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N
° 1525

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 mars 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 1386, autorisant l’approbation de l’accord sur l’enseignement bilingue entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie,

par M. Tony DREYFUS

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – LE FRANÇAIS DANS LE SYSTÈME ÉDUCATIF ROUMAIN : UNE PLACE PRIVILÉGIÉE À DÉFENDRE 7

A – LA PLACE DU FRANÇAIS DANS LA SCOLARITÉ ROUMAINE 7

B – LA COOPÉRATION LINGUISTIQUE 8

II – L’ACCORD DE 2006 RENFORCE L’ENSEIGNEMENT BILINGUE EN ROUMANIE 9

A – LA CRÉATION D’UN BACCALAURÉAT « SECTION BILINGUE » 9

B – LES NOUVEAUX MOYENS DE L’ENSEIGNEMENT BILINGUE 10

CONCLUSION 13

EXAMEN EN COMMISSION 15

ANNEXE : LISTE DES 20 LYCÉES BILINGUES DU PROGRAMME FRANCO-ROUMAIN 17

______

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 19

Mesdames, Messieurs,

Au sein d’une relation franco-roumaine particulièrement dense, la coopération culturelle et linguistique entre les deux pays se caractérise par son intensité.

Le français occupe en effet une place privilégiée dans le système éducatif roumain que s’efforce de conforter un réseau étendu d’institutions culturelles françaises. Le français est ainsi étudié aujourd’hui par plus de la moitié des élèves, faisant de la Roumanie le pays de l’Union européenne qui posséde le plus grand nombre d’élèves apprenant le français.

Face à la concurrence grandissante de l’anglais, la France doit développer son offre en direction des élèves roumains. L’accord sur l’enseignement bilingue, signé le 28 septembre 2006, s’y emploie en prolongeant le projet bilingue pilote initié depuis 2003 par la création d’une mention bilingue francophone apposée sur le diplôme du baccalauréat roumain.

I – LE FRANÇAIS DANS LE SYSTÈME ÉDUCATIF ROUMAIN : UNE PLACE PRIVILÉGIÉE À DÉFENDRE

Le français occupe une place privilégiée dans le système éducatif roumain qui, face à la progression de l’anglais, doit cependant être confortée grâce à une coopération linguistique accrue.

A – La place du français dans la scolarité roumaine

En Roumanie, la scolarité, obligatoire de 6 à 16 ans, se déroule en trois étapes : quatre années d’enseignement primaire (Scoala primara) puis quatre années d’enseignement secondaire au collège (Scoala gimnaziala) et enfin quatre années d’enseignement secondaire au lycée général ou professionnel (Liceu ou Scoala de Arte si Meserii).

L’enseignement obligatoire débute en première année d’école primaire et s’arrête à la fin de la deuxième année de lycée. En 2007/2008, 4 400 000 élèves étaient scolarisés de la maternelle au baccalauréat.

Le système éducatif relève du ministère de l’éducation, de la recherche et de la jeunesse dont l’administration centrale est située à Bucarest. Chaque judet (département) est doté d’un inspectorat scolaire de judet (à mi-chemin entre un inspectorat d’académie et un rectorat) qui constitue l’échelon déconcentré de l’Etat dans le domaine éducatif.

Onze langues étrangères peuvent être apprises à l’école, mais en pratique la combinaison anglais-français ou français-anglais est choisie dans 95,4 % des cas.

La Roumanie compte 9 339 professeurs de français et totalise en chiffres absolus le plus grand nombre d’élèves apprenant le français dans l’Union européenne (1 740 000 sur une population de 21,5 millions d’habitants).

Le français est aujourd’hui parlé par un Roumain sur cinq, la Roumanie étant d’ailleurs membre à part entière de la Francophonie, depuis le sommet de l’Ile Maurice en 1993. Bucarest a accueilli le XIème sommet de la Francophonie les 28 et 29 septembre 2006.

Cependant, entre 2000 et 2005, un chassé croisé s’est opéré entre les positions du français et de l’anglais à l’école. Le français est désormais majoritairement choisi comme deuxième langue vivante et continue de progresser chaque année de 2 à 3 pour cent, soit 52,9 % des élèves en 2007/2008. En revanche, le taux d’élèves apprenant le français comme première langue perd 2,5 % par an au profit de l’anglais et concerne 35,4 % des élèves en 2007/2008. Le français subit une lente érosion : le taux d’élèves apprenant le français est passé de 46 % en 2000/2001 à un peu moins de 44 % en 2005/2006.

Dans les établissements d’enseignement supérieur, en 2005, les filières francophones qui dispensent une formation académique ou professionnalisante en français accueillaient plus de 3 500 étudiants. Plus de 8 000 étudiants ont choisi le français en tant que spécialité dans les départements de langues.

B – La coopération linguistique

La coopération culturelle et linguistique, particulièrement intense, s’appuie en Roumanie sur un réseau étendu d’institutions : l’Institut français de Bucarest, trois centres culturels (Cluj-Napoca, Iasi, Timisoara), cinq alliances françaises (Brasov, Constantza, Craïova, Pitesti, Ploiesti) ainsi que le lycée français de Bucarest « Anna de Noailles », qui devrait s’installer prochainement dans de nouveaux locaux.

10 000 inscrits, formant un public en majorité composé d’étudiants ou de jeunes actifs, suivent des cours de langue dans les différentes institutions. Par ailleurs, un public institutionnel ciblé est visé par des programmes spécifiques : une enveloppe de 81 680 euros a ainsi permis d’assurer auprès de 1 500 fonctionnaires de quinze ministères roumains, 2 070 heures de formation au français dans le cadre de l’adhésion à l’Union européenne et du plan pluriannuel de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Les formations menées en 2008 par le secteur linguistique de l’Ambassade représentent 219 604 euros pour un volume de 42 926 heures et de 2 102 personnes formées.

Alors que l’enseignement bilingue est pratiqué depuis 1991, dans leur grande majorité, les établissements ne proposaient qu’un enseignement de civilisation française, d’histoire et de géographie de la France par les professeurs de français.

C’est pourquoi la France a mis en place en 2003 un projet de coopération bilatéral dans le domaine de l’enseignement bilingue. L’objectif de ce projet pilote était la rénovation des contenus d’enseignement et notamment le développement de l’enseignement de disciplines non-linguistiques (DNL), littéraires ou scientifiques, en français dans quinze lycées agréés par le ministère roumain de l’éducation.

A partir de septembre 2007, le projet de coopération bilatéral a laissé la place à un programme franco-roumain pour promouvoir le bilinguisme. L’existence de ce programme a été rendue possible par la signature d’un accord intergouvernemental sur le bilingue signé le 28 septembre 2006 par les ministres des affaires étrangères des deux pays, qui renforce notre coopération.

II – L’ACCORD DE 2006 RENFORCE L’ENSEIGNEMENT BILINGUE EN ROUMANIE

Il y a actuellement en Roumanie 63 lycées à section bilingue répartis sur tout le territoire pour un total de 5 087 élèves et 250 professeurs de français et de sept autres disciplines impliqués.

Prolongeant le projet bilingue pilote, l’accord de 2006 vient renforcer l’enseignement bilingue en Roumanie, d’une part en créant un baccalauréat « section bilingue » et d’autre part en améliorant les moyens de sa mise en œuvre.

L’article 1er de l’accord rappelle d’abord que le projet bilingue pilote auquel participe les quinze lycées mentionnés dans l’annexe I (1) sera étendu à 30 lycées en 2010.

A – La création d’un baccalauréat « section bilingue »

L’article 2 prévoit que la scolarité dans les sections bilingues aboutit à un baccalauréat faisant l’objet d’une mention spéciale « section bilingue ». L’annexe II de l’accord détermine les modalités d’organisation de ce baccalauréat (organisation et contenu des examens, élaboration des sujets, déroulement des épreuves, reconnaissance du diplôme final, etc.). L’annexe III fixe quant à elle l’organisation horaire des sections bilingues.

En vertu de l’article 3 de l’accord, les deux parties déterminent conjointement un programme d’enseignement des disciplines non linguistiques (DNL) en français, dans le respect des programmes établis par le ministère roumain de l’éducation, « le curriculum ».

Depuis juin 2008, un baccalauréat bilingue à mention francophone peut donc être délivré dans vingt lycées en Roumanie, avec une extension à trente établissements d’ici 2010. Sept disciplines sont enseignées en français dans ces lycées (mathématiques, histoire, géographie, physique, chimie, biologie, sciences économiques).

Les établissements préparant aujourd’hui au baccalauréat à mention bilingue francophone totalisent déjà 57,20 % des élèves.

Ce diplôme permet notamment d’obtenir une attestation de langue et de civilisation françaises facilitant l’inscription des étudiants roumains dans les universités françaises. 4 400 étudiants roumains, dont 129 boursiers, poursuivent actuellement des études en France dans les universités et grandes Ecoles auxquels s’ajoutent 1 500 étudiants roumains ERASMUS. La France est ainsi le premier pays d’accueil des étudiants roumains.

Conformément à l’article 4, le diplôme a pour objectif la reconnaissance d’un niveau de compétences linguistiques et disciplinaires dans les deux langues. L’obtention de la mention « section bilingue » atteste d’un niveau B2 de compétence en langue française du cadre européen de référence pour les langues (CECRL). Le CECRL est un outil conçu en 2001 par le Conseil de l’Europe, désormais utilisé comme norme par les ministères de l’Education pour mettre en place les programmes d’enseignement de langues étrangères. Le niveau B2 de compétence est le niveau défini comme requis en fin d’études de lycée. Les élèves parviennent à l’obtention d’un diplôme élémentaire en langue française (DELF), délivré par le ministère français de l’Education pour certifier un niveau de compétences acquises en français langue étrangère.

B – Les nouveaux moyens de l’enseignement bilingue

En complément de la création du diplôme de baccalauréat mention spéciale, l’accord prévoit plusieurs outils susceptibles d’améliorer l’enseignement bilingue :

– la mise en place d’un comité de pilotage (article 7 de l’annexe I) chargé d’assurer l’évaluation et d’opérer les modifications nécessaires au bon déroulement du projet ;

– la mise en place d’une commission pédagogique (article 9 de l’annexe I) chargée de la validation des épreuves de baccalauréat et de l’élaboration des nouveaux programmes ;

– l’intégration de modules d’enseignement pluridisciplinaire dans le cursus de la classe de 11ème (article 5 de l’annexe I) faisant l’objet d’une évaluation pour l’obtention de la mention bilingue francophone ;

– la formation des enseignants de français et de DNL par des stages en Roumanie et en France (article 6 de l’annexe I) ;

– la mise à disposition de stagiaires français langue étrangère dans les établissements pilotes (article 11 de l’annexe I) ;

En outre, il convient de préciser que la coopération linguistique et éducative couvre également le domaine de la formation professionnelle et technique. Ce champ intéresse la Roumanie qui n’offre pas de formations professionnelles adaptées à un marché de l’emploi en rapide évolution. L’accord intergouvernemental prévoit donc l’introduction de lycées techniques et professionnels dans le programme pilote.

Enfin, il faut rappeler que cet accord s’inscrit dans le cadre européen qui cherche à promouvoir l’enseignement des langues étrangères et plus particulièrement l’enseignement bilingue.

Les incitations européennes

Union européenne

– résolution du Conseil du 31 mars 1995 concernant l’amélioration de la qualité et la diversification de l’apprentissage et de l’enseignement des langues au sein des systèmes éducatifs

Conseil de l’Europe

– recommandation du comité des ministres du 17 mars 1998 aux Etats membres concernant les langues vivantes ;

– recommandation 1383 de 1998, art. 8 : « à promouvoir et développer l’enseignement bilingue et la mise en place de dispositifs afin que les élèves puissent passer des examens de fin de scolarité entièrement ou en partie dans la langue étrangère choisie » ;

– recommandation 1539 de 2001, art. 5 : « Chacun a le droit (…) d’apprendre les langues de son choix ; le libre exercice de ce droit est une condition sine qua non du développement personnel et professionnel, de la mobilité des personnes et des idées, ainsi que de la promotion du dialogue, de la tolérance, de la compréhension et de l’enrichissement mutuel des peuples et des cultures. La capacité de communiquer dans d’autres langues est essentielle pour répondre aux changements culturels, économiques et sociaux en Europe ».

CONCLUSION

Avec l’autorisation d’approbation de l’accord sur l’enseignement bilingue entre la France et la Roumanie, la commission des Affaires étrangères permet non seulement de mettre en conformité la pratique avec le droit – puisqu’un baccalauréat avec mention spéciale sera délivré à la fin de l’année scolaire 2008/2009 – mais également de soutenir la langue française dans un pays où, chose rare, elle se porte encore bien. C’est pourquoi votre rapporteur est favorable à l’adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du 18 mars 2009.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Pierre Dufau. J’étais président du groupe d’amitié France-Roumanie lorsque ce pays a adhéré à l’Union européenne et je tiens à souligner que, avec vingt millions d’habitants, il est l’un des pays de l’Est les plus peuplés. Le développement de la pratique du français en Roumanie est donc essentiel à la présence de notre langue dans toute la région. Sous la législature précédente, la reconstruction du lycée Anna de Noailles de Bucarest était en projet. Le gouvernement roumain avait fourni le terrain nécessaire. Pouvez-vous nous dire où sa réalisation en est ? La première pierre a-t-elle été posée ?

Je partage la préoccupation du Rapporteur vis-à-vis de la progression du nombre d’enfants roumains étudiant l’anglais comme première langue, lequel dépasse désormais celui des élèves choisissant le français. Mais au-delà de l’enseignement primaire et secondaire, je souhaite insister sur l’intérêt de l’ouverture des universités françaises aux étudiants roumains : ce sont eux qui, de retour dans leur pays, seront les vrais vecteurs de l’influence française.

M. Tony Dreyfus, rapporteur. La construction du nouveau lycée français de Bucarest n’en est encore qu’à la phase de préfiguration.

Le Président Axel Poniatowski. La mission d’information récemment créée par la Commission sur le rayonnement de la France à travers l’enseignement et la culture pourra regarder de plus prêt l’avancement du projet.

M. Jean-Michel Ferrand. La Roumanie est incontestablement le phare de la francophonie dans la région et tout doit être fait pour renforcer cette place, à commencer, naturellement, par la construction du nouveau lycée Anna de Noailles. Comment le nombre de bourses accordées par la France aux étudiants roumains évolue-t-il ? Si l’anglais concurrence notre langue pour les affaires, le français reste la langue de la diplomatie en Roumanie.

M. Jean-Claude Guibal. Existe-t-il un cadre général pour l’enseignement bilingue ou seulement des accords bilatéraux spécifiques à chaque cas ?

M. Tony Dreyfus, rapporteur. 129 étudiants roumains ont bénéficié de bourses françaises de l’enseignement supérieur en 2008. La Roumanie a une longue tradition de pratique du français, qui s’est par exemple traduite par l’installation dans notre pays d’un nombre important de citoyens roumains qui fuyaient le régime communiste de leur pays.

Il n’y a pas un cadre général pour l’enseignement bilingue : le cas de la Roumanie est très particulier, et n’est pas transposable en tant que tel.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 1386).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

Liste des 20 lycées bilingues du programme franco-roumain

Collège National Horea, Closca si Crisan ALBA IULIA

Collège National Andrei Muresanu BISTRITA

Collège National A. T. Laurian BOTOSANI

Collège National Unirea BRASOV

Collège National Andrei Saguna BRASOV

Ecole Centrale BUCAREST

Collège Technique Poste et Télécommunications Gh. Airinei BUCAREST

Lycée théorique Mihai Eminescu CLUJ-NAPOCA

Lycée George Calinescu CONSTANTA

Collège National Elena Cuza CRAIOVA

Collège National Carol I CRAIOVA

Collège National Decebal DEVA

Collège National Alexandru Ioan Cuza GALATI

Collège Economique Virgil Madgearu GALATI

Lycée théorique Mihai Eminescu IASI

Collège National IASI

Collège National Mihai Viteazul PLOIESTI

Collège National  Petru Rares SUCEAVA

Lycée Jean-Louis Caldéron TIMISOARA

Lycée théorique Grigore Moisil URZICENI

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord sur l’enseignement bilingue entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie (ensemble trois annexes), signé à Bucarest le 28 septembre 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 1386).

© Assemblée nationale

1 () Cf. annexe.