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N
° 1646

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 mai 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Australie concernant la coopération en matière de défense et le statut des forces,

par M.  Michel VAUZELLE,

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros  :

Sénat : 422 (2007-2008), 185 et T.A. 47 (2008-2009)

Assemblée nationale : 1438

INTRODUCTION 5

I – L’AUSTRALIE, UNE PUISSANCE RÉGIONALE QUI S’AFFIRME COMME ACTEUR SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE 7

A - UNE ALLIANCE TRADITIONNELLE AVEC LES ÉTATS-UNIS 7

B - LA PUISSANCE AUSTRALIENNE DE DÉFENSE 8

1 - Un consensus national en faveur de la défense 9

2 - Le Defence White Paper 9

C - UN ACTEUR RÉGIONAL RECONNU 10

D - UNE PARTICIPATION SOUTENUE HORS DE LA SPHÈRE RÉGIONALE 11

E – FRANCE ET AUSTRALIE, DES INTÉRÊTS COMMUNS 12

F - COOPÉRATION DANS LE DOMAINE DE L’ARMEMENT 13

II - DONNER UN CADRE JURIDIQUE A LA COOPÉRATION EN MATIÈRE DE DÉFENSE ET DE STATUT DES FORCES 15

A - LE STATUT DES FORCES 16

B - LE RÈGLEMENT DES DOMMAGES 17

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

______

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 23

Mesdames, Messieurs,

L’arrêt définitif en 1996 des essais nucléaires par la France a permis une reprise bienvenue de nos relations avec l’Australie, acteur régional majeur avec lequel notre pays partage des valeurs essentielles, qu’il s’agisse de démocratie, de sécurité ou de solidarité. La France comme l’Australie ont conscience de leur rôle et de leur responsabilité en matière de maintien de la paix, de surveillance des espaces maritimes et d’assistance en cas de catastrophe naturelle dans la région du Pacifique, comme le montrent les différentes opérations auxquelles elles ont collaboré ensemble.

Nos intérêts communs ont permis la signature de nombreux accords bilatéraux, portant sur la coopération en matière de recherche et de technologie de défense ou plus récemment sur la coopération dans certaines zones maritimes. L’accord qui nous est soumis, signé à Paris le 14 décembre 2006, donne une base juridique à une coopération déjà existante en matière de défense. Il définit le statut des forces armées d’une partie lorsqu’elles se trouvent sur le territoire de l’autre partie et fixe le cadre légal du règlement des éventuels dommages. Son examen intervient alors que la Commission européenne, sous présidence française, a adopté à la fin de l’année 2008 un nouveau cadre de partenariat avec l’Australie déterminant pour les cinq prochaines années les engagements de coopération avec un pays qui a pour principal partenaire économique, depuis plus de vingt-cinq ans, l’Union européenne. La sécurité mondiale et la lutte contre le terrorisme font partie de cette feuille de route commune.

I – L’AUSTRALIE, UNE PUISSANCE RÉGIONALE QUI S’AFFIRME COMME ACTEUR SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

Depuis la signature à San Francisco, le 1er septembre 1951, de l’accord tripartite ANZUS (Australia, New Zealand, United States Security Treaty), pacte destiné initialement à lutter contre le militarisme japonais et qui servit rapidement de soutien à la politique de containment du communisme, la politique de défense australienne a été largement sous influence américaine. Cependant depuis 1999 avec sa participation aux opérations au Timor oriental, l’Australie s’affirme clairement comme une puissance régionale active dans le maintien de la paix. Par sa présence sur des théâtres d’opérations éloignés comme l’Irak et l’Afghanistan, elle s’affirme comme faisant partie des pays engagés dans la lutte contre le terrorisme et la préservation de la sécurité mondiale.

A - Une alliance traditionnelle avec les États-Unis

L’alliance avec les Etats-Unis fait partie intégrante du dispositif de défense australien et s’appuie sur des échanges soutenus. Le dialogue stratégique bilatéral entre les deux pays est institutionnalisé par des consultations annuelles AUSMIN qui réunissent ministres des affaires étrangères et de la défense depuis 1985. Les forces navales et aériennes australiennes sont presque entièrement équipées de matériel américain. Les programmes d’acquisition en cours, lancés par le précédent gouvernement australien, sont nombreux : commande de vingt-quatre avions de chasse F-18F, d’un minimum de soixante F-35 JSF, quatre C-17 Globemaster, six appareils de détection B-737Wedgetail, d’avions de patrouille maritime P8-MMA et de drones de surveillance maritime Global Hawk. Si, comme on le voit, les acquisitions australiennes privilégient les solutions américaines, elles restent néanmoins accessibles aux opérateurs d’autres pays, dont la France et plus largement l’Europe.

Les forces australiennes et américaines participent régulièrement à de nombreux entraînements conjoints. Le plus important d’entre eux, l’exercice interarmées Talisman Saber, se déroule tous les deux ans sur le territoire australien. Les centres d'entraînement et les centres de simulation tactique australiens sont progressivement mis en réseau et connectés aux systèmes américains équivalents. Il y a de ce fait une très grande intégration entre les deux forces.

Cette relation s’est particulièrement étoffée grâce à la relation privilégiée qui prévalait entre l’ancien premier ministre australien, M. John Howard et l’ancien président américain, M. Georges W. Bush, ce qui s’est traduit par la signature d’un nombre important d’accords :

- accord bilatéral du 7 juillet 2004 portant sur la participation de Canberra à la constitution d'un bouclier antimissile ;

- Memorandum of Understanding (MoU) conclu 26 août 2004 portant création d’un centre d’entraînement interarmées conjoint (Joint Combined Training Centre - JCTC) ;

- accord bilatéral du 26 août 2004 sur l’interopérabilité dans les domaines des communications, du partage et de l’échange du renseignement, de la planification opérationnelle et de l’entraînement mutuel ;

- décret signé par le président Bush en septembre 2005 plaçant l’Australie au rang des partenaires les plus élevés dans le domaine du renseignement ;

- traité relatif à la coopération en matière de commerce de défense renforçant les échanges d’informations et facilitant les transferts de technologies signé le 5 septembre 2007, en marge du sommet de l’APEC à Sydney.

Par ailleurs l’accord de libre échange AUSFTA (Australia-United States Free Trade Agreement) entré en vigueur en 2005 ajoute un volet commercial et économique à cette entente.

Néanmoins, l’Australie reste soucieuse de son autonomie politique et a montré récemment sa capacité à s’éloigner des positions américaines, par exemple avec la décision de retirer ses troupes d’Irak.

Si le nouveau gouvernement du travailliste Kevin Rudd, en place depuis fin 2007, a confirmé la relation privilégiée avec les Etats-Unis, il y met toutefois plus de souplesse, notamment par la volonté d’ouverture à d’autres coopérations bilatérales.

B - La puissance australienne de défense

L’Australian Defence Force ou ADF constitue la meilleure armée de la région Asie du Sud-Est/Océanie. Bien entraînées et ayant un très bon niveau opérationnel grâce à l’étroite coopération avec les Etats-Unis, les forces armées australiennes sont un véritable outil de puissance régionale.

1 - Un consensus national en faveur de la défense

Les hausses régulières de l’ordre de 3 % par an du budget militaire australien, auquel le pays consacre près de 2 % de son PIB, et qui avaient été proposées par le précédent gouvernement Howard ont été approuvées tant par la majorité que par l’opposition. L’actuel gouvernement Rudd s’est d’ailleurs plutôt placé dans une continuité de la politique de défense et de sécurité de son prédécesseur.

Jouissant d’une très bonne image auprès de la population, les forces armées australiennes comptent près de 53 000 militaires d’active (armée de terre pour 26 200, armée de l’air pour 13 500 et marine pour 13 200), de 18 000 civils et de 20 700 réservistes. Elles sont cependant handicapées par la difficulté à recruter et fidéliser les effectifs. Leurs objectifs annuels de recrutement ne sont ainsi atteints qu’à 78 % et le taux de départ reste très élevé. Il est néanmoins prévu de porter les effectifs globaux à 57 000 en 2016 avec la création de deux bataillons supplémentaires au sein de l’armée de terre (+ 2 600 hommes) et l’augmentation des effectifs de l’armée de l’air et de la marine. Leur expérience dans le domaine des forces spéciales et du maintien de la paix est reconnue et elles sont en mesure de mettre leurs compétences en avant sur des théâtres éloignés.

Concernant les principaux matériels utilisés, on relève notamment :

- Terre : 59 chars M1 Abrams, 550 véhicules blindés, 119 camions blindés Bushmaster, 382 pièces d’artillerie tractées, 12 ARH Tigre, 5 NH 90 et 34 hélicoptères Blackhawk ;

- Air : 275 appareils : F-18, F111, AP-3C, ravitailleur et transports ;

- Marine : 6 sous-marins à propulsion classique, 12 frégates, 6 navires de guerre des mines et 9 bâtiments amphibies.

Le budget de la défense s’élève pour l’année 2008-2009 à 13,6 milliards d’euros.

2 - Le Defence White Paper

Defence 2000 : Our Future Defence Force, le Livre blanc de la Défense australienne élaboré en 2000, introduisait la possibilité pour l'ADF de participer à des opérations de stabilisation et de maintien de la paix et à des opérations d'aide humanitaire à l'échelle internationale mais surtout régionale. Il recommandait le maintien d’une alliance solide avec les États-Unis, le renforcement des forces et le financement d’une augmentation des capacités des trois armées. Il a connu deux mises à jour stratégiques, en 2003 et 2005. Les défis stratégiques qui avaient alors été identifiés concernaient la lutte contre le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive, le renforcement des processus de maintien de la paix et de soutien des États de la région en difficulté et l’aide humanitaire. La mise à jour de 2005 tenait ainsi compte de l’impact de la mondialisation des risques et de l’évolution des relations de l’Australie avec les grandes puissances de la région, dont la France.

Le Gouvernement travailliste a présenté le 2 mai 2009 le nouveau Livre blanc de la défense. Intitulé A Defence Force for the 21st Century, il est d’ores et déjà considéré comme le plus complet jamais présenté par le pays, résultant d’un travail soutenu de plus d’un an des différents pôles du ministère. Il confirme l’engagement du gouvernement de Kevin Rudd à œuvrer pour défendre ses intérêts, à contribuer à la stabilité de la région y compris par la conduite de coalitions, à prendre en charge des opérations d’aide et d’assistance humanitaire en cas de catastrophe et à participer à la sécurité mondiale. Le rôle central de l’alliance traditionnelle avec les Etats-Unis, jugé indispensable, est réaffirmé ainsi que l’engagement australien dans l’organisation des Nations-Unies. Considérant comme possible un conflit armé en Asie-Pacifique dans les deux prochaines décennies, l’ambition de créer dans les vingt prochaines années les forces armées les plus compétentes de la région est soutenue par un effort budgétaire de plus de soixante-dix milliards de dollars américains sur la période et une progression continue de 3 % du budget jusqu’en 2017-2018 et de 2,2 % au delà, visant à doter l’armée de missiles longue portée, de cent avions de chasse F-35 et huit nouveaux navires de guerre et à renouveler et doubler sa flotte de sous-marins. Le maintien d’un effort aussi important, notamment pour la marine, dans un contexte de crise mondiale prend son sens au regard du potentiel chinois et de la modernisation de son armée susceptibles de « constituer une source d’inquiétude pour ses voisins faute d’explication minutieuse ». Le pire des scénarios pour la diplomatie australienne, à savoir un conflit armé dans le Pacifique obligeant le pays à prendre parti en termes civilisationnels, constitue donc une perspective de plus en plus probable.

C - Un acteur régional reconnu

L’Australie a joué un rôle central dans l’intervention de septembre 1999 au Timor oriental en fournissant l’essentiel des moyens engagés dans l’opération International Force for East Timor (INTERFET) qui fut sa première expérience de ce type de commandement. Dirigée par le général Peter Cosgrove sous l’autorité du commandant en chef des forces armées australiennes, l’amiral Chris Barrie, cette force multinationale opérant sous mandat de l’ONU a conduit l’armée australienne à travailler en étroite collaboration avec seize contingents étrangers, parmi lesquels figuraient les 600 personnels français de l’opération Santal. Avec cette intervention et les discussions qui l’ont entourée, l’Australie a rompu avec le "tabou intérieur" qui existait dans le pays depuis le Vietnam concernant une intervention militaire dans la région. L’engagement australien au Timor oriental, en ancrant le pays dans l’Asie, a en outre marqué un tournant important dans la perception que l’on pouvait avoir de sa situation dans la région.

Depuis son engagement en 1999, l’Australie a maintenu sa présence au Timor oriental, participant aux efforts de rétablissement de l’ordre et de fonctionnement normal des institutions timoraises. Elle contribue, au travers de l’opération ASTUTE, au maintien de la paix. Conjointement avec un détachement de Nouvelle-Zélande (140 hommes), le détachement australien (650 hommes environ) compose la force internationale de stabilisation (ISF – International Stabilisation Force). Elle participe également, avec 50 policiers et 4 observateurs militaires sur place, à la mission UNMIT des Nations Unies.

Cette première intervention au Timor a été suivie d’une implication plus marquée dans la région, avec par exemple la contribution australienne, par l’opération ANODE, à la Mission régionale d’assistance aux Iles Salomon (RAMSI Regional Assistance Mission to Salomon Islands), mission dirigée par l’Australie et qu’elle a créée conjointement avec Fidji, Tonga, la Nouvelle-Zélande et la Papouasie-Nouvelle-Guinée en juin 2003 à la suite de troubles dans l’île de Guadalcanal. Cette opération est destinée à soutenir le gouvernement des Iles Salomon pour restaurer l’ordre et la sécurité, renforcer l’action gouvernementale par l’amélioration de la gouvernance économique et du fonctionnement général de l’État. Après des effectifs qui ont dépassé les 700 hommes, la force RAMSI est aujourd’hui évaluée à 140 hommes.

Par ailleurs, l’Australie est active dans plusieurs organisations régionales comme le Forum des Iles Pacifique, organisation de coopération créée en 1971 à laquelle adhèrent les seize pays indépendants et territoires de l’Océanie et dont elle est l’un des principaux donateurs. C’est d’ailleurs ce Forum qui servit de cadre à l’adoption du traité de Rarotonga de 1985 créant une zone dénucléarisée en Océanie. Elle intervient également dans le cadre du forum de discussion du Western Pacific Naval Symposium qui permet d’organiser des exercices et de renforcer l’interopérabilité entre les acteurs ainsi que dans le Forum Quadrilatéral qui réunit, outre l’Australie, les États-Unis, la France et la Nouvelle-Zélande.

D - Une participation soutenue hors de la sphère régionale

Depuis décembre 2001, l’Australie s’est engagée dans la coalition internationale contre le terrorisme, ce qui l’amène à participer à des opérations éloignées. Elle entend participer à la sécurité mondiale comme le montre l’importance du renouvellement de ses équipements de défense.

Avec l’OTAN, l’Australie est, comme la Corée du Sud, le Japon et la Nouvelle-Zélande, pays de contact. Elle a contribué à plusieurs opérations dirigées par l’OTAN, comme la FIAS en Afghanistan. La contribution australienne, forte des 1090 hommes de l’opération SLIPPER, en fait le principal contributeur non-OTAN à la coalition. Son engagement se situe principalement dans la région d’Oruzgan, réparti entre les forces de reconstruction (440 hommes) et une OMLT (operational mentoring liaison team) à laquelle la France peut d’ailleurs apporter un soutien par la présence de moyens aériens à Kandahar. L’Australie a manifesté son souhait de renforcer sa coopération avec l’Alliance, notamment dans la lutte contre le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive. Elle ne souhaite cependant pas en devenir membre.

En Irak, la décision a été prise de prolonger le mandat de l’opération CATALYST jusqu’au 30 juin 2009. La contribution australienne autour de la reconstruction ne comporte plus désormais que 45 hommes, non combattants. La base aérienne de Minhad aux Émirats Arabes Unis pourrait alors servir de point d’appui pour rationaliser les fonctions de soutien et de projection des troupes vers l’Afghanistan. Cette base sert actuellement aux deux avions de patrouille maritime AP-3C Orion engagés dans le cadre de l’opération Catalyst.

L’Australie participe à sept missions de maintien de la paix pour lesquelles 118 personnes sont engagées : UNMIT au Timor oriental (50 policiers et 4 observateurs militaires) ; UNMIS au Soudan (25 personnes dont 10 policiers) ; UNFICYP à Chypre (16 policiers) ; UNTSO au Proche-Orient (12 observateurs) ; UNAMID au Darfour (8 militaires) ; UNAMI en Irak (2 observateurs) ; UNAMA en Afghanistan (un observateur).

Tous ses engagements amènent l’Australie à mettre en œuvre une politique de réforme au sein de son armée baptisée Adaptative army visant en particulier à développer ses capacités opérationnelles d’ici 2011. Par ailleurs la réforme des structures de commandement crée au sein de l’état-major opérations interarmées (Headquarters Joint Operations Command - HQJOC) quatre divisions dont un état-major de forces interarmées projetable. Il faut néanmoins relever qu’une commission d’enquête parlementaire a recommandé en août 2008 la mise en place d’une stratégie de sortie pour les missions de maintien de la paix, de façon à dégager des effectifs.

E – France et Australie, des intérêts communs

Nos intérêts communs sont à la fois régionaux et globaux. Au niveau régional, il s’agit d’une part de coopérer à la surveillance maritime et à la protection des ressources halieutiques, à la stabilité du Pacifique Sud, ainsi qu’à l’assistance en cas de catastrophes naturelles. Au niveau global, la lutte contre la menace terroriste nous réunit.

La loi n° 2008-474 du 22 mai 2008 (1) a permis le renforcement de la surveillance des zones maritimes australes sur lesquelles la France et l’Australie exercent leur souveraineté en dotant nos patrouilles communes de moyens de coercition pour l’application des dispositions législatives relatives à la pêche.

La France comme l’Australie sont des pôles de stabilité dans une région où plusieurs pays ont connu des troubles et jouent un rôle conjoint dans le maintien de la paix et de la sécurité.

L’accord FRANZ (France, Australie, Nouvelle-Zélande) signé à Wellington le 22 décembre 1992 a permis la mise en place d’une coopération portant sur l’aide d’urgence dans le Pacifique sud afin de venir rapidement en aide aux Etats insulaires et territoires victimes de catastrophes naturelles. Plusieurs dizaines d’interventions, notamment depuis le réchauffement de nos relations du fait de l’arrêt par la France des essais nucléaires, ont été engagées sur la base de cet accord.

Hormis la participation commune au Western Pacific Naval Symposium qui permet d’organiser des exercices et de renforcer l’interopérabilité entre les acteurs et au Forum Quadrilatéral, nos pays se retrouvent également au sein du Multinational operability councilMIC (2), créé en 1996 et dont la vocation est d’aider à améliorer l’interopérabilité en coalition par l’échange de vues entre opérationnels.

La lutte contre le terrorisme international ne peut être absente de la sphère du Pacifique et plus généralement de l’Asie du Sud-Est. Les différents groupes terroristes de la région, s'ils sont nés de contextes particuliers et limitent le plus souvent leurs revendications à ces derniers, se réclament parfois d'une solidarité plus vaste de type Al-Qa’ida. Sur le terrain afghan notamment, la France et l'Australie partagent une vision commune, qu'il s'agisse de favoriser la formation des policiers et des militaires afghans afin que le pays soit en mesure d'assurer le maintien de l'ordre de façon autonome que lorsqu'il s'agit d'aborder la question de la sécurité en tenant compte du rôle joué par le Pakistan.

F - Coopération dans le domaine de l’armement

Même si l’équipement de l’ADF reste dominé par les solutions américaines, des percées ont pu être enregistrées par d’autres intervenants, notamment européens : les Suédois avec le contrat COLLINS, les Allemands pour les frégates ANZAC, les Anglais pour les avions d’entraînement Hawk et des missiles pour la modernisation des F/A-18 (ASRAAM) et les Italiens pour les chasseurs de mines HUON. En 2007, un projet espagnol pour les navires amphibies a même été retenu contre le projet français. Malgré cet échec commercial, il nous faut souligner l’importance des coopérations également mises en place entre nos deux pays.

Les principales coopérations en cours -12 arrangements techniques ont ainsi été signés entre 1997 et 2008- concernent les études sur les matériaux, les capacités audio pour les viseurs de casques et la réparation des dommages de combat sur les structures d’hélicoptères. Un arrangement signé par le délégué général pour l’armement en février 1999 a permis la tenue annuelle de comités d’armement franco-australien dont la neuvième édition s’est déroulée à Canberra le 3 décembre 2008.

De nombreux arrangements techniques, signés depuis 2003 dans le cadre de la coopération armement avec l’Australie, concernent principalement les hélicoptères Tigre et NH90 et la torpille MU90. En effet, le contrat d’hélicoptères Tigre ARH, signé en 2001, a été le premier succès militaire d’Eurocopter en Australie et a apporté la dynamique qui faisait défaut à notre relation d’armement. Australian Aerospace, filiale australienne d’Eurocopter, gère, en plus du Tigre (22 machines), le contrat d’hélicoptères de transport NH90 (46 machines).

La signature des contrats d'acquisitions de 12 NH90 le 2 juin 2005, de 150 torpilles MU90 supplémentaires le 30 juin 2005 et de 34 NH90 supplémentaires le 30 juin 2006 a confirmé cette tendance. L’Australie a été le deuxième pays de destination des exportations françaises d’armement en 2005 et 2006. Cette dynamique a cependant marqué le pas en 2007, année marquée par la perte, pour les navires amphibies, des prospects BPC déjà évoquée et des satellites de communication.

En fonction des choix australiens en matière d’équipements de défense qui seront fixés dans le nouveau Livre blanc de la Défense prévu pour cette année et le plan d’équipement sur dix ans, les prises de commande, suspendues depuis la fin de l’année 2007 avec le changement de gouvernement, pourraient reprendre et des coopérations poussées pourraient être envisagées dans le domaine des hélicoptères de combat naval ou des sous-marins. Il faut d’ailleurs souligner qu’une charte publiée le 1er mars 2007 par le ministère de la Défense australien attribue une place importante à l’industrie de l’armement en en faisant une partie intégrante de la sécurité nationale. La coopération, y compris par les solutions de filialisation et de partenariat déjà mises en œuvre par nos industriels, prend alors tout son sens.

II - DONNER UN CADRE JURIDIQUE A LA COOPÉRATION EN MATIÈRE DE DÉFENSE ET DE STATUT DES FORCES

L’objectif de l’accord de 2006, énoncé à l’article 2, est de faciliter les relations de défense entre les deux pays par le biais des activités de coopération depuis l’échange d’informations, l’organisation de visites, d’échanges militaires et d’exercices conjoints ou unilatéraux, l’amélioration des interactions entre les deux cultures militaires jusqu’à l’assistance humanitaire internationale. La coordination de ces différentes activités se fera au moyen des dispositifs déjà existants (art.3).

La proximité de la Nouvelle-Calédonie permet une coopération opérationnelle régionale, animée par les FANC (Forces Armées en Nouvelle-Calédonie) interlocuteur privilégié des autorités australiennes. L’exercice Croix du Sud, qui a lieu tous les deux ans, est également une occasion d’échanges sur le terrain. Celui de 2008 a réuni aux côtés des FANC et des militaires français basés en Polynésie française les forces armées de cinq États du Pacifique Sud (Australie, Nouvelle-Zélande, Papouasie Nouvelle-Guinée, Tonga et Vanuatu).

Côté australien, un point de contact unique en Nouvelle-Calédonie auprès de l’état-major des FANC a été mis en place. Le commandement australien a désigné début février 2009 pour assurer cette fonction le wing commander Chris CORNHALL du Joint Operations Center (JOC) de l’état-major de la défense australien. Cet officier a effectué une mission de prise de contact à Nouméa du 9 au 13 février, afin que le cadre et les modalités de sa mission puissent être précisément définis.

Les visites entre les deux parties connaissent un niveau soutenu. Ainsi, parmi celles qui ont été organisées l’an dernier, nous pouvons citer la réunion d’état-major entre les FANC et l’état major opérationnel interarmées des forces de défense australiennes les 11 et 12 décembre 2008, les visites d’ALINDIEN à Perth du 16 au 26 mai 2008 et du COMSUP FANC (3) à Canberra du 18 au 21 février 2008 et le comité armement franco-australien du 1er au 5 décembre 2008 à Canberra. L’aspect symbolique n’a pas été oublié avec la participation en avril 2008 d’une importante délégation australienne aux cérémonies commémoratives du 90e anniversaire de l’ANZAC Day (4) à Notre Dame de Lorrette et Villers-Bretonneux.

L’importance du soutien logistique mutuel en cas d’intervention conjointe ou coordonnée se voit consacré à l’article 4, lequel prévoit pour l’organiser un instrument juridique qui n’est pas encore finalisé. Ce texte dit MLSA –Mutual Logistics Support Agreement a d’ailleurs été évoqué par le ministre de la Défense, Hervé Morin, lors de sa visite en Australie en septembre 2008, visite au cours de laquelle ont été évoquées la place des deux pays dans le Pacifique sud, la question afghane ainsi que les perspectives commerciales d’armement de l’Australie. Il reste à déterminer la nature dudit instrument juridique qui peut prendre la forme d’un arrangement technique signé au niveau ministériel ou d’un accord intergouvernemental, cette dernière forme étant privilégiée par la France.

A - Le statut des forces

Ce statut est organisé par l’annexe 1 prévue à l’article 5 de l’accord. Il interdit, sauf accord commun contraire, toute participation des membres d’une force en visite à la préparation ou à l’exécution d’opérations de guerre non plus qu’à des actions de maintien de l’ordre public ou de la souveraineté nationale (section 1). La participation à des activités conjointes ou unilatérales à des fins d’entraînement ou d’exercice est soumise au consentement de l’État d’accueil selon des conditions fixées d’un commun accord (section 10), sous réserve d’aptitude médicale et dentaire (section 16). Les soins médicaux qui pourraient être prodigués, tant aux membres des forces en visite qu’aux personnes à charge, ainsi que les évacuations sanitaires aériennes et de surface (EVASAN) sont à la charge de l’État d’envoi. En cas de décès constaté par un médecin dûment habilité par l’État d’accueil et après une éventuelle autopsie, les Autorités de l’État d’envoi peuvent disposer du corps du défunt, dans la mesure où la législation de l’État d’accueil le permet (section 17).

Le domaine disciplinaire ressort de la compétence exclusive de l’État auquel les personnels sont rattachés (section 2). La possibilité pour l’État d’envoi d’avoir une police militaire pour le maintien de l’ordre et de la discipline au sein de sa force en visite est prévue (section 11).

La section 3 définit les règles applicables en matière de juridiction pénale, notamment en cas de juridiction concurrente, avec une priorité du droit de l’État d’envoi dans des cas limitativement énumérés.

Les formalités d’entrée, de séjour et de sortie du territoire de l’Etat d’accueil des membres de la force en visite, des membres de l’élément civil ainsi que des personnes à charge sont précisées à la section 4, un titre de séjour renouvelable devant être sollicité pour tout séjour supérieur à trois mois.

L’imposition sur les revenus est régie par un accord visant à éviter les doubles impositions et l’évasion fiscale (section 8). Une loi en ce sens vient d’ailleurs d’être promulguée (5).

Le port d’armes, de l’uniforme et des insignes militaires de l’État d’envoi est autorisé, les armes et munitions étant transportées et entreposées sous sa responsabilité (sections 6, 7 et 9).

La sécurité des installations et des zones mises à la disposition de la force en visite est assurée par les autorités des deux États qui y coopèrent (section 11). Toute installation de système de télécommunication est soumise à autorisation de l’État d’accueil qui peut alors allouer les seules fréquences utilisables par la force en visite (section 14).

Les permis ou autorisations de conduire un véhicule officiel délivrées par l’État d’envoi sont valables sur le territoire d’accueil (section 13). Ces véhicules officiels sont soumis aux mêmes conditions de taxes ou péages sur les routes que les forces armées de l’État d’accueil (section 15). Il en est de même pour les taxes et frais portuaires et aéroportuaires.

B - Le règlement des dommages

L’annexe 2, prévue à l’article 6, de l’accord définit les règles en matière de règlement des dommages.

Sauf en cas de faute lourde ou intentionnelle, l’engagement est pris de renoncer à toute demande d’indemnités pour les dommages entre les parties causés aux biens par un membre des forces armées ou du personnel civil dans la cadre de l’exercice de fonctions officielles, pour le sauvetage maritime et en cas de blessures ou de décès. En cas de faute lourde ou intentionnelle, le règlement de la demande d’indemnité incombe exclusivement à la partie dont relève le membre fautif (section 1).

Concernant les dommages, blessures aux tiers ou décès de ceux-ci, ils sont régis par les dispositions de la section 2. Si les demandes d’indemnité ne mettent pas en cause des véhicules officiels couverts par une police d’assurance de l’État d’accueil ou si elles ne résultent pas de l’application d’un contrat, ces demandes, qu’elles soient instruites et jugées ou non jugées mais examinées et réglées, le sont conformément à la législation de l’État d’accueil qui en paie le montant dans sa monnaie. L’État d’envoi est consulté dans le cadre d’un jugement et son approbation est requise dans le cas d’un règlement. La répartition de l’indemnité et son acceptation sont organisées par les paragraphes d) à f) de cette section, avec notamment une prise en charge à 75% par l’État d’envoi s’il est seul responsable des dommages, blessures ou décès et une répartition égale entre les parties dans le cas contraire.

Enfin, l’assistance mutuelle dans le cadre de procédure d’exécution forcée visant à prendre possession d’un bien meuble privé se trouvant dans la zone mise à la disposition de la force en visite est prévue à la section 3 de cette annexe.

CONCLUSION

L’accord concernant la coopération en matière de défense et le statut des forces signé à Paris le 14 décembre 2006 est la formalisation juridique d’une coopération militaire déjà existante et rendant de ce fait nécessaire l’élaboration d’un statut des forces armées participant à des exercices et manœuvres communs sur les territoires des deux pays et l’organisation du règlement des éventuels dommages entre les parties ou causés aux tiers. Il est un prolongement naturel des autres accords relatifs à la coopération dans ce domaine.

Il participe, en la sécurisant juridiquement, au renforcement de la relation bilatérale de défense et à l’accroissement de nos capacités respectives à contribuer à la sécurité internationale et au maintien de la paix dans la région.

Enfin, il s’intègre tout à fait dans le champ plus large du nouveau partenariat entre l’Union européenne et l’Australie. Ce nouveau cadre, élaboré lors de la présidence française de l’Union en 2008, intègre des volets relatifs à la sécurité et à la coopération contre le terrorisme ainsi qu’à la coopération dans les régions asiatique et Pacifique. La sécurité mondiale fait ainsi partie des objectifs que se sont fixés les partenaires et l’accord bilatéral que nous examinons participe pleinement à la réalisation du plan d’action européen.

Dans ces conditions et compte tenu de l’excellence de la coopération entre la France et l’Australie en matière de défense et militaire, l’avis de notre Assemblée ne peut qu’être favorable à la ratification de cet accord.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du 5 mai 2009.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Paul Lecoq. C’est la première convention de cette nature que j’examine au sein de la commission et, à sa lecture, il m’a semblé que c’était une convention type dénuée de spécificité australienne. Qu’en est-il ? Connaissez-vous la législation australienne en matière d’armement et de stockage des armes, notamment au regard des conventions internationales sur le sujet ? Il me semble que la population australienne est particulièrement sensible à la question nucléaire.

M. Michel Vauzelle, rapporteur. Je pense que tout cela est bien étudié par des personnes plus qualifiées que moi sur le plan technique, vous le comprendrez aisément. C’est un texte qui ne présente pas de particularités et qui en aucun cas n’amène à discuter avec les Australiens de nos décisions en terme de stratégie nucléaire. Les gouvernements néozélandais et australien sont très sensibles à ces questions mais nous gardons notre indépendance dans le domaine nucléaire et il n’y a rien à discuter dans le cadre de cet accord qui puisse concerner ou inquiéter en aucune mesure les Australiens et leur façon de concevoir les choses en ce domaine.

M. Jean-Paul Lecoq. Pour être plus précis, le stockage d’armes nucléaires françaises sur le sol australien serait-il possible ?

M. Michel Vauzelle, rapporteur. Cette éventualité, qui n’est pas traitée dans la convention, ne me semble pas envisageable.

M. Jean-Paul Bacquet. Quel est le délai d’intervention minimal, en cas de catastrophe, pour l’intervention réciproque entre la France et l’Australie ?

M. Michel Vauzelle, rapporteur. Il est évident que cela prendrait un certain temps !

M. le Président Axel Poniatowski. Vous avez compris que ce texte portait essentiellement sur la responsabilité de chaque partie en matière de coopération militaire, de forces armées et de personnel militaire.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 1438).

*

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie concernant la coopération en matière de défense et le statut des forces (ensemble deux annexes), signé à Paris le 14 décembre 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 1438).

© Assemblée nationale

1 () Loi n° 2008-474 du 22 mai 2008 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie relatif à la coopération en matière d'application de la législation relative à la pêche dans les zones maritimes adjacentes aux Terres australes et antarctiques françaises, à l'île Heard et aux îles McDonald. Rapport de M. Louis Guédon, fait au nom de la commission des affaires étrangères, n° 686.

2 () Les pays membres du MIC sont l’Australie, le Canada, l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni, les Etats-Unis d’Amérique et la France.

3 () COMSUP FANC : Commandant supérieur des forces armées en Nouvelles Calédonie ; ALINDIEN : Amiral commandant les forces de l’océan indien

4 () L’Australian and New-Zealand Army Corps (ANZAC) débarqua en avril 1915 sur les plages de la péninsule de Gallipoli en Turquie pour une opération militaire. L’ANZAC Day rend hommage au courage et à la ténacité de ces soldats.

5 () Loi n° 2009-227 du 26 février 2009 autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et à prévenir l'évasion fiscale.