessions », au motif que les résolutions sur des textes européens doivent tenir compte du calendrier des négociations au sein des institutions de l’Union européenne, lequel est déconnecté du calendrier des sessions du Parlement français.

Votre Rapporteur, se fondant sur cette considération, estime par conséquent qu’il convient de préciser dans le nouvel article 34-1 de la Constitution la possibilité de voter des résolutions, « le cas échéant en dehors des sessions », à l’instar de la formulation retenue à l’article 88-4 et qu’il appartiendra aux règlements des assemblées de préciser les modalités d’exercice de ce droit.

L’exercice du droit de résolution général de l’article 34-1 doit être mis en relation avec l’article 88-4 de la Constitution. En effet, en visant spécifiquement les résolutions sur des projets et propositions d’actes européens, l’article 88-4 exclut-il de facto les questions européennes du champ d’application du droit de résolution prévu à l’article 34-1 ?

Votre Rapporteur considère que les deux articles 34-1 et 88-4 se complètent et que les questions européennes pourraient également faire l’objet du droit général de résolution prévu à l’article 34-1. Il existe en effet, en vertu de l’article 88-4 de la Constitution, un droit de résolution spécifique en matière européenne, que l’on peut évoquer ici brièvement.

Ces résolutions parlementaires, bien que dénuées de toute force juridique contraignante, peuvent contribuer à l’élaboration de la position française. Leurs modalités de mise en œuvre sont prévues par le règlement de chaque assemblée qui confère aux deux Délégations pour l’Union européenne de l’Assemblée nationale et du Sénat un rôle important d’instruction de ces propositions de résolution. Le présent projet de loi confère une base constitutionnelle à ces deux délégations qui prennent le nom de « comité chargé des affaires européennes » sans que cela n’ait pour effet de modifier leurs prérogatives actuelles.

Néanmoins, l’article 88-4 fait strictement reposer le droit de résolution en matière européenne sur des projets ou propositions d’actes européens. Le nouveau droit de résolution général prévu à l’article 34-1 permet de s’affranchir de cette condition et donne la possibilité à l’Assemblée nationale et/ ou au Sénat d’adopter des résolutions en matière européenne qui ne se fonderait sur aucun texte d’origine communautaire en demandant par exemple à l’Union européenne d’adopter un acte qui n’existe pas encore. On pourrait ainsi tout à fait concevoir une résolution parlementaire appelant à l’adoption d’une position commune européenne sur la situation au Tibet. Une telle initiative n’est pas possible avec l’article 88-4 mais elle le deviendrait avec le nouvel article 34-1.

Rien, semble-t-il, ne s’opposerait non plus, par exemple, au vote d’une résolution au titre de l’article 34-1, sur les frontières de l’Union européenne.

Votre Rapporteur tenait à souligner cette complémentarité des procédures. En tout état de cause, le maintien de l’article 88-4 ne saurait avoir pour effet de limiter le droit de résolution parlementaire en matière européenne qui peut également trouver à s’exercer comme on vient de le démontrer sur la base du nouvel article 34-1.

C – Le contrôle parlementaire des interventions militaires à l’étranger

L’augmentation de la présence militaire française en Afghanistan, annoncé par le Président de la République le 26 mars dernier devant le Parlement britannique, a mis en lumière les lacunes du contrôle parlementaire des opérations extérieures.

Le silence de la Constitution sur cette question en fait l’un des serpents de mer du débat institutionnel. Hors le cas de la déclaration de guerre prévu par l’article 35, le Parlement est dépourvu de prérogatives sur les questions de défense en raison de la prééminence de l’exécutif, singulièrement du Président de la République.

Or, d’une part, l’article 35 n’est plus adapté aux nouvelles formes de conflit dans le monde qui justifient l’intervention de forces françaises : la cessation de l’état de paix ne résulte plus aujourd’hui de la déclaration de guerre mais il s’agit d’un fait, qui peut tout au plus être « constaté » par le Conseil de sécurité des Nations Unies ; la charte des Nations Unies fait référence à des opérations de sécurité collective.

D’autre part, les opérations extérieures se sont multipliées ces dernières années. En mars 2008, 11 100 militaires français participaient à des interventions militaires à l’étranger.

On distingue les soldats français engagés dans des opérations extérieures sous mandat international et les forces mises en œuvre sur décision nationale. Ces dernières sont affectées à une mission hors du territoire français, sur décision nationale notamment pour renforcer des forces pré-positionnées, assurer la sécurité de nos ressortissants, la protection de nos intérêts, le maintien de la paix ou le respect d’accords de défense.

Soldats français engagés dans des opérations extérieures

Pays

Effectifs (mars 2008)

Afghanistan

2 200

Balkans (Bosnie, Kosovo)

2 150

Liban (FINUL)

1 600

Tchad / RCA (EUFOR)

1 200

Côte-d’Ivoire (ONUCI)

200

Côte-d’Ivoire (LICORNE)

1 800

Tchad (EPERVIER)

1 250

RCA (BOALI)

200

Golfe de Guinée (Corymbe)

200

Autres missions

300

Total

11 100

La désuétude de l’article 35 laisse le Parlement sans voix constitutionnelle sur les interventions des forces armées à l’étranger. A cet égard, la comparaison avec les parlements étrangers souligne l’insuffisante implication du Parlement français sur ces questions.

Cependant, les interventions militaires hors du territoire ont par le passé donné lieu à des débats parlementaires selon des modalités disparates. Elles ne donnent lieu à un vote que si le Gouvernement décide d’engager sa responsabilité sur une déclaration.

La consultation du Parlement sur ces interventions dépend donc formellement d’une initiative du Premier ministre :

– il peut, sur le fondement de l’article 49 alinéa premier de la Constitution, engager la responsabilité du Gouvernement sur une déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale. M. Michel Rocard a utilisé cette procédure le 16 janvier 1991 à l’occasion de la participation française à la coalition multinationale chargée par les Nations Unies de rétablir la souveraineté koweïtienne suite à l’invasion irakienne d’août 1990. Cette démarche est néanmoins une exception ;

– le Premier ministre peut également prononcer une déclaration, non suivie d’un vote, devant l’Assemblée nationale selon les termes de l’article 132 du Règlement de l’Assemblée nationale. Ainsi, le 26 mars 1999, soit deux jours après le déclenchement des bombardements alliés contre la République fédérale de Yougoslavie (auxquels participait la France), M. Lionel Jospin usait de cette faculté pour évoquer la situation au Kosovo. Aucun vote n’est intervenu alors même que l’engagement des forces françaises s’inscrivait dans un contexte de combat caractérisé.

Plus récemment, venant clore une polémique sur le déficit d’information du Parlement, un débat sans vote a suivi la déclaration du Gouvernement sur la situation en Afghanistan le 1er avril. En réponse à l’absence de vote, les députés socialistes ont déposé une motion de censure sur le fondement de l’article 49 alinéa 2.

A cette occasion, le Premier ministre a fait valoir que « la procédure du vote de confiance n’est pas adaptée à l’engagement de nos forces dans une opération de maintien de la paix » puis il a présenté les avancées contenues dans le projet de loi constitutionnelle.

L’article 13 du projet de loi modifie l’article 35 relatif à la déclaration de guerre afin de renforcer les pouvoirs du Parlement en matière d’interventions militaires à l’étranger.

Le projet de loi s’inspire librement de plusieurs rapports qui se sont prononcé sur le renforcement du rôle du Parlement en matière d’opérations extérieures. La difficulté de cette réforme consiste à concilier les contraintes dictées par la défense nationale et l’exercice légitime par le Parlement de sa fonction de contrôle.

Dans son rapport remis le 15 février 1993, le Comité consultatif pour la révision de la Constitution, communément appelé « Comité Vedel », préconisait de compléter l’article 35 par un alinéa ainsi rédigé :

« Toute intervention des forces armées à l’extérieur du territoire de la République fait l’objet d’une déclaration devant le Parlement au plus tard huit jours après son déclenchement. Cette déclaration est suivie d’un débat. Hors session, le Parlement est réuni spécialement à cet effet. »

A partir du constat que le Parlement ne peut « s’accommoder d’une situation institutionnelle qui n’est plus adaptée à un contexte d’interventions militaires fort différent de ce qu’il était au début de la Vème République », la Commission de la Défense avait dessiné dans un rapport d’information de nombreuses pistes pour améliorer le contrôle parlementaire sur les opérations extérieures (13), parmi lesquelles la rédaction suivante de l’article 35 :

« L’emploi hors du territoire national des forces françaises est soumis à une consultation préalable du Parlement dans les conditions prévues par une loi organique.

« La participation de ces mêmes forces à des opérations de maintien, de rétablissement ou d’imposition de la paix qui n’auraient pas été expressément décidées par le Conseil de sécurité des Nations Unies ou qui ne résulteraient pas de l’application d’un accord de défense, fait l’objet d’une autorisation préalable du Parlement.

« Une séance peut être réservée par priorité pour l’application des deux alinéas précédents, selon les modalités fixées par le règlement de chaque assemblée. Hors session, le Parlement est alors réuni spécialement à cette fin. »

Le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, présidé par Édouard Balladur, a proposé quant à lui d’insérer l’alinéa suivant à l’article 35 :

« Le Gouvernement informe le Parlement de toute intervention des forces armées à l’extérieur du territoire de la République. Lorsque la durée d’une intervention excède trois mois, sa prolongation est autorisée par la loi. »

La lecture de ces trois propositions fait apparaître des divergences qui mettent en lumière les questions essentielles que toute réforme de l’article 35 doit trancher : quelle est l’étendue du pouvoir de contrôle du Parlement ? Quelles sont les opérations militaires concernées ? Dans quel délai le Parlement doit-il se prononcer ? Que se passe t-il lorsque le Parlement n’est pas en session ?

L’article 13 rassemble les solutions apportées par le projet de loi à ces questions. Il complète l’article 35 de la Constitution en instituant au bénéfice du Parlement deux procédures de contrôle compatibles avec la logique opérationnelle : dans un premier temps, les interventions des forces armées à l’étranger sont l’objet d’une information du Parlement et dans un second temps
– six mois après – elles sont soumises à son autorisation en vue de leur prolongation.

La volonté de ne pas empiéter sur les prérogatives de l’exécutif auquel appartient la décision d’engagement des troupes et de ne pas entraver ou retarder la mise en place d’une opération militaire justifie le choix opéré par le présent article. Il écarte en effet la solution d’une autorisation préalable des interventions militaires extérieures, procédure que l’Allemagne est seule à connaître.

Trois nouveaux alinéas sont donc insérés à la suite de l’unique alinéa de l’article 35 qui soumet la déclaration de guerre à l’autorisation du Parlement.

1 – Le premier alinéa prévoit que le Gouvernement doit informer le Parlement des interventions des forces armées à l’étranger dans les délais les plus brefs

a) Le Parlement doit être informé

Le Gouvernement se voit donc imposer un délai court dont le point de départ n’est pas précisé pour satisfaire à son obligation d’information. Les modalités de celle-ci reste par ailleurs à déterminer : on a observé par le passé que l’information pouvait prendre de nombreuses formes : déclaration du Gouvernement, information des Commissions compétentes ou de leur Président, des présidents de groupes politiques, etc. Il reviendra au Gouvernement de choisir le moyen le plus adapté aux circonstances. A cet égard, il convient de veiller à ce que l’information ne nuise pas au secret qui gouverne la préparation des opérations à l’extérieur de nos frontières.

La notion d’« interventions des forces armées à l’étranger » est préférée au terme budgétaire d’« opérations extérieures », la localisation « à l’étranger » à celle d’« à l’extérieur du territoire de la République ». Si le flou du terme retenu permet d’embrasser la diversité des opérations extérieures, il ne peut avoir pour conséquence d’informer le Parlement de toute présence militaire française hors de nos frontières. L’interprétation de ce terme devrait faire l’objet d’une discussion entre le Parlement et le ministère de la Défense : celle-ci pourrait notamment porter sur les critères permettant de distinguer parmi les interventions de nos forces celles qui donnent lieu à l’information du Parlement.

b) L’information du Parlement peut faire l’objet d’un débat

On rappellera que, d’ores et déjà, un débat peut être organisé à la demande du Gouvernement (14) après une déclaration de sa part. Cette faculté a été utilisée à plusieurs reprises par le passé à propos des interventions militaires. L’inscription de ce débat dans la Constitution offre désormais au Parlement la faculté de décider de l’organisation d’un débat dans les deux semaines par mois au cours desquelles il dispose de la maîtrise de l’ordre du jour en vertu de l’article 48 de la Constitution tel que modifié par l’article 22 du présent projet. Il appartiendra alors à la Conférence des Présidents de se prononcer sur la tenue de ce débat. Le Gouvernement peut également demander la tenue de ce débat comme précédemment.

c) Ce débat n’est suivi d’aucun vote

Si l’absence de vote consécutif au débat peut être discutée dans son principe, elle ne paraît pas à tout le moins cohérente avec d’autres dispositions du projet de loi. On peut arguer que le vote ne modifierait pas la nature du débat qui demeure une consultation donnant lieu à un avis du Parlement et non à une autorisation mais qu’il manifesterait le soutien de la nation aux troupes françaises. Ce vote permettrait également au Parlement d’exprimer, s’il le souhaite, sa position sur des opérations qui ne feraient pas l’objet d’autorisation en raison de leur durée.

En outre, rien ne s’oppose à ce que le Parlement utilise le droit de résolution dont il dispose en vertu de l’article 34-1 de la Constitution. Ce nouvel article, introduit par l’article 12 du projet de loi, octroie en effet au Parlement la possibilité de voter des résolutions sur les sujets de son choix, sous réserve des conditions fixées ultérieurement par le Règlement des deux assemblées. On peut donc imaginer que le Parlement adopte, par un vote, une résolution exprimant son avis sur l’engagement des forces françaises sur un théâtre d’opérations extérieur. Les parlementaires, qui disposeront à l’avenir de la maîtrise de leur ordre du jour deux semaines sur quatre (15), pourront, si le Règlement le permet, inscrire en séance publique l’examen et le vote d’une résolution de ce type sur l’envoi de forces armées à l’étranger.

Certes, les résolutions parlementaires n’ont pas de valeur juridique contraignante, mais leur impact politique ne saurait être sous-estimé.

Le même raisonnement pourrait être tenu s’agissant de l’absence de vote à l’issue du débat suivant la déclaration du Président de la République devant l’une ou l’autre des assemblées du Parlement prévue à l’article 7 du projet de loi modifiant l’article 18 de la Constitution.

2 – La procédure prévue au deuxième alinéa permet de garantir que l’Assemblée nationale se prononcera par un vote sur les opérations de grande ampleur qui se traduisent par un engagement des forces à moyen ou long terme

a) La prolongation d’une intervention au-delà de six mois est soumise à l’autorisation du Parlement. En cas de désaccord avec le Sénat, le dernier mot appartient à l’Assemblée nationale

Cette rédaction s’éloigne de la proposition du comité Balladur sur un point important : le délai entre le début de l’intervention et l’autorisation du Parlement est porté à six mois contre trois dans la proposition, sans que des arguments décisifs permettent de trancher entre les deux solutions.

La concision rédactionnelle laisse en suspens plusieurs questions : à partir de quel événement le délai de six mois court-il ? Quelle forme l’autorisation revêt-elle ? Quelle est la durée de l’autorisation délivrée par le Parlement ? Est-elle définitive ou doit-elle être renouvelée ?

La nécessité de ne pas encadrer trop strictement le délai pour conserver la souplesse inhérente aux opérations militaires explique le silence sur le point de départ du délai.

L’autorisation devrait prendre la forme prévue par l’article 131 du Règlement pour l’application de l’actuel article 35 : « Les autorisations prévues aux articles 35 et 36 de la Constitution ne peuvent résulter, en ce qui concerne l’Assemblée nationale, que d’un vote sur un texte exprès d’initiative gouvernementale se référant auxdits articles. »

L’exposé des motifs du projet de loi prévient que l’acte d’autorisation « ne saurait s’accompagner d’aucune condition concernant les modalités opérationnelles d’engagement des troupes ». On peut en déduire que l’autorisation ne pourra pas être amendée.

b) L’absence de procédure d’information du Parlement sur l’évolution des interventions

La rédaction actuelle ne fixe aucun terme à la prolongation autorisée par le Parlement. Il est peu vraisemblable que le Gouvernement fournisse des informations sur ce point dans la déclaration en raison du caractère difficilement prévisible de ces interventions.

Il paraît néanmoins souhaitable que le Parlement puisse se prononcer sur l’évolution des interventions. En effet, la durée de certaines interventions et les événements qui peuvent affecter leur déroulement justifient un réexamen périodique des conditions de ces interventions.

C’est pourquoi votre Rapporteur propose un amendement qui vise à donc à instituer un renouvellement annuel de l’autorisation. Celui-ci donnerait lieu à l’organisation d’un seul débat sur l’ensemble des interventions ayant fait l’objet d’une autorisation. Ce débat serait suivi d’un vote séparé sur chaque intervention militaire à l’étranger afin d’en autoriser la prolongation.

3 – Le Parlement se prononce à l’ouverture de la session suivante s’il n’est pas en session à l’expiration du délai de six mois

Cette disposition permet la réunion éventuelle du Parlement en session extraordinaire puisque la nature de la « session suivante » n’est pas précisée. Le projet de loi tire ainsi les leçons du reproche d’effacement qui avait été adressé au Parlement à l’occasion de la guerre du Golfe en raison de la période d’intersession.

Enfin, il convient de préciser que les interventions postérieures à l’entrée en vigueur du projet de loi constitutionnelle ne seront pas seules soumises à l’autorisation du Parlement ; les opérations déjà engagées, d’une durée supérieure à six mois lors de l’entrée en vigueur, feront également l’objet d’une demande d’autorisation de prolongation au Parlement.

Si l’article 13 s’inscrit dans la perspective de l’article 9 qui rappelle la mission de contrôle du Parlement, votre Rapporteur souhaite que l’information du Parlement ne soit pas limitée aux interventions des forces armées mais concerne aussi les accords de défense et de coopération militaire, comme l’avait proposé le Comité présidé par Edouard Balladur.

II – UN PARLEMENT PLUS ENGAGÉ EN MATIÈRE EUROPÉENNE

La signature du traité de Lisbonne le 13 décembre 2007 a confirmé la relance de la construction européenne et le retour de la France en Europe. Alors que le Parlement fut l’un des premiers à en autoriser la ratification, la réforme de nos institutions se devait de traduire dans les prérogatives parlementaires le nouveau souffle donné à l’Europe.

Le renforcement du contrôle parlementaire des affaires européennes et les nouvelles règles de ratification des traités d’adhésion à l’Union européenne consolident l’engagement européen du Parlement.

Votre Rapporteur estime cependant qu’un pas supplémentaire peut être accompli pour témoigner de cet engagement.

Alors que chacun s’accorde à reconnaître le besoin de développer la citoyenneté européenne, la mise en valeur des symboles de l’Union que sont le drapeau, l’hymne, la monnaie, la devise, et la journée de l’Europe du 9 mai, peut contribuer à renforcer le sentiment d’appartenance à l’Union. Malgré la présence du drapeau européen tant sur la photo officielle du Président de la République que sur le fronton de nos mairies et l’existence des pièces et billets en euros, la France n’a pas signé la déclaration commune (n° 52) annexée au traité de Lisbonne par laquelle seize Etats membres réaffirment leur attachement aux symboles européens.

C’est pourquoi votre Rapporteur souhaite que ces symboles soient reconnus officiellement dans notre Constitution, à l’article 88-1, conformément à la proposition de loi constitutionnelle (16) qu’il a cosignée avec MM. Hervé de Charrette, Claude Goasguen et plusieurs de ses collègues.

A – Le renforcement du contrôle parlementaire des affaires européennes

Introduit dans la Constitution en 1992, à l’occasion de la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maastricht, puis modifié en 1999 dans le cadre du processus de ratification du traité d’Amsterdam, l’article 88-4 a doté le Parlement français de moyens de contrôle spécifiques sur les affaires européennes. Cette disposition de la Constitution impose au Gouvernement de soumettre à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l’Union, les projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne qui comportent des dispositions de nature législative. Il appartient au Conseil d’État de se prononcer sur la nature législative ou non d’un projet ou d’une proposition d’acte communautaire.

Toutefois, depuis la révision constitutionnelle du 25 janvier 1999 (17), le Gouvernement a également la faculté de soumettre aux assemblées des textes européens qui, bien que n’étant pas de nature législative, peuvent être considérés comme susceptibles de donner lieu à une prise de position parlementaire. Il s’agit de la « clause facultative » qui s’ajoute ainsi à la « clause obligatoire » relative aux projets et propositions d’actes européens de nature législative. La circulaire du Premier ministre du 22 novembre 2005 a étendu aux projets d’actes législatifs au sens européen du terme, le champ de la transmission gouvernementale.

Depuis la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 (18), l’Assemblée nationale et le Sénat ont ainsi obtenu le droit de voter des résolutions sur les projets et propositions d’actes soumis par le Gouvernement. L’adoption d’une résolution parlementaire ne peut en effet intervenir que sur les seuls projets et propositions d’actes soumis par le Gouvernement, au titre de l’article 88-4.

L’article 32 du projet de loi constitutionnelle apporte des changements substantiels à l’article 88-4, conformément aux préconisations du Comité Balladur. Les modifications concernent tant l’extension de l’obligation de transmission par le Gouvernement des projets ou propositions d’actes européens que la reconnaissance d’un droit de résolution illimité sur tout document émanant d’une institution de l’Union européenne, qu’il ait fait ou non l’objet d’une transmission par le Gouvernement.

1 – L’extension de l’obligation de transmission par le Gouvernement des projets ou propositions d’actes émanant des institutions de l’Union européenne

L’article 32 du projet de loi abolit la distinction opérée depuis 1992 entre les projets et propositions d’actes européens comportant des dispositions de nature législative au sens français du terme, et les autres. Le caractère inadapté de cette distinction franco-française a été dénoncé à maintes reprises, au fur et à mesure de l’extension de la procédure de co-décision entre le Parlement européen et le Conseil de l’Union. La loi constitutionnelle du 4 février 2008 précitée prévoit ainsi qu’à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l’obligation de transmission du Gouvernement concernera tous les projets d’actes législatifs au sens européen du terme, et non plus seulement les seuls textes qui, en droit français, relèveraient du domaine de la loi.

Le présent projet de loi franchit une nouvelle étape puisque le Gouvernement se verra désormais dans l’obligation de transmettre au Parlement tous les projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne, sans qu’il soit besoin de faire référence ni au domaine législatif national, ni au domaine législatif européen.

L’extension de l’obligation de transmission est à rapprocher des dispositions du protocole annexé au traité de Lisbonne sur le rôle des Parlements nationaux, lequel impose aux institutions de l’Union européenne de transmettre directement à chaque Parlement national les projets d’actes législatifs européens. Dans ces conditions, on peut s’interroger sur la nécessité de maintenir dans notre Constitution une obligation – de facto redondante – de transmission par le Gouvernement des projets d’actes législatifs européens qui seront parallèlement transmis directement par les institutions de l’Union européenne. Il en sera d’ailleurs de même des documents de consultation de la Commission (livres verts, livres blancs et communications) ainsi que du programme législatif annuel de la Commission qui eux, ne sont plus visés par l’obligation de transmission de l’article 88-4 qui se limite aux projets et propositions d’actes, ce qui semble exclure les documents de consultation.

Nombreux sont en revanche les projets ou propositions d’actes émanant des institutions de l’Union européenne qui, ne relevant pas du domaine législatif européen, ne sont pas concernés par l’obligation de transmission directe par les institutions européennes. Dans ce cas, l’obligation de transmission qui incombe au Gouvernement conserve tout son intérêt. Cela vaut en particulier pour les projets d’actes relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune.

2 – La reconnaissance d’un droit de résolution illimité sur tout document émanant d’une institution de l’Union européenne

L’article 32 du projet de loi abolit les restrictions qui étaient jusqu’à présent apportées au droit de résolution parlementaire sur des projets ou propositions d’actes européens. Il s’agit là aussi de la reprise d’une préconisation du rapport du Comité Balladur, qui fait écho à l’amendement déposé en ce sens en janvier 2005 par MM. Edouard Balladur, Roland Blum, Hervé de Charrette et François Loncle, lors du débat sur la révision constitutionnelle préalable à la ratification de la Constitution européenne (19).

Cet amendement visait à modifier la rédaction de l’article 88-4 pour que l’Assemblée nationale et le Sénat puissent, sous certaines conditions, voter des résolutions sur tout document européen, et non plus sur les seuls projets ou propositions d’actes soumis par le Gouvernement au titre de l’article 88-4. Il avait en effet semblé aux auteurs de l’amendement qu’il n’était pas satisfaisant que certains documents européens – faute de comporter des dispositions de nature législative au sens français du terme – ne puissent faire l’objet d’une résolution si le Gouvernement ne souhaitait pas les soumettre formellement au Parlement. Cet amendement n’avait alors pas été adopté au motif qu’il remettait en cause l’équilibre des institutions de la Ve République, en portant atteinte aux prérogatives du pouvoir exécutif en matière de politique extérieure, et plus particulièrement à celles du Président de la République qui, aux termes de l’article 52 de la Constitution, négocie et ratifie les traités.

Cette objection est désormais levée puisque la nouvelle rédaction de l’article 88-4 reconnaît en effet à l’Assemblée nationale et au Sénat la possibilité de voter des résolutions non seulement sur les projets ou propositions d’actes transmis par le Gouvernement mais au-delà – et c’est nouveau – sur tout document émanant d’une institution de l’Union européenne.

Le droit de résolution parlementaire s’en trouve considérablement étendu, la notion de « document émanant d’une institution de l’Union européenne » couvrant un spectre particulièrement large. Il semble toutefois raisonnable de limiter cette notion aux documents publics émanant d’une institution de l’Union européenne.

L’extension du droit de résolution en matière européenne va de pair avec la reconnaissance d’un droit de résolution général prévu à l’article 12 du présent projet de loi. La coexistence de ces deux dispositions, on l’a vu, conserve son utilité. Le droit de résolution prévu à l’article 88-4 présente toutefois des spécificités qui le distinguent du nouveau droit de résolution de l’article 34-1.

Ainsi la procédure d’adoption des résolutions de l’article 88-4 répond-elle à des règles particulières qui confèrent un rôle d’instruction au comité chargé des affaires européennes dont l’article 32 du projet de loi prévoit désormais l’existence directement dans la Constitution. Ce comité chargé des affaires européennes, institué au sein de chaque assemblée, est distinct des huit commissions permanentes visées à l’article 17 du projet de loi et prendra le relais des délégations pour l’Union européenne créées par la loi du 6 juillet 1979 (20). Selon les modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, il y a une logique à ce que l’instruction des propositions de résolution de l’article 88-4 relève du Comité chargé des affaires européennes, tandis que celle des propositions de résolution de l’article 34-1 soit renvoyée, dès le début de la procédure, à l’une des huit commissions permanentes visées à l’article 17. La création du Comité chargé des affaires européennes ne devrait pas entraîner de modification de la procédure d’adoption des résolutions de l’article 88-4 telle qu’elle est prévue aux articles 151-1 à 151-4 du Règlement de l’Assemblée nationale

Le droit de résolution parlementaire 

Article 34-1 / article 88-4 : quelles différences ?

¡ Les résolutions européennes de l’article 88-4 ne peuvent porter que sur des textes (projet ou propositions d’actes de l’Union européenne ainsi que tout document émanant d’une institution de l’Union européenne) alors que celles de l’article 34-1 ne sont pas conditionnées par l’existence d’une base juridique européenne.

¡ Le vote des résolutions de l’article 88-4 peut intervenir « le cas échéant en dehors des sessions », ce qui, en l’état du projet de loi constitutionnelle, n’est pas prévu pour les résolutions de l’article 34-1.

¡ La procédure d’adoption des résolutions de l’article 88-4 répond à des règles particulières qui confèrent un rôle d’instruction au comité chargé des affaires européennes dont l’article 32 du projet de loi prévoit désormais l’existence directement dans la Constitution.

B – Les nouvelles règles de ratification des traités d’adhésion à l’Union européenne

Jusqu’à la révision constitutionnelle du 1er mars 2005 (21), la Constitution ne distinguait pas les traités d’élargissement de l’Union européenne des autres traités et conventions internationales dont la ratification est soumise à autorisation parlementaire ou référendaire. L’article 53 de la Constitution énumère les traités dont la ratification ou l’approbation est soumise à l’adoption d’une loi tandis que l’article 11 de la Constitution autorise le Président de la République à soumettre à référendum tout projet de loi tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. C’est sur le fondement de cet article 11 que le peuple français a approuvé l’adoption, le 23 avril 1972, du projet de loi autorisant la ratification du traité d’adhésion aux Communautés européennes du Royaume-Uni, de l’Irlande, du Danemark et de la Norvège. En revanche, tous les traités d’adhésion postérieurs ont été ratifiés dans le cadre d’une procédure parlementaire.

Lors de la révision constitutionnelle du 1er mars 2005 préalable à la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe, un nouvel article 88-5 a été introduit dans la Constitution qui supprime la liberté laissée au Président de la République de choisir entre la voie parlementaire et la voie référendaire pour la ratification des futurs traités d’adhésion à l’Union européenne (22). En prévoyant l’organisation obligatoire d’un référendum pour autoriser les élargissements futurs de l’Union, cette nouvelle disposition devait permettre d’éviter que le débat sur la Turquie n’interfère avec le référendum sur la Constitution européenne. Or le vote négatif du peuple français, le 29 mai 2005, a révélé l’échec de cette stratégie de circonstance.

Le présent projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République revient sur la réforme opérée en 2005, sans pour autant rétablir l’état du droit constitutionnel antérieur. En effet, en reprenant à son compte la proposition formulée par le Comité Balladur, il continue à soumettre la ratification des traités d’élargissement de l’Union à une procédure distincte des autres traités et conventions internationales, en la calquant sur celle de l’article 89 relatif à la révision de la Constitution.

Article 89 de la Constitution

(extrait)

« Le projet ou la proposition de révision doit être voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.

Toutefois, le projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le Bureau du Congrès est celui de l’Assemblée nationale ».

Le parallélisme opéré avec l’article 89 de la Constitution conduit à faire du recours au référendum la procédure de droit commun pour l’adoption d’un projet de loi de ratification d’un traité d’élargissement. Toutefois, le Président de la République conserve la faculté de ne pas présenter ledit projet de loi au référendum. Dans ce cas, il doit le soumettre au Parlement convoqué en Congrès, lequel doit adopter le projet de loi à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Ainsi, à la différence des autres traités et convention internationales dont la ratification nécessite une autorisation parlementaire, les traités d’adhésion à l’Union européenne devront faire l’objet d’un vote positif des trois cinquièmes des suffrages exprimés au Congrès, et non d’un vote à la majorité simple dans chacune des chambres du Parlement.

Ainsi est restaurée la faculté offerte au Président de la République de choisir entre la voie référendaire et la voie parlementaire. Mais à la différence de la situation en vigueur avant la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, s’il fait le choix de la voie parlementaire, le Président de la République devra désormais soumettre le projet de loi de ratification au Congrès et non plus seulement à chacune des assemblées du Parlement. Comme le souligne à juste titre le rapport du Comité Balladur, « la procédure du Congrès, avec une majorité requise des trois cinquièmes, apporte des garanties très fortes sur le sérieux et le caractère approfondi du débat qui précéderait cette éventuelle ratification ». La nouvelle procédure rendra aussi difficile la ratification des futurs traités d’adhésion que la révision de notre propre Constitution.

Néanmoins, la modification de l’article 88-5 suscite de vives critiques en ce qu’elle ne rendra plus obligatoire l’organisation d’un référendum, en particulier pour l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Or, on peut considérer comme inapproprié le recours au référendum pour l’adhésion des Etats des Balkans ou de pays comme la Norvège ou la Suisse dont l’entrée dans l’Union ne devrait pas susciter de débat particulier dans l’opinion publique. C’est justement pour répondre à cette diversité des situations que le projet de loi constitutionnelle envisage de restaurer le choix laissé au Président de la République entre le recours au référendum ou à la voie parlementaire. Il ne fait pas de doute que le point d’achoppement concerne le cas de la Turquie, et dans une moindre mesure celui de l’Ukraine si des négociations d’adhésion venaient à s’ouvrir avec ce pays. Ce n’est là rien d’autre que la crainte que ne soit pas tenue la promesse faite au peuple français qu’il se prononcera lui-même, directement et non par la voie de ses représentants, sur l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.

C’est pour tenir compte de cette préoccupation que votre Rapporteur propose d’introduire à l’article 88-5 un mécanisme d’initiative parlementaire et populaire strictement limité au champ d’application de cet article pour permettre, sous certaines conditions, au peuple et aux parlementaires conjointement, d’exiger du Président de la République qu’il organise un référendum.

Il convient de rappeler que le Comité Balladur avait proposé la création d’un tel droit d’initiative populaire dans le champ du domaine référendaire de l’article 11 de la Constitution. Le présent projet de loi ne reprend pas cette proposition. Votre Rapporteur propose toutefois de s’en inspirer pour ajouter cette possibilité à l’article 88-5 de la Constitution.

Ainsi, le Président de la République ne pourrait décider de la procédure de ratification avant l’expiration d’un délai de six mois à compter de la signature du traité d’adhésion. Au cours de ce délai de six mois, la majorité des membres du Parlement (Assemblée nationale + Sénat), soutenue par au moins un cinquième des électeurs inscrits sur les listes électorales pourra exiger l’organisation d’un référendum. Seulement en l’absence d’initiative parlementaire et populaire remplissant ces conditions, le Président de la République conservera le choix entre le référendum ou le recours au Congrès du Parlement.

Cette proposition présente plusieurs avantages :

– Elle garantira l’existence d’un débat public pour tous les futurs élargissements, dans le délai de six mois à compter de la signature d’un traité d’adhésion.

– Elle ne conduira plus automatiquement à l’organisation d’un référendum pour l’adhésion à l’Union de pays dont personne ne conteste l’appartenance à l’Europe (Norvège et Suisse, par exemple) ;

– Elle rendra en revanche obligatoire l’organisation d’un référendum sur l’adhésion de la Turquie, dès lors qu’une majorité des parlementaires, soutenus par un cinquième des électeurs en feront la demande.

C – Les révisions constitutionnelles liées à la construction européenne

Alors que la procédure de ratification des traités d’adhésion à l’Union européenne est modifiée, votre Rapporteur souhaite attirer l’attention sur les révisions constitutionnelles liées à la construction européenne qui se sont multipliées au cours des quinze dernières années.

Le débat parlementaire sur le traité de Lisbonne a souligné la redondance de la procédure relative à la ratification d’un traité nécessitant préalablement une révision de la Constitution. Le débat sur la révision constitutionnelle a en effet essentiellement porté sur le contenu du traité de Lisbonne et sur l’opportunité ou non de le ratifier, vidant de sa substance le débat sur le projet de loi autorisant la ratification du traité. En effet, le refus de modifier la Constitution aurait valu de facto le refus de ratifier le traité.

Dans un souci de clarté des débats et de simplification des procédures, votre Rapporteur suggère que l’adoption – par le Congrès ou par référendum – de la révision constitutionnelle préalable à la ratification d’un traité ou d’un accord international entraîne automatiquement autorisation de ratification.

On rappellera que les traités d’adhésion qui ne nécessitent pas une révision préalable de la Constitution, ne seront pas concernés par cette nouvelle procédure. Celle-ci s’appliquera en revanche à tout engagement européen et international dont la ratification nécessiterait une révision constitutionnelle préalable.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné pour avis le présent projet de loi au cours de sa réunion du 14 mai 2005.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a eu lieu.

M. Roland Blum a demandé si des discussions avaient été engagées sur les modalités de l’élection des représentants des Français installés à l’étranger.

Le Rapporteur pour avis a répondu qu’il n’y avait pas eu de proposition précise, ni sur le mode de scrutin, ni sur la délimitation des circonscriptions. Lors de sa récente audition par la Commission, M. Edouard Balladur avait rappelé que les douze sénateurs représentant les Français de l’étranger, étaient tous issus de la zone européenne, ce constat reflétant les difficultés actuelles pour assurer la représentation des citoyens français établis hors de France.

Le Rapporteur pour avis a rappelé que, lors de son audition par la commission des Lois de l’Assemblée nationale le 30 avril dernier, le secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement avait indiqué qu’il était envisagé, au stade actuel de la réflexion, un nombre de dix à douze députés élus au scrutin de liste, soit majoritaire soit proportionnel, au sein de très grandes circonscriptions délimitées au niveau mondial – sans que le découpage soit encore arrêté.

M. François Rochebloine s’est enquis du nombre de grands électeurs requis pour élire les douze sénateurs qui représentent les Français de l’étranger.

Le Rapporteur pour avis a répondu que 153 grands électeurs participaient au scrutin. Si ce nombre peut paraître limité, il convient de rappeler que les collèges désignant ces grands électeurs sont particulièrement vastes.

Deux pays seulement prévoient la représentation de leurs citoyens installés à l’étranger : l’Italie et le Portugal. Douze députés italiens et quatre députés portugais représentent leurs nationaux établis à l’étranger.

Puis la commission est passée à l’examen des articles du projet de loi.

Après l’article 3

La commission a examiné un amendement présenté par M. Jean-Paul Lecoq visant à rendre obligatoire l’organisation d’un référendum sur les projets de loi visés à l’article 11 de la Constitution.

Le Rapporteur pour avis s’est déclaré défavorable à cet amendement qui aurait pour effet de priver le Parlement de l’exercice de ses compétences alors que l’esprit du projet de loi est au contraire de renforcer ses prérogatives.

Après que M. Hervé de Charette a souhaité que la commission se prononce sur les seules questions relevant de sa compétence, la commission a rejeté l’amendement.

M. Jean-Paul Lecoq a présenté un second amendement tendant à introduire un droit d’initiative citoyenne pour demander l’organisation d’un référendum sur les actes législatifs européens ayant une incidence sur les services publics.

Le Rapporteur pour avis ayant fait valoir que l’adoption des actes législatifs européens relevait des institutions européennes et non des institutions nationales, la commission a rejeté l’amendement.

Article 8  (art. 21 de la Constitution) : Pouvoirs du Premier ministre

La commission a examiné un amendement de suppression de l’article présenté par M. Jean-Paul Lecoq au motif que la rédaction proposée de l’article 21 de la Constitution renforce la concentration des pouvoirs entre les mains du Président de la République.

Le Rapporteur pour avis a jugé nécessaire de clarifier la répartition des compétences entre le Premier ministre et le Président de la République en matière de défense afin de mettre fin à l’incohérence actuelle.

M. Hervé de Charette a estimé que les efforts louables et laborieux du projet de loi pour clarifier la Constitution auraient pour effet regrettable de priver la Constitution de sa principale qualité, à savoir sa capacité d’adaptation aux circonstances.

M. Jean Glavany a soutenu cet amendement pertinent qui refuse l’affaiblissement du Parlement résultant de l’article 8 du projet de loi. Cet article est contraire à l’esprit, mis en avant par le Rapporteur, d’une réforme favorable au Parlement puisqu’il limite les pouvoirs du Premier ministre, seul responsable devant le Parlement.

M. Hervé de Charette a approuvé cet amendement présenté par l’opposition et confirmé l’analyse précédente selon laquelle une diminution des prérogatives du Premier ministre conduit corrélativement à un amoindrissement du rôle du Parlement. Après avoir mis en doute l’intérêt de l’article 8 du projet de loi, il a indiqué son intention de voter contre ce dernier.

M. Jacques Myard a fait part de son scepticisme sur l’article 8 dont les conséquences ont été insuffisamment pesées, notamment sur les décisions budgétaires. Cet article, en modifiant la répartition des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier ministre, remet en cause l’équilibre général de nos institutions.

Le Rapporteur pour avis a estimé que l’article 8 corrigeait une ambiguïté de la rédaction actuelle des articles 15 et 21 de la Constitution. La commission a ensuite rejeté l’amendement.

En conséquence, l’article 8 a été adopté sans modification.

Article 12 (art. 34-1 [nouveau] de la Constitution) : Droit de résolution

Le Rapporteur pour avis a présenté un amendement visant à autoriser le vote de résolutions, le cas échéant en dehors des sessions parlementaires, à l’instar de ce que prévoit l’article 88-4 de la Constitution s’agissant des résolutions portant sur des textes européens. L’actualité internationale ignore par définition le rythme des sessions parlementaires et nombreux sont les événements importants qui se sont produits alors que le Parlement français n’était pas en session. On peut citer, à titre d’exemples, le putsch de Moscou d’août 1991, les attentats du 11 septembre 2001 ou l’intervention militaire israélienne au Liban en juillet 2006.

M. Jacques Remiller a demandé si le caractère ordinaire ou extraordinaire de la session ne devait pas être précisé.

Le Rapporteur pour avis a précisé que le terme de session visait aussi bien la session ordinaire que la session extraordinaire.

M. Jacques Myard a souligné l’ambiguïté du nouveau droit de résolution octroyé au Parlement. Il a notamment fait part de sa crainte que ce droit ne soit utilisé pour mettre en cause un ministre. On ne peut préjuger de l’utilisation qui sera faite de ce droit nouveau qui pourrait s’avérer être une arme politique incontrôlable. En outre, les résolutions n’ont aucune valeur juridique ce qui ne correspond pas au rôle que les députés souhaitent voir jouer au Parlement. Enfin, le Parlement ne peut se réunir en session extraordinaire que sur convocation du Président de la République. La commission des Affaires étrangères peut, sans modifier la Constitution, se réunir pour exprimer son opinion sur un événement international. Le risque de voir cette procédure détournée de son objet mérite d’être souligné.

M. Hervé de Charette a indiqué que s’il approuvait la possibilité donnée au Parlement de voter des résolutions en matière internationale et européenne, il convenait d’être prudent sur la mise en œuvre du droit de résolution. Celui-ci a largement contribué à l’instabilité gouvernementale sous la IVe République. La disposition permettant le vote de résolutions en dehors des sessions semble superflue et dénuée de valeur constitutionnelle. Rien ne s’oppose actuellement à ce que la commission des Affaires étrangères se réunisse en dehors des sessions. Il semble dangereux que le président de la commission des Affaires étrangères puisse convoquer la commission afin qu’elle se prononce sur un événement international et exige une réaction du Gouvernement sans que le Président de l’Assemblée puisse lui-même convoquer l’Assemblée nationale pour délibérer. Il serait préférable que le Règlement de l’Assemblée nationale traite de cette question.

Le Rapporteur pour avis a estimé que cette disposition favorise le renforcement des pouvoirs du Parlement. Il paraît logique de prévoir la possibilité de voter des résolutions hors session par parallélisme avec l’article 88-4 qui le permet déjà sur les textes européens.

M. Hervé de Charette a observé que la rédaction de l’article 88-4 est justifiée par le fait que les Parlements nationaux participent à l’exercice du pouvoir législatif européen, celui-ci n’ayant aucune raison de s’interrompre au moment de l’intersession nationale.

A l’issue de ce débat, la commission a adopté cet amendement.

En conséquence, l’article 12 ainsi modifié a été adopté.

Article 13 (art. 35 de la Constitution) : Contrôle parlementaire des interventions militaires à l’étranger

M. Jean-Paul Lecoq a d’abord présenté un amendement visant à maintenir le régime, proposé par le projet de loi constitutionnelle, d’autorisation de la prolongation des interventions militaires à l’étranger faites sous l’égide des Nations unies, mais d’organiser une autorisation préalable des interventions réalisées hors de ce cadre. Alors que l’article 8 du projet de loi constitutionnelle aura pour effet de renforcer les pouvoirs du Président de la République au détriment de ceux du Premier ministre, il n’est pas acceptable de laisser le premier lancer des opérations militaires à l’étranger hors de toute décision des Nations unies sans l’accord du Parlement.

Le Rapporteur pour avis s’est déclaré défavorable à cet amendement car l’exigence d’une autorisation parlementaire préalable à certaines interventions militaires à l’étranger n’est pas compatible avec les contraintes de l’engagement des forces. En outre, l’amendement opère une distinction injustifiée entre les interventions décidées dans le cadre de l’ONU et les autres. Le Parlement doit pouvoir se prononcer sans préjuger de la légitimité d’une décision onusienne.

La commission a rejeté cet amendement.

M. Jean-Paul Lecoq a alors proposé un amendement visant à faire suivre le débat obligatoire sur une intervention des forces armées par l’adoption par le Parlement d’une résolution, qui s’imposerait au Gouvernement.

Le Rapporteur pour avis a estimé que cet amendement était en quelque sorte un amendement de repli par rapport au précédent. Le but est encore d’instaurer une autorisation préalable à laquelle il s’est dit opposé pour les raisons précédemment exposées. En outre, si le Parlement peut voter une résolution, celle-ci ne peut en aucun cas s’imposer au Gouvernement puisque la résolution est par nature dépourvue de force contraignante.

La commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite examiné un autre amendement de M. Jean-Paul Lecoq visant à réduire de six à trois mois le délai au terme duquel le Gouvernement doit demander au Parlement d’autoriser la prolongation d’une intervention des forces armées à l’étranger. Il a indiqué qu’il reprenait le délai proposé par le rapport du « Comité Balladur ».

Après avoir rappelé qu’il avait adressé à M. Edouard Balladur un courrier préconisant une telle solution, le Rapporteur pour avis s’est déclaré favorable à cet amendement, un délai de trois mois semblant en effet suffisant pour apprécier la situation.

La commission a adopté cet amendement.

Le Rapporteur pour avis a présenté un amendement visant à préciser que l’autorisation accordée par le Parlement à la prolongation d’une intervention des forces armées à l’étranger devait être renouvelée à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances. En effet, le projet propose que l’autorisation soit délivrée pour une durée indéterminée. L’amendement permettrait, parallèlement à la discussion de la loi de finances, l’organisation d’un débat annuel sur l’ensemble des interventions ayant fait l’objet d’une autorisation. On peut imaginer que les parlementaires se prononceraient sur la base d’un texte gouvernemental de plusieurs articles portant chacun sur une OPEX lors d’un seul débat. Celui-ci serait distinct mais concomitant de la discussion de la loi de finances afin que les parlementaires disposent de tous les éléments pour se prononcer qu’ils soient budgétaires, militaires, politiques et en tirent éventuellement les conséquences sur le plan budgétaire.

M. Jacques Myard a objecté que le vote des crédits nécessaires aux opérations en question valait autorisation implicite de leur prolongation.

Le Rapporteur pour avis a estimé que, alors que le vote des crédits était global, l’amendement permettrait un débat politique sur chaque opération, au-delà du seul aspect financier.

Après avoir indiqué qu’il ne saurait être question d’organiser ce débat dans le cadre de l’examen de la loi de finances, M. Hervé de Charette a approuvé le principe d’un réexamen régulier des autorisations de prolongation délivrées.

Après que M. Michel Terrot a fait part de son accord avec M. de Charette, le Rapporteur pour avis a proposé de modifier la rédaction du dispositif de son amendement pour que le caractère séparé du débat sur la prolongation des autorisations et de l’examen de la loi de finances ne fasse plus de doute.

La commission a adopté cet amendement.

Elle a ensuite discuté de deux amendements. Le Rapporteur pour avis a présenté le premier, qui vise à prévoir explicitement que, en cas de besoin, le Parlement est convoqué en session extraordinaire pour autoriser la prolongation d’une intervention des forces armées à l’étranger, l’actualité internationale n’obéissant pas au calendrier parlementaire. L’amendement de M. Jean-Paul Lecoq poursuit le même objectif.

M. Jacques Myard a estimé qu’il fallait aller plus loin encore en exigeant que le Parlement se réunisse de plein droit dans ce cas.

Après s’être interrogé sur la portée de l’alinéa que l’amendement du Rapporteur modifiait, M. Hervé de Charette a jugé paradoxal que ce cas constitue l’une des rares situations dans lesquelles une session extraordinaire doit obligatoirement être convoquée. Il a jugé qu’il fallait seulement que cette convocation soit une faculté.

Le Rapporteur pour avis a proposé une nouvelle rédaction de son amendement en ce sens, que la commission a adoptée, alors que l’amendement de M. Jean-Paul Lecoq devenait sans objet.

En conséquence, l’article 13 ainsi modifié a été adopté.

Après l’article 13 

M. Jean-Paul Lecoq a présenté un amendement visant à compléter l’article 38 de la Constitution afin d’interdire la transposition par ordonnance des dispositions européennes de nature législative ayant fait l’objet du vote d’une résolution par le Parlement.

Le Rapporteur pour avis a émis un avis défavorable, rien ne justifiant à ses yeux de prévoir un régime spécifique pour les directives européennes. Le recours aux ordonnances de l’article 38 devant faire l’objet d’une autorisation parlementaire, il appartient au Parlement de ne pas donner cette autorisation au Gouvernement s’il ne souhaite pas que l’exécutif légifère par voie d’ordonnances.

La commission a rejeté cet amendement.

Article additionnel après l’article 24 (art. 53-3 [nouveau] de la Constitution) : Transmission au Parlement des accords de défense, d’assistance et de coopération militaires

La commission a examiné un amendement de M. Jean-Paul Lecoq visant à prévoir que le Gouvernement transmette au Parlement, sous réserve de confidentialité, les accords de défense, d’assistance et de coopération militaires. Il a en effet déploré que ces accords demeurent secrets et que le Parlement ne connaisse même pas leur existence, alors que leur contenu peut s’avérer très contraignant, ce que les récents événements au Tchad ont mis en lumière.

Le Rapporteur pour avis s’est déclaré favorable à cet amendement. Il a rappelé que le Gouvernement transmettait parfois de tels accords au Parlement, à la demande de ce dernier, comme cela avait été le cas par exemple dans le cadre de la commission d’enquête sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye et sur les récents accords franco-libyens. Il faudra évidemment que soient définies précisément les conditions de cette transmission afin que soit assuré le respect de la confidentialité.

M. Jacques Myard a estimé que la question de la transmission des accords de défense au Parlement était un faux problème, qui ne relevait pas de la Constitution mais d’un rapport de forces politique. D’abord, le droit international considère comme nuls les accords secrets. Ensuite, ces accords n’ont souvent guère de contenu. La Constitution ne doit pas être surchargée de dispositions inutiles.

La commission a adopté cet amendement.

Article additionnel après l’article 31 (art. 88-1 de la Constitution) : Reconnaissance constitutionnelle des symboles de l’Union européenne

M. Hervé de Charette a présenté un amendement cosigné par M. Axel Poniatowski, Rapporteur pour avis, visant à inscrire dans la Constitution le fait que la France reconnaît les symboles de l’Union européenne. Il a rappelé que le sujet avait été abordé à l’occasion de la révision de la Constitution préalable à la ratification par la France du traité de Lisbonne, dans la mesure où ce traité ne reconnaissait pas ces symboles, contrairement au traité constitutionnel antérieur. Il est important de réaffirmer l’existence de ces symboles.

Le Rapporteur pour avis a rappelé que M. de Charette et lui-même avaient cosigné une proposition de loi constitutionnelle ayant le même objet. Les Français côtoient d’ores et déjà ces symboles, que ce soit sur le fronton des mairies ou sur la monnaie qu’ils utilisent. Seize pays les ont reconnus en signant une déclaration commune annexée au traité de Lisbonne, ce que la France n’a pas fait. Il s’agit de pallier cette omission.

Après s’être réjoui de l’absence de mention de ces symboles dans le traité de Lisbonne, M. Jacques Myard a jugé que cet ajout était inutile et risquait de raviver des querelles au sein de la République.

La commission a adopté cet amendement.

Article 32 (art. 88-4 de la Constitution) : Renforcement du contrôle parlementaire des affaires européennes

M. Jean-Paul Lecoq a présenté un amendement visant à donner un caractère contraignant aux résolutions prises en application de l’article 88-4 de la Constitution dès lors qu’elles ont été votées en séance publique à la majorité absolue des membres d’une assemblée.

Le Rapporteur pour avis s’est déclaré défavorable à cet amendement dans la mesure où il visait à rendre contraignantes des résolutions dont la nature même est de ne pas l’être.

M. Jacques Myard a critiqué un système hypocrite dans lequel le Parlement peut voter des résolutions, qui demeurent totalement dépourvues d’effet. Il a estimé que la revalorisation du Parlement exigeait de lui donner les moyens de peser aussi en matière européenne, comme le font les parlements danois, britannique ou allemand. Le Parlement doit pouvoir empêcher que soit prise en droit communautaire une décision qu’il désapprouve.

M. Hervé de Charette a souligné que l’ordre juridique européen s’imposait au droit national conformément aux décisions de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat, et qu’aucune résolution ne pouvait s’y opposer.

M. Jean-Marc Roubaud a fait observer qu’il n’était pas bon que les Parlements nationaux puissent bloquer des décisions européennes. L’essentiel est que les compétences de l’Union européenne soient clairement définies afin d’éviter les chevauchements de compétences récurrents avec les Parlements nationaux et de faciliter l’adhésion du plus grand nombre à la construction européenne.

La commission a rejeté cet amendement.

En conséquence, l’article 32 a été adopté sans modification.

Article 33 (art. 88-5 de la Constitution) : Nouvelles règles de ratification des traités d’adhésion à l’Union européenne

Le Rapporteur pour avis a soumis à une discussion commune les trois amendements proposés sur cet article.

M. Roland Blum a présenté un premier amendement de suppression de l’article 33 cosigné avec son collègue M. François Rochebloine, visant à conserver la rédaction actuelle de l’article 88-5 prévoyant l’obligation d’un référendum pour autoriser tout futur élargissement de l’Union. Il a rappelé la volonté politique qui s’était manifestée lors de la révision constitutionnelle du 1er mars 2005 pour marquer une pause dans les élargissements de l’Union et pour s’opposer à l’adhésion de la Turquie. Il a qualifié cet amendement de politique et estimé que revenir sur l’obligation d’un référendum sur la Turquie serait un reniement qui le conduirait à voter contre le projet de loi de modernisation des institutions.

Il a toutefois présenté un second amendement, cosigné avec ses collègues MM. Jacques Remiller et François Rochebloine, au cas où l’article 33 du projet de loi serait maintenu. Cet amendement introduit l’obligation d’organiser un référendum pour l’adhésion à l’Union des Etats dont la population représente au moins 5% de la population totale de l’Union européenne. Il a justifié la pertinence du critère démographique par le fait que le niveau de population d’un pays détermine le nombre de ses députés au Parlement européen ainsi que l’attribution des voix dont il dispose au sein du Conseil de l’Union.

Le Rapporteur pour avis s’est déclaré opposé au premier amendement de suppression, considérant ne plus être tenu par l’engagement pris en 2005 d’organiser obligatoirement un référendum sur tous les futurs élargissements, à l’exception de la Croatie. Bien qu’ayant voté cette disposition, il a estimé que l’échec du référendum du 29 mai 2005 sur la Constitution européenne avait changé la donne. Il a déploré l’automaticité du recours au référendum qui pourrait avoir pour conséquence d’empêcher nombre de pays européens à adhérer à l’Union, tant le risque est grand que les Français ne se prononcent pas sur la question qui leur sera posée. Or il a mentionné la vocation européenne de pays tels que la Norvège, la Suisse et les Etats des Balkans, dont l’adhésion à l’Europe est essentielle pour la consolidation de la paix. Il s’est alors félicité de la victoire des pro-européens aux élections législatives en Serbie. Il a ensuite présenté un amendement de compromis, qui n’est pas éloigné de l’esprit du second amendement présenté par M. Blum. Au lieu de pointer du doigt les pays dont la population représente plus de 5 % de la population totale de l’Union – autrement dit, la Turquie et l’Ukraine, sans les citer – il a proposé un amendement introduisant un mécanisme d’initiative parlementaire et citoyenne imposant l’organisation d’un référendum si la moitié des parlementaires soutenus par au moins un cinquième du corps électoral en font la demande. Cet amendement, moins circonstanciel et plus institutionnel que ceux présentés précédemment, permettra qu’il y ait un débat public sur les futurs élargissements, si les parlementaires et les citoyens en expriment la volonté.

M. Roland Blum a souligné la complexité de l’amendement présenté par le Rapporteur.

Mme Nicole Ameline s’est déclarée favorable à l’amendement du Rapporteur qui préserve les prérogatives du Parlement tout en introduisant un droit d’initiative populaire. Elle s’est félicitée qu’il maintienne une option possible entre plusieurs procédures de ratification des traités d’adhésion. Ce choix existe ailleurs en Europe, puisque plusieurs pays qui avaient organisé un référendum sur la Constitution européenne ont préféré ratifier le traité de Lisbonne par la voie parlementaire. Elle a estimé que le référendum obligatoire de l’article 88-5 est perçu par nos partenaires comme un acte de défiance. L’amendement proposé par le Rapporteur doit contribuer à clarifier le message de la France à l’égard de l’Europe, à quelques semaines de l’ouverture de notre présidence de l’Union. Il répond d’une façon moderne au problème posé en associant intelligemment les légitimités populaire et parlementaire. Contrairement à l’amendement introduisant un seuil de population, il ne donnera pas l’impression aux pays candidats les moins peuplés que leur adhésion à l’Union est marginale par rapport aux pays les plus peuplés.

M. Hervé de Charette a indiqué être un défenseur du maintien de la rédaction actuelle de l’article 33 du projet de loi, qui constitue une réponse très ingénieuse à la question posée. Il a qualifié de circonstancielle la révision constitutionnelle du 1er mars 2005 votée pour compenser l’accord donné par le Président de la République en décembre 2004 à l’ouverture des négociations avec la Turquie. Un certain nombre de parlementaires, dont il a fait partie, ont voté par discipline politique cette clause de référendum obligatoire, mais à tort. Marquant son accord avec la rédaction en l’état de l’article 33 du projet de loi, il a précisé que le recours au référendum était la voie normale par rapport à celle du Congrès qui n’était que dérogatoire. En tout état de cause, le Président de la République n’obtiendra une majorité des trois cinquièmes au Congrès que s’il est en phase avec les parlementaires. Il a donc déclaré qu’il ne voterait pas les amendements présentés sur cet article. L’amendement du Rapporteur est un chef d’œuvre de l’esprit mais sa mise en œuvre si complexe n’en rend pas l’adoption raisonnable.

Mme Martine Aurillac a soutenu l’amendement présenté par le Rapporteur estimant qu’il fallait trouver une solution au problème posé par l’article 88-5 de la Constitution. Y répondre par un critère géographique lui a paru fallacieux tandis que l’insertion d’un critère démographique n’est pas souhaitable en raison de son caractère discriminant. L’amendement du Rapporteur présente en revanche l’avantage d’introduire dans la Constitution le référendum d’initiative populaire qui faisait partie des propositions du Comité Balladur mais qui n’a pas été repris par le Gouvernement. Les conditions posées par l’amendement sont suffisamment simples pour permettre de sortir de l’ornière.

M. Jacques Myard a fait part de ses doutes sur l’amendement du Rapporteur. Quitte à introduire un référendum d’initiative populaire, autant le prévoir directement à l’article 11 de la Constitution, sans le limiter au champ de l’article 88-5. Il a indiqué que la rédaction en l’état de l’article 33 du projet de loi lui paraissait meilleure et qu’il se ralliait à la position précédemment exprimée par son collègue M. Hervé de Charette. Prenant l’exemple du référendum réussi de 1972 sur l’adhésion à l’Europe de la Grande-Bretagne, de l’Irlande et du Danemark – auquel il avait voté « non » –, il a ainsi estimé que les référendums sur les futurs élargissements n’étaient pas voués à l’échec.

Le Rapporteur pour avis a précisé que son amendement ne faisait que compléter, sans la remettre en cause, la rédaction de l’article 33 du projet de loi.

La commission a successivement rejeté les trois amendements présentés sur l’article 33.

En conséquence, l’article 33 a été adopté sans modification.

Article additionnel après l’article 33 (art. 89 de la Constitution) : Rationalisation de la procédure de ratification des traités nécessitant une révision de la Constitution

M. Hervé de Charette a déclaré que la procédure de ratification du traité de Lisbonne avait souligné la difficulté, voire l’impossibilité, de distinguer le débat sur la révision préalable de la Constitution de celui sur le traité de Lisbonne, ce qui a eu pour effet de vider de sa substance le débat parlementaire sur la ratification à proprement parler du traité européen. Dans un souci de clarté des débats et de simplification des procédures, l’amendement proposé vise à prévoir que l’adoption de la révision constitutionnelle préalable à la ratification d’un traité ou d’un accord international vaut automatiquement autorisation de le ratifier. Cela n’affaiblira en rien les droits du Parlement et permettra d’aborder l’ensemble des questions soulevées au cours d’un seul et même débat.

Le Rapporteur pour avis a soutenu cet amendement. Il est en effet paradoxal que la discussion générale lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Lisbonne ait porté sur ledit traité plutôt que sur la révision constitutionnelle.

M. Jacques Myard s’est déclaré opposé à l’adoption de cet amendement, tout en en comprenant l’esprit. Néanmoins, la révision de la Constitution et l’autorisation de ratifier un traité sont deux procédures juridiques distinctes et qui doivent le rester. Et la démocratie vaut bien que l’on puisse protester deux fois contre les abandons de souveraineté !

La commission a adopté cet amendement.

Le Président Axel Poniatowski a ensuite indiqué que la commission devait se prononcer sur l’ensemble du projet de loi et demandé à ses collègues s’ils souhaitaient prendre la parole pour des explications de vote.

M. Jacques Myard a exprimé ses doutes sur le bien fondé de cette révision constitutionnelle dont il n’est pas certain qu’elle renforce réellement les pouvoirs du Parlement. Il a estimé que la seule véritable avancée concernée les modalités d’engagement des forces armées françaises à l’étranger.

M. Hervé de Charette a indiqué qu’à ce stade, il ne voterait pas le projet de loi dans sa rédaction actuelle. Il a précisé que sa position pourrait toutefois évoluer, le moment venu, selon les modifications qui y seront apportées lors des débats parlementaires.

M. Roland Blum a fait les mêmes observations que son collègue M. Hervé de Charette et indiqué qu’en l’état actuel du projet il ne pouvait émettre un avis favorable.

La commission des Affaires étrangères a rendu, à ce stade, un avis défavorable sur l’ensemble du projet de loi.

ANNEXES

COMPTE RENDU DE L’AUDITION DE M. ÉDOUARD BALLADUR

Audition de M. Edouard Balladur, président du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République (n° 820)

M. Axel Poniatowski, président de la commission des Affaires étrangères, a indiqué que la commission des Affaires étrangères est particulièrement heureuse de recevoir son ancien président, M. Edouard Balladur, pour l’entendre en sa qualité de président du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République. Elle s’intéressera plus particulièrement au volet international et européen du projet de loi constitutionnelle déposé par le Gouvernement.

Il a rappelé que c’est au lendemain de son élection que le Président de la République avait confié à M. Edouard Balladur la charge de présider ce comité, qui a remis son rapport à l’automne dernier, assorti de soixante-dix-sept propositions sur la base desquelles le Gouvernement a préparé le présent projet de loi constitutionnelle. La commission des Affaires étrangères s’est saisie pour avis de ce texte, dont cinq articles l’intéressent plus spécifiquement. Ces derniers concernent la représentation des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale, le droit de résolution, le contrôle parlementaire des interventions militaires à l’étranger, le renforcement du contrôle parlementaire des affaires européennes et les nouvelles règles de ratification des traités d’adhésion à l’Union européenne.

La commission sera donc très attentive à l’appréciation que le président Edouard Balladur portera sur les réformes envisagées et sur la manière dont les propositions du comité ont été – ou non – reprises dans le projet de loi constitutionnelle. Quels sont, à ses yeux, les aspects les plus novateurs de ce texte ? Quels en seront les effets en matière de politique étrangère et européenne ?

M. Edouard Balladur s’est dit à son tour très heureux de retrouver la commission des Affaires étrangères.

Il a indiqué que le Gouvernement avait retenu, dans son projet de loi constitutionnelle, à peu près 80 % des propositions du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, avant de revenir plus précisément sur les articles du projet qui intéressent la commission des Affaires étrangères.

La représentation des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale ne figurait pas parmi les propositions du comité. Une telle disposition serait complexe à mettre en œuvre. Elle suppose un redécoupage complet des circonscriptions, vingt ans après celui de 1987, à moins que l’on admette une augmentation du nombre des députés, ce qui est à déconseiller. Pourquoi ne pas faciliter l’inscription des quelque 1,5 million de Français de l’étranger dans des circonscriptions existantes, auxquelles on les rattacherait de la façon la moins artificielle et la plus neutre possible ? Certes, cela ne répondrait pas au désir de les voir représentés en tant que tels, l’idée sous-jacente semblant être que ces Français forment une sorte de communauté, ayant des intérêts propres à faire valoir selon qu’ils habitent telle ou telle région du monde. Il n’est pas certain que l’on puisse arriver à bon port sur ce sujet.

La question des pouvoirs du Premier ministre en matière de défense nationale mérite d’être abordée devant la commission des Affaires étrangères. Sur la base des propositions du comité, le projet de loi constitutionnelle prévoit que le Premier ministre, « responsable de la Défense nationale », en l’état actuel de l’article 21 de la Constitution, ne serait plus responsable que de la mise en œuvre des décisions prises en matière de défense nationale. En proposant cette modification, le comité est fidèle à son souhait que nos institutions reflètent aussi exactement que possible la réalité des choses. Du reste, il a proposé aussi d’indiquer, à l’article 20 – qui dispose actuellement que « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation » –, que le Président de la République définit la politique de la nation, tandis que le Gouvernement la met en œuvre, ce qui correspond à la réalité, hors période de cohabitation. Le Gouvernement a rejeté cette deuxième proposition au motif qu’elle rendrait très difficile une éventuelle cohabitation, mais a retenu la première.

Le titre de chef des armées du Président de la République était dépourvu de toute consistance sous les républiques précédentes. C’est le général de Gaulle qui lui a donné un contenu, dont tous ses successeurs ont tiré profit. Dès lors, il existe une sorte d’incohérence entre ce pouvoir suprême en matière militaire et le fait que la Constitution prévoie que le Premier ministre est responsable de la défense nationale. Comment peut-on être responsable de ce dont on n’est pas le chef ?

Pourtant, il semblerait que la disposition retenue dans le projet fasse également l’objet de critiques, certains parlementaires y voyant l’indice d’un renforcement excessif des pouvoirs du Président de la République. Il n’est donc pas certain qu’elle soit promise à un grand avenir. Après tout, depuis cinquante ans que nous vivons avec cette contradiction, il doit être possible de s’en accommoder encore quelque temps !

L’article 12 du projet de loi constitutionnelle tend à rendre au Parlement le droit de voter des résolutions qu’il détenait sous les républiques précédentes. Il doit être mis en relation avec les dispositions de l’article 88-4 de la Constitution, qui étend le droit de résolution en matière de politique européenne.

Si la Constitution de 1958 a supprimé les résolutions, c’est qu’il arrivait que le président du Conseil tirât argument du vote d’une résolution peu favorable au Gouvernement pour remettre sa démission au Président de la République sans attendre un vote de censure. Or l’on voulait que la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement fût organisée dans des conditions claires et incontestables.

Il n’en reste pas moins que la résolution est un vœu et non pas une décision juridique. Elle ne saurait comporter quelque conséquence contraignante que ce soit. Il est apparu au comité comme au Gouvernement qu’elle pouvait contribuer, dans un système où les responsabilités respectives de l’exécutif et du législatif sont strictement définies, à assouplir sensiblement le système.

Ainsi, au sujet de ce qu’il est convenu d’appeler les « lois mémorielles », beaucoup ont contesté que la loi puisse établir ce que l’on a le droit de dire, d’écrire ou d’enseigner et certains ont même dénoncé l’intrusion abusive du politique dans ce qui devrait demeurer du domaine de la recherche scientifique et historique. Si le législateur se contentait de déplorer dans une résolution que tel événement se soit produit et de formuler le vœu qu’il ne se reproduise pas et qu’il en soit fait état dans des conditions d’honnêteté intellectuelle incontestable, on éviterait l’élément de contrainte qu’implique le vote d’une loi.

Évoquant une révision constitutionnelle antérieure, M. Edouard Balladur a rappelé qu’il avait déposé sous la législature précédente, en sa qualité de président de la commission des Affaires étrangères, un amendement cosigné par MM. Hervé de Charette, Roland Blum et François Loncle visant à ce que le Parlement ait la possibilité d’examiner tout document en provenance d’une institution de l’Union européenne – non seulement des projets de directive, mais aussi, par exemple, des documents d’intention ou des propositions politiques – et dispose du droit de voter des résolutions pour faire savoir ce qu’il en pense. Alors que la commission des Affaires étrangères avait adopté cet amendement à l’unanimité, c’est à la quasi-unanimité que la commission des lois l’avait rejeté, au prétexte que cette disposition modifiait nos institutions de façon grave et entamait le pouvoir de négociation que le Président de la République tient de l’article 52 de la Constitution. On présenta une nouvelle rédaction précisant que la possibilité offerte au Parlement n’entamait en rien ce pouvoir. Rien n’y fit.

Il est proposé, en quelque sorte, que cet amendement reprenne vie : tel est l’objet de l’article 32 du projet.

L’article 33 propose de réécrire l’article 88-5 instituant un référendum obligatoire avant tout élargissement. Cela n’a pas suffi à convaincre les Français de voter oui au référendum de 2005.

C’est un membre du Gouvernement qui a attiré l’attention du comité sur le caractère excessivement contraignant de l’article 88-5 de la Constitution et a proposé de le supprimer purement et simplement. L’idée de soumettre tout élargissement aux mêmes contraintes qu’une révision constitutionnelle a été formulée par le président du comité.

La Constitution est très peu exigeante en matière de référendum. Aux termes de l’article 53, cette procédure n’est obligatoire pour les populations concernées qu’en cas de cession, échange ou adjonction de territoire. Mais il serait par exemple tout à fait possible de mettre fin, par un vote du Congrès, à l’élection du Président de la République au suffrage universel, pourtant acquise par référendum en 1962. Le référendum n’a pas une valeur supérieure au vote parlementaire.

Néanmoins, au-delà de ces aspects juridiques, un problème politique difficile continue de se poser. On peut imaginer d’abandonner l’article 33 du projet. Certains ont proposé de se référer à des critères dont la présence dans un texte constitutionnel serait quelque peu étrange. Ainsi, une disposition pourrait exiger un référendum pour l’adhésion des seuls pays ne faisant pas partie du continent européen – donc de la Turquie, mais pas de l’Ukraine... On a aussi proposé que la procédure du référendum n’intervienne que lorsque la population du pays candidat excède un certain pourcentage de la population de l’Union européenne. Ni la Suisse ni la Serbie ne seraient concernées, par exemple, contrairement à l’Ukraine ou à la Turquie. Cela n’en reste pas moins étrange pour un texte constitutionnel.

Une proposition du président Axel Poniatowski mérite examen. Le comité avait proposé, sans être suivi par le Gouvernement, d’instituer un référendum d’initiative populaire qui aurait concerné toute proposition législative signée par 20 % des parlementaires et soutenue par 10 % du corps électoral : pourquoi ne pas prévoir cette disposition en cas d’élargissement de l’Union européenne ?

Toutes ces solutions paraissent compliquées. Le moment est venu de décider de choses simples : soit l’on maintient la rédaction proposée par le Gouvernement, soit l’on en reste à la rédaction actuelle. Il est à craindre qu’une formule trop élaborée ne nuise à l’image du Parlement.

M. Edouard Balladur a ensuite rappelé, au sujet des opérations extérieures, que des milliers de soldats ont été envoyés en Côte d’Ivoire sans que le Parlement ait jamais eu à en débattre. Après que la France eut décidé, il y a bientôt deux ans, d’envoyer 1 200 soldats au Liban, il avait observé que leur mission n’était pas très clairement établie, que leur position risquait d’être extrêmement difficile si les hostilités reprenaient entre Israël et telle ou telle faction présente au Liban, et qu’il aurait été légitime que le Parlement soit amené à s’exprimer sur ce sujet.

Le comité a finalement retenu la proposition suivante : lorsque le Gouvernement décide d’envoyer des troupes à l’étranger, il doit en informer « dans les meilleurs délais » le Parlement, celui-ci devant donner son autorisation à la prolongation de l’intervention lorsque la durée de celle-ci excède trois mois. Le Gouvernement a porté ce délai à six mois dans le projet de loi constitutionnelle, estimant que cette durée permettait de mieux apprécier la situation. Il n’est pas précisé si cette autorisation doit être renouvelée, ni à quelle échéance, mais on peut imaginer que le Parlement débatte d’une résolution pour déterminer si, au bout d’une certaine période, la situation est nouvelle et mérite une appréciation complémentaire de sa part.

Enfin, le comité a proposé que le Parlement donne un avis sur certaines nominations relevant du Président de la République. Il appartiendra aux parlementaires de fixer dans une loi organique la liste des nominations concernées. Dans l’esprit du comité, il s’agit de celles qui concernent des organismes ayant un rôle arbitral ou juridictionnel, comme le Conseil constitutionnel, le Conseil supérieur de l’audiovisuel ou le Conseil de la magistrature, et la présidence des entreprises publiques : il ne saurait être question que l’avis préalable porte sur des nominations au sein de l’appareil exécutif – préfets, généraux, ambassadeurs, directeurs de ministère…

Le président Axel Poniatowski a souhaité connaître l’opinion de M. Edouard Balladur sur la reconnaissance des symboles européens dans la Constitution. Seize pays européens ont en effet reconnu ces symboles dans une déclaration commune portée en annexe du traité de Lisbonne.

M. Edouard Balladur s’est déclaré peu favorable à une telle disposition. Il arrive que les symboles varient et il ne faut pas mélanger les textes.

M. François Loncle s’est dit heureux d’accueillir M. Edouard Balladur dans la salle de la commission des Affaires étrangères.

En matière d’interventions armées, les dispositions constitutionnelles actuelles sont paradoxales. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, non seulement il n’y a jamais eu de vote, mais l’on a refusé à deux reprises la constitution d’une commission d’enquête parlementaire sur l’intervention politique et militaire de la France. Il y a donc eu black-out sur une des opérations les plus importantes de ces dernières années. Peut-on envisager, à la suite des propositions du comité, un renforcement du rôle des commissions d’enquête ?

M. Edouard Balladur a répondu par l’affirmative.

M. François Loncle a ensuite rappelé qu’il s’était trouvé un peu seul, y compris au sein de son groupe, lorsqu’il s’était élevé contre la disposition constitutionnelle consistant à exiger un référendum pour chaque adhésion nouvelle à l’Union européenne. Cette procédure est-elle vraiment opportune dans l’hypothèse d’une adhésion de la Macédoine ou du Monténégro ?

La proposition de M. Edouard Balladur, retenue dans le projet de loi constitutionnelle, ou celle du président Axel Poniatowski, conviendrait infiniment mieux que le dispositif actuel. L’idée d’adapter la procédure au nombre d’habitants a quelque chose d’humiliant pour les pays candidats, de même qu’était humiliante l’expression de « petits pays » utilisée par le Président de la République dans sa dernière intervention télévisée.

En tout état de cause, il est heureux que le Gouvernement ait songé à supprimer une disposition très chauvine et très peu européenne.

M. Edouard Balladur a remarqué qu’il s’agit là d’un débat politique et non pas juridique. La véritable question est de savoir s’il existe des pays à l’adhésion desquels on doit mettre des obstacles plus importants que pour d’autres. Pour sortir de la difficulté, on dispose de quelques recettes plus ou moins élégantes. Mieux vaut s’en tenir à la simplicité et à la clarté.

M. Hervé de Charette s’est déclaré surpris que le comité présidé par M. Edouard Balladur propose un tel nombre de modifications : soixante-dix-sept au total, dont cinquante-deux se rapportent au texte même de la Constitution. Presque un article sur deux se trouverait ainsi révisé. Même si le Gouvernement n’a repris que trente-quatre de ces propositions, la transformation reste considérable. Répond-elle à une profonde nécessité ? Le texte de la Constitution a-t-il vieilli à ce point qu’il faille modifier un nombre aussi important de dispositions pour l’adapter à l’époque actuelle ? A-t-il vraiment besoin, cinquante ans après, d’une révision générale, comme une vieille voiture qui aurait beaucoup roulé ?

Par ailleurs, le renforcement du rôle du Parlement, qui semble faire l’objet d’un consensus, tient-il d’abord à la modification des dispositions constitutionnelles ? Ne faut-il pas incriminer plutôt la non-application des dispositions de la Constitution existante ? Par exemple, le rôle du Gouvernement dans la définition de l’ordre du jour des assemblées est devenu envahissant. La présence d’un membre du Gouvernement à la Conférence des présidents n’est nullement obligatoire. En priant celui-ci de rester chez lui, cette instance pourrait délibérer tranquillement de l’ordre du jour.

Pourquoi ne pas mentionner également le nombre excessif de parlementaires ? Le sentiment d’inutilité est plus profond lorsqu’on est un sur cinq cent soixante-dix-sept que lorsque l’on est un sur trois cents. Et qu’en est-il du cumul ?

On peut également s’interroger sur la nécessité de changer les textes relatifs aux interventions militaires extérieures. À l’inverse de l’effet recherché, les modifications proposées ne vont-elles pas autoriser le Gouvernement à continuer d’envoyer l’armée un peu partout dans le monde sans demander son accord au Parlement, voire sans le consulter ? N’est-ce pas la pratique qu’il faut changer ? Le Gouvernement devrait, avant une intervention extérieure, convoquer le Parlement pour qu’il accorde son autorisation.

Au total, quelle est l’utilité de cette révision ? Deux ou trois ans après que le Parlement l’aura votée, aura-t-on le sentiment d’avoir vraiment changé les choses ?

M. Edouard Balladur a répondu, s’agissant du problème éternel du choix entre, d’une part, l’usage et la coutume et, d’autre part, la règle de droit claire et simple, que tout dépendrait du Parlement. À cet égard, l’usage et la coutume ont conduit, depuis cinquante ans, à un déséquilibre croissant au profit de l’exécutif et au détriment du législatif. Dans aucun autre pays démocratique le Parlement n’est empêché de se saisir de sujets desquels il entend délibérer, tels que la conduite des affaires extérieures de l’État. Il y avait donc bien nécessité de modifier la Constitution.

Quant aux modifications institutionnelles proposées, mieux vaudrait, plutôt qu’en déplorer le nombre, préciser celles qui sembleraient superfétatoires. La maîtrise de l’ordre du jour, par exemple, n’est pas une affaire simple. Elle implique en effet de décider des modalités de fixation de cet ordre du jour, du choix du texte sur lequel porte la discussion en séance – celui du Gouvernement ou celui de la commission –, ou encore du nombre des commissions permanentes. Les trente-six modifications retenues ne sont donc pas le signe d’une volonté de tout changer, mais de rééquilibrer le système.

Ce qui définit la Ve République, ce sont ses deux légitimités concomitantes et concurrentes au sein de l’exécutif, dont les deux têtes, même si l’on récuse le terme de dyarchie, tiennent leur autorité, l’une directement du peuple, l’autre indirectement par l’intermédiaire de l’Assemblée. Tel est le résultat de la longue recherche de la stabilité institutionnelle qui, depuis deux siècles, a rencontré l’échec ou la désillusion. À cet égard, si la majorité du comité s’est déclarée opposée – comme le Gouvernement – au régime présidentiel que son président préconisait, le système, pour être allé trop loin dans l’affirmation du pouvoir exécutif, devait être rééquilibré.

Quant à savoir si c'est la Constitution ou la pratique qu’il faut changer, si M. de Charette connaît le moyen de changer la seconde sans changer la première en faisant appel uniquement à la bonne volonté humaine, il conviendrait d’y recourir pour éviter des textes juridiques nombreux et compliqués.

S’agissant de l’ordre du jour des assemblées, si le ministre chargé des relations avec le Parlement peut très bien ne pas être présent à la conférence des présidents, la Constitution n’en prévoit pas moins que l’ordre du jour fixé par le Gouvernement est prioritaire. Que le ministre soit présent ou non n’y change rien. C'est pourquoi le projet de loi constitutionnelle prévoit que le Gouvernement et le Parlement sont responsables pour moitié chacun de l’ordre du jour, ce qui semble équitable.

Voilà des dizaines d’années que le Gouvernement, même s’il est en symbiose avec le Parlement, impose toujours sa volonté, alors que dans toutes les démocraties européennes le Parlement peut discuter d’un texte dont le Gouvernement ne veut pas – sans parler de la démocratie américaine et des contrôles exercés sur l’exécutif en matière de politique étrangère.

S’agissant des interventions des forces armées à l’extérieur et de leur autorisation au-delà de six mois par le Parlement – délai qui paraît à M. de Charette à ce point excessif qu’il risque de contribuer, a contrario, à accroître la liberté du Gouvernement en la matière –, les parlementaires pourraient amender le texte gouvernemental afin de revenir au délai de trois mois proposé par le comité.

Tout le problème finalement est de savoir si la classe politique a un tel prestige aux yeux de l’opinion publique qu’il n'est pas nécessaire de revaloriser son rôle. Pour sa part, le comité a considéré qu’il était de son devoir de combler le fossé qui s’est creusé entre l’opinion publique et ceux qui la représentent en valorisant le rôle de ces derniers en leur confiant des responsabilités plus amples.

M. Jean-Jacques Guillet, après avoir considéré que la révision constitutionnelle proposée était globalement satisfaisante en raison, d’une part, du rééquilibrage des pouvoirs, d’autre part, de sa relative simplicité, s’est déclaré réservé quant aux conditions de la représentation des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale. Outre qu’ils sont très bien représentés au Sénat et qu’ils ont toujours la possibilité de voter au sein des circonscriptions nationales, leur représentation à l’Assemblée pourrait ouvrir la voie à certaines dérives, en dehors du redécoupage inévitable des circonscriptions à l’échelle mondiale.

Concernant l’article 88-5, il convient, en matière de politique étrangère, non d’être soumis à l’opinion – ce qui aurait pu souvent conduire à la guerre, par exemple en 1840 contre l’Angleterre –, mais d’avoir une vision à long terme. S’agissant de la Turquie, il serait donc regrettable – comme ce fut trop le cas ces dernières années – que la Constitution se fasse l’écho de considérations de circonstance, d’autant que, comme ce fut le cas en 1972 avec le référendum sur l’adhésion aux Communautés européennes notamment de la Grande-Bretagne, les textes actuels permettent de soumettre à référendum l’entrée d’un ou de plusieurs pays dans l’Union européenne. Aucune précision n'est donc nécessaire sur ce point dans la Constitution.

Quant au référendum d’initiative populaire, proposé par le comité et qui fera l’objet d’un amendement du président de la commission, il conviendrait, plutôt que de l’intégrer au seul texte proposé par le Gouvernement pour l’article 88-5, de lui donner une vocation beaucoup plus ample. Sinon, il serait plus sage d’en rester à la proposition du Gouvernement concernant cet article.

M. Edouard Balladur a estimé qu’il aurait mauvaise grâce à demander que le référendum d’initiative populaire, que le Gouvernement n’a pas retenu, ne soit pas proposé. Il ne serait pas choquant en tout cas, il l’a déjà dit, de prévoir des dispositions particulières s’agissant de l’élargissement de l’Europe. De la même façon que le référendum obligatoire, mis à part les cessions de territoire, n’existe déjà que dans le cas d’un tel élargissement, un référendum d’initiative populaire pourrait également exister uniquement dans ce cas. Pour autant, il ne convient pas de compliquer la tâche de ceux qui œuvrent pour l’adoption de la réforme. Aussi est-il préférable de laisser le Parlement décider.

S’agissant du recours toujours possible au référendum par le Président de la République, le résultat obtenu en 1972 – avec 67 % de votes favorables et 40 % d’abstentions – ne pourrait que faire rêver aujourd’hui, même s’il avait été alors considéré comme un échec par le président Pompidou.

M. Jean-Paul Lecoq a estimé que les pouvoirs du Président de la République en matière militaire n’ont pas à varier selon la situation politique, notamment en cas de cohabitation. Aussi la Constitution devrait-elle être très claire sur ce point.

À cet égard, ne pourrait-on distinguer selon que l’intervention militaire se déroule dans le cadre onusien ou dans le cadre national, ce qui impliquerait, dans ce dernier cas, une saisine immédiate du Parlement sans même attendre un délai de trois ou de six mois ?

M. Edouard Balladur s’est déclaré défavorable à une telle distinction, sauf à considérer que l’assemblée générale des Nations unies ou le conseil de sécurité décident à la place du Parlement français. Ainsi, lors de la première guerre du Golfe, la France, contrairement à la position qu’elle a finalement adoptée avec le soutien de l’immense majorité du Parlement, aurait très bien pu décider de ne pas envoyer 15 000 soldats se battre contre l’Irak pour défendre le Koweït dans le cadre de l’opération autorisée par les Nations unies. Le délai de trois ou six mois avant autorisation parlementaire de prolonger l’intervention semble donc raisonnable.

Quant à s’étonner du fait que le système institutionnel soit variable selon qu’il y a ou non cohabitation, c'est nier ce qui fait justement l’originalité de la Ve République, à savoir la concurrence de deux légitimités qui peuvent ne pas s’accorder à un certain moment de l’histoire.

M. Marc Dolez a d’abord souligné, concernant le délai de six mois à l’expiration duquel le Gouvernement soumet la prolongation de l’intervention à autorisation du Parlement, qu’il convient pour le moins de modifier l’article 13, quatrième alinéa, du projet de loi constitutionnelle en prévoyant que, dans le cas où le Parlement ne serait pas en session à l’expiration du délai de six mois, celui-ci soit convoqué en session extraordinaire.

M. Edouard Balladur ayant fait remarquer que l’on pourrait tout aussi bien prévoir de réduire le délai à due concurrence, le Président Axel Poniatowski a précisé qu’un amendement en ce sens serait déposé.

M. Marc Dolez s’est ensuite demandé s’il ne faudrait pas des élus plus disponibles, l’enjeu de la réforme étant de revaloriser le rôle du Parlement, donc de donner plus de pouvoirs aux représentants que le peuple élit. À cet égard, l’interdiction faite aux parlementaires d’assumer des tâches exécutives sur le plan local ne constituerait-il pas un progrès très significatif ?

M. Renaud Muselier a souligné la nécessité de faire en sorte que les Français de l’étranger soient bien représentés, d’autant qu’aujourd’hui leurs représentants sont tous issus de la zone Europe et que ces compatriotes constituent un électorat d’une très grande mobilité, composé d’un tiers de fonctionnaires ou de militaires, d’un tiers de salariés de grandes entreprises et d’un tiers d’indépendants. Les représentants des Français de l’étranger doivent être bien représentatifs de ces derniers.

M. Jean-Michel Boucheron a considéré que le Président de la République étant élu au suffrage universel, sa légitimité à engager des forces à l’extérieur n'est pas discutable. Sachant en outre que de telles opérations, par nature évolutives, ne sont pas forcément immédiatement lisibles par les opinions publiques, peut-être devraient-elles faire l’objet d’un budget séparé plutôt que d’un vote plus ou moins de principe autorisant leur prolongation plusieurs mois après leur début. Ainsi, chaque année, un vote porterait sur chaque opération extérieure, et donc sur son coût pour les finances publiques.

M. Edouard Balladur s’est déclaré favorable, à titre personnel, au cumul d’un mandat parlementaire avec une seule fonction locale, mais s’est demandé s’il fallait, en tout état de cause, inscrire une telle mesure dans la Constitution. Certes, certaines propositions du comité ne concernaient pas à proprement parler la Constitution, mais au moins influaient-elles sur le fonctionnement des pouvoirs publics. De toute façon, interdire le cumul d’une fonction ministérielle avec tout mandat électif comme l’avait proposé le comité à trois mois d’élections municipales ne risquait pas d’être accepté alors qu’une bonne vingtaine de ministres étaient candidats.

Peut-être y a-t-il quelque illusion à considérer que si le cumul était proscrit, les parlementaires seraient plus présents à Paris. Dépourvus de moyens locaux, ces derniers pourraient en effet avoir le souci de travailler davantage sur le plan local afin d’être sûrs d’être réélus.

S’agissant des Français de l’étranger, le fait que les douze sénateurs les représentant soient tous issus de la zone Europe tient au mode de scrutin dans une circonscription unique, les Français habitant l’Europe y étant ultra-majoritaires. Aussi, s’il devait y avoir également des représentants des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale, ils devraient être élus non plus dans un cadre global, mais dans le cadre de circonscriptions bien définies – Amérique, Afrique, Europe du Nord, Europe du sud...

Quant à rattacher les Français de l’étranger à telle ou telle circonscription nationale, cela ne ferait pas des députés élus dans ces circonscriptions leurs représentants puisque ces Français de l’étranger n’y formeraient qu’un dixième voire un vingtième des électeurs. La proposition selon laquelle des circonscriptions permettraient de mieux prendre en compte les intérêts propres des Français habitant l’Europe du Nord, l’Europe du Sud, l’Afrique ou ailleurs est donc intéressante, encore que l’on ne puisse être que très perplexe devant la difficulté d’un redécoupage électoral et de l’impossibilité absolue d’augmenter le nombre des parlementaires, car ce serait donner un signal désastreux à l’opinion publique.

Pour ce qui est des opérations militaires à l’extérieur, le fait que le Président de la République soit élu au suffrage universel et qu’il dispose ainsi d’une légitimité pour les décider, ne doit pas faire oublier que les parlementaires sont également élus au suffrage universel. Il n’est donc pas absurde qu’ils aient un avis sur toute opération extérieure.

Enfin, demander des votes séparés chaque année, opération par opération, conduit à aller au-delà des propositions du Gouvernement, car cela reviendrait à faire voter un renouvellement de chaque autorisation une fois par an. Il serait surprenant que le Gouvernement soit ouvert à une telle suggestion.

Le Président Axel Poniatowski, après avoir souligné qu’un amendement serait également déposé à ce sujet, a remercié M. Edouard Balladur pour les très nombreux et très intéressants éclaircissements apportés sur le projet de loi constitutionnelle.

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AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Après l’article 3

Amendements présentés par M. Jean-Paul Lecoq :

• Insérer l’article suivant :

« Dans la troisième phrase du premier alinéa de l’article 11 de la Constitution, les mots : « peut soumettre » sont remplacés par le mot : « soumet ».

• Insérer l’article suivant :

« L’article 11 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les citoyens peuvent demander le référendum suite à une initiative populaire sur toute question concernant les actes législatifs européens qui auraient des incidences sur les services publics. Une loi organique fixe les conditions de son exercice».

Article 8

Amendement présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Supprimer cet article.

Article 12

Amendement présenté par M. Axel Poniatowski, rapporteur pour avis [amendement non adopté en raison de l’avis défavorable émis sur l’ensemble du projet de loi] :

Dans l’alinéa 2 de cet article, après les mots  « des résolutions », insérer les mots : « , le cas échéant en dehors des sessions, ».

Article 13

Amendements présentés par M. Jean-Paul Lecoq :

• Rédiger ainsi cet article :

« L’article 35 de la Constitution est ainsi rédigé :

« En dehors de l’application d’une décision prise dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies en vertu des dispositions du Chapitre VII de la Charte, le gouvernement demande au Parlement l’autorisation pour toutes les interventions des forces armées à l’étranger.

« Lorsque la durée de l’engagement des forces armées, suite à une décision prise dans le cadre onusien, excède trois mois le Gouvernement doit demander au Parlement l’autorisation de sa prolongation.

« La prolongation est renouvelable pour un nouveau délai de trois mois supplémentaires. »

• Substituer à la dernière phrase de l’alinéa 2 de cet article la phrase suivante :

« Le Parlement ouvre un débat et adopte une résolution. Elle s’impose au Gouvernement. »

Amendement présenté par M. Jean-Paul Lecoq [amendement non adopté en raison de l’avis défavorable émis sur l’ensemble du projet de loi] :

I. – Dans la première phrase de l’alinéa 3 de cet article, substituer aux mots : « six mois », les mots : « trois mois ».

II. – En conséquence, procéder à la même substitution dans l’alinéa 4.

Amendements présentés par M. Axel Poniatowski, rapporteur pour avis [amendements non adoptés en raison de l’avis défavorable émis sur l’ensemble du projet de loi] :

• Après l’alinéa 3 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« Le Gouvernement soumet au Parlement le renouvellement de l’autorisation pendant la période de discussion du projet de loi de finances. »

• Rédiger ainsi l’alinéa 4 de cet article :

« Le Parlement peut, le cas échéant, être réuni en session extraordinaire pour se prononcer. »

Amendement présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Rédiger ainsi l’alinéa 4 de cet article :

« Si le Parlement n’est pas en session à l’expiration du délai de trois mois, le Gouvernement convoque immédiatement une session extraordinaire. L’autorisation de prolongation ne peut pas être présumée. »

Après l’article 13

Amendement présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Compléter l’article 38 de la Constitution par l’alinéa suivant :

« Les actes de l’Union européenne comportant des dispositions de nature législative et ayant fait l’objet d’un vote d’une résolution prévu à l’article 88-4 ne peuvent être transposés en droit interne par voie d’ordonnance.»

Après l’article 24

Amendement présenté par M. Jean-Paul Lecoq [amendement non adopté en raison de l’avis défavorable émis sur l’ensemble du projet de loi] :

Insérer l’article suivant :

« Après l’article 53-2 de la Constitution, il est inséré un article 53-3 ainsi rédigé :

« Sous réserve de confidentialité, le Gouvernement transmet au Parlement les accords de défense, d’assistance et de coopération militaires signés avec d’autres Etats ».

Après l’article 31

Amendement présenté par M. Hervé de Charette [amendement non adopté en raison de l’avis défavorable émis sur l’ensemble du projet de loi] :

Insérer l’article suivant :

« L’article 88-1 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Elle reconnaît les symboles de l’Union européenne ».

Article 32

Amendement présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Compléter l’alinéa 3 de cet article par la phrase suivante :

« Lorsque les résolutions sont votées en séance publique à la majorité absolue de ses membres elles s’imposent au Gouvernement ».

Article 33

Amendements présentés par MM. Roland Blum et François Rochebloine :

• Supprimer cet article.

• Après les mots : « article 89 », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 2 de cet article :

«, à l’exception des États dont la population représente au moins 5% de la population totale de l’Union européenne, et pour lesquels le projet de loi autorisant la ratification d’un traité d’adhésion est soumise au référendum par le Président de la République. »

Amendement présenté par M. Axel Poniatowski, rapporteur pour avis :

I. – Dans l’alinéa 2 de cet article, après le mot : « adopté », insérer les mots : « à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la signature du traité ».

II. – Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Toutefois, un référendum portant sur le projet de loi mentionné au premier alinéa est organisé, dans des conditions fixées par une loi organique si, au cours de ce délai, la majorité des membres du Parlement, soutenus par au moins un cinquième des électeurs inscrits sur les listes électorales en font la demande. »

Après l’article 33

Amendement présenté par M. Hervé de Charette [amendement non adopté en raison de l’avis défavorable émis sur l’ensemble du projet de loi] :

Insérer l’article suivant :

« Après l’alinéa 3 de l’article 89 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la ratification ou l’approbation d’un engagement international est conditionnée par une révision préalable de la Constitution, l’adoption de ladite révision constitutionnelle vaut autorisation d’approuver ou de ratifier l’engagement international en cause ».

© Assemblée nationale

1 () Rapport d’information n° 3769 présenté par M. Edouard Balladur au nom de la commission des Affaires étrangères sur le bilan d’activités de la commission des Affaires étrangères sous la XIIè législature, 7 mars 2007.

2 () Extrait du contrat de législature 2007-2012 de l’Union pour la majorité présidentielle.

3 () Loi n° 83-390 relative à l’élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France.

4 () La loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983 relative à la représentation au Sénat des Français établis hors de France a porté de 6 à 12 le nombre de sièges des sénateurs représentant les Français établis hors de France.

5 () Loi n° 2003-277 tendant à autoriser le vote par correspondance électronique des Français établis hors de France pour les élections du Conseil supérieur des Français de l’étranger.

6 () Proposition de loi organique n° 77, session 2005-2006, déposée par Mme Monique Cerisier-Ben Guiga le 14 novembre 2005.

7 () Mercredi 30 avril 2008.

8 () Rapport d’information n° 3769 précité.

9 () A titre d’exemple, on citera une proposition de résolution relative au respect du droit international humanitaire dans les territoires palestiniens et en Israël, une proposition de résolution sur le régime iranien et l’opposition à ce régime,une proposition de résolution relative à l’épidémie de fièvre de Marburg en Angola, etc.

10 () le 9 avril dernier.

11 () Décision n° DC 59-2 du 17 juin 1959, Règlement de l’Assemblée nationale.

12 () Loi constitutionnelle n° 2008-103 modifiant le titre XV de la Constitution.

13 () Rapport d’information n° 2237 sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures, présenté par M. François Lamy, onzième législature.

14 () Article 132 du Règlement de l’Assemblée nationale.

15 () article 22 du projet de loi.

16 () Proposition de loi constitutionnelle n°696 du 6 février 2008 modifiant l’article 88-1 de la Constitution afin de reconnaître les symboles européens.

17 () Loi constitutionnelle n° 99-49 du 25 janvier 1999 modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution.

18 () Loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 ajoutant à la Constitution un titre : Des Communautés européennes et de l’Union européenne.

19 () 15 et 16 janvier 2008.

20 () n° 79-564, modifiant l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires en vue de la création de délégations parlementaires pour les communautés européennes.

21 () Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement.

22 () À l’exception toutefois des adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004. Seule la Croatie est désormais concernée par cette clause.