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N
° 1828

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 juillet 2009.

AVIS

fait

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale,

par Mme Nicole AMELINE

Députée

Voir les numéros  :

Sénat : 308 (2006-2007), 326 et T.A. 107 (2007-2008).

Assemblée nationale : 951.

INTRODUCTION 5

I – LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE, SEPT ANS APRÈS L’ENTRÉE EN VIGUEUR DU STATUT DE ROME 11

A – L’INSTITUTION DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE 11

1) Une création qui constitue en elle-même un immense succès 11

2) Les règles de compétence et de fonctionnement de la Cour 13

B – UN PREMIER BILAN MODESTE MAIS ENCOURAGEANT 15

1) Les affaires en cours 15

2) Des critiques souvent imméritées 16

C – LE RÔLE TOUJOURS ESSENTIEL DES ETATS PARTIES 18

1) L’obligation de coopérer 18

2) La nécessité d’incorporer les normes de la Cour pénale internationale dans le droit national 20

II – LES MESURES D’ADAPTATION PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI INITIAL 23

A – LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX CRIMES DE GÉNOCIDE ET AUX AUTRES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ 23

1) La création d’une infraction de provocation à commettre un génocide 23

2) Les compléments apportés à la définition du crime contre l’humanité 25

3) L’insertion de dispositions spécifiques à la complicité d’un supérieur hiérarchique dans la commission d’un crime de génocide ou contre l’humanité 27

4) Les autres questions relatives aux crimes contre l’humanité discutées au Sénat 28

B – LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX CRIMES ET DÉLITS DE GUERRE 29

1) La définition des crimes et délits de guerre 30

a) La spécificité des crimes et des délits de guerre 30

b) Les crimes et délits de guerre communs aux conflits armés internationaux et non internationaux 30

c) Les crimes et délits de guerre propres aux conflits armés internationaux 34

d) Les crimes et délits de guerre propres aux conflits armés non internationaux 36

2) Les autres dispositions relatives aux crimes et délits de guerre 37

a) Les aggravations de peine et peines complémentaires 37

b) L’insertion de dispositions spécifiques à la complicité d’un supérieur hiérarchique dans la commission d’un crime ou d’un délit de guerre 37

c) Les cas d’exonération de responsabilité pénale 37

d) Le droit de légitime défense pour la France 38

e) Les délais de prescription 40

C – LES AUTRES MESURES D’ADAPTATION 41

III – LA PRINCIPALE INNOVATION INTRODUITE PAR LE SÉNAT : LA MISE EN PLACE D’UNE COMPÉTENCE EXTRATERRITORIALE ENCADRÉE POUR LES CRIMES RELEVANT DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE 45

A – LA QUESTION DE L’OPPORTUNITÉ DE LA MISE EN PLACE D’UNE FORME DE COMPÉTENCE UNIVERSELLE POUR LES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ ET LES CRIMES DE GUERRE 45

1) L’application actuelle de la loi pénale française à des infractions commises hors du territoire de la République 45

2) Les arguments en faveur de l’application d’une compétence universelle aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre 49

3) Les arguments contre une compétence universelle de la justice française pour ces crimes 50

B – LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR LE SÉNAT 52

1) Une compétence étroitement encadrée 52

2) Un cadre trop étroit ? 54

a) Le débat au Sénat 54

b) Les critiques suscitées par le dispositif adopté 55

C – LES ÉVOLUTIONS PROPOSÉES PAR VOTRE RAPPORTEURE 57

CONCLUSION 63

EXAMEN EN COMMISSION 65

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 75

ANNEXES 81

Annexe 1 : Liste des personnes rencontrées par votre Rapporteure 83

Annexe 2 : Le Statut de Rome : état des signatures et des ratifications 85

Annexe 3 : Extraits du Statut de Rome de la cour pénale internationale 87

Annexe 4 : Tableau comparatif de la compétence universelle dans quelques pays européens 99

L’avenir des droits de l’Homme est entre nos mains.

Mesdames, Messieurs,

La démocratie se construit sur le droit. Le respect des droits de l’Homme est la seule voie susceptible de conduire le monde de la guerre et de la souffrance à une culture de paix et de droit. Jamais les normes internationales n’ont été aussi nombreuses à inciter les Etats à s’engager résolument sur cette voie, et pourtant la montée des conflits actuels, avec leur cortège de violences et d’atteintes aux droits de l’Homme, témoigne du caractère très relatif de leur efficacité. Alors que l’intérêt de l’ensemble des nations réside dans la construction d’une nouvelle éthique de la mondialisation, qui soit en mesure de garantir un ordre international stable et pacifique, fondé sur le droit, la Communauté internationale a-t-elle réellement la volonté de mettre en œuvre les principes de progrès que le droit international vise à promouvoir ?

Un pas essentiel en ce sens a été franchi avec l’adoption, à Rome, de la convention portant statut de la Cour pénale internationale (dit Statut de Rome), le 17 juillet 1998, puis l’installation officielle de la Cour pénale internationale, à La Haye, le 11 mars 2003. Ces deux événements ont concrétisé ce qui était un rêve pour un grand nombre de défenseurs des droits de l’Homme : le monde se dotait pour la première fois d’un tribunal permanent à vocation planétaire chargé de mettre un terme à l’impunité dont ont souvent bénéficié par le passé les auteurs des crimes les plus graves, c’est-à-dire des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre.

Votre Rapporteure n’insistera jamais assez sur l’acquis révolutionnaire que constitue, à plus d’un titre, l’existence de la Cour pénale internationale : pour la première fois dans l’histoire, les gouvernants des Etats parties ont accepté à la fois de renoncer à une part de leur souveraineté nationale et de mettre en place une cour devant laquelle ils pourront être amenés à assumer la responsabilité pénale de faits commis directement par eux ou sous leur autorité ; pour la première fois aussi, un tribunal international préexiste aux crimes qu’il a pour fonction de réprimer. Avec sa création, c’est la place du droit, vecteur des valeurs que défend la France depuis plus de deux siècles, qui est confortée dans le monde. L’institution doit être soutenue avec d’autant plus de force qu’elle est l’outil le plus puissant au service des droits de l’Homme, alors que l’universalité de ces derniers est de plus en plus contestée.

On observera que, à l’automne 2005, l’Assemblée générale des Nations unies s’est efforcée de compléter le dispositif répressif et dissuasif que constitue la Cour pénale internationale en affirmant le principe préventif de « devoir de protéger des populations civiles contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité » : de même que la Cour exerce une compétence complémentaire de celle des Etats, lorsque ceux-ci sont défaillants, la Communauté internationale se voit reconnaître une responsabilité subsidiaire de protection des populations civiles lorsque l’Etat ne remplit pas la sienne, alors que les populations courent les risques les plus graves.

Depuis sa création, la Cour a fait l’objet de critiques, souvent exagérées ou injustes, mais elle a aussi accompli la tâche pour laquelle elle avait été créée. Sa saisine par le Conseil de sécurité des Nations unies sur la situation au Darfour a marqué le franchissement d’une étape importante : pour la première fois, elle pouvait exercer sa compétence alors que les infractions en question n’avaient été commises ni sur le territoire d’un État partie ni par un ressortissant d’un tel État. Il n’existe donc bel et bien plus aucune zone d’impunité pour les criminels contre l’humanité et pour les criminels de guerre.

La France n’a cessé d’agir résolument en faveur de l’affirmation et de la défense des droits de l’Homme. Elle le fait depuis plus de soixante ans en tant que membre permanent du Conseil de sécurité et à travers sa participation de premier plan aux opérations de maintien de la paix et de reconstruction des Nations unies. Elle le fait également en soutenant des initiatives aussi indispensables que celles visant à combattre l’enrôlement des enfants soldats ou les violences faites aux femmes dans les conflits armés.

C’est donc fort logiquement qu’elle a joué un rôle majeur dans la négociation du Statut de Rome, notamment en obtenant une meilleure prise en compte des droits des victimes ; elle a fait partie des Etats qui ont voté pour l’adoption du Statut puis des premiers à le ratifier. Avant même son entrée en vigueur, elle a adopté une loi lui permettant de coopérer avec la Cour pénale internationale. Elle contribue chaque année au budget de l’institution à hauteur de près de 9 %. Mais elle n’a pas encore pris de mesures d’adaptation de son droit pénal au-delà de celles nécessaires à la coopération avec la Cour. Il est vrai que l’essentiel de ces mesures ne présente pas de caractère obligatoire en application du Statut de Rome. Elles permettront néanmoins une mise en cohérence très utile entre droit français et droit international, dans le but d’atteindre une harmonie entre la jurisprudence des tribunaux français et celle de la Cour dans les domaines de la compétence de cette dernière. Ce faisant, le droit français intégrera enfin la plupart des stipulations, pourtant obligatoires, des Conventions de Genève de 1949, auxquelles notre pays est partie depuis soixante ans.

En se mettant en conformité avec le droit humanitaire international, la France témoigne aussi de sa volonté de traduire dans les faits le soutien, réaffirmé régulièrement, de l’Union européenne à la Cour pénale internationale. Après avoir chaque année depuis 2001 exprimé son appui à la Cour par une position commune en sa faveur, l’Union a adopté, en décembre 2005, ses lignes directrices concernant la promotion du droit humanitaire international ; l’année suivante, elle a conclu un accord bilatéral de coopération et d’assistance avec la Cour pénale internationale ; elle a publié en février 2008 un guide consacré à ses relations avec la Cour.

Dans ce contexte, même si les mesures d’adaptation prévues par le présent projet de loi ne découlent pas d’une obligation internationale au sens strict, notre pays se doit de les prendre. Il le doit à son histoire et à ses engagements passés, il le doit aussi à ses positions d’aujourd’hui. Votre Rapporteure tient à le souligner : quand notre pays sait saisir toutes les occasions de plaider pour le respect des droits de l’Homme dans les enceintes internationales, il ne peut être en deçà de ses responsabilités au niveau national.

L’examen par notre Assemblée de ce projet de loi a déjà trop tardé : déposé une première fois sur son bureau le 26 juillet 2006, il a été retiré à la veille des élections législatives de juin 2007 pour être redéposé sur le bureau du Sénat. Ce dernier en a débattu le 10 juin 2008. Depuis lors, il attend que l’ordre du jour de notre Assemblée, toujours surchargé, lui fasse la place qu’il mérite. Votre Rapporteure observe d’ailleurs que les perspectives de son inscription à l’ordre du jour de la séance publique demeurent incertaines et que la commission des affaires étrangères ne doit l’opportunité qui lui est donnée d’en débattre qu’à la décision du président de la commission des lois, saisie au fond, de lui consacrer une prochaine réunion.

Votre Rapporteure insiste sur le caractère désormais urgent de l’examen en séance publique de ce texte : alors que la France souhaite proposer un certain nombre de modifications techniques ponctuelles au Statut de la Cour à l’occasion de la conférence de révision du Statut qui doit se réunir à Kampala, en Ouganda, au premier semestre 2010 – probablement au mois de juin –, il serait paradoxal qu’elle n’ait pas auparavant pris le temps d’adapter son droit pénal à ce Statut. Votre Rapporteure souhaite donc que le projet de loi soit soumis à l’examen de notre Assemblée le plus rapidement possible et que cet examen soit l’occasion d’améliorer son contenu. Si tel n’était pas le cas, la position internationale de notre pays en matière de défense des droits de l’Homme en serait considérablement affaiblie.

L’intérêt de la commission des affaires étrangères pour la Cour pénale internationale n’a rien de surprenant. Si elle n’avait souhaité émettre d’avis ni sur la révision constitutionnelle de 1999 préalable à la ratification du Statut de Rome, ni sur le projet de loi relatif à la coopération avec la Cour de 2002, c’est qu’elle avait eu l’occasion d’examiner au fond, début 2000, le projet de loi visant à autoriser la ratification du Statut de Rome, puis, en 2003, le projet de loi autorisant la ratification de l’accord sur les privilèges et immunités de la Cour.

Le présent projet de loi lui fournit ainsi l’occasion de dresser un bilan de l’activité de la Cour pénale internationale, sept ans après l’entrée en vigueur de son Statut et six ans après son inauguration. Elle a reçu à cette fin son premier président, le Canadien Philippe Kirsch, quelques jours après qu’il ait quitté ses fonctions. Cet avis offre aussi à votre Rapporteure la chance de faire avancer la cause du droit international humanitaire, à laquelle elle est profondément attachée. En effet, si le projet de loi a été notablement amélioré par le Sénat, il lui semble que de nouveaux progrès doivent être accomplis.

Pour s’en tenir à ses principales dispositions, le projet de loi soumis à l’examen du Sénat visait à compléter les incriminations du code pénal en sanctionnant l’incitation directe et publique à commettre un génocide, en introduisant dans ce code un nouveau livre consacré aux crimes de guerre et en précisant la définition du crime contre l’humanité. Il ouvrait également la possibilité de mettre en cause la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique militaire et civil du fait de sa complicité passive à l’égard d’un crime contre l’humanité ou d’un crime de guerre commis par un subordonné. En outre, le projet de loi portait de dix à trente ans le délai de prescription pour les crimes de guerre, en réservant l’imprescriptibilité au seul crime contre l’humanité.

Les apports du Sénat – la plupart d’entre eux ayant été adoptés sur la proposition de M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois – sont de deux ordres : il a, d’une part, effectué plusieurs mesures de rapprochement entre le texte du projet de loi et les stipulations du Statut de Rome, et est même allé au-delà de celles-ci dans la protection des enfants contre l’enrôlement dans des forces armées ; il a, d’autre part, franchi une étape importante en introduisant dans le code pénal une forme de compétence extraterritoriale encadrée, en application de laquelle la justice française pourrait juger certains criminels contre l’humanité ou criminels de guerre par dérogation à ses règles de compétence habituelles.

Sur le premier point, les principales modifications apportées par le Sénat au projet de loi, sur lesquelles votre Rapporteure reviendra, sont les suivantes :

– dans la nouvelle définition des crimes contre l’humanité, il a complété la définition des disparitions forcées de personnes ;

– en ce qui concerne les crimes de guerre, il a étendu à tout adversaire combattant, même s’il n’appartient ni à l’armée adverse, ni à la nation adverse, la protection contre les actes de traîtrise ; il a supprimé la condition selon laquelle le pillage n’est incriminé que s’il est commis en bande ; il a étendu l’interdiction de l’enrôlement forcé à toutes les personnes protégées ; il a élargi les conditions dans lesquelles la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique peut être engagée ; il a apporté des précisions à la définition des cas dans lesquels la légitime défense peut être invoquée ;

– il a relevé de quinze ans – âge figurant dans le Statut de Rome – à dix–huit ans l’âge à partir duquel l’implication dans un conflit armé est autorisée, soit par la conscription ou l’enrôlement dans les forces armées, soit par une participation active aux hostilités, tout en précisant que cette disposition ne faisait pas obstacle à l’engagement volontaire des mineurs de plus de quinze ans.

Au-delà de ces apports, tous aussi pertinents et positifs qu’utiles, l’examen du projet de loi par le Sénat a surtout été marqué par l’adoption d’un article additionnel tendant à reconnaître aux tribunaux français, de manière très encadrée, une compétence extraterritoriale (aussi appelée, improprement, compétence universelle) pour juger les auteurs de crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale, qui résident habituellement en France.

Votre Rapporteure salue les avancées obtenues au Sénat, tout en proposant à notre Assemblée d’aller plus loin.

En ce qui concerne les dispositions contenues par le projet de loi originel, elle préconise deux modifications :

– la suppression de la condition de l’existence d’un plan concerté dans la définition du génocide d’une part, des autres crimes contre l’humanité d’autre part, dans la mesure où cette exigence est absente du Statut de Rome et rend plus difficile l’établissement de ces crimes ;

– la mention explicite du viol et de l’esclavage sexuel parmi les faits susceptibles de constituer des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre selon le contexte dans lequel ils ont été commis, afin d’affirmer sans ambages qu’il n’y aura pas d’impunité pour ce type d’exactions, qui sont de plus en plus souvent utilisées comme des armes de guerre.

Surtout, votre Rapporteure juge indispensable d’élargir le cadre adopté par le Sénat pour l’exercice d’une compétence extraterritoriale de la France en matière de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, dans un souci de cohérence juridique interne et internationale.

Elle estime qu’une condition de présence sur le territoire doit suffire pour permettre aux juridictions françaises de poursuivre un étranger suspect de tels agissements. Elle considère que la condition de double incrimination n’est pas acceptable lorsqu’il s’agit de combattre l’impunité dans le cas des crimes les plus graves et qu’il n’est pas justifié de réserver au ministère public l’exercice des poursuites, éventuellement au détriment du droit des victimes. Enfin, elle proposera que, conformément aux stipulations du Statut de Rome qui donnent à la Cour pénale une compétence complémentaire de celle des Etats, la France puisse se saisir d’une affaire dès lors qu’elle n’est l’objet d’aucune procédure devant la Cour, sans que celle-ci ait à décliner sa compétence.

I – LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE, SEPT ANS APRÈS L’ENTRÉE EN VIGUEUR DU STATUT DE ROME

L’objet de ce rapport n’est pas de revenir en détail sur l’origine et les conditions de création de la Cour pénale internationale. Votre Rapporteure souhaite néanmoins rappeler brièvement les objectifs qu’elle poursuivait et les compétences qui ont été conférées à la Cour, avant de revenir sur le travail qu’elle a accompli pendant les premières années de son fonctionnement.

A – L’institution de la Cour pénale internationale

1) Une création qui constitue en elle-même un immense succès

L’idée de juger des responsables pour les crimes commis dans un contexte international, et notamment pour leurs responsabilités dans des violations graves du droit international, est ancienne. Dès les lendemains de la Première Guerre mondiale, le traité de Versailles prévoyait le jugement – qui n’eut jamais lieu – du roi Guillaume II pour « offense suprême contre la morale internationale et l’autorité sacrée des traités », tandis que la mise en place des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo après la Deuxième Guerre mondiale concrétisait pour la première fois cette idée. Si la Société des Nations, puis, dès 1948, l’Assemblée générale des Nations unies ont envisagé la création d’un organe judiciaire international permanent compétent en ces matières, tous les projets avaient échoué jusqu’à l’adoption de la convention portant statut de la Cour pénale internationale (dit Statut de Rome), à Rome, le 17 juillet 1998, par cent-vingt Etats, dont la France, parmi les cent-soixante Etats qui participaient à la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations unies sur la création d’une cour criminelle internationale.

Cette adoption était donc l’heureuse conclusion d’un siècle de tergiversations, mais aussi l’achèvement d’un processus difficile, marqué par les aléas de la situation internationale. Alors que la guerre froide avait bloqué pendant quarante ans tout progrès dans ce domaine, les crimes contre l’humanité perpétrés en ex-Yougoslavie et au Rwanda au début des années 1990 ont donné une nouvelle actualité à la nécessité de mettre en place une instance internationale qui puisse en juger. L’urgence a conduit à la création, par le Conseil de sécurité des Nations unies, de tribunaux internationaux spéciaux, à la compétence spatiale et temporelle strictement définie, par une résolution du 22 mai 1993 en ce qui concerne l’ex-Yougoslavie et par une résolution du 8 novembre 1994 pour juger des crimes commis au Rwanda. Mais l’élaboration de ce qui devait devenir le statut de la Cour pénale internationale en a aussi été accélérée. (1)

Certes, le texte adopté est le résultat d’un compromis destiné à permettre son adoption par le plus grand nombre d’Etats. Certes, à Rome, sept Etats, dont les Etats-Unis, la Chine, l’Inde et Israël, ont voté contre l’adoption du Statut et vingt-et-un Etats se sont abstenus. Mais la force symbolique de son adoption a été considérable. Elle a encore été accentuée par son entrée en vigueur relativement rapide, le 1er juillet 2002, soixantième jour suivant le dépôt du soixantième instrument de ratification.

La France a, dans un premier temps, exprimé des réserves qui visaient d’une part à éviter que la Cour devienne une nouvelle enceinte politique où les Etats viendraient poursuivre leurs différends politico-militaires et ne complique, par ses interventions, le processus de maintien de la paix et de sécurité internationale conduit par le Conseil de sécurité, et d’autre part à parvenir à l’adoption d’un Statut le plus consensuel possible. Elle a ensuite joué un rôle très constructif dans l’élaboration du Statut. Comme elle le demandait, ce dernier est précis et détaillé, les juges sont chargés de l’interprétation du droit et non de sa création, les éléments clés de la procédure et des modalités de coopération sont détaillés, la compétence de la Cour est centrée sur le « noyau dur » des crimes les plus graves, et, surtout, la France a obtenu que soit pris en compte le droit des victimes : celles-ci ont le droit de participer à la procédure, les témoins menacés ou traumatisés sont protégés, est mis en place un mécanisme de compensation en faveur des victimes, de leurs successeurs et ayants droit.

Notre pays a fait partie des soixante premiers Etats ayant ratifié la convention : après la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 (2) qui a permis la poursuite de la procédure, le Parlement a autorisé à l’unanimité la ratification de la convention, laquelle a été effective dès le 9 juin 2000.

La Cour pénale internationale, installée à La Haye, a ainsi pu être inaugurée le 11 mars 2003. Même si personne ne s’attend à ce qu’elle règle, à elle seule, la violence du monde, elle est la concrétisation de l’idée même de la justice pénale internationale, l’instrument qui permettra de faire en sorte que la barbarie ne reste pas impunie.

Depuis le 1er juillet 2008, cent-huit pays sont parties au Statut de Rome (3), qui a été signé par cent-trente-neuf Etats. Il s’applique ainsi à environ 20 % de la population mondiale et sur 25 % de la surface habitée du globe.

2) Les règles de compétence et de fonctionnement de la Cour

La Cour pénale internationale est compétente à l’égard des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale, à savoir le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, mais seulement lorsque ceux-ci ont été commis après le 1er juillet 2002.

Chacun de ces crimes est clairement défini dans le Statut de la Cour pénale internationale et d’autres normes internationales, au premier rang desquelles les Conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977. La Cour sera également compétente à l’égard du crime d’agression quand l’Assemblée des États parties en aura adopté une définition. Les travaux d’élaboration de cette définition sont en cours depuis plusieurs années mais semblent se heurter à des difficultés telles qu’il est peu probable que cette définition sera approuvée à l’occasion de la conférence de révision du Statut de Rome de 2010. Un groupe de travail spécial sur le crime d’agression s’est efforcé en vain, pendant cinq ans, de surmonter les divergences de vues sur les conditions d’exercice de la compétence de la Cour et le rôle du Conseil de sécurité, ce dernier étant le seul, en application de la Charte des Nations unies, à pouvoir déterminer si un crime d’agression a été commis ou non.

La Cour ne peut exercer sa compétence à l’égard de ces crimes internationaux que si ceux-ci ont été commis sur le territoire d’un État partie ou par un ressortissant d’un tel État. Toutefois, ces conditions ne s’appliquent pas si une situation est déférée au procureur par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies, dont les résolutions ont force obligatoire à l’égard de tous les États membres de l’ONU, ou si un État fait une déclaration acceptant la compétence de la Cour. A l’inverse, à titre transitoire, l’article 124 du Statut de Rome permet à un Etat qui devient partie de faire une déclaration ayant pour effet de suspendre la compétence de la Cour pour les crimes de guerre commis sur son territoire ou par ses ressortissants pendant une période de sept ans suivant l’entrée en vigueur su Statut pour cet Etat. Seules la France et la Colombie ont utilisé cette possibilité, mais notre pays a retiré cette déclaration le 13 août 2008 (4).

La Cour ne vise pas à se substituer aux systèmes nationaux de justice pénale mais à les compléter. Elle ne peut poursuivre et juger des personnes que si les systèmes nationaux en question n’engagent pas de procédure ou s’ils proclament leur intention de le faire sans avoir réellement la volonté ou la capacité de mener véritablement à bien des poursuites.

Il existe trois manières pour le procureur d’ouvrir une enquête ou d’engager des poursuites :

– les États parties au Statut de la Cour pénale internationale peuvent déférer des situations au procureur ;

– le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies peut demander au procureur d’ouvrir une enquête ;

– le procureur peut ouvrir des enquêtes de sa propre initiative sur le fondement de renseignements reçus de sources dignes de confiance, comme des organisations non gouvernementales. Dans ce cas, il doit demander l’autorisation préalable d’une chambre préliminaire, composée de trois juges indépendants.

Il n’existe pas de régime d’immunité devant la Cour. Le fait d’agir en qualité officielle de chef d’État, de membre d’un gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou d’agent d’un État n’exonère en aucune façon une personne de poursuites ou de sa responsabilité pénale. Les supérieurs hiérarchiques et les chefs militaires peuvent être tenus responsables de crimes commis par des personnes placées sous leur commandement, leur contrôle ou leur autorité. Toutefois, la Cour pénale internationale ne peut pas poursuivre des personnes qui étaient âgées de moins de dix-huit ans au moment où le crime allégué aurait été commis.

Le Conseil de sécurité a la possibilité de voter une résolution demandant à la Cour de n’engager ni de mener une enquête ou une poursuite pendant une période, renouvelable, de douze mois. Cette disposition, dont la mise en œuvre requiert l’absence d’exercice de leur droit de veto par les membres permanents du Conseil de sécurité, vise à respecter les compétences du Conseil, qui a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale. Elle permettrait par exemple de suspendre des poursuites contre un responsable politique avec lequel un accord de paix serait en négociation.

Les victimes bénéficient de droits. En vertu des règlements régissant la Cour pénale internationale, elles peuvent envoyer des renseignements au procureur au sujet de crimes relevant de la compétence de la Cour. Pour la première fois dans l’histoire de la justice pénale internationale, les victimes ont le droit de participer aux procédures et de demander des réparations. Ainsi, elles peuvent non seulement venir à la barre en tant que témoins mais également présenter leurs vues et préoccupations à tous les stades de la procédure. À cette fin, elles peuvent bénéficier d’une représentation légale, et éventuellement d’une aide judiciaire.

La peine de mort n’est pas encourue. La Cour peut prononcer des peines d’emprisonnement à perpétuité ou de trente ans au plus, ainsi que des peines d’amende. Les personnes condamnées par la Cour effectuent leur peine d’emprisonnement soit dans un établissement pénitentiaire des Pays-Bas, l’Etat hôte, soit dans celui d’un Etat partie volontaire.

B – Un premier bilan modeste mais encourageant

Le Statut de Rome est en vigueur depuis sept ans, la Cour a été inaugurée il y a un peu plus de six ans. Alors que son premier président, M. Philippe Kirsch a achevé son mandat en mars dernier (5), il est possible d’esquisser un premier bilan du fonctionnement de la Cour.

1) Les affaires en cours

Comme le Président Kirsch l’a indiqué aux membres de la commission qui l’ont entendu le 1er avril dernier (6), à ce jour, quatre situations ont été déférées devant la Cour pénale internationale : elles concernent la République démocratique du Congo, l’Ouganda, la République centrafricaine et le Darfour, au Soudan. Les trois premières ont été déférées par les États eux-mêmes ; la quatrième par le Conseil de sécurité. Le procureur a diligenté des enquêtes pour chacune de ces situations. La Cour a jusqu’à présent émis douze mandats d’arrêt, dont quatre seulement ont été exécutés ; le suspect de l’une des affaires relatives au Soudan a en outre comparu volontairement. Jusqu’ici le procureur ne s’est encore jamais penché sur une situation de sa propre initiative. Il examine actuellement d’autres situations, concernant la Côte d’Ivoire, la Géorgie, la Colombie, l’Afghanistan et le Kenya.

La situation en République démocratique du Congo est la première sur laquelle une enquête a été ouverte, en juin 2004. Trois affaires sont en cours d’examen par les chambres concernées : l’une d’entre elles est en phase de première instance tandis que les deux autres affaires en sont encore à leur phase préliminaire. Trois des quatre accusés, qui ont tous fait l’objet de mandats d’arrêt, sont détenus par la Cour, le quatrième étant en fuite.

Le 26 janvier 2009, s’est ouvert le procès de l’un des détenus, accusé d’avoir enrôlé des enfants de moins de quinze ans et de les avoir fait participer activement à des hostilités dans le cadre d’un conflit armé international, puis d’un conflit armé non international, ce qui constitue des crimes de guerre. Les deux autres détenus devraient être jugés à partir du 24 septembre prochain, sous les charges de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, pour avoir, notamment, dirigé des attaques contre des populations civiles, commis des homicides, des actes de pillage ainsi que des viols.

Pour ce qui est de la situation en Ouganda, l’une des deux chambres préliminaires est actuellement saisie d’une affaire, dans le cadre de laquelle cinq mandats d’arrêt ont été délivrés en juillet 2005 à l’encontre des principaux dirigeants de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA). À la suite de la confirmation du décès de l’un des accusés, les procédures engagées à son encontre ont été abandonnées, tandis que les quatre autres suspects sont toujours en fuite.

Concernant la situation au Darfour, une chambre préliminaire est saisie de trois affaires. L’un des suspects a comparu volontairement devant elle en mai dernier et a été laissé en liberté. Son audience de confirmation des charges est prévue en octobre prochain. La Chambre préliminaire a considéré qu’il y a des motifs raisonnables de le croire pénalement responsable, en tant que coauteur ou coauteur indirect des trois crimes de guerre suivants : la commission ou tentative de meurtre, le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d’une mission de maintien de la paix, et le pillage.

Les deux suspects impliqués dans une deuxième affaire sont sous le coup d’un mandat d’arrêt de mai 2007 mais demeurent en fuite.

Le mandat d’arrêt délivré le 4 mars 2009 à l’encontre d’Omar Hassan Al Bashir, qui est au cœur de la troisième affaire, énumère sept chefs mettant en cause sa responsabilité pénale individuelle en tant que coauteur ou auteur indirect, à savoir cinq chefs de crimes contre l’humanité (meurtre, extermination, transfert forcé, torture et viol) et deux chefs de crimes de guerre (le fait de diriger intentionnellement des attaques contre une population civile en tant que telle ou contre des personnes civiles qui ne participent pas directement aux hostilités et pillage).

Enfin, s’agissant de la situation en République centrafricaine, sur laquelle une enquête a été ouverte en mai 2007, il y a une affaire en phase préliminaire. Le suspect a comparu devant la chambre préliminaire en juillet 2008 et ses charges ont été confirmées en janvier 2009 : il s’agit de trois chefs de crimes contre l’humanité (viol, torture et meurtre) et de cinq chefs de crimes de guerre (viol, torture, atteinte à la dignité des personnes, pillage et meurtre).

2) Des critiques souvent imméritées

Les espoirs placés dans l’institution, si longtemps attendue, de la Cour pénale internationale, ne pouvaient qu’être au moins en partie déçus, puisque, dans le fonctionnement de la Cour, l’idée de la justice internationale se trouve confrontée aux réalités internationales.

Différents types de critiques sont formulés à son encontre : elle serait une justice aux ordres des Occidentaux, s’acharnerait sur les pays africains sans se soucier de ce qui se passe ailleurs, ne retiendrait que des chefs d’accusation de faible importance, constituerait un obstacle au règlement diplomatique des conflits, n’aurait pas les moyens de remplir effectivement son rôle…

Au cours de son audition par la Commission, le Président Kirsch a eu l’occasion de répondre à plusieurs de ces critiques.

Si la plupart des démocraties occidentales, et notamment vingt-six des vingt-sept Etats membres de l’Union européenne (7), sont parties au Statut de Rome, des Etats de tous les continents l’ont ratifié. C’est notamment le cas de trente Etats africains, de vingt-trois Etats d’Amérique latine et des Caraïbes et de quatorze pays asiatiques. Le Président Kirsch a insisté sur la jeunesse de l’institution, et sur le fait que le nombre d’Etats ayant ratifié son statut dix ans après sa signature dépasse largement celui des Etats ayant accepté la compétence obligatoire de la Cour internationale de justice, créée au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. En outre, même s’ils ne l’ont pas ratifié, les Etats qui ont signé le Statut se sont engagés par là à ne rien faire contre ses objectifs. Tel est le cas, par exemple, de la Russie et de l’Iran. Les Etats-Unis eux-mêmes, qui ont « retiré » leur signature en 2002, ont évolué sur ce sujet : sans accepter complètement l’institution, ils en reconnaissent l’utilité dans certains cas – comme dans celui du Soudan (8) – et n’excluent pas de coopérer avec elle dans des situations précises.

La Cour s’est toujours conformée au mandat indépendant et impartial que son statut lui confère. Elle n’a encore jamais choisi elle-même les situations dans lesquelles elle est intervenue. Le Président Kirsch a indiqué que, parmi les quelque 3 000 communications reçues par le procureur, un nombre significatif concernait la situation en Irak. Mais, ni les Etats-Unis ni l’Irak n’étant parties au Statut de Rome, la Cour n’est pas compétente pour enquêter sur les actes commis par des Américains en Irak. Des allégations de crimes commis par des soldats britanniques en Irak lui sont parvenues, mais le procureur a conclu que la gravité des faits ne justifiait pas l’intervention de la Cour et que le système judiciaire national britannique fonctionnait suffisamment bien pour les traiter.

Certains reprochent justement à la Cour de tenir compte de la gravité des faits, bien que l’article 17 du Statut indique qu’une affaire est jugée irrecevable lorsqu’elle « n’est pas suffisamment grave pour la Cour y donne suite », tandis que d’autres critiquent le choix de juger le seul détenu dont le procès est ouvert – pour une affaire en République démocratique du Congo (voir supra) – pour enrôlement d’enfants bien qu’il ait commis d’autres crimes de guerre plus graves. On observera que les charges retenues dans les deux autres affaires relatives à ce même pays sont beaucoup plus lourdes et que la Cour s’efforce d’être efficace en retenant des charges sur lesquelles elle dispose d’éléments suffisamment solides pour obtenir la condamnation de l’accusé.

La justice internationale est, par ailleurs, fréquemment accusée d’entraver la diplomatie, l’activisme judiciaire étant en particulier réputé accroître la difficulté de mettre fin à un conflit armé. Cette critique a été réaffirmée à l’occasion de l’émission du mandat d’arrêt contre le Président Al Bashir, en mars dernier. Elle a été suivie d’une autre polémique relative à la participation, quelques jours après, du Secrétaire général des Nations unies à un sommet de la Ligue arabe auquel assistait aussi le président soudanais. Après la pertinence de la décision de la chambre préliminaire, c’était la crédibilité de la Cour qui était mise en question.

Cette crédibilité dépend en effet beaucoup des moyens dont la Cour dispose pour faire respecter ses décisions, et en particulier pour obtenir l’application de ses mandats d’arrêt. Le Président Kirsch a reconnu devant la Commission que « la Cour pénale internationale ne dispose pas des moyens de ses objectifs ». Alors que la justice repose sur deux piliers, l’un judiciaire, constitué par le tribunal, l’autre exécutif, assurant l’exécution des décisions du tribunal, la Cour pénale internationale, comme les tribunaux internationaux spécialisés, dépend de la coopération des Etats, qu’il s’agisse du bon fonctionnement de l’enquête, de la protection des victimes et des témoins, de l’exécution des sentences et surtout des arrestations. A cet égard, le Président Kirsch a formé le vœu que soient davantage utilisées les forces de maintien de la paix des Nations unies, qui disposent d’une vraie capacité militaire et pourraient contribuer à certaines arrestations.

Mais, outre son objectif répressif, l’existence même de la Cour pénale internationale devait avoir un effet préventif. Le Président Kirsch a estimé que cet effet était déjà sensible. Il a indiqué que, dans deux cas au moins, des criminels avaient cessé leurs exactions par crainte de faire l’objet d’un mandat d’arrêt.

C – Le rôle toujours essentiel des Etats parties

La Cour pénale internationale a été conçue pour travailler en étroite coopération avec les Etats parties : d’une part, elle s’appuie sur eux pour faire exécuter ses décisions ; d’autre part, son rôle est complémentaire de celui des Etats, auquel il revient en priorité de poursuivre les auteurs des infractions pour lesquelles sa propre compétence n’est que subsidiaire. Si les Etats ne jouent pas le jeu, la Cour pénale internationale est impuissante et court le risque d’être submergée d’affaires.

1) L’obligation de coopérer

En application du Statut de Rome, la Cour peut adresser aux Etats parties des demandes de coopération, que ceux-ci doivent exécuter, sauf si la demande a pour objet de produire des éléments de preuve qui touchent à la sécurité nationale. Les autres difficultés d’exécution doivent être soumises à la Cour. Les Etats parties doivent exécuter les peines d’amende et de confiscation, ainsi que les mesures de réparation décidées par la Cour. Quant aux peines d’emprisonnement, elles sont exécutées dans les Etats ayant fait savoir à la Cour qu’ils acceptaient de recevoir des condamnés.

L’obligation de coopération se heurte néanmoins à des limites évidentes. La première est la clause précitée de protection de données relatives à la sécurité nationale. La deuxième, qui est la plus importante, est le fait que la Cour ne dispose d’aucun moyen de contraindre les Etats parties à exécuter ses décisions. Si un Etat partie ne satisfait pas à ses demandes, elle peut certes saisir l’assemblée des Etats parties, mais les décisions que celle-ci prend sont dépourvues de force contraignante. Ce n’est que dans le cas où, comme pour la situation au Soudan, la Cour a été saisie par le Conseil de sécurité qu’elle peut aviser ce dernier d’un cas de non-coopération : il pourra alors, le cas échéant, obliger les Etats à coopérer. Le Président Kirsch a d’ailleurs expliqué aux membres de la Commission que la non-arrestation des membres de l’Armée de résistance du Seigneur n’était pas due au refus de coopérer des autorités gouvernementales concernées : malgré les efforts de trois Etats, les suspects ont jusqu’ici échappé aux poursuites. La situation est différente au Soudan, où les autorités refusent absolument de coopérer avec la Cour. Enfin, la troisième limite à l’obligation de coopérer réside dans la stipulation du Statut de Rome qui autorise les Etats à ne pas répondre à une demande de la Cour si l’exécution de la mesure est interdite dans l’Etat requis « en vertu d’un principe juridique fondamental d’application générale ». Cette formule laisse aux Etats une marge d’appréciation importante qui peut se traduire par l’obligation, pour la Cour, de modifier sa demande.

Afin d’être en mesure de mettre en œuvre les décisions de la Cour, la France a adopté la loi du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale (9). Celle-ci a introduit, dans le livre du code pénal consacré aux procédures particulières, un titre relatif à la coopération avec la Cour pénale internationale. Ses dispositions prévoient notamment la centralisation à Paris des demandes de coopération de la Cour, dans un souci d’efficacité et de rapidité de leur traitement, et détaillent la procédure qui sera suivie, depuis l’arrestation du suspect jusqu’à son transfert aux fins d’audition par la Cour pénale internationale. Il bénéficiera des droits garantis par le Statut de Rome. Bien que le Statut n’en fasse pas une obligation, la loi permet l’exécution sur le territoire de la République des peines d’emprisonnement prononcées par la Cour pénale internationale et en fixe les modalités.

Avant même que le Statut de Rome n’entre en vigueur, la France était donc en mesure de remplir son obligation de coopérer avec la Cour pénale internationale. En revanche, sept ans après l’entrée en vigueur du Statut, elle n’a pas encore procédé aux aménagements de fond nécessaires à la mise en conformité du code pénal avec les stipulations du Statut de la Cour pénale internationale, notamment pour ce qui est de la définition des infractions relevant de la compétence de la Cour. Tel est justement l’objet du présent projet de loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale.

2) La nécessité d’incorporer les normes de la Cour pénale internationale dans le droit national

Bien qu’il n’existe aucune disposition dans le Statut obligeant les Etats parties à harmoniser la définition en droit interne des crimes relevant de la compétence de la Cour, le plein exercice du principe de complémentarité suppose une redéfinition de ces crimes.

En outre, l’article 70 du Statut impose aux Etats parties de prévoir dans leur législation nationale des incriminations sanctionnant les atteintes à l’administration de la justice rendue par la Cour.

Le présent projet de loi vise à prendre les mesures d’adaptation nécessaires. Si le respect de l’article 70 du Statut impose simplement d’étendre à la Cour pénale internationale les dispositions du code pénal sanctionnant les atteintes à la justice française, le projet de loi procède à d’autres aménagements plus délicats et de plus grande ampleur.

La définition donnée par l’article 212-1 du code pénal des crimes contre l’humanité est plus restrictive que celle figurant à l’article 7 du Statut et doit donc être élargie. Mais ce sont surtout les crimes de guerre qui nécessitent un véritable travail de fond. Le droit français ne reconnaît pas, en effet, les crimes de guerre en tant que tels. Il permet, certes, de réprimer des actes individuels isolés (torture, viol...), mais sans prendre en compte le contexte dans lequel ces actes sont intervenus. Seuls les crimes contre l’humanité commis en temps de guerre font l’objet d’une disposition spécifique : l’article 212-2 du code pénal punit en effet de la réclusion criminelle à perpétuité les crimes contre l’humanité commis en temps de guerre en exécution d’un plan concerté.

On observera que, paradoxalement, en reconnaissant la spécificité des crimes de guerre, le projet de loi met en œuvre, soixante ans après leur signature, l’essentiel des stipulations des Conventions de Genève de 1949 (10) qui, contrairement au Statut de Rome, obligent pourtant les Etats parties à « prendre toute mesure législative nécessaire pour fixer les sanctions pénales adéquates à appliquer aux personnes ayant commis, ou donné l’ordre de commettre » des infractions graves aux Conventions, lesquelles infractions sont définies. Aussi, « chaque Partie contractante aura l’obligation de rechercher les personnes prévenues d’avoir commis, ou d’avoir ordonné de commettre, l’une ou l’autre de ces infractions graves, et elle devra les déférer à ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité ». Elle pourra aussi « selon les conditions prévues par sa propre législation » les remettre pour jugement à une autre Partie contractante intéressée à la poursuite. Selon certaines analyses, c’est justement l’inefficacité de ces stipulations des Conventions de Genève qui a rendu nécessaire la création de la Cour pénale internationale, cette dernière ayant vocation à effectuer les poursuites qu’aucun Etat partie n’aurait entreprises.

Se pose par ailleurs la question de l’intégration dans notre code pénal d’autres stipulations du Statut de Rome, telles que l’affirmation du caractère manifestement illégal de l’ordre de commettre un génocide ou un crime contre l’humanité (article 33 du Statut), l’exclusion de toute dérogation liée à la qualité officielle du présumé auteur de l’infraction (article 27 du Statut) ou le principe de l’imprescriptibilité des crimes de guerre (article 29 du Statut).

Votre Rapporteure reviendra sur tous ces points dans son examen détaillé des dispositions du projet de loi et des modifications proposées ou apportées au cours de son examen par le Sénat.

II – LES MESURES D’ADAPTATION PROPOSÉES PAR
LE PROJET DE LOI INITIAL

Votre Rapporteure va présenter les dispositions du projet de loi déposé par le gouvernement et les modifications que le Sénat leur a apportées. Elle mentionnera les éléments du débat devant la Chambre haute, avant de proposer, le cas échéant, d’autres améliorations.

A – Les dispositions relatives aux crimes de génocide et aux autres crimes contre l’humanité

Le livre II du code pénal intitulé « Des crimes et délits contre les personnes » s’ouvre sur un titre Ier « Des crimes contre l’humanité et contre l’espèce humaine ». Le premier sous-titre « Les crimes contre l’humanité » est composé de trois chapitres intitulés respectivement « Du génocide », « Des autres crimes contre l’humanité » et « Dispositions communes ». Les trois premiers articles du projet de loi portent sur ce sous-titre.

1) La création d’une infraction de provocation à commettre un génocide

La définition du crime de génocide figure à l’article 211-1 du code pénal. Elle est fidèle à celle de l’article 6 du Statut de Rome (11) tout en s’en distinguant sur deux points. Est visée dans le code pénal « la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire », quand la prise en compte d’un autre critère n’apparaît pas dans le Statut : la définition du code pénal est donc sur ce point plus large que celle de l’article 6 du Statut, ce qui pourra s’avérer utile dans l’avenir, les buts poursuivis par les criminels contre l’humanité pouvant être parfaitement imprévisibles.

En revanche, elle exige l’existence d’« un plan concerté » quand le Statut se contente d’une « intention ». La question d’une éventuelle suppression de cette exigence a été discutée au cours du débat au Sénat. Les tenants de sa suppression, parmi lesquels Mme Boumediene-Thiery, sénatrice rattachée au groupe socialiste, MM. Badinter, Bret et Fauchon, respectivement membres des groupes socialiste, communiste et centriste, mettent en avant le caractère daté de la définition du génocide – et des autres crimes contre l’humanité – figurant dans le droit français, qui est inspirée des stipulations du Statut du tribunal de Nuremberg (12), lesquelles visaient la répression des crimes commis par les nazis pendant la Seconde Guerre mondial et tenaient donc compte de leurs spécificités. Ils estiment que le maintien de ce critère pourrait favoriser l’impunité des auteurs de faits répondant à la définition mais commis en l’absence de tout plan concerté, lequel serait en tout état de cause difficile à démontrer. Le Rapporteur et la Garde des Sceaux ont indiqué que ce critère permettait de faire la distinction entre le crime de génocide et les autres crimes contre l’humanité d’une part et les crimes de guerre d’autre part, pour lesquels une telle condition n’était pas prévue. Le plan concerté pourrait d’ailleurs se déduire de l’ampleur du crime, sans qu’il soit nécessaire de prouver l’existence de documents attestant de la réalité de ce plan.

Votre Rapporteure partage pourtant les préoccupations exprimées par les auteurs des amendements visant à supprimer ce critère dans la définition du génocide – comme dans celle des autres crimes contre l’humanité – : ce critère est absent du Statut de Rome et sa présence dans la définition française ajoute une condition à l’établissement du crime de génocide, qui n’apparaît pas justifiée. Elle contribue à rendre plus difficile cet établissement alors que votre Rapporteure estime que l’intention et les résultats des faits devraient suffire à constituer le crime. Elle considère que le fait que le crime vise à la destruction totale ou partielle d’un groupe déterminé à partir d’un certain critère distingue déjà clairement le génocide des crimes de guerre, sans qu’il soit besoin d’exiger l’existence d’un plan concerté. Votre Rapporteure est donc favorable à la suppression de ce critère.

Le projet de loi, tel qu’adopté par le Sénat, ne propose pas de modifier cette définition. En revanche, son article 1er insère dans le code pénal un article 211-2 qui crée l’infraction de provocation à commettre un génocide. Cette disposition introduit dans le droit français les stipulations du paragraphe 3 de l’article 25 du Statut de Rome selon lesquelles : « Aux termes du présent Statut, une personne est pénalement responsable et peut être punie pour un crime relevant de la compétence de la Cour si : (…) e) S’agissant du crime de génocide, elle incite directement et publiquement autrui à le commettre ». Le nouvel article du code pénal proposé par le projet de loi exige lui aussi que la provocation soit « publique et directe » et précise qu’elle peut emprunter « tous moyens ». Il prévoit qu’elle soit punie de la réclusion criminelle à perpétuité « si cette provocation a été suivie d’effet », la réclusion criminelle à perpétuité étant le peine encourue pour génocide en application de l’article 211-1 du code pénal.

Un second alinéa traite du cas d’une provocation non suivie d’effet : elle sera alors punissable de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende. C’est ce point qui a été contesté par M. Bret au cours du débat au Sénat – mais sans qu’un amendement soit déposé –, dans la mesure où le Statut de Rome ne fait pas de distinction entre les incitations au génocide suivies d’effet et celles qui ne l’auraient pas été, alors que le dispositif proposé crée un simple délit dans le cas d’une provocation non suivie d’effet. Il est vrai que la jurisprudence pénale internationale – en particulier celle du tribunal pénal international pour le Rwanda – considère que l’incitation à commettre un génocide est constitutive d’un crime, qu’elle soit suivie d’effet ou non. Mais, cette absence de distinction est le résultat de l’influence du droit anglo-saxon dans la justice internationale, lequel ne reconnaît que des crimes. Elle ne s’oppose pas à ce que la France, en adaptant son droit, conserve les particularités de celui-ci, parmi lesquelles cette distinction.

2) Les compléments apportés à la définition du crime contre l’humanité

Les articles 212-1 à 212-3 du code pénal que le projet de loi propose de créer constituent un chapitre consacré aux « autres crimes contre l’humanité », le génocide étant lui-même, en droit français, une forme de crime contre l’humanité. L’article 212-1 définit donc les autres crimes contre l’humanité.

Il prévoit la réclusion criminelle à perpétuité pour les crimes suivants : la déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d’actes inhumains, inspirées par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisées en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile.

L’article 2 du projet de loi vise à compléter cette définition, qui ne couvre pas aujourd’hui l’ensemble des actes visés par l’article 7 du Statut de Rome. Celui-ci énumère une série d’actes qu’il définit précisément. Pour constituer un crime contre l’humanité ils doivent être commis « dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque ». La liste de ces actes, mais aussi le contexte dans lequel ils ont été commis, sont nettement plus larges que les dispositions actuelles de l’article 212-1 du code pénal, ce dernier exigeant dans tous les cas l’existence de « motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux » et l’exécution d’un plan concerté.

Il est donc proposé de remplacer la définition actuelle par une autre, à la fois plus large que l’actuelle et plus proche de celle retenue par l’article 7 du Statut de Rome. Le contexte dans lequel un acte doit être commis pour constituer un crime contre l’humanité, puni par la réclusion criminelle à perpétuité, doit réunir trois éléments : l’existence d’un plan concerté, être commis à l’encontre d’un groupe de population civile, dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique. Les motivations des auteurs de l’acte ne constituent donc plus un critère essentiel, même si elles sont toujours mentionnées dans le cas de la persécution d’un groupe.

Les actes visés sont : l’atteinte volontaire à la vie, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation ou le transfert forcé de population, l’emprisonnement ou toute autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international, la torture, une série d’actes de violence sexuelle, comme le viol, la prostitution forcée et « toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable », la persécution d’un groupe identifiable pour l’un des motifs énumérés (motif d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste) ou « en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international », la disparition forcée de personnes, les actes de ségrégation dans un cadre institutionnalisé, ainsi que « les autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique ». Sans suivre à la lettre le texte de l’article 7 du Statut de Rome, cette rédaction vise à recouvrir l’ensemble des actes qui y sont visés.

C’est précisément l’exhaustivité de la rédaction proposée au regard des stipulations du Statut de Rome qui a été l’objet de débats au Sénat. Les membres du groupe Communiste, Républicain et Citoyen ont suggéré de remplacer la rédaction proposée par le texte même de l’article 7 du Statut de Rome ; à défaut, des amendements présentés respectivement par Mme Boumediene-Thiery et M. Badinter visaient à mentionner explicitement l’esclavage sexuel et le crime d’apartheid parmi les faits susceptibles de constituer des crimes contre l’humanité ; un autre, de Mme Boumediene-Thiery, visait à préciser la notion de disparition forcée afin qu’elle corresponde à celle qui figure dans la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (13; de la même manière que pour le crime de génocide, il a aussi été demandé par M. Fauchon et Mme Boumediene-Thiery la suppression de la condition du plan concerté.

Suivant l’avis de la commission des lois et du Gouvernement, le Sénat a adopté l’amendement précisant l’intention des auteurs d’une disparition forcée telle qu’elle est définie dans la Convention précitée, à savoir « soustraire [les personnes] à la protection de la loi pendant une période prolongée ». Il a rejeté tous les autres. Comme votre Rapporteure l’a déjà souligné, l’objectif de ce projet de loi n’est pas de transcrire mot à mot les stipulations du Statut de Rome et il n’est donc ni nécessaire ni utile de dupliquer la définition qu’il donne des crimes contre l’humanité. La mention du crime d’apartheid a été jugée inutile dans la mesure où sont déjà visés par le 10° « les actes de ségrégation commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux » ; il en a été jugé de même pour l’insertion de la notion d’esclavage sexuel, qui apparaît couverte à double titre : c’est une forme de réduction en esclavage, visée au 3° , et une exaction sexuelle, telle que celles visées au 7°. Quant à la condition de l’existence d’un plan concerté, elle a, comme pour la définition du génocide, été considérée par une majorité de sénateurs comme devant être maintenue.

Très attachée à la cause des femmes et désireuse de leur offrir la protection la plus large possible, alors qu’elles sont, de plus en plus, les premières victimes des conflits armés, en particulier à cause du développement des violences sexuelles, votre Rapporteure verrait favorablement l’inscription explicite de l’esclavage sexuel dans cet article. Elle estime en effet que l’esclavage sexuel présente une singularité que les notions d’esclavage d’une part et de violence sexuelle d’autre part ne couvrent pas entièrement.

Pour ce qui est du critère de l’existence d’un plan concerté, votre Rapporteure défend sa suppression, comme elle la souhaite dans la définition du génocide, et pour les mêmes raisons (voir supra).

3) L’insertion de dispositions spécifiques à la complicité d’un supérieur hiérarchique dans la commission d’un crime de génocide ou contre l’humanité

L’article 3 du projet de loi vise à compléter, par l’introduction d’un nouvel article, le chapitre « Dispositions communes », qui porte sur les crimes contre l’humanité au sens du code pénal, c’est-à-dire sur les crimes de génocide et les autres crimes contre l’humanité. Il élargit la notion de complicité, définie d’une manière générale par l’article 121-7 du code pénal, dans le cas de tels crimes pour tenir compte des stipulations du paragraphe 3 de l’article 25 et des a et b de l’article 28 du Statut de Rome.

L’article 213-4-1 du code pénal dont la création est proposée porte sur la complicité d’un supérieur hiérarchique à la commission d’un crime de génocide ou contre l’humanité. Il comporte deux alinéas : le premier traite du cas d’un chef militaire ou de la personne qui en fait fonction, le second de celui d’un supérieur hiérarchique n’exerçant pas la fonction de chef militaire. Cette distinction reprend celle faite entre le a et le b de l’article 28 du Statut de Rome, la responsabilité du premier étant logiquement plus large que celle du second.

Est considéré comme complice un supérieur hiérarchique qui « n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir » pour « empêcher ou réprimer l’exécution » d’un crime contre l’humanité commis par ses subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs, ou « pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites » si :

– étant chef militaire, il « savait ou, en raison des circonstances, aurait dû savoir que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre ce crime » ;

– n’exerçant pas la fonction de chef militaire, il « savait que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre ce crime ou a délibérément négligé de tenir compte d’informations qui l’indiquaient clairement », « alors que ce crime était lié à des activités relevant de sa responsabilité ou de son contrôle effectifs ».

Cette rédaction suit très précisément celle de l’article 28 du Statut de Rome. L’article 3 du projet de loi a été voté par le Sénat sans modification.

4) Les autres questions relatives aux crimes contre l’humanité discutées au Sénat

Au cours du débat, le Sénat a abordé la question de l’insertion dans notre code pénal de la mention du caractère manifestement illégal de l’ordre de commettre un génocide ou un autre crime contre l’humanité, dans la mesure où elle figure au paragraphe 2 de l’article 33 du Statut de Rome. Il a conclu, conformément à l’avis du Rapporteur et de la Ministre, qu’un tel ordre était à l’évidence illégal, ce que la Cour de cassation avait eu l’occasion de déclarer lors du procès de Maurice Papon en 1997 (14). L’amendement, présenté par M. Bret, a en conséquence été retiré.

C’est ensuite la transcription dans le code pénal des stipulations de l’article 27 du Statut de Rome intitulé « Défaut de pertinence de la qualité officielle » qui a fait débat. Les amendements, présentés par MM. Badinter et Bret, visaient à créer un article précisant que « la qualité officielle de chef d’État ou de gouvernement, de membre d’un gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou d’agent d’un État, n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent titre, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine ».

Deux arguments ont été avancés par le Rapporteur contre cette proposition : la responsabilité pénale des personnes citées n’étant écartée par aucune disposition du code pénal, elle existe évidemment et n’a donc pas à être réaffirmée ; en revanche, ces personnes ne peuvent pas nécessairement être jugées dans des conditions de droit commun, étant donné nos dispositions constitutionnelles et les stipulations des conventions de Vienne, qui garantissent à certaines d’entre elles un privilège de juridiction. Seule la Cour pénale internationale peut passer outre l’immunité dont bénéficient les chefs d’Etat français en exercice ou les diplomates. Comme l’a rappelé la Garde des Sceaux, c’est notamment parce que cette possibilité allait à l’encontre des immunités et privilèges de juridiction accordés par notre Constitution aux chefs d’Etat, ministres et parlementaires que celle-ci a dû être révisée avant que la France puisse ratifier le Statut de Rome.

On notera par ailleurs que, pour ce qui est des chefs d’Etat étrangers en exercice, qui ne sont visés par aucune disposition particulière en droit français, la Cour de cassation a jugé en 2001, à propos d’une plainte déposée contre le général Khadafi dans l’affaire de l’attentat du DC 10 d’UTA dont certaines victimes étaient françaises, que « la coutume internationale s’oppose à ce que les chefs d’Etat étrangers en exercice puissent, en l’absence de dispositions internationales contraires s’imposant aux parties concernées, faire l’objet de poursuites devant les juridictions pénales d’un Etat étranger » (15).

Le Sénat a rejeté ces amendements.

Il a, en revanche, sur la proposition du Rapporteur, complété l’article 8 du projet de loi comportant des mesures de coordination, afin d’aligner à la hausse le régime des peines complémentaires applicables aux condamnés pour crime contre l’humanité (article 213-1 du code pénal) sur celui applicable aux personnes coupables de crime de guerre, régi par l’article 462-3 du même code que l’article 7 du projet de loi propose de créer (voir infra). Ainsi, la durée maximale de l’interdiction des droits civiques, civils et de famille (1° de l’article 213-1 du code pénal) et de l’interdiction de séjour (3° du même article) est portée de dix ans (durée maximale pour les autres crimes) à quinze ans ; celle de l’interdiction d’exercer une fonction publique ou certaines activités professionnelles ou sociales (2° du même article) est portée de cinq ans à dix ans, quand elle n’est pas définitive.

B – Les dispositions relatives aux crimes et délits de guerre

Les crimes et les délits de guerre relèvent aujourd’hui d’incriminations de droit commun en France. Dans la mesure où le Statut de Rome en fait une catégorie particulière d’infractions, pour laquelle elle est susceptible d’exercer sa compétence, il convient de créer des infractions spécifiques dans le code pénal afin que la complémentarité entre juridictions françaises et Cour pénale internationale soit efficace.

L’article 7 du projet de loi propose d’introduire un livre IV bis intitulé « Des crimes et des délits de guerre » à la suite du titre IV consacré aux crimes et délits contre la nation, l’Etat et la paix publique. Ce nouveau livre sera composé d’un chapitre Ier « Des différents crimes et délits de guerre » et d’un chapitre II « Dispositions particulières ». Une fois posée la spécificité des crimes et délits de guerre (section 1), sont distingués les crimes et délits de guerre communs aux conflits armés internationaux et non internationaux (section 2), ceux qui sont propres aux conflits armés internationaux (section 3) et les crimes et délits de guerre propres aux conflits armés non internationaux (section 4). Cette structure est inspirée de celle de l’article 8 du Statut de Rome, relatif aux crimes de guerre, article qui reprend la distinction opérée par les Conventions de Genève et les deux protocoles additionnels du 8 juin 1977.

1) La définition des crimes et délits de guerre

Les définitions qui sont données des différentes infractions dans le code pénal sont beaucoup plus synthétiques que celles qui figurent dans le Statut de Rome. Elles n’en couvrent pas pour autant nécessairement un moins grand nombre de situations.

a) La spécificité des crimes et des délits de guerre

L’article 461-1 du code pénal que l’article 7 du projet de loi propose de créer définit la spécificité des crimes et des délits de guerre, les infractions susceptibles de constituer de tels crimes ou délits étant ensuite énumérées par les articles du code pénal suivants (voir infra).

Le contexte dans lequel ces infractions doivent avoir été commises pour constituer de tels crimes ou délits doit réunir trois caractéristiques :

– les infractions ont été commises lors d’un conflit armé international ou non international ;

– elles l’ont été en violation des lois et coutumes de la guerre ou des conventions internationales ;

– elles l’ont été à l’encontre des personnes ou des biens visés aux articles 461-2 à 461-31, c’est-à-dire par les autres articles du même chapitre du code pénal.

Le Sénat n’a pas discuté d’amendement visant à modifier la rédaction proposée pour ce nouvel article du code pénal.

La représentante du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) entendue par votre Rapporteure a néanmoins remarqué que cette rédaction n’était pas absolument conforme à l’article 86 du Premier protocole additionnel aux Conventions de Genève de 1977 qui engage les parties à réprimer les infractions graves « qui résultent d’une omission contraire à un devoir d’agir » et à prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les autres infractions aux Conventions de Genève et au Protocole. Elle suggère donc de modifier la troisième condition afin de viser les infractions « qui portent atteinte, par action ou par omission, à la protection des personnes ou des biens visés aux articles 461-2 à 461-31 ».

b) Les crimes et délits de guerre communs aux conflits armés internationaux et non internationaux

Pour ce qui est des atteintes à la personne humaine, les articles 461-2 à 461-5 du code pénal concernent les atteintes à la vie et à l’intégrité physique ou psychique, l’article 461-6 les atteintes à la liberté individuelle et l’article 461-7 les atteintes aux droits des mineurs dans les conflits armés.

Sont passibles des aggravations de peine prévues à l’article 462-1 du code pénal (voir infra, cet article est aussi créé par l’article 7 du projet de loi) les atteintes volontaires à la vie et à l’intégrité physique ou psychique ainsi que l’enlèvement ou la séquestration d’une personne protégée par le droit international des conflits armés en vertu des lois et coutumes de guerre et du droit international humanitaire. Tel est le cas, en particulier, des malades, des blessés et des naufragés, ainsi que du personnel médical (en vertu des première et deuxième Conventions de Genève), des prisonniers de guerre (protégés par la troisième Convention de Genève), et des civils qui se trouvent aux mains de l’ennemi ou en territoire occupé (en application de la quatrième Convention de Genève). L’article 461-6 du code pénal met en place les mêmes aggravations de peine en cas d’atteintes à la liberté individuelle par des personnes exerçant une fonction publique (atteintes visées par l’article 432-4 du code pénal) commises contre ces mêmes personnes protégées.

Les associations et les institutions entendues par votre Rapporteure critiquent le fait que la combinaison des dispositions de l’article 461-6 et de celles de l’article 462-1 conduit à faire de la détention illégale un simple délit quand elle ne dépasse pas sept jours, alors que la détention illégale constitue une infraction grave aux Conventions de Genève et devrait, selon elles, dans tous les cas être considérée comme un crime.

Les articles 461-3 et 461-4 prévoient respectivement la réclusion criminelle à perpétuité dans deux types de cas :

– en cas de mutilations ou d’expériences médicales ou scientifiques sur des personnes de la partie adverses sans raison thérapeutique et qui entraînent leur mort ou portent gravement atteinte à leur santé ou à leur intégrité physique ou psychique ;

– en cas de violences sexuelles graves contre une personne protégée par le droit international des conflits armés : prostitution, grossesse ou stérilisation forcées, ou « toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ».

La plupart des personnes entendues par votre Rapporteure ont souhaité que, dans la rédaction de l’article 461-3, l’adverbe « gravement » soit remplacé par « sérieusement », qui figure à l’article 8 du Statut de Rome, jugeant que le premier était plus restrictif que le second. Aucun amendement n’a été déposé au Sénat sur ce point, que votre Rapporteure ne juge pas non plus essentiel.

Le Sénat a en revanche discuté de plusieurs amendements, présentés par Mme Boumediene-Thiery et M. Badinter, visant à mentionner explicitement le viol et l’esclavage sexuel dans le nouvel article 461-4. Comme la commission et le Gouvernement, il a estimé que ces ajouts n’étaient pas utiles. En effet, les crimes de viol et d’esclavage sont visés par le nouvel article 461-2 du code pénal qui prévoit des aggravations de peine pour toutes les atteintes à la personne. Le crime de viol relève également des formes de violence sexuelle visées à l’article 461-4 du même code, tel qu’il est proposé par le projet de loi.

Tout comme elle suggère la mention de l’esclavage sexuel dans la rédaction de l’article 212-1 du code pénal proposée à l’article 2 du projet de loi, votre Rapporteure souhaite qu’elle figure aussi dans cet article et préconise l’ajout de la mention du viol. En effet, la rédaction proposée laisse entendre que le viol ne serait inclus dans le dispositif qu’au-delà d’une certaine gravité, alors que tout viol est en lui-même extrêmement grave et qu’il est mentionné en tant que tel à l’article 212-1 précité.

Ce sont quinze ans de réclusion criminelle que l’article 461-5 du code pénal prévoit dans les cas de traitements humiliants ou dégradants sur des personnes de la partie adverse et qui portent gravement atteinte à leur intégrité physique ou psychique.

Enfin, la conscription ou l’enrôlement d’enfants de moins de quinze ans dans les forces ou des groupes armés ou le fait de les faire participer activement à des hostilités est puni de vingt ans de réclusion criminelle (article 461-7 du code pénal tel que proposé dans le projet de loi initial). La rédaction retenue reprend celle de l’un des paragraphes de l’article 8 du Statut de Rome.

Le Sénat a souhaité faire évoluer cette disposition pour la rendre plus efficace, notamment contre le phénomène des enfants soldats, et plus protectrice. Sur la proposition du Rapporteur et de M. Bret, et avec un avis favorable du Gouvernement, il a d’abord relevé à dix-huit ans, au lieu de quinze, l’âge à partir duquel la conscription ou l’enrôlement ne constitue plus un crime de guerre, afin de respecter à la fois l’âge de la majorité retenu dans notre droit et les engagements pris par la France dans le cadre du Protocole facultatif à la convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés du 25 mai 2000, auquel la France est partie depuis le 5 février 2003. Le Sénat a ensuite, à l’invitation de M. Portelli, membre du groupe UMP, précisé que cette disposition ne faisait pas obstacle à l’enrôlement volontaire des mineurs de plus de quinze ans, afin de préserver la possibilité pour des jeunes de suivre une formation dans une école militaire ou de s’engager volontairement. Votre Rapporteure salue cette avancée, qui va au-delà des stipulations du Statut de Rome.

En ce qui concerne les crimes et délits de guerre liés à la conduite des hostilités, plusieurs articles du code pénal dont la création est proposée détaillent les peines encourues dans les différents cas d’utilisation de moyens ou de méthodes de combat prohibés.

Sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité :

– le fait d’ordonner qu’il n’y ait pas de survivants ou d’en menacer l’adversaire (article 461-8 du code pénal) ;

– le fait de lancer des attaques délibérées contre la population civile en tant que telle ou contre des personnes civiles qui ne prennent pas part directement aux hostilités (article 461-9 du même code).

La peine sera de vingt ans de réclusion criminelle pour :

– le fait de causer des blessures ayant porté gravement atteinte à l’intégrité physique d’un combattant de la partie adverse qui, ayant déposé les armes ou n’ayant plus de moyens de se défendre, s’est rendu (article 461-10 du même code) ;

– le fait de causer, par traîtrise, à un individu appartenant à la nation ou à l’armée adverse, des blessures ayant porté gravement atteinte à son intégrité physique (article 461-11 du même code) ;

– le fait de lancer des attaques délibérées contre le personnel, les bâtiments, le matériel, les unités et les moyens de transport sanitaires portant, conformément au droit international, les signes distinctifs prévus par les Conventions de Genève du 12 août 1949 ou leurs protocoles additionnels et celui de lancer des attaques délibérées contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations unies qui bénéficient de la protection du droit international (article 461-12 du même code) ;

– le fait de lancer des attaques délibérées contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, pour autant que ces bâtiments ne soient pas alors utilisés à des fins militaires (article 461-13 du même code).

Les articles 461-10 et 461-11 du code pénal portent à trente ans la durée de réclusion si les blessures ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ou la mort de la victime sans intention de la donner, et prévoient la réclusion criminelle à perpétuité si la personne concernée a été volontairement blessée à mort.

Les dispositions de l’article 461-12 du même code sont encore plus sévères puisque la réclusion criminelle à perpétuité est encourue dès que les personnes ont trouvé la mort, que celle-ci ait été provoquée volontairement ou non.

Quant au fait de lancer des attaques délibérées contre des biens de caractère civil qui ne sont pas des objectifs militaires, il est puni de quinze ans de réclusion criminelle (article 461-14 du même code).

Sous réserve de l’ajout d’une précision à l’article 461-11 du même code (la mention d’un « combattant de la partie adverse » parmi les victimes d’actes de traîtrise), le Sénat a adopté sans modification les rédactions proposées par le Gouvernement pour les articles 461-8 à 461-14 nouveaux du code pénal.

Au titre des atteintes aux biens, l’article 461-15 du code pénal prévoit la même peine de quinze ans de réclusion criminelle dans les cas de pillage d’une ville ou d’une localité, si celui-ci s’est effectué en bande, avec des armes ou à force ouverte, tandis que l’article 461-16 rend passibles des aggravations de peines prévues à l’article 462-1 les vols, extorsions, destructions, dégradations ou détériorations de biens appartenant à une personne protégée par le droit international des conflits armés, ainsi que le recel de leur produit.

L’exigence de la commission « en bande » d’un pillage pour que celui-ci soit puni de quinze ans de réclusion criminelle est apparue injustifiée au Sénat, qui a observé qu’elle ne figurait pas dans l’article 8 du Statut de Rome et constituait une limitation excessive du champ d’incrimination : si le pillage d’une ville ne peut guère être commis qu’en bande, une personne isolée pourrait piller une petite localité. Elle doit alors pouvoir être poursuivie en application de l’article 461-15. Les amendements présentés par le Rapporteur et Mme Borvo Cohen-Seat, membre du groupe Communiste, républicain, citoyen, visant à supprimer cette condition ont donc été adoptés.

Le Sénat a aussi discuté de deux amendements, présentés par MM. Badinter et Bret, visant à étendre la portée de l’article 462-1 aux biens protégés eux-mêmes, indépendamment du statut de leur propriétaire. Considérés comme inutiles par le Rapporteur et la Garde des Sceaux, ils ont été retirés.

Dans une perspective de prévention, l’article 461-18 du code pénal punit de dix ans d’emprisonnement et de 225 000 euros d’amende le fait de participer à un groupement ou une entente établis en vue de préparer des crimes ou des délits de guerre.

La rédaction proposée pour cet article a été adoptée par le Sénat sans modification.

Par souci de coordination, l’article 8 du projet de loi abroge l’article L. 322-4 du code de justice militaire qui réprimait les actes de pillage ; les nouvelles dispositions du code pénal le rendent en effet inutile.

c) Les crimes et délits de guerre propres aux conflits armés internationaux

Dans cette section, sont distinguées les atteintes à la liberté et aux droits des personnes et l’utilisation de moyens ou de méthodes de combat prohibés.

Vingt ans de réclusion criminelle sont encourus pour l’utilisation d’une personne protégée comme « bouclier humain » (article 461-19 du code pénal), l’enrôlement forcé de personnes dans l’armée des adversaires de leur pays (article 461-20 du même code), le fait d’empêcher une personne protégée d’être jugée conformément au droit international, la peine étant portée à la réclusion criminelle à perpétuité si la personne en question a été exécutée (article 461-21 du même code). Est en outre puni de quinze ans réclusion criminelle le fait de déclarer les droits et actions des nationaux de la partie adverse irrecevables en justice, forclos ou suspendus, en raison de la nationalité des requérants (article 461-22 du même code).

Sur la proposition du Rapporteur, le Sénat a souhaité étendre à toutes les personnes protégées par le droit international des conflits armés l’interdiction de l’enrôlement forcé, que le projet de loi limitait aux personnes « de la partie adverse » protégées. Il a ainsi rapproché la rédaction de l’article 461-20 du code pénal des stipulations de l’article 8 du Statut de Rome.

Les articles 461-23 à 461-27 du code pénal énumèrent les moyens et méthodes de combat dont l’utilisation est punie de la réclusion criminelle à perpétuité : employer certaines armes, attaquer ou bombarder des lieux qui ne sont pas des objectifs militaires, affamer des populations civiles et transférer des populations font parties de ces méthodes de combat prohibées. La peine est de vingt ans de réclusion criminelle contre celui qui lance une attaque délibérée en sachant qu’elle causera incidemment des dommages aux bien civils ou des dommages étendus, durables et graves à l’environnement qui seraient manifestement disproportionnés par rapport à l’avantage militaire attendu de l’attaque (article 461-28 du même code), et contre celui qui emploie indûment le pavillon parlementaire, le drapeau ou les insignes militaires et l’uniforme de l’ennemi ou de l’Organisation des Nations unies, ou l’un des signes de la Croix-Rouge, et blesse gravement un combattant de la partie adverse. Comme c’est le cas à l’article 461-12 du même code (voir supra), la peine est relevée si la victime est restée infirme ou est décédée (article 461-19 du même code).

Le Sénat a débattu de la rédaction du 4° du nouvel article 461-23 du code pénal. Le Gouvernement proposait la suivante : « D’employer des armes, des projectiles, des matériels ou des méthodes de combat ayant fait l’objet d’une interdiction générale et ayant été inscrits dans une annexe au statut de la Cour pénale internationale acceptée par la France ». Un amendement défendu par Mme Borvo Cohen-Seat visait à supprimer la référence à cette annexe et à remplacer cette deuxième condition par une condition alternative à la première : « ou en violation des règles régissant leur utilisation ». La portée du paragraphe en aurait été nettement élargie et aurait dépassé les stipulations du Statut de Rome, selon lesquelles l’usage d’armes interdites ne constituera un crime que lorsque les Etats se seront entendus pour en fixer la liste, ce qui n’a pas encore été fait à ce jour. Conformément à l’avis de la commission et du Gouvernement, cet amendement a donc été rejeté.

La rédaction proposée par le Gouvernement pour les articles 461-23 à 461-28 nouveaux du code pénal a été approuvée.

d) Les crimes et délits de guerre propres aux conflits armés non internationaux

Sont visés ici les déplacements de personnes civiles pour des raisons ayant trait au conflit, à moins qu’ils soient justifiés par un souci de sécurité ou des impératifs militaires (article 461-30 du code pénal) et le fait de condamner des personnes et d’exécuter des peines dans un cadre non-conforme au droit international (article 461-31 du même code). Les peines prévues sont identiques à celles applicables aux faits du même ordre commis dans un conflit armé international, soit respectivement la réclusion criminelle à perpétuité (comme à l’article 461-26) et vingt ans de réclusion criminelle (comme à l’article 461-21), cette peine étant portée à la réclusion criminelle à perpétuité si la personne condamnée a été exécutée.

Le Sénat n’a pas souhaité apporter de modification à la rédaction proposée pour ces deux articles, mais il a débattu de l’utilité d’introduire dans le code pénal une définition des conflits armés non internationaux. Cette définition figure à l’article 8 du Statut de Rome et les défenseurs de son inscription dans le droit français mettent en avant le souci d’éviter tout risque juridique concernant les définitions des deux types de conflit, alors que les incriminations ont un contenu différent selon le cas. La Garde des Sceaux a estimé que cette inscription était inutile puisque cette définition est donnée par le deuxième protocole additionnel aux Conventions de Genève, qui, comme les autres engagements internationaux de la France, est supérieur à la loi française. L’amendement, défendu par M. Bret, n’a donc pas été adopté.

Par ailleurs, par souci de coordination, l’article 8 du projet de loi substitue, dans l’article L. 311-1 du code de justice militaire qui porte sur les peines applicables par les juridictions des forces armées, la référence aux articles 461-1 à 461-31 du code pénal relatifs aux crimes de guerre que l’article 7 du projet de loi propose de créer, aux références aux lois et coutumes de la guerre et aux conventions internationales.

Le Sénat a discuté d’un amendement de Mme Boumediene-Thiery visant à ajouter la mention des articles du code pénal tout en maintenant la référence aux lois et coutumes de la guerre et aux conventions internationales, estimant que les nouveaux articles du code pénal ne codifient pas la totalité de ces autres normes, pas plus qu’ils ne les abrogent. Le Rapporteur et la Garde des Sceaux n’ayant pas jugé cette disposition nécessaire, le Sénat a rejeté cet amendement.

2) Les autres dispositions relatives aux crimes et délits de guerre

a) Les aggravations de peine et peines complémentaires

Le nouvel article 462-1 du code pénal établit les aggravations de peines visées aux articles 461-2, 461-6, 461-16 et 461-17 du même code, applicables lorsque les infractions constituent des crimes ou des délits de guerre. Par exemple, une peine de trente ans de réclusion criminelle peut se transformer en réclusion à perpétuité, une peine de dix ans peut être portée à quinze ans, une peine de trois ans au plus peut atteindre le double de sa durée.

Les peines prononcées dans les cas de crimes ou de délits punis de dix ans d’emprisonnement peuvent être assorties d’une période de sûreté (article 462-2). Des peines complémentaires encourues par les seules personnes physiques sont énoncées par l’article 462-3 ; lorsque le coupable est un étranger, une peine d’interdiction du territoire français peut être prononcée (article 462-4). L’article 462-5 renvoie aux articles pertinents du code pénal (articles 131-38 et 131-39) la définition des peines encourues par les personnes morales, tandis que la peine complémentaire de confiscation de biens est applicable aux condamnés qu’ils soient des personnes physiques ou morales (article 462-6).

Le Sénat a adopté la rédaction proposée par le Gouvernement pour ces différents articles nouveaux du code pénal, sans modification.

b) L’insertion de dispositions spécifiques à la complicité d’un supérieur hiérarchique dans la commission d’un crime ou d’un délit de guerre

Les dispositions de l’article 462-7 du code pénal, applicables aux crimes et délits de guerre, étaient, dans le projet de loi, très proches de celles qui figurent, pour les crimes de génocides et les autres crimes contre l’humanité, à l’article 213-4-1 du code pénal dont l’article 3 du projet de loi propose la création.

Le Sénat les a rendues parfaitement identiques à celles proposées pour l’article 213-4-1 du code pénal en ajoutant, notamment sur proposition du Rapporteur, que la responsabilité du supérieur hiérarchique peut être engagée s’il a « délibérément négligé de tenir compte d’informations » qui indiquaient clairement que ses subordonnés commettaient ou s’apprêtaient à commettre un crime de guerre. Les stipulations de l’article 28 du Statut de Rome, qui n’envisageaient pas de différence dans ce domaine selon que le crime était un crime de génocide, un crime contre l’humanité ou un crime de guerre, sont ainsi pleinement reprises.

c) Les cas d’exonération de responsabilité pénale

L’article 462-8 du code pénal précise que le fait d’avoir obéi à une loi ou un règlement ou à un ordre de l’autorité légitime n’exonère pas de sa responsabilité l’auteur ou le complice d’un crime ou d’un délit de guerre, même si cette circonstance sera prise en compte pour la fixation de la peine. L’exonération de responsabilité est néanmoins prévue si deux conditions sont réunies : cette personne ne savait pas que l’ordre de l’autorité légitime était illégal et cet ordre n’était pas manifestement illégal. Ces deux conditions figurent à l’article 33 du Statut de Rome, qui en ajoute une troisième : le fait que la personne ait eu l’obligation légale d’obéir aux ordres du gouvernement ou du supérieur en question.

Le Sénat a rejeté, une nouvelle fois, un amendement visant à préciser que l’ordre de commettre un génocide ou un crime contre l’humanité était manifestement illégal, cette mention étant jugée inutile.

La responsabilité pénale est aussi écartée dans les cas de légitime défense définis à l’article 462-9 du code pénal. Le projet de loi déposé par le Gouvernement exonère ainsi de la responsabilité pénale d’un crime ou d’un délit de guerre « la personne qui, pour sauvegarder des biens essentiels à sa survie ou à celle dautrui ou essentiels à laccomplissement dune mission militaire, accomplit un acte de défense, sauf sil y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de linfraction ». Cette rédaction est en partie inspirée de celle du c du paragraphe 1 de l’article 31 du Statut de Rome, lequel exige en outre que la personne ait agi raisonnablement et que l’acte de défense réponde à un « recours imminent et illicite à la force » ; il établit un lien de proportionnalité entre les moyens de défense employés et l’ampleur du danger encouru, et non entre les premiers et la gravité de l’infraction ; il précise enfin que le fait de participer à une opération défensive menée par les forces armées ne constitue pas en soi un motif d’exonération de la responsabilité pénale.

C’est pour se rapprocher de ces stipulations, que, sur la proposition du Rapporteur, le Sénat a complété et reformulé la rédaction proposée par le Gouvernement. L’exonération de responsabilité pénale bénéficie désormais à « la personne qui a agi raisonnablement pour sauvegarder des biens essentiels à sa survie ou à celle d’autrui ou essentiels à l’accomplissement d’une mission militaire, contre un recours imminent et illicite à la force, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité du danger couru. » En revanche, les amendements présentés par MM. Badinter et Bret visant en outre à souligner l’absence d’automaticité entre participation à une opération défensive et exonération de responsabilité ont été rejetés.

Enfin, a été retiré par M. Badinter un amendement identique à un amendement présenté dans le cas des crimes contre l’humanité sur le défaut de pertinence de la qualité officielle pour s’exonérer de sa responsabilité.

d) Le droit de légitime défense pour la France

L’article 462-11 du code pénal que le projet de loi propose de créer vise à introduire dans notre droit l’interprétation française de certaines dispositions de l’article 8 du Statut de Rome, et qui a fait l’objet de la déclaration suivante lors du dépôt de l’instrument de ratification de la France :

« Les dispositions de l’article 8 du Statut, et en particulier celles du paragraphe 2.b, concernent exclusivement les armements classiques et ne sauraient ni réglementer ni interdire l’emploi éventuel de l’arme nucléaire ni porter préjudice aux autres règles du droit international applicables à d’autres armes, nécessaires à l’exercice par la France de son droit naturel de légitime défense, à moins que l’arme nucléaire ou ces autres armes ne fassent l’objet dans l’avenir d’une interdiction générale ou ne soient inscrites dans une annexe au Statut (…). »

L’article 462-11 du code pénal exclut ainsi que puisse constituer un crime ou un délit de guerre « le fait, pour accomplir un acte nécessaire à l’exercice par la France de son droit de légitime défense, d’user de l’arme nucléaire ou de toute autre arme dont l’utilisation n’est pas prohibée par une convention internationale à laquelle la France est partie. »

Le Sénat a débattu de deux amendements visant à supprimer le texte proposé pour l’article 462-11 du code pénal. Mme Boumedienne-Thiery a insisté sur l’absence de consensus international sur la question de la licéité ou non de la menace ou de l’emploi de l’arme nucléaire, rappelant que la Cour internationale de Justice (CIJ) n’était pas parvenue à la trancher dans l’avis qu’elle a rendu sur le sujet le 8 juillet 1996 alors qu’elle en était saisie par l’Assemblée générale des Nations unies. La CIJ avait refusé de conclure de façon définitive mais les autorités françaises avaient interprété cet avis comme la reconnaissance que l’emploi ou la menace de l’emploi de l’arme nucléaire pouvait être licite en cas de légitime défense. Refusant cette interprétation, la sénatrice a estimé qu’il revenait à l’ordre juridique international de régler cette question et que le droit pénal français ne devait pas codifier une règle qu’elle considère comme inexistante en droit international.

Mme Borvo Cohen-Seat, a mis en avant deux autres raisons : reprenant un argument soulevé par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, elle a signalé que la rédaction proposée risquait d’introduire une confusion entre les cas dans lesquels il serait admis de recourir aux armes nucléaires et les comportements interdits pendant les conflits, c’est-à-dire entre le jus ad bellum et le jus in bellum ; elle a par ailleurs rappelé les évolutions récentes de la doctrine française d’emploi de l’arme nucléaire, qui envisage celui-ci pour la défense « d’intérêts vitaux » à la définition élargie, et notamment contre les « centres de pouvoir » d’Etats liés à des mouvements terroristes.

Le Rapporteur a constaté que ces amendements remettaient en cause la stratégie française de dissuasion, alors que la disposition proposée, conforme à la déclaration interprétative, était pleinement justifiée et n’interdirait pas que, une fois le recours à la force admis, les comportements prohibés par le Statut de Rome et incriminés par le projet de loi engagent la responsabilité pénale de leurs auteurs. La Garde des Sceaux et M. Badinter ont soutenu cet avis défavorable, et les amendements ont été rejetés.

e) Les délais de prescription

L’article 29 du Statut de Rome indique que les crimes relevant de la compétence de la Cour ne se prescrivent pas.

En application de l’article 213-5 du code pénal, l’action publique relative au crime de génocide ou aux autres crimes contre l’humanité ainsi que les peines prononcées sont imprescriptibles. Nous sommes là dans le seul cas d’imprescriptibilité en droit français, qui se justifie par le souci de rendre impérissable le souvenir des infractions commises.

Dans tous les autres cas, la loi prévoit un délai de prescription de l’action publique d’une part, de l’exécution des peines d’autre part. Le délai de prescription de l’action publique est en principe, pour un crime, de dix années révolues à compter du jour où il a été commis (article 7 du code de procédure pénale) et, pour un délit, de trois années (article 8 du même code). Ce délai est porté à vingt ans en cas de meurtre ou d’assassinat d’un mineur précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie et pour les infractions d’agression ou d’atteintes sexuelles ou de proxénétisme à l’égard d’un mineur, ou de recours à la prostitution d’un mineur (visés à l’article 706-47 du même code), ainsi que pour les violences avec circonstances aggravantes contre un mineur ayant entraîné une incapacité ou une infirmité permanente (article 222-10 du code pénal) – toutes ces infractions constituant des crimes. En ce qui concerne les délits, le délai est porté à dix ans pour les infractions de nature sexuelle contre des enfants et à vingt ans pour les violences avec circonstances aggravantes ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours (article 222-12 du code pénal), les agressions sexuelles aggravées (visées à l’article 222-30 du code pénal) et les atteintes sexuelles sans violence mais avec circonstances aggravantes commises sur mineurs (article 227-26 du même code). Dans tous ces cas, le délai court alors à partir de la majorité de la victime. Enfin, en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants, l’action publique se prescrit par trente ans pour les crimes et vingt ans pour les délits (articles 706-25-1 et 706-31-1 du code de procédure pénale).

Les délais de prescription des peines sont en principe plus longs. Ils sont de vingt années, cinq années ou trois années révolues, à partir du jour où la peine est devenue définitive, selon qu’elle a été prononcée pour un crime (article 133-2 du code pénal), un délit (articler 133-3 du même code) ou une contravention (article 133-4 du même code). Par dérogation, en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants, les peines prononcées se prescrivent par trente ou vingt ans selon que l’infraction est un crime ou un délit (articles 706-25-1 et 706-31-1 du code de procédure pénale).

Pour tenir compte de la spécificité des crimes et des délits de guerre et de leur particulière gravité – qui n’atteint néanmoins pas celle des crimes contre l’humanité – et afin de lutter efficacement contre l’impunité, le projet de loi propose de fixer les deux délais de prescription à trente ans dans le cas des crimes de guerre et à vingt ans dans le cas des délits de guerre (article 462-10 nouveau du code pénal), comme en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants. Comme indiqué supra, l’égalité de durée de ces deux délais est rare en droit pénal français : elle tend à rapprocher le traitement de ces crimes et délits de celui réservé aux crimes contre l’humanité, pour lequel les deux délais sont supprimés.

La longueur particulière du délai de prescription de l’action publique
– hormis les cas de crimes contre l’humanité, le seul délai de prescription de l’action publique supérieur à vingt ans s’applique aux crimes liés au terrorisme et au trafic de stupéfiants – est adaptée à la spécificité des crimes et délits de guerre, souvent commis dans des circonstances qui font obstacle au dépôt d’une plainte comme à la conduite d’une enquête, ou par des personnes dont la position rend la poursuite incertaine.

Quant aux délais de prescription des peines, ils sont aussi alignés sur les délais les plus longs qui existent déjà dans notre droit.

La longueur des délais de prescription pour les crimes et délits de guerre en droit français aura pour effet de limiter de nombre d’affaires de ce type pour lesquelles la compétence de la justice française serait éteinte, contrairement à celle de la Cour pénale internationale.

Le Sénat a débattu d’amendements, défendus par Mme Boumediene-Thiery et M. Bret, visant à rendre les crimes de guerre imprescriptibles, tout comme les crimes contre l’humanité. Le Rapporteur a souligné la nécessité de ne pas banaliser les crimes contre l’humanité, les crimes les plus atroces qui puissent exister, en élargissement l’imprescriptibilité à d’autres infractions, certes graves, mais n’atteignant pas le caractère de gravité intrinsèque du crime contre l’humanité. Cette position a été soutenue par la Garde des Sceaux, ainsi que par M. Badinter, qui a indiqué que c’était parce qu’il niait la personne humaine que le crime contre l’humanité, et lui seul, devait être imprescriptible. Ces amendements ont finalement été retirés. Votre Rapporteure est elle aussi favorable à ce que seuls les crimes contre l’humanité soient, en droit français, imprescriptibles.

C – Les autres mesures d’adaptation

Alors que l’ensemble des autres mesures d’adaptation contenues dans le projet de loi ne répondait pas à une véritable obligation inscrite dans le Statut de Rome, les articles 4 à 6 du projet de loi proposent d’insérer dans le code pénal des dispositions que l’article 70 du Statut de Rome demande aux Etats de prévoir. Il s’agit d’étendre les sanctions figurant dans le code pénal contre les atteintes à l’administration de la justice française aux atteintes commises au préjudice de la Cour pénale internationale.

L’article 70 du Statut de Rome est en effet consacré aux atteintes à l’administration de la justice de la Cour pénale internationale. Il définit ces atteintes, qui peuvent consister notamment en faux témoignage, falsification de preuve, subornation de témoin, intimidation d’un témoin ou d’un membre de la Cour, représailles contre l’un ou l’autre. Il est prévu que la Cour exerce directement sa compétence juridictionnelle dans ce type de cas. Elle pourra prononcer une peine allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement ou une peine d’amende.

Mais le même article du Statut exige aussi des Etats parties qu’ils « étendent les dispositions de leur droit pénal qui répriment les atteintes à l’intégrité de leurs procédures d’enquête ou de leur système judiciaire aux atteintes à l’administration de la justice en vertu du présent article commises sur leur territoire, ou par l’un de leurs ressortissants ».

Tel est le but des articles 4 à 6 du projet de loi.

Le 1° de l’article 4 du projet de loi introduit dans cinq articles du code pénal la référence aux membres ou agents de la Cour pénale internationale à la suite de celle qui figure déjà en faveur des officiers publics ou ministériels français. Ils seront ainsi protégés contre les tortures ou les actes de barbarie (article 222-3 du code pénal), les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (article 222-8), les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (article 222-10), les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours (article 222-12) et les violences ayant entraîné une incapacité de travail d’une durée inférieure ou aucune incapacité de travail (article 222-13) de la même manière que le sont, notamment, les magistrats, les jurés, les avocats, les fonctionnaires de police et les autres personnes dépositaires de l’autorité publique, c’est-à-dire que les peines encourues sont plus élevées lorsque ces différentes atteintes à l’intégrité physique de la personne sont commises à leur encontre.

Le 2° du même article 4 du projet de loi étend les aggravations de peine prévues par ces articles aux victimes, témoins ou parties civiles qui dénonceraient des faits, porteraient plainte ou déposeraient devant la justice française à ceux qui le feraient devant la Cour pénale internationale.

L’article 5 du projet de loi crée un nouvel article du code pénal qui rend applicables aux atteintes à l’administration de la Cour pénale internationale les dispositions de l’article 434-4 du code pénal, qui fixe la peine encourue en cas d’agissements destinés à faire obstacle à la manifestation de la vérité (tels que la modification de l’état des lieux d’un crime ou d’un délit et la destruction, l’altération ou la soustraction d’éléments susceptibles d’être utiles à l’enquête).

Enfin, l’article 6 du projet de loi étend de même le champ d’application d’une série d’articles du code pénal sanctionnant des entraves à l’exercice de la justice : l’article 434-8 du code pénal relatif aux menaces et actes d’intimidation envers les autorités judiciaires, l’article 434-9 du même code sur la corruption de ces autorités, l’article 434-13 sanctionnant le faux témoignage et l’article 434-15 sur la subornation de témoin.

Les articles 4 à 6 ont été adoptés par le Sénat sans autre modification qu’une simplification rédactionnelle à l’article 5.

III – LA PRINCIPALE INNOVATION INTRODUITE PAR LE SÉNAT :
LA MISE EN PLACE D’UNE COMPÉTENCE EXTRATERRITORIALE ENCADRÉE POUR LES CRIMES RELEVANT DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE

Alors que le projet de loi du Gouvernement ne contenait aucune disposition de ce type, le Sénat a introduit une forme de compétence extraterritoriale encadrée pour les crimes relevant de la Cour pénale internationale. Il a ainsi souhaité suivre l’exemple d’un nombre important de pays de l’Union européenne parties au Statut de Rome (16).

A – La question de l’opportunité de la mise en place d’une forme de compétence universelle pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre

Les règles habituelles de compétence des juridictions françaises reposent sur trois critères : l’infraction a été commise sur le territoire de la République (principe de rattachement territorial) ou l’auteur ou la victime de l’infraction est de nationalité française (principe de rattachement personnel). Il existe d’ores et déjà, dans notre droit, des dérogations qui permettent d’étendre la compétence de la justice française à des situations dans lesquelles aucune de ces conditions n’est remplie. La question est de savoir s’il est utile d’en créer une qui permettrait à la justice française de poursuivre des criminels de guerre ou contre l’humanité ne remplissant aucune des conditions habituelles de compétence.

La réponse à cette question n’est pas évidente, comme en atteste l’absence d’un tel dispositif dans le projet de loi déposé par le Gouvernement. La commission des lois du Sénat et son Rapporteur avaient dans un premier temps jugé une telle dérogation inutile, avant d’adopter une forme prudente de compétence universelle pour ces types de crimes.

1) L’application actuelle de la loi pénale française à des infractions commises hors du territoire de la République

En ce qui concerne les infractions commises hors du territoire de la République française, la justice française peut être compétente, sous certaines conditions (17), pour juger des infractions (crimes ou délits) commises par un Français ou à l’encontre d’un Français. On parle alors de compétence personnelle.

Le code pénal prévoit par ailleurs des règles spécifiques pour certaines infractions, qui ont pour effet de donner compétence à la justice française dans des cas très particuliers. Ces règles sont rappelées dans l’encadré suivant :

LES RÈGLES DÉROGATOIRES DE COMPÉTENCE, HORS COMPÉTENCE UNIVERSELLE

Le code pénal prévoit des règles spécifiques à certaines infractions commises à l’étranger qui permettent, même en l’absence de double incrimination et de plainte de la victime ou de dénonciation officielle du pays dans lequel ces faits ont été commis, des poursuites de la justice française contre :

– un étranger résidant habituellement en France dans des cas de tourisme sexuel ou d’autres infractions sexuelles contre des mineurs : il s’agit, lorsqu’ils ont été commis à l’étranger, des crimes et délits de viols et d’agressions sexuelles (art. 222-22 du code pénal), des délits d’atteinte sexuelle sur les mineurs, de corruption de mineurs et de pornographie enfantine (art. 227-27-1 du code pénale) et du délit de proxénétisme commis sur mineurs (art. 225-7 du code pénal) ;

– un étranger résidant habituellement en France qui s’est prêté à un prélèvement de cellules ou de gamètes, dans le but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne, vivante ou décédée (article 511-1-1 du code pénal), c’est-à-dire qui participe ainsi à un clonage reproductif humain ;

– un étranger résidant habituellement en France qui a participé à une activité de mercenaire telle que définie à l’article 436-1 du code pénal, en application de l’article 436-3 du même code ;

– en application de l’article 222-16-2 du code pénal, toute personne qui a commis un crime ou délit prévu par les articles 222-8, 222-10 ou 222-12 du même code, c’est-à-dire des violences ayant entraîné la mort, une mutilation ou une interruption de travail supérieure à huit jours, ce qui correspond aux qualifications pouvant être retenues pour les faits d’excision, sur un mineur étranger qui réside habituellement sur le territoire français.

En outre, l’article 113-10 du code pénal soumet à la compétence de la loi française, quelle que soit la nationalité du coupable, un certain nombre d’infractions qui portent gravement atteinte aux intérêts de la France. Sont exclus l’exigence de double incrimination, celle d’une plainte ou d’une dénonciation, et même le respect de la règle non bis in idem.

Enfin, l’article 113-8-1 du code pénal dispose que la loi pénale française est applicable à tout crime ou à tout délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement commis hors du territoire de la République par un étranger dont l’extradition a été refusée à l’Etat requérant par les autorités françaises à cause du caractère contraire à l’ordre public français de la peine encourue dans cet Etat (la peine de mort, notamment), du fait que la justice de ce pays ne présente pas toutes les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits des victimes ou parce que l’infraction commise est à caractère politique. Il s’agit des trois cas dans lesquels la France peut refuser une demande d’extradition, y compris si celle-ci émane d’un Etat avec lequel elle a conclu un traité d’extradition. La France a ainsi compétence pour juger elle-même la personne qu’elle refuse d’extrader afin d’éviter que ce refus conduise à un déni de justice.

Les cas précités, à l’exception du dernier, relèvent de la notion de compétence extraterritoriale au sens large, mais pas de ce qu’on entend par compétence universelle. Le système de la compétence universelle, aussi appelé système de l’universalité du droit de punir, « donne vocation à juger une infraction aux tribunaux de l’Etat sur le territoire duquel le délinquant a été arrêté ou se trouve même passagèrement, quel que soit le lieu de commission de l’infraction et quelles que soient les nationalités de l’auteur et de la victime » (18).

La compétence universelle des juridictions françaises résulte exclusivement de conventions internationales et ne vaut que pour les infractions désignées par celles-ci. Elle est en outre subordonnée, selon une exigence commune à toutes les conventions intervenues à ce jour, au fait que le coupable présumé se trouve en France. Les poursuites sont possibles même en l’absence de double incrimination et de plainte ou dénonciation préalable ; les juridictions françaises appliquent toujours la loi française, conformément au principe de solidarité des compétences législative et juridictionnelle. Les conditions générales de mise en œuvre figurent dans l’article 689-1 du code de procédure pénale. L’encadré suivant contient la liste des conventions internationales auxquelles ces dispositions s’appliquent.

LES CONVENTIONS INTERNATIONALES CONFÉRANT À LA FRANCE
UNE COMPÉTENCE UNIVERSELLE

Les conventions internationales réprimant des crimes et délits dont les auteurs sont susceptibles d’être poursuivis en France sur le fondement de l’article 689-1 du code de procédure pénale sont les suivantes :

– Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York le 10 décembre 1984 pour le jugement des personnes coupables de tortures au sens de l’article 1er de la convention (art. 689-2 du code de procédure pénale) ;

– Convention européenne pour la répression du terrorisme signée à Strasbourg le 27 janvier 1977, et accord entre les Etats membres des Communautés européennes concernant l’application de la Convention européenne pour la répression du terrorisme fait à Dublin le 4 décembre 1979 (art. 689-3 du code de procédure pénale) ;

–  Convention sur la protection physique des matières nucléaires, ouverte à la signature à Vienne et New York le 3 mars 1980 pour le jugement des infractions prévues par les articles 6 et 6-1 de la loi n° 80-572 du 25juillet 1980 et de certaines infractions prévues par le code pénal dès lors qu’elles sont commises au moyen de matières nucléaires (art. 689-4 du code de procédure pénale) ;

– Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental, faits à Rome le 10 mars 1988, pour le jugement, d’une part, du détournement d’un navire ou d’une plate-forme, d’autre part, de diverses autres atteintes aux personnes ou aux biens prévues par le code pénal, dès lors qu’elles compromettent ou sont de nature à compromettre « la navigation maritime ou d’une plate-forme fixe située sur le plateau continental », enfin, de certaines atteintes graves aux personnes connexes aux précédentes (art. 689-5 du code de procédure pénale) ;

– Convention sur la répression de la capture illicite d’aéronefs signée à La Haye le 16 décembre 1970 et convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile, signée à Montréal le 23 septembre 1971 pour le jugement, d’une part, du détournement d’un aéronef non immatriculé en France et de toutes les violences qui lui sont liées et, d’autre part, de toute infraction concernant un tel aéronef mentionnée à l’article 1er (10, a, b, c) de la convention (art. 689-6 du code de procédure pénale) ;

– Protocole pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l’aviation civile internationale, fait à Montréal le 24 février 1988, pour le jugement de certaines infractions prévues par le code pénal et le code de l’aviation civile dès lors qu’elles portent atteinte ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité d’un aérodrome affecté à l’aviation civile internationale ou qu’elles ont été commises à l’encontre des services d’un tel aérodrome (art. 689-7 du code de procédure pénale) ;

– Protocole à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes fait à Dublin le 27 septembre 1996 et convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires de la communauté européenne ou des fonctionnaires des Etats membres de l’Union européenne faite à Bruxelles le 26 mai 1997 pour le jugement des délits de corruption portant atteinte à l’administration publique des Communautés européennes et des Etats membres de l’Union européenne, prévus par les articles 435-1 et 4 du Code pénal (art. 689-8 du code de procédure pénale) ;

– Convention internationale pour la répression des attentats terroristes faite à New York le 12janvier 1998, pour les actes de terrorisme commis en employant un engin explosif ou meurtrier (art. 689-9 du code de procédure pénale) ;

– Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, ouverte à la signature à New York le 10 janvier 2000, pour différents crimes et délits liés au financement d’actes de terrorisme (art. 689-10 du code de procédure pénale).

La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, ouverte à la signature le 6 février 2007, devrait être prochainement ajoutée à cette liste afin que la compétence universelle de la France soit reconnue pour le crime de disparition forcée tel que la Convention le définit.

Il convient de souligner que l’article 689-1 du code de procédure pénale confère aux juridictions françaises cette compétence universelle « en application des conventions internationales » en question, lesquelles n’exigent d’un Etat partie qu’il juge un étranger suspecté d’un crime visé par l’une d’entre elles que dans le cas où l’Etat ne l’extrade pas après avoir reçu une demande d’extradition d’un Etat contractant dont la compétence de poursuivre est fondée sur une règle de compétence existant également dans la législation de l’Etat requis. Il s’agit donc d’appliquer la maxime aut dedere aut judicare : en principe, l’Etat requis doit extrader le suspect ; s’il ne le fait pas, en application d’une règle conventionnelle ou légale, alors il doit le juger.

Les Conventions de Genève de 1949 et les deux protocoles additionnels de 1977 sont absents de cette liste. Comme leurs stipulations n’ont pas non plus été incorporées dans notre législation et que la justice française ne reconnaît pas leur applicabilité directe, les violations graves de ces normes internationales sont exclues de toute procédure de compétence extraterritoriale des juridictions françaises, à l’exception de celles qui sont visées par les articles 1er et 2 de la loi du 2 janvier 1995 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations unies, instituant un Tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables des crimes commis dans l’ex-Yougoslavie et les dispositions identiques figurant dans la loi du 22 mai 1996 adoptée pour la mise en œuvre de la résolution 955 du Conseil de sécurité instituant un Tribunal international en vue de juger les responsables du génocide commis au Rwanda en 1994.

Ces deux lois disposent en effet que, « s’ils sont trouvés en France », peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises, en application de la loi française, les auteurs ou complices des actes qui constituent, au sens du statut du tribunal international compétent, des infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, des violations des lois ou coutumes de la guerre, un génocide ou des crimes contre l’humanité. Cette compétence universelle (19) est en fait limitée à certains crimes, commis dans certains pays, pendant une certaine période, et conditionnée à la présence du prévenu sur le territoire français. Le statut de ces tribunaux pose le principe de leur primauté sur les juridictions nationales et leur permet de demander le dessaisissement de ces juridictions à tous les stades de la procédure. Tel n’est pas le cas du Statut de Rome, qui retient le principe de la complémentarité entre Cour pénale internationale et juridictions nationales.

2) Les arguments en faveur de l’application d’une compétence universelle aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre

Comme votre Rapporteure a pu le constater au cours des auditions qu’elle a menées pour préparer son rapport, la discussion sur la pertinence de la mise en place d’une compétence universelle en matière de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre reflète les différentes lectures possibles du Statut de Rome et donc les différentes conceptions que l’on peut avoir du rôle de la Cour pénale internationale. Les défenseurs comme les adversaires de cette compétence universelle sont en effet par ailleurs tous soucieux de combattre l’impunité de ceux qui commettent des crimes d’une telle gravité et se réjouissent de l’existence de la Cour pénale internationale.

Le préambule du Statut de Rome rappelle « qu’il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux » et souligne que « la cour pénale internationale dont le présent Statut porte création est complémentaire des juridictions pénales nationales ».

Le Rapporteur du Sénat indique dans son rapport que M. Bruno Cotte, juge français membre de la Cour, en déduit qu’il existe sinon une obligation formelle, du moins un devoir moral pour chaque Etat de juger l’auteur d’un crime contre l’humanité ou d’un crime de guerre, où que l’infraction ait été commise et quelles que soient les nationalités de l’auteur et de la victime. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme, la Coalition française pour la Cour pénale internationale et le CICR partagent cette interprétation.

La taille de la Cour pénale internationale, les moyens financiers et humains dont elle dispose, ne sont pas adaptés à la poursuite d’un grand nombre d’infractions. En outre, en application de l’article 17 du Statut, la Cour peut juger irrecevable une affaire qu’elle ne considérerait pas comme suffisamment grave. Ces deux circonstances rendent particulièrement nécessaire l’intervention des Etats, qui pourraient ainsi jouer un rôle complémentaire à celui de la Cour, y compris lorsque les conditions habituelles de leur compétence ne sont pas réunies.

Le fait qu’il existe déjà des cas, toujours plus nombreux, dans lesquels le code pénal reconnaît à la France une compétence universelle est un autre argument important : pourquoi la justice française pourrait-elle poursuivre un étranger ayant fait subir des tortures à une victime étrangère hors du territoire de la République, et serait-elle impuissante face à un autre étranger qui aurait participé à la déportation de populations civiles, pillé des villages ou réduit des innocents en esclavage ? Les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre étant les plus graves de tous, ils devraient pouvoir être poursuivis par tous les moyens possibles.

La comparaison entre infractions se double d’une comparaison entre pays. Alors que de plus en plus d’Etats, en particulier européens, ayant ratifié le Statut de Rome admettent, sous une forme ou une autre, une compétence universelle pour les crimes visés par le Statut, il n’apparaît pas acceptable que la France, qui a joué un si grand rôle dans l’élaboration de ce Statut et a toujours fait son possible pour soutenir la Cour, reste en retrait et laisse à d’autres le soin de juger les pires criminels, risquant, ce faisant, de devenir un havre pour ces derniers. La compétence universelle dissuaderait certainement les responsables de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre de séjourner sur notre territoire ; si elle se généralisait, ces criminels seraient considérablement gênés dans leurs déplacements.

3) Les arguments contre une compétence universelle de la justice française pour ces crimes

Mais des arguments contraires, et également fondés, peuvent être opposés à ceux des partisans de la compétence universelle.

On peut en effet interpréter les stipulations du préambule du Statut de Rome comme chargeant simplement chaque Etat partie de poursuivre les infractions pour lesquelles il est normalement compétent, tandis que la Cour serait compétente pour les autres. Un Etat ferait ainsi de la concurrence à la Cour, ou du moins empiéterait sur ses prérogatives, en voulant juger des infractions n’ayant pas de lien avec lui.

La taille modeste de la Cour est la conséquence de la jeunesse de l’institution. Son budget, de l’ordre de 100 millions d’euros par an, dont 8,5 millions d’euros financés par la France, est conséquent et même considérable au regard du petit nombre d’affaires en cours de procédure devant elle. Rien ne s’oppose donc à ce que la Cour prenne en charge un nombre d’affaires bien supérieur.

La volonté de voir la Cour exercer la plénitude de sa compétence conduit aussi à considérer que les crimes qui sont de son ressort se distinguent justement de ceux pour lesquels la France exerce actuellement une compétence universelle par le fait que la Cour a été créée pour les juger. Comme il n’existe pas d’institution internationale compétente pour juger les auteurs des actes de torture ou de terrorisme, il est indispensable que les Etats parties aux conventions qui les répriment puissent s’en charger afin de combattre l’impunité. Depuis la mise en place de la Cour pénale internationale, c’est à elle de le faire pour les crimes visés par son Statut, dès lors que les Etats normalement compétents ne l’ont pas fait ou ne l’ont fait que pour la forme.

Cet argument est conforté par celui de la légitimité, évidente, de la Cour pénale internationale pour juger de ces crimes, légitimité dont ne bénéficient pas les Etats qui prétendent exercer une compétence universelle. Pour les crimes réprimés par des conventions internationales, la situation est différente puisque ce sont les conventions elles-mêmes qui exigent des Etats qu’ils se dotent de la compétence universelle. Le Statut de Rome n’impose aucune obligation de ce type aux Etats parties.

Cette question de légitimité se double d’un problème de moyens. Le Statut de Rome confère à la Cour des moyens juridiques pour obtenir l’arrestation des suspects, mener l’enquête, juger des personnes qui bénéficient d’une immunité. Les Etats n’auraient aucun de ces moyens pour poursuivre les auteurs présumés d’un crime dépourvu de tout lien avec leur territoire ou leurs ressortissants. Leur conférer une compétence pour enquêter sur de telles situations reviendrait donc à donner de faux espoirs aux victimes.

Enfin, la mise en avant d’exemples étrangers de compétence universelle pour les crimes visés par le Statut de Rome s’avère vite délicate, la plupart des pays ayant en fait posé certaines limites à sa mise en œuvre. Ces exemples témoignent néanmoins de la possibilité de trouver un compromis entre ces positions extrêmes pour ouvrir la voie à une solution équilibrée. C’est justement ce que le Sénat s’est efforcé de faire.

B – Le dispositif introduit par le Sénat

Comme votre Rapporteure l’a mentionné supra, la position défendue par le rapporteur de la commission des lois du Sénat a progressivement évolué. Elle a conduit à l’adoption d’un dispositif relativement complexe, constituant un pas en direction de la reconnaissance d’une compétence universelle en matière de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, mais qui a déçu les attentes des plus fervents défenseurs de cette compétence universelle.

1) Une compétence étroitement encadrée

L’article 7 bis du projet de loi introduit ainsi un article 689-11 dans le code de procédure pénale. Celui-ci rend possible la poursuite et le jugement par les juridictions françaises de toute personne qui s’est rendue coupable de l’un des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale si quatre conditions sont remplies :

– la personne « réside habituellement » sur le territoire de la République ;

– les faits qui lui sont reprochés sont punis par la législation de l’Etat où ils ont été commis ou cet Etat ou l’Etat dont elle a la nationalité est partie au Statut de Rome ;

– la poursuite de ces crimes ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public ;

– aucune juridiction nationale ou internationale ne demande la remise ou l’extradition de la personne. La rédaction proposée précise : « À cette fin, le ministère public s’assure auprès de la Cour pénale internationale qu’elle décline expressément sa compétence et vérifie qu’aucune autre juridiction internationale compétente pour juger la personne n’a demandé sa remise et qu’aucun autre État n’a demandé son extradition. »

Ces conditions répondent à plusieurs préoccupations légitimes.

La condition de résidence habituelle – qui existe déjà pour rendre la justice française compétente pour des actes de tourisme sexuel, de clonage ou d’activité mercenaire reprochés à un étranger, comme indiqué supra – vise à garantir qu’il existe un véritable lien entre la France et la personne poursuivie. Un simple passage sur notre territoire, pendant quelques heures, ne constitue pas un lien suffisant. La condition de résidence habituelle n’est d’ailleurs pas aussi exigeante que celle de résidence permanente ou de résidence principale.

La condition relative à la double incrimination ou à la ratification du Statut de Rome par l’Etat de commission des faits ou de nationalité de la personne vise à conférer une légitimité juridique à l’intervention de la justice française. Il faut souligner que l’exigence de la double incrimination – aussi qualifiée de réciprocité d’incrimination – ne signifie pas que les faits doivent recevoir une incrimination identique dans les deux Etats : les faits doivent être effectivement réprimés dans l’autre pays, même s’ils y sont qualifiés différemment et si on leur applique des peines plus ou moins sévères. Ainsi, le fait qu’un pays ne reconnaisse pas les crimes de guerre ne ferait pas obstacle à la poursuite de l’un de ses ressortissants par la France à ce titre pour un meurtre ou un viol, si l’un ou l’autre est sanctionné dans ce pays, ce qui est universellement le cas. Il faut néanmoins reconnaître que tous les crimes de guerre ne peuvent pas être rapprochés d’une incrimination de droit commun.

Le monopole du ministère public dans le déclenchement des poursuites existe d’une manière générale (article 113-8 du code pénal) dans tous les cas où la loi pénale française est applicable à des délits commis hors du territoire national, du fait de la nationalité de l’auteur des infractions (article 113-6 du code pénal) ou de la victime (article 113-7 du code pénal). Il s’applique aussi lorsque la justice française est compétente pour juger d’un suspect dont notre pays refuse l’extradition (article 113-8-1 du code pénal) et aux différentes situations précitées dans lesquelles la justice française peut poursuivre un étranger ayant sa résidence habituelle sur le territoire de la République. En revanche, dans ce dernier cas, ne s’applique pas la seconde phrase de l’article 113-8 du code pénal selon laquelle « (la poursuite des délits) doit être précédée d’une plainte de la victime ou de ses ayants droit ou d’une dénonciation officielle par l’autorité du pays où le fait a été commis ». Le ministère public est donc le seul à pouvoir déclencher des poursuites contre l’auteur d’un délit de tourisme sexuel, de clonage ou d’activité mercenaire, mais il peut le faire sans plainte préalable ni dénonciation d’un autre Etat. Dans le dispositif adopté par la Sénat, il pourrait en être de même contre l’auteur d’un crime contre l’humanité ou d’un crime de guerre. En revanche, est ajoutée une autre condition : l’absence de demande de remise ou d’extradition de l’auteur présumé des faits.

Cette condition est l’inverse de celle posée dans les conventions internationales fondant une compétence universelle : celles-ci font d’une demande d’extradition et de son refus par l’Etat requis la condition de la compétence obligatoire de la justice de ce dernier, le but étant d’être sûr que le suspect sera jugé. Ici, il s’agit d’asseoir le caractère subsidiaire de la justice française par rapport à celle d’autres Etats normalement compétents pour juger les auteurs des faits en question et de la justice internationale. La rédaction de l’article 7 bis exige du ministère public d’une part qu’il vérifie qu’aucune juridiction internationale n’a demandé sa remise et qu’aucun Etat n’a demandé son extradition, et d’autre part, que la Cour pénale internationale décline expressément sa compétence. Si la première exigence n’est pas gênante, la seconde pose un certain nombre de difficultés sur lesquelles votre Rapporteure reviendra.

2) Un cadre trop étroit ?

Le dispositif proposé par le Rapporteur et finalement adopté n’ayant été présenté en commission des lois que le jour du débat au Sénat, la discussion en séance n’a pas porté très précisément sur les différentes conditions qu’il posait, à l’exception de la condition de résidence habituelle. Les autres conditions ont ensuite été analysées par des spécialistes de la défense des droits de l’Homme, qui ont émis des critiques à leur encontre.

a) Le débat au Sénat

Le débat au Sénat a donc principalement porté sur la question de la résidence habituelle, même si des amendements proposaient aussi la simple application des dispositions de l’article 689-1 du code de procédure pénale sans autre condition.

Il faut d’abord rappeler en quelques mots les travaux de la commission des lois sur ce sujet. Comme son rapport en atteste, le Rapporteur n’était pas, à l’origine, partisan de la création d’une forme de compétence extraterritoriale pour les crimes visés par le Statut de Rome. Il a pourtant présenté un amendement proposant la création d’un tel dispositif à l’occasion de la réunion de la commission des lois d’examen des amendements déposés par d’autres sénateurs (c’est-à-dire l’équivalent, à l’Assemblée nationale, de la réunion dite « article 88 », du moins telle qu’elle existait en application du règlement de notre Assemblée avant sa récente modification). Le dispositif qu’il a proposé était exactement celui que le Sénat a finalement adopté, mais, au cours de la réunion de commission, sur la proposition de M. Badinter, un sous-amendement visant à remplacer la condition de résidence habituelle par la présence sur le territoire national a été adopté. M. Fauchon a ensuite déposé un amendement qui intégrait cette nouvelle condition à la rédaction proposée par le Rapporteur, qui y restait défavorable.

Dès le début de la discussion en séance publique, M. Fauchon est revenu sur sa position. Considérant qu’elle représentait déjà un progrès et qu’il fallait avancer prudemment, il s’est rallié à la version défendue par le Rapporteur. Celui-ci a rappelé que le Statut de Rome n’exigeait absolument pas des Etats qu’ils se dotent d’une compétence universelle et qu’une compétence extraterritoriale ne pouvait être introduite en droit français qu’à condition de rester « circonscrite dans des limites raisonnables qui rendent notre action légitime ». Il a rappelé les différentes explications et comparaisons formulées supra.

M. Badinter a défendu son sous-amendement en faveur de la simple présence en France du suspect en soulignant en particulier qu’une telle condition constituerait un facteur majeur de prévention des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre.

Mme Borvo Cohen-Seat a estimé que la condition de résidence habituelle était trop restrictive, puisqu’elle exigerait du suspect potentiel qu’il ait obtenu un visa puis un titre de séjour en France. Elle s’est déclarée favorable à la condition de la présence sur le territoire français, la justice pouvant ensuite soit le renvoyer vers une juridiction nationale ou internationale mieux à même de le juger, soit le juger elle-même. M. Collombat, sénateur du groupe socialiste, a même jugé que le dispositif proposé était si verrouillé qu’il en serait inopérant, ce qu’a contesté le président de la commission des lois.

M. Badinter a présenté un amendement visant à permettre la poursuite, dans les conditions prévues à l’article 689-1 du code de procédure pénale, de toute personne coupable de crimes de génocide ou contre l’humanité, de crimes de guerre ou d’infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 et à leur premier protocole additionnel de 1977. Mme Boumediene-Thiery a proposé une rédaction renvoyant seulement aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre tels que le projet de loi les inscrit dans le code pénal.

Le Sénat a finalement adopté le dispositif proposé par le Rapporteur, qui avait reçu un avis favorable du Gouvernement.

b) Les critiques suscitées par le dispositif adopté

La Commission nationale consultative des droits de l’Homme, le CICR et de nombreuses associations ont exprimé un avis critique sur ce dispositif. Tous se félicitent de la création d’une compétence extraterritoriale pour ces crimes exceptionnellement graves, tout en contestant la pertinence des conditions prévues par le dispositif adopté par le Sénat.

Pour ce qui est de la condition de résidence habituelle, les comparaisons avec les autres infractions relevant de la compétence universelle conduisent certains à juger qu’elle revient « à mieux traiter celui qui a déclenché la vague de tortures et d’assassinats constitutifs de crimes contre l’humanité, que l’auteur de torture ». Ils contestent de même la différence de traitement entre les auteurs de futurs génocides et ceux qui sont susceptibles d’être jugés dans le cadre des lois adoptées dans le cas du génocide rwandais. Ils concluent sur ce point en insistant sur le fait que la condition de résidence habituelle ne sera jamais remplie si elle est interprétée, comme en matière de nationalité, comme la fixation de manière stable, effective et permanente du centre des attaches familiales et intérêts matériels en France.

Beaucoup demandent la suppression de la condition de double incrimination, mettant en avant sa non-existence en droit français pour les crimes, son affaiblissement progressif dans le cadre des procédures d’extradition (20), et son absence dans la compétence universelle de l’article 689-1 du code de procédure pénale. Conditionner la poursuite en France des crimes les plus graves à l’existence d’une loi nationale étrangère ou au fait qu’un Etat tiers soit lui-même partie au Statut de Rome ne leur apparaît pas acceptable, alors que la France est partie à la convention internationale qui définit et poursuit ces crimes.

Le monopole des poursuites confié au ministère public est jugé à la fois comme contraire à la tradition pénale française, et constituant une atteinte aux droits des victimes et une violation du principe d’égalité des citoyens devant la loi. Sur le premier point, il est rappelé que, depuis plus d’un siècle, le droit pénal français permet à toute victime d’un crime ou d’un délit, en se constituant partie civile, de mettre en mouvement l’action publique (en application de l’article 1er du code de procédure pénale) alors même que le ministère public n’aurait pas jugé opportun d’engager des poursuites. Si la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale a mis en place un délai de réflexion afin de combattre l’abus de constitution de partie civile, elle l’a fait exclusivement pour les délits, et il serait paradoxal de priver du droit de se porter partie civile les victimes des crimes les plus graves. La constitutionnalité d’un tel dispositif est même contestée, aucune raison d’intérêt général ne justifiant la différence de traitement dont souffriraient les victimes de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre par rapport aux victimes d’autres crimes, et notamment du crime de torture, dont l’auteur peut être poursuivi sur le fondement de l’article 689-2 du code de procédure pénale, ou du génocide du Rwanda, réprimé dans le cadre de la loi du 22 mai 1996 précitée. On peut aussi soutenir que cette disposition irait à l’encontre de la position défendue par la France dans la négociation du Statut de Rome visant à offrir aux victimes une place plus importante devant la Cour pénale internationale que celle qui leur était réservée devant les tribunaux pénaux internationaux spécialisés.

Les mêmes associations et institutions contestent enfin ce qu’elles appellent l’inversion du principe de complémentarité, c’est-à-dire la priorité que le dispositif adopté par le Sénat confère à la Cour pénale internationale pour exercer des poursuites contre les responsables des crimes visés par son Statut. Exiger de la Cour qu’elle décline expressément sa compétence irait donc à l’encontre des stipulations de celui-ci. Logiquement, le Statut de Rome ne prévoit pas la possibilité pour un Etat de solliciter l’avis de la Cour afin que celle-ci se déclare compétente ou pas.

Globalement, elles estiment que le dispositif adopté par le Sénat est si « verrouillé » qu’il ne trouvera jamais à s’appliquer, alors même que le risque de voir la justice française submergée par un grand nombre d’affaires de crimes de guerre ou contre l’humanité sur le fondement d’une compétence universelle est très limité : depuis que l’article 689-2 du code de procédure pénale est en vigueur, une quinzaine d’informations judiciaires ont été ouvertes et deux personnes seulement, un ressortissant mauritanien et un Tunisien, ont été condamnées, toutes les deux d’ailleurs par contumace, les suspects ayant quitté la France au cours de la procédure. Le fait que deux procédures aient pu aller à leur terme prouve d’ailleurs que, malgré les difficultés, la justice nationale n’est pas dépourvue de moyens dans ce type d’affaires, ce dont témoignent aussi les nombreuses condamnations prononcées à l’étranger sur le fondement d’une compétence universelle (21). L’existence du délit de dénonciation calomnieuse constitue enfin une arme précieuse contre les risques de plaintes infondées.

C – Les évolutions proposées par votre Rapporteure

Votre Rapporteure est loin d’être insensible aux critiques formulées par les associations de défense des droits de l’Homme, le CIRC et le Conseil national consultatif, dont elle est membre.

Elle est néanmoins consciente des problèmes que poserait à notre justice, voire à notre diplomatie, une multiplication de plaintes contre des personnes ne faisant qu’un bref séjour dans notre pays et auxquelles pourraient être reprochés des faits qui constituent des crimes de guerre au regard du Statut de Rome mais sur la définition desquels il n’y a pas réellement de consensus international. Comme l’exemple espagnol (cf. encadré suivant) ou le cas belge le montrent, un encadrement est indispensable. Encore faut-il placer le curseur à un niveau pertinent, c’est-à-dire concilier le mieux possible les différents principes et intérêts en jeu.

LES EXCÈS DE LA COMPÉTENCE UNIVERSELLE ESPAGNOLE

1) La compétence universelle espagnole

En Espagne, l’Audience nationale détient une compétence universelle en matière de crimes contre l’humanité, de génocide et de terrorisme, quelle que soit la nationalité de leurs auteurs et des victimes. Ces infractions peuvent être poursuivies hors des frontières où ils ont été commis, et jugées en Espagne, même lorsque ce pays n’est aucunement impliqué. Les seules conditions requises sont la présence obligatoire du suspect au procès, et l’absence de procédure en cours devant la Cour pénale internationale.

C’est en application de cette compétence universelle que l’Audience nationale espagnole étudie actuellement treize cas portant sur des génocides ou des crimes contre l’humanité commis dans huit pays. Ainsi, le juge Andreu, l’un des six juges d’instruction de l’Audience nationale, a ouvert le 29 janvier 2009 une enquête pour crime contre l’humanité, visant sept personnalités israéliennes, à la suite d’un bombardement israélien le 22 juillet 2002 à Gaza sur le quartier densément peuplé d’Al Daraj. Huit dirigeants chinois devraient être interrogés par un juge espagnol à propos des manifestations sanglantes au Tibet de mars 2008. Le camp de Guantanamo a également suscité de nouvelles polémiques, fin avril, lorsque le juge Garzón a décidé d’ouvrir une autre enquête préliminaire visant certains conseillers de l’administration Bush qui auraient permis la torture dans le camp.

2) Une compétence inconditionnelle contestée

Pourtant, les enquêtes espagnoles n’ont débouché que sur une seule condamnation : Adolfo Scilingo, un ancien capitaine de la marine argentine, a été jugé coupable de crimes contre l’humanité en 2005 pour avoir jeté à la mer, à partir d’avions gouvernementaux, des prisonniers dans les années 1970.

Devant la faiblesse des résultats obtenus par rapport aux moyens mis en œuvre, les députés espagnols ont adopté le 19 mai 2009 une résolution visant à limiter la portée de la compétence universelle, restreignant l’action des juges espagnols aux seuls cas où l’affaire en question a un lien avec l’Espagne, c’est-à-dire où des Espagnols figurent parmi les victimes ou bien où l’auteur présumé des faits se trouve sur le territoire espagnol. Sur douze formations politiques, huit ont soutenu cette résolution qui pourrait devenir prochainement une loi, et donc remettre en cause les procédures en cours.

Le même mouvement de recul a été opéré en 2003 en Belgique, pays qui s’était également doté d’une compétence universelle inconditionnelle en 1993. La loi opère désormais une distinction selon que les victimes sont belges ou ont vécu en Belgique pendant trois ans d’une part, ne remplissent aucune de ces conditions d’autre part. Dans le deuxième cas, le procureur fédéral peut décider s’il y a lieu de poursuivre pénalement ou non. En outre, le suspect doit être de nationalité belge ou résider en Belgique. Enfin, le procureur fédéral s’abstiendra désormais d’entamer des poursuites pour une plainte qui pourrait être mieux traitée devant un tribunal international ou devant une autre juridiction nationale.

Votre Rapporteure estime que la France ne peut pas se permettre d’adopter dans ce domaine une position minimale. Elle doit être cohérente avec les positions qu’elle prend régulièrement au niveau international en faveur de la justice internationale et ne pas donner l’impression qu’elle se défausse de ses responsabilités sur la Cour pénale internationale quand les autres pays européens ont accepté, au moins dans une certaine mesure, de les assumer. Elle doit aussi rester en accord avec les dispositions du code pénal en vigueur.

Pour ce qui est du lien de rattachement entre la France et l’affaire qui serait soumise à ses juridictions, la condition de résidence habituelle semble particulièrement exigeante à votre Rapporteure. Selon un arrêt de la Cour de cassation de 2005, pris en matière civile, la résidence habituelle se définit « comme le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts » (22). Deux conditions, une matérielle et une intentionnelle, doivent être réunies. Le fait, par exemple, d’effectuer régulièrement des séjours d’agrément en France ne saurait suffire.

Le critère, proposé par certains sénateurs et défendu par de nombreuses personnes entendues par votre Rapporteure, de simple présence sur le territoire est-il adapté ?

Dans un arrêt de janvier 2007 (23), la Cour de cassation a jugé, à l’occasion d’une affaire portant sur la compétence des juridictions françaises pour poursuivre les auteurs de torture, que la condition de présence sur le territoire était remplie dès lors qu’« étaient relevés, au moment de l’engagement des poursuites, des éléments suffisants de la présence en France d’au moins l’une [des personnes soupçonnées] ». Dans deux arrêts postérieurs, la Cour de cassation a confirmé que les juges du fond avaient un pouvoir d’appréciation souveraine pour établir si, au moment de l’engagement des poursuites, le suspect se trouve sur le territoire français (24). Une personne qui n’aurait fait qu’un bref passage en France, passage assez long pour qu’elle soit dénoncée au procureur de la République ou fasse l’objet d’une plainte, mais pas suffisamment long pour que des poursuites soient engagées, ne pourrait donc pas être poursuivie par la justice française. Cette exigence minimale apparaît indispensable à votre Rapporteure tant il est essentiel que le suspect puisse être entendu par la justice et arrêté si nécessaire, ce qui est très difficile s’il ne se trouve plus en France.

La représentante du CICR entendue par votre Rapporteure a précisé que, même si la condition de présence sur le territoire de l’auteur présumé d’un crime de génocide, contre l’humanité ou de guerre n’est pas uniformément retenue par les législations internes pour qu’un jugement puisse être rendu (cf. tableau en annexe) – mais l’est souvent –, une telle exigence ne semble pas en elle-même fondamentalement contraire au texte des Conventions de Genève de 1949, et a fortiori au Statut de Rome.

Votre Rapporteure souhaite donc que le critère de présence sur le territoire remplace celui de résidence habituelle, retenu par le Sénat.

La condition de l’incrimination des faits dans le pays où ils ont eu lieu ou celle de la ratification du Statut de Rome par cet Etat ou celui dont le suspect est ressortissant n’apparaît pas non plus satisfaisante à votre Rapporteure.

Cette condition de « double incrimination » pose en effet problème. Certes, elle ne signifie pas que les faits doivent recevoir une incrimination identique dans les deux Etats : ils doivent être effectivement réprimés dans l’autre pays, même s’ils y sont qualifiés différemment et si on leur applique des peines moins sévères. Si une partie des crimes visés par le Statut de Rome, comme les meurtres ou les viols par exemple, sont sanctionnés dans tous les pays, tel n’est pas le cas de tous les crimes contre l’humanité et de tous les crimes de guerre. Si la compétence de la France est conditionnée à l’existence des crimes dans le droit de l’autre pays, elle ne pourra pas s’exercer pour certains faits commis dans les pays où le droit est le moins complet et le moins sévère et où il n’y a aucune chance qu’ils soient poursuivis par la justice nationale. C’est pourtant dans ces pays que la compétence extraterritoriale de la France serait la plus nécessaire.

De même, si l’Etat de commission des faits ou de nationalité de l’auteur est partie au Statut de Rome, les faits relèveront de la compétence de la Cour pénale internationale et l’intervention de la justice française ne sera pas aussi nécessaire que s’il n’y était pas partie.

On notera en outre que, en droit français, pour ce qui est de la poursuite de faits commis à l’étranger, la condition de double incrimination n’est exigée que pour les délits commis par un Français. Elle ne l’est ni pour les crimes commis par un Français, ni pour les crimes ou délits dont la victime est française, ni lorsque les infractions portent atteinte aux intérêts supérieurs de la France ou d’un Etat étranger, ni pour les infractions qui sont l’objet des différentes conventions visées aux articles 689-2 à 689-10 du code de procédure pénale.

Votre Rapporteure estime qu’il serait paradoxal d’exiger cette condition de double incrimination dans les cas les plus graves que sont les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, alors qu’ils font enfin partie des infractions pour lesquelles le mandat d’arrêt européen doit être exécuté sans contrôle de la double incrimination.

Confier au ministère public le monopole des poursuites lui semble aussi contestable au regard des droits des victimes, qui ne pourraient pas mettre elles-mêmes l’action publique en mouvement en se constituant partie civile. Certes le monopole du ministère public dans le déclenchement des poursuites existe pour un certain nombre de cas concernant des faits commis hors du territoire national (voir supra). Mais, sauf lorsque la justice française est compétente pour juger d’un suspect dont notre pays refuse l’extradition, cette règle ne s’applique qu’aux délits, et pas aux crimes.

Imposer cette limitation dans le cas des crimes les plus graves n’apparaît ni nécessaire ni pertinent. Ce n’est pas nécessaire car votre Rapporteure estime, comme les institutions et associations de défense des droits de l’Homme, que la crainte de voir déposer de très nombreuses plaintes n’est pas fondée, tandis que le juge d’instruction pourra évidemment prendre une décision de non-lieu s’il ne recueille pas d’éléments contre la personne mise en cause. Ce n’est pas non plus pertinent, car la France a toujours été très attachée à la défense des droits des victimes, tant en droit interne qu’au niveau international, dans la mesure où la réparation d’un crime n’est pas complète sans la tenue d’un procès pénal. Notre pays a notamment obtenu que ceux-ci soient mieux pris en compte devant la Cour pénale internationale. Ce monopole induirait en outre une différence de traitement entre les victimes selon les crimes dont elles ont eu à souffrir. Votre Rapporteure défend donc sa suppression.

En revanche, votre Rapporteure trouve tout à fait logique que la justice française n’engage des poursuites que si aucune juridiction internationale ou nationale n’a demandé la remise ou l’extradition du suspect. Il est évident que la France n’a pas à se déclarer compétente pour juger d’une affaire dont une autre juridiction serait déjà saisie.

Mais elle est particulièrement sceptique sur la disposition adoptée par le Sénat selon laquelle le ministère public devrait s’assurer auprès de la Cour pénale internationale qu’elle décline expressément sa compétence. Dans la mesure où le Statut de Rome ne prévoit pas de mécanisme pour ce faire, comment le ministère public devrait-il procéder ? Faudrait-il que la France, en application de l’article 14 du Statut, saisisse le procureur de la Cour de la situation dans laquelle l’affaire a été commise puis attende que la procédure devant la Cour se déroule jusqu’à ce que le procureur décide qu’il n’y a pas de base raisonnable pour ouvrir une enquête (comme le lui permet l’article 15 du Statut) ou que la Cour conclue à son irrecevabilité ?

Cela apparaît en contradiction avec les stipulations de l’article 18 du Statut qui demandent à la Cour de notifier aux Etats qui « auraient normalement compétence à l’égard des crimes dont il s’agit » le fait que le procureur allait ouvrir ou venait d’ouvrir une enquête afin de permettre à l’un d’entre eux, le cas échéant, d’informer la Cour de ce que lui-même ouvre ou a ouvert une enquête « sur ses ressortissants ou d’autres personnes sous sa juridiction pour des actes criminels qui pourraient être constitutifs des crimes » visés par le Statut et ont un rapport avec l’enquête ouverte par le procureur de la Cour. Il en est de même avec les stipulations de l’article 19 du Statut qui permettent à « l’État qui est compétent à l’égard du crime considéré du fait qu’il mène ou a mené une enquête, ou qu’il exerce ou a exercé des poursuites en l’espèce » de contester la compétence de la Cour ou la recevabilité d’une affaire. Ces stipulations témoignent clairement du caractère « prioritaire » des tribunaux nationaux par rapport à la Cour pénale internationale. En revanche, si la Cour s’était déclarée incompétente et si les poursuites n’avaient ensuite pas abouti en France, les victimes n’auraient plus de recours et on risquerait un déni de justice.

Cette disposition donne le sentiment que la France préfèrerait ne juger aucune affaire et ne le ferait qu’en tout dernier recours, après avoir en quelque sorte invité la Cour à s’en occuper. Le temps que celle-ci examine le dossier, le suspect, qu’il ait résidé en France ou y ait seulement séjourné, aurait d’ailleurs eu tout loisir de se réfugier dans un pays dépourvu de compétence extraterritoriale.

Réserver la compétence de la justice française aux affaires pour lesquelles la Cour pénale internationale se serait déclarée incompétente apparaît donc à la fois compliqué et paradoxal. Ce serait certes « mieux que rien », puisque cela éviterait que demeurent impunis des crimes que la Cour n’aurait par exemple pas jugés assez graves pour qu’elle les poursuive, mais ce ne serait pas satisfaisant. En outre, la suppression de cette condition préalable ne s’oppose pas à ce que la France soit compétente pour traiter une affaire de laquelle la Cour ne serait plus saisie, ayant considéré qu’elle ne relevait pas de sa compétence ou était irrecevable. Votre Rapporteure préconise donc que les poursuites soient possibles dès lors qu’aucune procédure n’est en cours devant la Cour pénale internationale sur le crime en question.

Votre Rapporteure est en outre persuadée que la question des moyens dont disposerait la justice française pour mener une procédure contre un étranger qui aurait commis des crimes très graves dans un autre pays peut trouver une réponse dans la mise en commun des moyens et des informations dont disposent les Etats européens. Il existe déjà des signes d’une volonté allant dans ce sens : tous les six mois, se réunissent, dans le cadre du Réseau judiciaire européen en matière pénale, les représentants des ministères compétents des pays de l’Union européenne afin d’échanger des informations sur la criminalité internationale la plus grave. Une équipe d’Interpol, spécialisée dans ce domaine, travaille en lien avec ce réseau.

Votre Rapporteure estime que tous les pays de l’Union européenne – au demeurant de moins en moins nombreux – qui ne sont pas encore dotés d’une forme de compétence extraterritoriale devraient être incités à en mettre une en place dans le respect des spécificités de chaque droit interne mais aussi dans un souci d’harmonisation européenne. Pas plus qu’un criminel contre l’humanité ou un criminel de guerre ne doit pouvoir trouver asile en France, il n’est acceptable qu’il puisse se réfugier dans un autre pays de l’Union sans y être inquiété. La coopération policière et judiciaire européenne doit contribuer à la lutte contre l’impunité de ces grands criminels, même si le seul lien entre l’Union et les faits qui leur sont reprochés est leur présence sur son territoire.

CONCLUSION

Le présent projet de loi a été adopté par le Sénat à l’unanimité, bien que de nombreux amendements déposés n’aient pas été adoptés et que le dispositif sur la « compétence universelle » ait été l’objet de critiques. En effet, ce projet de loi, longtemps attendu – pendant près de soixante ans puisque les crimes de guerre devaient être intégrés dans notre droit en application des Conventions de Genève de 1949 ! –, constitue un progrès évident. Ce vote unanime témoigne du soutien que l’ensemble des formations politiques françaises porte à la justice internationale d’une manière générale, à la Cour pénale internationale en particulier, soutien que notre diplomatie relaie fidèlement.

Les amendements proposés par votre Rapporteure visent d’une part à rapprocher la définition des crimes contre l’humanité en droit français de celle qui figure dans le Statut de Rome en supprimant le critère de l’existence d’un « plan concerté » et à mettre l’accent sur la lutte contre les crimes dont sont spécifiquement victimes les femmes pendant les conflits. Ils visent d’autre part à franchir un pas supplémentaire sur la voie de la compétence universelle : prévoir dans notre code pénal que la justice française peut être compétente, dans certains cas, pour juger des étrangers suspectés d’avoir commis des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre hors de nos frontières est à ses yeux indispensable. Même si cette possibilité n’a pas vocation à être utilisée fréquemment, elle doit rester praticable, c’est-à-dire ne pas se heurter à des conditions qui ne seraient réunies que très rarement, voire jamais. Il ne s’agit pas de juger des étrangers à la place de la Cour pénale internationale mais de l’aider à remplir sa difficile mission de lutte contre l’impunité comme nous y invite le principe de complémentarité sur lequel repose le Statut de Rome. Sans tomber dans la mise en place d’une compétence si large que la justice nationale soit incapable de la mettre véritablement en œuvre – ce dont quelques-uns de nos voisins se repentent –, il convient que la France adopte une solution qui n’apparaisse ni frileuse ou ni en retrait.

Il est en effet essentiel que notre pays contribue au déclenchement d’un cercle vertueux qui conduise chaque pays du monde à se doter d’un système judiciaire efficace et impartial, capable de juger les responsables des crimes les plus graves. Si la création de la Cour pénale internationale a constitué un immense succès pour les défenseurs des droits de l’Homme, l’objectif final est bel et bien qu’elle devienne inutile, si ce n’est faute de crimes, du moins faute de criminels demeurés impunis.

Au cours des derniers siècles, la France a toujours été animée par le souci de défendre les droits de l’Homme et leur universalité en dépit des obstacles et des difficultés. En ce début de XXIème siècle troublé, alors que l’obscurantisme menace toujours de gagner du terrain, notre pays doit être plus que jamais exemplaire. Sa crédibilité, sa place dans la communauté dans la Communauté internationale en dépendent. Il n’a peut-être plus les moyens d’être la grande puissance mondiale qu’il fut jadis ; s’il en a la volonté, il conserve en revanche, de manière certaine, la possibilité de continuer à jouer un rôle de premier plan dans la promotion des valeurs universelles.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine pour avis le présent projet de loi au cours de ses réunions du 8 juillet, à 9 heures 45 et à 17 heures 30.

Après l’exposé de la rapporteure pour avis, un débat a lieu.

M. Jean-Michel Boucheron. J’aimerais connaître la position du Gouvernement sur la question de l’existence d’un plan concerté. Il peut y avoir génocide sans plan concerté, et même sans plan concerté caché : j’ai à l’esprit le génocide rwandais, qui a eu lieu à la machette, dans la forêt, et qui ne relevait en rien d’un système centralisé, mais faisait plutôt penser à l’allumette qui tombe dans un baril de poudre. En l’absence de plan concerté, la porte est ouverte à toutes les manipulations politiques, dont la France elle-même a pu être victime – je pense toujours au Rwanda. Le fait de maintenir la notion de plan concerté permet d’aller chercher les responsables d’un génocide, et en son absence, tout est possible, y compris les manipulations de puissances étrangères, qui ont intérêt à pointer tel responsable plutôt que tel autre. Je souhaiterais savoir si, sur ce point, il y a désaccord entre le Gouvernement et le Sénat, auquel cas je pencherais plutôt pour la position du Gouvernement.

M. François Loncle. Il ne faut pas oublier ceux qui allument l’allumette, y compris au Rwanda…

J’appelle l’attention sur le fait qu’à l’occasion de divers colloques récents, j’ai entendu nombre de représentants des pays du Sud ou d’États qui n’ont pas notre tradition démocratique affirmer que la CPI ne serait pas crédible tant que le « trio Bush, Rumsfeld, Cheney »  ne serait pas traduit devant elle.

M. Jean-Paul Dupré. Pour ma part, la condition de l’existence d’un plan concerté me paraît propre à favoriser l’impunité.

M. Jean-Paul Lecoq. C’est la raison pour laquelle la rapporteure et moi-même avons déposé des amendements visant à la supprimer. Nous ne voulons pas, en effet, que l’impossibilité de démontrer l’existence d’un plan concerté empêche de juger, bien qu’il soit avéré, un génocide ou un autre crime contre l’humanité.

Mme la rapporteure pour avis. La position du Gouvernement en la matière a été exprimée par Mme Dati, qui avait déclaré ceci : « La notion de plan concerté n’est pas un obstacle juridique, puisque le génocide, par exemple, peut se déduire des faits. Il n’est pas nécessaire que l’idéologie ou sa mise en œuvre soient formalisées dans des lois, des décrets, ou tout autre moyen juridique. Les moyens de preuve d’un crime contre l’humanité ne sont pas restrictifs. La façon dont le crime a été commis suffit à établir l’existence d’un plan concerté. » Cette position ne nous satisfait qu’à moitié puisqu’elle donne le sentiment qu’il n’y a pas de critère spécifique pour déterminer la matérialité d’un plan concerté, lequel peut être sous-jacent, mais que la mention du plan concerté devrait néanmoins être maintenue.

Ce critère trouve son origine dans le statut du tribunal militaire de Nuremberg, dans lequel on avait voulu tenir compte du caractère concerté du génocide commis par les nazis. En revanche, le statut de Rome n’exige pas l’existence d’un plan concerté ; et comme vient de le souligner Jean-Paul Lecoq, il faut pouvoir poursuivre les auteurs de crimes contre l’humanité commis en l’absence d’un tel plan. Je considère que le maintien d’un tel critère favoriserait leur impunité, tout en mesurant les conséquences que peut avoir sa suppression.

La Commission passe ensuite à l’examen des articles du projet de loi.

Chapitre 1er – Dispositions modifiant le code pénal

Article additionnel avant l’article premier : Suppression de l’exigence d’un plan concerté dans la définition du crime de génocide

La Commission est saisie des amendements identiques CAE 1 et CAE 8 de la rapporteure pour avis et M. Jean-Paul Lecoq.

Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit, donc, de supprimer la condition d’existence d’un plan concerté dans la définition du génocide.

La Commission adopte les amendements CAE 1 et CAE 8.

Article premier : Incrimination de l’incitation publique et directe à commettre un génocide

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article premier sans modification.

Article 2 : Définition élargie des autres crimes contre l’humanité

La Commission est saisie de deux amendements identiques CAE 2 et CAE 9 de la rapporteure pour avis et de M. Jean-Paul Lecoq.

Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit à nouveau de supprimer la référence à un plan concerté, s’agissant des crimes contre l’humanité autres que le génocide.

La Commission adopte les amendements CAE 2 et CAE 9.

Elle examine ensuite les amendements identiques CAE 3 et CAE 10 de la rapporteure pour avis et de M. Jean-Paul Lecoq.

Mme la rapporteure pour avis. Nous proposons de réintégrer l’esclavage sexuel dans la liste des crimes contre l’humanité établie par l’article 2. Bien que figurant dans le statut de Rome, cette incrimination spécifique n’a été reprise ni par le Gouvernement, ni par le Sénat, alors que la préservation des droits des femmes dans les conflits est une nécessité absolue.

La Commission adopte les amendements CAE 3 et CAE 10.

Elle examine ensuite l’amendement CAE 11 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Cet amendement vise à intégrer dans la liste des crimes contre l’humanité le crime d’apartheid, c’est-à-dire l’organisation d’une société sur la base de la ségrégation et du racisme, réduisant une partie de la population au rang de sous-citoyens.

Mme la rapporteure pour avis. Avis défavorable, le texte sanctionnant déjà « les actes de ségrégation commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux », ce qui est la définition même de l’apartheid. Mentionner expressément le crime d’apartheid ne ferait qu’obscurcir un texte très satisfaisant.

M. Jean-Pierre Kucheida. Pourquoi ne pas faire figurer le terme d’apartheid entre parenthèses ?

M. Jean-Paul Lecoq. Ce serait une illustration historique.

Mme la rapporteure pour avis. La formulation retenue est assez large pour englober ce précédent historique et sanctionner des cas nouveaux.

M. François Loncle. Je partage les réserves de Mme Ameline. Il est toujours mauvais de galvauder des termes extrêmement forts.

L’amendement CAE 11 est retiré.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 modifié.

Après l’article 2 :

La Commission examine un amendement CAE 12 de M. Jean-Paul Lecoq, portant article additionnel.

M. Jean-Paul Lecoq. Je propose d’inscrire dans la loi le caractère manifestement illégal de l’ordre de commettre un génocide ou un autre crime contre l’humanité, qui figure dans le statut de Rome, d’autant que cette disposition a été inspirée par la jurisprudence du procès Papon. Il s’agit d’affirmer le devoir, y compris pour des fonctionnaires d’État, de désobéir à un ordre manifestement illégal.

Mme la rapporteure pour avis. Je comprends très bien l’intention, mais il est inutile d’introduire cette mention dans le code pénal, tant le caractère manifestement illégal d’un tel ordre est évident, comme la Cour de cassation l’a jugé dans l’affaire Papon. Avis défavorable, donc.

La Commission rejette l’amendement CAE 12.

Article 3 : Responsabilité pénale du supérieur hiérarchique dans le cas d’un crime contre l’humanité commis par le subordonné

La Commission examine l’amendement CAE 13 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Je propose de préciser, conformément au statut de Rome, qu’un chef d’État ou de gouvernement, un membre de gouvernement ou de parlement, un représentant élu ou un agent de l’État ne peut être exonéré de sa responsabilité pénale du fait de sa qualité officielle.

Mme la rapporteure pour avis. Nous sommes dans un exercice d’adaptation au statut de Rome, non de transposition. En dépit de son intérêt, cette disposition ne peut pas être directement intégrée dans le droit français car nous sommes soumis en la matière à des règles constitutionnelles et conventionnelles qui s’y opposent.

La Commission rejette l’amendement CAE 13.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sans modification.

Articles 4 à 6 : Atteintes à l’administration de la justice de la CPI

La Commission émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 4 5 et 6, sans modification.

Article 7 : Crimes de guerre

La Commission est d’abord saisie de l’amendement CAE 14 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Cet amendement vise à mieux définir la notion de crime de guerre, en précisant ce qu’est un « conflit armé non international ».

Mme la rapporteure pour avis. Avis défavorable car ces précisions figurent à l’article 8 du statut de Rome, lui-même reprenant le deuxième protocole additionnel aux conventions de Genève de 1977. Ces textes étant, comme les autres engagements internationaux de la France, supérieurs à la loi française, il n’y a pas lieu de les reprendre dans notre code pénal.

La Commission rejette l’amendement CAE 14.

Elle examine ensuite l’amendement CAE 15 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Il s’agit, à l’article 461-3 du code pénal, de substituer au mot « gravement » le mot « sérieusement », qui est celui utilisé dans le statut de Rome.

Mme la rapporteure pour avis. Avis défavorable car l’emploi de l’adverbe « gravement » ne me semble pas définir le crime de manière plus restrictive.

La Commission rejette l’amendement CAE 15.

Puis elle est saisie des amendements CAE 4 de la rapporteure pour avis et CAE 16 de M. Jean-Paul Lecoq, pouvant être soumis à discussion commune.

Mme la rapporteure pour avis. Je vous propose d’ajouter l’esclavage sexuel et le viol à la liste des violences sexuelles susceptibles de constituer un crime de guerre. Cet amendement très important est souhaité par l’ensemble des associations de défense des droits de l’Homme.

M. Jean-Paul Lecoq. Mon amendement a le même objet.

La Commission adopte l’amendement CAE 4.

En conséquence, l’amendement CAE 16 devient sans objet.

La Commission examine ensuite l’amendement CAE 17 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Les atteintes aux biens doivent être passibles des aggravations de peines prévues par ce texte dès lors qu’elles concernent des « biens protégés », que leur propriétaire soit une « personne protégée » ou non. Chacun a en mémoire les atteintes portées à des biens culturels en Afghanistan.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la Commission adopte l’amendement CAE 17.

Puis elle examine l’amendement CAE 18 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Le projet d’article 461-23 du code pénal, 4° n’incrimine que l’emploi « des armes, des projectiles, des matériels ou des méthodes de combat ayant fait l’objet d’une interdiction générale et ayant été inscrits dans une annexe au statut de la Cour pénale internationale acceptée par la France ». Mon amendement vise à reprendre la formulation retenue à l’article 8.2 du statut de Rome, en incriminant les armes, projectiles, matériels ou méthodes qui sont « de nature à causer des maux superflus ou des souffrances inutiles » ou « à frapper sans discrimination en violation du droit international des conflits armés », dès lors qu’ils « font l’objet d’une interdiction générale prévue par le statut de la Cour pénale internationale ». La référence à une annexe au statut de la CPI est ainsi supprimée.

Mme la rapporteure pour avis. Il est vrai que cette annexe n’a pas encore été adoptée mais le statut prévoit la procédure selon laquelle elle peut l’être, alors qu’il ne contient aucune interdiction générale. Avis défavorable.

M. Jean-Michel Boucheron. Madame la présidente, dans une discussion comme celle-ci, j’aimerais pouvoir entendre le Gouvernement : nous sommes appelés à voter sur des dispositions dont nous n’imaginons pas forcément les conséquences ; nous aurions besoin de disposer de l’ensemble de éléments pour nous déterminer.

Mme Martine Aurillac, présidente. Je suis d’accord avec vous. Cela dit, notre commission s’exprime pour avis et le débat se poursuivra en commission des lois.

Mme la rapporteure pour avis. J’ai bien entendu auditionné le Gouvernement sur ce texte. Par ailleurs, le ministre sera là pour nous répondre lors de la réunion de la commission des lois.

M. Jean-Michel Boucheron. Madame la rapporteure, je ne mets pas du tout en doute la qualité de votre travail et le caractère exhaustif de vos investigations, mais au moment d’un vote il nous faudrait connaître les arguments du Gouvernement.

M. François Rochebloine. Je rejoins ce point de vue : certes nous sommes saisis pour avis, mais nous émettons néanmoins des votes ; et si l’éclairage gouvernemental est réservé à la commission saisie au fond, alors qu’il est susceptible de remettre en question certains de nos votes, ne risquons-nous pas de seulement servir de faire-valoir ?

De même que nous organisons parfois des auditions communes à deux commissions, serait-il envisageable, sur un sujet comme celui-ci, de réunir la commission des lois et celle des affaires étrangères pour entendre le ministre, avant que chacune délibère séparément ? Si je me suis abstenu dans certains des votes que nous venons d’émettre, c’était faute d’avoir suffisamment d’éléments pour me prononcer.

Mme Martine Aurillac, présidente. Je ne peux pas vous laisser dire que notre commission aurait seulement un rôle de faire-valoir sur ce texte. Je le peux d’autant moins que Mme Ameline a fait un travail considérable.

M. François Rochebloine. Remarquable, j’en conviens bien volontiers.

M. Jean-Paul Lecoq. J’avoue avoir été surpris hier matin de constater que ce projet de loi allait être examiné par notre commission avant de l’être par la commission des lois. J’ai pu rencontrer le sénateur Patrice Gélard et notre collègue Thierry Mariani, qui est le rapporteur de la commission des lois, afin de connaître leurs positions, mais le fait que nous examinions le texte en premier aboutit à ce que nous défendons des amendements qui relèveraient sans doute davantage de la commission des lois ; à l’inverse, nous n’avons probablement pas assez approfondi ce qui relève plus spécifiquement de la commission des affaires étrangères. Cela dit, Nicole Ameline a fait un très bon travail.

Mme Martine Aurillac, présidente. Je vous rappelle que, selon le nouveau Règlement, les commissions saisies pour avis examinent le texte avant la commission saisie au fond.

La Commission rejette l’amendement AE 18.

La suite du débat est renvoyée à la séance de dix-sept heures trente.

*

La commission poursuit l’examen pour avis au cours de sa séance de 17 heures 30.

M. le président Axel Poniatowski. Mes chers collègues, je vous précise, à la suite des échanges de ce matin, que la commission des affaires étrangères avait décidé, il y a quelques semaines, de se saisir pour avis de ce texte, dont la commission des lois est saisie au fond. Il convenait donc, selon notre nouveau Règlement, que nous procédions à son examen avant la commission des lois. En application de ce même Règlement, les amendements doivent être transmis par leurs auteurs au secrétariat de la commission au plus tard le troisième jour ouvrable précédant le début de l’examen du texte, sauf décision contraire du président de la commission. Compte tenu du peu de familiarité de notre commission avec la procédure législative et de la nouveauté de ces dispositions, il vous avait été indiqué que vous pouviez déposer des amendements jusqu’à hier soir, dix-huit heures.

Les amendements adoptés par notre commission seront ensuite défendus par notre rapporteure, Nicole Ameline, devant la commission des lois. C’est au cours de cette réunion de la commission saisie au fond que le Gouvernement pourra donner son avis sur les différents amendements ; selon toute probabilité, donc, le ministre sera présent. Le texte qui servira de base à la discussion en séance publique sera celui que la commission des lois aura adopté.

Nous en venons à la suite de l’examen des articles.

Article 7 : Crimes de guerre (suite)

La Commission est saisie de l’amendement CAE 19 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Il apporte une précision rédactionnelle à l’article 462-9 du code pénal.

Mme Nicole Ameline, rapporteure pour avis. J’y suis favorable.

La Commission adopte l’amendement CAE 19.

Puis elle examine l’amendement CAE 20 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Il me paraît nécessaire de préciser, à l’article 462-9 du code pénal, que le fait de participer à une opération défensive ne constitue pas en soi un motif d’exonération de la responsabilité pénale au titre des crimes et délits de guerre.

Mme la rapporteure pour avis. Avis défavorable car cette précision n’est pas utile, dès lors que la rédaction proposée à l’article 462-9 du code pénal indique clairement les cas dans lesquels un acte relève de la légitime défense, ce qui exonère son auteur de la responsabilité pénale.

La Commission rejette l’amendement CAE 20.

Puis elle examine l’amendement CAE 21 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Cet amendement tend à reconnaître l’imprescriptibilité des crimes de guerre.

Mme la rapporteure pour avis. Cette imprescriptibilité est également réclamée par des associations, mais il me paraît nécessaire de continuer à la réserver aux crimes contre l’humanité, afin de les distinguer clairement des crimes de guerre. J’y suis donc défavorable.

La Commission rejette l’amendement CAE 21.

Elle examine successivement les amendements CAE 23 et CAE 22 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. S’agissant de l’arme nucléaire, je propose de modifier la rédaction de l’article 462-11 du code pénal afin de faire plus explicitement référence à ses règles d’utilisation.

Mme la rapporteure pour avis. Le texte est clair, il n’y a pas lieu de le modifier.

La Commission rejette successivement les amendements CAE 23 et CAE 22.

Elle est alors saisie de l’amendement CAE 24 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. J’ai déjà soutenu ce matin un amendement similaire portant sur les crimes contre l’humanité.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la Commission rejette l’amendement CAE 24.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 modifié.

Chapitre 1er bis – Disposition modifiant le code de procédure pénale

Article 7 bis : Compétence extraterritoriale des juridictions françaises pour les crimes visés par le Statut de Rome

La Commission examine l’amendement CAE 25 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Nous nous sommes déjà expliqués ce matin sur ce sujet.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la Commission rejette l’amendement CAE 25.

Puis elle examine l’amendement CAE 5 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Comme je l’ai expliqué ce matin, il s’agit de substituer le critère de présence sur le territoire au critère de résidence habituelle, lequel n’a d’ailleurs été retenu par aucun des pays qui ont mis en place une forme de compétence universelle pour les crimes les plus graves. Si nous nous en tenions au texte proposé, nous donnerions le sentiment que nous sommes plus laxistes que d’autres à l’égard de ces criminels. La convergence des règles retenues par les pays européens irait d’ailleurs dans le sens de la sécurité juridique. De plus, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser l’application de ce critère de présence.

M. Jean-Paul Lecoq. Cet amendement est essentiel, et je sais gré à Mme la rapporteure de l’avoir déposé.

La Commission adopte l’amendement CAE 5.

Puis elle est saisie de l’amendement CAE 6 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Je vous propose de supprimer la condition de « double incrimination », qui empêche de poursuivre les auteurs de faits non punis par la législation de l’État où ils ont été commis.

La Commission adopte l’amendement CAE 6.

Elle est alors saisie de l’amendement CAE 7 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à supprimer à la fois le monopole du ministère public dans le déclenchement des poursuites et l’obligation, pour que la justice française se saisisse d’une affaire, que la CPI ait expressément décliné sa compétence.

Cette dernière condition ne correspond ni à la lettre ni à l’esprit du statut de Rome, selon lequel il est clair que les juridictions étatiques sont compétentes, la CPI n’intervenant qu’en cas de manquement de la part des tribunaux nationaux. En application de la rédaction que je vous propose, il appartiendra à la justice française de s’assurer simplement qu’aucune procédure concernant les crimes en cause n’est en cours devant la CPI.

En ce qui concerne le premier point, je considère que, s’agissant de crimes particulièrement graves, nous ne saurions priver les victimes de la possibilité de se constituer partie civile. Comme je l’ai indiqué ce matin, il n’y a pas lieu de craindre la multiplication de plaintes abusives en un tel domaine ; en matière de tortures, quinze plaintes seulement ont été enregistrées en une dizaine d’années et deux procès ont eu lieu. Au demeurant, le juge d’instruction pourra décider un non-lieu s’il n’y a pas d’éléments contre le suspect. Enfin, l’inégalité entre les victimes qui découlerait du monopole du ministère public dans le déclenchement des poursuites serait paradoxale et préjudiciable à l’image de la France.

Mme Martine Aurillac. Je serais encline à vous suivre, madame la rapporteure, mais j’aimerais savoir d’une part si vous connaissez l’avis du Gouvernement sur ce point, et d’autre part s’il existera un filtre pour écarter les demandes inconsidérées.

Mme la rapporteure pour avis. Le Gouvernement considère assez logique que les juridictions nationales n’interviennent qu’à défaut d’intervention de la CPI. Comme beaucoup d’observateurs, je conteste cette position car le statut de Rome me paraît indiquer clairement le contraire, la CPI ayant néanmoins vocation à se charger des situations les plus graves.

S’agissant des filtres, il est clair qu’on ne donnera pas suite à une plainte non fondée. En outre, il n’y a généralement pas constitution de partie civile dans ce type d’affaires sans le soutien d’une association, laquelle engagera sa réputation et n’envisagera certainement pas de soutenir un dossier inconsistant.

M. Jean-Marc Roubaud. Pour la clarté de cet amendement, je suggère de supprimer les mots « ne » et « que » avant et après les mots « peut être exercée ».

Mme la rapporteure pour avis. Je suis d’accord.

La Commission adopte l’amendement CAE 7 ainsi rectifié.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 bis modifié.

Chapitre II – Dispositions finales

Article 8 : Coordinations

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 sans modification.

Article 9 : Application aux collectivités outre-mer

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 sans modification.

Conformément aux conclusions de la Rapporteure pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption du projet de loi (no 951), modifié par les amendements qu’elle a adoptés.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CAE 1 présenté par Mme Nicole Ameline, rapporteure pour avis :

Avant l’article premier

Insérer l’article suivant :

« Dans le premier alinéa de l’article 211-1 du code pénal, les mots : « en exécution d’un plan concerté tendant à » sont remplacés par les mots : « en vue de ». ».

Amendement CAE 2 présenté par Mme Nicole Ameline, rapporteure pour avis :

Article 2

Dans l’alinéa 2 de cet article, supprimer les mots : « en exécution d’un plan concerté ».

Amendement CAE 3 présenté par Mme Nicole Ameline, rapporteure pour avis :

Article 2

Dans l’alinéa 9 de cet article, après les mots : « Le viol, », insérer les mots : « l’esclavage sexuel, ».

Amendement CAE 4 présenté par Mme Nicole Ameline, rapporteure pour avis :

Article 7

Dans l’alinéa 17 de cet article, après les mots : « non désirée », insérer les mots : « ou à de l’esclavage sexuel, de la violer ».

Amendement CAE 5 présenté par Mme Nicole Ameline, rapporteure pour avis :

Article 7 bis

Dans l’alinéa 2 de cet article, substituer aux mots : « réside habituellement », les mots : « se trouve ».

Amendement CAE 6 présenté par Mme Nicole Ameline, rapporteure pour avis :

Article 7 bis

Après la date : « 18 juillet 1998 », supprimer la fin de l’alinéa 2 de cet article.

Amendement CAE 7 présenté par Mme Nicole Ameline, rapporteure pour avis :

Article 7 bis

Rédiger ainsi l’alinéa 3 de cet article :

« La poursuite de ces crimes ne peut être exercée que si aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise ou l’extradition de la personne et si aucune procédure concernant ces crimes n’est en cours devant la Cour pénale internationale. ».

Amendement CAE 8 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Avant l’article premier

Insérer l’article suivant :

« Dans le premier alinéa de l'article 211-1 du code pénal, les mots : « en exécution d'un plan concerté tendant à » sont remplacés par les mots : « en vue de ». ».

Amendement CAE 9 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Article 2

Dans l’alinéa 2 de cet article, supprimer les mots : « en exécution d'un plan concerté ».

Amendement CAE 10 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Article 2

Dans l’alinéa 9 de cet article, après les mots : « Le viol, », insérer les mots : « l'esclavage sexuel ».

Amendement CAE 11 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Article 2

Rédiger ainsi l’alinéa 12 de cet article : « 10° crime d'apartheid ; »

Amendement CAE 12 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Après l’article 2

Insérer l’article suivant :

« L’article 213-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Aux fins du présent article, l’ordre de commettre un génocide ou un crime contre l’humanité est manifestement illégal. ».

Amendement CAE 13 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Article 3

I.- Après le mot : « inséré », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 1 de cet article : « deux articles 213-4-1 et 213-4-2 ainsi rédigés ».

II.- Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Article 213-4-2.- La qualité officielle de chef d’Etat ou de gouvernement, de membre d’un gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou d’agent d’un Etat, n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent titre, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine. ».

Amendement CAE 14 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Article 7

Après l’alinéa 8 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« La notion de conflit armé non international s’applique aux conflits armés qui opposent de manière prolongée sur le territoire d'un État les autorités du gouvernement de cet État et des groupes armés organisés ou des groupes armés organisés entre eux. Cette notion ne s’applique pas aux situations de troubles et tensions internes telles que les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence ou les actes de nature similaire. ».

Amendement CAE 15 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Article 7

Dans l’alinéa 16 de cet article, substituer au mot : « gravement », le mot : « sérieusement ».

Amendement CAE 16 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Article 7

Dans l’alinéa 17 de cet article, après les mots : « grossesse non désirée, », insérer les mots : « à de l’esclavage sexuel, ».

Amendement CAE 17 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Article 7

Dans l’alinéa 47 de cet article, substituer au mot : « protégée », les mots : « ou d’un bien protégés ».

Amendement CAE 18 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Article 7

Rédiger ainsi l’alinéa 71 de cet article :

« 4° D’employer des armes, des projectiles, des matières et des méthodes de guerre de nature à causer des maux superflus ou des souffrances inutiles ou à frapper sans discrimination en violation du droit international des conflits armés, à condition que ces armes, projectiles, matières et méthodes de guerre fassent l’objet d’une interdiction générale prévue par le statut de la Cour pénale internationale. ».

Amendement CAE 19 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Article 7

Dans l’alinéa 110 de cet article, après les mots : « qui a agi raisonnablement », insérer les mots : « pour se défendre, pour défendre autrui ou ».

Amendement CAE 20 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Article 7

Après l’alinéa 110 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« Le fait qu’une personne ait participé à une opération défensive menée par des forces armées ne constitue pas en soi un motif d’exonération de la responsabilité pénale au titre du présent article. ».

Amendement CAE 21 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Article 7

Rédiger ainsi l’alinéa 111 de cet article :

« Article 462-10.- L'action publique à l’égard des crimes de guerre définis au présent livre ainsi que les peines prononcées sont imprescriptibles. ».

Amendement CAE 22 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Article 7

Après les mots : « de l’arme nucléaire », supprimer la fin de l’alinéa 113 de cet article.

Amendement CAE 23 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Article 7

Dans l’alinéa 113 de cet article, après les mots : « user de son arme nucléaire », insérer les mots : « dans le respect des règles régissant son utilisation auxquelles la France est liée ».

Amendement CAE 24 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Article 7

Après l’alinéa 113 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« Article 462-12.- La qualité officielle de chef d’Etat ou de gouvernement, de membre d’un gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou d’agent d’un Etat, n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Livre, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine. ».

Amendement CAE 25 présenté par M. Jean-Paul Lecoq :

Article 7 bis

Rédiger ainsi cet article :

« Après l’article 689-10 du code de procédure pénale, il est inséré un article 689-11 ainsi rédigé :

« Pour l’application du Statut de la Cour pénale internationale, signé à Rome le 17 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l’article 689-1 toute personne coupable de l’une des infractions suivantes :

1° Crimes contre l’humanité et crimes de génocide définis aux articles 211-1, 211-2, 212-1 à 212-4 du code pénal ;

2° Crimes de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même code ;

3° Infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949 et au Protocole additionnel I du 8 juin 1977. ».

ANNEXES

Annexe 1 :
Liste des personnes rencontrées par votre Rapporteure 
(
25)

Pour la Coalition française pour la Cour pénale internationale :

– M. Jean-Philippe Dedieu, coordonnateur de la Coalition française pour la Cour pénale internationale.

– Mme Clémence Bectarte, coordinatrice du Groupe d’action judiciaire de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH).

– Mme Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente de la Fédération internationale de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT).

– Mme Anne Souléliac, directrice du Service des relations européennes et internationales de l’Ordre des avocats de Paris.

– M. Vincent Nioré, membre du Conseil de l’Ordre.

– M. Yves Repiquet, président de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), accompagné de M. Antoine Bernard, directeur exécutif de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de Mme Noémie Bienvenu, chargée de mission à la Commission nationale consultative des droits de l’Homme.

– Mme Alexandra Onfray, conseillère au cabinet de Madame la Garde des Sceaux, Ministre de la justice, en charge des questions de législation pénale et de protection des mineurs, accompagnée de M. Francis Stoliaroff, magistrat à la mission de négociation et de transposition des normes pénales internationales, direction des affaires criminelles et des grâces au ministère de la justice.

– M. Simon Foreman, membre du groupe de travail sur la justice internationale et Président de la Coalition française pour la Cour pénale internationale.

– Mme Ghislaine Doucet, conseiller juridique du Comité international de la Croix-Rouge.

– M. François Zimeray, ambassadeur pour les droits de l’homme

Annexe 2 :
Le Statut de Rome : état des signatures et des ratifications
(1)

Participant

Signature

Ratification, Acceptation(A), Approbation(AA), Adhésion(a), Succession(d)

Afghanistan

 

10 février 2003 a

Afrique du Sud

17 juillet 1998

27 novembre 2000

Albanie

18 juillet 1998

31 janvier 2003

Algérie

28 décembre 2000

 

Allemagne

10 décembre 1998

11 décembre 2000

Andorre

18 juillet 1998

30 avril 2001

Angola

7 octobre 1998

 

Antigua-et-Barbuda

23 octobre 1998

18 juin 2001

Argentine

8 janvier 1999

8 février 2001

Arménie

1 octobre 1999

 

Australie

9 décembre 1998

1 juillet 2002

Autriche

7 octobre 1998

28 décembre 2000

Bahamas

29 décembre 2000

 

Bahreïn

11 décembre 2000

 

Bangladesh

16 septembre 1999

 

Barbade

8 septembre 2000

10 décembre 2002

Belgique

10 septembre 1998

28 juin 2000

Belize

5 avril 2000

5 avril 2000

Bénin

24 septembre 1999

22 janvier 2002

Bolivie

17 juillet 1998

27 juin 2002

Bosnie-Herzégovine

17 juillet 2000

11 avril 2002

Botswana

8 septembre 2000

8 septembre 2000

Brésil

7 février 2000

20 juin 2002

Bulgarie

11 février 1999

11 avril 2002

Burkina Faso

30 novembre 1998

16 avril 2004

Burundi

13 janvier 1999

21 septembre 2004

Cambodge

23 octobre 2000

11 avril 2002

Cameroun

17 juillet 1998

 

Canada

18 décembre 1998

7 juillet 2000

Cap-Vert

28 décembre 2000

 

Chili

11 septembre 1998

 

Chypre

15 octobre 1998

7 mars 2002

Colombie

10 décembre 1998

5 août 2002

Comores

22 septembre 2000

18 août 2006

Congo

17 juillet 1998

3 mai 2004

Costa Rica

7 octobre 1998

7 juin 2001

Côte d’Ivoire

30 novembre 1998

 

Croatie

12 octobre 1998

21 mai 2001

Danemark

25 septembre 1998

21 juin 2001

Djibouti

7 octobre 1998

5 novembre 2002

Dominique

 

12 février 2001 a

Egypte

26 décembre 2000

 

Émirats arabes unis

27 novembre 2000

 

Équateur

7 octobre 1998

5 février 2002

Érythrée

7 octobre 1998

 

Espagne

18 juillet 1998

24 octobre 2000

Estonie

27 décembre 1999

30 janvier 2002

États-Unis d’Amérique (2)

31 décembre 2000

 

Ex-République yougoslave de Macédoine

7 octobre 1998

6 mars 2002

Fédération de Russie

13 septembre 2000

 

Fidji

29 novembre 1999

29 novembre 1999

Finlande

7 octobre 1998

29 décembre 2000

France

18 juillet 1998

9 juin 2000

Gabon

22 décembre 1998

20 septembre 2000

Gambie

4 décembre 1998

28 juin 2002

Géorgie

18 juillet 1998

5 septembre 2003

Ghana

18 juillet 1998

20 décembre 1999

Grèce

18 juillet 1998

15 mai 2002

Guinée

7 septembre 2000

14 juillet 2003

Guinée-Bissau

12 septembre 2000

 

Guyana

28 décembre 2000

24 septembre 2004

Haïti

26 février 1999

 

Honduras

7 octobre 1998

1 juillet 2002

Hongrie

15 janvier 1999

30 novembre 2001

Îles Cook

 

18 juillet 2008 a

Îles Marshall

6 septembre 2000

7 décembre 2000

Îles Salomon

3 décembre 1998

 

Iran (République islamique d’)

31 décembre 2000

 

Irlande

7 octobre 1998

11 avril 2002

Islande

26 août 1998

25 mai 2000

Israël (2)

31 décembre 2000

 

Italie

18 juillet 1998

26 juillet 1999

Jamaïque

8 septembre 2000

 

Japon

 

17 juillet 2007 a

Jordanie

7 octobre 1998

11 avril 2002

Kenya

11 août 1999

15 mars 2005

Kirghizistan

8 décembre 1998

 

Koweït

8 septembre 2000

 

Lesotho

30 novembre 1998

6 septembre 2000

Lettonie

22 avril 1999

28 juin 2002

Libéria

17 juillet 1998

22 septembre 2004

Liechtenstein

18 juillet 1998

2 octobre 2001

Lituanie

10 décembre 1998

12 mai 2003

Luxembourg

13 octobre 1998

8 septembre 2000

Madagascar

18 juillet 1998

14 mars 2008

Malawi

2 mars 1999

19 septembre 2002

Mali

17 juillet 1998

16 août 2000

Malte

17 juillet 1998

29 novembre 2002

Maroc

8 septembre 2000

 

Maurice

11 novembre 1998

5 mars 2002

Mexique

7 septembre 2000

28 octobre 2005

Monaco

18 juillet 1998

 

Mongolie

29 décembre 2000

11 avril 2002

Monténégro

 

23 octobre 2006 d

Mozambique

28 décembre 2000

 

Namibie

27 octobre 1998

25 juin 2002

Nauru

13 décembre 2000

12 novembre 2001

Niger

17 juillet 1998

11 avril 2002

Nigéria

1 juin 2000

27 septembre 2001

Norvège

28 août 1998

16 février 2000

Nouvelle-Zélande

7 octobre 1998

7 septembre 2000

Oman

20 décembre 2000

 

Ouganda

17 mars 1999

14 juin 2002

Ouzbékistan

29 décembre 2000

 

Panama

18 juillet 1998

21 mars 2002

Paraguay

7 octobre 1998

14 mai 2001

Pays-Bas

18 juillet 1998

17 juillet 2001 A

Pérou

7 décembre 2000

10 novembre 2001

Philippines

28 décembre 2000

 

Pologne

9 avril 1999

12 novembre 2001

Portugal

7 octobre 1998

5 février 2002

République arabe syrienne

29 novembre 2000

 

République centrafricaine

7 décembre 1999

3 octobre 2001

République de Corée

8 mars 2000

13 novembre 2002

République démocratique du Congo

8 septembre 2000

11 avril 2002

République de Moldova

8 septembre 2000

 

République dominicaine

8 septembre 2000

12 mai 2005

République tchèque

13 avril 1999

 

République-Unie de Tanzanie

29 décembre 2000

20 août 2002

Roumanie

7 juillet 1999

11 avril 2002

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

30 novembre 1998

4 octobre 2001

Sainte-Lucie

27 août 1999

 

Saint-Kitts-et-Nevis

 

22 août 2006 a

Saint-Marin

18 juillet 1998

13 mai 1999

Saint-Vincent-et-les Grenadines

 

3 décembre 2002 a

Samoa

17 juillet 1998

16 septembre 2002

Sao Tomé-et-Principe

28 décembre 2000

 

Sénégal

18 juillet 1998

2 février 1999

Serbie

19 décembre 2000

6 septembre 2001

Seychelles

28 décembre 2000

 

Sierra Leone

17 octobre 1998

15 septembre 2000

Slovaquie

23 décembre 1998

11 avril 2002

Slovénie

 7 octobre 1998

31 décembre 2001

Soudan (2)

 8 septembre 2000

 

Suède

 7 octobre 1998

28 juin 2001

Suisse

18 juillet 1998

12 octobre 2001

Suriname

 

15 juillet 2008 a

Tadjikistan

30 novembre 1998

5 mai 2000

Tchad

20 octobre 1999

1 novembre 2006

Thaïlande

 2 octobre 2000

 

Timor-Leste

 

6 septembre 2002 a

Trinité-et-Tobago

23 mars 1999

6 avril 1999

Ukraine

20 janvier 2000

 

Uruguay

19 décembre 2000

28 juin 2002

Venezuela (République bolivarienne du)

14 octobre 1998

7 juin 2000

Yémen

28 décembre 2000

 

Zambie

17 juillet 1998

13 novembre 2002

Zimbabwe

17 juillet 1998

 

(1) Au 11 juin 2009.

(2) Les Etats-Unis, Israël et le Soudan ont signé le Statut, puis indiqué qu’ils n’avaient pas l’intention de devenir parties au traité.

Annexe 3 :
Extraits du Statut de Rome de la Cour pénale internationale 
(
26)

Préambule

Les États Parties au présent Statut,

Conscients que tous les peuples sont unis par des liens étroits et que leurs cultures forment un patrimoine commun, et soucieux du fait que cette mosaïque délicate puisse être brisée à tout moment,

Ayant à l’esprit qu’au cours de ce siècle, des millions d’enfants, de femmes et d’hommes ont été victimes d’atrocités qui défient l’imagination et heurtent profondément la conscience humaine,

Reconnaissant que des crimes d’une telle gravité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde,

Affirmant que les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis et que leur répression doit être effectivement assurée par des mesures prises dans le cadre national et par le renforcement de la coopération internationale,

Déterminés à mettre un terme à l’impunité des auteurs de ces crimes et à concourir ainsi à la prévention de nouveaux crimes,

Rappelant qu’il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux,

Réaffirmant les buts et principes de la Charte des Nations Unies et, en particulier, que tous les États doivent s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies,

Soulignant à cet égard que rien dans le présent Statut ne peut être interprété comme autorisant un État Partie à intervenir dans un conflit armé ou dans les affaires intérieures d’un autre État,

Déterminés, à ces fins et dans l’intérêt des générations présentes et futures, à créer une cour pénale internationale permanente et indépendante reliée au système des Nations Unies, ayant compétence à l’égard des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale,

Soulignant que la cour pénale internationale dont le présent Statut porte création est complémentaire des juridictions pénales nationales,

Résolus à garantir durablement le respect de la justice internationale et sa mise en oeuvre,

Sont convenus de ce qui suit :

Chapitre premier : Institution de la Cour

Article premier : La Cour

Il est créé une Cour pénale internationale (« la Cour ») en tant qu’institution permanente, qui peut exercer sa compétence à l’égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale, au sens du présent Statut. Elle est complémentaire des juridictions pénales nationales. Sa compétence et son fonctionnement sont régis par les dispositions du présent Statut.

(…)

Chapitre II : Compétence, recevabilité et droit applicable

(…)

Article 6 : Crime de génocide

Aux fins du présent Statut, on entend par crime de génocide l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

a) Meurtre de membres du groupe ;

b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;

c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;

d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;

e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.

Article 7 : Crimes contre l’humanité

1. Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque :

a) Meurtre ;

b) Extermination ;

c) Réduction en esclavage ;

d) Déportation ou transfert forcé de population ;

e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ;

f) Torture ;

g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ;

h) Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour ;

i) Disparitions forcées de personnes ;

j) Crime d’apartheid ;

k) Autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale.

2. Aux fins du paragraphe 1 :

a) Par « attaque lancée contre une population civile », on entend le comportement qui consiste en la commission multiple d’actes visés au paragraphe 1 à l’encontre d’une population civile quelconque, en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation ayant pour but une telle attaque ;

b) Par « extermination », on entend notamment le fait d’imposer intentionnellement des conditions de vie, telles que la privation d’accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner la destruction d’une partie de la population ;

c) Par « réduction en esclavage », on entend le fait d’exercer sur une personne l’un quelconque ou l’ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété, y compris dans le cadre de la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants ;

d) Par « déportation ou transfert forcé de population », on entend le fait de déplacer de force des personnes, en les expulsant ou par d’autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent légalement, sans motifs admis en droit international ;

e) Par « torture », on entend le fait d’infliger intentionnellement une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, à une personne se trouvant sous sa garde ou sous son contrôle ; l’acception de ce terme ne s’étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles ;

f) Par « grossesse forcée », on entend la détention illégale d’une femme mise enceinte de force, dans l’intention de modifier la composition ethnique d’une population ou de commettre d’autres violations graves du droit international. Cette définition ne peut en aucune manière s’interpréter comme ayant une incidence sur les lois nationales relatives à la grossesse ;

g) Par « persécution », on entend le déni intentionnel et grave de droits fondamentaux en violation du droit international, pour des motifs liés à l’identité du groupe ou de la collectivité qui en fait l’objet ;

h) Par « crime d’apartheid », on entend des actes inhumains analogues à ceux que vise le paragraphe 1, commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l’intention de maintenir ce régime ;

i) Par « disparitions forcées de personnes », on entend les cas où des personnes sont arrêtées, détenues ou enlevées par un État ou une organisation politique ou avec l’autorisation, l’appui ou l’assentiment de cet État ou de cette organisation, qui refuse ensuite d’admettre que ces personnes sont privées de liberté ou de révéler le sort qui leur est réservé ou l’endroit où elles se trouvent, dans l’intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée.

3. Aux fins du présent Statut, le terme « sexe » s’entend de l’un et l’autre sexes, masculin et féminin, suivant le contexte de la société. Il n’implique aucun autre sens.

Article 8 : Crimes de guerre

1. La Cour a compétence à l’égard des crimes de guerre, en particulier lorsque ces crimes s’inscrivent dans le cadre d’un plan ou d’une politique ou lorsqu’ils font partie d’une série de crimes analogues commis sur une grande échelle.

2. Aux fins du Statut, on entend par « crimes de guerre » :

a) Les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’ils visent des personnes ou des biens protégés par les dispositions des Conventions de Genève :

i) L’homicide intentionnel ;

ii) La torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques ;

iii) Le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé ;

iv) La destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ;

v) Le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou une personne protégée à servir dans les forces d’une puissance ennemie ;

vi) Le fait de priver intentionnellement un prisonnier de guerre ou toute autre personne protégée de son droit d’être jugé régulièrement et impartialement ;

vii) La déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale ;

viii) La prise d’otages ;

b) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le cadre établi du droit international, à savoir, l’un quelconque des actes ci-après :

i) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement part aux hostilités ;

ii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens de caractère civil, c’est-à-dire des biens qui ne sont pas des objectifs militaires ;

iii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant qu’ils aient droit à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère civil ;

iv) Le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant qu’elle causera incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil ou des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l’ensemble de l’avantage militaire concret et direct attendu ;

v) Le fait d’attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires ;

vi) Le fait de tuer ou de blesser un combattant qui, ayant déposé les armes ou n’ayant plus de moyens de se défendre, s’est rendu à discrétion ;

vii) Le fait d’utiliser indûment le pavillon parlementaire, le drapeau ou les insignes militaires et l’uniforme de l’ennemi ou de l’Organisation des Nations Unies, ainsi que les signes distinctifs prévus par les Conventions de Genève, et, ce faisant, de causer la perte de vies humaines ou des blessures graves ;

viii) Le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe, ou la déportation ou le transfert à l’intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité ou d’une partie de la population de ce territoire ;

ix) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, à condition qu’ils ne soient pas des objectifs militaires ;

x) Le fait de soumettre des personnes d’une partie adverse tombées en son pouvoir à des mutilations ou à des expériences médicales ou scientifiques quelles qu’elles soient qui ne sont ni motivées par un traitement médical, dentaire ou hospitalier, ni effectuées dans l’intérêt de ces personnes, et qui entraînent la mort de celles-ci ou mettent sérieusement en danger leur santé ;

xi) Le fait de tuer ou de blesser par traîtrise des individus appartenant à la nation ou à l’armée ennemie ;

xii) Le fait de déclarer qu’il ne sera pas fait de quartier ;

xiii) Le fait de détruire ou de saisir les biens de l’ennemi, sauf dans les cas où ces destructions ou saisies seraient impérieusement commandées par les nécessités de la guerre ;

xiv) Le fait de déclarer éteints, suspendus ou non recevables en justice les droits et actions des nationaux de la partie adverse ;

xv) Le fait pour un belligérant de contraindre les nationaux de la partie adverse à prendre part aux opérations de guerre dirigées contre leur pays, même s’ils étaient au service de ce belligérant avant le commencement de la guerre ;

xvi) Le pillage d’une ville ou d’une localité, même prise d’assaut ;

xvii) Le fait d’employer du poison ou des armes empoisonnées ;

xviii) Le fait d’employer des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que tous liquides, matières ou procédés analogues ;

xix) Le fait d’utiliser des balles qui s’épanouissent ou s’aplatissent facilement dans le corps humain, telles que des balles dont l’enveloppe dure ne recouvre pas entièrement le centre ou est percée d’entailles ;

xx) Le fait d’employer les armes, projectiles, matières et méthodes de guerre de nature à causer des maux superflus ou des souffrances inutiles ou à frapper sans discrimination en violation du droit international des conflits armés, à condition que ces armes, projectiles, matières et méthodes de guerre fassent l’objet d’une interdiction générale et qu’ils soient inscrits dans une annexe au présent Statut, par voie d’amendement adopté selon les dispositions des articles 121 et 123 ;

xxi) Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants ;

xxii) Le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, telle que définie à l’article 7, paragraphe 2, alinéa f), la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle constituant une infraction grave aux Conventions de Genève ;

xxiii) Le fait d’utiliser la présence d’un civil ou d’une autre personne protégée pour éviter que certains points, zones ou forces militaires ne soient la cible d’opérations militaires ;

xxiv) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre les bâtiments, le matériel, les unités et les moyens de transport sanitaires, et le personnel utilisant, conformément au droit international, les signes distinctifs prévus par les Conventions de Genève ;

xxv) Le fait d’affamer délibérément des civils comme méthode de guerre, en les privant de biens indispensables à leur survie, y compris en empêchant intentionnellement l’envoi des secours prévus par les Conventions de Genève ;

xxvi) Le fait de procéder à la conscription ou à l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans les forces armées nationales ou de les faire participer activement à des hostilités ;

c) En cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international, les violations graves de l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir l’un quelconque des actes ci-après commis à l’encontre de personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention ou par toute autre cause :

i) Les atteintes à la vie et à l’intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels et la torture ;

ii) Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants ;

iii) Les prises d’otages ;

iv) Les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires généralement reconnues comme indispensables ;

d) L’alinéa c) du paragraphe 2 s’applique aux conflits armés ne présentant pas un caractère international et ne s’applique donc pas aux situations de troubles et tensions internes telles que les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence ou les actes de nature similaire ;

e) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés ne présentant pas un caractère international, dans le cadre établi du droit international, à savoir l’un quelconque des actes ci-après :

i) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des personnes civiles qui ne participent pas directement aux hostilités ;

ii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre les bâtiments, le matériel, les unités et les moyens de transport sanitaires, et le personnel utilisant, conformément au droit international, les signes distinctifs des Conventions de Genève ;

iii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant qu’ils aient droit à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère civil ;

iv) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades et des blessés sont rassemblés, pour autant que ces bâtiments ne soient pas des objectifs militaires ;

v) Le pillage d’une ville ou d’une localité, même prise d’assaut ;

vi) Le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, telle que définie à l’article 7, paragraphe 2, alinéa f), la stérilisation forcée, ou toute autre forme de violence sexuelle constituant une violation grave de l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève ;

vii) Le fait de procéder à la conscription ou à l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans les forces armées ou dans des groupes armés ou de les faire participer activement à des hostilités ;

viii) Le fait d’ordonner le déplacement de la population civile pour des raisons ayant trait au conflit, sauf dans les cas où la sécurité des civils ou des impératifs militaires l’exigent ;

ix) Le fait de tuer ou de blesser par traîtrise un adversaire combattant ;

x) Le fait de déclarer qu’il ne sera pas fait de quartier ;

xi) Le fait de soumettre des personnes d’une autre partie au conflit tombées en son pouvoir à des mutilations ou à des expériences médicales ou scientifiques quelles qu’elles soient qui ne sont ni motivées par un traitement médical, dentaire ou hospitalier, ni effectuées dans l’intérêt de ces personnes, et qui entraînent la mort de celles-ci ou mettent sérieusement en danger leur santé ;

xii) Le fait de détruire ou de saisir les biens d’un adversaire, sauf si ces destructions ou saisies sont impérieusement commandées par les nécessités du conflit ;

f) L’alinéa e) du paragraphe 2 s’applique aux conflits armés ne présentant pas un caractère international et ne s’applique donc pas aux situations de troubles et tensions internes telles que les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence ou les actes de nature similaire. Il s’applique aux conflits armés qui opposent de manière prolongée sur le territoire d’un État les autorités du gouvernement de cet État et des groupes armés organisés ou des groupes armés organisés entre eux.

3. Rien dans le paragraphe 2, alinéas c) et e), n’affecte la responsabilité d’un gouvernement de maintenir ou rétablir l’ordre public dans l’État ou de défendre l’unité et l’intégrité territoriale de l’État par tous les moyens légitimes.

(…)

Article 17 : Questions relatives à la recevabilité

1. Eu égard au dixième alinéa du préambule et à l’article premier, une affaire est jugée irrecevable par la Cour lorsque :

a) L’affaire fait l’objet d’une enquête ou de poursuites de la part d’un État ayant compétence en l’espèce, à moins que cet État n’ait pas la volonté ou soit dans l’incapacité de mener véritablement à bien l’enquête ou les poursuites ;

b) L’affaire a fait l’objet d’une enquête de la part d’un État ayant compétence en l’espèce et que cet État a décidé de ne pas poursuivre la personne concernée, à moins que cette décision ne soit l’effet du manque de volonté ou de l’incapacité de l’État de mener véritablement à bien des poursuites ;

c) La personne concernée a déjà été jugée pour le comportement faisant l’objet de la plainte, et qu’elle ne peut être jugée par la Cour en vertu de l’article 20, paragraphe 3 ;

d) L’affaire n’est pas suffisamment grave pour que la Cour y donne suite.

2. Pour déterminer s’il y a manque de volonté de l’État dans un cas d’espèce, la Cour considère l’existence, eu égard aux garanties d’un procès équitable reconnues par le droit international, de l’une ou de plusieurs des circonstances suivantes :

a) La procédure a été ou est engagée ou la décision de l’État a été prise dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour les crimes relevant de la compétence de la Cour visés à l’article 5 ;

b) La procédure a subi un retard injustifié qui, dans les circonstances, est incompatible avec l’intention de traduire en justice la personne concernée ;

c) La procédure n’a pas été ou n’est pas menée de manière indépendante ou impartiale mais d’une manière qui, dans les circonstances, est incompatible avec l’intention de traduire en justice la personne concernée.

3. Pour déterminer s’il y a incapacité de l’État dans un cas d’espèce, la Cour considère si l’État est incapable, en raison de l’effondrement de la totalité ou d’une partie substantielle de son propre appareil judiciaire ou de l’indisponibilité de celui-ci, de se saisir de l’accusé, de réunir les éléments de preuve et les témoignages nécessaires ou de mener autrement à bien la procédure.

Article 18 : Décision préliminaire sur la recevabilité

1. Lorsqu’une situation a été déférée à la Cour comme le prévoit l’article 13, alinéa a), et que le Procureur a déterminé qu’il y aurait une base raisonnable pour ouvrir une enquête, ou lorsque le Procureur a ouvert une enquête au titre des articles 13, paragraphe c), et 15, le Procureur le notifie à tous les États Parties et aux États qui, selon les renseignements disponibles, auraient normalement compétence à l’égard des crimes dont il s’agit. Il peut le faire à titre confidentiel et, quand il juge que cela est nécessaire pour protéger des personnes, prévenir la destruction d’éléments de preuve ou empêcher la fuite de personnes, il peut restreindre l’étendue des renseignements qu’il communique aux États.

2. Dans le mois qui suit la réception de cette notification, un État peut informer la Cour qu’il ouvre ou a ouvert une enquête sur ses ressortissants ou d’autres personnes sous sa juridiction pour des actes criminels qui pourraient être constitutifs des crimes visés à l’article 5 et qui ont un rapport avec les renseignements notifiés aux États. Si l’État le lui demande, le Procureur lui défère le soin de l’enquête sur ces personnes, à moins que la Chambre préliminaire ne l’autorise, sur sa demande, à faire enquête lui-même.

3. Ce sursis à enquêter peut être réexaminé par le Procureur six mois après avoir été décidé, ou à tout moment où il se sera produit un changement notable de circonstances découlant du manque de volonté ou de l’incapacité de l’État de mener véritablement à bien l’enquête modifie sensiblement les circonstances.

4. L’État intéressé ou le Procureur peut relever appel devant la Chambre d’appel de la décision de la Chambre préliminaire, comme le prévoit l’article 82. Cet appel peut être examiné selon une procédure accélérée.

5. Lorsqu’il sursoit à enquêter comme prévu au paragraphe 2, le Procureur peut demander à l’État concerné de lui rendre régulièrement compte des progrès de son enquête et, le cas échéant, des poursuites engagées par la suite. Les États Parties répondent à ces demandes sans retard injustifié.

6. En attendant la décision de la Chambre préliminaire, ou à tout moment après avoir décidé de surseoir à son enquête comme le prévoit le présent article, le Procureur peut, à titre exceptionnel, demander à la Chambre préliminaire l’autorisation de prendre les mesures d’enquête nécessaires pour préserver des éléments de preuve dans le cas où l’occasion de recueillir des éléments de preuve importants ne se représentera pas ou s’il y a un risque appréciable que ces éléments de preuve ne soient plus disponibles par la suite.

7. L’État qui a contesté une décision de la Chambre préliminaire en vertu du présent article peut contester la recevabilité d’une affaire au regard de l’article 19 en invoquant des faits nouveaux ou un changement de circonstances notables.

(…)

Chapitre III : Principes généraux du droit pénal

(…)

Article 25 : Responsabilité pénale individuelle

1. La Cour est compétente à l’égard des personnes physiques en vertu du présent Statut.

2. Quiconque commet un crime relevant de la compétence de la Cour est individuellement responsable et peut être puni conformément au présent Statut.

3. Aux termes du présent Statut, une personne est pénalement responsable et peut être punie pour un crime relevant de la compétence de la Cour si :

a) Elle commet un tel crime, que ce soit individuellement, conjointement avec une autre personne ou par l’intermédiaire d’une autre personne, que cette autre personne soit ou non pénalement responsable ;

b) Elle ordonne, sollicite ou encourage la commission d’un tel crime, dès lors qu’il y a commission ou tentative de commission de ce crime ;

c) En vue de faciliter la commission d’un tel crime, elle apporte son aide, son concours ou toute autre forme d’assistance à la commission ou à la tentative de commission de ce crime, y compris en fournissant les moyens de cette commission ;

d) Elle contribue de toute autre manière à la commission ou à la tentative de commission d’un tel crime par un groupe de personnes agissant de concert. Cette contribution doit être intentionnelle et, selon le cas :

i) Viser à faciliter l’activité criminelle ou le dessein criminel du groupe, si cette activité ou ce dessein comporte l’exécution d’un crime relevant de la compétence de la Cour ; ou

ii) Être faite en pleine connaissance de l’intention du groupe de commettre ce crime ;

e) S’agissant du crime de génocide, elle incite directement et publiquement autrui à le commettre ;

f) Elle tente de commettre un tel crime par des actes qui, par leur caractère substantiel, constituent un commencement d’exécution mais sans que le crime soit accompli en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. Toutefois, la personne qui abandonne l’effort tendant à commettre le crime ou en empêche de quelque autre façon l’achèvement ne peut être punie en vertu du présent Statut pour sa tentative si elle a complètement et volontairement renoncé au dessein criminel.

4. Aucune disposition du présent Statut relative à la responsabilité pénale des individus n’affecte la responsabilité des États en droit international.

(…)

Article 27 : Défaut de pertinence de la qualité officielle

1. Le présent Statut s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d’État ou de gouvernement, de membre d’un gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou d’agent d’un État, n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine.

2. Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d’une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence à l’égard de cette personne.

Article 28 : Responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques

Outre les autres motifs de responsabilité pénale au regard du présent Statut pour des crimes relevant de la compétence de la Cour :

a) Un chef militaire ou une personne faisant effectivement fonction de chef militaire est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des forces placées sous son commandement et son contrôle effectifs, ou sous son autorité et son contrôle effectifs, selon le cas, lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces forces dans les cas où :

i) Ce chef militaire ou cette personne savait, ou, en raison des circonstances, aurait dû savoir, que ces forces commettaient ou allaient commettre ces crimes ; et

ii) Ce chef militaire ou cette personne n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites ;

b) En ce qui concerne les relations entre supérieur hiérarchique et subordonnés non décrites au paragraphe a), le supérieur hiérarchique est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs, lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces subordonnés dans les cas où :

i) Le supérieur hiérarchique savait que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre ces crimes ou a délibérément négligé de tenir compte d’informations qui l’indiquaient clairement ;

ii) Ces crimes étaient liés à des activités relevant de sa responsabilité et de son contrôle effectifs ; et

iii) Le supérieur hiérarchique n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites.

Article 29 : Imprescriptibilité

Les crimes relevant de la compétence de la Cour ne se prescrivent pas.

(…)

Article 31 : Motifs d’exonération de la responsabilité pénale

1. Outre les autres motifs d’exonération de la responsabilité pénale prévus par le présent Statut, une personne n’est pas responsable pénalement si, au moment du comportement en cause :

a) Elle souffrait d’une maladie ou d’une déficience mentale qui la privait de la faculté de comprendre le caractère délictueux ou la nature de son comportement, ou de maîtriser celui-ci pour le conformer aux exigences de la loi ;

b) Elle était dans un état d’intoxication qui la privait de la faculté de comprendre le caractère délictueux ou la nature de son comportement, ou de maîtriser celui-ci pour le conformer aux exigences de la loi, à moins qu’elle ne se soit volontairement intoxiquée dans des circonstances telles qu’elle savait que, du fait de son intoxication, elle risquait d’adopter un comportement constituant un crime relevant de la compétence de la Cour, ou qu’elle n’ait tenu aucun compte de ce risque ;

c) Elle a agi raisonnablement pour se défendre, pour défendre autrui ou, dans le cas des crimes de guerre, pour défendre des biens essentiels à sa survie ou à celle d’autrui ou essentiels à l’accomplissement d’une mission militaire, contre un recours imminent et illicite à la force, d’une manière proportionnée à l’ampleur du danger qu’elle courait ou que couraient l’autre personne ou les biens protégés. Le fait qu’une personne ait participé à une opération défensive menée par des forces armées ne constitue pas en soi un motif d’exonération de la responsabilité pénale au titre du présent alinéa ;

d) Le comportement dont il est allégué qu’il constitue un crime relevant de la compétence de la Cour a été adopté sous la contrainte résultant d’une menace de mort imminente ou d’une atteinte grave, continue ou imminente à sa propre intégrité physique ou à celle d’autrui, et si elle a agi par nécessité et de façon raisonnable pour écarter cette menace, à condition qu’elle n’ait pas eu l’intention de causer un dommage plus grand que celui qu’elle cherchait à éviter. Cette menace peut être :

i) Soit exercée par d’autres personnes ;

ii) Soit constituée par d’autres circonstances indépendantes de sa volonté.

2. La Cour se prononce sur la question de savoir si les motifs d’exonération de la responsabilité pénale prévus dans le présent Statut sont applicables au cas dont elle est saisie.

3. Lors du procès, la Cour peut prendre en considération un motif d’exonération autre que ceux qui sont prévus au paragraphe 1, si ce motif découle du droit applicable indiqué à l’article 21. La procédure d’examen de ce motif d’exonération est fixée dans le Règlement de procédure et de preuve.

(…)

Article 33 : Ordre hiérarchique et ordre de la loi

1. Le fait qu’un crime relevant de la compétence de la Cour a été commis sur ordre d’un gouvernement ou d’un supérieur, militaire ou civil, n’exonère pas la personne qui l’a commis de sa responsabilité pénale, à moins que :

a) Cette personne n’ait eu l’obligation légale d’obéir aux ordres du gouvernement ou du supérieur en question ;

b) Cette personne n’ait pas su que l’ordre était illégal ; et

c) L’ordre n’ait pas été manifestement illégal.

2. Aux fins du présent article, l’ordre de commettre un génocide ou un crime contre l’humanité est manifestement illégal.

(…)

Chapitre IV : Le Procès

(…)

Article 70 : Atteintes à l’administration de la justice

1. La Cour a compétence pour connaître des atteintes suivantes à son administration de la justice lorsqu’elles sont commises intentionnellement :

a) Faux témoignage d’une personne qui a pris l’engagement de dire la vérité en application de l’article 69, paragraphe 1 ;

b) Production d’éléments de preuve faux ou falsifiés en connaissance de cause ;

c) Subornation de témoin, manoeuvres visant à empêcher un témoin de comparaître ou de déposer librement, représailles exercées contre un témoin en raison de sa déposition, destruction ou falsification d’éléments de preuve, ou entrave au rassemblement de tels éléments ;

d) Intimidation d’un membre ou agent de la Cour, entrave à son action ou trafic d’influence afin de l’amener, par la contrainte ou la persuasion, à ne pas exercer ses fonctions ou à ne pas les exercer comme il convient ;

e) Représailles contre un membre ou un agent de la Cour en raison des fonctions exercées par celui-ci ou par un autre membre ou agent ;

f) Sollicitation ou acceptation d’une rétribution illégale par un membre ou un agent de la Cour dans le cadre de ses fonctions officielles.

2. Les principes et les procédures régissant l’exercice par la Cour de sa compétence à l’égard des atteintes à l’administration de la justice en vertu du présent article sont énoncés dans le Règlement de procédure et de preuve. Les modalités de la coopération internationale avec la Cour dans la mise en oeuvre des dispositions du présent article sont régies par la législation nationale de l’État requis.

3. En cas de condamnation, la Cour peut imposer une peine d’emprisonnement ne pouvant excéder cinq années, ou une amende prévue dans le Règlement de procédure et de preuve, ou les deux.

4. a) Les États Parties étendent les dispositions de leur droit pénal qui répriment les atteintes à l’intégrité de leurs procédures d’enquête ou de leur système judiciaire aux atteintes à l’administration de la justice en vertu du présent article commises sur leur territoire, ou par l’un de leurs ressortissants ;

b) À la demande de la Cour, un État Partie saisit ses autorités compétentes aux fins de poursuites chaque fois qu’il le juge approprié. Ces autorités traitent les dossiers dont il s’agit avec diligence, en y consacrant les moyens nécessaires à une action efficace.

Annexe 4 :
Tableau comparatif de la compétence universelle (CU) dans quelques pays européens

 

CU pour les crimes
de torture

CU
pour génocide

CU pour crimes
contre l’humanité

CU pour crimes
de guerre

Obligation de présence pour l’ouverture d’une enquête/
pour le procès

Exemples de jugements fondés sur la CU rendus par les tribunaux nationaux

Allemagne

Oui

Oui

Oui

Oui

Non (pas selon la loi, mais le ministère public est dans l’obligation d’enquêter si le suspect est présent) ; présence exigée pendant le procès

Maksim Sokolovic, condamné pour crimes de guerre et génocide ; deux personnes condamnées pour génocide en ex-Yougoslavie : Djuradj Kusljic en 2001 et Nikola Jorgic en 2007

Belgique

Oui (mais conditions de résidence habituelle du suspect, nationalité belge ou résidence en Belgique des victimes)

Oui (mêmes conditions)

Oui (mêmes conditions)

Oui (mêmes conditions)

Oui (assignation à résidence)

sept condamnations d’auteurs rwandais de graves violations du droit humanitaire international en 2001, 2005 et 2007.

Danemark

Oui (pour lésion corporelle grave)

Non

Non

Oui pour les infractions graves

Oui

Espagne

Oui (pas dans la loi mais selon la jurisprudence)

Oui

Oui (pas dans la loi mais selon la jurisprudence)

Oui pour les infractions graves aux Conventions de Genève (pas dans la loi mais selon la jurisprudence)

Non ; présence exigée seulement au moment du procès

(NB : projet de réforme en cours pour exiger la présence du suspect au moment de l’ouverture de l’enquête)

Adolfo Scilingo, condamné en 2005 pour des crimes contre l’humanité commis en Argentine

France

Oui

Non

Non

Non

Oui ; présence non obligatoire lors de l’instruction et du procès

Ely Ould Dah, Mauritanien condamné par contumace à 10 ans d’emprisonnement en 2005 pour tortures

Khaled Ben Said, Tunisien, condamné en 2008 à huit ans d’emprisonnement pour tortures

Norvège

Non

Oui

Oui

Oui

Non ; mais présence obligatoire pour l’inculpation

Refik Saric, Bosniaque condamné pour crimes de guerre en 1995 en ex-Yougoslavie

Pays-Bas

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui : présence exigée à tous les stades de la procédure

deux condamnations pour crimes de guerre en Afghanistan :

Heshamuddin Hesam en 2005 et Habibullah  Jalalzoy en 2007

Portugal

Oui

Oui

Oui dans certains cas (tels qu’esclavage ou trafic d’êtres humains)

Oui pour certaines infractions graves aux Conventions de Genève

Non

Royaume-Uni

Oui

Non

Non (sauf pour esclavage)

Oui pour certaines infractions graves aux Conventions de Genève

Non ; présence exigée ou anticipée pour la délivrance d’un mandat d’arrêt ou pour l’ouverture de poursuites contre le suspect ; un procès par défaut est possible mais soumis à l’appréciation du juge

Faryadi Sarwar Zardad condamnés en 2005 pour torture en Afghanistan

Poursuites en cours pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.

Suède

Non

Oui

Non

Oui

Oui

Suisse

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui (assignation à résidence)

Fulgence Niyonteze condamné en 2000 pour crimes de guerre commis au Rwanda en 1994.

Source : d’après la Commission nationale consultative des droits de l’Homme.

© Assemblée nationale

1 () Pour plus de détails, voir le rapport de M. Pierre Brana, fait au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi autorisant la ratification de la Convention portant Statut de la Cour pénale internationale, Assemblée nationale, XIème législature, n° 2141, 8 février 1999.

2 () Le Conseil constitutionnel avait jugé que certaines stipulations du Statut de Rome n’étaient pas conformes à la Constitution ou aux principes constitutionnels ou ne respectaient pas les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, en ce qui concernait les immunités dont bénéficient les parlementaires et le Président de la République, la compétence de la Cour de Justice de la République pour juger des crimes et délits commis par des membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions, la question de la compétence de la Cour pénale internationale pour des faits amnistiés ou prescrits en France et le fait que le procureur puisse procéder à certains actes d’enquête sur le territoire national hors la présence des autorités judiciaires françaises compétentes.

3 () La liste des Etats qui ont signé et/ou ratifié le Statut de Rome figure en annexe.

4 () La Garde des Sceaux a annoncé cette décision au cours de l’examen du présent projet de loi au Sénat, le 10 juin 2008 ; cf. JO Débats Sénat, séance du mardi 10 juin 2008, pp. 2715-2716.

5 () Les dix-huit juges de la Cour sont élus pour un mandat de neuf ans non renouvelable par l’Assemblée des États parties au Statut de Rome ; les premiers juges ont été élus en février 2003 et ont prêté serment le 11 mars 2003. Afin d’assurer la continuité de leur mandat, lors de la première élection, un tiers des juges ont été nommés par tirage au sort pour un mandat de trois ans – ceux-ci pouvaient, par exception, être réélus ensuite pour un mandat de neuf ans –, un tiers pour un mandat de six ans, et un tiers pour un mandat de neuf ans. Le Président Kirsch faisait partie de la deuxième catégorie.

6 () Compte rendu de la réunion de la commission des affaires étrangères du mercredi 1er avril 2006 à 16 heures 15, n° 49.

7 () Seule la République tchèque, qui a pourtant signé le Statut en avril 1999, ne l’a pas ratifié.

8 () Ainsi, ils n’ont pas opposé leur veto à la résolution du Conseil de sécurité qui demandait au procureur de la Cour pénale internationale d’enquêter sur la situation au Darfour ; ils se sont seulement abstenus.

9 () Voir le rapport de M. Alain Vidalies, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, Assemblée nationale, XIème législature, n° 3598, 13 février 2002.

10 () Ces stipulations font l’objet d’un article commun aux quatre conventions, l’article 49 de la première convention, l’article 50 de la deuxième, l’article 129 de la troisième et l’article 146 de la quatrième.

11 () Les articles du Statut de Rome cités dans le rapport sont reproduits en annexe.

12 () Article 6 du Statut du tribunal militaire international, annexé à l’accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l’Axe et statut du tribunal international militaire, signé à Londres le 8 août 1945 définit les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité avant de préciser que « les dirigeants, organisateurs, provocateurs ou complices qui ont pris part à l’élaboration ou à l’exécution d’un plan concerté ou d’un complot pour commettre l’un quelconque des crimes ci-dessus définis sont responsables de tous les actes accomplis par toutes personnes en exécution de ce plan. »

13 () La France l’a ratifiée le 23 septembre 2008. La convention n’est pas encore entrée en vigueur seules dix ratifications sur les vingt nécessaires ayant été déposées au 17 juin 2009.

14 () Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 janvier 1977 (n° 96-84.822)

15 () Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 mars 2001, arrêt n° 1414. Cet arrêt a été très critiqué.

16 () Voir tableau en annexe.

17 () Ainsi, par exemple, un Français qui a commis un délit à l’étranger ne pourra être poursuivi en France que si le délit existe aussi dans le droit du pays où il a été commis, ce qui n’est pas nécessaire pour un crime (article 113-6 du code pénal). Si c’est la victime qui est française, la double incrimination n’est pas non plus nécessaire (article 113-7 du même code).

18 () R. Koering-Joulin, Jurisclasseur Procédure pénale, fascicule 20, n° 91.

19 () La circulaire du ministère de la justice du 10 février 1995 prise pour l’application de la loi du 2 janvier 1995 explique elle-même que la loi précité « pose le principe de la compétence universelle des juridictions françaises pour les infractions » qu’elle mentionne.

20 () Cette condition ne figure par exemple ni dans les dispositions relatives au mandat d’arrêt européen ni dans celles relatives aux procédures de remise entre Etats membres.

21 () Pour en avoir des exemples, cf. le tableau en annexe.

22 () Cour de cassation, Première chambre civile, 14 décembre 2005, arrêt n° 1880.

23 () Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 janvier 2007, arrêt n° 7513.

24 () Cour de cassation, Chambre criminelle, 9 avril 2008 (n° 07-86.412) et Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 janvier 2009 (n° 07-88.330).

25 () Par ordre chronologique.

26 () Est reproduit ici le texte des articles du Statut de Rome qui sont mentionnés dans le présent rapport.