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N° 1838

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juillet 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LES ARTICLES 1er, 25, 26, 27, 29, 32, 33, 34, 35, 36, 47, 48, 49 et 50 DU PROJET DE LOI (N° 1549), relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne,

PAR M. Étienne BLANC,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. ––  LES JEUX D’ARGENT ET DE HASARD SONT UNE ACTIVITÉ TRÈS RÉGLEMENTÉE EN RAISON DES RISQUES QU’ILS PRÉSENTENT 6

A. LES RISQUES LIÉS AUX JEUX D’ARGENT ET DE HASARD 6

1. Les risques moraux liés aux activités de jeux 6

2. L’utilisation des jeux par des organisations délinquantes 7

a) Le blanchiment d’argent 7

b) Le financement d’activités illégales 8

3. Le souci d’assurer l’honnêteté des activités de jeux 8

B. UN PRINCIPE D’INTERDICTION DES JEUX, ASSORTI DE DÉROGATIONS 9

1. Les loteries et autres jeux de pur hasard 9

2. Les jeux de cercle 10

a) Les casinos 10

b) Les cercles de jeux 12

c) Les personnes interdites de jeu 12

3. Les paris 13

C. UN STRICT CONTRÔLE DE L’ÉTAT SUR LES OPÉRATEURS DE JEUX 14

1. La surveillance des opérateurs bénéficiant d’un monopole 14

2. La surveillance des casinos et des cercles de jeux 15

3. Un régime comparable à celui de nombreux autres pays 16

II. ––  UNE NÉCESSAIRE ÉVOLUTION DU CADRE JURIDIQUE DES JEUX EN LIGNE 17

A. UN RÉGIME JURIDIQUE TRÈS RESTRICTIF 17

B. LA NÉCESSITÉ DE DÉTOURNER LES JOUEURS DES JEUX ILLÉGAUX 18

1. Une offre de jeux en ligne qui continue à se développer 18

2. Les problèmes présentés par les sites illégaux 19

3. Les limites de l’application de la loi pénale française 21

C. L’ÉVOLUTION DU DROIT COMMUNAUTAIRE 23

1. La reconnaissance d’une large marge d’appréciation des États en matière de jeux d’argent et de hasard 23

2. Une évolution en faveur d’une libéralisation des jeux d’argent 24

a) L’inflexion de la jurisprudence de la CJCE 24

b) Les conséquences sur le cadre juridique français 25

III. ––  LE PROJET DE LOI PROCÈDE À UNE LIBÉRALISATION LIMITÉE ET CONTRÔLÉE DES JEUX D’ARGENT ET DE HASARD 26

A. UNE OUVERTURE LIMITÉE À CERTAINS JEUX EN LIGNE 26

B. L’INSTITUTION D’UNE AUTORITÉ DE RÉGULATION DES JEUX EN LIGNE 27

1. Un dispositif inspiré par les exemples étrangers 27

2. Le projet d’une Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) 28

C. LE RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LES JEUX ILLÉGAUX 29

EXAMEN EN COMMISSION 31

EXAMEN DES ARTICLES 39

Chapitre premier : Dispositions relatives à l’ensemble du secteur des jeux d’argent et de hasard 39

Article premier : Objectifs de la régulation des jeux d’argent et de hasard par l’État 39

Chapitre VI : L’autorité de régulation des jeux en ligne 41

Article 25 : Compétences de l’ARJEL 41

Article 26 : Composition de l’ARJEL 43

Article 27 : Prévention des conflits d’intérêts et déontologie des membres et des personnels de l’ARJEL 44

Article 29 : Contrôle des opérateurs de jeux agréés 46

Article 32 : Conciliation en cas de litige entre un joueur et un opérateur 47

Article 33 : Commission des sanctions 48

Article 34 : Pouvoirs d’enquête de l’ARJEL 49

Articles 35 et 36 : Pouvoir de sanction de l’ARJEL 50

Chapitre VIII : Mesures de lutte contre les sites illégaux de jeux d’argent 53

Article 47 : Répression des sites illégaux de jeux d’argent ou de hasard 53

Article 48 : Répression de la publicité en faveur d’un site illégal de jeux d’argent ou de hasard 54

Article 49 : Utilisation de cyberpatrouilleurs pour constater les infractions de jeux illégaux ou de publicité illégale 55

Article 50 : Compétences de l’ARJEL en matière de lutte contre les sites illégaux et saisine du juge des référés 56

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 59

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 61

MESDAMES, MESSIEURS,

La commission des Lois, au cours de sa réunion du 16 juin 2009, s’est saisie pour avis des articles 1er, 25, 26, 27, 29, 32, 33, 34, 35, 36, 47, 48, 49 et 50 du projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. Ces articles portent sur les objectifs de l’intervention de l’État en matière de jeux d’argent et de hasard, sur la création d’une Autorité de régulation des jeux en ligne et sur le renforcement de la lutte contre les sites de jeux illégaux.

Les jeux d’argent et de hasard peuvent être définis comme les opérations permettant de faire espérer au public, en échange d’une mise, un gain ou un bénéfice dû au moins partiellement au hasard. Parmi les jeux d’argent, les paris se distinguent par le fait que le résultat de l’événement est indépendant de toute action des joueurs.

En France, depuis l’Ancien Régime, la législation pose le principe selon lequel les jeux d’argent et de hasard sont interdits. Toutefois, l’instauration de dérogations successives a permis un essor conséquent du secteur des jeux, qui représente aujourd’hui un chiffre d’affaires de près de 18 milliards d’euros, soit plus que la SNCF ! On estime que 62 % de la population joue régulièrement. Les catégories de jeux disponibles en France sont multiples, des loteries et jeux instantanés de la Française des jeux aux jeux de cartes, en passant par les machines à sous des casinos et les paris hippiques. Les places respectives du hasard pur et de l’habileté du joueur varient selon les types de jeux.

Que ce soit pour les jeux ou les paris, on distingue trois grands types de détermination des gains :

––  le système du tableau, pour lequel on gagne des lots fixés à l’avance. C’est le système des tombolas, avec des billets numérotés auxquels correspondent ou non des lots ;

––  le système de la cote ou de la contrepartie, qui rapporte au joueur un multiple de sa mise de départ, payé par l’opérateur de jeux. La roulette, par exemple, est un jeu de contrepartie. Dans les paris à la cote, le bookmaker offre une cote différente selon le joueur ou le cheval choisi par le parieur ;

––  le système du totalisateur ou de la répartition, dans lequel les différents gagnants se répartissent le montant total des enjeux, une fois prélevée la marge de l’opérateur. C’est le système du Loto, par exemple, ou de la plupart des jeux de cercle dans lesquels les joueurs s’affrontent entre eux, comme le poker. Pour les paris, on parle de « pari mutuel », par opposition aux paris à la cote.

L’apparition d’internet a provoqué des mutations importantes du secteur des jeux, en permettant l’apparition d’une offre totalement dématérialisée. Un nombre croissant de jeux a ainsi été proposé, avec une nouvelle facilité d’accès. Cette évolution met en question la politique française de régulation de ces activités, qui est fondée sur la restriction de l’offre pour des motifs d’ordre public.

I. ––  LES JEUX D’ARGENT ET DE HASARD SONT UNE ACTIVITÉ TRÈS RÉGLEMENTÉE EN RAISON DES RISQUES QU’ILS PRÉSENTENT

A. LES RISQUES LIÉS AUX JEUX D’ARGENT ET DE HASARD

Les jeux d’argent et de hasard ont longtemps eu mauvaise presse en France, pour des raisons morales ou pour des raisons d’ordre public.

1. Les risques moraux liés aux activités de jeux

Les gains liés aux jeux d’argent et de hasard ont pu, dans le passé, être considérés comme des gains « mal acquis » et, dès lors, immoraux et répréhensibles. Pour le joueur, d’une part, le jeu était associé à l’oisiveté car il permet un gain effectué sans effort. L’exposé des motifs d’une loi du 18 avril 1924 énonçait ainsi que « la loterie est dangereuse comme faisant naître l’espoir d’un gain important qui n’a pas sa source dans le travail : elle détourne de l’effort et engage à l’inaction ». Pour la personne qui organise le jeu, d’autre part, le bénéfice réalisé n’est pas issu d’une valeur économique ajoutée, mais uniquement de la collecte et de la redistribution partielle des mises des joueurs. Il était ainsi vu comme immoral de gagner de l’argent au détriment de quelqu’un d’autre par le seul fait du hasard. Cette réticence est à l’origine de la règle de « l’exception de jeu » énoncée à l’article 1965 du code civil et toujours en vigueur, selon laquelle « la loi n’accorde aucune action pour une dette de jeu ou le payement d’un pari ».

Cependant, le principal danger des jeux d’argent est surtout la ruine du joueur excessif. Une attention croissante est ainsi portée à la dépendance au jeu et aux conséquences d’une telle dépendance. Si la plupart des joueurs cherchent avant tout à se distraire, d’autres jouent de manière compulsive. Le jeu est une activité qui peut provoquer la dépendance car il permet des sensations fortes et procure du plaisir au joueur qui gagne de l’argent. Dans certains cas, il peut devenir une obsession.

Le joueur pathologique est incapable de rester longtemps sans jouer. S’il subit des pertes, il continue à jouer, voire augmente ses mises, dans l’espoir de récupérer l’argent perdu. Il en vient souvent à devoir emprunter pour jouer et se coupe progressivement de sa famille, de ses amis et de son travail. Selon les estimations de l’association SOS Joueurs, dans 15,7 % des cas, le divorce d’un joueur est directement imputable au jeu. Enfin, le jeu pathologique peut s’accompagner d’autres désordres psychologiques tels que la dépression – qui toucherait près de 80 % des joueurs dépendants –, l’alcoolisme ou le développement d’une personnalité antisociale.

Les pertes financières engendrées par le jeu peuvent inciter à commettre des délits. Selon SOS Joueurs, près de 20 % des joueurs ont ainsi commis des délits pour se procurer de l’argent, tels que des imitations de signature, des vols, des escroqueries, des détournements de fonds ou des abus de confiance. La récidive est très fréquente.

Certains types de jeux, comme les machines à sous, sont plus propices à la dépendance que d’autres. Les jeux en ligne, en particulier, présentent un risque plus élevé que les jeux traditionnels. Internet rend, en effet, les jeux en ligne accessibles 24 heures sur 24, pour un coût modique. Il est également plus commode, le joueur n’ayant pas à se déplacer, et tend à désinhiber les gros joueurs grâce à l’anonymat qu’il permet. Enfin, la multiplicité des sites de jeux existants permet au joueur de miser sans limites et à tout moment. La dépendance aux jeux en ligne peut tout particulièrement toucher les mineurs, en raison de leur utilisation fréquente d’internet et de la similitude entre ces jeux et les jeux vidéo.

2. L’utilisation des jeux par des organisations délinquantes

Les jeux d’argent qui ne sont pas régulés par l’État ou qui sont organisés de manière clandestine peuvent être mis à profit par des organisations délinquantes. Comme les casinos et les autres opérateurs de jeux brassent des sommes d’argent très importantes, ils attirent l’attention des délinquants.

a) Le blanchiment d’argent

Les jeux d’argent, en particulier les casinos, peuvent être utilisés pour blanchir l’argent tiré d’activités illégales.

D’une part, les réseaux criminels ou mafieux peuvent chercher à investir dans des casinos pour blanchir les sommes issues du trafic de drogue, de la prostitution ou d’autres activités criminelles. On peut citer la tentative de prise de contrôle du casino de Menton par la Camorra, via une société écran. Plus récemment, une information judiciaire pour blanchiment, concernant le casino d’Ajaccio, a été ouverte le 14 août 2000. Cette procédure faisait suite à un signalement de TRACFIN (Traitement du renseignement et action contre la circulation financière clandestine), qui avait repéré des retraits suspects de plus de 11 millions de francs entre 1994 et 1997. Le risque de prise de contrôle par les mafias a toutefois diminué en raison du phénomène de concentration des casinos au sein de grands groupes hôteliers et touristiques et de leur cotation en bourse.

D’autre part, de manière plus occasionnelle, il peut également être possible de blanchir de l’argent par le jeu. Ce type d’action est extrêmement risqué sans complicité du casino, puisque le joueur s’expose à perdre de l’argent et il peut facilement être repéré s’il mise de trop gros montants.

b) Le financement d’activités illégales

Les jeux d’argent peuvent, à l’inverse, être utilisés pour financer des activités illégales ou terroristes, en particulier lorsqu’il s’agit de jeux clandestins.

En France, par exemple, la police a été confrontée à la prolifération de machines à sous clandestines dans les bars. Leur nombre est évidemment difficile à estimer et va de 6 000 à 100 000. Il s’agit souvent de faux flippers ou de faux jeux vidéo qui sont transformés en machines à sous grâce à l’ajout d’un logiciel. Le joueur peut activer la machine à sous au moment nécessaire et se fait payer ses gains par le cafetier à la fin. Généralement, le placier qui a fourni la machine travaille pour un réseau de délinquance, auquel il distribue plus du tiers du montant des enjeux. Le milieu du banditisme s’intéresse beaucoup à cette activité, qui est à la fois très rentable et peu risquée, à la différence des braquages, de la prostitution ou du trafic de drogue. Elle génère, en effet, des revenus élevés avec un investissement de départ modeste. En outre, ces infractions sont très difficiles à constater. En 2002, le sénateur François Trucy estimait à 2 milliards de francs le chiffre d’affaires des machines à sous clandestines, soit presque un quart du produit brut des jeux des machines légales.

Dans la même logique, certains bars accueillent des tripots clandestins, profitant de l’incapacité de l’État à contrôler les 52 000 débits de boisson du territoire français.

3. Le souci d’assurer l’honnêteté des activités de jeux

Lorsque les activités de jeux d’argent et de hasard ne font pas l’objet d’une régulation étatique, elles peuvent servir à effectuer divers types d’escroqueries au détriment des joueurs. Ces tricheries peuvent être mises en œuvre aussi bien par le casino que par les joueurs à l’insu du casino.

L’une des tricheries classiques est le « baronnage », c’est-à-dire l’entente entre le croupier et l’un des joueurs visant à faire gagner ce dernier, qui reverse ensuite une partie de ses gains au croupier. Pour fausser le jeu au profit du « baron », le croupier dispose de plusieurs moyens : il peut pousser la mise vers une case gagnante, remplacer discrètement une plaque par une plus grosse, manipuler les cartes distribuées ou encore subtiliser des jetons que le baron changera plus tard. En France, il a quasiment disparu.

Les joueurs, quant à eux, peuvent faire preuve de collusion dans les jeux de cercle en communiquant discrètement avec un complice. Ils peuvent aussi utiliser du matériel truqué, le cas échéant en le substituant à celui du casino ou du cercle. Les techniques de triche anciennes comme le marquage des cartes sont peu à peu remplacées par l’utilisation des nouvelles technologies, comme le placement de caméras ou de téléphones portables permettant de voir les cartes distribuées par le croupier.

L’exemple français montre qu’une réglementation sévère et un strict contrôle des activités de jeux permettent de se prémunir contre de telles dérives. La législation française fait de la profession de casinotier l’une des plus contrôlées, ce qui contribue à protéger les casinos des tentatives d’infiltration et de rendre les fraudes exceptionnelles.

B. UN PRINCIPE D’INTERDICTION DES JEUX, ASSORTI DE DÉROGATIONS

Depuis le 19ème siècle, le droit français pose le principe général de l’interdiction des jeux de hasard. Le code pénal de 1810 interdisait tous les jeux de hasard et érigeait en délit le fait de tenir une maison de jeux ou d’organiser des loteries. Ce principe a été repris à l’article 1er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard.

Cette prohibition s’est accompagnée de nombreuses exceptions, qui permettent de proposer une large gamme de jeux de hasard. Toutefois, en raison de leur caractère dérogatoire au principe d’interdiction, ces jeux font l’objet :

––  soit d’un monopole, tel celui de la Française des Jeux sur les jeux de hasard ;

––  soit d’un régime d’autorisation administrative couplé à des prélèvements permettant de financer des secteurs économiques ou culturels, comme les casinos.

1. Les loteries et autres jeux de pur hasard

Les loteries sont interdites depuis la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries, qui punit la violation de cette interdiction de deux ans d’emprisonnement et de 60 000 euros d’amende. Les jeux dont le résultat dépend uniquement d’un tirage au sort, et en aucune manière de l’adresse du joueur, sont assimilés à des loteries (1).

Ce principe d’interdiction connaît plusieurs dérogations.

La loi du 21 mai 1836 autorise ainsi :

––  les loteries caritatives, si elles ont reçu une autorisation préfectorale ;

––  les lotos traditionnels tels que « poules au gibier », « rifles » ou « quines » organisés dans un cercle restreint avec des mises de moins de 20 euros ;

––  les loteries proposées dans l’enceinte de fêtes foraines.

De manière plus anecdotique, les communes peuvent depuis 1930 organiser des loteries pour acheter du matériel de lutte contre les incendies (2).

L’exception la plus importante a toutefois été la création en 1933 de la Loterie nationale, dépendant du ministère des finances, dans le but de collecter des fonds pour financer les pensions des anciens combattants (3). Sur cette base législative, les jeux de hasard relèvent aujourd’hui de la compétence d’une entreprise publique : la Française des Jeux, qui est une société anonyme dont l’État possède 72% des actions. Une partie des enjeux collectés par la Française des jeux alimente le Fonds national pour le fonctionnement du sport. Le chiffre d’affaires de la Française des Jeux avoisine les 9 milliards d’euros.

2. Les jeux de cercle

La notion de jeux de cercle regroupe plusieurs jeux dont le résultat ne dépend pas uniquement d’un tirage au sort. Ils sont, pour la plupart, pratiqués dans des établissements de jeux : les casinos, les cercles de jeux et les maisons de jeux.

Les casinos proposent des jeux d’argent ou de cercle, mais aucun jeu de commerce. Ils sont les seuls à pouvoir proposer des jeux de contrepartie et des appareils automatiques.

Les cercles et maisons de jeux, à l’inverse, pratiquent les jeux d’argent et les jeux de commerce.

a) Les casinos

Les casinos ont longtemps fait l’objet d’une prohibition absolue en France, tout en étant largement tolérés en pratique.

•  Des règles d’implantation restrictives

La possibilité d’autoriser, par dérogation, l’implantation de casinos dans les stations balnéaires et les villes d’eau remonte à 1806 (4).

Le cadre juridique actuel a été fixé par la loi du 15 juin 1907 relative aux casinos, qui a autorisé les casinos dans les communes balnéaires, thermales ou climatiques. Cette loi a été complétée en 1988 pour inclure les communes classées stations de tourisme qui constituent la ville principale d’une agglomération de plus de 500 000 habitants, sous certaines conditions (5). En application de cette législation, 350 communes environ pourraient accueillir un casino. La France est d’ailleurs le pays européen qui possède le plus grand nombre de casinos, avec 197 établissements pour un chiffre d’affaires total de 2,55 milliards d’euros.

L’implantation des casinos est subordonnée à la délivrance d’une autorisation du ministère de l’intérieur. Au préalable, le projet doit faire l’objet d’un avis favorable de la commune d’implantation. Le cahier des charges définissant les obligations du casino fait ainsi l’objet de négociations avec la commune. Il doit obligatoirement prévoir des animations, des activités culturelles, des spectacles et une restauration d’excellent niveau. Les casinos participent ainsi pour une bonne part au financement de l’animation culturelle et touristique des communes. Avant de signer le cahier des charges, la commune doit procéder à une enquête publique et respecter le droit de la concurrence.

Depuis un décret du 6 novembre 1934, les demandes d’autorisation ou de renouvellement de l’autorisation d’exploiter des jeux de casinos ou de cercles sont examinées par la Commission supérieure des jeux. Cette commission regroupe des fonctionnaires de l’État – notamment deux conseillers d’État, deux conseillers-maîtres de la Cour des comptes et deux inspecteurs des finances – et des élus, notamment un député, un sénateur, deux maires de communes classées et le président de l’Association nationale des maires de stations climatiques.

•  Des règles de fonctionnement exigeantes

Les personnels des casinos et cercles de jeux doivent recevoir un agrément du ministère de l’intérieur, délivré après enquête administrative. Cet agrément peut être retiré à tout moment. Les personnels sont en outre soumis à de nombreuses règles destinées à prévenir les fraudes. Par exemple, les vêtements des croupiers ne doivent pas comporter de poches ou de pantalons à revers.

Les casinos peuvent exploiter deux types de jeux : les jeux traditionnels et les machines à sous.

Ils comportent ainsi obligatoirement des tables de jeux traditionnels, alors même que cette activité tend à décliner. Les salles de jeux ne sont accessibles que moyennant un droit d’entrée. Elles nécessitent un personnel nombreux et expérimenté. Les règles applicables aux différents jeux sont fixées par arrêté.

Les machines à sous n’ont été autorisées qu’en 1987 (6) et ne peuvent être exploitées que dans les casinos. Elles représentent aujourd’hui la principale source de bénéfices. Les sociétés de fourniture, les sociétés de maintenance et les programmes informatiques utilisés doivent être agréés.

b) Les cercles de jeux

La loi de finances pour 1923 a prévu que des associations régies par la loi de 1901 pouvaient pratiquer des jeux de hasard (7). Les cercles de jeux doivent, pour cela, être titulaires d’une autorisation du ministère de l’intérieur, qui peut être révoquée à tout moment. Ils sont aujourd’hui régis par un décret du 5 mai 1947 et un arrêté du 15 juillet 1947 (8). Comme pour les casinos, les personnes des cercles de jeux doivent être titulaires d’un agrément du ministère de l’intérieur accordé après enquête de moralité et de compétence.

L’objet de l’association doit être social, sportif, artistique ou littéraire. Les cercles doivent donc justifier chaque année des aides apportées conformément à l’objet de l’association. La liste des bénéficiaires des dons est soumise à l’approbation du ministère de l’intérieur.

Les cercles de jeux ne peuvent pas, à la différence des casinos, proposer des jeux de contrepartie, c’est-à-dire des jeux dans lesquels le joueur affronte l’établissement et non les autres joueurs, comme la roulette, le craps ou le black jack.

Ils peuvent proposer :

––  des jeux de commerce : bridge, poker, tarot, rami etc. ;

––  certains jeux de hasard : le billard multicolore et le baccara.

Selon les jeux proposés, on distingue ainsi les cercles de jeux de hasard et les cercles de jeux de commerce.

c) Les personnes interdites de jeu

Trois catégories de personnes peuvent être interdites de jeux, ce qui leur interdit d’entrer dans un casino ou dans un cercle de jeux.

La plupart des interdits de jeu le sont à leur propre demande. À l’issue d’une enquête administrative, l’interdiction est énoncée par le ministère de l’intérieur pour une durée de cinq ans. Elle est valable dans tous les casinos de France. Le ministère de l’intérieur tient à jour un fichier électronique des interdits de jeu, de même que les casinos.

Peuvent également être interdites de jeu les personnes sous tutelle ou curatelle, à la demande de leur représentant légal, ainsi que certaines personnes faisant l’objet d’une condamnation judiciaire, à la demande du juge d’application des peines. Tel est le cas, par exemple, des clients qui se sont rendus coupables de baronnage.

Enfin, l’accès aux casinos et aux cercles de jeux est interdit aux mineurs. Si le respect de cette règle est bien assuré pour les cercles de jeux, il s’avère beaucoup plus difficile à contrôler pour les salles de machines à sous.

3. Les paris

Les paris se distinguent des jeux stricto sensu par le fait que le résultat ne dépend ni du hasard, ni de l’adresse du joueur lui-même, mais des actions d’un tiers. Les paris peuvent potentiellement porter sur un grand nombre d’activités, mais consistent surtout en paris sportifs et en paris hippiques.

Les paris sportifs sont, à l’instar des loteries, interdits en principe mais autorisés pour la seule Française des Jeux, pour toutes les disciplines sportives (9). En pratique, celle-ci propose surtout des paris sur les matches de football, comme le Loto foot, mais également quelques paris sur des matches de rugby ou de basket. Les différents jeux sont régis par un décret (10). Une partie des mises est redistribuée au Centre national de développement du sport.

Les paris hippiques, en revanche, n’entrent pas dans le champ des loteries interdites. Ils ont toutefois fait l’objet de mesures d’interdiction spécifiques. Dès la Révolution française, les courses de chevaux ont été interdites et remplacées par des divertissements ne comportant pas de paris en argent.

Le régime juridique actuel des paris hippiques est défini par la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l’autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux. Cette loi autorise les seules courses de chevaux « ayant pour but exclusif l’amélioration de la race chevaline » organisées par les sociétés de courses dont les statuts sociaux sont approuvés par le ministre de l’agriculture. La loi interdit de prendre des paris sur les courses, tout en instaurant une exception au profit du pari mutuel (11) mis en place par les sociétés de courses, moyennant un prélèvement fixe en faveur de l’élevage et des œuvres locales de bienfaisance. Dans les hippodromes, les paris sont organisés par les sociétés de courses ou par le Pari Mutuel Hippodrome (PMH), un groupement d’intérêt économique constitué par les sociétés de courses.

Les possibilités de parier sur les courses de chevaux ont été élargies par la loi du 16 avril 1930 portant fixation du budget général pour l’exercice 1930-1931, qui a autorisé l’organisation de paris hors de l’enceinte des hippodromes. Un autre groupement d’intérêt économique, le Pari Mutuel Urbain (PMU), dispose d’un monopole pour ces paris (12). Conjointement, le PMU et le PMH réalisent un chiffre d’affaires de 6,15 milliards d’euros.

Les paris hippiques organisés dans un autre cadre, notamment les paris à la cote (13), sont interdits et passibles d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 90 000 euros d’amende.

Le régime des paris sur les courses de lévriers est proche de celui des paris hippiques. Les sociétés de courses de lévriers peuvent ainsi être autorisées à organiser un pari mutuel sur les cynodromes, sous le contrôle du ministère de l’agriculture (14).

C. UN STRICT CONTRÔLE DE L’ÉTAT SUR LES OPÉRATEURS DE JEUX

1. La surveillance des opérateurs bénéficiant d’un monopole

Les monopoles de la Française des Jeux, d’une part, sur les loteries et les paris sportifs et du PMU, d’autre part, sur les paris hippiques pris hors des hippodromes facilitent le contrôle de l’État sur ces activités de jeux qui se déroulent sur l’ensemble du territoire français (15).

Habituellement, une entreprise publique bénéficie d’un monopole public lorsqu’elle est investie d’une mission de service public. Or l’offre de jeux de hasard ne saurait être considérée comme un service public. Selon la jurisprudence des juridictions administratives, l’existence d’un monopole public ne se justifie pas par la mission de service public dont seraient investis ces organismes, mais par une « nécessité impérieuse d’intérêt général » liée à la protection de l’ordre public (16).

La Française des Jeux, comme toute autre entreprise publique, fait l’objet de multiples contrôles :

––  le ministère du budget en assure la tutelle et, entre autres, fixe la répartition des mises ;

––  la présence quasi-permanente d’un contrôleur d’État ;

––  le contrôle économique et financier de l’État ;

––  le contrôle de la Cour de comptes ;

––  les vérifications de l’Inspection générale des finances.

En outre, les règlements des différents jeux de la Française des Jeux sont publiés au Journal Officiel, ce qui garantit leur transparence.

Le secteur des paris hippiques bénéficie d’une autonomie plus grande que celui des jeux de hasard mais est néanmoins très régulé par l’État.

Tout d’abord, la forme de groupement d’intérêt économique du PMU garantit un fonctionnement non lucratif et transparent de cet organisme privé.

Par ailleurs, le ministère de l’agriculture intervient largement dans ce secteur :

––  il arrête les statuts-types des sociétés de course ;

––  il agrée les sociétés-mères, dont il approuve les statuts, et les commissaires et juges de courses, après enquête du ministère de l’intérieur ;

––  il approuve leurs statuts et les courses

––  il participe à la surveillance des courses et du pari mutuel, conjointement avec la police, le Trésor et les fonctionnaires des haras.

Par ailleurs, les sociétés de courses ne peuvent délivrer les autorisations d’entraîner, de faire courir, de monter ou de conduire des attelages qu’après enquête et avis favorable du ministère de l’intérieur.

Comme pour les jeux, les règlements des courses de chevaux sont publiés au Journal Officiel.

2. La surveillance des casinos et des cercles de jeux

Les casinos font l’objet d’une surveillance policière et administrative constante, exercée par le ministère de l’intérieur et le ministère du budget.

La surveillance policière, longtemps assurée par les Renseignements généraux, relève aujourd’hui du service central des courses et jeux, au sein de la direction centrale de la police judiciaire. La surveillance porte sur le respect de la réglementation, mais également l’ambiance et la fréquentation des casinos. Concrètement, la police des jeux surveille le comportement du personnel et des joueurs, les tables de jeux, les cartes, jetons et plaques, les machines à sous, le registre d’exploitation, les versements des contributions dues à l’État et le fonctionnement des systèmes de vidéosurveillance. Cette surveillance est exercée au minimum une fois par semaine, quelquefois par des contrôles inopinés.

Le ministère du budget joue également un rôle important en matière de contrôle des casinos. La direction générale de la comptabilité publique centralise les rapports de vérification annuelle des trésoriers payeurs généraux et fait une synthèse de l’évolution du produit brut des jeux et des prélèvements publics. En outre, elle vérifie que les recettes exigibles au niveau local sont bien encaissées, le cas échéant par des contrôles effectués sur place.

Enfin, les casinos font partie des organismes soumis à l’obligation d’adresser des déclarations de soupçon de blanchiment d’argent à TRACFIN en cas de mouvement de fonds suspects. Ils doivent ainsi signaler les opérations portant sur des sommes soupçonnées d’être d’origine illicite et les opérations complexes, inhabituelles ou sans justifications économiques. Ils sont également tenus de s’assurer de l’identité des joueurs gagnant des sommes supérieures à 5 000 euros et conserver une trace des montants gagnés et des noms des gagnants pendant cinq ans.

Ces différents contrôles font de la profession de casinotier l’une des plus contrôlées au monde et ont rendu les fraudes anecdotiques. Le délit de baronnage a ainsi quasiment disparu. Quant aux machines à sous, aucun cas de fraude n’a été rapporté. Aujourd’hui, le lien entre les casinos et le crime organisé relève surtout du folklore.

Les cercles de jeux sont, comme les casinos, étroitement surveillés par la police des jeux, qui est régulièrement présente. Cette dernière contrôle les différents documents, les cagnottes, le déroulement des opérations, le comportement du personnel et les cartes et jetons utilisés. Cette présence permet d’éviter les fraudes et tricheries. En cas de faute grave commise dans un cercle de jeux, le ministre de l’intérieur peut décider la fermeture de l’établissement, pour une durée indéterminée. Pendant cette période de fermeture, l’association doit continuer à payer les charges et les salaires de son personnel, pour une durée maximale d’un an. Pour ouvrir à nouveau, elle doit déposer une demande de réouverture en prouvant qu’elle a remédié aux erreurs qui ont justifié la sanction.

3. Un régime comparable à celui de nombreux autres pays

Le modèle français de monopoles en matière de jeux de hasard est loin d’être une exception en Europe ou dans le monde.

Les limites à l’exercice des activités de jeux d’argent se retrouvent dans de nombreux autres pays. Ainsi, des systèmes de droits exclusifs existent aussi en Allemagne, en Belgique, en Italie, en Finlande ou en Suède. Ces pays considèrent, pour la plupart, que la régulation des jeux de hasard est une mesure de police et relève donc des autorités publiques. Ainsi, en Allemagne, les Länder disposent d’un monopole pour l’organisation des jeux et paris. L’organisation et la prise de paris par Internet sont interdites, de même que les casinos en ligne. En Finlande, par exemple, les différents jeux d’argent et de hasard font l’objet de trois monopoles et les loteries, les salles de jeux et les paris sont gérés par une société publique. En Suède, le secteur est dominé par une entreprise publique et l’équivalent suédois du PMU. Enfin, l’Italie exigeait de disposer d’une licence jusqu’en 2006.

On peut également citer le cas des États-Unis, où les loteries sont restées prohibées de 1872 à 1963 et où les casinos en ligne sont toujours interdits.

II. ––  UNE NÉCESSAIRE ÉVOLUTION DU CADRE JURIDIQUE DES JEUX EN LIGNE

A. UN RÉGIME JURIDIQUE TRÈS RESTRICTIF

Le droit français en matière de jeux de hasard laisse peu de possibilités de proposer des jeux par internet. En effet, les casinos comme les cercles de jeux doivent avoir une implantation physique.

Par conséquent, les seuls jeux en ligne légaux sont ceux proposés par la Française des Jeux et le PMU. La Française des Jeux, qui dispose d’un site internet depuis 1998, a proposé son premier jeu exclusivement en ligne en 2001 : il s’agissait d’une loterie appelée Abracadabra. De même, le PMU permet de parier en ligne sur son site internet jusqu’à trois minutes avant le début de la course. Aujourd’hui, le chiffre d’affaires de ces deux opérateurs réalisé en ligne avoisine le milliard d’euros. Il n’a cessé de progresser depuis 2001, tandis que le chiffre d’affaires réalisé hors ligne a plutôt stagné.

Les autres opérateurs qui proposent des jeux en ligne sans autorisation sont passibles des mêmes peines que pour l’organisation de jeux clandestins classiques :

––  trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende pour la tenue d’une maison de jeu ;

––  deux ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende pour l’organisation d’une loterie non autorisée ;

––  trois ans d’emprisonnement et 90 000 euros d’amende pour la réception de paris sur les courses de chevaux.

La loi n° 2007-297 du 2 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a complété ces dispositions en instaurant des moyens de lutte spécifiques contre les jeux en ligne.

D’une part, elle a instauré une obligation pour les hébergeurs de sites internet et les fournisseurs d’accès à internet de mettre en place des dispositifs d’information à destination des internautes. Les prestataires doivent ainsi signaler aux internautes les sites de jeux déclarés illégaux par le ministère de l’intérieur, concrètement en dressant une liste des sites interdits. Ils sont également tenus d’informer leurs abonnés des risques qu’ils encourent en jouant sur des sites non autorisés. Le non-respect de l’une de ces obligations est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

D’autre part, la loi de prévention de la délinquance a créé un mécanisme de blocage des flux financiers provenant d’activités de jeux illégales. Comme il est souvent difficile d’appliquer les sanctions pénales prévues par la loi française à des sites domiciliés à l’étranger, il a été choisi de viser les intérêts financiers des personnes se situant dans l’illégalité. Cette solution s’inspire des méthodes retenues en matière de lutte contre le terrorisme.

Le blocage est une procédure administrative. Une décision conjointe des ministres de l’intérieur et des finances peut ainsi bloquer les flux financiers provenant des personnes physiques ou morales qui organisent des activités de jeux, pour une durée de six mois renouvelable. Les établissements financiers sont tenus de respecter l’interdiction de tout mouvement ou transfert de fonds. Concrètement, cela empêche les opérateurs de jeux de payer les gains des joueurs français. Comme il s’agit d’un simple gel des fonds concernés, et non d’une saisie, cette mesure ne porte pas atteinte aux libertés individuelles et ne requiert donc pas l’intervention de l’autorité judiciaire. Le fait d’empêcher le paiement des gains était censé être très dissuasif pour les joueurs. Toutefois, l’efficacité d’une telle mesure doit être relativisée car certains opérateurs parviennent à la contourner en changeant fréquemment de comptes bancaires.

Enfin, la loi a renforcé les sanctions pénales encourues en cas de publicité pour des activités de jeu illégales. Elle a ainsi fixé à 30 000 euros le montant de l’amende encourue, le tribunal pouvant porter ce montant au quadruple du montant des dépenses publicitaires consacrées à l’opération illégale. Avant cette loi, la publicité en faveur d’une loterie non autorisée était passible d’une amende de 4 500 euros, tandis que la publicité en faveur d’autres jeux d’argent ou de hasard non autorisés ne faisait pas l’objet d’une incrimination spécifique.

Le renforcement de l’arsenal législatif s’est accompagné de la création d’outils opérationnels dédiés aux jeux en ligne. Ainsi, dès 2000, le ministère de l’intérieur a mis en place un service de veille sur internet afin d’empêcher l’implantation de sites illégaux sur le territoire français. Par ailleurs, la création de la plate-forme PHAROS permet aux internautes de signaler les infractions commises sur internet.

B. LA NÉCESSITÉ DE DÉTOURNER LES JOUEURS DES JEUX ILLÉGAUX

1. Une offre de jeux en ligne qui continue à se développer

Bien qu’ils soient interdits dans la majorité des États, les jeux en ligne n’ont cessé de proliférer depuis le début des années 2000.

Dès 2002, M. François Trucy recensait, dans son rapport sur les jeux de hasard et d’argent en France (17), près de 1 400 sites internet de casinos payants et autant de cyberloteries et de sites de paris en ligne, pour un chiffre d’affaires total de 2,2 milliards de dollars par an. En 2000, 21,6 % des internautes français, soit 1,25 million de personnes, déclaraient s’être connectés à des sites de jeux d’argent. Deux années plus tard, on estimait à 2 millions le nombre de Français qui se rendaient chaque mois sur des sites de jeux d’argent.

Aujourd’hui, selon les informations communiquées à votre rapporteur, la police aurait identifié 4 000 à 5 000 sites de jeux en ligne actifs vis-à-vis du public français. Les activités illégales représenteraient un chiffre d’affaires annuel estimé à 2,5 ou 3 milliards d’euros, soit près du triple du chiffre d’affaires de la Française des Jeux et du PMU pour les jeux en ligne.

Ces sites illégaux regroupent :

––  des cyberloteries, comme Bananalotto ;

––  des cybercasinos, qui proposent des jeux qui sont la copie conforme des jeux pratiqués dans les casinos : roulette, machines à sous, poker, baccara… On peut citer le cybercasino lancé par le groupe Partouche en 2002 et hébergé à Gibraltar, mais les sites implantés dans des paradis fiscaux dominent ;

––  des sites de paris sportifs, qui représentent à eux seuls plusieurs milliers de sites dans le monde, dont des opérateurs comme Unibet, Bwin ou BetClic ;

2. Les problèmes présentés par les sites illégaux

En premier lieu, les sites illégaux ne présentent pas les mêmes garanties de transparence, d’honnêteté et de fiabilité que les opérateurs de jeu légaux et régulés par l’État.

Les arnaques sur internet au détriment des joueurs sont nombreuses. Dans son rapport pour 2007, le service central de prévention de la corruption a identifié les manipulations frauduleuses les plus connues :

––  les sites mouvants. Les propriétaires du site incitent les joueurs à miser, notamment sur des paris sportifs, puis clôturent le site avant d’avoir à payer les gains. Ils utilisent souvent des contrefaçons de jeux connus ;

––  le refus de paiement des gains, en prétextant un montant ou un délai minimum pour qu’ils soient versés, ce qui incite le joueur à rejouer ;

––  l’affichage de faux taux de redistribution aux joueurs, éventuellement attesté par un faux certificat d’audit ;

––  la manipulation des logiciels pour faire perdre ou gagner des joueurs. Dans un jeu de cercle, par exemple, un joueur peut se retrouver à jouer contre un ordinateur au lieu d’autres joueurs. La manipulation des logiciels peut être le fait du site, mais également d’un joueur qui a réussi un « hacking », par exemple pour voir les cartes des autres ;

Ces fraudes sont en pleine expansion car leur répression est difficile. Les joueurs spoliés agissent rarement en justice et il n’est pas facile d’identifier la juridiction compétente pour faire valoir ses droits lorsqu’il s’agit d’un site étranger.

Les sites hébergés en dehors de l’Union européenne ne protègent pas toujours les données personnelles des joueurs. De nombreux sites de jeux ont développé une stratégie commerciale d’utilisation de ces données. Au moment de son inscription, le joueur doit fournir une série de renseignements, parmi lesquels son nom, son sexe, son âge, son adresse électronique et ses centres d’intérêts. Les listings comprenant ces informations sont ensuite revendus à des sociétés de marketing qui les utilisent pour faire de la prospection commerciale, voire à des spammeurs ou à des gestionnaires de sites pornographiques. Certaines cyberloteries « gratuites » se financent exclusivement de cette façon. De manière plus préoccupante, la sécurité des coordonnées bancaires communiquées par le joueur pour alimenter son compte n’est pas toujours assurée. Ces coordonnées peuvent être soit revendues, soit volées.

La plupart des sites illégaux, par ailleurs, ne se préoccupent pas d’éviter l’accès des mineurs aux jeux en ligne ou de prévenir le jeu pathologique, alors même que l’usage d’internet accroît le risque de dépendance.

Les jeux sur Internet offrent plus de facilités à la criminalité en matière de blanchiment ou de fraude fiscale, notamment car internet permet de commettre très rapidement des délits dans plusieurs États. Il est assez facile, sur internet, d’utiliser des sociétés prête-noms installées offshore. Lorsque les sites sont installés dans des pays non contrôlables, il est quasiment impossible de repérer une activité de blanchiment car on ignore le nom des investisseurs et il n’existe plus de traces des sommes issues d’activités illégales. En outre, les cybercasinos rendent plus facile la distribution d’argent à des joueurs complices, qui est devenue quasiment impossible dans les casinos français. Les cybercasinos sont rarement soumis aux mêmes règles que les casinos en matière d’identification des joueurs et de déclaration de soupçon.

En deuxième lieu, l’expansion des jeux sur internet fragilise le financement des activités culturelles et sportives qu’assurent la Française des Jeux, le PMU et les casinos. Les jeux en ligne représentent une concurrence redoutable pour les casinos français et, par conséquent, menacent les recettes publiques tirées des activités légales de jeux. Les sites étrangers ne sont pas, en effet, soumis aux mêmes contraintes que les opérateurs nationaux en matière de réglementation, de contrôle et de fiscalité. Contrairement aux casinos, ils ne contribuent pas à l’animation culturelle et touristique de leur ville. Ils n’ont pas non plus les mêmes effets d’entraînement sur le secteur de l’hôtellerie. Le même phénomène se retrouve avec les paris en ligne qui font concurrence au système français des courses de chevaux, lequel contribue au financement de toute la filière hippique.

Enfin, le montant très élevé des paris sportifs fait peser des risques sur l’éthique des diverses compétitions sportives. Des mafias utilisent depuis longtemps la corruption des joueurs pour truquer des matches et ainsi fausser les paris. Internet a permis une mondialisation de ce phénomène, qui touche un nombre croissant de sports, parmi lesquels le football ou le tennis. En outre, ces manipulations sont plus difficilement repérables si les paris portent sur des compétitions se déroulant dans un autre pays.

Les sommes en jeu sont considérables. À titre d’illustration, en 2007, le tournoi de tennis BNP Paribas Masters de Bercy, dont le chiffre d’affaires est de 10 millions d’euros et le total des primes versées aux joueurs de 2 millions d’euros, a généré un volume total de paris de près de 500 millions d’euros. En outre, certains types de paris présents sur internet sont plus propices à la fraude que les paris plus classiques proposés par la Française des Jeux. Le spread betting, par exemple, consiste à parier sur le nombre d’actions au cours d’une rencontre sportive, et non sur le résultat de celle-ci.

Par ailleurs, ces paris remettent en cause les droits d’exploitation des organisateurs de mouvements sportifs. Ceux-ci ont engagé une quinzaine de procédures judiciaires au cours des dernières années, avec un succès inégal.

3. Les limites de l’application de la loi pénale française

Les jeux d’argent et de hasard ne sont pas le premier domaine dans lequel on constate que l’usage d’internet permet de mettre en échec l’application de la loi française.

Les sociétés de jeux en ligne installées dans des États tiers peuvent théoriquement faire l’objet de poursuites pénales en France. En vertu de la théorie dite de l’ubiquité prévue par l’article 113-2 du code pénal, une infraction est réputée commise sur le territoire français dès lors qu’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire. Il suffit donc qu’une personne parie, en France, sur un site hébergé à l’étranger pour engager des poursuites pénales à l’encontre de ce site. Ces poursuites se heurtent cependant à plusieurs obstacles.

Tout d’abord, le repérage des sites illégaux peut être empêché par l’utilisation de « rerouteurs-anonymiseurs » qui permettent de dissimuler l’émetteur d’informations sur un site. Les serveurs sont ainsi localisés dans un autre pays que celui où ils sont réellement situés. Les sites se livrant à des activités illégales changent fréquemment d’hébergeur pour brouiller les pistes.

Ensuite, même en identifiant les responsables du site, les poursuites peuvent être ineffectives si le site est hébergé à l’étranger. Quelquefois, les opérateurs utilisent une société off shore, administrée par des prête-noms, pour gérer le site à moindre coût et sans risque légal. Aucune extradition n’est possible si l’État d’hébergement du site ne connaît pas de délit de jeux clandestins ou s’il n’a pas signé de traité d’extradition avec la France. Tel est le cas, par exemple, des sites établis à Antigua, aux Bermudes ou à la Grenade.

Le caractère mondial de l’activité des sites de jeux est très problématique au regard de la nécessaire régulation de ce secteur.

Dans ce contexte, il convient de s’interroger sur la possibilité de maintenir une interdiction totale des jeux en ligne, à l’exception de ceux proposés par le PMU et la Française des Jeux. Le fait que les sites illégaux prolifèrent malgré leur caractère illégal et le manque de garanties pour les joueurs remet en question la pertinence du cadre juridique français. Les jeux de hasard sont encadrés de manière très rigoureuse afin de rationner l’offre de jeux et, par conséquent, la consommation de jeu. En réalité, la demande de jeux est plus importante que l’offre légale ainsi restreinte.

La France est ainsi confrontée à une alternative :

––  soit elle maintient le principe de l’interdiction totale, assorti éventuellement de poursuites à l’encontre des joueurs, à défaut de pouvoir sanctionner les opérateurs. Aujourd’hui, les joueurs ne sont passibles d’aucune peine, sauf pour les paris hippiques (18) ;

––  soit elle développe une offre régulée et responsable de jeux en ligne pour détourner les joueurs des sites qui ne présentent pas les mêmes garanties de transparence.

Le Gouvernement n’ayant pas souhaité s’engager dans la voie de la pénalisation du jeu en ligne, la seconde solution semble préférable, notamment au vu des expériences étrangères.

Les États-Unis, par exemple, ont maintenu l’interdiction des sites de jeux en ligne, mais la loi est contournée par les sites installés aux Bahamas ou aux Bermudes. Les jeux en ligne ont ainsi atteint une grande ampleur sur le territoire américain en dépit de leur interdiction.

Certains États, comme le Royaume-Uni ou Malte, ont constaté qu’une interdiction totale était difficilement respectée et ont jugé préférable d’autoriser les jeux en ligne, tout en les réglementant. Cette stratégie leur permettait, d’une part, de développer une activité très lucrative sur leur territoire et, d’autre part, de dissuader les internautes d’aller sur des sites illégaux en leur proposant une offre équivalente légale et plus sûre. À Malte, les jeux et les paris en ligne ont ainsi fait l’objet d’une réglementation dès 2001. Le Royaume-Uni les a autorisés par un Gambling Act de 2005, qui est entré en vigueur en 2007.

C. L’ÉVOLUTION DU DROIT COMMUNAUTAIRE

Dans un premier temps, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a reconnu la spécificité des activités de jeux en ligne et a laissé une marge d’appréciation importante aux États pour réguler ce secteur. Toutefois, depuis 2003, sa jurisprudence s’est infléchie dans un sens plus favorable à l’ouverture à la concurrence de ce secteur.

1. La reconnaissance d’une large marge d’appréciation des États en matière de jeux d’argent et de hasard

L’offre de jeux constitue une activité de prestations de services. L’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne garantit donc la libre prestation à l’intérieur de l’Union, sous réserve des restrictions « justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique » (19).

Dans un premier temps, la CJCE a considéré que le secteur des jeux d’argent présente un caractère particulier car il touche à l’ordre public. Elle a donc admis la licéité des monopoles publics, par dérogation au principe de libre prestation des services.

Dans un arrêt Schindler du 24 mars 1994, relatif aux loteries (20), elle a ainsi relevé plusieurs éléments justifiant de déroger au principe de libre prestation des services :

––  la réticence généralisée à l’égard des jeux d’argent. Dans tous les États membres, des « considérations d’ordre moral, religieux ou culturel » limitent, voire interdisent, la pratique des jeux d’argent et « tendent à éviter qu’ils soient une source de profit individuel » ;

––  la prévention de la criminalité. « Compte tenu de l’importance des sommes qu’elles permettent de collecter et des gains qu’elles peuvent offrir aux joueurs, surtout lorsqu’elles sont organisées à grande échelle, les loteries comportent des risques élevés de délit et de fraude » ;

––  la protection des consommateurs contre une activité entraînant un préjudice financier. Les loteries constituent, en effet, « une incitation à la dépense qui peut avoir des conséquences individuelles et sociales dommageables » ;

––  le fait que « les loteries peuvent participer, de manière significative, au financement d’activités désintéressées ou d’intérêt général telles que les œuvres sociales, les œuvres caritatives, le sport ou la culture » (21).

Ces particularités des jeux d’argent et de hasard justifient, pour la CJCE, le laisser aux États « un pouvoir d’appréciation suffisant pour déterminer les exigences que comportent la protection des joueurs et, plus généralement, compte tenu des particularités socioculturelles de chaque État membre, la protection de l’ordre social, tant en ce qui concerne les modalités d’organisation des loteries, le volume de leurs enjeux, que l’affectation des profits qu’elles dégagent. Dans ces conditions, il leur revient d’apprécier, non seulement s’il est nécessaire de restreindre les activités des loteries, mais aussi de les interdire, sous réserve que ces restrictions ne soient pas discriminatoires ».

Cette jurisprudence a, par la suite, été étendue aux machines à sous et aux paris sportifs. À cette occasion, la CJCE a pu préciser sa jurisprudence.

Elle a ainsi indiqué que les restrictions à la libre prestation de services doivent être motivées par d’« impérieuses raisons d’intérêt général » et proportionnées à l’objectif poursuivi. Sous cette réserve, les États disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour décider de quels jeux doivent être interdits ou limités sur leur territoire. La CJCE a admis, par exemple, qu’une législation puisse accorder des droits exclusifs d’exploitation de machines à sous à un seul organisme public (22). Les raisons possibles pour limiter les jeux d’argent doivent tenir à l’ordre public, à la sécurité publique ou à la santé publique et doivent être liées au souci de « limiter l’exploitation de la passion des êtres humains pour le jeu, d’éviter les risques de délit et de fraudes qui en résultent et de n’autoriser que les activités contribuant au financement d’œuvres de bienfaisance ou de causes désintéressées ».

Les institutions communautaires, suivant une logique comparable, ont refusé de libéraliser les jeux d’argent à l’occasion des diverses directives relatives au marché intérieur. Les activités de jeux d’argent ont ainsi été explicitement exclues du champ d’application des directives relatives aux services (23) et au commerce électronique (24).

2. Une évolution en faveur d’une libéralisation des jeux d’argent

a) L’inflexion de la jurisprudence de la CJCE

Deux arrêts récents de la CJCE ont montré une inflexion de la jurisprudence communautaire vers une appréciation plus sévère des restrictions aux activités de jeux de hasard.

Dans un arrêt Gambelli du 6 novembre 2003 (25), la CJCE a opéré un contrôle strict de la proportionnalité des mesures mises en place par les États au regard des objectifs d’intérêt général invoqués. Elle a notamment considéré que les États membres n’étaient fondés à limiter l’offre de jeux émanant d’autres États que s’ils ont mis en place une « politique de canalisation du jeu cohérente et systématique », tendant à réduire véritablement les occasions de jeu. En revanche, ils ne peuvent le faire s’ils laissent leurs opérateurs nationaux mener une politique active de développement du jeu.

Cette nouvelle orientation de la CJCE a été confirmée par l’arrêt Placanica du 6 mars 2007 (26), qui portait sur les paris sportifs en Italie. La CJCE juge licite d’introduire un système de licence obligatoire pour éviter la criminalité, mais a rejeté la possibilité de réserver ces licences à certains types d’opérateurs (27). Dans ce contexte, elle a jugé disproportionnée l’application de sanctions pénales à des opérateurs à qui il était impossible d’accomplir les formalités requises puisque le système d’octroi de licence était discriminatoire et violait le droit communautaire.

La CJCE n’a pas pour autant consacré de principe de reconnaissance mutuelle des opérateurs reconnus dans les autres États membres.

b) Les conséquences sur le cadre juridique français

À la suite de l’arrêt Gambelli, onze États membres de l’Union européenne, dont la France, se sont vus adresser un avis motivé ou une mise en demeure de la Commission européenne.

La France a ainsi fait l’objet d’un avis motivé en date du 27 juin 2007 portant sur les paris sportifs et les paris hippiques. La Commission européenne a notamment jugé incompatible avec le droit communautaire le fait que la législation française interdit à tout opérateur de « prouver que les contrôles auxquels il est astreint dans son État d’établissement garantissent une protection équivalente à celle exigée par les autorités nationales ».

Indépendamment de cette procédure, les évolutions de la jurisprudence communautaire ont eu un impact direct sur les contentieux engagés en France par des opérateurs de jeux. La Cour de cassation a ainsi cassé un arrêt de la cour d’appel de Paris ayant obligé la société maltaise Zeturf à mettre fin à son activité de collecte de paris hippiques, qui portait atteinte au droit exclusif réservé au PMU (28).

Ces évolutions ont généré la plus grande confusion sur le droit applicable en France. La douzaine de procédures judiciaires engagées contre les sites de jeux en ligne se sont enlisées dans des questions préjudicielles sur l’interprétation du droit communautaire et n’ont pas encore pu aboutir à des décisions définitives. Cette situation est évidemment très insatisfaisante, puisqu’elle permet le développement d’un marché de fait des jeux en ligne qui ne fait l’objet d’aucun encadrement juridique par la loi française. La mise en place d’une régulation apparaît donc comme une urgence.

III. ––  LE PROJET DE LOI PROCÈDE À UNE LIBÉRALISATION LIMITÉE ET CONTRÔLÉE DES JEUX D’ARGENT ET DE HASARD

A. UNE OUVERTURE LIMITÉE À CERTAINS JEUX EN LIGNE

Comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi, l’orientation choisie pour mettre le droit français en conformité avec le droit communautaire et mieux réguler les jeux en ligne a été de « procéder à une ouverture à la concurrence maîtrisée de certains secteurs du marché des jeux en ligne », cohérente avec la politique française traditionnelle de maîtrise du volume de l’offre de jeux.

L’article premier du projet de loi énonce les grands principes de cette ouverture à la concurrence.

Il rappelle tout d’abord les justifications des restrictions à l’offre de jeux en ligne, qui sont celles admises par la jurisprudence communautaire :

––  la prévention de l’addiction, en particulier chez les mineurs ;

––  la nécessité d’assurer l’intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu ;

––  la prévention des activités frauduleuses.

Le projet de loi limite l’ouverture à certains types de jeux, en fonction de deux critères : il sélectionne les jeux qui sont les moins risqués au regard des objectifs d’ordre public susmentionnés, ainsi que les jeux pour lesquels existe la plus forte demande.

En premier lieu, l’ouverture à la concurrence prévue par le présent projet de loi se limite aux jeux et paris en ligne. La Française des Jeux ou le PMU conservent donc leur monopole de la collecte des jeux et paris par leur réseau de points de vente, notamment les buralistes et les diffuseurs de presse. De même, les casinos et cercles de jeux restent soumis aux règles d’installation en vigueur. Un assouplissement des restrictions actuelles aux jeux d’argent hors ligne n’apparaît pas nécessaire compte tenu de la stagnation, voire du déclin, du chiffre d’affaires généré par ces jeux. L’offre apparaît suffisante dans ce domaine.

En deuxième lieu, s’agissant des jeux en ligne, le projet de loi n’autorise que les jeux qui remplissent deux critères : ils doivent faire appel au savoir-faire des joueurs et faire intervenir plusieurs joueurs. Concrètement, il s’agit des jeux de cercle fonctionnant selon le principe de la répartition, comme le poker en ligne, qui rencontre déjà un fort succès chez les internautes français. En revanche, restent interdits les jeux de pur hasard, comme les cyberloteries et les machines à sous virtuelles, ainsi que les jeux de contrepartie comme la roulette ou le black jack. Ces jeux rencontrent une demande moindre et présentent des risques d’addiction plus élevés, notamment les jeux de pur hasard (29). En outre, les jeux de contrepartie peuvent être plus exposés au risque de fraude, puisque l’opérateur a intérêt à voir perdre les joueurs pour maximiser ses gains.

Enfin, s’agissant des paris, l’article premier ouvre à la concurrence aussi bien les paris hippiques que les paris sportifs en ligne. Les modalités de ces paris sont toutefois encadrées par le chapitre II du projet de loi. Pour les paris hippiques, seul le système du pari mutuel est autorisé, conformément à la tradition française, partagée par de nombreux autres pays. Pour les paris sportifs, le pari à la cote est autorisé car il constitue la forme de pari la plus répandue. Toutefois, les paris ne pourront concerner que certaines compétitions sportives et devront porter uniquement sur le résultat de la compétition.

B. L’INSTITUTION D’UNE AUTORITÉ DE RÉGULATION DES JEUX EN LIGNE

Le chapitre VI du projet de loi crée une nouvelle autorité administrative indépendante chargée de la régulation des jeux en ligne.

1. Un dispositif inspiré par les exemples étrangers

De nombreux États européens se sont dotés d’un organe de contrôle spécifique en matière de jeux d’argent et de hasard, chargé d’appliquer la politique des jeux et de surveiller les différents opérateurs.

Au Royaume-Uni, le Gambling Act de 2005 a ainsi créé un établissement public autonome chargé de réguler l’ensemble du secteur des jeux d’argent et des paris. Elle doit ainsi prévenir la délinquance, s’assurer de la transparence et du caractère équitable des jeux et protéger les personnes les plus fragiles. La Gambling Commission fixe les conditions d’attribution de licences aux différents opérateurs de jeux, ces licences étant ensuite octroyées par les autorités locales. Elle peut également sanctionner les opérateurs qui ne respectent pas leurs obligations en matière de prévention du blanchiment, d’information des joueurs sur le jeu responsable, de lutte contre l’addiction au jeu et d’interdiction du jeu des mineurs. Les sanctions vont de l’amende à la révocation de la licence.

À Malte, la Lotteries and Gaming Authority est également chargée du contrôle du secteur des jeux d’argent autorisés. Elle assure le contrôle de l’âge des joueurs, de l’identité des actionnaires des entreprises de jeux et de la fiabilité des matériels utilisés, notamment au moyen de contrôles inopinés. Les jeux en ligne, par exemple, font l’objet de vérifications toutes les cinq secondes, de jour comme de nuit.

En Italie, les loteries et jeux étrangers doivent avoir été autorisés par l’Agence autonome du monopole d’État (AAMS). Cette agence est chargée de la régulation des jeux et paris dans leur ensemble, en assurant l’édiction de normes réglementaires et en accordant les autorisations aux opérateurs. Elle fixe notamment les moyens par lesquels les jeux en ligne illégaux doivent être empêchés et établit la liste des sites de jeux dont l’accès doit être interdit aux internautes italiens.

2. Le projet d’une Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL)

L’autorité de régulation prévue par le présent projet de loi est compétente exclusivement en matière de jeux et paris en ligne, les autres acteurs restant contrôlés directement par les ministères de l’intérieur, du budget et de l’agriculture. Ses attributions portent aussi bien sur le contrôle des jeux autorisés que sur la lutte contre les jeux non autorisés.

S’agissant des jeux autorisés, l’article 25 dispose que l’ARJEL fixe les exigences techniques applicables aux plates-formes et aux logiciels de jeux, ainsi que les paramètres techniques des jeux proposés. Elle définit, après avis du ministre chargé des sports, les catégories de compétitions sportives sur lesquels les paris sont possibles. Elle édicte les règles de contrôle technique et financier des jeux et paris. Elle peut également encadrer le recours à la publicité et à la prospection commerciale pour protéger les mineurs et lutter contre l’addiction.

L’ARJEL instruit les demandes d’agrément et délivre les agréments aux opérateurs de jeux en ligne, sur la base d’un cahier des charges défini par décret. Elle assure également le contrôle de ces opérateurs en se faisant communiquer les données relatives aux joueurs et aux opérations de jeu (article 29). Elle peut être saisie par les joueurs d’une demande de conciliation lorsqu’un litige les oppose à un opérateur (article 32). Elle dispose d’agents assermentés qui peuvent être habilités à mener des enquêtes administratives et à se faire communiquer toute information nécessaire. Lorsque ces agents relèvent un manquement de l’opérateur à ses obligations, ils établissent un procès-verbal (article 34).

L’ARJEL dispose enfin d’un pouvoir de sanction des opérateurs qui ne respectent pas leurs obligations. L’article 35 lui permet ainsi, après une mise en demeure restée sans effet, d’infliger à un opérateur un avertissement, une réduction de la durée de l’agrément, une suspension ou un retrait de l’agrément, ainsi que des sanctions pécuniaires. Ces sanctions administratives ne sont pas exclusives de sanctions pénales lorsque les manquements de l’opérateur constituent des infractions, le président de l’ARJEL devant alors informer le procureur de la République (article 36).

La composition de l’ARJEL est prévue par l’article 26 du projet de loi. Le collège de l’ARJEL comprend sept membres nommés pour six ans, dont trois membres nommés par décret, deux membres nommés par le président de l’Assemblée nationale et deux membres nommés par le président du Sénat. Il est assisté d’une commission consultative, qui regroupe des représentants des opérateurs, du mouvement sportif et des sociétés de courses, ainsi que de commissions spécialisées. La procédure de sanction relève d’une commission des sanctions composée d’un membre du Conseil d’État, d’un membre de la Cour de cassation et d’un membre de la Cour des comptes, nommés pour cinq ans (article 33).

Pour assurer l’impartialité des décisions prises par l’ARJEL, les membres comme les agents de celle-ci sont soumis à un dispositif de prévention des conflits d’intérêts prévu à l’article 27. Il leur est interdit de participer à des jeux ou à des paris en ligne. En outre, les membres de l’ARJEL doivent effectuer une déclaration d’intérêts et se déporter lorsqu’une affaire concerne un membre de leur entourage ou une entreprise avec laquelle ils ont eu des liens au cours des deux années précédant la décision. Leur fonction est incompatible avec tout mandat électif national et avec l’exercice d’activités économiques et financières dans le secteur des jeux de hasard.

Afin de permettre que la nouvelle autorité soit opérationnelle le plus rapidement possible, une mission de préfiguration présidée par M. Jean-François Vilotte a été constituée dès le mois d’avril 2009. Cette mission a formé des groupes de travail avec les différents acteurs concernés – les opérateurs de jeux en ligne, le mouvement sportif, les acteurs en matière de lutte contre l’addiction – afin de vérifier l’applicabilité du projet de loi. Elle a également travaillé de concert avec les services de l’État pour préparer les textes d’application de la future loi. Enfin, elle a engagé une réflexion sur l’organisation interne de la future ARJEL, en particulier ses ressources humaines et ses systèmes informatiques. Grâce à ce travail préparatoire, l’ARJEL pourra instruire les premières demandes d’agrément dès que les textes réglementaires seront publiés.

C. LE RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LES JEUX ILLÉGAUX

Le chapitre VIII du projet de loi tend à renforcer l’efficacité de la répression de l’offre illégale de jeux d’argent et de hasard.

Les articles 47 et 48 définissent les peines encourues en cas d’offre de jeux en ligne non autorisée et en cas de publicité pour de tels jeux. Ces peines s’appliquent à la totalité des jeux d’argent et de hasard et viennent ainsi compléter les peines prévues par les différentes lois relatives aux jeux de hasard, aux loteries, aux paris hippiques et aux casinos.

L’article 49 facilite la recherche de preuves de l’offre de jeux illégale ou de la publicité pour de tels jeux en permettant à des policiers de participer à des jeux illégaux sous pseudonyme pour les besoins de l’enquête. Ces « cyberpatrouilleurs » pourront, sans engager leur responsabilité pénale, participer à des sessions de jeu et récupérer des données permettant d’identifier les auteurs de l’infraction. Pour les infractions commises en ligne, en effet, il est souvent difficile de réunir des preuves par les moyens classiques. Ce nouveau dispositif d’enquête permettra de prouver plus facilement l’existence de délits d’offre de jeux non autorisés grâce à des recherches menées elles aussi en ligne. Il devrait également faciliter l’identification du lieu d’émission réel du site, et ainsi les personnes responsables de celui-ci.

Enfin, l’article 50 permet au ministère public et à l’ARJEL de saisir le juge des référés d’une demande de blocage d’un site internet proposant des jeux en ligne sans agrément. Pour l’ARJEL, la saisine du juge est subordonnée à une mise en demeure préalable de l’opérateur restée sans effet. Le juge pourra ordonner à l’hébergeur du site ou aux fournisseurs d’accès à internet de bloquer l’accès au site pour les internautes français. Ceux-ci seront ainsi incités à se tourner vers l’offre légale.

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EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine pour avis les articles 1er, 25 à 27, 29, 32 à 36 et 47 à 50 du projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne au cours de sa séance du mercredi 15 juillet 2009.

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale a lieu.

Mme Aurélie Filippetti. Nous examinons ce texte dans l’urgence, sans savoir s’il sera examiné au cours de la session extraordinaire de septembre, ni si la commission des Affaires culturelles sera saisie pour avis, comme elle le souhaite.

Face à la multiplication des sites illégaux – dont on estime les gains à 2 milliards d’euros par an –, le Gouvernement choisit d’ouvrir en partie le secteur des jeux d’argent à la concurrence. Ce texte est le fruit d’un choix politique, et il ne répond en rien à une contrainte imposée par la Commission européenne ou par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. En Europe, seules la Grande-Bretagne et Malte ont fait le choix de la dérégulation ; l’Italie et l’Allemagne lui préfèrent un système mixte, basé sur un monopole et des autorisations, alors que la Finlande et la Suède ont adopté un système uniquement fondé sur un monopole. Si la Commission européenne est favorable à une libéralisation totale, la jurisprudence de la Cour de justice est beaucoup plus nuancée et laisse une large part à l’appréciation de chacun des États membres.

L’enjeu financier des jeux en ligne est considérable. D’ailleurs, les entreprises du secteur – casinos, médias, sociétés de divertissement, opérateurs de téléphonie mobile et d’Internet – se sont engouffrées dans la brèche. Elles ont d’ores et déjà engagé des partenariats et lancé de vastes opérations publicitaires sur les radios et télévisions alors même que, tant que la loi n’est pas adoptée, la Française des Jeux et le PMU conservent leur monopole. Le peu d’empressement du Gouvernement à rappeler à l’ordre les contrevenants ne laisse pas de nous étonner, mais nous espérons que les opérateurs ayant adopté un comportement condamnable ne bénéficieront pas d’une amnistie générale.

Les options que propose ce texte comportent de nombreux risques. L’ouverture présentée comme partielle ne résistera pas longtemps à la pression des opérateurs en ligne. Sur ce point, la jurisprudence de la CJCE est très claire : elle autorise les monopoles. Mais je crains que la ligne de défense de la France, qui repose sur l’encadrement de l’offre de jeu, ne soit mise à mal au regard du principe de libre prestation de services, aucune distinction n’existant entre les prestations en ligne et les prestations physiques. C’est bien l’existence d’organismes contrôlés par l’État qui est en cause et, si nous ouvrons une brèche pour les jeux en ligne, c’est toute la digue qui cédera.

Cette ouverture à la concurrence pose en outre un problème de santé publique, car il est à craindre qu’elle n’empêchera pas la prolifération des sites illégaux, contre lesquels nous n’avons pas les moyens techniques de lutter, pas plus qu’elle ne résoudra le problème pressant de l’addiction aux jeux. La France, jusqu’à présent, a réussi à limiter les sommes consacrées par chaque citoyen aux jeux d’argent. S’agissant des courses hippiques, l’enjeu moyen annuel atteint 140 euros en France, contre 245 euros en Grande-Bretagne et plus de 500 euros en Irlande. L’extension de l’offre des jeux sur Internet risque d’encourager les comportements d’addiction et d’augmenter la part consacrée par les Français aux jeux d’argent. Est-ce notre rôle d’encourager un tel phénomène ?

Par ailleurs, comment comptez-vous encadrer la publicité de ces jeux, sachant que les opérateurs sont pressés de s’engager sur ce marché très prometteur ?

Vous confiez à l’ARJEL la mission d’assécher l’offre illégale. De quels moyens disposera-t-elle pour mener à bien cette mission ?

Les paris à cote fixe étaient jusqu’alors interdits en France. Afin de limiter l’incitation aux jeux, le projet de loi encadre la part des mises reversées aux joueurs. Sachant que plus la redistribution aux gagnants est élevée, plus l’incitation à jouer est forte, il aurait été opportun de maintenir l’interdiction des paris à cote, qui risquent d’encourager les escroqueries, comme les paris arrangés, les matchs truqués, voire le blanchiment d’argent.

Enfin, l’ouverture à la concurrence pose des problèmes d’ordre public. En effet, si les nouveaux opérateurs européens affichent une certaine honorabilité, de nombreux scandales ont éclaté en Italie et au Royaume-Uni. Comment comptez-vous prévenir de telles dérives ?

Pour toutes ces raisons, mes collègues du groupe socialiste et moi-même sommes extrêmement réservés vis-à-vis de ce texte.

M. Jean-Jacques Urvoas. Ce que je reproche au projet de loi, c’est qu’il crée une nouvelle autorité administrative indépendante. Le Parlement en crée une par an…

M. le président Jean-Luc Warsmann. Seulement les mauvaises années !

M. Jean-Jacques Urvoas. À chaque problème, nous répondons par la création d’une autorité administrative indépendante. Or, de telles institutions contribuent à déposséder le Parlement de son pouvoir de contrôle car, une fois créées, elles ne rendent de comptes à personne, et nous ne savons rien de leur financement. Un président de commission a récemment exprimé le souhait, lors de la discussion budgétaire, de connaître le montant des dépenses indues générées par les autorités indépendantes…

M. le président Jean-Luc Warsmann. Et une sénatrice socialiste a rédigé un rapport sur cette question !

M. Jean-Jacques Urvoas. Le comité Balladur lui-même avait envisagé de regrouper les autorités indépendantes, lors de la création du « défenseur des droits ».

M. Olivier Dussopt. L’examen de ce projet de loi est pour le moins précipité, et il me semble que le Gouvernement se réfère plus volontiers aux recommandations d’un commissaire qu’à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, laquelle, certes, manque de clarté. S’il n’est pas certain, comme le suggère le rapporteur, que la législation française satisfasse à ses recommandations, le contraire ne l’est pas non plus.

Ce texte présente de nombreux risques : il sera inefficace face aux sites illégaux, faute de moyens de contrôle efficaces. De plus, le procédé retenu pour attribuer un agrément est tellement complexe qu’il risque de dissuader ceux qui souhaitent créer un site légal. Par ailleurs, le développement de sites de paris met en danger la filière équine, que le PMU finance à hauteur de 80 %.

S’il faut absolument créer une autorité administrative indépendante, encore faut-il lui donner les moyens d’être parfaitement efficace. Or, ce texte ne les lui donne pas. Que répondra-t-elle aux opérateurs qui voudront étendre le dispositif aux paris « en dur » ? Pourra-t-elle les empêcher de contester, au nom de la liberté d’entreprendre, le taux de retour des mises ?

Enfin, bien qu’il s’oppose au principe de reconnaissance mutuelle pour les opérateurs titulaires d’une licence dans un autre pays européen, ce texte n’empêchera pas les opérateurs d’engager un recours pour faire valoir ce principe, faute de doter l’autorité administrative indépendante des outils nécessaires.

M. Jérôme Lambert. Certes, la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Le marché des jeux en ligne est à l’origine de graves dérives, criminelles et délictuelles, et pose de nombreux problèmes, dont l’addiction au jeu. Pour autant, faut-il une législation d’interdiction ou une législation de renforcement des contrôles ? Je suis, pour ma part, favorable à une réglementation, mais le texte qui nous est soumis est-il de nature à répondre à nos attentes ?

La libéralisation du secteur des jeux a de quoi inquiéter. Sans briser le monopole existant, ce texte crée une offre nouvelle. Les joueurs auront toujours accès à des sites interdits mais, grâce à ce texte, les plus avisés d’entre eux choisiront des sites sécurisés.

Les autres pays d’Europe ont-ils assoupli leur législation en matière de jeux en ligne ? L’autorisation a-t-elle entraîné une évolution des pratiques de jeu ? Je souhaite non pas que les Français jouent davantage, mais qu’ils jouent de façon plus sécurisée et, à cet égard, le projet de loi va dans le bon sens.

M. Dominique Raimbourg. Je regrette que ce texte se contente de réguler un marché existant au lieu d’instaurer un nouveau modèle économique. Dans la mesure où la jurisprudence de la CJCE n’interdit pas la mise en place d’un monopole d’État, pourquoi ne pas confier ce monopole à la Française des Jeux, qui aurait pu ainsi réguler le marché, freiner l’offre de jeu et récupérer des fonds publics, au lieu de créer une autorité administrative ?

M. Philippe Gosselin. Le système actuel n’étant pas satisfaisant, il convenait de rechercher un nouvel équilibre, et ce texte y parvient pour une large part. Je suis toutefois inquiet quant à l’avenir de la filière équine, qui représente plusieurs dizaines de milliers d’emplois en France, dont 8 000 en Basse-Normandie. Je m’associe à tous ceux qui regrettent la création d’une nouvelle autorité administrative indépendante, d’une part pour le coût important qu’elle ne manquera pas de générer et, d’autre part, parce qu’elle dessaisit l’État et le Parlement de leurs prérogatives.

M. Abdoulatifou Aly. Le principe qui prévaut à Mayotte est l’interdiction des jeux de hasard et des paris. Je crains que ce texte n’ouvre une brèche.

M. Claude Goasguen. Le sport subit actuellement de profonds changements. Les rémunérations des sportifs, fortement médiatisées, constituent de véritables abus. J’ai peur que la mise en place de paris sportifs à grande échelle ne contribue à dénaturer le caractère déjà extrêmement vénal de certains sports et à augmenter plus encore les rémunérations des joueurs. Des dispositions spécifiques devraient être prises par le ministère des sports, car le texte qui nous est soumis ne lève en rien l’ambiguïté.

M. François Vannson. J’attire votre attention sur la situation des petits casinos, qui jouent un rôle important en termes d’aménagement du territoire, notamment dans les stations classées et les communes touristiques. Les quarante petits casinos qui existent dans notre pays représentent un chiffre d’affaires total de 100 millions d’euros, quand le casino d’Enghien réalise, à lui seul, un chiffre d’affaires de 150 millions d’euros ! Des dispositifs sont à l’étude, notamment en faveur des jeux de table, mais ceux-ci ne sont pratiqués que dans les gros casinos. Les petits casinos traversent une période difficile, et la profession souhaite que les communes et l’État leur concèdent des abattements. Il y va de l’avenir de ces structures et des emplois qu’elles représentent.

Mme Delphine Batho. En complément de la question de Dominique Raimbourg, je voudrais évoquer les intérêts économiques très puissants qui semblent en jeu. En effet, ce texte paraît attendu avec beaucoup d’impatience par certains opérateurs. Je pense notamment à l’un d’entre eux, lié à une grande chaîne de télévision. Quelle urgence y a-t-il à légiférer ? J’aimerais entendre le rapporteur à ce propos, la presse ayant cité en particulier des entreprises qui ont des liens personnels avec le Chef de l’État.

M. le rapporteur. Monsieur Aly, en France le principe est que le jeu est interdit. Le code civil ne permet d’ailleurs pas d’action civile sur les dettes de jeu. Le jeu n’est autorisé que par exception ; il est organisé dans le cadre de la Française des Jeux, du PMU et des casinos, lesquels doivent obtenir une autorisation, donnée après avis de la Commission supérieure des jeux, et sont surveillés par la police des jeux. Le projet ne change pas le principe : le jeu demeure interdit sauf exception.

Monsieur Goasguen, je partage votre sentiment. En sortant un peu du cadre de notre saisine pour avis, qui concerne essentiellement l’ARJEL, je voudrais évoquer des chiffres cités à l’occasion des auditions : en 2007, le tournoi de tennis BNP Paribas Masters de Bercy a donné lieu à un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros, dont 2 millions ont été versés aux joueurs à titre de primes ; le volume total des paris a atteint le montant beaucoup plus considérable de 500 millions d’euros. Peut-on interdire cela ? Je ne le crois pas. En revanche, et Jean-François Lamour fera des propositions à ce sujet, la question est de savoir comment opérer sur ces paris un prélèvement au profit de l’activité sportive.

Monsieur Vannson, les gérants des casinos « en dur » se demandent en effet si l’ouverture des jeux en ligne va entraîner une nouvelle diminution du chiffre d’affaires. Nos collègues saisis au fond envisagent de déposer un amendement permettant d’effectuer un prélèvement complémentaire sur les paris en ligne aux fins de redistribution aux casinos sur la base d’une clé de répartition liée au chiffre d’affaires.

Pour répondre à Mme Batho et à M. Raimbourg, je rappellerai qu’en 2007 onze États ont reçu de la Commission européenne un avis motivé ou une mise en demeure. La France a reçu le 27 juin 2007 un avis motivé portant sur les paris sportifs et les paris hippiques. La Commission y estime « incompatible avec le droit communautaire » le fait que la législation française interdise à tout opérateur « de prouver que les contrôles auxquels il est astreint dans son État d’établissement garantissent une protection équivalente à celle exigée par les autorités nationales ». Autrement dit, on ne peut arguer devant une juridiction du fait que l’on a mis en place un dispositif de protection conforme aux exigences françaises. C’est la raison pour laquelle, dans toutes les procédures de poursuites contre des sites illégaux, des questions préjudicielles ont été posées et, à ma connaissance, on n’a pas réussi à sanctionner des sociétés, y compris françaises, qui avaient ouvert à Malte ou à Gibraltar des sites illégaux.

Plutôt que de rester dans le flou, alors que les jeux en ligne connaissent un développement considérable, le Gouvernement nous propose tout à la fois d’autoriser et de contrôler. Constituer un monopole au motif qu’il serait protecteur, monsieur Raimbourg, nous exposerait à l’arrivée en France de concurrents européens affirmant qu’ils appliquent les mêmes règles.

Le Parlement sera-t-il dépossédé du contrôle ? Non car, selon l’article 26 du projet de loi, sur les sept membres que comptera l’ARJEL, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat en désigneront l’un et l’autre deux, « à raison de leur compétence économique, juridique et technique ». Le contrôle de l’activité de jeux en ligne ayant un caractère extrêmement technique, il faut pour l’exercer des personnes spécialisées. Les services de police nous ont d’ailleurs dit qu’il était particulièrement difficile de surveiller les sites, car il s’en crée toujours de nouveaux, mais qu’on peut plus facilement surveiller les flux financiers.

Des dispositifs analogues existent en Italie et à Malte. Ils deviennent de plus en plus opérants.

Quant aux paris à cote, les articles 1er, 2 et 3 en délimitent précisément le champ. Ils sont réservés aux paris sportifs. Pour le secteur hippique, on en reste au pari mutuel.

L’ARJEL sera-t-elle un outil efficace ? Le texte vise en tout cas à lui en donner les moyens, y compris celui de faire intervenir des « cyberpatrouilleurs » qui se feront passer pour des joueurs afin de repérer les sites illégaux. Elle pourra contrôler les comptes et, surtout, elle aura pour obligation, chaque fois que seront organisés des paris en ligne, de donner son avis sur le règlement. Il me semble donc que tous les moyens imaginables lui sont conférés pour exercer sa mission de surveillance, mais je suis ouvert à toute idée complémentaire.

M. Claude Goasguen. Je ne comprends pas que la Commission des lois n’ait pas été saisie au fond, ce texte ayant un objet fondamentalement juridique puisqu’il s’agit de la régulation d’un secteur clé de l’économie.

Je m’inquiète beaucoup du temps qui s’écoulera entre le travail de notre collègue Lamour et le vote du projet de loi. En ce qui concerne son article 7, il me paraît relever de la loi, et non de décisions réglementaires du ministère des sports, de contrôler le système des paris sportifs. J’espère que l’on prendra les précautions nécessaires dans le cadre de l’article 88 du Règlement car je sais, pour être particulièrement concerné dans ma circonscription, que les sommes en cause sont colossales. Les enjeux sont beaucoup trop importants pour en dessaisir le Parlement.

Mme Sandrine Mazetier. En Italie, le système de régulation a-t-il permis l’émergence de nouveaux opérateurs ou n’a-t-il fait que préserver ceux qui existaient déjà ?

M. Michel Hunault. Actuellement, le PMU et les sociétés de courses qui organisent les courses support sont liés dans un groupement d’intérêt économique (GIE). Pour aller dans le sens de notre collègue Goasguen, il me semble que la Commission des lois aurait pu s’interroger sur cette structure juridique. Ne vaudrait-il pas mieux la remettre en cause et différencier les intérêts de ses membres ?

Par ailleurs, pour avoir travaillé ces dernières années sur les dispositifs anti-blanchiment, nous savons que les paris en ligne sont l’occasion d’un recyclage de l’argent sale et qu’il est très difficile de bien connaître tant l’opération que le client. Pourrait-on, dans l’avis qui va être formulé au nom de la Commission des lois, mettre l’accent sur l’exigence de traçabilité ?

M. Jérôme Lambert. Je renouvelle la question que j’ai posée tout à l’heure : la légalisation de l’offre dans certains pays de l’Union européenne a-t-elle eu pour conséquence l’augmentation des sommes jouées ou un transfert vers les sites autorisés ?

M. le rapporteur. On ne peut pas répondre à cette dernière question. Les jeux en ligne se développent, notamment sur des sites illégaux, et nous sommes convaincus que cette activité va continuer à se développer sur la toile ; mais il n’est pas possible de déterminer l’effet de la légalisation et d’une surveillance accrue.

Je ne peux pas davantage répondre en ce qui concerne l’expérience italienne. On peut seulement dire que les Italiens se sont dotés d’un outil de surveillance qui apparaît opérant puisqu’il permet de fermer des sites et d’interrompre des connexions.

Monsieur Hunault, nous avons auditionné les responsables du PMU, dont la demande était double : d’une part, ils ne voulaient pas de paris à cote en matière de courses hippiques ; d’autre part, ils souhaitaient que la mécanique de retour à la filière hippique ne pâtisse pas de ce texte. Ils semblent avoir satisfaction, mais ces dispositions ne relèvent pas de la Commission des lois. Nous verrons si un amendement sur le GIE est envisagé dans le cadre de l’article 88.

En ce qui concerne la traçabilité, je le répète, nous donnons des moyens de surveillance à l’ARJEL. Les services de police que nous avons entendus ont insisté sur la nécessité pour eux de pouvoir s’appuyer sur une structure dédiée, tant la question est technique. Ils semblaient donc satisfaits mais, si certains ont des améliorations à proposer, j’y suis très ouvert.

M. le président Jean-Luc Warsmann. La réunion dans le cadre de l’article 88 sera celle de la commission des Finances, qui est la commission saisie au fond.

M. Claude Goasguen. Pourquoi est-ce la commission des Finances ?

M. le président Jean-Luc Warsmann. C’est à elle que la présidence de l’Assemblée a renvoyé le texte. Pour notre part, nous nous sommes saisis pour avis d’un assez grand nombre d’articles. La seule autre solution aurait été de créer une commission spéciale, mais il est trop tard pour la demander.

M. Claude Goasguen. Elle n’aurait sans doute pas été inutile. Je suis très inquiet au sujet des paris sportifs.

La Commission passe à l’examen des articles dont elle est saisie pour avis.

EXAMEN DES ARTICLES

Chapitre Premier

Dispositions relatives à l’ensemble du secteur des jeux d’argent et de hasard

Article premier

Objectifs de la régulation des jeux d’argent et de hasard par l’État

Cet article définit les objectifs de l’intervention de l’État dans le secteur des jeux d’argent et de hasard et expose les motifs pour lesquels l’offre de tels jeux est soumise à un régime d’autorisation. Il s’applique aussi bien jeux d’argent et de hasard traditionnels qu’aux jeux en ligne.

1. Les objectifs de l’intervention de l’État (I)

L’article premier fait référence aux risques d’atteinte à l’ordre public et à l’ordre social générés par les jeux d’argent et de hasard. Pour limiter ces risques, le paragraphe I de cet article assigne trois objectifs à l’État.

En premier lieu, l’État doit « prévenir les phénomènes d’addiction et protéger les mineurs ». Il convient de protéger les joueurs et tout particulièrement les populations les plus vulnérables. Cela concerne aussi bien les jeux proposés par des opérateurs privés que les jeux proposés par l’État, tels ceux de la Française des Jeux. Pour ces derniers, la prise de conscience de la nécessité d’une politique de prévention de l’addition est relativement récente. L’État a longtemps estimé que le modèle économique de la Française des Jeux, qui repose sur des mises de faible montant, était suffisamment protecteur pour les joueurs. Depuis plusieurs années, cependant, une politique de promotion du jeu responsable a été initiée. Il convient de rappeler que ce n’est que depuis le 1er juillet 2007 que l’ensemble des jeux de la Française des Jeux est interdit aux mineurs (30).

En deuxième lieu, l’État doit « assurer l’intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu ». Les joueurs doivent être protégés de toute escroquerie ou manœuvre malhonnête quand ils ont recours aux jeux proposés ou agréés par l’État. C’est cette assurance qui devrait permettre de détourner les joueurs des sites illégaux, en particulier certains sites peu scrupuleux installés dans des sites off shore.

Enfin, l’État doit « prévenir les activités frauduleuses ou criminelles et le blanchiment d’argent ». Comme cela a précédemment été exposé, les activités de jeux d’argent sont souvent utilisées par des réseaux criminels ou de délinquance organisée pour collecter des fonds facilement ou pour blanchir de l’argent provenant d’activités illégales.

Pour atteindre ces objectifs, l’État intervient afin de limiter l’offre et la consommation de jeux et contrôle l’exploitation des jeux autorisés.

2. La réglementation de l’offre de jeux d’argent et de hasard (II)

Pour les raisons précédemment évoquées, l’exploitation de jeux d’argents et de hasard est soumise à un régime de droits exclusifs délivrés par l’État, en application du paragraphe II. L’offre de tels jeux doit donc être autorisée par l’État, soit de manière globale, soit de manière individuelle.

Parmi les jeux d’argent et de hasard, certains sont ainsi soumis à un régime d’agrément individuel de chaque opérateur :

––  les paris en ligne, aussi bien les paris sportifs que les paris hippiques ;

––  les jeux qui font appel au savoir-faire des joueurs et qui font intervenir plusieurs joueurs.

La notion de « savoir-faire » désigne les jeux de cercle, par opposition aux loteries et jeux assimilés.

L’exigence de l’intervention de plusieurs joueurs limite le champ de l’ouverture aux jeux fonctionnant selon le principe de la répartition, c’est-à-dire dans lesquels les joueurs jouent les uns contre les autres. En revanche, les jeux de cercle dits « de contrepartie », dans lesquels les joueurs jouent contre l’opérateur, ne peuvent pas recevoir un agrément. Ces jeux présentent, en effet, un risque plus élevé de fraude puisque l’opérateur gagne lorsque le joueur perd. En outre, ils génèrent un volume total de pertes des joueurs plus élevé.

Ces dispositions prévoyant un régime d’agrément, et donc une ouverture à la concurrence, ne sont pas applicables :

––  aux purs jeux de hasards comme les loteries, dont le résultat dépend uniquement d’un tirage au sort ;

––  aux paris sportifs ou hippiques hors paris en ligne.

Les monopoles de la Française des Jeux et du PMU sont donc maintenus, à l’exclusion des paris sportifs et hippiques en ligne.

L’exposé des motifs du projet de loi indique que le Gouvernement instituera par décret un comité consultatif des jeux (CCJ) qui centralisera les informations en provenance des autorités de contrôle et des opérateurs de jeux. Ce comité assistera l’État pour la conduite de ses politiques de prévention de l’addiction et de protection des joueurs.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er sans modification.

Chapitre VI

L’autorité de régulation des jeux en ligne

Ce chapitre détaille la composition, les compétences et le fonctionnement de la future autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL).

Article 25

Compétences de l’ARJEL

L’article 25 définit l’ARJEL comme une autorité administrative indépendante et énumère ses missions. L’ARJEL se voit attribuer des compétences étendues, avec une mission consultative mais également un pouvoir d’autorisation, un pouvoir réglementaire et un pouvoir de contrôle.

Le paragraphe I énonce les missions consultatives de l’ARJEL auprès du Gouvernement. L’ARJEL est ainsi chargée de veiller au respect des objectifs de la politique des jeux accessibles par l’Internet, notamment au vu des objectifs énoncés à l’article 1er du présent projet de loi : la protection des joueurs contre l’addiction, la sécurité des jeux et la lutte contre les activités criminelles.

À cette fin, l’ARJEL peut être consultée par le Gouvernement sur tout projet de texte, législatif ou réglementaire, relatif aux jeux en ligne. Il ne s’agit pas d’une consultation obligatoire, mais laissée au choix du Gouvernement.

L’ARJEL dispose également d’un pouvoir de proposition au Gouvernement :

––  elle peut proposer des modifications législatives ou réglementaires. Ces propositions pourraient être présentées dans un rapport annuel adressé au Gouvernement et au Parlement ;

––  elle peut proposer des clauses de cahiers des charges pour les agréments.

Le paragraphe II attribue à l’ARJEL la compétence pour instruire les dossiers de demande d’agrément des opérateurs de jeux en ligne et pour délivrer ces agréments. Il est précisé qu’elle doit avoir pour but d’assurer les objectifs énoncés à l’article 1er.

Le paragraphe III est relatif au pouvoir réglementaire de l’ARJEL.

L’ARJEL fixe elle-même les caractéristiques techniques des plateformes et des logiciels de jeux, en application des textes réglementaires qui définissent les règles techniques applicables aux jeux et paris et les conditions de recueil du consentement des joueurs. Elle fixe également les règles de contrôle des données techniques et financières de chaque jeu ou pari en ligne.

Sur la base de ces règles, elle homologue les logiciels de jeu utilisés par les opérateurs et approuve le règlement de chaque jeu. En cas de non-conformité du règlement d’un jeu, elle peut adresser une mise en demeure à l’opérateur.

Enfin, elle supervise le processus de certification des opérateurs. En application de l’article 17 du projet de loi, la liste des organismes délivrant une certification aux opérateurs après vérification du respect de la réglementation et du cahier des charges est établie par décret pris après avis de l’ARJEL. En pratique, l’établissement de cette liste sera précédé d’un appel à la concurrence auprès des différents organismes d’audit et de contrôle des pays membres de l’Union européenne. Le présent article précise que l’ARJEL s’assure de la qualité des certifications délivrées et peut proposer au Gouvernement de modifier la liste des organismes certificateurs. Pour exercer cette supervision, l’ARJEL se verra communiquer les rapports établis par les organismes certificateurs sur les opérateurs de jeux et pourra entendre ces organismes.

Les paragraphes IV à VI détaillent le pouvoir de contrôle de l’ARJEL sur les opérateurs de jeux en ligne.

Le paragraphe IV prévoit une évaluation des actions de prévention de l’addiction au jeu mises en place par les opérateurs. L’ARJEL peut adresser à ceux-ci des recommandations. Elle peut également prendre des mesures impératives en matière de publicité et d’offres commerciales :

––  elle peut interdire la publicité pour les jeux en ligne dans certains médias où à certaines heures à la télévision ;

––  elle peut imposer l’insertion de messages de mises en garde contre les risques d’addition dans les publicités ;

––  elle peut limiter les offres commerciales qui prévoient l’octroi d’une gratification aux joueurs, notamment pour les inscriptions.

Le paragraphe V confie à l’ARJEL la surveillance des jeux et paris en ligne, que ceux-ci soient agréés ou illégaux. À cette occasion, elle participe à la lutte contre la fraude et contre l’offre non autorisée de jeux en ligne. Elle peut également conclure des conventions avec les autorités de régulation des jeux d’autres États européens pour échanger les résultats de ces contrôles. L’ARJEL pourra ainsi participer aux réunions du Gaming Regulators European Forum (GREF), qui est l’association des régulateurs de jeux. Installé à La Haye, le GREF rassemble les représentants de 28 États.

Enfin, le paragraphe VI dispose que l’ARJEL contrôle la conformité des comptes fournis par les opérateurs. Ce contrôle permettra notamment de s’assurer du respect par les opérateurs de certaines obligations posées par le projet de loi, telles que la limitation de l’alimentation des comptes joueurs, le plafonnement des mises, le plafonnement du taux de redistribution aux joueurs ou encore l’obligation de comptabilités séparées selon les licences.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 25 sans modification.

Article 26

Composition de l’ARJEL

Cet article définit la structure et la composition de l’ARJEL, ainsi que les conditions de nomination de ses membres.

Le paragraphe I indique que l’ARJEL se compose d’un collège, qui exerce la plupart des missions dévolues à l’ARJEL, ainsi que d’une commission des sanctions, d’une commission consultative et, le cas échéant, de commissions spécialisées.

1. Le collège

Le collège de l’ARJEL exerce les attributions confiées à l’ARJEL, à l’exception des décisions relatives aux sanctions et des compétences déléguées au président (31).

Le paragraphe II du présent article dispose que le collège est composé de sept membres :

––  trois membres, dont le président, nommés par décret ;

––  deux membres nommés par le président de l’Assemblée nationale ;

––  deux membres nommés par le président du Sénat.

Les quatre membres nommés par les présidents des assemblées parlementaires doivent être désignés « à raison de leur compétence économique, juridique et technique ».

Comme pour les autres autorités administratives indépendantes, la nomination du président de l’ARJEL devrait intervenir après consultation des commissions permanentes des assemblées parlementaires, en application à l’article 13 de la Constitution. Cette procédure devra être prévue par une loi organique.

Le poste de président est considéré comme un emploi public. Ainsi, le président est soumis aux mêmes règles d’incompatibilité que les agents publics. Il ne peut donc cumuler son activité avec une activité privée lucrative. Par ailleurs, si le président est un fonctionnaire, cet emploi lui ouvre droit à pension dans le régime de la fonction publique.

La durée des mandats est de six ans. Le mandat de président n’est pas renouvelable. Les autres membres sont renouvelés par moitié tous les trois ans et leur mandat est renouvelable une fois. Si un siège autre que celui du président est vacant, il est pourvu pour le reste de la durée du mandat. Si le remplacement a duré moins de deux ans, il n’est pas pris en compte pour l’application de la règle de renouvellement du mandat.

2. Les commissions

Le pouvoir de l’ARJEL en matière de sanctions est confié à une commission des sanctions en application des articles 33, 35 et 36 du projet de loi.

En outre, le paragraphe III du présent article prévoit que l’ARJEL comprend une commission consultative. Cette commission est composée de représentants des opérateurs de jeux agréés, des sociétés mères de courses hippiques et des représentants institutionnels du monde du sport. Ces membres sont nommés par le collège de l’ARJEL, qui peut consulter cette commission pour préparer ses décisions. Sa consultation sera particulièrement nécessaire pour déterminer la liste des événements sportifs pouvant donner lieu à des paris ou pour établir les modalités de prévention des conflits d’intérêts des opérateurs proposant des paris sportifs à cote fixe.

Le paragraphe IV permet enfin au collège de l’ARJEL de créer des commissions spécialisées comprenant des personnalités qualifiées, dans des conditions fixées par décret. Des commissions spécialisées pourraient être consacrées, par exemple, à la lutte contre l’addiction ou à l’encadrement de la publicité pour les jeux.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 26 sans modification.

Article 27

Prévention des conflits d’intérêts et déontologie
des membres et des personnels de l’ARJEL

Cet article fixe les règles déontologiques applicables aux membres de l’ARJEL.

Le paragraphe I établit une procédure de déclaration d’intérêts des membres de l’ARJEL. Ils doivent ainsi déclarer les intérêts détenus, les activités économiques et financières et les mandats détenus au sein de personnes morales au cours des deux années précédant leur nomination. Ces informations sont mises à la disposition de l’ensemble des membres.

Les paragraphes II et III définissent un dispositif de prévention des conflits d’intérêts applicable aussi bien aux membres qu’aux personnels employés par l’ARJEL.

Tout d’abord, le mandat de membre de l’ARJEL est incompatible avec un mandat électif national et avec toute activité économique exercée dans le secteur des jeux d’argent ou de hasard.

Ensuite, les membres de l’ARJEL doivent se déporter lorsque l’ARJEL est saisie d’une affaire dans laquelle lui-même, son entourage direct ou une personne morale à laquelle il a été lié a un intérêt ou a représenté une partie intéressée.

Les membres comme les personnels de l’ARJEL ne peuvent pas participer à des jeux ou paris en ligne, directement ou par personne interposée.

Le règlement intérieur de l’ARJEL complétera ce dispositif de prévention des conflits d’intérêts, pour éviter que les personnels de l’ARJEL n’aient d’intérêts financiers ou personnels dans le secteur des jeux.

Le paragraphe IV prévoit que les membres comme les personnels de l’ARJEL sont soumis au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont eu connaissance en raison de leurs fonctions, ce secret n’étant toutefois pas opposable à l’autorité judiciaire.

La violation du secret professionnel est passible de sanctions pénales. L’article 226-13 du code pénal punit ainsi la révélation d’informations secrètes d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Une condamnation pénale devenue définitive entraîne la cessation d’office des fonctions au sein de l’ARJEL.

Le paragraphe V confie au président de l’ARJEL le soin de prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect des obligations et interdictions imposées aux membres et personnels de l’ARJEL.

Par ailleurs, comme les personnels de l’ARJEL seront des agents publics, ils seront soumis au dispositif de contrôle déontologique des prises illégales d’intérêts, qui évite que les agents chargés d’instruire les demandes de licences puissent avoir une seconde carrière dans les entreprises qu’ils ont contrôlées. Ils seront ainsi soumis à un délai minimal de trois ans avant de pouvoir intégrer une entreprise avec laquelle ils étaient en relations professionnelles (32). S’ils souhaitent intégrer une entreprise privée, ils devront, en outre, se soumettre au contrôle préalable de la commission de déontologie de la fonction publique.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 27 sans modification.

Article 29

Contrôle des opérateurs de jeux agréés

Cet article prévoit que l’ARJEL exerce un contrôle permanent sur les opérateurs agréés, qui doivent lui mettre à disposition une série d’informations.

Les opérateurs agréés doivent ainsi mettre à disposition des données portant sur les joueurs et les opérations de jeu effectuées. Plus précisément, l’ARJEL a accès aux données concernant l’identité du joueur, son adresse, son adresse IP (33) et son compte bancaire, ainsi qu’aux données relatives aux opérations de jeux et de paris. Ces dispositions supposent l’existence de traitements automatisés de données à caractère personnel, au sens de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Les traitements mis en place par les opérateurs et, le cas échéant, par l’ARJEL, doivent donc faire l’objet d’une déclaration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Les opérateurs doivent également mettre à la disposition de l’ARJEL les données portant sur les événements relatifs à l’évolution et la maintenance des matériels, plateformes et logiciels de jeu utilisés. Comme tous ces outils doivent être approuvés au préalable par l’ARJEL, celle-ci doit en suivre l’utilisation pour vérifier que leur usage a été conforme aux prescriptions.

La mise à disposition de ces données doit être permanente. Les opérateurs doivent donc tenir à jour en temps réel leurs bases de données rendues accessibles ou transmises à l’ARJEL. La mission de préfiguration de l’ARJEL travaille actuellement à définir les modalités techniques permettant l’accès direct de l’ARJEL et l’extraction des données pertinentes. Il s’agit d’un chantier technique compliqué, notamment parce que le droit communautaire interdit d’imposer aux opérateurs d’établir leur site en France. Il faudra s’assurer que la création d’une interface entre le système d’information de l’ARJEL et les systèmes d’information des opérateurs permet une communication exhaustive des données et ne génère pas de fuites, eu égard au caractère sensible des données en cause, notamment les coordonnées bancaires des joueurs. S’agissant de l’extraction des données, celle-ci devra faire l’objet de la création d’un traitement de données personnelles déclaré à la CNIL.

La liste des données collectées et les modalités techniques de stockage et de transmission de ces données sont fixées par décret en Conseil d’État. Ce décret peut également imposer aux opérateurs de transmettre, outre les données brutes, des données agrégées par type de jeu, pour faciliter le contrôle de l’ARJEL. Concrètement, il est probable que l’ARJEL demandera aux opérateurs de lui transmettre des données agrégées selon un rythme annuel ou biannuel. Comme les données concernées sont des données personnelles, il serait souhaitable que le décret soit pris après avis de la CNIL.

Les modalités des contrôles effectués par l’ARJEL à partir des données recueillies auprès des opérateurs sont également fixées par décret en Conseil d’État. La communication des données relatives aux joueurs et aux opérations de jeux permettra notamment à l’ARJEL de vérifier que les opérateurs respectent le plafonnement du taux de redistribution aux joueurs. L’accès aux informations relatives aux différentes opérations de jeu permettra, quant à lui, de détecter d’éventuelles anomalies liées à des fraudes.

*

* *

La Commission examine l’amendement CL 2 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je vous propose que la CNIL soit consultée sur le décret relatif à l’accès de l’ARJEL aux données personnelles des joueurs et aux données concernant les opérations de jeux.

La Commission adopte l’amendement CL 2.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 29 ainsi modifié.

Article 32

Conciliation en cas de litige entre un joueur et un opérateur

Cet article permet aux joueurs de saisir l’ARJEL d’une demande de conciliation lorsqu’un litige les oppose à un opérateur de jeux agréé.

Cette saisine est une simple faculté offerte aux joueurs qui souhaitent bénéficier d’une procédure plus simple et moins coûteuse qu’une procédure judiciaire. Elle ne constitue absolument pas un recours préalable obligatoire avant de saisir le juge ou une dérivation des contentieux de droit de la consommation vers l’ARJEL. D’ailleurs, la saisine de l’ARJEL aux fins de conciliation n’est ouverte qu’aux joueurs, et non aux opérateurs de jeu.

L’intérêt de cette procédure est de permettre aux joueurs de signaler à l’ARJEL d’éventuels manquements des opérateurs à leurs obligations législatives ou réglementaires. L’ARJEL pourra alors enjoindre aux opérateurs de se conformer à ces règles et, le cas échéant, leur infliger une sanction disciplinaire. Cela facilitera son travail de contrôle des opérateurs.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 32 sans modification.

Article 33

Commission des sanctions

Cet article définit la composition de la commission des sanctions au sein de l’ARJEL.

Compte tenu de ses attributions contentieuses, la commission des sanctions est composée exclusivement de membres de juridictions. Elle comprend ainsi un membre du Conseil d’État, un membre de la Cour de cassation et un membre de la Cour des comptes, désignés respectivement par le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes. Le président de la commission des sanctions est désigné par décret.

L’appartenance à la commission des sanctions est incompatible avec la qualité de membre du collège de l’ARJEL.

Les membres de la commission des sanctions sont nommés pour une durée de cinq ans et leur mandat est renouvelable une fois. En cas de vacance d’un siège, le membre absent est remplacé pour la durée du mandat restant à courir. Comme pour le collège de l’ARJEL, un remplacement d’une durée inférieure à deux ans n’est pas pris en compte pour la règle de renouvellement du mandat. Les modalités de renouvellement des membres de la commission sont fixées par décret en Conseil d’État. Ce décret pourra déroger, pour le premier renouvellement, à la règle selon laquelle le mandat ne peut être renouvelé qu’une fois. Cela permettra de remplacer les membres de la commission de manière échelonnée, pour assurer la continuité des travaux.

Ces règles de nomination des membres de la commission des sanctions garantissent leur indépendance et, dès lors, le respect des règles constitutionnelles en matière de composition des autorités administratives pouvant prononcer des sanctions. Dans une décision de 1989, le Conseil constitutionnel a ainsi jugé qu’une désignation par des autorités indépendantes et une durée fixe de mandat constituaient des garanties suffisantes d’indépendance (34).

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL 3 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement précise que les trois membres de la commission des sanctions de l’ARJEL sont désignés en leur sein par le Conseil d’État, la Cour de cassation et la Cour des comptes.

La Commission adopte l’amendement CL 3.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 33 ainsi modifié.

Article 34

Pouvoirs d’enquête de l’ARJEL

Cet article permet à l’ARJEL de se faire communiquer les informations nécessaires à l’accomplissement de ses missions et de mener des enquêtes administratives.

En premier lieu, l’ARJEL a accès à toutes les informations nécessaires à l’exercice de ses missions. Le paragraphe I lui permet de recueillir ces informations auprès des ministères compétents, des opérateurs agréés et des autres entreprises de jeux d’argent et de hasard, comme la Française des Jeux. L’ARJEL pourra ainsi se faire communiquer toutes les données de sessions de jeu d’un opérateur, en complément des données qu’il doit lui mettre à disposition en application de l’article 29 du projet de loi. Elle peut également auditionner toute personne utile.

L’ARJEL dispose en outre, en application du paragraphe II, de fonctionnaires et d’agents assermentés qui peuvent procéder à des enquêtes administratives. Ces agents doivent être habilités par le directeur général de l’ARJEL et travaillent sous la direction de celui-ci. Les enquêtes menées par ces agents donnent lieu à l’établissement d’un procès-verbal, dont un exemplaire doit être transmis à l’opérateur intéressé dans un délai de cinq jours.

Le plus souvent, la recherche et la constatation des infractions sont assurées par les officiers et agents de police judiciaire. Toutefois, d’autres agents publics peuvent être habilités à constater certaines catégories d’infractions. Par exemple, l’article L. 1312-1 du code de la santé publique autorise les agents du ministère de la santé ou des collectivités territoriales à constater les infractions prévues par le livre III de la première partie de ce code, relatif à la protection de la santé et de l’environnement. Cela concerne notamment les violations de l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Pour exercer ce type de fonctions, les agents autres que les policiers doivent, d’une part, prêter serment de respecter leurs obligations professionnelles et déontologiques et, d’autre part, être habilités à constater les infractions. Cette habilitation rend effectifs les pouvoirs de police judiciaire qui leur sont confiés, l’assermentation étant un préalable obligatoire.

Les agents assermentés de l’ARJEL pourront s’intéresser aussi bien aux sites agréés qu’aux sites illégaux mais le contrôle des premiers constituera le cœur de leur mission. Ils pourront participer à des sessions de jeu pour vérifier le respect par l’opérateur de ses obligations et la fiabilité des logiciels utilisés. Ils observeront, en outre, les mouvements enregistrés en matière de paris sportifs pour détecter d’éventuelles anomalies, en partenariat avec les acteurs du mouvement sportif.

Le paragraphe III détaille les pouvoirs d’enquête des agents habilités par l’ARJEL. Ces agents peuvent ainsi, sans que le secret professionnel leur soit opposable :

––  accéder à toutes les informations utiles détenues par les opérateurs agréés ;

––  accéder aux locaux des opérateurs agréés, en présence d’un représentant de l’opérateur, et à l’exclusion des lieux servant de domicile ;

––  prendre copie des documents comptables, factures, relevés de compte joueur et de tout autre document utile, qu’il soit sur un support matériel ou un support dématérialisé.

Enfin, le paragraphe IV indique que les manquements d’un opérateur agréé à ses obligations sont constatés par un procès-verbal établi par un agent habilité.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 34 sans modification.

Articles 35 et 36

Pouvoir de sanction de l’ARJEL

Les articles 35 et 36 définissent le pouvoir de sanction de l’ARJEL à l’encontre des opérateurs de jeux ou paris agréés.

1. La procédure de sanction

Les conditions de mise en œuvre de la procédure de sanction sont fixées par les paragraphes II, III et VI de l’article 35 et par l’article 36.

Lorsqu’elle constate le manquement d’un opérateur agréé à ses obligations législatives ou réglementaires, le collège de l’ARJEL lui adresse, en premier lieu, une mise en demeure. Le délai imparti à l’opérateur pour se mettre en conformité avec la loi ou les règlements ne peut être inférieur à un mois, sauf en cas de manquement grave et répété. Si l’opérateur défère à cette mise en demeure, il doit obtenir une nouvelle certification auprès d’un organisme agréé par l’ARJEL.

Si l’opérateur ne défère pas à la mise en demeure ou s’il prend des mesures insuffisantes, le collège de l’ARJEL peut décider d’ouvrir une procédure de sanctions. Il notifie alors les griefs aux opérateurs mis en cause. Seuls les faits remontant à moins de trois ans peuvent faire l’objet d’une saisine de la commission des sanctions.

La commission des sanctions, saisie par le collège de l’ARJEL, peut, pour instruire l’affaire, entendre toute personne ou se faire communiquer les informations nécessaires, même couvertes par le secret des affaires. Un décret en Conseil d’État précise les modalités de communication de ces pièces.

Si l’opérateur refuse de fournir les informations demandées, transmet des informations inexactes ou fait obstacle au déroulement de l’enquête administrative, le directeur général de l’ARJEL lui adresse une mise en demeure. Si celle-ci reste sans effet, la commission des sanctions peut prononcer une amende d’un montant maximal de 15 000 euros.

Avant de prononcer une sanction, la commission doit avoir permis à l’opérateur concerné de consulter le dossier et de présenter ses observations, par écrit ou oralement. Les principes du contradictoire et des droits de la défense s’appliquent, en effet, aux sanctions administratives lorsque celles-ci relèvent des « accusations en matière pénale » au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (35).

Si certains des manquements constatés constituent des infractions pénales, le président de la commission ou le président de l’ARJEL informe le procureur de la République, en vue d’éventuelles poursuites pénales. Un même fait peut en effet être passible de sanctions administratives et de sanctions pénales, le principe non bis in idem ne s’appliquant pas entre ces deux catégories de sanctions. Dans une décision de 1989, le Conseil constitutionnel a ainsi estimé que « sans qu’il soit besoin de rechercher si le principe [selon lequel une même personne ne peut pas être punie deux fois pour le même fait] a valeur constitutionnelle, il convient de relever qu’il ne reçoit pas application au cas de cumul entre sanctions pénales et sanctions administratives »  (36).

Les sanctions prononcées par la commission peuvent faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant la juridiction administrative, comme toutes les sanctions administratives (37).

2. Les sanctions susceptibles d’être prononcées

Les sanctions susceptibles d’être prononcées à titre principal sont énumérées au paragraphe IV de l’article 35. Selon la gravité du manquement, la commission peut ainsi infliger :

––  un avertissement ;

––  une réduction d’une année de la durée de l’agrément, qui est en principe accordé pour une durée de cinq ans ;

––  la suspension de l’agrément pour une durée maximale de trois mois ;

––  le retrait de l’agrément.

Le paragraphe V permet à la commission d’ajouter à la sanction prononcée en application du IV ou de substituer à celle-ci une sanction pécuniaire. Le montant de cette sanction est proportionné à la gravité du manquement et à l’ampleur du dommage causé, mais aussi aux avantages que l’opérateur a tirés de son manquement.

Le montant maximum de la sanction ne peut excéder 5 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos correspondant aux activités de jeu agréées, ou 10 % du chiffre d’affaires en cas de nouveau manquement. Si l’activité de l’opérateur est trop récente pour déterminer le montant du chiffre d’affaires, le montant maximal de la sanction est de 150 000 euros et de 375 000 euros en cas de nouvelle violation de la même obligation. Le paragraphe I de l’article 36 précise que les sanctions sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.

Dans tous les cas, si le manquement de l’opérateur constitue une infraction pénale, le montant ne peut excéder le montant de l’amende encourue en application de la loi pénale. Si l’opérateur est condamné pour le même fait à une sanction pécuniaire de l’ARJEL et à une amende pénale, le juge pénal peut décider que la sanction pécuniaire s’impute sur l’amende pénale. Ces dispositions évitent que la succession d’une procédure administrative puis d’une procédure pénale aboutisse à des sanctions disproportionnées. Elles respectent ainsi la jurisprudence précitée du Conseil constitutionnel en matière de sanctions administratives, celui-ci ayant considéré que « si l’éventualité d’une double procédure peut conduire au cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues » (38).

Enfin, le paragraphe VII prévoit que la sanction prononcée par l’ARJEL peut s’accompagner d’une publication de la décision au Journal officiel de la République Française ou d’un affichage ou diffusion dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal, c’est-à-dire aux frais du condamné (39).

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des articles 35 et 36 sans modification.

Chapitre VIII

Mesures de lutte contre les sites illégaux de jeux d’argent

Article 47

Répression des sites illégaux de jeux d’argent ou de hasard

Cet article définit les peines applicables en cas d’offre au public de jeux ou de paris en ligne non autorisés.

Le délit est constitué :

––  pour les jeux soumis à un agrément de l’ARJEL, lorsque l’opérateur a exercé son activité en France sans être titulaire de l’agrément. Sont donc concernés les paris sportifs et les jeux de cercle fonctionnant selon le principe de la répartition ;

––  pour les autres jeux soumis à un droit exclusif, lorsque l’opérateur a proposé des jeux en France. Cela concerne notamment les cyberloteries, les jeux de hasard comme la roulette ou les jeux de cercle de contrepartie comme le black jack.

Les peines encourues sont de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée. Ces peines sont identiques à celles prévues par l’article 1er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard en cas de participation à la tenue d’une maison de jeux de hasard (40).

Elles diffèrent, en revanche, des peines actuellement prévues pour :

––  l’organisation d’une loterie non autorisée, qui est passible d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 60 000 euros ;

––  la réception de paris sur les courses de chevaux, qui est passible d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 90 000 euros. Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 200 000 euros d’amende si l’infraction a été commise en bande organisée.

Il convient de rappeler que les montants de ces peines ont été doublés par l’article 37 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Ces incriminations spécifiques continueraient à s’appliquer lorsque l’activité de jeux illégale n’a pas été effectuée en ligne. Une harmonisation des peines serait toutefois préférable pour éviter les distorsions.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL 4 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’harmoniser les peines encourues en cas d’offre illégale de jeux, que ceux-ci soient en ligne ou non.

La Commission adopte l’amendement CL 4.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 47 ainsi modifié.

Article 48

Répression de la publicité en faveur d’un site illégal
de jeux d’argent ou de hasard

Cet article réprime le fait de faire de la publicité pour un site de jeux en ligne non autorisé, que les jeux concernés soient interdits ou soumis à agrément. Le délit est applicable à tous les moyens de publicité, y compris en ligne. Il concerne aussi bien les annonceurs eux-mêmes que les personnes qui se font le support des publicités, par exemple les clubs sportifs qui acceptent le sponsoring d’un opérateur qui est dans l’illégalité.

La peine encourue est une amende de 30 000 euros. Toutefois, le montant de l’amende peut atteindre le quadruple du montant des dépenses publicitaires consacrées à l’activité illégale, si ce nombre est supérieur à 30 000 euros.

Cette disposition complète les interdictions introduites par l’article 38 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance en matière de publicité pour les paris sur les courses de chevaux, pour les activités de casino non autorisées, pour les cercles de jeux non autorisés ou pour les maisons de jeux de hasard non autorisées (41). Dans tous les cas, le montant de l’amende encourue est le même que celui prévu par le présent article.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 48 sans modification.

Article 49

Utilisation de cyberpatrouilleurs pour constater les infractions
de jeux illégaux ou de publicité illégale

Cet article permet à certains officiers et agents de police judiciaire de participer sous pseudonyme à des activités de jeu interdites pour identifier les personnes proposant des jeux illégaux ou faisant de la publicité illégale.

La lutte contre la délinquance virtuelle se heurte parfois à l’ineffectivité des modes traditionnels de recherche de preuves. Il convient donc de rechercher les auteurs d’infractions et des preuves de ces infractions directement dans le cyberespace. Cela implique de doter les acteurs de nouvelles prérogatives.

Ce mode particulier de recherche de preuves existe déjà en matière de lutte contre le proxénétisme et la pédophilie sur internet. L’article 35 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 de prévention de la délinquance a ainsi instauré des « cyberpatrouilleurs » pour constater les délits de traite des êtres humains, de proxénétisme, de recours à la prostitution d’un mineur, ainsi que plusieurs délits de mise en péril des mineurs, dont la diffusion d’images pornographiques de mineurs ou la formulation de proposition sexuelles à un mineur de quinze ans (42). À cette fin, ils peuvent participer à des échanges électroniques sous pseudonyme, être en contact avec les auteurs supposés des infractions et acquérir ou transmettre des contenus illicites. Ils ne peuvent en aucun cas inciter à commettre des infractions, ce qui porterait atteinte au principe de loyauté de la preuve.

Les cyberpatrouilleurs prévus par le présent article auront pour mission de constater les infractions d’offre de jeux non autorisés ou de publicité pour des jeux non autorisés, de rassembler des preuves et d’identifier les auteurs de ces infractions. Ils ne pourront pas agir pour détecter d’éventuelles fraudes ou escroqueries sur les sites de jeux.

À cette fin, ils pourront participer sous un pseudonyme à des jeux ou paris en ligne, sur un site agréé ou non. Ils pourront ainsi constater l’existence d’un site de jeux non agréé ou de jeux interdits sur un site agréé. À cette occasion, ils peuvent récupérer des données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs d’infractions. Il s’agit notamment de « domicilier » le site et d’en identifier l’éditeur. Ces données peuvent ensuite être transmises à des tiers, en particulier les autorités judiciaires. Les cyberpatrouilleurs ne sont pas pénalement responsables des infractions qu’ils commettent pour recueillir et transmettre ces données.

Comme en matière de protection des mineurs, les cyberpatrouilleurs ne peuvent inciter à commettre une infraction, par exemple en sollicitant des jeux non autorisés. Leur rôle doit se limiter à constater des activités de jeu illégales qui sont exercées indépendamment de toute intervention de leur part et sans influencer les autres acteurs. En effet, toute provocation à la commission d’une infraction porterait atteinte au principe de loyauté de la preuve et entraînerait l’irrecevabilité des preuves obtenues par ce moyen (43).

Enfin, les cyberpatrouilleurs ne peuvent pas faire participer des mineurs aux jeux en ligne, conformément à l’interdiction de jeux des mineurs énoncée à l’article 3 du projet de loi. En effet, le fait qu’un mineur prenne l’initiative de demander à s’inscrire sur un site de jeux serait également considéré comme une provocation à la commission d’une infraction.

*

* *

La Commission examine l’amendement CL 5 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il convient de préciser que la transmission des informations recueillies par les « cyberpatrouilleurs » est limitée aux autorités habilitées.

La Commission adopte l’amendement CL 5.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 49 ainsi modifié.

Article 50

Compétences de l’ARJEL en matière de lutte contre les sites illégaux
et saisine du juge des référés

Cet article permet à l’ARJEL de saisir le juge des référés pour lui demander d’ordonner l’arrêt de l’accès à un site de jeux non agréé.

Dans l’état du droit, les hébergeurs de sites internet (44) et les fournisseurs d’accès à internet contribuent à prévenir l’offre de contenus illicites sur internet.

L’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique prévoit que les hébergeurs doivent, s’ils sont alertés de l’existence de contenus illicites, retirer ces données ou en rendre l’accès impossible. S’ils ne le font pas, ils engagent leur responsabilité civile et pénale. L’autorité judiciaire peut prescrire à l’hébergeur ou, à défaut, au fournisseur d’accès, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un site internet. Elle peut être saisie sur requête ou en référé par toute personne ayant intérêt à agir.

En outre, lorsque le contenu d’un site internet cause un trouble à l’ordre public, l’article 50 de la loi relative à la prévention de délinquance précitée a permis au ministère public de saisir le juge des référés pour demander la fermeture du site (45). Cette disposition s’applique aux sites qui incitent à commettre des atteintes à la vie, des vols, des dégradations, des actes de haines ou de violence racistes, sexistes ou homophobes, des actes de terrorisme ou des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, ainsi qu’aux sites faisant l’apologie des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi et les sites négationnistes.

Le présent article complète ces dispositions en prévoyant que l’arrêt de l’accès à un site de jeux non autorisé peut être demandé au juge des référés par l’ARJEL et par le ministère public, sans préjudice de la possibilité de saisine du juge par toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir.

La saisine du juge des référés par l’ARJEL est subordonnée à une mise en demeure préalable de l’opérateur. L’ARJEL doit ainsi rappeler à celui-ci les sanctions pénales encourues en cas d’offre de jeux non autorisée et lui enjoindre de respecter cette interdiction. Les personnes mises en cause peuvent présenter leurs observations dans un délai de huit jours. Pour assurer le respect de ce délai, il est précisé que la mise en demeure doit être adressée par un moyen propre à en établir la date d’envoi, c’est-à-dire par courrier recommandé ou par courrier électronique. Ce n’est qu’à l’issue de ce délai de huit jours que l’ARJEL peut, si l’opérateur n’a pas déféré à l’injonction, saisir le juge des référés, à condition que l’activité du site constitue « un trouble manifestement illicite ».

Le juge des référés peut enjoindre d’arrêter l’accès au site soit à l’hébergeur de celui-ci, soit au fournisseur d’accès à internet. S’agissant des sites de jeux non autorisés, il est probable que les hébergeurs seront situés à l’étranger et que cette injonction sera le plus souvent adressée aux fournisseurs d’accès à internet.

Il est probable que certains sites internet illégaux essaieront de contourner le blocage du site initial en se créant une nouvelle adresse. Dans leur rapport de 2008 sur le monopole des jeux au regard des règles communautaires, nos collègues Émile Blessig et Jacques Myard indiquaient que « du fait de la nature décentralisée et mondiale d’un instrument tel qu’internet, il est extrêmement difficile pour un État de parvenir à bloquer indéfiniment des sites ». L’exemple italien montre que les blocages peuvent être contournés grâce à des petits programmes qui peuvent être téléchargés et qui réorientent les parieurs vers d’autres sites (46).

Toutefois, les mesures de blocage des sites constitueront une complication importante pour ces opérateurs, qui perdront à chaque fois la renommée liée à leur marque et leur travail de marketing et de publicité. Conjuguée à l’interdiction de la publicité, cette mesure est donc de nature à réduire fortement l’activité de jeux illégale.

Dans certains pays européens, le blocage des sites peut être ordonné par une décision administrative, émanant de l’autorité de régulation. Tel est le cas en Italie, par exemple, où l’Agence autonome du monopole d’État établit la liste des sites dont l’accès doit être empêché par les prestataires internet. Cette solution n’a pas été retenue par le présent projet de loi, qui réserve de telles décisions au juge pour assurer la sécurité juridique du dispositif.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 50 sans modification.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CL2 présenté par M. Étienne Blanc, rapporteur pour avis :

Article 29

À la première phrase de l’alinéa 6, après le mot : « État », insérer les mots : « , pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, ».

Amendement CL3 présenté par M. Étienne Blanc, rapporteur pour avis :

Article 33

Rédiger ainsi les alinéas 3 à 5 :

« 1° Un membre du Conseil d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État ;

« 2° Un conseiller à la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation ;

« 3° Un magistrat de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes. »

Amendement CL4 présenté par M. Étienne Blanc, rapporteur pour avis :

Article 47

I. – À la première phrase, substituer au montant : « 45 000 € », le montant : « 90 000 € ».

II. – À la dernière phrase, substituer au montant : « 100 000 € », le montant : « 200 000 € ».

III. – Compléter cet article par les alinéas suivants :

« II. – Au premier alinéa de l’article 1er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard, le montant : « 45 000 € » est remplacé par le montant : « 90 000 € » et le montant : « 100 000 € » est remplacé par le montant : « 200 000 € ».

« III. – Le premier alinéa de l’article 3 de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries est ainsi rédigé :

« La violation de ces interdictions est punie de trois ans d’emprisonnement et de 200 000 € d’amende. Ces peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée. »

Amendement CL5 présenté par M. Étienne Blanc, rapporteur pour avis :

Article 49

À l’alinéa 3, après le mot : « transmettre », insérer les mots : « aux autorités habilitées ».

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

AUDITIONS DU RAPPORTEUR

• Mission de préfiguration de l’autorité de régulation des jeux en ligne :

––  M. Jean-François Vilotte, président

—  M. Rhadames Killy, directeur juridique

—  Mme Sophie Guillon-Morel, responsable des relations institutionnelles

• Ministère de l’intérieur, direction centrale de la police judiciaire (audition commune avec la commission des finances)

––  M. Jean-Pierre Alezra, chef du service central des courses et jeux

CONTRIBUTIONS REÇUES PAR LE RAPPORTEUR

• Opérateurs de jeu français :

––  Française des Jeux

––  Institution des Courses (France Galop, Cheval Français, PMU)

• Autres opérateurs de jeu en ligne :

––  Bwin

––  Mangas Gaming

• Groupement des éditeurs de services en ligne (GESTE)

© Assemblée nationale

1 () Toutefois, seules les loteries comportant une mise préalable du joueur sont considérées comme des jeux d’argent. Les loteries « gratuites », sans sacrifice financier de la part du joueur, sont légales. Cela concerne en particulier les loteries commerciales sans obligation d’achat, que l’article L. 121-36 du code de la consommation assimile à des opérations publicitaires.

2 () Loi du 29 avril 1930 autorisant les communes à bénéficier de la loi du 21 mai 1836 pour l’acquisition de matériel d’incendie ou pour l’organisation de concours ou de manœuvres cantonales d’extinction d’incendie.

3 () Article 136 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général pour l’exercice 1933.

4 () Un décret du 24 juin 1806 a permis au préfet de police de délivrer des autorisations dérogatoires dans les stations balnéaires, les villes d’eau et la ville de Paris.

5 () Ces communes doivent participer pour plus de 40 % au fonctionnement d’un centre dramatique national ou d’une scène nationale, d’un orchestre national et d’un théâtre d’opéra présentant en saison une activité régulière d’au moins vingt représentations lyriques.

6 () Loi n° 87-306 du 5 mai 1987 modifiant certaines dispositions relatives aux casinos autorisés.

7 () Loi du 30 juin 1923 portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l’exercice 1923.

8 () Décret n° 47-798 du 5 mai 1947 portant réglementation de la police des jeux dans les cercles ; arrêté du 15 juillet 1947 portant instruction sur la réglementation des jeux dans les cercles.

9 () Cette dérogation a été accordée par l’article 42 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985.

10 () Décret n° 85-390 du 1er avril 1985 relatif à l’organisation et à l’exploitation des jeux de pronostics sportifs autorisés par l’article 42 de la loi de finances pour 1985.

11 () Dans le pari mutuel, le montant total des enjeux collectés est partagé entre les gagnants, une fois effectué le prélèvement légal sur le montant des paris. Les joueurs jouent donc les uns contre les autres, l’opérateur n’ayant aucun intérêt propre au résultat de la course.

12 () Ce monopole est prévu par le décret n° 97-456 du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel.

13 () Les paris à la cote, ou bookmaking, sont un jeu de contrepartie. Le bookmaker fixe une cote en essayant de se dégager un bénéfice en fonction de la répartition des enjeux des parieurs. Il a un intérêt opposé à celui du parieur.

14 () Décret n° 83-922 du 20 octobre 1983 relatif aux sociétés de courses de lévriers autorisées à organiser le pari mutuel.

15 () Seule la Française des Jeux peut proposer des jeux d’argent sur l’ensemble du territoire français, par opposition à l’activité des casinos qui est limitée géographiquement.

16 () CE, 15 mai 2000, Confédération des professionnels en jeux automatiques.

17 () M. François Trucy, Rapport d’information sur la mission sur les jeux de hasard et d’argent en France, Sénat, session ordinaire de 2001-2002, n° 223, 13 février 2002.

18 () L’article 4 de la loi du 2 juin 1891 précitée indique que les personnes qui ont confié des paris à une personne non autorisée à organiser le pari mutuel sont réputés complices de l’infraction.

19 () Article 52 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

20 () CJCE, 24 mars 1994, Schindler, C-275/92.

21 () La CJCE précise néanmoins que ce dernier élément ne saurait constituer en lui-même une justification objective des restrictions à la libre prestation de services.

22 () CJCE, 21 sept. 1999, Läärä, C-124/97.

23 () Directive 2006/123 du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.

24 () Directive 2000/31 du 8 juin 2000 sur le commerce électronique.

25 () CJCE, 6 nov. 2003, Gambelli, C-243/01.

26 () CJCE, 6 mars 2007, Placanica, aff. jointes, C-359/04 et C-360/04.

27 () En l’espèce, la loi italienne excluait du système d’octroi de concessions les sociétés cotées.

28 () Cass, 10 juillet 2007, Zeturf.

29 () À la différence des jeux de cercle, la plupart des jeux de hasard se caractérisent par une fréquence de tirage élevée, qui incite le joueur à multiplier les mises dans l’espoir de gagner.

30 () Avant cette date, ils n’étaient interdits qu’aux moins de seize ans.

31 () L’article 28 du projet de loi permet au collège de donner délégation au président ou à un autre de ses membres pour prendre les décisions à caractère individuel.

32 () L’article 432-13 du code pénal punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le « pantouflage » d’un agent public dans une entreprise qu’il a eu à contrôler ou pour laquelle il était chargé de proposer des décisions à l’autorité administrative.

33 () L’adresse IP (Internet Protocol) est le numéro sous lequel un ordinateur est relié à internet.

34 () Cons. const., décision n° 89-260 DC, 28 juillet 1989, Loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier, considérant n° 10 : « Considérant que les huit membres composant la commission [des opérations de bourse] sont respectivement un conseiller d’État désigné par le vice-président du conseil, un conseiller à la Cour de cassation désigné par le premier président de la cour, un conseiller maître à la Cour des comptes désigné par le premier président de la cour, un membre du conseil des bourses de valeurs désigné par ce conseil, un membre du conseil du marché à terme désigné par ce conseil, un représentant de la Banque de France désigné par le gouverneur ainsi que deux personnalités choisies en raison de leur compétence et de leur expérience en matière d’appel public à l’épargne par les autres membres et le président ; qu’il est précisé que le mandat est de quatre ans et est renouvelable une fois ; que tant le mode de désignation des membres que la durée fixe de leur fonction sont à même de garantir l’indépendance de la commission dans l’exercice de ses missions ».

35 () Les juridictions judiciaires et administratives françaises ont jugé que les sanctions pécuniaires prononcées par les autorités administratives indépendantes constituent des sanctions pénales au sens de la Convention. Dès lors, les règles posées par l’article 6, paragraphe 1, de la Convention en matière de procès équitable leur sont applicables.

36 () Cons. Const., décision n° 89-260 DC, 28 juillet 1989, Loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier, considérant n° 16.

37 () Le Conseil d’État a posé le principe selon lequel toute sanction administrative peut faire l’objet d’un recours de pleine juridiction dans un arrêt Société ATOM du 16 février 2009.

38 () Ibid., considérant n° 22.

39 () L’affichage ou la diffusion peut concerner tout ou partie de la décision elle-même ou un communiqué résumant cette diffusion. L’affichage peut être exécuté pour une durée maximale de deux mois. La diffusion, quant à elle, peut être faite par la presse ou par les services de communication au public par voie électronique.

40 () Le quantum des peines a été réévalué par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

41 () Ces dispositions avaient été introduites par l’Assemblée nationale à l’initiative de notre collègue Philippe Houillon.

42 () Les cyberpatrouilleurs sont également compétents, s’agissant des délits de mise en péril des mineurs, en matière de provocation à l’usage ou au trafic de stupéfiants, de provocation à la consommation habituelle ou excessive d’alcool, de provocation à la commission d’un crime ou d’un délit, de corruption de mineurs et de diffusion d’images violentes ou pornographiques susceptibles d’êtres vues par un mineur.

43 () Dans un arrêt du 11 mai 2006, la chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi jugé que « porte atteinte au principe de la loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, la provocation à la commission d’une infraction par un agent de l’autorité publique ou par son intermédiaire ; que la déloyauté d’un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus ». Dans cette affaire, les policiers avaient incité une personne à leur transmettre des images pornographiques de mineurs. Bien que l’infraction de détention de telles images ait été constituée avant l’intervention des policiers, la Cour de cassation a déclaré irrecevables les preuves recueillies par ce moyen et les aveux ultérieurs de la personne mise en cause.

44 () L’hébergeur est défini par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique comme celui qui assure le stockage des données sur ses serveurs. Il se distingue de l’éditeur, qui propose le contenu du site internet.

45 () Cette possibilité est prévue par l’article 50-1 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse.

46 () Rapport d’information déposé par la Délégation pour l’Union européenne sur le monopole des jeux au regard des règles communautaires, présenté par MM. Émile Blessig et Jacques Myard, Assemblée nationale, XIII° législature, n° 693, 6 février 2008, page 88.