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N
° 2079

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 novembre 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde pour le développement des utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire,

par M. Claude BIRRAUX

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros  :

Sénat : 335, 620, 621 (2008-2009) et T.A. 10 (2009-2010).

Assemblée nationale : 1982.

INTRODUCTION 5

I – L’INDE, NOUVEL ACTEUR DE LA COOPÉRATION NUCLÉAIRE INTERNATIONALE 7

A – UN CHANGEMENT DE STATUT AU REGARD DES RÈGLES DE NON-PROLIFÉRATION 7

1) La décision du groupe des exportateurs nucléaires 7

2) Plusieurs partenaires se sont déjà manifestés 8

B – L’AMPLEUR DES BESOINS INDIENS 9

1) L’urgence énergétique 10

2) Le choix du nucléaire 10

3) Des perspectives pour les entreprises françaises 11

II – L’ACCORD FRANCO-INDIEN DU 30 SEPTEMBRE 2008 13

A – UNE COOPÉRATION LARGE, QUI OFFRE DES GARANTIES SUBSTANTIELLES À L’INDE 13

B – DES CLAUSES VISANT À LUTTER CONTRE LA PROLIFÉRATION NUCLÉAIRE 15

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

ANNEXE 23

_____

ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 27

Mesdames, Messieurs,

La France a signé, le 30 septembre 2008, un accord de coopération avec l’Inde pour le développement des utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire. Portant sur les seuls usages civils de l’atome, ce partenariat a été rendu possible par la décision du groupe des exportateurs nucléaires de lever les interdictions de transferts de biens et de technologies nucléaires vers ce pays, qui n’a pas signé le traité de non prolifération des armes nucléaires.

Le programme nucléaire civil indien, lancé depuis les années 1970, est aujourd’hui à un tournant de son histoire. Confrontée à une explosion prévisible de ses besoins énergétiques, l’Inde a fait le choix du nucléaire, et devra donc faire appel à l’expertise internationale pour mener à bien ses projets d’accroissement de ses capacités.

Le présent accord offre des garanties concernant l’emploi pacifique des technologies et des biens transférés. Il contient également plusieurs stipulations permettant d’assurer l’approvisionnement à long terme des centrales nucléaires indiennes en uranium enrichi.

Une telle coopération offre de nombreuses perspectives aux entreprises françaises, en pointe dans de nombreux domaines intéressant l’énergie nucléaire. L’Inde a déjà passé d’autres accords similaires avec les Etats-Unis et la Russie, et la compétition entre les pôles nucléaires de chacun de ces pays est déjà lancée pour se voir attribuer les programmes à venir.

I – L’INDE, NOUVEL ACTEUR DE LA COOPÉRATION NUCLÉAIRE INTERNATIONALE

Le choix de participer à la modernisation des infrastructures nucléaires indiennes, et au développement du parc électronucléaire de ce pays, réunit actuellement les principales puissances nucléaires. Une telle situation n’était pas pensable il y a quelques années, mais l’ampleur des besoins énergétiques indiens et le comportement de l’Inde en matière de prolifération nucléaire ont incité les pays exportateurs de technologies nucléaires à réviser leur position.

A – Un changement de statut au regard des règles de non-prolifération

Le programme nucléaire civil indien a été lancé avant l’indépendance. La loi sur l’énergie atomique de 1948 signe le véritable démarrage des principaux programmes nucléaires du pays. Toutefois, le choix, fait dès l’origine, de se doter de capacités nucléaires militaires, a condamné l’Inde à se maintenir hors du traité de non prolifération nucléaire, la plaçant de fait une situation de quasi-embargo en matière nucléaire.

1) La décision du groupe des exportateurs nucléaires

La question des exportations de biens et de technologies nucléaires n’est pas abordée par le traité de non prolifération de 1968. Ce dernier repose sur les engagements des Etats parties à ne pas faciliter la prolifération des technologies nucléaires militaires, et réserve à l’agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) le soin de contrôler l’application de ses stipulations. En revanche, les principaux pays exportateurs de technologies nucléaires se sont réunis au sein d’instances informelles afin d’établir des règles dans le domaine des transferts de biens.

Deux organismes coexistent à l’heure actuelle : le comité Zangger, qui réunit 37 pays, et le groupe des fournisseurs nucléaires (GFN), composé de 46 Etats. Le GFN, créé en 1974 à la suite des premiers essais d’armes nucléaires réalisés par l’Inde, est l’organisation la plus active, puisque ses décisions concernent l’ensemble des Etats, et pas seulement les Etats parties au TNP, ce qui est le cas pour les décisions du comité Zangger.

Par sa décision du 10 septembre 2008, adoptée à l’unanimité des membres, et figurant en annexe du présent rapport, le GFN a ouvert la voie à des coopérations nucléaires avec l’Inde, impossibles jusqu’à cette date dès lors que les règles fondatrices du groupe prévoient d’interdire l’exportation de biens et technologies nucléaires à des Etats n’ayant pas conclu d’accord autorisant l’AIEA à inspecter toutes leurs installations nucléaires – on parle alors d’accords de garanties généralisées – ce qui est le cas de l’Inde.

Le GFN justifie notamment cette décision par les engagements indiens en matière de non prolifération. D’abord, le pays a décidé de procéder à une séparation des installations nucléaires utilisées à des fins civiles de celles ayant un usage militaire. Le dépôt à l’AIEA d’une liste des installations purement civiles permet à l’agence de remplir son rôle d’inspection dans toutes les structures nucléaires civiles indiennes. Suite à l’approbation du plan de séparation par le Parlement indien, un accord a ainsi pu être passé le 1er août 2008 entre l’Inde et l’AIEA.

Ce nouveau cadre de coopération entre les deux parties a permis d’aboutir à la signature, le 15 mai 2009, d’un protocole additionnel, modèle de texte proposé depuis 1993 par l’AIEA qui offre des pouvoirs plus importants à ses inspecteurs.

Ainsi, alors que seulement quatre des 17 réacteurs en service étaient actuellement susceptibles d’inspection, ce seront désormais 10 installations, ainsi que tous les nouveaux réacteurs qui pourraient être construits, et certaines installations impliquées dans le cycle du combustible (enrichissement ou retraitement de l’uranium), qui pourront donner lieu à des contrôles de l’AIEA.

En deuxième lieu, l’Inde s’est engagée à renforcer son système de contrôle des exportations nucléaires, afin de le rapprocher des normes en vigueur au sein du groupe des fournisseurs nucléaires.

En troisième lieu, le moratoire unilatéral indien de novembre 1998 sur les essais nucléaires, décidé après la dernière campagne d’essais mené par ce pays, doit être maintenu.

Ces engagements contribuent à rapprocher l’Inde du système actuel de non-prolifération, sans pour autant contraindre ce pays à ratifier le TNP, ce qui nécessiterait l’abandon de tout programme nucléaire militaire. Forts de cette évolution, qu’ils jugent positive, plusieurs Etats ont choisi de conclure des accords de coopération nucléaire avec l’Inde.

2) Plusieurs partenaires se sont déjà manifestés

Actuellement, l’Inde est liée par sept accords dans le domaine nucléaire, tous signés après la décision du GFN d’autoriser l’exportation d’éléments nucléaires vers ce pays.

Le 5 décembre 2008, l’Inde et la Russie ont ainsi signé un accord portant sur la construction de quatre centrales nucléaires dans le sud du pays.

Le partenariat nucléaire indo-américain a été lancé dès 2005, par une déclaration commune du président américain et du premier ministre indien. Un projet d’accord a été signé le 2 mars 2006. Son entrée en vigueur est restée suspendue au respect par l’Inde d’engagements précis en matière de lutte contre la prolifération, en vertu de la disposition 123 de la loi sur l’énergie atomique américaine (l’accord américano-indien est parfois baptisé « Accord 123 »).

La loi dite « Hyde », du nom de son rédacteur, promulguée en décembre 2006, a permis d’amender les dispositions de la loi américaine sur l’énergie atomique, facilitant la poursuite du processus.

Une fois les principaux engagements indiens validés par la décision du groupe des fournisseurs nucléaires, les Etats-Unis ont pu signer un accord définitif le 10 octobre 2008, après avoir obtenu l’approbation de la Chambre des représentants le 27 septembre, et du Sénat le 1er octobre. Similaire dans l’ensemble à l’accord passé par la France le 30 septembre, l’accord de coopération indo-américain prévoit que les Etats-Unis livreront des centrales nucléaires et participeront à des programmes de recherche nucléaire avec l’Inde.

L’Inde a également signé un accord de coopération nucléaire avec l’Argentine, le 14 octobre 2009.

En plus de ces trois traités de coopération générale, l’Inde a signé des accords prévoyant explicitement l’approvisionnement en uranium naturel, avec des pays connus pour détenir des réserves importantes de ce matériau : le Kazakhstan, en juin 2009, la Mongolie, en septembre 2009, et la Namibie, en octobre de la même année.

L’accord franco-indien du 30 septembre 2008 fait ainsi partie des nombreuses initiatives rendues possibles par la décision du groupe des fournisseurs nucléaires d’août 2008. L’Inde ne devrait pas en rester là, et des discussions semblent avoir été lancées avec le Canada. En effet, l’importance des besoins énergétiques indiens rend particulièrement vital, pour ce pays peuplé de plus d’un milliard d’habitants, le développement d’un parc électronucléaire moderne.

B – L’ampleur des besoins indiens

Avec l’une des premières populations du monde, supérieure à 1,2 milliards d’habitants, et une croissance économique moyenne de 5 % depuis 1991, avec un pic à 8,4 % en 2004 et des chiffres supérieurs à 9 % en 2007 et 8 % en 2008, les besoins énergétiques indiens sont en croissance rapide. Pour y faire face, l’Inde a choisi développer son parc électronucléaire.

1) L’urgence énergétique

D’après l’agence internationale de l’énergie, les besoins de l’Inde devraient passer de 566 millions de tonne équivalent pétrole à 760 millions en 2015, puis 1 106 en 2030, soit un rythme de croissance annuel de 3,5 % pendant 25 ans.

A l’heure actuelle, l’Inde utilise principalement le charbon pour répondre au défi que représentent les besoins énergétiques à venir. Troisième productrice mondiale, elle importe malgré tout environ 10 % de sa consommation annuelle, d’environ 500 millions de tonnes.

La production d’électricité en Inde reste très dépendante du charbon, comme le confirment les chiffres publiés par l’agence internationale de l’énergie en 2009 : près de 70 % de la production annuelle d’électricité en Inde provient de centrales à charbon. Avec plus de 10 %, la production hydroélectrique constitue le deuxième poste, l’ensemble des autres sources (pétrole, gaz et nucléaire) couvrant le reste des besoins.

Les perspectives d’évolution de la demande et de la production d’électricité en Inde soulignent les limites du modèle suivi jusqu’à aujourd’hui. Ainsi, la consommation de charbon représente, en 2006, 1 463 millions de tonnes d’émissions de CO2, chiffre qui pourrait augmenter jusqu’à 2 209 millions de tonnes en 2030. Sur les 1,2 milliards de dollars que l’Inde devrait consacrer à la modernisation de ses infrastructures énergétiques d’ici 2030, environ les trois quarts devraient être consacrés à la production d’électricité.

Or, l’Inde reste largement dépendante de l’extérieur pour ses approvisionnements dans les autres énergies fossiles. 80 % de ses ressources en pétrole proviennent des importations, ainsi que près du quart de ses ressources en gaz naturel, malgré la découverte de gisements importants sur le sol indien.

Dès lors, pour couvrir ses besoins accrus en matière d’électricité, qui pourrait représenter 61 millions de tonnes équivalent pétrole en 2030, contre 21 en 2006, l’Inde a fait le choix renforcer son parc électronucléaire. Les accords qu’elle a passés avec sept autres Etats, dont la France, doivent lui permettre de développer ses capacités de production d’électricité d’origine nucléaire.

2) Le choix du nucléaire

En 2007, 2,5 % de l’électricité produite en Inde était d’origine nucléaire. 17 réacteurs fonctionnent dès à présent, dont la plupart sont de taille réduite (capacité inférieure ou égale à 200 mégawatts) et deux de taille plus importantes (les réacteurs Tarapur 3 et 4, implantés dans l’Etat du Maharashtra, ont une capacité d’environ 490 mégawatts chacun). L’ensemble de la politique nucléaire civile indienne est pilotée et mise en œuvre par la société nationale NPCIL : Nuclear power corporation of India Ltd.

D’ores et déjà, six nouveaux réacteurs sont en cours de construction, dont les deux réacteurs Kundankulam développant une puissance de 950 mégawatts chacun. La plupart des réacteurs actifs, comme ceux actuellement en projet, sont de type PHWR, réacteurs à eau lourde hautement pressurisée reposant sur l’utilisation d’uranium naturel. Les deux plus grands réacteurs, en revanche, reposent sur la technologie à eau pressurisée, qui nécessite de l’uranium faiblement enrichi, et sur laquelle repose la grande majorité des réacteurs actuellement en service dans le monde.

Le gouvernement indien a choisi de lancer un programme de développement massif des capacités nucléaires nationales. Différentes annonces ont été faites, évoquant la mise en ligne de capacité de 20 gigawatts supplémentaires d’ici 2020, puis de 40 gigawatts, soit une multiplication par dix des capacités actuelles. En juin 2009, la société NPCIL a annoncé qu’elle souhaitait atteindre une capacité de 63 gigawatts en 2032.

3) Des perspectives pour les entreprises françaises

Les annonces indiennes relatives au développement des capacités électronucléaires nationales ont suscité l’intérêt de tous les exportateurs de technologies nucléaires. La Russie, partenaire historique, construit déjà plusieurs réacteurs. Les Etats-Unis (General Electric Hitachi, Westinghouse), le Canada (AECL) et la Corée du Sud (KEPCO) se sont également manifestés, afin d’emporter une part d’un marché estimé, pour le moment, à une vingtaine de réacteurs supplémentaires.

En février 2009, l’entreprise française Areva a signé une lettre d’intention (memorandum of understanding) avec la NPCIL, prévoyant la construction de deux, puis quatre réacteurs de type EPR sur le site de Jaitapur. Le montant total de ce contrat a été estimé à 14,5 milliards d’euros environ. De plus, le 17 décembre 2008, Areva a signé le premier contrat de fourniture d’uranium d’origine étrangère avec l’Inde. Enfin, pour Canberra, filiale d'Areva dans le domaine de la mesure nucléaire, les activités en Inde représentent un volume d'affaires potentiel de 20 à 40 millions de dollars.

L’ensemble de la filière électronucléaire française pourrait être amenée à participer au développement du parc indien. Lors d’un colloque organisé en octobre 2009, le secrétaire général du GIIEN, qui regroupe près de 200 sociétés françaises du secteur, a ainsi noué des contacts de haut niveau au sein du gouvernement indien, qui pourraient ouvrir la voie à de nouveaux marchés.

L’ouverture du marché nucléaire indien, qui fait suite à la décision du groupe des fournisseurs nucléaires d’accorder une exemption à l’Inde autorisant l’exportation de produits et de technologies nucléaires malgré l’absence d’accords de garanties généralisées, représente donc une occasion pour nos entreprises de faire valoir leur avance technologique dans ce domaine.

L’accord de coopération nucléaire entre la France et l’Inde, parce qu’il permet d’apporter des garanties à l’Etat indien sans porter atteinte aux principes de lutte contre la prolifération, participe de ce rapprochement entre nos deux pays.

II – L’ACCORD FRANCO-INDIEN DU 30 SEPTEMBRE 2008

La France mène une politique active dans le domaine de la coopération nucléaire civile. Conformément à l’article IV du traité de non prolifération de 1968, elle répond à la demande de développement des usages pacifiques de l’atome. Dans un contexte marqué par une très importante progression de la demande énergétique et par la lutte contre le réchauffement climatique résultant des émissions de C02, le recours à l’énergie d’origine nucléaire connaît une forte augmentation. La France dotée d’un savoir faire mondialement reconnu dans ce domaine mène une politique active de partenariats avec les pays respectant leurs engagements en matière de lutte contre la prolifération.

Des accords ont ainsi été passés, en 2008, avec les Emirats arabes unis en janvier, la Jordanie en mai, l’Algérie en juin, la Libye en juillet, la Slovaquie en septembre. Un accord de coopération, conforme à ces modèles, a été signé avec la Tunisie en avril 2009.

L’accord franco-indien de septembre 2008 comporte des stipulations assez similaires aux autres traités. Il contient notamment des stipulations permettant de garantir l’approvisionnement de l’Inde en matières premières destinées aux centrales nucléaires et aux installations de recherche.

A – Une coopération large, qui offre des garanties substantielles à l’Inde

Les domaines de coopération prévues à l’article 1er du présent accord couvrent un large spectre des activités nucléaires civiles. La France et l’Inde s’engagent ainsi à nouer des partenariats en matière de recherche (sauf celles nécessitant l’utilisation d’uranium enrichi à plus de 20 %), de construction et le fonctionnement de réacteurs nucléaires, de cycle du combustible (y compris la gestion de déchets), de sûreté nucléaire et de prospection concernant la fusion thermonucléaire contrôlée (objet, notamment, du programme international ITER).

Les activités destinées à faire l’objet de coopérations sont évidemment restreintes aux usages « pacifiques et non explosifs » des technologies nucléaires. Dès lors, l’article 1-4 exclut du champ d’application de l’accord toutes les activités nucléaires n’étant pas couvertes par les garanties de l’AIEA, qui continuent d’être menées souverainement par chacun des Etats.

Les articles 2 à 4 rappellent que la mise en œuvre des stipulations du traité implique que des accords spécifiques soient noués entre les personnes chargées par les parties de l’exécution de leurs politiques nucléaires. Des accords ont ainsi été noués par le commissariat à l’énergie atomique, l’autorité de sûreté nucléaire et l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire avec diverses entités indiennes, notamment l’Atomic energy regulatory board et le Bhabha atomic research centre.

D’autres stipulations permettent de parer à d’éventuelles questions que l’exécution du présent accord pourrait soulever. L’article 7 prévoit la signature d’accords relatifs au respect de la propriété intellectuelle. L’article 8 vise quant à lui la création de régimes de responsabilité civile adaptés aux incidents nucléaires. Ce régime existant en France, aucune adaptation législative n’est nécessaire.

Les articles 12 à 14 fixent des obligations en matière de confidentialité des données, de sécurité des installations et des matières nucléaires, et de protection physique de ces dernières, dont les standards sont fixés par la convention sur la protection physique des matières nucléaires du 26 octobre 1979, et des recommandations de l’AIEA. L’annexe 1 de l’accord reprend certaines des obligations internationales dans ce domaine.

Au titre de l’article 20, l’accord du 30 septembre 2008 est prévu pour une durée de quarante ans. Aucune de ses stipulations ne peut être amendée sauf accord mutuel des deux parties.

Cette exigence de stabilité est particulièrement marquée en matière d’approvisionnement de l’Inde en matières nucléaires. Ce point est jugé essentiel par la partie indienne, ses installations actuelles ne fonctionnant qu’à 50 % de leur plein potentiel du fait d’une disponibilité insuffisante de la matière première.

L’article 5 prévoit ainsi que des accords de long terme doivent être passés dans ce domaine afin de faciliter l’accès « fiable, ininterrompu et continu […] aux approvisionnements en combustible nucléaire, systèmes et composants de réacteurs » pour l’Etat sur le territoire duquel une centrale nucléaire aurait été construite par l’autre partie.

Deux mécanismes sont prévus pour garantir l’approvisionnement en combustible. D’abord, comme elle l’a fait par exemple avec les Emirats arabes unis, la France s’engage, au titre de l’article 5-2, à soutenir les efforts indiens visant à se constituer une réserve stratégique, de manière autonome ou en participant à une banque commune de combustible.

En second lieu, les deux parties conviennent que la localisation progressive sur place de la production de certains éléments nécessaires au fonctionnement des centrales peut être envisagée pour garantir la disponibilité des ressources en temps et en heure.

B – Des clauses visant à lutter contre la prolifération nucléaire

En contrepartie des stipulations visant à garantir l’approvisionnement de l’Inde en matériaux nucléaires, l’équilibre de l’accord du 30 septembre 2008 repose sur l’engagement mutuel des deux parties à soumettre tous les éléments de leur coopération au respect des principes de la lutte contre la prolifération.

L’article 10 de l’accord franco-indien souligne ainsi que tous les éléments nucléaires transférés au titre de la coopération instituée doivent être soumis aux accords de garanties et au protocole additionnel signés avec l’AIEA.

Cette obligation doit permettre que soient respectées les stipulations de l’article 9, selon lequel aucun des éléments utilisés dans le cadre de la coopération franco-indienne ne peut être utilisé à des fins autres que pacifiques et non explosives.

De cette obligation résulte également l’obligation, qui figure à l’article 15, d’interdire tout transfert de produits nucléaires à un Etat tiers, sauf accord de l’autre partie et obtention de la part de l’Etat tiers « d’un engagement d’utilisation pacifique et non explosive, de l’application de garanties de l’AIEA et de mesures de protection physique adéquates ».

CONCLUSION

La situation de l’Inde au regard des accords internationaux dans le domaine nucléaire a radicalement changé le 10 septembre 2008. En décidant, à l’unanimité, d’autoriser l’exportation de produits nucléaires malgré l’absence d’accords de garanties généralisées entre l’Inde et l’AIEA, le groupe des fournisseurs nucléaires a lancé un vaste mouvement de coopération internationale à destination de cette grande puissance.

Tenant compte des engagements indiens en matière de non prolifération, notamment le rapprochement progressif opéré par l’Inde, puissance nucléaire militaire, du système de contrôle de l’AIEA, les 47 exportateurs nucléaires réunis au sein de ce groupe informel ont également souhaité apporter une réponse positive aux besoins énergétiques croissants de ce pays.

En effet, afin de faire face à des besoins d’électricité qui pourraient tripler d’ici 25 ans, l’Inde ne peut pas compter sur sa seule production de charbon, et ne dispose pas d’assez de réserves en hydrocarbures pour développer ses capacités dans ce domaine. Dès lors, le gouvernement indien a fait le choix de renforcer considérablement ses capacités électronucléaires, ce qui ne peut être possible qu’avec la pleine coopération des principales puissances nucléaires civiles.

La France, qui dispose dans ce domaine de compétences mondialement reconnues, s’est donc naturellement imposée comme un partenaire essentiel pour l’Inde. Le présent accord prévoit donc de développer des coopérations dans tous les domaines touchant aux usages strictement pacifiques de l’énergie nucléaire, tout en apportant des garanties importantes en matière de lutte contre la prolifération.

L’Inde est actuellement liée par sept accords de coopération nucléaire. Les autres Etats se sont déjà positionnés sur le marché nucléaire indien, qui pourrait représenter jusqu’à 40 réacteurs nucléaires d’ici 2030. La France dispose de véritables champions mondiaux en matière d’énergie nucléaire. La ratification du présent accord permettra de faire valoir les compétences françaises, tout en contribuant à rapprocher un peu plus l’Inde du régime actuel de lutte contre la prolifération.

Pour ces raisons, votre Rapporteur se prononce en faveur de sa ratification.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 17 novembre 2009.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Paul Lecoq. Je dois dire que j’ai un problème avec l’entrée en matière du texte qui nous est proposé qui énonce des affirmations fausses : « Reconnaissant que le nucléaire constitue une source d’énergie sûre, respectueuse de l’environnement et durable… », « Que l’énergie nucléaire représentera une source d’énergie indispensable pour les générations futures… ». Tout cela est faux ! On peut le formuler différemment, indiquer qu’on peut y voir une réponse aux problématiques environnementales, mais pas en des termes qui reflètent les propos du lobby nucléaire.

Cela étant, quant à la question de la gestion des déchets nucléaires, l’examen du texte montre que rien n’est prévu. Mieux, dans les annexes, il est indiqué que l’on peut fournir des matières pour le retraitement des déchets. L’article 5 de l’accord est également discutable en ce sens que la France s’engage dans le cadre d’un groupe d’amis à alimenter l’Inde en combustible nucléaire. Rien n’est non plus prévu concernant le stockage des déchets. Lorsque l’usine de la Hague a été lancée, nous sommes devenus la poubelle d’autres pays, on a retraité, on a même créé une colline de stockage ! Qu’en est-il ici ? Je ne vois rien de prévu et je reste dans le doute.

Quant à l’enrichissement, je remarque que l’on garantit la fourniture de plutonium, et qu’il y a donc un risque vers un usage militaire. En ce qui concerne les EPR, nous continuons d’en vendre, alors que l’on sait qu’il y a des problèmes de sécurité, que l’on n’a pas encore réglés. Il y a des possibilités de fuites et ce sont des sujets sur lesquels une culture de l’information est indispensable vis-à-vis des populations, quant à l’organisation des exercices de secours également. Rien n’apparaît sur ces aspects et rien ne dit que l’on garantisse un service après-vente. L’Inde ne le dit pas non plus. Cela me semble très léger pour pouvoir être approuvé ainsi.

M. Paul Giacobbi. Sur le fond, il faut rappeler que l’Union indienne est en manque dramatique d’énergie électrique, comme l’a souligné notre rapporteur. Il faut savoir que les générateurs sont actuellement sa source d’alimentation principale et qu’elle n’a pas de pétrole. La croissance du nucléaire est par conséquent pour elle une nécessité vitale, compte tenu de son niveau de croissance économique. En ce qui concerne la bombe atomique, je rappellerai aussi qu’ils n’ont eu besoin de personne pour l’avoir depuis le début des années 70 : les découvertes majeures de la recherche atomique indienne remontent aux débuts du XXe siècle, et l’Inde n’a pas besoin d’un accord avec la France pour cela. C’est une puissance nucléaire établie.

Cela étant, le rapport indique qu’en février 2009, AREVA a signé un accord avec la NPCIL. J’avais été à l’époque très étonné de l’annonce de la vente d’un réacteur parce qu’on avait signé cet accord. Je me suis renseigné auprès de la NPCIL et il apparaît que l’on s’est, en fait, simplement accordé pour éventuellement entamer des discussions avec la France, qui pourraient déboucher sur un contrat ; ce n’est pas du tout la même chose, d’autant que, en même temps, les Indiens négocient avec d’autres partenaires, les Etats-Unis notamment. Nous avons trop tendance à confondre signature d’accords et annonces commerciales. On a rejeté Siemens dans les bras russes, etc. Il faut faire attention, d’autant qu’on connaît les difficultés actuelles d’AREVA. Tout cela coûte cher, d’autant qu’on est aussi face à des problèmes de gestion de matière nucléaire, y compris le plutonium. Ce qui s’est passé, par exemple, à Cadarache est extrêmement sérieux : je rappelle qu’on a retrouvé dix kilos de poussières de plutonium ! Par comparaison, ce qui s’est passé au niveau des matières nucléaires russes perdues dans l’ancien empire soviétique était de la rigolade !

Par ailleurs, sur la construction de deux EPR, il ne faut pas oublier qu’il y a des difficultés telles que les pénalités de retard atteignent maintenant le montant du contrat et AREVA en est à se défausser et dire que les partenaires finlandais en matière de travaux publics ne sont pas fiables ! C’est sans précédent, compte tenu de la réputation des Finlandais qui n’est plus à faire, d’autant que la Cogema, ancien nom d’AREVA, était connue comme le loup blanc sur le secteur pour être elle irresponsable ! Il faudrait peut-être que nous réussissions à construire un EPR et à le faire marcher, si possible avant un délai de deux ans de retard, avec de telles pénalités, avant d’essayer d’en vendre. Ces remarques faites, cet accord est évidemment souhaitable, c’est remarquable.

M. Jean-Michel Boucheron. Je suis évidemment très favorable à cet accord, y compris sur la question du groupe des pays amis, car ce n’est que par la gestion collective des matières premières que l’on arrivera à éviter la dissémination. Je n’ai qu’une question, juridique : qu’est-ce qui a changé en 2008 sur le plan du Traité de non prolifération nucléaire qui a rendu possible cet accord qui ne l’était pas auparavant ?

M. Serge Janquin. Je formulerais la même réserve que Jean-Paul Lecoq. Le préambule est inutilement dithyrambique sur le nucléaire et il convient d’avoir un regard plus nuancé. A la différence de Jean-Michel Boucheron, je qualifierais le concept de pays amis de nouveau et fragile ou inconstant. Que recouvre-t-il exactement ?

Mme Marie-Louise Fort. Les accords de coopération entre Etats de ce type sont positifs. Y en a-t-il d’autres avec d’autres pays émergents que l’Inde ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Le préambule de l’accord traduit en effet l’importance pour l’Inde de la diversification de modes de production d’électricité, et en particulier du développement de la production d’électricité d’origine nucléaire. Ses besoins actuels sont déjà deux fois supérieurs à ceux de la France pour une population quinze fois plus élevée et un nouveau doublement est prévu entre 2010 et 2030, pour couvrir son développement économique et les besoins de sa population.

La notion de banque de combustible est apparue au sein de l’AIEA pour contribuer à apporter une solution au problème du nucléaire iranien et sud-coréen : l’objectif est de réunir les Etats au sein d’un groupe qui assure l’approvisionnement de pays désireux de développer leur production d’électricité nucléaire afin d’éviter que ceux-ci ne cherchent à accéder aux technologies d’enrichissement, qui peuvent déboucher sur des usages militaires. Dans la mesure où la capacité des centrales nucléaires indiennes n’est utilisée qu’à hauteur de 50 % faute de matière première disponible, on comprend l’importance de cette notion pour ce pays.

La question de la gestion des déchets nucléaires est ancienne. Il est vrai que 275 tonnes de déchets nucléaires étrangers sont stockés à la Hague et ont vocation à y rester car aucune disposition conventionnelle ne prévoyait leur renvoi dans le pays de provenance. Depuis les lois de 1991 et de 2006, lorsque des déchets nucléaires d’origine étrangère arrivent en France, ce ne peut être que de manière transitoire, soit au cours de leur transit vers un site de traitement localisé dans un autre pays, soit afin d’être retraités en France, sachant que dans ce cas, les résidus retourneront ensuite dans le pays d’origine. L’accord de coopération avec l’Inde ne prévoit pas l’accueil de déchets sur notre territoire.

Il ne faut pas commettre d’erreurs en établissant un lien entre l’enrichissement d’uranium et la production de plutonium. Les réacteurs indiens fonctionnent à l’eau lourde sous pression et en utilisant de l’uranium naturel enrichi entre 2 et 4 %. L’enrichissement à ce niveau ne conduit pas à la production de plutonium.

La question de l’information et de la formation des populations n’a pas lieu d’être traitée dans un accord international. Il appartient à chaque Etat d’organiser les dispositifs nécessaires qui doivent reposer sur la responsabilité de l’exploitant et l’autonomie d’une autorité de sûreté bénéficiant d’une expertise scientifique. Le développement des coopérations internationales a l’avantage de favoriser la diffusion des bonnes pratiques.

En ce qui concerne le « memorandum de compréhension » (MOU memorandum of understanding), il est évident qu’il ne faut pas s’attendre à la signature de contrats à court terme. Néanmoins, l’Inde a toujours exprimé son souhait de disposer de plusieurs technologies et de plusieurs fournisseurs, ce qui ouvre naturellement des perspectives pour le groupe français.

C’est la décision du groupe des fournisseurs nucléaires du 10 septembre 2008 de lever les restrictions frappant l’Inde qui a ouvert la voie à la conclusion de cet accord. Le traité de non-prolifération n’interdit pas l’exportation d’uranium enrichi vers des Etats qui n’y sont pas partie.

La sécurité de la fourniture du combustible est un objet central de cet accord, comme il l’est dans les accords conclus avec le Kazakhstan et la Namibie. C’est une nécessité impérieuse pour l’Inde.

Des accords comparables ont été conclus par la France en 2008 avec les Emirats arabes unis, la Jordanie, l’Algérie, la Libye et la Slovaquie, ainsi qu’avec la Tunisie en 2009.

Aucun d’entre eux ne s’est encore traduit par la signature de contrats de vente. Les experts pensent qu’il faudra probablement attendre entre quinze et vingt ans avant que ces Etats soient effectivement en mesure d’exploiter des centrales nucléaires.

M. Jean-Paul Lecoq. Je ne suis pas opposé par principe à ce type d’accord mais je trouve celui-ci particulièrement mal fait. Dans l’annexe 2 par exemple, la France s’engage à fournir à l’Inde des « extracteurs centrifuges », alors même que c’est la possession de ce type d’équipements qui est reproché à l’Iran.

Mme Martine Aurillac. A ce propos, l’Iran a-t-il exprimé une réaction lors de la signature de cet accord ?

M. Yves Cocquempot. Quels sont les membres de ce groupe de fournisseurs nucléaires (GFN) ?

M. Claude Birraux, rapporteur. La grande différence entre l’Iran et l’Inde c’est que cette dernière s’est engagée à accepter les contrôles les plus stricts de l’AIEA sur ses installations nucléaires, tandis que l’Iran refuse ces contrôles. A ma connaissance, l’Iran n’a pas particulièrement réagi à la conclusion de cet accord. Quant au groupe des fournisseurs, il compte 47 Etats membres.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 1982).

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La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde pour le développement des utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire (ensemble deux annexes), signé à Paris le 30 septembre 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 1982).

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