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N° 1413

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 janvier 2009

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D’EXAMINER LE PROJET DE LOI ORGANIQUE, MODIFIÉ PAR LE SÉNAT, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France,

PAR M. Christian KERT,

Député.

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Voir les numéros :

Assemblée nationale :

Première lecture : 1208 rectifié, 1267 et T.A. 218

Deuxième lecture : 1384

Sénat :

Première lecture : 144, 150, 151, 152 et T.A. 39 (2008-2009)

INTRODUCTION 5

TRAVAUX DE LA COMMISSION 9

Article unique : Nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public après consultation des commissions permanentes compétentes 9

TABLEAU COMPARATIF 11

AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 13

INTRODUCTION

La commission spéciale est saisie, en deuxième lecture, du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 16 décembre 2008, auquel le Sénat a ensuite apporté des modifications avant de l’adopter au cours de sa séance du 16 janvier 2009.

La disposition unique de ce projet de loi organique prévoit de soumettre à une procédure d’avis des commissions parlementaires compétentes la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, conformément à ce que permet, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. À l’inverse des procédures de consultation des commissions parlementaires qui ont été instaurées ces dernières années par le législateur (1), la présente procédure permettra de bloquer la nomination envisagée, en cas d’avis négatif recueillant une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Le projet de loi organique s’inscrit dans le cadre d’une réforme d’ensemble de l’administration des sociétés de l’audiovisuel public, les autres dispositions de cette réforme figurant dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Dans la mesure où la procédure instituée par le présent projet de loi organique est rendue possible par l’article 8 du projet de loi ordinaire, qui confie au Président de la République la compétence pour procéder à la nomination du président de la société France Télévisions et du président de la société Radio France, l’adoption définitive du projet de loi organique doit par conséquent être postérieure à l’adoption définitive du projet de loi ordinaire (2).

Lors de la première lecture à l’Assemblée nationale, l’article unique du projet de loi organique a été complété, conformément à la proposition de la commission spéciale, afin de préciser que chaque nomination à la tête d’une société de l’audiovisuel public intervient après que l’avis rendu par les commissions parlementaires compétentes des deux assemblées a été publié au Journal Officiel. En parallèle, l’Assemblée nationale a modifié l’article 8 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, afin de préciser que l’avis des commissions parlementaires est postérieur à l’avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel sur les propositions de nomination.

La commission des affaires culturelles du Sénat, saisie du projet de loi organique ainsi que du projet de loi ordinaire, a regretté qu’« aucune disposition des présents projets de loi ne prévoi(e) que l’avis (des commissions parlementaires) est rendu après audition du candidat proposé par le Président de la République ». Estimant que l’audition de la personne dont la nomination est envisagée « doit être non seulement systématique mais également publique » (3), la commission des affaires culturelles du Sénat a par conséquent proposé un amendement précisant que chaque commission parlementaire « se prononce après avoir entendu publiquement la personnalité dont la nomination lui est proposée », amendement adopté par le Sénat.

Le Sénat a examiné l’article unique du projet de loi organique au cours de sa séance du 8 janvier 2009, réservant toutefois le vote sur cet article jusqu’à l’adoption du projet de loi ordinaire. Or, entre-temps, le Conseil constitutionnel, saisi de la loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution, a considéré qu’une disposition prévoyant que les commissions des lois des deux assemblées donnent leur avis sur la nomination du président de la commission prévue par l’article 25 de la Constitution a fixé des règles relevant de la loi ordinaire en déterminant les commissions compétentes pour donner l’avis (4).

Afin de tirer toutes les conséquences de ce déclassement et d’éviter un déclassement similaire d’une partie de l’article unique du projet de loi organique, le Sénat a laissé à la loi ordinaire le soin de préciser que les commissions permanentes compétentes pour donner leur avis sur les nominations des présidents des sociétés de l’audiovisuel public doivent être les commissions chargées des affaires culturelles de chaque assemblée. Au cours de sa séance du 16 janvier 2009, le Sénat a supprimé par voie de conséquence la mention, dans le projet de loi organique, de l’attribution de cette compétence aux commissions chargées des affaires culturelles.

La suppression par le Sénat de la détermination en loi organique des commissions compétentes ne soulève aucune objection, et va dans le sens des observations que le rapporteur avait faites dès la première lecture à l’Assemblée nationale (5).

En revanche, l’introduction, dans la loi organique, de l’obligation de procéder à une audition publique de la personne dont la nomination est envisagée suscite quelques questions, même s’il s’agit d’un gage certain de transparence et de publicité maximale du processus de nomination.

Tout d’abord, le caractère organique d’une telle disposition, au regard de la rédaction de l’article 13 de la Constitution, n’est pas assuré. Les règles de publicité des auditions des commissions permanentes, dans le cadre de la procédure de nomination prévue par l’article 13 de la Constitution, relèveraient plus naturellement du domaine du règlement intérieur de chacune des deux assemblées que du domaine législatif.

Par ailleurs, le fait de prévoir une publicité obligatoire de l’audition de la personne pressentie pourrait, dans certains cas, se heurter à la volonté d’une commission de l’une ou l’autre assemblée de déroger ponctuellement au principe de la publicité des auditions. Certes, le règlement de chacune des deux assemblées prévoit déjà une possibilité d’organiser la publicité des auditions des commissions permanentes (6) et la pratique générale est désormais celle d’une publicité des auditions. Il n’en demeure pas moins que les règlements laissent aujourd’hui une certaine latitude aux commissions pour organiser ou non la publicité de leurs travaux (7). On peut d’ailleurs rappeler que, lors de la récente révision constitutionnelle, alors que l’Assemblée nationale avait adopté en première lecture un article additionnel, à l’initiative de M. Noël Mamère, prévoyant que les auditions des commissions sont publiques, cette disposition avait ensuite été supprimée au Sénat, sur proposition de la commission des Lois, qui considérait qu’il était préférable « d’en rester aux règles actuelles prévues par les règlements des assemblées permettant d’assurer de manière souple et adaptée la publicité des travaux des commissions » (8). Une telle position pourrait également se justifier pour le cas particulier des auditions menées par les commissions permanentes pour donner leur avis sur une nomination dans le cadre de la procédure prévue par le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Enfin, la rédaction retenue pour cette disposition organique différera de celle, beaucoup plus concise et ne prévoyant aucune mesure relative aux auditions, retenue par l’article 6 de la loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution, qui prévoit l’application de la procédure prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution à la nomination du président de la commission chargée de se prononcer sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs (9).

Nonobstant ces remarques, le rapporteur, dans un esprit de consensus et afin de permettre l’adoption rapide du présent projet de loi organique, indissociable de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, vous propose de n’apporter aucune modification au texte issu des travaux du Sénat.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission spéciale examine le projet de loi organique, modifié par le Sénat, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévision et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France (n° 1384) au cours de sa séance du mercredi 28 janvier 2009.

Article unique

Nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public après consultation des commissions permanentes compétentes

La Commission spéciale examine un amendement de M. Didier Mathus tendant à supprimer l’article unique.

M. Didier Mathus. Nous sommes résolument opposés à une disposition qui, en dépit de la modification plutôt positive apportée par le Sénat, reste à nos yeux très antidémocratique. Avec la disposition relative à la révocation, elle constitue même l’un des deux points les plus néfastes de la réforme de l’audiovisuel.

M. Marcel Rogemont. Comme le président du groupe socialiste du Sénat, je m’étonne de la nomination de trois nouveaux membres du CSA sans que les commissions compétentes du Parlement aient donné leur avis. L’esprit de la Constitution rénovée n’a donc pas été respecté.

M. Patrice Martin-Lalande. Je suis surpris par les propos de M. Mathus. Avec le dispositif qui nous est proposé, la nomination des présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France ne sera plus décidée par une seule autorité mais par trois : le Président de la République, l’autorité administrative indépendante compétente – le CSA – et le Parlement. Le premier propose, les deux autres ont un droit de veto. Comment une telle procédure serait-elle moins démocratique que la décision d’un seul ?

M. Michel Françaix. À vous entendre, il s’agirait donc d’une grande avancée démocratique, et seuls quelques socialistes égarés ne parviendraient pas à le comprendre. Réveillez-vous ! Écoutez ce que l’on dit autour de vous ! Cela vous évitera de formuler de telles contrevérités !

M. Michel Herbillon. Les socialistes ont tellement caricaturé le dispositif qu’il est en effet difficile de faire preuve de pédagogie. Qui peut imaginer, cependant, que la nomination du président de France Télévisions pourrait être de convenance, alors que la procédure comprend trois verrous et implique nécessairement un débat public ?

M. Marcel Rogemont. Selon vous, la nomination ne pourrait pas être « de convenance ». Pourtant n’avez-vous pas dit, dans l’hémicycle – c’était même votre principal argument –, que cette réforme devait mettre un terme à l’hypocrisie ? Sous-entendu : c’est le Président de la République qui décide. Or nous savons quelles sont les pratiques de M. Sarkozy en la matière.

M. le rapporteur. Je suis très défavorable à l’amendement, dont l’adoption aurait pour résultat de supprimer tout le dispositif que nous avons longuement et patiemment élaboré.

Après avoir rejeté l’amendement de suppression, la Commission adopte l’article unique du projet de loi organique sans modification.

*

En conséquence, la Commission demande à l’Assemblée nationale d’adopter le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France n° 1384 sans modification.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte du projet de loi organique

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Texte adopté par l’Assemblée nationale

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Texte adopté par le Sénat

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Propositions
de la commission

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Projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France

Projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France

Projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France

Projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France

Article unique

Article unique

Article unique

Article unique

La nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France est soumise à la procédure prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Dans chaque assemblée parlementaire, la commission permanente compétente est celle chargée des affaires culturelles.

La …

… Télévisions et Radio France …

… Dans chaque assemblée parlementaire, la commission permanente compétente est celle chargée des affaires culturelles. La nomination intervient après la publication au Journal officiel de l’avis des commissions parlementaires.

La …

… Dans chaque assemblée parlementaire, la commission permanente compétente se prononce après avoir entendu publiquement la personnalité dont la nomination lui est proposée. La nomination …

… parlementaires.

Sans modification

AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Article unique

Amendement présenté par M. Didier Mathus :

Supprimer cet article.

© Assemblée nationale

1 () Par une loi du 7 décembre 2006 pour la nomination du président de la Commission de la régulation de l’énergie (CRE) ; par une loi du 5 mars 2007 pour la nomination du président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ; par une loi du 30 octobre 2007 pour la nomination du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et par une loi du 4 août 2008 pour la nomination du président de l’Autorité de la concurrence.

2 () De la même manière, le projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés a été adopté en termes conformes par le Sénat avant qu’il n’adopte également en termes conformes le projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution (Journal officiel, Débats, Sénat, séance du 11 décembre 2008, page 8 942). Il s’agit d’un cas où la hiérarchie des normes cède le pas devant le contenu des dispositions figurant respectivement dans la loi et dans la loi organique.

3 () Mme Catherine Morin-Desailly et M. Michel Thiollière, Rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision et le projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, Sénat (session ordinaire 2008-2009), n° 150, 6 janvier 2009, page 418.

4 () Conseil constitutionnel, décision n° 2008-572 DC du 8 janvier 2009, considérants 9 à 11.

5 () « D’un point de vue juridique, le rapporteur attire l’attention de la Commission sur le fait que cette disposition relative aux commissions compétentes n’est pas de nature organique et qu’elle est donc susceptible d’être déclassée par le Conseil constitutionnel. », Rapport de M. Christian Kert, fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi organique, après déclaration d’urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et le projet de loi, après déclaration d’urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, Assemblée nationale, XIIIe législature, n° 1267 tome I, 19 novembre 2008, page 434.

6 () Depuis une résolution du 11 octobre 1988 à l’Assemblée nationale et une résolution du 4 octobre 1990 au Sénat.

7 () En l’état actuel, l’article 46 du Règlement de l’Assemblée nationale dispose : « Le bureau d’une commission peut, après consultation de celle-ci, organiser la publicité, par les moyens de son choix, de tout ou partie des auditions auxquelles elle procède », et l’article 16 du Règlement du Sénat prévoit : « Une commission peut décider la publicité, par les moyens de son choix, de tout ou partie de ses travaux. »

8 () M. Jean-Jacques Hyest, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République, Sénat (session ordinaire 2007-2008), n° 387, 11 juin 2008, page 102.

9 () Selon l’article L.O. 567-9 du code électoral tel qu’il résulte de la loi organique n° 2009-38 du 13 janvier 2009 : « Est désignée selon la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution la personnalité mentionnée au 1° de l’article L. 567-1. »