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N° 2782

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 septembre 2010.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité,

PAR M. Arnaud ROBINET,

Député.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 2400, 2814

INTRODUCTION 7

I.- L’EMPLOI D’ÉTRANGERS DÉPOURVUS D’UN TITRE DE TRAVAIL : UNE RÉALITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIALE PRÉGNANTE 9

A. LES RÉSULTATS CROISSANTS DES SERVICES CHARGÉS DE LA RÉPRÉSSION DE L’EMPLOI D’ÉTRANGERS SANS TITRE 9

B. LE DÉBAT AUTOUR DE LA RÉGULARISATION DES « TRAVAILLEURS SANS-PAPIERS » 11

II.- UN CADRE JURIDIQUE DÉJÀ SOLIDE POUR LA RÉPRESSION DE L’EMPLOI D’ÉTRANGERS DÉPOURVUS DE TITRE DE TRAVAIL 13

A. LES DIFFÉRENTS CAS DE FIGURE 13

1. La distinction entre titre de séjour et titre de travail 13

2. Un cas de figure du travail illégal 13

3. Une distinction à faire selon la bonne foi des employeurs 14

B. LES DROITS DU SALARIÉ DÉPOURVU DE TITRE DE TRAVAIL 15

C. LES SANCTIONS DONT EST PASSIBLE L’EMPLOYEUR 15

1. Les sanctions pénales 15

2. Les sanctions administratives 16

a) Les sanctions spécifiques à l’emploi d’étrangers sans titre de travail 16

b) Les autres sanctions administratives 16

III.- UNE RÉFORME QUI TRANSPOSE UNE DIRECTIVE COMMUNAUTAIRE DU 18 JUIN 2009 19

A. LA DIRECTIVE « SANCTIONS » DU 18 JUIN 2009 19

1. Portée et champ de la directive 19

2. Obligations des employeurs 20

3. Droits des salariés 20

4. Sanctions des employeurs 20

a) Sanctions financières 20

b) Sanctions économiques et administratives 20

c) Sanctions pénales 21

d) Responsabilité des donneurs d’ordres, directs ou indirects 21

B. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI 21

1. Une extension de la responsabilité des « donneurs d’ordre » 21

2. Des droits financiers accrus et sécurisés pour les étrangers concernés 23

3. Des sanctions accrues pour les employeurs 25

4. Des pouvoirs de contrôle renforcés 26

TRAVAUX DE LA COMMISSION 27

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 27

II.- EXAMEN DES ARTICLES 33

TITRE IV : DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DES DROITS SOCIAUX ET PÉCUNIAIRES DES ÉTRANGERS SANS TITRE ET À LA RÉPRESSION DE LEURS EMPLOYEURS 33

Chapitre Unique 33

Article additionnel avant l’article 57 (art. L. 8222-1 du code du travail) : Obligation pour les donneurs d’ordre de s’assurer que leurs cocontractants s’acquittent des cotisations de sécurité sociale 33

Article 57 (art. L. 8251-2 [nouveau] du code du travail) : Interdiction du recours conscient, direct ou par personne interposée, aux services d’un employeur d’un étranger sans titre 33

Article 58 (art. L. 8252-2 du code du travail) : Présomption de la relation de travail, majoration de l’indemnité forfaitaire et double indemnisation des salariés étrangers employés sans titre 34

Article 59 (art. L. 8252-4 [nouveau] du code du travail) : Indemnisation par l’employeur de salariés étrangers sans titre, consignation et reversement des sommes dues, même après réacheminement 36

Après l’article 59 37

Article 60 (art. L. 8254-2 du code du travail) : Sommes dues à l’étranger en cas de mise en œuvre de la responsabilité solidaire des donneurs d’ordres et maîtres d’ouvrage 37

Article 61 (art. L. 8254-2-1 et art. L. 8254-2-2 [nouveaux] du code du travail) : Obligation pour le maître d’ouvrage d’enjoindre les sous-traitants recourant à l’emploi d’étrangers sans titre de cesser immédiatement de telles pratiques 38

Article 62 (art. L. 8256-2 du code du travail) : Sanctions pénales des maîtres d’ouvrage et donneurs d’ordres en cas de connaissance de l’emploi d’étrangers sans titre 38

Article 63 (art. L. 8271-1-1 [nouveau] du code du travail) : Sanction du défaut d’acceptation par le maître d’ouvrage des sous-traitants et d’agrément des conditions de paiement des contrats de sous-traitance 39

Article 64 (art. L. 8271-6-1 et art. L. 8271-6-2 [nouveaux], art. L. 8271-11 du code du travail) : Pouvoirs et accès aux informations pertinentes des agents des corps de contrôle en charge des vérifications en matière d’emploi d’étrangers sans titre 39

Article 65 (art. L. 8272-1 du code du travail) : Aides et subventions pouvant être refusées à l’employeur qui a commis une infraction de travail illégal ou dont le remboursement peut être exigé 40

Article 66 (art. L. 8272-2 et art. L. 8272-3 [nouveaux] du code du travail) : Fermeture administrative temporaire des établissements employant des étrangers sans titre et garanties légales offertes aux salariés dans ce cadre 40

Article 67 (art. L. 8272-4 [nouveau] du code du travail) : Exclusion administrative provisoire des marchés publics des employeurs recourant à des étrangers sans titre 40

Après l’article 67 41

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 43

ANNEXES 49

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 49

ANNEXE 2 : DIRECTIVE 2009/52/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL DU 18 JUIN 2009 PRÉVOYANT DES NORMES MINIMALES CONCERNANT LES SANCTIONS ET LES MESURES À L’ENCONTRE DES EMPLOYEURS DE RESSORTISSANTS DE PAYS TIERS EN SÉJOUR IRRÉGULIER 51

INTRODUCTION

Le présent projet de loi s’inscrit dans la recherche, toujours difficile, d’une politique d’immigration qui concilie efficacité et justice. À cette fin, il renforce la politique d’intégration et d’ouverture à l’immigration de travail, mais aussi les outils de lutte contre l’immigration irrégulière et l’emploi d’étrangers dans des conditions irrégulières.

La question de l’immigration étant au coeur des préoccupations de nombreux membres de l’Union européenne, elle est devenue ces dernières années, et il faut s’en féliciter, un objet important de l’action communautaire. C’est ainsi que le présent projet de loi transpose dans notre droit national trois directives européennes :

– la directive dite « retour » du 16 décembre 2008, qui traite des normes et procédures applicables au renvoi des étrangers (extracommunautaires) en séjour irrégulier ;

– la directive « carte bleue européenne » du 25 mai 2009, qui crée le premier titre de séjour européen, pour les travailleurs hautement qualifiés ;

– la directive dite « sanctions » du 18 juin 2009, qui concerne les mesures à l’encontre des employeurs d’étrangers en séjour irrégulier.

Cette dernière est transposée par le titre IV du projet de loi. Votre Commission des affaires sociales s’est saisie pour avis de ce titre, qui modifie le code du travail. Il comporte des mesures qui rendront plus efficaces les sanctions contre les employeurs d’étrangers dépourvus d’un titre de séjour les autorisant à travailler en France, accroissent les prérogatives des administration chargées du contrôle et élargissent les possibilités d’en appeler à la co-responsabilité financière des donneurs d’ordre. Il améliore aussi considérablement les droits des étrangers employés dans ces conditions : les indemnités qui leur sont dues par l’employeur sont fortement augmentées et, surtout, sont mis en place des dispositifs d’information, de recouvrement des sommes en cause et d’envoi, le cas échéant, vers le pays d’origine où ils seront retournés ; ils pourront ainsi percevoir effectivement ces fonds.

Sous réserve d’amendements visant notamment à garantir la proportionnalité des sanctions qui peuvent être infligées aux employeurs tout en veillant à la bonne rentrée des cotisations sociales, votre Commission a donné un avis favorable à ces dispositions.

I.- L’EMPLOI D’ÉTRANGERS DÉPOURVUS D’UN TITRE DE TRAVAIL : UNE RÉALITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIALE PRÉGNANTE

Il est, par définition, difficile d’évaluer le nombre d’étrangers employés bien qu’ils ne disposent pas d’un titre de séjour les autorisant à travailler. On entend souvent que 200 000 à 400 000 « sans-papiers » vivraient en France. Le fait est que plus de 200 000 personnes sont inscrites à l’aide médicale d’État (AME), dont on rappelle qu’elle est réservée aux personnes étrangères résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois sans remplir la condition de régularité du séjour exigée pour l’admission à la couverture maladie universelle (CMU) et dont les ressources sont inférieures à un plafond. 70 000 à 80 000 étrangers en situation irrégulière sont interpellés annuellement.

Certains seulement de ces étrangers travaillent. Les seules sources « objectives » disponibles sur le travail des étrangers en séjour irrégulier sont celles qui rendent compte de l’activité de contrôle et de répression des services compétents. Les sans-papiers qui travaillent ont également acquis une visibilité nouvelle avec le mouvement social, en vue de régularisation, conduit par plusieurs milliers d’entre eux en Ile-de-France depuis deux ans.

A. LES RÉSULTATS CROISSANTS DES SERVICES CHARGÉS DE LA RÉPRÉSSION DE L’EMPLOI D’ÉTRANGERS SANS TITRE

De nombreuses administrations interviennent dans la répression de l’emploi d’étrangers dépourvus d’un titre de séjour les autorisant à travailler : en 2008, la gendarmerie, premier corps verbalisateur, a dressé 36 % des procès-verbaux, la police 22 %, l’inspection du travail du régime général, 20%, les URSAFF, 16 %. Du fait sans doute d’une plus grande implication de ces services dans le cadre des priorités du Gouvernement, les infractions constatées en matière d’emploi d’étrangers sans titre de travail apparaissent de plus en plus nombreuses. Comme le montre le tableau ci-après, c’est, parmi les différents cas de travail illégal (voir infra sur cette notion et ce qu’elle recouvre), celui qui paraît le plus progresser : + 18,1 % en 2008, contre seulement + 10,9 % pour l’ensemble des infractions.

Faits constatés en 2008

 

Nombre de faits

Évolution par infraction par rapport à 2007 (en %)

Travail dissimulé

10 896

9

Emploi d’étrangers sans titre

3 275

18,1

Marchandage - Prêt de main d’œuvre

393

8,3

Total (« travail illégal »)

14 564

10,9

Source : étude d’impact du projet de loi.

En 2009, le nombre de faits constatés en matière d’emploi d’étrangers sans titre a atteint 3 558, soit encore 8,6 % d’augmentation.

Le suivi du nombre de personnes mises en cause (essentiellement des employeurs) montre aussi une augmentation très forte en quelques années, comme on le voit sur le tableau ci-après : on assiste à un quasi-triplement de 2006 à 2009.

Nombre de personnes mises en cause pour emploi d’étrangers sans titre

2006

2007

2008

2009

1 218

1 688

3 031

3 204

Source : étude d’impact du projet de loi.

S’agissant des sanctions administratives (voir infra pour plus de détail sur leur régime), on relève le même type d’évolution s’agissant de la contribution spéciale due à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), amende administrative à la charge de l’employeur qui emploie un étranger dépourvu d’autorisation de travail : le nombre de dossiers transmis a doublé de 2005 à 2009. Cependant, le nombre moyen d’infractions (nombre d’étrangers employés irrégulièrement) par dossier, diminuant, le nombre global d’infractions est plus stable.

Amendes dues à l’Office français de l’immigration et de l’intégration

 

2005

2006

2007

2008

2009

Nombre de dossiers parvenus à l’OFII

779

1 010

1 164

1 341

1 433

Nombre d’infractions constatées

2 027

2 515

2 584

2 814

2 046

Source : étude d’impact du projet de loi.

Pour ce qui est de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l’étranger dans son pays d’origine, autre sanction administrative, l’étude d’impact du projet de loi mentionne la mise en œuvre de 680 procédures en 2008 et 641 en 2009. Enfin, les statistiques sur les sanctions pénales, plus anciennes, font apparaître 298 condamnations en 2005 pour emploi d’étrangers sans titre de travail, 392 en 2006 et 428 en 2007 à l’encontre de personnes physiques, dont 170 peines d’emprisonnement, 154 amendes et 12 peines de substitution.

Il convient enfin de relever que ces infractions sont concentrées dans quelques secteurs d’activité : le bâtiment et les travaux publics (17 % des faits constatés en 2008), l’industrie (16 % des faits constatés), les hôtels-cafés-restaurants (14 %) et l’agriculture (10 %).

B. LE DÉBAT AUTOUR DE LA RÉGULARISATION DES « TRAVAILLEURS SANS-PAPIERS »

Le mouvement social conduit par des travailleurs sans-papiers qui exigent leur régularisation depuis plus d’un an a par ailleurs donné une certaine visibilité à la réalité, le plus souvent dissimulée par définition, du travail des étrangers sans titre. Il aurait concerné plus de 6 000 personnes, employées notamment dans le bâtiment et les travaux publics, la restauration et le gardiennage.

Le Gouvernement a pris en compte ce mouvement en publiant le 24 novembre 2009 une circulaire (IMIK0900092C) visant à donner un cadre à des régularisations au cas par cas de travailleurs sans-papiers, sur le fondement de l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) : cet article permet la délivrance de cartes de séjour temporaire pour des « considérations humanitaires » ou « au regard de motifs exceptionnels » ; ces cartes de séjour peuvent être accordées au titre de la « vie privée et familiale », mais aussi, depuis la loi n° 2007-1631 du 29 novembre 2007, au titre d’une activité de salarié ou de travailleur temporaire dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national.

Tout en rappelant le « pouvoir discrétionnaire » de l’administration pour ces régularisations, la circulaire et le Document de synthèse des bonnes pratiques des services instructeurs qui la complète ont défini quelques critères objectifs à prendre en compte tels que cinq ans de séjour au moins en France, douze mois d’ancienneté au moins dans l’entreprise, un contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée d’au moins douze mois, un salaire au moins égal au SMIC mensuel… Des règles particulières ont été prévues pour le cas des intérimaires.

En mars 2010, des organisations syndicales de salariés, des organisations d’employeurs et des entreprises (1) ont élaboré une « Approche commune entre employeurs et organisations syndicales sur les conditions d’obtention d’autorisation de travail et de séjour correspondant pour les salariés étrangers ». Elles y demandent la formulation de « critères objectifs de délivrance d’autorisation de travail et de séjour pour les étrangers qui en sont dépourvus », afin, ce qui illustre les intérêts qu’y voient les différentes parties, « de permettre l’effectivité de l’égalité de traitement entre les salariés et afin de combattre les distorsions de concurrence entre les entreprises ». Ce texte insiste sur la nécessité d’une démarche « commune et conjointe » des salariés et des employeurs concernés et réserve les régularisations aux cas ou les cotisations et impôts ont été acquittés (salariés sans titre mais cependant déclarés).

Dans un addendum au guide précité des bonnes pratiques, publié le 18 juin 2010, le Gouvernement a apporté des aménagements en vue d’une meilleure prise en considération, notamment, de la situation des intérimaires et des employés de maison : assouplissement des périodes de référence sur lesquels les demandeurs doivent justifier d’un travail passé, prise en compte des employeurs multiples et de tout document valant contrat de travail (par exemple des bulletins de salaire)…

Plus de 1 600 demandes de régularisation ont été déposées.

II.- UN CADRE JURIDIQUE DÉJÀ SOLIDE POUR LA RÉPRESSION DE L’EMPLOI D’ÉTRANGERS DÉPOURVUS DE TITRE DE TRAVAIL

Le titre IV du présent projet de loi renforce le régime de responsabilité des employeurs et les droits des salariés en cas d’emploi d’étrangers sans titre. Il vient ainsi compléter un dispositif légal et réglementaire déjà substantiel.

A. LES DIFFÉRENTS CAS DE FIGURE

1. La distinction entre titre de séjour et titre de travail

Avant de détailler les sanctions applicables en cas d’emploi d’étrangers sans titre, il convient de rappeler qu’il s’agit en l’espèce de l’emploi d’étrangers sans titre de travail : en effet, des étrangers peuvent disposer d’un titre de séjour parfaitement légal sans être pour autant autorisés à travailler en France.

Sans entrer dans le détail, si la carte de résident (délivrée pour dix ans) et la carte de séjour temporaire dite « vie privée et familiale » permettent l’exercice de toute activité professionnelle à leur détenteur (sous réserve des réglementations de nationalité propres à certaines professions), d’autres titres de séjour n’autorisent, pas, en eux-mêmes, à travailler : les demandeurs d’asile durant la procédure de reconnaissance de leur statut et les personnes entrées en tant que touristes (pour moins de trois mois) ou « visiteurs » ne peuvent ainsi travailler, sauf à demander une autorisation de travail. L’exercice d’un travail peut également constituer la justification d’une entrée sur le territoire, auquel cas les intéressés obtiennent une carte de séjour à ce titre (qui naturellement les autorise à travailler). Enfin, les détenteurs d’un titre de séjour « étudiant » peuvent travailler dans la limite de 60 % d’un temps plein annuel.

Il faut donc bien distinguer les questions du séjour et du travail irréguliers, le cas de l’étranger autorisé à séjourner mais pas à travailler devant être pris en compte.

2. Un cas de figure du travail illégal

Le code du travail (article L. 8211-1) fait de l’emploi d’étrangers sans titre de travail un des cas de « travail illégal ». Relèvent aussi de cette notion :

– le travail dissimulé : absence des déclarations obligatoires ou de bulletin de paie, dissimulation d’heures de travail, etc. ;

– le marchandage et le prêt illicite de main d’œuvre, c’est-à-dire la fourniture de main d’œuvre à but lucratif dans des conditions interdites par la loi et en dehors des cas qu’elle autorise (comme l’intérim) ;

– la fraude aux allocations chômage et assimilées ;

– le cumul irrégulier d’emplois conduisant à dépasser la durée légale maximale du travail.

L’emploi d’étrangers sans titre est souvent, mais pas toujours, cumulé avec leur non-déclaration, donc le travail dissimulé. Des étrangers en situation irrégulière peuvent parfaitement être déclarés à la sécurité sociale sur la base de faux documents.

3. Une distinction à faire selon la bonne foi des employeurs

Une dernière distinction, difficile à mettre en œuvre, devrait légitimement être faite dans ce cas de faux documents : l’employeur peut être à l’initiative ou complice de la falsification ; il peut aussi être trompé par le salarié.

Cependant, le code du travail, actuellement, ne prévoit pas cette distinction. La rédaction de son article L. 8251-1, selon laquelle « nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France », sanctionne une situation objective sans préciser si la faute doit être consciente.

Il est vrai, par ailleurs, que l’article L. 5221-8 du même code oblige les employeurs à s’assurer auprès des administrations compétentes de l’existence du titre de travail des étrangers qu’ils embauchent, ce qui est censé les protéger de toute tromperie. Mais ils sont dispensés de cette obligation dans le cas de personnes inscrites à Pôle emploi, ce qui, de fait, ne garantit pourtant pas que l’authenticité des papiers de ces personnes ait effectivement été contrôlée. En outre et plus généralement, il n’est pas spécifié que la mise en œuvre de cette diligence dispense les employeurs en cause de tout ou partie des conséquences de la découverte ultérieure de l’irrégularité de la situation desdits salariés.

En croisant les différentes distinctions effectuées supra, on voit qu’il existe six cas de figure :

– l’emploi non déclaré (travail dissimulé) de salariés étrangers dépourvus de titre de séjour ;

– l’emploi non déclaré (travail dissimulé) de salariés étrangers ayant un titre de séjour, mais non autorisés à travailler ;

– l’emploi déclaré, sur la base de documents falsifiés avec la complicité de l’employeur, de salariés étrangers dépourvus de titre de séjour ;

– l’emploi déclaré, sur la base de documents falsifiés avec la complicité de l’employeur, de salariés étrangers ayant un titre de séjour, mais non autorisés à travailler ;

– l’emploi déclaré, sur la base de documents falsifiés à l’insu de l’employeur, de salariés étrangers dépourvus de titre de séjour ;

– l’emploi déclaré, sur la base de documents falsifiés à l’insu de l’employeur, de salariés étrangers ayant un titre de séjour, mais non autorisés à travailler.

B. LES DROITS DU SALARIÉ DÉPOURVU DE TITRE DE TRAVAIL

Le code du travail (articles L. 8252-1 et suivants) dispose que l’étranger employé sans titre de travail est assimilé, à compter de la date de son embauche, à un salarié régulièrement engagé pour ce qui concerne les obligations de l’employeur relatives à la réglementation du travail, notamment en matière de temps de travail, de salaire, de congés, d’ancienneté, de santé et de sécurité.

En cas de rupture de la relation de travail, le salarié étranger sans titre a droit à une indemnité forfaitaire égale à un mois de salaire, sauf application de règles légales et conventionnelles plus favorables (indemnités de licenciement, etc.).

En cas de travail dissimulé (celui-ci, on l’a dit, pouvant être cumulé avec l’absence de titre de travail), il est prévu (article L. 8223-1 du code du travail) une indemnité de rupture égale à six mois de salaire, quel que soit le mode de rupture de la relation de travail (licenciement, démission, échéance du contrat à durée déterminée…).

C. LES SANCTIONS DONT EST PASSIBLE L’EMPLOYEUR

L’employeur d’étrangers sans titre de travail s’expose à une batterie de sanctions pénales et administratives.

1. Les sanctions pénales

Des sanctions pénales sévères sont prévues pour l’emploi d’étrangers sans titre : jusqu’à cinq ans de prison et 15 000 euros d’amende pour les personnes physiques, ces peines étant portées à dix ans et 100 000 euros lorsque l’infraction est commise en bande organisée. Les amendes sont appliquées autant de fois qu’il y a d’étrangers concernés et peuvent être quintuplées si la condamnation vise une personne morale (une entreprise).

Des peines complémentaires peuvent en outre être prononcées : fermeture de l’établissement en cause, interdiction d’exercice de l’activité dans le cadre de laquelle l’infraction a été commise, confiscation des objets ayant servi à commettre cette infraction ou qui en sont le produit, exclusion des marchés publics pendant cinq ans au plus, interdiction de séjour de cinq ans au plus (pour un employeur lui-même étranger), affichage et diffusion de la décision prononcée, etc.

2. Les sanctions administratives

Aux sanctions pénales s’ajoutent des sanctions administratives.

a) Les sanctions spécifiques à l’emploi d’étrangers sans titre de travail

Selon les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, l’employeur de travailleurs étrangers sans titre de travail est tenu (indépendamment d’éventuelles sanctions pénales) d’acquitter une contribution spéciale au profit de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Son montant de base est équivalent à mille fois le minimum garanti (soit 3 310 euros) par salarié. Il peut être réduit à 500 ou au contraire être porté à 5 000 fois ce minimum garanti, en cas de réitération des faits.

En application de l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’employeur ayant occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier doit en outre acquitter une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l’intéressé dans son pays d’origine. Son montant est variable, en fonction des coûts moyens constatés, selon le lieu de départ (métropole ou outre-mer) et le pays de destination, le montant moyen étant globalement estimé à 2 400 euros.

Il faut ajouter que ces sanctions peuvent concerner les donneurs d’ordre. Au demeurant, selon l’article L. 8251-1 du code du travail, l’emploi d’étrangers sans titre « par personne interposée » est bien prohibé aussi bien que leur emploi direct. L’article L. 8254-1 du même code fait obligation à toute personne de vérifier, « lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution de ce contrat, que son cocontractant s’acquitte de ses obligations au regard des dispositions du premier alinéa de l’article L. 8251-1 » (cité supra). À défaut de cette vérification, le donneur d’ordre est, selon l’article L. 8254-2 du même code, solidairement tenu au paiement de la contribution spéciale à l’OFII et de la contribution représentative des frais de réacheminement.

b) Les autres sanctions administratives

L’article L. 8272-1 du code du travail institue un dispositif d’exclusion des aides publiques applicable à l’ensemble des cas de travail illégal (dont l’emploi d’étrangers sans titre) : peuvent être refusées aux employeurs mis en cause, pendant cinq ans au plus, les aides publiques à l’emploi et à la formation professionnelle, ainsi que celles accordées dans le cadre du soutien à la culture et au cinéma. Cette exclusion peut notamment couvrir les aides afférentes à certains contrats de travail (contrats d’apprentissage, contrats de professionnalisation, divers contrats aidés…), les aides des collectivités territoriales et de leurs groupements et les concours du Fonds social européen (FSE).

Par ailleurs, en cas de travail dissimulé – qui souvent se cumule avec l’emploi d’étrangers sans titre –, le bénéfice de toute mesure de réduction et d’exonération, totale ou partielle, des cotisations de sécurité sociale ou des contributions dues aux organismes de sécurité sociale est suspendu. Lorsque l’infraction est constatée par procès-verbal, les URSSAF procèdent à l’annulation rétroactive et au recouvrement des réductions ou exonérations pratiquées sur la période où a été constatée l’infraction (dans les limites de 45 000 euros et d’une prescription de cinq ans).

III.- UNE RÉFORME QUI TRANSPOSE UNE DIRECTIVE COMMUNAUTAIRE DU 18 JUIN 2009

Le titre IV du projet de loi, dont votre Commission des affaires sociales est saisie, vient modifier l’arsenal juridique exposé supra avec pour objet principal d’y insérer les mesures de transposition de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 « prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ».

Plus généralement, il s’inscrit dans la mise en œuvre des priorités du Plan national de lutte contre le travail illégal, qui sont, pour 2010-2011, la lutte : contre le travail dissimulé ; contre l’emploi d’étrangers sans titre de travail ; contre le recours frauduleux à des statuts spécifiques ; enfin, contre les fraudes transnationales.

A. LA DIRECTIVE « SANCTIONS » DU 18 JUIN 2009

La directive du 18 juin 2009 s’inscrit dans la volonté, manifestée lors du Conseil européen tenu à Bruxelles les 14 et 15 décembre 2006 et confirmée dans le Pacte européen sur l’immigration et l’asile adopté à l’unanimité par l’ensemble des États membres le 16 octobre 2008, d’aller vers une « politique européenne globale en matière de migrations », qui reposerait notamment sur le développement de partenariats avec les pays d’origine et de transit des migrants, l’amélioration de la gestion des frontières extérieures de l’Union, la concrétisation du régime d’asile européen commun et le renforcement des mesures contre l’emploi illégal.

La directive (qui est reproduite en annexe du présent rapport) pose un certain nombre d’exigences en matière de droits financiers des étrangers employés irrégulièrement, d’obligations et de sanctions des employeurs ainsi que des donneurs d’ordre.

1. Portée et champ de la directive

La portée et le champ de la directive appellent deux observations préalables :

– il s’agit d’un texte posant des « normes minimales » ; les États membres sont libres d’imposer des obligations et des sanctions plus sévères aux employeurs et d’adopter des dispositions plus favorables aux travailleurs étrangers (considérant 4 du préambule et article 15) ;

– elle ne concerne pas les étrangers dont le séjour est régulier, mais qui travaillent en violation de leur statut de résident (considérant 5 du préambule).

2. Obligations des employeurs

L’article 4 de la directive impose aux États membres de prévoir que les employeurs devront exiger la présentation de leur titre de séjour par les étrangers qu’ils embauchent, garder une copie de ce titre à la disposition de l’administration et lui notifier les embauches. Le respect de ces obligations doit dispenser de sanctions les employeurs de bonne foi.

3. Droits des salariés

Les États membres doivent, selon l’article 6 de la directive, mettre en place des mécanismes effectifs de paiement des arriérés de salaire aux travailleurs étrangers employés irrégulièrement. La relation de travail doit être présumée avoir duré au moins trois mois, sauf preuve contraire. Les employeurs doivent, en outre, couvrir les frais d’envoi de ces sommes dans le pays où l’étranger est retourné ou a été renvoyé. Enfin, des mécanismes de réclamation efficaces doivent permettre aux étrangers concernés de porter plainte directement ou par l’intermédiaire de tiers désignés, tels que des organisations syndicales ou d’autres associations.

4. Sanctions des employeurs

La directive impose tout un ensemble de sanctions à l’encontre des employeurs d’étrangers en situation irrégulière, de leurs donneurs d’ordre et cocontractants.

a) Sanctions financières

L’article 5 de la directive impose (outre les obligations financières susmentionnées vis-à-vis des travailleurs étrangers en cause) des sanctions financières dont le montant augmente en fonction du nombre de travailleurs employés illégalement, ainsi que le paiement des frais de retour des intéressés.

b) Sanctions économiques et administratives

L’article 7 de la directive impose la mise en place de sanctions économiques et administratives :

– l’exclusion du bénéfice de certaines ou de toutes les aides publiques, y compris les fonds communautaires, pour une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans ;

– le recouvrement de certaines ou de toutes ces aides pendant une période maximale de douze mois précédant la constatation de l’emploi illégal ;

– l’exclusion des marchés publics, pour une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans ;

– la fermeture temporaire ou définitive des établissements ayant servi à commettre l’infraction ou le retrait temporaire ou définitif de la licence permettant de mener l’activité en question.

c) Sanctions pénales

L’article 9 de la directive fait obligation aux États membres de prévoir des sanctions pénales pour les cas les plus graves (infractions continues ou répétées, nombre significatif d’étrangers employé irrégulièrement, conditions de travail particulièrement abusives, emploi de mineurs…).

d) Responsabilité des donneurs d’ordres, directs ou indirects

L’article 8 de la directive impose la mise en place d’un régime rigoureux de responsabilité financière des donneurs d’ordre, en distinguant deux niveaux :

– le donneur d’ordre doit être solidairement responsable avec ses sous-traitants directs des sanctions financières (amendes administratives et frais de retour des étrangers) et des arriérés de salaire ;

– l’entrepreneur principal et tout sous-traitant intermédiaire, s’ils étaient au courant de l’emploi d’étrangers en séjour irrégulier, doivent être tenus à la même solidarité financière vis-à-vis de toute leur chaîne de sous-traitance directe et indirecte.

B. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Le dispositif juridique en vigueur répond déjà largement aux prescriptions de la directive du 18 juin 2009. Il doit toutefois être complété sur plusieurs points, ce que fait le projet de loi.

1. Une extension de la responsabilité des « donneurs d’ordre »

La directive, comme on l’a dit, distingue deux niveaux de responsabilité des donneurs d’ordre :

– vis-à-vis des salariés étrangers en situation irrégulière de leurs sous-traitants directs ;

– vis-à-vis de ceux de leurs sous-traitants indirects si ces donneurs d’ordre étaient au fait de la situation d’emploi illégal.

Les dispositions combinées des articles L. 8251-1, L. 8254-1 et L. 8254-2 du code du travail en vigueur satisfont la première exigence en prévoyant d’ores et déjà des obligations de vérification et, à défaut, une responsabilité des donneurs d’ordre par rapport à leurs cocontractants.

Les articles 57 et 62 du projet de loi ont pour objet de répondre à la seconde exigence de la directive en prohibant le fait de recourir « sciemment », « directement ou par personne interposée », aux services d’un employeur d’étrangers sans titre, et en soumettant cette infraction aux mêmes sanctions pénales que l’emploi direct d’étrangers sans titre. Il s’agit donc d’une extension des cas de co-responsabilité des donneurs d’ordre. On peut toutefois s’interroger sur la rédaction retenue, qui, notamment, ne paraît pas étendre la responsabilité des donneurs d’ordre à toute leur chaîne de sous-traitance, mais au seul premier niveau de sous-traitance indirecte (sous-traitants de second rang) si l’on fait une interprétation stricte de l’expression « par personne interposée » employée au singulier. Votre Commission a en conséquence adopté des amendements de précision.

L’article 61 du projet de loi vise à donner un contenu effectif mais équilibré au principe de responsabilité solidaire des donneurs d’ordre, même indirects, qui sont au courant de la situation d’emploi d’étrangers sans titre : le donneur d’ordre qui aura été informé par écrit, par une administration chargée du contrôle, un syndicat ou une association d’employeurs ou encore une institution représentative du personnel (comité d’entreprise, délégués du personnel, délégués syndicaux…), d’une situation d’emploi d’étrangers sans titre dans sa chaîne de sous-traitance devra enjoindre à son cocontractant (sous-traitant direct) de faire cesser cette situation. La méconnaissance de cette obligation d’injonction entraînera la responsabilité solidaire des donneurs d’ordre, même indirects, pour le paiement des salaires et indemnités des travailleurs étrangers sans titre ainsi que pour les amendes administratives. Cette responsabilité solidaire s’appliquera aussi en cas de condamnation pénale du donneur d’ordre pour avoir laissé sciemment subsister une situation d’emploi d’étrangers sans titre dans sa chaîne de sous-traitance. Enfin, en l’absence de suites données à l’injonction du donneur d’ordre, il est prévu que le contrat pourra être résilié aux torts du sous-traitant.

Par ailleurs, la responsabilité solidaire des donneurs d’ordre est actuellement limitée aux seules amendes administratives que sont la contribution spéciale à l’OFII et la contribution représentative des frais de réacheminement. Conformément à la directive, l’article 60 du projet de loi l’étend aux salaires et arriérés de salaire, frais d’envoi de ceux-ci et indemnités de rupture de la relation de travail.

Enfin, l’article 63 comble une lacune. La loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance a instauré, pour les entrepreneurs titulaires de marchés, l’obligation de faire accepter par le maître d’ouvrage chacun de leurs sous-traitants et agréer les conditions de leur paiement ; ils sont également tenus de lui communiquer les contrats de sous-traitance à sa demande. Ces obligations ne sont pas, actuellement, sanctionnées. Il est donc proposé d’instaurer une amende de 7 500 euros en cas d’infraction.

2. Des droits financiers accrus et sécurisés pour les étrangers concernés

Conformément aux exigences de la directive, les articles 58 et 59 du projet de loi améliorent les droits financiers des travailleurs étrangers sans titre et leurs moyens effectifs de les faire valoir.

L’article 58 institue une présomption, sauf preuve contraire, que la relation de travail a duré trois mois, donc doit donner lieu au versement d’arriérés de salaire équivalents.

En outre, l’indemnité forfaitaire (2) existante en cas de rupture de la relation de travail est portée de un à trois mois de salaire. L’exposé des motifs du projet de loi fait observer que cette indemnité n’a pas été actualisée depuis sa création en 1981, alors que l’indemnité forfaitaire prévue pour le travail dissimulé a été portée de un à six mois de salaire en 1997. Le versement de droit, aux salariés étrangers sans titre, de trois mois d’arriérés de salaire, complétés par une indemnité de trois mois de salaire également, leur permettra de bénéficier de droits voisins de ceux des salariés dont l’emploi n’a pas été déclaré (travail dissimulé), qui perçoivent, comme on l’a dit, une indemnité égale à six mois de salaire ; les deux situations resteront toutefois traitées de manière légèrement différentes du fait de l’existence de charges sociales sur les trois mois d’arriérés de salaire (et non sur les indemnités de rupture). Les salariés étrangers qui sont à la fois employés sans titre et non déclarés ne pourront cumuler les droits qui sont les leurs au titre des deux infractions (emploi irrégulier d’étrangers et travail dissimulé) ; leur indemnisation se fera sur la base du régime le plus favorable.

Enfin, l’employeur devra prendre en charge les frais d’envoi des rémunérations impayées vers le pays du travailleur concerné s’il y est retourné ou y a été renvoyé.

Le tableau ci-après récapitule les coûts financiers directs (hors amendes pénales éventuelles et coûts économiques liés aux sanctions telles que l’exclusion des marchés publics) pour les employeurs dans différents cas d’infraction, ainsi que les sommes auxquelles les salariés auront alors droit.

Droits financiers des salariés et paiements et contributions dus par les employeurs de travailleurs étrangers non autorisés à travailler

(hors éventuelles amendes pénales)

(en euros)

Situation du travailleur

Dispositif

Sommes dues au salarié (sur la base d’un salaire au SMIC)

Ensemble des sommes dues par l'employeur

Etranger en séjour irrégulier et non déclaré

Contribution aux frais de réacheminement (art. L. 626-1 du CESEDA) (montant moyen)

 

2 400,00

Contribution spéciale à l’OFII (art. L. 8253-1 du code du travail)

 

3 310,00

Nouveau : frais d’envoi des rémunérations impayées (art. L. 8252-2 du code du travail)

 

200,00

Indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire (art. L. 8223-1 du code du travail)

NB : régime plus favorable au salarié que le versement de 3 mois de salaire chargé + 3 mois d’indemnité

8 062,80

8 062,80

TOTAL

8 062,80

13 972,80

Etranger en séjour irrégulier, mais déclaré (faux titre de travail)

Contribution aux frais de réacheminement

 

2 400,00

Contribution spéciale à l’OFII

 

3 310,00

Nouveau : frais d’envoi des rémunérations impayées (art. L. 8252-2 du code du travail)

 

200,00

Nouveau : relation salariale présumée de 3 mois, sauf preuve contraire (même article)

3 370,25

5 164,22

Nouveau : indemnité forfaitaire de rupture de 3 mois de salaire (même article)

4 031,40

4 031,40

TOTAL

7 401,65

15 105,62

Etranger en séjour régulier, mais sans titre de travail et non déclaré

Contribution spéciale à l’OFII

 

3 310,00

Indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire

8 062,80

8 062,80

TOTAL

8 062,80

11 372,80

Source : tableau élaboré à partir de l’étude d’impact du projet de loi.

L’article 59 cherche à garantir l’effectivité des droits financiers des travailleurs étrangers sans titre. Il prévoit, d’une part une obligation de versement pesant sur l’employeur, sous un délai fixé par décret en Conseil d’État, des sommes dues à ces travailleurs, d’autre part un dispositif permettant, sous le même délai, la consignation et le reversement des sommes dues aux intéressés, lorsqu’ils sont placés en rétention ou renvoyés dans leur pays. L’organisme chargé de cette consignation, non désigné dans le projet de loi, serait – selon l’étude d’impact – l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Cet organisme se voit doté par le projet de loi d’un rôle actif : en l’absence de paiement spontané par l’employeur, il lui appartiendra de recouvrer les sommes dues pour le compte de l’étranger. Un décret en Conseil d’État précisera les modalités de mise en œuvre de ce dispositif ainsi que les modalités d’information de l’étranger sur ses droits.

3. Des sanctions accrues pour les employeurs

Les articles 65 à 67 durcissent le régime de sanctions administratives applicable aux employeurs.

L’article 65 modifie les dispositions en vigueur qui permettent d’exclure, pour cinq ans au plus, les employeurs mis en cause pour travail illégal des aides publiques en matière d’emploi, de formation professionnelle et de culture. Le texte n’évoque que le refus de « certaines » de ces aides, par souci de respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales : il s’agit de ne viser que les aides accordées par l’État ou les organismes nationaux comme Pôle emploi (les collectivités territoriales pouvant de leur côté prendre le même type de mesure si elles le souhaitent). Par ailleurs, conformément à la directive, cet article ajoute à l’exclusion des aides publiques la possibilité de demander le remboursement de tout ou partie des aides perçues durant les douze mois précédents.

Les articles 66 et 67 instaurent respectivement des mesures administratives de fermeture d’établissement – et non d’entreprise dans le cas d’une entreprise à établissements multiples – et d’exclusion des marchés publics.

Ces deux articles appellent plusieurs observations. Tout d’abord, il est à noter qu’ils s’appliqueront non seulement à l’emploi d’étrangers sans titre de travail, mais aussi au travail dissimulé, au marchandage et au prêt illicite de main d’œuvre.

On peut ensuite observer qu’ils instituent des mesures administratives identiques à certaines des sanctions pénales que le juge peut déjà prononcer à titre de peines complémentaires dans une condamnation pour emploi d’étrangers sans titre (en application des articles L. 8256-3 et L. 8256-4 du code du travail). La différence est évidemment que la mesure administrative pourra intervenir beaucoup plus tôt – selon le projet de loi, au vu d’un procès-verbal d’infraction –, avec les avantages qui s’attachent à une décision rapide et immédiatement exécutoire (notamment pour faire cesser une situation intolérable dans le cas d’une fermeture d’établissement), mais aussi sans toutes les garanties de la procédure pénale. C’est pourquoi le projet de loi conçoit ces mesures administratives comme limitées dans le temps : trois mois au plus pour la fermeture d’établissement et six mois pour l’exclusion des marchés. Des garanties sont en outre prévues : motivation obligatoire de la décision, information sans délai du Procureur de la République, levée de plein droit des mesures en cas de classement sans suite ultérieur de l’affaire, de non-lieu ou de relaxe. Plus généralement, devront s’appliquer les principes généraux du droit dégagés par la jurisprudence (ou posés par des lois de portée générale) en matière de police et de sanctions administratives : nécessité et proportionnalité des mesures, respect des droits de la défense et du contradictoire…

L’article 66 précise enfin que la décision de fermeture provisoire sera prise « eu égard à la répétition et à la gravité des faits constatés et à la proportion de salariés concernés ». Cette formule, qui doit guider la décision de l’administration, n’est pas reprise dans l’article 67 relatif à la mesure d’exclusion des marchés publics, où elle pourrait utilement être insérée. Votre Commission a adopté un amendement en ce sens.

4. Des pouvoirs de contrôle renforcés

Dans le droit en vigueur, les agents chargés de contrôler le travail dissimulé – inspecteurs et contrôleurs du travail et du travail maritime, officiers et agents de police judiciaire, agents des impôts et des douanes, agents de la sécurité sociale (URSSAF), agents des inspections spécialisées dans les transports et l’agriculture – disposent en application de l’article L. 8271-11 du code du travail du pouvoir d’entendre, avec leur consentement, les salariés ou présumés tels, afin de connaître la nature de leurs activité, leurs conditions d’emploi et leurs rémunérations. Ils sont habilités à demander aux personnes dont ils recueillent les déclarations de justifier de leur identité et de leur adresse, ce qui est nécessaire pour que ces déclarations soient incontestables.

L’article 64 du projet de loi étend ces prérogatives, aujourd’hui propres à la lutte contre le travail dissimulé, à la lutte contre toutes les formes de travail illégal, ce qui aura pour effet de couvrir l’emploi d’étrangers sans titre, mais aussi, notamment, le marchandage et le prêt illicite de main d’œuvre, qui doivent être combattus alors que l’une des dérives contemporaines réside dans le contournement du droit du travail par l’abus de fausses « prestations de service » – la création d’entreprises ou auto-entreprises factices étant aisée –, faux stages, etc.

Il ne s’agit donc pas de doter les corps de contrôle de missions nouvelles, mais seulement de mobiliser leurs prérogatives actuelles plus efficacement, en élargissant le champ des infractions qu’elles peuvent servir à démasquer.

Par ailleurs, en complément de ce pouvoir d’audition, cet article fait obligation aux employeurs de présenter et de donner copie aux agents de contrôle de tout document utile à la recherche et à la constatation des infractions constitutives de travail illégal.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission des affaires sociales examine pour avis, sur le rapport de M. Arnaud Robinet, le titre IV du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (n° 2400) au cours de sa séance du mardi 14 septembre 2010.

Un débat suit l’exposé du rapporteur pour avis.

M. Élie Aboud. Notre arsenal juridique contre le travail illégal présente des failles : des « marchands de rêve » misent sur la fragilité de certains pour leur vendre des promesses de travail ; des étrangers utilisent le visa de tourisme pour entrer sur notre territoire et s’y maintenir ; d’autres produisent de faux certificats d’emploi… Cependant, si l’on constate de tels faits tous les jours, je tiens à faire remarquer qu’il y a aussi des étrangers qui travaillent d’une façon tout à fait honnête et légale dans notre pays.

M. Christian Hutin. Si nous ne sommes ici saisis que du titre IV du projet, nous comptons bien évoquer l’ensemble des problèmes posés par ce texte – aide médicale d’État, régularisations et, plus largement, conception républicaine du devoir d’accueil – mais, comme ce n’est pas ici le lieu, nous le ferons en Commission des lois ou lors de la discussion en séance publique.

Ce titre IV comporte indéniablement un certain nombre d’avancées pour la protection des travailleurs étrangers. Le groupe SRC a néanmoins décidé de présenter une vingtaine d’amendements. Certains sont destinés à améliorer, notamment, l’information dispensée à ces travailleurs, souvent déficiente, et à leur assurer le paiement de ce qui leur est dû. D’autres visent à prémunir les entreprises contre des dispositions de ce texte susceptibles de les pénaliser gravement, ou à défendre les collectivités qui ont passé des marchés avec des employeurs malhonnêtes. Et, par respect pour elle, c’est à la Commission des affaires sociales que nous avons d’abord voulu soumettre ces propositions.

M. Dominique Dord. Je tiens à remercier notre rapporteur pour ses explications. Selon lui, il y aurait entre 200 000 et 400 000 étrangers sans papiers sur notre territoire. Certes, ceux-ci ne travaillent pas forcément. Reste que cela constitue un sujet d’interrogation pour nos compatriotes. Je suppose que l’on dispose d’éléments de comparaison avec les autres pays. La France est-elle le pays qui attire le plus les sans-papiers ? Dispose-t-on de chiffres globaux, notamment à l’échelle européenne ? Sait-on si ces personnes se déplacent en fonction des réglementations nationales, ou si elles se sédentarisent plutôt dans le pays qu’elles ont choisi en premier lieu ?

M. Christophe Sirugue. Notre rapporteur a présenté l’aide médicale d’État (AME) comme étant un élément permettant d’évaluer le nombre de personnes susceptibles d’être concernées par ce projet. Je voudrais profiter de l’occasion ainsi fournie pour dire combien il est important d’adopter une approche assez mesurée en la matière, et surtout pour m’inquiéter des propos tenus par certains de mes collègues de la majorité qui, avant même que nous ne disposions d’éléments précis sur le sujet, annoncent des amendements concernant cette aide médicale d’État. Une telle hâte est d’autant moins de mise que, monsieur le président, la commission m’a confié le soin d’étudier, avec Claude Goasguen, dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, l’impact de l’AME et de la couverture maladie universelle (CMU). Nous avons jusqu’au printemps 2011 pour remettre ce rapport.

Il serait dès lors souhaitable de s’abstenir, dans le cadre de la présente discussion, de déclarations d’intention ou de propositions sur cette question, si importante soit-elle. Les premières auditions que nous avons tenues montrent d’ailleurs que les abus en la matière sont, somme toute, assez limités.

Quoi qu’il en soit, monsieur le président, Marisol Touraine et moi-même avons l’intention de vous saisir officiellement de ce point.

M. Bernard Perrut. En été et à l’automne, les agriculteurs – les viticulteurs par exemple – ont recours aux travailleurs saisonniers. Très souvent, ils les embauchent de façon tout à fait régulière. Mais, il arrive aussi que certains soient contraints d’en employer qui ne satisfont pas aux règles établies. Monsieur le rapporteur, a-t-on une idée de l’ampleur du phénomène ? Quelles mesures s’appliquent en l’occurrence ? Je ne plaide certes pas pour une indulgence systématique à l’égard de ces employeurs, mais il faut reconnaître que, pressés par la récolte, ils n’ont pas toujours le temps de respecter des procédures relativement complexes.

Mme Cécile Dumoulin. Quand un étranger demande un titre de séjour, on lui délivre un récépissé valable trois mois, et qui est renouvelé tous les trois mois. Cette procédure peut durer assez longtemps. Or, sur certains récépissés, il est écrit : « non autorisé à travailler ». Cela favorise le travail illégal et nuit à l’intégration des intéressés. Dès lors, cette mention est-elle une bonne chose ?

M. Pierre Morange. Je voudrais tout d’abord louer le rapporteur pour son travail et pour sa présentation synthétique.

J’observe ensuite que le budget de l’aide médicale d’État, instituée par Mme Aubry dans les années 2000, était initialement de quelque 60 millions d’euros et qu’il atteint maintenant entre 460 et 500 millions d’euros. Il faut dire que le périmètre des prestations fournies, au titre de la solidarité, à ces populations en situation irrégulière a été élargi. Pour autant, l’Assemblée nationale conserve en la matière un droit de contrôle légitime. Nos collègues ont fort justement rappelé qu’une réflexion était en cours dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle. Il serait bon d’en connaître les conclusions avant de prendre des positions définitives sur le sujet.

Pour ma part, il me semblerait légitime que l’enveloppe financière consacrée à l’AME soit inscrite sur le budget de la coopération, comme l’est celle consacrée aux étudiants étrangers présents sur notre territoire. Cela permettrait de faire clairement apparaître l’effort consenti par la Nation française vis-à-vis de personnes qui vivent sur le territoire national en situation irrégulière, et dont l’état médical est parfois tragique. En outre, en déterminant les besoins de ces populations, on prendrait mieux la mesure de la précarité sanitaire dans leurs pays d’origine, ce qui permettrait d’affiner notre politique de coopération en la matière et peut-être, de répondre de façon beaucoup plus globale aux phénomènes migratoires : une partie des budgets consacrés aux populations installées sur notre territoire pourrait être affectée de façon beaucoup plus heureuse aux pays d’origine et bénéficier à des populations bien plus nombreuses. L’influence de la France à travers le monde en serait renforcée.

J’observe enfin que le titre IV confirme la pertinence des travaux que nous menons au sein de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) sur la fraude sociale, laquelle est due pour deux tiers aux entreprises, et pour un tiers aux bénéficiaires de prestations indues. Ces travaux permettront, notamment grâce à l’interconnexion des fichiers, de faire en sorte que les prélèvements sociaux consentis par les Français soient utilisés de la façon la plus équitable et la plus efficace possible.

M. Michel Heinrich. Bernard Perrut a fait observer que certains agriculteurs embauchaient des saisonniers sans titre de travail, parce qu’ils n’avaient pas toujours le temps de procéder à toutes les démarches nécessaires. Mais d’autres y sont contraints par la pénurie de main-d’œuvre régulière. C’est d’ailleurs également le cas dans l’hôtellerie, dans des lieux très éloignés de tout milieu urbain, par exemple en montagne, où il est difficile de trouver des salariés qui acceptent d’être, de fait, « consignés » en permanence près de leur lieu de travail. Ces employeurs fraudent certes en toute connaissance de cause, mais parce qu’ils n’ont pas trouvé d’autre solution. S’ils peuvent démontrer qu’ils ne pouvaient agir différemment, faudra-t-il les sanctionner ?

M. le président Pierre Méhaignerie. La France est un pays d’accueil, le deuxième au monde après les États-Unis. Elle le doit à sa langue, mais aussi au niveau des prestations qu’elle offre. La dépense liée à l’aide médicale d’État a, notamment, progressé de façon fulgurante. Nous recevons fréquemment dans nos permanences des familles qui souhaitent faire venir les grands-parents pour qu’ils voient leurs petits-enfants ou qu’ils s’en occupent. Elles essuient un refus parce que l’on sait que, dans un cas sur deux, ces personnes âgées resteront sur notre territoire pour des raisons médicales. Nous subissons une pression très forte, humainement compréhensible mais qui prend très vite une dimension financière. L’affaire est extrêmement délicate : il ne faut ni être naïf, ni stigmatiser ces populations.

Mais revenons au travail illégal. Il est, en effet, parfois très difficile aux employeurs de ne pas embaucher des personnes dépourvues de titre de travail. C’était le cas dans ma circonscription, dans deux abattoirs, à Montfort-sur-Meu et à La Guerche-de-Bretagne. Ces entreprises ont fait l’objet d’un contrôle : les quelques Maliens qui y travaillaient, et qui étaient totalement intégrés, ont dû repartir ou se sont dispersés dans la nature. Je crois que, dans de telles circonstances, on devrait être plus ouverts en matière de régularisation.

À cette occasion, j’ai écrit au ministère pour lui demander s’il menait aussi des contrôles dans le septième arrondissement de Paris, par exemple, pour sanctionner ceux qui emploient du personnel de maison dépourvu de papiers sans payer de cotisations de sécurité sociale. Dans certains secteurs, il n’y a jamais de contrôles. Il ne faudrait pas qu’il y ait deux poids, deux mesures ! 

Mme Bérengère Poletti. Le sujet est très délicat : on assiste dans nos pays à de nouvelles formes d’esclavage. Dans certains secteurs professionnels, les employeurs savent très bien ce qu’ils font : ils embauchent des personnes en situation irrégulière, ce qui leur permet de leur verser des salaires moindres. C’est le cas dans la restauration, en région parisienne. Il faudra donc être très prudents si l’on décide de prendre des mesures d’assouplissement : évitons de favoriser de telles dérives et de provoquer un appel d’air en attirant davantage encore ces personnes sur notre territoire.

M. Maxime Gremetz. Je souscris à ce qui vient d’être dit. Nous savons tous qu’à Paris, dans les milieux aisés, des employés ne sont pas déclarés. S’ils sont sans-papiers, ils sont « tenus » par leur employeur qui peut les dénoncer : c’est, en effet, de l’esclavage !

Je remarque, par ailleurs, que le phénomène ne touche pas que quelques secteurs isolés. J’ai découvert qu’à l’Assemblée même, un grand groupe avait employé des travailleurs étrangers non déclarés, sur le chantier du 101 de la rue de l’Université ! C’est parce que j’ai menacé d’intervenir que Bouygues a réglé le problème … Nous devons donc nous montrer particulièrement attentifs.

Mais, je connais aussi la bataille des sans-papiers, qui vivent depuis dix ans en France, où ils travaillent, paient des cotisations et des impôts. Il est tout à fait anormal qu’ils n’aient pas encore de papiers, d’autant que cela permet de les « tenir ».

Le juste équilibre est, en effet, délicat à réaliser, mais il faut absolument favoriser tout ce qui va dans le sens du respect des individus, comme de la légalité.

Mme Edwige Antier. Je m’occupe de familles parisiennes depuis trente ans et je dois constater, mes chers collègues, que la création de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) a réduit considérablement l’emploi familial non déclaré. Il est donc possible de prendre des mesures efficaces.

Cela étant, je m’étonne de ne pas avoir vu, dans le projet de loi, de mesures en faveur des enfants de ces populations. Imaginez une famille, sur le trottoir, avec un enfant sous théralène, en train de mendier. Pourquoi n’applique-t-on pas les lois de protection de l’enfance, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DASS) intervenant pour dire que cet enfant n’a pas à être dans la rue et qu’il doit être scolarisé ?

M. Philippe Morenvillier. Il convient de trouver un équilibre entre notre tradition d’accueil et une ouverture des vannes sans contrôle. Les services de l’État devraient analyser les dossiers de manière plus précise, en fonction de la personnalité de chaque étranger et de sa capacité d’intégration. À partir du moment où un étranger est en mesure de nous faire bénéficier de son travail et de payer ses cotisations, il y a tout lieu d’envisager sa régularisation, ce qui éviterait des dérives humaines, juridiques et financières.

M. Jean Mallot. Nous sommes un certain nombre à participer à des travaux d’évaluation et de contrôle et il est un peu désagréable de constater qu’au moment même où commencent nos réunions sur l’AME et sur la fraude sociale, d’autres veulent déjà conclure. Ou bien l’affaire est simple et il était inutile de se lancer dans ces évaluations ; ou bien elle est complexe, et il faut alors attendre la remise de ce travail pour conclure.

Je ferai ensuite remarquer que s’il y a des personnes employées sans titre de travail, c’est parce que cela satisfait un besoin. Dès lors, il faut chercher comment on peut les faire travailler dans des conditions régulières, plutôt que de les sanctionner, ainsi que ceux qui les emploient. Notre sévérité est d’ailleurs à géométrie variable, s’agissant des employeurs. On dit qu’il faut les sanctionner, mais on ne va pas chercher ceux qui, dans les beaux quartiers, embauchent de façon irrégulière du personnel de maison et on demande d’être indulgents envers ceux qui ne trouvent personne pour les emplois saisonniers. Ce sont tout de même les salariés concernés, et leurs familles, qui sont victimes de ces situations !

Dernière observation : on a trop tendance à assimiler travail illégal et immigration. Les sujets sont extrêmement différents et parmi les travailleurs illégaux, la proportion d’étrangers est faible. Laisser entendre qu’on va traiter la question du travail illégal en traitant de celle de l’immigration – et inversement – est plus que réducteur. Je souhaiterais qu’à l’avenir, on soit plus clair et que l’on distingue mieux ces deux questions, qui méritent un traitement distinct.

M. le rapporteur pour avis. J’ai entendu les remarques faites à propos de l’aide médicale d’État. C’est en effet un des sujets importants de ce projet de loi, mais je laisserai à la Commission des lois le soin de l’approfondir.

Monsieur Dord, le travail illégal ne s’observe pas qu’en France. Le phénomène semble bien plus important en Espagne et en Italie, notamment pour des raisons de proximité géographique avec les pays d’origine de l’immigration.

Monsieur Perrut, l’agriculture représente 10 % des cas d’emploi d’étrangers sans titre qui sont verbalisés.

Madame Dumoulin, il y a vingt ans, les demandeurs d’asile avaient le droit de travailler. Cette possibilité a été supprimée, afin de maîtriser la demande d’asile. C’est un vieux débat.

Vous avez raison, monsieur Mallot, il ne faut pas assimiler travail illégal et immigration. Mais le rapport fait clairement la distinction.

Enfin, madame Antier, le titre IV traite du travail illégal. Nous reviendrons sur la question des enfants lors de l’examen en séance publique.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DES DROITS SOCIAUX ET PÉCUNIAIRES DES ÉTRANGERS SANS TITRE
ET À LA RÉPRESSION DE LEURS EMPLOYEURS

Chapitre Unique

Article additionnel avant l’article 57

(art. L. 8222-1 du code du travail)


Obligation pour les donneurs d’ordre de s’assurer que leurs cocontractants s’acquittent des cotisations de sécurité sociale

La Commission est saisie de l’amendement AS 21 du rapporteur pour avis, portant article additionnel avant l’article 57.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à lutter contre le travail illégal à l’occasion du recours à la sous-traitance. En obligeant le sous-traitant à fournir au donneur d’ordre un document attestant du paiement des charges sociales, la possibilité de fraude sera moindre et la sérénité des donneurs d’ordre – responsables solidairement du paiement des rémunérations et charges – renforcée, car ils pourront effectuer un contrôle de cohérence entre le nombre d’employés présents sur le chantier et le nombre d’employés déclarés à la sécurité sociale.

La Commission adopte l’amendement AS 21.

Article 57

(art. L. 8251-2 [nouveau] du code du travail)


Interdiction du recours conscient, direct ou par personne interposée, aux services d’un employeur d’un étranger sans titre

La Commission est saisie de l’amendement AS 22 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Amendement de précision. Conformément à la directive « sanctions », toute la chaîne de sous-traitance doit être visée au titre de la responsabilité des donneurs d’ordre.

La Commission adopte l’amendement AS 21.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 1 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Il convient de poser dans la loi une interdiction claire. L’adverbe « sciemment » ne signifie pas grand-chose. Autant le supprimer.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Dans le code du travail, figure déjà, à l’article L. 8251-1, une prohibition « objective », indépendamment de la conscience qu’en a ou non l’employeur, de l’emploi d’étrangers sans titre de travail. Et l’article L. 8254-1 pose également l’obligation de vérifier, lors de la passation d’un contrat de sous-traitance, que le sous-traitant direct respecte les règles. Le projet de loi vise, quant à lui, toute la chaîne de sous-traitance. L’entrepreneur principal ne peut alors être considéré comme co-responsable que s’il était au courant de la situation.

M. Maxime Gremetz. L’utilisation de l’adverbe « sciemment » affaiblit la portée de la disposition proposée. Comme si on pouvait frauder « inconsciemment » ! C’est pourquoi je soutiens l’amendement.

M. Jean-Patrick Gille. Il me semble pourtant que le rapporteur a écrit qu’on ne devait pas tenir compte de la pureté des intentions de l’employeur.

La Commission rejette l’amendement AS 1.

Elle examine ensuite l’amendement AS 2 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Nous voudrions que l’employeur qui sous-traite soit solidaire du sous-traitant et qu’il s’informe auprès des administrations territorialement compétentes de l’existence du titre autorisant le salarié étranger à travailler en France, sauf si ce dernier est inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi tenue par Pôle emploi.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement que je vous ai proposé sur les cotisations URSSAF satisfait en partie celui-ci, en renforçant le contrôle et les obligations des donneurs d’ordre. La mise en œuvre de celui-ci serait très lourde.

La Commission rejette l’amendement AS 2.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 57 modifié.

Article 58

(art. L. 8252-2 du code du travail)


Présomption de la relation de travail, majoration de l’indemnité forfaitaire et double indemnisation des salariés étrangers employés sans titre

La Commission est saisie de l’amendement AS 3 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. L’employeur ne saurait s’abriter derrière la réglementation relative aux travailleurs étrangers pour s’exonérer des règles conventionnelles et refuser au salarié le paiement des heures supplémentaires qui lui sont dues. Voilà pourquoi nous proposons, par cet amendement, de préciser au 1° de l’article L. 8252-2 que le salarié étranger a droit, au titre de la période d’emploi illicite, au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales et conventionnelles …

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par le droit en vigueur, qui vise déjà les « stipulations contractuelles », ce qui signifie la même chose.

La Commission rejette l’amendement AS 3.

Elle en vient à l’amendement AS 4, de précision, de M. Christian Hutin.

M. le rapporteur pour avis. Avis plutôt défavorable. Cet amendement est de nature réglementaire.

La Commission rejette l’amendement AS 4.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 5 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Autre amendement de précision, visant à indiquer que « le salarié peut apporter par tous les moyens la preuve du travail effectué ».

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Maxime Gremetz. « Par tous les moyens » ? Si vous acceptez cet amendement, il ne faudra pas venir vous plaindre après !

M. le président Pierre Méhaignerie. C’est une formule traditionnelle même si, j’en conviens, il y a de quoi s’interroger.

La Commission adopte l’amendement AS 5.

Elle en vient à l’amendement AS 6 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Il s’agit d’éviter qu’un travailleur étranger licencié pour présentation de faux documents dissimulant sa situation irrégulière ne soit privé d’indemnité forfaitaire.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable : cet amendement est satisfait par une jurisprudence constante.

La Commission rejette l’amendement AS 6.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 7 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Actuellement, l’indemnité de rupture de la relation de travail d’un travailleur sans papiers, non déclaré, se cumule avec l’indemnité de rupture d’un salarié dissimulé – soit un mois de salaire, plus six mois. Le projet de loi propose de porter l’indemnité forfaitaire de rupture de un à trois mois, mais le salarié ne pourra pas cumuler celle-ci avec l’indemnisation minimale de six mois de salaire prévue en cas de travail dissimulé. Ces avantages normaux doivent pouvoir se cumuler, dès lors que le travailleur sans papiers est aussi un travailleur dissimulé.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Le projet de loi renforce très substantiellement les droits du salarié étranger employé sans titre, qui touchera trois mois plus trois mois, soit six mois de salaire, en cas de rupture de sa relation de travail. Il est normal que ces indemnités accrues ne soient pas cumulées avec celle pour travail non déclaré.

La Commission rejette l’amendement AS 7.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 58 modifié.

Article 59

(art. L. 8252-4 [nouveau] du code du travail)


Indemnisation par l’employeur de salariés étrangers sans titre, consignation et reversement des sommes dues, même après réacheminement

La Commission est saisie de l’amendement AS 8 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Il convient de fixer dans la loi, et non par décret, le délai de remboursement des sommes dues par l’employeur à trente jours, comme cela était prévu dans l’avant-projet de loi.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. La fixation du délai relève effectivement du pouvoir réglementaire.

La Commission rejette l’amendement AS 8.

Elle étudie ensuite l’amendement AS 9 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Les sommes dues à l’étranger sans titre de séjour seraient déposées auprès de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Mais, ces sommes risquent bien de ne pas lui être reversées s’il quitte le territoire. S’il peut ester en justice devant le conseil des prud’hommes et obtenir réparation, autant qu’il puisse obtenir une autorisation de séjour le temps que les prud’hommes décident.

M. le rapporteur pour avis. Nous ne sommes pas favorables à la création d’un nouvel obstacle à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Quant à l’objectif de rendre effectif le versement des arriérés de salaires et indemnités aux intéressés, il est satisfait par le dispositif prévu, ces sommes étant recouvrées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration qui les leur fera parvenir.

La Commission rejette l’amendement AS 9.

Puis, elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 59 sans modification.

Après l’article 59

La Commission est saisie de l’amendement AS 10 de M. Christian Hutin, portant article additionnel après l’article 59.

M. Christian Hutin. Nous souhaitons qu’en cas de contrôle, on distribue systématiquement aux travailleurs sans titre un document leur expliquant leurs droits pécuniaires. Le plus souvent, à la suite d’un contrôle, ils disparaissent par peur, par ignorance ou par suite de pressions de leur employeur. Les sommes qui leur sont dues ne sont pas consignées ou ne sont jamais payées.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cela relève de la précision réglementaire. Le projet de loi renvoie effectivement à un décret en Conseil d’État les « modalités d’information » de l’étranger sur ses droits.

La Commission rejette l’amendement AS 10.

Article 60

(art. L. 8254-2 du code du travail)


Sommes dues à l’étranger en cas de mise en
œuvre de la responsabilité solidaire des donneurs d’ordres et maîtres d’ouvrage

La Commission est saisie de l’amendement AS 11 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. La solidarité financière entre l’employeur et son sous-traitant est très utile car, dans la pratique, le sous-traitant est souvent insolvable ou disparaît dans la nature. Cependant, par cohérence avec l’amendement AS 9 s’opposant à l’expulsion d’un travailleur illégal tant que l’ensemble des sommes qui lui sont dues ne lui a pas été versé, il convient de demander la suppression du sixième alinéa de l’article 60, qui vise les frais d’envoi des rémunérations impayées vers le pays dans lequel l’étranger est parti volontairement ou a été reconduit.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable, cet amendement étant la conséquence de l’amendement AS 9, qui a été précédemment repoussé.

La Commission rejette l’amendement AS 11.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 60 sans modification.

Article 61

(art. L. 8254-2-1 et art. L. 8254-2-2 [nouveaux] du code du travail)


Obligation pour le maître d’ouvrage d’enjoindre les sous-traitants recourant à l’emploi d’étrangers sans titre de cesser immédiatement de telles pratiques

La Commission est saisie d’un amendement AS 12 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Nous proposons que l’entrepreneur principal, constatant auprès des services de l’administration que son cocontractant emploie un étranger sans titre, enjoigne à celui-ci, par lettre avec accusé de réception, de faire cesser cette situation dans un délai de vingt-quatre heures suivant la réponse de l’administration.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable : la fixation de ce délai ne relève pas de la loi.

La Commission rejette l’amendement AS 12.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 13 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Le seul fait de se soustraire à la vérification des conditions d’embauche des salariés de son sous-traitant devrait entraîner la responsabilité in solidum de l’employeur. Nous demandons donc la suppression de l’adverbe « sciemment ».

M. le rapporteur pour avis. Nous avons déjà eu ce débat à l’article 57. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 13.

Puis, elle donne un avis favorable à l’adoption de l’article 61 sans modification.

Article 62

(art. L. 8256-2 du code du travail)


Sanctions pénales des maîtres d’ouvrage et donneurs d’ordres en cas de connaissance de l’emploi d’étrangers sans titre

La Commission est saisie de l’amendement AS 14 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Par cohérence, nous demandons également la suppression du mot « sciemment » à l’alinéa 2.

Après l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette l’amendement AS 14.

Elle adopte ensuite l’amendement AS 23, de précision, du rapporteur pour avis.

Puis, elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 62 modifié.

Article 63

(art. L. 8271-1-1 [nouveau] du code du travail)


Sanction du défaut d’acceptation par le maître d’ouvrage des sous-traitants et d’agrément des conditions de paiement des contrats de sous-traitance

La Commission est saisie de l’amendement AS 15 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Cet amendement a pour objet de renforcer la responsabilisation du maître d’ouvrage et de l’entrepreneur principal en les obligeant à vérifier les conditions d’embauche des salariés étrangers.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable : cet amendement est une conséquence de l’amendement AS 2, qui a été rejeté.

La Commission rejette l’amendement AS 15.

Puis, elle examine l’amendement AS 16 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Le montant de l’amende prévue pour les entreprises ayant massivement recours à des salariés étrangers sans autorisation de travail nous semble assez peu dissuasif. D’où cet amendement, qui porte cette amende à 7 500 euros par travailleur illégal et par mois travaillé.

Après avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette l’amendement AS 16.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 63 sans modification.

Article 64

(art. L. 8271-6-1 et art. L. 8271-6-2 [nouveaux], art. L. 8271-11 du code du travail)


Pouvoirs et accès aux informations pertinentes des agents des corps de contrôle en charge des vérifications en matière d’emploi d’étrangers sans titre

La Commission est saisie de l’amendement AS 17 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Nous souhaitons que les inspecteurs du travail n’aient pas à participer à l’interpellation des travailleurs sans papiers. Cela n’entre pas dans leur mission, qui est de faire respecter le droit des travailleurs et cela risque de provoquer des incidents très graves, comme ceux qui se sont produits il y a quelques années, ainsi que des problèmes avec les syndicats.

Après avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette l’amendement AS 17.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 64 sans modification.

Article 65

(art. L. 8272-1 du code du travail)


Aides et subventions pouvant être refusées à l’employeur qui a commis une infraction de travail illégal ou dont le remboursement peut être exigé

La Commission est saisie de l’amendement AS 18 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. L’article, en ne visant que « certaines » des aides publiques, restreint le périmètre des aides pouvant être refusées.

Après avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette l’amendement AS 18.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 65 sans modification.

Article 66

(art. L. 8272-2 et art. L. 8272-3 [nouveaux] du code du travail)


Fermeture administrative temporaire des établissements employant des étrangers sans titre et garanties légales offertes aux salariés dans ce cadre

La Commission est saisie de l’amendement AS 19 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. La loi pourrait permettre la fermeture d’un certain nombre d’entreprises ayant eu recours au travail illégal. Je vois mal comment appliquer une telle sanction à une entreprise comme Bouygues. Nous proposons que l’autorité administrative puisse solliciter auprès du tribunal de grande instance la nomination d’un administrateur provisoire, pour éviter des drames. Ce n’est qu’en cas de récidive qu’il serait possible d’envisager de fermer l’entreprise.

Après avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette l’amendement AS 19.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 66 sans modification.

Article 67

(art. L. 8272-4 [nouveau] du code du travail)


Exclusion administrative provisoire des marchés publics des employeurs recourant à des étrangers sans titre

La commission est saisie de l’amendement AS 24 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Les sanctions administratives doivent être proportionnées aux faits ; cela doit être rappelé dans le texte.

La Commission adopte l’amendement AS 24.

Puis, elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 67 modifié.

Après l’article 67

La Commission est saisie de l’amendement AS 20 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Cet amendement a pour objet de permettre à une personne publique, très souvent une collectivité territoriale, de mettre fin à un marché public en cours d’exécution, lorsque l’entreprise qui a obtenu le marché s’est vu signifier un procès-verbal constatant une infraction relative à l’embauche de salariés étrangers sans autorisation de travail. Cela éviterait bien des difficultés.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable : cet amendement est inutile, car satisfait par l’article 61 du projet.

La Commission rejette l’amendement AS 20.

Elle émet enfin un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle s’est saisie, ainsi modifiées.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AS 1 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 57

À l’alinéa 2, supprimer le mot : « sciemment ».

Amendement n° AS 2 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 57

Compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante :

« À cet effet, toute personne ayant recours aux services d’un employeur, directement ou par la personne interposée, vérifie, selon la procédure établie par la réglementation en vigueur, auprès des administrations territorialement compétentes, l’existence du titre autorisant tout nouveau salarié étranger embauché par son cocontractant et figurant sur la liste nominative des salariés étrangers employés par ce dernier, à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi tenue par pôle emploi. »

Amendement n° AS 3 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 58

Après l’alinéa 1, insérer l’alinéa suivant :

« 1°A Au 1°, après les mots « aux dispositions légales » sont insérés les mots :

« , conventionnelles ».

Amendement n° AS 4 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 58

Compléter l’alinéa 3 par les mots : « sur la base d’un temps plein et des minima salariaux ; ».

Amendement n° AS 5 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 58

Compléter l’alinéa 3 par la phrase suivante :

« Le salarié peut apporter par tous les moyens la preuve du travail effectué. »

Amendement n° AS 6 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 58

Après l’alinéa 4, insérer l’alinéa suivant :

« 2° bis Le 2° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le licenciement d’un travailleur étranger prononcé pour présentation de faux documents dissimulant une situation administrative irrégulière ne peut priver le salarié étranger de cette indemnité forfaitaire. »

Amendement n° AS 7 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 58

Après les mots « il bénéficie », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 7 : « des dispositions de l’article L. 8223-1, ainsi que des dispositions du présent chapitre. »

Amendement n° AS 8 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 59

À la première phrase de l’alinéa 2, substituer aux mots : « fixé par décret en Conseil d’État », les mots : « de trente jours ».

Amendement n° AS 9 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 59

I.– Après les mots : « en application de l’article L. 561-2 du même code », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 2 : « , ces sommes sont déposées sous le même délai auprès de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration puis reversée à l’étranger. »

II.– Après l’alinéa 2, insérer l’alinéa suivant :

« Tout travailleur sans papiers non déclaré et non éligible à la régularisation selon les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne peut faire l’objet d’une mesure d’éloignement tant que son employeur ne s’est pas acquitté de l’ensemble des sommes dues, au titre de la période d’emploi illicite, à moins que le travailleur illégal n’ait bénéficié des dispositions de l’article L. 8252-3. À cet effet, tout travailleur illégal a la possibilité de saisir le Conseil des prud’hommes selon la procédure établie par la réglementation en vigueur. »

Amendement n° AS 10 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Après l’article 59

Insérer l’article suivant :

Après l’article L. 8252-4 du code du travail, il est inséré un article L. 8252-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 8252-5. – En cas de constat par procès verbal d’une infraction d’emploi d’étranger sans titre de travail, un document est remis à chaque salarié étranger concerné, relevant sa présence dans l’entreprise lors du contrôle et l’informant de ses droits pécuniaires définis à l’article L. 8252-2 ou le cas échéant à l’article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail. Les modalités de délivrance du document sont précisées par décret en Conseil d’État. »

Amendement n° AS 11 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 60

Supprimer l’alinéa 6.

Amendement n° AS 12 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 61

Substituer aux alinéas 2 à 4 l’alinéa suivant :

« Art. L. 8254-2-1. – Toute personne mentionnée à l’article L. 8254-1, constatant auprès des services de l’administration, que son cocontractant ou un sous-traitant direct ou indirect de ce dernier emploie un étranger sans titre, enjoint son cocontractant, par lettre avec accusée réception, de faire cesser cette situation dans un délai de 24 heures suivant la réponse de l’administration. »

Amendement n° AS 13 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 61

À l’alinéa 5, supprimer le mot : « sciemment ».

Amendement n° AS 14 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 62

À l’alinéa 2, supprimer le mot : « sciemment ».

Amendement n° AS 15 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 63

À l’alinéa 2, après la seconde occurrence du mot : « sous-traitance », insérer les mots « ainsi qu’à l’obligation de vérification de l’embauche de salarié étranger prévue à l’article L. 8251-2, ».

Amendement n° AS 16 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 63

Compléter l’alinéa 2 par les mots : « par travailleur illégal et par mois travaillé. »

Amendement n° AS 17 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 64

Rédiger ainsi le début de l’alinéa 2 :

« Art. L. 8271-6-1. – Les officiers et agents de police judiciaire, les inspecteurs et les contrôleurs du travail maritime, les agents des douanes, les officiers et les agents assermentés des affaires maritimes, les fonctionnaires des corps techniques de l'aviation civile commissionnés à cet effet et assermentés, les fonctionnaires ou agents de l'État chargés du contrôle des transports terrestres sont habilités… » (le reste sans changement).

Amendement n° AS 18 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 65

À l’alinéa 2, substituer aux mots : « certaines des aides publiques en matière d’emploi, de formation professionnelle et de culture », les mots : « toute aide publique ».

Amendement n° AS 19 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Article 66

Après les mots : « prévue aux 1° à 4 de l’article L. 8211-1, » rédiger ainsi l’alinéa 2 :

« elle peut solliciter auprès du tribunal de grande instance la nomination d’un administrateur provisoire afin de mettre fin aux recours au travail illégal et d’assurer le respect des droits des travailleurs illégaux. Le tribunal détermine la nature et la durée des missions de cet administrateur. À titre subsidiaire et uniquement en cas de récidive elle peut …» (le reste sans changement).

Amendement n° AS 20 présenté par M. Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical et divers gauche

Après l’article 67

Insérer l’article suivant :

Après l’article L. 8272-4 du code du travail, il est inséré un article L. 8272-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 8272-4-1. – Lorsqu’une personne publique signataire d’un contrat mentionné aux articles L. 551-1 et L. 551-5 du code de justice administrative, a connaissance d’un procès-verbal relevant une infraction à l’interdiction prévue aux 1° à 4° de l’article L. 8211-1, elle peut par décision motivée prise à l'encontre de la personne signataire dudit contrat, résilier ce contrat à ses frais et procéder à de nouveaux appels d’offres pour la continuation de l’exécution du contrat précité. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Amendement n° AS 21 présenté par M. Arnaud Robinet, rapporteur pour avis

Avant l’article 57

Insérer l’article suivant :

Les deux derniers alinéas de l’article L. 8222-1 du code du travail sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« 2° du paiement des cotisations et contributions dues aux organismes de protection sociale ;

« 3° de l’une seulement des formalités mentionnées aux 1° et 2°, dans le cas d’un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin, de ses ascendants ou descendants.

« Une attestation sécurisée de fourniture des déclarations et de paiement, soumise, le cas échéant, à un contrôle préalable, permet de vérifier si le cocontractant s’est régulièrement acquitté de ses obligations sociales. Le modèle, les conditions de délivrance de cette attestation et les vérifications prévues par le présent article sont définis par décret. »

Amendement n° AS 22 présenté par M. Arnaud Robinet, rapporteur pour avis

Article 57

À l’alinéa 2, substituer aux mots : « par personne interposée », le mot : « indirectement ».

Amendement n° AS 23 présenté par M. Arnaud Robinet, rapporteur pour avis

Article 62

À l’alinéa 2, substituer aux mots : « par personne interposée », le mot : « indirectement ».

Amendement n° AS 24 présenté par M. Arnaud Robinet, rapporteur pour avis

Article 67

À l’alinéa 2, après le mot : « peut », insérer les mots : « , eu égard à la répétition et à la gravité des faits constatés et à la proportion de salariés concernés, ».

ANNEXES

ANNEXE 1

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Force ouvrière (FO) – Mme Andrée Thomas, secrétaire confédérale

Ø Confédération générale du travail (CGT) – Mme Francine Blanche, membre de la direction confédérale, et M. Raymond Chauveau, responsable du collectif confédéral « droits des migrants »

Ø Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) –Mme Geneviève Roy, vice-présidente, et M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – M. Benoît Roger-Vasselin, président de la commission « relations du travail », Mme Odile Menneteau, chargée de mission à la direction des relations du travail, et Mme Audrey Herblin, chargée de mission à la direction des affaires publiques

Ø Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Jean-Louis Malys, secrétaire national, et M. Ommar Benfaïd, secrétaire confédéral

ANNEXE 2

DIRECTIVE 2009/52/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL DU 18 JUIN 2009 PRÉVOYANT DES NORMES MINIMALES CONCERNANT LES SANCTIONS ET LES MESURES À L’ENCONTRE DES EMPLOYEURS DE RESSORTISSANTS DE PAYS TIERS EN SÉJOUR IRRÉGULIER

Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne,

– vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 63, point 3) b),

– vu la proposition de la Commission,

– vu l’avis du Comité économique et social européen [1],

– vu l’avis du Comité des régions [2],

– statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 du traité [3],

– considérant ce qui suit :

(1) Lors de sa réunion des 14 et 15 décembre 2006, le Conseil européen est convenu de renforcer la coopération entre États membres en matière de lutte contre l’immigration illégale et a notamment reconnu que les mesures contre l’emploi illégal devaient être intensifiées aux niveaux des États membres et de l’Union européenne.

(2) L’un des facteurs d’attraction essentiels de l’immigration illégale dans l’Union est la possibilité de trouver du travail dans l’Union sans détenir le statut juridique requis. L’action visant à lutter contre l’immigration illégale et le séjour irrégulier devrait donc prévoir des mesures à l’encontre de ce facteur d’attraction.

(3) De telles mesures devraient être axées autour d’une interdiction générale de l’emploi de ressortissants de pays tiers qui n’ont pas le droit de séjourner dans l’Union, assortie de sanctions à l’encontre des employeurs qui l’enfreignent.

(4) La présente directive prévoyant des normes minimales, les États membres devraient demeurer libres d’adopter ou de maintenir des sanctions et des mesures plus sévères, et d’imposer des obligations plus strictes aux employeurs.

(5) La présente directive ne devrait pas s’appliquer aux ressortissants de pays tiers qui se trouvent en séjour régulier dans un État membre, qu’ils soient ou non autorisés à travailler sur son territoire. En outre, elle ne devrait pas s’appliquer aux personnes jouissant du droit communautaire à la libre circulation, telles que définies à l’article 2, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) [4]. En outre, elle ne devrait pas s’appliquer aux ressortissants de pays tiers se trouvant dans une situation relevant du droit communautaire, par exemple les personnes employées légalement dans un État membre et détachées dans un autre État membre par un prestataire de service dans le cadre d’une prestation de services. La présente directive devrait s’appliquer sans préjudice de la législation nationale interdisant l’emploi de ressortissants de pays tiers qui se trouvent en séjour régulier, mais qui travaillent en violation de leur statut de résident.

(6) Aux fins de la présente directive, certains termes devraient être définis et ces définitions ne devraient être utilisées que dans le cadre de la présente directive.

(7) La définition du terme "emploi" devrait couvrir les éléments constitutifs de celui-ci, c’est-à-dire les activités qui sont ou devraient être rémunérées, exercées pour un employeur ou sous sa direction et/ou sa surveillance, quel que soit le lien juridique.

(8) La définition du terme "employeur" peut couvrir une association de personnes reconnue comme ayant la capacité d’accomplir des actes juridiques sans avoir la personnalité juridique.

(9) Pour prévenir l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, les employeurs devraient être tenus de vérifier, avant de recruter des ressortissants de pays tiers, que ces derniers disposent d’un titre de séjour valable ou d’une autre autorisation de séjour équivalente indiquant qu’ils se trouvent en séjour régulier sur le territoire de l’État membre de recrutement, y compris dans le cas de ressortissants de pays tiers recrutés aux fins d’un détachement dans un autre État membre dans le cadre d’une prestation de services.

(10) Pour permettre, notamment, aux État membres de détecter les documents falsifiés, les employeurs devraient également être obligés d’informer les autorités compétentes de l’emploi d’un ressortissant d’un pays tiers. Afin de réduire le plus possible la charge administrative, les États membres devraient être libres de prévoir que ces informations sont fournies dans le cadre d’autres dispositifs d’information. Les États membres devraient également être libres d’opter pour une procédure simplifiée d’information par les employeurs qui sont des personnes physiques, lorsqu’il s’agit d’un emploi à des fins privées.

(11) Les employeurs ayant respecté les obligations imposées par la présente directive ne devraient pas être tenus pour responsables du recrutement de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, notamment si l’autorité compétente constate ultérieurement que le document présenté par un travailleur avait été falsifié ou utilisé abusivement, sauf si l’employeur savait que ce document était falsifié.

(12) Afin de faciliter le respect par les employeurs de leurs obligations, les États membres devraient faire tout ce qui est possible pour traiter les demandes de renouvellement de titres de séjour en temps utile.

(13) Pour exécuter l’interdiction générale et prévenir les infractions, les États membres devraient prévoir des sanctions appropriées. Celles-ci devraient inclure des sanctions financières et des contributions aux frais de retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ainsi que la possibilité de réduire les sanctions financières des employeurs qui sont des personnes physiques, lorsqu’il s’agit d’un emploi à leurs fins privées.

(14) L’employeur devrait en tout état de cause être tenu de verser aux ressortissants de pays tiers tout salaire impayé correspondant au travail effectué et de payer les cotisations sociales et impôts dus. Lorsque le niveau de rémunération ne peut pas être déterminé, il devrait être présumé être au moins aussi élevé que le salaire prévu par la législation applicable en matière de salaire minimal, les conventions collectives, ou selon une pratique établie dans le secteur professionnel correspondant. L’employeur devrait également être tenu de payer, le cas échéant, tous frais résultant de l’envoi des rémunérations impayées dans le pays dans lequel est rentré ou a été renvoyé le ressortissant d’un pays tiers illégalement employé. Lorsque les arriérés de paiement ne sont pas versés par l’employeur, les États membres ne devraient pas être obligés de remplir cette obligation à la place de l’employeur.

(15) Les ressortissants de pays tiers employés illégalement ne devraient pas obtenir de droit d’entrée, de séjour et d’accès au marché du travail au motif de leur relation de travail illégale ou du paiement des rémunérations ou de leurs arriérés, des cotisations de sécurité sociale ou des impôts par l’employeur ou par une personne morale qui est tenue de les payer à sa place.

(16) Les États membres devraient veiller à ce que des demandes soient ou puissent être introduites et que des mécanismes soient en place pour garantir que les montants recouvrés des salaires impayés puissent être versés aux ressortissants de pays tiers auxquels ils sont dus. Les États membres ne devraient pas être tenus d’associer à ces mécanismes leurs missions ou représentations dans les pays tiers. Dans le cadre de l’établissement effectif de mécanismes visant à faciliter les plaintes, et dans le cas où cela n’est pas déjà prévu par la législation nationale, les États membres devraient envisager la possibilité de permettre à une autorité compétente d’intenter une action contre un employeur en vue de recouvrer des rémunérations impayées, et la valeur ajoutée d’une telle permission.

(17) Les États membres devraient également présumer que la relation de travail a duré au moins trois mois, de manière à ce que la charge de la preuve incombe à l’employeur au moins pour une certaine période. L’employé, notamment, devrait également avoir la possibilité d’apporter la preuve de l’existence et de la durée d’une relation de travail.

(18) Les États membres devraient prévoir la possibilité d’introduire d’autres sanctions à l’encontre des employeurs, entre autres l’exclusion du bénéfice de certaines ou de toutes les prestations, aides ou subventions publiques, y compris les subventions agricoles, l’exclusion de procédures de passation de marchés publics et le recouvrement de certaines ou de toutes les prestations, aides ou subventions publiques déjà octroyées, y compris les fonds de l’Union gérés par les États membres. Les États membres devraient être libres de décider de ne pas appliquer ces autres sanctions à l’encontre des employeurs qui sont des personnes physiques, lorsqu’il s’agit d’emploi à leurs fins privées.

(19) La présente directive, et notamment ses articles 7, 10 et 12, devrait s’appliquer sans préjudice du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil du 25 juin 2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes [5].

(20) Compte tenu du recours fréquent à la sous-traitance dans certains des secteurs affectés, il est nécessaire de veiller à ce que, à tout le moins, le contractant dont l’employeur est un sous-traitant direct puisse être redevable des sanctions financières infligées à l’employeur, en ses lieu et place ou solidairement avec lui. Dans certains cas, d’autres contractants peuvent être redevables des sanctions financières infligées à un employeur de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, en ses lieu et place ou solidairement avec lui. Les arriérés de paiement qui doivent être couverts par les dispositions de la présente directive relatives à la responsabilité devraient également comprendre les contributions aux fonds de financement des pécules de vacances et aux fonds sociaux nationaux régis par la loi ou par des conventions collectives.

(21) L’expérience montre que les systèmes de sanctions existants se sont révélés insuffisants pour garantir le respect total des interdictions frappant l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, notamment parce que des sanctions administratives ne permettent vraisemblablement pas, à elles seules, de dissuader certains employeurs peu scrupuleux. Le respect des règles peut et devrait être renforcé par l’application de sanctions pénales.

(22) Pour garantir la pleine efficacité de l’interdiction générale, des sanctions plus dissuasives sont donc particulièrement nécessaires dans les cas graves, tels que les infractions répétées de manière persistante, l’emploi illégal d’un nombre significatif de ressortissants de pays tiers, des conditions de travail particulièrement abusives lorsque l’employeur sait que le travailleur est victime de la traite d’êtres humains, et l’emploi illégal d’un mineur. La présente directive fait obligation aux États membres de prévoir des sanctions pénales dans leur législation nationale pour punir ces infractions graves. Elle ne crée aucune obligation en ce qui concerne l’application de ces peines, ou tout autre système d’application de la loi, dans des cas individuels.

(23) Dans tous les cas jugés graves conformément à la présente directive, l’infraction devrait être considérée comme une infraction pénale dans l’ensemble de la Communauté lorsqu’elle est intentionnelle. Les dispositions de la présente directive relatives aux infractions pénales devraient s’appliquer sans préjudice de l’application de la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil du 19 juillet 2002 relative à la lutte contre la traite des êtres humains [6].

(24) Les infractions pénales devraient être passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. L’obligation d’assurer des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives conformément à la présente directive est sans préjudice de l’organisation interne du droit pénal et de la justice pénale dans les États membres.

(25) Les personnes morales peuvent également être tenues responsables des infractions pénales visées dans la présente directive, parce que beaucoup d’employeurs sont des personnes morales. Les dispositions de la présente directive n’entraînent pas l’obligation pour les États membres d’introduire la responsabilité pénale des personnes morales dans leur législation.

(26) Pour faciliter l’exécution de la présente directive, des mécanismes de réclamation efficaces devraient être mis en place pour permettre aux ressortissants de pays tiers concernés de porter plainte directement ou par l’intermédiaire de tiers désignés, tels que des organisations syndicales ou d’autres associations. Les tiers désignés qui offrent leur assistance dans l’introduction de plaintes devraient être protégés contre d’éventuelles sanctions en vertu des règles interdisant l’aide au séjour irrégulier.

(27) Pour compléter les mécanismes de réclamation, les États membres devraient être libres d’octroyer aux ressortissants de pays tiers ayant été soumis à des conditions de travail particulièrement abusives ou qui étaient des mineurs illégalement employés et qui collaborent aux poursuites pénales engagées à l’encontre de leur employeur, un titre de séjour d’une durée limitée liée à la durée de la procédure nationale correspondante. Ces titres devraient être accordés selon des modalités comparables à celles applicables aux ressortissants de pays tiers entrant dans le champ d’application de la directive 2004/81/CE du Conseil du 29 avril 2004 relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes [7].

(28) Pour assurer un degré d’exécution satisfaisant de la présente directive et pour réduire, dans la mesure du possible, des écarts importants dans le degré d’exécution entre les États membres, ces derniers devraient veiller à ce que des inspections efficaces et appropriées soient effectuées sur leur territoire, et communiquer à la Commission des données sur les inspections qu’ils effectuent.

(29) Les États membres devraient être encouragés à fixer, chaque année, un objectif national en ce qui concerne le nombre d’inspections effectuées dans les secteurs d’activités dans lesquels l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire est concentré.

(30) En vue d’une efficacité croissante des inspections aux fins de l’application de la présente directive, les États membres devraient veiller à ce que la législation nationale donne des pouvoirs adéquats aux autorités compétentes pour procéder aux inspections, que les informations concernant l’emploi illégal, y compris les résultats des inspections antérieures, soient collectées et traitées en vue d’une application efficace de la présente directive, et que suffisamment de personnel doté des compétences et des qualifications nécessaires soit disponible pour effectuer efficacement les inspections.

(31) Les États membres devraient veiller à ce que les inspections effectuées aux fins de l’application de la présente directive n’affectent pas, d’un point de vue tant quantitatif que qualitatif, celles effectuées pour évaluer l’emploi et les conditions de travail.

(32) En ce qui concerne les travailleurs détachés ressortissants de pays tiers, les autorités d’inspection des États membres peuvent avoir recours à la coopération et aux échanges d’informations prévus par la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services [8], pour vérifier que les ressortissants de pays tiers concernés sont employés légalement dans l’État membre d’origine.

(33) La présente directive devrait être considérée comme complémentaire des mesures visant à lutter contre le travail non déclaré et l’exploitation.

(34) Conformément au point 34 de l’accord interinstitutionnel "Mieux légiférer" [9], les États membres sont encouragés à établir, pour eux-mêmes et dans l’intérêt de la Communauté, leurs propres tableaux, qui illustrent, dans la mesure du possible, la concordance entre la présente directive et les mesures de transposition, et à les rendre publics.

(35) Tout traitement de données à caractère personnel effectué dans le cadre de la mise en œuvre de la présente directive devrait être conforme à la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données [10].

(36) Étant donné que l’objectif de la présente directive, à savoir combattre l’immigration illégale en réduisant le facteur d’attraction que constituent les possibilités d’emploi, ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres et peut donc, en raison de la portée et des effets de la présente directive, être mieux réalisé au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 du traité. Conformément au principe de proportionnalité tel qu’énoncé audit article, la présente directive n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

(37) La présente directive respecte les droits fondamentaux et les principes reconnus notamment par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Plus particulièrement, elle devrait être appliquée dans le respect de la liberté d’entreprise, des principes d’égalité en droit et de non-discrimination, du droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial et des principes de légalité et de proportionnalité des délits et des peines, conformément aux articles 16, 20, 21, 47 et 49 de la Charte.

(38) Conformément aux articles 1er et 2 du protocole sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande joint au traité sur l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, et sans préjudice de l’article 4 dudit protocole, ces États membres ne participent pas à l’adoption de la présente directive et ne sont donc pas liés par celle-ci ni soumis à son application.

(39) Conformément aux articles 1er et 2 du protocole sur la position du Danemark joint au traité sur l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, le Danemark ne participe pas à l’adoption de la présente directive et n’est donc pas lié par celle-ci ni soumis à son application,

ont arrêté la présente directive :

Article 1er

Objet et champ d’application

La présente directive interdit l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier afin de lutter contre l’immigration illégale. À cette fin, elle fixe des normes minimales communes concernant les sanctions et les mesures applicables dans les États membres à l’encontre des employeurs qui enfreignent cette interdiction.

Article 2

Définitions

Aux fins spécifiques de la présente directive, on entend par :

a) "ressortissant d’un pays tiers", toute personne qui n’est ni un citoyen de l’Union au sens de l’article 17, paragraphe 1, du traité, ni une personne jouissant du droit communautaire à la libre circulation, telle que définie à l’article 2, point 5, du code frontières Schengen ;

b) "ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier", un ressortissant d’un pays tiers présent sur le territoire d’un État membre qui ne remplit pas ou qui ne remplit plus les conditions de séjour ou de résidence dans cet État membre ;

c) "emploi", l’exercice d’activités comprenant toute forme de travail ou d’occupation réglementé par le droit national ou selon une pratique établie, pour le compte ou sous la direction et/ou sous la surveillance d’un employeur ;

d) "emploi illégal", l’emploi d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier ;

e) "employeur", toute personne physique ou morale, y compris les agences de travail temporaire, pour le compte ou sous la direction et/ou sous la surveillance de laquelle l’emploi est exercé ;

f) "sous-traitant", une personne physique ou morale à laquelle est confiée l’exécution d’une partie ou de l’ensemble des obligations d’un contrat préalable ;

g) "personne morale", toute entité juridique ayant ce statut en vertu de la législation nationale applicable, à l’exception des États ou des organismes publics dans l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique et des organisations internationales publiques ;

h) "agence de travail temporaire", toute personne physique ou morale qui, conformément au droit national, conclut des contrats d’emploi ou des relations d’emploi avec des travailleurs d’agences temporaires afin de les affecter à des entreprises clientes pour qu’ils y travaillent à titre temporaire sous leur supervision et direction ;

i) "conditions de travail particulièrement abusives", des conditions de travail, y compris celles résultant de discriminations fondées sur le genre ou sur d’autres facteurs, dans lesquelles il existe une disproportion frappante par rapport aux conditions de travail des travailleurs légalement employés qui a, par exemple, une incidence sur la santé et la sécurité des travailleurs, et qui porte atteinte à la dignité humaine ;

j) "rémunération de ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier", le salaire et tout autre émolument, en argent liquide ou en nature, qu’un travailleur reçoit directement ou indirectement, en raison de son emploi, de la part de son employeur et qui est équivalent à ce dont auraient bénéficié des travailleurs comparables dans le cadre d’une relation de travail légale.

Article 3

Interdiction de l’emploi illégal

1. Les États membres interdisent l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

2. Les infractions à cette interdiction sont passibles des sanctions et des mesures fixées dans la présente directive.

3. Un État membre peut décider de ne pas appliquer l’interdiction visée au paragraphe 1 aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dont l’éloignement a été reporté et qui sont autorisés à travailler conformément au droit national.

Article 4

Obligations incombant aux employeurs

1. Les États membres imposent aux employeurs les obligations suivantes:

a) exiger que les ressortissants de pays tiers, avant d’occuper l’emploi, disposent d’un titre de séjour ou d’une autre autorisation de séjour valables et les présentent à l’employeur ;

b) tenir, au moins pendant la durée de la période d’emploi, une copie ou un relevé du titre de séjour ou d’une autre autorisation de séjour, à la disposition des autorités compétentes des États membres en vue d’une éventuelle inspection ;

c) notifier aux autorités compétentes désignées par les États membres le début de la période d’emploi d’un ressortissant de pays tiers dans un délai fixé par chaque État membre.

2. Les États membres peuvent prévoir une procédure simplifiée d’information conformément au paragraphe 1, point c), lorsque l’employeur est une personne physique et qu’il s’agit d’un emploi à ses fins privées.

Les États membres peuvent prévoir que la notification visée au paragraphe 1, point c), n’est pas requise lorsque l’employé s’est vu octroyer le statut de résident de longue durée conformément à la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée [11].

3. Les États membres veillent à ce que les employeurs qui remplissent les obligations qui leur incombent en vertu du paragraphe 1 ne puissent être tenus pour responsables d’une violation de l’interdiction visée à l’article 3, à moins que les employeurs n’aient su que le document présenté comme titre de séjour ou autorisation de séjour valable était faux.

Article 5

Sanctions financières

1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour s’assurer que les violations de l’interdiction visée à l’article 3 sont passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives à l’encontre de l’employeur concerné.

2. Les sanctions infligées en cas de violation de l’interdiction visée à l’article 3 comportent:

a) des sanctions financières dont le montant augmente en fonction du nombre de ressortissants de pays tiers employés illégalement ;

et

b) le paiement des frais de retour des ressortissants de pays tiers employés illégalement dans les cas où une procédure de retour est engagée. Les États membres peuvent alternativement décider de refléter au moins les coûts moyens du retour dans les sanctions financières prises conformément au point a).

3. Les États membres peuvent prévoir une réduction des sanctions financières lorsque l’employeur est une personne physique qui emploie un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier à ses fins privées et lorsqu’il n’y a pas de conditions de travail particulièrement abusives.

Article 6

Paiement des arriérés par les employeurs

1. Pour chaque violation de l’interdiction visée à l’article 3, les États membres veillent à ce que l’employeur soit tenu de verser :

a) tout salaire impayé au ressortissant d’un pays tiers employé illégalement. Le niveau de rémunération convenu est présumé avoir été au moins aussi élevé que celui du salaire prévu par la législation applicable en matière de salaire minimal, les conventions collectives ou selon une pratique établie dans le secteur professionnel correspondant, sauf preuve contraire fournie par l’employeur ou l’employé, dans le respect, le cas échéant, des dispositions nationales obligatoires relatives aux salaires ;

b) un montant égal à tous impôts et à toutes cotisations sociales que l’employeur aurait payés si le ressortissant d’un pays tiers avait été employé légalement, y compris les pénalités de retard et les amendes administratives correspondantes ;

c) le cas échéant, tous frais résultant de l’envoi des rémunérations impayées dans le pays dans lequel est rentré ou a été renvoyé le ressortissant d’un pays tiers.

2. Afin d’assurer l’existence de procédures efficaces permettant l’application du paragraphe 1, points a) et c), et sans préjudice de l’article 13, les États membres mettent en œuvre des mécanismes visant à assurer que les ressortissants de pays tiers illégalement employés :

a) peuvent, sous réserve d’un délai de prescription fixé par la législation nationale, introduire un recours ou faire exécuter un jugement à l’encontre de l’employeur pour tout salaire impayé, y compris en cas de retour volontaire ou forcé ;

ou

b) peuvent, lorsque cela est prévu par la législation nationale, demander à l’autorité compétente de l’État membre d’engager les procédures de recouvrement des salaires impayés sans qu’il soit besoin, dans ce cas, que lesdits ressortissants introduisent un recours.

Les ressortissants de pays tiers employés illégalement sont systématiquement et objectivement informés des droits que leur confèrent le présent paragraphe ainsi que l’article 13, avant l’exécution de toute décision de retour.

3. Aux fins de l’application du paragraphe 1, points a) et b), les États membres présument qu’une relation d’emploi a duré au moins trois mois, sauf preuve contraire fournie notamment par l’employeur ou l’employé.

4. Les États membres veillent à ce que les mécanismes nécessaires soient en place pour assurer que les ressortissants de pays tiers employés illégalement peuvent percevoir tous les arriérés de salaire visés au paragraphe 1, point a), et recouvrés à la suite des recours visés au paragraphe 2, y compris en cas de retour volontaire ou forcé.

5. Dans les cas où des titres de séjour d’une durée limitée ont été délivrés en vertu de l’article 13, paragraphe 4, les États membres définissent, dans le cadre de leur droit national, les conditions dans lesquelles la durée de ces titres peut être prorogée jusqu’à ce que le ressortissant d’un pays tiers ait reçu tout arriéré de paiement de sa rémunération recouvrée en vertu du paragraphe 1 du présent article.

Article 7

Autres mesures

1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les employeurs soient également, le cas échéant, passibles des mesures suivantes :

a) exclusion du bénéfice de certaines ou de toutes les prestations, aides ou subventions publiques y compris les fonds de l’Union gérés par les États membres, pour une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans ;

b) exclusion de la participation à une procédure de passation de marché public telle que définie par la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services [12], pour une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans ;

c) recouvrement de certaines ou de toutes les prestations, aides ou subventions publiques octroyées à l’employeur pendant une période maximale de douze mois précédant la constatation de l’emploi illégal, y compris les fonds de l’Union gérés par les États membres ;

d) fermeture temporaire ou définitive d’établissements ayant servi à commettre l’infraction, ou retrait temporaire ou définitif de la licence permettant de mener l’activité en question, si cela est justifié par la gravité de l’infraction.

2. Les États membres peuvent décider de ne pas appliquer le paragraphe 1 lorsque l’employeur est une personne physique et qu’il s’agit d’un emploi à ses fins privées.

Article 8

Sous-traitance

1. Lorsque l’employeur est un sous-traitant, et sans préjudice des dispositions de droit national relatives aux droits de contribution ou de recours ou des dispositions de droit national en matière de sécurité sociale, les États membres veillent à ce que l’entrepreneur dont l’employeur est un sous-traitant direct puisse, solidairement avec l’employeur ou en lieu et place de ce dernier, être redevable :

a) de toute sanction financière imposée en vertu de l’article 5 ;

et

b) de tout arriéré dû en vertu de l’article 6, paragraphe 1, points a) et c), et paragraphes 2 et 3.

2. Lorsque l’employeur est un sous-traitant, les États membres veillent à ce que l’entrepreneur principal et tout sous-traitant intermédiaire, s’ils savaient que le sous-traitant employait des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, puissent être tenus d’effectuer les paiements visés au paragraphe 1, solidairement avec le sous-traitant qui est l’employeur ou l’entrepreneur dont l’employeur est un sous-traitant direct ou en lieu et place de ceux-ci.

3. Un entrepreneur qui s’est acquitté des obligations de diligence telles qu’elles sont prévues par le droit national n’est pas redevable au titre des paragraphes 1 et 2.

4. Les États membres peuvent prévoir des dispositions plus sévères en matière de responsabilité dans le cadre de leur droit national.

Article 9

Infraction pénale

1. Les États membres veillent à ce que l’infraction à l’interdiction visée à l’article 3 constitue, lorsqu’elle est intentionnelle, une infraction pénale dans chacune des circonstances suivantes, conformément à la législation nationale :

a) l’infraction est continue ou répétée de manière persistante ;

b) l’infraction a trait à l’emploi simultané d’un nombre significatif de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

c) l’infraction s’accompagne de conditions de travail particulièrement abusives ;

d) l’infraction est commise par un employeur qui, tout en n’ayant pas été accusé d’une infraction établie conformément à la décision-cadre 2002/629/JAI ni condamné pour celle-ci, utilise le travail ou les services d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier en sachant que cette personne est victime de la traite des êtres humains ;

e) l’infraction a trait à l’emploi illégal d’un mineur.

2. Les États membres veillent à ce que le fait d’encourager, de faciliter et d’inciter à commettre intentionnellement les actes visés au paragraphe 1 soit passible de sanctions pénales.

Article 10

Sanctions pénales

1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les personnes physiques qui commettent l’infraction pénale visée à l’article 9 soient passibles de peines effectives, proportionnées et dissuasives.

2. À moins que les principes généraux du droit l’interdisent, les sanctions pénales prévues au présent article peuvent, en application de la législation nationale, être appliquées sans préjudice d’autres sanctions ou mesures de nature non pénale, et peuvent s’accompagner de la publication de la décision judiciaire relative à l’affaire en question.

Article 11

Responsabilité des personnes morales

1. Les États membres veillent à ce que les personnes morales puissent être tenues pour responsables de l’infraction visée à l’article 9, lorsque cette dernière est commise pour leur compte par une personne agissant soit individuellement, soit en tant que membre d’un organe de la personne morale en cause, et exerçant un pouvoir de direction en son sein, sur les bases suivantes :

a) pouvoir de représentation de la personne morale ;

b) qualité pour prendre des décisions au nom de la personne morale ;

ou

c) qualité pour exercer un contrôle au sein de la personne morale.

2. Les États membres veillent également à ce qu’une personne morale puisse être tenue pour responsable lorsque le défaut de supervision ou d’encadrement de la part d’une personne visée au paragraphe 1 a rendu possible la commission, par une personne placée sous son autorité, de l’infraction pénale visée à l’article 9, pour le compte de ladite personne morale.

3. La responsabilité de la personne morale en vertu des paragraphes 1 et 2 n’exclut pas les poursuites pénales à l’encontre des personnes physiques qui sont les auteurs, les instigateurs ou les complices de l’infraction visée à l’article 9.

Article 12

Sanctions à l’encontre des personnes morales

Les États membres prennent les mesures nécessaires pour qu’une personne morale tenue responsable au sens de l’article 11 soit passible de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, lesquelles peuvent inclure des mesures telles que celles prévues à l’article 7.

Les États membres peuvent décider de rendre publique une liste d’employeurs qui sont des personnes morales et qui ont été reconnus coupables de l’infraction pénale visée à l’article 9.

Article 13

Facilitation des plaintes

1. Les États membres veillent à ce qu’il existe des mécanismes efficaces à travers lesquels les ressortissants de pays tiers employés illégalement peuvent porter plainte à l’encontre de leurs employeurs, directement ou par l’intermédiaire de tiers désignés par les États membres, tels que les syndicats ou d’autres associations ou une autorité compétente de l’État membre, lorsque cela est prévu par la législation nationale.

2. Les États membres veillent à ce que les tiers qui, conformément aux critères établis par leur législation nationale, ont un intérêt légitime à veiller au respect de la présente directive puissent engager, soit au nom d’un ressortissant de pays tiers illégalement employé soit en soutien à celui-ci, avec son consentement, toute procédure administrative ou civile prévue aux fins de la mise en œuvre de la présente directive.

3. L’aide apportée aux ressortissants de pays tiers pour qu’ils portent plainte n’est pas considérée comme une aide au séjour irrégulier aux termes de la directive 2002/90/CE du Conseil du 28 novembre 2002 définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers [13].

4. En ce qui concerne les infractions pénales visées à l’article 9, paragraphe 1, points c) ou e), les États membres définissent, dans le cadre de leur droit national, les conditions dans lesquelles ils peuvent délivrer, cas par cas, des titres de séjour d’une durée limitée, en fonction de la longueur des procédures nationales correspondantes, aux ressortissants de pays tiers intéressés, selon des modalités comparables à celles qui sont applicables aux ressortissants de pays tiers entrant dans le champ d’application de la directive 2004/81/CE.

Article 14

Inspections

1. Les États membres veillent à ce que des inspections efficaces et appropriées soient effectuées sur leur territoire pour contrôler l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Ces inspections se fondent principalement sur une analyse des risques réalisée par les autorités compétentes des États membres.

2. Afin d’accroître l’efficacité des inspections, les États membres identifient régulièrement, sur la base d’une analyse des risques, les secteurs d’activité dans lesquels se concentre l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire.

Pour chacun de ces secteurs, les États membres communiquent, chaque année, avant le 1er juillet, à la Commission le nombre d’inspections, tant en chiffres absolus qu’en pourcentage des employeurs pour chaque secteur, réalisées au cours de l’année précédente ainsi que leurs résultats.

Article 15

Dispositions plus favorables

La présente directive s’applique sans préjudice du droit des États membres d’adopter ou de maintenir des dispositions plus favorables à l’égard des ressortissants de pays tiers auxquels elle s’applique en ce qui concerne les articles 6 et 13, à condition que ces dispositions soient compatibles avec la présente directive.

Article 16

Rapport

1. La Commission soumet au plus tard le 20 juillet 2014, et tous les trois ans après cette date, au Parlement européen et au Conseil un rapport comportant, le cas échéant, des propositions de modification des articles 6, 7, 8, 13 et 14. La Commission examine, en particulier, dans ce rapport la mise en œuvre par les États membres de l’article 6, paragraphes 2 et 5.

2. Les États membres transmettent à la Commission toutes les informations nécessaires à l’élaboration du rapport visé au paragraphe 1. Ces informations comprennent le nombre et le résultat des inspections effectuées en vertu de l’article 14, paragraphe 1, les mesures appliquées en vertu de l’article 13 et, autant que possible, les mesures appliquées en vertu des articles 6 et 7.

Article 17

Transposition

1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 20 juillet 2011. Ils en informent immédiatement la Commission.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

2. Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu’ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.

Article 18

Entrée en vigueur

La présente directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

Article 19

Destinataires

Les États membres sont destinataires de la présente directive, conformément au traité instituant la Communauté européenne.

Fait à Bruxelles, le 18 juin 2009.

[1] JO C 204 du 9.8.2008, p. 70.

[2] JO C 257 du 9.10.2008, p. 20.

[3] Avis du Parlement européen du 4 février 2009 (non encore paru au Journal officiel) et décision du Conseil du 25 mai 2009.

[4] JO L 105 du 13.4.2006, p. 1.

[5] JO L 248 du 16.9.2002, p. 1.

[6] JO L 203 du 1.8.2002, p. 1.

[7] JO L 261 du 6.8.2004, p. 19.

[8] JO L 18 du 21.1.1997, p. 1.

[9] JO C 321 du 31.12.2003, p. 1.

[10] JO L 281 du 23.11.1995, p. 31.

[11] JO L 16 du 23.1.2004, p. 44.

[12] JO L 134 du 30.4.2004, p. 114.

[13] JO L 328 du 5.12.2002, p. 17.

© Assemblée nationale

1 () Notamment la CFDT, la CGT, la FSU, l’Union syndicale solidaires, l’UNSA, la FSU, ETHIC (Entreprises de taille humaine indépendantes et de croissance), le Syndicat national des activités du déchet et Véolia Propreté.

2 () Qui est une indemnité minimale, puisqu’elle est versée à défaut de dispositions légales ou conventionnelles plus favorables en matière d’indemnités de licenciement, de préavis, de fin de contrat…