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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 1664

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 mai 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 1610) de M. Jean-Frédéric POISSON et plusieurs de ses collègues pour faciliter le maintien et la création d’emplois,

PAR M. Jean-Frédéric Poisson,

Député.

——

INTRODUCTION 7

I.- DÉVELOPPER LES GROUPEMENTS D’EMPLOYEURS 9

A. LES GROUPEMENTS D’EMPLOYEURS, FORME ORIGINALE DE GESTION MUTUALISÉE DE L’EMPLOI 9

1. Une gestion mutualisée de l’emploi 9

2. De nombreux aménagements au fil des années 10

B. DES ENJEUX MULTIPLES POUR UNE STRUCTURE AUX ATOUTS RÉELS 12

1. Des atouts réels 12

2. Des enjeux importants 14

3. Une réforme nécessaire 17

C. LE DISPOSITIF PROPOSÉ 19

II.- CLARIFIER LE RÉGIME DU PRÊT DE MAIN-D’œUVRE 21

A. LE PRÊT DE MAIN-D’œUVRE AUJOURD’HUI, UNE DIVERSITÉ DES PRATIQUES ET DES RÈGLES 21

1. Le principe de l’interdiction du prêt de main-d’œuvre à but lucratif 22

a) L’interdiction de principe du prêt de main-d’œuvre à but lucratif 22

b) Des situations de licéité du prêt de main-d’œuvre à but lucratif 23

2. Le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif, peu réglementé 24

a) Le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif réglementé 24

b) Le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif non réglementé 24

3. Le cas particulier du prêt de main-d’œuvre dans les pôles de compétitivité 25

a) Le dispositif expérimental prévu par la loi du 30 décembre 2006 25

b) L’opportunité de prolonger cette expérimentation 28

B. LE PRÊT DE MAIN-D’œUVRE EN QUESTION 29

1. Une actualité indéniable du prêt de main-d’œuvre 29

a) L’évolution structurelle de l’activité économique 29

b) L’évolution de la conjoncture 29

2. Les enjeux du prêt de main-d’œuvre aujourd’hui 30

a) Un dispositif relativement méconnu 30

b) Une incertitude juridique 30

c) Certaines pratiques à la limite de la légalité 31

C. UNE RÉFLEXION NÉCESSAIRE SUR LA NOTION DE CARACTÈRE LUCRATIF OU NON DU PRÊT DE MAIN-D’œUVRE 31

III.- SOUTENIR L’EMPLOI DES JEUNES 33

A. LA DÉGRADATION DE L’EMPLOI DES JEUNES 33

1. L’emploi des jeunes, premier touché par la crise 33

2. Une situation structurelle qui n’est pas satisfaisante 33

B. L’ALTERNANCE, UNE DES VOIES LES PLUS EFFICACES D’INSERTION 36

C. LA MESURE PROPOSÉE : UNE INCITATION AUX CONTRATS DE PROFESSIONNALISATION POUR LES PETITES ENTREPRISES 37

IV.- PROMOUVOIR LE TÉLÉTRAVAIL 39

A. DES PRATIQUES EN DÉVELOPPEMENT RAPIDE APRÈS UN RETARD INITIAL DANS NOTRE PAYS 39

B. UN CONCEPT EN MAL DE DÉFINITION ET DONC DE VISIBILITÉ 42

1. Les diverses configurations du télétravail 42

2. Des pratiques souvent informelles et peu affichées 43

3. En l’absence de dispositions législatives spécifiques au télétravail, un début d’encadrement jurisprudentiel 43

a) La réglementation du travail à domicile 43

b) La jurisprudence 44

4. Le rôle normatif novateur assumé par les partenaires sociaux 45

a) L’accord européen du 16 juillet 2002 45

b) L’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 47

c) La déclinaison par des accords de branche et d’entreprise 48

C. LA NÉCESSITÉ DE DÉFINIR LÉGALEMENT LE TÉLÉTRAVAIL ET DE MOBILISER LES ADMINISTRATIONS 48

1. Poser un cadre légal pour donner des garanties effectives à tous les salariés 49

2. Mobiliser la sphère publique 50

V.- SOUTENIR LES SENIORS EN DIFFICULTÉ 51

TRAVAUX DE LA COMMISSION 53

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 53

II.- EXAMEN DES ARTICLES 67

TITRE IER : DÉVELOPPEMENT DES GROUPEMENTS D’EMPLOYEURS 67

Article 1er: Suppression de la règle d’appartenance d’une même personne physique ou morale à deux groupements d’employeurs maximum 67

Article 2 Modalités de mise en œuvre d’une négociation collective sur les garanties des salariés d’un groupement d’employeurs 68

Article 3 Modalités d’organisation de la responsabilité financière des membres des groupements d’employeurs 72

Article 4 Régime applicable aux groupements d’employeurs constitués avec des collectivités territoriales et leurs établissements publics 74

Article 5 Coordination de l’action de Pôle emploi et des groupements d’employeurs 76

TITRE II : ENCOURAGEMENT À LA MOBILITÉ PROFESSIONNELLE 78

Article 6 Définition du caractère non lucratif du prêt de main-d’oeuvre 78

TITRE III : SOUTIEN À L’EMPLOI DES JEUNES ET À LA PROFESSIONNALISATION 85

Article 8 : Crédit d’impôt pour les contrats de professionnalisation dans les petites entreprises 85

Après l'article 8 90

Article additionnel après l’article 8 : Gratification des stages dont la durée est supérieure à deux mois consécutifs 91

TITRE IV : PROMOTION DU TÉLÉTRAVAIL 91

Article 9 Définition du télétravail et protection des télétravailleurs 91

Article 10 : Promotion du télétravail par les maisons de l’emploi 95

Après l'article 10 96

Article 11 : Mobilisation des administrations pour le développement du télétravail en leur sein 96

Après l'article 11 97

TITRE V : SOUTIEN AUX SENIORS EN DIFFICULTÉ 97

Après l'article 12 97

Article additionnel après l’article 12 Modalités de l’augmentation de la durée du travail des salariés à temps partiel 98

Après l’article 12 98

Article 13 Gage 99

TABLEAU COMPARATIF 101

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 109

ANNEXE : Liste des personnes auditionnées 115

INTRODUCTION

Nos concitoyens attendent de leurs députés qu’ils répondent à leurs préoccupations. Dans la situation économique présente, on ne s’étonnera pas que le groupe de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) ait souhaité qu’une part de l’ordre du jour réservé à l’initiative parlementaire soit consacrée à des mesures pour le maintien et la création d’emplois. Nombre de parlementaires, cosignataires de la proposition de loi ou auteurs d’amendements en commission, ont apporté leur contribution au texte qui vous est présenté, en se fondant notamment sur leurs expériences locales.

Même si elle comprend quelques dispositions conjoncturelles, la présente proposition de loi n’a pas la prétention de constituer un plan de relance ou un plan pour l’emploi de plus, car le groupe UMP soutient à cet égard les mesures pertinentes et équilibrées annoncées et mises en œuvre par le gouvernement. Non, s’inscrivant pour l’essentiel dans une optique de réforme à plus long terme, cette proposition a pour objet de faciliter le développement de formes d’emploi innovantes et dotées d’une fort potentiel de création d’emplois nouveaux. Pour ce faire, il convient de simplifier et de sécuriser certaines règles de droit en vigueur, ainsi que de donner plus de visibilité à ces formes d’emploi. Le but est d’élargir les opportunités de mobilité – géographique, professionnelle, entre postes de travail… – des salariés, mais de le faire en leur apportant de meilleures garanties, des statuts d’emploi sécurisés et fondés sur le volontariat ; c’est tout l’enjeu de la flexicurité. Des mesures de cette nature ont certes un caractère structurel, mais peuvent aussi contribuer à la préservation de l’emploi dans le contexte actuel de crise.

La présente proposition de loi comprend donc des dispositions destinées à faciliter l’essor de formules innovantes qui existent déjà et proposent une nouvelle conciliation des intérêts des salariés et des entreprises :

– les groupements d’employeurs, qui permettent d’offrir des emplois durables en mutualisant des missions qui feraient l’objet, sinon, de contrats précaires à temps partiel ;

– la mise à disposition de personnel à but non lucratif, qui ouvre les parcours professionnels sans rompre le lien juridique avec l’employeur initial ;

– l’alternance, qui associe formation et travail et ouvre le monde du travail à des jeunes issus de milieux qui y ont parfois peu de contacts ;

– le télétravail, qui procure des opportunités importantes aux personnes handicapées et contribue à l’évolution du lien managérial encore très pyramidal dans les entreprises françaises.

Par ailleurs, les auteurs de la proposition de loi sont très attachés à une disposition de leur texte initial à laquelle l’article 40 de la Constitution a été opposé. Il s’agit d’une mesure conjoncturelle certes, mais cependant nécessaire dans la situation actuelle, consistant à proroger d’une année le dispositif dit d’allocation équivalent retraite au bénéfice des salariés qui, ayant commencé à travailler très jeunes, se retrouvent au chômage avant soixante ans tout en ayant validé quarante années de cotisations. Le Gouvernement s’est engagé à reprendre cette proposition, il convient de s’en féliciter.

I.- DÉVELOPPER LES GROUPEMENTS D’EMPLOYEURS

À partir des années 1980, dans le cadre de la mise en œuvre des politiques en faveur du soutien et du développement de l’emploi ont été établis des dispositifs originaux de fourniture de main-d’œuvre à but non lucratif. Au nombre de ces outils, outre les associations intermédiaires ou les associations de services aux personnes, figurent les groupements d’employeurs, forme originale de gestion mutualisée de l’emploi née de besoins constatés sur le terrain, aujourd’hui confrontée à des enjeux nouveaux.

A. LES GROUPEMENTS D’EMPLOYEURS, FORME ORIGINALE DE GESTION MUTUALISÉE DE L’EMPLOI

Les articles 46 et 47 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social ont autorisé la constitution de groupements d’employeurs qui recrutent des salariés pour les mettre ensuite à la disposition des employeurs membres du groupement.

Dispositif à l’origine créé pour répondre aux besoins des plus petites entreprises réticentes à affronter seules les charges d’un emploi nouveau, en leur proposant un mécanisme de répartition entre elles des coûts et des responsabilités, et ce principalement dans le domaine agricole, les groupements d’employeurs ont connu, en près de vingt-cinq ans, de nombreuses évolutions.

1. Une gestion mutualisée de l’emploi

Défini aujourd’hui aux articles L. 1253-1 et suivants du code du travail, le groupement d’employeurs prend juridiquement la forme d’une association à but non lucratif, créée à l’initiative de personnes physiques ou morales (1). L’association procède directement aux recrutements des salariés en concluant avec eux des contrats de travail écrits. Ces contrats indiquent les conditions d’emploi et de rémunération, la qualification du salarié, la liste des utilisateurs potentiels et les lieux d’exécution du travail. Le salarié exécute sa prestation de travail chez les membres du groupement et bénéficie de la convention collective dans le champ d’application de laquelle le groupement a été constitué.

Comme dans toute situation de prêt de main-d’œuvre, c’est donc une relation de type triangulaire qui s’établit entre le groupement, employeur de droit, les membres adhérents utilisateurs de la main-d’œuvre, employeurs de fait, et la personne mise à disposition.

Les opérations de mise à disposition au profit des membres du groupement ne peuvent pas avoir de but lucratif, contrairement à ce qui en va avec les entreprises de travail temporaire. Les entreprises qui bénéficient des mises à disposition devront rembourser au groupement les charges et frais exposés par celui-ci ; elles sont par ailleurs responsables des conditions d’exécution du travail, telles qu’elles sont déterminées par les mesures législatives, réglementaires et conventionnelles applicables au lieu de travail.

Il est également prévu que les membres du groupement d’employeurs sont solidairement responsables de ses dettes à l’égard des salariés et des organismes créanciers de cotisations obligatoires.

Ainsi défini, ce dispositif peut intervenir dans une pluralité de situations, qui ont été énumérées par la circulaire de la direction des relations du travail (DRT) du ministère en charge du travail en date du 20 mai 1994 :

– le partage à temps partiel d’un salarié qualifié (par exemple un comptable ou un cadre ayant des compétences spécifiques) ;

– l’utilisation successive suivant les périodes de l’année d’un ou de plusieurs salariés pour effectuer des travaux saisonniers se situant à des époques différentes (pour la taille des arbres fruitiers, la récolte de légumes, les travaux d’été ou encore la récolte de fruits à l’automne) ;

– le bénéfice occasionnel d’appoints de main-d’œuvre pour renforcer l’effectif de salariés existant au sein d’une entreprise et permettre ainsi de faire face à des besoins échelonnés avec un travailleur qui bénéficie du statut de salarié permanent du groupement ;

– le maintien de la permanence de l’emploi d’un salarié au sein de plusieurs entreprises alors que ce dernier était menacé de licenciement ou risquait de voir son statut devenir précaire ;

– la transformation des emplois précaires en emplois permanents par la mise à la disposition des membres du groupement des services d’un salarié expérimenté.

Ce dispositif favorise la stabilité des salariés dans leur emploi en leur offrant un interlocuteur commun, seul investi de la qualité d’employeur et par conséquence un statut salarial plus attractif que les formules qui les lient à plusieurs employeurs, par exemple en une multiplication de contrats de travail à temps partiel.

2. De nombreux aménagements au fil des années

La réglementation initialement applicable aux groupements d’employeurs aux termes de la loi du 25 juillet 1985 a évolué au fil des années.

Pour favoriser le développement des groupements d’employeurs, la loi quinquennale pour l’emploi du 20 décembre 1993 (2) a apporté plusieurs modifications à la législation antérieure :

– en relevant le seuil d’effectif des entreprises autorisées à constituer un groupement d’employeurs ou à y adhérer à 300 salariés (ce seuil était, après avoir été fixé à dix en 1985, de 100 depuis 1987 (3)) ;

– en ouvrant la possibilité à une même entreprise d’être membre de deux groupements à la fois (mais pas plus de deux) ;

– en introduisant l’obligation d’informer les institutions représentatives du personnel de l’adhésion de l’entreprise à un groupement d’employeurs ;

– en modifiant la procédure de constitution du groupement d’employeurs dans le cas où les membres du groupement n’entrent pas dans le champ d’application de la même convention collective, par la substitution à la procédure d’agrément préalable de celle de déclaration à laquelle l’autorité administrative peut s’opposer ;

– en créant la catégorie nouvelle de groupements locaux d’employeurs destinés aux personnes physiques ou morales ayant des établissements dans un ou plusieurs départements limitrophes à l’intérieur d’une zone éligible à la prime d’aménagement du territoire.

La loi du 19 janvier 2000 (dite « loi Aubry II ») relative à la réduction négociée du temps de travail a également modifié le régime juridique des groupements d’employeurs, sur deux points : d’une part, en ouvrant la possibilité aux entreprises de plus de 300 salariés d’adhérer à un groupement d’employeurs dans la mesure où ceux-ci ont conclu un accord collectif définissant les garanties accordées aux salariés ; d’autre part, en supprimant la possibilité de créer des groupements locaux d’employeurs.

De manière à faciliter encore le développement des groupements d’employeurs, les lois n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux et n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises ont assoupli les modalités de création et de gestion de ces structures. Ainsi, a été prévue la possibilité pour les sociétés coopératives existantes de développer au bénéfice exclusif de leurs membres les activités pratiquées par les groupements d’employeurs (qu’il s’agisse de mise à disposition de salariés ou bien d’aide et de conseil en matière d’emploi ou de gestion des ressources humaines).

De plus, la loi d’orientation agricole n° 2006-11 du 5 janvier 2006 a autorisé les coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) à développer au bénéfice exclusif de leurs membres les activités pratiquées par les groupements d’employeurs.

Plus récemment encore, la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail a ouvert la possibilité à chacun des salariés d’un groupement d’employeurs de bénéficier des dispositifs d’intéressement, de participation et d’épargne salariale mis en place au sein des entreprises adhérentes à la disposition de laquelle ils sont mis.

Cette dernière mesure a résulté de l’adoption à l’unanimité d’un amendement présenté par M. Jean-Charles Taugourdeau (UMP) à l’Assemblée nationale. La discussion a été l’occasion de souligner l’intérêt des groupements d’employeurs. M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, a déclaré : « Il est temps que le législateur, les pouvoirs publics et l’État reconnaissent un fait : les groupements d’employeurs. Voilà une structure qui marche, qui répond à une réalité du terrain, même si elle n’a pas été pensée à Paris. Et ce qui marche sur le terrain doit enfin bénéficier d’une consécration législative ». M. Alain Vidalies (SRC) a déclaré quant à lui : « Je suis heureux que l’on fasse en droit du travail de plus en plus de cas des groupements d’employeurs. Ni leurs salariés, ni leurs entreprises ne doivent en effet avoir un statut dérogatoire au droit commun ».

B. DES ENJEUX MULTIPLES POUR UNE STRUCTURE AUX ATOUTS RÉELS

Les groupements d’employeurs sont des structures dotées de réels atouts mais ne permettent de répondre encore qu’insuffisamment aux enjeux qui se présentent aujourd’hui.

1. Des atouts réels

Comme le soulignait en conclusion de son rapport au nom du Conseil économique, social et environnemental M. Jean-Marcel Bichat en 2002 (4), la formule des groupements d’employeurs apparaît comme un dispositif original qui « s’inscrit à ce titre positivement dans une démarche d’innovation sociale portée par une plus grande diversité d’acteurs. Elle trouve ainsi sa place dans les formes d’adaptation de l’emploi disponibles et permet de répondre aux besoins des entreprises en personnels et qualifications précises et de prendre en compte les fluctuations d’activité, tout en contribuant à une certaine déprécarisation de l’emploi ».

Dotés d’un nombre non négligeable d’atouts, les groupements d’employeurs se sont développés progressivement dans différents secteurs d’activité. Aujourd’hui, on dénombre trois types principaux de groupements d’employeurs (5) :

– les groupements d’employeurs agricoles, au nombre de 3 600 environ, qui représentent 12 000 salariés équivalents temps plein ;

– les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ) : juridiquement, rien ne les distingue des groupements d’employeurs traditionnels. Mais ils se caractérisent par la prise en charge d’une mission de qualification et d’intégration de demandeurs d’emploi rencontrant des difficultés d’insertion professionnelle. Historiquement, la branche professionnelle majoritaire est celle du bâtiment. Aujourd’hui, les GEIQ sont au nombre de 107, représentant 3200 contrats d’insertion, et interviennent aussi dans de nombreuses autres branches d’activité : la propreté, les espaces verts, l’agriculture, l’horticulture, le textile, l’agroalimentaire, l’expédition de fruits ou encore le domaine du théâtre ;

– les groupements d’employeurs professionnels et multisectoriels, aujourd’hui au nombre de 300, qui représentent 12 000 salariés en équivalent temps plein et 10 000 entreprises adhérentes.

En moyenne, un groupement d’employeurs compte 52 entreprises adhérentes, ce nombre pouvant varier de 3 à 350. L’effectif moyen annuel est de 36 salariés (il peut aller de 1 à 650).

Ces chiffres sont certes encore modestes. Comme l’a montré le rapport établi par M. Thomas Chaudron en février 2009 à l’attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, intitulé « Les tiers employeurs, ou comment conjuguer compétitivité et responsabilité dans la France du XXIe siècle », le groupement d’employeurs bénéficie dans le même temps d’un véritable « faisceau de sympathie rare » : « l’objectif d’un groupement d’employeurs est de répondre à des besoins de main-d’œuvre pérennes au sein des organisations, grâce à une mutualisation des ressources humaines disponibles sur le territoire. Il a donc une finalité à la fois économique, sociale et sociétale. Et c’est peut-être cette conjonction de vocations qui fait que, bien qu’il soit encore assez méconnu, sa cause est plaidée avec conviction par de nombreux convaincus. Hommes politiques, dirigeants d’entreprise, syndicalistes : force est de constater que peu de causes provoquent de nos jours une telle union dans le champ économique et social ».

Ce n’est donc pas un hasard si ce dispositif tend à gagner de nouveaux secteurs professionnels, tel le secteur artisanal ou le secteur associatif, qu’il s’agisse de sport, de musique ou encore des services à la personne.

En outre, certains pays européens, notamment l’Allemagne et la Belgique, mais aussi le Québec, étudient actuellement la possibilité de mettre en œuvre un tel modèle. En Allemagne ont d’ailleurs déjà été créés, comme le rappelait le Conseil économique, social et environnemental dans son rapport de 2002, des dispositifs voisins dans le cadre du développement des petites et moyennes entreprises (PME) artisanales et des entreprises agricoles en milieu rural. Au Danemark aussi ont été établies des formes de « clubs de salariés » : lorsqu’elles en ont besoin, les entreprises s’associent et se partagent les services de salariés dotés de compétences spécifiques.

2. Des enjeux importants

La question du développement des groupements d’employeurs recouvre quatre enjeux importants : ceux de l’emploi, de la précarité, de la flexisécurité et de l’aménagement du territoire.

 Le développement de l’emploi

On pourrait être tenté de considérer que l’impact sur l’emploi de l’activité des groupements d’employeurs n’est pas à ce jour significatif. Ce serait toutefois se méprendre. Certes, en aucun cas les groupements d’employeurs ne constituent une solution « miracle » contre le chômage. Leur développement est cependant loin d’être dénué d’effets sur l’emploi.

Dans son rapport précité, M. Jean-Marcel Bichat, s’il commence par indiquer que « le GE n’est en général pas directement créateur d’emploi », ajoute aussitôt : « il permet de reconstituer des emplois à partir de fragments d’emplois préexistants sous différentes formes. (...) L’intérêt est que cette structure permet de recomposer des activités initialement précaires et de consolider des emplois ». Plus loin, il aborde la question des créations nettes d’emploi dans les très petites entreprises.

Dans un rapport sur les groupements d’employeurs, le Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD) va plus loin en évoquant « un important potentiel de création d’emplois » : « en constituant un emploi à temps plein à partir de deux ou trois emplois à temps partiel, le groupement d’employeurs invente un nouvel accès à l’emploi qui apparaît comme une des solutions pour diminuer le chômage ».

À partir d’une enquête réalisée auprès de 414 entreprises adhérentes, ce rapport propose une extrapolation aux entreprises françaises pour avancer le chiffre d’une création « théorique » de 850 000 emplois à temps plein, ajoutant que ce sont « au moins 500 000 emplois qui sont en jeu ».

Sans entrer dans une querelle de chiffres, il semble incontestable, dans la conjoncture actuelle, qu’aucune piste ne doit être écartée. Que les emplois soient créés, maintenus ou consolidés, finalement, l’essentiel est que le principe même de cet impact n’est pas discuté.

Sur un plan non plus quantitatif mais qualitatif, le rapport précité sur les tiers employeurs met en évidence les publics susceptibles d’être particulièrement concernés :

– les seniors qui, après un parcours au sein de grands groupes en y exerçant des responsabilités spécifiques (dans les domaines du marketing, des ressources humaines, des achats, etc.), auraient sans les groupements d’employeurs des difficultés pour retrouver un poste équivalent dans une plus petite entreprise : au sein d’un groupement, ils pourront travailler quelques jours par semaine, ce qui est acceptable pour l’entreprise en termes de coût et réaliste au regard du volume de travail nécessaire pour l’accomplissement d’une mission ;

– les femmes qui, après avoir cessé leur activité pour élever leurs enfants, ont des difficultés pour retrouver un travail ; le temps partiel choisi peut devenir plus acceptable pour l’employeur si les missions confiées reposent sur des temps de présence, programmés à l’avance, un ou deux jours par semaine ;

– les saisonniers, qui peuvent partager leur temps de travail en fonction de la saisonnalité de l’activité entre deux ou trois entreprises et ainsi obtenir un niveau de rémunération annuel plus important et plus sûr ;

– les salariés bénéficiant d’un contrat de transition professionnelle (CTP) qui pourraient, avec le développement de tels dispositifs, bénéficier ainsi d’une possibilité supplémentaire en vue d’un reclassement.

● La lutte contre la précarité

Le thème de l’emploi n’est pas séparable de celui de la précarité. Le Conseil économique, social et environnemental a montré en 2002 que le développement des groupements d’employeurs favorise une forme de « déprécarisation de l’emploi » : ce dispositif « procure une sécurité et une stabilisation de l’emploi supérieure à leur situation antérieure, notamment par la transformation d’emplois précaires en emplois permanents ».

Le CJD avait de même montré dès 2007 dans son rapport sur les groupements d’employeurs comment ceux-ci « transforment, grâce à une coopération interentreprise, des temps partiels précaires en contrats à durée indéterminée à temps plein », levant ainsi « le blocage psychologique lié à la mauvaise image du temps partiel et les difficultés économiques liées au travail précaire, c’est-à-dire au fait qu’un temps partiel ne suffit pas pour vivre correctement ».

Le rapport sur les tiers employeurs précité montre comment, très concrètement, dans le cas des entreprises amenées à procéder à des plans de restructuration, la possibilité pour un salarié de se faire embaucher par un groupement d’employeurs peut lui permettre de poursuivre une activité à temps plein alors même que son emploi se verrait réduit à un temps partiel dans son entreprises d’origine. Cette solution « médiane » entre le maintien en activité sans modifications et le licenciement économique ne doit pas être négligée.

● La promotion de la flexisécurité

Depuis plusieurs années émerge le concept de flexisécurité, destiné à souligner une demande croissante conjuguée de sécurité juridique et de flexibilité en matière d’emploi, s’agissant tant des employeurs que des salariés. Le droit français commence à évoluer en développant les instruments au service d’une telle flexisécurité, tels la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail.

La forme juridique du groupement d’employeurs rejoint directement ces préoccupations, comme l’avait montré le Conseil économique, social et environnemental en 2002 avant même que le concept de flexisécurité ne connaisse son succès d’aujourd’hui :

– le groupement d’employeurs constitue une solution pragmatique en réponse à certains besoins des entreprises, s’agissant notamment de la variation de la charge de travail, des questions d’organisation du travail ou du développement de compétences spécialisées nécessaires au développement de l’activité productive ;

– s’agissant des salariés, le fait d’être titulaire d’un contrat de travail au sein d’un groupement d’employeurs permet de bénéficier d’une stabilité supérieure, rendue possible par la dimension collective du groupement ; par ailleurs, l’exécution du contrat de travail au sein de deux ou trois entreprises peut être de nature à enrichir les compétences du salarié ; de plus, les groupements mettent en place des dispositifs relativement fins de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ; enfin, la définition de parcours individualisés et le suivi des plans individuels et collectifs de formation ainsi que d’adaptation à l’emploi peuvent être présentés comme une forte valeur ajoutée des groupements d’employeurs.

Bref, comme le souligne le rapport sur les tiers employeurs, « la nécessité de « sortir du cadre » pour trouver des réponses innovantes amène à considérer les dispositifs de tiers employeurs comme de bons laboratoires pour identifier les enjeux et les bonnes pratiques de sécurités nouvelles, conjointement à la flexibilité que ces solutions apportent déjà ».

● L’aménagement du territoire

Les groupements d’employeurs sont aussi amenés à jouer un rôle important en matière d’aménagement du territoire dans la mesure où ils constituent souvent une réponse pertinente au niveau local, face à des besoins en emploi propres à certains bassins d’emploi ou zones géographiques déterminées. De ce point de vue, ils apparaissent comme un outil au service de la vitalité économique et sociale des territoires. En pratique, pour un jeune diplômé recherchant un emploi sur son territoire, le regroupement de deux ou trois petites et moyennes entreprises dans un groupement d’employeurs peut favoriser un recrutement au plan local.

3. Une réforme nécessaire

Comme le notent de nombreux observateurs, il est nécessaire d’aller plus loin dans le développement des groupements d’employeurs. M. Pierre Fadeuilhe, professeur de droit, écrivait par exemple au sujet de la récente ouverture d’une possibilité pour les groupements d’employeurs de faire bénéficier leurs salariés des dispositifs d’épargne salariale : « On ne peut, en définitive, que se féliciter de l’apport de l’article 7 de la loi du 3 décembre 2008 en ce que les groupements d’employeurs marquent encore plus leurs différences avec les autres formes de prêts de main-d’œuvre, qu’elles soient ou non à but lucratif. Mais pour qu’ils puissent prendre réellement leur essor, il apparaît nécessaire que le législateur fasse évoluer d’autres aspects de la réglementation (…) » (6).

Au cours des dernières années, un certain nombre de rapports ont établi un diagnostic et des propositions de réformes. Trois ensembles de propositions peuvent être distingués.

● Mieux connaître les groupements d’employeurs

Le caractère « relativement méconnu » du groupement d’employeurs, pour reprendre l’expression du Conseil économique, social et environnemental a amené un certain nombre d’observateurs à se prononcer en faveur d’une forme de promotion des groupements d’employeurs.

Cette promotion pourrait passer, conformément aux préconisations du Conseil économique, social et environnemental, par le recueil de données sur l’existant afin de mieux connaître les expériences du terrain, d’alimenter une réflexion globale au plan national et d’assurer une bonne compréhension du dispositif par l’ensemble des acteurs. Elle pourrant consister en une grande enquête nationale également, comme l’a suggéré le Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD).

Quel que soit le moyen retenu, l’objectif est d’assurer une information de l’ensemble des acteurs susceptibles d’être concernés.

Le Conseil économique, social et environnemental est même allé jusqu’à proposer la mise en œuvre d’un dispositif de labellisation destiné à favoriser la diffusion des bonnes pratiques.

● Mieux reconnaître les groupements d’employeurs

Mieux connaître les groupements d’employeurs suppose aussi que ceux-ci puissent être bien identifiés et, partant, encore davantage reconnus.

Un certain nombre de propositions sont ainsi destinées, dans un premier temps, à préciser la notion même de groupement d’employeurs : comme l’ont souligné tant le Conseil économique, social et environnemental que le récent rapport sur les tiers employeurs, si l’obligation de solidarité financière qui lie aujourd’hui les membres des groupements d’employeurs ne peut qu’être préservée, sa mise en œuvre doit dans le même temps pouvoir tenir compte, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, de l’utilisation qui est faite du groupement d’employeurs par ses différents membres.

D’autres réflexions concernent la prise en charge des groupements d’employeurs par le dispositif de l’assurance pour la garantie des salaires (AGS), le régime fiscal applicable aux groupements d’employeurs, la pertinence du seuil de 300 salariés au-delà duquel une entreprise ne peut adhérer à un groupement d’employeurs sans la conclusion préalable d’un accord collectif ou encore, pour ne retenir qu’un certain nombre des pistes proposées, une délimitation plus précise du champ d’intervention des groupements d’employeurs.

Dans un deuxième temps, certaines propositions tendent à assurer une consolidation du statut des personnels concernés par les mises à disposition effectuées dans le cadre des groupements d’employeurs. Ainsi, tant le Conseil économique, social et environnemental que le récent rapport sur les tiers employeurs plaident en faveur d’une harmonisation statutaire des règles applicables aux salariés, par l’intervention d’un accord national interprofessionnel pour le premier, la création d’une convention collective spécifique pour le second.

● Élargir les possibilités d’intervention des groupements d’employeurs

Enfin, depuis la loi du 23 février 2005 sur le développement des territoires ruraux, des personnes physiques ou morales de droit privé peuvent créer des groupements d’employeurs avec des collectivités territoriales et leurs établissements publics. Cette possibilité est cependant réservée aux missions prises en charge dans le cadre d’un service public industriel et commercial ou d’un service environnemental ainsi que pour l’entretien des espaces verts et des espaces publics.

Il pourrait être opportun de réfléchir à la manière d’étendre cette possibilité, réflexion ouverte par le rapport sur les tiers employeurs mais aussi, plus généralement, par une proposition du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD) suggérant d’ouvrir des possibilités nouvelles d’adhésion aux groupements d’employeurs au profit du secteur associatif ou des professions libérales.

C. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Compte tenu de l’ensemble de ces enjeux, la présente proposition de loi consacre son titre Ier à cinq mesures importantes destinées à développer les groupements d’employeurs. Ces mesures, qui ont pour visée générale commune de lever les contraintes relatives au développement de ces structures, sont les suivantes :

– la suppression de la disposition qui figure aujourd’hui dans le code du travail et interdit à une même personne physique ou morale d’appartenir à plus de deux groupements, tout en ménageant des exceptions (article 1er de la proposition de loi) ;

– la substitution à l’actuel dispositif relatif à la possibilité d’adhésion à un groupement d’employeurs des entreprises de plus de 300 salariés sous la réserve de la conclusion d’un accord collectif d’un dispositif supprimant ce seuil tout en favorisant la conclusion d’un accord national interprofessionnel ou d’un accord de branche pour définir les garanties accordées aux salariés des groupements d’employeurs (article 2 de la proposition de loi) ;

– l’aménagement du principe de responsabilité solidaire des membres du groupement d’employeurs de manière à favoriser la mise en œuvre de règles spécifiques à un groupement, susceptibles de permettre la prise en compte du niveau d’utilisation du groupement par chaque utilisateur (article 3 de la proposition de loi) ;

– l’extension des conditions dans lesquelles peuvent participer aux groupements d’employeurs les collectivités territoriales et leurs établissements publics (article 4 de la proposition de loi) ;

– la création d’une possibilité d’un travail commun entre les groupements d’employeurs et la nouvelle institution nationale née du regroupement de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et des Assédic, Pôle emploi (article 5 de la proposition de loi).

II.- CLARIFIER LE RÉGIME DU PRÊT DE MAIN-D’œUVRE

Le prêt de main-d’œuvre consiste à mettre à la disposition d’une entreprise du personnel dont la gestion relève d’une autre entreprise. La terminologie utilisée pour désigner ce dispositif est variable : certains parlent de prêt de main-d’œuvre là où d’autres évoquent le détachement, la mise à disposition, la mutation ou encore le transfert de personnels. C’est que le prêt de main-d’œuvre recouvre aussi une diversité de pratiques et de règles. Parce qu’il connaît un véritable dynamisme, en partie lié à la crise économique, le prêt de main-d’œuvre soulève aujourd’hui des questions nombreuses.

A. LE PRÊT DE MAIN-D’œUVRE AUJOURD’HUI, UNE DIVERSITÉ DES PRATIQUES ET DES RÈGLES

Juridiquement, il existe une distinction centrale dans le code du travail entre le prêt de main-d’œuvre à but lucratif, en principe prohibé, et le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif, autorisé mais plus ou moins encadré selon sa forme juridique. Au total, les différentes situations de prêt de main-d’œuvre sont les suivantes.

Les différentes formes de prêts de main-d’œuvre

 

Cas de licéité

Cas d’illicéité

Opération de fourniture de prêt de main-d’œuvre à but lucratif

Travail temporaire

Portage salarial

Travail à temps partagé

Agences de mannequins, associations ou sociétés sportives, mises à disposition auprès d’organisations syndicales ou d’employeurs

Contrat de prestation de service ou de sous-traitance

Marchandage

Prêt de main-d’œuvre à but exclusif

Fausse sous-traitance

Opération de fourniture de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif

Groupements d’employeurs

Associations intermédiaires

Associations de services à la personne

Entreprises de travail temporaire d’insertion

Détachement : mise à disposition de salariés entre des entreprises distinctes ou entreprises d’un même groupe, sans profit pour le prêteur

Toute opération accomplie en violation des dispositifs licites

1. Le principe de l’interdiction du prêt de main-d’œuvre à but lucratif

Il existe traditionnellement une importante réserve du droit français à l’égard de la pratique du prêt de main-d’œuvre, justifiée par des raisons à la fois historiques et de principe.

a) L’interdiction de principe du prêt de main-d’œuvre à but lucratif

L’interdiction du marchandage remonte presque aux origines du droit du travail, en 1848 précisément. Louis Blanc avait montré la nécessité d’éviter « qu’entre le patron et l’ouvrier se glissent de rapaces intermédiaires qui, quelle que soit la bonne volonté du premier, fassent descendre les salaires au niveau marqué par la faim ».

Aujourd’hui, la répression du trafic de main-d’œuvre résulte de deux textes qui se recoupent assez largement, l’un relatif à l’interdiction du « marchandage », l’autre à celle du « prêt de main-d’œuvre à but lucratif » :

— Le marchandage est défini à l’article L. 125-1 du code du travail, devenu article L. 8231-1, qui interdit « toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail ».

Cette incrimination a un champ d’application vaste car elle ne distingue pas selon que la fourniture de main-d’œuvre accompagne une autre opération (par exemple la fourniture de matériel) ou a un caractère exclusif (Cass. Crim., 23 juin 1987) : dès lors que la fourniture de main-d’œuvre à but lucratif cause un préjudice au salarié, elle est illicite. Le contrat de mise à disposition est alors nul.

En outre, en application de l’article L. 8234-1 du code du travail, les parties au contrat sont passibles d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros.

— Aux termes de l’article L. 8241-1 du code du travail, « toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre est interdite ».

Cet article prohibe toute opération à but lucratif ayant pour objet « exclusif » le prêt de main-d’œuvre, condition donc plus exigeante que pour ce qui concerne le marchandage. En revanche, il n’y a pas à rechercher quelles sont les conséquences de l’opération vis-à-vis du salarié : l’infraction est constatée même si la fourniture de main-d’œuvre n’entraîne pas de préjudice pour celui-ci ; dès lors que l’objet exclusif de l’opération est la fourniture de main-d’œuvre, l’infraction est constituée.

Le contrat est alors considéré comme nul, d’une nullité absolue : l’entreprise ayant fourni la main-d’œuvre ne pourra obtenir en justice le paiement des sommes convenues en rémunération de service rendu, comme l’a précisé à plusieurs reprises la Cour de cassation (Cass. Soc., 5 juillet 1984 ; cass. soc., 17 juin 2005).

Les sanctions pénales applicables sont, conformément à l’article L. 8243-2 du code du travail, des peines d’emprisonnement de deux ans et d’amende de 30 000 euros.

b) Des situations de licéité du prêt de main-d’œuvre à but lucratif

Si le prêt de main-d’œuvre est en principe illicite, il en va autrement d’un certain nombre de situations, expressément prévues (pour une partie d’entre elles) à titre de dérogations par l’article L. 8241-1 du code du travail :

– le travail temporaire, qui n’est pas défini par le code du travail en tant que tel ; cependant, aux termes de l’article L. 1251-2 du code du travail, « est un entrepreneur de travail temporaire, toute personne physique ou morale dont l’activité exclusive est de mettre à la disposition temporaire d’entreprises utilisatrices des salariés qu’en fonction d’une qualification convenue elle recrute et rémunère à cet effet » ;

– le portage salarial, défini par l’article L. 1251-64 du code du travail comme un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage ;

– le travail à temps partagé, dispositif issu de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 qui présuppose la conclusion avec une entreprise de travail à temps partagé d’un contrat, laquelle met un salarié à la disposition de l’entreprise utilisatrice moyennant une rémunération. Est considérée comme entreprise de travail à temps partagé toute personne physique ou morale dont l’activité exclusive consiste à mettre à la disposition d’entreprises clientes du personnel qualifié qu’elles ne peuvent recruter elles-mêmes à raison de leur taille ou de leurs moyens (articles L.1252-1 et suivants du code du travail) ;

– la situation particulière des agences de mannequins et des associations ou sociétés sportives ainsi que les mises à disposition de salariés auprès d’organisations syndicales ou d’associations d’employeurs ;

– le recours aux contrats de prestations de service ou de sous-traitance : le contrat de prestation de service est un contrat par lequel un employeur s’engage à réaliser une tâche précise pour le compte d’un tiers, moyennant rémunération ; le contrat de sous-traitance est une variété de contrat de prestation de services (c’est un contrat par lequel un entrepreneur confie à un autre le soin d’exécuter totalement ou partiellement les engagements qu’il a lui-même souscrits vis-à-vis d’un tiers). Ces contrats sont licites à condition qu’il s’agisse véritablement de tels contrats, autrement dit qu’ils ne dissimulent pas une fourniture de main-d’œuvre à but lucratif (7).

2. Le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif, peu réglementé

Excepté lorsqu’il recouvre un certain nombre de formes juridiques déterminées (groupements d’employeurs, associations intermédiaires, entreprises de travail temporaire d’insertion), le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif est peu réglementé.

a) Le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif réglementé

Certaines pratiques de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif sont expressément réglementées par le code du travail. Il s’agit des formes juridiques suivantes :

– les groupements d’employeurs (voir supra le I) : ces associations (voire sociétés coopératives) embauchent des salariés pour ensuite les mettre à disposition des employeurs membres du groupement ;

– les associations intermédiaires : créées par la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d’ordre social, ces associations embauchent des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, afin de faciliter leur insertion professionnelle en les mettant, à titre onéreux, à la disposition de personnes physiques ou morales (articles L. 5132-7 et suivants du code du travail) ;

– les associations de services à la personne : reconnues et réglementées par la loi n° 91-1405 du 31 décembre 1991 relative à la formation professionnelle et à l’emploi, elles font aujourd’hui l’objet des dispositions de la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (article L. 7232-1 du code du travail). Les activités de ces associations concernent exclusivement les services rendus aux personnes physiques à leur domicile. Ces associations doivent être agréées par l’État et peuvent intervenir soit comme bureau de placement privé (la personne physique ayant la qualité d’employeur), soit comme fournisseur de main-d’œuvre (l’association recrute le salarié pour le mettre à la disposition de personnes physiques), soit comme prestataire de services.

b) Le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif non réglementé

Aux termes de l’article L. 8241-2 du code du travail, « les opérations de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif sont autorisées ». Sont alors applicables un certain nombre de règles, limitativement énumérées par ce même article L. 8241-2. Il s’agit des règles figurant aux articles suivants :

– les articles L. 1251-21 à L. 1251-24 du code du travail, relatifs aux conditions de travail des salariés en travail temporaire ;

– les articles L. 2313-3 à L. 2313-5 du code du travail, relatifs à certaines attributions des délégués du personnel dans le cadre du travail temporaire ;

– l’article L. 5221-4 du code du travail qui prohibe, sous la réserve des accords internationaux, la mise à disposition de quelque personne que ce soit par une entreprise de travail temporaire de travailleurs étrangers si la prestation de service s’effectue hors du territoire français ;

– les articles L. 412-3 à L. 412-7 du code de la sécurité sociale, à savoir les dispositions applicables aux salariés liés par un contrat de travail temporaire en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

Aucune autre disposition expresse du code du travail ne s’applique au prêt de main-d’œuvre à but non lucratif. Certes, dans la pratique, il est recommandé de formaliser la convention de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif dans un document écrit établi par les deux entreprises concernées et de délivrer un ordre de mission au salarié prêté, en vue de prévenir d’éventuels litiges. Pour le reste, le régime juridique du prêt de main-d’œuvre à but non lucratif résulte au mieux de décisions jurisprudentielles. À titre d’exemple, les règles suivantes ont ainsi été posées par des arrêts de la Cour de cassation :

– Le contrat de travail liant le salarié à son entreprise d’origine est en principe maintenu, cette dernière demeurant l’employeur. La mise à disposition du salarié n’entraîne donc pas en soi une modification du contrat de travail du salarié (Cass. Soc., 15 mars 2005, Société Pertuy c. Faucher) ; l’existence ou non d’une modification du contrat sera appréciée à partir d’autres éléments, tels que le changement du lieu de travail, de la rémunération, etc. Le salarié ne devient en effet pas salarié de l’entreprise d’accueil.

– En principe, seule l’entreprise d’origine peut licencier le salarié mis à disposition. Mais elle ne peut le faire que si elle invoque un motif qui lui est propre et distinct de celui ayant mis fin à la mise à disposition (Cass. soc., 20 juin 2000, Léger c. Société Moter BTP).

3. Le cas particulier du prêt de main-d’œuvre dans les pôles de compétitivité

a) Le dispositif expérimental prévu par la loi du 30 décembre 2006

En application de l’article 24 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 (loi de finances pour 2005), des pôles de compétitivité peuvent être constitués par le regroupement sur un même territoire d’entreprises, d’établissements d’enseignement supérieur et d’organismes de recherche publics ou privés qui ont vocation à travailler ensemble pour mettre en œuvre des projets de développement économique pour l’innovation. Il s’agit de favoriser une véritable « synergie entreprises/universités/laboratoires » (8). En effet, les projets de recherche des pôles doivent associer plusieurs entreprises et au moins un laboratoire public ou privé, établissement d’enseignement supérieur ou organisme de transfert de technologie.

L’article 47 de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié a autorisé, à titre expérimental, certains organismes participant à un même pôle de compétitivité à mettre des salariés à la disposition les uns des autres.

Ainsi, jusqu’au 31 décembre 2010, les organismes de recherche, les établissements d’enseignement supérieur et les entreprises peuvent mettre leurs salariés à la disposition d’une entreprise, d’un établissement d’enseignement supérieur ou d’un organisme de recherche faisant partie d’un même pôle de compétitivité.

Il est expressément prévu que les dispositions des articles L. 8231-1 et L. 8241-1 du code du travail, relatifs à la répression du marchandage et du prêt de main-d’œuvre à but lucratif, ne sont pas applicables au prêt de main-d’œuvre réalisé dans le cadre de cette expérimentation, dès lors que celui-ci n’a pas pour effet de causer un préjudice au salarié concerné.

Les modalités pratiques de la mise en œuvre du prêt de main-d’œuvre dans les pôles de compétitivité sont rappelées dans l’encadré présenté ci-après.

Les modalités pratiques de mise en œuvre
du prêt de main-d’
œuvre dans les pôles de compétitivité

– Salariés concernés :

Seuls les salariés en contrat à durée indéterminée ou de droit public sont susceptibles d’être mis à disposition dans le cadre de ce dispositif.

–  Procédure applicable :

L’employeur qui entend mettre un ou des salariés à la disposition d’une entreprise, d’un établissement ou d’un organisme conclut avec ce dernier une convention écrite de mise à disposition. Toutefois, la signature d’une convention de mise à disposition pour chaque mise à disposition individuelle n’est pas exigée. En outre, aucune convention écrite n’est prévue pour régir les relations entre l’organisme d’accueil et le salarié.

La convention doit définir notamment :

– les caractéristiques des emplois d’affectation, en particulier les qualifications professionnelles exigées, le lieu d’exécution de la prestation de travail, le régime du temps de travail ou l’horaire, et l’exigence d’une formation renforcée à la sécurité lorsque ces emplois figurent sur la liste prévue aux articles L. 4141-3, L. 4142-2 et L. 4154-2 du code du travail ;

– le terme de la mise à disposition et les conditions de son renouvellement ;

– les conditions d’exercice des droits à congé ;

– le cas échéant, toute disposition relative à l’accès aux formations organisées par l’entreprise, l’établissement ou l’organisme d’accueil ;

– les conditions et modalités de rupture anticipée de la mise à disposition par le salarié ou par l’une ou l’autre des parties à la convention.

Par ailleurs, la mise à disposition ne peut affecter la protection dont bénéficie un salarié en application d’un mandat représentatif.

Sauf disposition conventionnelle prévoyant une autre procédure, l’employeur qui entend mettre un salarié à la disposition d’une entreprise, d’un établissement ou d’un organisme doit adresser à ce salarié par lettre recommandée, ou par lettre remise en main propre contre décharge, une proposition écrite d’avenant à son contrat de travail. Cette proposition mentionne :

– l’entreprise, l’établissement ou l’organisme auprès duquel il est envisagé de le mettre à disposition ;

– la durée et les conditions d’exercice de son activité telles qu’elles sont définies par les dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles applicables au lieu du travail et par la convention de mise à disposition.

Le salarié dispose d’un délai de quinze jours ouvrables pour faire connaître sa décision. En l’absence de réponse dans ce délai, le salarié est réputé avoir refusé cette proposition. La même procédure est applicable à chaque renouvellement de la mise à disposition. Un salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir refusé une telle proposition ou pour avoir décidé de mettre fin à la mise à disposition.

– Statut du salarié à l’égard de son employeur :

– Pendant la durée de la mise à disposition, le salarié a droit au maintien de sa rémunération. Celle-ci ne peut être inférieure à celle que percevrait, dans l’entreprise, l’établissement ou l’organisme d’accueil, un salarié embauché directement par ceux-ci, de qualification équivalente, de même ancienneté et occupant un poste similaire.

– S’agissant d’un représentant du personnel, la protection dont il bénéficie ne peut être affectée par la mise à disposition.

– À l’issue de la mise à disposition ou si la mise à disposition prend fin avant le terme initialement fixé, le salarié retrouve son emploi ou un emploi équivalent assorti d’une rémunération au moins égale ainsi que tous les droits attachés à son contrat de travail, notamment liés à son ancienneté, pour la détermination desquels la période de mise à disposition est considérée comme du travail effectif. Il est prioritaire pour bénéficier d’une action de formation dans le cadre du plan de formation.

– Statut du salarié au sein de l’organisme d’accueil :

– Pendant la durée de la mise à disposition, l’entreprise, l’établissement ou l’organisme d’accueil est responsable des conditions d’exécution du travail applicables au lieu du travail, dans les matières touchant à la durée du travail, au travail de nuit, au repos hebdomadaire et des jours fériés, aux congés payés, à l’hygiène et à la sécurité ainsi qu’au travail des femmes et des jeunes travailleurs.

Les entreprises, établissements ou organismes d’origine, d’une part, et les établissements d’accueil, d’autre part, sont respectivement tenus à l’égard des salariés mis à disposition aux mêmes responsabilités et obligations que celles mises respectivement à la charge des entreprises de travail temporaire et des entreprises utilisatrices à l’égard des salariés temporaires :

– Les obligations afférentes à la médecine du travail sont à la charge de l’entreprise qui met à disposition le salarié, sauf si l’activité exercée par ce dernier nécessite une surveillance médicale spéciale. Dans cette hypothèse, les obligations correspondantes sont à la charge de l’entreprise d’accueil.

– Les équipements de protection individuelle sont fournis par l’entreprise d’accueil, excepté certains équipements de protection individuelle personnalisés, définis par voie de convention ou d’accord collectif, qui peuvent être fournis par l’entreprise d’origine. En tout état de cause, les salariés mis à disposition ne doivent pas supporter la charge financière des équipements de protection individuelle.

– Enfin, les salariés mis à disposition ont accès, dans l’entreprise d’accueil, dans les mêmes conditions que les salariés de cette entreprise, aux moyens de transport collectifs et aux installations collectives, notamment de restauration, dont peuvent bénéficier ces salariés. Lorsque, de ce fait, des dépenses supplémentaires incombent au comité d’entreprise, celles-ci doivent lui être remboursées.

Le 18 juin 2008, le gouvernement a rendu public les résultats d’une mission d’évaluation sur les pôles de compétitivité réalisée par le cabinet Boston consulting group et CM international.

Cette évaluation a confirmé que « la politique des pôles de compétitivité, qui associe de nombreux partenaires, est aujourd’hui reconnue par l’ensemble des acteurs comme un succès. Un grand nombre de pôles de compétitivité, de toutes tailles et de tous secteurs, ont su créer en trois ans une dynamique de développement et de coopération entre les entreprises grandes et petites, la recherche publique et les organismes de formation ».

Il est vrai qu’à ce jour, le recours à ce dispositif de mise à disposition est d’ampleur inégale. Cependant, dans un rapport présenté au nom du Conseil économique, social et environnemental le 18 juin 2008 également, intitulé : « Les pôles de compétitivité : faire converger performance et dynamique territoriale », M. André Marcon a mis en évidence le rôle structurant des « grandes entreprises » dans les pôles, « dans leur stratégie, dans les flux d’échanges avec les laboratoires de recherche et les universités, dans la mise à disposition de personnels pour la structure d’animation et dans le pilotage des projets ».

b) L’opportunité de prolonger cette expérimentation

La convergence de ces deux éléments – la dynamique née de la mise en œuvre des pôles de compétitivité et le recours aux mises à disposition de personnels – conduit à envisager la prolongation de l’expérimentation prévue par la loi du 30 décembre 2006. C’est dans cette voie que s’était engagée la présente proposition de loi. Comme le rappelle en effet son exposé des motifs, la presse s’est fait l’écho de plusieurs initiatives telle celle du pôle Minalogic, où des entreprises de haute technologie « prêtent » leurs ingénieurs dans le cadre posé par l’article 47 de la loi du 30 décembre 2006.

Or l’expérimentation doit prendre fin le 31 décembre 2010. De manière à la prolonger et à acter, dès aujourd’hui, le principe de cette prolongation, en sécurisant ainsi l’horizon des entreprises qui souhaiteraient y avoir recours, l’article 7 de la présente proposition de loi visait à repousser d’un an cette échéance en remplaçant la référence à l’année 2010 par la référence à l’année 2011.

Saisie par le président de l’Assemblée nationale de la conformité à l’article 40 de la Constitution de cette proposition de loi, le bureau de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan a, par décision du 12 mai 2009, déclaré contraire à l’article 40 cet article 7.

B. LE PRÊT DE MAIN-D’œUVRE EN QUESTION

Il existe aujourd’hui une actualité indéniable des pratiques du prêt de main-d’œuvre, pour des raisons à la fois structurelles et conjoncturelles. Un certain nombre de pistes de réflexion sont dès lors ouvertes pour favoriser la pratique du prêt de main-d’œuvre à but non lucratif.

1. Une actualité indéniable du prêt de main-d’œuvre

Plusieurs facteurs qui doivent être pris en considération conjointement expliquent l’intérêt que suscitent aujourd’hui les pratiques de prêt de main-d’œuvre.

a) L’évolution structurelle de l’activité économique

Comme le note le rapport précité sur les tiers employeurs, « l’activité économique évolue très rapidement, sous la pression conjointe de la mondialisation, des nouvelles technologies et des nouveaux modes d’organisation. La logique de « cœur de métier » pousse également les entreprises à avoir de plus en plus recours à l’externalisation de fonctions annexes à leur activité, ou nécessitant des compétences pointues. Cette externalisation peut fréquemment impliquer la délégation par le prestataire de salariés qui interviennent directement sur le site du client, pour une durée plus ou moins longue ». On ne saurait mieux plaider la cause du recours au prêt de main-d’œuvre à but non lucratif.

b) L’évolution de la conjoncture

Alors que la France connaît une situation conjoncturelle marquée par une crise économique et financière mondiale d’une ampleur sans précédent, certaines entreprises, de manière à ne pas se séparer de leur main-d’œuvre et à éviter des licenciements, ont recours à différentes formes de prêts de main-d’œuvre à but non lucratif, au sein des pôles de compétitivité mais également plus généralement indépendamment de l’application de la loi du 30 décembre 2006.

Ces prêts peuvent revêtir différentes formes : prêts « classiques » d’un site à un autre au sein d’un même groupe, mais aussi prêt à d’autres entreprises voire même à des sous-traitants. Sans doute les effectifs concernés sont-ils encore peu importants. Face à la crise, tout moyen mérite cependant d’être mobilisé en vue de sauvegarder des emplois (9).

2. Les enjeux du prêt de main-d’œuvre aujourd’hui

a) Un dispositif relativement méconnu

Si l’illicéité du prêt de main-d’œuvre à titre onéreux est connue, il n’en va pas toujours de même de la licéité du prêt de main-d’œuvre à titre gratuit. Un sondage réalisé par le Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD) en janvier 2009 a par exemple montré que, sur 400 chefs d’entreprise membres du CJD, très majoritairement dirigeants de petites et moyennes entreprises, seuls 27 % connaissaient cette possibilité.

b) Une incertitude juridique

En outre, même lorsque ce dispositif est connu, un employeur peut être réticent à le mettre en œuvre en raison des incertitudes pesant sur le régime juridique applicable. Un encadrement ou, à tout le moins, une clarification des règles mises en œuvre serait souhaitable, au profit tant des employeurs que des salariés.

Il pourrait être opportun d’approfondir la réflexion sur les garanties apportées aux salariés dans le cadre de la mise en œuvre des prêts de main-d’œuvre à but non lucratif, comme l’a proposé le rapport sur les tiers employeurs, en évoquant certaines pistes : une définition plus claire des missions pouvant faire l’objet du prêt de main-d’œuvre, une transparence plus grande des entreprises s’agissant de leurs pratiques vis-à-vis des salariés et du contenu des missions, voire le renvoi à la négociation collective pour la définition des modalités d’application de ce dispositif.

L’exemple espagnol pourrait aussi inspirer une évolution des pratiques françaises, de manière à accroître le lien entre prêt de main-d’œuvre et développement de l’employabilité et des compétences des salariés concernés. On rappellera à cet égard qu’aux termes de l’article 43 du « Statut des travailleurs » tel qu’il prévaut en Espagne : « La cession de travailleurs est considérée comme illégale en vertu du présent article dans les circonstances suivantes : si l’objet du contrat de service entre les entreprises se limite à une simple mise à disposition des travailleurs de l’entreprise cédante à l’entreprise cessionnaire ; si l’entreprise cédante n’a pas d’activité ou d’organisation propres et stables ; si l’entreprise cédante ne dispose pas des moyens nécessaires pour l’exercice de son activité ; si l’entreprise cédante n’exerce pas les fonctions inhérentes à sa condition d’entreprise ».

c) Certaines pratiques à la limite de la légalité

Enfin, le rapport précité sur les tiers employeurs a bien montré les risques de dérives inhérents au dispositif du prêt de main-d’œuvre à but non lucratif, liées aux incertitudes qui l’affectent : « Dans le domaine de l’informatique et des nouvelles technologies, la séparation entre des entreprises de conseil et des entreprises avec une technicité avérée peut être parfois très floue, les missions menées pouvant sembler tout à fait semblables. Par ailleurs, les modalités contractuelles entre l’entreprise prestataire et l’entreprise utilisatrice peuvent fluctuer entre contrats de sous-traitance classique, contrats de mise en régie ou contrats de mission, ce qui n’aide pas à identifier facilement les modalités de déroulement des travaux demandés. On pourrait aisément parler dans ce cas « d’externalisation déloyale ». De même, les pratiques qui consistent pour le recruteur de l’entreprise utilisatrice à choisir un " candidat " parmi des curriculum vitae que lui propose le représentant de l’entreprise prêteuse est tout bonnement inacceptable ».

C. UNE RÉFLEXION NÉCESSAIRE SUR LA NOTION DE CARACTÈRE LUCRATIF OU NON DU PRÊT DE MAIN-D’œUVRE

Si l’ensemble de ces enjeux sont donc nombreux, il semble qu’une question en particulier se distingue à la fois par la récurrence des difficultés qu’elle soulève et par un degré suffisant de maturation, qui ont conduit les auteurs de la proposition de loi à se concentrer sur elle : la question de la définition du caractère lucratif ou non du prêt de main-d’œuvre. Avec la disposition qui y est consacrée à l’article 6 de la présente proposition de loi, le sujet du prêt de main-d’œuvre à but lucratif n’est naturellement pas épuisé. Mais une telle mesure a au moins le mérite de constituer une première étape dans la nécessaire clarification de ce régime juridique.

La question particulière de la définition du caractère « lucratif » ou non du prêt de main-d’œuvre suscite en effet, de longue date, de nombreux débats. C’est d’ailleurs un paradoxe que cette distinction, centrale pour déterminer le caractère licite ou non du prêt de main-d’œuvre, soit entachée d’une telle incertitude.

Des interprétations très différentes de ce qu’il convient d’entendre par cette notion ont été données par différents juristes :

– pour les uns, les opérations à but lucratif seraient des opérations à titre onéreux : autrement dit, dès lors qu’un contrat aurait été conclu entre deux sociétés moyennant une rémunération, l’opération aurait un but lucratif ;

– pour les autres, les opérations à but lucratif seraient celles réalisées pour poursuivre un but lucratif ; le prêt de main-d’œuvre ne serait pas lucratif dès lors que le montant de la rémunération versée à l’entreprise prêteuse correspond aux salaires, aux charges sociales ainsi qu’éventuellement aux frais de gestion.

Sans entrer à ce stade du développement dans le détail de l’analyse juridique (voir sur cette question le commentaire de l’article 6 de la proposition de loi), il faut préciser que cette deuxième interprétation semble devoir prévaloir. La version actuelle du code du travail ne permettant pas toutefois de lever ces incertitudes, il s’avère nécessaire de préciser le droit applicable.

C’est l’objet de l’article 6 de la proposition de loi, qui précise sans ambiguïtés que le caractère non lucratif d’une opération de main-d’œuvre est caractérisé par la situation où l’entreprise prêteuse ne tire pas de bénéfice de l’opération.

III.- SOUTENIR L’EMPLOI DES JEUNES

L’article 8 de la présente proposition de loi vise à soutenir l’emploi des jeunes en favorisant leur recrutement en contrat de professionnalisation. Le contexte actuel est en effet celui d’une profonde dégradation de l’emploi des jeunes, face à laquelle, en urgence, l’alternance représente une réponse dont l’efficacité est incontestable.

A. LA DÉGRADATION DE L’EMPLOI DES JEUNES

1. L’emploi des jeunes, premier touché par la crise

La crise économique mondiale a dans notre pays un impact particulièrement fort sur l’emploi des jeunes, impact qui s’explique notamment par la concentration des emplois temporaires, qui constituent la variable d’ajustement traditionnelle de l’emploi, sur cette population.

Selon les derniers chiffres disponibles (10), en un an, de mars 2008 à mars 2009, le nombre de demandeurs d’emploi dits de catégorie A (immédiatement disponibles et sans emploi au cours du dernier mois) est passé en France métropolitaine de 2,004 millions à 2,448 millions, soit une hausse de 22,1 %. Parmi eux, les moins de 25 ans étaient 333 000 en mars 2008 et 452 000 en mars 2009, soit une hausse de 35,8 % ; cette hausse est encore plus marquée si l’on prend en compte les seuls jeunes hommes : + 49,9 % (ce qui s’explique sans doute par la concentration des suppressions d’emploi sur l’industrie).

2. Une situation structurelle qui n’est pas satisfaisante

La situation présente est d’autant plus inquiétante que cette violente aggravation conjoncturelle s’inscrit dans un contexte structurel de l’emploi des jeunes qui n’est pas satisfaisant. Ce constat bien connu a fait l’objet de nombreux rapports. Pour reprendre les éléments d’un des plus récents, celui de la mission d’information sur les écoles de la deuxième chance et l’accès à l’emploi présidée par notre collègue Jacques Grosperrin (11), il est clair que la performance française pour l’accès des jeunes à l’emploi est médiocre en comparaison de nos voisins européens, qu’on la mesure en termes de taux d’activité des jeunes, de taux de chômage (rapporté au total des jeunes « actifs ») ou de taux de jeunes sans emploi rapporté à l’ensemble de leur population. Quel que soit l’indicateur retenu, notre pays apparaît en 2007 (dernière année connue, antérieure à la crise précédente) en retrait, avec 31,5 % seulement de jeunes actifs contre plus de 37 % dans l’ensemble de l’Union européenne, 19,4 % de chômage des jeunes contre 15,4 % pour l’UE, 7,3 % du total des jeunes en situation de chômage contre 6,8 % pour l’UE. Sur la base de ce dernier indicateur, la France est en vingt-troisième position sur 27 États-membres.

Situation des jeunes de 15-24 ans
par rapport à l’emploi dans l’Union européenne en 2007

(Etats-membres présentés par taux croissant de chômage des jeunes
rapporté à l’ensemble des jeunes)

(en %)

 

Taux d’emploi

Taux de chômage (par rapport aux actifs)

Taux de chômage sur l’ensemble des jeunes

Lituanie

25,2

8,2

2,2

République tchèque

28,5

10,7

3,4

Estonie

34,5

10,0

3,8

Luxembourg

22,0

17,5

4,1

Chypre

37,4

9,8

4,2

Slovénie

37,6

10,1

4,2

Pays-Bas

68,4

5,9

4,3

Bulgarie

24,5

15,1

4,4

Lettonie

38,4

10,7

4,6

Hongrie

21,0

18,0

4,6

Irlande

49,9

9,3

5,0

Autriche

55,5

8,6

5,3

Danemark

65,3

7,9

5,6

Allemagne

45,3

11,1

6,1

Roumanie

24,4

20,1

6,1

Italie

24,7

20,3

6,3

Belgique

27,5

18,8

6,4

Union européenne

37,2

15,4

6,8

Portugal

34,9

16,6

6,9

Slovaquie

27,6

20,3

7,0

Malte

46,0

13,1

7,1

Pologne

25,8

21,7

7,1

Grèce

24,0

22,9

7,1

France

31,5

19,4

7,3

Espagne

39,1

18,2

8,7

Royaume-Uni

52,1

14,4

8,8

Finlande

44,6

16,5

8,8

Suède

42,2

19,1

10,1

Source : Eurostat.

Pour, au-delà de la seule mesure des jeunes inscrits au chômage, évaluer globalement l’insertion dans l’emploi des jeunes Français, on peut se fonder sur des données collectées par le ministère du travail (12) et portant sur l’année 2007 : selon cette statistique, sur environ 4 millions de jeunes de 16-25 ans qui ne poursuivent plus leur scolarité, près de 1,7 million, soit une grosse minorité, occupent un emploi « durable » (contrat à durée indéterminée ou emploi temporaire de plus de six mois), près de 1,3 million sont en emploi précaire et plus de 1 million sont chômeurs ou inactifs. Ces éléments se déduisent du tableau ci-après, extrait de la source susmentionnée.

Situation des 16-25 ans sur le marché du travail
(en moyenne annuelle 2007)

 

Effectifs (en milliers)

En % du total

En emploi

2 940

38,9

Dont CDI ou CDD de plus de 6 mois

1 680

22,3

Au chômage

622

8,2

Inactifs

3 986

52,8

Dont en scolarité

3 522

46,7

Total

7 548

100

Une étude du CRÉDOC (13) fondée sur des données plus anciennes (datant de 2003) et au champ un peu différent, car elle portait sur les jeunes de 18 à 29 ans sortis du système scolaire et universitaire, dénombrait parmi eux en France :

– 2,4 millions de jeunes bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée à temps plein ;

– 2,5 millions de jeunes plus ou moins éloignés d’un emploi « de qualité » : en temps partiel, contrats à durée déterminée, intérim, contrat aidé ou au chômage (cette dernière catégorie regroupant 860 000 personnes) ;

– 430 000 jeunes complètement hors du marché du travail.

Ces données, peu différentes de celles issues de la statistique du ministère du travail présentée supra, confirment cette réalité : jusqu’à 30 ans, une grosse minorité (de l’ordre de 40 %) seulement des jeunes ayant achevé leurs études occupent des emplois à vocation durable ; un quart sont en revanche en recherche d’emploi ou inactifs ; les autres occupent des emplois plus ou moins précaires.

Cette situation est liée à la fragmentation d’un marché du travail où les insiders, les salariés en place, se protègent, mais rend aussi compte de l’incapacité de notre système de formation de faire accéder tous les jeunes à une qualification adéquate :

– 120 000 jeunes au moins, peut-être 150 000, sortent tous les ans du système de formation initiale sans qualification reconnue et avec donc des chances minimes d’accéder à des emplois de qualité ;

– 80 000 jeunes quittent de même l’université en situation d’échec tous
les ans.

B. L’ALTERNANCE, UNE DES VOIES LES PLUS EFFICACES D’INSERTION

Dans ce contexte défavorable, le développement des formules d’alternance constitue l’une des réponses les plus adaptées qui ait été mise en œuvre : ces formules offrent un accès direct au monde du travail, des opportunités de contacts et d’emplois ultérieurs, une rémunération… Les taux d’insertion en emploi durable au sortir d’un contrat en alternance sont de l’ordre de 60 % (14), ce qui est un résultat appréciable au regard de la diversité des publics concernés par l’alternance.

Depuis cinq ans, de nombreuses mesures ont été prises, notamment pour développer l’apprentissage dans le cadre du plan de cohésion sociale : amélioration de la rémunération des apprentis ; création d’une carte d’apprenti donnant les mêmes avantages que la carte d’étudiant ; incitation des entreprises à l’embauche d’apprentis sur le mode bonus/malus avec l’instauration, d’une part, d’un crédit d’impôt, d’autre part, d’une majoration de la taxe d’apprentissage en cas d’effectifs insuffisants en alternance ; assouplissement de l’accès à l’apprentissage dans les formations supérieures ; dérogations aux conditions d’âge, etc. Ces mesures ont permis une véritable relance de l’apprentissage : alors que l’effectif de jeunes apprentis évoluait peu depuis de nombreuses années – en « stock » au 31 décembre, 347 000 en 1998, 362 000 en 2004 –, il a augmenté de 17 % depuis 2004, pour atteindre 403 000 fin 2006 et 425 000 fin 2008.

Parallèlement, à l’initiative des partenaires sociaux (15) et financé par leurs fonds paritaire, était mis en place le contrat de professionnalisation, destiné à assurer un accès plus large à la formation professionnelle pour tous les salariés.

Enfin, la fonction publique s’est à son tour, en 2006, dotée d’un dispositif d’alternance, le PACTE (« Parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et d’État »). Ouvert aux jeunes de 16 à moins de 26 ans, c’est un contrat de droit public d’une durée d’un an à deux ans alternant formation et stage et permettant ensuite une titularisation, dans un emploi de catégorie C, à l’issue d’une vérification d’aptitude.

Le tableau ci-après présente les données les plus récentes relatives aux contrats en alternance. On voit que ceux-ci concernent actuellement près de 600 000 jeunes, dont plus de 420 000 en apprentissage et près de 180 000 en contrat de professionnalisation. On y voit également l’effet de la crise actuelle : si, sur l’ensemble de l’année 2008, on a pu maintenir les flux d’entrées en alternance à un bon niveau, légèrement plus élevé qu’en 2007, la situation s’est nettement dégradée si l’on prend en compte les seuls mois de janvier et février 2009, avec un recul important des nouveaux contrats par rapport aux mêmes mois en 2008.

Effectifs (en flux et stock) des 16-25 ans en contrats d’alternance

Contrats d’alternance

Entrées cumulées

Effectif estimé (stock)

Janvier-décembre 2007

Janvier-décembre 2008

Janvier-février 2008

Janvier-février 2009

Février 2008

Février 2009

Apprentissage

279 405

284 888

52 401

40 307

427 208

421 499

Contrat de professionnalisation

139 787

141 661

26 539

17 666

179 090

176 193

Source : statistiques du ministère du travail (site internet).

C. LA MESURE PROPOSÉE : UNE INCITATION AUX CONTRATS DE PROFESSIONNALISATION POUR LES PETITES ENTREPRISES

Cet état de fait a amené les auteurs de la présente proposition de loi à rechercher les moyens d’une relance de l’alternance. Observant que les contrats de professionnalisation bénéficient actuellement d’aides publiques généralement moindres que ceux d’apprentissage – auxquels sont notamment attachés un crédit d’impôt de 1 600 à 2 200 euros par an et par apprenti présent dans l’effectif, ainsi qu’une indemnité compensatrice forfaitaire à l’employeur d’au moins 1 000 euros par an et par apprenti –, ils proposent d’instaurer, en s’inspirant du crédit d’impôt existant en matière d’apprentissage mais au bénéfice des seules entreprises de moins de 50 salariés, une aide à l’employeur de 1 000 euros par contrat de professionnalisation en cours et par an.

Cette mesure, lorsqu’elle a été inscrite dans la proposition de loi, anticipait sur le Plan pour la formation, l’apprentissage et la professionnalisation des jeunes de moins de 26 ans développé le 24 avril dernier, lors de son intervention à Jouy-le-Moutier, par le Président de la République. Ce plan, dont le coût est évalué à 1,3 milliard d’euros, se donne pour objectif d’aider 500 000 jeunes à s’insérer dans la vie active d’ici à juin 2010 ; il constitue une réponse conjoncturelle à la crise présente et repose donc sur des leviers classiques, comme les contrats en alternance, qui peuvent être sollicités rapidement et efficacement. Cette recherche d’efficacité sur le terrain conduit aussi à mobiliser les branches professionnelles et les entreprises, qui seront invitées à s’engager sur des objectifs chiffrés. En matière d’alternance, le gouvernement espère la conclusion de mi-2009 à mi-2010 de 320 000 contrats d’apprentissage (soit 35 000 de plus qu’en 2008) et de 170 000 contrats de professionnalisation (soit 30 000 de plus qu’en 2008).

Le plan comprend les mesures suivantes :

– le versement d’une prime exceptionnelle de 1 000 euros pour toute nouvelle embauche d’un jeune de moins de 26 ans en contrat de professionnalisation, cette prime étant portée à 2 000 euros si le jeune concerné n’a pas le niveau du baccalauréat. Ce dispositif, proche de celui de la présente proposition de loi, en diffère en prenant en compte les embauches et non les contrats en cours, en n’étant pas limité aux petites entreprises et en prévoyant une majoration de l’aide à 2 000 euros pour certains jeunes ;

– en matière d’apprentissage, une exonération intégrale de charges sociales sur les recrutements d’apprentis d’ici juin 2010, le versement d’une prime de 1 800 euros aux entreprises de moins de 50 salariés pour les embauches supplémentaires, un renforcement des formations et un programme « pas d’apprenti sans employeur » de prévention et d’accompagnement des ruptures d’apprentissage ;

– la mise en place dès la rentrée 2009, pour 50 000 jeunes inscrits au chômage, d’un contrat d’accompagnement et de formation permettant de les réorienter vers des métiers porteurs ;

– le financement de 7 200 nouvelles places dans les écoles de la deuxième chance, dont les effectifs seront donc portés à 12 000 ;

– le financement de 50 000 contrats initiative emploi (CIE), prioritairement dans le secteur du développement durable et dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire, et de 30 000 contrats dans le secteur non marchand (collectivités locales), ces derniers financés à 90 % par l’Etat pendant un an ;

– l’obligation de rémunérer les stagiaires après deux mois (et non trois actuellement) de stage, ainsi que la création d’une prime de 3 000 euros pour les entreprises embauchant un stagiaire (actuel) en contrat à durée indéterminée.

Présentation du plan pour l’emploi des jeunes

Mesures

Nombre de bénéficiaires (2009 et 2010)

Coût en 2009 (millions d’euros)

Coût en 2010 (millions d’euros)

Prime aux recrutements en contrat de professionnalisation

170 000

113,3

113,3

Exonération intégrale de charges sur les contrats d’apprentissage

120 000

50,4

50,4

Prime au recrutement d’apprentis supplémentaires

40 000

36

36

Contrats accompagnement formation

50 000

80

250

Ouverture de places dans les Ecoles de la deuxième chance

7 200

9

17

Contrats aidés dans le secteur marchand

50 000

75

75

Contrats aidés dans le secteur non marchand

30 000

70

160

Aide à l’embauche de stagiaires en CDI

50 000

150

-

Total

517 200

583,7

701,7

Source : site internet du Premier ministre.

IV.- PROMOUVOIR LE TÉLÉTRAVAIL

Le titre IV de la proposition de loi est consacré à la promotion du télétravail. Le télétravail, réalité économique et sociale en rapide essor, reste dans notre pays moins développé qu’ailleurs, et ce notamment faute de reconnaissance institutionnelle suffisante.

Pour l’heure, le télétravail n’a même pas de définition de droit, ni même de définition sémantique communément admise, même si l’on voit bien à quelle réalité il renvoie, celle de l’abolition des distances géographiques et des contraintes de localisation par le progrès et la diffusion des technologies de l’information et de la communication (TIC), abolition qui permet de réaliser de chez soi, ou de n’importe où ailleurs, des tâches professionnelles qui impliquaient traditionnellement d’être présent sur son lieu de travail classique (parce que s’y trouvaient exclusivement les matériels informatiques ou de communication ou parce que ces tâches nécessitent un contact permanent avec des collègues).

Le développement du télétravail s’inscrit aussi dans les grands enjeux sociétaux qui sont les nôtres, comme celui de la limitation des déplacements inutiles quand il faut économiser l’énergie et réduire les émissions de gaz à effet de serre et celui de la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale et privée. Sur ce dernier aspect, l’apport du télétravail peut être ambivalent : d’un côté, il apporte une grande liberté d’organisation et économise des temps de transport, de l’autre, il peut conduire à brouiller la frontière entre vie professionnelle et vie familiale aux dépens de la seconde et peut être l’occasion d’une forme de surveillance électronique du salarié à son domicile par l’employeur ; à cet égard, les conditions juridiques de mise en œuvre du télétravail et les protections apportées sont et seront déterminantes.

Même s’il convient de saluer le rôle exceptionnel et novateur joué jusqu’à présent par les partenaires sociaux dans l’indifférence des autorités politiques, un développement équilibré du télétravail, respectueux des intérêts des employeurs comme de ceux des travailleurs, exige désormais qu’il soit reconnu et encadré par la loi et promu par les pouvoirs publics.

A. DES PRATIQUES EN DÉVELOPPEMENT RAPIDE APRÈS UN RETARD INITIAL DANS NOTRE PAYS

La quantification du développement du télétravail se heurte à un problème de définition, sur lequel l’on reviendra. En l’absence de définition communément admise du télétravail, chacune des enquêtes disponibles adopte en effet sa propre définition, ce qui rend difficiles les comparaisons et les analyses diachroniques.

Pour autant, le constat général semble clair : notre pays a sans doute un retard historique sur l’Europe du nord et les Etats-Unis, mais le télétravail, sous toutes ses formes, s’y développe aujourd’hui rapidement.

A l’appui de ce constat, on peut citer plusieurs sources. Tout d’abord, une étude comparative financée par l’Union européenne (16) au début des années 2000, présentée notamment dans le rapport remis en 2006 par notre collègue Pierre Morel-A-L’Huissier, alors parlementaire en mission (17), qui en montrait aussi les limites méthodologiques, a évalué à environ 7 % la part des actifs français à pratiquer le télétravail, contre 13 % en moyenne communautaire, plus de 15 % dans les pays d’Europe du nord (Pays-Bas, pays scandinaves, Royaume-Uni et Allemagne), enfin près de 25 % aux Etats-Unis.

Une publication du ministère du travail en 2004 (18), fondée sur l’exploitation des données 1999-2003 de l’enquête permanente sur les conditions de vie que mène l’INSEE, distingue les « télétravailleurs à domicile », qui sont des salariés déclarant dans l’enquête précitée utiliser intensivement l’informatique et travailler toujours ou souvent à leur domicile (ils se décomposent donc en télétravailleurs « fixes à domicile » ou « alternant à domicile »), et les « télétravailleurs nomades », lesquels utilisent également intensivement l’informatique et partagent leur temps de travail entre plusieurs lieux, mais sans travailler significativement à leur domicile. Le tableau ci-après en récapitule les principaux enseignements.

Part des salariés pratiquent le télétravail selon les catégories socioprofessionnelles, le sexe et les secteurs d’activité

(en %)

 

Télétravailleurs fixes à domicile

Télétravailleurs alternant à domicile

Télétravailleurs nomades

Ensemble des salariés

0,9

1,1

5,4

Par catégorie socioprofessionnelle :

     

Ingénieurs et cadres

3,7

6

20,1

Professions intermédiaires

1,1

1,2

9

Employés

0,6

0,3

2,7

Ouvriers

-

0,1

0,6

Par sexe :

     

Hommes

1

1,7

7,5

Femmes

0,9

0,4

2,8

Par secteur d’activité :

     

Industrie manufacturière

1

1,4

6

Bâtiments-travaux publics

0,6

0,2

3

Transports-télécommunications

0,3

0,3

4,6

Commerce

-

0,9

3,5

Banques et assurances

2,9

1,4

9,4

Services aux entreprises

1,9

2,9

15,7

Services aux particuliers

0,9

0,8

1,8

Comme on le voit, cette analyse chiffre à 7 à 8 % le taux global de salariés français à pratiquer le télétravail sous ces différentes formes, avec de grosses différences selon les catégories socioprofessionnelles – près de 30 % des cadres déclarant des pratiques de télétravail – le sexe – le télétravail étant à dominante masculine – et les secteurs d’activité – le télétravail étant particulièrement développé dans les services aux entreprises et le secteur financier.

La même enquête montre également, sans surprise, que les télétravailleurs ont une plus grande maîtrise de leurs horaires, mais sont aussi, plus souvent que la moyenne, amenés à travailler de nuit ou le week-end. Enfin, ce qui est corrélé avec leur statut fréquent de cadre, les télétravailleurs ont en général une bonne insertion dans l’emploi : ils sont moins souvent en temps partiel ou en contrat précaire que la moyenne des salariés ; ils accèdent plus souvent à la formation professionnelle.

Plus récemment, une enquête de l’INSEE (19) a porté non sur les salariés, mais sur les entreprises ayant des salariés en télétravail. Le télétravail y est défini comme le fait de travailler au moins une demi-journée par semaine hors des locaux de l’entreprise tout en étant connecté à son système informatique. Le tableau ci-après présente les résultats de cette enquête.

Part des entreprises pratiquant le télétravail

(en %)

 

Janvier 2007

Janvier 2008

Ensemble

16

22

Par taille :

   

10-19 salariés

9

15

20-249 salariés

21

27

250 salariés et plus

60

65

Par secteur d’activité :

   

Commerce

19

25

Industrie

17

23

Services, dont :

12

17

- Technologies de l’information et de la communication

45

55

- Services financiers

44

49

- Autres services aux entreprises

18

27

- Services immobiliers

12

22

- Transports

12

17

- Hôtels-restaurants

7

14

Construction

6

9

On constate l’essor rapide du télétravail : on passe ainsi de 16 à 22 % d’entreprises y recourant de janvier 2007 à janvier 2008, avec, ce qui confirme les résultats précédemment rapportés, un développement particulier du télétravail dans les services aux entreprises, notamment les services informatiques, et le secteur financier. Par ailleurs, les grandes entreprises sont beaucoup plus concernées, ce qui peut être lié à la disposition d’outils informatiques plus perfectionnés, mais rend peut-être compte également d’une forme de biais : dans la mesure où il suffit d’avoir un salarié en télétravail pour être considérée comme une entreprise pratiquant le télétravail, les plus grandes ont plus de chances de se trouver dans cette situation.

B. UN CONCEPT EN MAL DE DÉFINITION ET DONC DE VISIBILITÉ

Les études statistiques présentées supra reposent sur des définitions variées du télétravail car, s’il s’agit d’une réalité économique incontestable, sa traduction institutionnelle et juridique reste pour l’heure faible.

1. Les diverses configurations du télétravail

Un « Forum des droits sur l’internet », concertation organisée par le gouvernement d’alors pour « analyser les différentes formes de télétravail, mesurer leur impact et contribuer au développement d’un droit conventionnel adapté », a débouché en décembre 2004 sur un rapport relatif aux modalités d’un meilleur encadrement juridique du télétravail, rapport qui a notamment cherché à identifier les différentes formes de télétravail. Il en distingue quatre :

– le télétravail à domicile, soit exclusivement, soit en alternance avec les locaux de l’entreprise ;

– le télétravail « nomade », que facilite la possibilité que l’on a désormais de se connecter à un réseau informatique depuis pratiquement n’importe quel lieu. Cela contribue à la « nomadisation » de nombreux salariés ou à l’accentuation de celle-ci, qui ne constitue cependant pas toujours une nouveauté (on pense par exemple aux commerciaux ou aux techniciens de maintenance intervenant chez les clients) ;

– le travail en « télécentre », dans lequel le salarié travaille à distance de ses collègues, mais aux côtés (physiquement) de salariés d’autres entreprises, dans un local équipé de moyens d’informatique et de communication mis à disposition par un prestataire de services spécialisé ;

– le travail en réseau, dans lequel le salarié localisé sur un site géographique donné appartient à une équipe de travail « virtuelle » dispersée sur plusieurs sites.

2. Des pratiques souvent informelles et peu affichées

Dans la pratique, des formes de télétravail au sens des configurations décrites supra se sont souvent développées sans que les salariés et dirigeants concernés soient pleinement conscients qu’il s’agit de « télétravail ». Cela semble être particulièrement le cas dans les administrations, où le rapport précité de notre collègue Pierre Morel-A-L’Huissier évoque notamment la réaction d’un chef de service, lequel, après avoir fait état d’une perception vague mais plutôt négative du télétravail (perception liée à la présentation du télétravail dans les médias comme un élément du démembrement des entreprises et des délocalisations), déclare découvrir que les différentes formes de télétravail définies par le Forum des droits sur internet existent de fait dans son administration sans que cela pose quelque problème que ce soit. Le même rapport observe que le ministère de la fonction publique a certes diffusé en 1998 un guide d’information sur le télétravail, mais que ce document est resté confidentiel ; des corps comme ceux d’inspection ou la magistrature pratiquent le travail à domicile ou sur leurs lieux de contrôle depuis des lustres, en utilisant évidemment des moyens informatiques, sans que les intéressés, pour autant, acceptent toujours la qualification de « télétravailleurs »…

Pour diverses raisons, la notion de télétravail suscite en effet des réticences dans notre pays : outre la perception médiatique négative rappelée supra, le télétravail peut se heurter à la fois à l’opposition d’un management « traditionnel » et à celle des salariés. Le premier reste souvent attaché au contrôle « physique » des salariés et de leurs horaires sur le lieu de travail. Les seconds manquent d’informations, craignent d’être isolés, d’être exploités faute de garanties quant à la charge de travail qui leur serait demandée et de voir en conséquence leur horaire de travail exploser ; dans le même temps, la notion de travail à domicile véhicule toujours des connotations négatives, une présomption de chômage dissimulé que l’on craint de voir le voisinage partager. Le rapport précité impute le développement plus limité du télétravail dans notre pays que dans d’autres à l’évolution encore limitée des mentalités, bien plus qu’à un problème de retard d’équipement qui ne paraît plus exister.

3. En l’absence de dispositions législatives spécifiques au télétravail, un début d’encadrement jurisprudentiel

Le peu de reconnaissance institutionnelle du télétravail est sans doute à la fois une cause et une conséquence de l’état d’esprit général qui tend – ou a longtemps tendu – à ignorer la réalité du développement des formes d’organisation du travail qui s’y rattachent.

a) La réglementation du travail à domicile

Si le code du travail en vigueur méconnaît le télétravail, on doit toutefois observer qu’il comporte depuis longtemps des dispositions spécifiques aux « travailleurs à domicile » (20), qu’ils utilisent ou non les TIC, en vue de protéger les travailleurs d’activités souvent anciennes, voire en large désuétude (par exemple les couturiers à domicile), mais qui donnent ou donnaient classiquement lieu à des abus. Le travail à domicile est qualifié par son mode de rémunération, « forfaitaire » et le fait de travailleur seul (ou avec les seuls membres de sa famille). Son encadrement légal comprend notamment les obligations d’établir et conserver un document écrit (bulletin ou carnet) lors des commandes du donneur d’ordre et de leur livraison, de mettre en place (par accord collectif ou par voie réglementaire) des tableaux de conversion des tâches en temps d’exécution, d’aligner éventuellement les salaires horaires ainsi calculés sur ceux des salariés travaillant en atelier dans la région, de verser des majorations lorsque la durée d’exécution du travail excède huit heures par jour ouvrable, etc.

b) La jurisprudence

Par ailleurs, les juges du travail ont été amenés, à l’occasion de contentieux portant sur des licenciements, à prendre en compte et qualifier les situations de télétravail.

Ils ont, en particulier, posé le principe que constitue une modification d’un élément essentiel du contrat de travail – que le salarié est donc en droit de refuser sans que ce refus ne constitue une faute ni, a fortiori, un motif légitime de licenciement – le fait, pour un employeur, de demander à un salarié de travailler chez lui ou, au contraire, de cesser de travailler chez lui et de revenir travailler dans les locaux de l’entreprise alors qu’un accord antérieur des parties avait prévu ce télétravail.

Dès 2001, et sans employer alors le terme « télétravail », la Cour de cassation a ainsi considéré que l’ordre donné à un cadre, après la suppression de son bureau, « d’installer à son domicile personnel un téléphone professionnel et des dossiers, constitue une modification unilatérale de son contrat autorisant le salarié à prendre acte d’une rupture du contrat s’analysant en un licenciement » (21; en effet, « le salarié n’est tenu ni d’accepter de travailler à son domicile, ni d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail ». Elle a confirmé cette position en 2006 dans le cas d’une remise en cause par un employeur d’une situation de télétravail, et ce alors même que le contrat de travail comportait en l’espèce une clause de mobilité, que la preuve de l’accord de l’employeur sur le recours au télétravail était informelle (c’était non un avenant au contrat mais une attestation remise en vue d’un congé de bail) et que la situation de télétravail n’était que partielle (deux jours par semaine de travail à domicile) : « lorsque les parties sont convenues d’une exécution de tout ou partie de la prestation de travail par le salarié à son domicile, l’employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l’accord du salarié » (22). Un autre jugement de la même année adopte la même solution en employant explicitement l’expression : « situation de télétravail » (23).

Dans l’autre sens, l’absence de formalisation des situations de télétravail, si elle n’empêche pas les salariés de les invoquer, doit jouer en leur faveur quand l’espèce le commande. C’est ainsi que la mention dans un contrat de travail que des fonctions sont exercées au siège de l’employeur et l’attestation d’une autre salariée selon laquelle la salariée en cause n’y venait jamais ne suffisent pas à établir l’absence d’un télétravail convenu (donc l’absence de travail, justifiant un licenciement) quand par ailleurs existe un fort indice en ce sens, à savoir le fait que l’employeur ait fait installer au domicile de la salariée, puis retirer, un matériel informatique et une ligne téléphonique (24).

Enfin, les juges font également application de la législation du travail à domicile à des salariés qui, utilisant les technologies de l’information et de la communication (TIC), sont aussi des télétravailleurs. Ainsi une cour d’appel a-t-elle pu se fonder sur cette législation pour sanctionner les abus manifestes dont était victime une « télévendeuse » (25: salaire horaire très inférieur au SMIC compte tenu du nombre d’heures de connexion et donc de travail ; mode de rémunération déconnecté de la charge de travail…

4. Le rôle normatif novateur assumé par les partenaires sociaux

De leur côté, les partenaires sociaux ont, en l’absence de législation du télétravail, investi ce champ dans des conditions particulièrement novatrices.

a) L’accord européen du 16 juillet 2002

Cet investissement s’est d’abord effectué au niveau européen.

Les articles 138 et 139 du Traité de Rome (tel que modifié par celui de Maastricht) font en effet du dialogue social au niveau communautaire une source autonome du droit communautaire : des accords peuvent être conclus entre les partenaires sociaux à ce plan, soit de leur propre initiative, soit suite à une consultation lancée par la Commission européenne sur un projet de réforme (ce dispositif institutionnel a été transposé au niveau national, mutatis mutandis, par la loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social) ; ces accords peuvent être sectoriels ou de portée générale. Ensuite, ces accords européens peuvent être rendus applicables, à la demande de leurs signataires, par une directive communautaire (de même que les accords nationaux interprofessionnels peuvent en France être intégrés au code du travail par une loi), mais ces signataires peuvent aussi renvoyer leur mise en œuvre dans les Etats-membres à leurs procédures propres de dialogue social.

Le 16 juillet 2002, la Confédération européenne des syndicats de salariés (CES), l’Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe (UNICE/UEAPME) et le Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d’intérêt économique général (CEEP) ont conclu un accord-cadre européen sur le télétravail dont ils ont stipulé que la mise en œuvre nationale devrait s’effectuer, dans les trois ans, « conformément aux procédures et pratiques propres aux partenaires sociaux dans les Etats membres ». Il s’agissait d’une première, cet accord étant le premier accord européen de portée générale dont l’application était renvoyée aux dialogues sociaux nationaux, les précédents, relatifs au congé parental, au temps partiel et au travail à durée déterminée ayant été mis en œuvre à travers des directives communautaires (et leur transposition dans les législations nationales).

L’accord du 16 juillet 2002 est également important par son contenu. Tout d’abord, il donne une définition précise du télétravail : « Le télétravail est une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information, dans le cadre d’un contrat ou d’une relation d’emploi, dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière ».

L’accord apporte ensuite aux télétravailleurs ainsi définis un certain nombre de garanties, notamment les suivantes :

– Le télétravail doit reposer sur le double volontariat de l’employeur et du salarié. Le refus du télétravail par un salarié ne doit pas constituer un motif de résiliation de la relation de travail ni, plus généralement, de modification de ses conditions d’emploi.

– Si le télétravail ne fait pas partie du descriptif initial du poste, la décision de passer au télétravail doit pouvoir être réversible selon des modalités établies par accord individuel et/ou collectif.

– Les informations sur les conditions d’emploi doivent être formalisées par écrit.

– L’employeur doit respecter la vie privée du télétravailleur ; les éventuels moyens de surveillance de son travail doivent donc être proportionnés à l’objectif poursuivi ; l’employeur doit informer le salarié de toute restriction à l’usage des outils informatiques et de l’internet et des sanctions afférentes.

– Toutes les questions relatives aux équipements de travail, à la responsabilité et aux coûts doivent être définies clairement avant le début du télétravail. En règle générale, l’employeur est chargé de fournir, d’installer et d’entretenir les équipements nécessaires au télétravail régulier.

– L’employeur doit s’assurer que des mesures sont prises pour prévenir l’isolement du télétravailleur par rapport aux autres travailleurs de l’entreprise, telles que lui donner la possibilité de rencontrer régulièrement ses collègues et d’avoir accès aux informations de l’entreprise.

– Les télétravailleurs doivent bénéficier des mêmes droits individuels et collectifs que leurs collègues comparables qui exercent dans les locaux de l’entreprise, ainsi que du même accès à la formation et aux opportunités de carrière ; leur charge de travail et leurs critères de résultats doivent de même être équivalents.

b) L’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005

Le 19 juillet 2005, à l’expiration du délai de trois ans laissé par l’accord européen, les huit organisations patronales et de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel en France ont à leur tour signé un accord national interprofessionnel (ANI).

Cet accord reprend fidèlement les termes de l’accord européen en y ajoutant des précisions opérationnelles.

A titre d’exemple, la définition communautaire du télétravail est reprise, l’ANI précisant :

– qu’elle a pour effet de couvrir les « salariés nomades », mais que le seul fait de travailler à l’extérieur des locaux de l’employeur ne suffit pas à conférer la qualité de télétravailleur ;

– que le caractère régulier du travail hors des locaux de l’employeur exigé par cette définition n’implique pas que le travail doit être réalisé en totalité hors de l’entreprise et n’exclut donc pas la prise en compte des formes alternant travail dans l’entreprise et hors de l’entreprise.

De même, le caractère volontaire et réversible, sauf si le télétravail a été spécifié dès l’embauche, du télétravail est affirmé. L’ANI ajoute que, si le télétravail faisait partie des conditions d’embauche, le salarié concerné doit avoir une priorité d’accès aux postes de l’entreprise qui s’exercent dans ses locaux. Il précise aussi que le télétravail doit être prévu par le contrat de travail ou un avenant à celui-ci.

Le principe de respect de la vie privée du télétravailleur est également réaffirmé, ce qui amène les partenaires sociaux nationaux à spécifier que les plages horaires où le salarié doit être joignable doivent être délimitées. Dans le même esprit, les modalités d’évaluation de la charge de travail sont plus détaillées dans l’ANI que dans le texte européen, l’impératif de respect de la législation nationale sur le temps de travail étant en particulier affiché.

Sans faire le tour de tous les compléments qu’apporte l’ANI, on observera enfin qu’il instaure une information/consultation des institutions représentatives du personnel sur l’introduction et les évolutions du télétravail et une obligation d’identifier comme tels les télétravailleurs sur le registre unique du personnel.

L’ANI de juillet 2005 a été étendu par un arrêté ministériel du 30 mai 2006, qui a rendues obligatoires, pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans son champ d’application, ses dispositions « sous réserve de l’application des dispositions de l’article L. 212-1-1 du code du travail [L. 3171-4 du nouveau code du travail], aux termes desquelles il appartient à l’employeur de veiller au respect de la réglementation sur le temps de travail, notamment en s'assurant de la fiabilité du système de décompte des heures supplémentaires, même si le salarié gère librement ses horaires de travail ».

c) La déclinaison par des accords de branche et d’entreprise

Un certain nombre d’accords de branche ou d’entreprise traitent du télétravail. Ils s’inscrivent dans le cadre défini par l’accord européen et l’ANI susmentionnés, en y ajoutant parfois des protections supplémentaires.

Par exemple, la branche des télécommunications a conclu le 6 octobre 2006 un accord qui prévoit, outre l’information/consultation des institutions représentatives du personnel, une obligation de négocier sur la mise en œuvre du télétravail dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux.

Cet accord précise également le contenu du contrat de travail des télétravailleurs ou de l’avenant introduisant le télétravail, lequel devra notamment traiter de l’évaluation de la charge de travail, des plages horaires pendant lesquelles le salarié pourra être joint, des conditions d’indemnisation des frais professionnels inhérents à l’utilisation du domicile du salarié comme lieu de travail, des conditions de mise à disposition, de restitution, de maintenance et d’assurance du matériel professionnel, de l’organisation et de la fréquence des entretiens périodiques avec la hiérarchie, etc.

C. LA NÉCESSITÉ DE DÉFINIR LÉGALEMENT LE TÉLÉTRAVAIL ET DE MOBILISER LES ADMINISTRATIONS

Dans ce contexte, la présente proposition de loi, qui reprend une partie des mesures inscrites dans celle qu’avaient notamment rédigée en 2008 nos collègues Jean-Pierre Decool, Bernard Gérard et Pierre Morel-A-L’Huissier (26), vise à promouvoir le télétravail par plusieurs mesures.

1. Poser un cadre légal pour donner des garanties effectives à tous les salariés

L’article 9 de la présente proposition inscrit dans le code du travail une définition du télétravail, directement inspirée de celle des accords collectifs européen et national de 2002 et 2005, puis un certain nombre de garanties également reprises de ces textes :

– le caractère volontaire du télétravail ;

– l’obligation de le prévoir dans le contrat de travail ou par avenant à celui-ci ;

– l’impossibilité de motiver un licenciement sur le refus d’un salarié de passer au télétravail ;

– l’obligation de prévoir des modalités de contrôle du temps de travail dans le contrat de travail ou par accord collectif ;

– la prise en charge par l’employeur des coûts découlant directement de l’exercice du télétravail ;

– l’obligation pour l’employeur d’informer le télétravailleur des éventuelles restrictions à l’usage des équipements informatiques et d’internet ainsi que des sanctions afférentes ;

– une priorité des télétravailleurs pour occuper les postes sans télétravail disponibles dans l’entreprise et l’obligation pour l’employeur de porter à leur connaissance ces postes.

L’intégration de ces règles dans la législation, quand bien même elles résultent déjà d’un accord collectif national étendu, présente un double intérêt :

– L’ANI de juillet 2005, ayant été signé par les trois organisations patronales nationales interprofessionnelles traditionnelles (le Mouvement des entreprises de France – MEDEF, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises – CGPME et l’Union professionnelle artisanale – UPA), ne couvre pas, même étendu, tous les employeurs, donc tous les salariés (il ne couvre pas, par exemple, les salariés des associations ou ceux de l’agriculture). Seule une disposition législative peut étendre à la totalité des salariés de droit privé les protections apportées par ce texte.

– Qu’on le veuille ou non, le code du travail reste la principale source du droit du travail français et la plus accessible ; y introduire le télétravail répond à un enjeu de lisibilité. Dans une optique d’évolution des mentalités, c’est aussi un moyen, pour reprendre les analyses de notre collègue Pierre Morel-A-L’Huissier,  de faire sortir le télétravail de la « clandestinité » au sein de laquelle il est cantonné.

2. Mobiliser la sphère publique

Ainsi qu’il a été indiqué supra, le télétravail semble sinon moins développé en pratique, du moins encore moins reconnu et valorisé en tant que tel dans la sphère publique que dans les entreprises.

Les articles 10 et 11 de la présente proposition de loi visent donc à mobiliser cette sphère : le premier donne aux maisons de l’emploi une mission spécifique de promotion du télétravail, le second demande au Gouvernement de présenter dans l’année un rapport sur la promotion du télétravail dans les administrations publiques, ce qui est une manière d’inviter l’exécutif à préparer un plan d’action dans ce domaine.

V.- SOUTENIR LES SENIORS EN DIFFICULTÉ

L’article 12 de la présente proposition de loi, auquel le bureau de la commission des finances a opposé l’irrecevabilité financière lors de sa réunion du 12 mai 2009, visait à proroger jusqu’au 31 décembre 2009 le dispositif de l’allocation équivalent retraite (AER), lequel a été fermé à compter du 1er janvier 2009 par la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008. L’objet de l’article 12 était donc de permettre l’entrée dans ce dispositif jusqu’au 31 décembre 2009 et non jusqu’au 31 décembre 2008 (sachant que naturellement l’allocation continuera en tout état de cause à être versée aux bénéficiaires en cours jusqu’à ce qu’ils puissent liquider leur pension de retraite).

L’allocation équivalent retraite

L’AER a été instituée par la loi de finances pour 2002 en remplacement de l’allocation spécifique d’attente (ASA) qui avait été mise en place par la loi n° 98-285 du 17 avril 1998. Elle vise à garantir un niveau minimum de ressources (en 2009 et pour une personne seule, 982 euros par mois) aux demandeurs d’emploi, indemnisés ou non, qui ne peuvent percevoir leur retraite, faute d’avoir 60 ans, alors qu’ils ont validé au moins 160 trimestres au titre des régimes de base obligatoires d’assurance vieillesse.

Elle est financée par le Fonds de solidarité. Les dépenses d’AER se sont élevées en 2007 à près de 771 millions d’euros (contre 566 millions en 2006) ; pour 2009, la dépense était estimée en projet de loi de finances et compte tenu de la fermeture alors actée du dispositif à 585 millions d’euros pour un stock de 61 000 bénéficiaires (27).

La décision de supprimer l’AER actée en 2007 s’inscrit dans la politique d’emploi des seniors qui a été formalisée dans le plan national pour l’emploi des seniors (2006-2010) et a fait l’objet de plusieurs trains successifs de mesures législatives, l’objectif étant de parvenir à un taux d’emploi de 50 % des 55-64 ans, conformément à l’objectif européen fixé dans le cadre de la « stratégie de Lisbonne ». En effet, si l’AER, juridiquement, constitue une forme d’allocation de solidarité chômage, elle s’assimile en pratique à une préretraite, son montant relativement significatif conduisant le plus souvent ses bénéficiaires à cesser de rechercher un emploi.

L’article 12 de la présente proposition de loi constituait un aménagement transitoire destiné à améliorer la prise en charge des salariés âgés qui perdraient leur emploi du fait de la crise économique et auraient peu de chances, dans ce contexte, d’en retrouver un. La décision du bureau de la commission des finances interdisant que cette disposition puisse être l’objet d’une initiative parlementaire ou y figurer, le rapporteur souhaite vivement qu’elle puisse être reprise par la voie d’un amendement du gouvernement, comme d’ailleurs certains de ses membres l’ont indiqué.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine, sur le rapport de M. Jean-Frédéric Poisson, la proposition de loi pour faciliter le maintien et la création d’emplois (n° 1610) au cours de sa séance du mercredi 13 mai 2009.

M. le président Pierre Méhaignerie. Hier, faisant application de l’article 40 de la Constitution, le bureau de la Commission des finances a déclaré irrecevables les articles 7 et 12 de la proposition de loi que nous allons examiner ce matin. En conséquence de quoi notre commission n’examinera pas ces deux articles et les amendements qui s’y rapportent. Cependant, pour ce qui est de l’allocation équivalent retraite (AER), dont traite l’article 12, j’ai reçu une lettre des deux ministres concernés m’informant que le Gouvernement s’engage à proposer en séance un amendement prolongeant l’AER pour 2009.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Je voudrais, avant d’entrer dans le détail du texte, faire une remarque de méthode sur l’application de l’article 40, qui a provoqué le rejet de deux articles de la proposition, comme il avait permis il y a quelques semaines d’écarter des dispositions de la proposition de loi présentée par M. Vidalies. J’ai plaidé ma cause hier devant le bureau de la Commission des finances, qui a cependant, sans surprise, déclaré irrecevable l’article 12. J’ai été plus étonné qu’elle oppose l’irrecevabilité à la prorogation de la faculté de mettre du personnel d’organismes publics à disposition d’autres établissements au sein des pôles de compétitivité. Le président de la Commission l’a justifiée par l’absence d’obligation pour les pôles de compenser ces charges.

Si je peux accepter cet argument, je regrette que la Commission ne puisse pas néanmoins examiner les articles d’une proposition de loi dès lors qu’ils sont susceptibles d’accroître la dépense publique. Pour que l’Assemblée puisse en débattre, il faudra que le Gouvernement rétablisse, par amendement en séance publique, les articles déclarés irrecevables : on parviendra à ce résultat quelque peu baroque qu’un texte théoriquement d’initiative parlementaire devra contenir, pour qu’elles soient adoptées, des dispositions d’origine gouvernementale…

Je propose, pour ma part, un dispositif simple : le Gouvernement, comme il le fait pour certains mécanismes de prévision de recettes, pourrait faire connaître par écrit aux présidents de la Commission des finances et de la commission saisie au fond la position du Gouvernement sur les dispositions concernées. Il faudrait au moins que la commission puisse débattre des articles en cause.

M. le président Pierre Méhaignerie. Il s’agit là d’un sujet extrêmement délicat, qui dépasse la seule Commission des affaires sociales. Je rappelle simplement que si l’article 40 permet de déclarer irrecevable toute augmentation des dépenses publiques par le Parlement, il ne s’applique pas aux baisses de recettes quand elles sont gagées – généralement par l’augmentation du prix du tabac ou de l’alcool… Il convient également de rappeler qu’aucun gouvernement, quelle que soit son origine partisane, n’a jamais voulu réformer cet article 40.

Cependant, la pratique plus libérale – certains diront plus laxiste – du Sénat nous invite à réfléchir au moyen de supprimer cette inégalité entre les deux chambres. J’ai personnellement été, en tant que président de la Commission des finances, au maximum de ce que pouvaient proposer les députés en passant par la voie de l’expérimentation.

M. Alain Vidalies. Les propositions de loi posent un problème spécifique d’application de l’article 40, et il ne s’agit pas là d’un débat de fond, mais d’une simple question de méthode : savoir à quel moment il convient d’invoquer l’article 40. Si l’article 40 est appliqué tellement en amont de la procédure parlementaire que la Commission elle-même ne peut plus examiner le texte en question – c’était déjà le cas de la proposition de loi que je vous avais présentée – c’est une régression des droits de tous les parlementaires. Il suffirait de maintenir la pratique qui avait cours jusqu’ici et par laquelle l’article 40 était évoqué après le débat en Commission, même pour des propositions de loi. En saisissant le bureau de la Commission des finances aussi en amont, le président Accoyer a introduit une novation qui n’est inscrite nulle part.

M. le président Pierre Méhaignerie. Cette pratique se justifie par le fait que c’est le texte de la Commission qui est examiné en séance. La question ne peut de toute façon être abordée que dans le cadre de la Conférence des présidents, dans la mesure où elle intéresse l’ensemble des commissions.

M. Benoist Apparu. Examiner en commission des articles dont on sait qu’ils seront déclarés irrecevables ne ferait que repousser le problème, puisqu’on pourra s’étonner alors de ne pas voir débattus en séance des articles qui ont été examinés en commission.

M. Maxime Gremetz. Une régression aussi manifeste est en tous cas sans précédent. On se plaignait déjà de l’utilisation abusive de l’article 40 : désormais, on l’utilise pour déclarer irrecevable le texte lui-même avant même son examen en commission. On peut ainsi vider toute proposition de loi de sa substance.

M. Francis Vercamer. Une telle pratique s’apparente à une censure, puisqu’on ne permet pas aux parlementaires de débattre de leurs propositions, et ce au moment où on parle de revalorisation du Parlement. C’est d’autant plus injustifiable que l’article 40 s’appliquera de toute façon au texte de la Commission.

Cette application de l’article 40 nous interdit ainsi de discuter sur le fond de sujets importants. C’était déjà le cas du contrat de transition professionnelle, que nous considérions tous comme une avancée importante ; c’est le cas ici de l’AER, que je défends à chaque budget, et dont nous avions déjà obtenu la prorogation pour un an. Et nous apprenons que le Gouvernement va faire par amendement ce que le Parlement ne peut pas faire : c’est un curieux imbroglio. C’est pourquoi je vous demande, monsieur le président, de vous faire à ce sujet le porte-parole de la Commission auprès du Bureau de l’Assemblée.

M. Michel Liebgott. La réforme constitutionnelle devait permettre que soit défendu un plus grand nombre de propositions de loi que de projets de loi. Mais il s’agit d’un progrès illusoire si celles-ci ne peuvent pas être débattues. On nous dit en outre que le Gouvernement pourra rétablir ces articles : c’est donc à lui que revient en réalité l’initiative. Il est probable qu’il négociera avec la majorité, comme c’est le cas ici – personne n’est dupe. Mais je ne suis pas sûr que la proposition de loi d’Alain Vidalies aurait bénéficié de la même mansuétude.

M. Christian Hutin. Toute proposition de loi étant susceptible de coûter de l’argent, un tel usage de l’article 40 permettra de les vider de leur substance, et les jours d’initiative parlementaire se réduiront à des meetings de groupes !

M. le président Pierre Méhaignerie. Il est faux de dire que toutes les propositions de loi provoquent une augmentation de la dépense publique. Je rappelle en outre que les députés peuvent proposer des baisses des recettes, pourvu que celles-ci soient gagées.

Puis le rapporteur présente son rapport.

*

Un débat suit l’exposé du rapporteur.

M. Jean-Claude Mathis. Je m’interroge sur l’utilité de la proposition de loi, eu égard aux dispositifs existants et après l’application de l’article 40 aux articles 7 et 12. La voie réglementaire n’aurait-il pas suffi ? Pourquoi une loi supplémentaire qui risque de tout compliquer alors que les chefs d’entreprise veulent quelque chose de simple et pratique ?

M. Michel Ménard. Ce texte favorise l’extériorisation de la main-d’œuvre. Que se passera-t-il, dans un groupement d’employeurs, en matière d’heures supplémentaires défiscalisées ? L’entreprise emprunteuse ne bénéficiera-t-elle pas d’un coût de main-d’œuvre moindre que si elle avait confié la mission à l’un de ses salariés sans dépassement horaire ?

M. Maxime Gremetz. Après l’application de l’article 40, ce qui reste de la proposition est gros de dangers. Alors que chaque jour on annonce des charrettes de licenciements, que l’on détruit l’outil industriel, voilà que l’on nous parle de groupements d’employeurs et de prêt de main-d’œuvre ! On est hors du temps… Après le salarié kleenex, voici le prêt de salarié – mais dans quelles conditions et avec quelles conséquences sur le code du travail ? Le groupement d’employeur existe depuis 1985 : voyez le résultat aujourd'hui !

L’article 12 – qui me convenait – étant supprimé, ne reste qu’un semblant de propositions fondées sur un accord déjà étendu.

M. Francis Vercamer. On pouvait s’attendre, en lisant le titre de la proposition de loi, qui vise à faciliter le maintien et la création d’emplois, à une simplification du code du travail. Nous en sommes loin, même si le texte tend à moderniser certains dispositifs en fonction des pratiques du travail.

Concernant le groupement d’employeurs, il est sain de sécuriser juridiquement les employés qui cumulent des emplois à temps partiel dans différentes entreprises. On peut d’ailleurs regretter que le développement de tels groupements ne soit pas encouragé par le texte, notamment en termes d’insertion, en faveur de ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi.

S’agissant du prêt de main-d’œuvre, un professeur de droit social soulignait récemment devant la mission d’information sur la flexisécurité qu’il était temps de moderniser la loi en la matière, car il est paradoxal d’avoir, d’un côté, des entreprises qui licencient et, de l’autre, des entreprises qui aimeraient embaucher, mais qui ne le peuvent pas. Aussi faut-il simplifier le droit pour améliorer les transferts tout en garantissant les droits du salarié, qui ne doit pas devenir une marchandise, et pour éviter le chômage partiel voire le chômage tout court.

Je ne reviendrai pas pour ma part sur le télétravail, qu’il est important de développer, mais sur l’alternance. Je comprends bien qu’en attendant un texte réglementaire, un article de loi soit nécessaire concernant le montant de 1 000 euros, mais le rapport Pilliard, relatif à la promotion du contrat de professionnalisation, préconise une certaine égalité de traitement entre les différents contrats, en particulier entre le contrat de professionnalisation et le contrat d’apprentissage, de façon que le choix de l’entreprise ne s’effectue pas en fonction du coût du contrat, mais de l’intérêt du contrat pour l’avenir des jeunes. La prime prévue va-t-elle justement vers cette égalité de traitement entre les contrats ?

Quant à l’allocation équivalent retraite (AER) – dispositif qui concerne les demandeurs d’emploi, relevant souvent des minima sociaux, qui ne peuvent, du fait de leur âge, partir à la retraite bien que disposant du nombre suffisant de trimestres –, il s’agit d’une mesure sociale qui me paraît juste compte tenu du fait que les bénéficiaires ont déjà leurs trimestres, qu’elle permet de leur verser non pas 400 euros mais 900 euros environ par mois et qu’elle concerne relativement peu de monde. Vouloir seulement la reconduire d’année en année ne me semble donc pas donner un signe très utile, d’autant que le dispositif est en voie d’extinction du fait de l’entrée de plus en plus tardive des jeunes dans l’emploi.

M. Michel Liebgott. Nous étions déjà en désaccord avec 80 % du dispositif proposé, et voilà qu’une partie tombe en outre sous le coup de l’article 40 : on ne sait plus très bien si ce qui nous est proposé est dû au rapporteur ou au gouvernement, voire au Président de la République ! Il est décidément difficile d’être parlementaire…

Pour ce qui est de l’AER, les dispositions proposées étaient de toute façon insuffisantes : il n’est pas question pour nous de limiter son rétablissement à l’année qui vient, car nous souhaitons que des gens qui ont travaillé un certain nombre d’années et qui ne retrouveront pas facilement du travail puissent en bénéficier de façon définitive. Il ne s’agit pas, pour nous, d’une mesure conjoncturelle face à la crise mondiale.

Quant à l’accord signé par l’UIMM, nous n’aurons rien à redire si la proposition de loi le respecte. Cependant, l’UIMM avait également proposé de dépénaliser le prêt de main-d’œuvre à but lucratif. Si cet accord contenait une telle mesure, ce serait grave, mais je ne pense pas que les syndicats l’auraient signé.

Concernant le contrat de professionnalisation, je prends acte que c’est le pouvoir réglementaire qui a la main. Je rappelle cependant que la situation en France est dramatique dans ce domaine puisque 23 % des moins de vingt-cinq ans y sont au chômage contre 15 % en moyenne en Europe.

Restent les dispositifs allant dans le sens de la flexisécurité. Or il semble que l’on s’oriente surtout avec ce texte vers une sécurité juridique des entreprises. Lire en effet dans l’exposé des motifs : « Clarifier – en les codifiant ou en les précisant – des pratiques actuelles aujourd'hui vécues dans une forme d’insécurité juridique », semble signifier que l’on va légaliser des dérives existantes. Ce n’est pas rassurant s’agissant des groupements d’employeurs, qui représentent certes peu de chose, essentiellement dans le secteur agricole, mais que vous voulez généraliser. Nous y voyons un danger de rupture du lien entre le salarié et l’entrepreneur, qui est le fondement de notre droit du travail. Que vont devenir les salariés, qui seront plus ceux d’un groupement d’employeurs que ceux des entreprises, d’autant que ces dernières pourront adhérer à de multiples groupements ? C’est aller vers une complexité extraordinaire. Des salariés ne sauront bientôt plus qui est leur employeur – ce qui va d’ailleurs dans le sens de la disparition des entreprises d’intérim, mais encore faudrait-il l’écrire.

Quel est en outre l’intérêt de faciliter l’entrée des entreprises de plus de 300 salariés dans les groupements ? Une entreprise de cette taille a-t-elle vraiment besoin de s’allier à d’autres entreprises pour pourvoir un poste de secrétaire ou d’informaticien ? Sa dimension devrait lui permettre de recourir à d’autres solutions, telles que l’intérim ou les CDD, qui sont réglementés de façon plus précise et bien délimités dans le temps.

Pour ce qui est du prêt de main-d’œuvre à but non lucratif, n’y a-t-il pas un risque que l’entreprise emprunteuse puisse « emprunter » à très bas coût  des salariés qu’autrement elle aurait dû payer davantage ?

Nous reviendrons sur d’autres aspects à l’occasion de nos amendements. Il faudrait, selon vous, que les salariés puissent travailler plus, mais peu d’entreprises ont aujourd’hui un tel besoin de salariés. Le mécanisme proposé est en outre contradictoire avec celui que la majorité a mis en œuvre au sujet des heures supplémentaires.

Ce texte confus ne me semble propre ni à simplifier le droit du travail, ni à régler les problèmes de notre pays, mais plutôt à accroître l’insécurité des salariés.

M. Vincent Descoeur. Le développement des groupements d’employeurs et celui du télétravail peuvent concourir à l’aménagement du territoire.

Sur le premier point, pourquoi les groupements d’employeurs publics sont-ils exclus du dispositif ? Quant au télétravail – auquel il est bon de donner un cadre légal –, je tiens à souligner l’intérêt des télécentres, mis à disposition notamment par des collectivités locales. Comme l’a montré l’expérience menée dans ce domaine dans le département du Cantal, l’accompagnement et la formation des télétravailleurs sont très importants, et cela d’autant plus que l’accession au statut de télétravailleur indépendant est créatrice d’emplois.

Enfin, plutôt que de prévoir, comme l’article 11, que l’État présente dans un délai d’un an un rapport visant à promouvoir ces activités, je souhaiterais que l’État s’inscrive plus activement dans des expériences, notamment de back office et de télécentres, qui auraient un intérêt en termes d’aménagement du territoire.

Mme Michèle Delaunay. Bien que les groupements d’employeurs ne concernent, selon vous, que 35 000 salariés, ce qui tend à montrer que le système ne fonctionne pas bien, vous proposez de l’étendre. Cela semble contradictoire. Y a-t-il des raisons de penser que le faible développement des groupements vient des limites qui encadrent actuellement leur constitution ?

Par ailleurs, le prêt de salariés ne prévoit pas de limites géographiques, ce qui ne manquera pas de poser des problèmes à certains salariés, notamment aux femmes, qui sont particulièrement pénalisées par la mobilité. Je souhaite que des garanties fermes soient apportées quant au fait que le refus d’être « prêté » à une autre entreprise, même répété, ne puisse en aucun cas être pénalisant pour le salarié.

Qu’en est-il, enfin, de l’emploi public ? Dans la fonction publique hospitalière, notamment, un groupement d’employeurs peut-il être créé entre un hôpital et un établissement privé ? Si c’est le cas, à quelles conditions le prêt de personnel médical est-il envisagé ?

M. Jacques Domergue. Hier matin, des jeunes en cours de formation dans le cadre de contrats de professionnalisation m’ont fait part de leur satisfaction quant à ce dispositif, qui leur permet d’acquérir une autonomie financière, d’apprendre un métier et de trouver leur voie – car il leur est possible de changer d’employeur, voire d’orientation en cours de contrat.

C’est sans doute pour rééquilibrer la situation face à l’apprentissage, que semblent privilégier les propositions du Président de la République, que vous avez proposé d’assortir les contrats de professionnalisation d’une prime supplémentaire de 1 000 euros pour l’entreprise concernée. Mais est-ce le problème principal ? Mieux vaudrait, selon moi, accéder harmoniser la durée de ces contrats, actuellement de 12 mois sauf dérogation, avec celle de l’obtention des diplômes, qui est souvent de 24 mois. Cette prolongation devrait être plutôt la règle qu’une mesure dérogatoire.

M. Bernard Gérard. Le prêt de main-d’œuvre est une mesure intelligente et indispensable. Dans une région comme la mienne, qui compte de nombreux pôles de compétitivité menacés par la crise, elle offre une alternative au licenciement, préservant ainsi des savoir-faire et des filières.

Le télétravail, dispositif sur lequel Jean-Pierre Decool et moi-même travaillons depuis longtemps et à propos duquel nous avions présenté une première proposition de loi cosignée par 75 parlementaires, devrait permettre de développer de nouveaux champs d’emplois, tant dans les administrations que dans les entreprises. La proposition de loi qui nous est soumise est moderne et clarifiera des dispositions légales qui freinaient l’emploi.

M. Christian Eckert. La situation est grave : 70 000 à 80 000 emplois sont supprimés chaque mois et le total devrait approcher un million pour l’année. Et de quoi débattons-nous ? Vous ne citez pas de chiffres, monsieur le rapporteur, mais Mme Delaunay évoque seulement 35 000 salariés concernés…

Votre texte contient, pour une mesure et demie qu’on peut qualifier de bonne, de nombreuses dispositions très dangereuses – sans même parler de certains amendements scandaleux que nous combattrons tout à l’heure. Vos bonnes mesures étaient la prime de 1 000 euros et la prorogation de l’AER ; je rappelle que cette dernière mesure, mise en place par la gauche et qui concernait de très nombreux salariés, a été supprimée par le gouvernement que vous soutenez. Vous proposez de la remettre en œuvre pour un an. Ces dispositions, qui disparaîtront sous l’effet conjugué de l’article 40 et de quelques manipulations réglementaires, sont un rideau de fumée destiné à vous permettre de poursuivre votre détricotage et votre atomisation du droit du travail.

Je m’étonne, comme M. Liebgott, de la mesure de suppression du seuil des 300 salariés pour l’adhésion libre aux groupements d’employeurs. Nous sommes également inquiets de l’externalisation possible de certains services, notamment publics, comme pour l’hôpital et les collectivités territoriales. Quant au prêt de main-d’œuvre, il pourrait permettre de contourner les droits des salariés en utilisant des salariés ayant un certain statut dans l’entreprise prêteuse pour remplacer des salariés ayant un autre statut dans l’entreprise qui les reçoit. Il faudrait au moins rétablir l’équilibre en précisant que le caractère non lucratif du prêt concerne aussi bien le prêteur que l’entreprise qui reçoit. Je partage enfin la préoccupation de Mme Delaunay quant aux effets de la mobilité, en particulier pour les femmes.

Ce texte fourre-tout ne répond pas à la gravité du problème.

M. Yves Bur. Disposons-nous d’un état des lieux pour ce qui concerne les groupements d’employeurs et le télétravail ? A-t-on identifié les freins à leur essor et, si c’est le cas, le texte apporte-t-il les réponses susceptibles de lever ces freins et de développer ces modes de travail ? Existe-t-il vraiment un champ de développement pour le télétravail ?

Par ailleurs, est-on sûr que les mesures proposées représenteront pour les entreprises une réelle simplification, et non pas, comme souvent, une complexité supplémentaire ?

M. Marc Bernier. Dans le secteur agricole, où ils existent depuis vingt-cinq ans, les groupements d’employeurs sont un succès. La proposition de loi s’inscrit dans le contexte de la sortie de crise : il ne faut pas que les entreprises se trouvent contraintes de licencier du personnel formé et très compétent. Il faut éviter la perte de ces salariés, notamment de ceux qui sont actuellement au chômage partiel ou sur un emploi à temps partiel, en leur proposant des emplois à temps plein avec plusieurs employeurs. Dans le secteur public, le détachement et la mise à disposition existent déjà depuis longtemps. Dans le privé il y a des freins : ce texte contribue à les lever.

Mme Monique Boulestin. Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué votre intention d’élargir l’accès aux groupements d’employeurs aux collectivités territoriales. Cela ouvrirait une brèche sans précédent dans le statut des personnels de ces collectivités et entraînerait une précarisation des emplois, contraire à la volonté que vous affichez d’en faciliter le maintien et la création.

M. Bernard Perrut. Cette proposition de loi, si elle s’inscrit dans le prolongement des mesures annoncées par le Président de la République et par le Gouvernement, n’en pose pas moins quelques questions.

Les contrats de professionnalisation, dont le nombre est en diminution, doivent être à nouveau développés. Les chefs d’entreprise sont néanmoins confrontés à une certaine complexité dans l’évaluation des enjeux financiers lorsqu’ils doivent décider d’embaucher un apprenti ou de recourir à un contrat de professionnalisation. Peut-être faudrait-il, à des fins de simplification, harmoniser les règles.

S’il est clair que la prime proposée ne va pas tout régler, du moins y contribuera-t-elle. Le développement des contrats de professionnalisation suppose aussi la simplification de leur signature, la mobilisation de Pôle emploi et des missions locales pour orienter les jeunes vers ce dispositif et un assouplissement de ses règles de financement par les partenaires sociaux dans le cadre du fonds unique de péréquation. Enfin, chaque entreprise doit trouver une solution de financement pour faire face aux contraintes propres à cet outil, peut-être moins adapté que le contrat d’apprentissage.

En outre, une réflexion s’impose sur le traitement des demandeurs d’emploi âgés de plus de 26 ans, également concernés par ces contrats.

Vous avez par ailleurs exprimé le souhait que les maisons de l’emploi soutiennent le télétravail. Certaines le font déjà, mais avec des résultats inégaux, du fait notamment de l’insuffisance des réseaux électroniques en milieu rural.

Mme Marie-Odile Bouillé. De nombreux responsables syndicaux recommandent que l’on procède, un an après son adoption, à l’évaluation de la loi sur la rupture conventionnelle, dont l’application semble parfois entachée de certains dérapages.

Par ailleurs, le temps partiel subi – le plus souvent par les femmes – appelle un encadrement vigilant.

M. Jean-Pierre Decool. En réponse à Christian Eckert, je vous fais part de quelques données sur le télétravail : l’éloignement moyen du lieu de travail étant aujourd’hui, pour les salariés, de 25 kilomètres, le télétravail à 25 % du temps, qui représente des économies de stress, de fatigue, d’énergie et de pollution, se traduit par une amélioration mensuelle de pouvoir d’achat de 100 euros en moyenne. Ce résultat est lisible pour tous.

Le rôle de télécentres que peuvent promouvoir les maisons de l’emploi est mal connu. De fait, 90 % des employeurs méconnaissent le télétravail, auquel le Grenelle de l’environnement a pourtant accordé une priorité. Je remercie donc M. Poisson de nous proposer de l’inclure dans ce « paquet travail », qui sera la meilleure promotion de ce dispositif novateur.

M. Jean-Patrick Gille. Ce texte apporte deux demi-mesures : la prorogation de l’AER et le contrat de professionnalisation. Ce sont des demi-mesures car dans les deux cas, vous revenez sur des choix malheureux faits par la majorité à l’automne 2007.

Pour le reste, le texte s’attache à promouvoir trois formes de travail qui existent déjà : il assouplit les responsabilités des employeurs dans les groupements d’employeurs, promeut le télétravail – lequel n’est pas sans susciter quelque gêne si l’on songe qu’il peut avoir pour effet de remettre les femmes au travail à domicile – et il généralise le prêt de main-d’œuvre. Ces trois orientations ont pour point commun d’externaliser la main-d’œuvre, juridiquement ou géographiquement, avec des risques de substitution, ce qui revient à fragiliser la condition salariale.

Si elle augmente la flexibilité, la proposition de loi n’apporte pas de sécurité aux salariés. Au motif de lutter contre le chômage, votre logique est celle d’une dévalorisation de l’emploi. L’expérience des 20 dernières années a pourtant montré que ce type de politiques a conduit non seulement à une augmentation du chômage, avec 4 millions de chômeurs, toutes catégories confondues, mais aussi à une multiplication des travailleurs précaires, qui sont au nombre de 6 millions.

S’il faut opposer « travail » et « emploi », c’est plutôt l’emploi qu’il faut développer – sinon, pourquoi pas l’« activité », c’est-à-dire aussi le bénévolat ?

Ce texte complexifie le code du travail et, surtout, sape insidieusement les bases du contrat de travail en distendant les liens entre le salarié et l’employeur et en allégeant les responsabilités de ce dernier. En un mot, il institue la flexibilité pour le salarié et une sécurité renforcée pour l’employeur.

M. Alain Vidalies. Il est extrêmement difficile d’aborder un tel sujet sans étude d’impact ; or aucune étude d’impact de ce texte n’a été manifestement réalisée. Par ailleurs, les partenaires sociaux n’ont pas été entendus.

M. le rapporteur. Nous avons organisé des auditions.

M. Alain Vidalies. Nous n’y étions pas conviés.

Nous sommes favorables aux groupements d’employeurs, puisque nous les avons créés pour le secteur agricole en 1985, avant d’en étendre les possibilités de création en 2000. Ils peuvent effectivement correspondre aux besoins des petites entreprises et sont susceptibles de créer des emplois.

Vous affirmez vouloir modifier ce système, mais c’est à un bouleversement total que vous procédez. Vous commencez par supprimer le seuil de 300 salariés, ce qui signifie qu’une entreprise de 40 000 salariés pourra participer à un groupement. Ensuite, vous relevez le nombre maximum de groupements auxquels une entreprise peut participer, ce qui signifie qu’une entreprise de 40 000 salariés pourra être membre de 25 groupements d’employeurs. Enfin, vous mettez fin au mécanisme spécifique de solidarité entre membres du groupement vis-à-vis des dettes fiscales et sociales. Ce nouveau dispositif n’a plus rien à voir avec celui que nous avons créé.

Aujourd’hui, si les employeurs entrent dans le champ d’application d’une même convention collective, celle-ci est applicable à l’ensemble des membres du groupement. Si tel n’est pas le cas, les salariés choisissent la convention collective applicable et la déclarent à la direction départementale du travail et de l’emploi. Là encore, vous modifiez le dispositif en rendant nécessaire un accord national interprofessionnel ou un accord de branche, sans préciser qui en seront les négociateurs. En poussant la logique, une entreprise de 40 000 salariés, membre de 25 groupements, pourra, à condition de mettre en place un accord de branche, appliquer une convention collective différente de celle qu’elle applique aujourd’hui à ses salariés.

La loi de 2005 sur les territoires ruraux a encadré la participation des collectivités locales aux groupements d’employeurs. J’attire néanmoins votre attention sur les problèmes considérables de droit public qui continuent de se poser, notamment en matière de statut de la fonction publique.

L’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 20 mars 2007 rappelle que l’opération conclue entre les entreprises liées par un intérêt commun ne peut consister en un bénéfice, un profit ou un gain pécuniaire, que ce soit pour l’emprunteur ou pour le prêteur de main-d’œuvre. Si vous supprimez ce verrou, la nature du dispositif change.

Mme Monique Iborra. Peut-être faudrait-il préciser que cette proposition vise à faciliter le maintien et la création d’emplois « dans le cadre de la dérégulation du droit du travail » ? Au moins, ce serait clair. Votre entreprise de « modernisation » accroît la flexibilité ; sans apporter de sécurité, elle fragilise le statut des salariés des collectivités locales. Croyez-vous qu’il soit nécessaire d’allumer un nouvel incendie social ?

Pourquoi confier aux maisons de l’emploi  le soin de promouvoir le télétravail ? Pôle emploi, qui fait déjà tout, pourrait s’en occuper. Je crains surtout que le télétravail – des tâches à temps partiel, peu qualifiées et confiées aux femmes – ne crée davantage de précarité.

Les jeunes réclament aujourd’hui plus de qualifications, le diplôme demeurant le meilleur sésame sur le marché de l’emploi. Pour donner autant d’importance aux contrats de professionnalisation qu’aux contrats d’apprentissage, il faut en changer les modalités. Mais cela coûtera plus cher à l’État puisque les contrats de professionnalisation ne sont pas de la compétence des régions.

M. Patrice Debray. Les groupements d’employeurs pourront-ils intégrer des entreprises des pays membres de l’Union européenne ? Dans ce cas, le texte ne devrait-il pas encadrer le prêt de main-d’œuvre d’un pays à l’autre ? Par ailleurs, le télétravail au noir tend à se développer : comptez-vous prendre des dispositions à cet égard ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Pour ma part, j’ai noté que dans une maison de l’emploi où existe une solidarité entre les entreprises, le prêt de main d’œuvre – ou ne vaudrait-il pas mieux parler de convention de détachement pour apaiser les angoisses des salariés qui ont toujours peur du lendemain ? – peut être utile et bien perçu par les salariés.

La machine à complexifier française continue de fonctionner à plein régime. Si le dispositif Scellier, malgré ses limites, est efficace, c’est en raison de sa simplicité. Notre commission doit favoriser la simplification, sans quoi elle ne sera ni comprise ni suivie.

M. le rapporteur. Nous avons écouté les partenaires sociaux, Monsieur Vidalies, et nous tenons compte de la réalité économique : nous rétablissons donc le dispositif de l’AER.

S’agissant du contrat de professionnalisation, nous proposons d’instituer par la voie législative un crédit d’impôt, sauf si entre temps un décret gouvernemental instaurant une prime plus importante est pris. Cela ne signifie en rien que le Parlement abdique.

Je ne suis pas en mesure de vous donner des chiffres précis concernant l’impact de cette proposition de loi, dans la mesure où la seule enquête dont nous disposons a été réalisée il y a quelques années auprès de 400 entreprises seulement. En extrapolant, elle conclut à un potentiel de 500 000 à 850 000 emplois créés. En tout cas, je maintiens que la législation actuelle, loin d’être incitative, empêche un certain nombre d’entreprises d’adhérer aux groupements.

Monsieur Vidalies, c’est la loi Aubry qui a permis aux entreprises de plus de 300 salariés de faire partie d’un groupement.

M. Alain Vidalies. Sous certaines conditions.

M. le rapporteur. Nous en prévoyons également. Ce sont les syndicats qui négocieront les accords de branche.

M. Alain Vidalies. L’objectif est bien d’avoir une convention collective dédiée aux salariés des groupements. Cela signifie que l’on organise pour n’importe quelle activité professionnelle un droit spécifique, lié à la situation de salarié d’un groupement d’employeurs. C’est une révolution.

M. le rapporteur. Je n’ai pas inventé l’expression « prêt de main-d’œuvre » – elle correspond à une règle qui figure depuis 1848 dans le code du travail. J’essaie seulement de sécuriser juridiquement le dispositif. Je rappelle qu’un accord de l’UIMM organisant le prêt de main-d’œuvre dans les entreprises de la métallurgie a été signé par l’ensemble des syndicats représentatifs, sauf la CGT : il maintient l’interdiction du prêt à but lucratif et sécurise le prêt à but non lucratif.

M. Vidalies faisait référence à l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans lequel il est fait mention d’un gain pécuniaire lié à l’entreprise emprunteuse. C’est en effet la meilleure manière de tuer le dispositif. J’assume la situation actuelle : seul le but lucratif de l’entreprise prêteuse est visé puisque son intérêt à prêter des salariés sur une durée longue est nul. Les arrêts des chambres criminelle et sociale de la Cour de cassation ne permettent pas d’utiliser ce dispositif de manière sécure : l’accord UIMM vient de le confirmer.

En période de crise, il faut savoir à la fois simplifier et assouplir le code du travail. Ce texte s’y emploie mais en aucune manière il ne diminue les garanties des salariés.

Enfin, substituer à l’expression « prêt de main-d’œuvre » celle de « convention de détachement » ou de « mise à disposition de personnels » serait souhaitable, mais il faudra tenir compte des ramifications dans les autres codes.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

La Commission examine les articles de la présente proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 13 mai 2009.

TITRE IER

DÉVELOPPEMENT DES GROUPEMENTS D’EMPLOYEURS

Article 1er

Suppression de la règle d’appartenance d’une même personne physique
ou morale à deux groupements d’employeurs maximum

Cet article a pour objet de supprimer la règle figurant aujourd’hui à l’article L. 1253-4 du code du travail, selon laquelle une personne physique ou morale ne peut être membre que de deux groupements d’employeurs. Cette disposition est à la fois contraignante et assez peu opérante dans la mesure où elle comporte des dérogations à sa propre mise en œuvre.

En effet, le premier alinéa de l’article L. 1253-4 dispose qu’« une personne physique ou morale ne peut être membre que de deux groupements ».

Le bien-fondé de cette règle n’apparaît pas très clairement. Tout au plus émerge surtout son caractère contraignant, dans la mesure où, comme le précise l’exposé des motifs de la proposition de loi, est en jeu le développement de l’emploi.

À l’origine, la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social, qui a créé les groupements d’employeurs, avait posé une règle encore plus restrictive, selon laquelle une personne physique ou morale ne pouvait être membre que d’un seul groupement. Par la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle, il avait déjà paru nécessaire d’assouplir cette règle en permettant à une même personne physique ou morale d’appartenir à deux groupements d’employeurs.

En outre, cette règle va de pair avec des dérogations. Aux termes du deuxième alinéa de ce même article, une personne physique possédant plusieurs entreprises juridiquement distinctes ou une personne morale possédant plusieurs établissements distincts (enregistrés soit au registre du commerce, soit au registre des métiers, soit au registre de l’agriculture) peut, au titre de chacune de ses entreprises ou établissements, appartenir à un groupement différent.

L’existence de dérogations, dès la création de la règle, atteste, dans une certaine mesure, que dès l’origine sa pertinence est en question puisqu’il a semblé nécessaire d’ouvrir, dans certaines situations, une possibilité de s’en écarter.

Sur le fond, cette dérogation confine presque à l’injustice : pourquoi permettre à trois entreprises appartenant à une même personne physique ou à trois établissements au sein d’une même entreprise d’adhérer à différents groupements d’employeurs, quand il sera interdit à cette même personne physique ou à cette entreprise à elles seules de rejoindre trois groupements différents ? Tout au plus une telle dérogation peut-elle susciter la tentation, si le besoin est avéré, de créer au sein d’une même entreprise plusieurs établissements dans le seul but d’une adhésion à différents groupements.

En tout état de cause, l’utilité d’une telle disposition n’est pas avérée et c’est pourquoi il est proposé de la supprimer. Tel est l’objet de cet article dont l’alinéa unique dispose que « l’article L. 1253-4 du code du travail est abrogé ».

*

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AC 7 de suppression de l’article de M. Michel Liebgott.

Elle adopte l’article 1er sans modification.

Article 2

Modalités de mise en
œuvre d’une négociation collective
sur les garanties des salariés d’un groupement d’employeurs

Cet article a pour objet de substituer à la règle actuelle prévue à l’article L. 1253-5 du code du travail, qui limite aux entreprises de plus de 300 salariés la possibilité d’adhérer à un groupement d’employeurs, sauf conclusion d’un accord collectif de travail, un dispositif nouveau de mise en œuvre d’une négociation collective sur les garanties des salariés des groupements d’employeur.

1. Le dispositif prévu aujourd’hui à l’article L. 1253-5 du code du travail

La loi « Aubry II » du 19 janvier 2000 a inséré dans le code du travail la règle qui figure aujourd’hui à l’article L. 1253-5.

Aux termes de cet article, « les entreprises et organismes de plus de trois cents salariés ne peuvent adhérer à un groupement ni en devenir membre, sauf en cas de conclusion dans l’entreprise ou l’organisme intéressé d’un accord collectif de travail ou d’un accord d’établissement définissant les garanties accordées aux salariés du groupement.

Cette adhésion ne peut prendre effet qu’après communication de l’accord à l’autorité administrative ».

Cette règle appelle les observations suivantes :

– D’une part, elle a redéfini le seuil d’effectifs au-delà duquel une entreprise ne peut participer à un groupement d’employeurs. Avant le 20 janvier 2000, seuls les employeurs employant moins de 300 salariés pouvaient adhérer au groupement ou en devenir membre (après avoir été fixé à dix en 1985, ce seuil était en effet de 100 depuis 1987 (28) et de 300 depuis 1993 (29)). La loi du 19 janvier 2000 a donc pris acte, une nouvelle fois, qu’un seuil trop bas était trop contraignant, et a ouvert la possibilité de le dépasser.

Ce seuil d’effectifs est calculé, depuis le 1er juillet 2004, suivant les règles de décompte des effectifs fixées à l’article L. 620-10 du code du travail, devenu article L. 1111-2 de ce code.

– D’autre part, la loi a prévu un régime particulier concernant ces plus grandes entreprises de plus de 300 salariés qui souhaiteraient adhérer à un groupement d’employeurs : celles-ci pourront le faire à la condition qu’un accord collectif aura été conclu pour définir les garanties accordées aux salariés du groupement.

Le législateur de l’époque était donc en quelque sorte tiraillé entre deux exigences : d’une part, la nécessité pratique de lever ce qui apparaissait comme une contrainte, en supprimant le seuil d’effectifs dans certaines situations ; d’autre part, la volonté de prévoir des garanties pour les salariés.

2. Une double difficulté engendrée par ce dispositif

Tel qu’il a été établi, le dispositif prévu à l’article L. 1253-5 du code du travail pose donc une double difficulté.

a) La pertinence d’un seuil en question

L’ouverture de la possibilité du dépassement du seuil de 300 salariés est allée incontestablement dans la bonne direction. Cependant, un seuil subsiste dans les faits. Or celui-ci est encore ressenti comme une contrainte par les entreprises. Comme le note par exemple le rapport récent sur les tiers employeurs (30), ce seuil « est un frein au développement des groupements d’employeurs, la présence d’un établissement important en son sein étant à la fois une opportunité en termes d’emplois disponibles ainsi qu’une sécurité pour les entreprises adhérentes les plus petites ».

Dans son avis de 2002 consacré aux groupements d’employeurs, présenté par M. Jean-Marcel Bichat, le Conseil économique et social estimait déjà que « la participation de grandes structures à un groupement peut présenter un intérêt pour les petites entreprises adhérentes à ce groupements. En effet, leur taille constitue un vivier de ressources plus facilement mobilisables permettant de construire des emplois à temps plein en complétant les contrats à temps partiel ; elle permet également aux petites entreprises de s’attacher certaines compétences auxquelles, seules, elles n’auraient pas eu recours ».

Au regard des enjeux que recouvre la question du développement des groupements d’employeurs en termes tant d’emploi que de flexisécurité, il est donc opportun de supprimer ce seuil.

b) La question des garanties des salariés du groupement

Il est essentiel de prévoir des garanties pour les salariés d’un groupement. Certes, les salariés des groupements d’employeurs ne sont pas dépourvus de toutes garanties collectives aujourd’hui. En effet, soit le groupement est formé par des employeurs entrant dans le champ d’application d’une même convention collective et celle-ci est applicable à l’ensemble des membres du groupement ; soit tel n’est pas le cas et une procédure spécifique devra être mise en œuvre aux termes de laquelle le choix par les salariés de la convention collective applicable devra être autorisé par la direction département du travail et de l’emploi dans laquelle le groupement a son siège social.

Néanmoins, dès 2002, le Conseil économique et social proposait de « favoriser la négociation, au niveau national, d’un accord conventionnel constituant un socle minimum pour l’ensemble des groupements d’employeurs », de manière à prendre en compte les spécificités des emplois de ces salariés, quel que soit leur secteur professionnel.

Rejoignant cette préoccupation, le rapport sur les tiers employeurs précité suggérait la création d’une convention collective dédiée aux salariés des groupements d’employeurs, compte tenu de leur « fonctionnement atypique », qui pourrait porter sur des sujets multiples : formation, modulation du temps de travail, rémunération minimale, parcours professionnels et qualification, couverture complémentaire en matière de santé ou de retraite, etc. Ce serait le moyen de favoriser le développement du dialogue social, y compris dans les structures les plus petites.

3. Le dispositif proposé

Prenant en compte ce double impératif, l’article 2 de la proposition de loi propose une mesure qui s’articule en plusieurs temps.

Aux termes de l’alinéa 1 de cet article est établi un dispositif d’incitation à la négociation collective sur la question des garanties collectives des salariés des groupements d’employeurs.

La loi crée en l’espèce une double option en confiant le soin de définir « les garanties que les entreprises ou organismes de plus de trois cents salariés adhérents à un groupement d’employeurs accordent aux salariés des groupements » soit à un accord national interprofessionnel, soit à un accord de branche.

Ce dispositif conventionnel ayant vocation à se substituer à celui prévu aujourd’hui à l’article L. 1253-5 du code du travail, l’alinéa 2 de cet article fixe les modalités de cette substitution :

– dans l’hypothèse où serait conclu un accord de branche : il est prévu qu’à la date de l’extension de cet accord, les dispositions de l’article L. 1253-5 ne seront plus applicables dans le champ de cet accord.

En effet, l’extension rendant obligatoires les dispositions de l’accord dans toutes les entreprises du champ, il n’est plus nécessaire de prévoir la conclusion d’un accord collectif de travail distinct relatif aux garanties des salariés. Quant au seuil de 300 salariés, qui figure à l’article L. 1253-5, dont on a vu les inconvénients, plus rien ne s’opposera dès lors à sa suppression ;

– dans l’hypothèse où c’est un accord national interprofessionnel qui sera conclu : il est prévu que ce sera à la date de l’extension de cet accord que, suivant la même logique que celle qui prévaut en cas de conclusion d’un accord de branche, les dispositions de l’article L. 1253-5 ne seront plus applicables, l’ensemble des entreprises du champ étant de fait couvertes par des dispositions conventionnelles sur les garanties des salariés ;

– en tout état de cause, de manière à ce que soient, à un moment ou à un autre, levées les contraintes résultant aujourd’hui du dispositif qui figure à l’article L. 1253-5, il est prévu que quelle que soit l’issue de la négociation collective (donc y compris en cas de non ouverture de négociations ou d’échec de celles-ci), cet article est abrogé à compter du 1er janvier 2010.

*

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AC 8 de suppression de l’article de M. Michel Liebgott.

Elle examine ensuite l’amendement AC 34 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de supprimer à l’alinéa 1 les mots « de plus de trois cents salariés » afin que tous les salariés soient concernés par l’accord, quelle que soit la taille de leur entreprise.

La Commission adopte l’amendement.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AC 9 de M. Michel Liebgott.

Elle adopte l’article 2 ainsi modifié.

Article 3

Modalités d’organisation de la responsabilité financière
des membres des groupements d’employeurs

Cet article, en procédant à une nouvelle rédaction de l’article L. 1253-8 du code du travail, modifie les règles relatives à l’organisation de la responsabilité financière des membres d’un groupement d’employeur de manière à assouplir leurs modalités de mise en œuvre.

1. Le dispositif prévu à l’article L. 1253-8 du code du travail

Aux termes de l’article L. 1253-8 du code du travail, « les membres du groupement sont solidairement responsables de ses dettes à l’égard des salariés et des organismes créanciers de cotisations obligatoires ».

Ce principe de solidarité financière solidaire des membres du groupement a pour conséquence directe qu’en cas de défection de l’un des membres, les autres, qu’ils soient ou non utilisateurs du salarié concerné, sont conjointement responsables du passif social (salaires et cotisations).

Il s’agit d’un principe important dans la mesure où il apporte aux salariés la garantie de percevoir leur rémunération et aux organismes sociaux de percevoir les cotisations qui leur sont dues. En outre, il constitue un élément fédérateur qui tend à impliquer véritablement les entreprises à la vie et au fonctionnement du groupement.

Ce principe n’est cependant pas sans limites. Le rapport établi en 1998 par M. Michel Praderie à l’attention de Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité, avait déjà présenté ce principe de la responsabilité solidaire comme l’un des principaux obstacles au développement des groupements d’employeurs (31).

Pour le Conseil économique et social dès 2002, le fait que « la responsabilité solidaire s’exerce de façon pleine et entière, c’est-à-dire que l’ensemble des entreprises du groupement, qu’elles soient ou non utilisatrices des services des salariés, sont responsables en totalité des dettes du groupement d’employeurs », peut soulever des interrogations. Il estime ainsi opportun « de fixer une règle qui pourrait tempérer, pour chacune des entreprises, sa part de responsabilité solidaire, par exemple, en fonction du nombre d’heures de mise à disposition de personnels, dans la mesure où le recours aux services offerts par le groupement diffère selon les besoins de chaque entreprise ».

Plus récemment encore, le rapport sur les tiers employeurs jugeait « plus judicieux et plus juste de répartir [l]e montant [des dettes] selon le niveau d’utilisation de chaque utilisateur (en mesurant par exemple les volumes de facturation du groupement lors des derniers mois à chaque adhérent) ».

2. Le dispositif proposé

Tenant compte de ces réflexions, l’article 3 propose une nouvelle rédaction de l’article L. 1253-8 du code du travail relatif au principe de responsabilité financière solidaire des membres d’un groupement d’employeur (alinéa 1).

Aux termes de la nouvelle rédaction retenue pour l’article L. 1253-8 du code du travail (alinéa 2), le principe de la solidarité financière subsiste mais une nouvelle possibilité d’aménagement de la répartition des dettes est offerte aux membres du groupement.

Cet article ouvre en effet la possibilité aux membres du groupement d’employeurs de prévoir dans les statuts du groupement « les règles de répartition des dettes à l’égard des salariés et des organismes créanciers de cotisations obligatoires, entre les membres du groupement ».

On rappelle qu’en application de l’article L. 1253-2 du code du travail, les groupements d’employeurs sont constitués sous la forme : d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ; d’une société coopérative au sens de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération et de la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983 relative au développement de certaines activités d’économie sociale ; d’une association régie par le code civil local ou coopérative artisanale dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. C’est donc au statut de l’association ou de la société coopérative qu’il reviendra de prévoir une modalité particulière de responsabilité financière des membres du groupement d’employeurs, établie notamment selon leur niveau d’utilisation s’ils le souhaitent.

La règle de la solidarité financière subsiste mais est quelque peu redéfinie dans sa rédaction par rapport à la version actuelle de l’article L. 1253-8 du code du travail : à défaut d’un aménagement statutaire en effet, les membres du groupement seront solidairement responsables « au sens de l’article 1200 du code civil ». Aux termes de cet article, « il y a solidarité de la part des débiteurs, lorsqu’ils sont obligés à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité, et que le paiement fait par un seul libère les autres envers le créancier ». Cette nouvelle rédaction présente donc aussi l’avantage de prévoir une définition précise, aisément identifiable en cas de contentieux, de la notion de solidarité.

*

La Commission examine l’amendement AC 10 de suppression de l’article de M. Michel Liebgott

M. le rapporteur. Avis défavorable. Pour les entreprises et les responsables patronaux que nous avons auditionnés, la référence à une responsabilité in solidum de tous les membres décourage les entreprises d’adhérer à un groupement. La proposition de loi, contrairement à ce qu’a dit M. Vidalies, ne supprime pas la solidarité entre employeurs. Nous proposons que le système de solidarité actuelle soit maintenu, sauf si les membres du groupement ont imaginé un autre système de répartition.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4

Régime applicable aux groupements d’employeurs
constitués avec des collectivités territoriales et leurs établissements publics

Cet article a pour objet d’assouplir, les conditions dans lesquelles des collectivités territoriales peuvent constituer, avec d’autres personnes physiques ou morales, des groupements d’employeurs en élargissant la nature des missions pouvant être prises en charge et en supprimant les restrictions relatives à la limitation des tâches ainsi accomplies par chaque salarié à un mi-temps.

1. Le régime prévu aujourd’hui à l’article L. 1253-20 du code du travail

La loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a ouvert la possibilité à des personnes physiques ou morales de droit privé de créer des groupements d’employeurs avec des collectivités territoriales et leurs établissements publics.

Aujourd’hui, l’article L. 1253-19 du code du travail prévoit ainsi que, « dans le but de favoriser le développement de l’emploi sur un territoire, des personnes de droit privé peuvent créer, avec des collectivités territoriales et leurs établissements publics, des groupements d’employeurs constitués sous la forme d’associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, d’associations régies par le code civil local ou de coopératives artisanales ».

Cette possibilité d’une participation des collectivités territoriales aux groupements d’employeurs est cependant limitée de plusieurs manières :

– d’une part, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ne peuvent constituer plus de la moitié des membres des groupements ainsi créés ;

– d’autre part, aux termes du premier alinéa de l’article L. 1253-20 du code du travail, les tâches confiées aux salariés du groupement mis à disposition d’une collectivité territoriale s’exercent exclusivement dans le cadre d’un service public industriel et commercial, environnemental ou de l’entretien des espaces verts ou des espaces publics ;

– enfin, aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 1253-20, ces tâches ne peuvent constituer l’activité principale des salariés du groupement et le temps consacré par chaque salarié du groupement aux travaux pour le compte des collectivités territoriales adhérentes doit être inférieur à un mi-temps.

Or le rapport sur les tiers employeurs a bien montré que les besoins de main-d’œuvre à temps partagé ne concernent pas uniquement les entreprises privées, mais aussi les collectivités territoriales : certes, la loi du 23 février 2005 a ouvert de nouvelles possibilités, mais elle a aussi établi « de fortes limitations » et certaines « restrictions mériteraient d’être levées pour permettre un développement plus large de l’emploi sur un territoire donné, notamment dans des secteurs en fort développement tels que les services à la personne ».

De manière plus générale, le rapport du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD) avait aussi, en 2007, plaidé en faveur d’un élargissement du champ d’action des groupements d’employeurs, non seulement s’agissant de l’intervention des collectivités territoriales, mais aussi au profit du secteur associatif ou du secteur des professions libérales.

2. Le dispositif proposé

De façon à atteindre ces objectifs, cet article 4 procède à une nouvelle rédaction de l’article L. 1253-20 du code du travail (alinéa 1).

Aux termes de la nouvelle rédaction proposée, sont supprimés les deux alinéas de la version aujourd’hui en vigueur, relatifs aux limitations précitées :

– l’exercice exclusif dans le cadre d’un service public industriel et commercial, environnemental ou de l’entretien des espaces verts ou des espaces publics ;

– l’impossibilité que la mission concernée constitue l’activité principale des salariés du groupement et la restriction à un mi-temps de l’activité prise en charge par chaque salarié.

En lieu et place de ces deux alinéas est prévu un alinéa unique reprenant un seul élément de limitation de ce régime (alinéa 2). Aux termes de cet alinéa en effet, « les tâches confiées aux salariés du groupement mis à disposition d’une collectivité territoriale ne peuvent constituer l’activité principale du groupement ». En revanche, les deux autres éléments de limitation sont supprimés, de manière à accroître dans les faits les possibilités du recours par les collectivités territoriales aux groupements d’employeurs.

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La Commission examine l’amendement AC 11 de suppression de l’article de M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Cet article ouvre la voie à la privatisation de certaines activités, normalement exercées par des fonctionnaires territoriaux.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Christian Eckert. Il faudrait que M. le rapporteur, interrogé à de nombreuses reprises sur ce point, soit moins laconique. Les fonctionnaires territoriaux peuvent-ils être transférés à un groupement d’employeurs n’appliquant pas le même statut ?

M. le rapporteur. D’une part, l’article L. 1253-19 du code du travail n’est pas modifié. D’autre part, il peut être très utile pour les collectivités locales de recruter de manière plus souple des collaborateurs. Cet article ne remet pas en cause le statut de la fonction publique territoriale ; il ne favorise pas davantage l’externalisation des activités.

M. Michel Liebgott. Le statut de la fonction publique permet déjà des recrutements en CDD. Ces nouvelles dispositions encourageront les groupements d’employeurs à remplacer des personnes qui relèvent du statut de la fonction publique par des salariés sous statut privé.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement AC 28 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. La mise en place du RSA est un sujet d’inquiétude pour les collectivités territoriales. Il me semble indispensable de lier la notion de RSA avec les groupements d’employeurs.

M. le rapporteur. Je suis d’accord, mais la rédaction devra être revue en article 88.

L’amendement AC 28 est retiré.

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

Article 5

Coordination de l’action de Pôle emploi et des groupements d’employeurs

Cet article a pour objet de prévoir que Pôle emploi devra agir en collaboration avec les groupements d’employeurs.

La loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi a créé la nouvelle institution chargée d’assurer la gestion du réseau unique issu de la fusion de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et du réseau opérationnel de l’assurance chômage, les Assédic. Il s’agit d’une institution de droit public à compétence nationale, dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, qui a été dénommée Pôle emploi.

L’article L. 5312-1 du code du travail, créé par la loi du 13 février 2008, a défini les missions de l’institution : prospecter le marché du travail ; accueillir, informer, orienter et accompagner les personnes ; procéder aux inscriptions sur la liste des demandeurs d’emploi ; assurer, pour le compte de l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage, le service de l’allocation d’assurance ; recueillir, traiter, diffuser et mettre à la disposition des services de l’État et de l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage diverses données ; etc.

Ce même article précise aussi, dans son dernier alinéa, que l’institution nationale agit en collaboration avec les instances territoriales intervenant dans le domaine de l’emploi, en particulier les maisons de l’emploi, ainsi qu’avec les associations nationales et les réseaux spécialisés d’accueil et d’accompagnement, par des partenariats adaptés.

Il est en effet essentiel de prévoir une action coordonnée des différents acteurs du service public de l’emploi. C’est du reste ce que développe la convention tripartite qui a été conclue pour les années 2009 à 2011 entre l’État, l’Unédic et Pôle emploi le 2 avril 2009 et qui, conformément à la loi du 13 février 2008, détaille l’ensemble des objectifs et des moyens de la nouvelle institution. Y est ainsi mentionnée notamment l’action de Pôle emploi en coordination avec les régions, les maisons de l’emploi ainsi que les réseaux spécialisés d’accueil et d’accompagnement des demandeurs d’emploi, en particulier l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), les missions locales ou les organismes du réseau Cap emploi.

En insérant, dans le dernier alinéa de l’article L. 5312-1 du code du travail, après les mots : « maisons de l’emploi, », les mots : « les groupements d’employeurs, », l’alinéa unique de cet article 5 vise à inclure ces derniers dans la liste des acteurs avec lesquels Pôle emploi sera amené à travailler en coordination. Cet ajout est particulièrement justifié compte tenu des enjeux pour l’emploi du développement des groupements d’employeurs. Il correspond à une préoccupation dont s’était notamment fait écho le rapport sur les tiers employeurs, qui notait par exemple que les groupements d’employeurs constituent des outils pertinents pour répondre aux offres d’emplois à temps partiel proposées par Pôle emploi, de manière à « en faire des temps pleins avec des parcours professionnels stables et sécurisés ».

*

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement de suppression AC 12 de M. Michel Liebgott.

Elle adopte l’article 5 sans modification.

TITRE II

ENCOURAGEMENT À LA MOBILITÉ PROFESSIONNELLE

Article 6

Définition du caractère non lucratif du prêt de main-d’oeuvre

Cet article vise à préciser la notion de but non lucratif dans les opérations de prêt de main-d’œuvre.

1. Le contexte

Comme le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de loi, la crise actuelle est à l’origine de deux types de dommages : les dommages que l’on peut dire « sociaux » de celles et ceux qui perdent leur emploi ; mais aussi les dommages que l’on peut qualifier d’« industriels », à savoir ceux subis par les entreprises qui perdent des personnels formés et compétents qu’il pourra leur être difficile de retrouver au moment de la reprise.

De manière à éviter que se développe ce scénario que l’on peut dire aussi « perdant-perdant », un certain nombre d’entreprises s’efforcent de préserver le lien d’emploi en recourant au prêt de leur main-d’œuvre à d’autres entreprises, par application de l’article L. 8241-2 du code du travail qui rend possibles les opérations de prêt de main-d’œuvre si celles-ci ont un but non lucratif. Ainsi peut être en outre apportée au salarié une expérience professionnelle temporaire enrichissante.

Parce que la frontière entre le but « lucratif » et le but « non lucratif » d’une opération est très incertaine, certaines entreprises hésitent cependant à recourir à ce dispositif. Une entreprise qui, de bonne foi, procède au prêt de main-d’œuvre le pensant réalisé à but non lucratif, donc légalement, peut, sans en être consciente, se trouver dans la situation illégale d’une mise en œuvre de prêt à but lucratif. Le juge saisi d’un litige à l’occasion duquel est soulevée une telle question procèdera, le cas échéant, à une requalification du prêt de main-d’œuvre à but non lucratif en marchandage (tel que défini à l’article L. 8231-1 du code du travail) ou en prêt de main-d’œuvre à but lucratif (défini à l’article L. 8241-1 du même code). Dans les deux cas, il s’agit d’un délit, puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros.

2. Un régime juridique très incertain

L’incertitude juridique est liée au fait que la définition même du caractère « lucratif » ou non du prêt de main-d’œuvre est sujette à variation. Elle ne figure en effet pas dans le code du travail. Dès lors, les juridictions saisies d’un litige sont conduites à apprécier l’existence ou non de ce caractère lucratif indépendamment de toute définition précise, pour juger de la licéité ou de l’illicéité d’une opération de prêt de main-d’œuvre.

Cette idée selon laquelle l’illicéité du prêt de main d’œuvre va de pair avec son caractère lucratif et la nécessité qui en résulte de définir la notion de but lucratif ne sont pas nouvelles. Elles sont déjà présentes dans un arrêt des chambres réunies de la Cour de cassation du 31 janvier 1901, Loup c. Bœuf, qui avait fait référence à l’exigence d’un profit. Cet arrêt se fondait sur la définition du délit de marchandage aux termes d’un décret du 2 mars 1848 et d’un arrêté du 21 mars 1848 : « Attendu qu’il résulte du texte même tant du décret du 2 mars 1848 que de l’arrêté du 21 du même mois que le fait qui a été d’abord interdit, puis puni de peines correctionnelles par le Gouvernement provisoire, n’est point tout embauchage d’ouvriers à la journée par un tâcheron, mais seulement l’exploitation des ouvriers au moyen de ce marchandage, exploitation qui ne consiste de la part du sous-traitant qu’à tirer un profit abusif du travail de ceux qu’il emploie ; (…) ». Depuis, la jurisprudence a encore précisé cette exigence.

a) Une distinction en apparence claire entre le but lucratif et le caractère onéreux

Certains juristes analysent l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation en un passage de l’assimilation du but lucratif au caractère onéreux du prêt de main-d’œuvre à la distinction clairement établie entre les deux notions (32).

● De l’assimilation du but lucratif au caractère onéreux…

Longtemps, les juges n’ont considéré comme licites que les prêts de main-d’œuvre à titre gratuit et prohibé en conséquence toute opération de prêt dotée d’une contrepartie quelle qu’elle soit. Autrement dit, toute opération réalisée à titre onéreux, donc donnant lieu à une rémunération, était considérée comme ayant un but lucratif. C’est ce qui résulte encore par exemple d’un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 4 avril 1990, conformément au rapport présenté par M. Philippe Waquet sur cet arrêt (33) : « Seul un prêt gratuit de main-d’œuvre échappe aux prévisions de l’article L. 125-3 du code du travail [devenu article L. 8241-1]. Dès l’instant que l’entreprise prestataire perçoit des sommes à l’occasion du contrat litigieux, celui-ci est à but lucratif ».

Il se fondait, ce faisant, sur une jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 15 février 1983 : « Qu’il se déduit des motifs précités que contrôlant, en fait, les deux sociétés et agissant sous couvert d’un contrat de sous-traitance simulé, le prévenu a joué en l’espèce le rôle d’un prêteur de main-d’œuvre en même temps que celui d’utilisateur des salariés concernés ; que cette opération, ayant donné lieu à rétribution, et ayant été réalisée en dehors des dispositions légales relatives au travail temporaire, l’infraction prévue par l’article L. 125-3 se trouve dès lors caractérisée en tous ses éléments constitutifs ».

● …à la distinction entre caractère onéreux et but lucratif

Dans un second temps est apparue une distinction entre le but lucratif et le caractère onéreux. La Cour de cassation a finalement admis les prêts de main-d’œuvre dans lesquels le prêteur ne fait que récupérer auprès du locataire de main-d’œuvre les salaires qu’il a versés ainsi que les charges sociales correspondantes.

Cette récupération doit cependant être limitée à ces sommes. La Cour de cassation a précisé qu’un supplément, fut-il justifié par des frais de gestion, confèrerait à l’opération un but lucratif et la rendrait donc illégale (Cass. soc., 16 mai 1990 ; cass. soc., 25 septembre 1990).

L’idée générale résultant de cette jurisprudence est donc celle selon laquelle la recherche d’un profit quel qu’il soit est sanctionnée, la question des frais de gestion n’étant toutefois pas parfaitement claire. Plusieurs professeurs de droit ont exprimé cet état du droit de diverses manières.

Pour l’un d’entre eux, « on peut imaginer qu’un industriel, qui manque momentanément de commandes, accepte de mettre une partie de son personnel à la disposition d’un autre chef d’entreprise qui connaît au contraire un surcroît d’activité. La solution peut être économiquement préférable à une mise en chômage technique du personnel provisoirement inoccupé. Juridiquement, l’opération sera licite s’il n’y a pas recherche d’un bénéfice. La convention passée entre les deux entreprises devrait prévoir un simple remboursement des salaires et des charges sociales correspondant aux heures de travail procurées à l’entreprise utilisatrice. Des frais de gestion ou de déplacement pourraient être éventuellement facturées à condition d’être spécialement justifiées » (34).

D’autres professeurs de droit expriment une même idée : « C’est la seconde interprétation [selon laquelle seules les opérations réalisées pour poursuivre un bénéfice sont des opérations à but lucratif] qui est conforme au sens du mot lucratif, qui, selon le dictionnaire, signifie « qui procure un gain, des profits, un bénéfice ». Le prêt de main-d’œuvre n’est pas lucratif du moment que le montant de la rémunération versée à l’entreprise fournisseuse correspond aux salaires, aux charges sociales ainsi qu’éventuellement aux frais de gestion » (35).

Le gouvernement a dans une large mesure confirmé ces analyses, dans une réponse de la ministre de l’emploi et de la solidarité à une question écrite posée par un député, publiée au Journal officiel du 20 mars 2000 (36) :

« Aux termes de la jurisprudence, la facturation et la perception par l’entreprise d’origine de frais de gestion modérés et justifiés ne présentent pas un motif valable de requalification du prêt de main-d’oeuvre qui demeure à but non lucratif. En ce qui concerne les opérations à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre, et par lequel le prestataire facture à son client une prestation dont le montant est supérieur au coût de la main-d’oeuvre mise à disposition, l’article L. 125-3 du code du travail précise qu’elles ne peuvent s’opérer que dans le seul cadre du travail temporaire, avec les garanties qu’impose la loi. En dehors de ce cas, ce type d’opération est illicite ».

En conséquence, ne constitue pas une opération de prêt de main-d’œuvre illicite la mise à disposition de son personnel par La Croix-Rouge, dont le statut d’association reconnue d’utilité publique est incompatible avec la recherche de bénéfice, dès lors que cette opération ne tend pas à l’obtention d’un gain, mais poursuit un but d’économie des dépenses publiques de santé, sous l’autorité de l’agence régionale d’hospitalisation, visant à rationaliser les moyens de fonctionnement des services hospitaliers du site de manière à en pérenniser les activités (Cass. soc., 1er avril 2003, comité d’établissement du centre hospitalier Croix-Rouge de Juvisy-sur-Orge c. association de la Croix-Rouge française).

Certains juristes soulignent toutefois qu’il leur apparaît nécessaire de distinguer entre la réalisation d’un profit et la recherche d’un profit. Selon leur analyse, sont illicites toutes les opérations de fourniture de main-d’œuvre à but lucratif et non pas seulement celles qui permettent de réaliser effectivement un profit : à partir du moment où une opération est organisée pour réaliser un bénéfice, elle est illicite alors même que le but recherché n’est pas atteint. En pratique, il pourrait cependant se révéler difficile de démontrer l’existence de la recherche du profit.

L’ensemble de ces analyses conduisent, a contrario, à la conclusion selon laquelle seule l’opération de prêt de main-d’œuvre « à prix coûtant » est pleinement licite.

C’est également ce qui résulte d’un arrêt plus récent de la chambre criminelle de la Cour de cassation, en date du 20 mars 2007, aux termes duquel a été considéré comme présentant un caractère lucratif le prêt de main-d’œuvre permettant de procéder à une refacturation non conforme à la situation réelle. La Cour rappelle dans cet arrêt que le but lucratif peut consister en un bénéfice, un profit ou un gain pécuniaire.

Ainsi défini, le caractère lucratif pourrait sembler constituer désormais une notion juridique assez stabilisée. Ce n’est cependant pas toujours le cas.

b) Des jurisprudences fluctuantes

Un certain nombre d’éléments montrent que la définition du caractère lucratif du prêt de main-d’œuvre n’est pas, même au terme de l’évolution rappelée ci-dessus, stabilisée. Indépendamment de la question de l’admission ou non du remboursement de frais de gestion, deux observations doivent être faites.

D’une part, il est arrivé que les deux termes « onéreux » et « lucratif » soient associés dans une même décision jurisprudentielle pour caractériser un prêt de main-d’œuvre illicite. Ainsi, dans un arrêt du 16 juin 1998, la chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé « que le caractère onéreux et le but lucratif de cette fourniture de main-d’oeuvre sont manifestement établis par la différence entre, d’une part, les conditions financières stipulées dans les contrats de sous-traitance conclus entre les sociétés S et I, d’autre part, les rémunérations prévues dans les contrats de travail liant cette dernière et les salariés concernés, sans que cette différence trouve son application dans l’incidence des seules charges sociales ».

D’autre part, la distinction entre le caractère lucratif ou simplement onéreux d’une opération de prêt de main-d’œuvre n’est pas toujours très claire au regard de certains arrêts de la Cour de cassation. La preuve de la recherche d’un gain ou d’un profit n’est pas toujours requise. La Cour de cassation a pu ainsi considérer que constitue une opération de prêt de main-d’œuvre à but lucratif une opération de prêt de main-d’œuvre réalisée moyennant rémunération, sans que la Cour de cassation précise que cette rémunération révélait un profit (Cass. soc., 4 avril 1990, Société des laboratoires Anphar Rolland c. Dutruch).

De même, dans un autre arrêt, la Cour de cassation a estimé qu’il y avait but lucratif s’agissant d’une opération de mise à disposition de personnel à titre onéreux, fût-ce « à prix coûtant », par une société dont c’était la seule activité (Cass. crim., 12 mai 1998,  Delauze).

Ces deux dernières jurisprudences invitent donc à la prudence dans l’appréciation de l’existence ou non d’un but lucratif s’agissant d’une opération de prêt de main-d’œuvre donnée.

3. Le dispositif proposé

Au terme de cette analyse, il semble utile et même nécessaire d’engager le débat sur la clarification législative de la notion de but lucratif. Telle est l’ambition du présent article, qui ne permettra peut-être pas à lui seul de régler l’ensemble des difficultés, mais apportera au moins un premier élément de réponse.

Aux termes de l’alinéa 1, cet article complète l’article L. 8241-2 du code du travail d’un nouvel alinéa. On rappelle qu’aujourd’hui, l’article L. 8241-2 est composé de deux alinéas : le premier dispose que « les opérations de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif sont autorisées » ; le second précise quels articles du code du travail sont applicables à ce régime juridique.

Aux termes de l’alinéa 2, la rédaction proposée pour ce nouvel alinéa, destiné à clarifier la notion de but lucratif, est la suivante : « Il n’y a pas de but lucratif dans une opération de prêt de main-d’œuvre quand l’entreprise prêteuse n’en tire pas de bénéfice ». Le choix de cette formulation appelle certaines observations :

– Conformément aux explications figurant dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif peut faire l’objet d’une facturation à l’euro pour que l’entreprise prêteuse se fasse ensuite rembourser les salaires et les charges sociales salariales et patronales versés. Dans ce sens, elle est onéreuse, mais sans but lucratif puisque le prêt ne lui rapporte pas d’argent en tant que tel. Certes, ce prêt peut avoir, pour l’entreprise prêteuse, un effet positif sur ses comptes, mais c’est précisément l’un des objectifs souhaitables en période de crise. L’essentiel est qu’il ne puisse lui permettre de faire des bénéfices en tant que tels et c’est pourquoi c’est cette règle qui est retenue par la proposition de loi.

– De manière à répondre à une interrogation récurrente sur la distinction entre prêt à titre onéreux et prêt à but lucratif, le parti pris est de définir clairement le caractère lucratif par référence d’abord à la notion de « bénéfice ». La notion de bénéfice renvoie en effet à des réalités comptables et financières qui sont assez aisément identifiables dans la pratique.

– La jurisprudence de la Cour de cassation sur cette question n’étant pas constante, il est aussi suggéré, implicitement, de préférer la référence à un bénéfice « effectif » à la référence à la « recherche de bénéfice », plus difficile à démontrer et qui pourrait poser, dans la pratique, plus de difficultés contentieuses qu’elle ne contribuerait à la clarté du débat.

*

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement de suppression AC 13 de M. Michel Liebgott.

Elle examine ensuite l’amendement AC 29 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Afin de sécuriser le dispositif de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif, il convient de rétablir l’élément intentionnel en matière de délit de marchandage, un élément essentiel dès lors que des sanctions pénales sont envisageables.

M. le rapporteur. Je comprends votre souci, mais on touche là à un domaine très complexe. Il serait préférable d’en discuter dans un autre contexte. Il faut en discuter avec les partenaires sociaux d’abord.

En outre, considérant que l’article 6 modifie l’article 8241-2 du code du travail, et non l’article 8231-1 auquel vous faites référence, et compte tenu des modifications que nous souhaitons faire par voie d’amendement concernant les conventions par exemple, votre préoccupation me semble en partie satisfaite. Avis défavorable.

M. Dominique Tian. Mais le problème est réel, et les négociations entre partenaires sociaux n’ont pas abouti.

M. Jean-Patrick Gille. Nous comprenons à la fois l’objet de l’amendement et son effet. Nous y sommes donc farouchement opposés.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC 14 de M. Michel Liebgott.

M. Christian Eckert. Nous avons déjà expliqué les risques inhérents à la proposition. Car, s’il n’y a pas que des patrons voyous, tous ne sont pas non plus totalement dépourvus de mauvaises intentions et l’on voit bien les opérations qu’ils pourraient monter pour contourner les conventions ou accords de l’entreprise.

M. le rapporteur. L’amendement n’autorise que les opérations de prêt de main-d’œuvre dans lesquelles l’entreprise prêteuse facture très strictement les coûts salariaux à l’emprunteuse – pas un euro de plus ni de moins. Le dispositif ne sera donc guère attractif. Et je répète que je ne vois pas quel intérêt pourrait trouver une entreprise à prêter à perte son personnel sur une durée longue. Avis défavorable.

M. Alain Vidalies. Il peut exister des cas où l’entreprise utilisatrice aurait intérêt à passer par ce système. Si l’arrêt de 2007 fait d’ailleurs référence à l’entreprise utilisatrice, c’est bien que les magistrats ont vu une manœuvre de la part de cette entreprise. Certes, il faut permettre aux groupements d’employeurs de se développer, mais cela ne justifie pas de créer des espaces de non-droit. C’est l’enchaînement des mesures que vous proposez qui pose problème : leurs inconvénients cumulés finissent pas dénaturer ce qui était à l’origine une bonne idée.

M. Jean-Patrick Gille. Je veux bien croire à la pureté des intentions du rapporteur mais j’insiste sur le fait que, s’il faut effectivement analyser les choses du point de vue du prêteur, il faut également observer les intentions de l’emprunteur. Il peut en effet se créer des effets de substitution. Par exemple, il existe déjà un contrat de mise à disposition de salariés, mais qui comporte des exigences, notamment celle de préciser le motif et le terme de la mission. La règle que vous modifiez est par nature une règle d’interdiction, qui sert à éviter, sauf certains cas, le prêt de main-d’œuvre. En la retournant, le législateur ouvre la voie à des dérives.

M. le rapporteur. L’article L. 8241-1 du code du travail interdit toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'œuvre – à l’exception du travail temporaire, du sport et des mannequins. Mais l’article L. 8241-2 autorise le prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif. La proposition de loi cherche donc à préciser cette notion de but non lucratif, afin que les gens qui voudraient recourir à des opérations de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif ne soient pas pénalement inquiétés.

M. Jean-Patrick Gille. Mais cet article s’inscrit dans un chapitre intitulé « Interdiction », dans un titre traitant du « prêt illicite de main-d’œuvre » ! Vous ouvrez la porte à une généralisation de ces opérations.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine ensuite l’amendement AC 35 du rapporteur.

M. le rapporteur. Les opérations de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif doivent être l’objet d’une convention entre les trois parties intéressées.

La Commission adopte l’amendement.

M. Pierre Morange, président. Une observation plus générale : les groupements d’employeurs ont fréquemment un statut associatif et le prêt de main-d’œuvre ne pourra pas avoir un caractère lucratif. Il sera nécessaire de faire une analyse juridique poussée des effets dans ce domaine de la directive européenne sur les sociétés de services d’intérêt général.

La Commission adopte l’article 6 ainsi modifié.

TITRE III

SOUTIEN À L’EMPLOI DES JEUNES ET À LA PROFESSIONNALISATION

Article 8

Crédit d’impôt pour les contrats de professionnalisation
dans les petites entreprises

Le présent article institue, au bénéfice des entreprises de moins de 50 salariés, un crédit annuel d’impôt de 1 000 euros par contrat de professionnalisation en cours et concernant un jeune (de moins de 26 ans révolus).

Ce dispositif constitue un élément de réponse à la dégradation actuelle de la situation de l’emploi des jeunes, le contrat de professionnalisation étant ciblé eu égard à l’efficacité des formules d’alternance et en référence aux aides déjà en place en matière d’apprentissage. Il anticipe sur une mesure du plan pour la formation, l’apprentissage et la professionnalisation des jeunes développé le 24 avril dernier, lors de son intervention à Jouy-le-Moutier, par le Président de la République, plan qui a une portée plus générale.

1. Éléments de contexte

Sans reprendre toutes les données développées dans l’exposé général du présent rapport, quelques points saillants méritent d’être mis en exergue :

– La dégradation actuelle de la situation de l’emploi touche en premier lieu les jeunes, avec une hausse de près de 36 % du nombre de moins de 25 ans inscrits au chômage en catégorie dite A de mars 2008 à mars 2009, quand la hausse globale est seulement, si l’on peut dire, de 22 %.

– Plus structurellement, en se fondant sur des données antérieures à la crise (datant de 2007), les performances de notre pays en matière d’emploi des jeunes sont médiocres, notamment par rapport à nos partenaires européens : on compte 31,5 % seulement de jeunes actifs en France contre plus de 37 % dans l’ensemble de l’Union européenne, 19,4 % de jeunes au chômage en France contre 15,4 % pour l’UE. Les analyses d’ensemble sur la situation des moins de 30 ans montrent que sur plus de 5 millions de jeunes Français ayant achevé leurs études, moins de la moitié sont en contrat à durée indéterminée (ou fonctionnaires), tandis qu’un quart sont en revanche en recherche d’emploi ou inactifs, les autres occupant des emplois plus ou moins précaires.

– Alors que 120 000 jeunes au moins, peut-être 150 000, sortent tous les ans du système de formation initiale sans qualification reconnue, les contrats en alternance, d’apprentissage ou de professionnalisation, offrent de réelles chances d’insertion à ceux qui les choisissent, avec environ 60 % d’insertion dans l’emploi en fin de contrat. Ces contrats en alternance couvrent actuellement près de 600 000 jeunes, mais les nouvelles entrées fléchissent depuis quelques mois du fait de la crise économique.

2. Un dispositif ciblé sur le contrat de professionnalisation

Le présent article vise spécifiquement à inciter les entreprises à passer plus de contrats de professionnalisation, dont les caractéristiques sont rappelées ci-après.

Les principales caractéristiques du contrat de professionnalisation

Le contrat de professionnalisation est un contrat de travail en alternance comprenant une période de professionnalisation destinée à l’acquisition d’une qualification. Il est conclu à durée déterminée ou indéterminée.

La période de professionnalisation comporte des périodes de travail en entreprise et des actions de formation. Sa durée est comprise entre 6 et 12 mois, avec une extension possible jusqu’à 24 mois par convention ou accord de branche. Les actions de formation doivent représenter au moins 150 heures et de 15 % à 25 % de la durée totale du contrat (ou de la période de professionnalisation dans le cas d’un contrat à durée indéterminée).

Le contrat de professionnalisation est ouvert à tous les jeunes âgés de 16 à 25 ans révolus et aux demandeurs d’emploi âgés de 26 ans et plus.

Pendant leur contrat (ou la période de professionnalisation si le contrat a été conclu à durée indéterminée), les jeunes sont rémunérés en pourcentage du SMIC, selon leur âge et leur niveau de formation : leur salaire ne peut être inférieur à 55 % du SMIC avant 21 ans et à 70 % de celui-ci à partir de cet âge. Les taux précités sont portés respectivement à 65 % et 80 % du SMIC pour les jeunes titulaires d’un baccalauréat professionnel ou d’un titre ou diplôme de même niveau. Les titulaires d’un contrat de professionnalisation âgés d’au moins 26 ans perçoivent quant à eux une rémunération qui ne peut être inférieure, ni à 85 % de la rémunération minimale de leur branche, ni au SMIC.

Le contrat de professionnalisation ouvre enfin droit à des aides publiques aux employeurs, qui sont présentées infra en comparaison avec celles afférentes au contrat d’apprentissage. Les formations proprement dites sont quant à elles prises en charge par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) ad hoc, le contrat de professionnalisation ayant été institué par les partenaires sociaux et devant être financé sur le produit des cotisations (aux taux respectifs de 0,15 % sur les entreprises de moins de 20 salariés et de 0,5 % sur les autres) appelées au titre de la professionnalisation et du droit individuel à la formation. Les OPCA concernés ont dépensé en 2007 plus de 823 millions d’euros pour les contrats de professionnalisation (37).

Ce ciblage du contrat de professionnalisation se justifie par une volonté d’équilibrage des régimes d’incitation afférents aux deux formes de contrat en alternance. En effet, s’agissant des jeunes, le régime de l’apprentissage est actuellement plus favorable, pour les employeurs, que celui de la professionnalisation, comme on le voit dans l’encadré ci-après. De manière synthétique, on peut dire que l’apprentissage est particulièrement attractif pour les employeurs car, à la différence de la professionnalisation, il comporte par apprenti et par an un crédit d’impôt de 1 600 ou 2 200 euros, une indemnité forfaitaire annuelle de 1 000 euros au minimum et une exonération intégrale ou quasi-intégrale de charges sociales (alors que les contrats de professionnalisation des jeunes ne bénéficient que de la réduction générale « Fillon » de droit commun, soit 26 ou 28,1 points de cotisations annulés au niveau du SMIC, selon la taille des entreprises, le régime de l’apprentissage peut conduire à neutraliser une soixantaine de points de charges sociales).

Les aides afférentes aux contrats en alternance

Le contrat d’apprentissage ouvre droit à des aides publiques importantes aux employeurs :

– une exonération quasi-intégrale de toutes les charges sociales : ne sont dues que les cotisations au titre des accidents du travail et, pour les seules entreprises de 11 salariés et plus non inscrites au répertoire des métiers (donc hors artisans), la part patronale des cotisations autres que de sécurité sociale de base (c’est-à-dire les cotisations d’assurance chômage, de retraites complémentaires, les contributions à la garantie des salaires, au Fonds national d’aide au logement, etc.) ;

– une indemnité compensatrice forfaitaire versée par la région, dont le montant minimal est fixé à 1 000 euros par an ;

– un crédit d’impôt de 1 600 euros par apprenti présent dans l’effectif (le calcul étant effectué sur la base du nombre annuel moyen d’apprentis employés), ce montant étant porté à 2 200 euros dans divers cas de figure (apprentis handicapés, jeunes rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi, ex-apprentis « junior », ex-signataires d’un contrat de volontariat pour l’insertion…).

Le contrat de professionnalisation ouvre droit aux aides suivantes pour les employeurs (sachant que les frais de formation sont par ailleurs couverts par les organismes paritaires collecteurs agréés – OPCA – ad hoc) :

– pour les contrats conclus depuis le 1er janvier 2008 (un autre régime s’appliquant aux contrats plus anciens, comprenant notamment une exonération spécifique aux contrats concernant les jeunes, qui a été supprimée), une exonération des cotisations patronales de base de sécurité sociale, hors accidents du travail et dans la limite du SMIC, lorsque le contrat est conclu avec un demandeur d’emploi âgé de 45 ans et plus ; pour les autres bénéficiaires, notamment les jeunes, s’applique la réduction « Fillon » de droit commun ;

– lorsque le bénéficiaire est un demandeur d’emploi de 26 ans et plus, ayant des difficultés d’insertion dans un emploi durable, une aide à l’employeur de Pôle emploi, de 200 euros par mois pendant la période de professionnalisation, dans la limite de 2 000 euros pour un même contrat ;

– une prise en charge par les OPCA des dépenses de formation des tuteurs (dans la limite de 40 heures à 15 euros/heure) et d’exercice du tutorat (dans la limite de 230 euros/mois et de 6 mois au plus) ;

– dans le cas où l’embauche est effectuée par un groupement d’employeur pour l’insertion et la qualification et concerne une personne de 16-25 ans ou de plus de 45 ans, une aide de l’Etat de 686 euros par bénéficiaire et par an et une exonération de cotisations d’accidents du travail.

3. Le dispositif proposé

Le dispositif proposé prend la forme classique d’un crédit d’impôt.

L’alinéa 1 l’insère dans le code général des impôts, dans le chapitre consacré aux dispositions communes à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur les sociétés, après l’article 244 quater G qui définit le crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage rappelé supra. Compte tenu de cette insertion, ce dispositif est donc susceptible de bénéficier aussi bien à des sociétés passibles de l’impôt sur les sociétés qu’à des entrepreneurs individuels (ou des sociétés de personnes) soumis à l’impôt sur le revenu.

Selon le texte de la proposition de loi (alinéa 2 du présent article), ce crédit d’impôt serait réservé aux entreprises de moins de cinquante salariés, ce seuil d’effectif étant apprécié selon la règle générale de décompte posée par le code du travail à son article L. 1111-2 (38). Son montant serait de 1 000 euros par contrat de professionnalisation présent dans l’entreprise, le calcul du crédit d’impôt (alinéas 2 et 3), décalqué de celui en vigueur s’agissant du crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage précité, s’effectuant en multipliant ce montant de 1 000 euros par le nombre annuel moyen de personnes de moins de 26 ans en contrat de professionnalisation, en ne prenant en compte que les contrats signés depuis au moins un mois.

On voit que ce dispositif fondé sur le « stock » de contrats en cours et limité aux petites entreprises diffère techniquement de celui que le Gouvernement a inscrit dans son plan d’urgence, qui s’intéresse au « flux » en subventionnant les nouveaux contrats de professionnalisation, à raison de 1 000 euros par embauche, voire 2 000 euros si le jeune concerné n’a pas le niveau du baccalauréat, et vise toutes les entreprises.

Dans la mesure où le nombre de contrats de professionnalisation en cours concernant des jeunes est actuellement un peu inférieur à 180 000 et où les établissements de moins de 50 salariés semblent drainer environ les deux tiers de ces contrats (39), le coût annuel du dispositif de la présente proposition de loi pourrait (hors l’effet de relance de la professionnalisation qui en est attendu) être de l’ordre de 110-120 millions d’euros. Dans le cadre du plan d’urgence pour l’emploi des jeunes, le Gouvernement prévoit quant à lui près de 230 millions d’euros en douze mois pour le régime de prime qu’il envisage.

Le même alinéa 2 précise que le dispositif est accessible aux entreprises imposées d’après leur bénéfice réel (par opposition aux régimes de forfait comme celui de la micro-entreprise) ainsi qu’à celles bénéficiant d’une exonération temporaire d’impôt en raison de leur lieu d’implantation (zone de revitalisation rurale, zones franches urbaines, Corse) ou de leur activité (cas des « jeunes entreprises innovantes »).

L’alinéa 4 limite le montant de l’avantage fiscal à celui des dépenses de personnel afférentes aux contrats de professionnalisation minoré des subventions publiques reçues au titre de ces contrats : le cumul des différents régimes d’aide ne doit pas conduire à couvrir à plus de 100 % les frais engagés par les employeurs !

L’alinéa 5 traite des différents cas de figure dans lesquels le droit fiscal dispose que des sociétés ou groupements divers (sociétés de personnes n’ayant pas opté pour l’impôt sur les sociétés, sociétés de fait, sociétés civiles immobilières de construction, groupements d’intérêt économique, groupements d’intérêt public, groupements forestiers, syndicats mixtes de gestion forestière…) ne sont pas directement soumis à l’impôt mais que celui-ci est dû par chacun de leurs membres pour sa part des bénéfices dans la société ou le groupement en cause. Il est proposé que les associés puissent alors bénéficier du crédit d’impôt pour les contrats de professionnalisation proportionnellement à leurs droits, mais sous réserve que lesdits associés soient eux-mêmes des sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés ou bien des personnes physiques participant personnellement, continûment et directement à l’activité de la société ou du groupement. En d’autres termes, le bénéfice du crédit d’impôt ne doit pas remonter à des porteurs de part « passifs » qui n’ont aucune influence sur la politique d’embauche et pour lesquels il représenterait donc un pur effet d’aubaine.

Les alinéas 6 à 9 précisent les modalités d’imputation du crédit d’impôt, successivement dans le cas où le bénéficiaire est assujetti à l’impôt sur le revenu et dans celui où il l’est à l’impôt sur les sociétés : le crédit d’impôt proposé vient en déduction de l’impôt dû au titre de l’année au cours de laquelle ont été employées des personnes en contrat de professionnalisation (son bénéfice est donc postérieur à cet emploi).

Enfin, l’alinéa 10, destiné à garantir la recevabilité financière du dispositif, limite son application aux sommes venant en déduction de l’impôt dû : contrairement au régime commun des crédits d’impôt, il est formellement exclu que ce dispositif puisse conduire à des remboursements d’impôt « négatif » de l’Etat eux entreprises, de tels remboursements pouvant être assimilés non à des « pertes de recettes » mais à des « charges » publiques insusceptibles d’être gagées.

*

La Commission adopte l’article 8 sans modification.

Après l'article 8

La Commission examine l’amendement AC 5 de M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Cet amendement vise à laisser à un apprenti qui vient de perdre son maître d’apprentissage un délai de deux mois pour en retrouver un autre. Pendant ce temps, sa formation ne prendrait pas fin.

M. le rapporteur. J’aimerais qu’une autre rédaction soit présentée au titre de l’article 88. Deux questions se posent : que se passe-t-il après, et qui paye ?

M. Benoist Apparu. Après, le contrat d’apprentissage tombe. Aujourd’hui, il tombe tout de suite et l’apprenti n’a plus le droit d’être accueilli en centre de formation. L’idée est de lui donner deux mois pour essayer de ne pas perdre son année. En revanche, dès lors qu’il a perdu son maître, ces deux mois ne seront pas rémunérés : personne n’a à payer.

M. Jean-Patrick Gille. Mais le contrat d’apprentissage est un contrat de travail qui ne se rompt pas aussi facilement. Cet amendement ne porte en fait que sur la période d’essai, comme le prouve la référence à l’article L. 6222-21 du code. Ce qui n’empêche qu’il faut réellement permettre à un apprenti qui perd son maître de poursuivre sa formation. Certains conseils régionaux ont commencé à s’en préoccuper, en lui donnant un autre statut qu’apprenti. Il faut réfléchir à la question.

L’amendement AC 5 est retiré.

Article additionnel après l’article 8

Gratification des stages dont la durée est supérieure à deux mois consécutifs

La Commission examine l’amendement AC 6 de M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Il s’agit de ramener la durée de stage nécessaire pour avoir droit à une gratification de trois à deux mois, conformément au souhait du Président de la République.

Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

TITRE IV

PROMOTION DU TÉLÉTRAVAIL

Article 9

Définition du télétravail et protection des télétravailleurs

Le présent article insère dans le code du travail une définition du télétravail et fixe ensuite les règles de base l’encadrant afin de protéger les salariés qui le pratiquent.

Comme le rapporteur l’a développé dans son exposé général, cette définition et ces règles de base reprennent des stipulations d’accords collectifs en vigueur, en l’espèce un accord des partenaires sociaux européens en date du 16 juillet 2002 et un accord national interprofessionnel (ANI) le transposant en droit français en date du 19 juillet 2005.

Même si elles figurent déjà dans un accord collectif national en vigueur, le fait d’intégrer à notre législation ces dispositions présente un double intérêt :

– L’ANI de juillet 2005, ayant été signé par les trois organisations patronales nationales interprofessionnelles traditionnelles (le Mouvement des entreprises de France, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises et l’Union professionnelle artisanale), ne couvre pas, même étendu, tous les employeurs, donc tous les salariés : il ne couvre pas, par exemple, les salariés des associations ou ceux de l’agriculture. Comme l’a notamment rappelé en 2005 la Cour de cassation (40), un accord signé par une ou des organisations interprofessionnelles ne s’applique pas aux branches ou secteurs où cette ou ces organisations ne sont pas représentatives (dans l’espèce citée parce que la fédération professionnelle de la branche industrielle en cause n’était pas adhérente du MEDEF) et l’arrêté d’extension de cet accord ne saurait avoir pour effet de l’élargir à ces branches ou secteurs. Seule une disposition législative peut donc étendre à la totalité des salariés de droit privé les protections apportées par l’ANI de 2005, et de ce fait mettre en œuvre pleinement l’accord européen de 2002.

– Le code du travail reste de fait la principale source du droit du travail français et la plus accessible ; y introduire le télétravail répond à un enjeu d’accessibilité et de lisibilité. Cela contribuera aussi à rendre plus visible un phénomène en développement rapide mais dont la reconnaissance, l’officialisation se heurtent encore à des réticences dans la mentalité française.

L’insertion dans le code du travail proposée par les alinéas 1 à 3 du présent article consiste à compléter, par une section intitulée « Télétravail », le chapitre « Exécution et modification du contrat de travail » du titre consacré aux « Formation et exécution du contrat de travail ». Ce choix d’insertion est justifié dans la mesure où le télétravail est effectivement une modalité d’exécution du travail et où l’un des principaux enjeux de la réglementation proposée est d’affirmer qu’un passage au télétravail ne peut résulter que d’une modification par avenant, acceptée par le salarié, de son contrat de travail.

L’alinéa 4 définit le télétravail : « Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail, qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur, est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l’information dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un avenant à celui-ci ».

Cette définition s’inspire directement de celles données dans les deux accords collectifs, européen et national, précités. Elle a le mérite de la précision :

– en spécifiant que les tâches visées auraient également pu être réalisées dans les locaux de l’employeur, elle écarte de la notion de télétravail toutes les tâches qui par construction ne se déroulent pas dans ces locaux, mais notamment chez un client (visite d’un commercial, intervention d’un technicien de maintenance…) ou sur un chantier (métiers du bâtiment et des travaux publics) ;

– en visant les technologies de l’information, elle écarte de la notion de télétravail les activités traditionnelles qui peuvent être effectuées à domicile, par exemple des travaux de couture ; à cet égard, si l’on pense par exemple aux « télévendeurs », le champ couvert par le télétravail reste toutefois susceptible de recouper le champ du « travail à domicile » tel que le réglementent les articles L. 7411-1 et suivants du code du travail ;

– en exigeant que le travail hors locaux professionnels soit régulier, elle écarte de son champ les télétravailleurs « occasionnels » que sont les cadres qui se connectent de chez eux au réseau de leur entreprise pour finir tel ou tel travail urgent une fin de semaine ; en revanche, et conformément aux stipulations de l’article 1er de l’ANI du 19 juillet 2005, elle couvre les formes de travail alterné dans les locaux de l’entreprise et au domicile (ou ailleurs), dès lors que cette alternance présente une certaine continuité.

L’alinéa 4 intègre également à la définition du télétravail deux stipulations de l’article 2 de l’ANI de juillet 2005 : son caractère nécessairement volontaire ; l’obligation de le prévoir dans le contrat de travail ou dans un avenant à celui-ci (l’ANI stipule que le télétravail, soit fait partie des conditions d’embauche du salarié, soit est introduit par voie d’avenant).

L’alinéa 5 développe une conséquence du caractère nécessairement volontaire du télétravail : le refus d’accepter un poste de télétravailleur ne peut pas constituer un motif légitime de rupture du contrat de travail (licenciement), car ce n’est pas un acte d’insubordination, de refus d’un ordre de l’employeur qui serait inhérent à son pouvoir hiérarchique et donc légitime. Cette position est spécifiée tant dans l’accord européen de 2002 que dans l’ANI de 2005 et s’inscrit également dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation rappelée dans l’exposé général du présent rapport.

L’alinéa 6 apporte une précision sur le contenu obligatoire du contrat de travail du télétravailleur ou de l’avenant introduisant le télétravail : l’un ou l’autre devra prévoir les « conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution de contrat de travail sans télétravail ». Sur la forme, on observera que ces mentions obligatoires impliquent de fait, semble-t-il, que le contrat (ou l’avenant) de télétravail soit écrit. Sur le fond, c’est la question de la réversibilité des situations de télétravail qui est là posée. L’article 3 de l’ANI de 2005 prévoit la possibilité de réversibilité, par accord des parties (ce n’est donc pas un droit inconditionnel pour le salarié, mais un droit pour lui à ce que cette question soit prévue conventionnellement), lorsque le télétravail ne faisait pas partie des conditions initiales d’embauche. En visant le « passage » en télétravail et le « retour » au travail sans télétravail, la proposition de loi paraît s’inscrire dans cette logique : l’obligation de traiter préventivement d’une éventuelle sortie du télétravail ne semble devoir s’appliquer que pour les salariés passant en télétravail, pas pour ceux embauchés d’entrée de jeu en tant que télétravailleurs.

L’alinéa 7 répond à ce qui constitue sans doute l’une des principales causes de réticence des salariés au télétravail, la question de la mesure de la charge de travail et de la maîtrise des horaires alors qu’existe la crainte de voir ces horaires exploser (tandis que le taux de rémunération horaire de fait se dégraderait symétriquement). Cette préoccupation est d’ailleurs traduite dans l’ANI de 2005, dont l’article 9 stipule notamment que « la charge de travail, les normes de production et les critères de résultats exigés du télétravailleur doivent être équivalents à ceux des salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’employeur (…). La charge de travail et les délais d’exécution, évalués selon les mêmes méthodes que celles utilisées pour les travaux exécutés dans les locaux de l’entreprise, doivent, en particulier, permettre au télétravailleur de respecter la législation relative à la durée du travail et tout spécialement la durée maximale du travail et les temps de repos » ; on rappelle à cet égard que, dans le code du travail et sauf dérogations et exceptions diverses, la durée quotidienne du travail est plafonnée à dix heures et sa durée hebdomadaire à quarante-huit heures, tandis qu’un repos quotidien de onze heures consécutives et hebdomadaire de trente-cinq heures consécutives doivent être garantis.

Face à cette préoccupation légitime, la proposition de loi impose que des modalités de contrôle du temps de travail des télétravailleurs soient établies, soit par accord collectif, soit dans leur contrat de travail ou avenant de télétravail.

Après que l’alinéa 8 a rappelé que les télétravailleurs étant des salariés, l’employeur est naturellement tenu à leur endroit de toutes les obligations de droit commun prévues à l’endroit des salariés par le code du travail, les alinéas 9 à 11 définissent les obligations spécifiques de l’employeur de télétravailleurs :

– Tout d’abord, et ce conformément aux stipulations de l’article 7 de l’ANI de 2005, il doit prendre en charge « tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail », notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils et de la maintenance de ceux-ci.

– Comme le stipule l’article 5 de l’ANI, il doit également informer le salarié de toute restriction à l’usage des équipements ou outils informatiques et de l’internet et des sanctions afférentes à de telles restrictions.

– Enfin, l’employeur doit porter à la connaissance des salariés en télétravail les postes sans télétravail (et correspondant à leur catégorie professionnelle) qui se libèrent dans l’entreprise, les salariés en télétravail ayant « priorité » pour occuper ou reprendre ces postes : cette priorité est prévue par l’article 3 de l’ANI pour les salariés qui ont été embauchés en télétravail (ceux qui sont passés en télétravail en cours de contrat bénéficiant, comme on l’a vu précédemment, d’un droit à ce que les conditions de retour à un poste sans télétravail soient traitées préventivement dans le contrat de travail ou l’avenant de télétravail).

*

La Commission examine l’amendement AC 36 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de clarifier les champs respectifs du télétravail et de la réglementation sur le travail à domicile.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte également les amendements rédactionnels AC 37, AC 39 et AC 38 du rapporteur.

M. le rapporteur. De façon générale, je rappelle que « internet » n’est pas un terme juridique et que les textes législatifs doivent lui préférer les termes de « services de communication électronique ».

La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel AC 40 du rapporteur.

Elle examine l’amendement AC 1 de Mme Françoise Guégot.

Mme Françoise Guégot. Il s’agit de prévoir une rencontre régulière entre l’employeur et le télétravailleur.

M. le rapporteur. Le code du travail n’oblige à mener des entretiens réguliers que pour les salariés au « forfait jours ». Je comprends votre volonté de maintenir l’esprit d’appartenance à l’entreprise mais considérant que le télétravail implique un avenant au contrat de travail, je pense que ce type de questions pourra être réglé dans ce cadre. Imposer un entretien mensuel me paraît une charge trop lourde. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 9 ainsi modifié.

Article 10

Promotion du télétravail par les maisons de l’emploi

Le présent article vise à mobiliser les maisons de l’emploi en faveur du développement du télétravail. A cette fin, il insère à l’article L. 5313-1 du code du travail, qui définit les missions des maisons de l’emploi, un alinéa qui leur assigne une nouvelle mission : promouvoir les offres d’emploi en télétravail ou les « espaces dédiés » au télétravail ; par cette formule, on peut entendre notamment les « télécentres », qui constituent l’une des figures du télétravail identifiées en 2004 par le « Forum des droits sur l’internet » : le télécentre désigne un local équipé de moyens d’informatique et de communication, mis à disposition par un prestataire de services spécialisé, où des salariés de diverses entreprises peuvent venir travailler en se connectant avec leurs équipes respectives.

Cette action des maisons de l’emploi devra être notamment orientée en faveur des personnes handicapées. Le télétravail peut en effet, pour des personnes ayant des difficultés de mobilité, représenter un moyen très efficace d’accès à l’emploi.

*

La Commission examine l’amendement AC 33 de suppression de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je propose de supprimer cet article, pour plusieurs raisons. D’abord, il faut absolument éviter d’alourdir le dispositif des maisons de l’emploi, qui n’a pas été facile à mettre en place. Ensuite, il leur serait difficile de promouvoir le télétravail pour les personnes handicapées alors que leurs propres locaux ne leur sont parfois pas accessibles. Certaines maisons de l’emploi n’accueillent d’ailleurs pas le public et ne font pas d’accompagnement. Par ailleurs, ces dispositions appartiennent au domaine réglementaire. Enfin, la promotion du télétravail serait bien mieux assurée par Pôle emploi.

M. Jean-Pierre Decool. Les maisons de l’emploi interviennent en direction des demandeurs d’emploi, mais aussi des employeurs. Le télétravail peut être une opportunité pour une entreprise naissante. D’ailleurs, le cyberemploi est déjà effectif en milieu rural. Il faut valoriser la vocation de recherche et de création d’emplois des maisons de l’emploi, d’où l’intérêt de l’article 10.

Mme Marie-Christine Dalloz. D’accord, sauf qu’il est dangereux d’inscrire cette mission dans la loi. Des gens vont s’arc-bouter contre.

M. le rapporteur. Nos deux collègues ne sont en désaccord que sur la forme. Je propose que cet amendement soit retiré pour trouver une solution d’ici l’article 88.

L’amendement AC 33 est retiré.

La Commission adopte l’article 10 sans modification.

Après l'article 10

La Commission examine l’amendement AC 2 de Mme Françoise Guégot.

Mme Françoise Guégot. Ce qui est vrai pour les maisons de l’emploi doit l’être pour Pôle emploi. Je propose donc de lui confier la même mission de promotion des offres d’emploi en télétravail.

M. le rapporteur. Il me semble que cet amendement est satisfait par la rédaction actuelle du code du travail. Je suis aussi partagé entre l’idée de faire apparaître le télétravail comme spécifique au point de devoir faire l’objet d’une promotion spéciale par Pôle emploi et celle de le considérer comme une activité comme une autre. Cela mérite une discussion plus approfondie.

L’amendement est retiré.

Article 11

Mobilisation des administrations
pour le développement du télétravail en leur sein

Après avoir traité du télétravail dans les entreprises en modifiant le code du travail, la présente proposition de loi ne pouvait pas ignorer les administrations, ce d’autant, comme on l’a indiqué dans l’exposé général, que celles-ci apparaissent en retard peut-être sinon dans la pratique, du moins dans la reconnaissance du télétravail. Il est donc utile, tout à la fois, de faire le point sur le télétravail dans les administrations de toutes natures et de l’y promouvoir.

Le présent article demande donc, dans un délai d’un an, la présentation par le Gouvernement d’un rapport en ce sens.

*

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AC 41 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 11 ainsi modifié.

Après l'article 11

La Commission examine l’amendement AC 3 de M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Le télétravail, rendu possible par la généralisation des nouvelles technologies de l’information, répond à une demande sociale, favorise la préservation de l’environnement et permet aux entreprises de réaliser d’importantes économies, notamment en termes de locaux. Il doit donc être encouragé, notamment en accordant une incitation fiscale aux entreprises ayant conclu des accords en vue de son développement. Je propose un crédit d’impôt de 50 % des dépenses réalisées exclusivement pour mettre en œuvre ou améliorer le dispositif technologique nécessaire au travail à distance, ou des dépenses liées à un contrat de location avec un télécentre.

M. le rapporteur. Je suis convaincu de la nécessité d’agir pour donner toute sa place au télétravail, et je ne vois pas d’autre dispositif que le crédit d’impôt pour cela. Toutefois, je rechigne à la perspective d’une niche fiscale nouvelle. Je m’en remets donc à la sagesse de la Commission.

La Commission rejette l’amendement.

TITRE V

SOUTIEN AUX SENIORS EN DIFFICULTÉ

Après l'article 12

La Commission examine l’amendement AC 30 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Cet ame

ndement vise à mettre un terme à une absurdité juridique en réparant une erreur. En effet, alors que l’indemnité de licenciement en cas d’inaptitude professionnelle à l’emploi consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle est fixée au double de l’indemnité légale de licenciement, le décret du 18 juillet 2008 a doublé le montant de cette indemnité légale, conformément à l’accord national interprofessionnel de janvier 2008, mais sans voir les conséquences sur l’indemnité spéciale des salariés inaptes. De la sorte, les employeurs se trouvent contraints de leur verser une indemnité quadruplée, ce qui ne va pas sans leur poser de difficultés.

M. Maxime Gremetz. Revoici le défenseur du MEDEF…

M. le rapporteur. Je comprends la motivation des auteurs de cet amendement car telle n’était pas l’intention initiale du législateur. Pour autant, il ne m’apparaît pas souhaitable d’interférer dans les discussions en cours à ce propos entre les partenaires sociaux et j’émets donc un avis défavorable.

M. Alain Vidalies. Il n’y a pas eu d’erreur, l’idée est bien de traiter différemment deux situations différentes, en doublant l’indemnité spécifique lorsqu’un entrepreneur ne peut, à la suite d’un accident du travail, reclasser au sein de l’entreprise un salarié devenu inapte. Je suis donc hostile à cet amendement.

M. Dominique Tian. Multiplier par quatre l’indemnité n’était pas dans l’intention du législateur et si les partenaires sociaux en discutent, c’est bien qu’ils sont conscients du problème…

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC 4 de M. Bernard Gérard.

Article additionnel après l’article 12

Modalités de l’augmentation de la durée du travail des salariés à temps partiel

M. Bernard Gérard. Il s’agit de permettre aux salariés à temps partiel qui le souhaitent, chaque fois que les compétences, l’organisation et les conditions économiques le rendent possible, de bénéficier d’une augmentation de leur horaire contractuel. L’objectif est de réduire la précarité des salariés à temps partiel en favorisant l’augmentation, même temporaire, de leur durée contractuelle de travail dans un cadre protégeant leurs intérêts ; d’améliorer leur pouvoir d’achat et de permettre la constitution de droits sociaux ; de favoriser la mobilité professionnelle et la polyactivité dans un cadre sécurisé. Cette démarche s’inscrit parfaitement dans la logique de la proposition de loi.

M. le rapporteur. Cette argumentation m’a convaincu : avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Après l’article 12

Elle examine ensuite l’amendement AC 32 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Depuis la loi Aubry, quand on complète l’horaire des salariés à temps partiel, ces heures complémentaires sont considérées comme des heures normales. Nous proposons de mettre un terme à cette rigidité qui pénalise les entreprises mais aussi les salariés qui gagnent ainsi moins bien leur vie.

M. Christian Eckert. Cette argumentation est scandaleuse ! Il nous est tout simplement proposé de permettre aux entreprises de faire effectuer plus d’heures aux salariés à temps partiel tout en bénéficiant des exonérations sociales et fiscales afférentes aux heures complémentaires. Ainsi, on pourrait embaucher uniquement à temps partiel, et faire travailler tout le monde 35 heures en payant des charges réduites !

M. le rapporteur. Je partage cet avis : permettre de faire travailler des salariés à temps partiel avec un système d’heures complémentaires pérennes exonérées n’est satisfaisant ni d’un point de vue économique ni sur le plan des relations au travail.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC 31 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. J’ai déjà manifesté mon hostilité à la disposition adoptée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 et destiné à obliger les employeurs, sous peine de pénalité, à maintenir en activité les salariés seniors. Il me paraît d’autant plus urgent de la supprimer en cette période où de nombreux chefs d’entreprise doivent envisager des plans de licenciement. Faut-il licencier pour maintenir à tout prix en emploi des salariés âgés pour lesquels d’autres options existent ?

M. le rapporteur. Vous faites preuve de constance… Partageant cette vertu et ayant voté cette disposition du PLFSS, je ne puis qu’être défavorable à sa suppression.

La Commission rejette l’amendement.

Article 13

Gage

Le présent article propose le traditionnel gage, fondé sur l’assiette des droits de consommation sur le tabac, destiné à compenser les pertes de recettes résultant de la présente proposition de loi – pour être précis de son article 8 – pour l’État.

*

La Commission adopte l’article 13 sans modification.

Elle adopte ensuite l’ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.

En conséquence, la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l'Assemblée nationale d'adopter la proposition de loi pour faciliter le maintien et la création d’emplois dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Texte adopté par la commission

___

 

Proposition de loi pour faciliter le maintien et la création d'emplois

Proposition de loi pour faciliter le maintien et la création d'emplois

 

TITRE IER

TITRE IER

 

Développement des groupements d’employeurs

Développement des groupements d’employeurs

Code du travail

Article 1er

Article 1er

Art. L. 1253-4. – Une personne physique ou morale ne peut être membre que de deux groupements.

L’article L. 1253-4 du code du travail est abrogé.

Sans modification

Toutefois, une personne physique possédant plusieurs entreprises juridiquement distinctes ou une personne morale possédant plusieurs établissements distincts, enregistrés soit au registre du commerce, soit au registre des métiers, soit au registre de l'agriculture, peut, au titre de chacune de ses entreprises ou établissements, appartenir à un groupement différent.

   
 

Article 2

Article 2

 

I. – Un accord national interprofessionnel ou un accord de branche définit les garanties que les entreprises ou organismes de plus de trois cents salariés adhérents à un groupement d’employeurs accordent aux salariés des groupements.

I. – Un …

… organismes adhérents …

… groupements.

Amendement n° AC 34

     
 

II. – À la date d’extension de l’accord de branche, les dispositions de l’article L. 1253-5 du code du travail ne sont plus applicables dans le champ couvert par l’accord. À la date de l’extension de l’accord national interprofessionnel prévu au I, les dispositions de l’article L. 1253-5 du même code ne sont plus applicables dans le champ couvert par l’accord. À compter du 1er janvier 2010, l’article L. 1253-5 du même code est abrogé.

II. – Non modifié

     
 

Article 3

Article 3

 

L’article L. 1253-8 du code du travail est ainsi rédigé :

Sans modification

Art. L. 1253-8. – Les membres du groupement sont solidairement responsables de ses dettes à l'égard des salariés et des organismes créanciers de cotisations obligatoires.

« Art. L. 1253-8. – Les statuts du groupement d’employeurs prévoient les règles de répartition des dettes à l’égard des salariés et des organismes créanciers de cotisations obligatoires entre les membres du groupement ; à défaut, ceux-ci sont solidairement responsables au sens de l’article 1200 du code civil. »

 
 

Article 4

Article 4

 

L’article L. 1253-20 du code du travail est ainsi rédigé :

Sans modification

Art. L. 1253-20. – Les tâches confiées aux salariés du groupement mis à disposition d'une collectivité territoriale s'exercent exclusivement dans le cadre d'un service public industriel et commercial, environnemental ou de l'entretien des espaces verts ou des espaces publics.

« Art. L. 1253-20. – Les tâches confiées aux salariés du groupement mis à disposition d’une collectivité territoriale ne peuvent constituer l’activité principale du groupement. »

 

Elles ne peuvent constituer l'activité principale des salariés du groupement et le temps consacré par chaque salarié du groupement aux travaux pour le compte des collectivités territoriales adhérentes doit être inférieur à un mi-temps.

   
 

Article 5

Article 5

Art. L. 5312-1. – Une institution nationale publique dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière a pour mission de :

   

………………………………….

   

L'institution nationale agit en collaboration avec les instances territoriales intervenant dans le domaine de l'emploi, en particulier les maisons de l'emploi, ainsi qu'avec les associations nationales et les réseaux spécialisés d'accueil et d'accompagnement, par des partenariats adaptés.

Au dernier alinéa de l’article L. 5312-1 du code du travail, après les mots : « maisons de l’emploi,  », sont insérés les mots : « les groupements d’employeurs, ».

Sans modification

     
     
 

TITRE II

TITRE II

 

Encouragement à la mobilité
professionnelle

Encouragement à la mobilité
professionnelle

 

Article 6

Article 6

Art. L. 8241-2. – Les opérations de prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif sont autorisées.

Le second alinéa de l’article L. 8241-2 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

L’article L. 8241-2 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

Dans ce cas, les articles L. 1251-21 à L. 1251-24, L. 2313-3 à L. 2313-5 et L. 5221-4 du présent code ainsi que les articles L. 412-3 à L. 412-7 du code de la sécurité sociale sont applicables.

« Il n’y a pas de but lucratif dans une opération de prêt de main-d’œuvre quand l’entreprise prêteuse n’en tire pas de bénéfice. »

Alinéa sans modification

   

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les modalités de mise en œuvre du prêt de main-d’œuvre à but non lucratif sont fixées dans une convention conclue entre l’entreprise prêteuse, l’entreprise utilisatrice et le salarié concerné. »

Amendement n° AC 35

 

Article 7

 
 

(Dispositions déclarées irrecevables au regard de l’article 40 de la Constitution avant l’adoption du texte par la commission)

 
 

TITRE III

TITRE III

 

Soutien à l’emploi des jeunes
et à la professionnalisation

Soutien à l’emploi des jeunes
et à la professionnalisation

 

Article 8

Article 8

 

I. – Après l’article 244 quater G du code général des impôts, il est inséré un article 244 quater GA ainsi rédigé :

Sans modification

 

« Art. 244 quater GA. – I. – Les entreprises de moins de cinquante salariés au sens de l’article L. 1111-2 du code du travail, imposées d’après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 octies et 44 decies du présent code peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt égal au produit du montant de 1 000 € par le nombre moyen annuel de personnes en contrat de professionnalisation de moins de vingt-six ans révolus.

 
 

« Le nombre moyen annuel de personnes en contrat de professionnalisation s’apprécie en fonction du nombre de personnes en contrat de professionnalisation dont le contrat avec l’entreprise a été conclu depuis au moins un mois.

 
 

« II. – Le crédit d’impôt calculé au titre des titulaires des contrats de professionnalisation mentionnés au I est plafonné au montant des dépenses de personnel afférentes aux contrats de professionnalisation minoré des subventions publiques reçues en contrepartie de leur accueil par l’entreprise.

 
 

« III. – Le crédit d’impôt calculé par les sociétés de personnes mentionnées aux articles 8, 238 bis L, 239 ter et 239 quater A ou les groupements mentionnés aux articles 238 ter, 239 quater, 239 quater B, 239 quater C et 239 quinquies qui ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés peut être utilisé par leurs associés proportionnellement à leurs droits dans ces sociétés ou ces groupements, à la condition qu’il s’agisse de redevables de l’impôt sur les sociétés ou de personnes physiques participant à l’exploitation au sens du 1° bis du I de l’article 156. »

 
     
 

II. – Après l’article 199 ter F du même code, il est inséré un article 199 ter FA ainsi rédigé :

 
 

« Art. 199 ter FA. – Le crédit d’impôt défini à l’article 244 quater GA est imputé sur l’impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l’année au cours de laquelle il a employé des personnes en contrat de professionnalisation dans les conditions prévues au même article. »

 
     
 

III. – Après l’article 220 H du même code, il est inséré un article 220 HA ainsi rédigé :

 
 

« Art. 220 HA. – Le crédit d’impôt défini à l’article 244 quater GA est imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise dans les conditions prévues à l’article 199 ter FA. »

 
     
 

IV. – Les I à III ne sont applicables qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

 
     

Loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances

 

Article 8 bis (nouveau)

Art. 9. – ………………………

« Lorsque la durée du stage est supérieure à trois mois consécutifs, celui-ci fait l'objet d'une gratification dont le montant peut être fixé par convention de branche ou par accord professionnel étendu ou, à défaut, par décret. Cette gratification n'a pas le caractère d'un salaire au sens de l'article L. 140-2 du même code »

 

À la première phrase du dernier alinéa de l’article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux ».

Amendement n° AC 6

Code du travail

TITRE IV

TITRE IV

 

Promotion du télétravail

Promotion du télétravail

 

Article 9

Article 9

PREMIÈRE PARTIE

LES RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL

LIVRE II

Le contrat de travail

TITRE II

Formation et exécution du contrat de travail

Chapitre II

Exécution et modification du contrat de travail

Le chapitre II du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complété par une section 4 ainsi rédigée :

Alinéa sans modification

 

« Section 4

Division et intitulé

 

« Télétravail

sans modification

 

« Art. L. 1222-9. –  Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail, qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur, est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l’information dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un avenant à celui-ci.

« Art. L. 1222-9. – Sans préjudice de l’application, s’il y a lieu, des dispositions du présent code protégeant les travailleurs à domicile, le télétravail …

… celui-ci.

Amendement n° AC 36

 

« Le refus d’accepter un poste de télétravailleur n’est pas un motif de rupture du contrat de travail.

Alinéa sans modification

 

« Le contrat de travail ou son avenant précise les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail.

Alinéa sans modification

 

« À défaut d’accord collectif applicable, le contrat de travail ou son avenant précise les modalités de contrôle du temps de travail.

Alinéa sans modification

 

« Art. L. 1222-10. – Outre ses obligations de droit commun vis-à-vis de ses salariés, l’employeur est tenu, à l’égard du salarié en télétravail:

« Art. L. 1222-10. – Alinéa sans modification

 

« 1° De prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications, outils et maintenance de ceux-ci ;

« 1° De …

… communications et outils, ainsi que de la maintenance de ceux-ci ;

Amendement n° AC 37

 

« 2° D’informer le salarié de toute restriction à l’usage d’équipements ou outils informatiques comme de l’internet et des sanctions en cas de non-respect de cette interdiction ;

« 2° D’informer …

… informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions ;

Amendements nos AC 39 et AC 38

 

« 3° Les salariés en télétravail ayant priorité pour occuper ou reprendre un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle ou un emploi équivalent sans télétravail, de porter à la connaissance des salariés en télétravail la liste des emplois disponibles sans télétravail. »

« 3° De lui donner priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout emploi de cette nature. »

Amendement n° AC 40

 

Article 10

Article 10

Art. L. 5313-1. – Les maisons de l'emploi, dont le ressort, adapté à la configuration des bassins d'emploi, ne peut excéder la région ou, en Corse, la collectivité territoriale, concourent à la coordination des politiques publiques et du partenariat local des acteurs publics et privés qui agissent en faveur de l'emploi, de la formation, de l'insertion et du développement économique.

Après le cinquième alinéa de l’article L. 5313-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

Sans modification

………………………………….

   
 

« Les maisons de l’emploi ont également pour mission de promouvoir les offres d’emploi proposées en situation de télétravail ou les espaces dédiés à celui-ci notamment en faveur des personnes handicapées. »

 

………………………………….

   
 

Article 11

Article 11

 

Dans un délai d’un an à compter de la date de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente un rapport visant à promouvoir et à développer le télétravail au sein des administrations publiques.

Dans …

… rapport au Parlement sur les mesures visant …

… publiques.

Amendement n° AC 41

 

TITRE V

TITRE V

 

Soutien aux seniors en difficulté

Soutien aux seniors en difficulté

 

Article 12

 
 

(Dispositions déclarées irrecevables au regard de l’article 40 de la Constitution avant l’adoption du texte par la commission)

 
   

Article 12 bis (nouveau)

Art. L. 3123-8. – Les salariés à temps partiel qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi à temps complet et les salariés à temps complet qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi à temps partiel dans le même établissement, ou à défaut, dans la même entreprise ont priorité pour l'attribution d'un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent. L'employeur porte à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants.

 

L’article L. 3123-8 du code du travail est complété par trois aliénas ainsi rédigés :

   

« Les salariés à temps partiel qui souhaitent bénéficier d’une augmentation de la durée du travail peuvent, en accord avec l’employeur, augmenter temporairement cette durée au moyen d’un avenant à leur contrat.

   

« Cet avenant précise la durée du travail qui peut, le cas échéant, atteindre l’horaire légal ou conventionnel applicable dans l’entreprise ou l’établissement.

   

« Il garantit, notamment, la date et le retour aux conditions initiales de travail. »

Amendement n° AC 4

 

Article 13

Article 13

 

La perte des recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Sans modification

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AC 1 présenté par Mme Françoise Guégot :

Article 9

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« 4° D’organiser un entretien mensuel avec l’ensemble des salariés en télétravail pour permettre un suivi régulier de l’exécution du contrat. Cet entretien peut se tenir en présentiel ou non. »

Amendement n° AC 2 présenté par Mme Françoise Guégot :

Après l’article 10

Insérer l’article suivant :

« Au 1° de l’article L. 5312-1 du code du travail, après les mots : « procéder à la collecte d’offres d’emploi », sont insérés les mots : « , promouvoir les offres d’emploi proposées en situation de télétravail ».

Amendement n° AC 3 présenté par MM. Jean-Pierre Decool et Bernard Gérard :

Après l’article 11

Insérer l’article suivant :

« I.– Après l’article 244 quater K du code général des impôts, il est inséré un article 244 quater KA ainsi rédigé :

« Art. 244 quater KA. – I. – Les entreprises imposées d’après leur bénéfices réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 octies et 44 decies et ayant conclu un accord d’entreprise agréé portant sur l’introduction ou le développement du télétravail peuvent bénéficier, au titre de l’exercice où a été agréé cet accord et des deux exercices suivants, d’un crédit d’impôt égal à 50 % des dépenses réalisées exclusivement pour mettre en oeuvre les technologies d’information ou de communication pour le travail à distance ou en améliorer l’utilisation à cette fin, ou des dépenses effectuées dans le cadre de la signature d’un contrat de location avec un télécentre.

« II. – Le crédit d’impôt calculé au titre des dépenses mentionnées au I est plafonné pour chaque exercice à 100 € par poste de travail pouvant être exécuté à distance. Ne sont éligibles au crédit d’impôt que les dépenses afférentes à des postes ou catégories de postes définis par l’accord d’entreprise visé au I.

« III. – Le crédit d’impôt calculé par les sociétés de personnes mentionnées aux articles 8, 238 bis L, 239 ter et 239 quater A ou les groupements mentionnés aux articles 238 ter, 239 quater, 239 quater B, 239 quater C et 239 quinquies qui ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés peut être utilisé par leurs associés proportionnellement à leurs droits dans ces sociétés ou ces groupements, à la condition qu’il s’agisse de redevables de l’impôt sur les sociétés ou de personnes physiques participant à l’exploitation au sens du 1°bis du I de l’article 156. »

« II. – Après l’article 199 ter J du même code, il est inséré un article 199 ter JA ainsi rédigé :

« Art. 199 ter JA.– Le crédit d’impôt défini à l’article 244 quater KA est imputé sur l’impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l’année au cours de laquelle il a réalisé les dépenses éligibles à ce crédit. »

« III. – Après l’article 220 L du même code, il est inséré un article 220 LA ainsi rédigé :

« Art. 220 LA. – Le crédit d’impôt défini à l’article 244 quater KA est imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise dans les conditions prévues à l’article 199 ter JA. »

« IV. – Les dispositions visées aux I à III ne sont applicables qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû. »

« V. – La perte de recettes pour l’État résultant des I à IV est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Amendement n° AC 4 présenté par MM. Bernard Gérard et Jean-Pierre Decool :

Après l’article 12

Insérer l’article suivant :

« L’article L. 3123-8 du code du travail est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les salariés à temps partiel qui souhaitent bénéficier d’une augmentation de la durée du travail peuvent, en accord avec l’employeur, augmenter temporairement cette durée au moyen d’un avenant à leur contrat.

« Cet avenant précise la durée du travail qui peut, le cas échéant, atteindre l’horaire légal ou conventionnel applicable dans l’entreprise ou l’établissement.

« Il garantit, notamment, la date et le retour aux conditions initiales de travail. »»

Amendement n° AC 5 présenté par MM. Benoist Apparu et Jean-Paul Anciaux :

Après l’article 8

Insérer l’article suivant :

« Après l’article L. 6222-21 du code du travail, il est inséré un article L. 6222-21-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 6222-21-1. – En cas de rupture du contrat d’apprentissage, l’apprenti dispose d’un délai de deux mois pour retrouver un maître d’apprentissage. »

Amendement n° AC 6 présenté par MM. Benoist Apparu, Jean-Frédéric Poisson, rapporteur, et Jean-Paul Anciaux :

Après l’article 8

Insérer l’article suivant :

« À la première phrase du dernier alinéa de l’article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux ».

Amendement n° AC 7 présenté par MM. Michel Liebgott, Christian Eckert, Jean-Patrick Gille, Jean Mallot, Mmes Michèle Delaunay, Martine Pinville, MM. Régis Juanico, Armand Jung, Christophe Sirugue et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Article 1er

Supprimer cet article.

Amendement n° AC 8 présenté par MM. Michel Liebgott, Christian Eckert, Jean-Patrick Gille, Jean Mallot, Mmes Michèle Delaunay, Martine Pinville, MM. Régis Juanico, Armand Jung, Christophe Sirugue et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Article 2

Supprimer cet article.

Amendement n° AC 9 présenté par MM. Michel Liebgott, Christian Eckert, Jean-Patrick Gille, Jean Mallot, Mmes Michèle Delaunay, Martine Pinville, MM. Régis Juanico, Armand Jung, Christophe Sirugue et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Article 2

Supprimer la deuxième phrase de l’alinéa 2.

Amendement n° AC 10 présenté par MM. Michel Liebgott, Christian Eckert, Jean-Patrick Gille, Jean Mallot, Mmes Michèle Delaunay, Martine Pinville, MM. Régis Juanico, Armand Jung, Christophe Sirugue et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Article 3

Supprimer cet article.

Amendement n° AC 11 présenté par MM. Michel Liebgott, Christian Eckert, Jean-Patrick Gille, Jean Mallot, Mmes Michèle Delaunay, Martine Pinville, MM. Régis Juanico, Armand Jung, Christophe Sirugue et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Article 4

Supprimer cet article.

Amendement n° AC 12 présenté par MM. Michel Liebgott, Christian Eckert, Jean-Patrick Gille, Jean Mallot, Mmes Michèle Delaunay, Martine Pinville, MM. Régis Juanico, Armand Jung, Christophe Sirugue et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Article 5

Supprimer cet article.

Amendement n° AC 13 présenté par MM. Michel Liebgott, Christian Eckert, Jean-Patrick Gille, Jean Mallot, Mmes Michèle Delaunay, Martine Pinville, MM. Régis Juanico, Armand Jung, Christophe Sirugue et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Article 6

Supprimer cet article.

Amendement n° AC 14 présenté par MM. Michel Liebgott, Christian Eckert, Jean-Patrick Gille, Jean Mallot, Mmes Michèle Delaunay, Martine Pinville, MM. Régis Juanico, Armand Jung, Christophe Sirugue et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Article 6

Rédiger ainsi l’alinéa 2 :

« Il n’y a pas de but lucratif dans une opération de prêt de main-d’œuvre quand ni l’entreprise prêteuse ni l’entreprise emprunteuse n’en tire de bénéfice au regard de leurs obligations sociales et fiscales habituelles. »

Amendement n° AC 28 présenté par M. Dominique Tian et Mme Marie-Christine Dalloz :

Article 4

Compléter l’alinéa 2 par les mots : « , sauf s’il s’agit de créer des activités bénéficiant ou pouvant bénéficier directement aux titulaires du revenu de solidarité active. »

Amendement n° AC 29 présenté par M. Dominique Tian et Mme Marie-Christine Dalloz :

Article 6

Avant l’alinéa 1, insérer l’alinéa suivant :

« I. – Au premier alinéa de l’article L. 8231-1 du code du travail, les mots : « pour effet » sont remplacés par les mots : « pour objet ».

Amendement n° AC 30 présenté par M. Dominique Tian et Mme Marie-Christine Dalloz :

Après l’article 12

Insérer l’article suivant :

« Dans le premier alinéa de l’article L.1226-14 du code du travail, les mots : « au double de » sont remplacés par le mot : « à ».

Amendement n° AC 31 présenté par M. Dominique Tian et Mme Marie-Christine Dalloz :

Après l’article 12

Insérer l’article suivant :

« I. – L’article L.138-24 du code de la sécurité sociale est abrogé.

« II. – La perte de recettes éventuelle pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Amendement n° AC 32 présenté par M. Dominique Tian et Mme Marie-Christine Dalloz :

Après l’article 12

Insérer l’article suivant :

« L’article L. 3123-15 du code du travail est abrogé. »

Amendement n° AC 33 présenté par Mme Marie-Christine Dalloz et M. Dominique Tian :

Article 10

Supprimer cet article.

Amendement n° AC 34 présenté par M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur :

Article 2

À l’alinéa 1, supprimer les mots : « de plus de trois cents salariés ».

Amendement n° AC 35 présenté par M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur :

Article 6

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Les modalités de mise en œuvre du prêt de main-d’œuvre à but non lucratif sont fixées dans une convention conclue entre l’entreprise prêteuse, l’entreprise utilisatrice et le salarié concerné. »

Amendement n° AC 36 présenté par M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur :

Article 9

Au début de l’alinéa 4, insérer les mots : « Sans préjudice de l’application, s’il y a lieu, des dispositions du présent code protégeant les travailleurs à domicile, ».

Amendement n° AC 37 présenté par M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur :

Article 9

À l’alinéa 9, substituer aux mots : « , outils et », les mots : « et outils, ainsi que de la ».

Amendement n° AC 38 présenté par M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur :

Article 9

À l’alinéa 10, substituer aux mots : « cette interdiction », les mots : « telles restrictions ».

Amendement n° AC 39 présenté par M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur :

Article 9

À l’alinéa 10, substituer aux mots : « comme de l’internet », les mots : « ou de services de communication électronique ».

Amendement n° AC 40 présenté par M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur :

Article 9

Rédiger ainsi l’alinéa 11 :

« 3° De lui donner priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout emploi de cette nature. »

Amendement n° AC 41 présenté par M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur :

Article 11

Après le mot : « rapport », insérer les mots : « au Parlement sur les mesures ».

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

Ø Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – Mme Gabrielle Simon, secrétaire nationale

Ø Confédération générale du travail (CGT) – M. Stéphane Guillou, membre de la commission « emploi »

Ø Confédération française démocratique du travail (CFDT) M. Christian Janin, secrétaire confédéral

Ø Union nationale des professions libérales (UNAPL) – Mme Marie-Françoise Gondard-Argenti, membre du bureau

Ø Force ouvrière (FO)  M. David Deloye, conseiller technique chargé de l’assurance chômage et de Pôle emploi

Ø Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) – M. Jean-François Veysset, vice-président, et Mme Sandrine Bourgogne, adjointe au secrétaire général

Ø Union professionnelle artisanale (UPA) – M. Pierre Burban, secrétaire général

Ø Confédération générale de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – Mme Marie-Françoise Leflon, déléguée nationale

Ø Union nationale des syndicats autonomes (UNSA)  Mme Christine Dupuis, secrétaire nationale, et M. Bernard Poix, conseiller national

Ø Syndicat national des entreprises de partage salarial (SNEPS) – Mme Radhia Amirat, responsable de la commission sociale

Ø Professionnels de l’intérim, services et métiers de l’emploi (PRISME) – M. Arnaud de la Tour, président, M. François Roux, directeur général, M. Serge Vo Dinh, président de la commission juridique, et M. Teddy Oranger, membre de la commission juridique

Ø Assemblée permanente des chambres de métier (APCM) – M. François Moutot, directeur général, et Mme Béatrice Saillard, directrice des relations institutionnelles

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – M. Guillaume Ressot, directeur des relations institutionnelles, et M. Dominique Tellier

© Assemblée nationale

1 () Ils peuvent aussi revêtir la forme d’une société coopérative.

2 () Loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle.

3 () Loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d’ordre social.

4 () Rapport présenté par M. Jean-Marcel Bichat au nom du Conseil économique, social et environnemental, « Les groupements d’employeurs, un outil pour la croissance et l’emploi ? », 2002.

5 () Les chiffres qui figurent ci-après sont issus des données publiées par l’Union des groupements d’employeurs de France (UGEF) ; il n’existe pas à ce jour de données statistiques nationales globales.

6 () « Groupements d’employeurs et dispositifs d’épargne salariale », JCP La semaine juridique, n° 7, 10 février 2009.

7 () Le juge recherche comment le travail a été effectivement exécuté et plus spécialement si les salariés qui travaillaient dans les locaux de l’entreprise cliente fournissaient leur travail en suivant les instructions de salariés de l’entreprise prestataire de services ou de salariés de l’entreprise dite cliente.

8 () Rapport (n° 3339) fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale sur le projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié par M. Jean-Michel Dubernard.

9 () Voir sur cette question les nombreux articles de presse récents : Les Échos du 24 mars 2009 (« Rhodia envisage de « prêter » ses collaborateurs ») ; Le Monde du 4 avril 2009 (« Dans la crise, les entreprises testent le prêt de salariés ») ; Libération du 27 avril 2009 (« Avec la crise, le prêt de salariés prend de l’intérêt »).

10 () DARES, Premières synthèses/informations, n° 18.1, avril 2009.

11 () Assemblée nationale, XIIIème législature, n° 1543.

12 () Ministère du travail, « Tableau de bord trimestriel – Activité des jeunes et politique de l’emploi – décembre 2008 ».

13 () Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, publication « Consommation- modes de vie », n° 218, février 2009.

14 () Voir le document de politique transversale « Orientation et insertion professionnelle des jeunes » annexé au projet de loi de finances pour 2009.

15 () Accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à l’accès des salariés à la formation tout au long de la vie, transcrit par la loi °2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

16 () Dans le cadre du projet « Statistical indicators benchmarking the information society » (SIBIS).

17 () Rapport au Premier ministre : « Du télétravail au travail mobile – Un enjeu de modernisation de l’économie française », publié par La documentation française.

18 () DARES, Premières synthèses/informations, n° 51.3, décembre 2004.

19 () INSEE Première, n° 1228, mars 2009.

20 () Articles L. 7411-1 et suivants.

21 () Cour de cassation, chambre sociale, 2 octobre 2001, n° 99-42727.

22 () Cour de cassation, chambre sociale, 31 mai 2006, n° 04-43592.

23 () Cour de cassation, chambre sociale, 31 octobre 2006, n° 05-41836.

24 () Cour de cassation, chambre sociale, 29 novembre 2007, n° 06-43524.

25 () Cour d’appel de Douai, chambre sociale, 30 juin 2005, n° 2216/05.

26 () Proposition de loi visant à promouvoir le télétravail en France, Assemblée nationale, XIIIème législature, n° 1194.

27 () Chiffres extraits des annexes au projet de loi de finances pour 2009 : « rapport sur la gestion du fonds de solidarité » et projet annuel de performances « travail et emploi ».

28 () Loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d’ordre social.

29 () Loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle.

30 () Rapport établi par M. Thomas Chaudron à l’attention de M. le ministre du travail, février 2009 (voir aussi la partie générale du présent rapport).

31 () Ce rapport n’a alors pas été rendu public. L’information est contenue dans une publication de Mme Marie-Françoise Mouriaux, « Groupement d’employeurs et portage salarial : salariés à tout prix ? », Connaissance de l’emploi, n° 19, juillet 2005.

32 () C’est notamment la présentation retenue par les professeurs de droit MM. Jean Pélissier, Antoine Lyon-Caen, Antoine Jeammaud et Emmanuel Dockès dans Les grands arrêts du droit du travail, Dalloz, 2008.

33 () Publié dans Droit social, n° 11, novembre 1990.

34 () Henry Blaise, « À la frontière du licite et de l’illicite : la fourniture de main-d’œuvre », Droit social, n° 5, mai 1990.

35 () Droit du travail, MM. Jean Pélissier, Antoine Jeammaud et Alain Supiot, Dalloz, 2008.

36 () Réponse ministérielle à question écrite n° 29546 (M. Deprez) (JOAN Q 20 mars 2000, p. 1834).

37 () Chiffre extrait de l’annexe jaune « Formation professionnelle » au projet de loi de finances pour 2009.

38 () Cet article prévoit, pour la mise en œuvre de l’ensemble du code du travail, des règles spécifiques de décompte applicables notamment aux salariés en CDD, intermittents ou mis à disposition par une entreprise extérieure et présents dans les locaux de l’entreprise utilisatrice, qui doivent être pris en compte à proportion de leur temps de présence au cours des douze mois précédents, et ce seulement s’ils ne remplacent pas un salarié permanent absent, ainsi qu’aux salariés à temps partiel, qui sont pris en compte à proportion du ratio de leur temps de travail à un temps plein.

39 () Du moins était-ce le cas en 2005-2006 selon la DARES : voir « Premières synthèses/informations » n° 15.2, avril 2008.

40 () Cour de cassation, chambre sociale, 16 mars 2005, n° 03-16616.