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N° 2077

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 novembre 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION DE LOI de M. Hervé GAYMARD et plusieurs de ses collègues relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre (n° 1302)

PAR M.  HervÉ GAYMARD,

Député.

——

INTRODUCTION 5

I.- LA FILIÈRE DU LIVRE : UN MARCHÉ RÉGULÉ PAR LA QUALITÉ ET NON PAR LES PRIX 7

A. LA LOI SUR LE PRIX DU LIVRE : UN BILAN INCONTESTABLEMENT POSITIF 7

1. L’évolution du secteur depuis 1981 a conduit à s’interroger sur la pertinence de cette loi 7

2. Les conclusions du groupe de travail du Conseil du livre sont sans appel 8

B. UN SECTEUR OÙ LES PRINCIPAUX FOURNISSEURS SONT DE TAILLE NETTEMENT PLUS IMPORTANTES QUE LEURS CLIENTS 11

II.- L’ARTICLE 21 DE LA LOI DE MODERNISATION DE L’ÉCONOMIE : UNE DIMINUTION DANGEREUSE DES DÉLAIS DE PAIEMENT POUR LE SECTEUR DU LIVRE 15

A. LES DISPOSITIONS PRÉVUES PAR LA LOI ET LEUR INADAPTATION AU SECTEUR 15

B. UN ACCORD DÉROGATOIRE AUJOURD’HUI EN VIGUEUR QUI INCLUT L’ENSEMBLE DE LA FILIÈRE DU LIVRE 16

1. Une possibilité ouverte par la loi dont le secteur s’est rapidement saisi 17

2. Un accord couvrant toute la filière, étendu par le Gouvernement en mai 2009 18

III.- LA NÉCESSAIRE SANCTUARISATION DE CE STATUT DÉROGATOIRE AU NOM DE L’EXCEPTION CULTURELLE 21

A. UN ACCORD AUJOURD’HUI ENCORE INSATISFAISANT DANS CERTAINES SITUATIONS 21

B. LES CONSÉQUENCES DE LA FIN DE L’ACCORD DÉROGATOIRE EN 2012 21

C. UN CONSENSUS PARLEMENTAIRE EN FAVEUR D’UNE EXEMPTION GLOBALE DU SECTEUR 22

TRAVAUX DE LA COMMISSION 23

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 23

II.- EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE 27

Article unique Définition conventionnelle du délai de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre 27

TABLEAU COMPARATIF 33

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 35

INTRODUCTION

Chaque livre est un prototype unique, le fruit du travail de toute une chaîne de création, qui va de l’écrivain, à l’éditeur, à l’imprimeur, au diffuseur, au bibliothécaire et au libraire. Cette œuvre, pour exister, doit être publiée et diffusée. Comme le rapporteur le rappelle dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi, « cela suppose un adossement à un secteur économique viable dans une économie de marché. Pour paraphraser Malraux évoquant le cinéma, " par ailleurs, le livre est une industrie " ».

En France, le secteur du livre est régi depuis des siècles par un système plus ou moins sophistiqué de prix fixe, un « modèle économique spécifique, dans lequel, depuis le XVIIe siècle, le prix de vente au public des livres est fixé ou conseillé par l’éditeur » (1). C’est bien « cette volonté constante des éditeurs de maîtriser les prix de vente de leurs ouvrages » qui a conduit à l’adoption de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre. Cette loi est donc l’aboutissement de siècles de réflexion du secteur sur l’importance d’une régulation par la qualité et par le conseil plutôt que par les prix. Elle a constitué un formidable instrument de développement économique à un moment où, suite à deux phénomènes concomitants – les arrêtés Monory de 1978 libérant les prix et la montée en puissance de la grande distribution culturelle et généraliste –, le secteur du livre était en péril.

Ce système original a d’ailleurs fait des émules, en Europe et dans le monde. Le groupe de travail constitué au sein du Conseil du livre et chargé de procéder à l’évaluation de la loi, ainsi que sa pertinence dans le contexte du développement de l’économie numérique, que le rapporteur présidait, a rendu ses conclusions le 10 mars dernier, estimant que la loi sur le prix du livre n’a rien perdu de sa pertinence et de son efficacité. Pour autant, certaines évolutions récentes, notamment au niveau législatif, risquent de déstabiliser ce secteur aux marges déjà très réduites.

C’est la raison pour laquelle, dès le 9 décembre 2008, le rapporteur a tenu à déposer sur le bureau de l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à traiter en urgence un sujet particulier : la question des délais de paiement dans une filière régie depuis 1981 par une loi qui la structure et a permis son développement. Cette proposition de loi vise à exempter l’ensemble de la filière de la mesure de plafonnement des délais de paiement entre entreprises, instaurée par la loi n° 2008-576 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite loi LME, pour revenir au système conventionnel antérieurement en vigueur.

I.- LA FILIÈRE DU LIVRE :
UN MARCHÉ RÉGULÉ PAR LA QUALITÉ ET NON PAR LES PRIX

A. LA LOI SUR LE PRIX DU LIVRE : UN BILAN INCONTESTABLEMENT POSITIF

Le 30 juin 2008, suite au dépôt par M. Christian Kert et M. Jean Dionis du Séjour de deux amendements (2) au projet de loi de modernisation de l’économie remettant en cause l’équilibre de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre, Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a décidé de créer au sein du Conseil du livre, instance de dialogue et de propositions pour l’ensemble des acteurs du secteur, un groupe de travail spécifique consacré au bilan de cette loi, dont elle a confié le pilotage au rapporteur. Quatre autres députés ont participé aux travaux de ce groupe de travail : MM. Jean Dionis du Séjour, Michel Françaix, Christian Kert et Marcel Rogemont.

La loi du 10 août 1981 précitée a instauré en France le principe d’un prix unique de vente du livre, fixé par l’éditeur ou par l’importateur. Les détaillants peuvent pratiquer sur ce prix un rabais maximum de 5 %, quel que soit l’acheteur (sauf les bibliothèques et établissements scolaires) et quelle que soit la période de l’année. Votée à l’unanimité par le Parlement, cette loi a été renforcée en 2003 à l’occasion de la transposition en droit français de la directive européenne sur le droit de prêt, les rabais consentis aux collectivités ayant notamment été plafonnés.

1. L’évolution du secteur depuis 1981 a conduit à s’interroger sur la pertinence de cette loi

Ce sont clairement les évolutions juridiques, technologiques et concurrentielles récentes qui ont conduit certains parlementaires à s’interroger sur la pertinence de la loi sur le prix du livre.

En effet, en premier lieu, plusieurs décisions judiciaires récentes (notamment celles relatives à la gratuité des frais de port proposée par les grands acteurs de la vente en ligne de livres que sont Amazon et Alapage) ont soulevé certaines interrogations. Parallèlement, le développement rapide des technologies numériques est de nature, comme pour d’autres industries culturelles, à modifier les équilibres établis au sein de la chaîne du livre et les nouvelles pratiques de lecture, issues de l’univers numérique, mettent également en question l’adaptation de la législation sur le prix unique à une offre de biens culturels dématérialisés. Enfin, l’apparition de ces nouveaux acteurs de la vente du livre est source de nouvelles pratiques commerciales, mais également d’incertitudes juridiques (gratuité des frais de port, réglementation des ventes à prime, application de la loi de 1981 au livre numérique...).

L’enjeu du groupe de travail constitué au sein du Conseil du livre était donc bien de dresser un bilan exhaustif de plus de vingt-cinq années d’application de la loi, de comparer les effets de ce dispositif aux situations particulières des autres pays, notamment au sein de l’Union européenne, et de formuler, le cas échéant, des propositions de modernisation et de renforcement du texte et, plus largement, des préconisations visant à améliorer la situation des différents acteurs de la chaîne du livre et à en préserver les grands équilibres.

Après avoir auditionné avec le groupe de travail la grande majorité des acteurs du secteur et avoir effectué en certain nombre de déplacements sur le terrain (Francfort, Londres, Bordeaux et la région Aquitaine, Lyon et la région Rhône-Alpes, la région Ile-de-France), le rapporteur a remis son rapport à la ministre lors du dernier Conseil du Livre, le 10 mars dernier.

2. Les conclusions du groupe de travail du Conseil du livre sont sans appel

Rappelons une nouvelle fois que le principe de la fixation du prix de vente par l’éditeur ne déroge pas à une tradition française en la matière : au cours des deux siècles écoulés, la liberté dans la fixation du prix du livre a été l’exception, et seulement par deux fois (entre les deux guerres mondiales et de 1978 à 1981).

Le rapport du groupe de travail souligne sans ambages que la loi du 10 août 1981 reste pertinente, y compris à l’ère d’internet. C’est une loi « de développement durable, à la fois culturelle, économique et territoriale, dont le bilan est incontestablement positif ». La loi a par ailleurs été un « formidable article d’exportation, puisque sur l’échantillon représentatif de 24 pays étudiés, elle a inspiré plus de la moitié des 14 pays qui ont adopté un dispositif de prix fixe ».

L’objectif principal de la loi, qui était de permettre l’égalité d’accès des citoyens au livre, a été satisfait, en permettant le maintien d’un réseau de diffusion et de distribution des livres diversifié sur l’ensemble du territoire, avec plus de 3 500 librairies indépendantes, « sans être un obstacle à la montée en puissance de nouveaux acteurs (grandes surfaces culturelles spécialisées et alimentaires, clubs de livres, ventes par Internet), et alors même que le prêt de livres dans les bibliothèques triplait dans la période ». Parallèlement, le marché a connu un dynamisme ininterrompu puisqu’il a progressé de 3 % en moyenne par an, le nombre d’exemplaires vendus ayant progressé de 50 % entre 1986 et 2007.

La répartition des ventes de livres par lieu d’achat en valeur (2007)

Librairies (tous réseaux confondus)

24,4 %

Librairies (grandes librairies et libraires spécialisées)

17,7 %

Grands magasins

0,3 %

Maisons de la presse, librairies-papeteries

6,4 %

Grandes surfaces culturelles spécialisées

21,2 %

Grandes surfaces non spécialisées (dont hypermarchés)

21,4 %

Ventes par internet

7,9 %

VPC et clubs (hors internet)

16,3 %

Courtage

0,4 %

Soldeur / Occasion

1,4 %

Autres (comités d’entreprise, kiosques, gares, salons...)

7,0 %

Sources : TNS-Sofres et rapport de M. Gaymard précité.

Enfin, la loi sur le prix du livre a clairement soutenu « la vitalité et la diversité de l’édition, avec la création de nouvelles entreprises innovantes et réactives, indispensables au paysage éditorial français et le développement d’une offre de livres large et diversifiée.».

Les différents secteurs éditoriaux

2007

Chiffre d’affaires

Exemplaires vendus

Livres scolaires

9 %

8 %

Sciences, techniques, médecine, gestion

4 %

2 %

Sciences humaines et sociales

8 %

4 %

Dictionnaires et encyclopédies

9 %

10 %

Romans

21 %

23 %

Documents, actualités, essais

5 %

3 %

Jeunesse

13 %

19 %

Bande dessinée

5 %

5 %

Mangas

2 %

3 %

Beaux-arts

3 %

1 %

Loisirs, vie pratique

10 %

8 %

Autres

11 %

14 %

Total

100 %

100 %

Sources : SNE, enquête de branche et rapport de M. Gaymard précité.

Par ailleurs, contrairement à une idée reçue, cette loi n’a pas eu d’effets inflationnistes. L’évolution de l’indice global des prix du livre depuis 1990 le montre : si l’on a connu une hausse relative du prix du livre jusqu’en 1994, les prix se sont stabilisés entre 1995 et 1999, puis ont connu une baisse ininterrompue depuis 2000. Ainsi, le livre a donc plutôt moins augmenté sur le long terme que d’autres biens et services. Par ailleurs, la comparaison internationale réalisée par le groupe de travail du Conseil du livre montre également qu’il n’y a strictement aucune corrélation entre le régime des prix – fixe ou livre – et le niveau des prix du livre.

Source : Insee et rapport de M. Gaymard précité.

Source : Insee et rapport de M. Gaymard précité.

Le rapporteur a donc eu confirmation que cette loi fait aujourd’hui l’objet d’une large adhésion parmi les professionnels et les responsables politiques. Elle constitue un élément déterminant de la politique du livre et contribue à l’équilibre de ce secteur. En effet, du fait de l’absence de concurrence sur les prix, « la concurrence entre les différents circuits – et entre les différents points de vente d’un même circuit – se concentre donc sur le choix de l’assortiment, sur la présentation de l’offre, sur le conseil et la compétence des libraires. En évitant d’avoir à se battre sur les prix, les librairies ont pu maintenir les ventes d’ouvrages de grande diffusion et ainsi préserver dans leur assortiment la présence d’ouvrages plus difficiles. Sans cette péréquation, on aurait non seulement assisté à la disparition de nombreux points de vente, incapables de tenir leurs marges, mais également à une uniformisation de l’offre » (3).

B. UN SECTEUR OÙ LES PRINCIPAUX FOURNISSEURS SONT DE TAILLE NETTEMENT PLUS IMPORTANTES QUE LEURS CLIENTS

Rappelons que l’un des objectifs de la loi n° 2008-576 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie était de favoriser le développement des petites et moyennes entreprises (PME). Or, si dans le secteur de la distribution alimentaire, les PME sont essentiellement du côté des fournisseurs, il en est en effet tout autrement dans le secteur du livre où les PME sont, à l’inverse, principalement du côté des détaillants.

En effet, le premier circuit de diffusion du livre, à savoir la librairie, est essentiellement composé de petites entreprises, alors que leurs principaux fournisseurs, les groupes d’édition ou leurs filiales, sont pour la majorité d’entre eux de taille nettement plus importante. Selon le syndicat national de l’édition, le chiffre d’affaires de l’ensemble des éditeurs français représente, en ventes de livres valorisées au prix de cession, 2,76 milliards d’euros (2007), auxquels il convient d’ajouter le montant des cessions de droits réalisées par ces mêmes éditeurs (traduction en langue étrangère, passage au format poche, adaptation audiovisuelle...) qui s’élève à 132 millions d’euros. Les exportations représentent en moyenne 18 % du chiffre d’affaires des éditeurs français. En 2007, selon les services des Douanes, elles totalisaient un montant de 695 millions d’euros (montant incluant la marge des intermédiaires).

Les deux premiers groupes d’édition, Hachette Livre et Editis, représentent aujourd’hui environ 35 % des ventes de livres. Plus largement, les douze premiers groupes de l’édition française réalisent à eux seuls près de 80 % du chiffre d’affaires de l’édition.

En rachetant 40 % du groupe Editis en 2004, le groupe Hachette Livre, détenu depuis 1980 par le groupe Lagardère, est devenu le leader incontesté de l’édition française. Il a réalisé en 2008 un chiffre d’affaires de 2,16 milliards d’euros, dont les deux tiers à l’étranger par ses nombreuses filiales.

Parallèlement, malgré la cession de 40 % de ses actifs à Hachette en 2004, Editis, anciennement Vivendi Universal Publishing, reste aujourd’hui le deuxième groupe éditorial français et se classe au 20e rang des groupes mondiaux d’édition avec un chiffre d’affaires 2008 de 760,2 millions d’euros

Aux côtés de ces deux « géants » et des groupes atypiques que sont France Loisirs (380 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2007) et les éditions Atlas (378 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2007) spécialisés respectivement dans la vente par club et les publications en fascicules, on distingue cinq groupes généralistes importants :

– Média Participations (302 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2007) qui occupe les secteurs de la bande dessinée (Dargaud, Le Lombard, Dupuis...), du livre religieux, du livre pratique (Rustica), du livre illustré et du livre pour la jeunesse (groupe Fleurus, éditions Mango).

– Gallimard (290 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2007) : ce groupe familial inclut, outre les éditions Gallimard (Folio, collection Découvertes, la Pléiade), Denoël, la Table Ronde, le Mercure de France, P.O.L., Verticales, Joëlle Losfeld, et détient 49 % des éditions Hoëbeke et un tiers du groupe Privat-Le Rocher.

– La Martinière (237 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2007) : depuis le rachat du Seuil en 2004, il est présent dans les secteurs de la littérature générale, des beaux livres, du livre illustré, de la jeunesse et du livre pratique.

– Flammarion (244 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2007) : détenu par le groupe de communication italien RCS, il comprend les éditions Flammarion, Casterman, J’ai lu, Fluide Glacial, Arthaud.... Il est également actionnaire minoritaire du groupe Actes Sud et des PUF.

– Albin Michel (163 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2007) : ce groupe familial comprend, outre les éditions Albin Michel, les éditions De Vecchi, Magnard-Vuibert, une participation de 40 % dans Le Livre de poche.

À l’opposé, les librairies sont des entreprises de petite taille (le chiffre d’affaires de la majorité d’entre elles est inférieur à 1 million d’euros) qui se fournissent à 80 % auprès de cette demi-douzaine d’acteurs dont les capacités financières sont sans commune mesure avec les leurs. Plus spécifiquement encore, le réseau des librairies indépendantes est constitué aujourd’hui de 3 500 entreprises de librairies présentes sur l’ensemble du territoire. « Ce réseau, par ailleurs extrêmement dynamique, voit chaque année se créer de nombreuses librairies, généralistes ou spécialisées, dans des grandes villes ou dans des communes plus modestes ».

Il demeure « en tout état de cause aujourd’hui le réseau de ventes de livres le plus important (24,4 %, contre 21,4 % pour les grandes surfaces alimentaires et 21,2 % pour les grandes surfaces spécialisées) »(4). Ce réseau s’est maintenu grâce à la loi sur le prix unique, en dépit de marges de rentabilité extrêmement réduites, et a su se moderniser.

Consommation de la marge et rentabilité des librairies

Consommation de la marge

(en % du chiffre d’affaires total HT)

Librairies A

Librairies B

Librairies C

Librairies D

Résultat globalisé*

Marge commerciale

33,0 %

32,7 %

32,9 %

34,0 %

33,1 %

Frais personnel (y compris charges sociales)

17,2 %

18,3 %

18,2 %

17,8 %

17,8 %

Loyer

2,6 %

2,5 %

3,0 %

4,0 %

3,0 %

Transport

1,2 %

1,4 %

1,6 %

1,9 %

1,5 %

S/t personnel + loyer + transport

21,0 %

22,2 %

22,8 %

23,7 %

22,3 %

Résultant courant avant impôt

2,9 %

2,2 %

1,3 %

1,1 %

1,9 %

Résultat net

2,0 %

2,0 %

1,3 %

0,6 %

1,4 %

N.B. : librairies A : CA > 2 millions d’euros ; librairies B : CA de 1 à 2 millions d’euros ; librairies C : CA entre 0,3 et 1 million d’euros ; librairies D : CA < 0,3 million d’euros.

* Extrapolation des moyennes pondérées, représentatives de la librairie dans son ensemble, compte tenu du poids en chiffre d’affaires des segments ABDC.

Source : Situation économique de la librairie, Ipsos Culture et Observatoire de l’économie du livre, 2005.

Par ailleurs, rappelons que le secteur du livre est également caractérisé par une très grande diversité de l’offre : ainsi, en 2007, 600 000 références étaient disponibles, dont 520 433 ont été vendues, et environ 60 000 nouveautés ont été publiées. L’offre de livres dans les différents points de vente est variable en fonction du mode de distribution. Pour ce qui est des librairies indépendantes, l’assortiment est souvent supérieur à 100 000 références pour les plus grandes, autour de 50 000 pour les librairies de taille moyenne, entre 10 000 et 20 000 pour les librairies spécialisées et de 5 000 à 10 000 pour les plus petites.

II.- L’ARTICLE 21 DE LA LOI DE MODERNISATION DE L’ÉCONOMIE : UNE DIMINUTION DANGEREUSE DES DÉLAIS DE PAIEMENT
POUR LE SECTEUR DU LIVRE

A. LES DISPOSITIONS PRÉVUES PAR LA LOI ET LEUR INADAPTATION AU SECTEUR

L’article 21 de la loi n° 2008-576 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui modifie l’article L. 441-6 du code du commerce, plafonne à quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours calendaires le délai maximal de paiement entre les entreprises. En l’absence de convention, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée. Les professionnels qui ne respecteraient pas ces dispositions s’exposent à des sanctions, prévues au paragraphe III de l’article L. 442-6 du code de commerce.

Ce plafonnement des délais de paiement, qui devait prendre effet à compter du 1er janvier 2009, est particulièrement inadapté pour le commerce et la diffusion du livre. Le commerce de la librairie se caractérise en effet par des délais de paiement longs qui permettent aux libraires de présenter au public l’ensemble de la production éditoriale – les livres publiés depuis plus d’un an représentant 83 % des titres vendus en librairie et plus de la moitié de leur chiffre d’affaires. De même, 40 % des titres vendus sont publiés depuis plus de cinq ans. Ainsi, « la diversité de l’assortiment de livres et le nombre important de titres de fond expliquent que la rotation des stocks est particulièrement lente dans le secteur du livre : 3,4 fois par an en moyenne pour les librairies et 4,7 fois par an en moyenne pour les grandes surfaces spécialisées » (5).

Plus précisément, selon une étude réalisée par le Syndicat national de l’édition auprès des principaux distributeurs, le délai de paiement moyen tous circuits confondus (librairies, grandes surfaces, grossistes, librairies en ligne...) se situe à 94,2 jours. Cette moyenne recouvre des situations hétérogènes puisque l’étude conduite au sein du Syndicat des distributeurs de loisirs culturels en 2008 indique, elle, 84,3 jours pour les grandes surfaces spécialisées (Fnac, Virgin, Cultura...) et celle menée par le Syndicat de la librairie française en 2007 annonce 99,8 jours pour les librairies. S’agissant du secteur de la vente à distance, l’accord dérogatoire, évoqué ci-après, indique que le stock moyen est de 90 jours, soit une rotation d’environ 4 fois par an. Les délais moyens de paiement seraient compris entre 70 et 95 jours pour la vente à distance. Pour les grandes surfaces, ils seraient compris entre 75,5 et 85 jours et le stock moyen serait de 125,9 jours, soit une rotation de 2,9 fois par an.

Ainsi, « priver le secteur de délais de paiement suffisamment longs conduirait à réduire la durée de vie des livres en librairie et en grande surface spécialisée et à favoriser les titres à grande diffusion au détriment des ouvrages à tirage plus réduit, soit autant de conséquences qui apparaîtraient comme contraires à l’esprit même de la loi du 10 août 1981 » (6).

Par ailleurs, l’article L. 441-6 du code de commerce est également inadapté puisque 30 à 40 % de l’approvisionnement des librairies est constitué par des envois « d’office » de nouveautés sur lesquels il serait paradoxal de raccourcir les délais de paiement des librairies, les ouvrages étant en général envoyés par abonnement aux plus petites librairies, sans accord préalable du libraire sur le choix de l’assortiment – titres et quantités – et les invendus étant le plus souvent retournés après plus de trois mois d’exposition.

Les principaux flux entre les éditeurs et les revendeurs

– L’office : « il s’agit d’une pratique courante dans le secteur du livre et qui consiste en l’envoi des nouveautés par l’éditeur au détaillant au moment de la sortie des livres. Pour les grandes librairies, il y a une négociation en amont entre l’éditeur et le libraire afin de déterminer les titres et les quantités à commander ; pour les plus petites librairies, un système d’abonnements ne permettant pas au libraire de décider des titres est mis en place. En contrepartie, le libraire a droit à des remises plus importantes et à retourner les invendus après trois mois d’exposition. La pratique de l’office est particulièrement utilisée dans les relations avec les petites et moyennes librairies. A l’égard des grandes librairies indépendantes ainsi que des grandes surfaces, le système de l’office imposé ne se pratique presque plus ; en effet, un représentant visite le revendeur et prend les commandes avec les quantités souhaitées » (7) ;

– Le réassort : selon la définition du syndicat national de l’édition (SNE), il s’agit de commandes opérées par le détaillant, soit à la demande particulière d’un client, soit parce qu’il veut enrichir son assortiment ou maintenir son fonds. C’est un achat en compte ferme sans faculté de retour.

– Le retour : selon l’Autorité de la concurrence, il s’agit des invendus que les détaillants retournent après quelques mois d’exposition. Il existe un droit de retour général pour l’office et dans certains cas pour le réassort. Le délai de retour est normalement compris entre trois mois et un an. Rappelons que les ouvrages retournés donnent droit à un avoir porté au crédit du compte du point de vente.

B. UN ACCORD DÉROGATOIRE AUJOURD’HUI EN VIGUEUR QUI INCLUT L’ENSEMBLE DE LA FILIÈRE DU LIVRE

L’arrivée d’un livre entre les mains de son lecteur est le résultat d’une somme impressionnante d’opérations et fait intervenir l’ensemble de la « chaîne du livre », de l’imprimeur au libraire. C’est l’ensemble de cette chaîne, dont les relations sont résumées dans le schéma ci-dessous, qui, de concert, très rapidement après la promulgation de la loi LME, s’est émue de la mise en œuvre de l’article 21 relatif aux délais de paiement et a souhaité signer un accord dérogatoire pour différer l’application de cet article.

Le circuit du marché du livre

Source : Rapport de M. Hervé Gaymard précité.

1. Une possibilité ouverte par la loi dont le secteur s’est rapidement saisi

Le III de l’article 21 de la loi LME prévoit en effet que des accords interprofessionnels peuvent, dans un secteur déterminé, définir un délai de paiement maximum supérieur à celui prévu, sous réserve :

– que le dépassement du délai légal soit motivé par des raisons économiques objectives et spécifiques à ce secteur, notamment au regard des délais de paiement constatés dans le secteur en 2007 ou de la situation particulière de rotation des stocks ;

– que l’accord prévoie la réduction progressive du délai dérogatoire vers le délai légal et l’application d’intérêts de retard en cas de non-respect du délai dérogatoire fixé dans l’accord ;

– que l’accord soit limité dans sa durée et que celle-ci ne dépasse pas le 1er janvier 2012.

Ces accords devaient être conclus avant le 1er mars 2009. Le secteur du livre a signé le premier accord dérogatoire le 18 décembre 2008. Deux accords complémentaires ont été signés en février 2009.

2. Un accord couvrant toute la filière, étendu par le Gouvernement en mai 2009

Les signataires de l’accord représentent l’ensemble de la filière du livre, tant les relations aval entre les éditeurs (ou leurs diffuseurs-distributeurs) et les revendeurs que les relations amont entre les éditeurs et les imprimeurs. En premier lieu, quatre syndicats représentatifs du secteur du livre, le syndicat national de l’édition (SNE), le syndicat de la librairie française (SLF), le syndicat des distributeurs de loisirs culturels (SDLC) et l’Union nationale de l’imprimerie et de la communication graphique (UNIC), ont signé le 18 décembre 2008 un premier accord relatif aux délais de paiement entre imprimeurs, éditeurs et revendeurs qui déroge aux délais de paiement imposés par la loi. Étaient couverts par ce premier accord la plupart des imprimeurs, les principaux éditeurs et diffuseurs-distributeurs de livres, la plupart des librairies indépendantes et les grandes surfaces spécialisées en produits culturels.

A l’inverse, la fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), représentant la grande distribution généraliste, l’union du grand commerce du centre-ville (UCV) (8) et la fédération e-commerce et vente à distance (FEVAD) n’avaient pas signé ce premier accord. Ils ont ensuite demandé courant décembre 2008 aux signataires de pouvoir faire partie de l’accord. Le 11 février 2009, la FCD et la FEVAD ont chacune signé un accord avec le SNE et l’UNIC.

L’article 1er de l’accord final prévoit que les délais de paiement maximum sont progressivement réduits entre le point de vente et un éditeur ou son diffuseur-distributeur, ainsi qu’entre imprimeurs et éditeurs, selon le calendrier ci-dessous.

Délais de paiement maxima

Années

Fin de mois

Date de facturation

2009

180

195

2010

150

165

2011

120

135

2012

45

60

Ce calendrier est assorti d’une clause par laquelle les délais actuels ne peuvent pas être augmentés entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2011. Par ailleurs, tout au long de cette période, les délais accordés par un éditeur ou son diffuseur-distributeur ne pourront en aucun cas être supérieurs aux délais accordés en 2008. En cas de non-respect des délais dérogatoires fixés dans l’accord, les pénalités de retard prévues au III de l’article 21 de la loi LME s’appliquent.

L’article 2 de l’accord prévoit que les dispositions de l’accord s’appliquent aux facturations émises après la signature de l’accord et au plus tôt à compter du 1er janvier 2009.

L’Autorité de la concurrence a rendu son avis le 9 avril 2009 (9) et le décret n° 2009-595 du 26 mai 2009 portant dérogation aux dispositions relatives aux délais de paiement dans le secteur de l’édition de livres a ensuite étendu le délai dérogatoire ainsi négocié à tous les opérateurs dont l’activité relève des organisations professionnelles signataires de l’accord, même s’ils ne sont pas eux-mêmes membres de ces organisations.

III.- LA NÉCESSAIRE SANCTUARISATION DE CE STATUT DÉROGATOIRE AU NOM DE L’EXCEPTION CULTURELLE

La possibilité d’application progressive jusqu’au 1er janvier 2012 du plafonnement des délais de paiement était certes prévue par la loi et conditionnée à la signature d’un accord sectoriel, accord signé et étendu par le décret n° 2009-595 précité, comme le rapporteur vient de l’expliciter. Mais il s’agit d’une solution transitoire qui ne saurait être satisfaisante à moyen terme puisque le secteur doit progressivement réduire ses délais de paiement pour entrer dans le cadre de la loi en 2012. Par ailleurs, dans certains cas, l’accord dérogatoire n’est déjà actuellement pas satisfaisant.

A. UN ACCORD AUJOURD’HUI ENCORE INSATISFAISANT DANS CERTAINES SITUATIONS

L’accord signé puis étendu n’est qu’un pis-aller et le problème risque rapidement de se poser à nouveau avec acuité, notamment dans certains cas où les délais de paiement sont beaucoup plus longs que les moyennes constatées et souvent même supérieurs à 150, voire 180 jours. Telle est notamment la situation en cas de création ou de reprise de librairies, de création ou de développement d’un fonds éditorial particulier dans une librairie existante, de difficultés de trésorerie conjoncturelles, d’opérations commerciales de l’éditeur, d’ouvrages de fonds tous secteurs confondus, ou encore de marchés publics (livres scolaires...). Les délais de paiement sont alors négociés au cas par cas et chaque situation fait l’objet de conditions commerciales spécifiques, aujourd’hui très souvent impossibles à mettre en œuvre du fait du plafond prévu.

B. LES CONSÉQUENCES DE LA FIN DE L’ACCORD DÉROGATOIRE EN 2012

L’application en 2012 de l’article 21 de la loi du 4 août 2008, qui modifie l’article L. 441-6 du code du commerce, aurait des conséquences très dommageables pour le secteur, que l’exposé des motifs de la proposition de loi liste clairement et que le rapporteur a déjà évoquées. L’autorité de la concurrence le souligne également dans son avis précité : « les délais de paiement [actuels] particulièrement longs permettent aux libraires et aux grandes surfaces spécialisées de conserver une offre diversifiée de titres et aux éditeurs de pouvoir les éditer. Dans ce contexte, un passage aux délais prévus par la loi du 4 août 2008 sans période de transition risque de se traduire par une réduction sensible des achats par les libraires et les grandes surfaces spécialisées, un moindre temps d’exposition des titres et une augmentation des retours pour des raisons de trésorerie, ainsi qu’une tendance à la concentration sur l’exposition des best-sellers ».

Une mesure législative d’exemption complète en faveur de l’industrie du livre est donc de loin préférable. C’est ce que propose la proposition de loi. Cette demande est parfaitement justifiée, s’agissant d’un secteur régi par un système de prix unique et donc déjà réglementé, ce qui n’est pas le cas d’autres secteurs qui pourraient être tentés de faire des demandes reconventionnelles de même type.

C. UN CONSENSUS PARLEMENTAIRE EN FAVEUR D’UNE EXEMPTION GLOBALE DU SECTEUR

Le rapporteur estime qu’il convient de pérenniser cette dérogation dans la loi, pour maintenir le dynamisme de ce secteur vital à la création artistique de notre pays. Rappelons que des députés représentant trois des quatre groupes politiques de l’Assemblée nationale ont d’ailleurs cosigné la proposition de loi : M. Jean Dionis du Séjour pour le Nouveau Centre (NC), MM. Michel Françaix et Marcel Rogemont pour le groupe socialiste, radical et citoyen (SRC), ainsi que M. Christian Kert et de nombreux députés UMP. Par ailleurs, le groupe socialiste a déposé une proposition de loi n° 1422 identique à la présente proposition de loi.

Il est donc clair que le dispositif proposé fait l’objet d’un accord quasi-unanime sur les bancs de notre Assemblée, tout comme, en son temps d’ailleurs, la loi sur le prix du livre.

L’objectif est simple : l’article unique de la proposition de loi se propose de sanctuariser la dérogation en autorisant par la loi le secteur à continuer de définir de manière conventionnelle les délais de paiement entre fournisseurs et clients, contrairement aux autres secteurs de l’économie. D’ailleurs, dans son avis, l’Autorité de la concurrence souligne clairement que « le droit de la concurrence reconnaît que les conditions et les modalités de concurrence entre les opérateurs n’ont pas à être identiques, dans la mesure où les différenciations relèvent de considérations objectives » (10), ce qui est le cas pour le secteur du livre.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission des affaires culturelles et de l’éducation examine la présente proposition de loi au cours de sa séance du mardi 17 novembre 2009.

Un débat suit l’exposé du rapporteur.

M. Marcel Rogemont. Suite au dépôt par nos collègues Dionis du Séjour et Kert des amendements dits « du pilon » au projet de loi de modernisation de l’économie, j’avais demandé qu’une mission fût diligentée, et Mme Albanel a permis que notre Commission soit associée au groupe de travail qu’elle a alors décidé de créer, consacré au bilan de la loi sur le prix du livre et confié à Hervé Gaymard. Je remercie ce dernier pour la façon dont il a conduit nos discussions, lesquelles ont abouti au dépôt de cette proposition de loi que Michel Françaix et moi-même avons cosignée. Cela traduit l’existence d’un accord puissant pour défendre le livre et sa place dans la société, par l’intermédiaire d’un réseau de libraires proches des citoyens.

M. Christian Kert. Je remercie à mon tour Hervé Gaymard pour le travail qu’il a conduit depuis que Jean Dionis du Séjour et moi avons déposé nos amendements, déclencheurs de cette réflexion. Nous nous réjouissons que ce travail aboutisse à une proposition de loi cosignée par nos collègues socialistes.

Plus généralement, nous sommes interpellés à propos du devenir du livre face aux nouvelles technologies de l’information, notamment au livre numérique. Le texte qui nous est soumis constitue donc l’aboutissement d’une réflexion mais aussi l’amorce d’une réflexion permanente de notre Commission sur l’avenir du livre papier, cher à tous.

M. Michel Françaix. Nos collègues Christian Kert et Jean Dionis du Séjour ont souvent été mieux inspirés que le jour où ils ont déposé leurs amendements, qui tendaient à bouleverser le monde de l’écrit. Après un travail de mise en perspective, la nécessité de renforcer l’écrit est au contraire apparue.

Pour ma part, le livre numérique ne m’inquiète pas particulièrement, et je ne me sens donc pas victime de l’actuelle « ébriété technologique ». Le problème, c’est que si nos concitoyens continuent de lire, voire même lisent plus de livres que par le passé, le public ne s’élargit pas, comme d’ailleurs dans tous les autres domaines culturels – notamment celui de la presse traditionnelle et de la presse gratuite.

Je me félicite en tout cas du travail qui a abouti à ce plaidoyer en faveur de l’écrit, d’autant que le domaine de l’édition reste très particulier. Ainsi, les concentrations n’interdisent pas l’existence de maisons d’édition qui ne publient que deux, trois ou quatre livres par an et qui méritent d’être défendues. Un tel plaidoyer me semble d’ailleurs la meilleure façon d’envisager la problématique de l’identité.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Le sujet de l’écrit est effectivement à aborder dans le cadre du débat sur l’identité nationale.

M. Michel Herbillon. Cette proposition de loi découle de l’excellent rapport qu’Hervé Gaymard avait présenté devant la Commission dans son ancienne configuration. Le consensus dont elle fait l’objet est une manière d’affirmer l’importance du livre, souvent le premier outil d’accès à la culture. Les librairies sont des commerces de proximité culturelle qui irriguent le territoire. Lorsque j’étais rapporteur pour avis du budget de la culture, j’ai d’ailleurs mis l’accent sur l’édition et le livre : à cette époque, les crédits en faveur du livre ont bénéficié d’un abondement très important et le label des librairies indépendantes a été créé.

Je suis très heureux qu’Hervé Gaymard prolonge aussi excellemment mon action en tenant compte de l’ensemble de la chaîne du livre. Il s’agit en effet d’aller plus loin que les accords dérogatoires à la LME, qui n’étaient pas satisfaisants.

Je suggère que nous continuions à nous préoccuper du secteur de l’édition et du livre, qui occupe une place importante non seulement sur le plan économique mais aussi sur le plan culturel. Le débat autour de la numérisation du livre, avec notamment les initiatives de Google, nous en offre l’opportunité.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je vous rappelle que nous organisons, le mercredi 25 novembre, une table ronde sur la numérisation des œuvres du patrimoine écrit.

Mme Monique Boulestin. Alors que nous nous interrogeons sur la place du livre et de l’écrit dans notre paysage culturel, il était important de se pencher sur les délais de paiement. La mesure proposée aidera effectivement les petites librairies indépendantes de proximité, si utiles pour offrir à nos concitoyens un large panel de sources de réflexion. Elle confortera aussi les petites maisons d’édition en région, qui souffrent tout autant.

M. Dominique Le Mèner. Ne conviendrait-il pas de faire également bénéficier la distribution des supports musicaux d’un tel aménagement ?

Mme Martine Martinel. Je m’associe au concert de louanges adressées à M. Gaymard, dont le texte confortera la loi Lang. En citant Julien Gracq dans l’exposé des motifs, il met tout le monde d’accord. Il s’agit non seulement de préserver la liberté, mais aussi de réfléchir à la numérisation du livre. Nous voterons donc sans état d’âme la proposition de loi.

M. le rapporteur. L’achat d’un livre est d’abord un achat d’impulsion, qui, pour se concrétiser, requiert deux conditions.

Premièrement, le prix doit être identique partout, faute de quoi les acheteurs potentiels risquent de différer leur achat en espérant trouver l’ouvrage moins cher ailleurs. Quatorze pays de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) sur vingt-cinq se sont d’ailleurs dotés d’un système de prix unique, le plus souvent directement inspiré de la loi française de 1981.

Deuxièmement, les points de vente doivent être aussi nombreux que possible. En effet, chaque livre étant un prototype, son succès n’est jamais une certitude : certains ouvrages publiés en toute discrétion deviennent des succès ; d’autres, programmés pour être des best-sellers, ne se vendent pas. Comme disait André Malraux, « Au-delà de mille exemplaires, tout succès est un malentendu. » L’un des grands mérites de la loi sur le prix unique est d’avoir maintenu en France un système de diffusion du livre inégalé à l’étranger : on dénombre davantage de points de vente de livres en France que dans tous les États-Unis.

Tel est l’objet de cette proposition de loi : si nous ne réglons pas le problème des délais de paiement entre libraires et éditeurs, compte tenu de l’extrême faiblesse de leurs marges et de leurs rémunérations, la survie d’au moins un tiers des librairies est menacée. Au demeurant, nous avons d’abord été alertés non par les libraires mais par les éditeurs ; ceux-ci ont peut-être un intérêt facial au raccourcissement des délais de paiement mais ils se montrent surtout préoccupés par la pérennité des libraires, même si les ventes en ligne augmentent.

Le pilon, monsieur Kert, avec un taux de pourcentage de retour des livres invendus de 24 à 25 %, est effectivement excessif. Après analyse, il apparaît que la solution ne passe ni par la loi ni par le règlement mais par l’adoption d’un système informatisé de suivi des stocks, ou book tracking, c’est-à-dire la mise en réseau des points de vente et des éditeurs, afin que les réassorts et les réimpressions n’interviennent pas à contretemps. Ce système fonctionne en Grande-Bretagne – le nombre de retours a été divisé par deux depuis son entrée en vigueur –, en Nouvelle-Zélande, en Australie et il est en cours de développement en Italie. Nul besoin de prévoir des crédits publics car le système est peu coûteux et autofinancé, les éditeurs achetant certaines informations collectées auprès des libraires.

Madame Boulestin, vous avez raison, la vitalité de l’édition régionale est cruciale : de petites maisons d’édition publient d’excellents textes qui n’auraient peut-être pas trouvé preneur auprès de sociétés parisiennes installées. La loi de 1981 a aussi favorisé la très grande vitalité de l’édition française. La France, je crois, est le seul pays au monde où de jeunes maisons d’édition vivent en publiant moins d’une dizaine de titres par an.

Monsieur Le Mèner, ce texte prend le parti de ne viser que le livre, non par dédain vis-à-vis des autres industries culturelles mais par cohérence, parce que le livre est le seul secteur régi par le prix unique. À la fin des années soixante-dix, lorsqu’une réflexion a été engagée avec toutes les industries culturelles, les professionnels des industries musicales n’ont pas souhaité entrer dans un système de prix unique. À l’époque, il y avait un disquaire à chaque coin de rue ; aujourd’hui, ils ont tous disparu.

Les secteurs de la musique, du film et du livre sont dans des situations très différentes car les supports de partage de l’œuvre ne bénéficient pas tous de la même maniabilité : il est plus facile de transférer un morceau de musique de trois minutes sur un baladeur qu’un livre de plusieurs centaines de pages sur un écran de téléphone.

II.- EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE

Article unique

Définition conventionnelle du délai de paiement
des fournisseurs dans le secteur du livre

L’article unique de la proposition de loi modifie l’article L. 441-6 du code de commerce.

En l’état actuel du droit, suite aux modifications introduites par l’article 21 de la loi LME précitée, l’article L. 441-6 du code de commerce dispose notamment, que, sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée. Il prévoit surtout que le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la facture.

Le dernier alinéa de l’article L. 441-6 précité prévoit par ailleurs que le fait de ne pas respecter les délais de paiement prévus est puni d’une amende de 15 000 euros.

Le présent article se propose d’insérer un nouvel alinéa après le dixième alinéa de l’article L. 441-6 du code de commerce, afin de prévoir que, pour les opérations d’achat, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon de livres, et uniquement pour ces opérations, le délai de paiement des fournisseurs est défini conventionnellement entre les parties.

Le périmètre ainsi retenu est celui prévu à l’article 278 bis du code général des impôts pour le calcul du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée. Il recouvre l’ensemble des relations entre les acteurs du secteur, à l’exception de celles entre l’imprimerie et l’édition. La reprise de cette énumération permet de prendre en compte toutes les opérations commerciales liées au livre : achat par le détaillant, vente par l’éditeur ou son diffuseur-distributeur, façon (fabrication) et livraison par l’imprimeur, rémunération du diffuseur-distributeur par l’éditeur sous forme de commission... Les opérations d’importation ou d’acquisition intracommunautaire de livres ne sont en revanche pas reprises dans la proposition, celle-ci ne concernant que les délais de paiement négociés entre opérateurs nationaux.

La définition fiscale du livre est par ailleurs précisée par la documentation fiscale (documentation de base DB3C215 mise à jour en 2001 et complétée par une instruction fiscale en date du 12 mai 2005 – 3C4/05). La définition fiscale du livre est la seule définition juridique du livre aujourd’hui ; elle constitue par ailleurs le champ d’application de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre.

Après réflexion, le rapporteur estime que les opérations de vente par courtage, qui ne concernent que des opérations entre entreprises et particuliers, n’ont pas à être mentionnées dans le périmètre de la proposition de loi, qui ne concerne que le crédit inter-entreprises (11).

Par ailleurs, le rapporteur estime qu’il conviendrait d’inclure le secteur de l’imprimerie dans le dispositif, tout au moins pour ce qui concerne ses relations avec le secteur du livre, pour deux raisons au moins :

– En premier lieu, les imprimeurs sont partie à l’accord dérogatoire étendu par le décret n° 2009-595 précité et devraient donc, à ce titre, être inclus dans le périmètre prévu par la loi.

– En second lieu, dans notre pays, les délais de paiement pratiqués par les imprimeurs au profit des éditeurs sont d’environ 125 jours et les délais de paiement de ces imprimeurs à leurs fournisseurs sont également relativement longs s’agissant de l’achat de consommables – notamment papiers ou encre – et atteignent en moyenne 90 jours. Ainsi, « l’application du plafonnement des délais de paiement aux imprimeurs français risquerait d’entraîner un déplacement des commandes des éditeurs vers leurs concurrents étrangers, notamment espagnols ou italiens, qui maintiendraient eux des délais de paiement plus importants. Cette délocalisation des marchés de l’impression de livres aurait des conséquences très dommageables sur un secteur qui connaît déjà des difficultés de trésorerie importantes et dont les estimations d’activité pour 2009 sont plutôt pessimistes. Le secteur de l’impression de livres emploie aujourd’hui en France plus de 5 000 personnes dans des bassins d’emploi le plus souvent sinistrés » (12). Selon l’Autorité de la concurrence, les importations de livres en provenance de Chine auraient augmenté de 47 % en 2007, alors qu’une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) indique même que 60 % des livres commercialisés en France seraient imprimés à l’étranger. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, fin 2008, le Groupe Qualibris, spécialisé dans les impressions couleur et employant près de 1000 salariés en France, annonçait son dépôt de bilan en expliquant qu’il était lié à une délocalisation croissante de l’activité et à la réduction des couvertures d’assurance-crédit.

Il convient de garder à l’esprit que, si les imprimeurs devaient être inclus s’agissant de leurs relations avec le secteur du livre, les fournisseurs de consommables et de papier pour l’imprimerie devraient également être soumis à la même exemption pour ce qui est de la fraction de leurs commandes passées par les imprimeurs de livres. Dans le cas contraire, c’est sur la trésorerie des imprimeurs – subissant des délais allongés de paiement du fait de leurs relations de fournisseurs des éditeurs tout en ne bénéficiant pas des mêmes dispositions en tant que clients des fournisseurs de consommables et de papier – que pèserait l’ensemble du dispositif. Ils ont d’ailleurs, depuis leur signature de l’accord avec le secteur du livre, signé deux accords avec leurs fournisseurs de consommables pour pallier les difficultés de trésorerie liées à cette situation. Ces accords sont valides jusqu’au 1er janvier 2010. Or, comme le rapporteur vient tout juste de le souligner, le secteur est fragile, tout en étant présent dans des zones géographiques où l’activité économique est déjà sinistrée.

Le livre représente 8 à 9 % du chiffre d’affaires de la production d’imprimés. Un quart environ des entreprises de ce secteur (prépresse, imprimerie, reliure) travaille pour l’édition, soit quelque 300 sociétés de plus de dix salariés. Certaines imprimeries, comme CPI, Floch ou Jouve... ont même dédié tout ou partie de leurs presses au livre. Enfin, selon l’UNIC, syndicat représentatif des imprimeurs et signataire des accords, les achats de papier et de consommables destinés à l’impression de livres peuvent parfaitement être distingués des achats réalisés pour les autres produits d’impression.

Rappelons d’ailleurs que, dans son avis, l’Autorité de la concurrence souligne ce paradoxe : « chaque entreprise étant à la fois fournisseur et client, l’allongement des délais de paiement par ces accords de dérogation à un stade de la chaîne verticale de distribution crée une asymétrie que chaque entreprise voudra répercuter en amont. Se pose alors la question de savoir si l’allongement doit être étendu à toute la filière ou s’il doit être limité aux relations particulières qui la justifient. En d’autres termes, se pose la question de savoir qui doit absorber cette asymétrie ». Elle indique par ailleurs que, s’agissant des « fournisseurs présents, non pas à titre principal mais pour une partie moins importante de leur activité, dans un secteur couvert par un accord dérogatoire (…) l’accord dérogatoire peut créer une distorsion de concurrence entre les fournisseurs relevant des organisations signataires, qui pourront appliquer des délais plus longs jusqu’à fin 2011, et ceux non couverts par l’accord, qui sont face à l’alternative de se placer dans l’illégalité ou de risquer de perdre un client si celui-ci leur demande d’appliquer le délai dérogatoire. Ces risques de distorsion, qui n’appellent pas de réponse évidente à la lecture des dispositions législatives précitées, devront être traités au cas par cas »(13).

Le rapporteur estime que l’extension du périmètre de la présente proposition de loi aux imprimeurs pour ce qui est de leurs relations amont et aval avec le livre, constitue la solution la mieux à même d’éviter ce risque de distorsion.

*

La Commission est d’abord saisie de l’amendement 1 AC de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je salue à mon tour le travail du rapporteur. N’étant pas un spécialiste du secteur du livre, il m’a permis de mieux comprendre ses spécificités. Quoi qu’il en soit, ce texte soulève un problème : celui de la diversité des situations des entreprises en matière de délais de paiement. La LME a institué un délai plafond pour lutter contre les excès de la grande distribution. Dans d’autres secteurs, comme le livre, au contraire, les fournisseurs sont en position de force par rapport à leurs distributeurs.

Je ne suis pas spécialiste du secteur du livre, mais l’exemption dont il bénéficiera est gênante au regard de l’équilibre général de la réforme adoptée en 2008. À l’époque, les nombreux intervenants que nous avions auditionnés s’étaient unanimement prononcés contre toute exception. Nous risquons là d’ouvrir une brèche dans laquelle tous les secteurs chercheront à s’engouffrer, groupes de grande distribution et constructeurs automobiles en tête, sans parler des industries de premier rang reposant sur la sous-traitance.

Eu égard à des raisons objectives tenant aux usages de la profession ainsi qu’à la structure des ventes et des produits, le problème du secteur du livre pourrait être réglé sans toucher à la réforme des délais de paiement. En effet, le maintien de délais supérieurs aux délais légaux, en l’espèce, n’est pas défavorable aux créanciers, bien au contraire, ceux-ci ayant intérêt à préserver leur réseau de distribution. Le secteur ne s’exposerait donc pas aux sanctions de la DGCCRF.

Les demandes de propositions de loi particulières commencent déjà à affluer auprès de la Commission des affaires économiques. Si mon amendement n’est pas adopté, nous aurons donc besoin de votre aide : il deviendra impératif de communiquer vigoureusement pour bien expliquer la spécificité du livre.

M. Marcel Rogemont. J’ai trouvé cet amendement curieux. Si j’ai bien compris, au-dessous d’un plafond, notre collègue propose de généraliser la non-application de la LME. D’autres secteurs économiques pourraient demander un relèvement du plafond, qui serait alors réévalué chaque année en loi de finances initiale. Le texte de la proposition de loi est donc beaucoup plus solide que celui de l’amendement.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement, cela n’étonnera personne.

Avec son système de prix unique, la cohérence de la chaîne du livre, de l’imprimeur au libraire, est évidente et unique. Le secteur peut par conséquent échapper à l’application de la LME.

Si notre proposition de loi avait été discutée il y a un an, la situation aurait été différente. Cependant, l’immense majorité des secteurs d’activité ont mis en application le plafonnement des délais depuis le 1er janvier 2009 et un certain nombre d’entre eux n’a d’ailleurs pas demandé d’accord dérogatoire.

L’amendement suivant vise à écarter toute velléité de demande reconventionnelle d’autres secteurs d’activité en n’intégrant pas le dispositif au code du commerce.

Enfin, la mesure proposée par M. Tardy me semble assez compliquée à mettre en œuvre. L’exemption totale du secteur du livre est plus claire et cohérente.

La Commission rejette l’amendement 1 AC.

Puis elle examine l’amendement 2 AC de M. le rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de l’amendement de décodification que j’évoquais à l’instant : l’exemption ne s’applique qu’à un secteur très clairement identifié, celui du livre.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement 3 AC de M. le rapporteur.

M. le rapporteur. Le courtage est une opération entre entreprises et particuliers, jamais entre entreprises ; il ne doit donc pas être mentionné.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement 4 AC de M. le rapporteur.

M. le rapporteur. Les imprimeurs de livres, qui font partie de la chaîne du livre, doivent être inclus dans le périmètre de la loi. Or le texte initial de la proposition de loi, à cet égard, était ambigu. Les imprimeurs de livres sont partie à l’accord dérogatoire étendu. En outre, compte tenu des délais de paiement habituels, s’ils restaient exclus du nouveau dispositif, les imprimeurs de livres illustrés et autres livres d’art, en particulier, souffriraient d’une aggravation de la délocalisation de l’impression, notamment vers la Chine, qui gagne de plus en plus de parts de marché.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article unique ainsi modifié puis l’ensemble de la proposition de loi.

*

En conséquence, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Texte adopté par la commission

___

 

Proposition de loi relative aux délais de paiement des fournisseurs

dans le secteur du livre

Proposition de loi relative aux délais de paiement des fournisseurs

dans le secteur du livre

Code de commerce

Article unique

Article unique

Art. L. 441-6. – Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Celles-ci constituent le socle de la négociation commerciale. Elles comprennent :

-les conditions de vente ;

-le barème des prix unitaires ;

-les réductions de prix ;

-les conditions de règlement.

Les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d'acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services. Dans ce cas, l'obligation de communication prescrite au premier alinéa porte sur les conditions générales de vente applicables aux acheteurs de produits ou aux demandeurs de prestation de services d'une même catégorie.

Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur peut convenir avec un acheteur de produits ou demandeur de prestation de services de conditions particulières de vente qui ne sont pas soumises à l'obligation de communication prescrite au premier alinéa.

Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée.

Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture.

Après le dixième alinéa de l’article L. 441-6 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

Alinéa supprimé

Amendement 2AC

Les professionnels d'un secteur, clients et fournisseurs, peuvent décider conjointement de réduire le délai maximum de paiement fixé à l'alinéa précédent. Ils peuvent également proposer de retenir la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation de services demandée comme point de départ de ce délai. Des accords sont conclus à cet effet par leurs organisations professionnelles. Un décret peut étendre le nouveau délai maximum de paiement à tous les opérateurs du secteur ou, le cas échéant, valider le nouveau mode de computation et l'étendre à ces mêmes opérateurs.

   
 

« Nonobstant les dispositions précédentes, pour les opérations d’achat, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon de livres, le délai est défini conventionnellement entre les parties. »

« Nonobstant les dispositions prévues aux alinéas 8 et suivants de l’article L. 441-6 du code de commerce, pour …

… commission ou de façon concourant à la fabrication de livres, ainsi que pour la fourniture de papier et autres consommables dédiés à une activité d’impression, de brochage, de reliure ou d’édition, le délai … parties. »

Amendements 2AC, 3AC et 4AC

………………………………….

   

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° 1 AC présenté par M. Lionel Tardy

Article unique

Rédiger ainsi l’article unique :

Au 7°) du I de l’article L 442-6 du code de commerce, supprimer les mots :

« qui ne respectent pas le plafond fixé au neuvième alinéa de l’article L.441-6 ou ».

Amendement n° 2 AC présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur

Article unique

I. - Supprimer l’alinéa 1.

II. – En conséquence, à l’alinéa 2, substituer au mot : « précédentes », les mots : « prévues aux alinéas 8 et suivants de l’article L. 441-6 du code de commerce ».

Amendement n° 3 AC présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur

Article unique

À l’alinéa 2, supprimer les mots : « , de courtage ».

Amendement n° 4 AC présenté par M. Hervé Gaymard, rapporteur

Article unique

À l’alinéa 2, après les mots : « ou de façon », insérer les mots : « concourant à la fabrication de livres, ainsi que pour la fourniture de papier et autres consommables dédiés à une activité d’impression, de brochage, de reliure ou d’édition ».

© Assemblée nationale

1 () Hervé Gaymard, Situation du livre – évaluation de la loi relative au prix du livre et questions prospectives, rapport à la ministre de la culture et de la communication, mars 2009.

2 () L’amendement de M. Kert visait à autoriser des rabais supérieur à 5 % (dans la limite du seuil de vente à perte) sur les livres six mois après leur édition ou importation, au lieu de deux ans actuellement, pour les livres dont le dernier approvisionnement remonte à plus de trois mois (contre six mois actuellement). L’amendement de M. Dionis visait à autoriser des rabais supérieur à 5 % (dans la limite du seuil de vente à perte) sur les livres un an après leur édition ou importation, au lieu de deux ans actuellement, pour tous les livres, et non plus uniquement ceux dont le dernier approvisionnement remonte à plus de six mois, comme c’est le cas actuellement. Ces amendements n’ont pas été adoptés mais ont suscité un très fort émoi dans l’ensemble du secteur du livre.

3 () Hervé Gaymard, rapport précité.

4 () Hervé Gaymard, rapport précité.

5 () Avis n° 09-A-08 du 9 avril 2009 relatif au projet de décret concernant la dérogation au délai de paiement imposé par la loi LME dans le secteur du livre.

6 () Hervé Gaymard, rapport précité.

7 () Avis n° 09-A-08 du 9 avril 2009 relatif au projet de décret concernant la dérogation au délai de paiement imposé par la loi LME dans le secteur du livre.

8 () Représentant des grands magasins comme le Printemps, les Galeries Lafayette, Monoprix, le Bon Marché, le BHV, C&A, Virgin ou Habitat.

9 () Avis n° 09-A-08 du 9 avril 2009 précité.

10 () Avis n° 09-A-08 du 9 avril 2009 précité.

11 () Cette activité a pratiquement complètement disparu dans le secteur du livre : elle ne représente aujourd'hui que 0,4 % du marché du livre.

12 () Hervé Gaymard, rapport précité.

13 () Avis n° 09-A-08 du 9 avril 2009 précité.