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N
° 1687

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 mai 2009

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LA PROPOSITION DE LOI tendant à promouvoir une autre répartition des richesses (n° 1620),

PAR M. Jean-Pierre BRARD,

Député.

——

INTRODUCTION 5

I.– LA PROFONDE DÉGRADATION DES COMPTES PUBLICS 7

II.– L’ACCROISSEMENT DES INÉGALITÉS DE REVENUS ET DE PATRIMOINE 9

A.– LES INÉGALITÉS DE REVENUS 9

B.– LES INÉGALITÉS DE PATRIMOINE 14

III.– L’ORGANISATION SYSTÉMATIQUE D’UNE FISCALITÉ FAVORISANT LA DÉTENTION DU CAPITAL AU DÉTRIMENT DE LA VALEUR DU TRAVAIL 16

A.– LE BOUCLIER FISCAL FAVORISE LA DÉTENTION DU CAPITAL 16

B.– LA RÉFORME DES DROITS DE SUCCESSION FAVORISE LA TRANSMISSION DU CAPITAL 18

DISCUSSION GÉNÉRALE 21

EXAMEN DES ARTICLES 27

TITRE I : MESURES DE JUSTICE FISCALE 27

Article premier : Abrogation du bouclier fiscal 27

I.– UN DISPOSITIF OUTRAGEUSEMENT FAVORABLE AUX MÉNAGES TRÈS AISÉS 31

II.– UN DISPOSITIF FAVORISANT LES COMPORTEMENTS D’OPTIMISATION FISCALE 32

III.– UN DISPOSITIF QUI REMET EN CAUSE LA JUSTICE FISCALE 33

Article 2 : Modification du barème de l’impôt sur le revenu 39

Article 3 : Majoration de l’impôt sur la fortune 43

I.– UN IMPÔT SUR LE PATRIMOINE : LES RÈGLES AFFÉRENTES À L’IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE (ISF) 43

A.– LES REDEVABLES DE L’IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE 43

B.– LE PATRIMOINE IMPOSABLE ET SA VALORISATION 44

C.– DÉTERMINATION DU MONTANT DE LA COTISATION 45

II.– LA MESURE PROPOSÉE 46

TITRE II : LUTTE CONTRE LES PARADIS FISCAUX 48

Article 4 : Interdiction pour certaines sociétés d’exercer dans les paradis fiscaux 48

I.– LA NOTION DE PARADIS FISCAL 48

II.– UNE RELATIVE FERMETÉ FRANÇAISE 50

III.– UN NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA RÉGLEMENTATION 55

TITRE III : RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS D’ENTREPRISES 57

Article 5 : Suppression des stock options 57

Article 6 : Taxation des revenus des dirigeants liés à la cessation de leurs fonctions 63

Article 7 : Négociation annuelle obligatoire 67

Article 8 : Plafonnement des rémunérations 69

Article 9 : Limitation du nombre de mandats d’administrateurs de sociétés pouvant être détenus par une personne physique 72

TITRE IV : CRÉATION D’UN PÔLE FINANCIER PUBLIC 75

Article 10 : Rapport sur la constitution d’un pôle public national du crédit 75

I.– LA CONSTITUTION D’UN PÔLE PUBLIC NATIONAL DE CRÉDIT 77

II.– LA DISTRIBUTION DE PRÊTS BONIFIÉS 78

TABLEAU COMPARATIF 81

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION  97

INTRODUCTION

L'Insee a publié, mercredi 6 mai, son édition 2009 du rapport "Les revenus et le patrimoine des ménages". Cette étude, qui s'appuie sur les résultats d'une enquête sur les revenus de 2006, fait apparaître que le niveau de vie médian en France se situe à 17 600 euros, soit 1 470 euros mensuels.

Le niveau de vie correspond, selon l'Insee, au revenu disponible du ménage, divisé par le nombre d'unités de consommation dans ce ménage (une unité de consommation pour le premier adulte du ménage, 0,5 unité pour les autres personnes de plus de 14 ans, et 0,3 unité au-dessous de 14 ans). Avec 17 760 euros annuels, ce sont les 18-24 ans qui ont le niveau de vie le plus faible, alors que ce niveau de vie est à son maximum dans la tranche d'âge 55-59 ans (plus de 24 000 euros), selon l'étude. Elle relève également que, pour les plus de 75 ans, ce niveau de vie (plus de 20 000 euros) "est proche de celui des quadragénaires et supérieur à celui des trentenaires".

Les 10 % de personnes les plus modestes disposent pour leur part d'un niveau de vie de 9 720 euros, soit 3,4 fois moins que les 10 % des personnes les plus aisées. La progression du niveau de vie est plus rapide pour les plus riches : + 2,9 %, contre + 1,7 % pour les plus modestes.

Le rapport de l'Insee détaille par ailleurs l'évolution de la pauvreté. En ce qui concerne la pauvreté monétaire, l'étude estime le "seuil de pauvreté" à 880 euros en 2006 (contre 865 euros en 2005). Elle considère que, selon ce critère, près de 7,9 millions de personnes peuvent être considérées comme "pauvres" (contre 7,7 millions en 2005). "Parmi elles, la moitié a un niveau de vie inférieur à 720 euros par mois", précise-t-elle.

Mais parallèlement, en ces temps de crise économique, où la crainte du chômage le dispute à l’angoisse de la précarisation, il n’est pas de semaines, de mois où la presse ne se fasse l’écho d’un nouveau scandale : l’annonce en mars dernier par la Société générale de l'octroi de 320 000 stock-options à quatre de ses dirigeants, l’attribution d'un parachute doré de 3,2 millions d'euros à l'ex-PDG de Valeo, l’ont disputé au versement de 51 millions d'euros de bonus aux dirigeants d’une filiale du Crédit agricole, ou à l'attribution de 1,1 million d'euros de stock-options aux dirigeants de GDF- Suez. Tous ces scandales qui soulignent la volonté affichée des dirigeants des grandes sociétés de tirer pleinement bénéfice de la crise économique ont suscité un légitime mouvement de protestation dans l'opinion publique.

Votre Rapporteur essaiera d’éviter les mises en cause trop personnelles : chacun a de toute façon en tête un certain nombre de patronymes, et cette tribune si nécessaire à notre expression doit être un lieu de débats et non de vindicte. Mais il faudrait que les parlementaires qui s’aventureraient à rejeter cette proposition de loi aient le cas échéant le courage d’expliquer au nom de quelle morale, au nom de quelle conception du libéralisme, au nom de quelle justification économique ou politique, la moyenne des rémunérations des chefs d’entreprise du CAC 40 (4,7 millions d’euros en moyenne en 2007) est aujourd’hui 300 fois supérieure au salaire minimum… Quel doit être l’écart moyen admissible entre les revenus d’un patron et celui d’un salarié ? Pour notre part, nous jugions déjà, dans les années 1960 ou 1970, excessif l’écart de 1 à 30 alors constaté. Mais que dire aujourd’hui ? Si l’extravagance ou l’indécence de certaines rémunérations laisse dans un premier temps silencieux et songeur, elle ne doit pas nous empêcher cependant de proposer une autre politique.

La présente proposition de loi a précisément pour objet de promouvoir une autre répartition des richesses. Elle se fixe pour objectifs :

– de réintroduire un minimum d’équité dans notre système fiscal, notamment en supprimant le bouclier fiscal et en modifiant les barèmes, voire les tranches, de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt de solidarité sur la fortune ;

– de lutter contre les activités dans certains paradis fiscaux ;

– de limiter la rémunération des dirigeants d’entreprise en supprimant l'instrument financier que constituent les stock-options, en imposant au taux de 95 % les avantages divers du type « parachutes dorés », en plafonnant les rémunérations annuelles des dirigeants à vingt fois le montant annuel du salaire minimal applicable dans l'entreprise considérée, en permettant que les éléments de rémunération versés aux dirigeants soient discutés dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires et en limitant à deux le nombre de conseils d'administration dans lesquels une personne peut siéger, au lieu de cinq actuellement ;

– d’inciter le gouvernement à une réflexion sur une nouvelle architecture de financement de l’économie dont notre pays a aujourd’hui le plus besoin et dans laquelle la collectivité publique doit jouer un rôle actif.

Ces propositions sont loin d’être idéologiques. Elles sont au contraire ancrées dans le réel. Et ce réel, celui que la majorité des Français vit aujourd’hui, est bien celui d’une dérive reposant sur trois éléments : la profonde dégradation des comptes publics d’une part, l’accroissement des inégalités de revenus et de patrimoines d’autre part, l’organisation systématique d’une fiscalité favorisant la détention du capital plus que l’exercice d’un travail enfin.

*

* *

I.– LA PROFONDE DÉGRADATION DES COMPTES PUBLICS

La présentation du premier collectif budgétaire pour 2009 a été l’occasion de présenter à la représentation nationale et à l’ensemble des Français le sombre tableau de nos finances publiques.

Les chiffres suivants sont, sauf indication contraire, tous extraits du rapport du Rapporteur général de la commission des Finances sur le projet de loi de finances rectificative précité.

Selon la prévision du Gouvernement, le déficit de l’ensemble des administrations publiques devrait s’établir à 5,6 % du PIB en 2009. Il se rapproche donc du niveau constaté en 1993, soit 6,4 % de PIB.

Le déficit de l’État s’établirait, en 2009, à 103,8 milliards d’euros, soit une dégradation de 17 milliards d’euros par rapport à la première loi de finances rectificative pour 2009 et de 51,8 milliards d’euros par rapport aux prévisions du projet de loi de finances initiale pour 2009.

Les administrations publiques locales (APUL) ont connu des déficits croissants depuis 2003 jusqu’en 2007, année où un pic a été atteint. Pour 2009, le rapport économique et financier et la loi de programmation des finances publiques prévoient une stabilisation du solde à – 0,3 % du PIB, soit environ 5,8 milliards d’euros. La prévision est revue à la hausse par le Gouvernement, à – 0,4 %.

Le Gouvernement prévoit un déficit des administrations de sécurité sociale de – 0,9 % du PIB en 2009, contre – 0,4 % prévu en loi de programmation. Au cours des dernières années, en dépit d’un déficit relativement important du régime général de la sécurité sociale, le déficit des administrations de sécurité sociale (ASSO) restait contenu en raison des excédents dégagés par l’UNEDIC et les régimes complémentaires de retraite. Or, l’année 2009 devrait voir disparaître les excédents de tous les organismes relevant de leur périmètre.

Du fait de la disparition de ces excédents, le déficit des ASSO devrait être égal, voire supérieur, à celui des organismes de base de la sécurité sociale. Lors de son audition par la commission des Finances, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a annoncé une prévision de déficit du régime général de la sécurité sociale comprise entre 17 et 18 milliards d’euros, soit une moyenne de 17,5 milliards d’euros, ce qui correspond à 0,9 % du PIB.

L’augmentation de 17 milliards d’euros du déficit budgétaire prévisionnel porte à 215,8 milliards d’euros le besoin de financement de l’État pour 2009, soit plus du double de celui constaté en 2007.

Au total, à la fin de l’année 2009, l’encours de la dette négociable de l’État pourrait être très proche de 1 100 milliards d’euros : après 1 017 milliards d’euros fin 2008, l’augmentation serait supérieure à 4 points de PIB.

Quoique déterminante, la dette de l’État n’explique cependant pas à elle seule l’évolution de l’ensemble de la dette publique. S’y ajoutent les conséquences de la dégradation des perspectives budgétaires des autres administrations publiques – en particulier la détérioration des comptes des organismes de sécurité sociale. S’y ajoute également l’impact des opérations de recapitalisation du secteur bancaire : après la première tranche de 10,5 milliards d’euros de fonds propres versée par la Société de prise de participations de l’Etat (SPPE) en décembre 2008, une deuxième tranche du même montant est prévue au premier semestre 2009. Que ces fonds soient apportés par l’Agence France Trésor (AFT) ou directement empruntés par la SPPE, ils alourdiront d’autant la dette publique au sens du traité de Maastricht.

Dans ces conditions, après avoir réévalué à 67,3 % le niveau d’endettement public prévu pour 2008, le Gouvernement table sur une augmentation de la dette de 6,6 points de PIB en 2009, soit un ordre de grandeur comparable à celui observé entre 1992 et 1993 (1). À 73,9 % à la fin de cette année (soit plus de 1 430 milliards d’euros), la dette publique aurait ainsi augmenté par rapport à la fin 2007 de 10 points de PIB.

Selon les dernières prévisions gouvernementales, le ratio d’endettement public continuerait à progresser jusqu’à 2011, atteignant alors 78,3 % du PIB. Il ne commencerait à – légèrement – décroître qu’en 2012, pour se situer à un niveau de 78,1 %, encore supérieur de 9,5 points de PIB à ce que prévoyait il y a quelques semaines la loi de programmation des finances publiques pour 2009-2012, dont le caractère fantomatique apparaît aujourd’hui clairement.

Il n’est pas dans les propos de votre rapporteur de contester ces chiffres, et encore moins de nier les conséquences de la crise, tant en termes de diminution des recettes liée à la contraction de l’activité économique, que de dépenses imposées par la relance, même s’il juge totalement déséquilibrée la voie retenue par le gouvernement, qui s’attache plus à relancer unilatéralement l’investissement qu’à relancer la consommation, notamment des ménages les plus démunis.

Mais il doit noter que, devant cette dégradation des finances publiques, la majorité actuelle ne souligne que la nécessité de maintenir la maîtrise de la dépense pour limiter le glissement des déficits, sauf à rendre particulièrement périlleux le rétablissement des finances publiques.

Votre Rapporteur tient à présenter une autre voie de réflexion, qui prendrait notamment en compte l’accroissement des inégalités de revenus et de patrimoine dans le contexte de l’organisation d’une moindre progressivité de l’impôt : une autre politique, la promotion d’une autre répartition des richesses, est possible.

II.– L’ACCROISSEMENT DES INÉGALITÉS DE REVENUS ET DE PATRIMOINE

A.– LES INÉGALITÉS DE REVENUS

Comme dans les années qui précédèrent la crise de 1929, la dernière décennie a vu se développer une explosion des inégalités. La crise de 1929 et les mesures prises par les gouvernements conduisirent à une réduction drastique de ces inégalités. Alors que la part des 0,1 % des ménages les plus riches en France, au Royaume-Uni ou aux États-Unis représentait dans les années 1920 entre 6 et 9 % du revenu national, elle en représentait moins de 2 % dans les années 1970.

On observe dans les années 1980-1990, dans les pays anglo-saxons d’abord, en Europe continentale ensuite, un accroissement des inégalités. Une étude sur les très hauts revenus en France (2)entre 1998 et 2006 confirme cette évolution, qui est aussi celle retenue par le Conseil des prélèvements obligatoires : elle montre qu’on observe une stagnation des revenus des 90 % des ménages modestes entre 2002 et 2006 (augmentation de 4,6% sur l’ensemble de la période), alors que la part des revenus des ménages les plus favorisés augmente d’autant plus qu’elle était élevée à l’origine, pour atteindre jusqu’à 42,6% pour les 0,01 % des ménages les plus favorisés.

TAUX DE CROISSANCE DES REVENUS RÉELS ENTRE 1998 ET 2006 ET NIVEAU MOYEN DES REVENUS EN 2005 DES MÉNAGES FRANÇAIS

(en euros)

0,01 % des ménages les plus riches (soit 3 500 ménages)

42,6 %

1 499 654

0,1 % des ménages les plus riches (soit 35 000 ménages)

32,0 %

537 043

1 % des ménages les plus riches (soit 350 000 ménages)

19,4 %

201 423

5 % des ménages les plus riches (soit 1,75 million de ménages)

11,3 %

104 364

10 % des ménages les plus riches (soit 3,5 millions de ménages)

8,7 %

79 210

90 % des ménages les moins riches (31,5 millions de ménages)

4,6 %

18 502

Source : C. Landais, Les très hauts revenus en France (1998-2006) : une explosion des inégalités ?, Paris school of economics, juin 2007

La hausse des très hauts revenus en France s’explique par deux facteurs principaux : l’augmentation des revenus des capitaux mobiliers d’une part, un taux de croissance des revenus du travail les plus élevés au taux de croissance moyen des revenus salariaux.

Entre 1998 et 2006, comme le note Camille Landais, « tandis que les salaires par foyer ont cru en moyenne annuelle de 0,7 % sur la période, les revenus fonciers par foyer ont cru de près de 2,2 % par an et les revenus des capitaux mobiliers par foyer de près de 3,9 % par an, soit au total une croissance de 31 % sur huit ans ».

Par ailleurs, différentes études confirment la très forte augmentation des rémunérations des dirigeants d’entreprise depuis quelques années. Il est difficile d’évaluer le niveau de rémunération de ceux-ci. Ils perçoivent en effet des rémunérations sous forme monétaire, non monétaire (avantages de fonction comme les véhicules ou les appartements de fonction, les prêts accordés par leur société à un taux avantageux) mais aussi sous forme de revenus différés comme les stock options. Ils peuvent également bénéficier d’une protection sociale payée par l’entreprise ou de rémunérations tirées d’autres activités comme le conseil ou la présence au sein d’autres conseils d’administration que celui de leur entreprise. Les évaluations peuvent donc diverger selon le mode de calcul utilisé.

De grandes tendances se dégagent toutefois, dont on retiendra :

– l’explosion des revenus des équipes dirigeantes des sociétés du CAC 40 : selon les évaluations de Proxinvest, la rémunération moyenne des équipes dirigeantes du CAC 40 est passée d’environ 800 000 euros en 1998 à plus de deux millions d’euros en 2007, soit une hausse de 150 % ;

– la part prépondérante (50%) prise par les options sur actions ou les attributions d’actions gratuites dans ces revenus

La France se distingue des autres pays européens par la part très importante des stock options dans la structure de rémunération des dirigeants de sociétés cotées, comme le montre le graphique suivant.

Source : Towers Perrin News, juin 2004

Le rapport commandé au directeur général de l'Insee, Jean-Philippe Cotis, a été remis mercredi 13 mai au président de la République. Ce rapport pointe l’existence d’un problème majeur de la répartition de la valeur ajoutée en France. Contrairement à l’analyse qu’en fait son auteur, ce texte démontre clairement que la part des salaires dans la valeur ajoutée représente un niveau très bas, puisqu’elle s’élève à 67 %. En focalisant l’analyse sur la période récente de stabilité, le rapport minimise le fait majeur qu’aujourd’hui cette part est de trois points inférieure aux années 1960-1965 (sans même évoquer le point haut de 1982) : en termes de revenu national actuel, il en résulte une perte pour les salariés de 60 milliards d’euros par an.

Par ailleurs, la proposition de Nicolas Sarkozy d’un nouveau partage des bénéfices des entreprises (un tiers pour les actionnaires, un tiers pour les salariés, un tiers pour l'entreprise) revient en fait, à défaut d'augmenter tout de suite le pouvoir d'achat des salariés, à leur faire ainsi valoir qu'ils profiteront demain à plein de la reprise tout en légitimant le fait que les grands patrons continuent à recevoir en masse stock-options et autres bonus puisque tous les salariés bénéficieront, eux aussi, de mécanismes du même genre (participation, intéressement, plans d’épargne entreprise, plan d’épargne pour la retraite collectif).

Comme le relève effectivement Guillaume Duval3: « Soit il s'agit de rogner sur les bénéfices qui vont aux actionnaires ou restent dans l'entreprise pour accroître la part de la valeur ajoutée qui va aux salariés. Dans ce cas, les salariés sont gagnants, à condition que la dégradation des profits qui en résulte n'amène pas les entreprises à fermer ou à délocaliser leurs activités. Soit il ne s'agit pas d'augmenter cette part, mais de substituer en partie aux salaires classiques, indépendants des résultats des entreprises, des rémunérations qui varient en fonction du succès de l'activité. Dans ce cas, les salariés sont perdants, même si le fait qu'une part de leur rémunération soit variable peut contribuer à pérenniser leurs emplois. (…) ». En effet, en ce dernier cas, si l’activité économique se dégrade, les salariés risquent de perdre non seulement leur emploi, mais aussi leur patrimoine….

Le constat que dresse le rapport Cotis tient par ailleurs en quelques points essentiels : la stabilité, sur longue période, de la part des salaires dans la valeur ajoutée (autour des deux tiers, après le point haut de 1982) ; une progression des salaires nets "extrêmement faible" depuis vingt ans en raison d'une croissance insuffisante, du choix d'une protection sociale de haut niveau coûteuse et de la montée de l'emploi précaire ; une forte accélération des très hauts salaires. M. Cotis reprend à son compte les conclusions de l'économiste Camille Landais. "Ceci a contribué au sentiment de déclassement relatif du salarié médian, progressivement rejoint par le bas de l'échelle et fortement distancé par l'extrémité haute de cette même échelle", analyse-t-il.

Comme le relevait Pierre Alain Muet (4), « on constate qu’environ 50 % de la rémunération des dirigeants français provient des stock options, contre environ 30 % pour les dirigeants allemands et 40 % pour les Britanniques. Seuls les dirigeants américains dépendent davantage des actions et stock options, qui représentent 72 % de leur rémunération. Cette très grande proportion s’explique, aux États-Unis, par des raisons fiscales. De même, il est probable que la part relativement importante des options sur actions dans la rémunération des dirigeants français s’explique par le régime d’imposition favorable qui s’applique à ce mode de rémunération ».

Au final, il apparaît donc que le haut niveau de rémunération des dirigeants français est principalement lié aux stock options qu’ils reçoivent. Ce mode de rémunération en fait, avec les Britanniques, les dirigeants les mieux payés de l’Union européenne.

Le tableau suivant, extrait du même rapport, indique, d’une part, la nationalité des dirigeants des sociétés du CAC 40, et donne, d’autre part, une évaluation d’une partie de leur rémunération. Cette estimation ne prend pas en compte les gains tirés des options sur actions et des actions attribuées gratuitement, qui représentent, on vient de le voir, en moyenne, la moitié de la rémunération totale des dirigeants de grandes sociétés cotées. Elle ne prend pas non plus en compte les revenus perçus par les dirigeants au titre de leur qualité d’actionnaires de la société – dividendes et plus-values éventuelles.

On retiendra que la rémunération des dirigeants comprend le plus souvent, outre sa partie fixe, une part variable, théoriquement appréciée au regard des performances du bénéficiaire ou de l’entreprise. Celle-ci peut être complétée par des options sur actions ou des attributions d’actions gratuites, qui constituent des rémunérations différées. À ces sommes peuvent s’ajouter un « parachute doré » (indemnité versée au moment de la fin des fonctions d’un dirigeant), voire l’attribution d’une « retraite chapeau », constituée par un régime de retraite supplémentaire et garantissant un pourcentage du revenu d’activité, généralement souscrit par l’entreprise auprès d’une compagnie d’assurance. Par ailleurs, la pratique des « golden hello » permet de verser une prime au dirigeant lors de son entrée en fonction.

Nom

Nationalité

Société

Rémunération

Nom

Nationalité

Société

Rémunération

Nom

Nationalité

Société

Rémunération

B. Arnault

Française

LVMH

4 058 277

J.-L. Duran

Espagnole

Carrefour

2 403 500

A. Miller

Belge

Dexia

1 714 630

D. Bouton

Française

Société générale

3 550 000

M. Bouygues

Française

Bouygues

2 342 836

J.-M. Folz

Française

PSA

1 650 920

H. de Castries

Française

Axa

3 365 659

J.-B. Levy

Française

Vivendi

2 284 781

X. Huillard

Française

Vinci

1 400 000

J.-F. Dehecq

Française

Sanofi-Aventis

3 365 659

A. Lagardère

Française

Lagardère

2 262 020

D. Lombard

Française

France Télécom

1 368 120

J.-P. Agon

Française

L’Oréal

3 068 336

J.-L. Beffa

Française

Saint-Gobain

2 254 000

J.-P. Tricoire

Française

Schneider

1 211 721

M. Rollier

Française

Michelin

3 326 047

P. Kron

Française

Alstom

2 240 010

B. Lafont

Française

Lafarge

1 145 000

T. Desmarest

Française

Total

3 227 123

B. Potier

Française

Air Liquide

2 223 000

C. Bozotti

Italienne

STM

1 105 263

B. Prot

Française

BNP Paribas

3 152 177

H. Proglio

Française

Veolia

2 114 794

G. Dollé

Française

Arcelor

1 087 500

P. Ricard

Française

Pernod-Ricard

3 130 387

C. Ghosn

Française

Renault

2 034 163

F. Dangeard

Française

Thomson

987 232

G. Mestrallet

Française

Suez

2 715 792

G. Pélisson

Française

Accor

2 006 950

X. Fontanet

Française

Essilor

808 185

F. Riboud

Française

Danone

2 579 100

F.-H. Pinault

Française

PPR

1 878 959

P. Gadonneix

Française

EDF

807 155

S. Tchuruk

Française

Alcatel-Lucent

2 511 924

P. Hermelin

Belge

Cap Gemini

1 788 000

L. Gallois

Française

EADS

707 612

J.-P. Thierry

Française

AGF

2 453 560

G. Pauget

Française

Crédit Agricole

1 742 030

J.-F. Cirelli

Française

GDF

433 593

Source : L’Expansion, n°720, juin 2007, p.47. Le calcul de la rémunération inclut le salaire fixe, les bonus, les avantages en nature et les jetons de présence versés par la société dirigée. Elle n’inclut pas les avantages découlant de l’attribution de stock options ou d’actions gratuites.

Ce tableau montre d’ailleurs le peu de portée de l’argument tiré du caractère prétendument international du marché mondial des chefs d’entreprises, qui imposerait de leur assurer ce niveau de revenus : seuls quatre dirigeants de sociétés du CAC 40 en 2006 sont étrangers. Inversement, il existe très peu de cas de dirigeants français d’une entreprise française « débauchés » par un concurrent étranger.

À l’explosion de ces inégalités de rémunération correspondent les inégalités mesurées en termes de patrimoine.

B.– LES INÉGALITÉS DE PATRIMOINE

Le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires montre que le patrimoine net des Français a fortement progressé entre 1997 et 2007 : sa valeur réelle a cru de 7,6 % par an, contre 2,3 % par an seulement sur la période 1987-1997 : il s’élève aujourd’hui à près de 9 400 milliards d’euros, soit plus de 380 000 euros par ménage (soit près de sept années et demie de revenu disponible).

Le Conseil des prélèvements obligatoires souligne que la répartition des patrimoines semble encore plus inégale que pour les revenus, même s’il la relativise, notamment par rapport à l’étranger, en soulignant la difficulté à appréhender correctement les hauts patrimoines : « Fin 2003, 10 % des ménages possédaient un patrimoine brut inférieur à 900 euros. Pour les 10 % les plus riches, il était en revanche supérieur à 380 000 euros, soit environ 400 fois plus élevé. Le patrimoine est fortement concentré. Fin 2003, les 10 % de ménages les plus riches possédaient près de la moitié du patrimoine brut des ménages, et les 1 % les plus riches en possédaient 13 %. »

Si le Conseil des prélèvements obligatoires se montre prudent sur l’évolution des inégalités de patrimoine, il souligne toutefois que les enquêtes de l’INSEE sur la période 1997-2003 montrent que les inégalités de patrimoine brut ont progressé, et que cette croissance est fortement liée au niveau de patrimoine : sur la période, plus le patrimoine était élevé, plus il a augmenté.

Le tableau suivant présente l’évolution du patrimoine privé par catégorie de ménage entre 1997 et 2003.

ÉVOLUTION DU PATRIMOINE PRIVÉ ENTRE 1997 ET 2003 PAR CATÉGORIE DE MÉNAGE

(en euros constants)

 

Patrimoine privé médian
en 2003 (en euros courants)

Évolution réelle entre 1997
et 2003 (en %)

Ensemble

112 180

+30,1

Age (1)

   

Moins de 30 ans

11 090

+5,2

De 30 à 40 ans

82 050

+28,7

De 40 à 50 ans

133 400

+26,0

De 50 à 60 ans

174 680

+32,7

De 60 à 70 ans

162 400

+38,1

70 ans ou plus

110 320

+19,4

Diplôme obtenu (1)

   

Sans diplôme ou CEP

80 360

+11,3

BEPC

120 800

+35,9

CAP, BEP

121 050

+29,9

Bac ou équivalent

120 850

+7,1

Bac plus 2 ans

148 720

+69,3

Supérieur à bac plus 2 ans

222 430

+20,6

Tranche de revenu disponible (valeur en 2003)

   

Inférieur au 1er décile (7 060 euros)

9 780

n.s.

4ème-5ème déciles (14 900 euros – 17 940 euros)

104 770

+29,6

Supérieur au 9ème décile (40 070 euros)

261 890

+49,1

Tranche de patrimoine privé (valeur en 2003)

   

Inférieur au 1er décile (2 110 euros)

810

-2,3

4ème-5ème déciles (71 160 euros – 112 180 euros)

91 920

+25,4

Supérieur au 9ème décile (450 060 euros)

656 380

+43,3

Commune de résidence

   

Commune rurale

135 980

+27,7

Unité urbaine de moins de 20 000 habitants

136 750

+52,7

Unité urbaine de 20 000 à 100 000 habitants

89 190

+20,9

Unité urbaine de plus de 100 000 habitants

81 900

+21,1

Agglomération parisienne hors Paris

94 500

-2,2

Ville de Paris

87 540

+61,2

Source :Girardot et Marionnet (2007)

(1) Age et diplôme de la personne de référence du ménage.

Pour l’avenir, le Conseil des prélèvements obligatoires se montre prudent mais souligne que l’augmentation des hauts revenus depuis 2002 pourrait «  se traduire par une augmentation des inégalités », même si la transmission des inégalités de revenus aux inégalités de patrimoine peut se révéler lente.

III.– L’ORGANISATION SYSTÉMATIQUE D’UNE FISCALITÉ FAVORISANT LA DÉTENTION DU CAPITAL AU DÉTRIMENT DE LA VALEUR DU TRAVAIL

Malgré la dégradation des finances publiques, malgré la montée des inégalités, la majorité n’a eu de cesse depuis 2002 d’organiser une fiscalité favorisant la détention du capital plus que la valeur du travail.

Au désormais trop célèbre slogan : « Travailler plus pour gagner plus » se substitue une réalité autrement plus dangereuse : « détenir plus pour contribuer moins ».

Toute énumération encourant le risque d’être incomplète, votre Rapporteur rappellera ici la philosophie profonde des mesures mises en place par la majorité depuis quelques années et réservera une analyse plus fine de différentes mesures à l’occasion de l’examen des articles de la proposition de loi.

La réforme la plus emblématique de la majorité depuis 2002 est à n’en point douter celle du renforcement du bouclier fiscal : elle éclipse cependant la réforme des droits de succession, qui, elle aussi, démontre que le gouvernement s’attache avant tout à défendre les patrimoines constitués.

La loi du 21 août 2007, dite en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, favorise en fait essentiellement la détention du capital d’une part, sa transmission d’autre part.

A.– LE BOUCLIER FISCAL FAVORISE LA DÉTENTION DU CAPITAL

Le bouclier fiscal a été créé par l’article 74 de la loi de finances pour 2006  (5) et renforcé par l’article 11 de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat  (6). Ainsi, aux termes du premier alinéa de l’article 1er du code général des impôts « les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus ».

L’article 1649-0 A du code général des impôts définit, pour les contribuables domiciliés fiscalement en France, un droit à restitution de la fraction des impositions excédant le seuil de 50 % précité. La restitution du « trop d’impôt » peut être demandée par le contribuable au 1er janvier de l’année suivant le paiement des impositions dont il est redevable, et avant le 31 décembre de l’année suivant celle de ce paiement.

– Les revenus pris en compte au dénominateur

On renverra sur ce point au commentaire sur l’article premier, en retenant à ce stade que les revenus à prendre en compte sont les revenus soumis à l’impôt sur le revenu net de frais professionnels, les produits soumis à un prélèvement libératoire, sur lesquels peuvent s’imputer notamment les déficits catégoriels imputables sur le revenu global et les cotisations ou primes versées au titre de l’épargne retraite facultative qui sont déductibles du revenu global.

– Les impositions prises en compte au numérateur

Sous réserve qu’elles ne soient pas déductibles d’un revenu catégoriel de l’impôt sur le revenu et qu’elles aient été payées en France, les impositions prises en compte sont les impositions directes suivantes :

– l’impôt sur le revenu ;

– l’impôt de solidarité sur la fortune ;

– les contributions sociales sur les revenus du patrimoine (CSG et CRDS sur les revenus du patrimoine, prélèvement social et contribution additionnelle) ;

– les contributions sociales sur les revenus d’activité et de remplacement et les produits de placement (CSG et CRDS sur les revenus d’activité et de remplacement ; CSG, CRDS, prélèvement social et contribution additionnelle sur les revenus de placement) ;

– la taxe foncière sur les propriétés bâties et la taxe foncière sur les propriétés non bâties afférentes à l’habitation principale du contribuable et perçues au profit des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ;

– la taxe d’habitation afférente à l’habitation principale du contribuable et perçue au profit des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Les impôts locaux pris en compte ne concernent pas les impôts perçus au titre des résidences secondaires. Par ailleurs, sont prises en compte les taxes additionnelles aux taxes foncières et d’habitation perçues au profit des établissements et organismes habilités à percevoir ces taxes, à l’exclusion de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

On reviendra à l’occasion de l’examen de l’article premier de la présente proposition de loi sur les multiples effets pervers de ce bouclier fiscal. On retiendra à ce stade qu’il est clairement conçu comme un mécanisme permettant aux contribuables les plus aisés de s’exonérer du paiement de l’impôt de solidarité sur la fortune : en effet, l’imposition du travail (au titre de l’impôt sur le revenu) ne permet pas d’actionner le bouclier fiscal. La réforme de 2007 est donc clairement conçue pour favoriser une moindre imposition de la fortune, alors même que le gouvernement était assuré d’une majorité parlementaire sur la suppression pure et simple de l’impôt de solidarité sur la fortune : en d’autres termes, l’hypocrisie le dispute au cynisme.

En effet, le taux marginal de l’impôt sur le revenu ne dépasse pas aujourd’hui 40%. Mais le taux moyen d’imposition sur le revenu au titre de l’impôt sur le revenu est aujourd’hui de 8 %. L’imposition au titre de la CSG et de la CRDS est d’ailleurs plus importante que celle de l’impôt sur le revenu pour 9 Français sur 10 (7). En ajoutant à ce taux moyen de 8 %, les prélèvements sociaux, à hauteur de 8 %, et la taxe d’habitation, plafonnée à 3,44 % du revenu fiscal de référence des contribuables modestes, le total de l’imposition est très inférieur à 50 % pour la grande majorité des contribuables.

Il est donc quasiment impossible d’atteindre la limite prévue par le bouclier fiscal au titre de ses revenus salariaux et de leur imposition. En réalité, le bouclier fiscal ne joue qu’à raison de la détention de patrimoine.

C’est ce qui explique que l’inclusion en 2007 de la CSG et de la CRDS dans le bouclier fiscal n’ait conduit qu’à une très faible augmentation du nombre de bénéficiaires (13 700 en 2007 et 13 998 en 2008).

En outre, les données statistiques sur les personnes redevables de l’impôt sur la fortune et bénéficiaires du bouclier fiscal montrent qu’il faut posséder un patrimoine très important pour bénéficier à plein du bouclier fiscal. Ainsi, seulement 0,08 % des contribuables de l’ISF au titre de la première tranche actionnent le bouclier fiscal. C’est le cas de plus de 39 % de ceux qui sont redevables au titre de la dernière tranche, soit les contribuables qui ont un patrimoine supérieur à 16 millions d’euros. En outre, 82 % des redevables de l’ISF qui actionnent le bouclier fiscal ont un patrimoine supérieur à 2,4 millions d’euros.

B.– LA RÉFORME DES DROITS DE SUCCESSION FAVORISE LA TRANSMISSION DU CAPITAL

La loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat n’a pas seulement renforcé dangereusement le « bouclier fiscal », elle a aussi prévu un allégement particulièrement important des droits de succession.

On ne saurait accuser la majorité d’avoir surpris nos concitoyens : cette réforme traduit pour l’essentiel un des engagements forts du Président de la République pris pendant la campagne présidentielle, consistant à réduire substantiellement l’assiette des droits de mutation à titre gratuit. « Je veux que 95 % des Français soient exonérés des droits de succession » déclarait-il dans un entretien paru dans l’édition du 23 janvier 2007 du journal Le Monde. Comme il l’expliquait dans son projet : « Je supprimerai les droits de donation et de succession pour que les familles, à l’exception des plus riches, puissent transmettre librement le fruit du travail de toute leur vie à leurs enfants. »

L’impôt sur les mutations à titre gratuit, rendu progressif sous la Troisième République par la loi du 25 février 1901, a pour objet d’imposer les héritages, considérés comme une prime toujours grandissante aux mains de ceux qui n'ont pas travaillé à les constituer. L’imposition des successions ne répond pleinement à l’objectif philosophique de redistribution que lorsque le patrimoine transmis est lui-même essentiellement issu d’un  héritage, c’est-à-dire participe d’une dynamique d’accumulation au travers de plusieurs générations. L’imposition à l’occasion de la transmission d’un patrimoine relève bien dans une certaine mesure de l’égalité de traitement par rapport aux autres revenus et permet de limiter la « reproduction sociale ». La majorité a toujours reconnu que les droits de mutation à titre gratuit pénalisent peu les plus riches, dont le patrimoine est mobile, et encore moins ceux qui vivent de la rente de leur patrimoine et subissent de facto une faible imposition au titre des revenus actifs.

La réforme opérée sur ce point par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat organise en conséquence un nouvel équilibre entre taxation et transmission, puisqu’elle organise :

– l’exonération totale du conjoint survivant de droits de succession ;

– l’alignement du régime des partenaires liés par un PACS sur celui des conjoints mariés, pour les successions comme pour les donations ;

– le relèvement des abattements au profit des enfants de 50 000 à 150 000 euros (156 359 euros aujourd’hui), l’abattement global de 50 000 euros étant supprimé ;

– le relèvement de l’abattement applicable aux frères et sœurs de 5 000 à 15 000 euros(15 363 euros  aujourd’hui);

– l’extension aux successions de l’abattement de 5 000 euros (7 818 euros aujourd’hui) en faveur des neveux et nièces applicable aux donations.

De plus, afin de favoriser les donations, outre l’application des nouveaux abattements précités, la réforme instaure une exonération des donations en numéraire de même nature que celle qui avait été instituée à titre provisoire par la loi relative au soutien à la consommation et à l’investissement (n° 2004-804 du 9 août 2004), à savoir une exonération des dons au profit des membres de la famille, dans la limite de 20 000 euros.

*

* *

Profonde dégradation des comptes publics d’une part, accroissement des inégalités de revenus et de patrimoines d’autre part, organisation systématique d’une fiscalité favorisant la détention du capital plus que l’exercice d’un travail enfin : c’est à cette triple dérive que la présente proposition de loi tente de mettre fin. En effet, la légitime colère des salariés à l’encontre des formidables inégalités qui se sont creusées du fait du niveau indécent des dividendes versés aux actionnaires et des rémunérations scandaleuses des grands patrons ne peut se résoudre que par le biais de la fiscalité et de mesures contraignantes limitant ces rémunérations.

DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine, au cours de sa séance du 20 mai 2009, sur le rapport de M. Jean-Pierre Brard, la proposition de loi tendant à promouvoir une autre répartition des richesses (n° 1620).

M. le président Didier Migaud. L’ordre du jour appelle l’examen, sur le rapport de M. Jean-Pierre Brard, de la proposition de loi tendant à promouvoir une autre répartition des richesses, inscrite à l’ordre du jour de la séance publique le jeudi 28 mai.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur. L’INSEE a publié, le 6 mai dernier, son édition 2009 du rapport « Les revenus et le patrimoine des ménages ». Cette étude, qui s’appuie sur les résultats d’une enquête sur les revenus de 2006, fait apparaître que le niveau de vie médian en France se situe à 17 600 euros, soit 1 470 euros mensuels.

Le Président de la République a souhaité ouvrir un débat sur un « nouveau partage » des bénéfices mais tout le monde conviendra que ses propositions en la matière n’ont pas été très précises. La présente proposition de loi a pour but de l’aider et je ne doute pas que M. Frédéric Lefebvre sera sensible au fait que je cite une de ses propositions de loi dans mon rapport.

La proposition de loi vise à promouvoir une autre répartition des richesses. Elle se fixe comme objectif premier de réintroduire un minimum d’équité dans notre système fiscal, notamment en supprimant le « bouclier fiscal » et en modifiant les barèmes, voire les tranches, de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt de solidarité sur la fortune – vieux débat entre nous – ; elle contient des dispositions pour lutter contre les activités dans certains paradis fiscaux – sujet qui semblerait consensuel si l’on en croit les propos du Président de la République – ; elle vise également à limiter la rémunération des dirigeants d’entreprise en supprimant l’instrument financier que constituent les stock-options, en imposant au taux de 95 % les avantages divers du type « parachutes dorés », en plafonnant les rémunérations annuelles des dirigeants à vingt fois le montant annuel du salaire minimal applicable dans l’entreprise considérée, en permettant que les éléments de rémunération versés aux dirigeants soient discutés dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires et en limitant à deux, au lieu de cinq actuellement, le nombre de conseils d’administration dans lesquels une personne peut siéger. Je fais remarquer que ce n’est pas moi qui ai la paternité de la suggestion de plafonner les avantages à 95 % : c’est le Premier ministre lui-même qui a proposé une taxation « confiscatoire ».

Enfin, la proposition de loi a pour objectif d’inciter le Gouvernement à une réflexion sur une nouvelle architecture du financement de l’économie dont notre pays a aujourd’hui besoin et dans laquelle la collectivité publique doit jouer un rôle actif.

Ces mesures sont loin d’être idéologiques : elles sont, au contraire, ancrées dans le réel. Et ce réel, celui que la majorité des Français vit aujourd’hui, est bien celui d’une dérive reposant sur trois éléments : la profonde dégradation des comptes publics – ce n’est pas Éric Woerth qui dira le contraire –, l’accroissement des inégalités de revenus et de patrimoines – M. Philippe Séguin ne le contestera pas – et l’organisation systématique d’une fiscalité favorisant la détention du capital plus que l’exercice d’un travail – ce n’est pas Christine Lagarde qui me contredira.

Je ne m’attarderai pas sur la profonde dégradation des comptes publics : les membres de la commission des Finances sont tous parfaitement informés à cet égard.

Selon la prévision du Gouvernement dans le dernier collectif budgétaire, en attendant bien sûr le suivant, le déficit de l’État s’établirait à près de 104 milliards d’euros, ce qui montre la grave détérioration des comptes publics.

À la fin de l’année 2009, l’encours de la dette négociable de l’État pourrait être très proche de 1 100 milliards d’euros, soit une augmentation supérieure à 4 points de PIB.

J’appelle l’attention de mes collègues de l’UMP sur le fait que, quand ils parlent de la dette que nous ferions porter sur la tête de nos enfants, ils oublient les actifs. En réalité, la différence entre actifs et passifs est positive. Comparée à celle des autres pays européens et, en particulier, à celle de l’Allemagne, la situation de la France est nettement meilleure.

Dans ces conditions, et en tenant compte des déficits croissants des collectivités locales et des organismes de sécurité sociale, après avoir réévalué à 67,3 % le niveau d’endettement public prévu pour 2008, le Gouvernement table sur une augmentation de la dette de 6,6 points de PIB en 2009, soit un ordre de grandeur comparable à celui observé entre 1992 et 1993. À 73,9 % du PIB à la fin de cette année, la dette publique aura ainsi augmenté par rapport à la fin de 2007 de 10 points de PIB.

Selon les dernières prévisions gouvernementales, le ratio d’endettement public continuerait à progresser jusqu’en 2011, atteignant alors 78,3 % du PIB. Mais vous connaissez le degré de fiabilité de telles prévisions.

Il n’est pas dans mon propos de contester les chiffres donnés par le Gouvernement et encore moins – même si nous ne serons jamais d’accord sur les origines de celle-ci – de nier les conséquences de la crise, en termes tant de diminution des recettes liée à la contraction de l’activité économique, que de dépenses imposées par la relance, même si je juge totalement déséquilibrée la voie retenue par le Gouvernement, qui s’attache plus à relancer unilatéralement l’investissement – ce qu’il faut faire – qu’à relancer la consommation – ce qu’il ne fait pas, en particulier pour les ménages les plus démunis. Des études menées sur le RSA montrent que le bonus escompté à l’arrivée est fort modeste.

Il est à noter que, devant cette dégradation des finances publiques, la majorité actuelle ne souligne que la nécessité de maintenir la maîtrise de la dépense pour limiter le glissement des déficits, sauf à rendre particulièrement périlleux le rétablissement des finances publiques.

Je tiens à vous proposer une autre voie de réflexion qui, aux yeux de nombre d’entre vous, aura le mérite d’être complètement nouvelle. Si nos collègues de l’UMP étaient objectifs, ils seraient obligés de reconnaître que leur politique a échoué et qu’il est temps d’en choisir une autre, qui prenne en compte l’accroissement des inégalités de revenus et de patrimoine.

Comme les années qui précédèrent la crise de 1929, la dernière décennie a connu une explosion des inégalités. Alors que la part des 0,1 % des ménages les plus riches en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis représentait, dans les années 1920, entre 6 et 9 % du revenu national, elle en représentait moins de 2 % dans les années 1970.

On a observé, dans les années 1980-1990, dans les pays anglo-saxons d’abord, et en Europe continentale ensuite, un accroissement des inégalités. Une étude sur les très hauts revenus en France entre 1998 et 2006 confirme cette évolution, qui est aussi celle retenue par le Conseil des prélèvements obligatoires : elle montre une stagnation des revenus de 90 % des ménages modestes entre 2002 et 2006 alors que la progression des revenus des ménages les plus favorisés augmentait d’autant plus qu’elle était élevée à l’origine, pour atteindre jusqu’à 42,6 % pour les 0,01 % de ménages les plus favorisés.

La comparaison avec la crise de 1929 n’est pas le fruit du hasard et devrait faire réfléchir nos collègues les plus téméraires dans la persistance à soutenir la politique catastrophique du Gouvernement.

La hausse des très hauts revenus en France s’explique par deux facteurs principaux : l’augmentation des revenus des capitaux mobiliers, d’une part, et un taux de croissance très important des revenus du travail les plus élevés d’autre part.

Par ailleurs, différentes études confirment la très forte augmentation des rémunérations des dirigeants d’entreprise depuis quelques années. De grandes tendances se dégagent, dont on retiendra, d’une part, l’explosion des revenus des équipes dirigeantes des sociétés du CAC 40 – selon les évaluations de Proxinvest, la rémunération moyenne des équipes dirigeantes du CAC 40 est passée d’environ 800 000 euros en 1998 à plus de 2 millions d’euros en 2007, soit une hausse de 150 % – et, d’autre part, la part prépondérante, soit 50 %, prise par les options sur actions ou les attributions d’actions gratuites dans ces revenus.

La France se distingue des autres pays européens par la part très importante des stock-options dans la structure des rémunérations des dirigeants de sociétés cotées.

Le constat que dresse le rapport Cotis tient, par ailleurs, en quelques points essentiels : la stabilité, sur longue période, de la part des salaires dans la valeur ajoutée ; une progression des salaires nets « extrêmement faible » depuis vingt ans en raison d’une croissance insuffisante, du choix d’une protection sociale de haut niveau coûteuse et de la montée de l’emploi précaire ; une forte accélération des très hauts salaires. M. Cotis reprend à son compte les conclusions de l’économiste Camille Landais, qui a écrit : « Ceci a contribué au sentiment de déclassement relatif du salarié médian, progressivement rejoint par le bas de l’échelle et fortement distancé par l’extrémité haute de cette même échelle. » Cette remarque est à mettre en rapport avec la discussion que nous avons eue hier dans l’hémicycle concernant les hauts revenus des banquiers. J’ai été effaré – un certain nombre de mes collègues de l’UMP ont dû l’être aussi – par la facilité gouvernementale à justifier la progression des salaires des dirigeants d’entreprise face à la « stabilité », pour ne pas dire plus, des revenus des familles. Il n’est pas possible que des élus ne soient pas sensibles à l’impact que, dans leurs circonscriptions, cette situation a sur l’opinion des électeurs.

À l’explosion de ces inégalités de rémunération correspondent des inégalités de patrimoine.

Le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires présenté par Philippe Séguin montre que le patrimoine net des Français a fortement progressé entre 1997 et 2007 : sa valeur réelle a crû de 7,6 % par an, contre 2,3 % par an seulement pendant la période 1987-1997. Il s’élève aujourd’hui à près de 9 400 milliards d’euros, soit plus de 380 000 euros par ménage.

Le Conseil des prélèvements obligatoires souligne que la répartition des patrimoines semble encore plus inégale que celle des revenus. Fin 2003, 10 % des ménages possédaient un patrimoine brut inférieur à 900 euros. Pour les 10 % les plus riches, il était en revanche supérieur à 380 000 euros, soit environ 400 fois plus élevé. Le patrimoine est fortement concentré. Fin 2003, les 10 % de ménages les plus riches possédaient près de la moitié du patrimoine brut des ménages et les 1 % les plus riches en possédaient 13 %.

Malgré la dégradation des finances publiques et la montée des inégalités, la majorité n’a eu de cesse depuis 2002 d’organiser une fiscalité favorisant la détention du capital au détriment de la valeur du travail.

Au désormais trop célèbre slogan : « Travailler plus pour gagner plus », se substitue une réalité autrement plus dangereuse : « Détenir plus pour contribuer moins ».

Toute énumération courant le risque d’être incomplète, je rappellerai la philosophie profonde des mesures mises en place par la majorité depuis quelques années.

La réforme la plus emblématique de la majorité depuis 2002 est, à n’en point douter, celle du renforcement du « bouclier fiscal ». Si nos concitoyens ne sont pas en mesure d’en détailler le contenu, ils ont très bien compris – ce qui est le but même de la pédagogie politique – qu’il sert les plus riches.

Le « bouclier fiscal » favorise la détention du capital. Comme il n’y a pas de journaliste dans la salle, vous n’êtes pas obligés de contester mon propos et, si vous êtes objectifs, vous ne pouvez qu’y adhérer. Comme vous le savez, 82 % des redevables de l’ISF qui actionnent le « bouclier fiscal » ont un patrimoine supérieur à 2,4 millions d’euros. Ce qu’il faut regarder, ce n’est pas le nombre global de bénéficiaires du dispositif mais la part et le patrimoine de ceux qui en bénéficient le plus.

La réforme des droits de succession favorise, de son côté, la transmission du capital.

La loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat n’a pas seulement renforcé dangereusement le « bouclier fiscal » : elle a aussi prévu un allégement particulièrement important des droits de succession.

L’impôt sur les mutations à titre gratuit, rendu progressif sous la IIIe République par la loi du 25 février 1901, a pour objet d’imposer les héritages, considérés comme une prime toujours grandissante aux mains de ceux qui n’ont pas travaillé à les constituer.

La réforme opérée sur ce point par la loi du 21 août 2007 organise en conséquence un nouvel équilibre entre taxation et transmission, puisqu’elle organise notamment le relèvement des abattements au profit des enfants de 50 000 à 150 000 euros, l’abattement global de 50 000 euros étant supprimé.

Profonde dégradation des comptes publics, accroissement des inégalités de revenus et de patrimoines, organisation systématique d’une fiscalité favorisant la détention du capital plus que l’exercice d’un travail, c’est à cette triple dérive que notre proposition de loi tente de mettre fin. Sachant par expérience qu’il faut prêcher longtemps avant d’être entendu, je connais déjà le sort que vous allez lui réserver. Mais elle s’inscrit dans la pédagogie politique : l’essentiel est de présenter des propositions claires à nos concitoyens. En les rejetant, vous contribuerez à la clarification du débat politique.

M. le président Didier Migaud. Si, comme on le dit, la pédagogie est l’art de la répétition, nous devons reconnaître en vous un grand pédagogue.

Nous allons maintenant examiner les articles de la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Titre I : MESURES DE JUSTICE FISCALE

Article premier

(Article 1er du code général des impôts)

Abrogation du bouclier fiscal

Le bouclier fiscal a été créé par l’article 74 de la loi de finances pour 2006 (8) et renforcé par l’article 11 de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (9). Ainsi, aux termes du premier alinéa de l’article 1er du code général des impôts « les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus ».

Depuis le 1er janvier 2008, le bouclier fiscal inclut les prélèvements sociaux (CSG et CRDS).

L’article 1649-0 A du code général des impôts définit, pour les contribuables domiciliés fiscalement en France, un droit à restitution de la fraction des impositions excédant le seuil de 50 % précité. La restitution du « trop d’impôt » peut être demandée par le contribuable au 1er janvier de l’année suivant le paiement des impositions dont il est redevable, et avant le 31 décembre de l’année suivant celle du paiement des impositions.

Le présent article propose d’abroger le bouclier fiscal. En effet, alors que le Président de la République et le Gouvernement justifient l’existence de ce dispositif en avançant qu’il bénéficie surtout à des contribuables modestes et qu’il empêche à l’impôt d’être confiscatoire en prélevant plus de la moitié des revenus tirés du travail, il apparaît en réalité que ce dispositif favorise plus particulièrement les contribuables détenant les patrimoines les plus élevés.

Le tableau suivant présente la ventilation des bénéficiaires du bouclier fiscale par décile de revenu fiscal de référence et par tranche de patrimoine.

Derrière l’apparente évidence du discours présidentiel pendant la campagne électorale (« Nul ne paiera au fisc plus que la moitié de ce qu’il a gagné ») se cache un dispositif dangereux, qui favorise outrageusement les ménages fortunés au détriment des contribuables les plus modestes, favorise les comportements d’optimisation fiscale et remet en cause la justice fiscale.

VENTILATION DES BÉNÉFICIAIRES DU BOUCLIER FISCAL 2008 PAR DÉCILE DE REVENU FISCAL DE RÉFÉRENCE ET PAR TRANCHE
DE PATRIMOINE EN NOMBRE DE CONTRIBUABLES, MONTANT RESTITUÉ, MOYENNE DE REMBOURSEMENT
ET MOYENNE DES IMPÔTS CONCERNÉS PAR LE BOUCLIER FISCAL

Déciles de revenu fiscal de référence

Patrimoine < 760 000

Patrimoine

< 1 220 000

Patrimoine

< 2 420 000

Patrimoine

< 3 800 000

Patrimoine

< 7 270 000

Patrimoine

< 15 581 000

Patrimoine

> 15 581 000

Total

<3 263 euros

Redevables concernés

8 124

150

150

80

70

38

20

8 633

Impact budgétaire

4 342 511

454 186

771 078

914 701

1 912 432

2 606 799

5 724 623

16 726 330

Moyenne de remboursement

595

3 028

5 141

11 434

27 320

66 841

288 231

1 937

Moyenne tous impôts

559

4 338

6 111

15 024

35 564

63 045

297 989

2 329

Entre 3 263 et 7 338 euros

Redevables concernés

83

35

108

37

25

11

7

306

Impact budgétaire

73 819

59 981

536 037

340 822

561 569

516 219

1 642 912

3 733 379

Moyenne de remboursement

669

1 714

4 983

9 211

22 464

47 111

234 702

12 201

Moyenne tous impôts

1 985

4 768

6 673

14 783

28 779

65 303

260 236

16 657

Entre 7 338 et 10 315 euros

Redevables concernés

26

13

77

16

17

6

4

161

Impact budgétaire

17 982

12 924

476 135

150 552

299 055

312 182

1 098 908

2 367 738

Moyenne de remboursement

692

994

6 164

8 364

17 591

52 030

274 727

14 706

Moyenne tous impôts

2 319

5 383

10 022

14 868

27 765

65 969

313 005

20 431

Entre 10 315 et 12 991 euros

Redevables concernés

17

4

41

24

26

5

5

122

Impact budgétaire

16 600

13 316

190 578

177 623

524 408

253 269

1 114 083

2 292 077

Moyenne de remboursement

1 094

3 329

4 648

7 408

20 170

50 654

222 617

16 788

Moyenne tous impôts

2 279

7 718

10 917

17 469

26 303

61 981

232 802

25 789

Entre 12 991 et 15 484 euros

Redevables concernés

16

2

23

26

20

3

4

96

Impact budgétaire

18 961

8 022

82 399

279 668

364 399

165 401

782 090

1 700 940

Moyenne de remboursement

1 185

4 011

3 563

9 988

18 220

56 134

195 523

17 718

Moyenne tous impôts

3 327

5 857

12 266

15 849

30 694

71 179

207 364

26 377

Entre 15 484 et 18 687 euros

Redevables concernés

14

3

42

31

22

11

3

126

Impact budgétaire

15 429

55 776

185 502

288 729

314 778

624 791

646 442

2 313 448

Moyenne de remboursement

1 102

16 592

3 941

9 314

14 306

56 799

262 814

18 361

Moyenne tous impôts

4 342

26 117

13 302

20 111

26 744

71 581

307 838

28 735

Entre 18 687 et 23 610 euros

Redevables concernés

9

5

46

44

45

10

9

168

Impact budgétaire

20 719

36 935

176 930

499 060

639 132

567 396

1 830 355

3 970 527

Moyenne de remboursement

2 302

7 387

3 646

11 342

16 647

56 740

203 373

23 634

Moyenne tous impôts

5 011

8 509

14 992

22 505

32 456

94 447

232 668

37 302

Entre 23 610 et 30 304 euros

Redevables concernés

13

1

30

54

49

25

11

183

Impact budgétaire

20 776

2 009

128 484

464 677

777 639

1 202 884

2 075 965

4 672 454

Moyenne de remboursement

1 598

2 009

4 283

8 605

15 870

46 115

188 726

25 533

Moyenne tous impôts

6 422

10 246

17 480

24 519

32 834

80 247

256 791

45 803

Entre 30 304 et 42 507 euros

Redevables concernés

11

2

24

100

110

47

15

309

Impact budgétaire

11 452

16 871

76 722

700 666

2 005 802

1 979 597

3 385 108

8 176 438

Moyenne de remboursement

1 041

8 436

3 197

7 009

18 235

42 119

225 674

26 461

Moyenne tous impôts

7 758

9 663

18 295

26 266

41 242

66 294

252 238

47 575

> 42 507 euros

Redevables concernés

25

9

44

310

466

1 284

756

3 694

Impact budgétaire

297 669

273 518

777 279

3 663 840

33 104 807

85 641 432

288 627 478

412 385 823

Moyenne de remboursement

11 907

30 391

17 665

11 819

22 582

66 699

361 762

105 903

Moyenne tous impôts

54 540

174 832

112 507

100 478

112 639

227 824

746 516

272 485

TOTAL

Redevables concernés

8 338

224

585

726

1 850

1 441

634

13 998

Impact budgétaire

4 837 918

933 538

3 381 144

7 480 758

40 703 842

93 871 970

307 129 984

458 339 153

Moyenne de remboursement

560

4 168

5 780

10 304

22 002

65 144

366 261

32 743

Moyenne tous impôts

676

11 854

18 528

54 650

96 407

211 208

701 462

80 597

Source : fichier Erica et Iliad contentieux (situation au 12/02/2009)

I.– UN DISPOSITIF OUTRAGEUSEMENT FAVORABLE
AUX MÉNAGES TRÈS AISÉS

Pour légitimer le bouclier fiscal, la majorité a tenté de mettre en avant le nombre des bénéficiaires modestes de ce mécanisme. Ceux-ci sont des contribuables dont les revenus sont modiques, mais dont l'imposition sur le patrimoine, qui se résume le plus souvent à la taxe foncière sur le logement dont ils sont propriétaires, peut représenter une part importante du revenu.

Mais ils restent très peu nombreux : 8 338 personnes (0,02 % des 35,6 millions de foyers fiscaux français), même s'ils représentent effectivement 60 % des bénéficiaires du bouclier.

Surtout, ils représentent une part très faible du coût du bouclier : alors qu'ils représentent près des deux tiers des bénéficiaires, comme le rappelle la majorité, ils se partagent 1 % seulement du coût de la mesure. Cette part a été divisée par 2 entre 2007 et 2008 (du fait de l’inclusion des contributions sociales dans le bouclier), passant de 9,6 millions à 4,84 millions d’euros.

On notera par ailleurs que leur cas était de toute façon pris en compte avant la mise en place du bouclier fiscal : comme l'a confirmé le Ministre du budget Éric Woerth, ces cas faisaient auparavant l'objet de remises gracieuses compte tenu de la situation des contribuables.

Cette situation s’explique aisément : il est quasiment impossible d'atteindre la limite prévue par le bouclier fiscal au titre de ses revenus salariaux et de leur imposition. En réalité, le bouclier fiscal ne joue qu'à raison de la détention d’un patrimoine important.

A l’opposé de ce que prétendait la majorité pour justifier la réforme du bouclier fiscal, la loi TEPA a ainsi conduit à le rendre encore plus injuste. Le coût a doublé pour les contribuables les plus aisés et il a été divisé par deux pour les bénéficiaires du bouclier non assujettis à l’ISF.

C’est en effet la possession d’un patrimoine très important qui permet de bénéficier à plein du bouclier fiscal. Les données de l'INSEE sur les patrimoines doivent être rappelées (10) : fin 2003, 10 % des ménages possédaient un patrimoine brut inférieur à 900 euros. Pour les 10 % les plus riches, il était en revanche supérieur à 380 000 euros, soit environ 400 fois plus élevé. Le patrimoine moyen des ménages est de 194 460 euros, et le patrimoine médian de 112 180 euros en 2003.

Les 756 redevables détenteurs d’un patrimoine supérieur à 15,581 millions d’euros et d’un revenu supérieur à 42 507 euros perçoivent, en moyenne, un chèque du Trésor public de 362 000 euros, pour un impact budgétaire de 289 millions d’euros (soit 63 % du coût de la mesure) : en d’autres termes, le vingtième des bénéficiaires du dispositif se partage près des deux tiers du coût du bouclier fiscal.

II.– UN DISPOSITIF FAVORISANT LES COMPORTEMENTS
D’OPTIMISATION FISCALE

En effet, les revenus pris en compte au dénominateur sont constitués par :

– les revenus nets soumis à l’impôt sur le revenu;

– les produits soumis à un prélèvement libératoire ;

– les revenus exonérés d’impôt réalisés au cours de la même année en France ou hors de France.

Par ailleurs, peuvent être imputés, en diminution de ces revenus :

– les déficits catégoriels imputables sur le revenu global ;

– les pensions alimentaires ;

– les cotisations ou primes versées au titre de l’épargne retraite facultative qui sont déductibles du revenu global.

Enfin, parmi les revenus d’épargne soumis à l’impôt sur le revenu dont le prélèvement n’intervient qu’au terme du dénouement d’un contrat (comptes d’épargne-logement, plans d’épargne populaire et bons de capitalisation, et placements de même nature, autres que ceux en unités de comptes, c’est-à-dire en euros), le 6 de l’article 1649-0 A du code général des impôts prévoit que ces revenus sont pris en compte dans le calcul du plafonnement « à la date de leur inscription en compte ».

Les modalités du bouclier fiscal conduisent donc à des comportements d’optimisation fiscale permettant de diminuer le revenu pris en compte pour le calcul du ratio entre l’impôt payé et le revenu fiscal de référence : ainsi, en 2008, 36 contribuables d’un capital supérieur à 15,581 millions d’euros ne disposaient-ils que d’un revenu fiscal inférieur à 1 100 euros…

Cette situation résulte du fait que le revenu retenu pour le calcul du bouclier fiscal n’est pas le revenu « réel » du contribuable, mais un revenu qui a été diminué du fait de l’usage de déficits ou de dispositifs fiscaux dérogatoires (niches fiscales), et notamment des niches d’assiettes non plafonnées.

On notera par ailleurs, pour les contribuables qui retirent des revenus complémentaires et réguliers (rachats partiels) de leurs contrats d’assurance-vie, qu’ils soient mono supports en euros ou multi supports, que seule une partie des retraits effectués est considérée comme une plus-value et donc à déclarer au titre des revenus pour l’application du bouclier fiscal. Conformément à la réglementation, chaque rachat comporte en effet une partie de capital et une partie d’intérêts.

La majorité soutiendra que plusieurs niches d’assiette, qui réduisent le revenu imposable, ont été mieux encadrées par la loi de finances pour 2009 (11) : c’est le cas notamment du dispositif « loueurs meublés professionnels ». D’autres ont été transformés en réduction d’impôt (le nouveau dispositif « Scellier » d’investissement immobilier locatif, le dispositif « Malraux »), restreignant ainsi la possibilité pour des contribuables de réduire artificiellement leur revenu pour le calcul du bouclier fiscal.

Cependant, plusieurs dispositifs permettront toujours de diminuer son revenu imposable dans des proportions parfois très importantes. On citera notamment :

– le dispositif « monuments historiques », qui permet de minorer son revenu imposable sans aucune limite ;

– les revenus placés pour se constituer une retraite par capitalisation, qui sont déduits du revenu pour le calcul du bouclier ;

– les plus-values de cessions sur les valeurs mobilières pour les cessions inférieures à 25 000 euros et toutes les plus-values immobilières exonérées d’impôt sur le revenu ;

– enfin, les revenus tirés du rachat partiel de contrats d’assurance-vie

Au demeurant, cette réforme ne prendra effet pour le calcul du bouclier fiscal qu’en 2010.

III.– UN DISPOSITIF QUI REMET EN CAUSE LA JUSTICE FISCALE

Le bouclier fiscal pose avec une acuité particulière la question de la justice fiscale car les bénéficiaires de ce dispositif sont exonérés de facto de toute hausse de la fiscalité.

Cette question a fait l’objet d’un débat nourri à l’occasion de la discussion de la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion (12). En effet, le financement du dispositif s’est fait notamment au moyen de l’instauration d’une contribution additionnelle à la CSG et à la CRDS assise sur le patrimoine, dont le taux a été fixé à 1,1 % et qui a été incluse dans le calcul du bouclier. Les contribuables aisés en ont donc été exemptés : la majorité a alors tenté de s’exonérer de sa responsabilité en plafonnant globalement les niches fiscales : or, par définition, les bénéficiaires du bouclier fiscal ne sont pas concernés par le plafonnement des « niches fiscales » (quelle qu’en soit la nature) puisque l’augmentation de leur imposition est neutralisée par l’effet du bouclier. Les actuels bénéficiaires du bouclier fiscal sont donc exonérés de tout prélèvement supplémentaire.

Comme le rappelait M. Pierre-Alain Muet, rapporteur de la proposition de loi relative aux hauts revenus et à la solidarité (13) : « Si, compte tenu de l’alourdissement de la dette de l’État, une hausse de la fiscalité devait être envisagée à terme, le bouclier fiscal permettrait aux plus aisés d’être exonérés de cet appel à la solidarité nationale ».

Ce constat est partagé par le Rapporteur général de la commission des finances du Sénat, M. Philippe Marini, qui souligne, dans un rapport sur une proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal et moraliser certaines pratiques des dirigeants de grandes entreprises en matière de revenus (14) : « votre Rapporteur général reconnaît que l’application de l’actuel dispositif de « bouclier fiscal » pourrait présenter des effets pervers dans certaines situations, par exemple en cas de nécessité d’augmenter des impôts. (…) Ce sujet pourrait (…) se poser de manière plus générale si, à l’issue de l’actuelle crise économique et financière, la gestion de l’augmentation de la dette publique impliquait un alourdissement de la fiscalité. Il paraîtrait alors difficilement acceptable de ne pas faire participer les plus favorisés de nos compatriotes à l’effort national du fait de l’existence du bouclier fiscal. »

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, lors de son audition par la commission des Finances, le 4 mars dernier, à l’occasion de la remise d’un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité du patrimoine, partage cette analyse en affirmant : « Si l’on assistait à un mouvement général de hausse des prélèvements dans le monde et plus particulièrement en Europe, le conseil des prélèvements obligatoires estime qu’il n’y a aucune raison pour que les bénéficiaires du bouclier y échappent. ».

La situation actuelle de notre pays à elle seule justifierait l’abandon du bouclier fiscal : en 2005 en France, le seuil de pauvreté se situait à un montant, pour une personne seule, de 817 euros, ce qui correspond, en termes de revenu disponible par ménage, à 1 226 euros par mois pour un couple, et 1 471 euros par mois pour un couple avec un enfant de moins de 14 ans. Selon cette définition de la pauvreté, la France comptait en 2005 7,1 millions de personnes pauvres, soit 12,1 % de sa population (un ménage sur huit). On remarque que le taux de pauvreté a cessé de baisser et s’est stabilisé autour de 12 % depuis la fin des années 1990, alors qu’il avait diminué régulièrement depuis les années 1970. La France se classe en dixième position parmi les 27 pays européens. Elle arrive en douzième position en ce qui concerne les inégalités de niveau de vie.

L’abrogation du bouclier fiscal constitue donc une mesure de justice fiscale, sociale, économique et morale.

Votre Rapporteur proposera d’abroger, outre l’article 1er du code général des impôts, qui prévoit, pour les contribuables domiciliés fiscalement en France, un droit à restitution de la fraction des impositions excédant le seuil de 50 % précité, l’article 1649-0 A du même code relatif aux modalités d’application de ce droit.

Il précise que la situation des ménages à revenus très modestes et bénéficiant du bouclier fiscal en raison du paiement de l’impôt de solidarité sur la fortune sur leur seule résidence principale ou des taxes foncières ou d’habitation afférentes à ce même domicile principal devront faire l’objet d’un examen particulier.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 1 de M. Gilles Carrez, tendant à supprimer l’article 1er.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Personne ne sera étonné que je demande la suppression de la suppression du « bouclier fiscal ».

L’article 1er du code général des impôts dispose que l’impôt ne peut être ni confiscatoire ni spoliateur. On ne peut pas supprimer ce principe. Quant à sa déclinaison, c’est un sujet dont nous aurons certainement à parler dans les prochains mois.

M. le rapporteur. En ne parlant que de l’article 1er du code général des impôts, M. le rapporteur général crée une ambiguïté. Dans l’amendement CF 1, je demande l’abrogation de l’ensemble du « bouclier fiscal ». Ce dernier n’existait pas auparavant et vous avez soutenu des gouvernements qui ont très bien vécu sans lui. Notre proposition n’est pas iconoclaste : elle vise simplement à réintroduire plus de justice fiscale.

M. le rapporteur général. Je vais résumer la discussion que nous avons déjà eue sur le récent rapport de M. Pierre-Alain Muet.

Le « bouclier fiscal » existe à cause de l’ISF. Lorsque, après avoir été supprimé en 1986, l’impôt sur les grandes fortunes a été rétabli sous forme d’ISF en 1988, il a été immédiatement accompagné d’une disposition protectrice – qui s’est appelée « plafonnement » et dont le principe est le même que celui du « bouclier » – pour que cet impôt ne soit pas spoliateur : cette disposition consistait à faire en sorte qu’un contribuable ne puisse pas payer, sous forme d’ISF, d’une part, d’impôt sur le revenu, d’autre part – et, un an plus tard, de CSG – plus de 70 % de son revenu. Je suis personnellement opposé à l’inclusion de la CSG dans le dispositif. Mais c’est un autre sujet dont nous débattrons ultérieurement. Pour le reste, nous n’avons fait que reprendre une disposition mise en place par la majorité socialiste de l’époque pour appliquer un principe auquel le président de la commission des finances ne peut que souscrire.

M. le président Didier Migaud. N’est-il pas contradictoire de rendre ainsi hommage à la gauche tout en l’accusant de vouloir un impôt confiscatoire ? Cela étant, le plafonnement mis en place par la gauche et le « bouclier fiscal » sont de natures différentes, notamment en raison de la définition du revenu imposable.

M. le rapporteur général. Certains fiscalistes sont d’accord pour supprimer à la fois l’ISF et le « bouclier fiscal », qui sont tous deux des spécificités françaises. Le manque à gagner serait compensé par une augmentation de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu et un aménagement de la fiscalité du patrimoine en suivant les pistes indiquées par le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires. Il n’y aurait que des avantages à mener ensemble, en dehors de toute polémique, une réflexion sur la modernisation de notre fiscalité en s’inspirant de ce qui existe ailleurs en Europe.

M. le président Didier Migaud. Lier la suppression du « bouclier fiscal » à celle de l’ISF est contestable. Dire que l’impôt sur la fortune n’existe pas ailleurs, c’est à la fois vrai et faux. Ainsi, les États-Unis pratiquent une imposition locale lourde. En tout cas, il y a sûrement une réflexion à conduire en commission des Finances sur ce que doit être la fiscalité du patrimoine.

M. René Couanau. Les lignes finiront forcément par bouger : opposer aujourd’hui un veto de principe serait vain. J’espère que la prochaine loi de finances sera l’occasion d’ouvrir un débat approfondi.

L’un des grands torts du « bouclier fiscal », c’est son nom. L’avoir présenté comme un but de la démocratie dont l’une des conquêtes a précisément été l’impôt contributif a été une première erreur. La seconde a consisté à confondre l’impôt sur le patrimoine et celui sur le revenu. Les circonstances ayant changé, il faut revoir une position qu’on a eu le tort d’affirmer trop solennellement dans le code général des impôts.

M. Thierry Carcenac. Certes, l’impôt calculé en fonction des capacités contributives des citoyens sert à faire fonctionner l’État, mais il a aussi un rôle redistributif auquel les taxes sur le foncier bâti, l’ISF ou les droits de succession participent. Le souci de justice fiscale conduit à les réformer. Le « bouclier fiscal » pose le problème de la définition du revenu imposable proprement dit. L’examen d’une centaine de cas concrets suffirait à montrer qu’il bénéficie à des personnes ne payant que l’ISF.

M. Jean-Pierre Gorges. Le « bouclier fiscal » et l’ISF sont étroitement liés. La gauche attend que nous bougions sur l’ISF pour en faire une exploitation politique. Je m’interroge sur l’impact qu’aura la crise sur le nombre de déclarations et leur fiabilité, notamment en termes d’estimation des valeurs immobilières. Le vrai problème, c’est la TVA. À quoi rime de tenter de grappiller quatre sous grâce à l’impôt sur le revenu alors que fleurissent les propositions pour appliquer le taux réduit, à la restauration par exemple ? Les solutions envisagées ne sont pas à la hauteur de la situation.

M. le président Didier Migaud. Le débat sur l’ISF est en effet inévitable, ne serait-ce que parce que les valeurs immobilières et mobilières ont baissé.

M. le rapporteur. Nous aurons au moins gagné d’en discuter, et sur un ton propice à une « refondation » – selon le propre terme du Président de la République – de la fiscalité, qui est un pilier du contrat social. Nous pouvons obtenir une forte adhésion si le système fiscal est transparent et juste, et s’il finance des politiques que les gens comprennent. La suppression du « bouclier fiscal » créerait les conditions de l’indispensable renouvellement du contrat social.

Quant à copier ce qui se fait à l’étranger, encore faudrait-il comparer ce qui est comparable. Le mimétisme ne fait jamais une politique, sauf pour les invertébrés. Puisque nous en sommes aux références paradoxales, je vous renvoie à la politique d’Alain Juppé sur l’ISF, qui a plafonné le plafonnement, beaucoup plus radicale que celles des socialistes.

Il faut refondre notre fiscalité, l’IRPP comme l’ISF, et protéger les petits contribuables, ce que nos collègues de l’UMP et le Gouvernement savent pertinemment – ne dénoncent-ils pas la situation injuste dans laquelle se trouve le malheureux petit propriétaire de l’île de Ré ?

Les débats fiscaux, tel celui lancé par Joseph Caillaux, sont toujours un moment fort de la vie démocratique et je suis d’accord pour ne pas dissocier l’ISF des autres impôts. Vous n’avez qu’à vous servir de votre droit d’amendement à bon escient même si nous ne serons jamais d’accord sur la position du curseur. L’impact de la crise de l’immobilier sera d’autant plus fort à cause de l’abattement de 30 % sur la résidence principale, qui est illégitime parce qu’il est proportionnel. L’IRPP, qui représente moins de 20 % des recettes fiscales du pays, est devenu injuste.

M. Jean-Michel Fourgous. Avec notre collègue Olivier Dassault, je viens de faire le tour du monde pour rencontrer les capitalistes : ceux qui ont de l’argent. Certains fonds pèsent jusqu’à 850 milliards de dollars. Ce sont eux qui ont le plus perdu car la crise a frappé de plein fouet le « haut du panier ».

Nous sommes les meilleurs clients des fonds souverains. La France ne peut donc pas être ultra-déficitaire et tenir un discours contre le capital. Il faut choisir !

Aujourd’hui, la matière première dont on a le plus besoin, ce n’est plus le pétrole, c’est le capital. Il fait la richesse d’un pays puisque le rendement des capitaux investis est supérieur au taux de croissance. Nos PME étant sous-capitalisées par rapport à leurs concurrentes, la casse continuera même si la crise se termine. Il y a 300 milliards d’euros dehors à cause de choix fiscaux auxquels vous avez participé, ainsi que M. Juppé, que par ailleurs j’admire beaucoup. Mais plafonner le plafonnement en pleine guerre mondiale économique a fait fuir de notre pays 100 milliards d’euros, dont on aurait pourtant bien besoin.

À quoi repère-t-on les incompétents dans les conseils d’administration ? À ce qu’ils parlent idéologie ou morale. La guerre est aujourd’hui économique. Et l’enjeu, c’est d’attirer les talents et les capitaux. Un point, c’est tout !

La Commission adopte l’amendement CF 1. En conséquence, l’article 1er est supprimé et l’amendement CF 13 de M. Jean-Pierre Brard n’a plus d’objet.

Article 2

(Article 197 du code général des impôts)

Modification du barème de l’impôt sur le revenu

Les précédentes années ont été marquées par une diminution de la progressivité et du rendement de l’impôt sur le revenu. Ce mouvement continu résulte de trois phénomènes majeurs :

– la quasi-totalité des revenus de l’épargne peut désormais être imposée à un taux proportionnel (prélèvement forfaitaire libératoire ou PFL).

Les revenus mobiliers, à l’exception des revenus exonérés, et notamment les produits de placement à revenu fixe, les produits d’assurance-vie et les dividendes depuis 2008 peuvent être, au choix du contribuable, imposés au taux général du barème ou à un taux généralement fixé à 18 % (auquel s’ajoutent 12,1 % de prélèvements sociaux, soit, dans la plupart des cas, un taux global d’imposition de 30,1 %) : cette option est avantageuse dès lors que le taux marginal d’imposition du contribuable est supérieur à 30,1 %. Ce sont évidemment les catégories les plus aisées, dont le taux marginal d’imposition est le plus élevé, qui y ont le plus intérêt et qui bénéficient le plus de tels revenus : les 10 % des ménages ayant le revenu fiscal de référence le plus élevé ont concentré 79 % des revenus du patrimoine en 2007 (15).

– les niches fiscales se sont multipliées.

Le revenu retenu comme revenu imposable (ou pour le calcul du bouclier fiscal) n’est pas le revenu « réel » du contribuable, mais un revenu qui a été diminué notamment du fait de l’usage de dispositifs fiscaux dérogatoires (niches fiscales) et notamment des niches d’assiettes non plafonnées. La mission d'information que le président (PS) de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Didier Migaud, et son rapporteur général, l'UMP Gilles Carrez, ont mis sur pied en 2008 avec Jérôme Cahuzac (PS, Lot-et-Garonne), Charles de Courson (Nouveau Centre, Marne), Gaël Yanno (UMP, Nouvelle-Calédonie) et votre Rapporteur, ont recensé 486 niches fiscales, contre 418 en 2003. En cinq ans, leur coût est passé de 50 milliards d'euros à 73 milliards d’euros. Elles représentaient en 2008 près de 27 % des recettes fiscales nettes de l'État. Ces dépenses remettent en cause la progressivité de l'impôt sur le revenu et, parfois, son existence même.

Un certain nombre de contribuables actionnent en effet massivement des « niches fiscales » (16) leur permettant de réduire « optiquement » leur revenu servant à calculer leur revenu imposable ou de base au bouclier fiscal.

Ainsi, le rapport d’information de la commission des Finances sur les niches fiscales (17) constate que 595 550 foyers ont imputé des déficits fonciers ou des déficits industriels et commerciaux sur leur revenu global 2006 pour un montant moyen de 6 932 euros, que 90 % de ces foyers ont imputé un déficit inférieur ou égal à 10 700 euros, plafond d’imputation de droit commun des déficits fonciers, dont 88 300 (soit 15 % de la population totale) ont imputé un déficit égal à 10 700 euros et près de 60 000 foyers ont donc imputé un déficit supérieur à 10 700 euros. La moitié d’entre eux ont imputé un déficit inférieur à 20 234 euros et 1 %, soit 595 foyers, ont imputé un déficit supérieur à 219 000 euros et dont le montant moyen a été de 406 287 euros. Le contribuable ayant imputé le montant le plus élevé de déficit foncier et/ou industriel et commercial a réduit, à ce titre, son revenu global de 5 395 102 euros.

– les taux du barème ont été progressivement diminués.

La législature 2002-2007 aura été marquée par les « aménagements » du barème : baisses de 5 % en 2002, de 1 % en 2003 et de 3 % en 2004.

Plus encore, la refonte du barème de l’impôt sur le revenu pour 2007 (revenus 2006) a montré que la France entendait prendre une longueur d’avance dans la compétition fiscale en sacrifiant, de fait, l’objectif d’une harmonisation fiscale dans l’Union européenne qu’elle aurait dû avoir la responsabilité de porter en tant que membre fondateur de la communauté européenne. Le manque à gagner pour nos finances publiques s’est élevé à 3,6 milliards d’euros.

Le Gouvernement et sa majorité ont ainsi mis en œuvre une réforme d’ampleur de l’impôt sur le revenu fondée sur :

– la diminution de l’impôt sur le revenu acquitté par les contribuables, principalement ceux des classes supérieures, en vue, prétendument, de renforcer l’attractivité de notre territoire pour les hauts revenus d’activité ;

– la simplification de l’impôt sur le revenu, s’appuyant sur le prétexte de l’intégration de l’abattement de 20 % dont bénéficiaient la très grande majorité des revenus déclarés dans les taux du barème, par la diminution du nombre de tranches du barème de 7 à 5, et une prétendue meilleure lisibilité des taux applicables.

Le barème de l’impôt sur le revenu aura connu un resserrement spectaculaire en moins de 20 ans. En 1986, il comprenait 13 tranches et le taux marginal était de 65 %. En 1994, il est passé à 7 tranches avec un taux marginal de 56,8 %, ramené à 48,09 % en 2004. Il est aujourd’hui de 5 tranches, avec un taux marginal de 40 %. Le mouvement vers un impôt proportionnel est clairement en marche, compte tenu notamment de l’institutionnalisation la Contribution sociale généralisée, qui a d’ores et déjà un rendement supérieur à celui de l’impôt sur le revenu.

Aujourd’hui, l’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 5 852 euros le taux de  5,5 % pour la fraction supérieure à 5 852 euros et inférieure ou égale à 11 673 euros, 14 % pour la fraction supérieure à 11 673 euros et inférieure ou égale à 25 926 euros, 30 % pour la fraction supérieure à 25 926 euros et inférieure ou égale à 69 505 euros et  40 % pour la fraction supérieure à 69 505 euros.

Or, pour qu’un impôt soit véritablement progressif, il faut qu’un contribuable bénéficiant de revenus élevés paie proportionnellement plus d’impôt que celui disposant de revenus plus modestes. Il est exprimé à l’aide de taux (appelés « taux marginaux ») par tranche de revenu. L’impôt total est égal à la somme des impôts sur les différentes tranches de revenu. Les taux marginaux du barème de l’impôt sur le revenu ne sont pas les taux moyens appliqués à la totalité du revenu. Par exemple, un contribuable avec des revenus très élevés paiera certes un impôt important sur la partie la plus élevée de son revenu (c’est-à-dire sur le montant d’euros situé dans la dernière tranche), mais le taux moyen appliqué à l’ensemble du revenu sera bien inférieur à ce taux marginal supérieur, puisque l’on applique des taux plus faibles à chacune des tranches plus basses de son revenu.

Or la résultante des trois mouvements précédemment décrits est la faible progressivité du système fiscal français, dans lequel l’impôt sur le revenu ne représente que 18,9 % des recettes.

La présente proposition de loi aménage en conséquence le barème applicable en retenant quelques lignes directrices :

– la limite d’exonération est maintenue (5 852 euros par part de revenu) ;

– la première tranche (5,5% pour les revenus compris entre 5 852 et 11 673 euros) demeure inchangée ;

– la deuxième tranche (14%) est limitée aux revenus inférieurs à 15 600 euros ;

– il est créé sept tranches supplémentaires aux taux de 18 % (revenus inférieurs à 19 301 euros), 25,8 % (revenus inférieurs à 25 927 euros), 34,5 % (revenus inférieurs à 35 501 euros), 44,5 % (revenus inférieurs à 52 994 euros), 49,7 % (revenus inférieurs à 69 506 euros) et 54,8 % (revenus supérieurs à cette somme).

On rappellera que le revenu considéré s’entend du revenu global imposable par part, et non des revenus effectivement perçus, qui sont diminués des charges les grevant d’une part, des déficits imputables d’autre part, ainsi que, le cas échéant, des charges du revenu global (telles les pensions alimentaires).

On soulignera que l’augmentation proposée des tranches d’imposition reste relative : ainsi, le taux marginal de l’impôt sur le revenu en France a été constamment égal ou supérieur à 54,8 % de 1945 à 1995, alors que de nombreux États, souvent réputés plus libéraux que la France, n’ont pas hésité à instaurer à titre temporaire des taux marginaux nettement plus élevés.

La proposition vise donc à stopper, par le seul jeu de la détermination des tranches et des taux, la baisse continue du poids relatif de l’impôt sur le revenu, en faisant participer les citoyens français à hauteur de leurs facultés contributives respectives. L’augmentation proposée permettra de traduire, dans le droit positif, le principe énoncé à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen : « Pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. ».

*

* *

La Commission examine l’amendement CF 2 de M. Gilles Carrez, visant à supprimer l’article 2.

M. Marc Le Fur. L’amendement tend à supprimer l’article qui prévoit la création de cinq tranches supplémentaires d’imposition des revenus et le relèvement des taux.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Faire rimer morale et incompétence ne manque pas de sel dans votre bouche, monsieur Fourgous, vous qui soutenez un Président qui veut moraliser la vie financière. Je reconnais que nous avons besoin du capital comme levier. La science économique n’est pas de l’idéologie. Après avoir rencontré le « haut du panier », venez donc visiter le bas dans le quartier du Bel-Air à Montreuil, dont vous êtes natif, et où je vous prédis un franc succès !

La Commission adopte l’amendement CF 2. En conséquence, l’article 2 est supprimé et l’amendement CF 14 de M. Jean-Pierre Brard n’a plus d’objet.

Article 3

Majoration de l’impôt sur la fortune

I.– UN IMPÔT SUR LE PATRIMOINE : LES RÈGLES AFFÉRENTES À L’IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE (ISF)

Impôt direct payé annuellement sur la base d’une déclaration effectuée en juin évaluant le patrimoine détenu au 1er janvier de l’année, l’ISF porte sur l’ensemble des biens, droits et valeurs qui, à cette date, composent le patrimoine du redevable, sous déduction des dettes grevant ce patrimoine. Il est, en général, assis et recouvré selon les mêmes règles que les droits de succession.

A.– LES REDEVABLES DE L’IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE

Seules les personnes physiques (18) dont le patrimoine dépasse la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt de solidarité sur la fortune, fixé à l’article 885 U du code général des impôts, sont passibles de cet impôt. Il est dû sur la totalité du patrimoine situé sur le territoire français (hors territoires d’outre-mer) ou à l’étranger si le redevable est fiscalement domicilié en France, quelle que soit sa nationalité.

La notion de domicile fiscal est identique à celle retenue pour l’impôt sur le revenu s’agissant des règles de territorialité.

L’article 885 E du code général des impôts prévoit que l’impôt est établi sur l’ensemble du patrimoine du foyer familial. De ce point de vue, la notion de foyer fiscal diverge, s’agissant donc de sa composition, de celle retenue pour l’application de l’impôt sur le revenu. Le foyer fiscal à retenir pour l’imposition au titre de l’ISF comprend le redevable et éventuellement son conjoint, quel que soit leur régime matrimonial, ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS), ou encore son concubin notoire.

La spécificité de la notion de foyer fiscal pour le calcul de l’impôt de solidarité sur la fortune tient à ce que le législateur a considéré que sa composition n'avait pas, pour la détermination de la capacité contributive de celui-ci, la même incidence qu'en matière d'impôt sur le revenu, d’où le principe d'une imposition par foyer sans application d’un mécanisme de quotient familial et l’assimilation des concubins notoires ou des pacsés aux couples mariés. Cela étant, la cotisation d'ISF est néanmoins réduite d'un montant maximal de 150 euros par personne à charge du redevable au sens des articles 196 et 196 A bis du code général des impôts. Cette approche se justifie par le fait qu’il s’agit d’un impôt sur le patrimoine, et non sur les revenus, patrimoine qu’il convient d’appréhender dans son ensemble, quelle que soit sa répartition au sein du foyer.

B.– LE PATRIMOINE IMPOSABLE ET SA VALORISATION

L’impôt de solidarité sur la fortune porte sur l’ensemble des biens, droits et valeurs composant le patrimoine du foyer. Néanmoins, certains éléments ne sont pas pris en compte dans son assiette ou bénéficient d’un abattement, qu’il convient au préalable de rappeler :

– sont exclus du champ de l’impôt les biens ayant le caractère de biens professionnels, les bons anonymes, les objets d’antiquité, d’art et de collection, les droits de la propriété littéraire, artistique ou industrielle, les pensions de retraites et rentes viagères assimilées constituées dans le cadre d’une activité professionnelle, les placements financiers, les indemnités ou rentes allouées à titre de réparation de dommage corporel, les concessions funéraires, les prestations compensatoires versées par l’ex-époux sous la forme d’une rente viagère assimilable à une créance alimentaire, les indemnités d’expropriation pour cause d’utilité publique non définitivement fixées, les dépôts de garantie reçus par un bailleur de son locataire, les contrats d’assurance non rachetables ;

– sont partiellement exonérés les bois et forêts, les parts de groupements forestiers, les biens ruraux loués à long terme, les parts de groupements fonciers agricoles, les parts ou actions, soit incluses dans un pacte d’actionnaire, soit détenues par un salarié ou un dirigeant, en activité ou à la retraite ;

– la résidence principale fait l’objet d’un abattement de 30 % depuis la loi dite TEPA du 21 août 2007.

La date d’évaluation du patrimoine, comme celle de sa définition, est celle du 1er janvier de l’année d’imposition. La valeur des biens est déterminée, pour l’essentiel, selon les règles prévues pour les successions, qui sont fondées sur la valeur vénale. Celle-ci s’entend du prix que le propriétaire pourrait retirer de la vente du bien considéré, compte tenu des données du marché, des caractéristiques physiques, économiques et juridiques de ce bien. Elle est fixée par la déclaration, estimative et détaillée, que souscrit le redevable, sous réserve du droit de contrôle de l’administration.

Les dettes grevant le patrimoine sont déductibles selon les mêmes règles qu’en matière de droits de succession. Elles doivent être certaines au 1er janvier de l’année d’imposition, être à la charge personnelle du redevable et être justifiées par tous modes de preuve compatibles avec la preuve écrite. Sont ainsi notamment admis en déduction : les impôts (19), les emprunts immobiliers pour un montant égal au capital restant dû, augmenté des intérêts échus et non payés et des intérêts courus, les découverts bancaires, les dettes envers des prestataires de service ou de travaux, le capital constitutif d’une rente viagère, les dépôts de garantie versés par un locataire au propriétaire, les pensions alimentaires résultant d’une décision judiciaire et les dettes professionnelles pour la fraction excédant la valeur des biens taxables et ne pouvant donc s’imputer sur cette dernière.

C.– DÉTERMINATION DU MONTANT DE LA COTISATION

Une fois la valeur du patrimoine déterminée, le tarif prévu à l’article 885 U du code général des impôts lui est appliqué. Les impôts sur la fortune acquittés à l’étranger sont déduits. La cotisation est le cas échéant réduite du montant de la réduction pour charge de famille précédemment évoquée. Le montant ainsi obtenu est celui dont est redevable l’assujetti, sauf à pouvoir bénéficier du mécanisme du plafonnement. Elle a également prévu, à compter de 2005, l’actualisation automatique des limites des tranches, dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

BARÈME APPLICABLE POUR LA CAMPAGNE DE L’ISF 2009

Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine

Taux

N’excédant pas 790 000 euros

0 %

Comprise entre 790 000 euros et 1 280 000 euros

0,55 %

Comprise entre 1 280 000 euros et 2 520 000 euros

0,75 %

Comprise entre 2 520 000 euros et 3 960 000 euros

1 %

Comprise entre 3 960 000 euros et 7 570 000 euros

1,30 %

Comprise entre 7 570 000 euros 16 480 000 euros

1,65 %

Supérieure à 16 480 000 euros

1,8 %

L’article 885 V bis du code général des impôts prévoit un mécanisme de plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune pour les seuls redevables de l’ISF qui ont leur domicile fiscal en France (20), consistant à réduire le montant obtenu de la différence entre :

– le total de cet impôt et des impôts dus en France et à l’étranger au titre des revenus et produits de l’année précédente ;

– et 85 % du total des revenus nets de frais professionnels soumis en France et à l’étranger à l’impôt sur le revenu au titre de l’année précédente et des produits soumis à un prélèvement libératoire de cet impôt.

Pour les redevables dont le patrimoine net taxable dépasse la limite supérieure de la troisième tranche du barème (soit 2 520 000 euros pour la campagne ISF 2009), la réduction obtenue par application du plafonnement prévu à l’article 885 V bis ne peut excéder une somme égale à 50 % du montant de la cotisation résultant du même article, ou, s’il est supérieur, le montant de l’impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du tarif de l’ISF. Cette limitation a pour but de limiter l’optimisation consistant à minorer artificiellement les revenus pour réduire considérablement l’impôt dû sur un patrimoine très élevé.

À compter du 20 juin 2007, le redevable peut bénéficier d’une réduction d’ISF à hauteur de 75 % de certains versements effectués, dans la limite de 50 000 euros. Sont concernés les investissements directs ou indirects dans les PME (50 % dans la limite de 20 000 euros lorsque les investissements sont réalisés via des fonds d’investissements) et les dons, pour l’essentiel, aux établissements de recherche ou d’enseignement, aux entreprises et associations d’insertion et aux fondations reconnues d’utilité publique.

En 2008, hors contrôle fiscal, déclarations tardives et non résidents, le nombre de redevables imposable s'élève à 565 000. Le produit de l'impôt correspondant est de 3,81 milliards d’euros.

II.– LA MESURE PROPOSÉE

La présente proposition de loi insère un article 885 U bis au code général des impôts, prévoyant de majorer de 15 % le montant de l’impôt dû pour les quatre premières tranches, et de 30 % pour les trois dernières.

L’inclusion de cette majoration dans un article additionnel au code et non directement dans le taux des tranches prévues à l’article 885 U montre qu’aux yeux de ses auteurs, la mesure revêt un caractère temporaire.

Le tableau ci-dessous montre l’évolution du produit de l’impôt par tranche d’actif net imposable.

ÉVOLUTION DU PRODUIT PAR TRANCHE D’ACTIF NET IMPOSABLE

(en millions d’euros)

Taux de la tranche

Bornes 2008

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Cotisation moyenne en €

0,55%

De 770 000 à 1 240 000 euros

166

186

227

260

308

308

1 097

0,75%

De 1 240 000 à 2 450 000 euros

591

691

818

971

1 143

1 034

4 791

1,00%

De 2 450 000 à 3 850 000 euros

343

399

465

557

661

564

13 259

1,30%

De 3 850 000 à 7 360 000 euros

370

431

491

582

696

575

29 613

1,65%

De 7 360 000 à 16 020 000 euros

284

313

348

419

517

507

90 925

1,80%

Supérieure à 16 020 000 euros

402

420

451

530

706

822

428 125

Total

 

2 156

2 440

2 800

3 319

4 031

3 810

6 732

Source : fichiers ISF

On peut naturellement en déduire que l’augmentation des quatre premières tranches produirait un rendement de 372,5 millions d’euros, celle des trois dernières de 1 541,7 millions d’euros.

Le rendement global de la mesure s’élèverait donc à près de 1,9 milliard d’euros, soit plus de 50 % du produit actuel de l’impôt.

Ce rendement estimé doit toutefois être minoré pour tenir compte de la diminution de la valeur de l’assiette imposable qui sera probablement constatée en 2009, en raison notamment de la crise des marchés boursiers et immobiliers.

Ce produit est estimé hors effet du plafonnement de l’impôt (que la proposition de loi ne remet pas en cause) et hors effet du bouclier fiscal (qu’elle se propose précisément d’abroger).

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 3 de M. Gilles Carrez, tendant à supprimer l’article 3.

M. Marc Le Fur. Nous sommes contre l’article 3 qui vise à relever les taux de chacune des tranches de l’ISF, y compris les plus basses.

M. le rapporteur. Avis défavorable à l’amendement.

La Commission adopte l’amendement CF 3. En conséquence, l’article 3 est supprimé.

TITRE II : LUTTE CONTRE LES PARADIS FISCAUX

Article 4

(Article L. 511-8 du code du code monétaire et financier)

Interdiction pour certaines sociétés d’exercer dans les paradis fiscaux

L'évasion fiscale ou la fraude caractérisée des personnes physiques et morales par le transfert de revenus dans des territoires fiscalement privilégiés et peu coopératifs, porte un préjudice économique et financier aux États qui doivent chercher à la prévenir, à la déceler et à la sanctionner.

I.– LA NOTION DE PARADIS FISCAL

La notion de paradis fiscal est à la fois objective et subjective. En effet, elle implique en premier lieu un niveau de fiscalité particulièrement bas, qui s'examine de manière chiffrée et relative par rapport à un pays ou à la moyenne des grands pays industrialisés. Mais elle suppose également un manque de transparence et une réticence à l'échange d'informations de la part du territoire considéré. Elle repose ainsi sur un faisceau d'indices, tels que ceux explicités par l'OCDE, dont celui de l’effectivité des transmissions d'informations aux administrations fiscales.

Un rapport de l'OCDE de 1987 relatif à la fiscalité internationale précisait ainsi dans son introduction qu'« il n'existe pas de critère unique, clair et objectif permettant d'identifier un pays comme étant un paradis fiscal ».

Aujourd’hui, la législation française ne retient pas la notion de paradis fiscal mais celle de pays ou territoire « à régime fiscal privilégié », essentiellement définie dans l'article 238 A du code général des impôts par référence aux taux d'imposition pratiqués. Un bénéficiaire est ainsi présumé soumis à un régime privilégié dans un État ou territoire lorsqu'il n'y est pas imposable ou lorsqu'il y est assujetti à un impôt inférieur de plus de la moitié de l'impôt qu'il aurait supporté en France. La liste des conventions fiscales conclues par la France en vigueur au 1er janvier 2009 a fait l’objet d’une instruction 14 A-1-09 (BOI n°26 du 11 mars 2009).

L’article 52 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 introduit une nouvelle notion : le I de cet article insère un nouvel alinéa à l’article L. 169 du livre des procédures fiscales énonçant que le délai de reprise de l’administration fiscale est porté à dix ans en cas de non-respect des obligations déclaratives relatives aux articles 123 bis, 209 B et 1649 A du code général des impôts, lorsque ces obligations concernent un État ou un territoire qui n’a pas conclu avec la France une « convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l’accès aux renseignements bancaires ». Il en résulte une liste « blanche » d’États et territoires qui permettent l’accès aux renseignements bancaires, cette liste étant susceptible de s’allonger au fur et à mesure des accords conclus et, à l’inverse, de se resserrer si des États pour lesquels le cas de figure ne s’est jamais présenté venaient à s’avérer peu coopératifs dans la mise en œuvre de l’assistance administrative. Il convient de souligner également que la France n’a pas signé de conventions avec certains États, absents donc de la liste « blanche », simplement parce que les enjeux économiques sont limités (certains pays d’Amérique du Sud par exemple). Le fait qu’un pays figure ou ne figure pas sur la liste peut donc recouvrir des réalités et pratiques différentes.

LISTE DES PAYS AYANT CONCLU UNE CONVENTION D’ASSISTANCE ADMINISTRATIVE QUI PERMET L’ACCÈS AUX RENSEIGNEMENTS BANCAIRES EN VUE DE LUTTER CONTRE LA FRAUDE ET L’ÉVASION FISCALE

(au 25/11/2008)

Afrique du Sud

Gabon

Niger

Albanie

Ghana

Nigeria

Algérie

Guinée (République de)

Norvège

Allemagne

Grèce

Nouvelle-Calédonie

Argentine

Hongrie

Nouvelle-Zélande

Arménie

Île Maurice

Ouzbékistan

Australie

Inde

Pakistan

Azerbaïdjan

Indonésie

Pays-Bas (3)

Bangladesh

Iran

Pologne

Bénin

Irlande

Portugal

Botswana

Islande

Québec

Brésil

Israël

Roumanie

Bulgarie

Italie

Royaume-Uni (4)

Burkina-Faso

Jamaïque

Russie

Cameroun

Japon

Saint-Pierre-et-Miquelon

Canada

Jordanie

Sénégal

Centrafricaine (République)

Kazakhstan

Slovaquie

Chine (1)

Koweït

Slovénie

Chypre

Lettonie

Sri-Lanka

Congo

Liban

Suède

Corée (République de )

Lituanie

Tchèque (République)

Côte-d’Ivoire

Macédoine

Thaïlande

Croatie

Malawi

Togo

Danemark

Mali

Trinité et Tobago

Égypte

Malte

Tunisie

Émirats arabes unis

Maroc

Turquie

Équateur

Mauritanie

Ukraine

Espagne

Mayotte (2)

Venezuela

Estonie

Mexique

Vietnam

États-Unis

Monaco

Zambie

Finlande

Mongolie

Zimbabwe

 

Namibie

 

(1) La convention fiscale entre la France et la Chine du 30 mai 1984 ne couvre pas Hong Kong et Macao.

(2) Ancienne convention fiscale avec les Comores.

(3) La convention fiscale franco-néerlandaise du 16 mars 1973 ne couvre pas les Antilles néerlandaises.

(4) La convention fiscale franco-britannique du 22 mars 1968 ne couvre pas Gibraltar, les îles anglo-normandes et l’île de Man (certaines conventions ont été conclues au début de l’année 2009 mais ne sont pas encore ratifiées)

La législation et les activités hébergées par les paradis fiscaux - en particulier des hedge funds, des filiales et structures hors-bilan de titrisation et de portage d'actifs (special purpose vehicles et special purpose entities) et des trusts patrimoniaux - contribuent également à rapprocher ces territoires des paradis bancaires (au regard du secret bancaire) ou juridiques, véritables « trous noirs » de la régulation financière, sans toutefois qu'ils se confondent avec ces derniers. De même, les pays considérés comme paradis fiscaux forment un ensemble disjoint de ceux soupçonnés de faciliter le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, même s'ils peuvent présenter un terreau favorable à ces pratiques.

L'OCDE est aujourd'hui la principale organisation en matière d'identification des paradis fiscaux et des pratiques fiscales dommageables. La lutte contre la fraude et l'évasion fiscales a peut-être bénéficié d'un nouvel élan politique le 21 octobre 2008 lorsque 17 pays de l'OCDE, à l'initiative de la France et de l'Allemagne, ont trouvé un accord pour intensifier la mise en oeuvre complète des normes de transparence et d'échange de renseignements de l'OCDE. La promotion des politiques de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme relève du Groupe d'action financière (GAFI), organisme intergouvernemental créé en 1989.

La crise financière a contribué à remettre en lumière l’existence de larges poches d’opacité dans l’organisation financière mondiale. L’affaire récente de fraude fiscale réalisée par le biais de fondations détenues au Liechtenstein constitue une illustration du rôle joué par les paradis fiscaux, notamment en matière de délocalisation des revenus ou du patrimoine des personnes physiques, et de la difficulté des États à détecter de telles fraudes à l’aide des moyens traditionnels de recherche et de contrôle.

Pour les personnes fortunées, l’intérêt des paradis fiscaux peut résider dans la possibilité qu’ils offrent de réduire leurs impôts sur leurs revenus et sur leurs placements. Les entreprises multinationales peuvent utiliser les paradis fiscaux pour réduire leur imposition, mais aussi pour échapper à des contraintes réglementaires ou afficher un niveau élevé d’endettement : elles peuvent le faire notamment en implantant une filiale, voire leur maison mère, dans un paradis fiscal. Les banques peuvent utiliser les paradis fiscaux pour participer aux aspects licites ou illicites de la globalisation financière, notamment par le réseau constitué par leurs filiales qui sont susceptibles d’héberger les comptes de personnes physiques ou morales en indélicatesse avec la réglementation nationale dont elles devraient relever ou avec les règles sur le blanchiment.

II.– UNE RELATIVE FERMETÉ FRANÇAISE

La France se caractérise traditionnellement par une relative fermeté à l’égard des paradis fiscaux, si ce n’est le laxisme dont bénéficient Monaco et Andorre et qui fragilise la position française dans les arènes internationales.

Les principales dispositions tendant à prévenir ou sanctionner l'évasion et la fraude fiscales dans les paradis fiscaux, de portée souvent extraterritoriale, sont les suivantes :

– les articles 57 du code général des impôts et L 13 B du Livre des procédures fiscales tendent à prévenir les transferts indirects de bénéfices à l'étranger entre entreprises dépendantes et permettent, sous conditions, de rapporter aux résultats de l'entreprise française les bénéfices indirectement transférés par cette dernière ;

– en cas de distribution de revenus par un trust, le 9° de l'article 120 du code général des impôts permet d'imposer à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les produits de ces trusts, quelle que soit la consistance des biens les composant ;

– l'article 123 bis prévoit l'imposition en France des bénéfices réalisés par une personne morale établie dans un pays à fiscalité privilégiée, dans le capital de laquelle une personne physique française détient plus de 10 % des droits ;

– l'article 155 A vise à lutter contre les montages ayant pour but la perception de sommes via des sociétés interposées (« sociétés écrans ») afin de les faire échapper à l'impôt français. Cet article prévoit l'imposition en France des sommes perçues par une personne physique ou morale établie hors de France en rémunération de services rendus par des prestataires français. Cette imposition peut « en tout état de cause » être mise en oeuvre lorsque la personne qui perçoit la rémunération est établie dans un pays à fiscalité privilégiée ;

– l'article 209 B, réformé par la loi de finances pour 2005, entend dissuader les montages par lesquels une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés localise tout ou partie de ses bénéfices dans une entité établie dans un État ou territoire étranger à fiscalité privilégiée. Les bénéfices ou revenus actifs réalisés par une telle entité sont ainsi, sous certaines conditions de détention directe ou indirecte, réputés constituer des revenus de capitaux mobiliers de la personne morale établie en France. L'article 209 B, comme l'article 123 bis mentionné supra, comporte des obligations déclaratives spécifiques.

– l'article 238 A limite la déductibilité de sommes versées (intérêts, redevances et rémunérations de services) à des résidents étrangers soumis à un régime fiscal privilégié, notion définie dans cet article, et conditionne cette déductibilité à la preuve par le débiteur de la réalité de la prestation rendue et du quantum du versement effectué.

– l'article 1649 A du code général des impôts impose aux personnes physiques, associations et sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Il oblige également les souscripteurs à déclarer en même temps que leur déclaration de revenus les références du ou des contrat(s) d'assurance-vie souscrits auprès d'organismes établis hors de France, et diverses informations relatives au(x) contrats(s) et aux remboursements perçus au cours de l'année civile. Le non-respect de cette obligation, aux termes de l'article 1766, est passible d'une amende égale à 25 % des versements effectués au titre des contrats non déclarés ;

– l'article 1649 quater A dispose que les personnes physiques qui transfèrent à l'étranger, sans l'intermédiaire des banques, des sommes ou valeur supérieures à 7 600 euros sont tenues de les déclarer. À défaut, elles constituent un revenu imposable pour le contribuable ;

– enfin l'administration fiscale dispose d'un droit de communication, en application de l'article L 96 A du Livre des procédures fiscales, auprès des établissements de crédit pour obtenir des informations sur les opérations de transfert de capitaux effectués par les personnes physiques et morales.

Le dernier exemple du renforcement de la lutte contre la fraude fiscale via les paradis fiscaux résulte, on l’a vu, de l’article 52 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.

Cet article allonge en premier lieu à 10 ans le délai de reprise en cas de non respect de certaines obligations déclaratives, dès lors qu’elles concernent  « un État ou un territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales permettant l’accès aux renseignements bancaires ». Sont notamment visées les obligations relatives :

– à l’ouverture, l’utilisation ou la clôture de comptes à l’étranger (article 1649 A du code général des impôts) ;

– aux mouvements relatifs aux contrats d’assurance-vie souscrits à l’étranger (article 1649 AA du code général des impôts) ;

– aux bénéfices d’une entreprise établie à l’étranger, qui sont imposables à l’impôt sur les sociétés en France dès lors que celle-ci détient 50 % des actions, ce seuil étant abaissé à 5 % lorsque la moitié des titres sont détenus par des entreprises établies en France et qui agissent de concert (article 209 du code général des impôts) ;

– aux revenus des personnes physiques fiscalement domiciliées en France et qui détiennent 10 % au moins d’une structure établie à l’étranger, qui sont imposables dans la catégorie des capitaux mobiliers du contribuable (article 123 bis du code général des impôts).

Cet allongement du droit de reprise s’entend pour les délais venant à expiration postérieurement au 31 décembre 2008.

L’article procède en second lieu à la majoration du montant de certaines amendes.

Mais la crise financière a été de manière plus globale pour le Parlement l’occasion de formuler un certain nombre de préoccupations.

LES PROPOSITIONS DE RÉFORME DU SYSTÈME FINANCIER INTERNATIONAL FORMULÉES PAR LE GROUPE DE TRAVAIL ASSEMBLÉE NATIONALE – SÉNAT
SUR LA CRISE FINANCIÈRE INTERNATIONALE (EXTRAIT)

I.– Les paradis bancaires, fiscaux et juridiques […]

Ce qui pourrait être fait :

Au niveau mondial :

Le niveau pertinent d’action est l’OCDE. Le ministre français du budget et des comptes publics et son homologue allemand ont initié, le 21 octobre dernier, un renouveau de ses travaux qui doit permettre d’établir une nouvelle liste de pays classés selon leur degré de coopération.

La question se pose de la levée du secret bancaire. Il est essentiel que la traçabilité des mouvements de capitaux puisse être établie. À cet effet, les banques doivent être tenues de communiquer leurs archives informatiques en cas d’enquête judiciaire diligentée à partir d’un pays membre. Cette exigence vaut tout aussi bien aux niveaux européen et national.

Il faut sanctionner les pays non coopératifs, y compris au travers des entités qui y sont établies.

Au niveau européen :

Il est nécessaire d’accélérer la révision de la directive 2003/48/CE du Conseil, du 3 juin 2003, en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts. Il s’agirait d’étendre le champ des produits couverts par la directive et d’identification des bénéficiaires effectifs des revenus d’épargne afin d’éviter les dissimulations visant à intercaler certaines structures, comme les trusts, entre la banque versante et le bénéficiaire final. En effet, à l’heure actuelle, la directive ne couvre que les particuliers et certains produits spécifiques.

Il est également nécessaire de supprimer rapidement le régime dérogatoire dont bénéficient aujourd’hui plusieurs États membres.

Au niveau national :

– renforcer, par des actions nationales coordonnées, la lutte contre les territoires non coopératifs (par exemple en augmentant la taxation des capitaux en provenance de ces territoires, à partir de la notion de présomption de fraude simple, y compris par la non application d’avantages fiscaux et en prévoyant la suspension des conventions fiscales) ;

– renforcer les procédures en matière de lutte contre la fraude en créant un service d’enquêtes fiscales judiciaires disposant de prérogatives traditionnellement dévolues aux officiers de police judiciaire telles que filatures et écoutes téléphoniques. Une telle création pourrait intervenir dès la prochaine loi de finances rectificative ;

– instituer une procédure de surveillance des flux financiers avec les établissements localisés dans les territoires non coopératifs.

Par ailleurs, afin d'assurer le financement de l'économie française dans un contexte de crise financière aiguë, la France a mis en place un dispositif de soutien au secteur bancaire, permettant de :

– pallier l'asphyxie du crédit interbancaire sur le moyen terme (soutien à la liquidité) par la création de la Société de financement de l'économie française (SFEF) ;

– de prévenir un risque d'insuffisance de fonds propres de certains établissements (soutien à la solvabilité) grâce à la Société de prise de participation de l'État (SPPE).

Pour remplir leurs missions, ces deux sociétés ont été autorisées, par le Parlement, à bénéficier de la garantie de l'État à hauteur de 360 milliards d'euros. Le bénéfice du soutien accordé via ces deux canaux a été conditionné au respect d'un certain nombre d'engagements, formalisés au sein d'une convention signée entre l'État et les établissements bénéficiaires.

Ainsi l'article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie précise que « les établissements [...] passent une convention avec l'État qui fixe les contreparties de la garantie, notamment en ce qui concerne le financement des particuliers, des entreprises et des collectivités territoriales. Cette convention précise également les engagements des établissements et de leurs dirigeants sur des règles éthiques conformes à l'intérêt général. »

L’article 25 de la loi n°2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009 a tendu à compléter les conventions liant l'État aux établissements financiers bénéficiant de son soutien par une disposition relative aux relations entretenues par lesdits établissements avec les États non coopératifs.

La première phrase du deuxième alinéa du I du présent article vise à compléter le deuxième alinéa du A du II de l'article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificatives pour le financement de l'économie afin que la convention que les établissements bénéficiant du soutien de l'État via la SFEF concluent avec celui-ci « porte (...) sur les conditions dans lesquelles les établissements exercent des activités dans des États ou territoires qui ne prêtent pas assistance aux autorités administratives françaises en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et entretiennent des relations commerciales avec des personnes ou entités qui y sont établies ».21

Il ne s'agit donc pas d'interdire toute activité ou toute relation dans ces États mais de les connaître et de les encadrer.

Cet article traduit le souci de clarifier les activités des établissements bancaires bénéficiant d'un soutien public dans des États ne coopérant pas avec la France et les relations qu'ils entretiennent dans ces mêmes États. Ces dispositions s'inscrivent dans le droit fil des recommandations du Groupe de travail Assemblée nationale - Sénat sur la crise financière internationale, transmises au Président de la République le 13 novembre 2008, avant le premier sommet du G 20 de Washington (qui a notamment débouché sur l’élaboration de nouvelles listes d’États non coopératifs par l’OCDE). Le Groupe de travail a ainsi souligné que toute « remise à plat » du système financier international ne saurait éluder la « question récurrente » des paradis bancaires, fiscaux et juridiques. Si la plupart de ses recommandations en la matière portaient sur les niveaux mondial et européen, il plaidait aussi pour des actions nationales, notamment l'institution d'une « procédure de surveillance des flux financiers avec les établissements localisés dans les territoires non coopératifs ». La révision des conventions banques - États pourrait permettre d'avancer dans ce sens.

III.– UN NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA RÉGLEMENTATION

Toutefois le collectif budgétaire pour 2009 n’a pas pour objet d'interdire toute activité ou toute relation dans les États non coopératifs, mais de les connaître et de les encadrer.

Telle est la raison pour laquelle la présente proposition de loi propose d’interdire l’exercice direct ou indirect d’activités dans des « États ou territoires qui ne prêtent pas assistance aux autorités administratives françaises en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale » d’une part, l’entretien de relations commerciales avec des personnes ou entités qui y sont établies d’autre part, à un certain nombre d’acteurs :

– les établissements de crédit 22;

– les sociétés dont les titres sont admis sur un marché réglementé et dans lesquelles investit le Fonds stratégique d’investissement ;

– les entreprises bénéficiant des prêts accordés à la filière automobile.

En effet, si l’exigence de mesures contraignantes est actuellement débattue au plan international, elle n’exonère pas notre pays de montrer l’exemple en prenant les mesures de nature à mettre fin aux stratégies d’évitement fiscal.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 4 de M. Gilles Carrez, visant à supprimer l’article 4.

M. Marc Le Fur. Nous sommes contre l’article 4, qui prévoit d’interdire aux établissements de crédit, aux sociétés cotées soutenues par le Fonds stratégique d’investissement, le « FSI », et aux entreprises de la filière automobile aidées par l’État d’exercer des activités dans les paradis fiscaux.

M. le rapporteur. Avis défavorable, et je mets en garde mes collègues de l’UMP contre le coût politique de leur amendement.

La Commission adopte l’amendement CF 4. En conséquence, l’article 4 est supprimé.

TITRE III : RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS D’ENTREPRISES

Article 5

(Article L. 225-177 à L. 225- 186 du code du commerce)

Suppression des stock options

Le présent article pose de supprimer l’instrument de rémunération que constituent les stock options.

Les options sur actions, ou stock options, sont un complément de rémunération des dirigeants et des cadres supérieurs, qui constitue aujourd’hui une grande partie de leurs rémunérations. Le mécanisme décrit s’applique tant aux options de souscription d’actions (augmentation de capital réservée aux bénéficiaires des options) qu’aux options d’achats d’actions (vente d’actions rachetées par l’entreprise).

L’option donne à ses bénéficiaires le droit d’acheter, à un prix convenu d’avance, dans un délai déterminé, une action de la société. Une plus-value peut donc être réalisée si le cours de l’action, au moment où l’option est exercée, est supérieur au prix, convenu à l’avance, auquel le salarié l’achète.

Ce n’est qu’à la vente effective de l’action que pourra être calculée la plus-value réelle, c'est-à-dire la différence entre le prix de vente réalisé et le prix auquel a été réalisée la levée de l’option.

Par exemple, dans le cas d’une société proposant un plan de stock options pour son Président, celui-ci reçoit, au 31 décembre de l’année N, 200 000 options, dont le prix d’exercice est fixé à 21 euros. Le cours à cette date se situe aux environs de 26 euros. À cet instant, le dirigeant dispose déjà d’une plus-value latente de 5 euros par option, soit un gain potentiel de 1 million d’euros.

Le dirigeant attend le 1er juin de l’année N+2 pour exercer ses options. En supposant qu’à cette date le cours de l’action se soit valorisé à 30 euros. Le dirigeant peut donc acheter pour 21 euros ce qui vaut 30 euros. Il réalise une plus-value de 9 euros par option, soit un gain total de 1,8 millions d’euros.

Par ailleurs, s’il conserve les actions ainsi achetées pendant au moins deux ans, il bénéficiera d’une réduction d’imposition et, éventuellement, d’une plus-value si le cours de l’action s’est encore apprécié.

Ce système est caractérisé par trois défauts principaux.

La rémunération offerte au dirigeant est en premier lieu toujours haussière : si le cours de l’action a baissé entre l’attribution de l’option et sa levée effective, le dirigeant ne perdra pas d’argent car il n’exercera pas son option. Il est même possible qu’il puisse réaliser un gain en l’exerçant, s’il a souscrit des instruments de couverture. Contre rémunération, un établissement financier peut en effet lui garantir un prix de rachat de ses actions. Le mécanisme des stock options est donc asymétrique. Il intéresse à la hausse de l’action mais pas à la baisse. Or, une telle asymétrie peut introduire un double biais dans les décisions prises par les dirigeants. Elle génère, d’une part, une incitation à prendre des risques trop importants puisque le dirigeant gagnera s’ils s’avèrent payants mais ne perdra rien s’ils se révèlent néfastes pour l’entreprise. D’autre part, l’asymétrie crée une incitation à privilégier les choix qui maximiseront la valeur de l’entreprise à un horizon relativement peu éloigné, de l’ordre de quelques années, correspondant à la durée pendant laquelle le dirigeant restera en place et pourra exercer ses options. Or, de tels choix ne sont pas forcément compatibles avec l’intérêt de long terme de la société.

Le second défaut du système est qu’il rémunère plus un cours de bourse que les qualités personnelles des dirigeants. Or, chacun sait que les variations de la valeur d’un titre sont fortement corrélées à celles de l’ensemble du marché, totalement étrangères aux qualités des dirigeants. Ainsi l’anticipation d’une baisse des taux d’intérêts réels tend à l’appréciation des marchés actions car la rentabilité des actifs sans risque devient moins attrayante. Par ailleurs, en période de crise, les investisseurs, qui ont besoin de liquidité, tendent à solder leurs positions. De tels mouvements tendent à faire chuter les cours, sans que les résultats futurs des entreprises ne soient en cause.

Le dernier défaut du système est son régime fiscal et social dérogatoire.

On remarquera en premier lieu que, pour l’entreprise, la distribution de stock options comporte, par rapport au versement de salaires, un double avantage. Certaines charges, liées à la distribution de stock options, tels les frais de rachat des titres destinés au personnel, peuvent en premier lieu être déduites du résultat imposable de l’entreprise. Mais surtout, les entreprises ne paient pas de cotisations sociales sur ce versement (même si, en application de l’article 13 de la loi n° 2007-1786 de financement de la sécurité sociale du 19 décembre 2007, la société verse toutefois une contribution spécifique sur les options attribuées à compter du 16 octobre 2007, généralement de l’ordre de 2,5 % de la valeur de l’action).

Mais c’est surtout le régime fiscal pour les bénéficiaires des stock options qui est particulièrement favorable. Il convient certes de souligner que le droit commun est applicable à l’opération à l’occasion de deux de ses trois temps : le régime du « rabais excédentaire » (quand le rabais, c’est-à-dire la différence entre la valeur de l’action au moment où l’option est attribuée et le prix d’exercice, auquel le bénéficiaire pourra acheter l’action, est supérieur à 5 %), assimile ce rabais à un salaire, taxé à l’impôt progressif sur le revenu et soumis aux cotisations sociales et aux prélèvements sociaux ; par ailleurs, la plus-value réalisée entre la vente effective de l’action et la levée de l’option est imposée dans les conditions de droit commun (taux de 18 % si le seuil de cession de l’ensemble du portefeuille du contribuable fixé à 25 000 euros est dépassé, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux). Toutefois, le régime spécifique de l’avantage tiré de la levée de l’option est imposé de manière particulièrement allégée. Quand l’option est exercée, le bénéficiaire réalise une plus-value potentielle, correspondant à la différence entre la valeur de l’action à la date de la levée et le prix auquel le bénéficiaire exerce l’option. L’imposition de cet avantage est allégée si les conditions de forme nominative (23) et de durée d’indisponibilité fiscale (quatre ans pour le cas général) sont réunies. En ce cas, l’avantage, au lieu d’être imposé à 30 % pour la fraction n’excédant pas 152 500 euros et 40 % au-delà, l’est à 18 % et 30 % si le bénéficiaire conserve ses actions au moins deux ans après la levée de l’option. La taxation est donc bien inférieure à celle qui serait effectuée dans le cadre d’une rémunération salariale, dont on peut supposer, compte tenu du statut du bénéficiaire, qu’elle est taxable au taux marginal supérieur, soit 40 % aujourd’hui.

Le tableau suivant, extrait du rapport précité (Assemblée nationale, n° 1595) de M. Pierre-Alain Muet, rapporteur sur la proposition de loi récemment débattue et relative aux hauts revenus et à la solidarité, résume le dispositif fiscal applicable aux stock options. Par mesure de simplification, il ne prend en compte que le cas général des actions attribuées depuis le 27 avril 2000. La contribution sociale de 2,5 % n’est applicable qu’aux options attribuées à compter du 16 octobre 2007.

2% social, contribution additionnelle de 0,3 % et 1,1 % RSA

Non assujetti

Non assujetti

Assujetti

Assujettie

CSG et CRDS

Assujetti comme salaire à la levée de l’option

Assujetti comme salaire à la cession des actions

Assujetti comme revenu du patrimoine au titre de l’année de cession

Assujettie comme revenu du patrimoine au titre de l’année de cession

Cotisations de sécurité sociale

Assujetti comme salaire à la levée de l’option

Assujetti comme salaire à la cession des actions

Contribution salariale de 2,5 % à la cession des actions

Non assujettie

Impôt sur le revenu

Imposable au barème à la levée de l’option

Imposable au barème

Cas 1 (24) : 30% puis 40 % après 152 kE

Cas 2 (25) : 18% puis 30 % après 152 kE

Imposition comme plus-value au taux de droit commun (18 %)

 

1.Rabais excédentaire

2. a) Avantage tiré de l’option : pas de forme nominative ou non respect de la période indisponibilité

2. b) Avantage tiré de l’option : forme nominative et respect de la condition de détention

3. Plus-value

Certains objecteront que les stocks options peuvent constituer le seul moyen pour une entreprise ne pouvant verser des rémunérations fixes importantes de rémunérer correctement des dirigeants, qu’elle souhaite attirer ou retenir pour leurs compétences. Il existe toutefois un dispositif spécifique pour ce type de situations. Les bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE) sont prévus à l’article 76 de la loi n° 97-1269 de finances pour 1998 du 31 décembre 1997. Ils s’adressent aux sociétés créées depuis moins de quinze ans, qui sont soit non cotées, soit cotées et à capitalisation inférieure à 150 millions d’euros. Le gain net tiré des BSPCE est imposé à 18 % au titre de l’impôt sur le revenu ou à 30 % quand le bénéficiaire exerce son activité au sein de la société depuis moins de trois ans à la date de cession des titres, auxquels s’ajoutent les prélèvements sociaux

Dans ces conditions, et bien que l’Assemblée nationale ait récemment rejeté la proposition précitée, qui tendait dans l’une de ses dispositions à interdire l’attribution de stock options aux dirigeants des sociétés aidées par l’État, votre Rapporteur ne peut que réitérer cette proposition et approuver de surcroît le présent article, qui pose le principe d’une interdiction générale et absolue de ces instruments.

On remarquera que la portée de cette suppression de principe est bien sûr bien plus large que les indications fournies par le code de bonne conduite du MEDEF et de l’AFEP, par le décret du 30 mars 2009 ou par l’article 25 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2009, qui encadrent la distribution des rémunérations des dirigeants.

Ce dernier texte concerne en premier lieu les entreprises bénéficiant des prêts de la société de financement de l’économie française : les conventions prévues par le collectif budgétaire d’octobre 2008 sur le soutien aux banques devront être complétées par un volet concernant les rémunérations des dirigeants.

Il concerne en second lieu les entreprises qui bénéficient de l’aide de l’État dans le cadre du plan de relance, soit par le biais d’une prise de participation en capital au titre de la société de prise de participation d’État, soit par le biais des prêts à la filière automobile. Dans ce cas, l’État pourra interdire l’attribution de stock options ou d’actions gratuites aux dirigeants et encadrer les autres éléments de rémunération.

Le dernier niveau concerne les entreprises publiques, c’est-à-dire celles dont l’État est l’actionnaire majoritaire, ainsi que celles ayant bénéficié des interventions faites au titre du Fonds stratégique d'investissement. Le texte prévoit alors l’adoption de règles pouvant encadrer les rémunérations des dirigeants.

Il existe toutefois trois limites qui différencient cette disposition législative de la présente proposition de loi :

– seuls les dirigeants sont concernés par l’article 25 du collectif budgétaire. Les opérateurs de marché ou les cadres les plus importants, comme les directeurs financiers ou commerciaux, peuvent continuer à bénéficier de programmes de stock options, tandis que la présente proposition abroge purement et simplement ce dispositif ;

– les dispositions concernant les banques aidées par la SPPE et les constructeurs automobiles sont valables jusqu’au 31 décembre 2010, et non sur l’ensemble de la durée de l’opération ;

– le champ de l’article 25 de la seconde loi de finances rectificative est plus restreint que celui de la présente proposition de loi. Les dispositions concernant les entreprises publiques ainsi que celle aidées par le Fonds stratégique d’investissement ne sont guère contraignantes : leurs dirigeants pourront donc continuer à bénéficier d’options sur actions. Or, ce type de rémunération constitue l’élément déterminant de l’explosion des revenus des dirigeants de grandes sociétés cotées.

L’article 5 de la présente proposition de loi pose le principe de leur interdiction, y compris dans ces sociétés.

Votre Rapporteur proposera de la même manière la suppression des attributions gratuites d'actions existantes ou à émettre (articles L. 225-97-1 à L. 225-97-6 du code du commerce).

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 5 de M. Gilles Carrez, tendant à supprimer l’article 5.

M. Marc Le Fur. Nous proposons de supprimer l’article 5, qui vise à interdire l’attribution de stock-options.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement CF 5. En conséquence, l’article 5 est supprimé et l’amendement CF 11 de M. Jean-Pierre Brard n’a plus d’objet.

Article 6

(Article 193 du code général des impôts)

Taxation des revenus des dirigeants liés à la cessation de leurs fonctions

Les articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code du commerce organisent les règles de dévolution de certains revenus aux dirigeants d’entreprise (membres du directoire, présidents, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués) des sociétés dont les titres sont cotés. Sont ainsi visés les engagements au bénéfice de ceux-ci correspondant à des « éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d’être dus » à raison de la cessation ou du changement de ces fonctions.

En 2005, le législateur a prévu dans la loi pour la confiance et la modernisation de l’économie (loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005) plusieurs mesures de régulation des rémunérations de mandataires des sociétés cotées. L’article L. 225-42-1 soumet les contrats instaurant des rémunérations différées (quelle qu’en soit la forme) au régime des conventions réglementées. Ce régime prévu par les articles L. 225-38 à L. 225-42 du code de commerce concerne « toute convention intervenant directement ou par personne interposée entre la société et son directeur général, l'un de ses directeurs généraux délégués, l'un de ses administrateurs, l'un de ses actionnaires disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % ou, s'il s'agit d'une société actionnaire, la société la contrôlant. »

Le régime des conventions réglementées est le suivant :

– elles sont soumises à l'autorisation préalable du conseil d'administration, sans que l'intéressé puisse prendre part au vote ;

– le président avise les commissaires aux comptes de toutes les conventions autorisées par le conseil d’administration. Ceux-ci présentent un rapport spécial à l'assemblée générale sur ces conventions ;

– l’assemblée générale des actionnaires statue sur les conventions autorisées et sur le rapport des commissaires aux comptes.

Un régime similaire est prévu dans les sociétés dirigées par un directoire et un conseil de surveillance (articles L. 225-86 à L. 225-90 du code de commerce).

La loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 dite TEPA a renforcé la rigueur du dispositif en interdisant les éléments de rémunération, indemnités et avantages dont le bénéfice n’est pas subordonné au respect de conditions liées aux performances du bénéficiaire.

Elle tend par ailleurs à garantir, dans leur forme, leur transparence et l’efficacité de leur contrôle par le gouvernement d’entreprise.

Ce nouveau régime renforcé s’applique à toutes les formes de rémunérations différées mentionnées à l’article L. 225-42-1 du code de commerce (« des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la cessation ou du changement de ces fonctions, ou postérieurement à celles-ci »), à l’exception de deux éléments qui peuvent être versés après la cessation de fonction du mandataire social sans être considérés comme des rémunérations différées de la gestion du mandataire. En effet, les derniers alinéas des articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 excluent de ce nouveau régime :

– les contreparties de clause de non-concurrence, qui ne peuvent en rien être rattachées à la gestion du mandataire social, mais constituent une garantie prise par la société sur la future carrière du mandataire ;

– les « engagements de retraite à prestations définies répondant aux caractéristiques des régimes mentionnés à l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale », c'est-à-dire les régimes « conditionnant la constitution de droits à prestations à l'achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l'entreprise et dont le financement par l'employeur n'est pas individualisable par salarié ».

Le dispositif proposé par le présent article vise à soumettre la fraction des revenus correspondant à ces éléments de rémunération dont le montant annuel excède le montant annuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance à une taxation au titre de l’impôt sur le revenu, au taux de 95 %.

Cette taxation concernerait donc notamment :

– les « parachutes dorés »  et autres indemnités de départ ;

– les indemnités versées en raison d’une clause de non concurrence ;

– les retraites supplémentaires à prestations définies, régies par l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale.

L’actualité récente fourmille de scandales ayant entouré ce type de rémunération, dont on ne rappellera que quelques exemples.

Quand M. Serge Tchuruk prend les commandes d'Alcatel en 1995, l'équipementier télécom est en pleine crise. Le résultat opérationnel est tombé de 9 % du chiffre d'affaires en 1993 à moins de 1 % en 1995. La même année, le patron Pierre Suard est soupçonné d'abus de bien sociaux et doit quitter son poste. Le titre plonge de 40 % en Bourse. M. Tchuruk prend la présidence du groupe et dix ans plus tard, Alcatel renoue avec les bénéfices. À l'annonce de la fusion en décembre 2006 avec Lucent, dont il est l'initiateur, M. Serge Tchuruk quitte ses fonctions exécutives et empoche 5,6 millions d’euros d'indemnités, qui correspondent à deux années de salaire. Il prend dans la foulée la présidence du conseil d'administration du nouvel ensemble Alcatel-Lucent jusqu'en septembre 2008.

En décembre 2006, la fusion entre les sociétés française Alcatel et américaine Lucent est actée. Mme Patricia Russo est nommée directrice générale du groupe présidé par M. Serge Tchuruk. Le duo franco-américain fonctionne mal. Alcatel-Lucent accumule les pertes nettes et lance un plan de redressement qui se solde par 16 500 suppressions d'emplois dans le monde d'ici à 2009. Si la situation tourne mal, Mme Patricia Russo est assurée d'un "golden parachute" de deux ans de salaire (en incluant les bonus) de 6 millions d'euros. Elle bénéficie en plus d'une retraite chapeau de 740 000 euros par an.

On se rappelle de la même manière qu’en mars 2006, EADS revoit à la baisse les livraisons de l'A380 pour 2007. Le 13 juin, la direction du groupe reconnaît qu'il y aura des retards sur l'A380. Le lendemain, l'action EADS chute de plus de 25 % en une seule séance. Entre temps, M. Noël Forgeard a vendu ses stocks options engrangeant au passage 2,5 millions d'euros. Soupçonné de délit d'initié, Noël Forgeard se défend d'avoir profité d'informations privilégiées (retard des A380) pour vendre avant la chute du cours en Bourse. Noël Forgeard est remercié. Il ne partira pas les mains vides: au terme de son contrat de travail, il a reçu "une indemnité de préavis de 6 mois correspondant à un montant brut de 1,223 million d'euros (salaire fixe et part variable), des indemnités contractuelles d'un montant brut de 4,893 millions d'euros et une indemnité de non concurrence sur 2 ans qui représente un montant mensuel brut de 101 917 euros", précise EADS dans son rapport annuel. En tout, EADS a payé plus de 8 millions d'euros à Noël Forgeard.

Autre exemple, celui de M. Daniel Bernard, qui, à la tête du groupe Carrefour depuis 1992, est finalement remercié en février 2005 compte tenu des mauvaises performances du groupe de distribution. Entre 2000 et début 2005, la capitalisation de Carrefour a fondu, l'action chutant de plus de 55 %. Parallèlement, les comptes annuels de 2004 sont médiocres : baisse du résultat d'exploitation, du bénéfice net du groupe et chute de la performance commerciale du distributeur sur son marché phare, la France. M. Daniel Bernard est contraint de partir. Il emporte dans ses valises 9,8 millions d'euros correspondant à une indemnité pour non concurrence pendant quatre ans. L'ancien PDG de Carrefour va aussi bénéficier d'une retraite chapeau, dont le montant n'a pas été divulgué mais le distributeur a dû provisionner 29 millions d'euros dans ses comptes pour faire face à des versements jusqu'aux 85 ans de Daniel Bernard. À l'époque des faits, ce dernier n'avait que 58 ans.

La présente proposition de loi, dont le présent article vise à soumettre la fraction des revenus correspondant à ces éléments de rémunération dont le montant annuel excède le montant annuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance à une taxation au titre de l’impôt sur le revenu, au taux de 95 %, paraît paradoxalement aller dans le sens souhaité par le gouvernement. Le mercredi 22 avril 2009 en effet, sur les ondes d’une grande radio publique nationale, M. François Fillon, Premier ministre, annonçait son souhait de taxer les « retraites chapeau » de manière « confiscatoire », de façon à les rendre « le moins attractives possible ». Le taux proposé de 95 % pourrait répondre à cette ambition, si bien sûr toutefois cette mesure s’accompagnait d’une suppression du bouclier fiscal (proposée par l’article 1er de la présente proposition) : à défaut, le niveau de taxation réel s’établirait plutôt au niveau maximum de 50 %, certes relativement important, mais sûrement pas confiscatoire.

Cette proposition permettrait enfin de répondre aux engagements de campagne du Président Nicolas Sarkozy, qui promettait lors d’une réunion publique à Marseille le 19 avril 2007 : « Si je suis élu président de la République, je ferai voter dès l'été 2007 une loi qui interdira la pratique détestable des golden parachutes, parce que c'est contraire aux valeurs qui sont les miennes. »

Contrairement au décret n° 2009-348 du 30 mars 2009 et à l’article 25 de la seconde loi de finances rectificative pour 2009 (26), le présent article ne se limite pas à l’encadrement de certaines formes de rémunération différée : il prévoit au contraire une taxation confiscatoire.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 6 de M. Gilles Carrez, visant à supprimer l’article 6.

M. Marc Le Fur. L’article 6 prévoit de taxer à 95 % les rémunérations différées des dirigeants. L’amendement tend à le supprimer.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Il s’agit pourtant de la mise en oeuvre d’une proposition du Premier ministre.

La Commission adopte l’amendement CF 6. En conséquence, l’article 6 est supprimé.

Article 7

(Article L. 2242-8 du code du travail)

Négociation annuelle obligatoire

Selon l’article L. 2242-1 du code du travail, les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives du personnel sont soumises à une obligation annuelle de négocier. C’est normalement à l’employeur que revient l’initiative d’engager la négociation, cette obligation étant pénalement sanctionnée comme une entrave au droit syndical.

L’article L. 2242-8 du code du travail précise que la négociation annuelle porte sur les salaires effectifs, la durée effective du temps de travail, l’organisation du temps de travail, la formation ou la réduction du temps de travail.

D’autres articles du code du travail étendent cette obligation aux mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes (article L 2242-7), la prévoyance maladie (article L. 2242-11), l’épargne salariale et la retraite (article L. 2242-12), et aux conditions d’accès à l’emploi, la formation et la formation professionnelle des travailleurs handicapés (article L. 2242-13).

L’objet du présent article est de compléter le champ de l’obligation annuelle de négocier (et donc l’article L 2242-8 du code du travail) par une mention des nécessaires négociations portant sur « les éléments de rémunération versés aux dirigeants de l’entreprise sous quelque forme que ce soit ».

Cette négociation est indissociable du principe posé à l’article 8, visant à ce que le total des rémunérations versées aux dirigeants ne puisse excéder vingt fois le montant annuel du salaire minimal applicable dans l’entreprise considérée.

Les « éléments de rémunération » visés par le présent article doivent s’entendre de tous ceux abordés dans la présente proposition de loi, et notamment, outre les éléments fixes de ces rémunérations, leur part variable estimée, les rémunérations différées (options sur action et actions gratuites), les primes exceptionnelles (golden hello et golden parachutes) et les retraites supplémentaires à prestations définies.

La fixation de l’écart maximal prévu à l’article 8 permettra de s’assurer, dans l’hypothèse où celui-ci serait atteint, que les dirigeants ne puissent voir leur rémunération augmenter sans que ne croissent dans la même proportion les bas salaires.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 7 de M. Gilles Carrez, tendant à supprimer l’article 7.

M. Marc Le Fur. Nous proposons de supprimer l’article de la proposition de loi qui soumet l’ensemble des rémunérations des dirigeants à l’obligation de négociation entre partenaires sociaux.

M. le rapporteur. Avis défavorable. J’admire le sens du dialogue à l’UMP !

La Commission adopte l’amendement CF 7. En conséquence, l’article 7 est supprimé.

Article 8

(Article L. 225-102-1 du code du commerce)

Plafonnement des rémunérations

L’article L. 225-102 du code du commerce est relatif au rapport présenté à l’assemblée générale par le conseil d’administration ou le directoire d’une société anonyme.

L’article L. 225-102-1 du code du commerce précise quant à lui le contenu de ce rapport pour les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou qui sont contrôlées au sens de l'article L. 233-16 par une société dont les titres sont admis aux négociations sur un tel marché.

Il précise que ce rapport « indique également le montant des rémunérations et des avantages de toute nature que chacun de ces mandataires a reçu durant l'exercice de la part des sociétés contrôlées au sens de l'article L. 233-16 ou de la société qui contrôle, au sens du même article, la société dans laquelle le mandat est exercé » et impose une description précise des rémunérations visées : « Ce rapport décrit en les distinguant les éléments fixes, variables et exceptionnels composant ces rémunérations et avantages ainsi que les critères en application desquels ils ont été calculés ou les circonstances en vertu desquelles ils ont été établis. Il indique également les engagements de toutes natures, pris par la société au bénéfice de ses mandataires sociaux, correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la prise, de la cessation ou du changement de ces fonctions ou postérieurement à celles-ci. L'information donnée à ce titre doit préciser les modalités de détermination de ces engagements ».

L’objet du présent article consiste à plafonner le total des rémunérations, indemnités et avantages de toute nature attribués annuellement aux dirigeants à vingt fois le montant du salaire minimal applicable dans l’entreprise considérée. Il précise qu’il s’applique « y compris dans les établissements publics à caractère industriel et commercial ».

Si l’on considère que cette rémunération minimale est proche du SMIC, le plafond s’élèverait à environ 20 000 euros par mois ou 240 000 euros par an. On observera que ce montant est également voisin de celui fixé par Barack Obama pour les entreprises aidées par l’État fédéral américain. La proportion entre la rémunération d’un dirigeant de grande société cotée et le salaire le plus bas de son entreprise est aujourd’hui supérieur à 300, ce qui, comme indiqué dans l’exposé général, constitue une rupture par rapport aux évolutions antérieures.

Ce dispositif présente l’avantage de lier la rétribution des dirigeants à celles des salariés. Il évite la reproduction du phénomène constaté au cours des dernières années qui ont vu une explosion des rémunérations des mandataires sociaux alors que le salaire moyen évoluait très faiblement, comme le montre l’exposé général.

Contrairement au décret n° 2009-348 du 30 mars 2009 et à l’article 25 de la seconde loi de finances rectificative pour 2009 (27), le présent article ne se limite pas à l’encadrement de certaines formes de rémunération. Il prévoit un encadrement direct de la rémunération en la plafonnant.

Il convient en effet de s’élever contre l’attribution de rémunérations mirobolantes aux dirigeants des sociétés cotées.

La première raison avancée pour justifier le caractère élevé de la rémunération des dirigeants des grandes entreprises cotées est généralement le risque pris. Il convient cependant de remarquer que, contrairement à un entrepreneur, un dirigeant de grande société cotée n’engage pas son patrimoine dans l’entreprise. Par ailleurs, contrairement aux recommandations édictées par le Medef et l’association française des entreprises privées (AFEP), de nombreux dirigeants disposent d’un contrat de travail, qui leur offre une protection en cas de révocation.

La performance des dirigeants de grandes sociétés cotées est également avancée pour justifier leur haut niveau de rémunération. Or, il est particulièrement malaisé d’évaluer la performance d’un dirigeant. À titre d’exemple, le dirigeant le mieux payé de Wall Street était, en 2007, John Tain, de Merril Lynch (83 millions d’euros annuels).

Un dernier argument souvent avancé pour justifier le haut niveau de rémunération des dirigeants français de grandes sociétés cotées est la nécessité de maintenir des rémunérations compétitives dans le marché mondial des dirigeants d’entreprise. L’exposé général a pourtant montré que seuls quatre dirigeants de sociétés du CAC 40 en 2006 sont étrangers.

Comme le relevait Pierre-Alain Muet (28), la rémunération des dirigeants des sociétés cotées semble en fait plus sûrement déterminée par quatre facteurs essentiels : la taille de l’entreprise, la capitalisation boursière et la plus ou moins grande dilution du capital, la composition de l’actionnariat (la présence d’un actionnaire de référence tendant à agir à la baisse sur les rétributions des dirigeants) et la composition des comités de rémunération.

On rappellera que l’article 7 de la présente proposition de loi étend l’obligation annuelle de négocier aux éléments de rémunération versés aux dirigeants de l’entreprise : la fixation de l’écart maximal prévu au présent article permettra de s’assurer, dans l’hypothèse où celui-ci serait atteint, que les dirigeants ne puissent voir leur rémunération augmenter sans que ne croissent dans la même proportion les bas salaires.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 8 de M. Gilles Carrez, visant à supprimer l’article 8.

M. Marc Le Fur. Il s’agit de supprimer l’article 8, qui prévoit de plafonner la rémunération des dirigeants à vingt fois le salaire minimal de l’entreprise.

M. le rapporteur. En rédigeant l’article 8, nous avons pourtant été moins loin qu’Angela Merkel. Avis défavorable à l’amendement.

La Commission adopte l’amendement CF 8. En conséquence, l’article 8 est supprimé.

Article 9

(Article L. 225-21 du code du commerce)

Limitation du nombre de mandats d’administrateurs de sociétés pouvant être détenus par une personne physique

La loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (la "loi NRE") a notamment eu pour objectif de développer en France le concept anglo-saxon de "corporate governance" (le gouvernement d'entreprise) : les nouvelles règles qu’elle pose sont précisées par la loi n°2002-1303 du 29 octobre 2002 modifiant certaines dispositions du code de commerce relatives aux mandats sociaux.

Selon l’article L. 225-21 du code du commerce, le nombre de mandats d’administrateurs de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français est limité à cinq par personne physique.

Ce même article exclut de ce calcul les mandats exercés par une société dans une société contrôlée. La notion de contrôle retenue est celle de l'article L. 233-16 du code de commerce.

Il sanctionne le manquement à la règle posée par un principe ferme, exposé au quatrième alinéa de cet article : « Toute personne physique qui se trouve en infraction avec les dispositions du présent article doit se démettre de l'un de ses mandats dans les trois mois de sa nomination, ou du mandat en cause dans les trois mois de l'événement ayant entraîné la disparition de l'une des conditions fixées à l'alinéa précédent. À l'expiration de ce délai, elle est réputée s'être démise, selon le cas, soit de son nouveau mandat, soit du mandat ne répondant plus aux conditions fixées à l'alinéa précédent, et doit restituer les rémunérations perçues, sans que soit, de ce fait, remise en cause la validité des délibérations auxquelles elle a pris part ».

L’article L. 225-77 du même code transpose ces règles pour les sociétés anonymes dotées d’un directoire et d’un conseil de surveillance.

Depuis la loi du 29 octobre 2002, il est également permis de ne comptabiliser que pour un seul mandat les mandats d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance exercés dans les sociétés qui sont contrôlées par une même société holding (hypothèse de sociétés "sœurs"). Cette disposition ne bénéficie cependant pas aux sociétés cotées: les sociétés sœurs doivent être des sociétés non cotées. En outre, le nombre de mandats détenus à ce titre ne doit pas être supérieur à cinq.

Malgré ce principe, on sait que la pratique peut conduire une personne physique à tenter de contourner les dispositions légales en vigueur.

En tout état de cause, les restrictions apportées au cumul des mandats sociaux exercés au sein des sociétés anonymes ont pour objet de renforcer la qualité du gouvernement d’entreprise dans un souci d’efficacité, de transparence et de disponibilité. Or, l’exercice des mandats par les personnes qui en sont nommément investies par les actionnaires exige que le nombre des mandats donnés à un même titulaire soit limité afin d’éviter une dilution de la responsabilité des dirigeants sociaux. Ces restrictions ont également pour but d’assurer l’efficacité du contrôle que chaque mandataire se doit d’exercer personnellement sur l’administration de chaque société concernée.

Si différentes lois ont déjà limité, au début des années 2000, le nombre de mandats qu’il est possible de cumuler dans différentes sociétés, celui-ci demeure important. Comment peut-on escompter un contrôle rigoureux de la gestion d’une entreprise de la part d’administrateurs ou de membres du conseil de surveillance qui occupent cinq mandats sociaux dans cinq grandes entreprises différentes, voire plus, ainsi que la loi le permet ?

Ce défaut est plus connu sous les termes de « consanguinité » des conseils d’administration, qui peut parfois s’étendre aux comités de rémunération….

On constate en effet que les diverses instances mises en place depuis une décennie, notamment les comités de rémunération, ne fonctionnent pas correctement. La présence dans ces organes ainsi qu’au conseil d’administration de dirigeants d’autres grandes entreprises ne facilite pas la régulation des rémunérations car ils ne sont pas incités à sanctionner leurs pairs qui peuvent être administrateurs de leur propre société.

Ce problème a été parfaitement appréhendé par M. Frédéric Lefebvre qui a déposé récemment une proposition de loi n° 1457 visant notamment à définir les modes de nomination et de rémunération des mandataires sociaux des sociétés cotées. La proposition de loi confie à l'Autorité des marchés financiers (AMF), et à la Commission bancaire s'agissant des sociétés du secteur de la banque, le soin de fournir une liste agréée de noms à l'assemblée générale. Les actionnaires auraient alors à choisir, dans cette liste, les personnes destinées à siéger au conseil d'administration ou au conseil de surveillance. Ces élus représenteraient « un tiers au moins » de la composition de ces instances.

La commission des lois du Sénat a ainsi récemment auditionné M. Daniel Lebègue, président de l'Institut français des administrateurs : celui-ci, après avoir rappelé que la notion d'administrateur indépendant avait été définie en 2002, a relevé que « la proportion de ces administrateurs au sein des conseils d'administration était passée de 10 % en 1995 à 50 % en 2005 ». Soulignant les progrès considérables induits par cette évolution, il a reconnu l'existence de marges de progression supplémentaires. À cet égard, il a suggéré d'interdire, « d'une part, le cumul par les dirigeants exécutifs des sociétés cotées de plus de deux mandats sociaux externes, contre cinq actuellement, ainsi que la désignation d'« administrateurs croisés » entre deux sociétés ». (Compte-rendu du 11 mars 2009).

Dans cet esprit, la proposition de loi prévoit de limiter à deux le nombre de mandats d’administrateurs de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français.

Votre rapporteur proposera d’étendre aux sociétés à directoire et conseils de surveillance les dispositions prévues par la proposition de loi au profit des seules sociétés à conseil d’administration.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 9 de M. Gilles Carrez, tendant à supprimer l’article 9.

M. Marc Le Fur. Nous proposons de supprimer l’article 9, qui limite à deux le nombre des conseils d’administration dans lesquels une même personne peut siéger.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement CF 9. En conséquence, l’article 9 est supprimé et l’amendement CF 12 de M. Jean-Pierre Brard n’a plus d’objet.

TITRE IV : CRÉATION D’UN PÔLE FINANCIER PUBLIC

Article 10

Rapport sur la constitution d’un pôle public national du crédit

Le financement des entreprises repose aujourd’hui pour l’essentiel sur le secteur bancaire privé ou des fonds d’investissement, dont les exigences en termes de niveau de dividendes pour les actionnaires ont des conséquences désastreuses sur l’emploi, les salaires et les conditions de travail.

Par ailleurs, l’État intervient, en matière de créations d’emploi dans le secteur privé, par une politique contestable d’allègements et d’exonérations de charges sociales, dont la Cour des comptes a établi l’inutilité.

Dans deux rapports sur les exonérations de charges sociales transmis à la commission des Finances de l’Assemblée nationale en juillet 2006 et octobre 2007, la Cour des comptes a relevé que les nombreux dispositifs d’allègement des charges sociales étaient insuffisamment évalués en dépit de la charge financière croissante qu’ils représentent pour les finances publiques (1,5 % du PIB). S’agissant des allègements généraux sur les bas salaires, leur efficacité sur l’emploi est jugée trop incertaine pour ne pas amener à reconsidérer leur ampleur, voire leur pérennité. Quant à ceux ciblés sur des territoires ou des secteurs d’activité, leur manque de lisibilité et leur impact limité sur l’emploi justifient selon elle un réexamen systématique.

La loi TEPA du 21 août 2007 est venue rendre le système d’exonérations encore plus complexe et plus coûteux. Elle a en effet créé de nouvelles exonérations générales portant sur les heures supplémentaires et complémentaires d’un coût total estimé à 2,9 milliards d’euros pour 2008. Par ailleurs, ce texte et la loi sur le pouvoir d’achat du 8 février 2008 ont accru la complexité du système en étendant les exonérations, qui ne portaient que sur les charges patronales, aux cotisations salariales et à certains éléments exceptionnels de rémunération.

Le tableau suivant présente la répartition de ces allègements et exonérations, qui représentaient, en 2009, un total de 32,6 milliards d’euros, dont 2,6 milliards ne seraient pas compensés.

ÉVOLUTION DU COÛT DES MESURES D’EXONÉRATION DE COTISATIONS ET DE
CONTRIBUTIONS SOCIALES DE 2007 À 2011
TOUTES BRANCHES CONFONDUES

(En millions d’euros)

   

2007

2008

2009

2010

2011

DISPOSITIFS

Coût  

Coût *

Évolution 2008/2007

Coût *

Évolution 2009/2008

Coût *

Évolution 2010/2009

Coût *

Évolution 2011/2010

MESURES COMPENSÉES

 

TOTAL EXONÉRATIONS GÉNÉRALES

21 726

25 917

19 %

26 546,06

2,4 %

26 941

1,5 %

27 349

1,5 %

EXONÉRATIONS CIBLÉES

                 

Sous-total exonération ciblées sur des publics particuliers

1 446

1 671

16 %

1 179

-29 %

1 150,7

-2 %

1 186

3 %

Sous-total exonérations ciblées sur des secteurs économiques

782

872

11 %

720

-17 %

759

5 %

778

3 %

TOTAL EXONÉRATIONS CIBLÉES

4 135

4 446

8 %

3 391

-24 %

3 446

1,6 %

3 372

-2,2 %

TOTAL MESURES COMPENSEES

25 861

30 363

17 %

29 937

-1,4 %

30 387

1,5 %

30 721

1,1 %

MESURES NON COMPENSÉES

                 

TOTAL EXONÉRATIONS NON COMPENSÉES

3 051

2 929

-4,0 %

2 664

-9 %

2 791

5 %

2 941

5 %

TOTAL EXONÉRATIONS COMPENSÉES ET NON COMPENSÉES

28 912

33 291

15 %

32 601

-2,1 %

33 178

1,8 %

33 661,53

1,5 %

* Coût associé aux cotisations liquidées dans l’année

Champ : toutes branches

Source : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, annexe 5

Ces exonérations représentent plus du quart des dépenses publiques dites de lutte contre le chômage. L’absence de recettes qui en résulte pour la Sécurité sociale n’est pas toujours compensée par l’État, ou alors avec retard, ce qui pose, en plus de celle de l’efficacité du dispositif, la question de « l’équité de financement » de la solidarité nationale. La pertinence du dispositif est mise en doute par la Cour. Celle-ci, de plus, stigmatise son échec à protéger les industries, notamment manufacturières, qui se débattent avec la mondialisation – ce qui était, au départ, l’un des buts recherchés. Elle observe ainsi que « les principaux secteurs bénéficiaires ne sont pas exposés à la compétition mondiale et encore moins au risque de délocalisation », comme la construction, la restauration, le commerce, l’agriculture et les services aux particuliers. Les rapports de la Cour des Comptes confirment qu’au lieu de s’engager dans un effort massif de formation, ces mesures pérennisent l’emploi très peu qualifié ! Les exonérations de cotisations sociales patronales ont maintenu la France sur des productions directement en concurrence avec des pays à bas coûts salariaux, favorisant ainsi les délocalisations.

A l’inverse de ces tendances, l’auteur de la proposition de loi se prononce pour la constitution d’un pôle public national du crédit ayant notamment pour fonction la distribution de crédits bonifiés aux entreprises dès lors que ceux-ci intéressent l’investissement productif dans la formation, la recherche et la création d’emplois de qualité.

Il demande en conséquence au gouvernement de remettre au Parlement avant le 1er juillet 2009 un rapport sur ce thème.

I.– LA CONSTITUTION D’UN PÔLE PUBLIC NATIONAL DE CRÉDIT

Aux yeux de l’auteur de la proposition de loi, ce pôle national aurait vocation à associer l’État, la Caisse des dépôts et consignations et « les établissements bancaires du secteur public et semi-public ».

Cette dernière précision, qui inclurait La Banque Postale et OSEO, laisse en suspens l’inclusion éventuelle de deux acteurs essentiels :

– le groupe des caisses d’épargne et des banques populaires, dont le statut coopératif, qui implique notamment que les caisses et banques régionales ne sont pas détenues par des actionnaires mais par des sociétaires possédant les parts sociales de ces établissements et sont rémunérés à un taux fixé par l’assemblée générale de l’entité régionale, est clairement réaffirmé par le projet de loi (n° 1619) relatif à son organe central, actuellement en cours de discussion. Ce caractère coopératif est compatible avec les objectifs de la présente proposition de loi. Mais, si l’État réalise un effort exceptionnel pour assurer la pérennité du nouveau groupe, il n’a pas vocation à demeurer à long terme au capital du nouveau groupe et les modalités de l’opération (actions de préférence et titres super subordonnés à durée indéterminée) incitent à sa sortie rapide ;

– DEXIA, dont le caractère franco-belge pourrait se révéler incompatible avec l’objectif de constitution d’un pôle purement français du crédit.

II.– LA DISTRIBUTION DE PRÊTS BONIFIÉS

Le taux bonifié (appelé aussi taux privilégié) est un taux inférieur à celui pratiqué habituellement pour un même type de crédit. Par exemple, certains organismes ont des taux bonifiés obligatoires, comme les prêts bonifiés accordés aux agriculteurs par le Crédit Agricole, les prêts bonifiés accordés aux HLM par la Caisse des dépôts. Les taux bonifiés sont rendus possibles grâce aux aides de l’État compensant la différence entre le coût théorique du crédit et son coût après application du taux bonifié.

Ces crédits bonifiés ne pourraient être distribués aux entreprises que dès lors qu’ils intéresseraient « l’investissement productif dans la formation, la recherche et la création d’emplois de qualité ».

Votre Rapporteur rapprochera cet accent mis sur la formation et la recherche des déclarations du Président Obama faisant valoir que son plan de relance pour sortir de la crise qu’il va présenter au G20 doit “se fonder sur une nouvelle politique mondiale concertée et ambitieuse de la recherche et de l’innovation, qui seule peut nous permettre d’échapper au marasme actuel“. “Les chercheurs doivent être les nouveaux « pères fondateurs » du monde de demain et la recherche est la nouvelle « frontière ».

La sélectivité du crédit doit permettre de rendre moins cher pour les entreprises le recours à l’emprunt bancaire dès lors que leurs investissements induisent un développement de la croissance, de l’emploi et de la formation.

À l’inverse, cette sélectivité doit jouer un rôle dissuasif vis-à-vis des opérations visant à l’accumulation financière en rendant plus onéreux le recours au crédit. Il ne faut pas seulement permettre un contrôle de l’utilisation de l’argent par les directions des banques et des entreprises, il faut imposer de nouveaux critères d’allocation des ressources en créant des institutions qui permettent l’exercice d’un droit d’intervention et de proposition des salariés et des populations s’appuyant sur ces critères.

L’essentiel demeure de réorienter le crédit pour le mettre au service d’une nouvelle croissance créatrice d’emplois et respectueuse de l’environnement. Le pôle financier public doit favoriser par des taux sélectifs les investissements utiles et pénaliser ceux qui vont à la spéculation : en d’autres termes, il conviendrait de définir une politique de l’Etat actionnaire, qui serait validée par un vote du Parlement chaque année.

La constitution de ce pôle financier public n’est bien sûr pas incompatible avec la création d’un autre pôle, regroupant, lui, les participations publiques dans toutes les sociétés concurrentielles hors secteur bancaire.

*

* *

La Commission est saisie d’un amendement CF 10 de M. Gilles Carrez, visant à supprimer l’article 10.

M. Marc Le Fur. L’amendement tend à supprimer l’article 10, qui prévoit que le Gouvernement devra remettre un rapport au Parlement sur les conditions de la mise en place d’un pôle public national du crédit chargé d’accorder des prêts bonifiés aux entreprises.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement CF 10. En conséquence, l’article 10 est supprimé.

M. le président Didier Migaud. La suppression de l’ensemble des articles vaut rejet du texte. En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de la proposition de loi.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Texte adopté par la Commission

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TITRE 1ER

 
 

MESURES DE JUSTICE FISCALE

 
 

Article 1er

 

Code général des impôts

   

Article 1er

L’article 1er du code général des impôts est abrogé.

 

Les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus.

   

Les conditions d'application de ce droit sont définies à l'article 1649-0 A.

   
 

Article 2

 

Article 197

Les trois derniers alinéas du 1 du I de l’article 197 du code général des impôts sont remplacés par les alinéas suivants :

 

I.– En ce qui concerne les contribuables visés à l'article 4 B, il est fait application des règles suivantes pour le calcul de l'impôt sur le revenu :

   

1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 5 852 € le taux de :

   

- 5,50 % pour la fraction supérieure à 5 852 € et inférieure ou égale à 11 673 € ;

- 5,5 % pour la fraction supérieure à 5 852 euros et inférieure ou égale 11 673 euros ;

 

- 14 % pour la fraction supérieure à 11 673 € et inférieure ou égale à 25 926 € ;

- 14 % pour la fraction supérieure à 11 674 euros et inférieure ou égale 15 600 euros ;

 

- 30 % pour la fraction supérieure à 25 926 € et inférieure ou égale à 69 505 € ;

- 18 % pour la fraction supérieure à 15 601 euros et inférieure ou égale à 19 300 euros ;

 
     
     

- 40 % pour la fraction supérieure à 69 505 €.

- 25,8 % pour la fraction supérieure à 19 301 euros et inférieure ou égale 25 926 euros ;

 
 

- 34,5 % pour la fraction supérieure à 25 927 euros et inférieure ou égale 35 500 euros ;

 
 

- 39,5 % pour la fraction supérieure à 35 501 euros et inférieure ou égale 44 247 euros ;

 
 

- 44,5 % pour la fraction supérieure à 44 248 euros et inférieure ou égale 52 993 euros ;

 
 

- 49,7 % pour la fraction supérieure à 52 994 euros et inférieure ou égale 69 505 euros ;

 
 

- 54,8 % pour la fraction supérieure à 69 506 euros. »

 

.................................................................

   
 

Article 3

 
 

Après l'article 885 U du code général des impôts, il est inséré un article 885 U bis ainsi rédigé :

 
 

« Art. 885 U bis. – Le montant de l'impôt de solidarité sur la fortune, calculé dans les conditions prévues à l'article 885 U, est majoré de 15 % pour les quatre premières tranches du barème et de 30 % pour les tranches supérieures ».

 
 

TITRE 2

 
 

LUTTE CONTRE LES PARADIS FISCAUX

 
 

Article 4

 
 

Après l'article L. 511-8 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 511-8-1 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L.511-8-1.– Il est interdit à un établissement de crédit d'exercer directement ou indirectement des activités dans des États ou territoires qui ne prêtent pas assistance aux autorités administratives françaises en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et d'entretenir des relations commerciales avec des personnes ou entités qui y sont établies. Les mêmes règles s'appliquent aux sociétés dont les titres sont admis sur un marché réglementé dans lesquelles investit le Fonds stratégique d'investissement et aux entreprises bénéficiant de prêts accordés sur les crédits ouverts sur le programme Prêtas à la filière automobile du compte spécial Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés. »

 
 

TITRE 3

 
 

RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS D'ENTREPRISES

 
 

Article 5

 

Code de commerce

   

Article L. 225-177

Les articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce sont abrogés.

 

L'assemblée générale extraordinaire, sur le rapport du conseil d'administration ou du directoire, selon le cas, et sur le rapport spécial des commissaires aux comptes, peut autoriser le conseil d'administration ou le directoire à consentir, au bénéfice des membres du personnel salarié de la société ou de certains d'entre eux, des options donnant droit à la souscription d'actions. L'assemblée générale extraordinaire fixe le délai pendant lequel cette autorisation peut être utilisée par le conseil d'administration ou par le directoire, ce délai ne pouvant être supérieur à trente-huit mois. Toutefois, les autorisations antérieures à la date de publication de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques sont valables jusqu'à leur terme.

   

Le conseil d'administration ou le directoire fixe les conditions dans lesquelles seront consenties les options. Ces conditions pourront comporter des clauses d'interdiction de revente immédiate de tout ou partie des actions sans que le délai imposé pour la conservation des titres puisse excéder trois ans à compter de la levée de l'option.

   

Les options peuvent être consenties ou levées alors même que le capital social n'aurait pas été intégralement libéré.

   

Le prix de souscription est fixé au jour où l'option est consentie, par le conseil d'administration ou le directoire selon les modalités déterminées par l'assemblée générale extraordinaire sur le rapport des commissaires aux comptes. Si les actions de la société ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé, le prix de souscription est déterminé conformément aux méthodes objectives retenues en matière d'évaluation d'actions en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la situation nette comptable, de la rentabilité et des perspectives d'activité de l'entreprise. Ces critères sont appréciés le cas échéant sur une base consolidée ou, à défaut, en tenant compte des éléments financiers issus des filiales significatives. À défaut, le prix de souscription est déterminé en divisant par le nombre de titres existants le montant de l'actif net réévalué, calculé d'après le bilan le plus récent. Si les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé le prix de souscription ne peut pas être inférieur à 80 % de la moyenne des cours cotés aux vingt séances de bourse précédant ce jour, aucune option ne pouvant être consentie moins de vingt séances de bourse après le détachement des actions d'un coupon donnant droit à un dividende ou à une augmentation de capital.

   

Dans une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les options ne peuvent être consenties :

   

1° Dans le délai de dix séances de bourse précédant et suivant la date à laquelle les comptes consolidés, ou à défaut les comptes annuels, sont rendus publics ;

   

2° Dans le délai compris entre la date à laquelle les organes sociaux de la société ont connaissance d'une information qui, si elle était rendue publique, pourrait avoir une incidence significative sur le cours des titres de la société, et la date postérieure de dix séances de bourse à celle où cette information est rendue publique.

   

Des options donnant droit à la souscription de titres qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ne peuvent être consenties qu'aux salariés de la société qui attribue ces options ou à ceux des sociétés mentionnées au 1° de l'article L. 225-180.

   

Article L. 225-178

   

L'autorisation donnée par l'assemblée générale extraordinaire comporte, au profit des bénéficiaires des options, renonciation expresse des actionnaires à leur droit préférentiel de souscription aux actions qui seront émises au fur et à mesure des levées d'options.

   

L'augmentation de capital résultant de ces levées d'options ne donne pas lieu aux formalités prévues à l'article L. 225-142, au deuxième alinéa de l'article L. 225-144 et à l'article L. 225-146. Elle est définitivement réalisée du seul fait de la déclaration de levée d'option, accompagnée du bulletin de souscription et du paiement en numéraire ou par compensation avec des créances, de la somme correspondante.

   

Lors de sa première réunion suivant la clôture de chaque exercice, le conseil d'administration ou le directoire, selon le cas, constate, s'il y a lieu, le nombre et le montant des actions émises pendant la durée de l'exercice à la suite des levées d'options et apporte les modifications nécessaires aux clauses des statuts relatives au montant du capital social et au nombre des actions qui le représentent. Le conseil d'administration peut déléguer au directeur général ou, en accord avec ce dernier, à un ou plusieurs directeurs généraux délégués les pouvoirs pour procéder, dans le mois qui suit la clôture de l'exercice, aux opérations mentionnées à la phrase précédente. Le directoire peut, aux mêmes fins, déléguer les mêmes pouvoirs à son président ou, en accord avec ce dernier, à un ou plusieurs de ses membres. Le conseil d'administration ou le directoire, ou les personnes qui ont reçu délégation, peuvent également, à toute époque, procéder à ces opérations pour l'exercice en cours.

   

Article L. 225-179

   

L'assemblée générale extraordinaire peut aussi autoriser le conseil d'administration ou le directoire, selon le cas, à consentir au bénéfice des membres du personnel salarié de la société ou de certains d'entre eux, des options donnant droit à l'achat d'actions provenant d'un rachat effectué, préalablement à l'ouverture de l'option, par la société elle-même dans les conditions définies aux articles L. 225-208 ou L. 225-209. L'assemblée générale extraordinaire fixe le délai pendant lequel cette autorisation peut être utilisée par le conseil d'administration ou par le directoire, ce délai ne pouvant être supérieur à trente-huit mois. Toutefois, les autorisations antérieures à la date de publication de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques sont valables jusqu'à leur terme.

   

En ce cas, les dispositions des deuxième et quatrième à septième alinéas de l'article L. 225-177 sont applicables. En outre, le prix de l'action, au jour où l'option est consentie, ne peut pas être inférieur à 80 % du cours moyen d'achat des actions détenues par la société au titre des articles L. 225-208 et L. 225-209.

   

Des options donnant droit à l'achat de titres qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ne peuvent être consenties qu'aux salariés de la société qui attribue ces options ou à ceux des sociétés mentionnées au 1° de l'article L. 225-180.

   

Article L. 225-180

   

I.– Des options peuvent être consenties, dans les mêmes conditions qu'aux articles L. 225-177 à L. 225-179 ci-dessus :

   

1° Soit au bénéfice des membres du personnel salarié des sociétés ou des groupements d'intérêt économique dont 10 % au moins du capital ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par la société consentant les options ;

   

2° Soit au bénéfice des membres du personnel salarié des sociétés ou des groupements d'intérêt économique détenant, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital ou des droits de vote de la société consentant les options ;

   

3° Soit au bénéfice des membres du personnel salarié des sociétés ou des groupements d'intérêt économique dont 50 % au moins du capital ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par une société détenant elle-même, directement ou indirectement, au moins 50 % du capital de la société consentant les options.

   

II.– L'assemblée générale ordinaire de la société contrôlant majoritairement, directement ou indirectement, celle qui consent les options est informée dans les conditions prévues à l'article L. 225-184.

   

III.– Des options peuvent également être consenties dans les mêmes conditions qu'aux articles L. 225-177 à L. 225-179 par une entreprise contrôlée, directement ou indirectement, exclusivement ou conjointement, par un organe central, des organes centraux ou les établissements de crédit qui lui ou leur sont affiliés au sens des articles L. 511-30 à L. 511-32 du code monétaire et financier, aux salariés desdites sociétés ainsi qu'à ceux des entités dont le capital est détenu pour plus de 50 %, directement ou indirectement, exclusivement ou conjointement, par cet organe central, ces organes centraux ou des établissements affiliés.

   

Article L. 225-181

   

Le prix fixé pour la souscription ou l'achat des actions ne peut pas être modifié pendant la durée de l'option.

   

Toutefois, lorsque la société réalise un amortissement ou une réduction du capital, une modification de la répartition des bénéfices, une attribution gratuite d'actions, une incorporation au capital de réserves, bénéfices ou primes d'émission, une distribution de réserves ou toute émission de titres de capital ou de titres donnant droit à l'attribution de titres de capital comportant un droit de souscription réservé aux actionnaires, elle doit prendre les mesures nécessaires à la protection des intérêts des bénéficiaires des options dans les conditions prévues à l'article L. 228-99.

   

Article L. 225-182

   

Le nombre total des options ouvertes et non encore levées ne peut donner droit à souscrire un nombre d'actions excédant une fraction du capital social déterminée par décret en Conseil d'État.

   

Il ne peut être consenti d'options aux salariés et aux mandataires sociaux possédant plus de 10 % du capital social.

   

Article L. 225-183

   

L'assemblée générale extraordinaire fixe le délai pendant lequel les options doivent être exercées.

   

Les droits résultant des options consenties sont incessibles jusqu'à ce que l'option ait été exercée.

   

En cas de décès du bénéficiaire, ses héritiers peuvent exercer l'option dans un délai de six mois à compter du décès.

   

Article L. 225-184

   

Un rapport spécial informe chaque année l'assemblée générale ordinaire des opérations réalisées en vertu des dispositions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186.

   

Ce rapport rend également compte :

   

– du nombre, des dates d'échéance et du prix des options de souscription ou d'achat d'actions qui, durant l'année et à raison des mandats et fonctions exercés dans la société, ont été consenties à chacun de ces mandataires par la société et par celles qui lui sont liées dans les conditions prévues à l'article L. 225-180 ;

   

– du nombre, des dates d'échéance et du prix des options de souscription ou d'achat d'actions qui ont été consenties durant l'année à chacun de ces mandataires, à raison des mandats et fonctions qu'ils y exercent par les sociétés contrôlées au sens de l'article L. 233-16 ;

   

– du nombre et du prix des actions souscrites ou achetées durant l'exercice par les mandataires sociaux de la société en levant une ou plusieurs des options détenues sur les sociétés visées aux deux alinéas précédents.

   

Ce rapport indique également :

   

– le nombre, le prix et les dates d'échéance des options de souscription ou d'achat d'actions consenties, durant l'année, par la société et par les sociétés ou groupements qui lui sont liés dans les conditions prévues à l'article L. 225-180, à chacun des dix salariés de la société non mandataires sociaux dont le nombre d'options ainsi consenties est le plus élevé ;

   

– le nombre et le prix des actions qui, durant l'année, ont été souscrites ou achetées, en levant une ou plusieurs options détenues sur les sociétés visées à l'alinéa précédent, par chacun des dix salariés de la société non mandataires sociaux dont le nombre d'actions ainsi achetées ou souscrites est le plus élevé.

   

Ce rapport indique également le nombre, le prix et les dates d'échéance des options de souscription ou d'achat d'actions consenties, durant l'année, par les sociétés visées à l'alinéa précédent, à l'ensemble des salariés bénéficiaires ainsi que le nombre de ceux-ci et la répartition des options consenties entre les catégories de ces bénéficiaires.

   

Article L. 225-185

   

Des options donnant droit à la souscription d'actions peuvent être consenties pendant une durée de deux ans à compter de l'immatriculation de la société, aux mandataires sociaux personnes physiques qui participent avec des salariés à la constitution d'une société.

   

De telles options peuvent également être consenties, pendant une durée de deux ans à compter du rachat, aux mandataires sociaux personnes physiques d'une société qui acquièrent avec des salariés la majorité des droits de vote en vue d'assurer la continuation de la société.

   

En cas d'attribution d'options, dans un délai de deux ans après la création d'une société ou le rachat de la majorité du capital d'une société par ses salariés ou ses mandataires sociaux, le maximum prévu au dernier alinéa de l'article L. 225-182 est porté au tiers du capital.

   

Le président du conseil d'administration, le directeur général, les directeurs généraux délégués, les membres du directoire ou le gérant d'une société par actions peuvent se voir attribuer par cette société des options donnant droit à la souscription ou à l'achat d'actions dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-184 et L. 225-186-1. Toutefois, par dérogation à ces dispositions, le conseil d'administration ou, selon le cas, le conseil de surveillance soit décide que les options ne peuvent être levées par les intéressés avant la cessation de leurs fonctions, soit fixe la quantité des actions issues de levées d'options qu'ils sont tenus de conserver au nominatif jusqu'à la cessation de leurs fonctions. L'information correspondante est publiée dans le rapport mentionné à l'article L. 225-102-1.

   

Ils peuvent également se voir attribuer, dans les mêmes conditions, des options donnant droit à la souscription ou à l'achat d'actions d'une société qui est liée dans les conditions prévues à l'article L. 225-180, sous réserve que les actions de cette dernière soient admises aux négociations sur un marché réglementé.

   

Article L. 225-186

   

Les articles L. 225-177 à L. 225-185 sont applicables aux certificats d'investissement, aux certificats coopératifs d'investissement et aux certificats coopératifs d'associés.

   
 

Article 6

 

Code général des impôts

   

Article 193

Après le deuxième alinéa de l'article 193 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 

Sous réserve des dispositions de l'article 196 B, le revenu imposable est pour le calcul de l'impôt sur le revenu, divisé en un certain nombre de parts, fixé conformément à l'article 194, d'après la situation et les charges de famille du contribuable.

   

Le revenu correspondant à une part entière est taxé par application du tarif prévu à l'article 197.

   
 

« Toutefois, la fraction des revenus correspondant aux éléments de rémunération, indemnités et avantages visés aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce, dont le montant annuel excède le montant annuel du salaire minimal interprofessionnel de croissance, est taxée au taux de 95 %. »

 

L'impôt brut est égal au produit de la cotisation ainsi obtenue par le nombre de parts.

   

L'impôt dû par le contribuable est calculé à partir de l'impôt brut diminué, s'il y a lieu, des réductions d'impôt prévues par les articles 199 quater B à 200, et, le cas échéant, des retenues à la source et crédits d'impôt mentionnés aux articles 182 A, 182 A bis, 182 B, 199 ter, 199 ter A, au 4 de l'article 199 sexdecies et aux articles 200 quater à 200 quaterdecies.

   

Pour l'application du premier alinéa, le revenu imposable ainsi que les différents éléments ayant concouru à sa détermination, sont arrondis à l'euro le plus proche. La fraction d'euro égale à 0,50 est comptée pour 1.

   
 

Article 7

 

Code du travail

   

Article L. 2242-8

Après le 1° de l’article L. 2242-8 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 

Chaque année, l'employeur engage une négociation annuelle obligatoire portant sur :

   

1° Les salaires effectifs ;

   
 

« Les éléments de rémunération versés aux dirigeants de l’entreprise sous quelque forme que ce soit. »

 

2° La durée effective et l'organisation du temps de travail, notamment la mise en place du travail à temps partiel à la demande des salariés.

   

Cette négociation peut également porter sur la formation ou la réduction du temps de travail.

   
 

Article 8

 

Code de commerce

   

Article L. 225-102-1

L'article L.225-102-1 du code du commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

 

Le rapport visé à l'article L. 225-102 rend compte de la rémunération totale et des avantages de toute nature versés, durant l'exercice, à chaque mandataire social, y compris sous forme d'attribution de titres de capital, de titres de créances ou de titres donnant accès au capital ou donnant droit à l'attribution de titres de créances de la société ou des sociétés mentionnées aux articles L. 228-13 et L. 228-93.

   

Il indique également le montant des rémunérations et des avantages de toute nature que chacun de ces mandataires a reçu durant l'exercice de la part des sociétés contrôlées au sens de l'article L. 233-16 ou de la société qui contrôle, au sens du même article, la société dans laquelle le mandat est exercé.

   

Ce rapport décrit en les distinguant les éléments fixes, variables et exceptionnels composant ces rémunérations et avantages ainsi que les critères en application desquels ils ont été calculés ou les circonstances en vertu desquelles ils ont été établis. Il indique également les engagements de toutes natures, pris par la société au bénéfice de ses mandataires sociaux, correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la prise, de la cessation ou du changement de ces fonctions ou postérieurement à celles-ci. L'information donnée à ce titre doit préciser les modalités de détermination de ces engagements. Hormis les cas de bonne foi, les versements effectués et les engagements pris en méconnaissance des dispositions du présent alinéa peuvent être annulés.

   

Il comprend également la liste de l'ensemble des mandats et fonctions exercés dans toute société par chacun de ces mandataires durant l'exercice.

   

Il comprend également des informations, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité. Le présent alinéa ne s'applique pas aux sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé.

   

Les dispositions des deux derniers alinéas de l'article L. 225-102 sont applicables aux informations visées au présent article.

   

Les dispositions des premier à troisième alinéas ne sont pas applicables aux sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé et qui ne sont pas contrôlées au sens de l'article L. 233-16 par une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé. Ces dispositions ne sont, en outre, pas applicables aux mandataires sociaux ne détenant aucun mandat dans une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé.

   
 

« Le total des rémunérations, indemnités et avantages de toute nature, attribués annuellement dans une entreprise française publique ou privée, y compris les établissements publics à caractère industriel et commercial, à ses président du conseil d'administration, président directeur général, directeur général, directeurs généraux délégués, membres du directoire, président du conseil de surveillance ou gérant, ne peut excéder vingt fois le montant annuel du salaire minimal applicable dans l'entreprise considérée. »

 
 

Article 9

 

Article L. 225-21

   


Une personne physique ne peut exercer simultanément plus de cinq mandats d'administrateur de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français.

Dans le premier alinéa de l'article L. 225-21 du code de commerce, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « deux ».

 

Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, ne sont pas pris en compte les mandats d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance exercés par cette personne dans les sociétés contrôlées au sens de l'article L. 233-16 par la société dont elle est administrateur.

   

Pour l'application des dispositions du présent article, les mandats d'administrateur des sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé et contrôlées au sens de l'article L. 233-16 par une même société ne comptent que pour un seul mandat, sous réserve que le nombre de mandats détenus à ce titre n'excède pas cinq.

   

Toute personne physique qui se trouve en infraction avec les dispositions du présent article doit se démettre de l'un de ses mandats dans les trois mois de sa nomination, ou du mandat en cause dans les trois mois de l'événement ayant entraîné la disparition de l'une des conditions fixées à l'alinéa précédent. À l'expiration de ce délai, elle est réputée s'être démise, selon le cas, soit de son nouveau mandat, soit du mandat ne répondant plus aux conditions fixées à l'alinéa précédent, et doit restituer les rémunérations perçues, sans que soit, de ce fait, remise en cause la validité des délibérations auxquelles elle a pris part.

   
 

TITRE 4

 
 

CRÉATION D'UN PÔLE FINANCIER PUBLIC

 
 

Article 10

 
 

Avant le 1er juillet 2009, le gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conditions de la mise en place d'un Pôle public national du crédit associant l’État, la Caisse des dépôts en partenariat avec les établissements bancaires du secteur public et semi-public, lequel aurait notamment pour fonction de proposer des crédits à taux bonifiés aux entreprises dès lors que ceux-ci intéressent l’investissement productif dans la formation, la recherche et la création d’emplois de qualité.

 

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION (29)

AMENDEMENT N° CF 1

présenté par MM. Gilles Carrez, Jérôme Chartier, Michel Bouvard, Yves Censi, Louis Giscard d’Estaing et les membres de la commission des Finances appartenant au groupe UMP

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Article Premier

Supprimer cet article.

AMENDEMENT N° CF 2

présenté par MM. Gilles Carrez, Jérôme Chartier, Michel Bouvard, Yves Censi, Louis Giscard d’Estaing et les membres de la commission des Finances appartenant au groupe UMP

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Article 2

Supprimer cet article.

AMENDEMENT N° CF 3

présenté par MM. Gilles Carrez, Jérôme Chartier, Michel Bouvard, Yves Censi, Louis Giscard d’Estaing et les membres de la commission des Finances appartenant au groupe UMP

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Article 3

Supprimer cet article.

AMENDEMENT N° CF 4

présenté par MM. Gilles Carrez, Jérôme Chartier, Michel Bouvard, Yves Censi, Louis Giscard d’Estaing et les membres de la commission des Finances appartenant au groupe UMP

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Article 4

Supprimer cet article.

AMENDEMENT N° CF 5

présenté par MM. Gilles Carrez, Jérôme Chartier, Michel Bouvard, Yves Censi, Louis Giscard d’Estaing et les membres de la commission des Finances appartenant au groupe UMP

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Article 5

Supprimer cet article.

AMENDEMENT N° CF 6

présenté par MM. Gilles Carrez, Jérôme Chartier, Michel Bouvard, Yves Censi, Louis Giscard d’Estaing et les membres de la commission des Finances appartenant au groupe UMP

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Article 6

Supprimer cet article.

AMENDEMENT N° CF 7

présenté par MM. Gilles Carrez, Jérôme Chartier, Michel Bouvard, Yves Censi, Louis Giscard d’Estaing et les membres de la commission des Finances appartenant au groupe UMP

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Article 7

Supprimer cet article.

AMENDEMENT N° CF 8

présenté par MM. Gilles Carrez, Jérôme Chartier, Michel Bouvard, Yves Censi, Louis Giscard d’Estaing et les membres de la commission des Finances appartenant au groupe UMP

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Article 8

Supprimer cet article.

AMENDEMENT N° CF 9

présenté par MM. Gilles Carrez, Jérôme Chartier, Michel Bouvard, Yves Censi, Louis Giscard d’Estaing et les membres de la commission des Finances appartenant au groupe UMP

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Article 9

Supprimer cet article.

AMENDEMENT N° CF 10

présenté par MM. Gilles Carrez, Jérôme Chartier, Michel Bouvard, Yves Censi, Louis Giscard d’Estaing et les membres de la commission des Finances appartenant au groupe UMP

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Article 10

Supprimer cet article.

AMENDEMENT N° CF 11

présenté par M. Jean-Pierre Brard

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Article 5

Après le mot : « commerce », insérer les mots : « et les articles L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du même code ».

AMENDEMENT N° CF 12

présenté par M. Jean-Pierre Brard

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Article 9

Après le mot : « commerce », insérer les mots : « et dans le premier alinéa de l’article L. 225-77 du même code ».

AMENDEMENT N° CF 13

présenté par M. Jean-Pierre Brard

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Article Premier

Rédiger ainsi cet article :

« Les articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts sont abrogés. »

AMENDEMENT N° CF 14

présenté par M. Jean-Pierre Brard

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Article 2

Rédiger ainsi le début de l’alinéa 1 : « Les quatre derniers alinéas… (le reste sans changement) ».

© Assemblée nationale

1 ()  L’endettement public était alors passé de 39,7 % du PIB à 46,2 % du PIB.

2 () Camille Landais, Les hauts revenus en France (1998-2006) : une explosion des inégalités ?, Paris school of economics, juin 2007.

3 Alternatives économiques, mai 2009

4 () Assemblée nationale, rapport n° 1575 sur la proposition de loi relative aux hauts revenus et à la solidarité.

5 () Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

6 () Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA).

7 () Pour plus d’informations, se référer au rapport de M. Didier Migaud, n°3779, mars 2007, Vers l’impôt citoyen, Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu et le rapprochement et la fusion de l’IR et de la CSG : http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i3779.asp

8 ()  Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

9 ()  Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA).

10 () « France, Portrait social », INSEE, 2007.

11 () Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

12 () Loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

13 () Rapport AN n°1595

14 () Rapport de M. Philippe Marini sur la proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal et moraliser certaines pratiques des dirigeants de grandes entreprises en matière de revenus (n° 295).

15 () Rapport 2009 du Conseil des prélèvements obligatoires

16 ()  Notamment : déficits constatés par les loueurs de meublés professionnels, monuments historiques, dispositifs « Malraux » et « Robien ».

17 ()  « Les niches fiscales », rapport d’information déposé le 5 juin 2008 par MM. Didier Migaud, Gilles Carrez, Jean-Pierre Brard, Jérôme Cahuzac, Charles de Courson et Gaël Yanno (n° 946).

18 () Les personnes morales, de droit public comme de droit privé, n’entrent pas dans le champ d’application de l’impôt de solidarité sur la fortune.

19 () Sont néanmoins exclus les impôts éventuels tel le prélèvement libératoire.

20 () La situation du domicile fiscal s’apprécie au 1er janvier de l’année d’imposition.

21 Un amendement, co-signé par le Président de la commission des finances et le Rapporteur général, et adopté par l’Assemblée nationale à l’occasion de l’examen du projet de loi (n° 1643) relatif à l’organe central des caisses d’épargne et des banques populaires a pour objet d’instituer une obligation nouvelle, applicable à l’ensemble des établissements de crédit, consistant en une annexe aux comptes annuels faisant état des implantations et activités dans les juridictions non coopératives. Un amendement de conséquence du gouvernement a abrogé les dispositions récemment adoptées qui renvoyaient aux conventions établissements de crédits–Etat conclues dans le cadre du dispositif SFEF cette obligation de transparence.

22 Un amendement co-signé par le Président de la commission des finances et le Rapporteur général, et adopté par l’Assemblée nationale à l’occasion de l’examen du projet de loi (n° 1643) relatif à l’organe central des caisses d’épargne et des banques populaires a pour objet d’instituer une obligation nouvelle, applicable à l’ensemble des établissements de crédit, consistant en une annexe aux comptes annuels faisant état des implantations et activités dans les juridictions non coopératives. Un amendement de conséquence du gouvernement a abrogé les dispositions récemment adoptées qui renvoyaient aux conventions établissements de crédits–Etat conclues dans le cadre du dispositif SFEF cette obligation de transparence.

23 () La condition de forme nominative oblige le détenteur des actions issues de la levée des options à détenir ces titres en son nom propre. Ces titres ne peuvent pas être « au porteur », c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas être gérés dans un cadre collectif par un établissement financier ou un gestionnaire d’actifs.

24 () Cession dès la fin de période d’indisponibilité : soit taux de 30 % pour la fraction de l’avantage n’excédant pas 152 500 euros puis 40 % au-delà, soit comme salaire sans application du système de quotient. Payé à la cession des actions.

25 () Cession après un délai supplémentaire de portage de deux ans : soit taux de 18 % pour la fraction de l’avantage n’excédant pas 152 500 euros puis 30 % au-delà, soit comme salaire sans application du système de quotient. Payé à la cession des actions.

26 () Loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009

27 () Loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009

28 () Assemblée nationale, rapport n° 1575 sur la proposition de loi relative aux hauts revenus et à la solidarité

29 () La présente rubrique ne comporte pas les amendements déclarés irrecevables ni les amendements non soutenus en commission. De ce fait, la numérotation des amendements examinés par la commission peut être discontinue.