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N
° 999

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 juin 2008

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES, DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE LOI, après déclaration d’urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (n° 969),

PAR M. Jean-Paul ANCIAUX,

Député.

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Voir les numéros : 969 et 992.

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 9

I.— NÉGOCIATION, COMPROMIS, RESPONSABILITÉ : LA VOIE DE LA DÉMOCRATIE SOCIALE 13

A.– REDONNER AUX ACTEURS DU DIALOGUE SOCIAL UNE NOUVELLE LÉGITIMITÉ 14

1. L’évolution des critères de représentativité 17

2. Une nouvelle mesure de l’audience 18

3. La consécration du pluralisme syndical 18

4. Une ouverture plus large au premier tour des élections professionnelles 19

5. De nouvelles règles de désignation du délégué syndical 19

B.– RENDRE À LA NÉGOCIATION COLLECTIVE SON RÔLE PREMIER EN MATIÈRE DE RÉGULATION SOCIALE 19

1. Une nouvelle avancée vers un mode de conclusion majoritaire des accords 20

2. Des dispositions concrètes pour favoriser la négociation collective dans les entreprises 20

II.— REMETTRE L’ENTREPRISE AU CœUR DU DIALOGUE SOCIAL : NÉGOCIER SUR LE TEMPS DE TRAVAIL 21

A.– UNE NÉCESSITÉ ÉCONOMIQUE : AGIR SUR LA DURÉE ET LES HORAIRES DE TRAVAIL 21

1. Favoriser la croissance française 21

2. Pallier les conséquences négatives des 35 heures 23

B.– UNE VRAIE LÉGITIMITÉ À ORGANISER DIRECTEMENT LE TEMPS DE TRAVAIL DANS L’ENTREPRISE 24

C.– UNE SIMPLIFICATION ATTENDUE DES MÉCANISMES EXISTANTS 25

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE 29

II.— EXAMEN DES ARTICLES 37

TITRE IER – LA DÉMOCRATIE SOCIALE 37

Chapitre Ier : La représentativite syndicale 38

Article 1er (article L. 2121-1 du code du travail) : Critères de représentativité des organisations syndicales de salariés 38

Article 2 (articles L. 2122-1 à L. 2122-11 du code du travail) : Mesure de l’audience des syndicats 40

Chapitre II : Les élections professionnelles 45

Article 3 (articles L. 2314-3, L. 2314-4, L. 2314-24 et L. 2324-22 du code du travail) : Élections des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d’entreprise 45

Chapitre III : La désignation du délégué syndical 48

Article 4 (articles L. 2143-3 à L. 2143-6, L. 2143-11 et L. 2324-2 du code du travail) : Règles de désignation du délégué syndical 48

Chapitre IV : La représentation de la section syndicale 51

Article 5 (articles L. 2142-1, L. 2142-1-1 à L. 2142-1-4 du code du travail) : Représentation de la section syndicale 51

Chapitre V : La validité des accords et les règles de la négociation collective 53

Article 6 (articles L. 2231-1, L. 2232-2, L. 2232-6, L. 2232-7, L. 2232-12 à L. 2232-15, L. 2232-34 et L. 2327-16 du code du travail) : Validité des accords collectifs 53

Article 7 (articles L. 2232-21 à L. 2232-29 du code du travail) : Faculté de négocier avec les élus du personnel ou des salariés mandatés 54

Chapitre VI : ressources et moyens 56

Article 8 (articles L. 2135-1 à L. 2135-10 et article L. 8241-1 du code du travail) : Transparence financière et financement du dialogue social 56

Chapitre VII : Dispositions diverses et transitoires 61

Article 9 : Dispositions transitoires et entrée en vigueur de la loi en matière de détermination des organisations syndicales représentatives 61

Article 10 : Dispositions transitoires et entrée en vigueur de la loi en matière de validité des accords 63

Article 11 :Dispositions transitoires en matière de délégués syndicaux 63

Article 12 : Dispositions transitoires et entrée en vigueur de la loi en matière de négociation avec les élus du personnel ou des salariés mandatés 64

Article 13 (article L. 2261-10 du code du travail) : Règles spécifiques de dénonciation d’un accord en cas de changement des organisations syndicales parties à la négociation 65

Article 14 : Entrée en vigueur des dispositions relatives à la certification et à la publicité des comptes des organisations syndicales et professionnelles 66

Article 15 : Rapport sur les dispositions relatives à la représentativité des organisations syndicales 67

Article additionnel après l’article 15 : Dates de versement des rémunérations des congés de formation économique et sociale et de formation syndicale 68

TITRE II – LE TEMPS DE TRAVAIL 69

Article 16 (articles L. 3121-11 et L. 3121-24 du code du travail) : Renvoi à la négociation collective pour la définition et la mise en œuvre du contingent annuel d’heures supplémentaires et de ses contreparties 69

Article 17 (articles L. 3121-38 à L. 3121-47 et article L. 2323-29 du code du travail) : Assouplissement du régime des conventions individuelles de forfait 72

Article 18 (articles L. 3122-1 à L. 3122-4 du code du travail) : Création d’un mode unique d’aménagement du temps de travail 76

Article 19 : Coordination avec les dispositions issues des lois du 8 février 2008 relative au pouvoir d’achat et du 27 août 2007 relative au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat 79

Article 20 : Coordination au sein du code du travail 80

ANNEXE : POSITION COMMUNE DU 9 AVRIL 2008 SUR LA REPRESENTATIVITÉ, LE DÉVELOPPEMENT DU DIALOGUE SOCIAL ET LE FINANCEMENT DU SYNDICALISME 81

« Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués,

à la détermination collective des conditions de travail

ainsi qu’à la gestion des entreprises »

Préambule de la Constitution de 1946.

Mesdames, Messieurs,

L’agenda social pour l’année 2008 élaboré en décembre 2007 dans le cadre d’une réunion des partenaires sociaux, du Premier ministre et des ministres compétents autour du Président de la République met en avant deux ambitions fortes pour la France : l’emploi et le pouvoir d’achat, d’une part, la rénovation de notre système de relations sociales, d’autre part.

Ces deux thèmes majeurs, nous les retrouvons aujourd’hui dans le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, inextricablement liés, comme ils l’étaient d’ailleurs dans le discours du Président de la République du 19 décembre 2007 :

« Nous avons besoin d’un système de négociation collective renforcé et efficace aux niveaux interprofessionnel, de branche et d’entreprise, permettant d’apporter des solutions négociées aux problèmes des salariés comme des entreprises.

Pour cela, il faut des organisations fortes. Aujourd’hui la représentation sociale est éclatée, fondée sur des critères obsolètes et un mode de financement inadapté. Je veux donc que soient examinés les critères de la représentativité et la question du financement.

Ma conviction, c’est aussi que la loi et le règlement ne doivent pas limiter indûment le champ du contrat. Notre droit du travail est tellement complexe et étoffé, qu’il bride le libre jeu de la négociation. A côté de la norme législative et réglementaire, qui fixe les principes généraux, il faut une vraie place pour des conventions, qui engagent les partenaires sociaux à tous les niveaux, interprofessionnel, branche, territorial ou entreprise.

Mais si on veut donner plus de place au dialogue social, il faut que chacun prenne ses responsabilités. Nous avons besoin d’accords qui aient une plus grande légitimité qu’aujourd’hui, surtout s’ils aboutissent à des règles innovantes. Il faut donc qu’on réfléchisse aux conditions de validité de l’ensemble des accords.

Dans le domaine particulier du temps de travail, je souhaite qu’on fasse confiance aux salariés et aux partenaires sociaux pour qu’ils aient plus de choix en la matière. Je ne veux plus que la loi ou les accords de branche verrouillent toute possibilité pour ceux qui le souhaitent de travailler plus pour gagner plus. Cette discussion doit avoir lieu dans l’entreprise et lorsqu’il y aura allongement du temps de travail il devra y avoir des contreparties sonnante et trébuchantes. Cette réforme aura naturellement pour conséquence de simplifier notre réglementation du temps de travail, devenue aujourd’hui la plus complexe du monde. Nous sommes arrivés au bout d’un système. » (1)

La feuille de route des partenaires sociaux était donc parfaitement claire, recouvrant les champs de négociation sur lesquels ces derniers étaient saisis depuis le mois de juin 2007 (représentativité, condition de validité des accords et dialogue social dans les petites et moyennes entreprises – PME) et y intégrant la question essentielle de la négociation sur le temps de travail et le financement des organisations. A cet égard, on ne peut que se réjouir que les discussions engagées aient abouti à la position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme, dont les principales propositions sont aujourd’hui reprises dans le titre I du projet de loi. En revanche, il est dommage que les partenaires sociaux n’aient pas souhaité négocier ou qu’ils l’aient fait a minima sur la question du temps de travail.

Mais dans ce cas il est logique que le gouvernement et le Parlement reprennent la main et aillent au bout de la démarche initiée par le Président de la République, en ne se contentant pas des timides avancées proposées dans le cadre de la position commune du 9 avril 2008 sur le temps de travail. A travers le titre II du projet de loi, celui-ci apporte directement une réponse aux besoins des entreprises et des salariés en leur permettant de travailler plus, afin, pour les unes d’accroître leur compétitivité, et, pour les autres, de gagner plus, et donc d’augmenter leur pouvoir d’achat.

La méthode consistant à donner le temps aux partenaires sociaux de négocier avant de légiférer (2) n’exclut en effet absolument pas, du moment qu’elle est respectée, et en l’occurrence elle l’a été, que le gouvernement propose au Parlement de légiférer en matière de droit social et de droit du travail sur des thèmes abordés par les partenaires sociaux. Cette méthode ne peut avoir pour effet de priver le Parlement de son rôle de législateur pour le transformer en simple greffier.

On doit donc se féliciter que le présent projet de loi, ambitieux à tous points de vue, aussi bien dans sa conception de la démocratie sociale, que dans les modalités de libération de la négociation collective qu’il met en place, soit aujourd’hui soumis à la représentation nationale. En effet, ce projet de loi fera date dans l’histoire des relations sociales de notre pays comme celui qui, le premier, aura fait évoluer les règles de la représentativité syndicale, figées depuis 1966, ainsi que les conditions de validité des accords et aura permis de développer la négociation collective dans les entreprises. Il contribue en effet à approfondir la réforme du dialogue social, à l’œuvre depuis 2002, en redonnant une nouvelle légitimé aux acteurs sociaux, légitimité fondée démocratiquement car reposant avant tout sur l’expression des salariés. C’est d’ailleurs du lieu même de l’expression des salariés, de leur entreprise, que procédera désormais cette nouvelle légitimité et là où elle aura en premier lieu vocation à s’appliquer. Poursuivant en quelque sorte la voie tracée dans la loi du 4 mai 2004 qui avait permis aux accords d’entreprise de déroger aux accords de branche, le projet de loi bouleverse l’ordre établi depuis des décennies en donnant directement aux salariés et aux employeurs les clés de la négociation.

C’est la raison pour laquelle ce projet de loi constitue aux yeux de votre rapporteur une avancée majeure dans le renforcement de la participation des salariés dans leur entreprise, dans leur association à sa bonne marche et finalement à son destin. En cela, le projet de loi répond parfaitement aux aspirations des Français qui réclament d’être plus et mieux impliqués dans les décisions qui les concernent au niveau de leur entreprise. Les Français ont compris que le sort de l’emploi et de la compétitivité de notre pays était intimement lié à la bonne santé de leurs entreprises et souhaitent contribuer à leur réussite. Contrairement à ce que certains voudraient faire croire, la valeur travail est loin d’avoir perdu son sens et le succès, désormais indéniable, du dispositif des heures supplémentaires mis en œuvre dans le cadre de la loi « TEPA » (3), tend à prouver que les intérêts des salariés et des entreprises se rejoignent dans ce domaine.

Nous nous situons donc à un tournant historique des relations sociales dans notre pays. Grâce à ce projet de loi, les lignes vont bouger et notre modèle social va enfin évoluer, car la société évolue : les conditions de travail évoluent, les relations au sein de l’entreprise évoluent, le syndicalisme évolue, passant d’une culture de conflit et d’avantages sociaux acquis par la lutte à une logique de négociation et de donnant-donnant. De ce point de vue, le projet de loi s’inscrit dans une continuité idéologique qui remonte aux années 1950 et 1960, où de grands hommes politiques avaient eu, déjà, la prescience de ce qui pourrait constituer le ferment d’une nouvelle société, une société où le contrat primerait sur le règlement, et la régulation collective sur la norme imposée (4). Pour l’ensemble de ces raisons, la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a émis un avis favorable à l’adoption du projet portant rénovation du dialogue social et réforme du temps de travail, sous réserve des quelques amendements qu’elle a adoptées lors de sa réunion du 25 juin 2008.

I.— NÉGOCIATION, COMPROMIS, RESPONSABILITÉ : LA VOIE DE LA DÉMOCRATIE SOCIALE

Notre système de relations sociales s’est toujours caractérisé par une emprise importante de l’État et une intervention marquée du législateur dans le domaine social. Rappelons en effet que les premiers avantages sociaux furent acquis de haute lutte par les travailleurs et que le droit du travail érigé par la puissance publique fut et reste avant tout un droit protecteur du salarié.

Néanmoins soucieux de s’adapter aux réalités du monde de l’entreprise, ce droit, qui ambitionne de régenter l’ensemble des rapports sociaux dans leur variété et leur multiplicité, est devenu au fil des décennies de plus en plus détaillé et complexe, multipliant les dérogations, au risque d’affaiblir finalement la portée des grands principes qu’il était censé garantir.

C’est pourquoi il convient désormais que la loi se recentre sur son domaine et se contente de fixer un cadre afin que les partenaires sociaux, à tous les niveaux de négociation, se saisissent des questions entrant dans leur champ de compétence pour les régler au niveau le plus pertinent. A cet égard, on ne peut que se féliciter de la place désormais prise par la négociation collective dans notre pays (5) et de la reconnaissance, depuis la position commune du 16 juillet 2001 et sa transcription au travers des lois du 4 mai 2004 et du 31 janvier 2007, d’un partage clair des rôles entre le gouvernement, le Parlement et les partenaires sociaux. L’aggiornamento en cours parmi les syndicats historiques devrait permettre de renforcer encore le dialogue social en promouvant une culture de compromis et de responsabilité en lieu et place de la logique de lutte et de revendication qui a dominé les rapports sociaux la majeure partie du XXème siècle.

Il faut dire que le contexte économique, national et mondial, a beaucoup évolué, mettant fin à la « crémaillère sociale » pour établir désormais le dialogue social sur la base du donnant-donnant. Dès la loi Auroux du 13 novembre 1982, qui, la première, dans un système reposant sur le principe de faveur et l’ordre public social, reconnaît la possibilité de dérogations permettant ainsi le développement de la négociation d’entreprise, cette tendance est à l’œuvre. Dans un contexte économique de plus en plus mouvant, où la flexibilité est désormais le maître mot, les entreprises ont plus que jamais besoin de « sur-mesure » : le modèle taille unique ne va plus à personne.

Il est donc temps de s’attaquer aux derniers vestiges du passé afin que notre démocratie sociale franchisse une nouvelle étape : les critères de représentativité des syndicats et la présomption irréfragable ; les conditions de validité des accords ; les conditions de la négociation collective dans l’entreprise.

Les partenaires sociaux y sont prêts, puisqu’ils ont signé la position commune du 9 avril 2008 en ce sens. Des acteurs plus légitimes, des accords reconnus, des décisions prises au plus près du terrain, au plus près des besoins : voilà ce que propose le projet de loi sur la démocratie sociale et le temps de travail.

A.– REDONNER AUX ACTEURS DU DIALOGUE SOCIAL UNE NOUVELLE LÉGITIMITÉ

LE SYNDICALISME EN FRANCE

1. Etat des lieux

Des effectifs en déclin

Ainsi que l’a rappelé R. Hadas-Lebel dans son rapport intitulé « Pour un dialogue social efficace et légitime : représentativité et financement des organisations professionnelles et syndicales », « les données récentes confirment la faiblesse du taux de syndicalisation français, situé aux alentours de 8 % au total et de 5 % dans le secteur privé. Ce taux de syndicalisation a quasiment été divisé par deux en 25 ans, même si la tendance est à la stabilisation depuis une dizaine d’années. En 2003, 1,8 million de salariés déclarent être affiliés à un syndicat. Ces chiffres placent la France au 30ème et dernier rang des pays membres de l’OCDE. »

M. Dominique Andolfatto er M. Dominique Labbé, historiens du syndicalisme, qui ont été auditionnés par votre rapporteur, ont indiqué qu’ils avaient déterminé précisément les effectifs des principaux syndicats français en s’appuyant sur des données syndicales et sur les résultats des élections professionnelles.

 

Total des adhérents

CGT

540 000

CFDT

450 000

FO

310 000

UNSA

130 000

FSU

120 000

CFTC

110 000 

CGC

90 000

SUD

80 000

Divers non confédérés

50 000

Source : Dominique Andolfatto et Dominique Labbé, Les syndiqués en France, Liaisons, 2007

Ainsi que l’ont indiqué ces deux chercheurs, les syndiqués français sont plutôt des hommes relativement âgés ; six sur dix travaillent dans l’une des trois fonctions publiques ou dans une grande entreprise nationale alors que ces secteurs représentent moins de trois emplois salariés sur dix. Le renouvellement est très lent et la proportion de jeunes adhérents ne cesse de se réduire.

Jusqu’au milieu des années 1980, le syndicalisme français reposait sur des milliers de sections d’entreprise et de syndicats locaux vivants. Ces cellules ont, selon les mêmes chercheurs, disparu, ou sont en léthargie. Ainsi, le cumul systématique des mandats de délégués syndical et du personnel a abouti à la disparition des délégués du personnel qui assuraient la défense individuelle des adhérents et les fonctions syndicales de base. Ces chercheurs estiment en outre que l’ensemble des aides fournies aux syndicats par les entreprises et les pouvoirs publics (cf. infra la question du financement) permettent aux syndicats de fonctionner avec très peu de cotisations et donc d’adhérents.

La représentativité : un régime ancien et duel

Le rapport Hadas-Lebel rappelle que le régime actuel de la représentativité s’est cristallisé peu après la seconde guerre mondiale. Il est caractérisé, du côté syndical, par la distinction entre les organisations les plus représentatives, désignées par une décision du ministre chargé du travail qui bénéficient d’une présomption irréfragable de représentativité, et les autres organisations, qui s’inscrivent dans un régime de représentativité prouvée sur la base de critères (effectifs, indépendance, cotisations, expérience, ancienneté, audience).

Une organisation syndicale reconnue comme représentative dispose de prérogatives importantes : au niveau national interprofessionnel, elles sont liées à la négociation des accords collectifs, à l’appartenance à un certain nombre d’instances consultatives, à la participation à la définition et à la gestion du régime d’assurance chômage, des caisses de sécurité sociale, des régimes complémentaires de retraite et des organismes collecteurs du secteur de la formation professionnelle et à l’octroi d’aides financières de l’État et des collectivités territoriales. Au niveau de la branche professionnelle, elles tiennent essentiellement à la possibilité de négocier des conventions et accords collectifs. Au niveau de l’entreprise ou de l’établissement, la représentativité a des conséquences en termes de droit syndical, de négociation d’un accord d’entreprise et de présentation des candidats à l’élection des représentants du personnel.

Légitimité et représentativité selon le Conseil d’analyse stratégique (1)

Le CAS estime que le nombre d’adhérents ne peut résumer la question de la présence syndicale et donc de la légitimité des organisations à intervenir en qualité de représentants. Depuis la fin des années 1990, la stagnation autour de 8 % du taux de syndicalisation n’est pas contradictoire avec le développement de l’implantation syndicale dans les entreprises.

La négociation collective et la validité des accords collectifs : une interaction avec la loi

Le rapport Hadas Lebel souligne que si la loi reste la source essentielle du droit social et du droit du travail, les interactions entre la loi et la négociation collective sont permanentes. La loi du 4 mai 2004 a ainsi prévu la possibilité pour des accords collectifs de déroger aux normes de niveau supérieur. Cette loi a en outre consacré le principe majoritaire comme condition de validité des accords. Le rapport rappelle également que selon les cas et les niveaux de négociation, le principe majoritaire se décline selon des modalités complexes sous la forme d’une majorité positive, dite d’engagement, ou d’un droit d’opposition majoritaire, soit en nombre d’organisations, soit en nombre de voix.

(1) In la note de veille, n° 99, mai 2008.

La négociation collective dans les PME : une faible représentation des salariés

Ainsi que le rappelle le rapport précité, les PME se caractérisent par une faible représentation des salariés, qu’il s’agisse des institutions élues ou des délégués syndicaux désignés. La loi du 4 mai 2004 a instauré un cadre général se substituant aux dispositifs antérieurs, mais le recours aux formes de négociations atypiques reste enserré dans un cadre strict et peu d’accords de branche en ont actuellement ouvert la possibilité aux entreprises concernées.

Le financement des organisations syndicales : un système opaque

Ce domaine se caractérise par son opacité, liée notamment à l’absence d’obligation de publication de leurs comptes par les organisations syndicales, à l’émiettement des ressources publiques et parapubliques concernées et à la complexité des structures syndicales.

Les cotisations des adhérents constituent la ressource naturelle des organisations syndicales. Elles constituent, selon les organisations, entre 15 et 60 % du total de leurs ressources. Les autres ressources propres des syndicats sont réduites. Les organisations syndicales sont ensuite rémunérées pour les missions d’intérêt général qu’elles accomplissent en participant à la gestion des organismes paritaires, comme les organismes de sécurité sociale et les organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle. S’agissant de la participation des entreprises au fonctionnement des syndicats, elle se fait le plus souvent sous forme de mises à disposition de personnel. Les pouvoirs publics accordent des subventions aux syndicats actifs dans le secteur privé, et en temps qu’employeurs, ils apportent des aides aux syndicats dans la fonction publique. Enfin, les syndicats bénéficient d’aides fiscales.

2. Propositions formulées dans le rapport Hadas-Lebel

a. en matière de représentativité des organisations professionnelles et syndicales

Le rapport préconise deux scénarios alternatifs :

- un scénario d’adaptation de l’existant fondé sur une présomption irréfragable de représentativité qui demeurerait pour les syndicats affiliés aux confédérations reconnues représentatives par le gouvernement, avec des possibilités d’aménagement (révision périodique de la liste des organisations représentatives, mise à jour des critères de représentativité définis par le code du travail, clarification des prérogatives attachées à la qualité d’organisation syndicale représentative, facilitation des procédures de reconnaissance de la représentativité, dans la branche et dans l’entreprise, pour les syndicats ne bénéficiant pas de la présomption irréfragable) ;

- un scénario de transformation, s’appuyant sur une évolution vers une représentativité par le vote.

Le point de vue du Conseil d’analyse stratégique

Il souligne le rôle de la démocratie politique représentative comme modèle d’organisation des relations sociales et souligne que l’élection a toujours été considérée comme le juge final de la représentativité des organisations syndicales et patronales. La diffusion de techniques de la démocratie politique représentative dans la démocratie sociale est, selon le CAS, évidente dans la position commune du 9 avril 2008.

b. en matière de négociation collective et de validité des accords

- Le scénario d’adaptation propose notamment de prévoir qu’un accord serait valide dès lors que les syndicats s’engageant en faveur du texte pèseraient plus en termes de représentativité élective que les syndicats s’engageant contre le texte ;

- Le scénario de transformation consisterait en un système de majorité d’engagement.

c. La négociation collective dans les PME

- Le scénario d’adaptation proposé consiste entre autres à supprimer la condition d’un accord de branche préalable, pour la conclusion d’accords avec des salariés élus ou mandatés. Il est également proposé d’assouplir les conditions de validation ex post des accords conclus avec les élus. Le recours au mandatement pourrait également être laissé à l’appréciation des interlocuteurs sociaux dans l’entreprise, sans qu’il soit soumis à la condition de l’absence d’élus du personnel en son sein ;

- Le scénario de transformation préconise que pour les entreprises de moins de 200 salariés, il pourrait être créé une instance unique de dialogue et de négociation : cette instance regrouperait les fonctions des délégués du personnel, membres du comité d’entreprise et délégués syndicaux.

d. Le financement des organisations syndicales

Ainsi que le souligne le rapport Hadas Lebel, « le financement des organisations syndicales en France est marqué par quatre grandes spécificités, liées à la faiblesse des cotisations, à l’insécurité juridique pesant sur les ressources des organisations syndicales, au fait que les financements publics et parapublics ne prennent que faiblement en compte le critère de l’audience, et enfin à la grande prudence des organisations syndicales en matière de communication et de transparence financières ».

- Le scénario d’adaptation préconise des mesures de sécurisations : concernant les cotisations, le rapport propose l’extension de la technique du chèque syndical. S’agissant des financements publics et parapublics, il serait possible d’assurer une plus grande transparence des interventions de l’État employeur, et de mieux encadrer la mise à disposition de salariés du secteur privé auprès des organisations syndicales, tout en confortant le financement du congé de formation économique, sociale et syndicale. Enfin, pourraient être publiés les comptes annuels des confédérations syndicales, des fédérations, et des unions régionales et départementales.

- Le scénario de transformation vise à renforcer la place de l’adhérent et de l’audience dans le système de financement des syndicats. Il serait possible d’augmenter l’avantage fiscal ou de le remplacer par un crédit d’impôt profitant ainsi tant aux adhérents imposables que non imposables. S’agissant des financements publics et para-publics, il est proposé la mise en place d’un financement limité en contrepartie des missions d’intérêt général assurées par les confédérations syndicales.

1. L’évolution des critères de représentativité

Ainsi que le souligne la position commune du 9 avril 2008, l’évolution des critères de représentativité repose sur la nécessité de « tenir compte des évolutions intervenues depuis leur institution par la loi du 11 février 1950, d’une part » et celle de « renforcer la légitimité des accords signés par les organisations syndicales de salariés dans le cadre de l’élargissement du rôle attribué à la négociation collective, d’autre part ».

C’est ainsi que les signataires de la position commune ont proposé une liste de sept critères se substituant aux critères actuels (effectifs, transparence financière, indépendance, respect des valeurs républicaines, influence, ancienneté, et audience). Cette liste est reprise à l’article 1er du projet de loi. Deux de ces critères voient leurs modalités d’appréciation définies par le texte : il s’agit de l’audience, d’une part (article 2), et de la transparence financière, d’autre part (article 8).

De fait, la véritable rupture de cette position commune, que reprend le projet de loi, concerne la mesure de l’audience, qui concernera désormais toutes les organisations syndicales.

2. Une nouvelle mesure de l’audience

Le projet de loi supprime la notion de représentativité irréfragablement présumée, puisque l’audience s’appréciera désormais, pour toutes les organisations syndicales, en fonction du résultat obtenu aux élections au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel, dans les entreprises où de telles élections sont organisées.

Cette évolution marque une rupture dans l’histoire du syndicalisme. La démocratie sociale se cale ainsi sur le modèle de notre démocratie politique, dans un souci de renforcement de la légitimité des partenaires sociaux. Ainsi que le souligne le Conseil d’analyse stratégique (6), « lorsqu’on s’intéresse à la question de la représentation au sein de la démocratie sociale, on observe un mouvement tendant à repenser celle-ci à l’aune de certains critères propres à la démocratie politique représentative telle qu’elle s’est consolidée au cours du XXème siècle en France. (…) Le trait le plus saillant de ce jeu de miroir entre démocratie sociale et démocratie politique réside certainement dans le rôle croissant que la première accorde à l’élection. (…)L’élection (et l’audience électorale qui en découle) a été érigée en principale instance de légitimation des acteurs et en facteur constitutif de la représentativité, comme dans le champ politique. »

3. La consécration du pluralisme syndical

Non seulement la légitimité des organisations syndicales considérées comme représentative se voit renforcée, mais en outre, le projet de loi consacre le pluralisme syndical, en créant à l’article 2 un Haut conseil du dialogue social, comprenant l’ensemble des organisations syndicales, et non seulement les syndicats représentatifs. Cette instance aura vocation à accompagner cette rupture fondamentale dans l’histoire du dialogue social dans notre pays.

En outre, en vertu de l’article 5 du projet de loi, tout syndicat légalement constitué depuis deux ans, qui remplit les critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, pourra créer une section syndicale, et désigner un représentant de cette section. Désigné dans l’attente des élections professionnelles, le représentant de la section syndicale pourra exercer les fonctions dévolues à la section, sans pouvoir négocier ni conclure d’accords.

4. Une ouverture plus large au premier tour des élections professionnelles

Ainsi que le souligne la position commune du 9 avril 2008, « l’introduction d’un critère d’audience parmi les critères de représentativité, fondé sur les résultats des élections au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel, ou, à défaut, des délégués du personnel, appelle une actualisation du mode de scrutin qui tienne compte du respect de la liberté de choix des électeurs et de la nécessité de simplifier le dispositif ».

L’article 3 du projet de loi reprend cette philosophie en ouvrant plus largement le premier tour des élections professionnelles à des syndicats légalement constitués. La négociation du protocole préélectoral et la participation au premier tour des élections professionnelles seront en effet ouvertes à toute organisation syndicale légalement constituée depuis deux ans, qui remplit les critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance.

5. De nouvelles règles de désignation du délégué syndical

Le projet de loi propose également de nouvelles règles de désignation du délégué syndical (article 4) : celui-ci pourra être désigné par un syndicat représentatif dans toute entreprise ou établissement de plus de cinquante salariés, parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles.

B.– RENDRE À LA NÉGOCIATION COLLECTIVE SON RÔLE PREMIER EN MATIÈRE DE RÉGULATION SOCIALE

Si la négociation collective doit désormais occuper une place prépondérante dans notre système de relations sociales, elle doit clairement reposer sur le fait majoritaire et se développer au niveau le plus pertinent qui est celui des entreprises, notamment des plus petites.

Le droit actuel de la négociation collective est le résultat d’une évolution de la réglementation sur plus d’un siècle. Il reposait jusque là sur trois textes essentiels. Tout d’abord, la loi du 11 février 1950, qui reconnaît les accords d’établissement et élargit les domaines d’intervention de la négociation au delà des secteurs du commerce et de l’industrie. La loi du 13 juillet 1971 crée ensuite le droit à la négociation et donne à l’accord d’entreprise la nature de convention collective. Partant du constat d’un certain essoufflement, la loi du 13 novembre 1982 dite « loi Auroux » introduit l’obligation de négocier au niveau de la branche et de l’entreprise et la possibilité de conclure des conventions et accords dérogeant à des dispositions législatives et réglementaires (le domaine de cette dérogation étant strictement encadré par la loi).

Sous l’impulsion de ces textes, la place du droit conventionnel dans le droit du travail n’a cessé de s’étendre pour concerner la quasi-totalité des salariés. En 1972, 75 % des salariés employés dans des établissements de plus de dix salariés étaient couverts par une convention collective. Le taux a grimpé à 90,4 % en 1982, pour atteindre 96,7 % en 1997. Il reste que, malgré ces améliorations, la couverture conventionnelle demeure encore inégale selon les secteurs et la taille des établissements.

Ce système de négociation s’est trouvé progressivement inadapté à la situation économique et sociale actuelle.

1. Une nouvelle avancée vers un mode de conclusion majoritaire des accords

Le projet de loi approfondit la voie tracée par la loi du 4 mai 2004, voie qui conduit logiquement à poser le principe des accords majoritaires. La nouvelle légitimité issue de l’élection dont disposeront à l’avenir les syndicats représentatifs, quel que soit le niveau de négociation, rend en effet possible à terme d’imposer le fait majoritaire – principe selon lequel la validité des accords est soumise à leur signature par des organisations syndicales majoritaires, ou, à défaut, par l’absence d’opposition de la part de celles-ci soit en nombre d’organisations, soit en voix.

Dans l’attente, l’article 6 du projet de loi prévoit une nouvelle règle de validité des accords : pour être valablement reconnus, ceux-ci devront avoir été signé par des syndicats ayant recueilli au moins 30 % des suffrages, lors de la mesure de l’audience, et ne pas faire l’objet de l’opposition des syndicats ayant recueilli la majorité des suffrages.

2. Des dispositions concrètes pour favoriser la négociation collective dans les entreprises

L’article 7 ouvre la possibilité de négocier avec des élus du personnel, ou, à défaut, un salarié mandaté, à toutes les entreprises de moins de deux cents salariés dépourvues de délégué syndical à compter du 31 décembre 2009.

L’article 8 pose des règles claires en matière de transparence financière des organisations syndicales et rend possible le financement du dialogue social, répondant en cela à un vrai besoin dans les très petites entreprises, notamment dans l’artisanat.

II.— REMETTRE L’ENTREPRISE AU CœUR DU DIALOGUE SOCIAL : NÉGOCIER SUR LE TEMPS DE TRAVAIL

Tout d’abord, donner aux entreprises les moyens de négocier, ensuite leur ouvrir des champs de négociation : telle est la méthode de ce projet de loi qui, logiquement, après avoir donné aux entreprises les moyens de développer le dialogue social en leur sein, leur offre un sujet majeur de négociation : l’organisation du temps de travail. Ce sujet n’a pas été choisi au hasard : après l’expérience hasardeuse des 35 heures, il était temps de redonner du champ à la négociation collective dans le domaine du temps de travail. C’est aujourd’hui à la fois une nécessité économique, un moyen efficace de renforcer le dialogue social dans les entreprises et une œuvre de simplification du droit du travail.

A.– UNE NÉCESSITÉ ÉCONOMIQUE : AGIR SUR LA DURÉE ET LES HORAIRES DE TRAVAIL

1. Favoriser la croissance française

Les études économiques sont toutes formelles : si l’on souhaite accroître la croissance potentielle de la France, il convient d’agir avant tout sur la mobilisation de la population en âge de travailler en augmentant à la fois le taux d’emploi et la durée du travail. Pour ce faire, des réformes du marché du travail – notamment afin d’accroître l’emploi des seniors – sont nécessaires, mais ce n’est pas là le seul levier de croissance dont nous disposons. A cet égard, les économistes du Conseil d’analyse économique (CAE), Philippe Aghion, Gilbert Cette, Elie Cohen et Jean Pisani Ferry, estiment que de nombreuses dispositions de nature réglementaire, fiscale ou sociale continuent à brider l’offre de travail, sans que les justifications avancées à leur appui soient convaincantes (7). C’est notamment le cas de la législation sur la durée du travail dont de nombreux travaux (8) ont démontré que son extrême rigidité et sa complexité impliquaient un coût pour les entreprises et en particulier pour les PME, car peu d’entre elles connaissent et recourent aux différentes formes de flexibilisation introduites dans le droit de la durée du travail après 2002. Pour les auteurs, il est donc indispensable de favoriser la simplification du droit de la durée du travail, dans deux domaines au moins : celui des durées maximales du travail, celles-ci apparaissant inutiles au regard des limites déjà inscrites dans le droit européen, et celui du traitement des heures supplémentaires. Sur ce dernier point, le CAE considère que les règles du repos compensateur et des contingents d’heures supplémentaires ajoutent en effet inutilement une « complexité inouïe » à celles des majorations salariales de ces heures et à celles des durées maximales.

Déjà, dans leur rapport d’août 2007, Artus, Cahuc et Zylberberg (9) soulignaient la nécessité de recentrer notre législation de la durée du travail sur ses objectifs originels (10), préconisant une simplification drastique de la réglementation de la durée du travail et des heures supplémentaires et une activation en parallèle de la négociation collective. La loi se contenterait ainsi de définir la durée maximale du travail et des périodes pendant lesquelles le travail est autorisé ou limité. Cela implique, pour les auteurs, que la durée à partir de laquelle des heures supplémentaires sont payées, les contingents d’heures supplémentaires, les taux de majoration des heures supplémentaires et les repos compensateurs relèvent de la compétence exclusive de la négociation collective.

Par ailleurs, ils recommandent d’accompagner la fixation de la durée légale du travail, dans la mesure où celle-ci est conservée, d’un taux unique de majoration des heures supplémentaires, susceptible d’être modifié et modulé par des accords collectifs, et de supprimer le contingent réglementaire d’heures supplémentaires, qui « ne se justifie, ni par un objectif de protection de la santé des travailleurs, ni par le souci d’empêcher leur surexploitation ». Economiquement et juridiquement, le contingent actuel d’heures supplémentaires, qui autorise une durée hebdomadaire moyenne annuelle maximale de 39,7 heures, ne se justifie donc absolument pas. Il en va de même du repos compensateur obligatoire : celui-ci n’est pas justifié dès lors que l’on a défini une législation sur la durée maximale du travail. Ainsi, aujourd’hui, le repos compensateur obligatoire fait double emploi.

Réglementer le temps de travail : pour quoi faire ?

A force d’ajouter des règles aux règles et de rendre de plus en plus complexes la législation du travail en tentant d’adapter les dispositions législatives existantes à chaque cas particulier, on perd de vue l’essence même de la signification de la durée légale du travail effectif.

En effet, si l’on se réfère aux études existantes, « l’intérêt de définir une durée légale du travail, valable sur tout le territoire national, n’est pas établi sur le plan économique » comme le constatent Artus, Cahus et Zylberberg dans leur rapport au Conseil d’analyse économique « Temps de travail, revenu et emploi » (30 août 2007). Ils ajoutent cependant que, « du point de vue plus général des principes de vie en société, la définition d’une durée légale peut se justifier, car elle constitue un seuil de coordination sur une durée de travail à temps plein jugée ‘normale’. La durée légale du travail peut donc faire office de norme ou de référence. ». En effet, telle est bien là une des fonctions de la durée légale du travail et la forte convergence de la durée effective du travail en France vers la durée légale illustre bien la fonction de norme sociale de cette dernière.

Aghion, Cette, Cohen et Pisani Ferry soulignent d’ailleurs dans leur étude que, réduite à son rôle de seuil de déclenchement des majorations d’heures supplémentaires, la durée légale du travail n’est pas un frein à l’emploi. Et de citer l’exemple des États-Unis, qui connaît fréquemment des situations de plein emploi, et où le Fair Labor Standards Act a fixé dès 1938 à 40 heures hebdomadaires la durée légale du travail, avec un seuil de majoration salariale de 50 % pour les heures effectuées au-delà de cette durée.

Mais le rôle majeur que doit tenir la législation sur le temps de travail, c’est avant tout celui de protection des salariés, qui constitue par ailleurs son fondement historique. Rappelons en effet qu’à la fin du XVIIIe siècle, les employeurs, qui avaient acquis, grâce aux lois d’Allarde et le Chapelier (1791), la possibilité de fixer la durée du travail, ont accru les horaires et employé des enfants de plus en plus jeunes en supprimant les contraintes imposées auparavant par les corporations. Cette situation fut ensuite dénoncée par le docteur Villermé, à l’origine de la loi sur le travail des enfants dans les manufactures qui, en 1841, limita l'âge d'admission dans les entreprises de plus de 20 salariés à 8 ans. Longtemps, le temps de travail resta l’enjeu de luttes sociales récurrentes, ce qui est compréhensible quand on sait qu’au début du XIXe siècle, le temps de présence des ouvriers sur leur lieu de travail était de l’ordre de 4 500 heures par an (soit 15 à 16 heures par jour, 6 jours par semaine).

A cet égard, le maintien d’une législation protectrice, fixant des durées maximales d’heures travaillées, se justifie pleinement. Il convient toutefois d’être vigilant : la durée maximale du travail doit protéger les salariés qui pourraient être menacés par le pouvoir excessif de certains employeurs, mais en même temps éviter de contraindre les salariés qui désirent travailler longtemps. Il y a donc là aussi matière à compromis.

2. Pallier les conséquences négatives des 35 heures

« Soyons clairs : à l’heure actuelle, aucune étude sérieuse n’a pu montrer qu’une réduction de la durée du travail se traduisait par des créations d’emplois » (11). Les conclusions des études économiques sur la réduction du temps de travail sont catégoriques : le partage du travail en vue de créer de l’emploi est un non-sens économique. A cet égard, il est intéressant de constater que le passage aux 35 heures s’est accompagné d’un accroissement des heures supplémentaires et si les études empiriques indiquent que des emplois ont néanmoins été créés, elles suggèrent aussi que ces créations sont dues aux réductions de cotisations sociales sur les bas salaires et à l’introduction d’une flexibilité accrue de l’organisation du travail.

Au-delà de la seule question des 35 heures, il faut bien reconnaître qu’en France plus qu’ailleurs, l’État est intervenu de manière invasive pour définir les règles en matière de relations du travail, pensant pouvoir ainsi agir sur l’emploi. Artus, Cahuc et Zylberberg dénoncent cette « illusion récurrente : réglementer le temps de travail pour créer des emplois », qui justifie des modifications incessantes dans la législation applicable au temps de travail. La réglementation de la durée légale du travail et celle des heures supplémentaires a ainsi été constamment modifiées depuis 10 ans dans le but de créer des emplois. Parallèlement, la volonté de ne pas trop alourdir le coût du travail, notamment pour les petites entreprises, suivie à partir de 2002, de la nécessité de redonner aux salariés qui le souhaitent des marges de manœuvre pour travailler plus ont également suscité de nombreux changements de législation, complexifiant significativement la réglementation des heures supplémentaires.

On constate en outre que les procédures administratives liées à l’existence du contingent d’heures supplémentaires limitent l’usage des heures supplémentaires ou incitent à ne pas les déclarer (12). Les économistes estiment que ces freins bureaucratiques à l’usage des heures supplémentaires ne doivent pas être négligés. De même, beaucoup d’entreprises ne semblent pas utiliser les possibilités de dépassement du contingent ou d’aménagement du temps de travail existantes : si, en théorie, la négociation collective semble permettre des marges de manœuvre très importantes pour instaurer plus de flexibilité, force est de constater qu’en pratique, le nombre d’accords est limité (13).

Les salariés sont d’ailleurs conscients des limites du passage aux 35 heures : selon un récent sondage Ifop réalisé pour le Figaro magazine (14), ceux-ci font en effet clairement la part des choses entre la satisfaction personnelle qu’ils tirent de la réduction de leur temps de travail et le jugement critique qu’ils portent sur les conséquences macroéconomiques de la réduction du temps de travail. Ainsi, 52 % d’entre eux estiment que les 35 heures ont eu un impact négatif sur la compétitivité des entreprises et 69 % éprouvent le sentiment qu’elles ont eu des conséquences négatives sur le niveau des salaires en France. Plus intéressant encore, 63 % des personnes interrogées disent qu’elles préfèreraient gagner plus mais avoir moins de temps libre, cette proportion atteignant 73 % chez les ouvriers. Ainsi, 82 % des salariés déclarent vouloir faire des heures supplémentaires défiscalisées, mécanisme instauré par la loi « TEPA » du 27 août 2007 et auquel de plus en plus d’entreprises françaises ont recours (15).

B.– UNE VRAIE LÉGITIMITÉ À ORGANISER DIRECTEMENT LE TEMPS DE TRAVAIL DANS L’ENTREPRISE

Depuis le passage aux 35 heures, l’organisation du temps de travail est devenue à la fois une priorité et une gageure pour les entreprises. Avec le renforcement de la concurrence liée à la mondialisation de l’économie et au développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, celles-ci doivent s’adapter à la demande avec encore plus de souplesse et de rapidité. La flexibilité est donc devenue le maître mot.

Dans ce contexte, vouloir imposer un modèle unique de durée et d’organisation du travail est contre-productif : la souplesse dont ont besoin les entreprises passent par le traitement à leur niveau des difficultés auxquelles elles sont confrontées, en collaboration avec leurs salariés qui, aujourd’hui, sont de plus en plus impliquées dans les décisions et les orientations fondamentales prises par leurs entreprises, notamment dans les PME.

En bref, cette évolution n’attendait plus qu’une consécration juridique de la primauté de la négociation d’entreprise : c’est chose faite avec le présent projet de loi.

Tout comme dans la première partie du projet de loi la légitimité des acteurs sociaux se mesure dans l’entreprise, c’est dans l’entreprise que se décidera désormais la règle en matière d’organisation du temps de travail. Et c’est heureux ! Cela prouve que cette organisation sera désormais le fruit d’un dialogue entre salariés et employeurs au sein même des entreprises et le résultat d’un diagnostic partagé et d’une vision commune de l’entreprise et de ses besoins. Comme l’indiquait la position commune du 16 juillet 2001, « la négociation d’entreprise permet de trouver et de mettre en œuvre des solutions prenant directement en compte les caractéristiques et les besoins de chaque entreprise et de ses salariés ». Voilà comment l’entreprise se retrouvera au cœur du dialogue social !

A ceux qui seraient tentés d’invoquer le principe de faveur, il faut rappeler que la première entorse à ce principe a été le fait de la loi Auroux du 13 novembre 1982 qui, déjà sur la question du temps de travail, avait pour la première fois introduit la possibilité pour un accord d’entreprise de déroger à un accord de niveau supérieur. Cette évolution s’est renforcée avec le passage aux 35 heures et les nouvelles possibilités d’aménagement du temps de travail offertes aux entreprises en contrepartie. Enfin, elle a récemment franchi un cap supplémentaire avec la loi du 4 mai 2004, qui, s’inspirant des solutions préconisées par les partenaires sociaux dans la position commune du 16 juillet 2001, a institué de nouvelles marges d’autonomie dans les rapports entre les accords d’entreprise et les accords de branche ou interprofessionnels, renforçant ainsi la place des premiers. Cette loi permet, d’une part, de déroger au principe de faveur à la condition que les partenaires sociaux ne l’aient pas expressément interdit au niveau interprofessionnel et étend le champ de la négociation d’entreprise à la majeure partie des dispositions susceptibles d’être négociées au niveau de la branche (16).

Or, comme l’indique fort justement M. Jacques Barthélémy, éminent spécialiste du droit du travail, aujourd’hui « le temps de travail est le terrain par excellence de la technique de dérogation qui permet d’écarter la loi au profit du contrat collectif, et donc d’adapter les normes au contexte de chaque entreprise ». Il est désormais temps que la dérogation devienne la norme et que les entreprises puissent décider du régime qui leur convient le mieux, en partenariat avec leurs salariés.

C.– UNE SIMPLIFICATION ATTENDUE DES MÉCANISMES EXISTANTS

Les dispositions du titre II du projet de loi repose sur trois lignes de force :

– redonner aux entreprises les moyens de négocier sur le temps de travail et donc renvoyer largement l’application de la loi à des accords collectifs d’entreprise ou d’établissement, ou, à défaut uniquement, à des accords de branche, mais également de donner la possibilité aux salariés qui le souhaitent de s’accorder avec l’employeur pour aller au-delà ;

– de limiter au strict nécessaire le contenu des dispositions législatives du code du travail et donc d’uniformiser et de rationaliser les dispositions existantes et de supprimer les clauses obligatoires contraignantes et les formalités administratives superflues attachées à ces dispositions ;

– de garantir aux salariés des contreparties « sonnantes et trébuchantes » pour reprendre l’expression employée par le Président de la République en assurant non seulement une rémunération majorée pour les heures et les jours effectués en plus mais également des avantages sociaux et fiscaux afin que ces évolutions connaissent une traduction concrète immédiate pour le pouvoir d’achat des salariés.

Dans cette optique, la deuxième partie du projet de loi correspond parfaitement aux engagements du Président de la République et s’inscrit dans la suite logique des divers aménagements proposés depuis 2002 afin de pallier les conséquences négatives des 35 heures, qui avait notamment été bien identifiées par la mission d’information commune sur l’évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail présidé par Patrick Ollier, avec pour rapporteur Hervé Novelli. A cet égard, le texte constitue en quelque sorte un prolongement du dispositif des heures choisies instaurées par la loi du 31 mars 2005, adoptée à l’initiative du président et du rapporteur de la mission d’information, qui permettait déjà de dépasser le contingent annuel d’heures supplémentaires sans solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail tout en nécessitant un accord collectif et bien sûr un accord entre l’employeur et le salarié. Le projet de loi va évidemment plus loin :

– tout d’abord, dans son article 16, avec la suppression du contingent légal d’heures supplémentaires et le renvoi à un accord d’entreprise ou, à défaut, de branche pour fixer un contingent conventionnel. Est également renvoyée à la négociation la détermination des conditions de dépassement du contingent et les contreparties obligatoires en temps de repos. De la sorte, le projet de loi supprime l’obligation d’informer l’inspecteur du travail pour effectuer des heures supplémentaires sous contingent et celle d’obtenir son autorisation pour effectuer des heures au-delà du contingent, contraintes administratives qui constituaient un frein majeur au développement des heures supplémentaires. L’article pérennise en outre le dispositif issu de la loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat sur la monétisation du repos compensateur de remplacement ;

– ensuite, l’article 17 modifie le régime des conventions annuelles de forfait en heures et en jours, en renvoyant là aussi à un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, de branche pour déterminer les conditions de recours aux conventions individuelles de forfait. Pour les forfaits en jours, il reprend par ailleurs, là aussi, de manière pérenne les dispositions prévues par la loi du 8 février 2008 permettant aux salariés qui le souhaitent de travailler au-delà de la durée annuelle, dans la limite d’un nombre maximal de jours, en contreparties d’une majoration salariale. Et pour les forfaits en heures, il élargit leurs champs d’application à l’ensemble des salariés réellement autonomes tout en supprimant les possibilités de dérogation aux durées maximales de travail ;

– enfin, l’article 18 constitue une mesure de simplification importante en créant un nouveau mode unique d’aménagement du temps de travail remplaçant les cinq modes existant qu’étaient : l’organisation en cycles, la modulation, le temps partiel modulé, les JRTT à l’année et les JRTT sur quatre semaines, en renvoyant là aussi à un accord d’entreprise ou, à défaut, de branche ;

– quant à l’article 19, il permet l’application aux nouveaux dispositifs mis en place concernant le rachat du repos compensateur de remplacement et de jours de repos dans le cadre de forfaits en jour des exonérations sociales et fiscales prévues par les lois du 27 août 2007 et du 8 février 2008 en faveur du pouvoir d’achat, tout en garantissant l’application de ceux-ci aux dispositions préalablement en vigueur jusqu’au 31 décembre 2009 ; l’article 20 étant un article de coordination.

On le voit, contrairement à ce qui a pu être dit, le projet de loi ne remet nullement pas en cause la durée légale du travail ou les durées maximales autorisées mais apportent plus de souplesse et de simplicité dans la mise en œuvre des heures supplémentaires, des conventions de forfait et de l’aménagement du temps de travail, afin que celui-ci puisse correspondre réellement aux besoins. A cet égard, les Français sont lucides qui, tout en plébiscitant les 35 heures comme une avancée sociale, considèrent néanmoins qu’elles ont représenté un frein à la compétitivité des entreprises et à la hausse des salaires.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du 25 juin 2008, la Commission a procédé à l’examen pour avis, sur le rapport pour avis de M. Jean-Paul Anciaux, du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (n° 969).

Le Président Serge Poignant a rappelé la volonté constante du Président Ollier d’impliquer la Commission des affaires économiques sur les textes concernant l’emploi et le droit du travail. Ceux-ci constituent en effet le quotidien de nos entreprises et la Commission ne peut s’en désintéresser, a fortiori lorsqu’il s’agit de la réglementation du temps de travail et de ses effets sur l’économie. C’est pourquoi il était très important que la Commission se saisisse pour avis sur ce projet de loi, comme elle s’était saisie l’an passé sur le projet de loi relatif au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat.

A titre liminaire, M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis, a remercié le Président Ollier d’avoir fait en sorte que la commission des affaires économiques se saisisse pour avis du projet de loi relatif à la démocratie sociale et au temps de travail et a salué la présence du rapporteur au fond, M. Jean-Frédéric Poisson.

Le projet de loi est en grande partie issue de la position commune du 9 avril 2008 qui elle-même constitue la réponse des partenaires sociaux à la commande du gouvernement formulée le 18 juin 2007 et précisée le 26 décembre de la même année. Il s’agit là d’une méthode de travail désormais bien rodée qui, depuis sa conception dans la position commune de 2001 et sa reconnaissance dans l’exposé des motifs de la loi du 4 mai 2004, a été consacrée par la loi du 31 janvier 2007 sur la modernisation du dialogue social. Toutefois, le système mis en place n’exclut absolument pas que le gouvernement propose au Parlement de légiférer en matière de droit social et de droit du travail sur des thèmes abordés par les partenaires sociaux : cette méthode n’a pas pour effet de priver le Parlement de son rôle de législateur pour le cantonner à un rôle de greffier.

Le projet de loi fera date dans l’histoire des relations sociales de notre pays comme celui qui, le premier, aura fait évoluer les règles de la représentativité syndicale, figées depuis 1950, ainsi que les conditions de validité des accords et aura permis de développer la négociation collective dans les entreprises. Il contribue en effet à approfondir la réforme du dialogue social, à l’œuvre depuis 2002, en redonnant une nouvelle légitimé aux acteurs sociaux, légitimité fondée démocratiquement car reposant avant tout sur l’expression des salariés. C’est d’ailleurs du lieu même de l’expression des salariés, leur entreprise, que procédera désormais cette nouvelle légitimité, car c’est bien dans l’entreprise qu’elle aura en premier lieu vocation à s’appliquer. Poursuivant en quelque sorte la voie tracée dans la loi du 4 mai 2004 qui avait permis aux accords d’entreprise de déroger aux accords de branche, le projet de loi bouleverse l’ordre établi depuis des décennies en donnant directement aux salariés et aux employeurs les clés de la négociation. C’est la raison pour laquelle ce projet de loi constitue également une avancée majeure dans le renforcement de la participation effective des salariés dans leur entreprise, dans leur association à sa bonne marche et finalement à son destin. En cela, il répond parfaitement aux aspirations des Français qui réclament d’être plus et mieux impliqués dans les décisions qui les concernent au niveau de leur entreprise. Les Français ont compris que le sort de l’emploi et de la compétitivité de leur pays était intimement lié à la bonne santé de leurs entreprises et souhaitent contribuer à leur réussite. Contrairement à ce que certains voudraient faire croire, la valeur travail est loin d’avoir perdu son sens et le succès, désormais indéniable, du dispositif des heures supplémentaires mis en œuvre dans le cadre de la loi TEPA, tend à prouver que les intérêts des salariés et des entreprises se rejoignent dans ce domaine.

Il est donc logique que le gouvernement ait souhaité aller au bout de sa démarche, conformément à ce qu’il avait annoncé à plusieurs reprises : il ne pouvait en effet se contenter des timides avancées proposées dans le cadre de la position commune du 9 avril 2008 sur le temps de travail. Il répond ainsi directement aux besoins des entreprises et des salariés en leur permettant de travailler plus, afin, pour les entreprises, d’accroître leur compétitivité, et, pour les salariés, de gagner plus, et donc d’augmenter leur pouvoir d’achat. De ce point de vue, l’ambition du Président de la République et les intentions du gouvernement ont toujours été claires : si les partenaires sociaux n’ont pas souhaité négocier ou s’ils l’ont fait a minima, il est normal que le gouvernement et le Parlement reprennent la main. Par ailleurs, la seconde partie du projet de loi découle intrinsèquement de la première, puisqu’elle constitue une déclinaison de cette nouvelle liberté donnée aux acteurs sociaux de négocier dans l’entreprise. Enfin, le texte ne remet absolument pas en cause la durée légale du travail ou les durées maximales autorisées mais apportent plus de souplesse et de simplicité dans la mise en œuvre des heures supplémentaires, des conventions de forfait et de l’aménagement du temps de travail. A cet égard, les Français sont lucides qui, tout en plébiscitant les 35 heures comme une avancée sociale, considèrent néanmoins qu’elles ont représenté un frein à la compétitivité des entreprises et à la hausse des salaires.

Le rapporteur pour avis a ensuite détaillé les dispositions du projet de loi, soulignant tout d’abord que, dans sa première partie, celui-ci renforce la démocratie sociale en renvoyant largement à l’élection. Ainsi, l’article 1er pose les bases d’une nouvelle définition de la représentativité des syndicats ; il doit se lire en lien avec l’article 2. En effet, aux 7 nouveaux critères de représentativité – effectifs ; transparence financière ; indépendance ; respect des valeurs républicaines ; influence ; ancienneté et audience – s’ajouteront des seuils d’audience syndicale à obtenir, exprimés en pourcentages des résultats des élections professionnelles : 10 % au niveau de l’entreprise et du groupe, et 8 % au niveau de la branche et au niveau interprofessionnel. L’article 3 élargit pour sa part l’accès au premier tour des élections des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d’entreprise à tout syndicat légalement constitué. L’article 4 redéfinit les règles de désignation du délégué syndical, qui, pour être désigné par un syndicat représentatif dans toute entreprise de plus de 50 salariés, devra avoir recueilli 10 % des suffrages au 1er tour des élections professionnelles. L’article 5 prévoit enfin la possibilité pour tout syndicat légalement constitué depuis deux ans de créer une section syndicale et d’en désigner un représentant. Dans l’attente de la reconnaissance éventuelle de la représentativité de son syndicat, ce dernier pourra exercer les attributions dévolues à la section, mais ne pourra pas négocier.

La première partie du texte propose en outre un deuxième volet de mesures établissant de nouvelles règles de validité des accords collectifs qui visent à renforcer la négociation collective. Ainsi, l’article 6 prévoit que tout accord collectif, de quelque niveau qu’il soit, devra, pour être valide, avoir été signé par des syndicats ayant recueilli au moins 30 % des suffrages, et ne pas faire l’objet d’une opposition de la part de syndicats ayant recueilli la majorité des suffrages. C’est une nouvelle avancée en direction de la reconnaissance du fait majoritaire. Afin de développer la négociation dans l’entreprise, l’article 7 permettra en outre de négocier avec des élus du personnel ou un salarié mandaté, dans toutes les entreprises de moins de 200 salariés dépourvues de délégué syndical. Cette négociation sera encadrée et ne concernera que les mesures dont la législation subordonne la mise en œuvre à un accord collectif.

Troisième volet de cette première partie, l’article 8 pose des règles claires en matière de transparence financière des organisations syndicales et rend possible le financement du dialogue social, répondant en cela à un vrai besoin dans les très petites entreprises, notamment dans l’artisanat.

S’agissant de la deuxième partie du projet de loi qui concerne le temps de travail, le texte correspond aux engagements du Président de la République et fait suite aux divers aménagements proposés depuis 2002 afin de pallier les conséquences négatives des 35 heures, qui avait notamment été bien identifiées par la mission d’information commune sur l’évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail présidé par Patrick Ollier et dont le rapporteur fut Hervé Novelli. A cet égard, le projet de loi constitue en quelque sorte un prolongement du dispositif des heures choisies instaurées par la loi du 31 mars 2005, adoptée à l’initiative du président et du rapporteur de la mission d’information, qui permettait déjà de dépasser le contingent annuel d’heures supplémentaires sans solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail tout en nécessitant un accord collectif et bien sûr un accord entre l’employeur et le salarié. Le projet de loi va plus loin, tout d’abord, dans son article 16, avec la suppression du contingent légal d’heures supplémentaires et le renvoi à un accord d’entreprise ou, à défaut, de branche pour fixer un contingent conventionnel. Est également renvoyée à la négociation la détermination des conditions de dépassement du contingent et les contreparties obligatoires en temps de repos. De la sorte, le projet de loi supprime l’obligation d’informer l’inspecteur du travail pour effectuer des heures supplémentaires sous contingent et celle d’obtenir son autorisation pour effectuer des heures au-delà du contingent, ces contraintes administratives constituant un frein majeur au développement des heures supplémentaires. L’article 16 pérennise en outre le dispositif issu de la loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat sur la monétisation du repos compensateur de remplacement.

L’article 17 modifie le régime des conventions annuelles de forfait en heures et en jours, en renvoyant là aussi à un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, de branche pour déterminer les conditions de recours aux conventions individuelles de forfait. Pour les forfaits en jours, il reprend par ailleurs de manière pérenne les dispositions prévues par la loi du 8 février 2008 sur le nombre de jours de travail annuel (218 jours) et la majoration applicable en cas de dépassement, dans la limite du nombre maximum de jours travaillés fixés par l’accord (10 %). Pour les forfaits en heures, il élargit leurs champs d’application à l’ensemble des salariés réellement autonomes tout en supprimant les possibilités de dérogation aux durées maximales de travail.

Enfin, l’article 18 constitue une mesure de simplification importante en créant un nouveau mode d’aménagement unique du temps de travail remplaçant les 5 modes existant qu’étaient  l’organisation en cycles, la modulation, le temps partiel modulé, les JRTT à l’année et les JRTT sur quatre semaines et en renvoyant là aussi à un accord d’entreprise ou, à défaut, de branche.

En conclusion, le rapporteur pour avis a exprimé sa conviction selon laquelle le projet de loi ferait date dans l’évolution des relations sociales en France. Il permettra en effet de faire bouger les lignes et d’apporter un peu d’air frais dans un modèle social qui a besoin d’évoluer, car la société évolue : les conditions de travail évoluent, les relations au sein de l’entreprise évoluent, le syndicalisme évolue, passant d’une culture de conflit et d’avantages sociaux acquis par la lutte à une logique de négociation et de donnant-donnant. De ce point de vue, le projet de loi s’inscrit dans une continuité idéologique remontant à Jacques Chaban-Delmas et au projet de nouvelle société, dont l’objectif était de réussir à faire primer le contrat sur le règlement, la régulation collective sur la norme imposée. Il a ensuite invité la commission à émettre un avis favorable à l’adoption du projet de loi, sous réserve des amendements qu’il lui soumettra à titre personnel ou en concertation avec le rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. André Chassaigne a estimé en premier lieu que la possibilité offerte à la Commission des affaires économiques de se saisir pour avis du débat sur la rénovation de la démocratie sociale et la réforme du temps de travail était exceptionnelle et devait être utilisée. La dimension « démocratie sociale » du projet de loi apparaît comme la transposition d’une position commune approuvée par les deux principales organisations de salariés sur les conditions de la représentativité syndicale ; un principe nouveau se trouve, par ailleurs, consacré, celui de la prise en compte des résultats aux élections professionnelles et non plus prud’homales, pour mesurer la représentativité des syndicats. Mais sont exclus de ces dispositions, les entreprises de moins de dix salariés, fréquentes en territoire rural, celles qui ne comptent pas de représentants syndicaux et les demandeurs d’emploi. Le seuil de 10 % retenu, qui paraît justifié dans les petites entreprises, semble trop élevé dans les grandes entreprises, pour préserver un certain pluralisme syndical. Il faut noter également la possibilité prévue dans le projet de loi de négociations intervenant dans les entreprises de moins de 200 salariés dépourvues de délégués syndicaux par le biais de salariés mandatés : un risque existe qu’interviennent alors des décisions sans tenir compte des intérêts des salariés.

S’agissant de la partie du projet de loi consacrée au temps de travail, on doit regretter la suppression du contingent des heures supplémentaires et du repos compensateur obligatoire comme la disparition de l’autorisation de l’inspecteur du travail pour effectuer des heures au-delà de ce contingent. Le dispositif prévu ouvre la voie à une utilisation massive par les employeurs des heures supplémentaires, sans aucune garantie pour les salariés en termes d’augmentation de salaires. L’assouplissement du recours au forfait en jours consacre une évolution déjà entamée par la loi Aubry II, elle élargit les catégories de salariés concernés, conduisant ainsi à un véritable « détricotage » du code du travail. Autre nouveauté de taille introduite par le texte : la possibilité donnée à l’employeur de fixer lui-même, à défaut d’accord, le nombre maximal annuel de jours travaillés dans le cadre de ces forfaits, au-delà de la durée annuelle de 218 jours, après simple consultation du comité d’entreprise. Enfin, la charge de travail du salarié fera l’objet désormais d’un simple entretien individuel annuel et non plus d’une négociation collective.

Il faut rappeler, que la France a été récemment condamnée par le comité européen des droits sociaux pour la mise en place du régime dérogatoire du forfait annuel en jours au motif que celui-ci permettait des durées de travail trop longues ; il est tout à fait regrettable que cette condamnation n’ait pas été prise en compte par le projet de loi.

Celui-ci prévoit ensuite de faciliter la modulation et l’annualisation du temps de travail. Il s’agit là, certes, d’un prolongement du dispositif instauré par les « lois Aubry » ; mais, le projet de loi allège en même temps le contenu obligatoire exigé de l’accord collectif et supprime plusieurs négociations qui étaient prévues. Pour les entreprises qui fonctionnent en continu enfin, l’employeur n’est plus tenu de consulter le comité d’entreprise sur l’organisation du temps de travail sur plusieurs semaines.

M. André Chassaigne a indiqué que son groupe était défavorable à l’adoption de ce projet de loi. La promotion de la valeur travail évoquée par le rapporteur n’est pas du tout incompatible avec la protection des salariés, or ce projet de loi aggrave au contraire leurs conditions de travail et ne peut qu’accroître la souffrance au travail.

Mme Catherine Coutelle a indiqué à titre liminaire que le groupe SRC ne déposerait pas d’amendements sur le projet de loi devant la Commission des affaires économiques saisie pour avis. Elle a estimé que ce texte, présenté comme un « instrument de dialogue social », trahit en réalité celui-ci. Selon le rapporteur, le Gouvernement a l’intention de reprendre la main, mais il avait obtenu le 10 avril que les partenaires sociaux concluent un accord sur la représentativité, le dialogue social et la financement du syndicalisme. Pourquoi le 26 avril, le Gouvernement a t-il demandé que les négociations soient élargies à la question du temps de travail ? ce que les partenaires sociaux ont refusé. Le projet de loi comporte en réalité deux points très dissemblables : une tentative de rénovation de la démocratie sociale signée par les partenaires sociaux et la fin programmée de la durée légale du travail alors que, comme le montrent de nombreuses enquêtes, les Français sont attachés aux 35 heures. Le groupe SRC est donc totalement défavorable à ce texte.

M. Jean-Paul Charié a salué l’initiative du Président Patrick Ollier qui a permis à la commission des affaires économiques de se saisir des sujets du temps de travail et de la représentativité syndicale, notamment grâce à l’éclairage précieux du rapporteur, M. Jean-Paul Anciaux, et du rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Jean-Frédéric Poisson.

Soulignant la démarche constructive des syndicats, et nommant de la CFTDT et de la CGT, qui ont su dépasser les clivages binaires, il a regretté que M. André Chassaigne ait présenté sa vision de ces sujets de manière quelque peu péremptoire, quand deux visions coexistent à l’UMP et dans l’opposition, qui pourraient être confrontées et plus utilement débattues. Il a contesté la vision de M. André Chassaigne en estimant que celle-ci ne recueillait qu’un faible écho au niveau électoral.

S’agissant de la démocratie sociale, il a jugé qu’on ne saurait parler de développement des entreprises sans prendre en considération le facteur humain. L’intérêt du chef d’entreprise ne réside plus dans la détention de l’information, mais dans son partage ; édicter ne suffit plus, il faut associer, ce qui souligne l’importance des institutions représentatives du personnel.

Dans les petites entreprises, dont la richesse repose sur leur caractère familial, il ne saurait y avoir de délégués du personnel imposés « d’en haut », il convient de privilégier une approche plus souple. Si la représentativité par bassin de vie et par branche ne doit pas être négligée, il faut procéder avec circonspection pour ne pas déstabiliser ces petites structures.

S’agissant des 35 heures, le projet de loi n’a ni pour objet ni pour effet de mettre en cause la durée légale du travail, puisqu’elle détermine le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Si dans certaines entreprises, la mise en œuvre de la réduction du temps de travail a été couronnée de succès, dans la majorité des cas elle a constitué une entrave au développement économique, et le projet de loi permettra de libérer la capacité des entreprises à s’adapter aux évolutions économiques.

M. Lionel Tardy a rappelé, s’agissant de la démocratie sociale, que le groupe UMP avait reçu les organisations syndicales représentatives le 10 juin, et a salué la démarche des syndicats, en particulier la CFDT, qui se sont engagées dans un projet difficile. Tous les syndicats ont indiqué leur volonté de concourir à l’élaboration d’un cadre législatif conférant aux organisations davantage de légitimité et de représentativité afin d’améliorer le dialogue social, vision à laquelle il souscrit, faisant sien le constat dressé par M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, selon lequel le système actuel a entraîné une multiplication des syndicats mais pas des salariés syndiqués.

En ce qui concerne les 35 heures, les décisions doivent être prises au plus près du terrain et présenter une certaine souplesse. Il a contesté l’opinion selon laquelle les salariés sont systématiquement placés en situation d’infériorité par rapport à leur employeur, notamment dans les secteurs en tension rencontrant des difficultés de recrutement.

Il a également contesté la création d’un prélèvement supplémentaire de 0,15 % de la masse salariale afin de financer le dialogue social, en soulignant l’hostilité des syndicats à ce prélèvement.

La création d’un Haut Conseil du dialogue social n’apparaît pas non plus indispensable, en particulier compte tenu des prérogatives de l’actuelle Commission nationale de la négociation collective.

M. Jean-Paul Anciaux a récusé les propos de M. André Chassaigne selon lesquels le projet de loi entend « casser la protection sociale », estimant qu’il s’agit au contraire d’améliorer le dialogue entre employeur et salariés afin de faire émerger de nouvelles protections accompagnant les nécessaires évolutions de l’entreprise.

De même on ne peut partager le point de vue selon lequel les salariés endurent une situation de souffrance généralisée au travail ; le travail est structurant dans la vie de chacun, et de nombreux salariés sont heureux de pouvoir se lever le matin pour aller rejoindre leur poste.

Il a exposé sa conception qui place le client au sommet des priorités de l’entreprise, immédiatement suivi des salariés et enfin des actionnaires.

Il a ensuite apporté plusieurs réponses aux différents intervenants :

– dans les entreprises de moins de dix salariés, les modalités de négociation sont fixées par l’alinéa 18 de l’article 2 du présent projet de loi ;

– les seuils retenus ont été privilégiés afin d’éviter tout émiettement ;

– les accords négociés avec des salariés mandatés devront être approuvés par les salariés à la majorité des suffrages exprimés ;

– le dépassement du contingent conventionnel des heures supplémentaires sera subordonné à des contreparties obligatoires en terme de temps de repos, s’ajoutant à la majoration salariale attachée à ces heures supplémentaires ;

– s’agissant de l’aménagement du temps de travail, la réforme vise à simplifier les régimes existants et à privilégier l’accord d’entreprise ;

– en ce qui concerne le forfait, en fixant un nombre maximal de jours travaillés au-delà de la durée annuelle, l’accord collectif donne la possibilité aux salariés volontaires de travailler davantage ; un plafond légal pourrait cependant être fixé, ce qui fera l’objet d’un amendement qui sera présenté ultérieurement.

Répondant ensuite à Mme Catherine Coutelle, le rapporteur a indiqué qu’en effet le Gouvernement entendait « reprendre la main » sur la question du temps de travail, ce qui est cohérent avec la réforme de la représentativité ; les deux sujets sont traités concomitamment dans la mesure où l’on ne saurait envisager une réforme de la durée du travail sans avoir fixé les règles de la négociation.

Il s’est associé aux remerciements adressés par M. Jean-Paul Charié au Président Patrick Ollier, a salué lui aussi l’évolution des syndicats de salariés et a souscrit au point de vue défendu par l’orateur, selon lequel la réussite d’une entreprise tient pour beaucoup au facteur humain.

Usant de la faculté ouverte par l’article 87 du Règlement, M. Jean Frédéric Poisson, rapporteur au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a indiqué que le projet de loi ne mettait pas en cause la durée légale du travail, qui demeure fixée à 35 heures hebdomadaires.

Les possibilités de fixation d’heures supplémentaires en dépassement des contingents conventionnels, prévues par le projet de loi, ne sont pas contradictoires avec les recommandations de la position commune, dont l’article 17 prévoyait que des accords d’entreprises pourraient préciser les modalités de dépassement de ces contingents à titre expérimental. Le texte soumis à l’examen des deux assemblées ne traduit pas de divergence de fond par rapport à ce principe.

S’agissant des entreprises de moins de 10 salariés, la position commune avait constaté une impossibilité de se prononcer dans les délais impartis, et exprimait le vœu que les négociations se poursuivent. Un amendement adopté par la commission des affaires sociales prend acte de cette proposition, en fixant toutefois une date butoir aux négociations au 30 juin 2009, afin d’éviter que celles-ci ne se poursuivent indéfiniment.

II.— EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER

LA DÉMOCRATIE SOCIALE

Cette première partie, qui comporte quinze articles, reprend, en les complétant, les dispositions de la position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme.

Elle concerne :

- les critères de représentativité des syndicats (article 1er) ;

- la mesure de l’audience aux niveaux de l’entreprise et de l’établissement, du groupe, de la branche professionnelle, et national et interprofessionnel (article 2) ;

- les modalités d’élection des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d’entreprise (article 3) ;

- les nouvelles règles de désignation du délégué syndical (article 4) ;

- le représentant de la section syndicale (article 5) ;

- les conditions de validité des accords collectifs (article 6) ;

- la faculté de négocier avec des élus du personnel ou un salarié mandaté (article 7) ;

- les ressources et moyens des organisations syndicales et professionnelles (article 8) ;

- la définition de périodes transitoires pour l’application des règles de représentativité, de désignation des délégués syndicaux et de validité des accords applicables dans l’attente de la première mesure de l’audience des organisations syndicales (articles 9 à 12) ;

- les règles spécifiques de dénonciation des accords, en cas de changement des organisations syndicales parties à la négociation consécutif à l’application des nouvelles règles de représentativité (article 13) ;

- la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement quant à la mise en œuvre des dispositions relatives à la représentativité des organisations syndicales (article 15).

Chapitre Ier

LA REPRÉSENTATIVITE SYNDICALE

Article 1er

(Article L. 2121-1 du code du travail)

Critères de représentativité des organisations syndicales de salariés

Cet article propose une nouvelle définition des critères de représentativité des syndicats, incluant notamment leur transparence financière, leur influence, leur ancienneté, leur audience, et le respect par ceux-ci des valeurs républicaines.

Cet article vise exclusivement les organisations syndicales de salariés, à l’exclusion des associations d’employeurs.

LES CRITÈRES DE REPRÉSENTATIVITÉ DES SYNDICATS DANS LE DROIT EN VIGUEUR

Le droit en vigueur distingue entre :

- la représentativité irréfragablement présumée,

- et la représentativité à prouver.

Ainsi, actuellement, tous les syndicats qui ne sont pas affiliés à l’une des cinq centrales syndicales nationales (CGT, CFDT, CGT-FO, CFTC, CFE-CGC) doivent, en cas d’assignation de ces derniers devant le juge d’instance, prouver :

- des effectifs suffisants d’adhérents (le juge se déterminant en fonction des taux existant dans la profession) ;

- des cotisations significatives ;

- son indépendance par rapport à l’employeur ;

- son expérience et son ancienneté ;

- l’attitude patriotique pendant l’occupation.

Ces critères légaux s’étant trouvé insuffisants dans la pratique, la jurisprudence a ajouté le critère d’audience.

LES NOUVEAUX CRITÈRES POSÉS PAR LE PROJET DE LOI

Le projet de loi reprend la position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme.

Le titre I de cette position commune traite en effet de la représentativité des organisations syndicales de salariés. Le chapitre I de ce titre est consacré aux critères de représentativité. Les partenaires sociaux ont décidé d’une approche multi-critères à application cumulative. Le nombre de critères passe de 5 à 7.

Le projet de loi les reprend ; il s’agit :

– des effectifs d’adhérents et des cotisations ;

– de la transparence financière ;

– de l’indépendance ;

– du respect des valeurs républicaines ;

– de l’influence, caractérisée par l’activité, et l’expérience ;

– de l’ancienneté, qui doit être de deux ans minimum ;

– et de l’audience.

Ainsi que le souligne Alain Sauret (17), « les partenaires sociaux affirment que ces critères sont cumulatifs et s’apprécient dans un cadre global, ce que ne prévoyait pas l’article L. 2121-1 du code du travail, et qui a été une source de contentieux non négligeable par le passé. »

La position commune du 9 avril 2008 définit chacun de ces termes, mais cette définition n’est pas reprise dans le projet de loi, le Gouvernement n’ayant pas jugé utile de les reprendre in extenso.

L’audience s’évaluera à partir du résultat des élections au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, dans les entreprises où elles sont organisées (cf. infra l’article 2 du projet de loi).

La transparence financière devra être assurée par des comptes certifiés annuels. Cette notion fait d’ailleurs l’objet de l’article 8 du présent projet de loi (cf. infra).

Le respect des valeurs républicaines implique le respect de la liberté d’opinion, politique, philosophique, ou religieuse, ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance. Ce critère se substitue au critère, désormais obsolète, d’ « attitude patriotique pendant l’Occupation ».

L’indépendance s’entend bien entendu à l’égard de l’employeur.

POSITION DE VOTRE RAPPORTEUR

Votre rapporteur se félicite de ce dispositif. La France se caractérise en effet par une situation contradictoire en Europe, avec un des taux les plus élevés après l’Autriche et la Slovénie, en matière de couverture des salariés par une convention collective (97 %), mais le taux de syndicalisation le plus bas (5 %) de l’Union européenne.

L’article 1er du projet de loi marque donc une rupture historique dans l’histoire du dialogue social.

*

* *

La Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis prévoyant que la représentativité des organisations patronales sera déterminée par accord entre les syndicats d'employeurs et de salariés au niveau national.

Elle a ensuite donné un avis favorable à l’adoption de l’article 1er ainsi modifié.

Article 2

(articles L. 2122-1 à L. 2122-11 du code du travail)

Mesure de l’audience des syndicats

Cet article pose des règles en matière de mesure de l’audience des syndicats à quatre niveaux :

- au niveau de l’entreprise et de l’établissement ;

- au niveau du groupe ;

- au niveau de la branche professionnelle ;

- au niveau national et interprofessionnel.

Ainsi que l’indique la position commune du 9 avril 2008, « la redéfinition de la représentativité à partir d’un ensemble de critères incluant l’audience s’accompagne de la disparition de la présomption irréfragable de représentativité. En conséquence, la représentativité n’emporte d’effet qu’aux niveaux où elle est reconnue. (…) La disparition de la présomption irréfragable de représentativité implique de procéder à une appréciation périodique de la représentativité des organisations syndicales sur la base de l’ensemble des critères de représentativité. »

LE DROIT EN VIGUEUR

Le droit en vigueur distingue entre :

- la représentativité irréfragablement présumée,

- et la représentativité à prouver.

En effet, l’article L. 2122-1 prévoit actuellement que tout syndicat professionnel affilié à une organisation représentative au niveau national est considéré comme représentatif dans l'entreprise. La représentativité des autres syndicats est appréciée en fonction des critères d’effectifs, de cotisations, d’indépendance, d’expérience, et d’attitude patriotique sous l’occupation.

De fait, les syndicats affiliés à l’une des cinq centrales interprofessionnelles (CGT, CFDT, CGT-FO, CFTC, CFE-CGC) bénéficient d’un avantage essentiel dans l’entreprise. Ils peuvent en effet désigner un délégué syndical, constituer une section, présenter des listes au premier tour des élections professionnelles, sans que l’on puisse contester leur représentativité de droit.

Tout autre syndicat, quelle que soit la puissance de son implantation dans la branche ou dans l’entreprise, peut voir contester sa représentativité par ceux qui en disposent.

LE PROJET DE LOI

Il réécrit intégralement le chapitre II du titre II du livre premier de la deuxième partie du code du travail, relative aux syndicats représentatifs.

La notion de présomption irréfragable de représentativité est supprimée, étant par elle-même antinomique de critères mesurables de représentativité.

A tous les niveaux, le résultat dont il est tenu compte est celui du premier tour de l’élection. En outre, ne sont pris en compte que les suffrages valablement exprimés.

Au niveau de l’entreprise et de l’établissement

a. organisations syndicales

A ce niveau, sera considéré comme représentatif un syndicat recueillant au moins 10 % des suffrages valablement exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel, ou, à défaut, des délégués du personnel, y compris lorsque le quorum n’est pas atteint.

Ces syndicats doivent en outre répondre aux six autres critères énoncés à l’article 1er du projet de loi (article L. 2121-1 du code du travail).

b. organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale

S’agissant de la représentativité des syndicats catégoriels affiliés à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale, ils seront considérés comme représentatifs s’ils recueillent au moins 10 % des suffrages valablement exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel, ou, à défaut, des délégués du personnel dans ces collèges, y compris lorsque le quorum n’est pas atteint.

c. listes communes

Le projet de loi précise qu’en cas d’établissement d’une liste commune, la répartition des suffrages entre les syndicats se fera sur la base indiquée par les syndicats concernés lors du dépôt de leur liste. A défaut, la répartition des suffrages se fera à part égale.

Au niveau du groupe

Les règles seront les mêmes qu’au niveau de l’entreprise.

Au niveau de la branche professionnelle

Les règles de représentativité sont plus souples au niveau de la branche :

- il s’agit de recueillir au moins 8 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections. La mesure de l’audience s’effectue tous les quatre ans ;

- il faut également répondre aux six autres critères de représentativité professionnelle mentionnés à l’article 1er du projet de loi ;

- et disposer d’une implantation géographique caractérisée par une présence territoriale équilibrée au sein de la branche.

Disposition transitoire pour les très petites entreprises

Dans les branches où plus de la moitié des salariés sont employés dans des entreprises où ne sont pas organisées d’élections professionnelles, sont présumées représentatives, sauf preuve contraire, les organisations syndicales affiliées à des syndicats représentatifs au niveau national et interprofessionnel à la date de publication du présent projet de loi. Il s’agit d’une disposition transitoire « dans l’attente des résultats d’une négociation nationale interprofessionnelle sur les moyens de renforcer l’effectivité de la représentation collective du personnel dans les petites entreprises ».

Enfin s’agissant des syndicats catégoriels, ils seront représentatifs au niveau de la branche dès lors qu’ils sont affiliés à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale et qu’ils remplissent les autres critères applicables aux syndicats au niveau de la branche professionnelle.

Au niveau national et interprofessionnel

A ce niveau, outre l’obtention de 8 % des suffrages, et le respect des six autres critères de représentativité énoncés à l’article 1er du projet de loi, il faut que les syndicats satisfassent au critère d’implantation professionnelle caractérisée par la reconnaissance de la représentativité dans les branches de l’industrie, de la construction, du commerce et des services.

Quant aux confédérations catégorielles interprofessionnelles nationales, elles sont représentatives à l’égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels ses règles statutaires lui donnent vocation à présenter des candidats à condition :

- d’avoir recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés au sein de ces collèges, à l’issue de l’addition au niveau national et interprofessionnel des résultats mentionnés ci-dessus ;

- de satisfaire aux autres critères de représentativité de l’article 1er.

Dispositions d’application

Le projet de loi crée un Haut conseil du dialogue social.

Composition

Cette nouvelle instance sera une structure légère comprenant des représentants d’organisations nationales interprofessionnelles d’employeurs et de salariés, des représentants du ministre chargé du travail et des personnalités qualifiées.

Ainsi, ce Haut conseil aura-t-il une base large, puisqu’il comprendra l’ensemble des organisations syndicales, même celles qui n’ont pas été reconnues comme représentatives.

Ses modalités d’organisation et de fonctionnement seront définies par le pouvoir réglementaire.

Mission

Ce Haut conseil sera consulté par le ministre chargé du travail afin d’arrêter la liste des organisations reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.

POSITION DE VOTRE RAPPORTEUR

Votre rapporteur remarque que l’exposé des motifs du projet de loi indique qu’ « à terme, l’objectif est d’unifier le seuil à 10 % au niveau national comme à celui de l’entreprise ».

Il souhaite également rappeler que la mise en place de ces seuils relève d’un souci de rationalisation de la compétition électorale, visant à éviter le morcellement du paysage syndical.

*

* *

La Commission a adopté un amendement de clarification du rapporteur pour avis précisant les critères de mesure de la représentativité d’un syndicat au niveau d’un groupe, après que M. Jean Gaubert a fait préciser par le rapporteur pour avis que l’addition des résultats était mesurée au niveau des implantations du groupe sur le territoire français.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Lionel Tardy tendant à supprimer la création du Haut Conseil du dialogue social.

Après que M. Lionel Tardy a souligné que la Commission nationale de la négociation collective serait tout à fait en mesure de remplir les tâches pour lesquelles était créé le Haut Conseil du dialogue social, le rapporteur pour avis a fait valoir que la composition du Haut Conseil ne se limiterait pas aux organisations syndicales représentatives mais à l’ensemble de ces organisations, et qu’il proposait même par un amendement d’y inclure des membres du Parlement.

La Commission a alors rejeté l’amendement.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur pour avis incluant, parmi les membres du Haut Conseil, un député et un sénateur désignés par la commission permanente compétente de leur assemblée respective.

Elle a ensuite donné un avis favorable à l’adoption de l’article 2 ainsi modifié.

Chapitre II

LES ÉLECTIONS PROFESSIONNELLES

Article 3

(articles L. 2314-3, L. 2314-4, L. 2314-24 et L. 2324-22 du code du travail)

Élections des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d’entreprise

Cet article définit les modalités d’organisation des élections des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d’entreprise.

DROIT EN VIGUEUR

1. Élection des délégués du personnel

Le droit actuel prévoit que les organisations syndicales (OS) intéressées sont invitées par l'employeur à négocier le protocole d'accord préélectoral et à établir les listes de leurs candidats aux fonctions de délégué du personnel.

Dans le cas d'un renouvellement de l'institution, cette invitation est effectuée un mois avant l'expiration du mandat des délégués en exercice. Le premier tour des élections a lieu dans la quinzaine précédant l'expiration de ce mandat.

Rôle des délégués du personnel (DP)

Aux termes de l’article L. 2313-1 du code du travail, les DP ont pour mission :

1° de présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l'application du code du travail et des autres dispositions légales concernant la protection sociale, la santé et la sécurité, ainsi que des conventions et accords applicables dans l'entreprise ;

2° de saisir l'inspection du travail de toutes les plaintes et observations relatives à l'application des dispositions légales dont elle est chargée d'assurer le contrôle.

De fait, le DP est le correspondant local de l’inspecteur du travail.

L’article L. 2313-2 précise que si un DP constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.

L'employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.

En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la forme des référés.

Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor.

L’article L. 2313-8 précise que dans les entreprises de moins de cinquante salariés, les délégués du personnel exercent les missions du comité d'entreprise en matière de formation professionnelle.

L’article L. 2313-9 prévoit que lorsqu'il existe un comité d'entreprise (CE), les délégués du personnel ont qualité pour lui communiquer les suggestions et observations du personnel sur toutes les questions entrant dans la compétence du comité. Il en est de même lorsqu'il existe un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

2. Élection des représentants du personnel au comité d’entreprise

Dans le droit en vigueur, les OS intéressées sont invitées par l'employeur à négocier le protocole d'accord préélectoral et à établir les listes de leurs candidats aux fonctions de membre du comité d'entreprise. Dans le cas d'un renouvellement du comité, cette invitation est faite un mois avant l'expiration du mandat des membres en exercice. Le premier tour des élections a lieu dans la quinzaine précédant l'expiration de ce mandat.

Rôle du comité d’entreprise (CE)

Le CE a deux fonctions principales :

– une mission générale d'information et de consultation du comité d'entreprise ;

– et une mission d’information et de consultation sur l'organisation et la marche de l'entreprise.

Ainsi le CE a-t-il pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production.

Il formule, à son initiative, et examine, à la demande de l'employeur, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d'emploi et de formation professionnelle des salariés, leurs conditions de vie dans l'entreprise ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires mentionnées à l'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale.

Il exerce ses missions sans préjudice des dispositions relatives à l'expression des salariés, aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux.

PROJET DE LOI

1. Information relative à l’organisation des élections des délégués du personnel

a. Information par voie d’affichage et négociation du protocole d’accord préélectoral

Le I prévoit l’information par voie d’affichage de l’organisation des élections professionnelles et l’invitation à négocier le protocole d’accord préélectoral et à établir les listes de leurs candidats aux fonctions de délégué du personnel (DP) à l’attention des OS dont le champ professionnel ou géographique couvre l’entreprise concernée. Ces OS doivent avoir été légalement constituées depuis au moins deux ans et satisfaire aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance.

b. Information par courrier pour l’ensemble des organisations

Dans un souci d’exhaustivité, sont également informés par courrier :

- les OS reconnues comme représentatives dans l’entreprise ;

- les OS ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise ;

- les syndicats affiliés à une OS représentative au niveau national et interprofessionnel.

2. Information relative à l’organisation d’élections des représentants du personnel au comité d’entreprise

Des dispositions identiques sont prévues au II pour l’information relative à l’organisation des élections des représentants du personnel au comité d’entreprise.

3. Organisation du scrutin

Pour l’élection des délégués du personnel (III), comme pour celle des représentants du personnel au comité d’entreprise (IV), le projet de loi prévoit qu’au premier tour de scrutin, chaque liste est établie par les OS qui ont été informées de l’organisation de l’élection. Si le nombre de votants est inférieur à la moitié des électeurs inscrits, il est procédé, dans un délai de quinze jours, à un second tour de scrutin, pour lequel les électeurs peuvent voter pour des listes autres que celles présentées par une OS.

Ainsi que l’indique la position commune du 9 avril 2008, « les élections sont organisées suivant un scrutin de liste à deux tours avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. »

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* *

La Commission a examiné un amendement du rapporteur pour avis tendant à intégrer les salariés mis à disposition dans le décompte des effectifs de l’entreprise dans laquelle ils travaillent, sous condition d’une présence physique effective dans cette entreprise d’une durée minimale d’un an au moment du décompte, et à leur conférer au bout de cette durée la qualité d’électeur et au bout de 24 mois celle d’éligible dans cette même entreprise.

M. Jean Gaubert ayant fait remarquer que la mention de la présence de ces salariés dans les locaux de l’entreprise pouvait aboutir à exclure du dispositif des salariés travaillant sur des chantiers menés par l’entreprise, le rapporteur pour avis, après avoir fait part qu’une difficulté de rédaction similaire avait été évoquée lors de l’examen par la commission saisie au fond, a exposé qu’une rédaction améliorée serait proposée lors de l’examen en séance publique.

La Commission a alors adopté l’amendement proposé.

Elle a ensuite donné un avis favorable à l’adoption de l’article 3 ainsi modifié.

Chapitre III

LA DÉSIGNATION DU DÉLÉGUÉ SYNDICAL

Article 4

(articles L. 2143-3 à L. 2143-6, L. 2143-11 et L. 2324-2 du code du travail)

Règles de désignation du délégué syndical

Cet article prévoit de nouvelles règles de désignation du délégué syndical, qui pourra être désigné par un syndicat représentatif dans toute entreprise ou établissement de plus de cinquante salariés, parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles.

1. Droit en vigueur

a. entreprises de cinquante salariés ou plus

L’article L. 2143-3 du code du travail dans sa version actuelle dispose que chaque syndicat représentatif qui constitue une section syndicale dans les établissements de cinquante salariés ou plus désigne un ou plusieurs délégués syndicaux pour le représenter auprès de l'employeur.

La désignation d'un délégué syndical peut intervenir lorsque l'effectif de cinquante salariés ou plus a été atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes.

b. entreprises de cinq cents salariés et plus

L’article L. 2143-4 précise que dans les entreprises de cinq cents salariés et plus, tout syndicat représentatif peut désigner un délégué syndical supplémentaire s'il a obtenu un ou plusieurs élus dans le collège des ouvriers et employés lors de l'élection du comité d'entreprise et s'il compte au moins un élu dans l'un des deux autres collèges.

Ce délégué supplémentaire est désigné parmi ses adhérents appartenant à l'un ou l'autre de ces deux collèges.

c. entreprises de deux mille salariés et plus

L’article L. 2143-5 dispose que dans les entreprises de deux mille salariés et plus comportant au moins deux établissements de cinquante salariés chacun ou plus, chaque syndicat représentatif peut désigner un délégué syndical central d'entreprise, distinct des délégués syndicaux d'établissement.

L'ensemble des dispositions relatives au délégué syndical d'entreprise est applicable au délégué syndical central.

Dans les entreprises de moins de deux mille salariés comportant au moins deux établissements de cinquante salariés chacun ou plus, chaque syndicat représentatif peut désigner l'un de ses délégués syndicaux d'établissement en vue d'exercer également les fonctions de délégué syndical central d'entreprise.

d. établissements employant moins de cinquante salariés

L’article L. 2143-6 dispose que dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un délégué du personnel comme délégué syndical.

Sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures. Le temps dont dispose le délégué du personnel pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical.

e. désignation par chaque organisation syndicale d’un représentant au comité d’entreprise

L’article L. 2324-2 prévoit que sous réserve des dispositions applicables dans les entreprises de moins de trois cents salariés, chaque organisation syndicale de travailleurs représentative dans l'entreprise peut désigner un représentant au comité. Il assiste aux séances avec voix consultative. Il est choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise et doit remplir les conditions d'éligibilité au comité d'entreprise.

1. Le projet de loi

Le I substitue au premier alinéa de l’article L. 2143-3 une nouvelle rédaction qui prévoit que chaque OS représentative dans l’entreprise ou dans les établissements de cinquante salariés ou plus, qui constitue une section syndicale, désigne, parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, un ou plusieurs délégués syndicaux pour le représenter auprès de l’employeur.

Le II précise que pour les entreprises de cinq cents salariés et plus, et les entreprises de deux mille salariés et plus, pour la désignation du délégué syndical supplémentaire, la représentativité des syndicats s’apprécie au niveau de l’entreprise.

S’agissant des entreprises de cinq cents salariés et plus, le III prévoit que le délégué supplémentaire est désigné parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel, ou des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants.

Le IV procède à la même modification s’agissant des entreprises de 2000 salariés et plus.

Le V précise que pour la désignation d’un délégué syndical dans un établissement, la représentativité des OS s’apprécie au niveau de cet établissement.

Le VI prévoit l’achèvement du mandat du délégué syndical, dès lors que les conditions mentionnées ci-dessus cessent d’être réunies.

Enfin, le VII modifie l’article L. 2324-2 en précisant que le représentant au comité d’entreprise que peut désigner toute OS représentative dans l’entreprise est désigné en priorité parmi les candidats qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, dans les établissements existant dans ces entreprises.

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La Commission a donné un avis favorable à l’adoption de l’article 4 sans modification.

Chapitre IV

LA REPRÉSENTATION DE LA SECTION SYNDICALE

Article 5

(articles L. 2142-1, L. 2142-1-1 à L. 2142-1-4 du code du travail)

Représentation de la section syndicale

Cet article prévoit que tout syndicat légalement constitué depuis deux ans, qui remplit les critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance peut créer une section syndicale dans une entreprise ou un établissement de plus de cinquante salariés et désigner un représentant de cette section. Le représentant syndical, désigné dans l’attente des élections professionnelles qui vont éventuellement rendre représentatif son syndicat, exerce les attributions dévolues à la section, mais ne peut négocier ni conclure d’accords.

1. Constitution d’une section syndicale (article L. 2142-1)

Le projet de loi prévoit que chaque syndicat représentatif, chaque syndicat affilié à une OS représentative au niveau national et interprofessionnel ou chaque syndicat légalement constitué depuis au moins deux ans, ayant plusieurs adhérents dans l’entreprise et satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance peut constituer au sein de l’entreprise une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres.

2. Représentant de la section syndicale (article L. 2142-1-1)

Il est en outre prévu que chaque syndicat qui constitue une section syndicale au sein de l’entreprise ou dans les établissements de cinquante salariés ou plus, s’il n’est pas représentatif dans l’entreprise ou l’établissement, peut désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l’entreprise ou de l’établissement.

Le représentant de la section syndicale (RSS) bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical (DS) à l’exception du pouvoir de négocier des accords collectifs.

Son mandat prend fin à l’issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation, dès lors que le syndicat qui l’a désigné n’est pas reconnu comme représentatif au sein de l’entreprise.

Les dispositions en vigueur en matière de désignation du DS sont applicables au RSS. Ainsi, il est prévu que le DS doit être âgé de dix-huit ans révolus, travailler dans l'entreprise depuis un an au moins et n'avoir fait l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à ses droits civiques. Ce délai d'un an est réduit à quatre mois en cas de création d'entreprise ou d'ouverture d'établissement. Rappelons également que dans les entreprises de travail temporaire, la condition d'ancienneté pour être désigné délégué syndical est fixée à six mois pour les salariés temporaires. Elle est appréciée en totalisant les périodes pendant lesquelles ces salariés ont été liés à ces entreprises par des contrats de mission au cours des dix-huit mois précédant la désignation du délégué syndical. Ce délai est réduit à six mois en cas de création d'entreprise ou d'ouverture d'établissement.

3. Crédit d’heures du RSS (article L. 2142-1-3)

Le projet de loi dispose que chaque RSS dispose d’un temps nécessaire à l’exercice de ses fonctions. Ce temps est au moins égal à quatre heures par mois. Les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l’échéance normale.

Il est précisé que l’employeur qui entend contester l’utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire.

4. Désignation du RSS dans les entreprises de moins de 50 salariés (article L. 2142-1-4)

Cet article vise le cas des entreprises employant moins de cinquante salariés, dans lesquels les syndicats non représentatifs qui constituent une section peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un délégué du personnel (DP) comme représentant syndical.

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La Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis précisant, par parallélisme avec les dispositions concernant les délégués du personnel faisant office de délégué syndical dans les entreprises de moins de 50 salariés, que le mandat de représentant de la section syndicale confié à un délégué du personnel n’ouvre pas droit à un crédit d’heures spécifique.

Elle a ensuite donné un avis favorable à l’adoption de l’article 5 ainsi modifié.

Chapitre V

LA VALIDITÉ DES ACCORDS ET LES RÈGLES DE LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

Article 6

(articles L. 2231-1, L. 2232-2, L. 2232-6, L. 2232-7, L. 2232-12 à L. 2232-15, L. 2232-34 et L. 2327-16 du code du travail)

Validité des accords collectifs

Cet article prévoit que tout accord collectif, que ce soit au niveau de l’entreprise, de la branche, ou au niveau interprofessionnel, devra, pour être valide, avoir été signé par des syndicats qui ont recueilli au moins trente pour cent des suffrages, lors de la mesure de l’audience, et ne pas faire l’objet de l’opposition de syndicats ayant recueilli une majorité de suffrages.

Le résultat des 30 % de suffrages exprimés se mesure lors du premier tour des élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel, ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants. La majorité à obtenir pour s’opposer à la conclusion des accords se mesure lors des mêmes élections.

Pour la validation d’accords au niveau interprofessionnel, le projet de loi précise que lorsque les résultats de la mesure de l’audience enregistrés au niveau de la branche sont disponibles, ils sont également pris en compte.

A tous les niveaux, l’opposition est exprimée dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l’accord, sauf au niveau de l’entreprise et de l’établissement, où ce délai est ramené à huit jours.

Enfin, le projet de loi précise que la représentativité reconnue à une organisation syndicale catégorielle affiliée à une confédération syndicale catégorielle au titre des salariés qu’elle a statutairement vocation à représenter lui confère le droit de négocier toute disposition applicable à cette catégorie de salarié.

En outre, lorsque la convention ou l’accord ne concerne qu’une catégorie professionnelle déterminée relevant d’un collège électoral, sa validité est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs OS de salariés représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés, et à l’absence d’opposition d’une ou de plusieurs OS de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés.

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La Commission a donné un avis favorable à l’adoption de l’article 6 sans modification.

Article 7

(articles L. 2232-21 à L. 2232-29 du code du travail)

Faculté de négocier avec les élus du personnel ou des salariés mandatés

Cet article instaure la faculté de négocier avec des élus du personnel ou, à défaut, avec un salarié mandaté, dans toutes les entreprises de moins de deux cents salariés dépourvues de délégué syndical, en l’absence d’accord collectif étendu portant sur ce sujet, à compter du 31 décembre 2009.

1. Négociation avec les élus du personnel

a. faculté de négocier

Le projet de loi précise tout d’abord que dans les entreprises de moins de deux cents salariés, en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise ou l’établissement, ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés, les représentants élus du personnel au comité d’entreprise ou à la délégation unique du personnel, ou, à défaut, les DP, peuvent négocier et conclure des accords collectifs.

Les OS représentatives de la branche dont relève l’entreprise sont alors informées par l’employeur de sa décision d’engager des négociations.

b. conditions de validité des accords

L’article 7 précise les conditions cumulatives de validité de ces accords.

Ainsi, la validité des accords d’entreprise ou d’établissement négociés et conclus conformément aux règles mentionnées ci-dessus est subordonnée à la conclusion par des membres titulaires élus au comité d’entreprise (CE) ou, à défaut, des DP titulaires représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles et à l’approbation par la commission paritaire de branche. Cette dernière est tenue de contrôler que l’accord collectif n’enfreint pas les dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles applicables.

Si l’une des deux conditions n’est pas remplie, l’accord sera réputé non écrit.

Le projet de loi précise que le temps consacré aux négociations mentionnées ci-dessus n’est pas imputables sur les heures que l’employeur accorde aux DP pour l’exercice de leurs fonctions (dix heures par mois dans les entreprises de moins de cinquante salariés, et quinze heures par mois dans les entreprises de cinquante salariés et plus). Ainsi, chaque élu titulaire qui participe à une négociation dans le cadre des dispositions mentionnées ci-dessus dispose du temps nécessaire à l’exercice de ses fonctions dans les limites d’une durée ne pouvant excéder dix heures par moi (sauf circonstances exceptionnelles). En outre, les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail. L’employeur, s’il souhaite contester l’utilisation faite des heures de délégation, doit saisir le juge judiciaire.

2. Conclusion d’accords par des salariés mandatés

a. Rôle du salarié mandaté

Dans les entreprises dépourvues de DS, et où un procès-verbal de carence a établi l’absence de représentants élus du personnel, les accords d’entreprise ou d’établissement peuvent être conclus par un ou plusieurs salariés expressément mandatés par une ou plusieurs OS représentatives dans la branche.

Chaque salarié mandaté dispose du temps nécessaire à l’exercice de ses fonctions dans les limites d’une durée qui ne peut excéder dix heures par mois.

Ne peuvent être mandatés les salariés qui, en raison des pouvoirs qu’ils détiennent, peuvent être assimilés à l’employeur.

b. Conditions de validité des accords signés par un salarié mandaté

Enfin, l’accord signé par un salarié mandaté doit avoir été approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, sans quoi l’accord sera réputé non écrit.

3. Conditions de négociation, de validité, de révision et de dénonciation des accords conclus dans les entreprises dépourvues de délégué syndical

a. conditions de négociation des accords (article L. 2232-27-1)

Le projet de loi prévoit que la négociation entre l’employeur et les élus ou les salariés de l’entreprise mandatés se déroule dans le respect d’un certain nombre de règles :

- indépendance des négociateurs vis-à-vis de l’employeur ;

- élaboration conjointe du projet d’accord par les négociateurs ;

- concertation avec les salariés ;

- faculté de prendre l’attache des organisations syndicales représentatives de la branche.

Il est également précisé que les informations à remettre aux élus titulaires ou aux salariés mandatés préalablement à la négociation sont déterminées par accord entre ceux-ci et l’employeur.

b. Entrée en application des accords (article L. 2232-28)

Il est précisé que les accords d’entreprise conclus selon les modalités mentionnées ci-dessus ne peuvent entrer en application qu’après leur dépôt auprès de l’autorité administrative dans des conditions prévues par voie réglementaire, accompagnés, s’agissant des accords conclus par les représentants élus au comité d’entreprise ou les délégués du personnel, de l’extrait de procès-verbal de validation de la commission paritaire nationale de branche compétente.

c. Renouvellement, révision et dénonciation des accords (article L. 2223-29)

Les accords d’entreprise conclus selon les modalités définies à l’article 7 du projet de loi pourront être renouvelés, révisés ou dénoncés respectivement par l’employeur signataire, les représentants élus du personnel ou un salarié mandaté à cet effet.

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La Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur pour avis.

Elle a ensuite donné un avis favorable à l’adoption de l’article 7 ainsi modifié.

Chapitre VI

RESSOURCES ET MOYENS

Article 8

(articles L. 2135-1 à L. 2135-10 et article L. 8241-1 du code du travail)

Transparence financière et financement du dialogue social

Comme indiqué précédemment, la transparence financière est appelée à devenir un des critères de représentativité des organisations syndicales de salariés. Plus généralement, elle constitue, pour la démocratie sociale, comme pour la démocratie représentative, la garantie d’un fonctionnement sain des institutions et la possibilité, pour le citoyen, comme pour le contribuable et l’adhérent-cotisant, de pouvoir contrôler l’utilisation des fonds collectés par les partenaires sociaux. Les récentes révélations sur les conditions du financement du dialogue social par l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie), principale branche du MEDEF, et, au-delà de cette affaire, l’opacité des usages en la matière ont achevé de convaincre de la nécessité de promouvoir des pratiques plus transparentes et d’imposer le respect de règles de gestion comptable.

Dans le titre III de la position commune du 9 avril 2008, les partenaires sociaux ont ainsi dégagé plusieurs principes sur le financement des missions syndicales ainsi que sur la transparence et le contrôle de ces financements. Ils y « affirment leur attachement à la définition de règles de certification et de publicité des comptes qui respectent les spécificités des organisations concernées ».

L’article 8 traduit concrètement cet attachement de principe en posant une obligation de certification et de publicité des comptes des organisations syndicales et professionnelles au sein d’un nouveau chapitre V « Ressources et moyens » du titre III renommé « Statut juridique, ressources et moyens » du livre Ier de la deuxième partie du code du travail (section 1). Tout d’abord, l’article L. 2135-1 du code du travail impose aux syndicats, à quelque niveau que ce soit (local, départemental, régional ou national) de tenir des comptes annuels et l’article L. 2135-2 prévoit que ces derniers sont également tenus d’établir des comptes consolidés ou de fournir en annexe de leurs propres comptes les comptes des personnes morales qu’ils contrôlent (structures créées pour répondre à des besoins particuliers, dédiées par exemple à l’édition de publications ou servant d’organismes de formation). L’article L. 2135-4 dispose en outre que les comptes doivent être arrêtés par l’organe chargé de la direction et approuvés par l’assemblée générale des adhérents ou un organe collégial de contrôle désigné par les statuts. Enfin, l’article L. 2135-5 prévoit qu’il appartient aux syndicats d’assurer la publicité de leurs comptes dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État. Quant aux organisations dont les ressources dépassent un certain seuil, elles seront tenues de faire appel à un commissaire aux comptes. Comme pour les associations, ce seuil devrait être fixé à 153 000 euros, entraînant ainsi l’application de cette disposition à toutes les organisations de niveau national et régional, à une grande partie des organisations de niveau départemental et à quelques organisations de niveau local.

Soulignons que ces nouvelles dispositions ne devraient pas immédiatement entrer en vigueur afin de laisser un temps d’adaptation aux organisations concernées. Seule une date butoir est prévue, l’article 14 du projet de loi prévoyant que ces dispositions s’appliquent « au plus tard aux comptes du quatrième exercice comptable qui suit l’entrée en vigueur de la présente loi ». Votre rapporteur estime cependant que certaines de ces dispositions pourraient être mises en œuvre plus tôt, en fonction de la capacité des organisations à répondre à ces nouvelles exigences : il proposera donc un amendement prévoyant des dates d’entrée en vigueur différenciées pour chaque niveau concerné, à commencer par l’obligation de tenir des comptes qui s’appliquera à tous dès 2009.

L’article 8 intervient également sur la question des mises à disposition de salariés auprès des organisations syndicales, conformément au souhait des partenaires sociaux qui ont indiqué dans la position commune du 9 avril 2008 que « les mises à disposition de personnel effectuées par une entreprise aux organisations syndicales, dans le cadre d’un accord collectif, doivent acquérir une sécurité juridique incontestable et garantir une transparence financière ». Rappelons qu’à l’heure actuelle, il s’agit en effet d’une pratique fréquente bien qu’en réalité illégale. L’article 8 autorise donc expressément cette possibilité en introduisant des dispositions spécifiques au sein du nouveau chapitre V du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code du travail (section II « Mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales »). L’article L. 2135-7 pose tout d’abord un cadre précisant que pendant la mise à disposition, « les obligations de l’employeur à l’égard du salarié sont maintenues » et que, à l’expiration de la mise à disposition, le salarié « retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente ». Quant à l’article L. 2135-8, il renvoie à une convention collective ou un accord collectif de branche étendus ou à un accord d’entreprise le soin de déterminer les conditions dans lesquelles il peut être procédé à ces mises à disposition de salariés auprès d’organisations syndicales ou d’associations d’employeurs. Afin d’achever la mise en conformité juridique du dispositif, l’article 8 complète en outre l’article L. 8241-1 du code du travail prohibant le prêt de main d’œuvre illicite (18) en y ajoutant une exception concernant la mise à disposition de salariés dans le cadre évoqué ci-dessus

Enfin, l’article 8 va plus loin que la position commune en introduisant dans le code du travail des dispositions spécifiques au financement du dialogue social (section III du nouveau chapitre V du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code du travail). Il s’agit là d’une revendication de long terme des petites entreprises, à laquelle tentait notamment de répondre l’accord entre l’UPA (Union professionnelle artisanale) et les cinq syndicats de salariés du 12 décembre 2001.

L’accord sur le développement du dialogue social

dans l’artisanat du 12 décembre 2001

Le 12 décembre 2001, l’UPA a signé avec les organisations représentatives de salariés un accord destiné à s’inscrire dans la lignée des orientations émises par les partenaires sociaux dans la position commune du 16 juillet 2001 concernant les voies et moyens de l’approfondissement de la négociation collective.

Partant du constat que le dialogue social ne peut être développé au sein même des entreprises artisanales, il se fixe pour objectif de soutenir les branches professionnelles dans leurs missions de négociation sociale et de service aux entreprises et de favoriser la participation des artisans à la gestion des organismes paritaires et sociaux.

Généralisant un dispositif déjà appliqué dans l’artisanat du bâtiment ou des services, il prévoit de financer ces actions par le biais d’une contribution des entreprises artisanales à hauteur de 0,15 % de la masse salariale, selon les mêmes modalités que celles utilisées pour le financement de la formation professionnelle.

A terme, ce dispositif doit contribuer à améliorer la représentation des chefs d’entreprise et des salariés de l’artisanat au sein des instances de négociation collective et donc de faire en sorte que les intérêts spécifiques de ces entreprises soient mieux pris en compte.

L’article L. 2135-9 prévoit donc expressément dans son premier alinéa la possibilité pour une convention ou un accord collectif de fixer une contribution à la charge des entreprises entrant dans le champ d’application de l’accord afin de financer l’exercice de la négociation collective. Il précise que cette contribution est assise sur un pourcentage des salaires entrant dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Enfin, il est clairement indiqué que cette contribution doit servir « exclusivement » à assurer le financement du dialogue social. Dans le second alinéa de l’article, il est prévu que l’accord fixe également la répartition du produit des contributions entre les organisations patronales et les organisations de salariés représentatives à chaque niveau de négociation correspondant.

L’article L. 2135-10 fixe en outre la liste des dépenses déductibles de la contribution prévue à l’article L. 2135-9. Il s’agit :

– de la subvention de fonctionnement versée au comité d’entreprise (article L. 2325-43 du code du travail) ;

– des heures de délégation consenties aux membres titulaires du comité d'entreprise, aux représentants syndicaux au comité d'entreprise, dans les entreprises de cinq cent un salariés et plus, et aux représentants syndicaux au comité central d'entreprise, dans les entreprises de cinq cent un salariés et plus, mais dont aucun des établissements distincts n'atteint ce seuil (article L. 2325-6) ;

– du temps passé par les membres titulaires et suppléants aux séances du comité d'entreprise et aux réunions de la commission de la formation prévue à l'article L. 2325-26 du code du travail (article L. 2325-8) ;

– du temps passé aux séances du comité d’entreprise par les représentants syndicaux au comité d'entreprise (article L. 2325-9) ;

– des heures de délégation utilisées entre deux missions par un membre titulaire du comité d'entreprise pour l'exercice de son mandat dans les entreprises de travail temporaire (article L. 2325-10) ;

– des heures de délégation laissées aux délégués du personnel pour l'exercice de leurs fonctions (article L. 2315-1) ;

– des heures de délégation laissées aux délégués syndicaux pour l'exercice de leurs fonctions (article L. 2143-13) ;

– du crédit global de temps supplémentaire laissé aux délégués syndicaux appelés à négocier la convention ou l'accord d'entreprise, en vue de la préparation de la négociation de cette convention ou de cet accord (article L. 2143-16) ;

– des heures de délégation laissées aux représentants du personnel au CHSCT – comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (article L. 4614-3).

En effet, ces dépenses contribuent déjà, intrinsèquement, au financement du dialogue social : or, la mise en place d’une contribution ad-hoc sur la base de l’article L. 2135-9 ne saurait avoir pour effet de faire payer deux fois les entreprises. Ainsi, concrètement, la déduction visée à l’article L. 2135-10 aura pour effet de ne rendre applicable la contribution qu’aux entreprises dont le seuil d’effectif ne leur permet pas de disposer de délégués du personnel, de comité d’entreprise ou de délégué syndical.

Plus généralement, votre rapporteur considère que les partenaires sociaux doivent disposer de la plus grande latitude possible pour décider de la forme que doit prendre la contribution des entreprises au financement du dialogue social. Leur imposer que celle-ci se traduise nécessairement par le paiement d’une contribution assise sur la masse salariale n’apparaît pas opportun. Des mises à disposition de personnel pourraient en effet également être envisagées. C’est pourquoi votre rapporteur souhaite vous proposer une autre rédaction ne mentionnant pas une quelconque contribution. Par ailleurs il déposera un amendement visant à assurer une transparence totale en matière de mise à disposition.

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* *

La Commission a examiné un amendement de M. Lionel Tardy tendant à supprimer les dispositions de l’article relatives au financement du dialogue social.

M. Lionel Tardy a exposé son désaccord avec la création par le projet de loi d’un nouveau prélèvement de 0,15 % de la masse salariale sur les entreprises, sans étude d’impact, pour financer le dialogue social.

Le rapporteur pour avis a répondu que le projet de loi ne créait aucune charge supplémentaire. L’accord dit « UPA » de 2001 a prévu un prélèvement de 0,15 % sur le montant des salaires entrant dans l’assiette des cotisations sociales pour financer le dialogue social. Le projet de loi n’a pas pour objectif de généraliser un tel prélèvement, mais de le régulariser lorsqu’il a été prévu par de tels accords. Le projet de loi encadre uniquement la mise en œuvre de ces accords. Il a par ailleurs signalé qu’il avait lui-même déposé un amendement visant à élargir les voies possibles de financement du dialogue social sans pour autant faire référence à une contribution spécifique.

M. Jean-Paul Charié a indiqué que le groupe UMP était défavorable à l’institution d’un prélèvement de 0,15 % systématique pour le financement du dialogue social : d’autres solutions sont possibles. En revanche, un accord entre partenaires sociaux de 2001 a prévu cette possibilité. Le Gouvernement veut respecter les résultats de ces négociations. Aller à leur encontre serait envoyer un message extrêmement négatif aux partenaires sociaux.

Cependant, le dispositif du projet de loi, amendé par le rapporteur, respecte ces négociations tout en permettant d’autres dispositifs qu’une cotisation supplémentaire. C’est cette voie qu’il faut privilégier.

La Commission a alors rejeté l’amendement de M. Lionel Tardy, puis adopté l’amendement du rapporteur pour avis.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur pour avis prévoyant une information des salariés sur les mises à disposition des salariés auprès des organisations syndicales et associations d’employeurs.

Puis elle a donné un avis favorable à l’adoption de l’article 8 ainsi modifié.

Chapitre VII

DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES

Article 9

Dispositions transitoires et entrée en vigueur de la loi en matière de détermination des organisations syndicales représentatives

L’article 9 concerne la mise en œuvre de l’article 2.

1. Première mesure de l’audience au niveau des branches et au niveau national et interprofessionnel

Le I prévoit l’entrée en vigueur des dispositions relatives à la mesure de l’audience au niveau des branches professionnelles et au niveau interprofessionnel, au plus tard cinq ans après la publication de la loi.

2. Dispositions transitoires au niveau national et interprofessionnel

Le II dispose que jusqu’à la première détermination des organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel en application de l’article 2, sont présumées représentatives à ce niveau les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel à la date de publication de la loi, ainsi que toute organisation dont la représentativité est fondée sur les critères actuels (effectifs suffisants d’adhérents, cotisations significatives, indépendance par rapport à l’employeur, expérience et ancienneté, attitude patriotique pendant l’occupation).

3. Dispositions transitoires au niveau de la branche professionnelle

Le III prévoit que jusqu’à la première détermination des organisations représentatives au niveau de la branche professionnelle, sont présumés représentatifs à ce niveau les syndicats affiliés aux organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel mentionnées au II et les organisations syndicales de salariés déjà reconnues représentatives au niveau de la branche à la date de publication de la loi.

Il prévoit en outre que pendant quatre ans à compter de la première détermination des OS représentatives au niveau des branches en application de l’article 2, toute OS affiliée à l’une des OS représentatives au niveau national et interprofessionnel est présumée représentative au niveau national.

4. Dispositions transitoires au niveau de l’entreprise ou de l’établissement

Le IV dispose que jusqu’aux résultats des premières élections professionnelles dans l’entreprise ou l’établissement, pour lesquelles la date fixée pour la négociation du protocole électoral est postérieure à la publication de la loi, est présumée représentatif à ce niveau tout syndicat affilié à l’une des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel à la date de publication de la loi.

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La Commission a donné un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

Article 10

Dispositions transitoires et entrée en vigueur de la loi en matière de validité des accords

Cet article prévoit des dispositions transitoires avant l’entrée en vigueur de l’article 6, qui modifie les règles de validité des accords collectifs.

Le I de l’article 10 dispose que jusqu’à la détermination des organisations représentatives dans les branches et au niveau interprofessionnel, en application des dispositions du projet de loi, la validité d’un accord professionnel ou d’une convention de branche ou accord professionnel est subordonnée à l’absence d’opposition de la majorité des organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d’application de l’accord.

Le II précise que les règles de validité des accords d’entreprise prévues à l’article L. 2232-12 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’article 6 du projet de loi, s’appliqueront à compter du 1er janvier 2009.

Enfin, il dispose que jusqu’à cette date, la validité d’un accord d’entreprise est subordonnée à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages valablement exprimés au premier tour des dernières élections au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, de délégués du personnel dans l’entreprise, quel que soit le nombre de votants.

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La Commission a donné un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

Article 11

Dispositions transitoires en matière de délégués syndicaux

L’article 11 prévoit que les délégués syndicaux régulièrement désignés à la date de publication du projet de loi conservent leur mandat et leurs prérogatives jusqu’aux résultats des premières élections professionnelles, organisées dans l’entreprise ou l’établissement.

Il est également prévu qu’après les élections, ces délégués syndicaux conservent leurs mandats et leurs prérogatives dès lors que l’ensemble des conditions prévues à l’article 4 du projet de loi sont réunies.

Enfin, jusqu’aux résultats des premières élections professionnelles organisées dans les entreprises ou les établissements pour lesquels la date fixée pour la négociation du protocole préélectoral est postérieure à la publication de la loi, chaque syndicat représentatif dans l’entreprise ou l’établissement à la date de cette publication peut désigner un ou plusieurs délégués syndicaux pour le représenter auprès de l’employeur, conformément au droit actuellement en vigueur.

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La Commission a donné un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

Article 12

Dispositions transitoires et entrée en vigueur de la loi en matière de négociation avec les élus du personnel ou des salariés mandatés

Cet article définit une période transitoire pour l’application des règles de négociation avec les élus du personnel ou des salariés mandatés. En effet, l’article 7 du projet de loi prévoit de nouvelles règles en la matière (cf. supra).

1. Dispositions transitoires

L’article 12 prévoit que le droit en vigueur aux articles L. 2232-21 à L. 2232-29 que modifie l’article 7 du projet de loi restent en vigueur jusqu’au 31 décembre 2009, dans leur version antérieure à la publication de cette loi.

La négociation entre l’employeur et les élus ou les salariés de l’entreprise mandatés se déroule dans le respect d’un certain nombre de règles :

- indépendance des négociateurs vis-à-vis de l’employeur ;

- élaboration conjointe du projet d’accord par les négociateurs ;

- concertation avec les salariés ;

- faculté de prendre l’attache des organisations syndicales représentatives de la branche.

Le projet de loi précise que les informations à remettre aux élus titulaires ou aux salariés mandatés préalablement à la négociation sont déterminées par accord entre ceux-ci et l’employeur.

2. Entrée en vigueur de l’article 7 du projet de loi

L’article 7 du projet de loi entre en vigueur à compter du 31 décembre 2009, dans toutes les entreprises dépourvues de délégué syndical qui ne relèvent pas d’une convention de branche ou d’un accord professionnel.

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La Commission a donné un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

Article 13

(article L. 2261-10 du code du travail)

Règles spécifiques de dénonciation d’un accord en cas de changement des organisations syndicales parties à la négociation

L’article 13 a pour objet de prévoir des règles spécifiques à la dénonciation lorsqu’en application des nouvelles règles de représentativité, les organisations syndicales parties à la négociation ont changé.

1. Droit en vigueur

L’article L. 2261-10 du code du travail tel qu’en vigueur concerne la dénonciation d’un accord par la totalité des signataires employeurs ou salariés.

Il prévoit que lorsque la dénonciation d’un accord émane de la totalité des signataires employeurs ou des signataires salariés, la convention ou l'accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis, sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure.

Une nouvelle négociation s'engage, à la demande d'une des parties intéressées, dans les trois mois qui suivent la date de la dénonciation.

Il en est de même, à la demande d'une des organisations syndicales représentatives de salariés intéressées, en cas de dénonciation de la convention ou de l'accord, s'agissant du secteur concerné par la dénonciation.

2. Projet de loi

L’article 13 complète cet article et précise que lorsque l’application des règles d’appréciation de la représentativité conduit à modifier la représentativité des organisations syndicales de salariés signataires d’un accord, la dénonciation de l’accord emporte effet dès lors qu’elle émane de l’ensemble des organisations syndicales signataires qui sont représentatives dans le champ de l’accord à la date de dénonciation.

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La Commission a donné un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

Chapitre VII

DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES

Article 14

Entrée en vigueur des dispositions relatives à la certification et à la publicité des comptes des organisations syndicales et professionnelles

Le projet de loi fixe une date butoir pour l’entrée en vigueur des dispositions relatives aux nouvelles règles de comptabilité applicables aux organisations syndicales salariales et patronales, en précisant qu’elles s’appliqueront « au plus tard aux comptes du quatrième exercice comptable qui suit l’entrée en vigueur de la présente loi ». Il renvoie par ailleurs à un décret pour fixer les conditions d’application afférentes.

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La Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis établissant des dates d’entrée en vigueur différenciées pour les nouvelles obligations de tenue et de certification des comptes imposées aux organisations syndicales et professionnelles.

Elle a ensuite donné un avis favorable à l’adoption de l’article 14 ainsi modifié.

Article 15

Rapport sur les dispositions relatives à la représentativité des organisations syndicales

Cet article a pour objet de prévoir que les dispositions de l’article 2 du projet de loi en matière de représentativité feront l’objet d’un rapport présenté par le Gouvernement au Parlement, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective (CNCC).

La Commission nationale de la négociation collective

L’article L2271-1 du code du travail définit les missions de la CNCC qui est chargée :

1° De proposer au ministre chargé du travail toutes mesures de nature à faciliter le développement de la négociation collective, en particulier en vue d'harmoniser les définitions conventionnelles des branches ;

2° D'émettre un avis sur les projets de loi, d'ordonnance et de décret relatifs aux règles générales portant sur les relations individuelles et collectives du travail, notamment celles concernant la négociation collective ;

3° De donner un avis motivé au ministre chargé du travail sur l'extension et l'élargissement des conventions et accords collectifs ainsi que sur l'abrogation des arrêtés d'extension ou d'élargissement ;

4° De donner, à la demande d'au moins la moitié des membres de la commission d'interprétation compétente préalablement saisie, un avis sur l'interprétation de clauses d'une convention ou d'un accord collectif ;

5° De donner un avis motivé au ministre chargé du travail sur la fixation du salaire minimum de croissance dans les cas prévus par les articles L. 3231-6 et L. 3231-10 ;

6° De suivre l'évolution des salaires effectifs et des rémunérations minimales déterminées par les conventions et accords collectifs ainsi que l'évolution des rémunérations dans les entreprises publiques ;

7° D'examiner le bilan annuel de la négociation collective ;

8° De suivre annuellement l'application dans les conventions collectives du principe " à travail égal salaire égal ", du principe de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et du principe d'égalité de traitement entre les salariés sans considération d'appartenance ou de non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, ainsi que des mesures prises en faveur du droit au travail des personnes handicapées, de constater les inégalités éventuellement persistantes et d'en analyser les causes. La Commission nationale a qualité pour faire au ministre chargé du travail toute proposition pour promouvoir dans les faits et dans les textes ces principes d'égalité ;

9° De suivre annuellement l'évolution du taux d'activité des personnes de plus de cinquante ans afin de faire au ministre chargé du travail toute proposition de nature à favoriser leur maintien ou leur retour dans l'emploi.

L’article L2272-1 prévoit que cette commission comprend des représentants de l'État, du Conseil d'État, ainsi que des représentants des organisations d'employeurs représentatives au niveau national et des organisation syndicales de salariés représentatives au niveau national.

Le projet de loi précise que le Haut Conseil du dialogue social, créé à l’article 2 du projet de loi, soumet au ministre chargé du travail les enseignements à tirer de l’application de la loi et du rapport précité.

L’exposé des motifs du projet de loi précise qu’ « il s’agira d’évaluer et de faire des propositions sur :

- l’évolution éventuelle des seuils d’audience requis pour être représentatif au niveau des branches et au niveau interprofessionnel ;

- les perspectives d’évolution des règles de validité des accords ;

- les dispositions relatives aux organisations syndicales catégorielles. »

L’exposé des motifs de l’article 2 du projet de loi précise en outre qu’ « à terme, l’objectif est d’unifier le seuil [de représentativité°à 10 % [des suffrages valablement exprimés au premier tour des élections professionnelles] au niveau national comme à celui de l’entreprise ».

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La Commission a rejeté un amendement de M. Lionel Tardy relatif au Haut Conseil du dialogue social.

La Commission a ensuite donné un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

Article additionnel après l’article 15 

Dates de versement des rémunérations des congés de formation économique et sociale et de formation syndicale

La Commission a adopté un amendement portant article additionnel du rapporteur pour avis précisant que cette rémunération est versée à la fin du mois au cours duquel la session de formation a eu lieu, et destiné en conséquence à mettre fin à des pratiques où elle n’était versée qu’en fin d’année.

TITRE II

LE TEMPS DE TRAVAIL

Article 16

(articles L. 3121-11 et L. 3121-24 du code du travail)

Renvoi à la négociation collective pour la définition et la mise en œuvre du contingent annuel d’heures supplémentaires et de ses contreparties

L’article 16 du projet de loi rénove en profondeur les dispositions du code du travail relatives aux heures supplémentaires contenues dans la section II du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail.

Il convient d’emblée de souligner que ces dispositions ne modifient en rien la durée légale du travail effectif, qui reste fixée à trente-cinq heures par semaine civile, conformément aux dispositions de l’article L. 3121-10 du code du travail. La référence en vigueur pour le déclenchement des heures supplémentaires reste donc elle aussi inchangée (article L. 2131-15), de même que les durées maximales de travail et les règles applicables en matière de repos obligatoire.

Durées maximales de travail et repos obligatoire

Il existe des durées maximales au-delà desquelles aucun travail effectif ne peut être demandé. Sauf dérogation, ces durées maximales sont fixées à :

– 10 heures par jour ;

– 48 heures par semaine ;

– 44 heures en moyenne sur une période de 12 semaines consécutives.

En outre, les salariés doivent bénéficier d’un repos quotidien de 11 heures au minimum et d’un repos hebdomadaire de 24 heures auquel s’ajoutent les heures de repos quotidien. L’employeur est tenu d’accorder 20 minutes de pause dès lors que le temps de travail quotidien atteint 6 heures.

Enfin, les salariés ont droit à 2 jours et demi de congés par mois de travail effectif, c’est-à-dire 30 jours ouvrables de repos (5 semaines) pour une année complète de travail (du 1er juin au 31 mai).

En revanche, le régime des heures supplémentaires est totalement bouleversé, dans ses principes comme dans ses modalités, par la suppression du contingent annuel réglementaire et des obligations administratives afférentes. En effet, si le principe d’un contingent annuel d’heures supplémentaires reste posé à l’article L. 3121-11 du code du travail, sa définition est entièrement renvoyée à la négociation collective. Rappelons qu’à l’heure actuelle, il existe un contingent réglementaire de 220 heures auquel il est possible de déroger par accord, mais le principe est celui d’une définition centralisée, impliquant une information de l’inspection du travail lorsqu’il est fait recours aux heures prévues dans le contingent ainsi qu’une information du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel (article L. 3121-11). En outre, si l’employeur souhaite aller au-delà de ce contingent, il doit solliciter l’autorisation de l’inspection du travail qui se prononce après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. L’inspection du travail dispose à cet égard d’un pouvoir exorbitant, renforcé par les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 3121-19 qui dispose qu’« en cas de chômage, [l’inspecteur du travail] peut en interdire le recours en vue de permettre l’embauche de travailleurs sans emploi », traduisant juridiquement une équation économique reposant sur un postulat totalement erroné selon lequel en restreignant la possibilité d’avoir recours à des heures supplémentaires, on obligerait mécaniquement les employeurs à embaucher !

Le présent projet de loi apporte à cette situation bloquée et rigidifiée une solution d’une désarmante simplicité qui ne pourra que contribuer à fluidifier le système et à assurer une meilleure adéquation des demandes des salariés et des employeurs. Désormais c’est en effet au plus près des besoins que seront définies les règles afférentes aux heures supplémentaires, l’article L. 3121-11 renvoyant à une convention ou un accord collectif d’entreprise le soin de définir le contingent annuel d’heures supplémentaires ou, à défaut, à une convention ou un accord de branche. S’agissant par ailleurs de la possibilité d’effectuer des heures au-delà du contingent annuel, soulignons que l’article L. 3121-19 est abrogé : il appartiendra donc désormais à l’accord de définir également « l’ensemble des conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que la durée, les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos » due à l’occasion de l’accomplissement de ces heures (paragraphe I de l’article 16). Au titre des conditions d’accomplissement visées ici pourront figurer par exemple : le volontariat ou la priorité donnée aux personnes n’ayant pas de contraintes familiales ; un délai de prévenance ; la nature des informations transmises aux représentants du personnel. On soulignera cependant que l’abrogation de l’article L. 3121-19 sur les prérogatives de l’inspection du travail en matière d’heures supplémentaires supprime de facto les dispositions relatives à l’information et à la consultation des institutions représentatives du personnel. Votre rapporteur estime cependant que ces dispositions sont essentielles à l’information et à la participation des salariés dans la bonne marche de leur entreprise, elles devraient donc être conservées.

L’instauration de ce nouveau dispositif rend de fait inutiles le dispositif précurseur des « heures choisies » introduit par la loi du 31 mars 2005 ; les dispositions des articles L 3121-17 et L. 3121-18 sont donc supprimées (II de l’article 16). Il en va de même des dispositions relatives au contingent annuel réduit en cas d’accord de modulation dont la détermination est, elle aussi, renvoyée à la négociation (article L. 3121-13). Et sont également abrogées les dispositions afférentes au repos compensateur obligatoire (paragraphe 3 de la sous-section 3 de la section II).

Plus généralement, s’agissant des contreparties aux heures supplémentaires (sous-section 3 de la section II), il faut noter que, si l’article L. 3121-22 relatif aux majorations applicables aux heures supplémentaires comprises dans le contingent reste en vigueur (19), en revanche les dispositions afférentes au repos compensateur obligatoire sont supprimées (20). C’est en effet à la convention ou à l’accord collectif qu’il reviendra désormais, d’une part, de prévoir, ou non, une contrepartie en repos aux heures prévues au sein du contingent et, d’autre part, de déterminer les conditions d’accomplissement de la contrepartie obligatoire en repos s’agissant des heures effectuées au-delà du contingent annuel, comme indiqué plus haut. Rappelons à cet égard que l’absence de justification à ce repos obligatoire a été dénoncée à plusieurs reprises, dans la mesure où la France dispose déjà d’une législation restrictive sur les durées maximales de travail et les temps de repos obligatoires qui continuent bien évidemment de s’appliquer (21). Enfin, s’agissant du repos compensateur de remplacement – RCR (22), deux changements principaux sont à noter : le principe d’une définition par accord collectif d’entreprise ou, à défaut, de branche est là aussi posé et la possibilité pour le salarié, introduite à titre temporaire par la loi du 8 février 2008 (23), de renoncer au RCR afin d’obtenir le paiement des majorations correspondantes, est pérennisé dans le nouvel alinéa 3 de l’article L. 3121-24 du code du travail (paragraphe III de l’article 16). Cette monétisation du RCR constitue là aussi une mesure favorable au pouvoir d’achat des salariés et ce d’autant plus que les avantages sociaux et fiscaux (exonération d’impôt sur le revenu, réduction des cotisations sociales salariales, déduction forfaitaire de cotisations sociales patronales) prévues par la loi « TEPA » du 21 août 2007 s’appliquent aux rémunérations versées dans ce cadre.

L’article L. 3121-11 du projet de loi renvoie enfin, en cas d’absence d’accord, à un décret déterminant le contingent annuel, les conditions dans lesquelles il est possible de dépasser ce contingent et la contrepartie obligatoire en repos (deuxième alinéa) et reprend les dispositions de l’article L. 3121-14 par ailleurs abrogé, qui prévoient une consultation annuelle du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, sur les modalités d’utilisation du contingent lorsque celui-ci n’est pas défini par voie conventionnelle (dernier alinéa).

S’agissant de la date d’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif, le paragraphe IV de l’article 16 la fixe au 1er janvier 2010, les clauses des conventions et accords conclus sur la base des dispositions antérieures étant réputées prendre fin au 31 décembre 2009. Le texte laisse donc un an et demi aux entreprises, ou aux branches, pour négocier. A l’expiration de ce délai, en l’absence d’accord, c’est le décret précité qui s’appliquera.

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M. André Chassaigne a exposé que, si son groupe s’était abstenu sur les articles du titre Ier, il votait en revanche contre les articles composant le titre II du projet de loi.

La Commission a adopté un amendement de cohérence du rapporteur pour avis relatif à l’information des institutions représentatives du personnel sur l’accomplissement des heures supplémentaires.

Elle a ensuite donné un avis favorable à l’adoption de cet article ainsi modifié.

Article 17

(articles L. 3121-38 à L. 3121-47 et article L. 2323-29 du code du travail)

Assouplissement du régime des conventions individuelles de forfait

L’article 17 vise, d’une part, à clarifier et à simplifier les dispositions relatives aux forfaits et, d’autre part, à poser, comme pour la détermination du contingent annuel d’heures supplémentaires, le principe d’un renvoi à un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, à un accord de branche pour définir les modalités de recours à ces forfaits. Pour ce faire, il réécrit l’ensemble des dispositions aujourd’hui contenues dans la section IV du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail. Cette réécriture permet tout d’abord d’établir une distinction claire entre les trois types de forfaits existants :

– le forfait en heures sur la semaine ou sur le mois (sous-section 1) ;

– le forfait en jours sur l’année (paragraphe 1 de la sous-section 2) ;

– le forfait en heures sur l’année (paragraphe 2).

Ÿ les conventions individuelles de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois

L’article L. 3121-38 du code du travail reprend, en les reformulant, les dispositions aujourd’hui contenues au 3ème alinéa de l’article L. 3121-40 qui disposent que « à défaut de convention ou d’accord collectif (…), des conventions de forfait en heures ne peuvent être établies que sur une base hebdomadaire ou mensuelle ». Il ressort donc de ces dispositions que tout salarié peut voir sa durée du travail fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois, même en l’absence d’accord collectif préalable. Dans ce cas, la rémunération afférente au forfait est au moins égale à la rémunération que le salarié recevrait compte tenu du salaire minimum conventionnel applicable dans l'entreprise et des majorations pour heures supplémentaires prévues à l'article L. 3121-22. Ces dispositions, actuellement visées à l’article L. 3121-41 du code du travail, n’ont pas été reprises dans l’actuel projet de loi mais pourraient utilement y figurer car elles constituent une garantie pour le pouvoir d’achat des salariés concernés. Votre rapporteur vous proposera un amendement en ce sens.

Rappelons que ce type de forfait a été institué par la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle, ou plus exactement par l’accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977 sur la mensualisation annexé au dit projet de loi (24). Il ne s’agit donc pas d’une innovation mais d’une meilleure distinction au sein des différents types de forfaits existants : en effet, paradoxalement, le forfait en heures sur la semaine ou sur le mois n’apparaissait jusqu’à présent que comme une exception, dans la mesure où il ne nécessite pas d’accord collectif préalable.

Ÿ les conventions individuelles de forfait en jours ou en heures sur l’année

La mise en place de conventions individuelles de forfait sur l’année doit en effet être prévue par une convention ou un accord collectif. Le projet de loi ne modifie pas cette condition préalable, mais fidèle à la conviction qui l’anime sur la nécessité de rapprocher le lieu de négociation et de prise de décision des employeurs et des salariés présents sur le terrain, renvoie désormais à un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, de branche. L’article L. 3212-39 précise que cet accord fixe la durée annuelle de travail à partir de laquelle le forfait est établi, prévoit les catégories de salariés concernés ainsi que les modalités et caractéristiques principales de ces conventions.

S’agissant des conventions individuelles de forfaits en jours sur l’année, le projet de loi réécrit en grande partie les dispositions préalablement contenues au paragraphe 4 de la sous-section 1 de la section IV du chapitre Ier du titre II de la troisième partie du code du travail. Toutefois, il ne modifie ni les dispositions relatives aux durées quotidiennes et hebdomadaires (25) et au repos (26) ni le champ des salariés susceptibles de bénéficier d’une convention de forfait en jours. Sur ce dernier point, le projet de loi se contente de clarifier les dispositions en vigueur en regroupant celles qui étaient préalablement dispersées au sein des articles L. 3121-38, L. 3121-45 et L. 3121-51. L’article L. 3121-40 définit ainsi la liste des salariés intéressés par ce type de forfait :

– les cadres définis par l’accord au regard de leur autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps, dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;

– les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

L’article L. 3121-41 reprend également le droit en vigueur stipulant que la durée annuelle de travail d’un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année ne peut dépasser 218 jours. En revanche, une innovation majeure réside dans la détermination par ce même accord d’un nombre annuel maximal de jours travaillés, dans le respect des dispositions relatives aux repos quotidien et hebdomadaire et aux congés payés (27) soit dans la limite de 282 jours (28). En effet, de la sorte, l’article L. 3121-42 peut autoriser le salarié qui le souhaite à travailler au-delà de la durée annuelle ou de renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de son salaire, dans la limite du nombre annuel maximal de jours travaillés, simplement en accord avec son employeur (29). Il convient toutefois de souligner qu’en l’absence de définition du nombre annuel maximal de jours travaillés, le projet de loi prévoit que celui-ci est fixé par l’employeur après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut des délégués du personnel lorsqu’ils existent. Or, une telle disposition risque d’attirer les critiques du comité européen des droits sociaux qui a déjà considéré, à deux reprises, qu’une absence de limite légale était contraire aux dispositions de la Charte sociale du conseil de l’Europe (30). Votre rapporteur vous proposera donc un amendement visant à établir un plafond applicable à défaut d’accord, ce qui permettra d’éviter de futurs contentieux.

Nonobstant cette précision à apporter, force est de constater que le projet de loi met en œuvre une nouvelle disposition favorable au pouvoir d’achat des salariés, qui bénéficient en contrepartie des heures travaillées au-delà de leur forfait, d’une rémunération majorée ne pouvant être inférieure à la valeur afférente au temps de travail supplémentaire réalisé majorée de 10 % ; celle-ci est fixée par avenant à la convention de forfait (deuxième alinéa de l’article L. 3121-42). Enfin, des voies de recours existent lorsque le salarié estime qu’il perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées (article L. 3121-44).

Le formalisme attaché à la conclusion des accords collectifs encadrant le recours aux conventions individuelles de forfait en jours sur l’année est par ailleurs allégé : les nombreuses mentions devant figurer dans l’accord prévues à l’article L. 3121-45 du code du travail ne sont ainsi pas reprises dans le projet de loi (31). En revanche, celui-ci institue à l’article L. 3121-43 du code du travail un entretien annuel individuel portant sur la charge de travail du salarié, auquel s’ajoute une consultation annuelle du comité d’entreprise sur l’aménagement du travail sous forme de forfait ainsi que sur les modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés. Cette disposition s’applique aussi bien dans le cas des forfaits en jours que dans celui des forfaits en heures (II de l’article 16 complétant l’article L. 2323-29 du code du travail).

En ce qui concerne précisément les conventions individuelles de forfaits en heures sur l’année, il faut noter que les formalités devant obligatoirement figurer dans l’accord collectif sont, comme pour les conventions de forfaits en jours, considérablement allégées. Les dispositions des articles L. 3121-43 et L. 3121-44 ne sont ainsi pas reprises par le projet de loi afin de laisser le champ libre à la négociation collective. A contrario, le projet de loi reprend les dispositions préalablement contenues à l’article L. 3121-41 du projet de loi qui dispose que « la rémunération afférente au forfait est au moins égale à la rémunération que le salarié recevrait compte tenu du salaire minimum conventionnel applicable dans l’entreprise et des majorations pour heures supplémentaires ».

L’innovation principale du projet de loi réside donc dans l’élargissement du champ des salariés susceptibles d’être concernés par ce type de forfait. L’article L. 3121-46 du code du travail vise ainsi désormais non seulement les cadres mais l’ensemble des « salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps ». Signalons que l’article L. 3121-51 n’incluait en effet jusqu’à présent dans ce type de forfait que les « salariés itinérants non cadres dont la durée de travail ne peut être prédéterminée ou qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées ».

Enfin, il faut noter que la sécurité juridique des accords existants ne sera nullement remise en cause par l’entrée en vigueur des présentes dispositions. Dans son paragraphe III, l’article 17 précise en effet que « les accords conclus en application des articles L. 3121-40 à L. 3121-51 du code du travail dans leur rédaction antérieur à la publication de la présente loi restent en vigueur ».

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La Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis concernant les garanties de rémunération dont bénéficient les salariés en convention de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à établir un plafond de 250 jours au nombre annuel maximal de jours travaillés dans le cadre de forfaits en jours sur l’année, dans les cas où l’accord collectif de travail n’a pas lui-même fixé ce nombre.

M. Jean Gaubert, approuvé par M. André Chassaigne, a fait remarquer que, si l’on additionnait aux 250 jours ainsi prévus les 104 jours représentant les 52 samedis et les 52 dimanches annuels, ainsi que les 12 jours fériés annuels, on obtenait un total de 366 jours sur une année, ce qui laissait pour le moins assez peu de place aux jours de congés payés. Ce à quoi le rapporteur pour avis a répondu que l’objectif de son amendement était d’éviter que ce plafond ne soit fixé à 282 jours, qui est la limite autorisée en application des dispositions légales relatives aux repos quotidien et hebdomadaire et aux congés payés.

La Commission a ensuite donné un avis favorable à l’adoption de l’article 17 ainsi modifié.

Article 18

(articles L. 3122-1 à L. 3122-4 du code du travail)

Création d’un mode unique d’aménagement du temps de travail

Si la nécessité d’aménager le temps de travail afin de permettre aux entreprises d’organiser le travail en fonction des impératifs de l’activité est reconnue depuis longtemps, la réduction du temps de travail s’est traduite par une multiplication des modes d’aménagement existants et par une complexité accrue des dispositions législatives et réglementaires afférentes.

Le projet de loi poursuit donc avec l’article 18 son entreprise de simplification des dispositions du code du travail relatives à la durée du travail en substituant aux cinq modes d’aménagement actuels (32) un mode unique de répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année et en remplaçant la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail par une nouvelle section contenant uniquement quatre articles, au lieu de 22.

L’exigence de flexibilité étant désormais une donnée incontournable tant pour les entreprises, dans leurs relations avec les clients, que pour les salariés vis-à-vis de leur entreprise, le projet de loi contribue à normaliser le recours à l’aménagement du temps de travail. On ne peut en effet empêcher durablement les entreprises d’adopter l’organisation du temps de travail qui leur convient le mieux, sous réserve que celle-ci fasse effectivement l’objet d’une convention ou d’un accord collectif.

L’article L. 3122-1 conserve le principe selon lequel la semaine civile débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à vingt-quatre heures, tout en donnant la possibilité d’y déroger par accord d’entreprise ou d’établissement.

Pour mettre en place ce mode unique d’aménagement du temps de travail, l’article L. 3122-2 renvoie à un accord collectif d’entreprise ou d’établissement et, à défaut, à un accord de branche. Par ailleurs, là où chaque mode d’aménagement définissait des clauses spécifiques (33) à prévoir dans les accords les mettant en œuvre, il dispose désormais simplement que l’accord définissant les modalités d’aménagement du temps de travail et l’organisation de la répartition de la durée du travail prévoit :

« 1° Les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d’horaire de travail (34) ;

2° Les limites pour le décompte des heures supplémentaires ;

3° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période. »

Par ailleurs, l’alinéa 10 renvoie, à défaut d’accord, à un décret qui définira les modalités et l’organisation de la répartition de la durée du travail sur plus d’une semaine.

L’article L. 3122-3 prévoit une dérogation pour les entreprises fonctionnant en continu afin de permettre l’organisation du temps de travail sur plusieurs semaines par décision de l’employeur. Cette disposition ne constitue pas une innovation puisque ce même article prévoit à l’heure actuelle que les cycles de travail peuvent être mis en place dans les entreprises qui fonctionnent en continu, sans qu’il soit nécessaire de passer par une convention ou un accord collectif. Rappelons à cet égard que la mise en œuvre du travail en continu est déjà soumise à des règles très strictes, puisqu’aux termes de l’article L. 3132-14 du code du travail, dans les industries ou les entreprises industrielles, la possibilité d’organiser le travail de façon continue pour des raisons économiques et d’attribuer le repos hebdomadaire par roulement est soumise à une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement et, qu’à défaut, seule une dérogation peut être accordée par l’inspecteur du travail après consultation des délégués syndicaux et avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'ils existent, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État. Enfin, on signalera qu’a contrario, les dispositions spécifiques relatives à l’attribution de jours de repos sur quatre semaines, prévues aux articles L. 3122-6 à L. 3122-8, qui ne nécessitaient pas non plus d’accord collectif dans le droit existant, ne sont pas reprises dans le projet de loi.

Enfin, l’article L. 3122-4 définit les heures qui doivent être considérées comme des heures supplémentaires en cas de variation de la durée de travail hebdomadaire sur tout ou partie de l’année, comme dans le cadre de la modulation aujourd’hui, ou lorsqu’il est fait application de la possibilité de calculer la durée du travail sur une période de plusieurs semaines. Il s’agit :

– des heures effectuées au-delà de 1 607 heures annuelles ou de la limite annuelle inférieure fixée par l’accord, déduction faite des heures supplémentaires effectuées au-delà du plafond hebdomadaire et déjà payées en cours d’année ;

– des heures effectuées au-delà de la moyenne de trente-cinq heures calculée sur la période de référence fixée par l’accord ou par le décret, déduction faite des heures supplémentaires effectuées au-delà du plafond hebdomadaire et déjà payées en cours d’année. 

On peut noter à cet égard que le projet de loi ne modifie pas le plafond actuel de 1607 heures annuelles.

Enfin, comme à l’article 17, l’entrée en vigueur des présentes dispositions ne signifie pas la remise en cause automatique des accords existants puisqu’il est précisé dans le paragraphe III de l’article 18 que « les accords conclus en application des articles L. 3122-3, L. 3122-9, L. 3122-19 et L. 3123-25 (35) du code du travail dans leur rédaction antérieur à la publication de la présente loi restent en vigueur ».

*

* *

La Commission a donné un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

Article 19

Coordination avec les dispositions issues des lois du 8 février 2008 relative au pouvoir d’achat et du 27 août 2007 relative au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat

L’article 19 vise à faire en sorte que les dispositifs en faveur du pouvoir d’achat mis en place par les lois du 27 août 2007 relative au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat et du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat, d’une part, puissent s’appliquer aux nouveaux dispositifs relatifs au temps de travail prévus par le projet de loi et, d’autre part, continuent de s’appliquer aux dispositifs mis en œuvre par accord sur la base des dispositions du code du travail antérieurement en vigueur et ce jusqu’au 31 décembre 2009.

Ainsi, aux termes du I du présent article, la monétisation du repos compensateur de remplacement prévue au troisième alinéa de l’article L. 3121-24 (article 16, alinéa 10) ainsi que la rémunération des jours de repos auxquels les salariés en forfait en jours renoncent en application de l’article L. 3121-42 (article 17, alinéa 19) ouvrent droit, jusqu’au 31 décembre 2009, à l’application des dispositions des III et V de l’article 1er de la loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat. Cela signifie que les sommes perçues à ce titre bénéficient, soit, pour les journées acquises et les droits affectés au 31 décembre 2007 (36), d’une exonération de toute cotisation et contribution d'origine légale ou d'origine conventionnelle rendue obligatoire par la loi, à l'exception de la CSG et de la CRDS (37), soit, pour les jours acquis et les droits affectés entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2009, du dispositif « heures supplémentaires » de la loi TEPA, c'est-à-dire d’une exonération d’impôt sur le revenu (article 81 quater du code général des impôts), d’une réduction des cotisations salariales et d’une déduction forfaitaire des cotisations patronales (article L. 241-17 du code de la sécurité sociale).

De même, le III du présent article modifie-t-il les dispositions de l’article 81 quater du code général des impôts créé par la loi du 27 août 2007, afin d’adapter ses dispositions aux évolutions introduites par le projet de loi (suppression des heures choisies, possibilité de renoncer à des jours de repos dans le cadre des forfaits en jours, adaptation au nouveau mode unique d’aménagement du temps de travail).

Le II, en revanche, précise que les dispositions des articles 1er, 2 et 4 de la loi du 8 février 2008 relatives au rachat exceptionnel de jours de repos, au régime social et fiscal des sommes versées en contrepartie du renoncement à ces jours de repos et au congé désintéressé pour le compte d’une œuvre ou d’un organisme d’intérêt général continuent de s’appliquer aux articles L. 3121-45, L. 3121-46, L. 3121-51, L. 3122-6, L. 3122-19 et L 3152-1 (38) du code du travail dans leur rédaction en vigueur avant la promulgation de la loi et ce jusqu’au 31 décembre 2009. De même, le IV prévoit que, pour les entreprises n’ayant pas conclu de nouvel accord sur les modalités d’organisation du temps de travail postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi, l’article 81 quater du code général des impôts s’applique dans sa rédaction antérieure à la date de la publication de la présente loi. Il en est de même jusqu’au 31 décembre 2009 pour les entreprises n’ayant pas conclu de nouvel accord sur le contingent annuel d’heures supplémentaires.

*

* *

La Commission a donné un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

Article 20

Coordination au sein du code du travail

L’article 20 prévoit les modifications de coordination nécessaires entre les nouvelles dispositions introduites dans les articles contenus dans le chapitre Ier et la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail par les articles 16 à 18 du projet de loi et les autres articles du code du travail contenant des références à ces dispositions dans leur rédaction antérieure.

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La Commission a donné un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

Puis la Commission a donné un avis favorable à l’adoption du projet de loi (n° 969) ainsi modifié.

ANNEXE

09/04/2008

POSITION COMMUNE DU 9 AVRIL 2008 SUR LA REPRESENTATIVITÉ, LE DÉVELOPPEMENT DU DIALOGUE SOCIAL ET LE FINANCEMENT DU SYNDICALISME

TITRE I - LA REPRESENTATIVITÉ DES ORGANISATIONS SYNDICALES DE SALARIÉS

Chapitre 1 - Les critères de représentativité

Pour tenir compte des évolutions intervenues depuis leur institution par la loi du 11 février 1950, d'une part, et pour renforcer la légitimité des accords signés par les organisations syndicales de salariés dans le cadre de l'élargissement du rôle attribué à la négociation collective, d'autre part, les parties signataires de la présente position commune considèrent qu'il est nécessaire d'actualiser les critères de représentativité des organisations syndicales de salariés prévus à l'article L.2121-1 du Code du Travail. A cet effet, elles sont convenues des dispositions ci-après qui visent à permettre le développement du dialogue social au regard des évolutions actuelles de la société et de ses composantes économiques et sociales:

Article 1 - Critères à prendre en compte

1-1 - La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères suivants :

les effectifs d'adhérents et les cotisations;

la transparence financière ;

l'indépendance ;

le respect des valeurs républicaines ;

l'influence caractérisée par l'activité, l'expérience et l'implantation géographique et professionnelle du syndicat ;

une ancienneté de deux ans ;

et l'audience établie à partir des résultats aux élections professionnelles.

1-2 - Ces critères, qui sont cumulatifs et s'apprécient dans un cadre global, se substituent à ceux de l'article L.2121-1 du Code du Travail actuellement en vigueur.

1-3 - L'activité s'apprécie au regard de la réalité des actions menées par le syndicat considéré et témoigne de l'effectivité de la présence syndicale.

1-4 - L'audience s'évalue, à partir du résultat des élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, dans les entreprises où elles sont organisées. Elle est prise en compte dans l'évaluation de la représentativité dans les conditions fixées à l'article 2 ci-dessous. Pour une durée indéterminée, pour les organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale catégorielle, l'audience s'évalue sur la base des résultats enregistrés par ces organisations dans le ou les collèges dans lesquels leurs règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats.

1-5 - La transparence financière est assurée, pour les confédérations, les fédérations, les unions régionales, par des comptes certifiés annuels, établis suivant des modalités adaptées aux différents niveaux des organisations syndicales et conformes aux normes applicables aux organisations syndicales telles qu’elles seront fixées par la loi en préparation sur la certification et la publication des comptes de ces dernières.

1-6 - Le respect des valeurs républicaines implique le respect de la liberté d'opinion, politique, philosophique ou religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance.

Article 2 – Mesure et place de l'audience dans l'évaluation de la représentativité

2-1 - Au niveau de l'entreprise (1), l'audience se mesure sur la base du pourcentage de suffrages valablement exprimés recueillis par chaque liste au 1er tour des élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, dans les entreprises où elles sont organisées. En cas de listes communes à ces élections, la répartition des suffrages valablement exprimés se fait sur la base indiquée par les organisations syndicales concernées lors du dépôt de la liste ou, à défaut, à part égale entre les organisations concernées.

Au niveau des branches professionnelles et au niveau national interprofessionnel, l'audience se mesure sur la base des résultats consolidés des élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, dans les entreprises où elles sont organisées. Le recensement de ces résultats et leur consolidation sont réalisés par le Ministère du Travail. Les modalités de ce recensement et de leur consolidation doivent garantir la fiabilité des résultats et leur plus totale transparence. Les outils et les procédures de

(1) et au niveau de l’établissement en cas d’entreprise à établissements multiples

recensement seront définis par un groupe de travail composé de représentants des organisations syndicales et patronales représentatives au niveau national interprofessionnel et de représentants des pouvoirs publics.

2-2 – La prise en compte de l'audience parmi les différents critères de représentativité implique la fixation d'un seuil en deçà duquel la représentativité d'une organisation syndicale ne peut être établie, que ce soit au niveau de l'entreprise, de la branche ou au niveau national interprofessionnel. Ce seuil est fixé à 10 % des suffrages valablement exprimés au 1er tour des élections des représentants du personnel visées au 2-1 ci-dessus et, à titre transitoire au niveau des branches professionnelles et au niveau national interprofessionnel, à 8 % des suffrages valablement exprimés au 1er tour des élections des représentants du personnel visées au 2-1 ci-dessus.

Outre l'atteinte de ces seuils et la réunion des autres critères, la reconnaissance de la représentativité est subordonnée, au niveau des branches professionnelles, à une présence territoriale équilibrée au regard de l'implantation géographique de la branche et, au niveau national interprofessionnel, à la reconnaissance de la représentativité dans des branches à la fois de l'industrie, de la construction, du commerce et des services.

Article 3 –Appréciation de la représentativité

3-1 – La redéfinition de la représentativité à partir d’un ensemble de critères incluant l'audience s'accompagne de la disparition de la présomption irréfragable de représentativité. En conséquence, la représentativité n'emporte d'effets qu'aux niveaux où elle est reconnue, dans les conditions prévues au titre II ci-après.

3-2 – La disparition de la présomption irréfragable de représentativité implique de procéder à une appréciation périodique de la représentativité des organisations syndicales sur la base de l'ensemble des critères de représentativité. Cette appréciation intervient à chaque nouvelle élection dans les entreprises et tous les 4 ans, à compter de la première prise en compte de l'audience, au niveau des branches et au niveau national interprofessionnel.

Cette première prise en compte de l'audience, au niveau des branches et au niveau national interprofessionnel, interviendra à l'issue d'un cycle électoral de 4 ans suivant la conception, la mise en place, le test à échelle réelle et la validation d'un système de collecte et de consolidation des résultats électoraux et au plus tard 5 ans après l'entrée en application de la présente position commune.

3-3 – Les règles actuellement applicables au contrôle et au contentieux de la représentativité demeurent en vigueur.

3-4 – Conjointement à leur dépôt à la mairie, les statuts des organisations syndicales sont déposés à la DDTE.

TITRE II - LE DÉVELOPPEMENT DU DIALOGUE SOCIAL

La négociation collective ainsi que l'échange et la concertation avec les institutions représentatives du personnel constituent les éléments essentiels du dialogue social. Leur développement implique la recherche des moyens de généraliser leur exercice et leur présence.

Chapitre 1 - Représentativité et négociation collective

Article 4 - Parties à la négociation collective

4-1 - La reconnaissance de la représentativité d'une organisation syndicale suivant les nouvelles règles fixées au chapitre 1 du titre I ci-dessus, lui confère la capacité à négocier au niveau (entreprise2, branche, national interprofessionnel) où cette représentativité lui a été reconnue.

Toutefois, à titre transitoire, la reconnaissance de la représentativité d'une organisation syndicale au niveau national interprofessionnel suivant les nouvelles règles précitées, lui confère une présomption simple de représentativité – hors critère d'audience - au niveau des branches professionnelles. Ainsi, outre les organisations syndicales reconnues représentatives dans la branche, sont admises à négocier à ce niveau, à titre transitoire, les organisations syndicales affiliées à une confédération reconnue représentative au niveau national interprofessionnel, qui n'aurait pas franchi le seuil d'audience au niveau de la branche et dont les critères de représentativité, hors audience, ne seraient pas contestés3.

La représentativité reconnue à une organisation syndicale catégorielle affiliée à une confédération syndicale catégorielle au titre des salariés qu'elle a statutairement vocation à représenter, lui confère le droit de négocier toute disposition applicable à cette catégorie de salariés.

4-2 – Afin de permettre le développement de la négociation collective dans les entreprises, un accord de branche étendu, conclu dans les conditions prévues à la sous-section 3 de la section III du chapitre II du titre III du livre II du Code du Travail, peut fixer les modalités de négociation d'accords collectifs dans les entreprises dépourvues de délégué syndical,4 soit avec les représentants élus du personnel (CE ou, à défaut, DUP ou DP), soit avec un salarié de l'entreprise mandaté par une organisation syndicale représentative au niveau de la branche dans les entreprises où les élections de représentants du personnel ont

(2) La négociation des accords de groupe visés aux articles L2232-30 et suivants du code du travail est ouverte aux organisations syndicales représentatives dans le groupe ou dans les entreprises concernées par le champ d’application de l’accord. La représentativité est alors appréciée, suivant le cas, dans le groupe ou dans le champ de l’accord suivant les règles applicables aux entreprises en application de l’article 3.

(3) Ce caractère transitoire pourra être prolongé dans les branches où l'absence d'élection professionnelle en raison de la taille des entreprises ne permet pas une mesure de l'audience à leur niveau.

(4) Y compris de délégué du personnel faisant fonction de délégué syndical dans les entreprises de moins de 50 salariés.

conduit à un procès-verbal de carence. Cet accord de branche devra préciser les modalités de mise en œuvre des dispositions générales énumérées au 1er alinéa du 4.2.3 ci-après.

4-2-1 - A défaut d'un tel accord de branche conclu au plus tard dans les 12 mois de l'entrée en application du présent accord, des accords collectifs5 pourront être négociés et conclus :

avec les représentants élus du personnel (CE ou, à défaut, DUP ou DP)
dans les entreprises de moins de 200 salariés, dépourvues de délégué

syndical3 ;

avec un salarié mandaté par une organisation syndicale reconnue
représentative au niveau de la branche dans les entreprises où les
élections de représentants du personnel ont conduit à un procès-verbal
de carence.

4-2-2 - Ce mode de conclusion d'accord collectif est réservé à la mise en oeuvre de mesures dont l'application est légalement subordonnée à un accord collectif.

4-2-3 - La négociation avec des élus ou des salariés de l’entreprise mandatés nécessite de réunir les conditions préservant l’esprit et la pratique de la négociation : autonomie et indépendance des négociateurs vis-à-vis de l’employeur, élaboration collective des positions par les négociateurs, information et concertation avec les salariés, possibilité de prendre contact avec les organisations syndicales reconnues représentatives dans la branche.

Les organisations syndicales reconnues représentatives dans la branche dont relève l'activité de l'entreprise doivent être informées par l'employeur de sa décision d'engager des négociations dans ces conditions.

Le temps passé par les représentants élus du personnel à cette négociation collective ne doit pas entraîner de perte de salaire pour les intéressés et ne s'impute pas sur leur crédit d'heures de délégation. En outre, les élus titulaires et les salariés mandatés bénéficient durant la négociation d'un crédit spécifique de 10 heures de délégation destinées à préparer les négociations.

Les informations nécessaires à remettre aux intéressés (élus titulaires ou salariés mandatés) préalablement à la négociation sont fixées par accord entre ceux-ci et l'employeur.

4-2-4 - L’accord collectif signé dans ces conditions, entre en vigueur :

après accord au sein du comité d’entreprise ou de la majorité des élus
titulaires de la DUP ou des DP et validation par une commission
paritaire de branche qui a pour attribution de contrôler qu'il n'enfreint
pas les dispositions légales ou conventionnelles applicables lorsqu'il a
été négocié avec des représentants élus du personnel.

Cette commission paritaire de branche est composée d’un représentant titulaire et d’un représentant suppléant de chaque organisation syndicale

(5) A l'exception des accords de méthode visés à l'article L. 1233-21 du code du travail.

de salariés reconnue représentative dans la branche et d’un nombre égal de représentants des organisations professionnelles d’employeurs.

• après approbation par la majorité du personnel de l'entreprise concernée lorsqu'il a été négocié avec un salarié mandaté.

Article 5 - Mode de conclusion des accords collectifs

Lorsqu'il aura pu être fait application, dans des conditions incontestables, des nouvelles règles d'appréciation de la représentativité des organisations syndicales de salariés c'est-à-dire en prenant en compte un cycle électoral complet (4 ans) suivant la conception, la mise en place et le test à échelle réelle d'un système de collecte et de consolidation des résultats électoraux, le mode de conclusion des accords de branche et nationaux interprofessionnels sera, dans une première étape préparant au passage à un mode de conclusion majoritaire des accords, fixé dans les conditions ci-après.

Au cours de cette première étape destinée à apprécier l'impact sur le dialogue social des réformes engagées, la validité des accords collectifs sera subordonnée, au niveau des branches professionnelles et au niveau national interprofessionnel, à leur signature par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli seule ou ensemble au moins 30 % des suffrages valablement exprimés au niveau considéré et à l'absence d'opposition des organisations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages valablement exprimés6.

Cette même règle transitoire sera applicable dans les entreprises au 1er janvier 2009 et jusqu'au passage à un mode de conclusion majoritaire des accords. Les partenaires sociaux décideront du passage à l'étape suivante au vu des résultats des négociations conduites dans les entreprises suivant ces nouvelles modalités. Un premier bilan interviendra, à cet effet, à l'issue d'une période de 2 ans.

Article 6 - Conditions de mise en cause des accords collectifs

6-1 - Lorsque l'application des nouvelles règles d'appréciation de la représentativité conduit à une modification dans la représentativité des organisations syndicales de salariés présentes dans le champ de l'accord, la dénonciation de l'accord n'emporte d'effets que si elle émane de l'ensemble des organisations syndicales représentatives dans ledit champ à la date de la dénonciation.

6-2 - Dans les autres cas, les règles actuelles demeurent applicables.

Article 7 – Articulation des niveaux d'élaboration de la norme sociale

Le développement de la négociation collective et, par voie de conséquence, le renforcement des organisations syndicales doit passer par le franchissement d'une nouvelle étape de la consécration de sa place dans l'élaboration de la norme sociale corrélativement à la réalisation de l'objectif du passage à un mode de conclusion majoritaire des accords collectifs au niveau interprofessionnel.

(6) L'audience prise en compte pour les organisations syndicales non représentatives dans la branche mais admises à négocier en application de l'article 4-1 2e alinéa ci-dessus dans la branche au titre de leur affiliation à une confédération reconnue représentative au niveau national interprofessionnel, est celle de ladite confédération

Chapitre 2 – Représentativité, élections professionnelles et représentation du personnel

L'introduction d'un critère d'audience parmi les critères de représentativité, fondé sur les résultats des élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, appelle une actualisation du mode de scrutin qui tienne compte du respect de la liberté de choix des électeurs et de la nécessité de simplifier le dispositif.

Article 8 - Accès aux élections professionnelles

Toute organisation syndicale légalement constituée depuis au moins 2 ans et remplissant les conditions d'indépendance, et de respect des valeurs républicaines est habilitée à présenter des candidats aux élections des représentants du personnel7.

Article 9 - Modalité des élections professionnelles dans l'entreprise

9-1 - Pour tenir compte de l'ensemble des éléments ci-dessus, les élections des représentants du personnel ont lieu, là où elles sont organisées, suivant un scrutin de liste à deux tours avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.

9-2 - Le protocole d'accord préélectoral est négocié dans l'entreprise avec les organisations syndicales légalement constituées et remplissant les conditions pour présenter des candidats.

9-3 - Cette élection est ouverte, au 1er tour, aux candidatures présentées sur des listes syndicales. En l'absence de quorum ou en cas d'absence totale ou partielle de candidature ou en cas de vacance partielle des sièges au 1er tour, il est organisé un 2ème tour ouvert aux candidatures non syndicales.

9-4 - Les procès verbaux des résultats des élections professionnelles sont transmis à la DDTEFP. Ces résultats sont consultables sur internet.

Article 10 - Désignation des délégués syndicaux

Les organisations syndicales répondant aux conditions de l'article 8 ci-dessus peuvent constituer une section syndicale d'entreprise composée de plusieurs adhérents et ayant les mêmes prérogatives qu'actuellement.

(7) Les organisations syndicales affiliées aux confédérations représentatives au niveau national interprofessionnel sont réputées, sauf preuve contraire, remplir ces conditions.

10-1- Dans les entreprises de 50 salariés et plus, elles peuvent désigner un représentant de la section syndicale remplissant les conditions exigées par le Code du Travail pour être désigné comme délégué syndical mais qui n'exerce pas ses attributions en matière de négociation collective. Ce salarié bénéficie de la protection contre les licenciements. Il dispose d'un crédit mensuel d'heures de délégation de 4 heures au titre de cette fonction.

Si l'organisation syndicale qui a désigné le représentant de la section syndicale n'est pas reconnue représentative dans l'entreprise à l'occasion des premières élections suivant sa désignation, il est mis fin aux attributions de l'intéressé.

10-2- Dans les entreprises de moins de 50 salariés, elles peuvent désigner un délégué du personnel pour faire fonction de représentant de la section syndicale.

10-3 - Les organisations reconnues représentatives dans les entreprises de 50 salariés et plus8 peuvent désigner un délégué syndical qui est choisi parmi les candidats ayant recueilli individuellement au moins 10 % des voix aux dernières élections.

Article 11 – Renforcement de l’effectivité de la représentation collective du personnel

Afin d’améliorer et développer le dialogue social dans les entreprises, en particulier les PME et TPE, il est convenu de rechercher les conditions pour lever les obstacles en simplifiant et en améliorant la cohérence des dispositifs existants et en se donnant les moyens de renforcer l’effectivité de la représentation collective du personnel, afin d’élargir le plus possible le nombre de salariés bénéficiant d’une représentation collective.

A cet effet, les parties signataires décident de la mise en place d'un groupe de travail paritaire pour examiner et faire des propositions sur :

les évolutions nécessaires des différentes instances représentatives et leurs conditions de fonctionnement ;

l’impact des effets de seuil et préciser à partir duquel peuvent se mettre en place des instances de représentations des salariés dans l’entreprise

- les modalités spécifiques aux TPE permettant de renforcer le développement du dialogue social, en y associant au mieux les salariés concernés ;

- l’impact des règles de protection des représentants du personnel ;

- la question des salariés intervenant de façon prolongée sur des sites extérieurs à leur entreprise, au regard de la représentation du personnel et de la prise en compte de l'audience dans l'appréciation de la représentativité.

(8) Dans les entreprises de moins de 50 salariés, les organisations syndicales représentatives peuvent désigner un délégué du personnel pour faire fonction de délégué syndical.

Chapitre 3 – Représentativité et développement du dialogue social

Article 12 – Développement des adhésions aux organisations syndicales

Les organisations syndicales de salariés considèrent que l’accroissement du nombre de leurs adhérents est de nature à renforcer leur légitimité et leur efficacité. Le recrutement d’adhérents relève de leur seule responsabilité. Cependant un certain nombre de mesures peuvent être envisagées afin d'y contribuer tout en respectant la liberté des salariés.

12-1 – Lorsqu’à leur initiative, les entreprises apportent des moyens aux organisations syndicales de salariés, ceux-ci devront prioritairement prendre des formes favorisant l'adhésion, telles que des formes d’abondement à celle-ci (le chèque syndical pouvant être un de ces moyens).

12-2 – La réservation de certains avantages conventionnels aux adhérents des organisations syndicales de salariés constitue, sous des formes différentes, une piste à explorer de nature à développer les adhésions syndicales. Sans en négliger l'extrême complexité, elle ne saurait être écartée par principe.

12-3 – En conséquence, les parties signataires de la présente position commune conviennent que le groupe de travail précité examinera le bien fondé et la faisabilité des mesures recensées ci-dessus et recherchera toutes autres mesures favorables au développement des adhésions syndicales. Les membres de ce groupe de travail veilleront à la mise en cohérence de leurs réflexions sur les points mentionnés aux articles 11 et 13 de la présente position commune avec l'objectif défini au présent article auxquelles elles peuvent également contribuer.

12-4 – Les signataires de la présente position commune demandent aux pouvoirs publics d’engager une concertation avec les partenaires sociaux en vue d’étendre l'avantage fiscal accordé aux adhérents des organisations syndicales sous forme de déduction fiscale des cotisations syndicales aux salariés non assujettis à l'IR.

Article 13 – Reconnaissance des acteurs

Dans la perspective d’améliorer et de développer le dialogue social, la recherche de dispositions facilitant, pour les salariés exerçant des responsabilités syndicales, leur déroulement de carrière et l'exercice de leurs fonctions syndicales doit contribuer au renforcement de la représentativité des organisations syndicales.

La reconnaissance des acteurs syndicaux dans leur identité et leurs responsabilités propres constitue une condition de l’existence d’un véritable dialogue social.

Le principe de non-discrimination en raison de l'exercice d'activités syndicales doit trouver sa traduction concrète dans le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales, de façon à ce que l’exercice normal de telles responsabilités ne pénalise pas l’évolution professionnelle des intéressés.

Dans cette perspective, un certain nombre d'actions positives devra être mis en œuvre dans les entreprises visant à :

- faciliter la conciliation de l’activité professionnelle et de l’exercice de mandats représentatifs ;

- garantir la mise en œuvre de l’égalité de traitement (en matière de rémunération, d’accès à la formation, de déroulement de carrière…) entre les détenteurs d’un mandat représentatif et les autres salariés de l’entreprise ;

- prendre en compte l’expérience acquise dans l’exercice d’un mandat dans le déroulement de carrière de l’intéressé ;

- moderniser les conditions d’accès au congé de formation économique, sociale et syndicale en vue de faciliter la formation des négociateurs salariés.

Le groupe de travail paritaire précité recherchera également les mesures concrètes susceptibles d'être adoptées pour donner une traduction effective aux principes énoncés ci-dessus.

Pour faciliter les parcours professionnels des salariés ayant eu un engagement syndical de longue durée, il précisera les conditions dans lesquelles une fondation dénommée "Fondation du Dialogue Social" sera créée pour prendre toute initiative destinée à favoriser le dialogue social et en particulier pour faciliter le retour à une activité professionnelle, prenant en compte l'apport des responsabilités syndicales exercées, des personnes ayant exercé des fonctions au sein d'organisations syndicales ou patronales.

Par ailleurs, dans le cadre du bilan de l'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003 sur la formation tout au long de la vie professionnelle, les partenaires sociaux adopteront les dispositions nécessaires pour que les acteurs syndicaux bénéficient, en matière de formation, des dispositifs réservés aux publics prioritaires.

Article 14 – Dialogue social territorial

La volonté des interlocuteurs sociaux d'élargir le dialogue social doit également trouver une traduction concrète au niveau territorial interprofessionnel. Ce dialogue social interprofessionnel territorial, qui ne saurait avoir de capacité normative, doit être l'occasion, à l’initiative des interlocuteurs concernés, d'échanges et de débats réguliers sur le développement local dans sa dimension sociale et économique. Les COPIRE constituent, dans leur champ de compétence, un lieu de développement de ce dialogue social.

Parallèlement, il appartient aux branches professionnelles qui le souhaitent d'instituer un dialogue social territorial de proximité prenant en compte la spécificité des petites entreprises de la branche.

TITRE III – FINANCEMENT DES ORGANISATIONS SYNDICALES DE SALARIÉS

Les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs affirment leur attachement à la définition de règles de certification et de publicité des comptes qui respectent les spécificités des organisations concernées. Ceci contribuera à la transparence de leur activité. Les principes déclinés dans ce chapitre doivent également s'appliquer aux organisations d'employeurs.

Chapitre 1 - Financement des missions syndicales

Article 15 -

15-1 - Si la diversité et le nombre des missions qui incombent aux organisations syndicales de salariés au titre de leur objet qui, aux termes de l'article L. 2131-1 du code du travail, est "l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels des personnes mentionnées dans leurs statuts," peut justifier des sources de financement différenciées, les cotisations provenant de leurs adhérents doivent représenter la partie principale de leurs ressources car elles constituent la seule véritable garantie d'indépendance.

15-2 - Les mises à disposition de personnel effectuées par une entreprise aux organisations syndicales, dans le cadre d'un accord collectif, doivent acquérir une sécurité juridique incontestable et garantir une transparence financière.

15-3 - Pour ce qui concerne les subventions relevant du paritarisme, il convient de fixer, au niveau national interprofessionnel, les principes que doivent respecter les conseils d'administration des différentes instances concernées pour l'attribution des dites subventions.

Il y a lieu à cet effet de préciser les fondements juridiques de ces dotations, de renforcer le lien avec leur objet et à d'en préciser le formalisme afin de rendre toute sa transparence à ce mode de financement.

Chapitre 2 - Transparence et contrôle des financements

Article 16 -

Conjointement aux travaux engagés par le groupe spécifique mis en place par les Pouvoirs Publics sur la transparence des comptes, et compte tenu de la complexité de la matière, il est demandé aux Pouvoirs Publics de faire procéder à un recensement exhaustif de l'ensemble des financements existants tant au niveau des entreprises, des branches et de l'interprofession, que des différents échelons locaux, départementaux, régionaux, nationaux et internationaux.

TITRE IV – DISPOSITIONS FINALES

Article 17 -

Des accords d'entreprise conclus avec des organisations syndicales représentatives et ayant recueilli la majorité absolue des voix aux élections des représentants du personnel peuvent dès à présent, à titre expérimental, préciser l'ensemble des conditions qui seront mises en œuvre pour dépasser le contingent conventionnel d'heures supplémentaires prévu par un accord de branche antérieur à la loi du 4 mai 2004, en fonction des conditions économiques dans l'entreprise et dans le respect des dispositions légales et des conditions de travail et de vie qui en découlent.

Les entreprises transmettront les accords qu'elles auront conclus dans le cadre du présent article à la branche dont elles relèvent, lesquelles en feront une évaluation paritaire.

Article 18 -

Soucieux d'explorer toutes les voies susceptibles de concourir efficacement au développement du dialogue social dans toutes ses composantes, les parties signataires sont convenues d'organiser de façon cohérente les groupes de travail dont ils ont décidé la mise en place à cet effet :

en septembre 2008, groupe de travail sur les institutions représentatives prévues à l'article 11 ci-dessus ;

en janvier 2009, groupe de travail sur la reconnaissance des acteurs et la "Fondation du dialogue social" prévue à l'article 13 ci-dessus ;

au 1er semestre 2009, groupe de travail sur le développement des adhésions aux organisations syndicales prévues à l'article 12-3 ci-dessus.

Article 19 -

Les dispositions de la présente position commune correspondent à un équilibre d’ensemble.

Sa validité est subordonnée à l'adoption des dispositions législatives et réglementaires indispensables à son application.

Article 20 -

20-1 - Les parties signataires procèderont à une évaluation périodique du nouveau dispositif et de son impact sur le dialogue social.

A cet effet, elles rechercheront avec les Pouvoirs Publics, dans le cadre d'une convention, les moyens nécessaires à cette évaluation, notamment en ce qui concerne :

la prise en compte de l'audience dans l'appréciation de la représentativité;

le mode de conclusion des accords ;

et la négociation dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux.

Elles envisageront les étapes à franchir et les modifications éventuelles à apporter au dispositif en fonction de ces évaluations.

20-2 - A cet effet, les parties signataires se réuniront :

tous les ans, pour réaliser un bilan global de la présente position commune;

tous les 2 ans, pour réaliser un bilan relatif, d'une part, au mode de conclusion des accords collectifs fixé à l'article 5 ci-dessus et, d'autre part, au développement de la négociation dans les entreprises dans les conditions prévues à l'article 4-2 ci-dessus et procéder sur ces bases à un évaluation de l'impact de ces dispositifs.

Fait à Paris le 9 avril 2008

Pour le MEDEF

Pour la CFDT

Pour la CGPME

Pour la CFE-CGC

Pour l’UPA

Pour la CFTC

Pour la CGT-FO

Pour la CGT

© Assemblée nationale

1 () Intervention du Président de la République lors de la rencontre avec les partenaires sociaux le 19 décembre 2007 à l’hôtel de Marigny.

2 () Conçue dans la position commune du 16 juillet 2001, cette méthode a tout d’abord été reconnue dans l’exposé des motifs de la loi du 4 mai 2004 avant d’être finalement consacrée par la loi du 31 janvier 2007 sur la modernisation du dialogue social.

3 () Loi n° 2007-1223 du 27 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.

4 () Voir notamment le discours de Jacques Chaban-Delmas à l’Assemblée Nationale le 16 septembre 1969.

5 () Celle-ci s’est en effet vu reconnaître un rôle de plus en plus important dans l’édiction des normes régissant les rapports sociaux, notamment au niveau interprofessionnel et au niveau des branches où les accords, par le biais du mécanisme de l’extension (phénomène également significatif de l’intervention permanente des pouvoirs publics), se voient conférés une portée quasi réglementaire.

6 () La note de veille, n° 99, mai 2008.

7 () Les leviers de la croissance française, 19 décembre 2007.

8 () Barthélémy, 2002 ; Artus, Cahuc et Zylberberg, 2007.

9 () Réglementation du temps de travail, revenu et emploi, Conseil d’analyse économique, 30 août 2007.

10 () Voir encadré infra.

11 () Artus, Cahuc et Zylberberg, 2007.

12 () Certains employeurs renoncent en effet à l’usage d’heures supplémentaires ou préfèrent verser des « primes » qui sont en fait des rémunérations pour des heures supplémentaires non déclarées.

13 () Ainsi, parmi les 230 branches principales, il y a eu seulement 14 accords de branche portant sur les contingents d’heures supplémentaires en 2004, 15 accords en 2005 et 22 accords en 2006. De plus, les accords conclus ne dépassent que très exceptionnellement le contingent réglementaire de 220 heures. Seuls quatre accords recensés le dépassent, il s’agit de la boucherie, boucherie charcuterie, triperie en 2004 (230 heures), des mines de Guyane en 2005 (400 heures), la poissonnerie en 2006 (230 heures) et l’Hôtellerie et Restauration en 2007 (320 heures). Source : Artus, Cahuc et Zylberberg, 2007.

14 () 24 mai 2008.

15 () 60 % en mars, d’après les chiffres du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

16 () Certains domaines comme le salaire minimum, les classifications, la protection sociale complémentaire et la mutualisation sont toutefois exclus.

17 () Petites affiches, 12-13 mai 2008.

18 () Article L8241-1 : « Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre est interdite.

Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :

1° Des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, aux entreprises de travail à temps partagé et à l'exploitation d'une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d'agence de mannequin ;

2° Des dispositions de l'article L. 222-3 du code du sport relatives aux associations ou sociétés sportives. »

19 () Les majorations de salaire applicables peuvent être fixées par une convention ou un accord collectif à un taux qui ne peut être inférieur à 10 % ; à défaut d’accord, l’article L. 3121-22 prévoit l’application d’un taux de majoration de 25 % pour les 8 premières heures supplémentaires et de 50 % au-delà.

20 () Le paragraphe 3 de la sous-section 3 de la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail est abrogé. Toutefois, dans l’attente de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions, fixée au 1er janvier 2010, le IV de l’article 16 prévoit que les dispositions relatives au repos compensateur obligatoire préalablement contenues aux articles L.3121-27 et L. 3121-28 continuent de s’appliquer. Celles-ci prévoient un repos compensateur de 100 % pour chaque heure supplémentaire effectuée au-delà du contingent dans les entreprises de plus de vingt salariés et de 50 % dans les entreprises de vingt salariés et moins.

21 () Voir la première partie de ce rapport.

22 () Le repos compensateur de remplacement est un dispositif permettant de substituer au paiement des heures supplémentaires un repos compensateur équivalent.

23 () L’article 4 de la loi du 8 février 2008 prévoit à titre expérimental et pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 2008 (soit pour le RCR acquis entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2009), la possibilité pour tout salarié de demander à son employeur de convertir tout ou partie du repos compensateur acquis en une majoration salariale dont le taux ne peut être inférieur au taux de majoration des heures supplémentaires applicables dans l’entreprise. Pour être mise en œuvre, cette possibilité n’a pas besoin d’être prévue par l’accord collectif applicable à l’entreprise ; en revanche, l’employeur est libre de refuser.

24 () Article 2 : « (…) si des heures supplémentaires sont effectuées en sus de l’horaire hebdomadaire (…), elles sont rémunérées en supplément avec les majorations correspondantes (…) à moins que l’intéressé ne soit rémunéré par un forfait mensuel convenu incluant ces majorations ».

25 () L’article L. 3121-47 devient l’article L. 3121-45.

26 () Le premier alinéa de l’article L. 3121-48 devient le deuxième alinéa de l’article L. 3121-41.

27 () Voir encadré supra.

28 () 365 jours – 30 jours de congés payés – 52 jours de repos hebdomadaires – 1 jour férié = 282 jours.

29 () Dans le droit en vigueur, cette faculté nécessite un accord collectif.

30 () Saisi successivement sur les dispositions des lois Aubry II et Fillon II concernant les forfaits en jours, le comité a estimé qu’elles violaient la charte en raison de la durée excessive du travail hebdomadaire autorisé et une absence de garanties suffisantes dans la négociation collective.

31 () Elles visent : « 1° Les catégories de cadres intéressés au regard de leur autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps ; 2° Les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos ; 3° Les conditions de contrôle de son application ; 4° Des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte. »

32 () L’organisation du travail en cycles ; les jours de repos (JRTT) sur quatre semaines ; les jours de repos (JRTT) sur l’année ; la modulation du temps de travail ; le temps partiel modulé.

33 () Par exemple, toute convention ou accord de modulation doit prévoir :

- les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation ;

- le programme indicatif de la répartition de la durée du travail ;

- les modalités de recours au travail temporaire ;

- les conditions de recours au chômage partiel ;

- le délai de prévenance (s’il est inférieur à sept jours ouvrés) en cas de modification des horaires et les contreparties accordées aux salariés ;

- le droit à rémunération et à repos compensateur des salariés n’ayant pas travaillé pendant la totalité de la période de modulation et de ceux dont le contrat a été rompu au cours de cette même période.

34 () En l’absence de stipulations dans l’accord, le délai de prévenance est fixé à sept jours (alinéa 9).

35 () Sont ici visées dans l’ordre les dispositions afférentes à : l’organisation du travail en cycles, la modulation du temps de travail, l’attribution de jours de repos sur l’année et le temps partiel modulé.

36 () Les demandes des salariés doivent être formulées au plus tard le 31 juillet 2008 et rémunérés au plus tard le 30 septembre 2008.

37 () Aux termes de la circulaire DGT/DSS/5B n° 2008-46 du 12 février 2008, cela signifie qu’elles échappent : aux cotisations salariales et patronales de sécurité sociale ; aux cotisations salariales et patronales de retraite complémentaire ; aux cotisations salariales et patronales d’assurance chômage ; à la contribution solidarité autonomie ; au versement de transport ; aux cotisation et contribution due au Fnal ; à la taxe d’apprentissage ; à la participation des employeurs à la formation professionnelle continue ; à la participation des employeurs à l’effort de construction ; le cas échéant à la taxe sur les salaires.

38 () Dans l’ordre, sont visés ici : le régime de forfait en jours ; la possibilité de renoncer à des jours de repos en contrepartie d’une majoration de salaire dans le cadre de forfaits en jours ; l’application des dispositions des forfaits en jours à certains salariés non cadres ; le régime des jours de repos sur quatre semaines ; l’attribution de jours de repos sur l’année ; le compte épargne temps.