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N° 1313

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 décembre 2008.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1245) de MM. Guy GEOFFROY et Régis JUANICO, rapporteurs de la Commission chargée des affaires européennes, sur le comité d’entreprise européen, et SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1300) de M. Jean-Jacques CANDELIER sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs (refonte),

PAR Mme Chantal Brunel,

Députée.

——

INTRODUCTION 5

I.- LES COMITÉS D’ENTREPRISE EUROPÉENS SE SONT DÉVELOPPÉS COMME LIEUX D’ÉCHANGE ET DE DIALOGUE SOCIAL 7

A. LES COMITÉS D’ENTREPRISE EUROPÉENS SONT DES « PIONNIERS DE L’EUROPE SOCIALE » 7

1. Les CEE ont fait progresser le dialogue social 7

a) Le CEE est une institution qui remonte à 1994 7

b) La procédure retenue laisse une large place au dialogue social 8

2. Les CEE sont devenus des acteurs incontournables de la vie économique et sociale de l’Union européenne 9

a) Les 880 CEE recensés aujourd’hui concernent quelque 15 millions de salariés 9

b) Les CEE ont conféré au dialogue social une dimension transnationale 10

B. LES COMITÉS D’ENTREPRISE EUROPÉENS N’ONT PAS TOUJOURS LES MOYENS DE JOUER LEUR RÔLE 12

1. Les CEE sont confrontés à de nouveaux défis 12

a) Les CEE doivent s’adapter à la mondialisation 12

b) Les CEE n’ont été établis que dans un tiers des entreprises concernées 13

2. De réelles incertitudes affectent le rôle des CEE 13

a) Des incertitudes sont liées à l’interprétation de la directive du 22 septembre 1994 13

b) Des incertitudes sont liées à l’articulation avec des directives plus récentes 15

II.- LA RÉVISION DE LA DIRECTIVE DU 22 SEPTEMBRE 1994 SUR LES CEE EST UNE NÉCESSITÉ 17

A. LA PROPOSITION DE DIRECTIVE RÉSULTE DE LA MISE EN œUVRE DU DIALOGUE SOCIAL COMMUNAUTAIRE 17

1. La proposition de directive prend en considération les résultats d’un dialogue social établi au plan communautaire 17

a) La procédure de dialogue social est bien établie au plan communautaire 17

b) Le processus de concertation sur la refonte de la directive de 1994 a été mené de manière spécifique 19

2. La proposition de directive comporte des mesures qui, bien que très techniques, sont de nature à améliorer le fonctionnement des comités d’entreprise européens 20

a) Des notions clarifiées 20

b) Les droits des salariés renforcés 22

B. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION PRÉSENTÉE PAR LA COMMISSION CHARGÉE DES AFFAIRES EUROPÉENNES 23

1. La proposition de résolution approuve la proposition de directive modifiée selon les propositions des partenaires sociaux européens 23

a) La Commission chargée des affaires européennes a approuvé la proposition de directive 23

b) La Commission chargée des affaires européennes a souligné l’importance des huit amendements présentés par les partenaires sociaux 24

2. Les débats qui subsistent portent sur un nombre de points réduit 26

a) Quelques adaptations techniques ou mineures sont encore en suspens 26

b) Le principe de subsidiarité doit être respecté 27

C. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION PRÉSENTÉE PAR M. JEAN-JACQUES CANDELIER 29

1. Cette proposition de résolution est en partie satisfaite par celle présentée par la Commission chargée des affaires européennes 30

a) La proposition de résolution approuve la démarche de révision 30

b) La proposition de résolution reprend pour partie des acquis du processus de révision de la directive de 1994 30

2. Cette proposition de résolution aborde des questions qui vont manifestement au-delà de la démarche de révision résultant du dialogue social 31

a) La question de la définition des entreprises soumises aux dispositions de la proposition de directive 31

b) La question du champ d’application sectoriel de la proposition de directive 31

TRAVAUX DE LA COMMISSION 33

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 35

INTRODUCTION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est saisie des propositions de résolution de la Commission chargée des affaires européennes de l’Assemblée nationale et de M. Jean-Jacques Candelier sur le comité d’entreprise européen, qui ont pour objet la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs.

Cette proposition de directive vise à modifier la directive du 22 septembre 1994 sur les comités d’entreprise européen (CEE) : elle vient donc à la fois consacrer et rénover une institution que M. Vladimir Špidla, commissaire européen chargé de l’emploi, des affaires sociales et de l’égalité des chances, a qualifiée de « pionnier de l’Europe sociale ».

De fait, les 880 CEE aujourd’hui existants concernent 15 millions de salariés ; au cœur des relations économiques et sociales de l’Europe, ils contribuent dans la pratique à les vivifier. Réaffirmer le texte fondateur vient d’abord, après près de quinze ans d’existence, comme une consécration.

Mais les CEE ont aujourd’hui aussi besoin d’être rénovés. Le développement de la mondialisation requiert en effet de la part des entreprises des adaptations incessantes, tant les exigences sociales et économiques, en termes de flexibilité et de compétitivité, se sont accrues. En outre, au fil du temps, certaines lacunes juridiques du texte fondateur ont été identifiées, à l’origine parfois de contentieux très médiatisés, notamment à l’occasion de restructurations, tant il est vrai que le CEE intervient de manière significative dans la vie de l’entreprise et de ses salariés.

L’heure était donc venue de cette nouvelle réflexion sur le CEE. C’est à cette tâche que s’est attelée la Commission européenne, en se conformant aux procédures du dialogue social telles qu’elles prévalent en droit communautaire.

La proposition de directive sur laquelle s’est prononcée la Commission chargée des affaires européennes de l’Assemblée nationale le 12 novembre 2008 en adoptant sa proposition de résolution se révèle, à l’issue de ce processus, un texte équilibré qui, dans le respect des principes fondamentaux de l’Union européenne, notamment du principe de subsidiarité, contribuera à confirmer le CEE comme lieu d’échange et de dialogue social. Cela résulte du texte de la proposition de résolution présentée par la Commission chargée des affaires européennes. De ce point de vue, la proposition de résolution présentée par M. Jean-Jacques Candelier peut être considérée, pour partie, comme satisfaite par cette dernière. Pour le reste, la proposition de M. Candelier aborde des questions qui vont manifestement au-delà de la démarche de révision telle qu’elle est issue du dialogue social.

I.- LES COMITÉS D’ENTREPRISE EUROPÉENS SE SONT DÉVELOPPÉS COMME LIEUX D’ÉCHANGE
ET DE DIALOGUE SOCIAL

A. LES COMITÉS D’ENTREPRISE EUROPÉENS SONT DES « PIONNIERS DE L’EUROPE SOCIALE »

Selon le mot de M. Vladimir Špidla, commissaire européen chargé de l’emploi, des affaires sociales et de l’égalité des chances, « les comités d’entreprise européens sont des pionniers de l’Europe sociale depuis presque une quinzaine d’années » (1).

1. Les CEE ont fait progresser le dialogue social

a) Le CEE est une institution qui remonte à 1994

L’institution d’un comité d’entreprise européen (CEE) ou d’une procédure de consultation des travailleurs sur les questions à caractère transnational est prévue dans les entreprises et les groupes d’entreprise de dimension communautaire.

Cette disposition résulte de la directive 94/45/CE du Conseil du 22 septembre 1994 concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs.

La directive du 22 septembre 1994 a été transposée en droit français par la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996 relative à l’information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d’entreprises de dimension communautaire, ainsi qu’au développement de la négociation collective ; ces mesures figurent aujourd’hui aux articles L. 2341-1 et suivants du code du travail.

L’idée générale au fondement de ces dispositions est que les questions transnationales doivent intéresser au moins deux établissements de l’entreprise ou sociétés du groupe situés dans des États différents de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen.

La mise en œuvre de ces dispositions peut être effectuée par voie conventionnelle. À défaut d’accord, il convient de mettre en place le comité d’entreprise européen tel que défini à titre supplétif, par la directive de 1994 et, en France, par le code du travail.

b) La procédure retenue laisse une large place au dialogue social

● Le champ des entreprises concernées

Un comité d’entreprise européen ou une procédure d’information, d’échange de vues et de dialogues est institué dans les entreprises ou les groupes d’entreprises de dimension communautaire. Revêt une dimension communautaire l’entreprise ou le groupe qui :

– emploie au total au moins 1 000 salariés dans les États destinataires de la directive ;

– et comporte au moins un établissement ou une entreprise employant au moins 150 salariés dans au moins deux de ces États.

● L’établissement d’une procédure de négociation

La constitution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure d’information et de consultation des travailleurs dépend du succès ou de l’échec de la négociation que le chef d’entreprise doit initier. Cette négociation est menée par un groupe spécial de négociation (GSN).

Il appartient en effet au chef d’entreprise ou au chef de l’entreprise dominante du groupe de dimension communautaire (ou à son représentant) de mettre en place un groupe spécial de négociation si certains seuils d’effectifs sont atteints. À défaut d’initiative du chef d’entreprise, la procédure est engagée à la demande écrite de 100 salariés ou de leurs représentants, relevant d’au moins deux entreprises ou établissements situés dans au moins deux États membres différents.

La loi française ne limite pas le nombre de personnes devant composer le GSN, malgré les dispositions communautaires prévoyant que ce nombre ne peut excéder 18.

Le GSN doit fixer par écrit et en accord avec le chef d’entreprise ou son représentant les modalités de fonctionnement du comité d’entreprise européen ou de la procédure d’information et de consultation des travailleurs, à savoir : le champ d’action, la composition, les attributions et la durée du mandat du comité d’entreprise européen ou les modalités de mise en œuvre de la procédure alternative.

Le GSN cesse cependant d’exister s’il décide, par au moins deux tiers des voix, de ne pas ouvrir de négociations ou de mettre fin aux négociations déjà en cours.

En outre, dès lors qu’une procédure d’information, d’échange de vues et de dialogue ou un comité d’entreprise européen a été mis en place, le GSN cesse également d’exister.

Il faut noter que le chef d’entreprise, après avoir pourtant accepté la constitution d’un GSN, peut ensuite refuser d’ouvrir les négociations.

● L’issue de la procédure de négociation

L’issue de la négociation détermine la nature conventionnelle ou « légale » du comité d’entreprise européen.

Si les négociations aboutissent, le résultat sera la mise en place d’un comité d’entreprise ou d’une procédure d’information et de consultation des travailleurs qui, bien que devant respecter quelques prescriptions légales, correspondra aux vœux des partenaires sociaux.

En cas d’échec de la négociation, en revanche, un « comité légal » sera institué. Il s’agit d’un comité d’entreprise européen conforme à un ensemble de prescriptions légales impératives qui elles-mêmes sont conformes aux dispositions de l’annexe de la directive du 22 septembre 1994.

L’institution automatique d’un comité européen légal peut au total résulter de différents cas de figure :

– les parties (chef d’entreprise et groupe spécial de négociation) ont décidé la mise en place d’un comité légal ;

– le chef d’entreprise refuse l’ouverture des négociations dans un délai de six mois à compter de la demande écrite des travailleurs ou de leurs représentants ;

– les parties n’ont pas été en mesure, dans un délai de trois ans (à compter soit de la réception de la demande écrite des salariés, soit du jour où fut officiellement prise par le chef d’entreprise la décision de constituer un groupe spécial de négociation), de conclure un accord en vue de la constitution d’un comité conventionnel ou d’une procédure d’information et de consultation.

2. Les CEE sont devenus des acteurs incontournables de la vie économique et sociale de l’Union européenne

Depuis 1994, les CEE sont peu à peu devenus des acteurs essentiels des relations économiques et sociales au sein de l’Union européenne. Cette évolution est aussi bien quantitative que qualitative.

a) Les 880 CEE recensés aujourd’hui concernent quelque 15 millions de salariés

Au plan quantitatif, on retiendra le chiffre de 880 CEE (octobre 2008), qui concernent quelque 15 millions de salariés et 19 000 représentants.

Si l’on rapporte ce chiffre aux 49 CEE constitués en 1994, on constate donc que le nombre de CEE a été presque multiplié par vingt en près de quinze ans.

L’Institut syndical européen (European trade union institute) évalue le nombre de réunions annuelles entre 1 000 et 1 500, pour un coût moyen de 40 000 euros.

Près des deux tiers des 880 CEE sont présents dans plus de 10 pays (59 %) et plus d’un quart (28 %) concerne entre cinq et dix pays.

Les pays d’implantation des quartiers généraux des entreprises dotées d’un CEE sont, par ordre décroissant : les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France, la Suède et les Pays-Bas.

Il faut relever l’impact croissant de l’action des CEE sur les relations industrielles des nouveaux États membres, à l’image notamment de la République tchèque, de la Hongrie, de la Pologne et de la Slovaquie, comme l’a montré le rapport établi par la Fondation de Dublin consacré à « l’expérience des comités d’entreprise européens dans les nouveaux États membres », étude de cas pratiques d’entreprises situées dans ces États (2).

Les domaines d’activité des entreprises concernées par les CEE sont très majoritairement la métallurgie et la chimie.

b) Les CEE ont conféré au dialogue social une dimension transnationale

Comme le rappelait il y a quelques mois le commissaire européen chargé de l’emploi, des affaires sociales et de l’égalité des chances (3), les comités d’entreprises européens ont avant tout fait progresser le dialogue social en lui conférant une dimension transnationale, parfois même en dehors du territoire de l’Union européenne. Ils ont rendu possible des négociations transnationales. Ce faisant :

– ils ont permis aux entreprises de mieux relier les objectifs économiques aux attentes sociales dans leurs décisions ;

– ils ont rétabli un certain équilibre entre des décisions transnationales qui touchent les travailleurs et les consultations, qui ont beaucoup lieu au niveau national ;

– ils ont ouvert un espace de dialogue entre les entreprises et les représentants des salariés et permis une connexion entre les acteurs sociaux de différents pays ;

– ils ont favorisé une meilleure compréhension des enjeux des entreprises et faciliter la recherche de solutions communes ;

– ils jouent un rôle clé dans les entreprises en les aidant à mieux anticiper le changement et mieux gérer les restructurations et les délocalisations.

De fait, il existe aujourd’hui une réelle actualité des comités d’entreprise européens, ce qu’a confirmé le dernier bilan de la négociation collective établi par la direction générale du travail du ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

Actualité des comités d’entreprise européens en 2007

Cette liste n’est pas exhaustive et ne fait que relever certains faits marquants.

Arcelor-Mittal. Le nouveau groupe sidérurgique (360 000 salariés), s’est doté d’un CE européen depuis le 9 juillet 2007. Le nouveau Comité remplace les Comités d’Arcelor et de Mittal. L’accord reprend les grandes orientations de l’accord Arcelor précédent, conformément aux revendications des syndicats. L’accord prévoit également des droits de participation pour le CE européen comme dans la directive sur la société européenne, qui dépassent dans certains points les règlements de la directive sur le CE européen. Arcelor-Mittal réfléchit d’ailleurs à sa transformation en société anonyme européenne.

Arkema. La direction du groupe chimique Arkema (17 000 salariés), filiale de Total, avait soumis à la signature des organisations syndicales françaises un accord relatif à la mise en place d’un CE européen.

L’accord du groupe spécial de négociation (GSN) a été adopté le 18 janvier 2007 à la majorité de ses membres mais sans les voix des trois fédérations syndicales italiennes, représentées par un syndicaliste italien, ni celle de la CFDT qui, par conséquent, ne sera pas signataire de l’accord. En revanche, les quatre autres organisations syndicales françaises, dont deux qui n’étaient pas représentées au GSN, ont signé le texte (CFE-CGC, CFTC, CGT et CGT-FO). La Fédération européenne des syndicats des mines, de la chimie et de l’énergie (Emcef) a refusé de ratifier l’accord. Ce dernier reste pour autant valide, même s’il n’est signé que par les seules organisations syndicales françaises.

Atos Origin. La société de services en ingénierie informatique (SSII) française a signé, le 17 juillet 2007, un accord sur la mise en place d’un CE européen. Cette instance couvre les effectifs présents dans 14 États membres de l’UE et ceux situés en Andorre et en Suisse, et sera compétente pour « toutes les questions transnationales dans le périmètre géographique » et pour celles « ayant des répercussions sur un autre pays d’Europe ».

Axel Springer. Le groupe de presse (plus de 10 000 salariés) envisage de constituer un CE européen. Il est surtout présent en Allemagne et en Hongrie, mais est également implanté en Pologne, Russie, République tchèque, France, Espagne et Suisse.

Bauer Verlagsgruppe. Le groupe d’édition allemand a mis en place un CE européen le 14 décembre 2007. Ce Comité couvre les États membres de l’UE dans lesquels le groupe est implanté (Allemagne, Autriche, Espagne, France, Grande-Bretagne, Hongrie, Portugal, République tchèque, Roumanie). L’accord reste très proche de la directive de 1994.

Bristol Water-Agbar. Une première réunion de négociation a eu lieu les 22 et 23 novembre 2007, à Barcelone, à la suite du rachat de la société espagnole Aguas de Barcelona (Agbar) par la compagnie britannique Bristol Water Consolis. Une négociation d’un accord sur la mise en place d’un CE européen est en cours au sein du groupe de travaux publics (9 000 salariés) issu de la fusion, en 2005, de la société française Bonna Sabla et de la société finlandaise Consolis Oy.

Crédit agricole. La négociation sur la mise en place d’un CE européen au sein du groupe bancaire (142 000 salariés en Europe, dont 82 % en France) devrait aboutir d’ici à la fin de l’année.

EADS. La direction du groupe EADS et le président de son CE européen ont signé, le 26 avril 2007, une lettre d’intention pour ouvrir progressivement l’instance de représentation des salariés européens à d’autres pays situés en dehors de l’UE. Le texte prévoit une condition liée aux effectifs dans les pays concernés, qui devront être au-delà de 1 000 salariés, pour ouvrir des négociations en vue d’instituer une représentation au sein du Comité.

Enel. Des discussions ont débuté entre la direction du groupe énergétique italien (60 000 salariés) et les délégués syndicaux représentant les salariés bulgares, espagnols, italiens, roumains et slovaques en vue de mettre en place un CE européen.

Groupe CPI. Le groupe français d’impression (4 000 salariés) a signé un accord de mise en place d’un CE européen le 13 décembre 2007.

Nokia Siemens Networks. La Fédération européenne des métallurgistes (FEM) a annoncé que la direction de la société, résultant de la fusion des activités réseaux des groupes Nokia et Siemens, acceptait le lancement d’une négociation sur la mise en place d’un CE européen.

The Linde Group. La société allemande (49 000 salariés), issue de la fusion des sociétés allemande Linde et britannique The BOC Group, a signé avec les représentants des salariés un accord sur la mise en place d’un CE européen qui remplace l’accord existant au sein de Linde depuis 1996.

UniCredit. La banque italienne a mis en place un CE européen à la suite de la fusion avec la banque HypoVereinsbank (HVB). Il couvre tous les salariés européens du groupe, qu’ils soient basés dans l’Union européenne ou non. Sont ainsi couvertes les implantations situées en Bosnie, Croatie, Turquie, Russie, Suisse, Ukraine, Serbie et à Saint-Marin.

Source : Le bilan de la négociation collective de 2007, ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, juin 2008.

B. LES COMITÉS D’ENTREPRISE EUROPÉENS N’ONT PAS TOUJOURS LES MOYENS DE JOUER LEUR RÔLE

Face à des évolutions sociales et économiques multiples, les CEE, dont les modalités d’établissement remontent à près de quinze ans, n’ont, en dépit des avancées réelles qui viennent d’être rappelées, plus toujours les moyens de jouer leur rôle.

1. Les CEE sont confrontés à de nouveaux défis

a) Les CEE doivent s’adapter à la mondialisation

À l’heure de la mondialisation, les conditions de travail sont en pleine évolution. L’accélération des échanges commerciaux est à l’origine de changements rapides pour les salariés (4) :

– ils sont confrontés à la concurrence d’une main-d’œuvre moins coûteuse, notamment dans les pays d’Asie ;

– ils doivent faire face à des exigences de flexibilité toujours plus grandes, dont le principal objectif est d’augmenter la productivité ;

– ils sont souvent démunis face aux restructurations et aux délocalisations qui peuvent bouleverser leur vie.

Pour l’ensemble de ces raisons, le commissaire européen chargé de l’emploi, des affaires sociales et de l’égalité des chances estimait en juin 2008 que « l’Union européenne a choisi d’être résolument proactive. Nous avons instauré des règles pour que les travailleurs soient davantage associés à la vie de leur entreprise, pour qu’ils soient informés et consultés sur des choix stratégiques ». Cette attitude est d’autant plus nécessaire que des incertitudes nombreuses affectent le fonctionnement des CEE.

b) Les CEE n’ont été établis que dans un tiers des entreprises concernées

En dépit des données positives évoquées plus haut, il faut aussi remarquer, conformément aux informations figurant dans la communication de MM. Guy Geoffroy et Régis Juanico sur les CEE (document E 3904) en date de novembre 2008, que « les limites sont atteintes car une majorité des 2 300 entreprises relevant de la directive de 1994 n’ont toujours pas de CEE. On observe des différences d’un pays à l’autre. L’Allemagne a ainsi une moindre proportion de CEE que ses partenaires ».

L’exposé des motifs de la proposition de directive rappelle de fait que des CEE ont été établis dans seulement 36 % des entreprises entrant dans le champ d’application de la directive.

C’est que les CEE n’ont, dans la pratique, pas toujours les moyens de remplir les missions qui leur sont attribuées, comme l’ont montré certains événements récents.

2. De réelles incertitudes affectent le rôle des CEE

Une révision de la directive qui a permis aux CEE de voir le jour est nécessaire car de nombreuses incertitudes affectent leur régime juridique aujourd’hui.

Ces incertitudes sont d’abord pratiques. En effet, on estime à environ 50 % la proportion des situations où les CEE ne sont pas consultés avant qu’une restructuration ne soit rendue publique. C’était par exemple le cas pour la fermeture récente de la société Nokia à Bochum, en Allemagne. D’autres exemples plus anciens existent. Ces incertitudes pratiques sont évidemment liées à des incertitudes juridiques, qu’ont mises en évidence certains contentieux devenus célèbres.

a) Des incertitudes sont liées à l’interprétation de la directive du 22 septembre 1994

Ainsi, aux termes de la directive de 1994, que ce soit lors des réunions annuelles ou à des moments plus exceptionnels, le comité d’entreprise européen ou le bureau, s’il en existe un, doit non seulement être « informé » de la situation du groupe ou de l’entreprise, mais aussi être « consulté ». La question du sens à donner à ce dernier terme a suscité des interrogations nombreuses : faut-il donner à la notion de consultation la même acception qu’en droit français, à savoir une consultation préalable du comité européen ?

En effet, la notion de consultation du comité d’entreprise européen est définie par la directive de 1994, reprise sur ce point par l’article  L. 2341-6 du code du travail comme « l’organisation d’un échange de vues et l’établissement d’un dialogue ». Cette définition semble plus restrictive que celle applicable au comité d’entreprise en droit interne, puisque la consultation du CE en droit interne implique un échange de vue et un dialogue, mais aussi l’expression d’un avis préalable à la prise de décision

La cour d’appel de Versailles, à l’occasion de l’affaire « Renault-Vilvoorde », a été appelée à se prononcer sur cette question. Dans cette affaire, la société Renault avait publiquement annoncé la fermeture de l’usine belge de Vilvoorde avant de réunir le « comité de groupe européen », créé par un accord. Cet accord ne prévoyait pas l’obligation pour l’employeur de consulter le comité préalablement à une décision.

La cour d’appel a considéré que l’information et la consultation du comité d’entreprise européen doivent avoir lieu « en temps utile », ce qui n’implique pas nécessairement qu’elles soient préalables à la décision.

En l’espèce, la cour d’appel a relevé que rien dans l’accord Renault ni dans la directive ne prévoyait l’obligation d’une consultation antérieure à la prise de décision. À l’inverse, a souligné la cour, aucune disposition n’écartant cette antériorité, il fallait donc rechercher selon les circonstances si elle correspondait ou non à l’impératif « d’effet utile ». La cour indiquait que cet effet utile devait être apprécié en fonction de « critères raisonnables », au nombre desquels figuraient au moins « la place laissée aux observations, contestations ou critiques, l’importance et le caractère irrémédiable ou non des préjudices susceptibles d’être causés, le respect d’une chronologie propice aux mesures ou réactions utiles, voire à une modification des résolutions initiales ».

La cour d’appel, appliquant ces critères à l’affaire Renault Vilvoorde, a finalement décidé que l’absence d’information et de consultation préalables à l’annonce publique de la fermeture d’une usine employant près de 3 000 salariés et exposant autant de personnes aux inconvénients d’une perte d’emploi était manifestement illicite, compte tenu de l’impact social d’une telle décision. En conséquence, l’entreprise ne pouvait donner suite à la décision de fermeture du site sans une réunion préalable du comité de groupe européen (CA Versailles, 7 mai 1997, sté Renault c/ CGE Renault).

Cette décision n’a pas toujours convaincu les juristes, dont certains ont considéré que « sa portée (…) reste incertaine », notamment en l’absence de référence, dans la directive de 1994, à la nécessité d’une consultation « en temps utile », estimant que la Cour avait interprété la directive communautaire « à la lumière du droit français » (5).

● Les difficultés liées aux cas de fusion ou acquisition

À l’occasion de la fusion Suez-GDF, début 2006, la direction de GDF avait consulté, sur le projet de fusion avec Suez, le CEE. Mais celui-ci ayant estimé cette consultation insuffisante et tardive – elle précédait de seulement quelques jours la réunion du conseil d’administration sur la fusion –, il a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris. Celui-ci a interdit, par ordonnance du 21 novembre 2006, au conseil d’administration de GDF de prendre toute décision relative au projet de fusion tant que le CEE n’aurait pas donné son avis sur ledit projet.

La cour d’appel de Paris puis la Cour de cassation ont confirmé cette décision (cour d’appel de Paris, 21 novembre 2006, Gaz de France c. comité d’entreprise européen de Gaz de France ; Cass. soc., 16 janv. 2008, Gaz de France c. comité d’entreprise européen de Gaz de France). En effet, pour la Cour de cassation, compte tenu de l’accord existant à GDF sur le CEE, le délai accordé au CEE « devait permettre aux intéressés de donner un avis au cours du processus devant aboutir à la décision », ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Mais comme l’ont noté certains observateurs, la solution étant fondée sur l’accord collectif GDF, il n’est pas possible d’affirmer que les juges imposeraient dans une autre affaire la consultation préalable du CEE, le texte de la directive de 1994 n’étant pas clair sur cette question.

En outre, dans cette même décision, la Cour de cassation avait jugé que « les renseignements fournis lors de la réunion du comité d’entreprise n’assurent pas nécessairement une complète information du comité d’entreprise européen ».

b) Des incertitudes sont liées à l’articulation avec des directives plus récentes

La directive de 1994 a aussi besoin d’être clarifiée par rapport aux directives plus récentes. En effet, depuis 1994, un certain nombre d’autres textes communautaires sont intervenus en matière d’information et de consultation des travailleurs.

On peut ainsi citer :

– la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, qui fixe des principes généraux en matière d’information des salariés ;

– la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs et la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements, qui trouvent à s’appliquer dès lors que des projets de licenciement ou de transfert sont envisagés ;

– la directive 2001/86/CE du Conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne l’implication des travailleurs et la directive 2003/72/CE10 du Conseil du 22 juillet 2003 complétant le statut de la société coopérative européenne pour ce qui concerne l’implication des travailleurs, qui régissent l’implication des travailleurs au sein des sociétés européennes (SE) et sociétés coopératives européennes (SCE).

La question de la compatibilité entre certaines de ces dispositions et la directive de 1994 peut en effet se poser, notamment pour ce qui concerne la question de la définition précise du contenu de l’information et de la consultation.

C’est ainsi que dans trois affaires portées à titre préjudiciel, la Cour de justices des Communautés européennes a été conduite à interpréter les dispositions de la directive relatives à la communication des informations nécessaires à la mise en place d’un comité d’entreprise européen (C-62/99 Bofrost ; C-440/00 Kühne & Nagel ; C-349/01 ADS Anker GmbH).

II.- LA RÉVISION DE LA DIRECTIVE DU 22 SEPTEMBRE 1994
SUR LES CEE EST UNE NÉCESSITÉ

La directive du 22 septembre 1994 sur le comité d’entreprise européen contient naturellement toujours des éléments positifs et la Commission européenne entend les conserver : il en va ainsi notamment de la procédure donnant la priorité à la négociation d’entreprise. Les comités d’entreprise européens qui fonctionnent bien doivent en outre pouvoir poursuivre leur mission.

Les modifications envisagées par la proposition de directive visant à rénover la directive de 1994 ont quatre objectifs, que rappelle l’exposé des motifs de la proposition de directive :

– assurer l’effectivité des droits d’information et la consultation transnationale des travailleurs ;

– accroître la proportion de comités d’entreprise européens établis ;

– renforcer la sécurité juridique ;

– assurer une meilleure articulation des directives en matière d’information et de consultation des travailleurs.

A. LA PROPOSITION DE DIRECTIVE RÉSULTE DE LA MISE EN œUVRE DU DIALOGUE SOCIAL COMMUNAUTAIRE

1. La proposition de directive prend en considération les résultats d’un dialogue social établi au plan communautaire

a) La procédure de dialogue social est bien établie au plan communautaire

Le respect d’une procédure de dialogue social n’est pas une chose nouvelle en matière communautaire. Dès 1957, le Traité de Rome avait consacré l’existence d’une instance consultée pour l’application des dispositions sociales du Traité, ce qui témoignait de la volonté de prendre en compte le point de vue des employeurs et des travailleurs : toute disposition sociale allait dès lors être soumise au Comité économique et social européen (CESE).

Mais c’est à partir de 1985 seulement que s’est établi un véritable dialogue social, sous la forme d’un processus qui a été amorcé puis soutenu par la Commission européenne et qui est dénommé usuellement « processus de Val-Duchesse », du nom du lieu où a été organisée la première rencontre. Dans ce cadre, un comité de dialogue social tripartite, composé de 45 membres, rendait des « avis communs ». Ceux-ci n’avaient cependant pas valeur contraignante, même si leur discussion contribuait à l’établissement d’une culture commune du dialogue.

Une étape décisive est ensuite intervenue en 1991, puisque c’est le 31 octobre que les partenaires sociaux européens se sont accordés sur une modification des processus de décision en matière sociale. Ces propositions ont été intégrées presque mot pour mot dans le protocole sur la politique sociale annexé au traité sur l’Union européenne. En 1997, les dispositions du protocole sur la politique sociale ont été reprises par le traité d’Amsterdam, dans les articles 138 et 139 reproduits ci-après.

La reconnaissance institutionnelle du dialogue social européen

Les articles 138 et 139 du traité CE attribuent au dialogue social européen une mission spécifique dans le processus de la construction européenne:

Article 138

La Commission a pour tâche de promouvoir la consultation des partenaires sociaux au niveau communautaire et prend toute mesure utile pour faciliter leur dialogue en veillant à un soutien équilibré des parties.

À cet effet, la Commission, avant de présenter des propositions dans le domaine de la politique sociale, consulte les partenaires sociaux sur l'orientation possible d'une action communautaire.

Si la Commission, après cette consultation, estime qu'une action communautaire est souhaitable, elle consulte les partenaires sociaux sur le contenu de la proposition envisagée. Les partenaires sociaux remettent à la Commission un avis ou, le cas échéant, une recommandation.

À l’occasion de cette consultation, les partenaires sociaux peuvent informer la Commission de leur volonté d'engager le processus prévu à l'article 139. La durée de la procédure ne peut pas dépasser neuf mois, sauf prolongation décidée en commun par les partenaires sociaux concernés et la Commission.

Article 139

Le dialogue entre partenaires sociaux au niveau communautaire peut conduire, si ces derniers le souhaitent, à des relations conventionnelles, y compris des accords.

La mise en œuvre des accords conclus au niveau communautaire intervient soit selon les procédures et pratiques propres aux partenaires sociaux et aux États membres, soit [...], à la demande conjointe des parties signataires, par une décision du Conseil sur proposition de la Commission.

Source : Commission européenne.

Ces deux articles fondent donc une véritable procédure qui implique tant les institutions communautaires que les partenaires sociaux. La place de la Commission y est prépondérante, puisque c’est elle qui a la tâche de « promouvoir la consultation des partenaires sociaux au niveau communautaire », en les consultant avant de procéder à des propositions en matière sociale.

Ces matières dites sociales figurent à l’article 137 du Traité et sont très largement définies : santé et sécurité des travailleurs, conditions de travail, information et consultation des travailleurs, intégration des personnes exclues du marché du travail, égalité entre hommes et femmes, sécurité sociale et protection sociale des travailleurs, protection des salariés en cas de résiliation du contrat de travail, représentation et défense collective des intérêts des travailleurs, conditions d’emploi des ressortissants des pays tiers se trouvant en séjour régulier sur le territoire, intégration des personnes exclues du marché du travail.

b) Le processus de concertation sur la refonte de la directive de 1994 a été mené de manière spécifique

Conformément à l’article 138 du traité précité, la Commission a consulté les partenaires sociaux au niveau communautaire sur l’orientation possible d’une action communautaire visant à modifier la directive du 22 septembre 1994.

Les organisations de travailleurs se sont exprimées en faveur d’une révision rapide de la directive, mais les organisations d’employeurs se sont opposées à une telle révision. Les partenaires sociaux ont ensuite défini en commun des bonnes pratiques en matière de comités d’entreprise européens, sur la mise en œuvre desquelles la Commission les a à nouveau consultés.

Après ces consultations, la Commission a estimé qu’une action communautaire était souhaitable et a consulté les partenaires sociaux au niveau communautaire sur le contenu de la proposition envisagée, en conformité avec l’article 138, paragraphe 3, du traité.

En réponse à cette dernière consultation, comme le souligne l’exposé des motifs de la proposition de directive, les organisations d’employeurs BusinessEurope, CEEP (Centre européen des entreprises à participation publique) et UEAPME (Association européenne des petites et moyennes entreprises) se sont déclarées prêtes à engager des négociations dans le cadre du dialogue social européen.

En revanche, la Confédération européenne des syndicats (CES) a considéré qu’une telle négociation n’était pas réaliste. Comme l’a souligné M. Guy Geoffroy, rapporteur au nom de la Commission chargée des affaires européennes au cours de la séance de cette commission le mercredi 12 novembre 2008, « il est (…) clair que la fin de non recevoir opposée par la Confédération européenne des syndicats, en avril dernier, en réponse à la saisine des partenaires sociaux européens par la Commission européenne en février, était davantage motivée par des raisons de calendrier que par des motifs de fond ».

En effet, si, après un nouvel appel aux partenaires sociaux européens, la Commission européenne a constaté l’absence de négociation au titre de l’article 138, paragraphe 4, du traité et a décidé de présenter la présente proposition, compte tenu du besoin établi de révision de la législation en vigueur, il faut noter que cette proposition de directive est également marquée par un élément spécifique au domaine social : elle a fait l’objet d’un accord entre les partenaires sociaux, à la fin du mois d’août dernier, en réponse à l’invitation qui leur avait été adressée à l’occasion de la réunion informelle de Chantilly les 10 et 11 juillet.

Les réponses des organisations consultées et les contributions reçues dans ce cadre ont été examinées en détail et prises en compte dans le cadre du processus d’évaluation de l’impact de la proposition de directive.

L’examen effectué a conduit la Commission à modifier certaines propositions envisagées dans le document de consultation.

En complément de cette concertation, la Commission a demandé à des consultants extérieurs une étude destinée à évaluer les coûts de la mise en œuvre de la proposition de directive. Ces éléments ont été intégrés à l’étude d’impact de la proposition, qui concluait à l’opportunité d’engager la révision de la législation en vigueur, tout en l’associant à des actions non réglementaires de communication et de promotion.

2. La proposition de directive comporte des mesures qui, bien que très techniques, sont de nature à améliorer le fonctionnement des comités d’entreprise européens

Les principaux apports de la proposition de directive peuvent être ainsi résumés : d’une part, certaines notions sont clarifiées ; d’autre part, les droits des salariés sont réaffirmés et précisés.

a) Des notions clarifiées

● Les notions d’information et de consultation

À l’article 1er de la directive du 22 septembre 1994, la proposition de directive précise que les modalités d’information et de consultation des travailleurs doivent respecter le principe général d’« effet utile » de la démarche : « Les modalités d’information et de consultation des travailleurs sont définies et mises en œuvre de manière à assurer l’effet utile de la démarche et à permettre une prise de décision efficace de l’entreprise ou du groupe d’entreprises ».

On a vu en effet les incertitudes qu’engendre, dans la rédaction actuelle de la directive du 22 septembre 1994, l’absence d’une telle référence.

À l’article 2, une définition de l’information est introduite. Désormais, constitue une « information » : « la transmission par l’employeur de données aux représentants des travailleurs afin de permettre à ceux-ci de prendre connaissance du sujet traité et de l'examiner ; l’information s’effectue à un moment, d’une façon et avec un contenu appropriés, qui permettent notamment aux représentants des travailleurs de procéder à un examen adéquat et de préparer, le cas échéant, la consultation ».

En outre, la définition de la consultation est complétée, en cohérence avec celles des directives plus récentes qui intègrent les notions de « moment, moyens  et contenu appropriés » de l’information et de la consultation : constitue désormais une consultation « l’établissement d’un dialogue et l’échange de vues entre les représentants des travailleurs et la direction centrale ou tout autre niveau de direction plus approprié, à un moment, d’une façon et avec un contenu qui permettent aux représentants des travailleurs, sur la base des informations fournies, d’exprimer, dans un délai raisonnable, un avis à l’organe compétent de l'entreprise de dimension communautaire ou du groupe d’entreprises de dimension communautaire ».

● La question de l’articulation entre les niveaux national et transnational d’information et de consultation des travailleurs

À l’article 1er, la proposition de directive établit le principe du « niveau pertinent en fonction du sujet traité » : désormais, « l’information et la consultation des travailleurs s’effectuent au niveau pertinent de direction et de représentation, en fonction du sujet traité ».

À cette fin, la compétence du comité d’entreprise européen est limitée aux questions transnationales.

En outre, le caractère transnational est défini comme concernant l’ensemble de l’entreprise ou du groupe de dimension communautaire, ou au moins deux entreprises ou établissements de l’entreprise ou du groupe situés dans deux États membres différents.

À l’article 12, la proposition de directive définit un principe d’articulation entre les niveaux national et transnational d’information et de consultation des travailleurs dans le respect des compétences et des domaines d’intervention respectifs des instances de représentation.

Les modalités de cette articulation sont définies par l’accord conclu par le groupe spécial de négociation (GSN), qui inclut dorénavant ce sujet.

À défaut de telles modalités et lorsque des décisions susceptibles d’entraîner des modifications importantes dans l’organisation du travail ou les contrats de travail sont envisagées, la proposition de directive prévoit que le processus d’information du CEE et celui des instances nationales commencent de manière concomitante.

La proposition prévoit à ce même article 12 une clause de non régression du niveau général de protection des travailleurs : « La mise en œuvre de la présente directive ne constitue pas un motif suffisant pour justifier une régression par rapport à la situation existant dans les États membres relative au niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par celle-ci ».

● Les textes des directives postérieures à 1994 sont mis en cohérence

Les intitulés des directives relatives aux licenciements collectifs (directive du 20 juillet 1998) et aux transferts d’entreprise (directive du 12 mars 2001) sont mis à jour et une référence à la directive cadre 2002/14/CE sur l’information et la consultation des travailleurs est introduite dans le texte de la directive de 1994.

b) Les droits des salariés renforcés

Un certain nombre d’autres dispositions visent à réaffirmer les droits des salariés :

– la capacité des membres du comité d’entreprise européen à représenter les intérêts des travailleurs de l’entreprise ou du groupe communautaire est affirmée à l’article 10 de la directive. En contrepartie, est établie à leur égard une obligation de rendre compte aux salariés qu’ils représentent ;

– à ce même article est reconnue la possibilité, pour les membres du GSN ou du CEE, de bénéficier de formations sans perte de salaire ;

– à l’article 4, la proposition de directive reconnaît un droit des organisations de salariés et d’employeurs d’être informées du début des négociations comme de la composition du GSN ;

– à l’article 5, la responsabilité des directions locales dans la fourniture des informations permettant l’ouverture de négociations en vue d’instituer de nouveaux comités d’entreprise européens est prévue ;

– afin de résoudre les incertitudes juridiques et de simplifier la composition du groupe spécial de négociation, celle-ci est modifiée et prévoit pour chaque État membre (dans lequel au moins cinquante salariés sont employés) un siège par tranche de travailleurs employés dans cet État membre qui représente 10 % du nombre de salariés employés dans l’ensemble des États membres, ou une fraction de ladite tranche ;

– le droit pour les membres du GSN de se réunir hors de la présence des représentants de la direction centrale est posé à ce même article 5 ;

– à l’article 6, la proposition de directive introduit la nécessité pour le CEE de prendre en compte, dans la mesure du possible, le besoin de représentation équilibrée des travailleurs selon les activités, les catégories de travailleurs, le sexe et la durée de leur mandat ;

– est apportée la garantie pour le CEE de disposer des moyens nécessaires à sa mission et permettant de renforcer sa faculté d’appel à des compétences extérieures ;

– à l’annexe 1 de la directive de 1994 (dispositif valable, à titre supplétif, en l’absence d’accord du GSN), les modalités de réunion d’un comité restreint constitué au sein du CEE sont précisées : en particulier, désormais ce ne sont plus seulement des circonstances exceptionnelles qui peuvent motiver une telle réunion, mais aussi toute « décision » susceptible d’affecter considérablement les intérêts des travailleurs, « notamment en cas de délocalisation, de fermeture d’entreprises ou d’établissements ou de licenciements collectifs » ;

– à l’article 13 est établi un dispositif d’adaptation des accords en vigueur lorsque des modifications significatives interviennent dans la structure de l’entreprise ou du groupe.

B. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION PRÉSENTÉE PAR LA COMMISSION CHARGÉE DES AFFAIRES EUROPÉENNES

1. La proposition de résolution approuve la proposition de directive modifiée selon les propositions des partenaires sociaux européens

a) La Commission chargée des affaires européennes a approuvé la proposition de directive

Lors de sa séance du mercredi 12 novembre 2008, la Commission chargée des affaires européennes de l’Assemblée nationale a adopté une proposition de résolution sur le comité d’entreprise européen.

Cette proposition de résolution, examinée dans le cadre de la procédure prévue à l’article 88-4 de la Constitution (6), a pour objet la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs (Refonte) (alinéas 1 à 3 de l’article unique de la proposition de résolution). Cette proposition de directive date du 2 juillet 2008.

La commission chargée des affaires européennes commence par rappeler que « l’objectif de développer le comité d’entreprise européen comme lieu d’échange et de dialogue social exige une refonte des actuelles dispositions relatives au comité d’entreprise européen » (alinéa 5 de l’article unique).

Ce faisant, elle reprend à son compte les objectifs précédemment développés, tels qu’ils ont notamment été évoqués par le commissaire européen chargé de l’emploi, des affaires sociales et de l’égalité des chances. Elle réaffirme la nécessité de procéder à une « refonte » de la directive du 22 septembre 1994 concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs. On relèvera que la notion de « refonte » marque l’ambition de la démarche suivie.

Considérant que la proposition de directive constitue le socle d’un futur accord entre États membres au sein du Conseil comme entre le Conseil et le Parlement européen, elle « approuve la proposition de directive (…) » (alinéa 7 de l’article unique).

b) La Commission chargée des affaires européennes a souligné l’importance des huit amendements présentés par les partenaires sociaux

La Commission chargée des affaires européennes n’a cependant pas pris en compte la seule proposition de directive. Elle se fonde en effet, dans la rédaction retenue pour sa proposition de résolution, sur « la proposition de directive (…) modifiée selon les propositions des partenaires sociaux européens, telles qu’elles résultent du dialogue social » (alinéa 6 de l’article unique de la proposition de résolution).

Parmi les visas de la proposition figurent en effet, outre la référence à l’article 88-4 de la Constitution et à la proposition de directive, « les propositions des partenaires sociaux européens adressées à la Présidence française en date des 29 août et 2 octobre 2008 » (alinéa 4 de l’article unique de la proposition de résolution). Par définition, ces propositions ne sont pas intégrées au texte de la Commission du 2 juillet.

C’est pourquoi il a paru essentiel à la commission chargée des affaires européennes de prendre en considération l’intégralité de la démarche de dialogue social, telle qu’elle a été rappelée plus haut.

C’est que les partenaires sociaux sont parvenus à un accord le 29 août 2008 sur huit amendements apportés au texte de la Commission européenne. Ces huit amendements sont les suivants (7) :

– les deux premiers précisent les notions d’« information » des travailleurs et de « consultation » des travailleurs.

Celui sur la consultation résulte d’un équilibre issu d’un compromis entre les partenaires sociaux, ce que souligne la communication précitée  de MM. Guy Geoffroy et Régis Juanico : d’une part, il prévoit que l’objet de la consultation est de permettre aux représentants des salariés d’exprimer un avis sur les « mesures proposées », ce qui implique une intervention en amont d’un problème ; d’autre part, il indique que cet avis intervient sans préjudice des responsabilités de la direction ;

– un troisième amendement prévoit, d’une manière plus précise que la proposition initiale, que les experts pouvant assister le groupe spécial de négociation ou le CEE peuvent comprendre des représentants des organisations syndicales au niveau européen ;

– le quatrième amendement indique que les membres du CEE doivent avoir les moyens de représenter collectivement les employés à l’échelle européenne, et non seulement d’exercer les droits prévus par la directive, ce qui renforce la représentativité des membres du CEE ;

– le cinquième amendement rend facultative la formation reçue sans perte de salaire ;

– le sixième amendement introduit une souplesse en évitant toute obligation de concomitance entre le processus d’information et de consultation du CEE et celui des instances nationales, lorsque sont envisagées des décisions susceptibles d’entraîner des modifications importantes dans l’organisation du travail ou dans les contrats de travail ;

– les deux derniers amendements sont relatifs aux accords en vigueur : le premier ouvre une « fenêtre d’opportunité » en permettant la conclusion ou la révision d’accords, sous le régime actuel de la directive 94/45/CE, dans les deux ans suivant l’adoption de la future directive ; le second supprime l’obligation de renégociation des accords existants en cas de modification substantielle dans la structure de l’entreprise ainsi que d’absence de clause d’adaptation et d’une demande en ce sens des salariés, ces trois éléments étant cumulatifs.

S’agissant de la « fenêtre d’opportunité », M. Guy Geoffroy, rapporteur au nom de la Commission chargée des affaires européennes, a considéré lors de la réunion du 12 novembre 2008, qu’elle était « encore perfectible ».

Le 2 octobre 2008, une lettre adressée par les partenaires sociaux à la présidence française a aussi indiqué qu’il convenait de compléter le dispositif relatif aux accords en vigueur de manière à ce qu’il couvre tous les cas de figure et de manière à ce que le considérant relatif à l’information des travailleurs précise bien que cette procédure ne ralentit pas le processus de décision dans les entreprises.

Lors de sa réunion du mardi 21 octobre 2008, la Commission chargée des affaires européennes a procédé à l’audition de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, sur l’avancement des priorités de la présidence française en matière sociale.

Au cours de cette audition, M. Xavier Bertrand a rappelé que « s’agissant de la directive relative aux comités d’entreprise européens, la présidence française a demandé dès juillet aux partenaires sociaux de réfléchir aux aménagements qu’il convenait d’apporter au texte de la Commission. Les partenaires sociaux ont accepté de jouer le jeu sans s’engager dans une négociation officielle et longue. J’ai fait adopter par le Conseil « Emploi et affaires sociales » – EPSCO –, le 2 octobre, leurs huit propositions, afin qu’elles puissent être intégrées aux négociations. Au Conseil, nous sommes très proches d’un accord et, si le calendrier du Parlement le permet, d’un examen avant la fin de l’année ».

2. Les débats qui subsistent portent sur un nombre de points réduit

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la proposition de résolution soutient de manière très large la proposition de directive, en évoquant seulement quelques adaptations techniques ou mineures encore en suspens ainsi que la nécessité du respect du principe de subsidiarité.

a) Quelques adaptations techniques ou mineures sont encore en suspens

Aux termes de l’alinéa 7 de l’article unique de la proposition de résolution, la Commission chargée des affaires européennes approuve la proposition de directive modifiée selon les propositions conjointes des partenaires sociaux au niveau européen « sans préjudice de quelques adaptations techniques ou mineures, notamment sur le seuil de cinquante salariés et la période de transition entre les règles actuelles et futures, dès lors qu’elles n’en modifient pas l’équilibre ».

● La question du seuil de cinquante salariés

La suppression du seuil de cinquante salariés pour la composition du GSN ou du CEE fait partie des éléments que la Commission chargée des affaires européennes considère « comme réglés », conformément à l’expression du rapporteur M. Guy Geoffroy lors de la réunion du 12 novembre 2008.

Ce seuil figure en effet dans la nouvelle rédaction proposée de l’article 5 consacré au Groupe spécial de négociation, dont on rappelle qu’elle établit la règle selon laquelle est alloué pour chaque État membre dans lequel au moins cinquante salariés sont employés un siège par tranche de travailleurs employés dans cet État membre qui représente 10 % du nombre de travailleurs employés dans l’ensemble des États membres ou une fraction de ladite tranche.

Cette même règle prévaut s’agissant du CEE puisque l’annexe 1 prévoit également, à titre subsidiaire, en l’absence d’accord, qu’est alloué pour chaque État membre dans lequel au moins cinquante salariés sont employés un siège par tranche de travailleurs employés dans cet État membre qui représente 10 % du nombre de travailleurs employés dans l’ensemble des États membres ou une fraction de ladite tranche.

Il est vrai que certains États ne sont pas favorables au seuil des cinquante salariés, considéré comme privilégiant la situation des plus grands pays et dénoncé comme tel par les plus petits.

Pour la Commission chargée des affaires européennes, dès lors que le principe de représentation selon le nombre de salariés employés dans chaque État est acquis, cette suppression n’affecte pas les conditions générales d’équilibre de la proposition de directive : elle peut donc être supprimée.

● La question de la période de transition entre les règles actuelles et futures

Cette question concerne le thème évoqué plus haut sous le terme de « fenêtre d’opportunité », à savoir la période de deux ans pendant laquelle les entreprises pourraient créer des CEE ou réviser les modalités des CEE existants selon les règles résultant de l’application de la directive du 22 septembre 1994.

On a vu qu’aux yeux du rapporteur pour la Commission chargée des affaires européennes, ce régime est encore « perfectible ». Cependant, le texte de la communication montre que n’est pas en cause le principe même de la « fenêtre d’opportunité », mais les seules modalités techniques de sa mise en œuvre.

Au total, concernant tant la question du seuil de cinquante salariés que celle de la période de transition, la Commission chargée des affaires européennes se dit ouverte à des évolutions techniques ou mineures, l’essentiel étant qu’il ne soit pas porté atteinte à l’« équilibre » de la proposition de directive.

b) Le principe de subsidiarité doit être respecté

La question du principe de subsidiarité est plus substantielle. La Commission chargée des affaires européennes y montre son attachement dans les deux derniers alinéas de la proposition de résolution (alinéas 8 et 9 de l’article unique de la proposition de résolution).

Aux termes de l’alinéa 8, la Commission « se félicite de ce que [la proposition de directive] respecte le principe de subsidiarité, en clarifiant notamment ce qui relève du dialogue social européen et ce qui relève des organismes assurant la représentation du personnel au niveau des États membres ».

On rappellera en effet que les dispositions de la proposition de directive :

– d’une part définissent le caractère transnational comme concernant l’ensemble de l’entreprise ou du groupe de dimension communautaire, ou au moins deux entreprises ou établissements de l’entreprise ou du groupe situés dans deux États membres différents ;

– d’autre part déterminent un principe d’articulation entre les niveaux national et transnational d’information et de consultation des travailleurs dans le respect des compétences et des domaines d’intervention respectifs des instances de représentation, les modalités de cette articulation étant définies par l’accord conclu par le groupe spécial de négociation (GSN), qui inclut dorénavant ce sujet.

Il s’agit d’un apport essentiel au regard du principe de subsidiarité tel qu’il s’est développé en droit communautaire et y prévaut aujourd’hui (voir l’encadré présenté ci-après).

Qu’est-ce que le principe de subsidiarité ?

Le principe de subsidiarité consiste à réserver uniquement à l’échelon supérieur, ici l’Union européenne, ce que l’échelon inférieur, les États membres de l’UE, ne pourrait effectuer que de manière moins efficace.

Ce principe a été introduit dans le droit communautaire par le traité de Maastricht (article 5 du traité instituant la Communauté européenne – TCE). Cependant, son existence est plus ancienne : on en retrouve déjà l’esprit chez Aristote ou Saint Thomas d’Aquin. Il régit également les rapports entre l’État et les Länder en Allemagne.

Le principe de subsidiarité ne s’applique qu’aux questions relevant d’une compétence partagée entre la Communauté et les États membres, qui posent fréquemment des problèmes d’attribution. Il ne concerne pas les domaines relevant de la compétence exclusive de la Communauté (à l’image de la Politique agricole commune), ni ceux qui demeurent de la seule compétence des États (comme le droit de la nationalité établi comme lien juridique donnant à un individu la qualité de citoyen d’un État.).

Ce principe, d’un côté, protège les compétences des États, mais de l’autre, permet l’intervention de la Communauté si « les objectifs [d’une] action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante » par les États mais peuvent davantage l’être à son niveau (article 5 TCE).

Enfin, il répond à un souci de démocratie, les décisions devant « être prises le plus près possible des citoyens » (article 1 du traité sur l’Union européenne).

Une obligation de proportionnalité commande de ne pas excéder ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs (par exemple, éviter des législations trop détaillées). En cas de contestation sur la bonne application du principe, la Cour de justice des Communautés européennes peut être saisie, mais seulement a posteriori, par les voies de recours ordinaires (recours en annulation notamment).

Le traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 prévoit la consécration du principe de subsidiarité comme principe fondamental de l’Union aux côtés des principes d’attribution et de proportionnalité. Il prévoit également un Protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, qui récapitule les modalités d’application de ce principe. Il prévoit que si les avis motivés sur le non-respect du principe de subsidiarité par une proposition de la Commission représentent au moins un tiers des parlements nationaux (un quart s’il s’agit de propositions relatives à l’espace de liberté, de sécurité et de justice), la Commission doit réexaminer sa proposition. En application de ce principe, la liste des compétences de l’Union européenne se décline selon trois catégories : celles exclusives à l’Union, celles partagées entre l’Union et les États membres, celles pour lesquelles l’Union peut mener des actions d’appui, de coordination ou de complément.

Source : encadré établi à partir de données figurant sur le site Internet de La documentation française (vie-publique.fr).

Cette clarification était donc d’autant plus nécessaire qu’elle ne répond pas seulement au souci de respecter celui qui est devenu un principe fondamental de l’Union européenne, mais contribue également à l’amélioration du droit applicable, sur une question très concrète.

Sans l’évoquer expressément, la Commission se dit aussi, ce faisant, défavorable à toute initiative complémentaire qui aurait pour effet une définition trop extensive de ce qui relève du niveau transnational, telle celle qui résulterait par exemple de l’adoption d’un amendement présenté par M. Jan Cremers (Parti socialiste européen – PSE, Pays-Bas).

Dans une même logique, que l’on peut dire préventive, aux termes de l’alinéa 9 de l’article unique de la proposition de résolution, la Commission chargée des affaires européennes revient sur ce même principe, mais cette fois pour considérer que celui-ci « s’oppose en particulier à l’insertion dans [le] dispositif [de la proposition de directive] de toute précision sur la sanction applicable en cas de non respect des obligations qu’elle prévoit ».

Lors de la réunion du 12 novembre 2008 précitée, le rapporteur a justifié cette prise de position dans les termes suivants :

« En revanche, une certaine vigilance s’impose encore sur [les] amendements présentés par M. Jan Cremers (PSE Pays-Bas) et les membres de son groupe. L’un (…) aborde la question de la sanction juridique en cas de non-respect des obligations d’information et de consultation prévues par la future directive. C’est un sujet tout à fait important et digne d’intérêt, mais on ne peut être que réservé sur la solution proposée. Il est, en effet, préférable de faire jouer, en la matière, le principe de subsidiarité, comme le suggère la proposition de résolution. La question, qui met en jeu les procédures juridictionnelles, paraît indéniablement pouvoir être mieux traitée au niveau national. Elle doit ainsi être mentionnée dans les seuls considérants de la future directive ».

De fait, on peut estimer que, de manière générale, la question des sanctions applicables fait partie des procédures internes, qu’il s’agisse de questions ayant trait à la justice en général ou aux procédures juridictionnelles en particulier. En application du principe de subsidiarité tel qu’il a été rappelé, il semble donc cohérent de prendre position, comme l’a fait la Commission chargée des affaires européennes, en faveur d’une compétence nationale pour ce prononcer sur le régime des sanctions.

C. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION PRÉSENTÉE PAR M. JEAN-JACQUES CANDELIER

M. Jean-Jacques Candelier a déposé, le 5 décembre 2008, une proposition de résolution portant également sur la proposition de directive visant à modifier la directive de 1994 sur le comité d’entreprise européen.

1. Cette proposition de résolution est en partie satisfaite par celle présentée par la Commission chargée des affaires européennes

L’initiative de M. Jean-Jacques Candelier est en partie satisfaite par la proposition de résolution de la Commission chargée des affaires européennes et la proposition de directive.

a) La proposition de résolution approuve la démarche de révision

Aux termes de ses alinéas 1 à 4 en effet, la proposition de résolution « se félicite qu’une démarche de révision, de clarification et d’adaptation de ce volet du droit du travail européen » soit entreprise.

Cela correspond à la démarche suivie par la Commission chargée des affaires européennes, qui a acté la nécessité d’une refonte de la directive de 1994 pour développer le CEE comme lieu d’échange et de dialogue social.

b) La proposition de résolution reprend pour partie des acquis du processus de révision de la directive de 1994

Les améliorations que la proposition de résolution de M. Jean-Jacques Candelier appelle de ses vœux, énumérées aux alinéas 5 à 12 de l’article unique de la proposition, sont en outre pour beaucoup d’entre elles d’ores et déjà prises en compte par la proposition de directive telle que modifiée par les partenaires sociaux.

Il en va ainsi notamment pour ce qui concerne :

– la prise en considération du rôle du CEE tout particulièrement à l’occasion des délocalisations, des fusions-acquisitions, des cessions ou des fermetures de sites. Il faut en effet rappeler qu’en cas d’accord conclu dans le cadre de la négociation menée par le groupe spécial de négociation, ces éléments pourront être expressément prévus. En outre, les prescriptions subsidiaires mentionnées à l’annexe I de la proposition de directive renvoient d’ores et déjà à ce type de situations ;

– la référence au moment, à la forme (ou à la façon) et au contenu de l’information, expressément faite par la proposition de directive ;

– le renforcement de l’effectivité des avis émis par les CEE sur les choix stratégiques des entreprises : il n’est pas nécessaire de revenir sur l’ensemble des modifications prévues par la proposition de directive, sinon pour rappeler qu’elles convergent toutes vers cet objectif, grâce aux clarifications qu’elles opèrent ainsi qu’aux garanties nouvelles qu’elles apportent aux salariés ;

– le renforcement du droit à l’information des salariés, dont on a vu les nombreuses avancées auxquelles il donne lieu aux termes de la proposition de directive ;

– la garantie par les États des règles destinées, le cas échéant, à l’annulation des décisions qui ne prendraient pas en considération les règles prévalant en matière d’information et de consultation.

2. Cette proposition de résolution aborde des questions qui vont manifestement au-delà de la démarche de révision résultant du dialogue social

La proposition de résolution de M. Candelier aborde par ailleurs (alinéas 13 et 14 de l’article unique de la proposition) des questions qui vont manifestement au-delà de la démarche de révision telle qu’elle résulte du dialogue social, comme en témoignent les deux points suivants : la question du changement de la définition des entreprises et groupes soumis aux dispositions de la directive ; celle du champ d’application sectoriel de la directive.

a) La question de la définition des entreprises soumises aux dispositions de la proposition de directive

La question du changement de la définition des entreprises et groupes soumis aux dispositions de la directive est posée par cette proposition de résolution. On peut certes comprendre le souci de prendre en considération la situation des entreprises de moins de 1 000 salariés en abaissant de 1 000 à 500 le nombre de salariés que doivent employer les entreprises pour être soumises aux dispositions de la proposition de directive.

Mais, dans le même temps, on ne peut que constater que cette question n’a pas fait l’objet d’étude d’impact, non plus qu’elle n’a été soumise à la concertation des partenaires sociaux. En outre, rien n’interdit, déjà aujourd’hui, à de telles entreprises de créer, si elles le souhaitent, un comité d’entreprise européen.

Pour l’ensemble de ces raisons, l’abaissement de ce seuil paraît peu opportun.

b) La question du champ d’application sectoriel de la proposition de directive

Les mesures contenues dans la proposition de résolution s’agissant des dispositions figurant aux articles 1er et 8 de la proposition de directive suscitent aussi des interrogations : la proposition de résolution juge en effet « incompréhensible et discriminatoire le maintien de la possibilité de dispositions particulières pour les entreprises du secteur dit « idéologique », c’est-à-dire, par exemple, des médias, ainsi que pour le personnel navigant de la marine marchande ».

Encore convient-il de rappeler que la possibilité reconnue aux États membres de prévoir des dispositions spéciales en matière d’information et de consultation des salariés pour la marine marchande figurait dans le texte de la directive de 1994 et n’est pas affectée par la révision.

En outre, la directive de 2002 sur l’information et la consultation des travailleurs prévoit le même type de disposition, destinée à tenir compte des spécificités fortes d’un secteur qui, dans de nombreux États, est soumis au code maritime et non au code du travail.

De même, la possibilité d’un recours au droit national s’agissant des modalités d’information et de consultation des salariés des entreprises exerçant leur activité dans le domaine de l’information et de l’expression d’opinion préexiste à la présente révision.

On peut ajouter que ces points n’ont soulevé aucun débat particulier au cours du processus de révision et que cette question, si elle devait se poser, devrait à tout le moins être soumise à l’appréciation des partenaires sociaux.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de Mme Chantal Brunel, les propositions de résolution sur le comité d’entreprise européen (n° 1245) et sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs (refonte) (n° 1300) au cours de sa première séance du mercredi 10 décembre 2008.

Un débat a suivi l’exposé de la rapporteure.

M. Régis Juanico. La question que nous traitons aujourd’hui est une question extrêmement importante, que nous avons voulu aborder dans le cadre des travaux de la Commission chargée des affaires européennes puisque l’on parle d’Europe et plus précisément d’Europe sociale et d’Europe concrète. Il existe aujourd’hui 880 comités d’entreprise européens – on en dénombrait environ 50 en 1994 – et, au total, 15 millions de salariés et 19 000 représentants sont concernés.

Nous avons souhaité respecter l’état du dialogue social européen puisque les partenaires sociaux européens sont parvenus à trouver un accord sur la proposition de directive. Cet accord implique une meilleure participation des salariés européens aux décisions qui les concernent ainsi que le renforcement des obligations d’information des salariés pour tout ce qui concerne la vie de l’entreprise, en particulier en matière de restructurations.

Pour autant, on peut craindre que cet accord ne soit pas totalement à la hauteur des enjeux, en particulier dans le contexte actuel de crise financière, économique et sociale. En effet, certaines entreprises mutinationales profitent de cet environnement défavorable pour procéder à des restructurations ou à des fermetures de sites. Il sera donc nécessaire d’aller plus loin pour associer les salariés à la prise de décision le plus en amont possible, pour tous les sujets qui les concernent – par exemple, la gouvernance d’entreprise ou la contre-expertise en matière de prise de décisions –, et pas seulement lorsque l’entreprise est confrontée à une crise. La discussion entre les partenaires sociaux doit donc se poursuivre.

M. Roland Muzeau. De fait, le projet de directive constitue bien une avancée car il contribue à la clarification de l’outil que constitue le comité d’entreprise européen, mais une avancée limitée. Le comité d’entreprise européen est essentiellement utilisé quand les choses vont mal, alors que cette instance devrait être associée en amont au développement et à la stratégie des entreprises, aux réflexions sur les délocalisations par exemple. Ce petit pas est cependant bon à prendre.

Par ailleurs, je partage le regret émis par notre collègue Jean-Jacques Candelier, selon lequel le champ d’application de la directive est trop limité : pourquoi, par exemple, les entreprises de médias ne sont-elles pas concernées ?

Mme la rapporteure. Il faut rappeler que les sociétés de médias étaient déjà exclues du champ d’application de la première directive de 1994. Par ailleurs, je partage ce qui a été dit quant au rôle limité des comités d’entreprise européens, consultés trop rarement et uniquement lorsque les difficultés surgissent : il sera nécessaire d’aller au-delà du rôle « super-consultatif » qu’ils jouent actuellement, notamment en matière de restructurations.

Conformément aux conclusions de la rapporteure, la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales adopte l’article unique de la proposition de résolution sur le comité d’entreprise européen (n° 1245) sans modification.

En conséquence, conformément aux conclusions de la rapporteure, la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales rejette l’article unique de la proposition de résolution sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs (refonte) (n° 1300).

*

En conséquence, la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la proposition de résolution dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

SUR LE COMITÉ D’ENTREPRISE EUROPÉEN

Article unique


L'Assemblée nationale,


– Vu l'article 88-4 de la Constitution,


– Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs (refonte) (COM [2008] 419 final/no E 3904),


– Vu les propositions des partenaires sociaux européens adressées à la Présidence française en date des 29 août et 2 octobre 2008,


Considérant que l’objectif de développer le comité d’entreprise européen comme lieu d’échange et de dialogue social exige une refonte des actuelles dispositions relatives au comité d’entreprise européen ;


Considérant que la proposition de directive précitée modifiée selon les propositions des partenaires sociaux européens, telles qu’elles résultent du dialogue social, constituent le socle d’un futur accord entre Etats membres au sein du Conseil comme entre le Conseil et le Parlement européen ;


1. Approuve la proposition de directive précitée modifiée selon les propositions conjointes des partenaires sociaux au niveau européen, sans préjudice de quelques adaptations techniques ou mineures, notamment sur le seuil de 50 salariés et la période de transition entre les règles actuelles et futures, dès lors qu’elles n’en modifient pas l’équilibre ;


2. Se félicite de ce que celle-ci respecte le principe de subsidiarité, en clarifiant notamment ce qui relève du dialogue social européen et ce qui relève des organismes assurant la représentation du personnel au niveau des Etats membres ;


3. Estime que ce même principe de subsidiarité s’oppose en particulier à l’insertion dans son dispositif de toute précision sur la sanction applicable en cas de non respect des obligations qu’elle prévoit.

© Assemblée nationale

1 () Intervention lors de la conférence de la Confédération européenne des syndicats (CES) consacrée à « La révision de la directive des comités d’entreprise européens », Bruxelles, 10 juin 2008.

2 () Document en ligne sur le site de la Fondation de Dublin : http://www.eurofound.europa.eu, « The experience of European Works Councils in new EU Member States ».

3 () Conférence du 10 juin 2008 précité ; les éléments figurant ci-après ont été rappelés par M. Vladimir Špidla à cette occasion.

4 () Ces éléments ont été rappelés par M. Vladimir Špidla lors de la Conférence de juin 2008 précitée.

5 () Voir Pierre Rodière, « Le comité d’entreprise européen, quel impact sur le devenir des comités d’entreprise ? », Droit social, n° 9/10, septembre-octobre 2007.

6 () « Le Gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l’Union européenne, les projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne. Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions européennes peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets ou propositions mentionnés au premier alinéa, ainsi que sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne. Au sein de chaque assemblée parlementaire est instituée une commission chargée des affaires européennes ».

7 () Ces huit amendements figurent dans une lettre adressée à M. Xavier Bertrand, en tant que président du conseil EPSSCO (Emploi, politique sociale, santé, consommateurs ; employment, social Policy, health and consumer affairs council) le 29 août 2008, signée par les partenaires sociaux suivants : ETUC/CES ; Business Europe ; UEAPME ; CEEP. Ils sont rappelés par MM. Guy Geoffroy et Régis Juanico dans leur communication, énumération reprise dans le présent développement – voir le rapport d’information de la commission chargée des affaires européennes sur des textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution du 2 octobre 2008 au 5 novembre 2008 (nos E3770-9, E4010, E4013, E4014, E4015, E4019, E4022 à E4025, E4027, E4029, E4031 à E4041, E4043, E4044, E4045, E4049, E4052, E4054, E4055, E4058 et E4064 à E4068) et sur les textes nos E3740, E3741, E3770-8, E3802, E 3885, E3897, E3904, E3912, E3916, E3921, E3934, E3937, E3963, E3986, E3993 et E399 (n° 1244).