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N
° 1648

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 mai 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 1491, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements,

par M. Michel TERROT

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I - DJIBOUTI – UNE PLAQUE TOURNANTE POUR LA CORNE DE L’AFRIQUE 7

A. UNE SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE RELATIVEMENT STABLE 7

1. Une jeune démocratie 7

2. Une économie qui gagne en compétitivité 7

B. LES RELATIONS FRANCO-DJIBOUTIENNES ET LA PRÉSENCE FRANÇAISE À DJIBOUTI 10

1. Des relations politiques étroites, mais parfois difficiles 10

2. Des relations commerciales qui peuvent être améliorées 10

II – LES DISPOSITIONS PRINCIPALES DE L’ACCORD SUR L’ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION DES INVESTISSEMENTS 13

A. L’ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION DES INVESTISSEMENTS 13

B. LE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS 14

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

A N N E X E S 23

1. – Liste des accords bilatéraux de protection des investissements signés par la France 25

2. – Liste des accords bilatéraux de protection des investissements signés par Djibouti 28

3. – Investissements directs étrangers à Djibouti 29

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ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 31

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi ne constitue qu’un module dans la construction d’un cadre juridique de protection des investissements français à l’étranger contre les risques de nature politique. Près de cent de ces accords de promotion et protection des investissements (APPI) bilatéraux entre la France et un autre pays ont déjà été signés, parmi lesquels les accords avec le Sénégal, l’Angola et les Seychelles qui sont également soumis à notre Commission. En outre, des APPI avec la Malaisie, la Colombie, la Syrie et l’Indonésie sont en cours de négociation.

Quoi de plus logique que de compléter notre dispositif de protection des investissements en Afrique par un accord avec Djibouti, pays d’importance géostratégique dans la Corne de l’Afrique qui s’applique, malgré ses difficultés économiques, à créer un environnement favorable aux investissements étrangers ?

Votre rapporteur vous rappellera d’abord la situation politique et économique de Djibouti ainsi que l’état des relations franco-djiboutiennes, avant d’examiner les dispositions du présent accord, de facture assez classique.

I - DJIBOUTI – UNE PLAQUE TOURNANTE POUR LA CORNE DE L’AFRIQUE

A. Une situation politique et économique relativement stable

La situation en République de Djibouti, petit pays de 700 000 habitants et d’une superficie de 23 700 km2 (France métropolitaine: 544 000 km2), indépendant depuis 32 ans, s’est stabilisée sur le plan tant politique qu’économique depuis la signature de l’accord de réforme et de concorde civile en 2001, mettant fin à dix ans de conflit.

1. Une jeune démocratie

Au plan politique, le pays dispose d’un régime présidentiel avec un Président élu pour un mandat de six ans. Le Président Ismail Omar Guelleh, qui a succédé en 1999 à Hassan Gouled, au pouvoir depuis l’indépendance (1977), a été réélu, seul en lice, lors des élections présidentielles en 2005. L’assemblée nationale se compose de 65 députés, qui – suite à un boycott des élections parlementaires en février 2008 par les partis de l’opposition, sortis sans aucun siège des premières élections multipartites en 2003 – sont tous membres du parti majoritaire UMP (Union pour la Majorité Présidentielle). La situation dans le domaine des droits de l'homme reste difficile bien que certaines améliorations aient été constatées dans les prisons et dans la lutte contre la corruption.

Depuis le 11 septembre 2001, l’importance géostratégique de Djibouti s’est accrue. Djibouti accueille, outre une forte présence militaire française, depuis 2002 une base militaire américaine d’environ 2 000 personnes dans le cadre de la lutte anti-terroriste. La présence militaire étrangère (France, Etats-Unis, Allemagne) est d’ailleurs à l’origine de près de 8 % du PIB et 19 % du budget de l’Etat.

En juin 2008, un conflit frontalier a opposé Djibouti à l’Erythrée, faisant de nombreuses victimes des deux cotés. La situation demeure toujours tendue, mais les affrontements ont cessé.

2. Une économie qui gagne en compétitivité

Bien que Djibouti reste un pays pauvre qui est classé à la 151ème position sur 179 par l’indice de développement humain et dans lequel les inégalités sont importantes, son économie commence à gagner en compétitivité.


Le PIB de Djibouti est de 850 millions USD (2007). Son économie est très largement dépendante du secteur tertiaire, qui constitue 80 % de son PIB, et notamment des activités portuaires, qui sont avant tout constituées des activités de transit à destination de la Somalie et surtout de l’Ethiopie. Djibouti est pauvre en industrie (16 % du PIB) et l’agriculture est presque inexistante (4 % du PIB).

Source : Ubifrance

Au cours des dix dernières années, Djibouti a mis en place des réformes profondes visant à transformer le pays en une plate-forme commerciale et de services pour la région de la Corne de l’Afrique. Ici il faut citer le développement du port comme moteur de croissance économique et de l’emploi, la création d’une zone franche et l’amélioration de l’environnement des affaires, par exemple par des réformes du droit. Au port de Djibouti, géré par Dubai Ports World (DPW) depuis 2000, s’est ajouté un deuxième port, le port de Doraleh, qui permet d’effectuer des opérations plus complexes et s’accompagne d’une zone franche de 20 hectares. Un nouveau terminal pétrolier, construit par DPW et Emirates National Oil Co. (ENOC), est entré en service en 2006 et un terminal à conteneurs a été inauguré en décembre 2008.

Les réformes ont réussi : la croissance djiboutienne a doublé au cours des trois dernières années, passant de 3 % en 2004 à 5,8 % du PIB réel en 2008. Elle est surtout entretenue par un flux d’investissements directs étrangers important (24 % du PIB en 2008), en provenance notamment du Golfe Arabo-Persique. En chiffres absolus, les investissements directs étrangers ont augmenté d’une moyenne annuelle de 3 millions USD entre 1990 et 2000 à 39 millions USD en 2004, 59 millions USD en 2005, 164 millions USD en 2006 et 195 millions USD en 2007 (1).


Source : Ubifrance

Djibouti s’efforce de créer un environnement favorable aux investissements, par exemple par la mise en place de la TVA à taux unique de 7 % à compter de janvier 2009 et d’un tarif extérieur commun (TEC). Le Franc Djibouti (FDJ) est totalement convertible et indexé sur le dollar au taux fixe de 177,7 FDJ pour 1 USD depuis 1973. Outre le présent accord, Djibouti a conclu des accords bilatéraux sur la protection des investissements avec l’Egypte (1998), la Malaisie (1998), la Suisse (2001), l’Inde (2003), la Chine (2003) et l’Italie (2006).

Le FMI estime que Djibouti, comme les autres pays africains, ressentira les effets de la crise internationale, ce qui se traduira surtout par des retards dans les projets d’investissements directs étrangers et une décélération de la croissance du volume d’échanges avec l’Ethiopie. Il prédit néanmoins une croissance du PIB réel de 5 % en 2009 (2).

Djibouti est membre de l’OMC, de l’IGAD (autorité intergouvernementale sur le développement), dont elle accueille le secrétariat permanent, du COMESA (Marché commun de l Afrique orientale et australe) et de sa zone de libre échange, de la Ligue Arabe et de l’Union Africaine.

B. Les relations franco-djiboutiennes et la présence française à Djibouti

1. Des relations politiques étroites, mais parfois difficiles

La présence française à Djibouti est marquée non seulement par une coopération culturelle, scientifique, technique et aussi militaire et policière, mais surtout par la présence des forces françaises de Djibouti (FFDj), définie par l’accord de défense de 1977. Le dispositif militaire français, fort de 2 900 personnes, constitue le contingent français le plus important en Afrique.

La convention sur la situation financière et fiscale des forces françaises de Djibouti, signée en 2003 pour une durée de 10 ans a augmenté à 30 millions d’euros par an la contribution forfaitaire payée à la République de Djibouti en contrepartie de cette présence. Le débat autour du livre blanc de défense et de sécurité nationale 2008 semble avoir confirmé Djibouti comme le seul pôle de présence militaire française sur la façade orientale de l’Afrique. Lors de la crise à la frontière Nord-Est entre Djibouti et l’Erythrée en juin 2008, les forces françaises stationnées à Djibouti ont assuré un soutien en matière sanitaire, de logistique et de renseignement au profit des Forces armées djiboutiennes.

L’enquête de la justice française sur la mort du juge Borrel, survenue en 1996 à Djibouti, a entraîné des tensions dans les relations franco-djiboutiennes ces dernières années, bien qu’il semble que la situation se soit calmée depuis la rencontre des présidents Sarkozy et Guelleh à Paris en décembre 2007.

2. Des relations commerciales qui peuvent être améliorées

Les relations économiques entre Djibouti et la France sont toujours relativement denses. Néanmoins, la France a perdu, en 2007, sa position de premier fournisseur au profit de la Chine et a aussi dû céder du terrain face aux opérateurs du Golfe, qui, depuis 2003, ont investi massivement dans des grands projets. Elle est toujours le premier bailleur de fonds bilatéral en matière d’aide au développement.

Les exportations françaises se sont pourtant réorientées à la hausse depuis 2005. Elles ont atteint 53 millions d’euros en 2008, résultat comparable à 1999 et 2002. La progression la plus significative a été celle des équipements mécaniques, passée de 5,3 millions à 7,9 millions d’euros, et des produits alimentaires, passée 11 à 12,2 millions d’euros. Par contre, les importations en provenance de Djibouti, composées principalement de produits piscicoles, de sel et d’articles textiles, sont toujours très faibles (500 000 euros en 2008).

Les investissements directs français à Djibouti comprennent notamment la BCI Mer Rouge (BRED-Banque populaire), la BIMR (Crédit Agricole/Indosuez), Total, Colas, Cegelec, Air France et Vivendi. D’autres sociétés sont présentes dans le secteur des services (transport, transit, assurances) et de la distribution.

L’organisation à Djibouti, en mars 2009, d’un grand forum économique bilatéral, précédé d’une rencontre Sénat-Ubifrance-MEDEF International sur « Djibouti, hub économique de la corne de l’Afrique » en octobre 2008 à Paris, devrait relancer encore davantage les relations économiques entre les deux pays.

II – LES DISPOSITIONS PRINCIPALES DE L’ACCORD SUR L’ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION DES INVESTISSEMENTS

L’accord avec Djibouti sur l’encouragement et la protection réciproque des investissement, signé à Paris le 13 décembre 2007, est un accord tout à fait classique, sur la forme comme sur le fond. Il est conclu pour une durée initiale de dix ans, mais restera en vigueur après cette date s’il n’est pas dénoncé par une des Parties, et s’applique aux investissements réalisés à partir de la date de son entrée en vigueur ainsi qu’aux investissements existant à cette date qui ont été réalisés en conformité avec la législation en vigueur.

A. L’encouragement et la protection des investissements

Dans le préambule, les Parties contractantes expriment leur désir de renforcer la coopération économique entre la France et Djibouti et de créer des conditions favorables pour les investissements.

L’article 1 définit les principaux termes utilisés dans l’accord, à savoir « investissement », « investisseur » et « revenus », ainsi que son champ d’application temporel et géographique.

L’article 2 précise que les Parties contractantes sont aussi responsables des actions ou omissions de leurs collectivités publiques.

Selon l’article 3, les Parties contractantes encouragent et admettent les investissements sur leurs territoires et dans ses zones maritimes. L’article ne comporte pourtant pas de disposition concrète pour la promotion des investissements. Cette omission, typique des accords internationaux d’investissement, est regrettée par la CNUCED dans un rapport récent (3).

L’article 4 de l’accord pose le principe du traitement juste et équitable des investissements des investisseurs de l’autre Partie. Cet article prévoit également que chaque partie examine avec bienveillance l’entrée sur son territoire des nationaux de l’autre Partie en lien avec un investissement.

Les principes du traitement national et du traitement de la Nation la plus favorisée, clauses classiques, sont posés par l’article 5. Ainsi, les investissements de l’autre Partie ne sont pas traités moins favorablement que les investisseurs nationaux ou que ceux de la Nation la plus favorisée, si ceux-ci sont plus avantageux. Cela n’inclut pourtant pas les privilèges résultant de la participation à des organisations économiques régionaux, tel que l’Union européenne pour la France. Les questions fiscales sont également exclues de l’application de ces principes.

L’article 6 pose les principes de protection des investissements effectués par des investisseurs de chaque Partie sur le terrain de l’autre. Ainsi, toutes mesures d’expropriation, de nationalisation ou autre ayant comme effet de déposséder les investisseurs sont interdites, avec l’exception de celles pour cause d’utilité publique et non discriminatoires, qui, le cas échéant, doivent donner lieu au paiement d’une indemnité prompte et adéquate en conformité avec le droit international. En cas de pertes dues à des événements politiques (guerre, conflit armé, révolution…), il est prévu que les investisseurs de chacune des Parties bénéficient d’un traitement non moins favorable que celui qu’applique l’autre Partie à ses propres investisseurs ou à ceux de la Nation la plus favorisée.

Le libre transfert des divers revenus qui peuvent découler d’un investissement est garanti par l’article 7. Pourtant, des mesures temporaires de sauvegarde peuvent être prises en cas d’un déséquilibre grave pour la balance des paiements.

L’article 9 prévoit les conditions pour l’attribution d’une garantie pour les investisseurs ainsi que la subrogation d’une Partie ayant effectué des paiements en vertu d’une telle garantie dans les droits et actions de l’investisseur.

Les investissements peuvent faire l’objet d’un engagement particulier d’une Partie qui est applicable en vertu de l’article 10 dans la mesure il comporte des dispositions plus favorables que celles prévues par l’accord.

B. Le règlement des différends

L’article 8 règle le traitement des différends entre un investisseur et une Partie et s’applique même aux engagements particuliers au sens de l’article 10. Si un tel différend n’est pas réglé à l’amiable dans un délai de neuf mois, c’est l’investisseur concerné qui peut choisir entre trois voies de recours :

- Il peut décider de saisir un tribunal national compétent de la Partie contractante sur le territoire de laquelle l’investissement a été effectué.

- Il peut aussi décider de renvoyer le différend à un tribunal arbitral ad hoc, constitué selon les règles d’arbitrage de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international. La CNUDCI est le principal organe juridique du système des Nations Unies dans le domaine du droit commercial international. Elle a été créée par l’Assemblée générale de l’ONU en 1966 et a adopté, en 1976, un Règlement d'arbitrage qui présente un ensemble détaillé de règles de procédure dont peuvent convenir les parties pour la conduite d'une procédure arbitrale. Le Règlement, qui est largement utilisé dans différents types d'arbitrages, couvre tous les aspects de la procédure arbitrale, propose un libellé type de clause compromissoire, énonce des règles de procédure concernant la nomination de l'arbitre et la conduite de la procédure et établit des règles relatives à la forme, à l'effet et à l'interprétation de la sentence.

- En dernier lieu, l’investisseur peut demander de soumettre le différend à l’arbitrage ou à la conciliation du CIRDI (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements). Le CIRDI est une organisation internationale indépendante, mais avec des liens étroits avec la Banque mondiale, qui a été instituée par la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats du 18 mars 1965 (Convention de Washington). Il met à disposition des procédures pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre une partie contractante et un ressortissant d’une autre partie contractante. La Convention a été ratifiée par 143 pays (novembre 2007), dont la France, mais pas encore Djibouti. Les décisions d’après cette Convention ne sont pas contrôlées par les tribunaux nationaux.

Les différends visés à cet article ne rentrent pourtant pas dans le champ d’application de la Convention de Washington tant que Djibouti n’en est pas Partie contractante. Dans ce cas, le différend peut être soumis à l’arbitrage ou à la conciliation du CIRDI conformément au Règlement du Mécanisme supplémentaire autorisant le Secrétariat du CIRDI à administrer certaines procédures entre Etats et ressortissants d’autres Etats qui ne tombent pas dans le champ d’application de la Convention du CIRDI.

Pour le règlement des différends entre les Parties contractantes, l’article 11 donne priorité à la voie diplomatique. Si celle-ci n’aboutit pas à un règlement dans un délai de six mois, chaque Partie peut demander de soumettre le différend à un tribunal d’arbitrage ad hoc.

CONCLUSION

Cet accord arrive au bon moment pour promouvoir et renforcer l’engagement des entrepreneurs français à Djibouti en apportant des garanties aux investissements directs. Votre rapporteur recommande donc l’adoption de ce projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du 5 mai 2009.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

Mme Marie-Louise Fort. J’ai bien noté l’importance des investissements français à Djibouti mais également leur diminution, en valeur relative, par rapport à l’implication de la Chine ou des États du Golfe. La cause doit-elle en être recherchée dans une hypothétique hausse du niveau de vie à Djibouti ou dans une certaine perte d’influence de la France ?

M. Michel Terrot, rapporteur. L’implication croissante de la Chine est à l’image de ce qui se produit dans les autres pays d’Afrique. Quant aux relations croissantes avec les États du Golfe, elles s’expliquent notamment par leur proximité géographique avec Djibouti. En particulier, les installations portuaires djiboutiennes ont été réalisées grâce à des investissements en provenance du Golfe. Quant à l’influence française, elle demeure importante, y compris dans le domaine de l’enseignement et de la promotion de la francophonie. Ainsi, quelque 25 ou 30 enseignants français travaillent à l’université de Djibouti et, d’une façon générale, le souhait de conserver une relation bilatérale très forte est largement partagé dans nos deux pays. Il n’est qu’à considérer les intérêts stratégiques en jeu dans la région, qu’il s’agisse de la situation en Érythrée ou de la lutte contre la piraterie maritime.

M. Jean-Michel Ferrand. Existe-t-il dans l’accord une clause relative à la propriété foncière ? Si son article 3 proclame l’encouragement et l’admission des investissements sur une base réciproque, rien n’est dit de la question du foncier. Il serait souhaitable que tous les rapporteurs de projets de loi autorisant l’approbation d’accords de ce type se penchent sur le sujet.

M. le Président Axel Poniatowski. La remarque est pertinente.

M. Michel Terrot, rapporteur. Si la France s’appuie sur une longue tradition de droit écrit et d’actes notariés, tel n’est pas le cas de nombreux pays avec lesquels elle coopère. Or les accords d’encouragement et de protection réciproques des investissements ne remettent pas en cause les législations internes. À dire vrai, ces accords sont bien souvent la traduction d’une bonne entente diplomatique davantage que l’affirmation d’une réelle volonté économique, cette réalité ayant déjà été déplorée à plusieurs reprises.

M. Jean-Paul Bacquet. Dans quelle mesure la piraterie maritime qui sévit dans la région constitue-t-elle un frein à l’investissement ? La négociation en cours impliquant Djibouti, le Yémen, les États-Unis, le Royaume Uni, l’Italie et la France est-elle, également, un obstacle ?

M. Michel Terrot, rapporteur. Djibouti est un îlot de sécurité dans une région qui en manque singulièrement. Je pense surtout à la situation entre l’Erythrée et l’Éthiopie. Dans ce contexte, la présence militaire française est évidemment de nature à rassurer les investisseurs.

Dans la lutte contre la piraterie autour de la Corne de l’Afrique, la France déploie une activité importante dans un cadre multilatéral. En particulier, notre pays est à l’origine, avec les États-Unis, en juin 2008, de la première résolution du Conseil de sécurité des Nations unies permettant aux États d’agir contre la piraterie dans les eaux territoriales somaliennes. En septembre 2008, c’est à l’initiative de la France et de l’Espagne que le Conseil européen a décidé la création d’une cellule de coordination de la lutte contre la piraterie maritime, chargée d’une part de coordonner les moyens déployés dans le Golfe d’Aden et, d’autre part, d’informer les armateurs européens de tels déploiements. Enfin, la France participe aux actions militaires entreprises pour lutter contre la piraterie, telle l’opération EU NAVFOR / Atalante en Somalie, avec l’apport de moyens maritimes – une frégate –, aériens – un avion de patrouille maritime – et logistiques – avec le dispositif prépositionné à Djibouti.

M. François Loncle. Les relations entre la France et Djibouti ont été perturbées ces dernières années par « l’affaire Borrel », du nom de ce magistrat français dont les autorités djiboutiennes ont tenté de faire passer l’assassinat pour un suicide. La veuve de ce magistrat et certains militants associatifs se sont battus pour la manifestation de la vérité et Mme Borrel a pu être reçue par le Président de la République Nicolas Sarkozy au tout début de son mandat, geste auquel son prédécesseur s’était toujours refusé. Où en est-on aujourd’hui, alors que Mme Borrel vient de faire part publiquement de sa déception quant à l’absence de reconnaissance officielle de l’assassinat de son mari ?

M. Michel Terrot, rapporteur. Cette affaire a certes eu des conséquences sur la relation bilatérale mais le climat diplomatique s’est notoirement amélioré à la suite de la visite à Paris, en 2007, du président djiboutien. Le procureur général de Djibouti et le chef des services secrets de ce pays ont été renvoyés devant un tribunal français et condamnés pour subornation de témoins. Cette condamnation n’est certes pas suffisante aux yeux de la veuve du magistrat ; pour autant, l’affaire n’est plus considérée comme une source de tension majeure entre les deux pays à l’heure actuelle. Il faut noter que les autorités judiciaires françaises elles-mêmes ont abandonné la thèse du suicide en 2007 ; il reste que les preuves sont difficiles à rassembler pour la qualification de meurtre ou d’assassinat et que tout nouveau développement sur ce point nécessitera sans doute beaucoup de temps.

M. Jean-Claude Guibal. L’influence française à Djibouti est manifeste, de son action en matière de défense à la promotion de la francophonie ; au-delà de ces activités publiques, qu’en est-il des investissements privés ?

M. Michel Terrot, rapporteur. Comme je l’ai indiqué dans mon rapport, les investisseurs français privés sont très présents, notamment dans le secteur bancaire ou dans les services en général. Parmi les principales entreprises françaises sur place, on peut citer Air France, Total ou Colas.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 1491).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

A N N E X E S

1. – Liste des accords bilatéraux de protection des investissements signés par la France

2. – Liste des accords bilatéraux de protection des investissements signés
par Djibouti

3. – Investissements directs étrangers à Djibouti

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Paris le 13 décembre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 1491).

© Assemblée nationale

1 () Voir UNCTAD, Country fact sheet Djibouti, en annexe.

2 () FMI Communiqué de presse no. 09/84 du 23 mars 2009.

3 () « Investment Promotion Provisions in IIAs », juillet 2008, http://www.unctad.org/en/docs/iteiit20077_en.pdf. Voir aussi Rapport no. 1411 du Député Jean-Paul Dupré.