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N° 1551

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 mars 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LES ARTICLES 16, 18, 19, 22, 25, 26, 28, 28 ter, 29, 31 (II et III), 32 (3°, a) et b) du 4°, 7° et 8° du I et II) et 33 DU PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS DÉCLARATION D’URGENCE, pour le développement économique
des
outre-mer
(n° 1518),

PAR M. Didier QUENTIN,

Député.

——

Voir les numéros :

Sénat : 496 (2007-2008), 232, 240, 243, 244, 233 et T.A. 61 (2008-2009)

INTRODUCTION 5

I. LE NÉCESSAIRE RENOUVEAU DES POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT DE L’OUTRE-MER 7

A. UN PROCESSUS DE RATTRAPAGE ENCORE INSUFFISANT 7

1. Les progrès économiques et sociaux déjà enregistrés 7

2. La nécessaire réorientation de la politique actuelle de soutien 8

B. LA RECHERCHE D’UNE STIMULATION ÉCONOMIQUE ADAPTÉE À CHAQUE COLLECTIVITÉ 9

1. Un projet de loi largement concerté et très attendu 10

2. Les voies d’un développement économique plus durable 10

II. LES MESURES D’ACCOMPAGNEMENT SOUMISES À VOTRE COMMISSION DES LOIS 12

A. UN SOUTIEN ACTIF À L’INVESTISSEMENT DANS LES COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES 12

B. UNE POLITIQUE DE CONTINUITÉ TERRITORIALE PLUS COHÉRENTE 12

C. DE NOUVEAUX OUTILS POUR DÉVELOPPER L’OFFRE DE LOGEMENTS 14

1. La mobilisation du foncier pour accroître l’offre de logements outre-mer 14

2. L’extension des possibilités de déclassement et de cession d’immeubles domaniaux 15

D. L’ÉGALITÉ DE TRAITEMENT AVEC LA MÉTROPOLE 15

E. LA LUTTE CONTRE L’ORPAILLAGE CLANDESTIN EN GUYANE 16

1. Un dispositif de répression renforcé en cas d’atteinte à l’environnement 16

2. L’assoupissement des règles de garde à vue 16

3. La création d’un délit douanier 17

F. L’ACCÉLÉRATION DE LA RÉVISION DE L’ÉTAT CIVIL À MAYOTTE 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Article 16 : Création d’un fonds exceptionnel d’investissement outre-mer 23

Après l’article 16 28

Article 18 (art. 815-7-1 [nouveau] du code civil) : Prérogatives d’un co-indivisaire pour la remise sur le marché locatif des biens à usage d’habitation inoccupés 30

Article 19 : Autorisation de création d’un groupement d’intérêt public chargé de la reconstitution des titres de propriété pour les bien fonciers qui en sont dépourvus dans les DOM 36

Article 22 (art. L. 5112-4-1 [nouveau] du code général de la propriété des personnes publiques) : Déclassement de terrains situés dans la zone des cinquante pas géométriques pour cession à titre onéreux 42

Article 25 (art. L. 5142-1 du code général de la propriété des personnes publiques) : Concessions et cessions gratuites d’immeubles relevant du domaine privé de l’État en Guyane 45

Article 26 (art. L. 330-3-1 du code de l’aviation civile) : Création d’un fonds de continuité territoriale 47

Après l’article 26 55

Article 28 (art. 2295 du code civil) : Suppression de l’obligation de domiciliation de la caution dans le ressort de la cour d’appel dans lequel elle est demandée 56

Article 28 ter (art. 17, 19, 19-1 et 22 de l’ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des noms et prénoms des personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte) : Conditions de la révision de l’état civil à Mayotte 58

Article 29 (art. 141-1à 141-4 [nouveaux], art. 143, art. 144-1 et art. 414-1 [nouveau] du code minier) : Répression de l’orpaillage clandestin 63

Article 31 : Ratification d’ordonnances 76

Article 32 : Habilitations à étendre, adapter et clarifier la législation outre-mer par ordonnances 77

Article 33 : Création de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer 82

Après l’article 33 85

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 87

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 91

MESDAMES, MESSIEURS,

L’outre-mer offre à notre pays une ouverture incomparable sur le monde, une richesse humaine et écologique, ainsi qu’un potentiel économique et touristique trop souvent négligé. Plus qu’une charge, il est une chance pour la France. Ces territoires, dont l’histoire a parfois été douloureuse, présentent chacun leurs spécificités géographiques, économiques et sociales, mais par-delà leurs différences, nos compatriotes ultramarins sont avant tout attachés à l’égalité et à l’unité nationale. Portant leur regard vers l’avenir, les Français qui résident outre-mer attendent de la République une juste reconnaissance et rémunération de leurs efforts, ainsi que l’expression tangible d’une solidarité renouvelée pour surmonter les fragilités de leurs collectivités. Le projet de loi pour le développement économique des outre-mer, tel qu’il nous est soumis, ne suffira pas, bien sûr, à satisfaire l’ensemble de ces aspirations, mais il répond à nombre des inquiétudes exprimées récemment. Il jette les bases d’une croissance économique plus solide dans ces espaces.

Ce projet de loi, dont l’élaboration avait été précédée d’une longue concertation avec les élus et les acteurs économiques et sociaux de l’outre-mer et pour lequel le Gouvernement a déclaré l’urgence, a été déposé au Sénat le 28 juillet 2008, avant que la crise économique et financière ne produise ses effets. Appelés à se prononcer sur le texte élaboré le 19 février 2009 par leur commission des finances (1), les sénateurs l’ont adopté le 12 mars dernier – ceux du principal groupe d’opposition s’abstenant lors du scrutin.

Reposant sur une stratégie de long terme pour l’outre-mer, ce texte vise à donner aux collectivités ultramarines les moyens d’un développement économique, moins fondé sur une dépendance vis-à-vis de la métropole que sur la valorisation de leurs atouts humains et géographiques. Tel est le sens de la notion de « développement endogène », qui a souvent été, à tort, interprétée comme l’habillage technocratique d’un renoncement à l’effort de rattrapage. La métropole ne saurait évidemment cesser de soutenir cet effort, mais le développement de nos collectivités ultramarines doit s’appuyer plus vigoureusement sur la créativité, l’effort et le talent de leurs forces vives.

Rappelons, à cet égard, que la loi de finances pour 2009 (2), préfigurant l’adoption du présent projet de loi, a notablement accru l’effort budgétaire de l’État en faveur de l’ensemble de l’outre-mer, tout en modifiant les dispositifs d’exonération de charges sociales patronales applicables dans les départements d’outre-mer et certaines collectivités d’outre-mer. Il convient également de souligner que la loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003 (3) avait déjà permis d’enregistrer des avancées en matière d’exonérations fiscales, d’allègements de charges sociales et de mise en place d’une politique de continuité territoriale entre l’outre-mer et la métropole. Toutefois, une démarche mieux ciblée et une nouvelle organisation offrent aujourd’hui des perspectives de développement plus prometteuses.

Le projet de loi soumis à la représentation nationale a été, lors de son examen par le Sénat, enrichi de dispositions nouvelles (4), prenant spécifiquement en compte la grave crise sociale qui a secoué les Antilles, la Réunion et la Guyane. Lors de ces mouvements sociaux, d’une puissance inégalée, les revendications formulées ne présentaient pas un caractère uniquement économique. Les principales demandes alors exprimées par nos concitoyens ne concernaient pas l’ampleur de la défiscalisation ou la recherche d’une activité accrue pour les entreprises, mais reflétaient, bien plus profondément, une exigence d’égalité territoriale, de justice sociale, de reconnaissance de la valeur du travail et de respect pour la dignité humaine (5).

Ce projet de loi comprend de très nombreuses dispositions fiscales, justifiant pleinement qu’il ait été examiné au fond par la commission des Finances. Toutefois, les politiques publiques n’étant pas déterminées par les seules variables budgétaires, votre commission des Lois s’est saisie de douze articles relevant de sa compétence. Ceux-ci concernent essentiellement la continuité territoriale, certains aspects de la politique de soutien à l’investissement et à la construction, la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane, ainsi que la révision de l’état civil à Mayotte (6).

Votre commission des Lois, dont les amendements ont vocation à nourrir le texte élaboré par la commission des Finances, vous invite à soutenir sans réserve ce projet de loi très attendu outre-mer. Ce texte, qui marquera un renouveau dans la politique de soutien à l’outre-mer, ne constitue pas un aboutissement, puisqu’il sera complété par de nouvelles mesures, élaborées lors des « États généraux de l’outre-mer », vaste consultation locale dont le Président de la République a annoncé la tenue au cours des mois d’avril et mai prochains.

I. LE NÉCESSAIRE RENOUVEAU DES POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT DE L’OUTRE-MER

A. UN PROCESSUS DE RATTRAPAGE ENCORE INSUFFISANT

Les efforts publics importants engagés depuis 2003 en faveur du développement des collectivités ultramarines ont globalement permis d’améliorer leur situation économique et sociale, notamment en matière de production et d’emplois. Ces résultats sont le fruit d’une politique de soutien qui repose essentiellement sur une défiscalisation des investissements et des allègements de charges sociales communs aux différents départements d’outre-mer. Toutefois, le processus de rattrapage demeure inachevé, l’activité économique fragile, le logement social très insuffisant, et nos concitoyens d’outre-mer ressentent douloureusement l’écart de richesse qui les sépare encore de leurs compatriotes métropolitains, ce qui doit conduire à adapter les dispositifs en vigueur aux besoins de l’outre-mer.

1. Les progrès économiques et sociaux déjà enregistrés

Soutenue par la politique de défiscalisation des investissements et la commande publique, la croissance économique a été, en moyenne, deux fois plus forte dans les DOM qu’en métropole au cours des dernières années, même si le dynamisme a été nettement plus fort à La Réunion et en Guyane qu’aux Antilles.

Dans les autres collectivités ultramarines, la production a augmenté plus fortement à Mayotte (+ 10 % par an environ), grâce aux investissements publics effectués dans la perspective d’une départementalisation, et en Nouvelle-Calédonie (+ 5 à 6 % par an environ), grâce à l’augmentation des cours du nickel, qu’en Polynésie française, collectivité pénalisée par son instabilité institutionnelle.

Par ailleurs, même s’il demeure plus de deux fois plus élevé qu’en métropole, le taux de chômage a nettement diminué dans les DOM – exception faite de la Martinique – ainsi qu’à Mayotte, entre 2003 et 2007 (voir tableau ci-après). La tendance a été incontestablement meilleure dans les collectivités de l’océan Indien, où le taux de chômage, supérieur ou égal à 30 % en 2003, a diminué d’un quart et équivaut aujourd’hui à celui des départements français d’Amérique.

TAUX DE CHÔMAGE DANS LES DOM ET À MAYOTTE DE 2003 À 2007

Année

2003

2004

2005

2006

2007

Guadeloupe

24,6 %

23,3 %

24,3 %

25,1 %

22,7 %

Martinique

20,2 %

21 %

17,9 %

23 %

21,2 %

Guyane

23,1 %

24,7 %

23,7 %

27,6 %

20,6 %

La Réunion

30,8 %

32,2 %

29,5 %

27,5 %

24,2 %

Mayotte

30 %

29,4 %

29 %

25,6 %

22 %

Métropole

8,5 %

8,9 %

8,9 %

8,8 %

8 %

Sources : Secrétariat d’État à l’outre-mer et INSEE

Dans les secteurs d’activité concernés par les exonérations de charges sociales instituées par la loi du 21 juillet 2003 pour les DOM, le nombre d’emplois salariés a augmenté presque cinq fois plus vite qu’en métropole.

Toutefois, le bilan économique et social présente aussi des aspects moins positifs. Ainsi, le PIB par habitant demeure presque deux fois moins élevé dans les DOM qu’en métropole : en 2007, il est compris, selon les collectivités, entre 12 965 et 19 111 euros par habitant dans les DOM, contre 30 140 euros en métropole. Cette situation, combinée aux écarts de richesse au sein de la population et au prix de certains produits de consommation courante, souvent beaucoup plus élevé qu’en métropole, alimente dans la population un sentiment de frustration et d’injustice. En réalité, le développement économique de ces collectivités reste fragile, voire superficiel, car il est peu concurrentiel. Surtout, il repose principalement sur les importations et les services et dépend largement des soutiens et de l’emploi public – dont la part dans l’emploi total avoisine 40 %, contre 30 % en métropole.

En outre, les situations de très grande pauvreté, voire d’exclusion sociale, n’ont pas réellement reculé. Ils frappent une proportion excessive de la population. Dans les DOM, le nombre de bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (RMI) représente 12,5 % du total national (144 063 personnes en 2007, contre un million de personnes en métropole), alors que la population de ces collectivités, avec 1,81 million d’habitants, ne constitue que 2,8 % de la population nationale. La situation du logement est particulièrement dégradée : 80 % de la population ultramarine est éligible aux logements sociaux et l’attente d’un tel logement demeure insatisfaite pour près de 60 000 personnes, tandis que l’on évalue à 69 000 le nombre de logements insalubres.

2. La nécessaire réorientation de la politique actuelle de soutien

Les quatre dernières lois destinées à favoriser le développement économique des collectivités ultramarines – lois du 31 décembre 1986 (7), du 25 juillet 1994 (8), du 13 décembre 2000 (9) et du 21 juillet 2003 (10) – ont toutes fait le choix de l’instrument fiscal et de la modulation des charges sociales comme éléments d’incitation au décollage des économies locales. Elles ont ainsi institué des dispositifs spécifiques, dérogatoires au droit applicable en métropole, destinés à accroître la capacité de production locale et à réduire les coûts de production.

Si ces différentes mesures ont permis un mouvement de rattrapage réel des économies ultramarines par rapport à l’économie de la métropole, elles doivent aujourd’hui être réorientées afin que soit dépassée la logique économique qui prévaut fondée sur l’import/substitution et sur la satisfaction du seul marché domestique des collectivités ultramarines.

Aujourd’hui, le poids de la consommation privée dans les DOM est extrêmement important : la consommation y absorbe environ les deux tiers du PIB, contre 54 % en métropole. Si la logique économique de satisfaction de la demande domestique a permis de mettre en valeur des filières spécifiques particulièrement créatrices de richesses, à l’instar notamment du secteur du bâtiment et des travaux publics, il apparaît qu’elle n’a pas produit ses effets uniformément sur tous les territoires ultramarins. Des régions restent fragilisées telles les Hauts de La Réunion, le nord de Basse-Terre en Guadeloupe ou la zone nord-atlantique de la Martinique.

Les économies ultramarines, très dépendantes de la métropole et l’Union européenne, ont trop peu relevé le défi de l’ouverture à leur zone économique régionale : ainsi, la propension des DOM à exporter leurs productions s’élève seulement à 4 % du PIB, une situation particulièrement pénalisante, comparé au taux de 23 % qui est celui de la métropole.

La crise sociale est venue révéler encore davantage les limites des politiques menées jusqu’ici et plaider pour une nouvelle « stratégie de croissance », fondée sur une plus grande ouverture des économies ultramarines sur les marchés extérieurs, seule à même de promouvoir un développement économique durable et pérenne.

B. LA RECHERCHE D’UNE STIMULATION ÉCONOMIQUE ADAPTÉE À CHAQUE COLLECTIVITÉ

Le constat des résultats encore perfectibles obtenus dans le cadre de la politique de rattrapage mise en place par la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer a conduit le Gouvernement à élaborer, à l’issue d’une longue concertation avec les élus ultramarins, un projet de réforme des actuels dispositifs de soutien à l’activité et à la mobilité dans ces espaces. Alors que l’efficacité des aides actuelles pâtit d’une gestion mal coordonnée et d’un ciblage insuffisant, le projet de loi, dont est saisie la représentation nationale, devrait permettre de stimuler plus durablement l’activité économique dans chaque collectivité ultramarine, en fonction de ses besoins et atouts spécifiques.

1. Un projet de loi largement concerté et très attendu

L’élaboration du projet de loi, qui vous est soumis, a donné lieu à une longue et large concertation, menée par le Gouvernement avec les élus et acteurs économiques et sociaux de l’outre-mer. Ces derniers ont, en effet, été saisis d’un premier projet de texte dès le mois d’octobre 2007, avant que le Conseil économique et social et les assemblées délibérantes des DOM-ROM ne soient formellement consultés, respectivement aux mois de février et d’avril 2008. Pour tenir compte des avis alors émis, le Gouvernement a, en juin 2008, soumis à ces acteurs un projet de loi modifié, avant de le déposer au Sénat le mois suivant.

Cette démarche ouverte apparaît particulièrement vertueuse et doit être saluée pour sa transparence et son caractère démocratique, mais aussi pour son efficacité sur le fond, car les échanges noués dans ce cadre ont été utiles et constructifs. Ils ont notamment permis aux collectivités de choisir trois secteurs d’activité prioritaires pour la mise en place des zones franches globales d’activité, ainsi que d’apporter au texte initial des améliorations dans de nombreux domaines, tels que le maintien de l’application de la défiscalisation à la résidence principale ou les modalités du soutien à la rénovation du parc hôtelier, orientation déterminante pour le développement du tourisme, qui demeure l’un des principaux atouts de l’outre-mer.

Le projet de loi construit sur ces bases est d’autant plus attendu par nos concitoyens d’outre-mer que les troubles sociaux survenus aux Antilles et, plus récemment, à La Réunion, ont mis en lumière l’existence, pour la population, de nombreuses difficultés matérielles et insatisfactions sociales. Pour prendre en compte les critiques alors formulées sur les prix excessifs de nombreux produits de consommation courante, la commission des Finances du Sénat a inséré dans le projet de loi un titre spécifiquement consacré à la politique de « soutien au pouvoir d’achat ». Des mesures complémentaires pourront être discutées et décidées dans le cadre des « États généraux de l’outre-mer », qui devraient être organisés, dès les mois d’avril et de mai prochain. De leur côté, les entrepreneurs et investisseurs ultramarins souhaitent disposer, pour l’élaboration de leurs projets économiques, d’indications fiables et stables sur le niveau et la nature de la défiscalisation retenue dans les différents secteurs d’activité de chaque collectivité.

2. Les voies d’un développement économique plus durable

Le projet de loi, qui est aujourd’hui soumis à l’Assemblée nationale, est fondé sur l’évaluation de l’efficacité des dispositifs existants, permettant de restreindre ceux dont la pertinence est douteuse et de réorienter les financements ainsi dégagés vers des mesures plus favorables à l’activité économique endogène des collectivités territoriales d’outre-mer.

Enfin, il donne les moyens juridiques pour mieux valoriser les nombreux atouts des territoires ultramarins, dans tous les secteurs de l’économie, qu’il s’agisse du secteur agricole ou minier, du secteur manufacturier et du bâtiment ou du secteur tertiaire. Ce texte constitue avant tout « une boîte à outils pour faire entrer l’outre-mer dans le XXIe siècle », comme l’a souligné devant les sénateurs M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer.

Les dispositions de ce projet de loi sont essentiellement tournées vers les entreprises ultramarines. La mesure phare réside dans la mise en place des zones franches d’activités dans les DOM, caractérisées par une série d’avantages fiscaux (abattements de 50% à 80% sur les bases de l’impôt sur les bénéfices, de la taxe professionnelle et de la taxe foncière sur les propriétés bâties), au bénéfice d’entreprises appartenant à un ensemble très large de secteurs économiques éligibles.

Par ailleurs, les régimes de défiscalisation des investissements productifs sont réajustés pour permettre notamment l’éligibilité du secteur de la recherche et développement à la défiscalisation, l’extension aux exploitants d’hôtels des dispositifs de défiscalisation pour la rénovation, actuellement réservés aux propriétaires, ou encore l’éligibilité à la défiscalisation des câbles sous-marins de télécommunications, pour remédier à la fracture numérique.

En matière de logement, le projet de loi recentre la défiscalisation sur le logement social, financé par la « ligne budgétaire unique ». Aujourd’hui, la défiscalisation favorise surtout le logement libre, ce qui porte préjudice au logement social d’une part, parce que les entreprises de construction choisissent prioritairement les opérations en défiscalisation, plus rémunératrices, et, d’autre part, en raison de l’augmentation du prix du foncier. En outre, le projet de loi autorise les sociétés anonymes d’habitations à loyer modéré à devenir actionnaires de sociétés civiles immobilières, ce qui leur permettra de recourir à ce nouveau dispositif de défiscalisation.

II. LES MESURES D’ACCOMPAGNEMENT SOUMISES À VOTRE COMMISSION DES LOIS

A. UN SOUTIEN ACTIF À L’INVESTISSEMENT DANS LES COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES

Le rôle joué par les collectivités publiques dans le développement économique outre-mer, est sans doute plus marqué qu’en métropole, afin de tenir compte des particularités géographiques et économiques de ces territoires. L’article 16 du projet de loi prévoit donc la création d’un fonds exceptionnel d’investissement, par lequel l’État contribue au financement d’équipements collectifs portés par des personnes publiques dans les départements et régions d’outre-mer (DOM-ROM), les collectivités d’outre mer (COM) et la Nouvelle-Calédonie.

Ce fonds a par avance été doté de crédits en loi de finances pour 2009, dont le montant initial – 40 millions d’euros en autorisations d’engagement – a par la suite été augmenté de 75 millions d’euros en décembre 2008 et d’encore 50 millions d’euros en février dernier.

Le fonds était conçu à l’origine pour faciliter la réalisation d’opérations portant sur des équipements publics collectifs structurants, non programmées dans le cadre de conventions de financements conclues entre l’État et les collectivités. Lors de l’examen de cet article par le Sénat, le Gouvernement a souhaité assouplir les conditions d’octroi des aides de l’État au titre de ce fonds, qui constitue un des vecteurs privilégiés par l’État pour mettre en œuvre son plan de relance outre-mer. Est désormais permis le cofinancement de projets avec les collectivités territoriales, ce qui autorise, au moins à titre transitoire, l’apport de crédits du fonds à des projets préexistants.

B. UNE POLITIQUE DE CONTINUITÉ TERRITORIALE PLUS COHÉRENTE

Afin d’aider les collectivités ultramarines à surmonter les difficultés de circulation liées à leur éloignement de la métropole et à leur insularité, les pouvoirs publics ont mis en place, depuis la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer, deux instruments de soutien à la mobilité outre-mer : la dotation de continuité territoriale et le passeport mobilité, dont les dotations ont augmenté respectivement de 11,1 % et de 30 % depuis 2005 (voir tableau ci-après) et auxquels l’État devrait consacrer près de 53 millions d’euros en 2009.

ÉVOLUTION COMPARÉE DES DOTATIONS SOUTENANT LA MOBILITÉ OUTRE-MER
DE 2005 À 2008

(en millions d’euros)

Années

2005

2006

2007

2008

Évolution 2005-2008

Dotation de continuité
territoriale

30

29,9

30,6

33,3

+ 11,1 %

Passeport mobilité

15

22,6

24

19,5

+ 30 %

Total des dotations
soutenant la mobilité

45

52,5

54,6

52,8

+ 17,3 %

Source : Secrétariat d’État à l’outre-mer

En dépit de leur popularité, ces dispositifs souffrent d’une gestion trop peu lisible et efficiente, du fait de critères d’éligibilité trop flous dans le cas du passeport mobilité, et de l’implication disparate des collectivités ultramarines dans le cas de la dotation de continuité territoriale – laquelle n’a, de ce fait, jamais été mise en place en Guyane. Le projet de loi propose donc une rénovation globale de ce dispositif, grâce à la mise en place, au niveau national, d’un fonds de continuité territoriale, qui permettra de rationaliser et d’harmoniser les conditions d’attribution de trois aides destinées aux personnes résidant habituellement outre-mer (article 26) :

—  l’« aide à la continuité territoriale », visant à réduire le coût des liaisons aériennes entre l’outre-mer et la métropole, mais aussi celui de certaines liaisons régionales ou internes à une collectivité ultramarine ;

—  le « passeport-mobilité études », finançant partiellement l’achat de billets d’avions par les étudiants et certains lycéens objectivement contraints de rejoindre la métropole pour y poursuivre leurs études ;

—  le « passeport-mobilité formation professionnelle », prenant en charge une partie des coûts de transport aérien, de formation et d’installation, des personnes dont la formation ou la participation aux épreuves d’un concours nécessitent qu’elles gagnent la métropole.

La gestion de l’ensemble de ces aides par un opérateur unique, en l’espèce l’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs de l’outre-mer, placé à la tête d’un réseau de groupements d’intérêt public (GIP) locaux auxquels les collectivités territoriales pourront participer, devrait permettre d’offrir à nos concitoyens d’outre-mer les aides requises au meilleur coût. Tout en approuvant la proposition d’une gestion unifiée d’aides mieux encadrées et plus concentrées, votre Commission a adopté un amendement visant à éviter l’adoption par voie réglementaire d’un plafond de ressources trop bas, qui priverait les classes moyennes du bénéfice de ces aides, dont l’obtention conditionne nombre de projets professionnels.

Le projet de loi prévoit également une collecte centralisée de données statistiques permettant d’étudier la formation des coûts et des prix pratiqués sur les principales liaisons aériennes entre l’outre-mer et la métropole. Votre commission a adopté des amendements visant à accélérer la mise en place de ce nouvel outil, et à assurer la transmission annuelle au Parlement d’informations synthétiques, à caractère non commercial, lui permettant d’analyser l’évolution des conditions de desserte des collectivités ultramarines.

C. DE NOUVEAUX OUTILS POUR DÉVELOPPER L’OFFRE DE LOGEMENTS

Si l’axe majeur de la politique menée en faveur du logement outre-mer reste la défiscalisation, cette dernière ne permettra pas à elle seule de mettre fin aux difficultés particulières que connaît ce secteur d’activité outre-mer. Il a en effet été démontré que l’accès restreint aux espaces fonciers constitue aujourd’hui le principal obstacle au développement de l’offre de logements outre-mer.

Afin de favoriser ce développement, le projet de loi offre donc de nouveaux outils permettant une meilleure mobilisation des espaces fonciers disponibles. Cet effort concerne l’utilisation des logements indivis, souvent dépourvus de titres de propriété, ainsi que les conditions de cessions et d’aménagement des immeubles domaniaux dans les départements français d’Amérique.

1. La mobilisation du foncier pour accroître l’offre de logements outre-mer

L’importance de l’indivision et l’absence de titres de propriété constituent des freins sérieux à la politique du logement outre-mer, dans la mesure où :

—  d’une part, les contraintes liées à la gestion d’un immeuble indivis conduisent bien souvent à laisser l’immeuble vacant ou à le laisser se dégrader. Ainsi, l’INSEE évalue à 10 % la proportion de logements vacants dans les DOM. Si l’inoccupation liée à la situation d’indivision de l’immeuble n’est pas précisément connue, il existe un certain consensus sur le fait que l’indivision en est un facteur explicatif majeur ;

—  d’autre part, l’absence de titres de propriétés, rendant impossible le règlement des successions passées, engendre une grande difficulté à libérer les terrains pour les rendre propres à la construction de nouveaux équipements ou à la mise en place de logements sociaux.

C’est pourquoi, afin de limiter les conséquences négatives de ces deux questions sur la politique du logement, les articles 18 et 19 du projet de loi proposent :

—  d’une part, de faciliter la remise sur le marché de logements indivis vacants (article 18) ;

—  d’autre part, de créer un groupement d’intérêt public chargé de reconstituer les titres de propriété pour les biens fonciers ou immobiliers qui en sont dépourvus (article 19).

2. L’extension des possibilités de déclassement et de cession d’immeubles domaniaux

Afin de faciliter l’utilisation de nouveaux espaces fonciers dans le cadre de programmes de rénovation ou de construction de logements, le projet de loi propose également d’étendre, aux Antilles et en Guyane, les possibilités de déclassement et de cession de terrains appartenant à l’État.

Ainsi, les terrains situés sur le littoral antillais, dans la partie de la zone protégée dite « des cinquante pas géométriques » déjà urbanisée ou couverte par une urbanisation diffuse (ce qui représente respectivement 19,2 % et 27,5 % de la superficie de la zone en Guadeloupe et en Martinique), pourront désormais être vendus non seulement aux communes et opérateurs de logements sociaux, mais aussi, subsidiairement, à toute autre personne physique ou morale. Ce changement, dont sont exclus les terrains déjà occupés et qui devra préserver tant les « coupures » d’urbanisation sur le littoral que les plages et espaces restés naturels, permettra de stimuler l’activité économique et immobilière dans cette bande de terrain, large de 81,2 mètres, qui borde le rivage antillais (article 22).

La même recherche de souplesse conduit à autoriser, en Guyane, avec l’accord des communes concernées, les concessions et cessions gratuites de terrains relevant du domaine privé de l’État à de nouvelles personnes publiques : départements, régions et groupements intercommunaux pourraient ainsi y constituer des réserves foncières en vue d’opérations d’aménagement de l’espace, y construire des logements sociaux et équipements collectifs (article 25).

D. L’ÉGALITÉ DE TRAITEMENT AVEC LA MÉTROPOLE

Nos compatriotes d’outre-mer sont trop souvent pénalisés par des règles de droit qui ne prennent pas en compte la spécificité de leur situation. Il en va ainsi en matière civile des règles de domiciliation des cautions. Aujourd’hui, l’article 2295 du code civil fait ainsi obligation à une caution à un contrat de résider dans le ressort de la cour d’appel dans lequel elle est demandée, ce qui a notamment pour effet de pénaliser lourdement les étudiants originaires d’outre-mer installés en métropole lorsqu’ils demandent un prêt immobilier ou un prêt à la consommation, en les obligeant à disposer d’une caution résidant sur le territoire métropolitain.

Rappelons que la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement a d’ores et déjà supprimé cette exigence de domiciliation en matière de cautionnement d’un bail à usage d’habitation. Pour autant, cette modification ponctuelle a laissé subsister les dispositions générales de l’article 2295 du code civil et donc l’obligation de domiciliation de la caution hors des cautionnements concernant les baux d’habitation, en particulier dans le cadre des prêts à la consommation et des prêts immobiliers.

En conséquence, l’article 28 du projet de loi vise à remédier à ces difficultés. Il précise désormais qu’un créancier ne peut refuser la caution d’un débiteur au motif que celle-ci ne réside pas dans le ressort de la cour d’appel dans lequel elle est demandée.

E. LA LUTTE CONTRE L’ORPAILLAGE CLANDESTIN EN GUYANE

1. Un dispositif de répression renforcé en cas d’atteinte à l’environnement

Aujourd’hui, le fait d’exploiter une mine ou de disposer d’une substance concessible sans détenir un titre d’exploitation ou une autorisation n’est puni que d’une peine d’emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros, en application de l’article 141 du code minier. Compte tenu des atteintes très graves que porte à l’environnement guyanais la pratique de l’orpaillage clandestin, l’article 29 du projet de loi met en place un dispositif répressif renforcé visant les exploitations minières clandestines portant atteinte à l’environnement. Le nouvel article 141-1 porte le quantum des peines encourues, en cas d’atteintes graves à l’environnement, à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Autre innovation majeure : cet article prévoit que, lorsque l’infraction est commise en bande organisée, la peine peut être portée à 10 ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende. Cette disposition ouvre dès lors la possibilité de saisine des juridictions interrégionales spécialisées et donc, ouvre la voie au démantèlement des réseaux qui bien souvent se cachent derrière les villages d’orpailleurs.

Enfin, le tribunal pourra imposer au condamné de procéder à la restauration du milieu aquatique. Les juridictions disposent déjà de la possibilité de prononcer l’ajournement du procès dans l’attente de cette restauration. Désormais, elles auront la possibilité de la prononcer à titre de peine complémentaire ou alternative.

2. L’assoupissement des règles de garde à vue

Le même article permet également, par dérogations aux règles habituelles définies aux articles 63 et suivants du code de procédure pénale de retarder le départ de la garde à vue à l’heure d’arrivée dans les locaux du siège où cette mesure doit se dérouler, dans une limite maximale de 20 heures. Cette possibilité ne serait ouverte qu’en Guyane, uniquement sur autorisation du procureur de la République ou de la juridiction d’instruction et à la condition expresse que « le transfert des personnes interpellées dans le délai légal de la garde à vue soulève des difficultés matérielles insurmontables ».

3. La création d’un délit douanier

Le II de l’article 29 du projet de loi prévoit d’ériger en délit douanier de première classe :

—  d’une part, le fait d’exporter de Guyane de l’or natif sans déclaration, sous couvert d’une fausse déclaration ou encore en soustrayant les marchandises à la visite du service des douanes ;

—  d’autre part, le fait de détenir ou de transporter de l’or natif dans le rayon des douanes de Guyane sans être en mesure de présenter les titres justificatifs obligatoires.

Il résultera de cette classification en délit, et non en contravention, la possibilité d’une condamnation à trois ans d’emprisonnement, d’une confiscation de l’objet de la fraude et des moyens de transport ainsi que d’une amende comprise entre une à deux fois la valeur de l’objet de fraude pour les éventuels contrevenants.

F. L’ACCÉLÉRATION DE LA RÉVISION DE L’ÉTAT CIVIL À MAYOTTE

La gestion particulièrement négligente de l’état civil à Mayotte, jusqu’à la fin des années 1990, y a favorisé la fraude documentaire et privé nombre de nos concitoyens de la possibilité d’y exercer normalement leurs droits pour de nombreux actes de la vie quotidienne. Les travaux de la Commission de révision de l’état civil, mise en place en 2001 pour remettre en ordre et fiabiliser celui-ci, se sont depuis lors avérés particulièrement lourds, mais aussi très utiles : en huit ans, plus de 80 000 décisions ont été rendues par cette commission, présidée par un magistrat, concernant près de la moitié de la population mahoraise.

Toutefois, les conditions de cette révision, initialement prévue pour durer cinq ans, ne peuvent aujourd’hui être considérées comme satisfaisantes : la CREC est privée de présidence depuis plus près de huit mois, la formation juridique et l’encadrement de ses 39 rapporteurs demeurent insuffisants, les administrations impliquées ne se sont pas dotées d’un équipement informatique adapté et d’une organisation coordonnée, si bien qu’un tiers des décisions font l’objet de rectifications d’erreurs matérielles, tandis que le nombre de décisions rendues diminue et a représenté, en 2008, moins du quart des nouvelles demandes…

Conscient de l’urgence qui s’attache à ce qu’il soit remédié à cette situation avant que le projet de départementalisation de Mayotte ne soit mis en œuvre, le Gouvernement a proposé au Sénat d’aménager certaines dispositions législatives régissant le fonctionnement de la CREC (article 28 ter), afin d’accélérer l’achèvement de ces travaux, qui doit intervenir au mois d’avril 2011.

Le Sénat a globalement souscrit à cette démarche, tout y apportant plusieurs modifications. Il a ainsi souhaité permettre au magistrat qui préside la CREC de décider seul dans un plus grand nombre de dossiers et assouplir les conditions de quorum permettant à la CREC de se réunir en formation collégiale, ce que votre rapporteur approuve sous réserve que soit au moins assurée, pour les affaires les plus complexes, la présence soit du magistrat, soit du préfet de Mayotte.

Le Sénat a également souhaité ramener du 31 décembre au 31 juillet 2010 la date prévue pour l’expiration du délai de saisine de la CREC par les personnes nées à Mayotte elles-mêmes. Afin d’accorder à la CREC un délai final d’un an pour achever l’examen des dossiers en instance, votre Commission a adopté un amendement prévoyant de mettre un terme à ces nouvelles demandes individuelles dès le 31 mars 2010 – une saisine de la CREC par le parquet demeurant possible après cette date.

Les sénateurs ont enfin souhaité rétablir la possibilité, pour les demandeurs, de choisir eux-mêmes, jusqu’au 31 juillet 2010, le nom et les prénoms figurant dans leur acte d’état civil fiabilisé par la CREC. Votre Commission est partiellement revenue sur cet assouplissement qui présente des dangers dans un contexte local marqué par d’importantes fraudes documentaires, ainsi que par des saisines successives et divergentes de la CREC par les mêmes personnes ou les enfants issus de mêmes parents. Il vous est proposé de confier à la CREC la fixation du nom de famille – ce qui n’empêche évidemment pas de tenir compte des suggestions du demandeur –, et de prévoir que les choix librement effectués par les demandeurs pour leurs prénoms doivent être adressés à la CREC avant le 1er janvier 2010.

Ces modifications limitées créeront ainsi un cadre normatif plus propice à l’achèvement des travaux de la CREC. Toutefois, leur bon déroulement dépendra largement de l’affectation des personnels attendus (président et secrétaire général en particulier), ainsi que de l’adoption de méthodes de travail plus modernes et rigoureuses, comme l’a récemment préconisé un rapport d’information de votre Commission, examiné après une mission effectuée sur place par trois de ses membres au début du mois de février dernier.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine, pour avis, sur le rapport de M. Didier Quentin, les articles 16, 18, 19, 22, 25, 26, 28, 28 ter, 29, 31 – II et III –, 32 - 3°, a) et b) du 4°, 7° et 8° du I et II – et 33 du projet de loi, adopté par le Sénat, pour le développement économique des outre-mer (n° 1518).

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis. L’outre-mer offre à notre pays une ouverture incomparable sur le monde, une richesse humaine et écologique ainsi qu’un potentiel économique et touristique trop souvent négligé. Portant leur regard vers l’avenir, les Français d’outre-mer attendent de la République une juste reconnaissance de leurs efforts et l’expression tangible d’une solidarité renouvelée pour surmonter les fragilités de leurs collectivités. Le projet de loi pour le développement économique des outre-mer tel qu’il nous est soumis ne suffira pas, bien sûr, à satisfaire l’ensemble de ces aspirations mais il répond à nombre des inquiétudes récemment exprimées et jette les bases d’une croissance économique plus solide. Son élaboration a été précédée d’une longue concertation avec les élus et les acteurs économiques et sociaux des outre-mer – j’insiste sur le pluriel – qui ont été saisis d’un premier projet dès octobre 2007. Le texte a été déposé au Sénat le 28 juillet 2008, assorti d’une déclaration d’urgence, avant que la crise économique et financière ne produise ses effets. Les sénateurs l’ont adopté le 12 mars, le principal groupe d’opposition s’abstenant.

Ce texte présente une stratégie de long terme pour donner aux collectivités ultramarines les moyens d’un développement économique fondé moins sur une dépendance vis-à-vis de la métropole et davantage sur la valorisation de leurs atouts humains et géographiques. Tel est le sens de la notion de « développement endogène » : la métropole ne saurait évidemment cesser de soutenir l’effort de rattrapage, mais le développement des collectivités ultramarines doit s’appuyer plus vigoureusement sur la créativité, les efforts et les talents de leurs forces vives.

La loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003 avait déjà permis des avancées en matière d’exonérations fiscales, d’allégements de charges sociales et de continuité territoriale avec la métropole. Il convient en particulier de rappeler que, la Martinique exceptée, le taux de chômage a sensiblement diminué dans les DOM et à Mayotte entre 2003 et 2007. Toutefois, l’activité économique reste trop peu concurrentielle et trop dépendante de la métropole, l’accès au logement social trop difficile – 60 000 demandes insatisfaites – et la gestion des aides à la mobilité territoriale trop disparate. Aujourd’hui, des incitations mieux ciblées et une nouvelle organisation des mesures de soutien offrent des perspectives de développement plus durable.

Le présent projet de loi a été enrichi au Sénat de dispositions répondant spécifiquement à la grave crise sociale qui a secoué les Antilles, la Réunion et la Guyane. La Commission des finances du Sénat a ainsi inséré un titre entièrement consacré à la politique de soutien au pouvoir d’achat outre-mer. Le texte comprenant de très nombreuses dispositions fiscales, il a été examiné au fond par la commission des Finances. Notre Commission s’est saisie d’une douzaine d’articles concernant essentiellement : 

– la création d’un fonds exceptionnel d’investissement outre-mer, destiné à des équipements collectifs et doté de plus de 160 millions d’euros en 2009 (article 16) ;

– l’encadrement de la gestion des aides à la continuité territoriale, qui ont représenté 53 millions en 2008, au sein d’un unique fonds de continuité territoriale (article 26) ;

– la mise en place de nouveaux outils juridiques pour mobiliser les espaces fonciers encore disponibles afin d’y développer l’activité et surtout l’offre de logements (articles 18, 19, 22 et 25) ;

– le respect de l’égalité de traitement entre ultramarins et métropolitains dans l’accès au logement locatif, en prévenant toute discrimination fondée sur le lieu de résidence de la caution (article 28) ;

– l’intensification de la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane grâce à une répression accrue en cas d’atteinte à l’environnement, à un assouplissement des règles de garde à vue et à la création d’un délit douanier (article 29) ;

– des habilitations à étendre, adapter et clarifier la législation outre-mer par ordonnances (article 32) ;

– la mise en place d’une Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, majoritairement composée de parlementaires et disposant d’une compétence transversale en matière économique et sociale (article 33) ;

– et enfin, à la suite d’un amendement sénatorial, l’accélération de la révision de l’état-civil à Mayotte, qui suppose notamment une organisation plus efficace de la commission de révision de l’état civil, la CREC (article 28 ter).

Les principaux amendements que je vous proposerai visent :

– à assurer l’éligibilité des classes moyennes aux aides à la continuité territoriale, que le texte soumet à un plafond de ressources fixé par arrêté ministériel ;

– à assurer une information annuelle du Parlement sur l’évolution de la desserte aérienne de l’outre-mer et les travaux de la Commission nationale d’évaluation ;

– à limiter les risques de saisine tardive de la CREC ou de demandes abusives, afin qu’elle dispose d’une année complète pour statuer sur les quelque 16 000 dossiers en attente – l’année dernière, elle n’avait rendu que 1 000 décisions !

– à étendre à Saint-Martin la compétence du groupement d’intérêt public créé par l’article 19 et chargé de reconstituer les titres de propriété dans les DOM ;

– à préciser la définition de la circonstance aggravante d’atteinte à l’environnement pour le délit d’exploitation de mine sans titre, fondement d’une répression accrue contre l’orpaillage clandestin.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à soutenir sans réserve ce texte très attendu outre-mer, qui n’est toutefois pas un aboutissement puisqu’il sera complété par les mesures élaborées lors des « États généraux de l’outre-mer » dont le Président de la République a annoncé la tenue en avril et mai prochains.

M. René Dosière. La crise qui a atteint l’outre-mer ces dernières semaines a au moins eu le mérite de faire prendre conscience aux Métropolitains que la France dispose d’un outre-mer. Jusque-là, les débats au sein même de la représentation nationale n’intéressaient, sauf quelques exceptions, que les députés de l’outre-mer, et le souci d’un consensus entre eux n’aboutissait d’ailleurs qu’à des textes bien insipides et ne réglant pas les vrais problèmes.

Je souhaite donc que les députés prennent conscience des problèmes de l’outre mer et j’en profite pour regretter que vous refusiez, Monsieur le Président, d’envoyer une mission d’information restreinte en Nouvelle-Calédonie, où la Commission des lois n’a pas mis les pieds depuis près de cinq ans. La pire des choses serait de laisser aux seuls députés calédoniens le soin de régler le dossier : si l’on veut sortir la Nouvelle-Calédonie de ses rivalités politiques, il faut que la représentation métropolitaine s’en préoccupe un peu.

Je regrette que les autorités françaises aient mis tant de temps à réagir à cette crise. Lorsque plusieurs dizaines de milliers d’habitants manifestent, ce qui a été le cas au tout début du conflit, cela mérite un peu d’intérêt. C’est pour cela qu’elles se sont retrouvées dans une situation dont il était très difficile de sortir. Si le tiers de la population avait manifesté dans un département métropolitain, le ministre de l’intérieur, qui se trouve également être le ministre de l’outre-mer, s’en serait certainement préoccupé plus rapidement.

Quant aux protocoles d’accord, notamment celui de la Guadeloupe, on voit bien qu’ils ne règlent rien. Certes, ils prévoient une diminution des prix, loyers ou impôts et une augmentation des salaires, mais rien sur le plan de l’économie endogène. Or ces collectivités insulaires ont des problèmes particuliers.

Étant des départements – et très attachées d’ailleurs à la France –, elles ont revendiqué l’égalité sociale : le niveau des prestations s’y est donc progressivement rapproché de celui de la métropole. L’emploi public y représente plus de la moitié des emplois et le niveau des salaires et rémunérations est considérablement supérieur à celui de leur environnement, ce qui crée des effets d’appel considérables, surtout à Mayotte ou en Guyane. Le secteur privé n’est pas concurrentiel mais monopolistique. Il existe des rentes de situation, qui créent des prix hors de proportion. Il est donc très difficile de faire émerger un véritable secteur privé avec des rémunérations attractives – d’autant que les rémunérations du secteur public sont majorées. C’était sans doute nécessaire dans les années 1950, mais aujourd’hui la plupart des fonctionnaires métropolitains qui vont en poste outre-mer le font non par intérêt pour la région, mais pour profiter au maximum des avantages prévus en termes de rémunération, vacances, déménagements et primes diverses. Les fonctionnaires locaux étant traités de la même façon, cela a une répercussion sur l’ensemble des salaires.

Par ailleurs, compte tenu de liens économiques forts et anciens, la quasi-totalité des produits de l’économie sont importés de métropole. On distribue dans les rares cantines des pommes venues de métropole ! Entre la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie, les relations sont rares, mais elles sont fréquentes entre chacune des deux et Paris. L’ancien système des relations coloniales a donc été maintenu dans les flux économiques, et crée un véritable problème : l’économie de ces territoires est aujourd’hui anormale – à côté de la normale. Les jeunes, qui sont de plus en plus formés, ne peuvent guère trouver un emploi en dehors du service public.

Je me réjouis que, depuis cette crise, le Gouvernement envisage un changement d’optique. Les problèmes qui se posent ne pourront pas être résolus rapidement mais ce projet de loi peut être intéressant. Reste à voir dans quelles conditions il sera mis en application. Toutefois, il a été élaboré avant la crise dans les Antilles et même si de nouvelles dispositions ont été ajoutées, il faudra après les États généraux revoir l’ensemble de notre politique de développement économique outre-mer.

Mme George Pau-Langevin. J’essaye moi aussi de comprendre l’intérêt de présenter ce texte maintenant, puisqu’il devra s’articuler d’un côté avec la loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003, prévue pour être appliquée pendant quinze ans, et de l’autre avec la concertation qui doit être lancée. Le calendrier est pour le moins curieux.

Quant à l’état-civil à Mayotte, nous savons tous qu’il fonctionne d’une manière sidérante. Mais puisque tant de Mahorais n’ont pas d’état-civil fixé, comment détermine-t-on quels « étrangers » sont reconduits à la frontière ?

Enfin, ce projet de loi comporte des mesures de développement économique et d’accès à l’emploi, lequel est un problème majeur. Hier, M. Jégo a dit que tant que les Antillais n’accepteraient pas de porter les valises des touristes, il serait impossible de développer le tourisme. Est-ce le seul type d’emplois qu’on envisage de donner aux jeunes d’outre-mer, quelle que soit leur formation ?

M. le rapporteur pour avis. Je partage plusieurs des remarques de M. Dosière, mais peut-être ai-je plus que lui tendance à voir le verre à moitié plein ! Les sujets de préoccupation sont certes nombreux mais, à chacun de nos voyages à Mayotte par exemple, on constate des progrès.

L’articulation du projet de loi avec la loi du 21 juillet 2003 me semble évidente : cette loi a déjà produit des résultats et le présent texte permet des avancées supplémentaires. Certes, il intervient entre les manifestations du premier trimestre et les états généraux à venir, mais il avait été déposé au Sénat il y a plus de six mois et le début de la concertation remonte à un an et demi ! Sachant que l’urgence avait été déclarée, il est pour le moins temps d’agir…

Des États généraux de l’outre-mer vont donc avoir lieu ce printemps. J’ai assisté aussi ce matin à une rencontre avec le ministre d’État Jean-Louis Borloo sur le Grenelle de la mer, où les outre-mer auront toute leur place.

Il faut bien faire comprendre à nos compatriotes métropolitains toute l’importance de la question. Certains, après les événements de janvier et février, ont eu tendance à dire que l’outre-mer n’avait qu’à prendre son indépendance s’il la voulait. Il faut leur faire prendre conscience de l’intérêt des outre-mer pour la France, et aussi pour l’Europe. C’est pour cela qu’il faut tordre le cou à cette expression de « régions ultrapériphériques » : c’est grâce à l’outre-mer que la France n’est pas qu’un petit hexagone en Europe, laquelle serait elle-même, selon l’expression de Paul Valéry, le « Finistère de l’Asie ».

Quant aux « porteurs de bagages », que l’expression ne soit peut-être pas heureuse n’empêche pas qu’un tourisme respectueux, vecteur de partage et de connaissance, soit un axe de développement pour nos outre-mer. Lors des événements de Madagascar, des bateaux de croisière se sont déroutés vers la petite île de Mayotte, et l’accueil n’a pas suivi. Étant député maire d’une ville touristique, je vous assure que ces emplois n’ont rien de dégradant.

La Commission passe ensuite à l’examen des articles.

Article 16

Création d’un fonds exceptionnel d’investissement outre-mer

Le présent article vise à créer un « fonds exceptionnel d’investissement » outre-mer, abondé chaque année par la loi de finances, destiné à aider les collectivités territoriales d’outre-mer à financer des équipements publics participant à leur développement économique et social.

Rappelons que la loi de finances pour 2009 a d’ores et déjà prévu, avant même la création formelle de ce fonds, d’abonder de 40 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 16 millions d’euros en crédits de paiement (CP) un fonds exceptionnel d’investissement qui fait l’objet d’une action dans le programme n° 123 « Conditions de vie outre-mer » de la mission « Outre-mer ». Ce fonds a été utilisé par anticipation dès la fin de l’année 2008 pour soutenir les collectivités territoriales guyanaises à hauteur de 10 millions d’euros, en contrepartie de leur participation à la réduction du prix des carburants (protocole d’accord signé à Cayenne le 4 décembre 2008). 3 millions d’euros ont par ailleurs été prélevés de ce fonds en faveur de la Guadeloupe (accord de Basse-Terre du 10 décembre 2008).

Par la suite, la loi de finances rectificative de janvier 2009 (11) a augmenté sensiblement les crédits ouverts au titre de ce fonds, dans le cadre du plan de relance. Les ouvertures de crédits ainsi décidées portent le montant du fonds à 115 millions d’euros en AE, soit un quasi-triplement par rapport aux montants ouverts en loi de finances initiale, et à 41 millions d’euros en CP, soit une multiplication par 2,5.

1. Le dispositif initial du projet de loi

Dans la rédaction initiale du projet de loi, le présent article créait, au sein du chapitre III du titre Ier du livre VI de la première partie du code général des collectivités territoriales, une section 3 nouvelle intitulée : « Fonds exceptionnel d’investissement outre-mer », comprenant un article L. 1613-7 portant création du fonds exceptionnel d’investissement outre-mer et précisant sa nature :

—  le montant du fonds serait fixé, chaque année, par la loi de finances ;

—  son objet serait d’apporter une aide financière de l’État aux personnes publiques d’outre-mer dans la réalisation d’opérations portant sur des « équipements publics collectifs, lorsque ces opérations participent de façon déterminante au développement économique et social local » ;

—  les règles de cumul d’aides étaient en outre précisées : l’aide financière apportée par le fonds serait cumulable avec les autres aides nationales, locales ou européennes dont bénéficieront les projets visés, les seuls investissements exclus étant ceux faisant déjà l’objet d’une participation étatique au titre de conventions de financements conclues entre l’État et la collectivité ;

—  l’article renvoyait à un décret la fixation des modalités d’attribution des aides apportées par le fonds.

2. Cet article a été remanié lors de son examen par Sénat

a) Examen par la commission des Finances du Sénat

La commission des Finances du Sénat a, dans son texte adopté, levé une ambiguïté du texte initial : c’est bien l’ensemble des collectivités territoriales ultramarines et de leurs groupements qui sont éligibles à ce fond, alors que le texte initial employait la notion de « collectivité d’outre-mer ». S’il ne fait pas de doute qu’elle était employée par les rédacteurs du texte dans son acception la plus large (12), elle pouvait néanmoins porter à confusion.

S’agissant de l’ensemble du dispositif mis en place par cet article, la commission des Finances du Sénat a estimé que l’objet du nouveau fonds était de financer des projets qui trouveraient par nature leur place dans les conventions de financement pluriannuelles passées entre l’État et les collectivités territoriales d’outre-mer, dont l’objet même est de porter des investissements publics structurants pour l’économie de ces collectivités. Elle a à ce titre rappelé les différentes conventions de financement qui lient l’État aux différentes collectivités ultramarines (13). Le projet annuel de performances de la mission « Outre-mer », annexé à la loi de finances pour l’année 2009, indiquait que l’État affecterait en 2009 175 millions d’euros en autorisations d’engagement et 143 millions d’euros en crédits de paiement au financement des divers contrats et conventions le liant aux collectivités territoriales d’outre-mer.

La commission des Finances du Sénat a donc souligné que la mise en œuvre du fonds devra « répondre à des situations spécifiques, justifiant une aide nouvelle non prévue dans le cadre d’une convention de financement », estimant que « le principal intérêt du fonds pourrait ainsi être de répondre à des situations urgentes grâce à des financements sanctuarisés chaque année dans le cadre de la loi de finances. »

Votre rapporteur pour avis souscrit à cette lecture et voit dans le fonds un outil très utile pour permettre un financement rapide d’investissements nouveaux porteurs pour les économies des collectivités ultramarines.

b) Adoption en séance publique d’un amendement du Gouvernement visant à assouplir le dispositif dans le cadre du plan de relance

Lors de l’examen de cet article par le Sénat, la création du fonds a été unanimement saluée, même si l’opposition sénatoriale a exprimé des craintes sur son montant et sur les critères posés pour son utilisation :

—  S’agissant de l’enveloppe allouée au fonds, M. Yves Jégo, Secrétaire d’État à l’outre-mer a indiqué qu’elle avait été sans cesse revue à la hausse depuis son annonce (14), du fait des événements survenus en Guyane d’abord, puis en Guadeloupe, en Martinique et plus récemment à la Réunion. Le ministre a en outre annoncé qu’avaient déjà été lancés, « après concertation, 115 millions de programmation pour des chantiers prêts à démarrer, car la relance ne peut attendre. »

—  S’agissant des critères d’éligibilité à ce fonds et ses modalités de mobilisation, le ministre a souhaité distinguer deux temps : si dans le cadre du plan de relance est mis en place un régime exceptionnel avec des critères clairs, dictés par l’urgence de la situation (« sont éligibles les projets prêts à démarrer et ceux dont le financement est assuré jusqu’à 75 % » a ainsi déclaré le ministre), les aides du fonds devront par la suite être attribuées pour des projets structurants, à partir d’une stratégie qui devra être définie avec les différentes collectivités d’outre-mer.

Le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement réécrivant l’article 16 pour assouplir les modalités d’utilisation du fonds. L’objectif est d’en faire à court terme un des outils de la relance et de « l’affecter à des chantiers prêts à démarrer » a déclaré le ministre, à l’appui de cet amendement : au titre des chantiers de la relance outre-mer figurent notamment la réfection de routes nationales en Guyane et à Mayotte, travaux d’aménagement portuaire en Guadeloupe, en Guyane, à Saint-Pierre et Miquelon.

M. Éric Doligé, rapporteur au nom de la commission des Finances a émis quelques réserves sur l’amendement du Gouvernement, notant la disparition du renvoi à un décret, ainsi que la décodification du nouveau dispositif et s’est interrogé du sort des projets pour lesquels des conventions de financement avaient déjà été conclues entre l’État et les collectivités territoriales.

▪ Sur ce dernier point, le ministre a précisé en séance que « des opérations déjà contractualisées pourront entrer dans le périmètre du fonds ». Il s’agit donc d’un assouplissement par rapport au texte initial qui excluait un tel cumul, au motif que le fonds devait permettre la réalisation de nouveaux équipements outre-mer et non se substituer à d’autres financements de droit commun ou déjà acquis. L’autorisation de cumul se justifie par la situation d’urgence créée par la crise.

L’amendement n’a en revanche pas modifié la disposition prévoyant que l’aide du fonds pourra se cumuler avec celles dont la collectivité publique peut bénéficier de l’État ou d’autres collectivités publiques, ou au titre des fonds structurels européens ou du fonds européen de développement.

▪ Les modalités d’attribution des aides du fonds ne sont pas définies par le présent article dont la version initiale renvoyait à un décret le soin de les préciser. Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, le représentant de l’État dans chaque collectivité lancera chaque année un appel à projets, à partir duquel le secrétariat d’État chargé de l’outre-mer opérera une sélection. Les crédits seront ensuite mis à disposition du représentant de l’État qui signera une convention avec l’ensemble des partenaires impliqués dans la réalisation des équipements et sera chargé de s’assurer de la bonne exécution des opérations.

▪ La décodification du nouveau dispositif s’explique par la non application du code général des collectivités territoriales à toutes les collectivités ultramarines. Elle peut être vue comme une source supplémentaire de souplesse du dispositif.

▪ L’amendement du Gouvernement a par ailleurs apporté d’utiles précisions rédactionnelles sur le champ des personnes publiques éligibles. Dans sa version initiale, non modifiée sur ce point par la commission saisie au fond, le texte visait les personnes publiques « responsables » de l’équipement, ce qui pouvait prêter à confusion. La liste des personnes publiques éligibles a été simplifiée, le terme « groupements » désignant de manière générique aussi bien les « organismes de coopération intercommunale » (pour les DOM) que les « organismes de coopération » (pour les COM et la Nouvelle-Calédonie) visés dans la version initiale du texte. Les syndicats intercommunaux et les communautés de communes seront éligibles au fonds.

▪ Sur les critères d’attribution de l’aide, la souplesse recherchée conduit le Gouvernement à proposer une formulation volontairement peu précise « opérations portant sur des équipements publics collectifs » qui « participent de façon déterminante » au développement local (le Gouvernement ayant introduit par amendement la notion de « développement environnemental » en complément du développement « économique et social »). Les besoins prioritaires étant différents d’une collectivité ultramarine à l’autre, établir une liste de domaines et de thématiques particuliers aurait présenté de lourds inconvénients. L’appréciation du caractère déterminant de la participation au développement local se fera au regard de la situation de chaque territoire concerné.

La commission des Lois du Sénat avait adopté un amendement, déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, prévoyant qu’une partie significative de la dotation, au moins égale à 10% de celle-ci, serait affectée à des travaux visant à améliorer la desserte numérique des territoires ultramarins. Votre rapporteur pour avis rejoint M. Jean-Paul Virapoullé, rapporteur pour avis au nom de la commission des Lois du Sénat, qui a invité le Gouvernement à prendre en compte la dimension des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans la détermination des opérations qui bénéficieront du fonds. La résorption de la fracture numérique est en effet un enjeu majeur pour les collectivités ultramarines. Cette question figure d’ailleurs au titre des cinq points de la « stratégie de croissance pour l’outre-mer » définie par le secrétariat d’État à l’outre-mer le 27 novembre 2008. Rappelons que ces cinq objectifs, qui guideront en grande partie les choix des projets éligibles au fonds, sont les suivants :

—  ancrer le développement économique sur des secteurs stratégiques identifiés dans chaque territoire ;

—  mieux former et mieux insérer professionnellement les ultramarins en favorisant leur mobilité ;

—  décréter une mobilisation générale pour le logement impliquant tous les acteurs ;

—  désenclaver les territoires par les voies aériennes et portuaires et par le numérique ;

—  faire de la protection de la nature un levier de développement économique pour promouvoir l’outre-mer comme une vitrine du développement durable.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL 1 de M. Victorin Lurel.

M. René Dosière. Cet amendement vise à indexer le montant du fonds exceptionnel d’investissement sur l’évolution de la dotation globale de fonctionnement. Sans une disposition législative de ce type, le fonds risque de se réduire au fil des ans.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Le fonds exceptionnel d’investissement répond à une logique différente de celle de la DGF. Il doit être souple, adapté aux nécessités du moment. L’indexer pourrait brider son évolution, ce qui serait très contreproductif.

La Commission rejette cet amendement, puis elle examine l’amendement CL 4 de M. Victorin Lurel.

M. René Dosière. Pour permettre cette souplesse et pour prendre en compte les spécificités des investissements outre-mer, cet amendement tend à permettre l’utilisation du fonds pour certaines dépenses de fonctionnement.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Le Sénat a rejeté un amendement analogue. On ne peut faire l’amalgame entre investissement et fonctionnement. Tout investissement, par définition, rend nécessaires des dépenses supplémentaires de fonctionnement. L’adoption de cet amendement ouvrirait une brèche dans un principe général.

La Commission rejette cet amendement. Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 16 sans modification.

Après l’article 16

La Commission est saisie de plusieurs amendements tendant à introduire des articles additionnels après l’article 16. Elle examine d’abord l’amendement CL 2 de M. Victorin Lurel.

M. René Dosière. Cet amendement vise à déconcentrer la gestion du fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC), dans le but d’ajuster les aides aux besoins locaux.

M. le rapporteur pour avis. Avis doublement défavorable, d’abord parce que cet amendement ne relève pas de la compétence de la commission des Lois, ensuite parce que le mode de gestion du FISAC relève du règlement.

La Commission rejette cet amendement. Elle examine ensuite l’amendement CL 3 de M. René Dosière.

M. René Dosière. Par cet amendement, nous visons à dégager des ressources supplémentaires pour l’outre-mer en supprimant la part que l’État perçoit sur l’octroi de mer.

M. le rapporteur pour avis. Le projet de loi ne déroge pas aux dispositions classiques en matière de finances publiques : lorsque l’État recouvre des taxes pour le compte de collectivités, il perçoit une part du montant du produit de ces taxes pour compenser les frais de gestion supplémentaires ainsi générés. Là encore, l’adoption de cet amendement ouvrirait une brèche dans un principe général. Avis défavorable.

La Commission rejette cet amendement. Puis, elle examine l’amendement CL 5 de M. Victorin Lurel.

M. René Dosière. Cet amendement vise à répondre à un problème dont la crise a révélé l’acuité : les prix pharamineux du pétrole outre-mer alors même que les conditions de sa distribution font l’objet de vives critiques, y compris de la part du Gouvernement. Nous proposons d’instaurer une taxe exceptionnelle sur les profits que les entreprises auront réalisés sans diminuer à due concurrence le prix des produits pétroliers qu’elles vendent.

M. le rapporteur pour avis. Je souscris aux remarques de M. René Dosière. Les Antilles sont très proches de pays producteurs mais le prix du pétrole y est très élevé. Il n’en reste pas moins que cet amendement ne relève pas de la compétence de la Commission des lois. Le président de la Commission des affaires économiques, M. Patrick Ollier, conduit actuellement une mission sur les prix des carburants. En attendant de connaître les conclusions de cette mission, qui seront rendues dans les prochains jours, avis défavorable.

La Commission rejette cet amendement. Enfin, elle examine l’amendement CL 6 de M. Victorin Lurel.

M. René Dosière. Cet amendement vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif à l’évolution du chômage des jeunes outre-mer. La question de l’avenir des jeunes me semble au moins aussi importante que celle de l’écoulement des productions agricoles locales, à laquelle, aux termes de l’article 16 ter, un rapport doit également être consacré.

M. le rapporteur pour avis. Le chômage des jeunes est évidemment une préoccupation majeure. Cela dit, l’amendement ne relève pas de la compétence de notre Commission. Je signale également qu’un des ateliers des États généraux de l’outre-mer sera consacré à la question de l’égalité des chances, de la formation et de l’accès à l’emploi, notamment pour les jeunes. Ces travaux connaîtront une traduction législative dans les prochains mois. C’est dans ce cadre que nous débattrons de l’emploi des jeunes. Avis défavorable.

La Commission rejette cet amendement.

Article 18

(art. 815-7-1 [nouveau] du code civil)


Prérogatives d’un co-indivisaire pour la remise sur le marché locatif des biens à usage d’habitation inoccupés

Dans le cadre des possibilités d’adaptation législative qu’offre l’article 73 de la Constitution, le présent article vise, pour contribuer à lutter contre la pénurie de logement outre-mer, à faciliter, dans les seuls DOM (15), la remise sur le marché locatif des logements indivis vacants, même en l’absence d’accord des indivisaires, en permettant à un co-indivisaire de décider non seulement la mise en location mais aussi des travaux d’amélioration facilitant celle-ci.

1. Les problématiques spécifiques de l’indivision outre-mer

« Le ravage que peut faire dans nos villes l’impossible gestion des successions et des indivisions est considérable » a déclaré M. Serge Larcher, sénateur de la Martinique. Le recensement de 1999 fait état pour la Martinique de 18 685 logements vacants, en majorité pour cause d’indivision, soit un taux de vacance de 12 % sur un parc de logements évalué à 155 853. En se dégradant, ces immeubles posent de graves problèmes de salubrité et de sécurité. Ils contribuent également à dégrader l’image de beaucoup de quartiers, notamment dans les centres. De surcroît, ce phénomène urbain, très répandu, connaît une forte progression. Un grand nombre de ces logements échappe à toute réhabilitation ou restauration.

Dans l’ensemble des DOM, un nombre élevé de biens immobiliers, qu’il s’agisse de terrains nus ou d’immeubles bâtis, sont soumis au régime de l’indivision. Il n’est ainsi pas rare de constater que certains biens sont la propriété d’indivisions relevant de plusieurs générations, ce qui a pour effet de faire cohabiter parfois plusieurs dizaines de co-indivisaires, rendant ainsi particulièrement difficile l’administration de l’indivision.

La création d’un régime spécifique de l’indivision en outre-mer est une volonté relativement ancienne, puisqu’un dispositif semblable avait d’ores et déjà été discuté à l’occasion de l’examen de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer, mais n’avait pu alors être adopté compte tenu de l’importance de son caractère dérogatoire.

2. Un régime général trop contraignant outre-mer, malgré un récent assouplissement

Le régime de l’indivision, organisé par les articles 815 et suivants du code civil, se caractérise par la concurrence de droits de même nature exercés sur un même bien ou un ensemble de biens, qu’il s’agisse d’en user (« usus »), d’en jouir (« fructus ») ou d’en disposer (« abusus ») : dès lors, à l’ouverture d’une succession, chaque héritier est propriétaire indivis des biens du défunt pour sa quote-part uniquement, sans pouvoir exercer de droit privatif sur une partie déterminée.

En principe, l’accord unanime de tous les indivisaires est nécessaire pour l’exercice de ces différents droits.

Toutefois, afin de faciliter la bonne gestion des biens indivis malgré l’inaction de certains membres de l’indivision, la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a d’ores et déjà apporté plusieurs assouplissements dans les actes pouvant être effectués par un seul indivisaire pour le compte de l’indivision. Désormais, un indivisaire titulaire d’au moins deux tiers des droits indivis peut par exemple effectuer les actes d’administration relatifs aux biens indivis, mais aussi conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal. Il doit néanmoins, pour ce faire et sous peine d’inopposabilité, en informer les autres indivisaires.

Le consentement de tous les indivisaires demeure en revanche requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que la vente du bien indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision (article 815-3 du code civil).

Un indivisaire qui ne remplirait pas la condition relative aux droits indivis peut cependant être autorisé en justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d’un co-indivisaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci met en péril l’intérêt commun. L’acte passé dans les conditions fixées par l’autorisation de justice est alors opposable à l’indivisaire dont le consentement a fait défaut (article 815-5 du code civil).

Par ailleurs, en matière d’indivisions successorales, en cas d’inertie, de carence ou de faute d’un ou plusieurs héritiers dans l’administration d’une indivision, de leur mésentente, d’une opposition d’intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale, l’article 813-1 du code civil autorise désormais le juge à désigner toute personne physique ou morale en qualité de mandataire successoral, à l’effet d’administrer provisoirement la succession. Dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés, le mandataire successoral représente l’ensemble des héritiers pour les actes de la vie civile et en justice.

Il n’en demeure pas moins que, malgré ces différentes procédures, le régime actuel de l’indivision rend difficile la mise sur le marché de logements vacants ou inoccupés outre-mer. Ainsi, il n’est pas rare que des logements restent inoccupés pendant plusieurs années, voire soient purement et simplement laissés à l’abandon, faute d’accord entre les indivisaires sur l’utilisation du bien commun.

3. Instauration d’un régime de l’indivision spécifique dans les DOM et à Saint-Martin

Le présent article doit permettre de résoudre plus facilement et plus rapidement des situations dans lesquelles certains indivisaires ont abandonné toute gestion, en apportant les moyens de contourner des indivisaires minoritaires dormants et irresponsables.

Dans sa version initiale, non modifiée par la commission des Finances du Sénat, le présent article apportait un assouplissement au régime légal de l’indivision en vigueur dans les seuls départements d’outre-mer, en ajoutant un nouvel article 815-5-1 dans le chapitre VII du livre III du code civil.

Cet article précisait qu’un indivisaire pourrait, sans l’accord des autres indivisaires :

—  d’une part entreprendre des travaux d’amélioration, de réhabilitation et de restauration de l’immeuble indivis ;

—  d’autre part accomplir tous les actes d’administration et les formalités de publicité afférents à ces travaux.

Cette possibilité serait ouverte lorsque cinq conditions seraient réunies :

1- l’immeuble indivis doit être à usage d’habitation ;

2- l’immeuble doit être inoccupé depuis plus d’une année civile ;

3-  le consentement de tous les co-indivisaires ne peut être obtenu ;

4-  les travaux, actes et formalités engagés doivent avoir pour objet de mettre en location le logement à usage d’habitation principale ;

5- l’indivisaire doit avoir été désigné mandataire successoral dans les conditions prévues aux articles 813-1 et suivants du code civil.

Cet article a été réécrit par un amendement adopté en séance publique à l’initiative de M. Virapoullé au nom de la commission des Lois du Sénat, sous-amendé par le Gouvernement. (16)

Sur un plan formel, la nouvelle disposition a été placée non pas après l’article 815-5, mais après l’article 815-7 du code civil où elle a davantage sa place.

Sur le fond, les modifications apportées conduisent à un élargissement du champ du nouveau dispositif et à des modifications des conditions requises.

a) Un champ doublement élargi

—  Alors que le dispositif initial était réservé aux seuls DOM, la commission des Lois du Sénat a souhaité dans un premier temps l’étendre à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, collectivités qui connaissent une situation proche de celle des DOM en matière d’indivision et pourraient de ce fait bénéficier également du régime dérogatoire prévu par le présent article. En séance publique, l’amendement a été rectifié pour ne plus viser que les DOM et Saint-Martin, au bénéfice des explications du ministre, qui a rappelé que la collectivité de Saint-Barthélemy est compétente en matière de logement.

—  Alors que le dispositif initial était réservé à la mise sur le marché locatif des locaux à usage d’habitation, l’amendement de la commission des Lois a étendu le dispositif aux immeubles à usage mixte d’habitation et professionnel, dans le souci de faciliter la mise sur le marché locatif du plus grand nombre possible d’immeubles.

La commission des Lois du Sénat avait procédé par amendement à un troisième élargissement du dispositif : alors que le dispositif initial avait pour seule finalité que de donner à bail l’immeuble indivis à des personnes physiques qui feraient du logement concerné leur résidence principale, l’amendement de la commission des Lois permettait l’utilisation du dispositif pour la mise en location, de façon plus générale, à usage d’habitation, que ce soit à titre principal ou non. La commission avait en effet jugé que l’exigence requise par le projet initial portait un risque de faire émerger a posteriori des contentieux sur la validité de la procédure.

La seconde partie du sous-amendement du Gouvernement adoptée en séance a cependant précisé la nature des biens pouvant être donné à location, limités aux seuls biens donnés à bail « à titre d’habitation principale ». L’objet du régime dérogatoire mis en place par le présent article est en effet d’aider à la relance de la politique du logement ; il doit donc être limité aux biens donnés à location à titre principal pour ne pas porter une atteinte injustifiée à l’indivision.

b) Les prérogatives du co-indivisaire

Le champ des prérogatives exorbitantes du droit commun accordées à l’indivisaire a été précisé par le Sénat. Celui-ci pourra :

—  d’une part, exécuter les « travaux d’amélioration, de réhabilitation et de restauration » de l’immeuble indivis. Il est à noter que, conformément aux règles générales applicables en la matière, ces travaux seront exécutés aux frais de l’indivision (17) ;

—  d’autre part, accomplir tous les « actes d’administration et les formalités de publicité », ce qui exclut de fait tous les autres actes de disposition sans qu’il soit nécessaire de le mentionner expressément.

Dans le cadre du dispositif ainsi prévu, il pourra être procédé à tout acte d’administration, qui peut être défini comme tout acte d’exploitation ou de mise en valeur du patrimoine qui ne présente pas de risque anormal, telle la signature d’un mandat avec un professionnel de l’immobilier pour la recherche de locataires ou la conclusion du contrat de bail lui-même.

Le rapporteur de la commission des Lois du Sénat a rappelé que, même en l’absence de renvoi exprès, le co-indivisaire exécutant les travaux sera soumis à l’ensemble des obligations prescrites par les articles 815-8, 815-12 et 815-13 du code civil : ainsi, dès lors qu’il percevra les revenus locatifs ou exposera des frais (notamment liés à l’exécution des travaux dans le logement) pour le compte de l’indivision, il devra en tenir un état mis à la disposition des indivisaires. De même, il sera tenu compte des dépenses engagées sur ses deniers personnels pour la conservation du bien tout comme il devra répondre des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur de ce bien par son fait ou par sa faute.

c) Les conditions encadrant l’exercice de ces prérogatives exorbitantes du droit commun

—  La condition tenant à l’absence de consentement des co-indivisaires a été supprimée

La Commission des Lois du Sénat a supprimé l’exigence selon laquelle le consentement de tous les indivisaires n’a pu être obtenu, jugeant que cette exigence était superfétatoire dès lors que le recours à un juge présuppose l’absence d’accord des indivisaires sur l’utilisation du bien.

—  Des garanties procédurales

Le nouvel article 815-7-1 prévoit une autorisation préalable du co-indivisaire « en justice dans les conditions prévues aux articles 813-1 à 813-9 ». Ce renvoi présente un intérêt de nature procédurale : l’autorisation donnée à l’indivisaire de mettre en location un bien indivis et d’y réaliser les travaux nécessaires sera donnée par le juge dans les mêmes conditions procédurales que la désignation d’un mandataire successoral. Dès lors, les demandes formées en application du nouvel article 815-7-1 seront portées devant le président du tribunal de grande instance ou son délégué qui statuera en la forme des référés, ce qui constitue une procédure rapide, simple et peu onéreuse, le ministère d’avocat n’étant pas obligatoire. En outre, les pouvoirs de l’indivisaire désigné seront soumis aux mêmes limites que celles fixées au mandataire et il pourra également être dessaisi par le juge dans les mêmes conditions que le mandataire.

—  Allongement du délai de vacance à deux ans et précisions quant à la nature de la vacance

Dans sa version initiale, le projet de loi rendait possible l’exercice des prérogatives exorbitantes du droit commun spécifiques dès lors que l’immeuble indivis était inoccupé depuis plus d’une année civile.

La Commission des Lois du Sénat a apporté une double modification à cette condition. Elle a estimé en premier lieu que la référence à la seule occupation est de nature à entraîner des effets peu souhaitables et en second lieu que ce délai était trop court et l’a porté à deux ans :

—  Le pouvoir exorbitant reconnu à l’un des indivisaires ne semble légitime que si le bien est dépourvu, en réalité, de toute occupation -soit, au sens juridique, parce qu’il est vacant, soit, en pratique, parce qu’il ne fait pas l’objet d’une occupation effective. Or, il est tout à fait concevable que le logement soit de manière seulement saisonnière occupé par certains membres de l’indivision, dès lors qu’ils disposent du droit de jouissance sur le bien indivis en application de l’article 815-9 du code civil. Dans une telle hypothèse, il ne semble pas légitime d’autoriser le recours à la nouvelle procédure mise en place par le présent article. La commission des Lois du Sénat a donc proposé par amendement que ne soit autorisée la nouvelle procédure que pour les logements vacants ou ne faisant pas l’objet d’une occupation effective.

—  Compte tenu des délais de règlement des successions, le délai de vacance d’un an paraît insuffisant et ne témoigne pas nécessairement d’un réel blocage entre les indivisaires ou de problèmes de succession. C’est pourquoi la commission des Lois du Sénat l’a porté par amendement à deux ans.

Lors de l’examen en séance publique de cet article, la question de la durée d’inoccupation de l’immeuble au terme de laquelle un indivisaire peut, sous réserve qu’il remplisse les autres conditions, engager la procédure nouvelle a fait débat : Mme Lucette Michaux-Chevry, sénatrice de la Guadeloupe, s’est déclarée favorable au délai d’un an en raison du risque de voir des squatters s’installer dans les logements inoccupés. Elle a en revanche jugé inutile la précision selon laquelle l’indivisaire est autorisé à faire les travaux, sans avoir à réunir la majorité des indivisaires comme jusqu’ici, estimant que c’est à la justice de l’y autoriser, après avis d’un expert mandaté par lui.

M. Jean-Paul Virapoullé, rapporteur pour avis au nom de la commission des Lois, a utilement rappelé qu’il convenait de distinguer deux cas :

—  s’agissant des immeubles qui menacent ruine, c’est le juge qui en effet est amené à prendre une ordonnance à la demande d’un indivisaire ;

—  en revanche, pour les travaux de remise en état d’un logement en vue de le louer, il faut aujourd’hui réunir la majorité des indivisaires, un indivisaire seul ne pouvant saisir le juge pour remettre le bien en état afin de le louer.

Votre rapporteur pour avis souscrit pleinement à la création d’un régime spécifique de l’indivision dans les DOM et à Saint-Martin compte tenu de l’importance, dans ces territoires, du nombre de logements laissés vacants en raison de problèmes de succession, et de la nécessité de mobiliser ces habitats dans le cadre d’une politique volontariste du logement.

Il estime que ce régime spécifique est d’autant plus aisé à mettre en œuvre que la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a déjà sensiblement assoupli les principes généraux du régime de l’indivision, en mettant notamment fin à l’exigence d’obtenir l’unanimité des co-indivisaires pour certaines décisions, ce qui rend plus acceptable la dérogation posée par le présent article pour les DOM et Saint-Martin.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

Article 19

Autorisation de création d’un groupement d’intérêt public chargé de la reconstitution des titres de propriété pour les bien fonciers qui en sont dépourvus dans les DOM

Le présent article autorise la création par décret en Conseil d’État d’un groupement d’intérêt public chargé de reconstituer les titres de propriété des biens fonciers qui en sont dépourvus, afin, notamment, de sortir des situations d’indivision, à l’instar du dispositif récemment créé en Corse.

1. Les difficultés dues à l’absence de titres de propriété dans les DOM

Il est souvent malaisé dans les départements d’outre-mer de reconstituer les origines d’une propriété ou de finaliser les listes d’indivisaires. On y constate en effet encore souvent une transmission « orale » du patrimoine, ainsi que l’existence de titres de propriété anciens, souvent imprécis sur la désignation du bien concerné et parfois contradictoires avec des données cadastrales rénovées et récentes.

En outre, le nombre d’indivisions successorales pour lesquelles les attestations de propriété n’ont pas été établies est important, souvent du fait de l’impossibilité d’établir la dévolution successorale ou du non-règlement de successions sur plusieurs générations, faute de retrouver l’ensemble des co-indivisaires, qui peuvent résider en métropole ou à l’étranger. Les cas de contestations de propriété ne sont pas rares.

Dès lors, une telle situation présente de très lourds inconvénients en matière de logement :

—  elle complique grandement la tâche de la puissance publique pour la constitution de réserves foncières destinées au logement social ;

—  elle peut constituer un facteur de blocage pour le montage d’opérations de type « logement évolutif social en secteur diffus » (lorsque la personne se prétend propriétaire d’un terrain) ou d’amélioration de l’habitat (cas d’une subvention versée à une personne qui se prétend propriétaire d’un logement qu’elle occupe).

Il apparaît donc pleinement nécessaire de pouvoir reconstituer les origines de la propriété et d’établir les listes d’indivisaires.

2. Un groupement d’intérêt public sera créé pour reconstituer les titres de propriété dans les DOM

Le présent article autorise la création d’un groupement d’intérêt public (GIP) chargé de rassembler les éléments permettant de reconstituer les titres de propriété dans les seuls départements d’outre-mer. Votre rapporteur pour avis propose que cette compétence soit étendue à Saint-Martin, par cohérence avec le dispositif prévu à l’article 18.

a) La nature juridique du GIP : application du droit commun

Le I du présent article prévoit la création d’un groupement d’intérêt public soumis au régime juridique général des GIP, tel que défini par les articles L. 341-1 à L. 341-4 du code de la recherche.

L’article L. 341-1 précise que les GIP sont dotés de la personnalité morale et de l’autonomie financière et peuvent être constitués, soit entre des établissements publics, soit entre l’un ou plusieurs d’entre eux et une ou plusieurs personnes morales de droit public ou de droit privé, dans le but d’exercer ensemble, pendant une durée déterminée, des activités relevant de leur objet ou gérer des équipements d’intérêt commun nécessaires à ces activités.

Les personnes morales de droit public, les entreprises nationales et les personnes morales de droit privé chargées de la gestion d’un service public doivent disposer ensemble de la majorité des voix dans l’assemblée générale et dans le conseil d’administration qu’elles désignent.

Le directeur du groupement, nommé par le conseil d’administration, assure, sous l’autorité du conseil et de son président, le fonctionnement du GIP ; il engage celui-ci vis-à-vis des tiers.

L’article L. 341-3 prévoit par ailleurs qu’un commissaire du Gouvernement est nommé auprès du groupement.

La convention constitutive du GIP doit être approuvée par l’autorité administrative, qui en assure la publicité. Elle détermine les modalités de participation des membres et les conditions dans lesquelles ils sont tenus des dettes du groupement. Elle indique notamment les conditions dans lesquelles ceux-ci mettent à la disposition du groupement des personnels rémunérés par eux.

En outre, tout GIP est soumis au contrôle de la Cour des comptes dans les conditions prévues par l’article L. 133-2 du code des juridictions financières.

b) L’objet du GIP : la reconstitution des titres de propriété

Le dispositif mis en place par le présent article s’inspire très largement de celui dont la création a été autorisée par l’article 42 de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, chargé de la reconstitution des titres de propriété en Corse (18).

Le I du présent article définit l’objet du GIP « chargé de rassembler tous les éléments propres à reconstituer les titres de propriété dans les départements d’outre-mer pour les biens fonciers et immobiliers qui en sont dépourvus ». À cet effet, il pourra « prendre toute mesure permettant de définir [les] biens et d’en identifier les propriétaires et créer ou gérer l’ensemble des équipements ou services d’intérêt commun rendus nécessaires pour la réalisation de son objet ».

Ce nouveau GIP pourra notamment, ainsi que cela a été indiqué à votre rapporteur pour avis, procéder à un inventaire de dossiers auprès des notaires, des avocats et des tribunaux, mais aussi d’opérations d’aménagements publics auprès des collectivités locales et des administrations de l’État ; il dressera aussi l’inventaire des situations foncières relevant des collectivités territoriales et des affaires de promotion immobilière auprès des professionnels du secteur (agents immobiliers, architectes...) ; il procédera en outre au relevé et à l’analyse des informations cadastrales et hypothécaires, ainsi que des informations fiscales liées aux successions et aux marchés immobiliers.

c) L’organisation et le fonctionnement du GIP

Les paragraphes II et III du présent article déterminent les modalités d’organisation du GIP.

Le GIP sera constitué :

—  de l’État ;

—  des conseils régionaux des ROM ;

—  d’associations des élus locaux des régions concernées, notamment les associations des maires des différents DOM ;

—  de représentants des officiers publics ministériels intéressés des régions concernées, notamment des représentants des notaires et des huissiers.

Il pourra également accueillir, dans la mesure où la convention constitutive le prévoira, toute autre personne morale de droit public ou privé, tel les conseils généraux concernés, ou des personnalités qualifiées.

Le GIP sera doté de deux organes :

—  une assemblée générale, au sein de laquelle l’État devra disposer de la majorité des voix ;

—  un conseil d’administration, au sein duquel l’État disposera également de la majorité des voix. La représentation de chacun des autres membres du GIP au conseil d’administration du groupement sera déterminée par la convention constitutive du GIP. En outre, le III du présent article précise que le président du conseil d’administration est désigné après avis des présidents des conseils régionaux de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion. Il a été indiqué à votre rapporteur pour avis qu’il serait nommé par arrêté du ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, sur le modèle du président du conseil d’administration du GIP pour la reconstitution des titres de propriété en Corse.

Le IV précise quant à lui que le personnel du groupement sera constitué de personnes mises à disposition par ses membres en application de l’article L. 341-4 du code de la recherche, donc rémunérés par eux. Il offre par ailleurs la possibilité au GIP de recruter, en tant que de besoin, des agents contractuels de droit public ou de droit privé.

Votre rapporteur pour avis s’interroge sur l’organisation matérielle du GIP qui devra de fait être adaptée à la dispersion géographique des DOM, ce qui pose la question de la création éventuelle d’antennes régionales ou du moins plaide pour un fonctionnement déconcentré. La commission des Lois du Sénat avait d’ailleurs adopté un amendement, déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, tendant à autoriser une double structure, l’une compétente pour la région Antilles-Guyane, l’autre pour l’océan indien, de manière à tenir compte de la diversité des situations des départements d’outre-mer. Elle avait relevé qu’« en tout état de cause, le présent article constituant seulement une autorisation législative, il reviendra(it) aux collectivités et personnes morales intéressées de décider de la création d’une telle structure. »

d) Les prérogatives du GIP

Pour l’accomplissement de la mission du GIP, le V du présent article précise que celui-ci, ainsi que les personnes qu’il délègue, « peuvent se faire communiquer de toute personne, physique ou morale, de droit public ou de droit privé, tous documents et informations nécessaires à la réalisation de la mission du groupement, y compris ceux contenus dans un système informatique ou de traitement de données à caractère personnel, sans que puisse leur être opposé le secret professionnel. »

En contrepartie, le personnel du GIP est tenu au respect de la confidentialité des informations recueillies sous peine de sanction pénale : à défaut, ils encourront une peine d’emprisonnement d’un an et une amende de 15 000 euros (article 226-13 du code pénal) ainsi que des peines complémentaires prévues par les articles 226-31 et 226-32 du code pénal (19).

Une exception à ce principe est toutefois prévue afin d’autoriser la communication des informations recueillies aux officiers publics ministériels, lorsqu’elles sont nécessaires à l’exercice de leurs missions. Le but du GIP est en effet de reconstituer les titres de propriété afin qu’ils soient par la suite utilisés par les notaires dans le cadre de l’établissement de successions ou de ventes immobilières.

e) La possibilité de constituer un fichier de données à caractère personnel, sous le contrôle de la CNIL

Contrairement au système mis en place en Corse, le projet de loi dans sa version initiale n’offrait pas la possibilité de créer un fichier de données à caractère personnel, alors même que le GIP serait appelé à traiter, à collationner et à conserver les informations dont il a communication. Pas plus n’exigeait-il l’avis préalable de la Commission nationale de l’informatique et des libertés alors même que le GIP pourrait se faire communiquer des informations contenues dans un système informatique ou de traitement de données à caractère personnel.

Dans un amendement, par ailleurs déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution (cf supra), la commission des Lois du Sénat avait proposé d’autoriser expressément le GIP à mettre en place et à gérer des fichiers de données à caractère personnel. Cette création et cette gestion devaient intervenir dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Pour répondre à cette lacune laissée dans le texte, le Sénat a adopté un amendement présenté par M. Patient et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, visant, sur le modèle de l’article 42 de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, à apporter des garanties concernant la création d’un fichier de données à caractère personnel et la saisine de la Commission nationale de l’informatique et des libertés :

—  Le VI du présent article autorise le GIP à créer, pour l’accomplissement de sa mission, un fichier de données à caractère personnel dans les conditions définies par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

—  Le VII précise que le décret en Conseil d’État qui déterminera les conditions d’application du présent article sera pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en ce qui concerne les dispositions d’application des V et VI.

Au total, votre rapporteur pour avis souscrit pleinement à l’institution d’un tel GIP dont les travaux vont faciliter la tenue, à l’avenir, des informations foncières et, de ce fait, sécuriseront les opérations ultérieures portant sur des biens immobiliers, qu’il s’agisse de ventes ou de transmissions successorales. Il salue les précisions qui ont été apportées par le Sénat, notamment les garanties apportées en matière de constitution d’un fichier de données à caractère personnel.

*

* *

La Commission est saisie de trois amendements, CL 7, CL 8 et CL 10, du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Ces trois amendements visent à étendre à Saint-Martin la compétence du groupement d’intérêt public dont la création est prévue par le texte. Saint-Martin connaît en effet une situation proche de celle des DOM. En outre, une telle modification met en cohérence le champ des compétences du GIP avec le champ d’application du régime dérogatoire mis en place à l’article 18 en matière d’indivision.

L’amendement CL 7 étend à Saint-Martin la compétence du GIP ; le CL 8 étend la composition du GIP au conseil territorial de Saint-Martin et apporte une précision rédactionnelle en supprimant le terme inutile de « concernées », toutes les régions d’outre-mer étant représentées dans cette instance ; le CL 10 précise, par cohérence, que le président du conseil d’administration du GIP sera également nommé après avis du président conseil territorial de Saint-Martin.

M. René Dosière. Il y a deux ans, nous avons décidé de transformer Saint-Martin, qui était une commune, en collectivité autonome de l’outre-mer. Cette nouvelle collectivité détient les compétences d’une commune, d’un département, d’une région, ainsi qu’une partie des compétences de l’État.

La commune de Saint-Martin était probablement la plus mal gérée de France. Un rapport de la chambre territoriale des comptes – remis peu après le vote de la loi – a mis en évidence un déficit de fonctionnement supérieur à 60 % des recettes. Outre qu’il est impossible d’obtenir la liste du personnel, le directeur des services techniques occupe en même temps un certain nombre d’emplois dans le secteur privé. Bref, c’est l’exemple type, avec Saint-Barthélemy, de ce qu’il faut éviter dans l’outre-mer ! Rappelons aussi que le Parlement avait décidé de créer un siège de député pour chacune de ces deux collectivités, disposition fort heureusement censurée par le Conseil constitutionnel.

Je ne suis pas sûr que c’est en procédant de cette façon que l’on améliorera l’image de l’outre-mer auprès des métropolitains.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je suis certain d’une chose, c’est que la commission des Lois n’a à rougir ni des votes qu’elle a émis sur le sujet au cours de cette législature ni des conséquences que ces votes ont eues.

Mme George Pau-Langevin. Pourquoi ces amendements ne portent-ils pas aussi sur la collectivité de Saint-Barthélemy ?

M. le rapporteur pour avis. Parce qu’elle est déjà compétente en matière de logement alors que Saint-Martin ne le sera qu’à partir de 2012.

Pour répondre à M. Dosière, je considère que l’extension des compétences du GIP chargé de reconstituer les titres de propriété devrait nous permettre d’entrer dans un cercle que j’espère vertueux.

M. René Dosière. On peut toujours « rêver en couleurs », comme on dit au Québec.

La Commission adopte ces trois amendements successivement mis aux voix. Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 19 ainsi modifié.

Article 22

(art. L. 5112-4-1 [nouveau] du code général de la propriété des personnes publiques)


Déclassement de terrains situés dans la zone des cinquante pas géométriques pour cession à titre onéreux

Cet article vise à permettre, en Guadeloupe et en Martinique, le déclassement de terrains non occupés, situés dans les parties déjà urbanisées du littoral protégé, afin qu’ils puissent être vendus à tout personne physique ou morale, alors qu’ils ne peuvent actuellement l’être qu’aux communes et opérateurs de logements sociaux.

Il convient de rappeler qu’en application des articles L. 5111-1 et L. 5111-2 du code général de la propriété des personnes publiques, le littoral antillais fait l’objet d’un régime particulier de protection, destiné à préserver sa beauté naturelle, qui est une richesse essentielle pour la biodiversité comme le tourisme. Ainsi, dans la zone littorale dite des « cinquante pas géométriques » (20), dont la délimitation précise a été établie entre 1962 et 1974, les terrains font partie du domaine public de l’État, sauf exception (21), et doivent être préservés d’une extension de l’urbanisation.

Depuis 1996 (22), en application des articles L. 5112-1 et L. 5112-2 du même code, sont distingués au sein de cette zone (23) par le préfet, après consultation des communes, deux catégories d’espaces soumis à des régimes de protection différents :

- les espaces naturels, qui sont considérés comme tels même s’ils comportent des « constructions éparses », sont protégés et gérés par le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, ou par les collectivités territoriales avec l’accord de celui-ci ;

- les espaces urbanisés ou « occupés par une urbanisation diffuse », dans lesquels l’État peut, après les avoir déclasser, céder gratuitement des terrains aux communes et aux organismes chargés de conduire des opérations d’habitat social, selon les termes de l’article L. 5112-4 du même code.

La zone des cinquante pas géométriques, qui s’étend sur 4 277 hectares en Guadeloupe et 3 542 hectares en Martinique, est très majoritairement composée d’espaces naturels : ceux-ci couvrent respectivement 80,8 % et 72,5 % de la superficie de la zone en Guadeloupe et en Martinique (voir tableau ci-dessous).

ÉTENDUE DES ESPACES COMPOSANT LA ZONE DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES AUX ANTILLES

Espaces concernés

Superficie en Guadeloupe
(en hectares)

Proportion de la superficie totale de la zone en Guadeloupe

Superficie en Martinique
(en hectares)

Proportion de la superficie totale de la zone en Martinique

Espaces naturels

3 458

80,8 %

2 568

72,5 %

Espaces urbains

715

16,7 %

675

19,1 %

Espaces occupés par une urbanisation diffuse

104

2,5 %

299

8,4 %

Superficie totale de la zone

4 277

100 %

3 542

100 %

Source : Secrétariat d’État à l’outre-mer

Toutefois, les terrains encore disponibles hors des espaces naturels sont, le plus souvent, trop peu étendus pour permettre d’y implanter des programmes de logements sociaux importants. Afin de valoriser aussi les parcelles non occupées les plus modestes, intercalées entre des terrains plus vastes et déjà construits, le projet de loi propose d’y autoriser le déclassement préalable à la cession, non seulement aux communes et organismes déjà cités, mais également, à titre subsidiaire (c’est-à-dire si la commune ou l’organisme n’a pas souhaité acquérir la parcelle), à toute autre personne, physique ou morale. Le maintien de la priorité accordée aux personnes morales intervenant en matière de construction de logements sociaux préservera la politique correspondante, ce qui est fondamental dans les DOM où le nombre de logements sociaux demeure très inférieur aux besoins de la population.

Le projet de loi prévoit que le prix des cessions sera déterminé conformément aux règles applicables à l’aliénation des immeubles du domaine privé – ce qui est logique puisque le bien relève du domaine privé de l’État après avoir été déclassé. Selon le Gouvernement, le produit des cessions devrait être reversé aux Agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques, établissements publics de l’État dont le législateur a prévu la création en 1996 (24). Cette solution paraît logique, ces agences ayant conduit sur ces terrains des programmes d’équipement et des travaux d’amélioration de la desserte et des réseaux d’eau portable et d’assainissement.

Sur le fond, la diversification des possibilités de cession de terrains devrait permettre de dynamiser la gestion immobilière dans ces zones et, plus généralement, d’atténuer les effets économiques et sociaux de la rareté de l’espace foncier disponible aux Antilles.

Surtout, ce changement ne remettra pas en cause la protection juridique dont bénéficient, sur le littoral guadeloupéen et martiniquais, les espaces délimités comme naturels – dont le régime n’est pas ici concerné. En outre, dans les espaces urbanisés ou couverts par une « urbanisation diffuse », ses effets demeureront limités par l’obligation expresse de préserver :

– sous la forme de « coupures » entre les zones urbanisables, des « espaces naturels ouverts sur le rivage » (en application du neuvième alinéa de l’article L. 156-2 du code de l’urbanisme) ;

– les terrains couverts par des plages, espaces boisés, parcs ou jardins publics et, plus généralement, sauf justification d’un autre intérêt public exposé au plan local d’urbanisme, les « espaces restés naturels » dans les parties déjà urbanisées de la zone littorale (en vertu du paragraphe I de l’article L. 156-3 du même code).

À l’initiative de sa commission des Lois, le Sénat a précisé que les terrains susceptibles d’être déclassés et cédés à toute personne physique ou morale ne pourraient l’être que si les communes ou organismes menant des opérations d’habitat social n’en avaient pas demandé la cession, dans les six mois suivant leur mise en demeure par l’autorité administrative – qui est, en l’occurrence, l’autorité préfectorale. Cette modification du texte gouvernemental est salutaire, car l’imprécision de sa rédaction, sur ce point, risquait de générer des incertitudes juridiques et, partant, des contentieux : par quel acte juridique et dans quel délai aurait-on pu savoir que les communes ou organismes précités avaient, s’agissant des terrains susceptibles d’être vendus à d’autres personnes, « décidé de ne pas en demander la cession » à titre gratuit ? Le délai de six mois, retenu par les sénateurs, semble suffisamment long pour permettre aux communes et organismes concernés, spécialement informés et sollicités par le représentant de l’État, de se prononcer en pleine connaissance de cause.

Votre rapporteur considère que, dans ces conditions et grâce à ces précisions, l’élargissement proposé des possibilités de déclassement de certains terrains situés dans la zone des « cinquante pas géométriques », en Guadeloupe et en Martinique, paraît raisonnable et devrait favoriser l’activité économique sur le littoral de ces DOM.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22 sans modification.

Article 25

(art. L. 5142-1 du code général de la propriété des personnes publiques)


Concessions et cessions gratuites d’immeubles relevant du domaine privé de l’État en Guyane

Cet article, auquel le Sénat a apporté des corrections d’ordre rédactionnel, vise à élargir en Guyane les possibilités de cessions et concessions d’immeubles domaniaux aux collectivités territoriales et à leurs groupements, afin de stimuler les opérations d’aménagement de l’espace. Rappelons en effet qu’en Guyane, pour des raisons historiques, l’État est propriétaire de plus de 90 % du patrimoine foncier, alors le domaine des collectivités territoriales ne couvre que 0,2 % des terres – les autres terrains étant détenus par des propriétaires privés.

L’article L. 5142-1 du code général de la propriété des personnes publiques n’autorise actuellement ces opérations de cessions et concessions d’immeubles domaniaux, qui se déroulent sous le contrôle du trésorier payeur général, qu’au profit d’un nombre limité de personnes publiques :

–  au profit de collectivités territoriales, pour la concession d’immeubles domaniaux en vue de l’aménagement d’équipements collectifs, du développement de services ou usages publics, ainsi que de construction de logements sociaux (25). Le de l’article 25 du projet de loi étend le bénéfice de cette faculté aux groupements de collectivités territoriales, ce qui permettra, lorsque les collectivités le souhaiteront, de conduire à l’échelon intercommunal une politique du logement plus dynamique, grâce à une répartition plus équilibrée de cet effort entre les quartiers concernés.

–  au profit des seuls communes et établissements publics d’aménagement, pour la cession gratuite d’immeubles domaniaux, qui ne sont ni occupés ni gérés par une tierce personne, destinée à constituer des réserves foncières. Afin d’éviter une utilisation abusive de cette procédure, la loi précise que la superficie totale des cessions successives ne doit pas excéder, pour chaque commune, dix fois celle de la première cession gratuite. Rappelons qu’en vertu des articles L. 221-1 et L. 221-2 du code de l’urbanisme, les réserves foncières sont constituées d’immeubles acquis par certaines personnes publiques (État, collectivités locales et leurs groupements, ou encore établissements publics fonciers et d’aménagement) pour mener une action ou opération d’aménagement de l’espace urbain ou naturel (26), et que, tant que celle-ci n’est pas achevée, ces immeubles doivent être gérés « en bon père de famille » sans être cédé à un tiers. Le de l’article 25 du projet de loi étend le bénéfice de cette procédure à l’ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements, ce qui ouvre la voie à la cession gratuite d’immeubles domaniaux à des départements ou des régions qui souhaiteraient constituer des réserves foncières.

Enfin, le de cet article tire les conséquences logiques des modifications résultant du 2°. En effet, l’article L. 5142-1 soumettant à un accord de la commune concernée la cession gratuite d’immeubles domaniaux à un établissement public d’aménagement (seul acquéreur possible actuellement hormis la commune elle-même), l’extension des possibilités de cession à d’autres personnes publiques conduit naturellement à étendre parallèlement les cas où l’accord de la commune est requis. Ainsi, la prééminence des communes, échelon de proximité traditionnellement compétent en matière d’occupation du sol, sera préservée pour la conduite de ces politiques de constitution de réserves foncières.

Votre rapporteur estime que cet article, dont la rédaction a été techniquement améliorée par les sénateurs, présente l’intérêt de diversifier des outils disponibles pour stimuler en Guyane, en particulier au niveau intercommunal, les projets de construction de logements sociaux. En effet, cette politique essentielle y est trop souvent, comme dans la plupart de nos collectivités territoriales d’outre-mer, entravée par la rareté de l’espace foncier disponible.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 25 sans modification.

Article 26

(art. L. 330-3-1 du code de l’aviation civile)


Création d’un fonds de continuité territoriale

Cet article, entièrement réécrit au Sénat par un amendement du Gouvernement, tend à rénover la politique de soutien à la mobilité dont bénéficient les résidents ultramarins, en remplaçant par de nouvelles aides, financées par un même fonds de continuité territoriale, le passeport mobilité et la dotation de continuité territoriale.

a) Le principe de la création d’un fonds unique pour financer les aides à la continuité territoriale

Le principal changement prévu dans cet article consiste à unifier, au travers d’un nouveau fonds de continuité territoriale, le cadre de gestion de l’ensemble des aides à la continuité territoriale et à la mobilité entre l’outre-mer et la métropole. En effet, les modalités de gestion de ces dispositifs, auxquels l’État a prévu de consacrer 52,8 millions d’euros en 2009, ne sont pas satisfaisantes :

– la dotation de continuité territoriale, mise en place sur le fondement de la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer (27) pour réduire le coût des liaisons aériennes avec la métropole pour les résidents ultramarins, est financée uniquement par l’État – à hauteur de 33,3 millions d’euros en 2008 –, mais gérée en principe par les régions d’outre-mer (ROM). Or, elle n’a jamais été mise en place en Guyane et, comme le souligne le rapport public 2008 de la Cour des comptes, la diversité des critères d’éligibilité et des barèmes d’aides retenus par les différentes collectivités a débouché sur un système qui souffre d’une efficience et d’une lisibilité insuffisantes.

– le passeport mobilité, créé par un décret du 18 février 2004 (28) pour aider financièrement les jeunes ultramarins à rejoindre la métropole afin d’y suivre des études ou une formation professionnelle, se caractérise par des critères d’éligibilité trop flous et une dérive des coûts. Ainsi, entre 2003 et 2007, le nombre de bénéficiaires de cette aide a été multiplié par 2,2 (passant de 10 000 à 22 000), tandis que les dotations accordées par l’État aux organismes chargées de la gérer (29) ont été multipliées par 3,4 (passant de 7 à 24 millions d’euros). Cette aide peut, en outre, avoir pour effet pervers de priver les universités d’outre-mer d’un grand nombre d’étudiants motivés.

Le paragraphe I de cet article pose le principe de la création d’un fonds de continuité territoriale regroupant l’ensemble des ressources affectées par l’État aux divers dispositifs publics visant à favoriser la mobilité des résidents ultramarins. L’unification des enveloppes budgétaires consacrées à des politiques de mobilité présentant des finalités très proches paraît cohérente et devrait renforcer la lisibilité de l’action de l’État dans ce domaine.

Le projet de loi rappelle, dans sa nouvelle rédaction comme précédemment, qu’il revient à la loi de finances d’arrêter le niveau des ressources affectées à ce fonds. Cette solution permettra, sans remettre en cause le contrôle exercé par le Parlement lors des débats budgétaires, d’adapter aux besoins locaux le montant de cette enveloppe avec souplesse. Ce mécanisme, conforme à l’esprit de nos institutions, paraît préférable à la revalorisation automatique résultant, actuellement, de l’indexation de la dotation de continuité territoriale sur la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Le renvoi au pouvoir réglementaire de la fixation des modalités de fonctionnement du fonds paraît également légitime. En effet, ces aspects techniques présentent peu d’intérêt pour le législateur, dès lors que ce dernier a lui-même fixé la finalité et les principales règles d’attribution et de gestion des aides financées par ce biais. Le fait que, contrairement au texte aujourd’hui applicable à la dotation de continuité territoriale, il ne soit plus fait mention dans la loi de critères de répartition géographique, s’explique par la suppression du système consistant à déléguer à chaque collectivité la gestion d’une enveloppe budgétaire. Le recours à un décret simple plutôt qu’au décret en Conseil d’État, antérieurement privilégié, s’explique par la volonté de répondre plus rapidement aux vives attentes de nos compatriotes ultramarins dans cette question, qui touche à leur pouvoir d’achat.

L’amendement gouvernemental a supprimé de ce paragraphe la mention d’un plafond de ressources, fixé par arrêté ministériel, pour l’éligibilité des résidents ultramarins aux aides du fonds de continuité territoriale. Il a en effet apporté cette précision au paragraphe suivant, ce qui paraît effectivement plus approprié.

b) La nature des aides financées par le fonds et la détermination des conditions d’éligibilité

Le paragraphe II de cet article énonce pose ainsi cette même condition d’éligibilité à ces soutiens financiers, tout en précisant que l’arrêté sera signé conjointement par le ministre chargé du budget et celui chargé de l’outre-mer, ce qui permettra d’éviter une approche purement comptable de la question. Sur le fond, réserver les aides à la mobilité aux ultramarins dont les revenus sont les plus faibles devrait permettre de concentrer ses effets sur un public plus restreint, augmentant d’autant son efficacité.

Toutefois, votre rapporteur vous proposera de préciser par amendement que les plafonds de ressources fixés par arrêté ne peuvent être inférieurs à deux fois le salaire minimum garanti par la loi dans chaque collectivité territoriale concernée. En effet, s’il serait inutile de soutenir financièrement la mobilité de nos compatriotes ultramarins les plus aisés, il serait également injuste et contreproductif de priver les classes moyennes du bénéfice de ce dispositif, alors que le coût du billet d’avion pour la métropole pèse lourdement sur le budget de ces ménages. À cet égard, le renvoi à un décret pour la fixation des conditions d’application de ce paragraphe (30), n’apporte pas des garanties suffisantes.

Par ailleurs, ce même paragraphe précise la nature des aides financées par le fonds de continuité territoriale. Celles-ci peuvent être regroupées en deux catégories :

–  les aides à la continuité territoriale, appelées à remplacer celles qu’accordent actuellement diverses collectivités ultramarines grâce aux crédits de la dotation de continuité territoriale ;

–  les aides à la mobilité des lycéens, étudiants et personnes en formation professionnelle, qui se substitueront à l’actuel passeport mobilité. Il convient de souligner que le champ de ce dernier était moindre, puisqu’il ne bénéficiait pas aux élèves de l’enseignement secondaire ; cet élargissement, qui résulte de l’amendement gouvernemental au Sénat, constitue un progrès important et un signal positif adressé aux jeunes ultramarins qui doutent de leur avenir.

Les paragraphes III, IV et V de cet article, dont les conditions d’application seront fixées par décret, déclinent les aides à la continuité territoriale et à la mobilité – dont l’amendement gouvernemental adopté par les sénateurs a supprimé la mention du caractère forfaitaire –, qui pourront être financées par le fonds de continuité territoriale :

–  l’« aide à la continuité territoriale » proprement dite, permettant de réduire les coûts supportés par les résidents ultramarins lorsqu’ils voyagent entre la métropole et leur collectivité de résidence, mais aussi au sein de celle-ci (si une partie de son territoire est difficile d’accès) ou entre collectivités situées dans une « même zone géographique », ce qui vise des régions telles que les Antilles ou le Sud de l’Océan pacifique ;

–  le « passeport-mobilité études », qui prend en charge une partie des coûts de transport aérien supportés par les étudiants objectivement contraints – comme le certifiera le rectorat ou le vice-rectorat de la collectivité ultramarine concernée – de quitter leur collectivité de résidence pour poursuivre en métropole leurs études. Il convient de noter que cette aide pourra également, à Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon, être étendue aux lycéens, là encore en cas d’inexistence de la filière enseignante dans leur « collectivité d’origine » (expression inadéquate pour viser leur collectivité ultramarine de résidence habituelle et qui devra donc être corrigée par amendement) ;

–  le « passeport-mobilité formation professionnelle », qui financera en partie les frais de transport aérien, mais aussi d’installation et de formation (stages compris), exposés par les personnes, résidant habituellement outre-mer, qui sont contraintes, faute de filière locale, de poursuivre leur formation professionnelle en métropole, ou encore de rejoindre celle-ci pour participer aux épreuves d’admission à un concours.

Au vu de la rédaction des paragraphes IV et V, seules l’aide à la continuité territoriale et le passeport-mobilité formation professionnelle pourraient être cumulées – le cumul n’étant explicitement exclu que pour les autres aides. Il reviendra à un décret de préciser les conditions d’un tel cumul, conformément au dernier alinéa du paragraphe V.

Le projet de loi entraînera donc une extension, mais aussi un meilleur encadrement, des actuelles aides à la mobilité et à la continuité territoriale, auxquelles nos concitoyens d’outre-mer sont très attachés pour des raisons matérielles, mais aussi politiques – elles expriment concrètement la communauté d’affection et de destin qui unit l’ensemble des Français, en quelque point du territoire national qu’ils résident. Votre rapporteur espère que les nombreux textes d’application prévus pourront être rapidement publiés par le Gouvernement et privilégieront les formes de soutien dont la gestion sera la plus simple – à cet égard, le recours à des financements forfaitaires ne devra pas être écarté, même si le texte du projet de loi, amendé par le Gouvernement, ne mentionne plus cette caractéristique.

c) Les modalités de gestion unifiée des aides à la continuité territoriale

Le paragraphe VI de cet article précise les conditions de gestion unifiée de l’ensemble des aides financées par le fonds de continuité territoriale. Si la gestion sera, dans tous les cas, assurée par un unique opérateur – ce qui devrait permettre de gagner en clarté et d’effectuer des économies d’échelle –,deux grandes hypothèses doivent néanmoins être distinguées :

- soit l’État gère directement les aides à la continuité territoriale, ce qui est juridiquement simple, mais pas forcément plus opérationnel qu’une gestion confiée à un organe spécialisé ;

- soit l’État délègue la gestion de ces aides à un « opérateur » spécifique, personne morale qui détermine, dans le respect des règles de fonctionnement du fonds de continuité territoriale et du plafond de ressources fixées dans le décret et l’arrêté ministériel prévus au paragraphe I, les modalités de distribution des aides à la continuité territoriale. Selon les informations transmises à votre rapporteur par le Gouvernement, cette orientation serait privilégiée, l’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs de l’outre-mer ayant vocation à devenir l’opérateur unique des dispositifs de soutien à la mobilité et à la continuité territoriale entre l’outre-mer et la métropole.

Dans cette seconde hypothèse, le projet de loi prévoit que pourra être constitué dans chacune des collectivités ultramarines, un groupement d’intérêt public (GIP) regroupant l’État, des collectivités territoriales et, le cas échéant, d’autres personnes morales (de droit public ou privé, telles que des établissements publics, des associations ou des entreprises). Chacun de ces GIP locaux gérerait les aides à la continuité et à la mobilité pour le compte de l’opérateur unique, auquel il serait lié par des contrats pluriannuels de gestion : ces GIP ne feraient donc qu’appliquer les orientations définies par l’opérateur central. La constitution de chacun de ces GIP supposerait la conclusion, entre les personnes morales appelées à y participer, d’une convention qui devrait être approuvée par un arrêté ministériel, tandis que leur organisation et leur fonctionnement obéirait à des règles précisées par décret.

Enfin, à défaut de conclusion des conventions constituant ces GIP, l’opérateur unique pourrait gérer les aides dans des conditions précisées, là encore, par arrêté ministériel.

Cette architecture reposant sur un opérateur unique, placé à la tête d’un réseau de GIP locaux, a certes l’avantage de concilier unification des conditions de gestion et association d’un grand nombre d’acteurs économiques et politiques. Toutefois, le projet de loi renvoyant à un nombre considérable de textes réglementaires, sur lesquels le Parlement n’aura pas de prise directe, le Gouvernement devra faire preuve d’une grande vigilance pour éviter que la prolifération de normes, parfois inutiles, ne conduise à une organisation trop lourde et technocratique.

Le paragraphe VII de cet article tire les conséquences logiques de la rénovation du dispositif d’aide à la continuité territoriale entre la métropole et l’outre-mer, en prévoyant l’abrogation de l’article 60 de la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer, qui régit actuellement la dotation de continuité territoriale.

d) L’analyse statistique de la formation des prix pour les liaisons aériennes entre l’outre-mer et la métropole

Le paragraphe VIII de cet article, qui reprend presque intégralement la rédaction du paragraphe V du projet de loi initial, oblige les transporteurs aériens à remettre à l’administration des éléments statistiques, permettant d’analyser la formation des prix qu’elles pratiquent sur les liaisons entre la métropole et l’outre-mer.

Le Sénat a adopté, avec l’avis favorable du Gouvernement, un sous-amendement de M. Robert Laufoaulu précisant cette démarche d’analyse statistique devrait concerner l’ensemble des liaisons aériennes soumises à des obligations de service public entre la métropole et l’outre-mer, et non les seules liaisons entre la métropole et les DOM. Il n’existe en effet aucune raison d’exclure de la collecte des données les liaisons entre la métropole et les COM ou la Nouvelle-Calédonie, dès lors que les personnes résidant dans ces collectivités sont également éligibles aux aides financées par le fonds de continuité territoriale.

Alors que le projet de loi prévoit que les conditions de transmission à l’administration de ces statistiques seront précisées par décret en Conseil d’État, votre rapporteur vous proposera par amendement d’opter plutôt pour un décret simple. En effet, la nature des informations figurant dans ces documents, qui ne mettent pas en jeu les droits fondamentaux et ne soulèvent pas des questions juridiques particulièrement complexes, ne justifie pas le recours à cette procédure plus lourde, qui risquerait en revanche de retarder l’application de la disposition.

Il vous sera en outre proposé, dans un souci de transparence, de préciser dans la loi que le Parlement doit être destinataire chaque année d’une synthèse des données statistiques ainsi collectées (document qui ne devra, bien évidemment, par faire apparaître les données purement commerciales). La représentation nationale disposera ainsi d’un outil supplémentaire pour évaluer l’amélioration des conditions de desserte aérienne de toutes les collectivités territoriales d’outre-mer.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL 11 de M. Victorin Lurel.

M. René Dosière. Par cet amendement, qui tend à supprimer les I à VII de l’article 26, nous souhaitons éviter que la dotation de continuité territoriale ne soit « recentralisée ».

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cet amendement remet en cause le principe même de la réforme proposée, à savoir l’unification de la gestion des aides à la continuité territoriale au profit des personnes résidant outre-mer. La gestion actuelle est si disparate qu’elle a engendré un système à la fois peu lisible et coûteux.

La Commission rejette cet amendement.

Puis elle examine l’amendement CL 12 de M. Victorin Lurel.

M. René Dosière. Cet amendement, rédigé par Victorin Lurel, tend à ce que les ressources affectées au fonds de continuité territoriale soient indexées sur l’évolution de la DGF.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Plutôt que d’indexer, comme le propose l’amendement, les ressources du fonds de continuité territoriale sur l’évolution de la DGF, il est préférable de procéder à leur fixation dans le cadre de la loi de finances. Tout d’abord, la DGF n’a aucun rapport avec la continuité territoriale ; ensuite, les ressources du fonds doivent évoluer avec souplesse, en fonction de l’évolution des besoins ; enfin, il est plus conforme à l’esprit de nos institutions que la loi de finances fixe de telles dépenses, avec une vue d’ensemble des finances publiques.

La Commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL 13 de M. Victorin Lurel.

M. René Dosière. Il s’agit là aussi d’un amendement de M. Victorin Lurel, qui reprend une ancienne revendication des gens de l’outre-mer. Ceux-ci considèrent en effet que la dotation de continuité territoriale pour l’outre-mer, de création récente, s’inspire du système mis en place pour la Corse mais que les crédits qui lui sont alloués sont bien inférieurs. D’où cet amendement visant à aligner la dotation de continuité territoriale outre-mer sur le système applicable en Corse.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Premièrement, la rédaction de l’amendement ne me semble pas juridiquement recevable. Deuxièmement, la comparaison entre les DOM et la Corse ne me semble pas pertinente. En dépit de son insularité, la Corse fait partie de la métropole.

La Commission rejette cet amendement.

Elle adopte ensuite six amendements de précision ou rédactionnels, CL 23, CL 24, CL 25, CL 26, CL 27 et CL 28, du rapporteur pour avis.

Puis la Commission examine l’amendement CL 14 de M. Victorin Lurel.

M. René Dosière. Il est bien évident que les crédits du fonds de continuité territoriale finiront dans les caisses des compagnies aériennes. En dépit des efforts des pouvoirs publics, celles-ci maintiennent des tarifs extraordinairement élevés. Il y a un vrai problème de liaison aérienne entre la métropole et l’outre-mer. Cet amendement vise à donner au Gouvernement les moyens de vérifier si l’argent alloué a été bien utilisé.

M. le rapporteur pour avis. Le problème est réel. À titre d’exemple, il n’existe encore aucune liaison directe entre la métropole et Mayotte.

Cela dit, les aides à la continuité territoriale seront versées aux résidents ultramarins et non, comme semble l’indiquer cet amendement, aux compagnies aériennes. En outre, exiger de ces dernières qu’elles remettent à la Commission nationale d’évaluation leur comptabilité analytique porterait atteinte à la confidentialité d’informations relatives à leur situation et à leur stratégie commerciale, dans un secteur dont il est souhaitable qu’il demeure concurrentiel.

Avis défavorable, donc.

Mme George Pau-Langevin. C’est un sujet très important pour les personnes de l’outre-mer. Il me paraît singulier d’invoquer l’argument de la confidentialité alors que les compagnies en question, souvent de très grande taille, publient régulièrement leurs comptes. Elles affirment qu’elles sont obligées de fixer des tarifs beaucoup plus élevés que pour New York ou Saint-Domingue. Pourquoi nous serait-il interdit de comprendre le mécanisme de formation des prix pour l’outre-mer ?

Par ailleurs, M. Yves Jégo et M. Patrick Karam, délégué interministériel à l’égalité des chances des Français d’outre-mer, ont annoncé la mise en place de mécanismes destinés à améliorer la continuité territoriale. Ces mécanismes figurent-ils dans le texte qui nous est soumis ?

M. Michel Hunault. Les liaisons aériennes sont un problème dont M. Dosière a raison de souligner l’importance. Si cet amendement devait être rejeté, ne pourrions-nous pas nous engager à traiter la question parallèlement à la discussion de ce texte ?

M. Dominique Perben. Je souscris à ce qui a été dit. Je ne sais si la solution proposée dans l’amendement est la bonne mais, en tout état de cause, on ne peut nous opposer la confidentialité. Depuis qu’il n’y a pratiquement plus de concurrence vers les Antilles, les prix ont flambé. À la Réunion, le service est très médiocre. Il faut que le Gouvernement nous dise précisément ce qu’il en est. Franchement, je crois que le Parlement doit exercer ses pouvoirs constitutionnels sur le sujet.

M. René Dosière. Pourquoi ne pas créer une mission d’information ?

M. Dominique Perben. Il y a trop de proximité entre certaines compagnies aériennes et le ministère des transports.

Mme George Pau-Langevin. C’est pourtant le gouvernement auquel vous apparteniez, monsieur Perben, qui a supprimé les vols vacances sociaux attribués à des résidents antillais de métropole. Ces derniers ne bénéficient pas du mécanisme de la continuité territoriale censé remplacer ce dispositif et ils sont obligés de payer les vols à des tarifs exorbitants. Il n’est prévu aucune obligation de service public en ce sens pour les compagnies aériennes. Je suis tout à fait favorable à la création d’une mission d’information.

M. René Dosière. En outre, il est toujours très difficile de trouver des places dans des vols vers l’outre-mer. La situation n’a guère évolué depuis les années 1980.

M. le rapporteur pour avis. Le problème est bien réel. Je propose d’ailleurs un amendement, n° 30CL, à l’article 26, visant à offrir au Parlement un outil synthétique annuel établi à partir des données statistiques transmises à l’administration. Nous insisterons pour que ce document traite effectivement de la question des transports.

La constitution d’une mission d’information est un vrai sujet, mais il relève de la Commission des affaires économiques.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Cette création serait peut-être opportune mais elle n’est pas de notre compétence. Je vous propose d’en saisir par écrit mes collègues des affaires économiques et des finances.

La Commission rejette cet amendement.

Puis elle examine l’amendement CL 29 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Plutôt qu’un décret en Conseil d’État, un décret simple paraît juridiquement suffisant et plus rapide pour fixer les conditions de transmission à l’administration des statistiques relatives aux prix des liaisons aériennes.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Le décret en Conseil d’État est souvent un élément de standing qui alourdit inutilement les procédures. Y avoir systématiquement recours n’a aucun sens.

La Commission adopte cet amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 30 du rapporteur pour avis.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Le rapporteur pour avis a déjà présenté cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 26 ainsi modifié.

Après l’article 26

La Commission est saisie de l’amendement CL 15 de M. Victorin Lurel.

M. René Dosière. M. Victorin Lurel présente un amendement relatif à la représentativité syndicale dans les départements d’outre-mer.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Il est indéniable que la représentativité syndicale souffre de certaines imperfections outre-mer mais on ne peut modifier les critères de son appréciation sans un dialogue social et des négociations.

Mme George Pau-Langevin. On peut juger trop intransigeantes ou trop dures les organisations qui se sont manifestées dans le récent conflit, cela ne les empêche pas d’être les principales forces sociales existantes. On peut entretenir la fiction des règles nationales de la représentation syndicale, mais chacun sait que, lors d’un conflit, on a tout intérêt à avoir des interlocuteurs juridiquement qualifiés.

La Commission rejette cet amendement.

Article 28

(art. 2295 du code civil)


Suppression de l’obligation de domiciliation de la caution dans le ressort de la cour d’appel dans lequel elle est demandée

Le présent article vise à supprimer l’obligation faite par l’article 2295 du code civil à une caution à un contrat de résider dans le ressort de la cour d’appel dans lequel elle est demandée. Une telle exigence est devenue de fait obsolète avec le développement de moyens rapides et fiables de communication.

Si l’application de cet article dépasse le cadre de l’outre-mer, elle permettra notamment de supprimer l’obligation faite en matière de prêt immobilier ou de prêt à la consommation aux étudiants originaires d’outre-mer installés en métropole de disposer d’une caution résidant sur le territoire métropolitain.

1. Les lacunes actuelles du droit applicable, malgré une avancée récente

Une caution s’engage envers le créancier à satisfaire à l’obligation contractée par un débiteur, si ce dernier n’y satisfait pas lui-même.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 2295 du code civil exige du débiteur obligé de fournir une caution de proposer une personne présentant trois exigences cumulatives :

—  la capacité de contracter, dès lors que le cautionnement a un caractère contractuel ;

—  la propriété d’un bien suffisant pour répondre de l’objet de l’obligation, c’est-à-dire pour satisfaire à l’obligation de paiement en lieu et place du débiteur ;

—  un domicile fixé dans le ressort de la cour d’appel où la caution doit être donnée.

Cette dernière règle, établie aux seules fins de protéger les intérêts du créancier, connaît déjà quelques amodiations : elle n’exclut pas que le créancier accepte une caution ne remplissant pas cette condition de domiciliation ; en outre, la condition relative au domicile n’est pas applicable à la caution qui a fourni et consigné un nantissement en espèces ; il est enfin admis un domicile élu.

Toutefois, si cette exigence s’expliquait en 1804, à une époque où il était nécessaire pour le créancier bénéficiant de l’engagement de cautionnement de connaître le lieu où il pouvait exiger l’exécution par la caution de son obligation, elle se révèle aujourd’hui inutile et présente même un caractère particulièrement discriminatoire pour les personnes originaires d’outre-mer lorsque, résidant en métropole, la présentation d’une caution est exigée.

Ces considérations ont d’ores et déjà conduit à la suppression, par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, de cette exigence de domiciliation en matière de cautionnement d’un bail à usage d’habitation, qui figurait jusqu’alors à l’article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Pour autant, cette modification ponctuelle a laissé subsister les dispositions générales de l’article 2295 du code civil et donc l’obligation tenant à la domiciliation de la caution hors des cautionnements concernant les baux d’habitation, en particulier dans le cadre des prêts à la consommation et des prêts immobiliers.

2. Des lacunes comblées par le présent article

Cet article n’a fait l’objet au Sénat que de modifications rédactionnelles.

Le I du présent article réécrit l’article 2295 du code civil en lui apportant deux modifications :

—  il supprime la mention selon laquelle la caution doit avoir son domicile dans le ressort de la cour d’appel dans lequel elle est demandée ;

—  il complète l’article par une disposition précisant que le créancier ne peut pas refuser la caution d’un débiteur au motif que cette caution ne réside pas dans le ressort de la cour d’appel dans lequel elle est demandée.

Le II du présent article prévoit que la nouvelle rédaction de l’article 2295 du code civil s’applique dans les îles Wallis et Futuna, ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie.

Il n’est en effet pas nécessaire de préciser expressément qu’elle s’applique à Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon pour lesquels s’applique le principe d’identité législative. Par ailleurs, la Polynésie française étant compétente en matière de droit des contrats, une telle mention n’est pas requise.

Votre rapporteur pour avis souhaite faire deux remarques au sujet de cet article, auquel il souscrit par ailleurs pleinement :

—  Le champ de l’article 2295 du code civil n’étant pas spécifique aux citoyens ultramarins, la modification proposée par le présent article aura un impact général sur le système de cautionnement ;

—  l’introduction d’un nouvel alinéa au sein de l’article 2295, précisant la signification de la suppression de la mention de la domiciliation de la caution, a pour conséquence de prévenir toute discrimination à l’encontre des étudiants originaires d’outre-mer. La domiciliation n’est non seulement plus une condition d’octroi de la caution, mais elle est également un argument irrecevable en cas de refus de la caution.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

Article 28 ter

(art. 17, 19, 19-1 et 22 de l’ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des noms et prénoms des personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte)


Conditions de la révision de l’état civil à Mayotte

Cet article, dont l’insertion dans le projet de loi résulte de l’adoption par le Sénat d’un amendement du Gouvernement, vise à renforcer l’efficacité de l’organisation spécifique mise en place à Mayotte, depuis 2001, pour réviser un état civil dont les défaillances demeurent très importantes.

a) Le contexte particulier de la révision de l’état civil à Mayotte

En effet, cet état civil, parfois très mal conservé, demeure lacunaire et peu fiable, ce qui prive de nombreux habitants de Mayotte des moyens de circuler librement et de faire valoir leurs droits, tout en facilitant les fraudes documentaires, dans une collectivité où les étrangers en situation irrégulière représentent environ le tiers de la population.

Pour remédier à cette situation, une ordonnance du 8 mars 2000 (31) a confié la gestion de l’ensemble de l’état civil aux mairies – les cadis, magistrats de droit musulman, étaient auparavant chargés de la gestion de l’état civil pour les mahorais relevant du statut personnel de droit local – et créé, pour 5 ans (durée ensuite portée à 10 ans), une Commission de révision de l’état civil (CREC) présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire. Or, comme l’a constaté sur place, au début du mois de février dernier, une délégation de votre Commission, « les conditions actuelles de fonctionnement de la CREC ne permettent pas d’envisager à court terme l’achèvement de ses travaux » (32) : le poste de président de la CREC demeure vacant depuis le mois d’août 2008, le nombre de décisions rendues baisse chaque année (du fait du grand nombre d’erreurs matérielles) et devient inférieur aux nouvelles demandes (33), la coordination, la formation juridique et l’équipement informatique des administrations impliquées sont inadaptés.

La perspective d’une départementalisation de Mayotte, dont le Gouvernement a annoncé qu’elle pourrait intervenir dès 2011, rend plus urgente encore la fiabilisation et la stabilisation de l’état civil à Mayotte.

b) La détermination des noms et prénoms des Mahorais de droit local devant la Commission de révision de l’état civil (CREC)

Le de cet article, qui résulte d’un sous-amendement de la commission des Lois du Sénat à l’amendement gouvernemental, vise à modifier l’article 17 de l’ordonnance du 8 mars 2000, afin de repousser du 31 décembre 2008 au 31 juillet 2010 le délai accordé aux Mahorais ayant saisi la CREC pour choisir le nom et les prénoms portés sur leur nouvel état civil, alors que l’amendement du Gouvernement proposait de confier à la seule CREC la fixation du nom – celle du prénom demeurant libre, conformément à l’article 12 de l’ordonnance. En effet, lors des débats, le Sénateur Christian Cointat a estimé, s’agissant de la fixation des noms et prénoms des demandeurs soumis au statut personnel de droit local, que la décision ne devait pas revenir à la CREC car il serait préférable de « laiss[er] les Mahorais choisir parmi les vocables familiaux ».

Il convient de rappeler que la notion de nom patronymique, qui n’existe pas dans les pays de tradition musulmane, demeure mal comprise à Mayotte, et que l’état civil ne fait bien souvent référence qu’à des « vocables » – l’article 11 de l’ordonnance du 8 mars 2000 prévoit d’ailleurs que les noms qui pouvaient, jusqu’au 31 décembre dernier, être librement choisis par les demandeurs devaient l’être parmi les « vocables figurant dans leur acte de naissance », ceux « servant à identifier leurs ascendants », ou les « surnoms sous lesquels elles justifient par tout moyen être connues dans leur commune de résidence ».

Votre rapporteur, qui s’est rendu récemment à Mayotte, a toutefois été averti des problèmes posés par les saisines successives de la CREC par des personnes dont les demandes évoluent, ainsi que par le fait que des noms patronymiques différents étaient choisis par les enfants d’une même famille. Ces considérations, comme le contexte de fraude documentaire qui caractérise l’environnement régional, ne plaident pas pour le rétablissement de la faculté, pour les personnes saisissant elles-mêmes la CREC, de décider elles-mêmes de leur nom patronymique. Il est en revanche normal que la liberté du demandeur prévale pour le choix du prénom, qui n’aura d’ailleurs pas d’incidence sur l’état civil de ses propres descendants. Il vous sera donc proposé par amendement de rétablir la modification de l’article 11 de l’ordonnance telle qu’elle avait été proposée par le Gouvernement, en l’assortissant toutefois d’une modification de son article 17 visant à rouvrir, jusqu’au 1er janvier 2010 seulement, le délai accordé aux demandeurs pour indiquer à la CREC le prénom qu’ils ont choisi.

c) L’assouplissement des règles de fonctionnement de la CREC

Le de cet article, qui résulte également du sous-amendement de la commission des Lois du Sénat, vise à préciser, à l’article 19 de la même ordonnance, que le préfet de Mayotte ou son représentant, siégeant dans la CREC aux côtés du grand cadi et des élus locaux, a la qualité de vice-président de celle-ci. Cette modification, ajoutée à celle prévue au 3°, devrait permettre à la CREC de se réunir lorsque le magistrat chargé de la présider doit être remplacé par le représentant de l’État.

Le , de même origine, tend à insérer au sein de l’ordonnance un nouvel article 19-1, permettant au magistrat qui préside la CREC de statuer seul lorsqu’il ne juge pas nécessaire la collégialité, d’une part, et autorisant la CREC à délibérer en présence de l’agent public qui la préside (magistrat ou préfet) et de l’un de ses autres membres. Un assouplissement des conditions de quorum propres à la CREC devrait effectivement favoriser une progression plus rapide de ses travaux.

Toutefois, votre rapporteur estime que le dispositif proposé a l’inconvénient de permettre à la CREC de fixer l’identité des personnes sans magistrat, sans pour autant garantir la présence du préfet autorisé à le remplacer – le 2° de l’article 19 de l’ordonnance autorisant le préfet, vice-président, à être représenté par une autre personne à la CREC. En effet, le nouvel état civil des demandeurs pourrait ainsi être décidé par une formation seulement composée d’un fonctionnaire représentant le préfet et d’un conseiller municipal représentant son maire, ce qui ne semble pas apporter des garanties requises pour l’établissement de tels actes. Il vous sera donc proposé par amendement de préciser qu’indépendamment de la possibilité de décider à juge unique sur les demandes adressées à la CREC, la formation collégiale peut être valablement réunie dès lors qu’y participent au moins deux de ses membres, dont l’un doit obligatoirement être le préfet ou le magistrat qui la préside.

d) La limitation des délais et du champ de la saisine de la CREC

Le de cet article vise à limiter le délai accordé aux Mahorais pour saisir la CREC, en prévoyant que cette saisine doit être effectuée avant le 31 juillet 2010 – date résultant du sous-amendement déjà évoqué, l’amendement gouvernemental ayant prévu que ce délai serait fixé au 31 décembre 2010. Rappelons que la CREC devra avoir achevé ses travaux au plus tard en 2011, ce qui implique qu’elle arrête et respecte une stricte programmation de ses travaux pour la période restant à courir, et que le flux des nouvelles demandes s’arrête rapidement. Depuis sa création en 2001, les Mahorais dont l’état civil était défectueux, leurs conjoints, ascendants, descendants, collatéraux au deuxième degré et leurs ayants droit ont disposé d’un délai important pour saisir la CREC, qui a déjà rendu près de 80 000 décisions. La persistance de cette possibilité, combinée à la lenteur des travaux de la CREC, au dynamisme de la natalité insulaire (34), aux nombreuses erreurs matérielles commises (35) et aux soupçons de fraudes, repousse indéfiniment la stabilisation de l’état civil mahorais, en faisant apparaître comme normales et permanentes des procédures exceptionnelles.

Votre rapporteur vous propose donc de prévoir par amendement que la CREC ne pourra plus être saisie à l’initiative des particuliers à compter du 31 mars 2010, soit environ un an avant la fin de ses activités – ce dernier délai devant être entièrement consacré à la résorption du stock des dossiers et, de manière marginale, à l’examen des dossiers nouveaux que le parquet pourra encore lui transmettre après le 31 mars 2010, en application du second alinéa de l’article 21 de l’ordonnance.

Enfin, le , non modifié par les sénateurs, s’inscrit dans une logique similaire de maîtrise du flux de nouveaux dossiers, en prévoyant que les seules demandes de révision examinées de plein droit par la CREC, sans avoir à justifier d’un « motif légitime », sont celles qui concernent :

- les naissances antérieures à 1950 (contre 1920 précédemment) ;

- les mariages célébrés avant 1970 (contre 1950 précédemment).

Cette modification est d’autant plus fondée que les actes d’état civil des périodes antérieures sont aujourd’hui, lorsqu’ils n’ont pas été égarés, dans un état de conservation si catastrophique que leur consultation n’est, bien souvent, d’aucun secours. De fait, la préservation de l’avenir de Mayotte implique aujourd’hui de concentrer les efforts de la CREC sur les générations actives, dont l’implication dans la vie collective et familiale aura le plus de conséquences juridiques.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL 31 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement, élaboré à la lumière des enseignements d’une récente mission à Mayotte en compagnie de M. René Dosière et de M. Philippe Gosselin, vise à favoriser un achèvement, aussi rapide et ordonné que possible, des travaux menés depuis 2001 à Mayotte par la commission de révision de l’état civil (CREC), dont la présidence demeure vacante depuis le mois d’août 2008.

Pour remédier à une partie des dysfonctionnements constatés, il est ici proposé :

– de ne rétablir la possibilité pour les Mahorais de choisir librement leurs prénoms (lesquels n’engagent pas leur descendance) que jusqu’au 31 mars 2010, tandis que le nom patronymique devrait continuer d’être fixé par la CREC ;

– de permettre au magistrat présidant la CREC de décider seul pour les affaires les plus simples, tout en garantissant, pour les autres affaires, que la formation collégiale est composée d’au moins deux membres de la CREC, dont ce magistrat ou le préfet lui-même ;

– de prévoir que le délai limite accordé aux Mahorais pour saisir la CREC expirera le 31 mars 2010 plutôt que le 31 juillet 2010, afin que l’arrêt du flux des nouvelles demandes permette à la CREC de consacrer sa dernière année d’existence à la résorption du stock des dossiers, dont le nombre s’élève à plus de 16 000 au 31 décembre 2008.

M. le président Jean-Luc Warsmann. En ne faisant pas en sorte que ce poste soit pourvu, le Gouvernement fait preuve d’un manque de sérieux, voire de désinvolture. Il faut le lui dire avec fermeté.

M. le rapporteur pour avis. Notre rapport avait déjà alerté sur cette situation.

M. René Dosière. Même s’il représente un progrès par rapport à celui du Sénat, cet amendement est encore insuffisant. La CREC ne peut fonctionner avec un seul magistrat : il suffit que ce dernier soit absent pour que tout le fonctionnement soit bloqué. Il en faudrait donc au moins deux, assistés d’un secrétaire général – un directeur de préfecture, par exemple – pour assurer la gestion administrative et encadrer les enquêteurs de terrain. Actuellement, ces derniers sont laissés à eux-mêmes.

Sur 190 000 habitants, Mayotte compte 62 000 étrangers, dont 12 000 possèdent un titre de séjour et sont donc connus. Cela fait donc 50 000 clandestins ! Dans une situation aussi explosive, la Chancellerie ne trouve rien de mieux que de laisser un poste vacant ! Il suffirait pourtant de consentir les efforts financiers nécessaires pour que les candidats se précipitent.

Il est donc essentiel d’augmenter les effectifs de cette commission. Malheureusement, l’amendement que je voulais déposer à cette fin se heurte à l’application de l’article 40. Il reste que si le Gouvernement continue à faire preuve de tant de désinvolture, nous allons au-devant de graves problèmes.

M. Jean-Paul Garraud. Je ne comprends pas comment la présidence de cette commission peut être vacante alors que l’autorité judiciaire est représentée à Mayotte. Rien n’empêche un des magistrats locaux de l’assumer.

M. le rapporteur pour avis. Pour illustrer cette désinvolture et ce manque de sérieux dans cette affaire, je signale que les 39 enquêteurs n’ont actuellement pas de capitaine : il s’agit d’une sorte de bateau ivre.

Actuellement, l’intérim de la présidence de la commission – je rappelle qu’il s’agit d’un travail à plein temps – est assuré par un magistrat du tribunal supérieur d’appel.

En séance, nous demanderons donc au Gouvernement de prendre des engagements afin que ce poste soit pourvu et que soit également créé un poste de secrétaire général.

La Commission adopte l’amendement CL 31, puis donne un avis favorable à l’adoption de l’article 28 ter ainsi modifié.

Article 29

(art. 141-1à 141-4 [nouveaux], art. 143, art. 144-1 et art. 414-1 [nouveau] du code minier)


Répression de l’orpaillage clandestin

Cet article complète et renforce le dispositif répressif de lutte contre l’orpaillage clandestin, auquel votre rapporteur avait consacré des développements dans son avis sur les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2009 (36). L’orpaillage clandestin, consistant à extraire illégalement de l’or dans les rivières, est très largement pratiqué en Guyane, même s’il est, par définition, impossible de quantifier précisément ce phénomène. Les groupes d’orpailleurs sont constitués en véritables bandes organisées qui acheminent des pays voisins du matériel d’extraction et de production de la main-d’œuvre clandestine et la logistique nécessaire à la survie de villages entiers (vivres, armes et carburants, pour l’essentiel).

L’origine du terme "orpaillage"

Il existe deux types d’ors en Guyane : l’or primaire, contenu dans la roche et l’or alluvial, qui provient de l’érosion des roches, et se trouve sous forme des pépites et des paillettes dans le lit des rivières. Il est nécessaire de fouiller dans les sédiments pour le découvrir. Une fois la présence d’or confirmée dans un lieu donné, les orpailleurs détournent le cours des rivières pour libérer les vallées alluviales. Les alluvions sont alors liquéfiés par un jet d’eau à haute pression puis la boue formée est aspirée par des pompes et répandue sur des systèmes de tapis inclinés. L’or, plus lourd, se dépose et se trouve piégé dans les fibres, tandis que la boue est mise à décanter dans de grandes fosses (les "barranques").

À l’origine, les trafiquants utilisaient des  tapis de paille pour cette opération, d’où le terme "orpaillage".

Le présent article accroît la répression de ces pratiques en renforçant les sanctions pénales applicables et en modifiant les conditions dans lesquelles peut intervenir la poursuite des auteurs de ce type d’infractions.

1. L’arsenal répressif actuel ne dissuade pas les orpailleurs clandestins

a) Malgré une politique volontariste menée contre les orpailleurs…

Depuis plusieurs années, le Gouvernement a mis en œuvre une politique de coopération interministérielle accrue dans la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane. Les actions répressives menées grâce au renforcement des moyens humains et logistiques ont permis la destruction de véritables villages clandestins, mais aussi la saisie de divers matériels utiles à l’extraction aurifère (carburant, pompes ou matériel de chantier, notamment) et un accroissement des reconduites à la frontière des étrangers en situation irrégulière interpellés sur les sites.

Afin d’optimiser l’emploi des forces armées en Guyane, le protocole « Toucan », signé le 29 juin 2006 par le préfet du département et le commandant supérieur des forces armées, vise à renforcer le rôle des 2 000 militaires présents (hors gendarmerie) dans le cadre de missions diverses, notamment de lutte contre l’immigration et l’orpaillage clandestins. Ainsi, le nombre d’opérations de contrôle en forêt profonde pour lutter contre l’orpaillage clandestin dites « opérations anaconda » n’a cessé d’augmenter, passant de 37 en 2003 à 113 en 2007. Pour l’année 2007, les opérations anaconda ont permis la saisie ou la destruction de matériels estimés à 23 millions d’euros. À la suite de ces opérations, 691 étrangers en situation irrégulière ont par ailleurs été reconduits à la frontière.

Conformément à l’engagement pris par le Président de la République au début de cette année, aux opérations anaconda ont succédé les opérations dites « harpie », qui ont bénéficié de renforts militaires supplémentaires et permis, en quatre mois, un résultat supérieur à celui des opérations anaconda . Dans l’avis budgétaire précité, votre rapporteur pour avis évoquait les résultats des opérations harpie menées de mars à juin 2008 (saisie de 19 kg d’or et 211 kg de mercure, un montant de saisies et de destructions estimé à plus de 28 millions d’euros, reconduction à la frontière de 666 étrangers en situation irrégulière). Depuis lors, ces opérations se sont amplifiées, permettant un véritable assèchement des flux logistiques des orpailleurs et le démantèlement de nombreux chantiers clandestins.

Au total, depuis leur lancement, ce sont quelque 201 missions qui ont permis l’interpellation de 779 étrangers en situation irrégulière, la saisie de 19 kilos d’or et de 193 kilos de mercure. Le montant des saisies et des destructions est estimé à plus de 26 millions d’euros. 32 personnes ont été mises en examen, dont 20 sont aujourd’hui incarcérées.

b) … l’orpaillage clandestin demeure un fléau

Les implications du l’orpaillage clandestin en Guyane sont importantes :

—  Un accroissement de l’immigration illégale en provenance du Surinam et surtout du Brésil

Étant donnée la situation géographique de la Guyane, notamment ses 520 kilomètres de frontières avec le Surinam et ses 580 kilomètres de frontières avec le Brésil, l’orpaillage clandestin constitue un appel d’air pour une immigration massive de travailleurs transfrontaliers illégaux, en provenance de ces pays. Les sites d’orpaillage, situés en plein cœur de la forêt amazonienne, facilitent l’installation durable des clandestins et des regroupements estimés parfois à plusieurs centaines d’habitants. Le nombre total de travailleurs clandestins serait compris entre 3 000 et 15 000.

—  Des conséquences très néfastes pour la santé des populations locales

L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) évalue à 70 % la part des enfants amérindiens du Haut Maroni qui présentent des concentrations de métal supérieures aux normes de l’Organisation mondiale de la santé. L’utilisation massive par les orpailleurs de mercure, qui permet d’amalgamer les paillettes d’or, est une des causes de ce phénomène.

—  Des dégâts très lourds causés à l’environnement

Cette activité porte aussi dramatiquement atteinte à l’environnement guyanais, le mercure polluant les sols et les eaux. L’office national des forêts estime à plus de 1 300 kilomètres la longueur des cours d’eau pollués et à 12 000 hectares la surface de forêt concernée, ce chiffre ayant été multiplié par trois entre 2000 et 2006. Ce sont des pans entiers de la forêt guyanaise qui disparaissent année après année.

—  Un préjudice pour l’activité légale d’extraction aurifère en Guyane

À titre indicatif, la production d’or officielle était de 2,7 tonnes d’or en 2006, mais le chiffre effectif d’exportation de 5 tonnes. Ce décalage provient notamment de l’orpaillage clandestin, qui porte préjudice à l’activité légale d’extraction d’or.

c) Un dispositif répressif insuffisant

Il apparaît que l’arsenal répressif actuel ne dissuade pas suffisamment les orpailleurs clandestins qui ne sont aujourd’hui passibles que de contraventions douanières ou d’une faible peine d’emprisonnement prévue par le code minier, alors même que leur activité illicite cause des dommages considérables.

Dans les DOM, comme en métropole, l’exploitation minière ne peut intervenir que dans le cadre d’un régime administratif strict, lorsque l’État n’est pas lui-même l’exploitant. Les mines ne peuvent être exploitées dans les DOM qu’en vertu d’une concession pour l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux, ou en vertu d’une autorisation d’exploitation (37) ou d’un permis d’exploitation (38) pour les autres matières premières.

Le code minier réprime l’exploitation de mines sans détention d’une concession, d’une autorisation d’exploitation ou d’un permis d’exploitation : cette infraction spécifique, définie comme « le fait d’exploiter une mine ou de disposer d’une substance concessible sans détenir un titre d’exploitation ou une autorisation », est punie par le 1° de l’article 141 du code minier d’une peine d’emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros.

Ces sanctions pénales sont accompagnées de deux autres dispositifs récemment introduits par la loi :

—  Depuis la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, le dernier alinéa de l’article 140 du code minier permet, sur réquisition du procureur de la République, de détruire les matériels saisis utilisés par les orpailleurs irréguliers et les aménagements illégalement installés sur le domaine de l’État (39). Cette pratique, désormais systématique, permet de neutraliser entièrement un site illicite.

—  Les articles 141 et 142 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ont prorogé pour le département de la Guyane les mesures dérogatoires permettant une reconduite à la frontière rapide des étrangers en situation irrégulière, en ne donnant pas un caractère suspensif aux recours exercés contre les arrêtés du préfet. En outre, l’article 143 de la même loi a modifié l’article 78-2 du code de procédure pénale pour étendre la possibilité d’effectuer des contrôles d’identité dans la zone de passage des clandestins.

2. Le dispositif proposé renforce les sanctions pénales

Pour que le renforcement des opérations menées sur le terrain obtienne les résultats escomptés, les sanctions pénales doivent être renforcées. C’est l’objet du présent article qui complète le dispositif existant :

— d’une part, en réprimant plus sévèrement le délit d’extraction aurifère illégale prévu à l’article 141 du code des mines lorsque les faits s’accompagnent d’atteintes graves à l’environnement matérialisées par la pollution des eaux,la pollution atmosphérique, la production de déchets ou la déforestation ;

—  d’autre part, en adaptant les procédures applicables en matière de garde à vue (dont le point de départ pourra être repoussé) ;

—  enfin, tenant compte du contexte local et des conséquences économiques lourdes qui en découlent, les contraventions à l’exportation d’or natif, caractérisée par l’absence de déclaration aux douanes ou par la dissimulation frauduleuse de la marchandise, ainsi que la détention ou le transport sans justificatif d’or natif, seront érigées en délits douaniers lorsqu’elles sont commises en Guyane.

Cet article, qui n’avait fait uniquement l’objet d’améliorations rédactionnelles par la commission des Finances du Sénat a été réécrit par un amendement de M. Virapoullé, au nom de la commission des Lois, qui a apporté des modifications substantielles aux règles de procédure pénale et incriminations concernant l’orpaillage clandestin à la Guyane (40).

a) Le renforcement des sanctions pénales en cas d’exploitation minière illégale

Le du I de cet article complète les sanctions pénales applicables à l’exploitation sans titre d’une mine. Si l’objet premier de la disposition est de permettre la répression de l’orpaillage clandestin en Guyane, il est important de noter que le dispositif proposé vise l’ensemble du territoire métropolitain et des départements d’outre-mer.

● Le nouvel article 141-1 du code minier instaure une circonstance aggravante à l’incrimination prévue à l’article 141 de ce même code, dès lors que les faits s’accompagnent d’atteintes graves à l’environnement.

Le texte proposé prévoit quatre hypothèses dans lesquelles une telle atteinte pourra être constituée :

—  le fait de jeter, déverser ou laisser s’écouler dans les eaux superficielles ou souterraines, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l’action ou les réactions entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune ;

—  l’émission de substances polluantes constitutives d’une pollution atmosphérique, telle que définie par l’article L. 220-2 du code de l’environnement (41) ;

—  la coupe de toute nature des bois et forêts ;

—  la production ou la détention de déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l’air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d’une façon générale, à porter atteinte à la santé de l’homme et à l’environnement.

Dans sa version initiale, la rédaction de cet article laissait supposer que ces quatre types d’agissements n’étaient qu’une illustration possible du critère général d’atteinte grave à l’environnement. La commission des Lois du Sénat a précisé que la circonstance aggravante ne peut être appliquée qu’en présence des quatre types d’agissements décrits à l’article 141-1 du code minier. Votre rapporteur estime qu’il pourrait être envisagé de rendre ces quatre types de pollution alternatifs, compte tenu de l’importance que revêt chacun. Dès lors, la preuve d’un seul de ces types d’atteinte à l’environnement suffirait pour faire application de la circonstance aggravante.

L’article 141-1 nouveau porte les peines applicables en présence de ces circonstances à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende contre deux ans et 30 000 euros d’amende lorsqu’elles ne sont pas établies (article 141 du code minier).

Ces peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée.

Rappelons que la bande organisée est une circonstance aggravante définie à l’article 132-71 du code pénal, en vertu duquel « constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’une ou de plusieurs infractions ». Elle se distingue de la réunion par le fait « que les auteurs de l’infraction ont préparé, par des moyens matériels qui sous-entendent l’existence d’une certaine organisation, la commission du crime ou du délit » (circulaire du ministère de la justice du 14 mai 1993) : toute action improvisée exclut la qualification de bande organisée.

C’est ce que rappelle la circulaire du 2 septembre 2004 (42) : « le critère de bande organisée nécessite ainsi, outre la préméditation, une direction, une logistique et une répartition des tâches allant au-delà de la seule commission des faits en réunion. Cette circonstance aggravante doit dès lors s’analyser comme la prise en compte, après l’infraction, de l’existence d’une association de malfaiteurs qui avait pour objectif de commettre cette infraction ».

La bande organisée, notion présente dans la loi pénale dès le code de 1810 se distingue du régime juridique spécifique de répression de la criminalité organisée, dont la procédure dérogatoire est fixée au titre XXV du code de procédure pénale, depuis la loi n°2004-204 du 9 mars 2004.

L’article 706-74 de ce code précise néanmoins que les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) sont compétentes pour les crimes et délits commis en bande organisée, autres que ceux relevant de l’article 706-73 : en revanche, il ne peut être fait application dans ces cas des mesures dérogatoires d’enquête (sonorisation, écoutes, régimes spécifiques de gardes à vue…), seules les mesures de droit commun sont applicables.

La disposition contenue au présent article permettra ainsi, lorsqu’il sera établi que les faits ont été commis en bande organisée, la saisine de la JIRS de Fort-de-France. Elle permettra ainsi plus facilement de démanteler les réseaux qui bien souvent agissent depuis l’étranger.

Par ailleurs, l’avant-dernier alinéa de l’article ouvre la possibilité au tribunal d’imposer à la personne reconnue coupable de l’infraction à l’article 141-1 du code minier de procéder à la restauration du milieu aquatique, c’est-à-dire à l’élimination des éléments dont la présence a des effets nuisibles sur ce milieu.

Dans la rédaction initiale du projet de loi, il était renvoyé, pour la procédure applicable, à l’article L. 216-9 du code de l’environnement. La commission des Lois du Sénat a estimé que ce renvoi nuirait à la lisibilité du dispositif, dans la mesure où :

—  d’une part, cette disposition du code de l’environnement institue une peine alternative à la peine d’emprisonnement ou d’amende, avec ajournement de la peine, alors qu’il s’agit ici d’instaurer une peine complémentaire

—  et d’autre part qu’une procédure d’ajournement existe à l’article 144-1 du code minier (cf infra).

La rédaction du présent article reprend donc les principales dispositions procédurales contenues à l’article L. 216-9 du code de l’environnement.

La procédure visée à l’article L. 216-9 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques

Après avoir déclaré le prévenu coupable, le tribunal peut décider l’ajournement du prononcé de la peine en lui enjoignant de respecter les prescriptions auxquelles il a été contrevenu.

Il impartit alors un délai pour l’exécution de ces prescriptions et peut assortir l’injonction d’une astreinte dont il fixe le taux et la durée maximum, étant précisé que son montant est de 15 euros à 3 000 euros par jour de retard dans l’exécution des mesures imposées.

L’ajournement ne peut intervenir qu’une fois. Il peut être ordonné même si le prévenu ne comparaît pas en personne. Dans tous les cas, la décision peut être assortie de l’exécution provisoire.

À l’audience de renvoi, trois hypothèses peuvent être rencontrées :

1- en cas d’exécution dans le délai fixé des prescriptions visées par l’injonction, le tribunal peut soit dispenser le coupable de peine, soit prononcer les peines prévues ;

2- en cas d’exécution des prescriptions avec retard, le tribunal liquide, s’il y a lieu, l’astreinte et prononce les peines prévues ;

3- en cas d’inexécution des prescriptions, le tribunal liquide, s’il y a lieu, l’astreinte, prononce les peines et peut ensuite ordonner que l’exécution de ces prescriptions soit poursuivie d’office aux frais du condamné.

La décision sur la peine intervient au plus tard un an après la décision d’ajournement.

Le dernier alinéa de l’article précise : « Pour la liquidation de l’astreinte, la juridiction apprécie l’inexécution ou le retard dans l’exécution des prescriptions, en tenant compte, s’il y a lieu, de la survenance d’événements qui ne sont pas imputables au prévenu. »

● Le nouvel article 141-2 du code minier institue des peines complémentaires applicables aux personnes physiques reconnues coupables de l’infraction instituée à l’article 141-1 du même code. Ces personnes pourront être frappées, sur décision du tribunal, d’une ou plusieurs des peines complémentaires suivantes :

—  l’interdiction, définitive ou temporaire ne pouvant excéder cinq ans (43), d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ;

—  l’interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;

—  l’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-26 du code pénal, des droits civiques, civils et de la famille (44;

—  l’interdiction d’exercer une fonction publique, à titre définitif ou à titre temporaire, dans la limite de cinq années (45) ;

—  l’interdiction de séjour, pour une durée maximale de cinq ans, avec possibilité pour le tribunal de faire défense à la personne condamnée de paraître dans certains lieux qu’il aura déterminés et de la soumettre à des mesures de surveillance et d’assistance (46).

● Le nouvel article 141-3 du code minier prévoit la possibilité pour le tribunal d’appliquer une sanction spécifique de confiscation lorsque l’infraction visée à l’article 141-1 du code minier est constituée.

La confiscation porte sur les installations, matériels et tout bien ayant servi, directement ou indirectement, à la commission de l’infraction, ainsi que sur tout produit provenant de celle-ci. Elle s’applique quelle que soit la personne à laquelle ces biens appartiennent, dès lors qu’elle ne pouvait ignorer leur origine ou leur utilisation frauduleuse : les tiers de bonne foi ne feront pas l’objet d’une telle sanction réservée aux auteurs des faits, à leurs complices et à ceux qui ont facilité leur action.

Votre rapporteur pour avis juge cruciale la possibilité de confiscation de l’ensemble des installations, matériels et produits ayant été utilisés dans les opérations d’orpaillage clandestin : elle s’avérera particulièrement utile pour renchérir le coût des opérations d’orpaillage clandestin et retarder la constitution de nouveaux pôles lorsque des sites d’exploitation sont démantelés. Il relève toutefois qu’une telle sanction ne sera en pratique mise en œuvre, s’agissant des installations, matériels et biens ayant servi à commettre l’infraction, que si le procureur de la République n’a pas plus tôt dans la procédure fait application des dispositions du dernier alinéa de l’article 140 du code minier, qui lui permettent d’ordonner la destruction des matériels ayant servi à commettre la ou les infractions constatées par procès-verbal lorsqu’il n’existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de cette ou de ces infractions. Or, votre rapporteur fait remarquer que dans le cadre des opérations de lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane, cette destruction est quasi systématiquement ordonnée

● Le du I du présent article, modifié par la commission des Lois du Sénat, définit à l’article 143 du code minier les peines applicables lorsque l’infraction prévue à l’article 141-1 du même code aura été commise par une personne morale.

Dans sa rédaction actuelle, cet article pose le principe général de la responsabilité des personnes morales au titre des infractions prévues par les articles 141 et 142 et précise que les peines encourues par elles sont l’amende (suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal) ainsi que les peines mentionnées aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 8° et 9° de l’article 131-39 du même code.

La commission des Lois du Sénat tirant les conséquences de la généralisation de la responsabilité pénale des personnes morales a réécrit largement cet article.

Les personnes morales reconnues coupables de la nouvelle infraction encourront ainsi :

—  une peine d’amende, dont le taux maximum, en application de l’article 131-38 du code pénal, sera égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques coupables de la même infraction, soit au maximum 375 000 euros ;

—  l’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales (2° de l’article 131-39 du code pénal) ;

—  le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire (3° de l’article 131-39 du code pénal) ;

—  la fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés (4° de l’article 131-39 du code pénal) ;

—  l’exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus (5° de l’article 131-39 du code pénal) ;

—  l’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de faire appel public à l’épargne (6° de l’article 131-39 du code pénal) ;

—  la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit (8° de l’article 131-39 du code pénal) ;

—  l’affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique (9° de l’article 131-39 du code pénal).

● Le du I du présent article étend au délit aggravé prévu à l’article 141-1 du code minier la possibilité, prévue à l’article 144-1 du même code, d’ajourner le prononcé de la peine afin d’enjoindre la personne reconnue coupable de cette infraction de se conformer aux prescriptions auxquelles il a été contrevenu. Dans ce cadre, le tribunal peut impartir un délai pour l’exécution de ces prescriptions, en l’assortissant d’une astreinte dont la durée ne peut excéder un an à compter de l’ajournement et dont le montant doit être compris entre 15 à 3 000 euros par jour de retard. L’ajournement ne pourra intervenir qu’une fois, la décision pouvant être assortie de l’exécution provisoire.

Si le tribunal constate que les prescriptions ont été exécutées avec retard, il liquidera, s’il y a lieu, l’astreinte et prononcera les peines prévues. S’il y a eu inexécution des prescriptions, le tribunal liquidera, s’il y a lieu, l’astreinte, prononcera les peines et pourra ordonner que l’exécution de ces prescriptions soit poursuivie d’office aux frais du condamné.

Compte tenu de la procédure prévue à l’article 141-1, il apparaît que désormais les tribunaux auront deux moyens procéduraux distincts pour ordonner la restauration du milieu naturel endommagé par les orpailleurs : soit l’ajournement du prononcé de la peine dans cette attente, soit le prononcé d’une peine complémentaire.

b) L’adaptation du régime de la garde à vue aux contraintes locales

Le nouvel article 141-4 du code minier introduit un aménagement du régime de la garde à vue applicable en Guyane à l’encontre de personnes soupçonnées d’avoir commis l’infraction visée à l’article 141-1, cette limitation étant issue de l’amendement de la commission des Lois du Sénat.

Dans le cadre de cette procédure dérogatoire, destinée à prendre en considération les difficultés liées à l’extraction de la forêt amazonienne des auteurs présumés d’infractions, le point de départ du délai légal de la garde à vue ne commencerait pas à courir, comme en droit commun, à compter de l’interpellation, mais serait retardé jusqu’à l’arrivée dans les locaux du siège où cette mesure doit se dérouler. Sous cette réserve, les dispositions de droit commun de la garde à vue trouveraient à s’appliquer, que l’interpellation soit intervenue en flagrance ou dans le cadre d’une information judiciaire.

Cette dérogation du droit commun sera encadrée et ne pourra être mise en œuvre qu’à une double condition :

1. —  Le transfert des personnes interpellées dans le délai légal de la garde à vue, soit 24 heures prolongeable pour une nouvelle durée de 24 heures en application des articles 63, 77 et 154 du code de procédure pénale, « soulève des difficultés matérielles insurmontables », étant précisé que le procès-verbal établi par l’officier de police judiciaire devra faire mention de ces circonstances particulières ;

2. —  L’autorisation en aura été donnée par le procureur de la République ou la juridiction d’instruction.

En outre, il est précisé que ces circonstances exceptionnelles ne peuvent conduire à reporter le point de départ de plus de vingt heures.

Votre rapporteur souligne le caractère particulièrement innovant de ce dispositif : s’il existe aujourd’hui des dispositions particulières en matière de durée de la garde à vue, aucune disposition légale n’autorise en revanche un report du début de la garde à vue de personnes interpellées.

En droit commun, la garde à vue débute dès que le mis en cause est entravé dans sa liberté, quel que soit le lieu où il a été appréhendé. De même, lorsqu’une garde à vue succède à une autre mesure coercitive (une retenue douanière par exemple), le début de la mesure de garde à vue rétroagit au début de la première mesure d’atteinte à la liberté de mouvement ; elle s’impute sur celle-ci.

Pour autant, votre rapporteur pour avis note que notre code de procédure pénale actuel permet dans un autre cadre de garder, pendant un délai de vingt heures, une personne dans les locaux d’une juridiction, entre l’issue de sa garde à vue et sa comparution devant le juge (article 803-3 du code). Il s’agit de faire face aux difficultés matérielles qui empêchent l’application normale des règles du code de procédure pénale.

En outre, le dispositif proposé par le présent projet de loi consacre dans la loi une jurisprudence de la Cour de cassation qui a validé la consignation à bord d’un navire, pendant plusieurs jours, de personnes suspectées de trafic de stupéfiants en bande organisée, avant leur présentation à un juge une fois le navire arrivé au port (47). La Cour avait alors admis que l’on « déroge nécessairement aux règles de procédure pénale de droit commun pour tenir compte de la spécificité de la lutte contre le trafic illicite de stupéfiants à bord des navires en haute mer conformément aux règles du droit international et de l’impossibilité matérielle, compte tenu des délais de navigation pour rejoindre le port de déroutement, d’appliquer les règles ordinaires de la garde à vue et de la présentation à un magistrat ; que, dès lors, les éventuelles restrictions apportées à la liberté d’aller et venir de l’équipage d’un navire arraisonné autorisées en cette matière par la Convention des Nations Unies, signée à Vienne le 20 décembre 1988, ne sont pas contraires à l’article 5 paragraphe 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et ne constituent pas une rétention illégale ».

Votre rapporteur pour avis note que sur un plan pratique, les conditions mêmes de l’interpellation et du transfert dans la forêt amazonienne ne permettent le plus souvent pas de faire bénéficier matériellement les personnes appréhendées des droits essentiels de tout gardé à vue, tels que la possibilité de joindre un proche, de voir un avocat ou d’être examiné par un médecin.

Il salue les précisions apportées par la commission des Lois du Sénat qui, outre le fait qu’elle a mis en exergue que cette mesure de report ne peut intervenir que dans le cas d’une infraction visée à l’article 141-1 nouveau du code minier, a précisé expressément que le report cesse dès que la personne appréhendée est conduite dans les locaux de garde à vue, quand bien même le transfert interviendrait dans un délai inférieur à vingt heures. S’il peut être dérogé au droit commun en raison de contraintes matérielles, il ne saurait être porté une atteinte disproportionnée aux droits des mis en cause.

c) L’instauration d’un délit d’exportation d’or natif de Guyane

Le II du présent article institue, dans un nouvel article 414-1 du code des douanes, deux incriminations nouvelles, constituant des délits douaniers :

—  d’une part, l’exportation de Guyane de l’or natif, soit sans déclaration en détail ou sous couvert d’une déclaration en détail non applicable aux marchandises présentées, soit en soustrayant la marchandise à la visite du service des douanes par dissimulation (la commission des Lois a, par souci de simplification, supprimé la limitation à la dissimulation « dans des cachettes spécialement aménagées ou dans des cavités ou espaces vides qui ne sont pas normalement destinés au logement des marchandises » ;

—  d’autre part, la détention ou le transport d’or natif dans le rayon des douanes de Guyane sans présentation d’un des justificatifs imposés par l’article 168 du code des douanes, à savoir les titres de transport, titres de régie ou quittances accompagnant cette marchandise.

Il s’agit par ces dispositions, rendues possibles par l’article 73 de la Constitution qui permet l’adaptation des lois en raison des « caractéristiques et contraintes particulières » des DOM, de renforcer le caractère dissuasif des sanctions applicables. L’exportation d’or sans déclaration en douane n’est aujourd’hui sanctionnée que d’une amende maximale de 3 000 euros, en application des articles 410 à 412 du code des douanes. Si une simple amende est pleinement justifiée en règle générale, elle n’est pas suffisante en Guyane pour dissuader les trafiquants, justifiant que l’institution de deux nouveaux délits limités à ce territoire.

Ces deux délits instaurés par le présent article seront punis des peines actuellement prévues à l’article 414 du code des douanes, à savoir :

—  d’une peine d’emprisonnement de trois ans,

—  de la confiscation de l’objet de fraude, des moyens de transport, ou des objets servant à masquer la fraude ;

—  d’une amende comprise entre une et deux fois la valeur de l’objet de fraude.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL 9 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à préciser la définition des atteintes à l’environnement justifiant l’application d’une circonstance aggravante pour exploitation sans titre d’une mine.

La Commission adopte cet amendement. Elle donne ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 29 ainsi modifié.

Article 31

Ratification d’ordonnances

Cet article visait essentiellement, dans sa rédaction initiale, à ratifier dix ordonnances étendant et adaptant diverses dispositions législatives dans les collectivités d’outre-mer (COM) et en Nouvelle-Calédonie. Ces ordonnances ont été prises, entre les mois de juillet 2007 et juillet 2008, sur le fondement tantôt d’habilitations spécifiques accordées par le législateur en application de l’article 38 de la Constitution, tantôt de l’habilitation permanente qui, pour l’outre-mer, résulte de son article 74-1.

Votre Commission s’était saisie pour avis du 3° du paragraphe I de cet article dans sa rédaction initiale, ratifiant une ordonnance du 5 octobre 2007 qui modifie le statut des communes et groupements de communes en Polynésie française. Il s’agit en effet d’un texte important pour cette COM, puisqu’il vise à ériger les 48 communes polynésiennes en collectivités territoriales de plein exercice, dont les actes seraient soumis à un contrôle de légalité a posteriori. Toutefois, le Sénat a supprimé cette disposition, en la jugeant désormais inutile.

La suppression sénatoriale doit être approuvée, car le délai de ratification de cette ordonnance, prise sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution, expire dès le 6 avril prochain, date à laquelle le projet de loi soumis à la représentation nationale ne pourra pas encore être définitivement adopté. Cette situation d’urgence a conduit à insérer la même disposition dans le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, adopté définitivement par l’Assemblée nationale et le Sénat le 19 février dernier, mais le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, la jugeant étrangère à l’objet du projet de loi.

Le Gouvernement n’aura donc d’autre choix que de prendre une nouvelle ordonnance, ouvrant ainsi à nouveau un délai de 18 mois pour sa ratification comme le prévoit l’article 74-1 de la Constitution.

Par ailleurs, le paragraphe II de cet article, qui a fait l’objet d’un amendement de coordination au Sénat, procède, pour Mayotte, à un toilettage purement technique de diverses dispositions du code de l’organisation judiciaire, par anticipation du changement de régime législatif qui devrait bientôt y intervenir. En effet, le projet de départementalisation du statut de cette COM, soumis à l’approbation des électeurs le 29 mars prochain, pourrait, comme l’a indiqué le Gouvernement à la population mahoraise, se concrétiser dès 2011. Ce changement statutaire fondamental conduirait, conformément à l’article 73 de la Constitution, à rendre de plein droit applicables à Mayotte l’ensemble des lois et règlements, sauf dérogation expresse justifiée par l’existence, comme dans les actuels départements et régions d’outre-mer (DOM-TOM), de « caractéristiques et contraintes particulières », attentivement contrôlées par le Conseil constitutionnel.

Enfin, le paragraphe III tend à abroger l’article 898 du code de procédure pénale, qui prévoit qu’à Mayotte, les attributions dévolues à la commission mentionnée à l’article 706-4 du même code, chargée, dans le ressort de chaque tribunal de grande instance, d’indemniser les victimes d’infractions, sont exercées par le président du tribunal de première instance ou son délégué. Il ne s’agit ici que d’une mesure de coordination avec le 5° du paragraphe II, lequel insère dans le code de l’organisation judiciaire un nouvel article L. 522-10-1 dont le contenu est semblable – excepté le fait que le président du tribunal de première instance, exerçant les attributions de la commission, n’est plus autorisé à déléguer cette fonction à un magistrat du siège.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 sans modification.

Article 32

Habilitations à étendre, adapter et clarifier la législation outre-mer par ordonnances

Cet article habilite le Gouvernement, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, à légiférer par ordonnances pour étendre à l’outre-mer tout ou partie de la législation de droit commun en matière audiovisuelle, domaniale, postale, médicale et sociale, tout en procédant à des adaptations et à des clarifications de la législation particulière applicable dans ces collectivités. À l’instar de la commission des Lois du Sénat, votre commission ne s’est saisie que des habilitations intéressant ses compétences tenant au droit civil, au droit administratif et à la détermination de la législation applicable dans les collectivités ultramarines (habilitations prévues au 3°, 4° a) et b), 7° et 8° du paragraphe I de cet article, dans sa rédaction initiale).

Il convient de rappeler que la rédaction de ces habilitations doit être suffisamment précise pour permettre au Parlement d’apprécier, en pleine connaissance de cause, l’opportunité de déléguer, temporairement, une partie de ses prérogatives législatives au Gouvernement. Ainsi, la jurisprudence du Conseil constitutionnel oblige le Gouvernement, qui sollicite l’autorisation de légiférer par ordonnances, à « indiquer avec précision au Parlement [   ] quelle est la finalité des mesures qu’il se propose de prendre » par ce biais (48), ainsi que les « domaines d’intervention » de ces mêmes mesures (49).

a) Le champ et la nature des habilitations demandées au Parlement

Le paragraphe I de cet article fixe le champ et la nature des habilitations accordées au Gouvernement.

Dans sa rédaction initiale, son tendait à permettre au Gouvernement de prendre des ordonnances pour étendre à l’ensemble de l’outre-mer, tout en l’adaptant aux spécificités locales, le droit commun de la République en matière civile. Le Sénat a supprimé cette habilitation, en considérant qu’elle était inutile, puisque l’article 43 de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs (50) habilite le Gouvernement à étendre ses dispositions à l’outre-mer, tout en les adaptant.

Votre rapporteur approuve cette suppression et regrette que le Gouvernement ait été conduit à solliciter du Parlement une habilitation non seulement redondante, mais aussi imprécise dans son énoncé – trop général si seule l’extension de la législation relative à la protection juridique des majeurs était envisagée. En effet, même si l’habilitation relative à la protection juridique des majeurs n’avait pas déjà été accordée, l’imprécision de la nouvelle habilitation envisagée ne permettait probablement pas de respecter les exigences constitutionnelles rappelées précédemment.

Le du paragraphe I de cet article tend à autoriser le Gouvernement à moderniser par ordonnances la législation applicable à Mayotte en matière de droit civil, d’expropriation et de domanialité, ainsi que de protection sociale, afin de la rapprocher du droit commun de la République. Rappelons en effet qu’il est souhaitable que l’État anticipe dès maintenant les conséquences législatives d’une probable départementalisation du statut de cette collectivité ; en effet, le Gouvernement a annoncé que cette transformation pourrait, si la population consultée par référendum le 29 mars prochain l’approuve, intervenir dès 2011, ce qui constitue une échéance très proche.

Le a) du 4° ouvre la voie à une « actualisation » et une adaptation de l’organisation juridictionnelle propre à Mayotte, ainsi que du statut civil de droit local qui y est encore applicable aux personnes qui n’y ont pas renoncé. Le projet de départementalisation du statut de Mayotte rend indispensable la modernisation de ce droit local, qui mêle la religion musulmane et des traditions d’inspiration africaine et dont les cadis, magistrats coutumiers, sont aujourd’hui les gardiens.

Certes, des aménagements importants ont été opérés par le législateur depuis 2000 pour mieux concilier ce droit en déclin avec des principes juridiques fondamentaux, tels que la liberté du mariage ou l’égalité des droits entre tous les citoyens, indépendamment de leur sexe : les cadis n’établissent plus les actes de mariage et ne tiennent plus les registres d’état civil (51), la polygamie et la répudiation unilatérale sont exclues pour les personnes accédant à l’âge requis pour se marier à partir du 1er janvier 2005 et, pour les enfants nés après 2003, les discriminations successorales fondées sur le genre ou la nature du lien de filiation sont interdites (52). Toutefois, la transformation de Mayotte en collectivité régie par l’article 73 de la Constitution, tenant lieu à la fois de département et de région d’outre-mer, devra conduire à franchir de nouvelles étapes, en supprimant une justice cadiale qui ne permet d’assurer ni le « droit à un procès équitable » (53), ni l’égalité devant la justice, mais aussi en interdisant, dans le droit local, toutes les nouvelles unions polygames et en relevant de 15 à 18 ans l’âge légal du mariage des femmes.

Afin de respecter la jurisprudence constitutionnelle relative à la précision des habilitations et d’éviter toute ambiguïté sur la nature des adaptations que le Gouvernement serait autorisé à apporter au droit local par ordonnances, il paraît sage, comme l’a fait le Sénat à l’initiative de sa commission des Lois, de préciser que ces modifications devront avoir pour finalité d’« assurer le respect des principes constitutionnels et des droits fondamentaux ».

Le b) du 4° autorise le Gouvernement à étendre par ordonnances, tout en l’adaptant à la situation particulière de Mayotte, certains aspects de la législation de l’expropriation et de la domanialité publique, afin de mieux lutter contre l’appropriation de terrains relevant du domaine public par des personnes n’ayant ni droit ni titre. Il convient de rappeler qu’à Mayotte, collectivité d’outre-mer encore soumise à un droit de l’urbanisme spécifique, environ la moitié des constructions sont effectuées en l’absence du permis de construire requis. La rénovation de ce droit pourrait s’inspirer, en particulier pour la protection du littoral mahorais, des dispositions applicables dans la zone dite des « cinquante pas géométriques » aux Antilles.

Le du paragraphe I de cet article permettait au Gouvernement, dans sa rédaction initiale, d’instituer des procédures administratives spécifiques pour lutter contre l’immigration irrégulière et les constructions qu’elle occasionne en Martinique, en Guadeloupe, à La Réunion et à Saint-Barthélemy. Ces procédures auraient été « de la nature » de celles que le Parlement avait, en 2007 (54), autorisé le Gouvernement à instituer par ordonnances à Mayotte, à Saint-Martin et en Guyane, où l’immigration clandestine est l’une des principales causes de l’urbanisme anarchique de certains quartiers : il s’agissait alors d’assouplir les modalités d’expulsion, sous le contrôle du juge administratif, de personnes occupant irrégulièrement les terrains de personnes publiques, et de destruction des constructions illégales ainsi établies.

Le délai de dix-huit mois accordé au Gouvernement pour prendre ces ordonnances n’ayant pas été respecté et sa prolongation étant désormais impossible – ce qui a logiquement conduit le Sénat à supprimer le paragraphe III de cet article –, les sénateurs ont adopté un amendement de leur commission des Lois étendant à ces trois autres collectivités le champ de la nouvelle habilitation, et reproduisant le texte, plus explicite, de l’habilitation accordée en 2007.

Votre rapporteur approuve naturellement la finalité de telles mesures : il est d’autant plus important d’assurer le respect des règles d’urbanisme dans ces collectivités que leur littoral constitue un élément exceptionnel de leur patrimoine naturel et touristique.

Elles présentent toutefois une double fragilité constitutionnelle, parce qu’il revient au Gouvernement et non au Parlement de déposer un amendement élargissant le champ d’une habilitation (55), d’une part, et parce que l’immigration clandestine est moindre dans les collectivités antillaises et réunionnaise, justifiant plus difficilement les procédures dérogatoires qu’il est envisagé d’instituer au regard de l’article 73 de la Constitution. Par ailleurs, sur le plan de la méthode, il est regrettable que le Gouvernement soit conduit à solliciter du Parlement de nouvelles habilitations faute d’avoir utilisé les précédentes dans le délai, pourtant raisonnable, qui lui était imparti.

Votre rapporteur vous proposera donc par amendement de supprimer cette habilitation, le Gouvernement conservant la possibilité de la réintroduire par amendement lors de l’examen du projet de loi en séance publique.

Enfin, le du paragraphe I de cet article autorise le Gouvernement à moderniser et adapter les normes applicables dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

Le régime d’application des lois et règlements dans cette collectivité territoriale, rénové depuis le 1er janvier 2008 en vertu de la loi du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer (DSIOM) (56), repose essentiellement sur le principe de spécialité législative (57), selon lequel les dispositions de droit commun ne s’appliquent que si elles l’ont expressément prévu.

Sans remettre en cause ces règles, le Gouvernement envisage d’étendre par ordonnances aux TAAF le droit commun, en tout ou partie, dans de nouvelles matières législatives ayant trait au droit du travail et de la santé, aux marchés publics, aux mines et à l’archéologie, au droit forestier et de la chasse, ainsi qu’à la circulation routière. En outre, l’administrateur supérieur des TAAF, qui y représente l’État et assure notamment, à ce titre, l’ordre public, pourrait recevoir des pouvoirs de police complémentaires.

b) La fixation des délais d’adoption et de ratification des ordonnances

Le paragraphe II de cet article fixe les délais accordés au Gouvernement pour prendre les ordonnances, d’une part, et pour déposer devant le Parlement les projets de loi visant à les ratifier, d’autre part.

Le délai de dix-huit mois, à compter de la promulgation de la loi, prévu dans le premier cas, paraît raisonnable et conforme aux usages s’agissant de l’outre-mer – la consultation des assemblées délibérantes des collectivités territoriales concernées par les projets d’adaptation étant souvent requise. Rappelons qu’en vertu du deuxième alinéa de l’article 38 de la Constitution, le Conseil d’État doit être consulté sur le texte de ces ordonnances, avant qu’elles ne fassent l’objet d’une délibération en Conseil des ministres. Sitôt publiées, ces ordonnances entreront en vigueur, avec une valeur réglementaire – laquelle ne deviendra législative que lorsque le projet de loi de ratification aura été déposé devant le Parlement.

Rappelons à cet égard que, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le texte de la Constitution précise que la ratification des ordonnances doit être expresse. Le délai de six mois, à compter de la publication des ordonnances, prévu pour cette ratification est, là encore, conforme aux pratiques habituelles dans ce domaine, mais devra impérativement être respecté, l’article 38 de la Constitution prévoyant qu’à défaut, les ordonnances sont frappées de caducité.

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* *

La Commission est saisie de l’amendement CL 32 présenté par le rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement tend à supprimer une disposition relative, d’une part, aux modalités d’expulsion de personnes occupant irrégulièrement des terrains relevant du domaine public ou privé de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics et, d’autre part, à la destruction de constructions illégales réalisées à l’occasion de cette occupation.

Cette disposition présente une double fragilité constitutionnelle. En effet, le Sénat a pris l’initiative d’élargir le champ d’habilitation à d’autres territoires alors que l’article 38 de la Constitution impose une initiative gouvernementale. Par ailleurs, s’agissant de la Guadeloupe, de la Martinique et à La Réunion, il n’est pas évident que la pression migratoire, beaucoup moins élevée, permette de justifier, en matière domiciliaire, les adaptations envisagées au nom des « caractéristiques et contraintes particulières » mentionnées à l’article 73 de la Constitution.

La Commission adopte l’amendement CL 32.

Puis elle donne un avis favorable à l’adoption de l’article 32 ainsi modifié.

Article 33

Création de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer

Cet article tend à rénover les outils à la disposition des pouvoirs publics pour apprécier l’efficacité de la politique menée en faveur du développement de l’outre-mer, en créant une Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer (CNEPEOM).

Cette commission remplacerait ainsi la commission administrative, installée en juillet 2006 pour évaluer la mise en œuvre de la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer (58). Cette structure, qui a procédé à diverses auditions, a certes mis en lumière les imperfections de la politique de défiscalisation pour le secteur du logement social, mais ses travaux d’évaluation sont restés lacunaires (59). Il paraît donc souhaitable que la nouvelle CNEPEOM dispose de moyens adaptés aux missions d’évaluation qui lui seront explicitement confiées par le législateur.

Alors que le premier alinéa de cet article pose le principe de la création de la CNEPEOM, son deuxième alinéa donne des indications sur sa composition : les parlementaires représenteraient plus de la moitié de ses membres, les représentants des deux assemblées étant en nombre égal. Votre rapporteur approuve cette orientation, tout en regrettant que la loi ne détermine pas complètement la composition de cette commission. Il vous proposera donc par amendement de préciser qu’elle est également composée de représentants de l’État et de personnalités qualifiées, la fixation du nombre des représentants relevant en revanche d’un décret d’application – dont la mention, juridiquement inutile, a d’ailleurs été supprimée par le Sénat à la fin de cet article.

Le troisième alinéa de cet article fixe les missions assignées à la CNEPEOM. Celles-ci témoignent d’une approche globale du développement de l’outre-mer, qui paraît légitime tant nombre de problématiques sont communes aux différentes collectivités.

L’évaluation devrait ainsi concerner l’ensemble des mesures prises en faveur du développement économique et social de toutes les collectivités territoriales situées outre-mer (Nouvelle-Calédonie comprise), et non les seules dispositions figurant dans les trois grands titres du projet de loi – ces dernières devant faire l’objet d’un rapport public triennal. À l’initiative de sa commission des Affaires sociales, le Sénat a précisé que cette évaluation porterait notamment sur l’application de la politique du logement dans ces collectivités, ce qui paraît effectivement indispensable compte tenu du nombre trop élevé de nos compatriotes ultramarins qui rencontrent des difficultés pour accéder à un logement décent.

Votre rapporteur vous proposera par amendement de ramener à deux ans la périodicité de publication du rapport précité, car une durée de trois ans paraît trop longue, au regard de l’importante tension économique et sociale constatée récemment dans les départements et régions d’outre-mer. Ce rythme de parution du rapport public paraît techniquement raisonnable, puisqu’il est envisagé que la CNEPEOM remette chaque année, avant le 1er octobre, son rapport d’activité au Parlement et au Gouvernement, document qui abordera nécessairement ces mêmes sujets.

Par ailleurs, même s’il pourrait être plus clair encore de le préciser par amendement, il semble bien que la rédaction retenue dans le projet de loi donnera compétence au CNEPEOM pour évaluer toute mesure législative ou réglementaire, antérieure ou postérieure à la publication de la loi, dès lors qu’elle vise à favoriser le « développement économique et social » de nos espaces ultramarins.

À l’initiative de ses commissions des Finances et des Affaires sociales, le Sénat a complété cet alinéa pour préciser que l’organisation des circuits de distribution et celle des rémunérations des personnes résidant outre-mer, et notamment des fonctionnaires, devront être étudiées dans ce rapport, en raison de leur impact sur la détermination des prix à la consommation dans les différentes collectivités. Votre rapporteur estime qu’il est effectivement nécessaire d’analyser, aussi précisément qu’il est techniquement possible, les principaux facteurs économiques dont résulte le niveau des prix, qui présente outre-mer d’évidentes spécificités – pour partie liée, rappelons-le, à la géographie particulière de ces territoires, presque toujours insulaires et éloignés de la métropole.

Enfin, la CNEPEOM devant élaborer chaque année un rapport d’activité, votre rapporteur vous proposera de préciser par amendement que ce rapport est transmis au Parlement, dont tous les membres pourront ainsi disposer d’informations annuelles sur l’avancée de ses travaux d’évaluation.

Le quatrième alinéa de cet article, inséré à l’initiative de la commission des Finances du Sénat, prévoit, pour éclairer les travaux de la CNEPEOM, qu’elle sera destinataire d’un rapport annuel relatif aux dépenses de formation professionnelle que les entreprises doivent effectuer en faveur de leur personnel, si elles souhaitent bénéficier des abattements fiscaux prévus à l’article 44 quaterdecies du code général des impôts (issu de l’article 1er du projet de loi).

Enfin, le dernier alinéa de cet article abroge les articles 5 et 38 de la loi précitée du 21 juillet 2003, qui prévoyaient la transmission triennale au Parlement d’un rapport évaluant respectivement diverses exonérations de charges sociales (60) et l’impact économique et social des dispositifs de défiscalisation prévues dans le code général des impôts en faveur du développement de l’outre-mer (61). En effet, les missions d’évaluation confiées à la CNEPEOM devant englober de tels travaux, ces dispositions deviendront inutiles.

*

* *

La Commission adopte successivement trois amendements du rapporteur pour avis : le premier, CL 33, visant à préciser la composition de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer ; le deuxième, CL 34, tendant à apporter une précision ; le troisième, CL 35, ramenant de deux à trois ans la périodicité de publication du rapport d’évaluation de la loi.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 36 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il est prévu que la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer ne présente son premier rapport d’activité que dans trois ans. Il serait utile que le Parlement dispose au moins, dans cette attente, d’un rapport d’activité annuel présentant sommairement les évaluations entreprises.

La Commission adopte l’amendement CL 36.

Puis, elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 33 ainsi modifié.

Après l’article 33

La Commission est saisie d’une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 33.

Elle examine d’abord deux amendements, CL 16 et CL 18, de M. René Dosière.

M. René Dosière. Ces amendements visent à élargir la composition du congrès des élus départementaux et régionaux à des représentants de la société civile et des forces vives locales.

Après avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette successivement les deux amendements.

L’amendement CL 17 de M. René Dosière est retiré par son auteur.

Après avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette également successivement les amendements CL 19,  CL 20, CL 21 et CL 22 de M. René Dosière.

Enfin, la Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des articles dont elle s’est saisie pour avis.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article 19

Amendement CL7 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis :

À la première phrase de l’alinéa 1, après les mots : « départements d’outre-mer », insérer les mots : « et à Saint-Martin ».

Amendement CL8 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis :

À l’alinéa 2, après les mots : « régions d’outre-mer », substituer au mot : « concernées » les mots : « , du conseil territorial de Saint-Martin ».

Amendement CL10 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis :

Compléter l’alinéa 4 par les mots : « et du président du conseil territorial de Saint-Martin ».

Article 26

Amendement CL23 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis :

À la première phrase de l’alinéa 4, après le mot : « bénéficier », substituer au mot : « du », les mots : « des aides financées par le ».

Amendement CL24 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis :

À la seconde phrase de l’alinéa 4, après les mots : « pris en compte », insérer les mots : « ne peuvent être inférieurs à deux fois le montant du salaire minimum interprofessionnel établi par la loi dans chaque collectivité et ».

Amendement CL25 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis :

À l’alinéa 5, après le mot : « leur », insérer les mots : « collectivité de ».

Amendement CL26 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis :

À l’alinéa 9, substituer aux mots : « d’origine », les mots : « de résidence habituelle ».

Amendement CL27 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis :

À la seconde phrase de l’alinéa 11, substituer aux mots : « au sens du » les mots : « mentionnée au ».

Amendement CL28 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis :

À la première phrase de l’alinéa 18, après les mots : « premier alinéa du », insérer le mot : « présent ».

Amendement CL29 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis :

Après les mots : « dans les conditions fixées », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 22 : « par décret ».

Amendement CL30 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis :

Compléter cet article par la phrase suivante :

« Ces données statistiques font l’objet d’une synthèse adressée au Parlement au plus tard le 1er septembre de l’année suivant celle à laquelle elles se rapportent. »

Article 28 ter

Amendement CL31 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis, MM. Philippe Gosselin et René Dosière :

I. —  Après l’alinéa 1, insérer les deux alinéas suivants :

« 1° Le premier alinéa de l’article 11 est ainsi rédigé :

« La commission instituée à l’article 18, saisie par les personnes majeures nées avant la publication de la présente ordonnance, décide de l’établissement d’un nom figurant : ».

II. —  Substituer à l’alinéa 2 l’alinéa suivant :

« Le choix prévu à l’article 12 est exprimé devant la commission de révision de l’état civil instituée à l’article 18, ou devant un représentant de celle-ci, au plus tard le 31 mars 2010. ».

III. —  Rédiger ainsi l’alinéa 3 :

« Au 2° de l’article 19, après les mots : « à Mayotte, », sont ajoutés les mots : « vice-président, ». »

IV. —  À l’alinéa 6, substituer au mot : « juillet » le mot : « mars ».

Article 29

Amendement CL9 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis :

Rédiger ainsi les alinéas 4 à 7 :

« 1° Soit par le fait de jeter, déverser ou laisser s’écouler dans les eaux superficielles ou souterraines, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l’action ou les réactions entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune ;

« 2° Soit par l’émission de substances polluantes constitutives d’une pollution atmosphérique, telle que définie à l’article L. 220-2 du code de l’environnement ;

« 3° Soit par la coupe de toute nature des bois et forêts ;

« 4° Soit par la production ou la détention de déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l’air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d’une façon générale, à porter atteinte à la santé de l’homme et à l’environnement. »

Article 32

Amendement CL32 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis :

Supprimer l’alinéa 10.

Article 33

Amendement CL33 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis :

Compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante :

« Elle comprend en outre des représentants de l’État et, le cas échéant, des personnalités qualifiées. »

Amendement CL34 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis :

À la première phrase de l’alinéa 3, substituer aux mots : « d’aide au », les mots : « , antérieures ou postérieures à la promulgation de la présente loi, prises pour favoriser le ».

Amendement CL35 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis :

À la troisième phrase de l’alinéa 3, substituer au mot : « trois », le mot : « deux ».

Amendement CL36 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur pour avis :

Après l’alinéa 3, insérer l’alinéa suivant :

« La Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer remet chaque année au Parlement, avant le 1er octobre, un rapport d’activités qui présente sommairement les évaluations entreprises. »

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article 16

Amendement CL1 présenté par MM. Victorin Lurel et René Dosière :

Compléter l’alinéa 1 par les mots : « et est indexé sur l’évolution de la dotation globale de fonctionnement ».

Amendement CL4 présenté par MM. Victorin Lurel et René Dosière :

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Au cours de la première année de la réalisation d’un investissement, l’aide apportée par le fonds exceptionnel d’investissement outre-mer peut bénéficier aux dépenses de fonctionnement induites par ledit investissement. »

Après l’article 16

Amendement CL2 présenté par MM. Victorin Lurel et René Dosière :

Insérer l’article suivant :

« Le troisième alinéa de l’article L. 750-1-1 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée :

« "La gestion des crédits du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce est déconcentrée afin d’assurer une meilleure adaptation aux réalités locales, en particulier dans les collectivités d’outre-mer." »

Amendement CL3 présenté par M. René Dosière et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Insérer l’article suivant :

« I. —  L’article 44 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer est abrogé.

« II. —  La perte de recettes résultant pour l’État de la suppression du prélèvement pour frais d’assiette et de recouvrement sur le produit de l’octroi de mer, est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Amendement CL5 présenté par MM. Victorin Lurel et René Dosière :

Insérer l’article suivant :

« I. —  Les entreprises dont l’objet principal est, en Guadeloupe, Martinique et Guyane ou à La Réunion, d’effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants doivent acquitter, à compter du 31 mai 2009, une taxe exceptionnelle.

« Le montant de cette taxe est fixé par le Gouvernement en fonction des profits réalisés annuellement par celles-ci.

« II. —  Le produit de cette taxe vient abonder les crédits en faveur des politiques de formation professionnelle gérées par les Conseils régionaux d’outre-mer selon des modalités déterminées par décret. »

Amendement CL6 présenté par MM. Victorin Lurel et René Dosière :

Insérer l’article suivant :

« Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente un rapport au Parlement, définissant les modalités d’élaboration et de financement d’un plan pour l’outre-mer en faveur de la formation et de l’emploi des jeunes. »

Article 26

Amendement CL11 présenté par MM. Victorin Lurel et René Dosière :

Supprimer les I à VII de cet article.

Amendement CL12 présenté par MM. Victorin Lurel et René Dosière :

Compléter la première phrase du dernier alinéa du I de cet article par les mots : « et sont indexées sur l’évolution de la dotation globale de fonctionnement ».

Amendement CL13 présenté par MM. Victorin Lurel et René Dosière :

Compléter le I de cet article par la phrase suivante :

« À l’issue du premier exercice, le Gouvernement remet un rapport sur le bureau des assemblées déterminant les modalités d’extension de ce dispositif à celui applicable en Corse depuis 1976. »

Amendement CL14 présenté par MM. Victorin Lurel et René Dosière :

Compléter l’alinéa 22 par la phrase suivante :

« Les compagnies bénéficiant des crédits du fonds de continuité territoriale visé à l’article 26 de la loi n°        du            pour le développement économique des outre-mer remettent chaque année à la commission visée à l’article 33 de la même loi leur comptabilité analytique. »

Après l’article 26

Amendement CL15 présenté par MM. Victorin Lurel et René Dosière :

Insérer l’article suivant :

« Après l’article L. 2122-7 du code du travail, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« "Art. L.  …. —  En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à la Réunion, pour la mise en œuvre des articles L. 2122-1, L. 2122-4, L. 2122-5, L. 2122-7 et L. 2122-7-1 du présent code, les taux de suffrages exprimés sont rapportés à chacun des départements." »

Après l’article 33

Amendement CL16 présenté par M. René Dosière :

Insérer l’article suivant :

« L’alinéa 2 de l’article L. 5911-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rétabli :

« "Les députés, les sénateurs et les maires élus dans le département ainsi que les représentants des organisations représentatives des salariés, des employeurs, du monde sportif, associatif et culturel, qui ne sont membres ni du conseil général ni du conseil régional, siègent au congrès des élus départementaux et régionaux avec voix consultative." »

Amendement CL18 présenté par M. René Dosière :

Insérer l’article suivant :

« Avant le dernier alinéa de l’article L. 5911-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« "Ce congrès est en outre composé des représentants : des maires, des organisations représentatives des salariés, des employeurs, du monde sportif, associatif et culturel." ».

Amendement CL17 présenté par M. René Dosière [retiré] :

Insérer l’article suivant :

« Avant le dernier alinéa de l’article L. 5911-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« "Ce congrès est en outre composé des représentants des organisations représentatives des salariés, des employeurs, du monde sportif, associatif et culturel." ».

Amendement CL19 présenté par M. René Dosière :

Insérer l’article suivant :

« L’article L. 5915-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« "Il délibère également de toute proposition concernant le développement économique, social et culturel des collectivités territoriales." »

Amendement CL20 présenté par M. René Dosière :

Insérer l’article suivant :

« L’article L. 2121-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« "8° Le présent article est applicable dans toutes ses dispositions à la fonction publique outre-mer." »

Amendement CL21 présenté par M. René Dosière :

Insérer l’article suivant :

« Afin de permettre la relance de l’activité économique dans la Région Guadeloupe dont le tissu économique est composé essentiellement de Petites et Moyennes Entreprises, et de nombreuses micro-entreprises, les dettes sociales et fiscales inscrites dans les livres du Trésor Public et en recouvrement près du Trésorier Payeur Général de la Région Guadeloupe, la Direction financière et comptable de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Région Guadeloupe, les URSAFF, l’AMEXA, le RSI Guadeloupe, et autres organismes sociaux relevant ou non du Pôle Emploi de la Région Guadeloupe, pour l’ensemble des exercices comptables compris entre le 31 décembre 2000 et le 31 décembre 2008, font l’objet d’abandons de créances et d’arrêt immédiat des poursuites et autres contraintes dès promulgation de la présente loi, en urgence déclarée, pour toutes les entreprises relevant du régime fiscal de la micro-entreprise défini par les articles 293 B du CGI et autres de la loi de finances en vigueur au titre de l’année 2008, c’est à dire les entreprises individuelles dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes est inférieur à certains plafonds qui sont placées d’office sous le régime de la micro-entreprise. Les sociétés ne sont donc pas concernées. Ces plafonds sont de :

« - 80 000 euros pour les entreprises de vente de biens (à emporter ou à consommer sur place) ou de fourniture de logement (locations meublées essentiellement) ;

« - 32 000 euros pour les autres entreprises (prestations de services dans le cadre d’activités industrielles et commerciales, activités non commerciales). »

Amendement CL22 présenté par M. René Dosière :

Insérer l’article suivant :

« Un institut de la relation d’emploi et de la performance des entreprises est créé en Région Guadeloupe.

« Les modalités relatives à sa création et à son fonctionnement seront fixées par décret. »

© Assemblée nationale

1 () Conformément à la nouvelle procédure législative prévue à l’article 42 de la Constitution, tel qu’il résulte de l’article 17 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vè République.

2 () Loi n° 2008-1425 du 28 décembre 2008 de finances pour 2009.

3 () Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer.

4 () Le Sénat a ainsi ajouté au projet de loi un titre relatif au soutien au pouvoir d’achat  comprenant des dispositions très attendues, telle la possibilité pour le Gouvernement de réglementer les prix des produits de première nécessité, ce qui permettra de clarifier le système de formation des prix outre-mer et de faire la lumière sur les coûts de production réels, ou la possibilité de verser un bonus exceptionnel allant jusqu’à 1 500 euros par salarié et par an.

5 () Mme Lucette Michaux-Chevry, rappelait ainsi au Sénat : « Nous sommes, disons-le franchement, les enfants gâtés d’une France affectueusement attentive, mais le paternalisme n’est plus supporté et les jeunes aspirent à une véritable équité, à un travail ».

6 () Votre rapporteur a examiné ce dernier sujet avec d’autant plus d’intérêt qu’il s’y est rendu voilà quelques semaines dans le cadre d’une mission étudiant les perspectives de départementalisation de cette collectivité.

7 () Loi n° 86-1383 du 31 décembre 1986 relative au développement des départements d’outre-mer, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte.

8 () Loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l’emploi, l’insertion et les activités économiques dans les départements d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte.

9 () Loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer.

10 () Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer.

11 () Loi n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009.

12 () Notons d’ailleurs que les DOM étaient mentionnés un peu plus loin dans l’article, preuve que le Gouvernement n’avait nullement idée de les exclure.

13 () Rapport de MM. Marc Massion et Éric Doligé au nom de la commission des Finances, n° 232 (2008-2009), pp. 108-109.

14 () D’abord 40 millions, auxquels ont été ajoutés par la suite 75 millions, puis 50 millions.

15 () Le Sénat a adopté l’extension de l’application de cet article à Saint-Martin, cf. infra.

16 () Le sous–amendement du Gouvernement comportait deux parties. A la suite d’un vote par division, seule la seconde qui précisait la nature de l’usage du bien loué au titre d’« habitation principale » a été adoptée, contrairement à la première qui réduisait le délai de vacance du bien.

17 () Section II du chapitre VII du livre III du code civil relatifs aux droits et obligations des indivisaires.

18 () La convention constitutive de ce GIP a été approuvée par arrêté conjoint des ministres de l’intérieur, de la justice et du budget du 31 octobre 2007.

19 () Parmi lesquelles figure l’interdiction des droits civiques, civils et de famille, l’interdiction d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, ou, le cas échéant la radiation de la liste d’experts judiciaires sur laquelle les personnes pourraient être inscrites.

20 () Survivance de la période de l’Ancien régime, cette zone était alors dénommée « zone des cinquante pas du Roi ».

21 () Font toutefois exception à cette règle, en application de l’article L. 5111-4 du code général de la propriété des personnes publiques, les immeubles dépendant du domaine privé de l’État affecté aux services publics, ainsi que les parcelles dont sont propriétaires des personnes pouvant justifier de leur droit.

22 () Loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques.

23 () Il en va de même à l’intérieur des terrains qui, au 1er janvier 1995, étaient déjà « soustraits artificiellement à l’action du flot et des lais et relais de la mer ».

24 () Loi précitée du 30 décembre 1996 (article 4).

25 () Le titulaire de la concession peut ensuite bénéficier d’une cession gratuit de l’immeuble domanial.

26 () En application de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, ces opérations vise à mettre en œuvre un projet urbain, une politique en faveur de l’habitat, de l’économie, des loisirs et du tourisme, à construire des équipements de recherche ou d’enseignement supérieur, à combattre l’insalubrité, ou encore à préserver et valoriser les constructions existantes ainsi que les espaces naturels.

27 () Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer, dont l’article 60 prévoit que le montant global de la dotation de continuité territoriale, versée chaque année par l’État aux régions d’outre-mer, aux collectivités d’outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie, « évolue comme la dotation globale de fonctionnement ».

28 () Décret n° 2004-163 du 18 février 2004 relatif à l’aide dénommée « passeport mobilité ».

29 () L’État confie actuellement, par convention, la gestion du passeport mobilité au Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS), établissement public créé par le législateur en 1955 et placé sous la tutelle du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi qu’à son réseau de 28 centres régionaux (CROUS).

30 () Ce renvoi résulte du dernier alinéa du paragraphe V de cet article.

31 () Ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des noms et prénoms des personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte.

32 () Rapport d’information (n° 1 485) déposé, le 18 février 2009, par la commission des Lois sur les perspectives de départementalisation de Mayotte, cosigné par votre rapporteur, Philippe Gosselin et René Dosière.

33 () Le nombre de décisions rendues par la CREC s’est élevé à 13 527 en 2005, 9 600 en 2006, 5 600 en 2007 et 746 en 2008, année au cours de laquelle 3 490 nouvelles demandes ont été soumises à cette même commission.

34 () De ce fait, il est fréquent que, pendant l’instruction de la demande par la CREC, le demandeur devienne parent de nouveaux enfants. Dans ce cas, l’acte de naissancede l’enfant est établi au moyen de l’état civil non encore révisé de ses parents…

35 () Ces multiples erreurs, portant parfois sur l’âge mais aussi le sexe du demandeur, conduisent la CREC à réexaminer environ un tiers de ses décisions.

36 () Avis n°1203 tome 6, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2008

37 () L’autorisation d’exploitation, délivrée par l’autorité administrative pour une durée de quatre ans au plus (renouvelable une fois) confère à son détenteur l’exclusivité du droit de faire tous travaux de recherches et d’exploitation des substances qu’elle mentionne. Elle ne peut être accordée qu’à une seule personne physique ou une seule société commerciale, aucun exploitant ne pouvant obtenir dans un même département d’outre-mer, sur une période de quatre ans, plus de trois autorisations d’exploitation (articles 68 à 68-8 du code minier).

38 () Le permis d’exploitation confère à son détenteur le droit exclusif d’exploitation indivisible sur les substances mentionnées dans la décision d’octroi. Il crée un droit immobilier non susceptible d’hypothèque. Ce titre est accordé par l’autorité administrative, après enquête publique et, en principe, mise en concurrence, sous réserve de l’engagement de respecter des conditions générales. Il peut être accordé conjointement à plusieurs personnes physiques ou sociétés commerciales (articles 68-9 à 68-18 du code minier).

39 () « Le procureur de la République peut ordonner la destruction des matériels ayant servi à commettre la ou les infractions constatées par procès-verbal lorsqu’il n’existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de cette ou de ces infractions. »

40 () Cet amendement a fait l’objet d’un sous-amendement du Gouvernement visant à donner une base juridique au schéma minier en Guyane, qui, rectifié en amendement et adopté, est devenu l’article 29 bis.

41 () Elle est définie comme l’introduction par l’homme, directement ou indirectement, dans l’atmosphère et les espaces clos, de substances ayant des conséquences préjudiciables de nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes, à influer sur les changements climatiques, à détériorer les biens matériels, à provoquer des nuisances olfactives excessives.

42 () Crim 04-13 G1.

43 () Renvoi à l’article 131-27 du code pénal.

44 () En application de l’article 131-26 du code pénal, le juge pourra, pour une durée ne pouvant excéder cinq ans, priver la personne reconnue coupable de tout ou partie des droits suivants : droit de voter, d’être élu, d’exercer une fonction juridictionnelle ou d’être expert devant une juridiction, de représenter ou d’assister une partie devant la justice, de témoigner en justice autrement que pour y faire de simples déclarations, d’être tuteur ou curateur sauf, le cas échéant, de ses propres enfants.

45 () Renvoi à l’article 131-27 du code pénal.

46 () Renvoi à l’article 131-31 du code pénal.

47 () Cass. Crim. 15 janvier 2003.

48 () Décision du Conseil constitutionnel n° 76-72 DC du 12 janvier 1977 « Territoire français des Afars et des Issas ».

49 () Décision du Conseil constitutionnel n° 86-207 DC des 25-26 juin 1986 « Diverses mesures d’ordre économique », établissant une jurisprudence confirmée, comme celle du 12 janvier 1977, dans la décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 « Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit ». Cette dernière rappelle notamment que « l’article 38 de la Constitution fait obligation au Gouvernement d’indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu’il présente, la finalité des mesures qu’il se propose de prendre par voie d’ordonnances ainsi que leur domaine d’intervention ».

50 () Loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs.

51 () Modifications introduites par l’ordonnance n° 2000-219 du 8 mars 2000 relative à l’état civil à Mayotte.

52 () Modifications résultant de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer.

53 () Tel qu’il résulte de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.

54 () Loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer (article 19, 7° du paragraphe I).

55 () Le premier alinéa de l’article 38 de la Constitution précisant bien que « le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre » par ordonnance certaines mesures : la demande ne peut donc émaner du Parlement lui-même.

56 () Loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer (article 14).

57 () Toutefois, par dérogation à ce principe, la loi prévoit que les lois et règlements sont de plein droit applicables dans les TAAF pour un certain nombre de matières, relatives aux juridictions et autorités administratives indépendantes, à la défense, à la nationalité, au droit civil et pénal, au droit commercial et des assurances, à la monnaie, à la procédure administrative, aux agents publics de l’État et à la recherche.

58 () Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer. Il convient de souligner que l’actuelle Commission nationale d’évaluation de la loi de programme pour l’outre-mer a été créée sans fondement législatif spécifique.

59 () Ces travaux ont, malgré tout, conduit le pouvoir réglementaire à soumettre à une déclaration spécifique les dossiers des personnes morales visant à défiscaliser leurs investissements par voie d’externalisation.

60 () Article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale, article L. 762-4 du code rural et article 3 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer.

61 () Articles 199 undecies A, 199 undecies B, 199 undecies C, 217 undecies, 217 bis et 217 duodecies du code général des impôts.