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N
° 1925

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation du protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) de la Méditerranée,

par M. Michel VAUZELLE

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros  :

Sénat : 390, 526 et 527 et T.A. 117 (2008-2009).

Assemblée nationale : 1854 (rectifié).

INTRODUCTION 5

I – PRÉSERVER LES MERS ET LES OCÉANS : UN SOUCI MONDIAL 7

A – UN ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL ATTENTIF À LA PRÉSERVATION DES RESSOURCES MARINES 7

1 – Le Programme des Nations unies pour l’environnement 7

a – La Convention de Barcelone 7

b – Le Plan d’action pour la Méditerranée 8

2 – L’Agenda 21 et la Convention sur la diversité biologique 9

3 – La Convention de Montego Bay 10

B – LA MÉDITERRANÉE ET SON LITTORAL : UNE PRÉOCCUPATION ENVIRONNEMENTALE RÉCENTE DES INSTANCES EUROPÉENNES 10

C – UNE SENSIBILITÉ NATIONALE AUX QUESTIONS DU LITTORAL 13

II – DISPOSITIONS DU PROTOCOLE GIZC DE MADRID 17

A – DES DISPOSITIONS INTÉRESSANTES 17

2 – Activités économiques 18

3 – Participation du public et des ONG, sensibilisation des citoyens et des acteurs 18

4 – Lutte contre l’érosion 19

5 – Protéger le patrimoine culturel, historique et subaquatique des zones côtières de la Méditerranée 19

6 – Une organisation confiée à des structures internationales expérimentées et déjà en place 20

B – LES INSUFFISANCES DU PROTOCOLE 20

1 – La notion de capacité de charge 20

2 – Une zone inconstructible insuffisamment défendue 21

3 – Risques affectant la zone côtière 21

4 – Les moyens financiers consacrés à la mise en œuvre du protocole 22

5 – La délicate question des sanctions 22

6 – Un nombre significatif d’États non signataires 22

CONCLUSION 23

EXAMEN EN COMMISSION 25

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ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 27

Mesdames, Messieurs,

C’est avec la première marée noire, en 1967, causée par le naufrage du Torrey Canyon, que les États prennent la mesure des risques de pollution des mers et mettent en place, de manière individuelle et collective, les premières mesures législatives modernes de lutte contre la pollution. Depuis, l’analyse des risques pouvant affecter les mers et océans n’a cessé de progresser et elle confirme chaque jour que dans le domaine maritime, la coopération est la base de toute action.

La zone côtière est très exactement le lieu où se rencontrent le milieu terrestre et le milieu marin. C’est un lieu de vie, un lieu d’échanges qui paye d’un prix fort cette situation particulière de confluence : 80 % de la pollution des mers est d’origine tellurique, en lien avec la forte charge exercée sur ces zones qui hébergent plus de 60 % de la population mondiale. Dans certaines régions de la Méditerranée, la saison estivale génèrerait plus de 75 % de la production annuelle de déchets (1). Ces quantités de déchets contribuent à « abîmer les zones côtières dans le monde entier ». Le littoral connaît une pression démographique sans cesse plus forte. Il est aussi un bassin d’activités économiques multiples. L’élévation du niveau des mers (2), conséquence néfaste du changement climatique, accentue les perturbations du littoral. Mettre en place une gestion intelligente, anticipatrice et participative des zones côtières est une urgence incontournable et cela est d’autant plus vrai pour la Méditerranée, mer semi-fermée dont les côtes accueillent des installations humaines depuis des siècles.

Le protocole qui nous est soumis répond à cette préoccupation. Il vient compléter les nombreux protocoles déjà existants autour de la Convention de Barcelone pour la protection du milieu marin et du littoral de Méditerranée, texte fondateur de la protection maritime, adopté en 1976 et remanié en 1995, l’ensemble formant ce que l’on désigne par l’expression « système de Barcelone ». Le protocole de gestion intégrée des zones côtières (GIZC) a nécessité plusieurs années de travail, commencé en 2001, regroupant à la fois des représentants des États riverains, des représentants d’organismes régionaux ou internationaux, comme le Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE) ou la Commission européenne que le Conseil de l’Union européenne du 27 novembre 2006 a autorisé à participer aux négociations organisées en vue d’élaborer un protocole GIZC pour la Méditerranée. Premier traité international consacré à ce thème, le protocole méditerranéen devrait servir de référence pour la rédaction de protocoles GIZC pour les autres mers régionales, comme cela a été le cas pour la Convention de Barcelone elle-même.

A l’issue de la conférence des parties à la convention de Barcelone qui s’est réunie à Alméria du 15 au 18 janvier 2008 (3), la déclaration des ministres de l’environnement et des chefs de délégation des Parties contractantes fait état de la prise de conscience collective du rythme rapide d’appauvrissement de la diversité biologique et de la dégradation continue du milieu marin et côtier. Les signataires appellent à la ratification rapide du protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières et se disent convaincus qu’il offre un outil juridique pertinent énonçant des règles contraignantes et nécessaires qui contribueront au développement durable des zones côtières de Méditerranée et permettront de faire face aux effets du changement climatique sur ces zones sensibles. Ce protocole a été signé à Madrid le 21 janvier 2008 par quatorze pays (4) et la Commission européenne (5) et son entrée en vigueur, espérée pour 2010 (6), nécessite le dépôt d’au moins six instruments de ratification. A ce jour, aucun État ne l’a encore ratifié mais le processus de ratification semble déjà bien engagé dans six autres pays (Algérie, Croatie, Maroc, Monténégro, Slovénie et Tunisie).

I – PRÉSERVER LES MERS ET LES OCÉANS : UN SOUCI MONDIAL

A – Un environnement international attentif à la préservation des ressources marines

On peut sans doute faire débuter la prise de conscience internationale de la nécessité d’une action commune pour la préservation de l’environnement marin avec la conférence des Nations unies sur l’environnement qui s’est tenue à Stockholm du 5 au 16 juin 1972 (7), à laquelle 113 États participaient. Le besoin d’une politique d’ensemble qui tienne compte des différents aspects de la pollution marine a été défini à cette occasion. Plusieurs instances internationales et conventions multilatérales mises en place depuis lors forment le socle de référence menant au protocole de gestion intégrée des zones côtières de la Méditerranée qui nous est soumis.

1 – Le Programme des Nations unies pour l’environnement

La conférence de Stockholm de 1972 a débouché sur la création du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) qui a eu une action remarquable en oeuvrant pour une politique en faveur des mers régionales. Le plan d’action en faveur de la Méditerranée, sous la forme d’un accord cadre pour la protection contre la pollution, est une initiative du PNUE.

a – La Convention de Barcelone

La Convention pour la protection de la Mer Méditerranée contre la pollution du 16 février 1976 et amendée en 1995 a été signée à Barcelone par les 21 pays riverains et par la Communauté européenne. Premier document de ce type, cet accord cadre servira de référence à toutes les conventions de mer régionale qui suivront. Les parties signataires s’engagent à prendre individuellement et ensemble des mesures pour prévenir, réduire et combattre la pollution et pour améliorer le milieu marin dans la zone méditerranéenne. L’accord institue pour cela une surveillance continue de la pollution et charge les parties de prévoir un mécanisme d’information. Le constat est fait de la nécessaire coopération pour que des mesures concertées à l’échelon régional soient prises en vue de protéger et d’améliorer le milieu marin méditerranéen, particulièrement vulnérable à la pollution compte tenu des caractéristiques hydrographiques et écologiques de la zone. Cette coopération doit également porter sur la prise en charge des situations critiques génératrices de pollution. Enfin, le règlement des différends est organisé par le biais, notamment, de l’arbitrage.

Des protocoles additionnels sont prévus par ses articles 4 et 15 en vue de prescrire des mesures, des procédures et des normes assurant l’application de la convention. Plusieurs protocoles ont ainsi été adoptés sur des thématiques couvrant la pollution tellurique, les situations critiques et leur prévention, les déchets dangereux, les aires maritimes protégées, les immersions et les activités off shore. Le protocole GIZC vient donc compléter un dispositif déjà riche visant à protéger ce bien commun qu’est la Méditerranée, mare nostrum.

Cette convention a été amendée vingt ans plus tard en raison du risque persistant de pollution lié à la fois à la configuration particulière de la Méditerranée qui en fait une mer fragile (mer semi-fermée, connaissant peu de marée, courants marins ramenant les déchets sur le rivage, etc.) et à l’accroissement continu de la pression humaine sur le milieu naturel. Ces amendements à la convention de 1976 ont permis de prendre en compte les apports de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement de Rio (CNUED – 1992) comme le principe de précaution ou encore le principe pollueur-payeur, d’étendre le champ des obligations des Parties, d’introduire le droit d’accès à l’information et à la participation du public et d’accélérer la coopération en matière de responsabilité et de réparation des dommages liés à la pollution. Enfin, les amendements apportés en 1995 modifient l’intitulé de la Convention pour intégrer le littoral comme devant bénéficier d’une protection particulière.

b – Le Plan d’action pour la Méditerranée

Le Plan d’action pour la Méditerranée (PNUE/PAM) a été établi sous l’égide du PNUE dès 1975. Il a permis de mettre rapidement en place un programme de surveillance et de recherche en matière de pollution visant à évaluer et à suivre l’état écologique de la Méditerranée.

Six centres d’activités régionales (CAR) sont issus de ce plan d’action. L’un de ces centres, le Plan Bleu, est d’ailleurs situé en France, à Sophia Antipolis et à Marseille. Il a vocation à fournir des informations environnementales, économiques et sociales pour éclairer les décideurs sur les enjeux d’un développement durable en Méditerranée. La gestion intégrée des zones côtières est l’activité principale du Centre d’actions prioritaires (CAR/CAP) de Split. Reconnu comme un lieu d’expertise en matière de gestion intégrée des côtes, ce centre conduit depuis 1987 des programmes d’aménagement côtier (PAC) centrés sur la mise en œuvre de la GIZC qu’il définit comme « processus continu, rétroactif et adaptable de gestion des ressources pour un développement durable des zones côtières ». Il collabore également avec les programmes européens en la matière. Tous ces centres d’activités régionales ont également vocation à venir en appui à la Commission méditerranéenne du développement durable (CMDD), instance créée en 1996 qui mène des réflexions et formule des recommandations sur un ensemble de huit thèmes dont celui de la gestion durable des zones côtières.

Un cadre stratégique commun, intitulé Stratégie méditerranéenne pour le développement durable, un cadre pour une durabilité environnementale et une prospérité partagée (SMDD) visant à mettre en place un partenariat dynamique entre pays à niveau de développement différent a été élaboré par la CMDD. Il a été adopté à Portoroz, en novembre 2005, lors de la quatorzième réunion des parties à la convention de Barcelone. La SMDD s’engage à promouvoir une gestion durable de la mer et du littoral et à stopper d’urgence la dégradation des zones côtières, décrite comme une « spirale de dégradation » qui mène à la détérioration des paysages, du patrimoine culturel et du cadre de vie et à la perte souvent irréversible de biodiversité marine et côtière, générant des coûts humains et économiques croissants. Elle est l’un des textes de référence ayant servi de base à la rédaction du protocole GIZC.

Les ministres de l’environnement euro-méditerranéens ont d’ailleurs rendu hommage au PAM, dans la déclaration du Caire du 20 novembre 2006, considéré comme un mécanisme régional essentiel pour la coopération environnementale et le développement durable de la région méditerranéenne et se sont engagés à associer la mise en œuvre de la SMDD à leur stratégie nationale de développement durable. La déclaration du Caire contient par ailleurs une référence à la mise en œuvre d’une stratégie d’aménagement intégré des zones côtières considérée comme une approche favorable à la gestion durable des ressources maritimes et littorales.

2 – L’Agenda 21 et la Convention sur la diversité biologique

L’Agenda 21, plan d’action mondial pour le 21ème siècle, définit le contexte global de l’élaboration du protocole GIZC au travers du chapitre d’action 17, concernant la protection des océans et de toutes les mers – y compris les mers fermées et semi-fermées – et des zones côtières et protection, utilisation rationnelle et mise en valeur de leurs ressources biologiques. La gestion intégrée et le développement durable des zones côtières est le premier domaine d’activité cité dans ce chapitre d’action comme devant susciter de nouvelles stratégies de gestion et de mise en valeur aux niveaux national, sous-régional, régional et mondial, « stratégies qui doivent être intégrées et axées à la fois sur la précaution et la prévision ».

Parmi les trois conventions dites Conventions de Rio qui permettent une application concrète des objectifs d’Agenda 21, c’est plus précisément la Convention sur la diversité biologique du 5 juin 1992 qui est prise comme référence par le protocole GIZC. Parmi les dispositions de la Convention sur la biodiversité qui trouvent un écho dans le protocole GIZC, on peut relever celle de l’article 6 qui invite les États à élaborer des stratégies, plans ou programmes tendant à assurer la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, celle de l’article 8 demandant la remise en état des écosystèmes dégradés et incitant à tirer profit des connaissances des communautés autochtones et des locaux dans la préservation de la biodiversité et celles des articles 12 et 13 sur la recherche, la formation, l’éducation et la sensibilisation du public. Le Mandat de Jakarta (8) sur la diversité biologique marine et côtière encourage également la gestion intégrée des zones marines et côtières.

3 – La Convention de Montego Bay

La Convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer (9) (UNCLOS) vise à établir un « ordre juridique pour la mer et les océans » en favorisant leurs utilisations pacifiques. Elle dresse la liste des différentes pollutions pouvant affecter le milieu marin, définit les obligations générales des États et pose le principe de la coopération mondiale et régionale en matière de prévention. Elle permet d’harmoniser les règlementations nationales en matière de protection du milieu marin, insiste sur la nécessité de mettre en place des programmes d’assistance des pays développés en faveur de ceux qui le sont moins. Si les États ont des droits souverains sur les ressources naturelles dans leur zone économique exclusive (ZEE), ceux-ci ne les dispensent pas d’obligations de préservation des ressources. Le cas des mers fermées ou semi-fermées est traité par ses articles 122 et 123, lesquels posent le principe de la coopération entre États riverains. Cette coordination, directe ou par l'intermédiaire d'une organisation régionale appropriée, devrait porter sur la gestion, la conservation, l'exploration et l'exploitation des ressources biologiques, la protection et la préservation du milieu marin et les politiques et programmes de recherche scientifique.

B – La Méditerranée et son littoral : une préoccupation environnementale récente des instances européennes

La Méditerranée est l’un des six bassins qui entoure l’Europe. En tant que telle, elle a principalement intéressé les Européens pour la qualité des eaux de baignade, pour la gestion des stocks de pêche ou pour le trafic maritime. C’est donc une approche sectorielle qui a longtemps été privilégiée. Le principe de la gestion intégrée des zones côtières, couvrant l’ensemble des utilisations et des obligations sur le territoire littoral européen, est un objectif clairement fixé aux États membres depuis la recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d’une stratégie intégrée des zones côtières en Europe, stratégie validée par le Conseil européen de Lisbonne des 13 et 14 décembre 2007 comme composante de la politique maritime intégrée de l’UE. Cette Recommandation constitue le véritable point de départ de l’engagement européen en faveur de la GIZC, précédé d’une réflexion sur la nécessité d’une stratégie communautaire de gestion intégrée des zones côtières (10). Si les remarques environnementales ouvrent la Recommandation (référence au chapitre 17 du plan d'action 21, à l’importance environnementale des zones côtières et à la biodiversité), celle-ci prône la mise en œuvre d’une gestion intégrée des zones côtières « écologiquement durable, économiquement équitable, socialement responsable et adaptée aux réalités culturelles, et qui préserve l'intégrité de cette ressource importante tout en tenant compte des activités et des usages locaux traditionnels qui ne représentent pas une menace pour les zones naturelles sensibles et pour l'état de préservation des espèces sauvages de la faune et de la flore côtières ». La rédaction du point 9 de la recommandation montre ainsi toute la difficulté à concilier à la fois respect de la biodiversité et nécessités économiques et sociales. Même si l’Agence européenne pour l’environnement avait publié dès 1999 un rapport conjoint avec le PNUE/PAM intitulé Le milieu marin et littoral méditerranéen: état et pressions, l’approche européenne reste une approche utilitariste dans laquelle la mer et ses littoraux sont une ressource qu’il faut préserver par souci de bonne gestion.

On peut certes voir dans la mise en place d’Euromed (devenu depuis le sommet de Paris de juillet 2008 l’Union pour la Méditerranée) une amorce de la prise en compte des questions environnementales. En effet, si la déclaration de Barcelone de 1995 (11) restait axée essentiellement sur les questions de paix, de sécurité et de partenariat économique et financier, il s’agissait également d’œuvrer pour un développement socio-économique durable. L’importance de la conservation et de la gestion rationnelle des ressources halieutiques était soulignée ainsi que la nécessité d’un renforcement de la coopération en matière de recherche sur ces ressources. L’interdépendance en matière d’environnement était rappelée comme imposant « une approche régionale et une coopération renforcée, ainsi qu'une meilleure coordination des programmes multilatéraux existants ». Enfin, les signataires confirmaient « leur attachement à la Convention de Barcelone et au PAM » (12).

Le Short and Medium Action Plan for the environment (SMAP), lancé en 1997, est le principal programme régional d’action en faveur de l’environnement pris dans le cadre du Processus de Barcelone. Il a été adopté lors de la conférence ministérielle euro-méditerranéenne d’Helsinki de novembre 1997. La gestion intégrée des zones côtières figure parmi les cinq priorités fixées par le SMAP pour les interventions des bailleurs de fonds. C’est notamment le projet d’assistance SMAP III TA, débuté en septembre 2005 et achevé en juillet 2009, qui a eu pour mission de promouvoir la gestion intégrée des zones côtières en Méditerranée. Huit projets de GIZC ont été financés dans six pays (Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Liban et Turquie) par SMAP III qui fournissait également de l’assistance technique et des formations. Enfin, il faut mentionner l’engagement Horizon 2020, pris en 2005 par les partenaires euro-méditerranéens à l’occasion du 10ème anniversaire du processus de Barcelone, de s’attaquer aux sources majeures de pollution de la Méditerranée avant 2020.

Il faut attendre le 7 juin 2006 pour que soit adopté le livre vert de l’Union européenne sur la future politique maritime de l’UE (13) et que les océans et les mers soient appréhendés comme un tout. Ce document affirme clairement la nécessité d’une gestion des mers et des océans en coopération avec les pays tiers, dans des enceintes multilatérales et d’une élaboration de la politique européenne maritime dans un contexte international. La question plus spécifique des zones côtières est traitée au chapitre 3 Maximiser la qualité de vie dans les régions côtières. La GIZC fait l’objet du point 3.4 Gestion de l’interface terre/mer du livre vert qui relève que « les liens qui existent entre les questions côtières et maritimes au niveau de l’interface terre/mer font d’une stratégie maritime globale de l’Union européenne un enjeu de taille dans la réussite de la GIZC. » Le protocole signé à Madrid le 21 janvier 2008 répond ainsi à la volonté européenne de fonder sa démarche sur une coopération internationale s’inscrivant dans une vision stratégique et durable de la ressource Mer. L’initiative de l’UE tendant à établir une stratégie marine européenne avait d’ailleurs été saluée par les parties à la convention de Barcelone pour la protection de la mer Méditerranée (14) qui estimaient qu’elle contribuerait à prévenir, réduire et combattre la pollution dans cette mer et qu’à ce titre elle devait être encouragée.

Enfin, il faut rappeler la communication de la Commission sur l’évaluation de la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) en Europe du 7 juin 2007 (15) qui désigne les zones côtières comme revêtant une importance stratégique pour l’UE et note qu’elles sont soumises à la fois à des pressions croissantes et aux risques liés aux changements climatiques. Leur gestion intégrée apparaît comme un processus lent, complexe et à long terme. La Commission soulignait dans cette communication la nécessité de disposer d’indicateurs pour mesurer l’efficacité des efforts entrepris. Enfin, elle déplorait que l’aspect environnemental soit l’aspect principal sur lequel se mobilisait la GIZC et souhaitait une meilleure prise en compte du développement économique durable et des considérations d’ordre social. Si la convention de Barcelone pour la protection du milieu marin et du littoral de Méditerranée, avec celles d’Oslo et de Paris pour la protection de l'Atlantique du Nord-Est et la convention d’Helsinki pour la protection de la mer Baltique, est considérée comme « un fondement essentiel pour la poursuite des travaux sur l'aménagement de l'espace maritime dans le cadre de la proposition de directive relative à la stratégie pour la protection du milieu marin », on peut regretter que la communication de la Commission ne fasse pas une plus large part à la coopération internationale, notamment avec les structures du PNUE/PAM même si la directive-cadre sur la stratégie pour le milieu marin 2008/56/CE du 17 juin 2008 adopte une approche par mer régionale et recommande aux États d’un même bassin marin d’agir en collaboration et d’œuvrer au respect des obligations et engagements découlant d’accords internationaux tels que la Convention de Barcelone.

C – Une sensibilité nationale aux questions du littoral

C’est bien entendu la loi Littoral du 3 janvier 1986, adoptée à l’unanimité il y a plus de vingt ans, qui régit les activités terrestres, notamment par l’encadrement des implantations côtières. La protection des équilibres biologiques et écologiques, la lutte contre l'érosion, la préservation des sites et paysages et du patrimoine, la recherche sur les ressources littorales ainsi que la préservation des activités liées à la proximité de l’eau et le développement d’activités agricoles, industrielles ou de tourisme font partie des objectifs fixés. Elle interdit toute construction nouvelle à moins de cent mètres du rivage (article L146-4, III du Code de l’urbanisme (16)) et contraint à la protection des espaces naturels remarquables. Elle garantit le libre accès du public et la préservation des activités directement liées à la mer. Cette loi, bénéficiant d’une forte popularité auprès de nos concitoyens, a nécessité des compléments dont certains sont en cours à travers de nouveaux véhicules législatifs.

La notion de gestion intégrée des zones côtières n’existe pas dans la loi Littoral et ce n’est que lors du CIADT du 9 juillet 2001 qu’on peut trouver, dans son volet littoral, la première référence nationale à cette notion. Rappelons qu’un rapport au premier ministre de M. Dominique Dupilet avait proposé en avril 2001 de mettre en place une gestion intégrée par façade maritime (17), la Méditerranée étant bien entendu une de ces façades. Cependant, un rapport d’information parlementaire (18), présenté en 2004 par M. Jacques Le Guen au nom de la commission des affaires économiques, considérait encore la GIZC comme un « concept flou », « forgé par différentes organisations internationales telles que l'OCDE (19), la Banque mondiale et la FAO ». Le rapport parlementaire recommandait néanmoins de mettre en œuvre au niveau national le principe de gestion intégrée des zones côtières et proposait deux applications concrètes de cette notion encore nouvelle : mise en place d’un « opérateur foncier permettant aux collectivités territoriales de maîtriser la demande foncière tout en mettant en œuvre ses projets d'aménagement » et renouvellement de la gouvernance du littoral par la création de « pays » associant tous les acteurs locaux.

Par ailleurs, la loi DTR du 23 février 2005 a permis la création d’un « conseil national pour l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral et la gestion intégrée des zones côtières, dénommé Conseil national du littoral » qui a été installé en juillet 2006. Le CNL a ainsi vocation à travailler dans la perspective d’une gestion intégrée des zones côtières, en accord avec les orientations européennes et nationales. Il pourrait prochainement laisser la place à un Conseil national de la mer et du littoral (CNML) ainsi que le propose l’article 61 du projet de loi Engagement national pour l’environnement, ce qui pourrait permettre d’accroître la cohérence entre politique marine et politique terrestre.

La stratégie française de gestion intégrée des zones côtières est préfigurée dans un rapport rendu en 2002 par la Commission Environnement Littoral : Pour une approche intégrée de la GIZC, initiatives locales – stratégie nationale. La GIZC y est présentée comme un « processus dynamique, continu et itératif destiné à promouvoir le développement durable des zones côtières » devant respecter les principes de la démocratie participative. Le Comité Interministériel de la Mer du 29 avril 2003 a officialisé la mise en œuvre de la recommandation européenne du 30 mai 2002 en consacrant la GIZC comme outil de « maîtrise des usages de la mer dans l’optique du développement durable ». La Stratégie nationale pour le développement durable (SNDD) 2003-2008, adoptée en juin 2003, confirme la GIZC comme plan d’action global permettant de renforcer notre connaissance du milieu marin en vue de le préserver. Un appel national à projets Pour un développement équilibré des territoires littoraux par une GIZC, auquel quarante-neuf territoires ont répondu, a d’ailleurs été lancé en janvier 2005 par le secrétariat général à la mer et la DATAR dans le cadre des orientations arrêtées par le CIADT du 14 septembre 2004. Sur les vingt-cinq lauréats, huit sont situés en Méditerranée. Un rapport de mai 2006 (20), rédigé par la DIACT qui anime le réseau des projets français de GIZC, fait le bilan de la stratégie française en la matière et tente de « décrire les modes français d’appropriation et de mise en oeuvre des principes de la gestion intégrée des zones côtières ». Les retours d’expériences de ce premier appel à projets devraient permettre d’améliorer l’efficacité des nouveaux projets retenus dans le cadre du second appel à projets annoncé le 31 janvier 2008.

Le bilan de la loi Littoral, dressé en 2007 par le gouvernement (21) conformément aux dispositions de la loi n° 2005-157 relative au développement des territoires ruraux, fait état de la diffusion des principes d’une gestion intégrée des zones côtières issus des canevas internationaux et d’expériences locales de GIZC tout en déplorant que l’approche, encore trop sectorielle, n’ait pas permis « le rapprochement d’une vision terrestre et d’une vision maritime du littoral ». Ce bilan rappelle la recommandation européenne du 30 mai 2002 relative à la gestion intégrée des zones côtières et souligne la participation des organismes de recherche français à des projets européens à finalité GIZC comme SPICOSA – Science and Policy Integration for Coastal Assessment, COREPOINT – Coastal Research and Policy Integration et ENCORA – European Network for Coastal Research Coordination Action.

Par ailleurs, le comité opérationnel n° 12 du Grenelle de l’environnement « Gestion intégrée de la mer et du littoral » avait conclu dans son rapport de juillet 2008 à l’importance d’articuler les mesures législatives selon deux axes dont le premier dit « intégré » devrait permettre d’instaurer un « cadre législatif adapté à la mise en oeuvre d’une approche intégrée des questions maritimes et littorales ». Les conclusions de ce comité opérationnel ont été reprises dans le projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement adopté par le Parlement le 23 juillet 2009 puisque le chapitre IV du titre II du projet de loi consacre, dans un article unique, la gestion intégrée de la mer et du littoral. Il s’agit de pallier les insuffisances de la loi Littoral en terme de vision stratégique et de directives territoriales d’aménagement. Notons en outre que le texte stipule que « les autoroutes de la mer sur la façade méditerranéenne contribueront au développement de l'Union pour la Méditerranée sans porter atteinte au littoral méditerranéen » (article 11  IV).

Le projet de loi Engagement national pour l’environnement, déposé devant le Sénat au début de l’année 2009, consacrait déjà son article 60 à la stratégie de gestion intégrée de la mer et du littoral en vue, selon l’exposé des motifs, de « définir les principes de la gestion intégrée des activités liées à la mer et au littoral dans le cadre d'un développement durable des ressources, respectueux de l'environnement ». Ce texte innove par la création de nouveaux outils, les documents stratégiques de façade, l’une de ces façades étant bien entendu la façade méditerranéenne. Il ne fait aucun doute que la GIZC fera partie intégrante de la nouvelle stratégie nationale de la mer.

Enfin, un Grenelle de la mer a été annoncé le 27 février 2009 par M. Jean-Louis Boorlo, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Il vise à compléter les engagements du Grenelle de l’environnement concernant la mer et le littoral afin de définir la stratégie nationale pour la mer et le littoral. Des groupes de travail ont d’ailleurs été constitués pour travailler entre février et juin 2009 sur quatre thématiques comme « Favoriser le développement harmonieux du littoral en améliorant l’interface terre-mer » ou encore « Instaurer une nouvelle gouvernance aux niveaux infranational, national, européen et mondial ». La GIZC est confirmée comme outil de gouvernance appelé à évoluer vers la gestion intégrée de la mer et du littoral (22). Il faut souhaiter que la stratégie qui sera définie sera en cohérence avec les autres stratégies maritimes développées par ailleurs, stratégie marine européenne et, pour ce qui concerne la Méditerranée, stratégie méditerranéenne pour le développement durable du PNUE/PAM.

II – DISPOSITIONS DU PROTOCOLE GIZC DE MADRID

Comme on l’a vu, il y a une très nette montée en puissance de la notion de gestion intégrée des zones côtières depuis une dizaine d’années. Il n’est plus aujourd’hui envisageable, à quelque niveau que ce soit, de faire l’économie d’une coopération forte, enrichie par le retour d’expériences et permettant de s’assurer que la ressource Mer n’est pas dégradée de façon définitive par nos contemporains.

L’accord multilatéral de Madrid, qui recommande d’éviter les approches sectorielles et de faciliter les approches globales (article 7 – Coordination), vient compléter l’architecture nationale et européenne de la protection de l’environnement marin et du littoral. Il s’agit d’un texte largement consensuel, tenant compte des réserves émises par certaines parties demandant plus de flexibilité et de respect des conditions locales des zones côtières. Il n’a cependant pas été approuvé par les vingt-et-un pays riverains, seul quatorze d’entre eux l’ayant signé. Plusieurs dispositions qu’il contient sont d’ores et déjà prises en compte dans notre droit interne ou vont l’être très prochainement.

A – Des dispositions intéressantes

1 – Agir en coopération et en cohérence

Le préambule du protocole fixe comme l’un des objectifs poursuivis d’agir en coopération pour concevoir des plans appropriés et intégrés pour la gestion des zones côtières. Ainsi que le prévoit l’article 5, cette coopération vise à assurer la cohérence entre les diverses initiatives, publiques ou privées et entre toutes les décisions des autorités publiques, aux niveau national, régional ou local. Cette volonté de coopération trouve sa traduction notamment à travers l’article 17 portant sur la stratégie méditerranéenne de gestion intégrée des zones définie comme un cadre régional commun, tenant compte de la stratégie méditerranéenne pour le développement durable (SMDD), décliné en plan d’action régionaux appropriés et en stratégie nationale. Cette stratégie méditerranéenne de GIZC est plus spécifique que la SMDD dans laquelle la zone côtière n’est qu’une sous-section. Ce sont deux stratégies complémentaires visant l’une et l’autre à assurer une « durabilité environnementale et une prospérité partagée » en Méditerranée.

Les instruments de la coopération préconisés par le protocole concernent principalement l’échange d’information, par exemple en vue de la gestion des catastrophes naturelles (art.24), pour promouvoir l’échange d’expériences scientifiques, de données et de bonnes pratiques (art.16) ou l’échange d’information sur les meilleures pratiques environnementales et la définition d’indicateurs de gestion côtière (art.27) ou encore les actions de formation, de recherche et d’éducation à la fois du public (art.15) et du personnel (art.25). Elle est vivement recommandée pour les zones côtières frontalières (art.28) tant pour la coordination des stratégies nationales qu’en amont, pour l’évaluation de tout projet envisagé par un pays susceptible de causer un préjudice grave aux zones côtières d’un autre pays (art.29).

Enfin, l’assistance scientifique et technique et l’accès aux technologies écologiquement rationnelles et leur transfert sont prévus par les dispositions de l’article 26.

2 – Activités économiques

La régulation des activités économiques est l’objet de l’article 9 du protocole. Plusieurs activités font l’objet de dispositions particulières. Parmi celles-ci, on peut relever que la localisation et le fonctionnement des activités agricoles et industrielles doivent veiller à prévenir la pollution de la mer, de l’eau, de l’air et des sols. L’utilisation durable des ressources marines naturelles, dépassant la seule notion de stock de ressources halieutiques, s’impose à la pratique de la pêche.

Il faut saluer la promotion d’un tourisme côtier respectueux des écosystèmes et plus spécialement du tourisme culturel, rural et de l’écotourisme respectant les traditions des populations locales. Rappelons qu’on prévoit que le tourisme dans les zones côtières de Méditerranée pourrait atteindre 312 millions de visiteurs à l’horizon 2025. L’impact d’un tel afflux de population sur l’environnement est évidemment multiple et immense, qu’il s’agisse de la construction des infrastructures d’accueil, de la surexploitation des ressources, de la pollution générée, de la dégradation des paysages, etc. L’impact du tourisme est également pris en considération par l’article 12 – Iles qui préconise de prendre en compte, notamment dans ce domaine, les spécificités de l’environnement insulaire. Ces dispositions permettront par exemple, il faut l’espérer, de travailler avec les promoteurs du tourisme de croisière pour réduire les quantités de déchets produites mais aussi plus généralement avec tous les acteurs concernés par le développement de ce secteur pour qu’une prise de conscience des impacts négatifs sur les écosystèmes permette de construire des projets intégrant le développement durable. On peut à ce titre regretter que la récente loi de développement et de modernisation des services touristiques, votée par notre Parlement en juillet 2009, n’ait pas prévu de dispositions favorisant le tourisme durable dans les zones fragilisées.

Enfin, il est prévu de soumettre à autorisation les infrastructures, installations et ouvrages pour limiter leurs impacts dommageables sur les écosystèmes, un système de compensation non financière étant prévu.

3 – Participation du public et des ONG, sensibilisation des citoyens et des acteurs

Rien ne pourra se faire sans la participation de tous, à divers niveaux, et sans une sensibilisation intelligente de tous les acteurs. Si la participation du public aux projets sur les zones côtières, notamment par le biais des procédures d’enquêtes publiques ou l’organisation de débats publics, ne constitue pas une novation dans les pays du nord du bassin méditerranéen, en revanche elle marquera un réel progrès dans les pays du sud.

Les principes généraux de la GIZC, énumérés à l’article 6, font une place à la société civile en prévoyant « d’assurer une gouvernance appropriée permettant de faire participer, de manière adéquate et en temps utile, à un processus de décision transparent les populations locales et les parties prenantes de la société civile concernées par les zones côtières ». Cette participation est plus précisément consacrée à l’article 14 qui prévoit une participation appropriée aux phases d’élaboration et de mise en œuvre des stratégies, plans et programmes ou projets côtiers ainsi que lors de la délivrance des diverses autorisations. Est ainsi prévue, outre la participation des collectivités territoriales et des acteurs économiques, celle des ONG, des acteurs sociaux et du public. On peut ainsi espérer qu’il y ait à l’avenir la prise en compte de l’avis des communautés autochtones et des locaux avant la mise en œuvre de certains projets industriels ou d’infrastructures afin de s’assurer de leur adhésion au projet et également avant toute réglementation les concernant directement.

La participation du public est en outre assurée par l’accès à l’information, prévu à l’article 16 – Mécanisme de suivi et d’observation et réseaux. Le protocole enjoint les États signataires de prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter l’accès du public aux informations provenant des mécanismes de suivi et d’observation et des réseaux mis en place.

4 – Lutte contre l’érosion

Si les processus d’érosion côtière sont connus depuis longtemps et constituent un phénomène d’abord naturel, on sait désormais que les moyens de lutte qui ont pu être utilisés ont souvent produit des effets de bord très significatifs du fait d’une approche trop locale. Une érosion contenue en un point pouvait ainsi générer un phénomène érodant ailleurs. L’approche globale s’impose pour éviter que des décisions soient prises et des programmes menés sans mesure d’impact. Le protocole consacre, en son article 23, la GIZC comme l’outil pertinent pour travailler sur la géomorphologie côtière et prévenir et atténuer l’impact négatif de l’érosion côtière. Cette gestion devra notamment mieux tenir compte des capacités adaptatives naturelles des côtes et même les favoriser, ce qui signifie qu’il ne s’agira plus d’intervenir systématiquement de manière artificielle.

5 – Protéger le patrimoine culturel, historique et subaquatique des zones côtières de la Méditerranée

L’article 13 du protocole instaure la priorité de la conservation in situ du patrimoine culturel. Ce patrimoine comprend le patrimoine archéologique et historique mais également le patrimoine subaquatique qui est désormais à l’abri de toute opération commerciale. Rappelons que la Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique de 2001, adoptée par l’Unesco lors de sa trente et unième session, a permis de considérer ce patrimoine, jusque là délaissé et soumis à toutes les formes de pillage, comme partie intégrante du patrimoine culturel mondial. On sait que les côtes méditerranéennes, mais aussi les fonds marins, sont particulièrement riches en vestiges du fait de l’histoire, du peuplement ancien du bassin méditerranéen et de l’intensité des échanges passant par cette mer. C’est d’ailleurs par le rappel de ce que les zones côtières constituent un patrimoine commun naturel et culturel des peuples de Méditerranée que s’ouvre le préambule du protocole.

6 – Une organisation confiée à des structures internationales expérimentées et déjà en place

Le PNUE-PAM et le centre d’activités régionales pour le programme d’actions prioritaires CAR-PAP de Split dont on a déjà mentionné l’expertise dans le domaine de la GIZC ont reçu diverses compétences pour assurer la coordination de la mise en œuvre du protocole.

L’article 32 définit les fonctions qui leurs sont dévolues à ce titre et qui consistent à aider les pays signataires à participer à un réseau de zones côtières, à préparer leur stratégie nationale de GIZC, à échanger des informations, à coordonner la gestion des zones transfrontalières ou à organiser la réunion des points focaux désignés pour assurer la liaison entre les instances nationales et le CAR-PAP sur les aspects techniques et scientifiques.

B – Les insuffisances du protocole

Si le protocole contient des dispositions importantes pour l’avenir des zones côtières, il est malheureusement resté en retrait sur un certain nombre de questions qu’il importe de signaler pour espérer les voir prises en compte sinon dans le cadre d’un futur amendement du texte, du moins dans les textes à venir européens et français.

1 – La notion de capacité de charge

Cette notion essentielle, permettant de mesurer la pression exercée sur le littoral et de fixer des limites à cette pression, figure seulement à l’article 19 concernant les évaluations environnementales qui dispose que « les évaluations environnementales devraient tenir compte des impacts cumulatifs sur les zones côtières, notamment en accordant une attention particulière à leurs capacités de charge. » Il est regrettable que la capacité de charge ne fasse pas l’objet d’une définition dans l’article 2 – Définitions du protocole et que sa prise en compte ne soit pas plus contraignante puisque l’emploi du conditionnel renvoie davantage à l’énoncé d’un vœu qu’à une volonté véritable.

2 – Une zone inconstructible insuffisamment défendue

C’est l’un des points majeurs de désaccord autour du protocole, faisant ainsi la preuve des difficultés, au-delà des déclarations de principe, à œuvrer véritablement dans le sens de la prise en compte des limites naturelles à accueillir les activités humaines. En effet, si l’article 8 portant sur la protection et l’utilisation durable de la zone côtière institue une zone non constructible d’au moins 100 mètres dans les zones côtières, les dérogations qui sont autorisées en réduisent considérablement la portée puisqu’elles peuvent concerner aussi bien les projets d’intérêt public que les besoins sociaux, de développement ou les projets d’urbanisation autorisés par les lois et règlements internes. La prépondérance accordée aux besoins humains se retrouve dans la difficulté des Parties à accepter d’interdire l’urbanisation dans des espaces libres délimités, en dehors des aires protégées, urbanisation qu’il s’agit seulement de « limiter, ou si nécessaire, interdire ».

3 – Risques affectant la zone côtière

Les risques affectant la zone côtière font l’objet de sa partie IV, qui en retient trois : aléas naturels (article 22), érosion côtière (art. 23) et catastrophes naturelles (art. 24). Deux points auraient mérité une prise en compte plus volontariste. En premier lieu, on peut regretter que les risques d’incendies, dont on connaît l’importance tragique dans le littoral méditerranéen, n’aient pas été spécifiquement pris en compte (23). D’autre part, la gestion des catastrophes naturelles aurait mérité plus de développement et notamment de dépasser la simple promotion de la coopération internationale pour aller vers une véritable organisation, dans laquelle une large part serait faite aux plans et aux moyens mis en œuvre par chaque partie et à leur coordination ainsi qu’aux modalités de transmission des informations et d’information du public.

Enfin, concernant les déchets, même s’il ne s’agit pas d’un risque en tant que tel, on peut regretter que leur gestion ne fasse pas partie des objectifs de la gestion intégrée des zones côtières fixés à l’article 5 et qu’elle ne figure qu’à l’article 9 traitant des activités économiques alors qu’elle pourrait également faire partie des éléments de sensibilisation et d’éducation du public relevant de l’article 15 autant que nécessiter la participation de diverses parties prenantes telles que mentionnées à l’article 14 ou encore faire partie des contraintes fixées à la fréquentation des zones côtières telle que l’organise l’article 8 – Protection et utilisation durable des zones côtières.

4 – Les moyens financiers consacrés à la mise en œuvre du protocole

Si, comme le souligne la commission européenne, la réussite de la GIZC tient avant tout dans la définition d’une stratégie commune, les moyens alloués à la mise en œuvre du protocole seront déterminants. Or, aucune déclaration n’a pour le moment été faite concernant le montant des moyens nécessaires et leur planification pluri annuelle. Les règles financières évoquées à l’article 34 du protocole renvoient simplement aux règles déjà élaborées pour la convention de Barcelone elle-même quant à la détermination de la participation financière de chaque partie signataire. Il faut espérer que la charge supplémentaire due aux compétences attribuées par le protocole GIZC au centre d’activités de Split et au PNUE-PAM ait une contrepartie en termes de moyens financiers et humains alloués. Enfin, concernant les instruments économiques, financiers et fiscaux prévus par l’article 21 et destinés à appuyer les initiatives locales, il est dommage qu’aucune concertation ne soit prévue pour mettre en œuvre une stratégie d’incitation, notamment fiscale, commune.

5 – La délicate question des sanctions

Aucune allusion aux sanctions encourues par un État signataire ne figure ni dans la Convention de Barcelone ni dans le présent Protocole. Si la convention elle-même prévoit que le règlement des différends le soit par voie de négociation sinon par arbitrage, on peut regretter qu’il n’ait pas été prévu de définir des principes généraux pour fixer les sanctions encourues en cas de non respect des engagements pris. Ceci est d’autant plus important quand on sait les conséquences, de plus en plus irréversibles, de toutes activités allant à l’encontre d’un développement durable et responsable et de la protection de la biodiversité.

6 – Un nombre significatif d’États non signataires

Si la Méditerranée est un patrimoine commun, fragile et interdépendant au-delà des frontières, on peut se demander quelles seront les conséquences de la non signature du protocole par sept pays sur vingt-et-un riverains, même si le protocole invite les États non parties à coopérer à sa mise en œuvre (art. 35– Rapport avec les tiers), qu’il s’agisse de la coopération transfrontalière entre un État partie et un Etat non partie ou de toute autre coopération dans l’esprit du protocole. Si certains États ne l’ont pas signé pour des raisons techniques liées à la préparation matérielle des instruments de signature (Albanie, Bosnie, Liban et Libye), d’autres en revanche ( Égypte, Turquie et Chypre) ont privilégié leurs enjeux touristiques nationaux aux dépens du souci collectif.

CONCLUSION

Par leur situation géographique, par leur attractivité et par leur fragilité, les zones côtières de Méditerranée réclament toute notre attention. Si beaucoup d’initiatives existent déjà et ont permis un retour d’expériences très riche, comme en témoignent l’abondante littérature et les nombreuses rencontres organisées sur le sujet, il reste fondamental, pour inverser la courbe des nuisances, que ce souci soit partagé à un même niveau par l’ensemble des pays riverains. L’urgence qu’il y a à travailler et à travailler ensemble, en synergie, à la sauvegarde des côtes méditerranéennes n’est plus à démontrer. C’est ce que tente de traduire la notion de gestion intégrée des zones côtières et le protocole qui nous est soumis.

Un colloque, s’inscrivant dans la dynamique du processus de Barcelone, organisé à Nice en décembre 2008 sous présidence française de l’UE, a d’ores et déjà réuni tous les acteurs concernés des différents pays pour réfléchir à sa mise en œuvre opérationnelle afin de « stopper la perte de la biodiversité ». Des réunions des points focaux ont été organisées, par exemple à Zaghreb en mai 2009. Le Centre international de droit comparé de l’environnement, ayant statut d’observateur auprès de la Convention de Barcelone, a déjà prévu la mise en place d’un réseau d’experts en droit de la GIZC. Les pays du sud de la Méditerranée se montrent mobilisés.

Pour toutes ces raisons, j’invite l’ensemble de mes collègues à autoriser la ratification du protocole GIZC signé à Madrid le 21 janvier 2008.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du 16 septembre 2009.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

Le Président Axel Poniatowski. En application des nouvelles dispositions du règlement de l’Assemblée nationale, je vous indique mes chers collègues que les projets de rapport vous sont désormais adressés, par voie électronique, le vendredi précédant la réunion de la commission à l’occasion de laquelle les projets de loi concernés doivent être examinés.

Comme le Rapporteur l’a souligné, le protocole comporte essentiellement des déclarations d’intention et n’impose pas véritablement d’obligations. Il prévoit notamment un grand nombre de cas de dérogations en matière de règles d’urbanisme dans la bande des 100 mètres. Il me semble que le protocole n’a d’intérêt que s’il conduit à l’adoption de dispositions nationales. La France a-t-elle l’intention de prendre ce type de mesures ?

M. Michel Vauzelle, rapporteur. Le Président Poniatowski a raison de souligner que, malgré le caractère très positif des intentions proclamées par le protocole, sa mise en œuvre dépend exclusivement de la volonté des Etats. En France, la législation adoptée depuis la « loi littoral » correspond incontestablement aux principes affirmés par le protocole.

M. Michel Terrot. En France, la « loi littoral » a déjà plus de vingt ans. D’autres pays européens se sont-ils dotés d’une législation équivalente ?

M. Michel Vauzelle, rapporteur. Sans connaître en détail la législation en vigueur dans les autres pays, je sais que certains Etats fortement dépendants du tourisme, à l’exemple de l’Egypte, n’ont pas signé le protocole afin de ne pas se trouver en contradiction avec ses stipulations, dont la portée morale est indéniable. Il me semble que l’Union pour la Méditerranée (UPM) pourrait faire de la protection du littoral méditerranéen l’une de ses priorités. Des actions sont déjà conduites dans le cadre du Plan bleu, du Programme des Nations unies pour le développement et du PNUE et des programmes de coopération technique conduits par les régions méditerranéennes avec le Maroc par exemple. Ce sont des lieux de discussion pouvant permettre d’inciter les autres pays à aller dans le bon sens.

M. Jean-Claude Guibal. L’Italie a-t-elle approuvé ce protocole et est-elle sensible à ce thème ?

M. Michel Vauzelle, rapporteur. L’Italie a signé ce protocole. Il est évident que la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a tout intérêt à coopérer dans ce domaine avec les régions côtières italiennes, si l’on songe notamment au fait que les courants méditerranéens semblent avoir pour effet de ramener vers nos côtes les ordures provenant de grandes villes italiennes comme Rome et Naples.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 1854 rectifié).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation du protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) de la Méditerranée, signé à Madrid le 21 janvier 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte du protocole figure en annexe au projet de loi (n° 1854 rectifié).

© Assemblée nationale

1 () Rapport 2009 du PNUE - Marine Litter : A Global Challenge.

2 () Le rapport Change Climate 2007 du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat- GIEC l’estimait à 18 à 59 cms, fourchette désormais considérée comme une hypothèse basse.

3 () Quinzième conférence des Parties à la Convention sur la protection du milieu marin et du littoral méditerranéen et à ses Protocoles, COP -15 d’Almeria.

4 () Algérie, Croatie, Espagne, France, Grèce, Israël, Italie, Malte, Maroc, Monaco, Monténégro, Slovénie, Syrie, Tunisie.

5 () Signature du protocole le 4 décembre 2008.

6 () Voir le point 52.a du Livre bleu des engagements du Grenelle de la mer de juillet 2009 : « Ratifier le protocole GIZC avant 2010 et inviter les Etats méditerranéens à en faire de même ».

7 () La résolution 2750 C (XXV) des Nations Unies du 17 décembre 1970 visait à convoquer en 1973 une conférence sur le droit de la mer qui serait notamment chargée de la protection du milieu marin, de la prévention de la pollution et de la recherche scientifique.

8 () Décision II/10 « conservation and sustainable use of marine and coastal biological diversity » de la seconde réunion de la conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique tenue à Jakarta du 6 au 17 novembre 1995.

9 () La convention des Nations Unies sur le droit de la mer, établie à Montego Bay le 10 décembre 1982, a été ratifiée par la France en 1996.

10 () Recommandation du Parlement européen et du Conseil relative à la mise en œuvre d’une stratégie d’aménagement intégré des zones côtières en Europe COM(2000) 545 final du 8 septembre 2000, résolution du Conseil concernant une stratégie communautaire de gestion intégrée des zones côtières 94/C 135/02 du 6 mai 1994 et recommandation du Conseil relative à la future politique communautaire relative à la zone côtière européenne 92/C 59/01 du 25 février 1992.

11 () La déclaration dite Déclaration de Barcelone fut adoptée à l’issue de la 1ère conférence interministérielle euroméditérannéenne des 27 et 28 novembre 1995. En étaient signataires les quinze États membres de l’UE et les douze pays de l’Association Méditerranéenne – AMED.

12 () La dépollution de la Méditerranée est l’un des six projets prioritaires de l’Union pour la Méditerranée.

13 () Livre vert « Vers une politique maritime de l’Union : une vision européenne des océans et des mers», SEC (2006) 689.

14 () Déclaration de Catane à l’issue de la treizième réunion ordinaire des Parties contractantes à la convention de Barcelone, 11-14 novembre 2003.

15 () Rapport au Parlement et au Conseil : évaluation de la gestion intégrée des zones côtières COM (2007) 308 Final du 7 juin 2007.

16 () Cet article dispose qu’« en dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée ».

17 () Rapport de M. Dominique Dupilet, député du Pas-de-Calais, à M. le Premier Ministre « Le règlement des conflits d’usage dans la zone côtière entre pêche professionnelle et autres activités », 3 avril 2001.

18 () Rapport d’information parlementaire sur l’application de la loi Littoral n° 1740 de M. Jacques Le Guen, rapporteur, en conclusion des travaux d’une mission d’information menée par M . Léonce Deprez, 21 juillet 2004.

19 () OCDE, Gestion des zones côtières, politiques intégrées, 1993 

20 () Rapport français d’application de la Recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d’une stratégie de gestion intégrée des zones côtières, DIACT, M. Dominique Bresson.

21 () Rapport du gouvernement au Parlement portant bilan de la loi Littoral et des mesures en faveur du littoral, septembre 2007.

22 () Cap I-3 du rapport du groupe 1, présidé par M. Jérôme Bignon, député - La délicate rencontre entre la terre et la mer.

23 () Voir les cartes des zones sensibles développées par l’European Forest Fire Information System (EFFIS) mis en place par la Commission européenne.