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N
° 2839

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 octobre 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire de la République française et à leur retour dans leur pays d’origine ainsi qu’à la lutte contre les réseaux d’exploitation concernant les mineurs,

par Mme Chantal BOURRAGUÉ

Députée

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros  :

Sénat : 500 (2007-2008), 315, 316 et T.A 100 (2009-2010).

Assemblée nationale : 2503.

INTRODUCTION 5

I – LE PROBLÈME DES MINEURS ROUMAINS ISOLÉS EN FRANCE ET LE DISPOSITIF CRÉÉ EN 2002 POUR LE TRAITER 7

1) Un problème persistant 7

a) Qu’est-ce qu’un mineur étranger isolé ? 7

b) Le problème des mineurs étrangers isolés est devenu visible en France depuis la fin des années 1990 8

c) La situation des mineurs roumains isolés est source d’une préoccupation renouvelée depuis quelques années 10

2) Le dispositif mis en place, pour trois ans, par l’accord de 2002 11

3) Un bilan nuancé 12

II – EN L’ABSENCE DE CADRE COMMUNAUTAIRE ADAPTÉ, LA NÉCESSITÉ DU NOUVEL ACCORD BILATÉRAL SIGNÉ EN 2007 17

1) Le développement d’accords bilatéraux dans l’attente d’un cadre communautaire en cours d’élaboration 17

a) Des réponses européennes encore insuffisantes 18

b) Le développement d’accords bilatéraux 19

2) Les innovations de l’accord signé en 2007 19

a) Les compléments apportés au domaine d’application et aux objectifs de l’accord 20

b) La reconduction des stipulations relatives à la prise en charge des mineurs en France et au Groupe de liaison opérationnel 20

c) La réorganisation de la procédure pouvant conduire au retour du mineur dans son pays 21

d) La reprise quasiment à l’identique des autres stipulations 23

3) Des critiques à relativiser 23

a) L’accord de 2007 n’offrirait pas, sur plusieurs points, les mêmes garanties que celui de 2002 24

b) Le pouvoir de décision donné au Parquet est l’objet de nombreuses interrogations et inquiétudes 26

CONCLUSION 29

EXAMEN EN COMMISSION 31

ANNEXES 39

ANNEXE 1 : Liste des personnalités rencontrées et visite effectuée 41

ANNEXE 2 : Les actions de la Croix-rouge française en faveur des mineurs étrangers isolés en Ile de France 43

_____

ANNEXE :TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 49

Mesdames, Messieurs,

Alors que le phénomène des enfants des rues, vivant sans la protection d’un adulte responsable d’eux et prêts à tout pour avoir de quoi survivre, était jusqu’à présent très rare dans les pays développés, il menace de se développer dans certaines grandes villes, à commencer par Paris. On y rencontre en effet des milliers d’adolescents étrangers isolés livrés à eux-mêmes, voire à l’exploitation de réseaux de la criminalité organisée.

En dépit de l’absence de données certaines, des sources associatives comme policières et judiciaires constatent qu’une part importante de ces jeunes est originaire de Roumanie. Tel était déjà le cas à la fin des années 1990, ce qui avait conduit les autorités françaises et roumaines à signer en octobre 2002 un accord relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains en difficulté sur le territoire de la République français et à leur retour dans leur pays d’origine, ainsi qu’à la lutte contre les réseaux d’exploitation. Conclu pour trois ans, cet accord n’est plus en vigueur depuis février 2006, ce qui s’est traduit par un recul de la coopération dans ce domaine, et une forte réduction du nombre des mineurs raccompagnés.

Aussi, un accord destiné à prendre sa suite, modifié sur quelques points par rapport à l’accord de 2002 à la lumière de l’expérience accumulée entre 2003 et 2006, a-t-il été signé le 1er février 2007. C’est le projet de loi visant à autoriser le Gouvernement à l’approuver qui est l’objet du présent rapport.

Si l’utilité d’un tel instrument juridique n’est pas véritablement contestée, certaines des innovations du nouvel accord ont fait l’objet de critiques de la part d’acteurs de la protection de l’enfance, conduisant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat à repousser son adoption, finalement obtenue en février dernier. Votre Rapporteure estime, à la lumière des auditions qu’elle a effectuées (1), que les réticences et inquiétudes suscitées par l’accord résultent d’une sensibilité bien compréhensible au sort des jeunes Roumains isolés, mais qu’elles sont largement exagérées, voire infondées.

Après avoir présenté le problème des mineurs isolés, votre Rapporteure rappellera les stipulations de l’accord de 2002 et le bilan qui a été fait de son application. Elle insistera ensuite sur les innovations de l’accord de 2007 et en démontrera l’utilité, tout en s’efforçant de rassurer ceux qui s’en inquiètent.

I – LE PROBLÈME DES MINEURS ROUMAINS ISOLÉS EN FRANCE ET LE DISPOSITIF CRÉÉ EN 2002 POUR LE TRAITER

Tous les adolescents étrangers qui vivent en France privés de la protection d’un adulte responsable d’eux ne sont pas roumains. Il est évidemment difficile de déterminer la part exacte de ceux qui le sont, mais cette part est importante. La proximité géographique de la Roumanie, la facilité de l’accès à la France par ses ressortissants, en particulier depuis qu’elle fait partie de l’Union européenne, l’ancienneté des liens, notamment culturels, entre les deux pays, contribuent à expliquer ce phénomène – mais l’on trouve aussi beaucoup de mineurs roumains isolés en Italie et en Espagne.

Il n’est donc pas surprenant que, parmi les nombreux accords bilatéraux de coopération conclus entre la France et la Roumanie entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, figure un accord traitant spécifiquement de ce sujet délicat.

1) Un problème persistant

C’est à la fin des années 1990 que les pouvoirs publics ont pris conscience de l’importance du nombre – par nature impossible à déterminer précisément – des mineurs étrangers isolés se trouvant sur le territoire français. En dépit des efforts consentis pour combattre ce phénomène, il est loin d’avoir disparu. C’est pourquoi le Premier ministre a chargé, en décembre 2009, Mme Isabelle Debré, sénatrice des Hauts-de-Seine, d’une mission sur ce sujet. Elle a déposé son rapport en mai dernier (2). Votre Rapporteure s’appuiera, en tant que de besoin, sur le contenu de ce document.

a) Qu’est-ce qu’un mineur étranger isolé ?

Plusieurs termes peuvent être utilisés pour désigner ces jeunes dont la situation pose problème. Mme Debré rappelle que le Conseil de l’Europe retient l’expression de « mineurs migrants isolés », tandis que l’Union européenne place sous l’expression « mineurs non accompagnés » « les ressortissants de pays tiers âgés de moins de dix-huit ans qui entrent sur le territoire des Etats membres sans être accompagnés d’un adulte qui soit responsable d’eux, de par la loi ou la coutume, et tant qu’ils ne sont pas pris en charge par une telle personne » (3). Quant à la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, dans son article 20, elle définit comme « isolé », « tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial ».

En France, jusqu’à la fin des années 1990, était utilisée l’expression « mineurs étrangers non accompagnés » : elle s’est avérée inappropriée dans la mesure où certains de ses jeunes étaient accompagnés à leur arrivée sur le territoire français, puis laissés seuls et où elle pouvait laisser penser que la responsabilité juridique du mineur revenait à la personne accompagnante même si elle n’était pas son représentant légal.

Sont désormais retenues les dénominations de « mineur étranger isolé » ou de « mineur isolé étranger ». Mme Debré préfère la seconde car elle considère qu’elle témoigne d’une attention plus grande à l’isolement de la personne qu’à sa nationalité. Dans la mesure où la rédaction de l’accord qui est l’objet du présent rapport a retenu l’expression « mineurs roumains isolés », votre Rapporteure utilisera cette dénomination et, par extension, celle de « mineur étranger isolé ».

Le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ne mentionne aucune de ces notions, mais prévoit, dans son article L. 221-5, la désignation d’un administrateur ad hoc « lorsqu’un étranger mineur non accompagné d’un représentant légal n’est pas autorisé à entrer en France ». Il ne traite donc que du cas de jeunes arrivant sur le territoire français, et pas de ceux qui s’y trouvent déjà, qu’ils soient entrés légalement ou pas.

Mme Isabelle Debré considère plus largement comme isolée « une personne âgée de mois de dix-huit ans qui se trouve en dehors de son pays d’origine sans être accompagnée d’un titulaire ou d’une personne exerçant l’autorité parentale, c’est-à-dire sans quelqu’un pour la protéger et prendre les décisions importantes la concernant ».

Le droit français spécifiquement applicable à ces jeunes est scrupuleusement conforme aux stipulations de la Convention relative aux droits de l’enfant. En application des articles L. 511-4 et L. 521-4 du CESEDA, un mineur ne peut faire l’objet ni d’une obligation de quitter le territoire français, ni d’une mesure de reconduite à la frontière, ni d’une mesure d’expulsion. En conséquence, dans le respect des articles 375-1 et 388-1 du code civil – dont l’application ne se limite évidemment pas à cette situation –, un mineur isolé étranger ne sera raccompagné dans son pays d’origine sur décision judiciaire que si ce retour est dans son intérêt, après qu’il ait eu l’occasion d’exprimer son avis et que le magistrat se soit efforcé de recueillir l’adhésion de sa famille à cette solution.

b) Le problème des mineurs étrangers isolés est devenu visible en France depuis la fin des années 1990

Le nombre des mineurs étrangers isolés se trouvant sur le territoire français est évidemment très difficile à évaluer. Les données sont forcément lacunaires.

Mme Angélina Etiemble a effectué une étude sur le sujet en 2001 pour le compte de la direction de la population et des migrations, qui dépendait alors du ministère de la solidarité. En recoupant des données de différentes sources, elle a estimé à 1 400 le nombre de mineurs isolés maintenus en zone d’attente dans l’aéroport de Roissy au cours de l’année 2001 – 1 100 auraient été autorisés à entrer sur le territoire pour y demander l’asile, mais seuls 200 l’auraient fait effectivement. La même étude indique que les Roumains constituaient le groupe le plus nombreux (16 % de l’ensemble des mineurs isolés), suivis par les Chinois (13 %), les Marocains (11 %), les Albanais (7 %) et les Congolais (6,5 %).

Selon les chiffres officiels de 2002, 3 000 mineurs isolés seraient entrés sur le territoire ; certaines associations évoquaient alors le chiffre de 5 000. Paris et la région parisienne sont les zones les plus concernées par ces arrivées. Par exemple, entre 1998 et 2003, 1 186 mineurs isolés, de vingt-deux nationalités, ont été accueillis par l’Aide sociale à l’enfance de Seine-Saint-Denis.

C’est au début des années 2000 qu’a été mis en place le dispositif dit « Versini », du nom de l’actuelle Défenseure des enfants qui a dirigé le Samu social de 1995 à 2002, avant d’être nommée secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, chargée de la lutte contre la précarité et l’exclusion. Ce dispositif visant à repérer et à assurer la prise en charge des mineurs isolés à Paris a alors été confié à trois associations. Le centre d’accueil des mineurs isolés du Kremlin-Bicêtre, que votre Rapporteure a visité, a été créé dans ce contexte. Il est désormais géré par la Croix-Rouge française, dont les activités en faveur des mineurs isolés en Ile-de-France font l’objet d’une annexe au présent rapport. Votre Rapporteure tient à saluer ici le travail des différentes associations qui jouent un rôle essentiel dans le repérage, l’accueil puis l’intégration de ces jeunes.

En janvier 2005, l’Inspection générale des affaires sociales a achevé l’élaboration d’un rapport sur la situation des mineurs étrangers isolés en France (4), qui reste le document de référence sur le sujet. Il soulignait les difficultés à obtenir une estimation précise du nombre de mineurs isolés. 3 600 d’entre eux avaient répondu au questionnaire de l’Inspection en 2004.

Le rapport de Mme Debré retient une fourchette comprise entre 4 000 et 8 000 pour le nombre de mineurs étrangers isolés présents sur le territoire en 2009. 4 000 est le nombre de jeunes pris en charge par les services de l’Aide sociale à l’enfance selon l’Assemblée des départements de France. 8 000 est l’estimation haute des associations, tandis que celle du groupe de travail installé par le ministre chargé de l’immigration était de 6 000 en novembre 2009. Le ministère de la justice parle quant à lui de 5 à 6 000 mineurs isolés. Il faut souligner les importantes différences selon les années et les départements en ce qui concerne les nationalités de ces mineurs. Selon plusieurs sources, et notamment la Défenseure des enfants, les Roumains ne figureraient plus parmi les nationalités les plus représentées au niveau national, mais le ministère de la justice estime que plus de la moitié des mineurs isolés sont roumains. Tous les observateurs soulignent une présence spécifique d’enfants roms à Paris.

c) La situation des mineurs roumains isolés est source d’une préoccupation renouvelée depuis quelques années

A la fin des années 1990, c’est la présence à Paris de jeunes Roumains qui pillaient les parcmètres qui a attiré l’attention des médias et des pouvoirs publics sur leur situation. En effet, en ce qui concerne ces mineurs, s’ajoute souvent à la problématique de la protection de l’enfance celle de l’ordre public. Contrairement aux jeunes demandeurs d’asile par exemple, systématiquement pris en charge par les services compétents, ces mineurs sont souvent intégrés dans des réseaux très organisés et accompagnés par des proches, si bien qu’ils échappent à toute prise en charge institutionnelle. S’ils sont placés par les services sociaux, ils ont fortement tendance à fuguer.

Selon des estimations effectuées en 2001, le nombre de mineurs roumains isolés présents sur le territoire français était alors de 500 au minimum. Dans la mesure où l’obligation de visas pour les ressortissants roumains a été supprimée le 1er janvier 2007, ils sont probablement nettement plus nombreux aujourd’hui, comme de nombreux indices le laissent penser.

L’association « hors la rue », dont l’objet est de proposer des solutions à ces jeunes afin qu’ils quittent la rue, source de dangers, et de leur offrir des perspectives, indique que 85 % des nouveaux contacts qu’elle a enregistrés en 2008 étaient de jeunes Roumains et que, globalement, le nombre de ces nouveaux contacts a augmenté de 45 %.

Le rapport de Mme Isabelle Debré mentionne aussi l’augmentation observée à Paris en 2008 du nombre de jeunes Roumains, filles mais aussi garçons entre dix et quatorze ans, qui se livrent à la prostitution, notamment sur le parvis de la gare du Nord.

Ces mineurs occupent une place croissante dans l’activité du Parquet de Paris, au pénal comme au civil. Ainsi, sur les 1 601 mineurs déférés devant le tribunal pour enfants de Paris en 2009, 567 étaient des mineurs isolés étrangers (contre 324 sur 1 312 en 2008) et, parmi eux, 401 étaient roumains (contre 130 l’année précédente). Ce chiffre approche celui constaté dans les années 2004-2005 (700 dossiers au pénal en 2004). Depuis le printemps 2009, les jeunes Roumains s’en prennent souvent à des personnes retirant des espèces dans un distributeur automatique de billets. Mme Isabelle Debré rapporte que les fonctionnaires de police ont évoqué devant elle les pressions subies par ces mineurs pour être le plus « productifs » possible. Garçons et filles de douze à quatorze ans, ils sont déplacés d’une capitale européenne à une autre dès qu’ils sont repérés par la police. Ils semblent tous originaires de la même région de Roumanie et appartiennent pour la plupart à la communauté rom, contrairement aux jeunes pilleurs de parcmètres de la fin des années 1990, qui étaient surtout des orphelins de Timisoara.

Le secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, M. Pierre Lellouche a évoqué fin juillet 2010 une augmentation de plus de 150 % de certains faits de délinquance commis par des mineurs roumains à Paris.

Il est difficile d’obtenir un ordre de grandeur de la part de ces mineurs qui sont victimes de réseaux, ces derniers les obligeant à se livrer à la prostitution, au vol ou à la mendicité. Ces trafics passent souvent par l’Italie. Certains sont « achetés » à leurs parents, d’autres sont emmenés contre la promesse d’une vie meilleure, une partie d’entre eux était abandonnée. Sans nier l’existence de trafics de mineurs, l’association « hors la rue » insiste sur le grand nombre de jeunes pour lesquels le vol ou la prostitution constituent des activités de survie. Selon elle, les filles sont plus souvent victimes de réseaux que les garçons, qui s’organisent parfois entre eux, à l’exemple des jeunes prostitués de la gare du Nord. Surtout, elle juge que seule une minorité des Roumains isolés sont des délinquants et que la proportion d’un quart, avancée par certains, est très exagérée. Globalement, il est très rare que ces jeunes soient arrivés seuls en France.

La situation qui avait conduit à la conclusion de l’accord de 2002 n’a pas fondamentalement changé, ce qui justifie la réactivation de ce dispositif, dans une nouvelle version visant une efficacité renforcée.

2) Le dispositif mis en place, pour trois ans, par l’accord de 2002

Le premier accord a été signé à Paris le 4 octobre 2002, alors que Mme Dominique Versini était la secrétaire d’État chargée de la lutte contre la précarité et l’exclusion. Lorsqu’elle s’est entretenue avec votre Rapporteure, elle a insisté sur l’état d’esprit dont lequel il avait été négocié : les objectifs étaient d’améliorer la protection des mineurs en obtenant de la Roumanie qu’elle conduise des enquêtes sociales sérieuses, et de rendre plus efficace la lutte contre les réseaux d’exploitation.

Comme l’accord qui est l’objet du présent rapport, l’accord de 2002 était en effet « relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains en difficulté sur le territoire de la République française et à leur retour dans leur pays d’origine, ainsi qu’à la lutte contre les réseaux d’exploitation ».

Les mineurs entrant dans le champ d’application de cet accord sont ceux « se trouvant en difficulté » en France, c’est-à-dire ceux qui sont « exposés aux risques d’abus, d’exploitation ou de délinquance ». Les deux pays collaborent pour résoudre et prévenir de telles situations, ce qui implique de faciliter les échanges de données et d’informations (article 1er).

Les objectifs de cette collaboration (article 2) sont l’identification et la protection de ces mineurs dépourvus de représentants légaux, victimes ou auteurs d’infractions pénales ; la préparation des mesures de protection et de réintégration sociale ; l’aide au retour, si la situation le permet ; le suivi, pendant six mois, de leur réintégration sociale ; la sensibilisation des mineurs et des familles roumaines aux risques encourus.

L’article 3 détaille les étapes de la procédure à conduire : la prise en charge des jeunes en difficulté sur le territoire français, leur identification et la réalisation d’une enquête sociale, l’élaboration d’un projet de retour – dans un délai de quatre mois –, l’organisation du retour – confiée à l’Office français des migrations internationales (5) – et l’accueil en Roumanie – placé sous la responsabilité de l’Autorité nationale pour la protection de l’enfant et l’adoption (ANPDC). Pour faciliter ce travail, est mis en place un groupe de liaison opérationnel (GLO) constitué de spécialistes.

L’article 4 prévoit des actions préventives bilatérales visant à former des travailleurs sociaux roumains et à développer des actions d’information et d’éducation de la population en Roumanie.

Le financement des différentes étapes de la procédure jusqu’au transport des mineurs dans leur pays est assuré par la France, qui contribue aussi à celui des actions de coopération bilatérale et de soutien aux ONG roumaines sélectionnées par les autorités de leur pays pour intervenir dans l’élaboration et le mise en œuvre des projets de retour (article 5).

En application de son article 10, l’accord a été conclu pour une durée de trois ans. Il est entré en vigueur le 1er février 2003 et arrivé à expiration le 1er février 2006.

3) Un bilan nuancé

Un bilan de la mise en œuvre de cet accord a été établi à la suite de la dernière réunion bilatérale du GLO, qui s’est tenue à Paris les 26 et 27 janvier 2006.

L’accent était mis sur « les conséquences positives – en ce qui concerne la Roumanie – tant de la coopération bilatérale que de la coopération interinstitutionnelle interne, mises en œuvre par le biais du GLO concernant l’approche de la problématique de la migration illégale et de la protection des enfants roumains isolés à l’étranger et/ou victimes de l’exploitation ou de la traite. Elles se sont traduites dans certains aspects de la nouvelle législation relative à la protection des droits des enfants et de la migration, dans la création de nouveaux types de services pour les enfants rapatriés isolés ou victimes de la traite et dans des instruments et méthodologies de travail ». Ainsi, la Roumanie a mis en place un réseau national de services spécialisés dans la protection et l’assistance des enfants rapatriés et victimes de la traite, qui comprend en particulier onze centres départementaux et un centre pilote situé à Bucarest. Des activités de prévention de la migration illégale et de la traite ont été menées dans vingt-trois départements et dans la capitale. De nombreuses normes réglementaires ont été élaborées après la publication de la loi du 21 juillet 2004 sur la protection et la promotion des droits de l’enfant.

Il faut souligner la part que la France a prise dans cette réforme en profondeur de la protection de l’enfance en Roumanie. C’est en effet le ministère français de la justice qui a été chargé par la Commission européenne de conduire le programme intitulé Soutien pour l’amélioration de la justice des mineurs en Roumanie, financé par le dispositif PHARE (6), entre octobre 2004 et 2006.

L’exposé des motifs du projet de loi autorisant l’approbation du nouvel accord mentionne un bilan jugé positif par les deux parties, « grâce notamment à une meilleure définition des procédures d’enquête sociale et d’identification des mineurs », et indique que, depuis l’entrée en vigueur de l’accord de 2002, plus de trois cents demandes d’enquêtes sociales et cinq cents demandes d’identification de mineurs ont été satisfaites par les autorités roumaines. Il conclut néanmoins que « le nombre de rapatriements de mineurs est resté limité à ce jour [le projet de loi a été déposé le 23 juillet 2008 sur le bureau du Sénat] (cinquante-neuf dont six en 2006) ».

Ce nombre ne semble pas connu très exactement, en l’absence d’un recensement parfaitement fiable. En effet, certains des retours effectués depuis l’entrée en vigueur de l’accord se sont effectués hors de son cadre, notamment à cause d’une mauvaise information des juges des enfants sur son existence. La directrice « International et retour » à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (l’OFII), que votre Rapporteure a rencontrée, dispose de données précises sur les raccompagnements effectués par l’OFII ou par les structures qui l’ont précédé (7) : entre 2003 et l’été 2010, il a assuré le retour de cinquante-cinq jeunes en Roumanie, répartis comme suit : trois en 2003, neuf en 2004, dix-huit (dont les retours de huit frères et sœurs) en 2005, dix en 2006, quatre en 2007, un en 2008, huit en 2009 et deux depuis le début 2010. L’OFII a assuré l’organisation de quatre-vingt dix-neuf retours de mineurs depuis 2003, vers l’ensemble des pays du monde (dont quatre vers la Bulgarie) : la part de jeunes Roumains est dont supérieure à la moitié. Cela est dû à la fois au grand nombre de ces mineurs isolés trouvés en France, mais aussi à l’existence de l’accord bilatéral, grâce auquel ils sont confiés à l’administration roumaine, et pas directement à leur famille, ce qui simplifie l’organisation des retours.

Le conseiller de la garde des Sceaux chargé de ce dossier évoque cinquante-quatre retours entre 2003 et 2005 – c’est-à-dire pendant la période d’application de l’accord –, onze en 2006, six en 2007 et un seul en 2008. Les différences entre les sources sont liées aux retours opérés sans la médiation de l’OFII, qu’ils aient été effectués par les services d’aide sociale à l’enfance au tout début de la période ou qu’ils soient le fait de mineurs rentrés par leurs propres moyens. Pour regrettable que soit cette incertitude, force est de constater que le nombre de retours a très nettement diminué depuis que l’accord signé en 2002 n’est plus appliqué.

En réponse aux questions posées au ministère des affaires étrangères et européennes en janvier 2009 par Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteure du projet de loi à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat sur le bilan qualitatif de l’application de l’accord, le gouvernement a signalé « le caractère inégal de la qualité de certains rapports transmis par les autorités roumaines d’un département à l’autre » et « la difficulté de soustraire les mineurs roumains isolés aux réseaux les exploitant, les mineurs roumains restant souvent très peu dans les lieux de placement, pour retourner en fin de compte dans les réseaux d’exploitation ».

Mais il se félicite aussi de l’accroissement des liens opérationnels entre les autorités policières et judiciaires des deux pays dans la lutte contre la criminalité organisée : des réseaux importants de trafics de cartes bancaires, de cambriolages en bande organisée comme de traite des êtres humains (poursuivis en France du chef de proxénétisme aggravé) ont été démantelés. Depuis l’entrée en vigueur du mandat d’arrêt européen, plus de quatre-vingts ressortissants roumains ont été remis sur cette base aux autorités françaises. Chaque année, des dizaines de demandes d’entraide pénale sont échangées entre les autorités judiciaires françaises et roumaines. Les officiers de liaison en poste à Bucarest prêtent leur concours à de nombreux dossiers mais ne sont pas toujours sollicités. Les services du ministère de l’intérieur ont par ailleurs constaté une baisse significative de l’activité des réseaux de prostitution de mineurs au cours des dernières années. Depuis février dernier, quatre policiers roumains participent à la lutte contre ces trafics au sein de la préfecture de police de Paris, chiffre qui sera porté à quatorze cet automne ; un magistrat roumain leur prêtera main-forte. Ces progrès, qu’il convient de saluer, relèvent d’ailleurs plus de l’amélioration générale de la coopération bilatérale que de la mise en œuvre de l’accord stricto sensu. En effet, la France et la Roumanie sont liées par un accord relatif à la coopération en matière d’affaires intérieures signé le 21 février 1997 et entré en vigueur en avril 1998, qui met en place une coopération technique et opérationnelle bilatérale et une assistance mutuelle dans plusieurs domaines, parmi lesquels la lutte contre la criminalité organisée et la lutte contre le trafic d’enfants.

L’association « hors la rue » dresse pour sa part un bilan très sévère de la mise en œuvre de l’accord de 2002. Pour ce qui est des enquêtes sociales préalables, elle critique notamment le peu d’informations relatives au mineur concerné figurant dans la demande, l’absence de retour d’information auprès des autorités roumaines sur ce qu’il est advenu de ce jeune, la durée, souvent excessive, de la procédure – pendant laquelle il n’est pas rare que le jeune change d’avis et ne souhaite plus rentrer en Roumanie –, et la légèreté des enquêtes sociales. Pour ce qui est du suivi des jeunes rentrés dans leur pays, l’association affirme qu’il n’y en a que très peu, voire aucun, et elle déplore que les autorités roumaines n’aient pas signé de conventions avec des ONG locales, contrairement à ce que l’accord préconisait. Surtout, elle dénonce l’absence d’évaluation de la situation individuelle de chaque jeune après son retour.

Quelles qu’aient pu être les limites de l’accord de 2002 et de sa mise en œuvre, personne n’a contesté son utilité ni souhaité qu’il soit mis fin à la collaboration franco-roumaine dans ce domaine. Le bilan de l’accord réalisé en janvier 2006 insistait sur la nécessité de le renouveler en s’appuyant sur l’expérience accumulée et de poursuivre tacitement la collaboration bilatérale selon les modalités et procédures qu’il prévoyait jusqu’à la conclusion et la mise en application d’un nouvel accord. Ce dernier souhait n’a pas été satisfait : depuis le 26 janvier 2006, aucune réunion bilatérale du GLO n’a pu avoir lieu, faute de fondement juridique ; le GLO français s’est réuni en mars 2007 et le GLO roumain en décembre 2007 mais, comme l’explique le gouvernement français, « en l’absence de réunion bilatérale, le travail, qui consiste essentiellement à améliorer la circulation de l’information et la prise en charge bilatérale des mineurs, ne peut guère avancer ».

La coopération franco-roumaine ne passe plus que par un magistrat français, assistant technique à l’ambassade de France à Bucarest, chargé de la protection de l’enfance. Il n’est pas habilité à faire de l’entraide judiciaire et il n’existe plus de structure au sein de laquelle la situation concrète des jeunes gens concernés peut être étudiée.

Cette situation regrettable rend d’autant plus urgente l’application de l’accord signé le 1er février 2007 à Bucarest.

II – EN L’ABSENCE DE CADRE COMMUNAUTAIRE ADAPTÉ, LA NÉCESSITÉ DU NOUVEL ACCORD BILATÉRAL SIGNÉ EN 2007

L’accord qui devait prendre la suite de celui signé en 2002 a pour l’essentiel été négocié pendant la dernière réunion du GLO qui s’est tenue les 26 et 27 janvier 2006. Mais les arbitrages nécessaires à l’adoption finale du texte ont pris plusieurs mois côté français, le principal arbitrage ayant concerné le ministère de la justice à propos des compétences respectives du Parquet et du juge des enfants – votre Rapporteure reviendra sur ce point. Le nouvel accord a finalement été signé le 1er février 2007. Le gouvernement roumain, qui n’a pas jugé nécessaire de lancer une procédure d’autorisation de ratification, a pu l’approuver dès le 10 octobre 2007, tandis que cette procédure débutait en France.

La longue durée du vide juridique que nous connaissons depuis plusieurs années est imputée par le Gouvernement à l’absence de prise en compte de la procédure de ratification au moment de la négociation du nouvel accord, qui aurait dû être anticipée en conséquence. Il faut reconnaître que l’accord signé en 2002 avait été approuvé sans autorisation parlementaire. C’est le changement de jurisprudence du Conseil d’Etat en faveur d’un recours beaucoup plus systématique à la procédure d’autorisation parlementaire d’approbation des accords internationaux qui explique cette situation. Etant donné les inquiétudes que le nouvel accord a suscitées – dont ont témoigné les réticences du Sénat –, votre Rapporteure ne peut que se féliciter que cette procédure lui donne l’occasion d’apporter les éclaircissements nécessaires, tout en regrettant le retard pris, dès le début, dans son élaboration.

1) Le développement d’accords bilatéraux dans l’attente d’un cadre communautaire en cours d’élaboration

Dans la mesure où la Roumanie est devenue membre de l’Union européenne le 1er janvier 2007, et où ses citoyens ne sont plus soumis, depuis cette date, à l’obligation de visa pour voyager en son sein – même si le pays ne fait pas partie de l’espace Schengen et si s’appliquent encore, dans certains pays, des règles transitoires en matière de droit au travail (8) –, on pouvait s’attendre à ce que l’Union européenne se saisisse de la question des mineurs roumains isolés présents sur le territoire d’autres Etats européens. Sa prudence en la matière a conduit un certain nombreux d’Etats à suivre l’exemple de la France en concluant des accords bilatéraux avec la Roumanie.

a) Des réponses européennes encore insuffisantes

L’Union européenne est concernée à plusieurs titres par ce dossier : d’abord, pour ce qui est du traitement des mineurs étrangers isolés d’une manière générale ; ensuite, à travers la question de la situation des Roms en Europe, neuf millions d’entre eux, sur un total de onze millions vivant sur le continent européen, étant des ressortissants d’un Etat membre de l’Union.

Au cours des premières Assises des mineurs isolés étrangers qui se sont tenues à Lille le 17 décembre 2009, M. Jacques Barrot, alors vice-président de la Commission européenne, a rappelé la nécessité d’une approche européenne. Le Programme de Stockholm adopté le 11 décembre 2009, qui définit les grands axes stratégiques dans le domaine de la justice et de la politique intérieure pour la période 2010-2014, évoque la question du retour des mineurs étrangers isolés. L’objectif est de faire émerger les meilleures pratiques pour les diffuser et en faire la norme sur des questions telles que la détermination de l’âge de ces jeunes, leur réacheminement, la coopération avec les pays d’origine. Un plan d’action pour les mineurs étrangers non accompagnés 2010-2014 a été publié par la Commission en mai 2010 et le Conseil a adopté des conclusions sur ce sujet le 3 juin suivant, mais ces deux documents concernent les jeunes ressortissants de pays tiers ou apatrides. Les principes qu’ils posent et les efforts qu’ils demandent aux Etats membres dans ce domaine n’en seront pas moins aussi positifs pour le traitement des mineurs isolés issus des pays membres, et en particulier de Roumanie.

L’Union européenne a aussi pris plusieurs initiatives au cours des dernières années en faveur de « l’inclusion des Roms ». Il s’agit de mettre en place des mesures visant à lutter contre les discriminations dont ils sont victimes et à les aider à trouver leur place dans la société où ils vivent. Un premier sommet européen sur les Roms s’est tenu en décembre 2008, sous présidence française ; un deuxième s’est déroulé les 7 et 8 avril 2010, sous présidence espagnole. Ils témoignent incontestablement d’une prise de conscience communautaire des problèmes particuliers que rencontrent ces populations et des difficultés que leur présence génère parfois, notamment dans les pays d’où ils ne sont pas originaires. Mais on ne peut que regretter la faible participation des représentants de haut niveau des Etats membres de l’Union européenne aux initiatives de ce type : M. Pierre Lellouche était le seul ministre chargé des affaires européennes présent au sommet de Cordoue, qui n’a, de ce fait, abouti à aucune conclusion opérationnelle. Les résultats de ces politiques tardent donc à se faire sentir. C’est pourquoi le secrétaire d’Etat français chargé des affaires européennes a appelé à une action européenne commune pour lutter contre la forte progression des actes de délinquance commis par des mineurs roumains dans notre pays, et, plus largement, au renforcement des actions en faveur de l’insertion des Roms dans leur pays d’origine, financées au titre de la politique régionale ou de cohésion de l’Union.

Si on peut donc s’attendre à ce que, progressivement, l’Union européenne se dote d’un cadre communautaire permettant d’apporter des solutions, à la fois préventives et curatives, à la situation des mineurs roumains isolés dans des pays européens dont ils ne sont pas ressortissants, certains Etats ont, pour l’heure, décidé de suivre la voie ouverte par la France en 2002 en concluant des accords bilatéraux avec les autorités roumaines.

b) Le développement d’accords bilatéraux

Ainsi, des accords du même type ont été signés entre la Roumanie et l’Espagne pour l’un, l’Italie pour l’autre.

Etant donné sa position géographique, l’Espagne est fortement touchée par les différents aspects des problèmes liés aux migrations. Dès décembre 2003, elle a conclu un mémorandum avec le Maroc sur le rapatriement assisté des mineurs non accompagnés. Cette coopération a été consacrée en mars 2007 par la signature d’un accord bilatéral. Un accord du même type conclu avec le Sénégal est entré en vigueur en février 2009.

L’accord entre la Roumanie et l’Espagne concernant la coopération dans le domaine de la protection des mineurs roumains non accompagnés en Espagne, leur retour et la lutte contre leur exploitation a pour sa part été signé le 15 décembre 2005. Il est directement inspiré de l’accord franco-roumain de 2002 et prévoit aussi la constitution d’un Comité de suivi, jumeau du GLO.

Plus récemment, c’est l’Italie, où les mineurs roumains non accompagnés sont très nombreux, qui a signé un accord bilatéral ayant le même objet, le 9 juin 2008. Il est entré en vigueur dès le 10 décembre 2008. Les objectifs sont toujours d’identifier les mineurs, d’adopter les mesures nécessaires à leur protection et à leur réintégration sociale et de faciliter leur retour dans le pays d’origine.

Comme l’accord franco-roumain de 2002 et celui signé en 2007, ces accords sont destinés à permettre le retour du mineur dans son pays d’origine dans les meilleures conditions, avec le souci primordial de l’intérêt de l’enfant, la notion de danger étant toujours examinée en premier lieu. Ils mettent en place un service central de coordination et doivent s’accompagner de moyens conséquents (nationaux mais aussi européens) consacrés à l’investissement dans l’accueil et la formation dans le pays d’origine.

Alors que notre pays a montré la voie à ses voisins italien et espagnol, il est lui-même, depuis février 2006, privé de tout accord bilatéral en vigueur pour faciliter la coopération avec la Roumanie dans ce domaine.

2) Les innovations de l’accord signé en 2007

Lorsque le GLO avait fait le bilan de la mise en œuvre de l’accord de 2002, il avait souhaité que le nouvel accord tienne compte de l’expérience de la période 2003-2006. Les différences qui existent entre l’accord signé en 2007 et celui qui l’a précédé traduisent cette volonté. Elles visent principalement à renforcer l’efficacité du dispositif.

Votre Rapporteure tient à insister sur le fait que cet accord s’applique naturellement dans le respect des législations nationales, dont il ne rappelle pas le contenu. Les procédures nationales ne sont directement mentionnées que dans la mesure où elles constituent le cœur de la coopération bilatérale recherchée. L’objet principal de l’accord est en effet de préciser, à l’attention des deux parties, les étapes à suivre dans la recherche de la meilleure solution possible pour le jeune ; il ne s’agit pas de créer un dispositif dérogatoire destiné aux seuls mineurs roumains isolés.

a) Les compléments apportés au domaine d’application et aux objectifs de l’accord

Le nouvel accord met davantage l’accent sur la lutte contre les réseaux d’exploitation des mineurs. Cet aspect apparaît désormais dès le préambule de l’accord puis constitue le troisième point de l’article 1er consacré à son domaine d’application. Les deux autres points sont identiques à ceux qui figuraient dans l’accord de 2002 : les Etats collaborent non seulement pour « renforcer la lutte contre la criminalité organisée, la délinquance itinérante et le démantèlement des réseaux d’exploitation concernant les mineurs » (point 3), mais aussi, comme auparavant, pour « résoudre la situation de mineurs roumains se trouvant en difficulté sur le territoire de la République française (…) et prévenir de telles situations » (point 1) et pour « faciliter les échanges de données et d’informations, afin de résoudre le plus efficacement possible la situation [de ces] enfants (…) et contribuer à prévenir des situations d’isolement ou de risque pour ceux-ci, y compris les récidives » (point 2).

La rédaction de l’article 2, qui énumère les objectifs de la collaboration entre les deux pays, a été modifiée plus sur la forme que sur le fond. Le point 1, relatif à l’identification et à la protection des mineurs en France, est reproduit à l’identique. En revanche, les points 2 à 5 de l’accord de 2002 sont synthétisés dans la rédaction du point 2 du nouvel accord : il s’agit toujours de favoriser le retour des mineurs dans leur pays dans de bonnes conditions grâce à des échanges d’informations, l’adoption de mesures de protection et le suivi, pendant six mois, de leur réintégration sociale. Enfin, le nouveau point 3 met davantage l’accent sur la prévention des risques d’exploitation ou de représailles par l’échange d’informations sur les organisations criminelles exploitant les mineurs, quand celui de l’accord de 2002 était plus centré sur la dissuasion des enfants et la sensibilisation des familles aux risques encourus. La mention du risque de représailles contre les mineurs rentrés en Roumanie est apparue nécessaire à la lumière de l’expérience accumulée pendant l’application de l’accord de 2002.

b) La reconduction des stipulations relatives à la prise en charge des mineurs en France et au Groupe de liaison opérationnel

L’article 3 de l’accord de 2002, intitulé « Plan de mesures : prise en charge et organisation du retour en Roumanie, accueil en Roumanie », est désormais scindé en deux : le nouvel article 3 regroupe les points 1 et 2 de l’accord de 2002, respectivement consacrés à la prise en charge des mineurs roumains en difficulté sur le territoire français et à la création du GLO ; les points 3 à 6 relatifs à la suite de la procédure (de l’identification des mineurs à leur accueil en Roumanie) se retrouvent désormais dans l’article 4, votre Rapporteure y reviendra infra.

L’article 3 prévoit donc que la France « met en place un dispositif de prise en charge des mineurs roumains isolés en difficulté sur son territoire ». Les éléments de cette prise en charge sont toujours les mêmes : « la prise de contact sur le territoire français, l’instauration d’un lien de confiance, l’accueil, l’hébergement, le suivi sanitaire, l’élaboration d’un projet d’accueil en Roumanie, la préparation du retour et l’accompagnement des mineurs jusqu’en Roumanie ».

Les stipulations relatives au GLO sont modifiées sur trois points : il est précisé qu’il sera présidé par le ministère de la justice – ce qui est logique dans la mesure où celui-ci est chargé de veiller au respect des libertés et où les jeunes sont raccompagnés dans le cadre d’une procédure judiciaire, et ce qui était déjà le cas entre 2003 et 2006 sans que l’accord le prévoie explicitement – ; comme dans les articles précités, sa contribution à la coopération en faveur de la lutte contre la criminalité organisée qui exploite les mineurs est davantage mise en avant ; il est ajouté une évaluation annuelle de son activité et la diffusion d’un rapport annuel d’activité à l’ensemble de ses membres. Pour le reste, il continue à avoir pour missions de faciliter l’identification des mineurs, d’améliorer leur prise en charge et de faciliter leur retour dans leur pays « quand les conditions sont réunies ».

Comme auparavant, la liste de ses membres et ses modes de fonctionnement seront fixés par accord entre les parties. Votre Rapporteure souhaite que l’OFII, s’il est effectivement amené à poursuivre sa mission d’organisation des retours – comme cela est plus que probable et souhaitable –, figure parmi les membres du GLO au sein de la délégation française, ce qui n’était pas le cas en application des règles en vigueur de 2003 à 2006 (9).

c) La réorganisation de la procédure pouvant conduire au retour du mineur dans son pays

C’est surtout le contenu de l’article 4 du nouvel accord qui diffère des stipulations correspondantes de l’accord de 2002 et qui mérite attention. C’est lui qui suscite les critiques les plus fortes.

Une fois le mineur pris en charge dans le cadre de l’article 3, les autorités françaises s’assurent de son état-civil auprès des autorités roumaines. Sans figurer dans des termes identiques dans l’accord de 2002, cette étape est essentielle et n’est pas l’objet de contestations.

Ces dernières se concentrent sur la question de l’autorité compétente pour autoriser un mineur à quitter le territoire français pour regagner son pays (c’est-à-dire ordonner la mainlevée de son placement judiciaire). En application de l’accord de 2002, il revenait au juge des enfants, conformément aux dispositions de l’article 375 du code civil, de délivrer cette autorisation, après s’être assuré que son retour était dans l’intérêt du mineur. Le nouvel accord maintient cette possibilité, « si le juge des enfants est saisi », mais il l’étend au procureur de la République, qui dispose, en application de l’article 375-5 du code civil, de cette même prérogative « en cas d’urgence » et sous réserve qu’il saisisse « dans les huit jours le juge compétent qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure ».

En conséquence, dès qu’il est saisi de la situation d’un mineur roumain isolé, le juge des enfants ou le procureur rassemblera tous les éléments pertinents sur sa situation personnelle et administrative disponibles en France ou en Roumanie. Informées, les autorités roumaines, après examen de cette situation et « définition précise des modalités de sa prise en charge », peuvent « solliciter par écrit son raccompagnement ». Comme auparavant, le juge des enfants peut alors autoriser son retour. La nouveauté réside dans le fait que le Parquet des mineurs pourra décider de ne pas saisir le juge des enfants et mettre lui-même à exécution cette demande dès sa réception, « s’il estime que toutes les garanties sont réunies pour assurer la protection du mineur ».

L’autre innovation de l’accord vise à apporter une solution aux cas, très fréquents, de la fugue des mineurs avant leur raccompagnement. Si le mineur n’est plus localisé, le Parquet sollicitera son inscription au fichier système d’information Schengen. Puis, s’il est retrouvé, le Parquet des mineurs territorialement compétent mettra la mesure de raccompagnement à exécution à condition que les informations sur la situation de l’enfant soient suffisantes et ne datent pas de plus d’une année. Cette stipulation ne constitue pas une obligation. Si le Parquet juge que les informations dont il dispose ne sont pas suffisantes
– notamment parce que la situation du jeune paraît avoir changé –, il pourra demander une nouvelle enquête, même si la précédente ne date pas de plus d’un an. Il faut en effet reconnaître que la situation d’un adolescent évolue rapidement et qu’il peut être nécessaire de réactualiser les informations obtenues quelques mois auparavant avant d’ordonner, le cas échéant, l’exécution d’une mesure de raccompagnement. Il n’y a d’ailleurs aucune raison de penser que les magistrats du Parquet sont moins soucieux du respect des libertés et de l’intérêt de l’enfant que leurs collègues juges des enfants.

Ces modifications de procédure visent à rendre plus efficace le dispositif et à augmenter le nombre de retours, dans la mesure où ils apparaissent constituer la meilleure solution pour l’enfant. On peut observer la disparition de la mention de l’opérateur français chargé de l’organisation du retour des mineurs, ce qui conduit les responsables de l’OFII à en déduire que d’autres structures que lui pourraient s’en occuper. Votre Rapporteure juge qu’il est certainement le mieux à même de le faire. C’est aussi l’avis de la Défenseure des enfants qui ne voudrait pas voir des policiers assurer le raccompagnement des enfants.

Le dernier paragraphe de l’article 4 charge les autorités roumaines de prendre les mesures de protection qu’elles jugent nécessaires « immédiatement après le retour » du mineur. L’ANPDC n’est pas citée par le nouvel accord, ce qui est judicieux, puisque – même si les négociateurs ne le savaient pas –, dans le cadre d’une réorganisation de l’administration, cette agence autonome a été transformée en juin dernier en une direction du ministère du travail, de la famille et de la protection sociale, dotée des mêmes compétences et du même personnel. C’est elle qui prendra en charge les mineurs à leur arrivée en Roumanie puis mettra en œuvre les mesures de protection nécessaires.

Une nouvelle obligation pèsera désormais sur les autorités roumaines, celle d’informer annuellement la partie française de la situation de chaque mineur concerné. Les demandes des associations en faveur d’un suivi plus étroit du devenir des mineurs rentrés en Roumanie ont ainsi été entendues.

d) La reprise quasiment à l’identique des autres stipulations

En ce qui concerne les autres stipulations de l’accord, on notera la suppression de l’article sur les actions préventives bilatérales – qui ne s’impose plus étant donné les progrès accomplis par la Roumanie et son adhésion à l’Union européenne – et, en conséquence, leur mention dans l’article 5 relatif au financement des actions. Ce financement reste à la charge de la France pour ce qui concerne l’évaluation, l’identification, la protection des mineurs sur son territoire et leur transport jusque dans leur pays.

Il est toujours prévu l’élaboration d’un rapport sur la mise en œuvre de l’accord huit mois après sa signature – mais il faut lire « entrée en vigueur » à la place de « signature » –, puis tous les six mois.

Enfin, le nouvel accord est conclu, comme le précédent, pour une durée de trois ans, mais, contrairement à celui-ci, il est renouvelable tacitement, ce qui évitera que ne se renouvelle le vide juridique que nous connaissons depuis février 2006.

3) Des critiques à relativiser

Le présent projet de loi a été déposé sur le bureau du Sénat pendant l’été 2008. Sur le rapport de Mme Garriaud-Maylam, sa commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées l’a examiné le 13 mai 2009, mais, devant les fortes préoccupations exprimées par la Rapporteure sur le contenu et l’opportunité de l’accord signé en 2002, la commission a décidé de reporter sa décision. Ce n’est que le 23 février 2010, après que la Rapporteure a effectué un déplacement en Roumanie et qu’elle s’est prononcée en faveur de son adoption, que la commission a adopté le projet de loi, le groupe socialiste s’abstenant. Il a finalement été adopté par le Sénat le 6 mai 2010, à l’issue d’un long débat.

Ces péripéties, rares quand il s’agit d’adopter un projet de loi autorisant l’approbation d’un accord international, témoignent de la sensibilité du sujet qu’il aborde : il est bien naturel que les élus de la Nation n’acceptent pas les yeux fermés un texte de l’application duquel dépendra l’avenir de mineurs déjà durement éprouvés par la vie. Aussi votre Rapporteure a-t-elle souhaité effectuer une série d’auditions pour mieux comprendre les critiques qui étaient formulées à l’encontre de cet accord et les arguments qui pouvaient, le cas échéant, leur être opposés.

a) L’accord de 2007 n’offrirait pas, sur plusieurs points, les mêmes garanties que celui de 2002

Tout comme elle est très sévère sur le bilan de l’accord de 2002, l’association « hors la rue », soutenue par la Cimade, le GISTI et l’association DEI-France Les droits de l’enfant, critique vivement le contenu de l’accord signé en 2007, non seulement en ce qui concerne la procédure de retour prévue par l’article 4, mais aussi sur plusieurs autres points.

Dans plusieurs notes adressées aux parlementaires, la dernière en date étant postérieure à l’adoption du projet de loi par le Sénat, cette association déplore que « la réduction des garanties exigées de la partie roumaine par le nouvel accord ne permette en rien d’assurer le respect des critères minimaux nécessaires à la protection de l’enfant pour un retour en famille ».

Elle mentionne les points suivants :

– quant à la prise en charge des jeunes roumains sur le territoire français, la mise en place d’un dispositif s’appuyant sur la constitution d’un groupement d’ONG françaises a tout à fait disparu. Seul demeure ce qu’elle considère comme le service minimum : « prise de contact », « lien de confiance », « suivi sanitaire » et retour en Roumanie sans plus de précision ;

– le détail des activités du GLO aurait été réduit à sa plus simple expression ;

– elle observe qu’il n’est plus fait mention de la réalisation d’une enquête sociale et de la communication aux autorités roumaines des informations relatives aux mesures de protection ;

– de la même manière, la partie roumaine n’est pas tenue de communiquer le consentement des parents de l’enfant à son retour et la partie française n’est pas tenue de recueillir le consentement du mineur ;

– s’il est toujours question de préparer le retour de l’enfant « quand les conditions sont réunies », la partie roumaine n’est plus tenue d’en élaborer le projet ni de le communiquer aux autorités françaises.

Votre Rapporteure est en mesure de rassurer les associations sur ces différents points.

Si la mention des ONG a effectivement disparu de l’article 3 – il semblerait que ce soit la conséquence de leur peu d’enthousiasme à mettre en œuvre l’accord de 2002 –, l’énumération des éléments de la prise en charge des mineurs est exactement identique à celle qui figurait dans l’accord de 2002 ; il ne s’agit nullement d’un « service minimum ». Le ministère de la justice a expliqué à votre Rapporteure que les ONG ne pouvaient pas être membres du GLO à cause du caractère confidentiel des informations qui y sont échangées mais que cela ne faisait pas obstacle à leur participation aux groupes de travail dépourvus de lien avec les procédures judiciaires.

Comme indiqué supra, les stipulations relatives au GLO ne sont pas moins détaillées que celles de l’accord de 2002 ; elles sont au contraire plus complètes et insistent davantage sur la mission relative à la lutte contre les réseaux criminels qui exploitent les mineurs.

Le terme d’« enquête sociale » ne figure pas dans le nouvel accord, mais sa réalisation n’en reste pas moins prévue : l’article 4 rend obligatoire de rassembler « les éléments pertinents sur [la] situation personnelle et administrative [du mineur] conformément à la législation en matière de protection de l’enfance » et les règles roumaines (10) prévoient expressément la réalisation d’une enquête sociale dans ce type de cas. Les échanges d’informations étant au cœur de l’accord, il n’y a aucune raison que celles relatives aux mesures de protection en soient exclues.

Pour ce qui est du consentement du mineur d’une part, de ses parents d’autre part, à son retour, il n’était pas davantage mentionné dans l’accord de 2002 qu’il ne l’est dans celui de 2007. Comme rappelé supra, le droit français impose au magistrat (et au service de l’aide sociale à l’enfance) de recueillir l’avis de l’enfant ; à moins que son intérêt supérieur ne le commande absolument – par exemple pour éloigner le jeune de la menace que fait peser sur lui un réseau d’exploitation –, il ne sera pas raccompagné contre son gré. Pour ce qui est de l’avis des parents, il est prévu de le recueillir aussi bien en droit français qu’en droit roumain. Il ne s’agit certes pas d’un « consentement » au sens propre, mais celui-ci n’est exigé dans aucune des deux législations, l’intérêt supérieur de l’enfant, dont le magistrat est le garant, devant primer.

Quant à l’élaboration du projet de retour en Roumanie, si elle fait partie de la prise en charge assurée en France, elle se fera forcément en collaboration avec les autorités roumaines puisque ce sont elles qui prendront les mesures de protection nécessaires dès le retour du mineur.

b) Le pouvoir de décision donné au Parquet est l’objet de nombreuses interrogations et inquiétudes

Mais ce sont les stipulations de l’article 4 de l’accord qui sont les plus vivement critiquées par les associations, qui préoccupent la Défenseure des enfants, et qui ont été au cœur du débat au Sénat, en commission comme en séance publique.

Le rapport de Mme Garriaud-Maylam témoigne de l’évolution de sa position, qui est passée de l’expression de fortes inquiétudes au souhait de voir le texte entrer en vigueur – sous une réserve néanmoins.

Au cours de la réunion de la commission du 13 mai 2009, après avoir évoqué la question de la pertinence d’un accord franco-roumain dans ce domaine alors que la part des mineurs de nationalité roumaine parmi les mineurs étrangers isolés en France lui semblait en forte décrûe, elle a souligné les difficultés posées par le fait que le juge des enfants n’interviendrait plus systématiquement, et ce à plusieurs niveaux :

«– sur le plan des principes, les mineurs étrangers isolés sont placés, comme tous les mineurs, sous la protection du juge des enfants. Notre droit interdisant les mesures d’éloignement à l’encontre des mineurs, l’exécution d’une demande de raccompagnement des autorités roumaines, sans que soit acquis devant le juge des enfants sinon le consentement du mineur, du moins son ralliement à cette solution, qui peut intervenir plusieurs mois après la présentation au parquet, prendrait potentiellement la forme d’un éloignement ;

– sur le plan pratique, le mineur ne peut être raccompagné par la police puisqu’il ne s’agit pas d’une mesure d’éloignement ;

– et, enfin, sur son efficacité, compte tenu du fait que, dans un espace de libre-circulation, et dans le cas d’un retour qui ne recueillerait pas l’adhésion du mineur concerné, le risque est élevé de le voir de nouveau sur le sol français quelques semaines ou quelques mois plus tard si les conditions qui l’ont conduit à quitter son pays n’ont pas changé. »

La Défenseure des enfants considère pour sa part que la réduction du délai des raccompagnements, qui est effectivement un objectif à poursuivre, aurait pu être obtenue simplement en réduisant de quatre à deux mois la durée maximale prévue par l’accord de 2002 entre la demande d’informations auprès des autorités roumaines et le raccompagnement (11) – sachant que l’accord entre la Roumanie et l’Espagne fixe déjà un délai maximal de deux mois.

Les critiques formulées par les associations sont plus fondamentales puisque celles-ci n’hésitent pas à parler d’une « atteinte aux droits fondamentaux et aux droits de l’enfant ».

Selon leur analyse, le pouvoir conféré au procureur par l’article 375-5 du code civil est exceptionnel et ne l’habilite pas à prendre une mesure « provisoire » ayant un effet « définitif », dès lors qu’elle a pour objet d’éloigner un enfant du territoire. En outre, tout enfant faisant déjà l’objet d’une mesure d’assistance éducative ne pourrait, selon cette analyse, en être distrait que par une décision du juge des enfants (en application de l’article 375-6 du code civil)

La faculté accordée au Parquet de décider seul de mettre à exécution le rapatriement d’un mineur constituerait une atteinte aux droits de la défense et au procès équitable, en l’absence d’un débat judiciaire devant un magistrat indépendant, d’audition, de débat contradictoire, de motivation, et, selon les interprétations, de recours. Le rapatriement sur décision des seules autorités françaises et roumaines, prise sans avoir recueilli le consentement du mineur, porterait atteinte à la vie privée, au sens de l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ; la décision de rapatriement du mineur, prise dans cette circonstance, constituerait une mesure d’éloignement du territoire prohibée par le CESEDA ; l’accord créerait de la sorte une discrimination entre les enfants selon leur nationalité, seuls les mineurs roumains pouvant être soumis à cette procédure.

Face à un tel déluge de critiques, votre Rapporteure ne peut qu’appeler à la raison. Dans la mesure où la compétence du Parquet « en cas d’urgence » est limitée à huit jours, cette stipulation de l’accord permettra en fait uniquement au procureur de solliciter sans délai les autorités roumaines pour qu’elles commencent l’enquête sociale requise. La réalisation de celle-ci demandera très probablement plus de huit jours, si bien qu’un juge des enfants aura entre-temps dû être saisi et que c’est à lui que la décision du retour éventuel du mineur appartiendra. En tout état de cause, les autorités roumaines demandent à l’OFII un délai minimal de huit jours avant le retour effectif du jeune, afin de préparer son accueil.

La procédure qui figure à l’article 4 du nouvel accord n’est pas dérogatoire au droit commun français ; c’était plutôt celle qui figurait au point 5 de l’article 3 de l’accord de 2002 qui l’était en ne mentionnant pas – et donc en écartant – l’intervention « en cas d’urgence » du procureur, ce qui avait pour effet un allongement des délais de la procédure conduisant au retour des mineurs, lequel était critiqué par les associations elles-mêmes.

Mme Garriaud-Maylam a aussi, au cours de la réunion de la commission du 23 février 2010, relativisé la portée de l’intervention du Parquet. Dans son rapport, elle juge néanmoins souhaitable que « le ministre de la justice veille, lors de la mise en œuvre de cet accord, à ce que les procureurs généraux et les procureurs de la République incitent les Parquets à saisir systématiquement le juge des enfants, dès lors que l’intérêt supérieur de l’enfant le demande ». La Défenseure des enfants juge elle aussi qu’il convient de sensibiliser les Parquets à la nécessité de saisir le juge des enfants.

Enfin, votre Rapporteure insiste une fois encore sur le fait que le présent accord n’a ni pour objet ni pour effet de modifier le droit français applicable aux enfants français aussi bien qu’aux mineurs étrangers isolés. Il ne réduira en aucune manière les droits dont bénéficient les jeunes Roumains trouvés dans cette situation.

CONCLUSION

L’accord signé en 2007 a pour objectif de mettre un terme au vide juridique créé par la fin de l’application de l’accord de 2002, et, ainsi, de relancer la coopération franco-roumaine visant à faciliter le retour de mineurs isolés roumains et à renforcer la lutte contre les réseaux qui les exploitent.

Soucieuse de démontrer son volontarisme en matière de protection de l’enfance, afin, notamment, de combattre le souvenir des orphelinats mouroirs découverts sur son sol aux lendemains de la chute du régime de Ceausescu, la Roumanie, qui a consenti beaucoup d’efforts dans ce domaine, a approuvé l’accord avec diligence et s’impatiente, à juste titre, du retard pris par la procédure côté français.

Votre Rapporteure estime que les stipulations du nouvel accord, qui mettent davantage l’accent sur la lutte contre les trafics d’enfants et sur le suivi des mineurs raccompagnés en Roumanie, sont équilibrées et ne méritent pas les vives critiques qui lui ont été adressées par certains.

Elle ne prétend pas que la mise en œuvre de cet accord va résoudre tous les problèmes. Elle souhaite au contraire attirer l’attention du Gouvernement sur les propositions des associations actives auprès des mineurs isolés, visant principalement à renforcer la capacité d’hébergement qui leur est destiné. La France comme l’Union européenne devraient aussi être attentives à ce que la Roumanie consacre des moyens suffisants aux mesures de protection des mineurs, malgré le contexte de crise qui la pousse à faire des économies drastiques et menace de remettre en cause les réels progrès accomplis en la matière.

Cet accord est un instrument précieux pour préparer le retour dans leur pays des mineurs isolés roumains, dans la mesure où cette solution apparaît la meilleure pour leur avenir et qu’ils y ont consenti. Votre Rapporteure est donc favorable à l’adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 5 octobre 2010.

Après l’exposé de la Rapporteure, un débat a lieu.

M. Christian Bataille. Je veux en préambule de ma courte intervention souligner les mérites de votre rapport même si je vais, au nom du groupe socialiste, arriver aux conclusions inverses. L’accord de 2002 était déjà, en lui-même, insuffisant. Il a donné des résultats décevants, discutables. L’association « hors la rue » souligne que, derrière l’habillage ambitieux de l’accord de 2002, les rapatriements n’étaient qu’une opération logistique de retour au pays. Or l’accord de 2007 est en deçà de celui de 2002. D’ailleurs, vous le dites vous-même dans votre rapport. Le dispositif est en recul : sur la constitution d’un groupement d’ONG françaises, sur les enquêtes sociales, sur le suivi des mineurs, et sur l’élaboration d’un projet pour l’enfant.

La partie la plus discutable de l’accord, du moins celle sur laquelle nous avons le plus de divergences, est la faculté accordée au Parquet de décider seul du rapatriement du mineur isolé, sans magistrat indépendant ni recours. Qui plus est, l’avis du juge des enfants est facultatif. Ceci conduit à prendre des décisions sur des bases plus policières que juridiques.

Quant au problème de l’exploitation des enfants et au démantèlement des réseaux, je connais des endroits de Paris, en particulier la gare du Nord, où le phénomène est patent, même s’il a tendance à s’atténuer ces derniers temps. Mais les enfants ne sont pas rentrés dans leur pays dans des conditions juridiquement acceptables. Ce phénomène touche un nombre limité de jeunes qu’il faut que notre pays assume plus pleinement.

Je crois qu’il faut s’interroger sur ce que fait l’Europe en la matière. Le gouvernement de la France doit agir beaucoup plus au niveau européen pour rechercher une solution à cette errance d’enfants abandonnés et livrés à toutes les dérives. Toutes ces raisons font que nous ne pouvons pas souscrire à cet accord bilatéral insuffisant.

M. Jacques Remiller. Vous avez bien souligné que l’accord concernait les seuls mineurs isolés. Mais on voit parfois arriver des adultes accompagnés d’enfants avec lesquels le lien de parenté n’est pas établi. Dans quels cas les mineurs sont-ils considérés comme isolés ? Quant à ma seconde question, qui portait sur l’action de l’Union européenne, elle a déjà été posée.

M. Philippe Cochet. Depuis 2003, on agite un grand marteau pour régler la situation de soixante enfants. Ils le méritent, car chaque vie sauvée mérite le dispositif. Mais il faut un équilibre. L’article 5 de l’accord prévoit que « la partie française assure le financement des actions en ce qui concerne l’évaluation, l’identification, la protection des mineurs sur le territoire de la République française, ainsi que le transport des mineurs roumains dans leur pays ». Cet accord me paraît déséquilibré face à l’importance du flux actuel. Selon moi, la prise en charge par la France des aspects financiers plombe l’accord.

M. Michel Terrot. Je suis plutôt circonspect sur l’application réelle de l’accord, qui vise un nombre restreint de cas. Si j’ai bien compris, entre quatre et huit mille mineurs roumains sont potentiellement concernés par cet accord. Quelle est la part des Roms parmi eux ? Par ailleurs, un accord est-il prévu avec la Bulgarie pour le cas des mineurs isolés originaires de ce pays ?

Mme Chantal Bourragué, rapporteure. A Monsieur Bataille, je tiens à dire que c’est le groupe de liaison opérationnel (GLO) qui permet d’obtenir des informations. L’association « hors la rue » voudrait pouvoir agir en Roumanie, mais elle n’a pas de raison de le faire puisque la Roumanie s’est engagée à donner les informations et à prendre, après le retour des mineurs, les mesures de protection qu’elle considère comme nécessaires au regard de la législation roumaine. Le mineur isolé peut sentir le besoin de se sentir chez lui, dans sa famille, dans son pays d’origine, et d’avoir le maximum de protection de la part de ce pays.

Quant au rôle du Parquet et du juge des enfants, le droit commun en France veut que le parquet soit saisi en cas de demande de protection en urgence. Au bout de huit jours, le Parquet transmet le dossier au juge des enfants. Il n’y a pas de raison d’avoir un a priori négatif sur l’action du Parquet dans le cas précis des mineurs roumains isolés. Selon moi, il n’y a pas d’inquiétudes à avoir sur ce point.

Quant au rôle de l’Union européenne, je tiens à souligner que l’Union a versé des fonds à la Roumanie dans le cadre de sa préparation à l’adhésion pour qu’elle adapte ses dispositifs de protection de l’enfance. La France a été chargée de piloter cette réforme. Néanmoins, la nécessité se fait jour de mieux coopérer sur l’identification des réseaux d’exploitation des mineurs, dont le démantèlement résoudra les problèmes rencontrés en France.

Pour ce qui est des mineurs arrivés en France accompagnés d’adultes, il faut savoir qu’en droit français, s’il n’est pas accompagné par un adulte titulaire de l’autorité parentale, le jeune est considéré comme un mineur isolé. Quand un mineur isolé est pris en charge par une association, celle-ci contacte, le cas échéant, les adultes avec lesquels il est en relation, et mène une enquête pour définir les liens qui l’unissent au mineur. Cependant, ces enquêtes sont longues et difficiles, tout d’abord en raison de problèmes de langue, mais aussi parce que le jeune ne dit pas tout immédiatement. L’association effectue tout un travail d’accompagnement qui prend du temps.

A Monsieur Cochet, je tiens à vous dire mon accord : soixante enfants sauvés, c’est déjà ça ! En revanche, sur le problème financier, il n’y a pas de discussion à avoir. Si les mineurs isolés n’étaient pas raccompagnés en Roumanie, ils resteraient à la charge de la France. Et lorsqu’ils sont raccompagnés en Roumanie, l’accord précise bien que la France n’assume la charge financière de leur retour que jusqu’à la frontière roumaine, la Roumanie assumant le financement des actions menées sur son territoire en matière de protection. En outre, les mineurs roumains isolés sont raccompagnés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, et non pas par la police, et qui plus est, par du personnel formé à l’accompagnement des enfants.

A Monsieur Terrot, je précise que les Roms sont le plus souvent en famille. Il y a peu de mineurs Roms isolés et ils ne sont pas identifiés en tant que tels. Nous ne disposons donc d’aucune information particulière sur les mineurs roumains isolés appartenant à la communauté des Roms. La coopération avec la Roumanie permet de renforcer la lutte contre les réseaux d’exploitation des mineurs. Des associations comme les Apprentis orphelins d’Auteuil font un travail remarquable et disposent de centres reconnus qui offrent aux mineurs isolés des formations à des métiers manuels. La situation de ces mineurs reste néanmoins toujours difficile, ce qui explique beaucoup d’indécision voire de fugue de leur part, situation dont le parquet doit tenir compte.

Mme Marie-Louise Fort. Le mieux est souvent l’ennemi du bien comme dit l’adage et il est important pour un enfant d’avoir un pays, des racines, une famille. Quelle est la situation des enfants dont l’accord s’occupe, sont-ils venus de leur plein gré ? Je n’en suis pas certaine, vu les conditions dans lesquelles on les voit tous les jours. Au pays des droits de l’homme, j’ai honte de cette situation. La Roumanie est une jeune démocratie qui appartient à l’Europe. Il n’est pas sûr qu’on puisse se donner bonne conscience en disant qu’ils sont mieux ici qu’en Roumanie. Cela dit, je félicite la rapporteure pour la qualité de son travail et l’attention portée au sort de ces enfants. Pourriez-nous nous préciser si d’autres pays de l’Union européenne ont signé ce genre d’accord avec la Roumanie ?

M. François Asensi. Je dirai en séance publique qu’il ne nous est pas possible de souscrire à un tel projet de loi qui opère un changement de conception et aborde la question plus sous l’angle du contrôle des flux migratoires que sous celui de la protection de l’enfance. Il contrevient aux dispositions de notre droit des étrangers en ne prévoyant pas de procès équitable. Il prévoit l’expulsion de notre territoire des seuls mineurs roumains et pas de ceux d’autres nationalités et il est en opposition avec la convention internationale des droits de l’enfant, notamment dans ses articles 3 et 12, sur la prise en considération des intérêts de l’enfant et sur son droit d’expression. Le procureur ici prend la place du juge des enfants et appliquera évidemment la politique migratoire du gouvernement. Le Sénat, lors de son examen du texte a parlé de bilan contrasté. 53 mineurs ont été concernés. Je partage l’avis de Christian Bataille quant à l’Union européenne : il n’y a pas de politique européenne d’intégration et les accords bilatéraux en l’espèce sont inadaptés. Ce projet de loi s’avère finalement contre nos préoccupations : si son affichage est juste sur le thème de l’exploitation des enfants, il n’y répond pas.

M. Jean-Paul Dupré. Je partage l’avis de la majorité de mes collègues quant à l’action concertée de l’Union européenne sur la question des mineurs isolés. Quels que soient les pays dont ils sont issus, ils doivent recevoir assistance. En ce qui concerne leur accueil en Roumanie à leur retour, de quels moyens de suivi dispose-t-on pour nous assurer de leur devenir ?

M. Serge Janquin. Le rapport de Chantal Bourragué est très clair et mes critiques ne porteront que sur le projet de loi. Je suis aussi d’accord avec Christian Bataille. Ma question porte sur l’article 4 pour lequel deux cas de figure se présentent selon que le juge des enfants est saisi ou pas. Dans quels cas sera-t-il saisi ? Sur quelles instructions le procureur agira-t-il ? Il y a certains cas où la protection de l’enfant exigera son maintien en France, notamment lorsque c’est la famille elle-même qui a fait commerce de l’enfant. Qu’en sera-t-il dans ce cas ? Ne faudrait-il pas préciser qu’une période de transition est possible, pour que l’enfant soit autorisé à rester sur notre territoire pour sa propre sécurité. Cela est dit de façon subliminale dans le texte, mais il y a aussi la brutalité des procédures.

M. Paul Giacobbi. La gravité du problème est à souligner et il faut donner acte aux parties qu’elles visent l’intérêt des enfants et je salue la qualité du rapport. Cela étant, je dois dire que je suis atterré des énormités que l’on trouve dans ce texte, et en particulier à son article 4 qui prévoit que « si le parquet des mineurs ne saisit pas le juge des enfants, il peut, dès réception de la demande roumaine de raccompagnement, la mettre à exécution », en tenant compte « notamment » – c’est pourtant bien la moindre des choses ! – des données fournies par la partie roumaine. Je ne sais pas qui l’a rédigé mais ce n’est assurément pas du droit français et ça ne passerait pas devant le Conseil constitutionnel ! La rédaction est lamentable et j’en suis profondément choqué.

Mme Chantal Bourragué, rapporteure. Je remercie Marie-Louise Fort pour ses propos. J’ai visité le centre d’accueil du Kremlin-Bicêtre. Il faudrait qu’il puisse se doter de places complémentaires mais les jeunes y sont vraiment orientés. D’autres accords existent, entre la Roumanie, l’Espagne et l’Italie. Je veux dire à M. Asensi que ce projet de loi n’a rien à voir avec l’immigration et la délinquance et qu’il est dans l’intérêt des enfants. Je ne peux pas accepter que vous disiez qu’il s’agit d’organiser leur expulsion. Ce traité ne le permet pas et il respecte la convention internationale des droits de l’enfant. Il s’agit simplement d’organiser une coopération avec la Roumanie dans le cas où l’enfant veut rentrer.

Ce texte vise aussi à améliorer le suivi des enfants après leur retour et oblige la Roumanie à en rendre compte. C’est un engagement fort. L’Union européenne doit effectivement monter en puissance sur ces dossiers. Des progrès sont intervenus dans le cadre du programme PHARE et le ministre des affaires européennes a demandé à l’Union européenne de se pencher sur la question. Je répondrai à Jean-Paul Dupré que, en ce qui concerne les autres pays, le même droit s’applique, à la différence près qu’il n’y a pas de coopération instituée avec les Etats et que, par conséquent, les procédures sont plus longues et difficiles.

Quant aux critères de saisine du juge des enfants, pour répondre à Serge Janquin, elle est prévue au bout d’un délai de 8 jours et sera donc automatique, compte tenu des délais de la procédure. Toute la procédure est organisée dans l’intérêt de l’enfant : il restera en France s’il le souhaite. S’il rentre, c’est dans son intérêt, après l’avoir voulu.

Enfin, je n’ai pas rédigé ce texte ! Mais en tout état de cause, le droit français s’applique. Je me suis entretenue avec Dominique Versini, défenseure des enfants, et il est sûr que le juge des enfants se prononcera systématiquement lorsque le parquet lui remettra la requête au bout du délai de huit jours.

M. Lionnel Luca. Je remercie la rapporteure pour son travail et je note que lors des débats sur ce projet de loi au Sénat on n’avait pas vu s’exprimer autant d’anxiété ; c’était certes avant l’été… Si la France ne ratifie pas cet accord, elle se mettra en porte-à-faux à l’égard de la Roumanie, dont la ratification a suivi très rapidement la signature de l’accord, en 2007. Comment nos collègues, y compris ceux de l’opposition qui ont jadis présidé le groupe d’amitié France-Roumanie, expliqueront-ils tout atermoiement supplémentaire au nouvel ambassadeur de Roumanie en France, qui nous a saisis de ce sujet sitôt nommé ? Bien qu’insuffisant, cet accord doit être ratifié au plus vite, faute de quoi la situation des mineurs roumains va empirer. En outre, nous enverrons ainsi un message explicite à une Union européenne dont l’action est déficiente en ce domaine.

M. Jacques Myard. Lorsqu’on cite un accord international, il ne faut pas le faire de manière tronquée. L’alinéa de l’article 4 partiellement cité par notre collègue stipule que la mise à exécution immédiate, par le parquet des mineurs, de la demande roumaine de raccompagnement, ne s’effectue que si « toutes les garanties sont réunies pour assurer la protection du mineur ». Si l’on ne fait confiance ni aux diplomates, ni aux procureurs, alors il ne faut jamais rien signer ! Par ailleurs, j’insiste sur le fait que les reconduites s’effectueront à la demande du gouvernement roumain ; c’est de ses nationaux qu’il s’agit. Douter du gouvernement de la Roumanie revient à nier la pertinence de l’adhésion de ce pays à l’Union européenne. Le refus d’autoriser la ratification de cet accord aura pour conséquence de laisser perdurer les situations choquantes du type de celle que dénonçait notre collègue autour de la gare du Nord. Enfin, Monsieur le Président, je vous suggère de veiller à l’application de cet accord pour s’assurer qu’il remplisse bien l’objectif d’une meilleure protection de l’enfance.

Mme Martine Aurillac. J’approuve l’appel de notre collègue Lionnel Luca à voter ce projet. Nous ne pouvons en effet laisser les choses en l’état. Madame la rapporteure, d’autres accords du même type sont-ils en préparation ? avec la Bulgarie par exemple ? Par ailleurs, je note que le titre de l’accord mentionne « la lutte contre les réseaux d’exploitation concernant les mineurs », en décalage avec le contenu du texte, très succinct sur ce sujet.

M. Jean-Michel Ferrand. Madame Aurillac a raison : je vais voter ce texte bien qu’il soit insuffisant dans la lutte contre les réseaux criminels. Ceux-ci sont parfaitement connus ; on sait que certaines familles se « débarrassent » volontiers d’enfants contre rétribution, que ces enfants sont ensuite entraînés à voler et que tout l’argent ainsi collecté remonte aux chefs de réseaux, dénommés « bachi-boula ». Ces derniers se font construire de véritables palais au vu et au su de tous, par exemple dans la région de Cluj. Il faut arriver à faire coopérer le gouvernement roumain dans la lutte contre ces réseaux et leurs chefs, faute de quoi toute politique de retour dans le pays d’origine sera vaine. Emir Kusturica, dans son film Le temps des gitans, avait fort bien décrit ce phénomène à propos de l’ex-Yougoslavie.

Mme Henriette Martinez. Je voterai ce projet de loi avec conviction. L’intérêt de l’enfant n’est pas seulement une notion définie dans la Convention des droits de l’enfant, elle existe aussi en droit français. Peut-être cette notion aurait-elle besoin d’être précisée, mais elle recouvre clairement le droit de l’enfant à une famille et à la sécurité, ainsi que l’interdiction de tout trafic d’enfants, comme celle du travail des enfants. Or certains des mineurs dont nous parlons aujourd’hui ont une famille à laquelle ils ont été soustraits, parfois sur « commande » d’un réseau pédophile. Comment pourrions-nous dès lors contrevenir au droit international en privant ces enfants de leurs droits, en les maintenant sur notre territoire où ils ont été conduits à la suite d’un enlèvement ? Il faut rendre hommage au gouvernement roumain de demander instamment la ratification de cet accord, lui qui s’est longtemps désintéressé du sort de ces mineurs. J’observe aussi que la fin de l’article 4 de l’accord pose le principe, bienvenu, d’un suivi. Assurément, il faudrait signer des accords similaires avec d’autres États. Je souhaiterais enfin savoir quel est l’âge moyen des mineurs dont il est ici question. S’agit-il majoritairement de filles ou de garçons ? Sont-ils aux mains de réseaux pédophiles ?

Mme Chantal Bourragué, rapporteure. Je remercie Monsieur Luca pour ses propos et je confirme que, alors que la ratification par la Partie roumaine remonte à octobre 2007, nous avons en effet pris du retard dans la lutte contre les réseaux d’exploitation des mineurs.

Monsieur Myard a eu raison de compléter la lecture de l’article 4 de l’accord. Ce sont bien les groupes de liaison opérationnels qui permettront d’améliorer substantiellement les échanges sur les phénomènes visés dans le texte. Je précise également que l’article 9 de l’accord prévoit un suivi et une évaluation réguliers de son application.

Aucun autre pays n’a formulé de demande d’accord bilatéral de ce type ; la Roumanie est seule dans ce cas.

La lutte contre les réseaux qui concernent les mineurs existe déjà par ailleurs, notamment au moyen d’échanges réciproques d’information mais aussi d’échanges de personnels : quatre policiers roumains sont d’ores et déjà chargés de cette mission à Paris, en appui des policiers français et l’objectif est de porter ce nombre à quatorze à brève échéance.

Je remercie Madame Martinez d’avoir insisté sur l’intérêt de l’enfant. L’âge moyen des mineurs roumains dont nous parlons est de l’ordre de 14 à 15 ans ; sont concernés à parts égales filles et garçons. Les témoignages des éducateurs spécialisés font apparaître une légère diminution, en quelques années, du nombre de mineurs roumains dont ils ont à s’occuper ; mais les réseaux, eux, sont de plus en plus présents et actifs.

M. le président Axel Poniatowski. Je vous remercie pour ce débat très constructif sur un sujet qui préoccupe chacun d’entre nous. Ce projet de loi fera l’objet d’un débat en séance publique jeudi matin. Je retiens la proposition de Monsieur Myard concernant le suivi de l’application de cet accord.

Suivant les conclusions de la Rapporteure, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 2503).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXES

Annexe 1

Liste des personnalités rencontrées et visite effectuée

(par ordre chronologique)

– M. Pascal Vagogne, sous-directeur Europe méridionale au ministère des affaires étrangères et européennes, accompagné de M. Jean Lohest, adjoint au sous-directeur (14 septembre 2010)

– M. Jean-Louis Daumas, conseiller chargé des mineurs, des victimes et de l’accès au droit, au cabinet de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’Etat, ministre de la justice et des libertés, garde des sceaux, accompagné de Mme Lisa Gamgani, rédactrice au bureau de la coopération du service des affaires européennes et internationales au ministère de la justice (14 septembre 2010)

– M. Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes (14 septembre 2010)

– Mme Martha Breeze, directrice de l’international et du retour, à l’Office français de l’immigration et l’intégration (OFII) (15 septembre 2010)

– M. Alexandre Le Clève, directeur de l’association « hors la rue », accompagné de M. Damien Nantes, membre du conseil d’administration (15 septembre 2010)

– Mme Dominique Versini, défenseure des enfants, accompagnée de M. Hugues Feltesse, délégué général (21 septembre 2010)

– Visite du Centre d’accueil des mineurs isolés du Kremlin-Bicêtre (28 septembre 2010)

Annexe 2

Les actions de la Croix-Rouge française
en faveur des mineurs étrangers isolés en Ile de France

Chaque année, des centaines de mineurs quittent leur pays et arrivent seuls, sans parents et sans représentant légal, à l’aéroport de Roissy. Parce qu’ils n’ont pas les documents permettant d’entrer légalement sur le territoire ou parce qu’ils sollicitent l’asile, ils sont placés par les autorités françaises en « zone d’attente », lieu situé dans l’aéroport et surveillé par la police. Ils y sont maintenus le temps que les autorités décident de leur accès au territoire français ou de leur renvoi vers leur pays d’origine. Ces quelques jours de privation de liberté constituent pour ces enfants une véritable épreuve, marquée par l’angoisse et l’incertitude.

Depuis 2005, la Croix-Rouge française les soutient à travers la mission bénévole d’administrateur ad hoc et gère une permanence d’accueil et d’urgence humanitaire (PAUH).

La Croix-Rouge française gère également depuis 2002, en Ile de France, le Lieu d’accueil et d’orientation (LAO) de Taverny dans le cadre d’une convention conclue avec l’Etat. Depuis le 1er août 2010, la Croix-Rouge française étoffe son dispositif de prise en charge des mineurs sur le territoire francilien à deux autres structures situées au Kremlin Bicêtre (94) et à Bobigny (93) anciennement gérées par l’association Enfants du monde-Droits de l’Homme (EMDH), complétées par l’ouverture d’une prochaine structure parisienne : le service d’accueil de jour (75)

A l’exception du centre d’accueil et d’orientation du Kremlin Bicêtre (94), tous les mineurs pris en charge dans ces structures disposent d’une ordonnance de placement provisoire notifiée par le juge, et sont en attente, dans la mesure ou ils ont un projet d’avenir en France, d’un placement en foyer ou dans une famille d’accueil.

1) La mission d’administrateur ad hoc de la Croix-Rouge

Souvent accompagnés d’un adulte qui doit leur faire passer les frontières, les mineurs se retrouvent livrés à eux-mêmes en zone d’attente : un territoire inconnu ou ils n’ont plus aucun repère. Durant leur séjour en zone d’attente, ils ont le droit de demander à voir un médecin ; d’être assisté d’un administrateur ad hoc et d’un avocat, et enfin de recevoir des visites extérieures. Depuis 2005, des administrateurs ad hoc, bénévoles, accompagnent chaque jour ces mineurs, souvent perdus et désorientés, lors de leur maintien en zone d’attente. Ils veillent à ce que leurs droits et leur intégrité soient respectés, les représentent dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles, et leur apportent le soutien et le réconfort nécessaire dans cette expérience difficile.

2) La permanence d’accueil et d’urgence humanitaire (PAUH)

Il existe par ailleurs une permanence d’accueil et d’urgence humanitaire (PAUH) : ses médiateurs, présents 24/24h, 7/7 jours veillent aux respects des droits des personnes maintenues, qu’elles soient majeures ou mineures.

3) La prise en charge des mineurs étrangers isolés au lieu d’accueil et d’orientation de Taverny (92) (LAO)

a) Evaluer de manière globale et multifactorielle : facteur clef d’une d’une prise en charge appropriée

Suite au passage en zone d’attente, de quatre à vingt jours, et en cas de non-maintien en zone d’attente, les mineurs sont pris en charge par le parquet des mineurs qui les présente au juge des enfants, et qui délivre une ordonnance de placement provisoire. Le mineur peut être conduit au LAO, confié à l’aide sociale à l’enfance, ou encore placé dans sa famille s’il en a une.

Depuis son ouverture en 2002, une équipe pluridisciplinaire est missionnée pour conduire une évaluation globale et multifactorielle de la situation de chaque jeune qui lui est confié et d’en rendre compte au magistrat porteur de la mesure de placement. Cette évaluation représente le levier central de la prise en charge permettant de définir les modalités d’une orientation future appropriée, favorable à la construction et à la mise en œuvre d’un projet d’avenir réaliste, dans l’intérêt du jeune.

La conduite de l’évaluation, qui aboutit à un « diagnostic de situation » complet, prend en compte les différents facteurs liés à la problématique spécifique de ces mineurs étrangers isolés, à savoir :

- l’analyse et la reconstitution du parcours migratoire, les motifs et les conditions particulières qui entourent le départ du pays d’origine,

- l’analyse de la situation administrative et juridique au regard du droit du séjour notamment,

- l’évaluation du degré d’isolement ainsi que l’analyse de la situation familiale,

- l’évaluation d’un possible maintien des liens familiaux ou d’une restauration de ceux-ci, et plus généralement, la compréhension du complexe familial et de la place spécifique de l’enfant au regard des enjeux migratoires notamment,

- l’évaluation des besoins spécifiques de chaque jeune en termes d’accompagnement éducatif ainsi que celle des capacités d’adaptation et d’autonomie dans un contexte culturel à priori étranger,

- l’évaluation de sa vulnérabilité psychologique,

- l’évaluation de son état de santé physique,

- l’évaluation de son parcours scolaire antérieur, de ses capacités d’apprentissage et de sa capacité à soutenir un projet d’insertion scolaire ou professionnelle.

b) Accueillir, protéger, accompagner et orienter dans un climat de confiance

La prise en charge de ces mineurs consiste tout d’abord à répondre aux besoins essentiels des mineurs (être logé, habillé, nourri) dans une situation d’urgence, de les protéger des différents réseaux d’exploitation et de créer le climat de confiance indispensable à la construction d’un projet d’avenir réaliste. C’est grâce à cette relation de proximité que vont pouvoir être identifiées les difficultés du jeune, ses capacités et ses motivations. Dans le respect de la vulnérabilité de chaque jeune et des défenses qu’il met en place, l’adhésion l’adhésion à un « contrat commun d’accompagnement éducatif » est fortement encouragée.

Par la suite, se succèdent temps formels (entretiens individuels, activités de médiation, réunions dite « des jeunes », sorties organisées,…) et informels (temps collectifs, soirées, accompagnements à l’extérieur, jeux, vacances…) au cours de la journée, puis vient le temps de la « synthèse » (temps d’évaluation et de définition du projet et de la stratégie de prise en charge pour chaque jeune), et enfin temps de l’orientation et de la préparation au départ .

c) Orienter et lancer des procédures de régularisation : vers la construction d’un projet d’avenir individualisé

C’est à partir de ce solde d’observations que peut être initiée la construction d’un projet d’avenir individualisé, conforme aux attentes du jeune, et réaliste.

Dans le cas ou le maintien en France est jugé pertinent, et que le jeune projette un avenir en France, les démarches de régularisation de sa situation administrative sont enclenchées. Le mineur devenant expulsable dès l’obtention de sa majorité, il est impossible de l’aider à se projeter dans l’avenir et construire son projet de vie sans travailler sur l’une des clés de ce projet : l’obtention d’un titre de séjour. L’accompagnement consiste à :

- initier les premières démarches : un contact est établi dans le pays d’origine pour tenter d’obtenir un extrait d’acte de naissance ou tout autre document permettant d’effectuer la demande d’un passeport à l’ambassade ;

- lancer la procédure de demande d’asile : l’accompagnement consiste à retirer le dossier à la préfecture, à aider à la rédaction et à la traduction du récit et à son envoi à l’OFPRA ;

- déposer un dossier de régularisation à la préfecture : pour des jeunes proches de la majorité pour lesquels un projet de formation professionnelle en alternance (Centre de Formation en Alternance) a été lancé, est effectuée une demande de titre de séjour à la préfecture du Val d’Oise ;

- obtenir un laisser passé : quand un retour au pays est amorcé, l’ambassade du pays concerné est contactée pour faire établir un laissez-passer, nécessaire au réacheminement.

d) Un accompagnement thérapeutique approprié

- Le soin physique

Comme pour tout adolescent, la problématique du corps et des soins physiques occupe une place particulière pour les jeunes accueillis au LAO. Prendre soin de ce corps parfois traumatisé, parfois agressé, souvent « ignoré », le révéler à des adultes bienveillants, accepter les soins nécessaires, constituent des étapes indispensables à sa reconstruction.

- Le soin psychique

La plupart des jeunes étrangers isolés souffrent d’angoisses dépressives. Des symptômes tels que les troubles du sommeil et de l’appétit, le ralentissement psychomoteur, l’asthénie et le repli social, le manque d’estime et de confiance en soi, la détresse morale en signent souvent la prévalence. La rupture des liens familiaux, associée à des parcours migratoires difficiles et la perte de repères sociaux et culturels, entraîne souvent une détresse psychique. Certains jeunes, au cours de leur séjour au LAO, peuvent nécessiter des soins externes de type psychothérapiques ou psychiatriques.

4) Le centre d’accueil et d’orientation du Kremlin Bicêtre (94) : une structure centrale dans le dispositif parisien d’accueil d’urgence des MIE

Les chiffres-clés

Le centre d’accueil et d’orientation a été créé en 2002

24 salariés

11 bénévoles et stagiaires

187 mineurs étrangers isolés pris en charge en 2009

Plus de 50 % des mineurs étrangers isolés proviennent d’Asie, principalement d’Afghanistan et d’Inde

La majorité des filles provient d’Afrique, elles représentent moins de 30 % des mineurs étrangers isolés accueillis

70 % d’entre eux sont non-francophones

Durée moyenne de séjour : trois mois

Suite à l’arrivée en nombre important de mineurs étrangers isolés en Ile de France, et à la demande du secrétariat d’Etat pour la lutte contre l’exclusion et la précarité, le Centre Enfants du Monde (CEM) a été créé en juin 2002. Piloté et financé par l’Etat, via la direction des affaires sanitaires et sociales, ce centre est au cœur du dispositif dit «Versini » qui consiste à mettre à l’abri des mineurs étrangers isolés et à les sortir de la rue en attendant leur orientation vers le droit commun.

Ouvert tous les jours, 24h sur 24, le centre a pour missions de :

- repérer le jeune en difficulté, en errance sur le territoire parisien, via des maraudes de jour et de nuit,

- répondre à ses besoins primaires,

- évaluer sa situation,

- faciliter son insertion,

- l’orienter vers les services de protection de l’enfance.

L’équipe pluridisciplinaire, composée d’éducateurs et de médiateurs, les accompagne au quotidien pour faire valoir leur statut de mineur sans référent parental sur le territoire français. Avant d’être étrangers, EMDH considère les mineurs isolés étrangers comme des mineurs devant être protégés, et orientés vers le droit commun, à savoir les services départementaux de protection de l’enfance.

a) Un suivi social personnalisé

En premier lieu, et il s’agit d’une action centrale, les travailleurs sociaux reconstituent, en lien avec les médiateurs, l’état civil du jeune lorsque celui-ci se présente sans papiers d’identité : recherche des extraits d’actes de naissance et élaboration de documents rétroactifs dans la mesure du possible, afin de pouvoir justifier de la minorité du jeune, et de son droit à être protégé en conséquence.

Parallèlement aux multiples démarches administratives et juridiques destinées à les orienter vers le droit commun (demandes formulées auprès du tribunal pour enfants, du parquet, de l’aide sociale à l’enfance), chaque mineur bénéficie d’un suivi socio-éducatif personnalisé, qui consiste à lui donner les clés d’une intégration sociale et culturelle réussie (cours de français langue étrangère, ateliers d’écriture et de lecture, initiation aux nouvelles technologies, sorties culturelles, activités sportives...)

Cet accompagnement global a pour vocation d’obtenir le placement du mineur dans un foyer ou au sein d’une famille d’accueil.

b) La prise en charge des mineures en situation de prostitution :

En 2009, le centre a identifié plusieurs dizaines de jeunes filles en danger de prostitution dans le 18ème arrondissement de Paris. Grâce au partenariat noué avec l’association « Les Amis du Bus des Femmes », un premier contact a pu être établi avec ces jeunes filles. Il s’agit de :

- informer ces jeunes filles en situation d’errance de leurs droits et faire de la prévention médicale liée à la sexualité,

- comprendre leur histoire, leur parcours et leur personnalité afin de mettre en place le suivi socio éducatif adapté.

Grâce aux maraudes hebdomadaires, un travail de médiation a été mis en place auprès de trente jeunes filles supposées mineures. 13 filles originaires du Nigéria ont été mises à l’abri sur mesure du juge des enfants, et placées loin de Paris par les services de l’aide sociale à l’enfance.

5) Le service d’accueil d’urgence départemental de Bobigny (93)

Les chiffres-clés

La plateforme a ouvert ses portes le 1er octobre 2009

15 salariés 9 bénévoles

29 mineurs étrangers isolés pris en charge en 2009 dont la majorité d’entre eux à 17 ans

Près de 70 % sont d’origine africaine

40 % des mineurs étrangers isolés sont non-francophones

Durée moyenne de séjour : deux mois et deux jours

En 2008, le département de la Seine Saint Denis a accueilli 521 mineurs isolés étrangers. Face à un afflux grandissant du nombre de mineurs sur le département, le Conseil Général de la Seine-Saint-Denis a souhaité confier à EMDH la gestion d’une structure dédiée exclusivement à l’accueil d’urgence des mineurs isolés étrangers primo-arrivants. C’est ainsi que s’est ouverte, en octobre 2009, la seconde structure nationale d’EMDH : le service d’accueil d’urgence départemental (SAUD), dont les bureaux, destinés à l’accueil de jour des mineurs, se sont implantés sur la ville de Bobigny.

Structure originale par son mode d’hébergement éclaté (en hôtel et en appartements), le centre fonctionne 7 jours sur 7 et accueillera à terme, 40 mineurs étrangers isolés, garçons et filles, âgés de 15 à 18 ans, pour une durée de prise en charge limitée à deux mois. Il axe son travail autour de trois missions majeures : l’accueil d’urgence, l’évaluation par le biais du suivi global du mineur, et l’orientation.

A la différence du centre du Kremlin Bicêtre, tous ces mineurs ont fait l’objet d’une ordonnance de placement provisoire (OPP) déclarée par le parquet ou le juge des enfants, et se trouvent désormais dans le droit commun, en attente d’un placement.

a) L’accueil d’urgence

La mission du centre consiste à protéger les jeunes en répondant à leurs besoins vitaux et fondamentaux (accès aux soins, un logement sain, à une alimentation équilibrée, à l’éducation, et au respect de leur dignité). Un partenariat avec l’espace santé jeunes de l’Hôtel-Dieu a notamment été mis en place et systématisé pour tous les jeunes nouveaux entrants. L’arrivée d’une psychologue en décembre a également permis à certains jeunes de recevoir une écoute attentive spécialisée.

b) L’évaluation et le suivi global du mineur

Les éducateurs sont chargés d’effectuer une évaluation socio éducative approfondie de la situation des jeunes dont ils ont la charge. Celle-ci est indispensable pour connaître et comprendre le jeune et s’efforcer de répondre de la manière la plus adaptée possible à ses attentes en lui offrant :

- des activités socio linguistiques : les cours de français langue étrangère sont dispensés du lundi au vendredi et la participation des jeunes est obligatoire. Après une évaluation des niveaux, le mineur est orienté dans le groupe adapté à son apprentissage ;

- un accompagnement scolaire : des tests effectués au centre d’information et d’orientation permettent d’évaluer le niveau scolaire du jeune en français et en mathématique (matière universelle). A partir de ces résultats, un projet scolaire et professionnel est construit avec le jeune ;

- un suivi administratif et juridique : une partie du travail de l’équipe consiste à restituer l’identité du jeune, entrer en contact avec la famille au pays, entreprendre les premières démarches autour de la demande d’asile lorsque c’est son souhait, ou de la mise en place d’un contrat jeune majeur (contrat qui s’adresse au jeune de 18 ans jusqu’à ses 21 ans) ;

- des activités d’insertion socio culturelle : le but est d’aider les jeunes à mieux connaître leur nouvelle société et ses différents codes, de favoriser la communication et de développer un esprit de cohésion au sein du groupe (visites culturelles, sorties, concerts, ateliers théâtre, radio, activités sportives) ;

- un apprentissage de l’autonomie : un accent particulier est porté sur l’apprentissage rapide de l’autonomie et la gestion du quotidien, comme l’utilisation des appareils électroménagers, des produits d’entretien, les règles d’hygiène et de sécurité, la gestion de leur pécule alimentaire, la prévention des risques domestiques et enfin la question du tri sélectif. Cette familiarisation avec les gestes de la vie de tous les jours, indispensable à la sortie du centre, est possible grâce au mode d’hébergement en appartement développé par EMDH : un avantage sérieux qui permet d’axer le travail des équipes sur l’aspect crucial de leur autonomie à leur sortie.

c) L’orientation

On distingue deux cas de figure concernant la sortie des mineurs : certains jeunes souhaitent s’inscrire dans un processus d’apprentissage et d’intégration et sont donc placés dans des foyers, lieux de vie (foyers accueillant 4 ou 5 enfants) ou encore des centres de formation professionnelle.

L’orientation professionnelle de ces jeunes est l’une des plus-values essentielles de ce centre : il s’agit de les aider à construire un véritable projet de vie, c’est-à-dire le choix d’un métier conforme à leurs attentes, capacités, et adapté aux réalités du marché de l’emploi.

D’autres quittent en revanche la structure pour deux raisons :

- la France n’est qu’une étape et ils décident de construire un projet de vie dans un autre pays de l’Union européenne ;

- n’étant pas primo-arrivant (jeune mineur arrivé sur le territoire français depuis moins d’un mois) et déjà installé sur le territoire depuis plusieurs années, le jeune ne se « retrouve » pas dans le projet de vie proposé et décide de retourner à la clandestinité.

Source : Croix-Rouge française.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire de la République française et à leur retour dans leur pays d’origine ainsi qu’à la lutte contre les réseaux d’exploitation concernant les mineurs, signé à Bucarest le 1er février 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 2503).

© Assemblée nationale

1 () La liste des personnes entendues et de la visite effectuée par votre Rapporteure figure en annexe du présent rapport.

2 () Rapport de Mme Isabelle Debré, parlementaire en mission auprès du garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, « Les mineurs isolés en France », mai 2010.

3 () Résolution du Conseil de l’Union européenne du 26 juin 1997.

4 () Rapport de Jean Blocquaux, Anne Burstin et Dominique Giorgi, membres de l’Inspection générale des affaires sociales, de mission d’analyse et de proposition sur les conditions d’accueil des mineurs étrangers isolés en France, janvier 2005.

5 () Cette organisation consiste à obtenir les documents de voyage – étape pour laquelle le consulat général de Roumanie se révèle très coopératif –, à prendre contact avec le jeune, puis à financer les billets d’avion, un éventuel excédent de bagage, et à fournir un accompagnateur.

6 () Le Programme d’aide à la reconstruction économique (PHARE), lancé progressivement dès 1989 suite à l’effondrement des régimes communistes en Europe centrale et orientale, a constitué le principal instrument financier de la stratégie de préadhésion pour les dix pays d’Europe centrale et orientale (PECO) candidats à l’adhésion à l’Union européenne. Pour la période 1995-1999, les financements PHARE ont représenté environ 6,7 milliards d’euros.

7 () L’OFII a succédé au printemps 2009 à l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM), elle-même créée en janvier 2005 pour remplacer l’Office des migrations internationales (OMI). C’est à celui-ci que l’accord de 2002 confiait l’organisation du retour des mineurs.

8 () En application du traité d’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne, les Etats sont autorisés à imposer des restrictions aux ressortissants de ce pays jusqu’au 31 décembre 2013. De telles restrictions sont encore applicables en Allemagne, en Belgique, en Irlande, en France, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Autriche, au Royaume-Uni et à Malte : les Roumains désireux d’y exercer une activité professionnelle doivent obtenir un titre de séjour et une autorisation de travail.

9 () Curieusement, peut-être parce que l’OFII a un bureau à Bucarest, il n’était représenté au GLO qu’au sein de la délégation roumaine.

10 () Dans l’arrêté 144436-2004, le gouvernement roumain a défini la méthodologie de rapatriement des enfants roumains et de mise en œuvre des mesures de protection spéciale à leur égard. Ce texte réglementaire instaure notamment une obligation pour les directions générales d’assistance sociale et de protection de l’enfance des départements d’effectuer une enquête sociale en urgence et d’assurer le suivi de la situation des enfants rapatriés pendant au moins six mois après leur retour.

11 () L’accord de 2007 ne fixe aucun délai maximal.