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N
° 1477

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 février 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 1293, autorisant l’approbation des amendements aux articles 25 et 26 de la convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux,

par M. Michel DELEBARRE,

Député

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INTRODUCTION 5

I – LA COMMISSION ÉCONOMIQUE POUR L’EUROPE DES NATIONS UNIES 7

II – LA CONVENTION SUR LA PROTECTION ET L’UTILISATION DES COURS D’EAU TRANSFRONTIÈRES ET DES LACS INTERNATIONAUX 9

A – LA CONVENTION DU 17 MARS 1992 9

B - LES AMENDEMENTS DU 28 NOVEMBRE 2003 11

CONCLUSION 13

EXAMEN EN COMMISSION 15

ANNEXE - Les parties à la Convention 17

Mesdames, Messieurs,

Face à la double nécessité de promouvoir une gestion durable de la ressource en eau et de prévenir les conflits qui s’y rapportent, la Commission économique pour l’Europe des Nations unies (CEE-NU), organe subsidiaire du Conseil économique et social réunissant 56 Etats (1), s’est précocement préoccupée de résoudre les problèmes posés par le caractère essentiellement transfrontière des ressources en eau.

Dans cette perspective, la convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux, adoptée le 17 mars 1992 à Helsinki, est venue fixer le cadre de la coopération entre les pays membres de la CEE-NU en matière de prévention et de maîtrise de la pollution des cours d’eau transfrontières.

Aujourd’hui, les amendements à cette Convention, adoptés à Genève le 28 novembre 2003, visent à élargir cette coopération aux pays hors de la région de la CEE-NU intéressés afin d’accroître l’efficacité d’une gestion concertée des bassins hydrographiques.

I – LA COMMISSION ÉCONOMIQUE POUR L’EUROPE DES NATIONS UNIES

La Commission économique pour l’Europe des Nations unies (CEE-NU), créée en 1947 par le Conseil économique et social des Nations unies, est l’une des cinq commissions économiques régionales, organes subsidiaires du Conseil.

Etablie à Genève, la CEE-NU s’emploie à stimuler la croissance économique durable parmi ses 56 pays membres, siégeant tous aux Nations unies :

Albanie, Allemagne, Andorre, Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Bélarus, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Canada, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Etats-Unis, ex-République yousgoslave de Macédoine, Fédération de Russie, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Israël, Italie, Kazakhstan, Kirghizistan, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Monaco, Monténégro, Norvège, Ouzbékistan, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Moldavie, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Saint-Marin, Serbie, Slovaquie, Suède, Suisse, Tadjikistan, Turquie, Turkménistan et Ukraine.

Plateforme multilatérale, la CEE-NU facilite l’intégration économique et la coopération entre ses Etats membres et promeut le développement durable et la prospérité économique à travers le dialogue, la négociation d’instruments juridiques internationaux, le développement des règlements et de normes, l’échange et l’application des meilleures pratiques, l’expertise économique et technique ainsi que la coopération technique pour les pays en transition économique.

Elle offre ainsi un cadre de négociation pour les instruments juridiques internationaux liés au commerce, au transport et à l’environnement. Elle établit et diffuse également des statistiques et analyses économiques et environnementales. Enfin, elle contribue à la mise en oeuvre au niveau régional des résultats des conférences mondiales et des sommets de l’ONU.

Depuis 1987, cette instance de l’ONU avait, dans ses travaux, mis l’accent sur la gestion durable des ressources en eau et sur la protection de l’environnement contre la pollution provenant de sources ponctuelles et non ponctuelles : élaboration, en 1989, de la Charte pour la gestion des eaux souterraines et en 1990 du Code de conduite relatif à la pollution accidentelle des eaux intérieures transfrontières, documents auxquels se sont ajoutées diverses recommandations dans ce domaine. Ces instruments dépourvus de force obligatoire sont à l’origine de la convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux.

II – LA CONVENTION SUR LA PROTECTION ET L’UTILISATION DES COURS D’EAU TRANSFRONTIÈRES ET DES LACS INTERNATIONAUX

Plus de 150 grands fleuves et 50 grands lacs de la région de la CEE-NU sont situés sur des frontières entre deux ou plusieurs pays. L’Europe occidentale et orientale compte à elle seule une centaine d’aquifères transfrontières. Vingt pays d’Europe dépendent pour plus de 10 % de leurs voisins et cinq pays européens tirent 75 % de leurs ressources de pays situés en amont.

Traduisant la conviction que « la coopération entre les Etats riverains des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux contribue à la paix et à la sécurité ainsi qu’à une gestion durable de l’eau », 26 Etats membres de la CEE-NU ont donc adopté le 17 mars 1992 la convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux (2). Dans un deuxième temps, la volonté de promouvoir cette coopération « dans les bassins hydrographiques partout dans le monde » les a convaincus d’amender la Convention afin d’en élargir le champ d’application géographique.

A – La convention du 17 mars 1992

La convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux, adoptée le 17 mars 1992 à Helsinki (3), fixe le cadre de la coopération entre les pays membres de la CEE-NU en matière de prévention et de maîtrise de la pollution des cours d’eau transfrontières, en assurant une utilisation rationnelle des ressources en eau dans la perspective du développement durable.

Les Etats parties à la Convention s’engagent à prendre toutes les mesures appropriées afin de prévenir, maîtriser ou réduire tout impact transfrontière.

« L’impact transfrontière » désigne tout effet préjudiciable important qu’une modification de l’état des eaux transfrontières (4) causée par une activité humaine dont l’origine physique se situe entièrement ou en partie dans une zone relevant de la juridiction d’un Etat partie produit sur l’environnement d’une zone relevant d’un autre Etat partie (cet effet peut prendre plusieurs formes: atteinte à la santé ou sécurité de l’homme, à la flore, à la faune, à l’air, au climat …).

A cette fin, les Etats doivent veiller à ce que la gestion des eaux transfrontières soit effectuée de manière rationnelle et respectueuse de l’environnement, faire un usage raisonnable et équitable des eaux transfrontières et assurer la conservation ou la remise en état des écosystèmes.

Toute action qui a pour objectif de lutter contre la pollution de l’eau doit s’attaquer à la source de la pollution. Les mesures prises ne doivent pas provoquer de transfert de pollution, directement ou indirectement, vers d’autres milieux.

Les actions des Etats parties sont gouvernées par les principes suivants :

– le principe de précaution : les mesures destinées à éviter le rejet de substances dangereuses ne doivent pas être différées, malgré l’absence d’un lien démontré de causalité entre les substances et l’impact transfrontière ;

– le principe de pollueur-payeur, qui met à la charge du pollueur les coûts des mesures de prévention ou de lutte contre la pollution ;

– la gestion des ressources en eau doit répondre aux besoins des générations actuelles sans compromettre ceux des générations futures.

Les moyens de réduction de l’impact transfrontière sont d’ordre juridique, administratif, économique, technique et financier. Les Etats parties ont la possibilité d’adopter des critères de qualité de l’eau ou d’introduire des limites d’émission pour les rejets dans les eaux de surface. Ce type de pollution peut être évité ou réduit grâce à l’utilisation de techniques peu polluantes. Les Etats parties adoptent des programmes de surveillance de l’état des eaux transfrontières.

La convention encourage la coopération des Etats riverains, au moyen d’accords bilatéraux ou multilatéraux, pour la mise en place de politiques, programmes, et stratégies harmonisés de protection des eaux transfrontières. Ces accords doivent prévoir, pour chaque bassin hydrographique, la création d’organes communs (sur le modèle des commissions internationales existantes pour le Rhin ou le Danube par exemple (5)).

Alors que la directive cadre (2000/60/CE) pour la protection et la gestion des eaux du 23 octobre 2000 met en application les principes de la Convention dans le cadre de l’Union européenne, la France est aussi partie à des accords et commissions cohérents avec ces mêmes principes :

– Lac Léman : Convention du 16 novembre 1962 entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française concernant la protection des eaux du lac Léman contre la pollution.

– Escaut : Accord du 26 avril de 1994 de Charleville-Mézières, à la suite duquel a été créée, en 1995, la Commission internationale pour la Protection de l’Escaut, transformée en Commission internationale de l’Escaut (CIE) par l’accord international sur l’Escaut signé à Gand le 3 décembre 2002.

– Meuse : Accord international sur la Meuse du 3 décembre 2002 entre l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, la France et la Belgique.

– Moselle : Accord du 20 décembre 1961 créant la Commission internationale pour la protection de la Moselle contre la pollution, et simultanément la Commission internationale pour la protection de la Sarre. Les Etats membres (France, Luxembourg, Allemagne) ont signé le 22 mars 1990 à Bruxelles un protocole complémentaire pour instituer un secrétariat commun, établi à Trèves de façon permanente en 1991.

– Rhin : Accord de Berne du 29 avril 1963 sur la protection des eaux du Rhin, remplacé par une nouvelle Convention pour la Protection du Rhin le 12 avril 1999 à Berne. Sont parties : Suisse, France, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas et un représentant de la Commission Européenne.

Les amendements aujourd’hui soumis à l’examen de l’Assemblée nationale, en élargissant la zone géographique couverte par la convention aux pays qui ne sont pas membres de la CEE-NU, s’inscrivent pleinement dans la logique de coopération par bassin hydrographique défendue par la Convention.

B - Les amendements du 28 novembre 2003

Adoptés le 28 novembre 2003, à la suite d’une proposition suisse en date du 20 août 2003, les amendements, contenus dans la décision III/1, portent sur les articles 25 (ratification, acceptation, approbation et adhésion) et 26 (entrée en vigueur) de la Convention.

Dans un souci de cohérence des instruments juridiques de la CEE-NU, les amendements visent à permettre aux Etats qui n’appartiennent pas à la région de la CEE-NU de devenir parties à la Convention. En effet, cette faculté est déjà prévue dans d’autres conventions de la CEE-NU relatives à l’environnement (Protocole sur la responsabilité civile et l’indemnisation en cas de dommages causés par les effets transfrontières d’accidents industriels sur les eaux transfrontières, Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière).

Le premier amendement complète l’article 25 par un paragraphe qui prévoit que tout Etat, membre des Nations unies mais non membre de la CEE-NU, peut adhérer à la Convention avec l’accord de la réunion des Etats parties.

La réunion des Etats parties est le principal organe responsable de la mise en œuvre de la Convention, chargé à ce titre de prendre toutes les décisions concernant les activités en rapport avec la Convention. Les parties se réunissent tous les trois ans.

Le paragraphe nouveau précise également que la demande d’adhésion d’un Etat ne sera pas examinée avant l’entrée en vigueur des amendements à l’égard de tous les Etats et de toutes les organisations qui étaient parties à la Convention au 28 novembre 2003 (34 Etats et la Communauté européenne (6)). Cette règle déroge à la Convention (article 21) qui prévoit que les amendements entrent en vigueur dès lors que les deux tiers des Etats parties les ont ratifiés (soit 23 Etats). A ce jour, dix Etats ont déposé un instrument de ratification des amendements (7).

Le second amendement modifie par coordination l’article 26 de la Convention.

Outre les amendements adoptés, la décision comporte plusieurs dispositions :

– la première, pour inviter les parties à déposer rapidement leur instrument d’acceptation des amendements (puisque l’adhésion d’un nouvel Etat est conditionnée à leur entrée en vigueur) ;

– la seconde, pour encourager les Etats limitrophes de la région CEE-NU à adhérer à la convention. C’est là le principal objet de ces amendements : parvenir à une gestion intégrée de la ressource en eau dans les bassins versants.

Pour la France, ces amendements sont susceptibles d’intéresser les bassins hydrographiques de la Guyane française, puisqu’elle partage respectivement les bassins versants de l’Oyapock et du Maroni avec le Brésil et le Surinam, Etats non membres de la CEE-NU ;

La question des eaux transfrontières est également un élément important pour la stabilité régionale en Asie centrale, où les tensions entre Etats d’aval et d’amont restent vives. Le Kazakhstan est ainsi tributaire de la Chine pour une grande partie de ses ressources en eau.

– la troisième, pour proposer aux Etats membres des Nations unies intéressés le statut d’observateur ;

– la dernière, pour inciter les Etats limitrophes à conclure des accords bilatéraux ou multilatéraux avec les Etats riverains membres de la CEE-NU.

CONCLUSION

Si l’objet des amendements à la convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux, aujourd’hui soumis à la commission des Affaires étrangères est limité, ceux-ci contribuent modestement à renforcer la coopération autour de l’utilisation des cours d’eau qui constitue au XXIème siècle un gage de paix entre les nations partageant des ressources en eau. C’est pourquoi votre rapporteur recommande l’adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du 18 février 2009.

Après l’exposé du rapporteur, et suivant ses conclusions, la commission adopte le projet de loi (no 1293).

*

* *

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte des amendements figure en annexe au projet de loi (n° 1293).

ANNEXE

CONVENTION SUR LA PROTECTION ET L’UTILISATION DES COURS D’EAU TRANSFRONTIÈRES ET DES LACS INTERNATIONAUX :
LES PARTIES

(au 1er février 2009)

Participant

Ratification ou adhésion

Albanie

05/01/1994

Allemagne

30/01/1995

Autriche

25/07/1996

Azerbaïdjan

03/08/2000

Bélarus

29/05/2003

Belgique

08/11/2000

Bulgarie

28/10/2003

Communauté européenne

14/09/1995

Croatie

08/07/1996

Danemark

28/05/1997

Espagne

16/02/2000

Estonie

16/06/1995

Fédération de Russie

02/11/1993

Finlande

21/02/1996

France

30/06/1998

Grèce

06/09/1996

Hongrie

02/09/1994

Italie

23/05/1996

Kazakhstan

11/01/2001

Lettonie

10/12/1996

Liechtenstein

19/11/1997

Lituanie

28/04/2000

Luxembourg

07/06/1994

Moldavie

04/01/1994

Norvège

01/04/1993

Ouzbékistan

04/09/2007

Pays-Bas

14/03/1995

Pologne

15/03/2000

Portugal

09/12/1994

République tchèque

12/06/2000

Roumanie

31/05/1995

Slovaquie

07/07/1999

Slovénie

13/04/1999

Suède

05/08/1993

Suisse

23/05/1995

Ukraine

08/10/1999

Source : Nations Unies.

© Assemblée nationale

1 () Etats d’Europe, d’Asie centrale et de Transcaucasie, membres des Nations unies ainsi que les Etats-Unis, le Canada et la Suisse.

2 () Actuellement, 35 Etats sont parties à la Convention ainsi que la Communauté européenne. Cf. annexe.

3 () Signée par la France le 18 mars 1992 ; entrée en vigueur le 6 octobre 1996, le 28 septembre 1998 pour la France.

4 () Les « eaux transfrontières » désignent toutes les eaux superficielles et souterraines qui marquent les frontières entre deux États ou plus, les traversent ou sont situées sur ces frontières (la limite des eaux transfrontières qui se jettent dans la mer sans former d’estuaire est une ligne droite tracée à travers leur embouchure entre les points limites de la laisse de basse mer sur les rives).

5 () La Commission centrale de navigation sur le Rhin (CCNR) et la Commission du Danube.

6 () Cf. annexe.

7 () Croatie, République tchèque, Finlande, Hongrie, Luxembourg, Moldavie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Suède.