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N° 2990

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er décembre 2010.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

sur le projet de loi de finances rectificative pour 2010 (n° 2944)

PAR Mme. Françoise BRIAND,

Députée.

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Voir le numéro : 2998

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 3

I. —  L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE EN 2010 5

A. UNE GESTION PERTINENTE DES CRÉDITS 5

1. L’évolution de la répartition des crédits 5

2. Un niveau de consommation perfectible 6

B. LE FINANCEMENT DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES 7

1. L’évolution de l’engagement français 7

2. Des modalités de financement stabilisées 8

C. LES RECETTES EXCEPTIONNELLES 10

1. Le cadre général 10

2. Les recettes immobilières 10

3. La vente des fréquences 11

II. —  LA POURSUITE DE LA PROGRAMMATION MILITAIRE 12

A. LE FINANCEMENT DE L’A400M 12

1. Un programme prioritaire 12

2. Un financement corrigé 13

B. LES MODALITÉS DE LA PRIVATISATION DE LA SNPE 14

TRAVAUX DE LA COMMISSION 17

INTRODUCTION

L’exécution budgétaire pour 2010 s’inscrit dans un contexte de crise économique et budgétaire qui impose de nouvelles réductions des dépenses publiques. Bien que le ministère de la défense se soit engagé depuis 2008 dans une réforme d’ampleur de ses structures en vue de rationaliser ses coûts, il ne peut s’exonérer de participer à l’effort global.

Si les conséquences seront surtout visibles en 2011, la fin de l’année 2010 devrait néanmoins être marquée par une contraction des ressources. Le projet de loi de finances rectificative (PLFR) traduit cette évolution en annulant 2,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 2,75 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). À ce stade, le ministère de la défense est toutefois épargné et bénéficie au contraire d’un abondement de ses crédits.

L’engagement international de la France génère en effet d’importantes dépenses que le budget initial de la mission ne parvient pas à couvrir totalement. Comme en 2009, la défense reçoit donc un complément interministériel pour financer ces opérations extérieures.

Le projet de loi tire aussi les conséquences des retards enregistrés pour les recettes exceptionnelles, qu’il s’agisse de la vente des emprises ou de la cession de l’usufruit des fréquences satellitaires.

La poursuite de la programmation militaire nécessite enfin de mettre en place des systèmes de garantie pour faire aboutir la privatisation de la SNPE et pour assurer l’avenir du programme A400M.

I. —  L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE EN 2010

A. UNE GESTION PERTINENTE DES CRÉDITS

1. L’évolution de la répartition des crédits

À l’automne 2009, le Parlement a voté la loi de finances initiale pour 2010, déterminant le montant global des crédits du budget de l’État, des budgets annexes et des comptes d’affectation spéciale (CAS). Il a alors entériné une répartition des moyens entre les différentes missions et, en leur sein, entre les différents programmes. La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) (1) prévoit que ce canevas peut être ajusté en cours d’exécution, sous réserve que « les virements et transferts [soient] effectués […] après information des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et des autres commissions concernées » (2).

Le tableau suivant récapitule les mouvements intervenus jusqu’au 10 novembre 2010 pour les missions « Défense » et « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Transferts et virements intervenus au 10 novembre 2010
(LOLF article 12)

(en millions d’euros)

Mission

AE

CP

Titre 2

Hors titre 2

Titre 2

Hors titre 2

Défense

- 3,10

16,51

- 3,10

828,22

Anciens combattants

0,12

- 0,42

0,12

- 0,42

Source : PLFR 2010.

Les montants restent mesurés pour les autorisations d’engagement (AE) alors qu’ils sont relativement conséquents pour les crédits de paiement (CP), l’écart s’expliquant par la poursuite des programmes engagés au titre du plan de relance de l’économie. Les AE liées à ces opérations ayant déjà été engagées les années précédentes, le ministère n’a plus qu’à payer effectivement les prestations ou matériels en 2010. Si on neutralise les transferts du plan de relance, soit 867 millions d’euros d’abondement pour les CP, les crédits de la mission « Défense » n’ont pratiquement pas changé au cours de cette année.

Même s’ils ne bouleversent pas l’économie d’ensemble de la mission « Défense », trois types de transferts méritent d’être relevés :

- le transfert de près de 30 millions d’euros au ministère des affaires étrangères qui prend en charge le déploiement du progiciel Chorus dans les représentations à l’étranger du ministère la défense ;

- des transferts au profit de la direction générale pour l’armement (DGA), qui est chargée d’acheter ou de piloter des programmes qui relèvent par exemple du ministère de l’intérieur ou du secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale ;

- des transferts en provenance du ministère de l’intérieur qui utilise les structures industrielles de la défense pour le maintien en condition opérationnelle de ses hélicoptères, qu’il s’agisse des appareils de la gendarmerie ou de la sécurité civile.

Ces ajustements respectent l’autorisation parlementaire initiale et surtout témoignent de la capacité des services du ministère de la défense à conduire des opérations complexes, d’autres services de l’État n’hésitant pas à faire appel à leurs compétences.

2. Un niveau de consommation perfectible

Si l’enveloppe globale et la répartition des crédits de la mission sont respectées, le ministère peine à maintenir un niveau ordinaire de consommation en 2010. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, le ministre a reconnu que la défense aurait « beaucoup de mal à […] consommer [ses crédits] en raison de la mise en place du progiciel financier Chorus qui a généré d’importants dysfonctionnements durant cinq mois et […] a parfois oblig[é le ministère], pour rattraper le retard, à reprendre les choses manuellement avec l’aide d’intérimaires » (3). Le délégué général pour l’armement a confirmé ces difficultés et a souligné qu’elles devraient conduire à une hausse conséquente des intérêts moratoires en 2011.

Ces problèmes risquent de générer des reports de crédits importants, sauf à ce que le ministère réussisse à rattraper son retard durant le dernier trimestre 2010. En tout état de cause, il serait anormal que les crédits non consommés ne soient pas intégralement reportés dans la mesure où ce projet est extérieur au ministère et que les conditions de sa mise en œuvre relèvent d’une responsabilité interministérielle.

B. LE FINANCEMENT DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

Outre les modifications de périmètre, la défense doit, comme chaque année, dégager des crédits supplémentaires pour financer le surcoût lié aux opérations extérieures (OPEX).

1. L’évolution de l’engagement français

Au 21 octobre 2010, quelque 8 700 militaires sont déployés hors du territoire national. Pour assurer un tel niveau d’engagement, la défense doit mobiliser trois à quatre fois plus de personnels de façon à assurer la relève et à ne projeter que des soldats parfaitement entraînés.

Alors que les dépenses liées aux opérations extérieures étaient en hausse constante depuis 2004, le ministère a réussi en 2010 à maintenir les surcoûts à un niveau équivalent de celui de 2009. Cette stabilisation s’explique essentiellement par le désengagement de plusieurs théâtres comme par exemple au Tchad avec la fin de la mission EUFOR Tchad ou dans les Balkans avec le retrait entamé du Kosovo. Le surcoût global ne baisse cependant pas car les dépenses liées à l’Afghanistan sont en constante augmentation comme le montre le tableau ci-après.

Évolution du surcoût par théâtre d’opération

(en millions d’euros)

 

2004

2005

2006

2007

2008 (1)

2009

2010 (prévisions)

Bosnie Croatie

58,9

33,2

24,2

18

5,9

2,4

0,0

Macédoine Kosovo

146,5

112,9

85,8

84,3

103,8

81,8

59,0

Côte d’Ivoire

191,9

191,7

164,2

156,7

112,5

72,7

72,0

Afghanistan

99,2

89,7

122,3

169,8

254,6

387,2

469,0

Tchad

76,9

80,3

78,5

96,6

94,2

111,9

97,0

EUFOR Tchad

nc

nc

nc

8,3

109,8

68

0,3

Liban

7,1

6,1

42,5

67,8

81,7

90,3

95,8

Atalante

nc

nc

nc

nc

nc

21

37,2

Autres

52,8

39,6

85,8

83,6

88,4

56,1

36,5

Total

633,3

553,5

603,3

685,1

850,9

870,4

866,8

(1) À compter de 2008, les dépenses liées à l’emploi de gendarmes en OPEX ne sont plus retracées dans ce tableau.

Source : ministère de la défense.

Le coût unitaire des OPEX retracé dans le graphique suivant souligne encore la spécificité de l’engagement en Afghanistan.

Coût des OPEX par soldat et par théâtre

(en milliers d’euros)

Source : ministère de la défense.

Les sommes prises en compte recouvrent l’ensemble des dépenses, y compris les frais de transport, de carburant, de munitions ou d’entretien des matériels. Le théâtre afghan se caractérise par un décalage significatif des dépenses de transport, liées à l’éloignement, et de maintien en condition opérationnelle des équipements, liées aux conditions météorologiques et à la forte sollicitation des matériels dans des engagements souvent extrêmes. Pour preuve de cette violence quotidienne, 94 % des crédits de munitions en OPEX sont consommés par les forces déployées en Afghanistan.

2. Des modalités de financement stabilisées

La création d’une ligne budgétaire propre aux OPEX en 2003 en a amélioré les modalités de financement d’autant plus que cette dotation a été constamment réévaluée pour atteindre 570 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2010. Cette revalorisation ne permet cependant pas de faire face à l’ensemble des besoins. Pour combler le manque, le ministère a longtemps prélevé les crédits sur l’équipement des forces. La loi de programmation militaire a mis un terme à cette pratique en prévoyant qu’un financement interministériel viendrait, en cas de besoin, abonder les ressources du ministère. Comme le montre le graphique ci-après, ce mécanisme a été mis en œuvre pour la première fois en 2009 ; il est reconduit en 2010.

Évolution du surcoût OPEX

(en millions d’euros)

(1) Les abondements extérieurs reprennent le remboursement de l’ONU et de l’OTAN ainsi que les crédits issus de la réserve interministérielle de précaution ou de la loi de finances rectificative.

Source : ministère de la défense.

Contrairement à l’année dernière, le ministère obtient une compensation intégrale en 2010, sans avoir à effectuer de mesure de gestion particulière. L’importance de la réforme engagée par le ministère et son implication dans la rationalisation de ses dépenses expliquent très certainement qu’aucun effort supplémentaire ne lui ait été demandé. Seuls 150 000 euros de dépenses d’investissement d’infrastructures réalisés au Kosovo restent à sa charge, ce qui reste très marginal vu les montants en jeu.

Cette situation très positive doit néanmoins faire l’objet d’une attention constante. Le remboursement de l’avance gagée sur les crédits d’équipement n’intervient en effet qu’en loi de finances rectificative, c’est-à-dire de façon assez tardive. Dans l’intervalle, un décret d’avance gage le surcoût sur les dépenses d’équipement, les crédits annulés devant être rétablis en loi de finances rectificative. Il y a donc une prise de risque de la part du ministère complétée par un impératif calendaire : les crédits n’étant rétablis qu’à la fin du mois du décembre, il ne reste que peu de temps pour engager ces sommes et éviter ainsi d’aggraver les reports de crédits.

C. LES RECETTES EXCEPTIONNELLES

Le projet de loi de finances rectificative modifie l’équilibre initial des recettes exceptionnelles pour tenir compte du retard dans leur réalisation.

1. Le cadre général

Conformément aux dispositions de l’article 3 de la loi de programmation militaire 2009-2014 (4), la loi de finances initiale pour 2010 a prévu que la défense bénéficierait de 1,22 milliard d’euros au titre des recettes exceptionnelles. Malheureusement le ministère n’a pas réussi à respecter le calendrier initial en raison de l’abandon du recours à une société de portage pour la vente des emprises et faute de l’accord de l’autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARCEP) pour les fréquences. Le tableau présente la situation actuelle des recettes exceptionnelles.

évolution des recettes exceptionnelles

(en milliards d’euros)

 

2009

2010

2011

2012

2013

Total

LPM

1,61

1,22

0,54

0,20

0,10

3,67

Actualisation

0,59

1,32

1,02

1,17

1,07

5,17

Écart

- 1,02

+ 0,10

+ 0,48

+ 0,97

+ 0,97

+ 1,50

Source : ministère de la défense.

Si le ministère n’a pas réussi à enregistrer les recettes escomptées, il n’a pas dégradé son équilibre financier grâce à des mesures de compensation comme par exemple la consommation de reports de crédits. La réalité de ces recettes n’est nullement remise en cause, seul le calendrier change. Le chef d’état-major des armées a d’ailleurs souligné que ce montant a été réévalué à la hausse (5) et semble désormais plus en adéquation avec la réalité du marché.

2. Les recettes immobilières

En 2010, la défense avait espéré recevoir 700 millions d’euros de la vente de ses emprises. Le recours à une société de portage ayant été abandonné, le ministère doit désormais procéder par lui-même à l’ensemble des ventes, ce qui retarde la plupart des opérations.

Selon les informations transmises au rapporteur, le niveau de ressources devrait atteindre 195 millions d’euros en 2010 se répartissant en :

- 97 millions d’euros tirés de cessions avec par exemple la suite des versements dus au titre de la vente du fort d’Issy-les-Moulineaux ;

- 86 millions d’euros par un abondement de crédits issus du programme 212 (Soutien de la politique de la défense) au titre du versement de reports de crédits de paiement ;

- 12 millions d’euros de reports de crédits sur le compte d’affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».

3. La vente des fréquences

La vente des fréquences hertziennes de la défense aurait dû rapporter 600 millions d’euros en 2010. Cette somme aurait été affectée au programme « Optimisation de l’usage du spectre hertzien » du compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ». Faute d’avoir obtenu à temps l’autorisation de l’ARCEP, le ministère a reporté l’opération à 2011. Il ne devrait pas y avoir de nouveau report, le ministre ayant souligné que « le calendrier [fixé par l’ARCEP] garantit une conclusion en juillet 2011 » (6). Les recettes ont par ailleurs été augmentées pour atteindre 850 millions d’euros, l’écart étant notamment dû à l’adjonction au programme de la cession de l’usufruit des satellites Syracuse.

II. —  LA POURSUITE DE LA PROGRAMMATION MILITAIRE

Le projet de loi de finances rectificative assure la poursuite de deux projets figurant dans la loi de programmation militaire : l’achèvement du programme A400M et la privatisation de la société nationale des poudres et explosifs (SNPE).

A. LE FINANCEMENT DE L’A400M

1. Un programme prioritaire

La loi de programmation militaire (LPM) prévoit un effort substantiel en matière de transport aérien, le « déficit capacitaire actuel [devant notamment être] progressivement comblé grâce au remplacement des aéronefs de transport tactiques C 160 Transall par des A400M ». Elle précise que « les cadences d’acquisition seront fixées d’ici 2010 et présentées au Parlement », étant entendu qu’au total la France devrait disposer d’une « flotte d’avions de ravitaillement et de transport comprenant de l’ordre de 14 appareils de type MRTT et environ 70 avions de transport » (7). La réussite du programme A400M est déterminante pour atteindre cet objectif.

Le programme a cependant rapidement rencontré des difficultés : comme l’a souligné François Cornut-Gentille dans son avis sur l’équipement des forces en 2009, « les spécifications techniques imposées à l’appareil [sont rapidement apparues] incompatibles entre elles et surtout irréalisables dans le délai imparti ». Il notait également que « les difficultés industrielles et technologiques ont été aggravées par des difficultés de gouvernance du programme » (8). De ce fait, le programme enregistre un retard d’au moins trois ans, avec un premier vol le 11 décembre 2009 et une première livraison prévue en 2013.

Le délégué général pour l’armement s’est montré raisonnablement optimiste sur l’avancement du programme indiquant qu’il y a « un point technique délicat qui concerne le flight management system (FMS) (9) réalisé par Thales » (10). Sur le plan financier, les négociations ont abouti le 5 novembre et ont permis de valider définitivement les principes fixés dès le 5 mars dernier.

2. Un financement corrigé

Les États clients et l’industriel ont décidé de poursuivre le programme bien qu’il connaisse des difficultés techniques et financières conséquentes. L’accord intervenu le 5 mars 2010 s’appuie sur trois axes principaux détaillés par le délégué général pour l’armement devant la commission le 24 mars dernier :

- les États renoncent aux pénalités liées aux retards, qui s’élèveraient au total à 1,2 milliard d’euros et acceptent « une hausse de prix correspondant à deux milliards d’euros hors taxes, ce qui augmente de 10 % le prix du contrat » ;

- en dehors du contrat, les États apportent 1,5 milliard d’euros de liquidités au constructeur sur la base d’un accord dit d’Export Levy Facility, c’est-à-dire une avance remboursable grâce aux exportations ;

- l’entreprise prend à sa charge « tout le reste des surcoûts du programme » (11).

Le surcoût pour la France est certes conséquent en volume mais il reste raisonnable au vu de l’importance du programme. Il représente en effet 680 millions d’euros (TVA comprise) pour un montant total d’environ 7,3 milliards d’euros TTC. Les décaissements n’interviendront pour leur part qu’au fur et à mesure des livraisons.

Outre l’augmentation de prix, la France doit apporter quelque 417 millions d’euros de trésorerie à EADS. La France a demandé à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) de prendre en charge cette avance pour éviter qu’elle ne pèse directement sur le budget de l’État. Cette opération n’étant pas une dépense budgétaire au sens strict, mais bien une avance remboursable, son inscription dans le budget général aurait faussé l’analyse budgétaire. De surcroît, le recours à la CDC est un facteur de souplesse, l’organisme n’étant pas soumis aux mêmes contraintes de gestion que l’État.

La CDC ne saurait cependant supporter le risque industriel d’un tel projet ; l’article 40 du projet de loi l’en prémunit en lui accordant une garantie à ce titre.

B. LES MODALITÉS DE LA PRIVATISATION DE LA SNPE

L’article 10 de la LPM a autorisé le transfert au secteur privé de la SNPE, l’État souhaitant consolider la filière stratégique de propulsion solide grâce à un projet industriel de long terme. Des solutions devaient être recherchées au cas par cas pour les autres branches d’activités. Le schéma suivant rappelle l’organisation actuelle du groupe SNPE.

Organisation du groupe SNPE

GROUPE SNPE

Matériaux énergétiques

Chimie fine

Spécialités chimiques

SNPE Matériaux Énergétiques

ISOCHEM

Bergerac NC

- REGULUS

SNPE : 40 %

AVIO : 60 %

- FRAMOCHEM

- CNC

BERGERAC NC : 50 %

TNC : 50 %

- G2P

SNECMA Propulsion Solide : 75 %

SNPE Matériaux Énergétiques : 25 %

- MANUCO

BERGERAC NC : 50 %

MAXAM : 50 %

- PYROALLIANCE

SNPE Matériaux Énergétiques : 85 %

AUTOLIV : 10 %

EADS ST : 5 %

- DURLIN France

- STRUCTIL

SNPE Matériaux Énergétiques : 80.05 %

MITSUBISHI Rayon Corporation : 19,95 %

 

- EURENCO

SNPE Matériaux Énergétiques : 60,2 %

SAAB : 19,9 %

PATRIA : 19,9 %

 

- ROXEL

SNPE Matériaux Énergétiques : 50 %

MBDA : 50 %

 

Source : www.snpe.fr.

Pour assurer la vente de la SNPE matériaux énergiques (SNPE–ME), il convient toutefois de préciser les modalités de prise en charge d’éventuelles opérations de dépollution des installations pyrotechniques. Dans la mesure où les repreneurs souhaitent justement poursuivre cette activité, il n’est nul besoin de dépolluer et il n’est donc pas nécessaire d’introduire un mécanisme similaire à celui qui existe pour les collectivités ou les entreprises qui reprennent des emprises militaires polluées et qui peuvent déduire du prix d’achat le coût de la dépollution (12). Par ailleurs, la valorisation comptable de la dépollution contribuerait à dégrader l’actif de la société et porterait préjudice aux opérations de cession.

Le Gouvernement a donc privilégié un système de garantie miroir qui couvre les frais et coûts liés à la responsabilité qui pourrait être encourue en raison de la situation environnementale des terrains et exploitations. La SNPE a en effet dû accorder à son repreneur une garantie de ce type, le projet de loi de finances rectificative se contentant de reprendre les termes de cet accord, aussi bien sur les montants que sur les modalités d’appel de la garantie. Si le repreneur doit dépolluer un site, il demandera donc à la SNPE de financer l’opération, la SNPE faisant alors jouer la garantie de l’État.

Si l’État n’accordait pas cette garantie, la SNPE serait contrainte de la prendre en charge sur sa propre trésorerie et devrait donc immobiliser des sommes importantes sur une très longue durée. Ce choix n’est pas satisfaisant ni en termes financiers ni en termes comptables. Il est plus pertinent que les frais éventuels et futurs d’une telle opération soient pris en charge par l’État au travers d’un système de garantie miroir.

Ne sont concernées par ce système que les filières majoritaires de SNPE-ME, à l’exception d’EURENCO qui deviendra prochainement une filiale autonome, le ministère de la défense souhaitant que ses activités restent sous le contrôle de l’État.

Cette démarche est saine dans la mesure où l’État est le responsable historique de ces pollutions. Elle est également raisonnable puisque la garantie n’est nullement illimitée : son montant est fixé à 216 millions d’euros et elle ne court que jusqu’au 1er janvier 2052.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné pour avis les articles 6, 8, 11, 39 et 40 du projet de loi de finances rectificative pour 2010 (n° 2944) au cours de sa réunion du mercredi 1er décembre 2010.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur pour avis.

M. Damien Meslot. Je félicite le rapporteur pour la qualité et la précision de son travail malgré l’aridité du sujet.

Il faut se réjouir de la prise en charge du surcoût lié aux opérations extérieures par la réserve interministérielle. Il n’y a pas si longtemps, aucun mécanisme de ce genre n’était mis en œuvre, leur financement se faisant au détriment des crédits d’équipement des armées.

La façon dont le dossier de l’A400M a été géré appelle un certain nombre de réserves et d’observations. Je pense que notre commission devrait créer une mission spécifique afin de se pencher sur ce sujet. Le dérapage des coûts me semble d’autant moins compréhensible que nous disposons de nombreux organismes, comme par exemple la direction générale pour l’armement, capables de nous en prémunir et de veiller au respect des engagements initiaux.

Il nous faut tirer les leçons de ces errements pour éviter de les reproduire pour d’autres programmes.

M. Yves Fromion. La CDC va verser la part française des avances décidées en faveur du programme A400M. L’article 40 du projet de loi de finances rectificative porte sur la garantie que l’État apporte à la caisse dans ce cadre. Pourquoi avoir opté pour ce montage et non pour un dispositif de garantie du type de ceux de la compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (COFACE) ?

Je signale par ailleurs que, comme je m’y étais engagé dans le cadre de la mission d’information sur les circonstances entourant l’attentat de Karachi, je vais déposer un amendement tendant à élargir l’information du Parlement sur les contrats d’exportation civils et militaires. Aujourd’hui, les contrats civils de plus de cinq millions d’euros font l’objet d’une information du Parlement. Il s’agit d’étendre ce dispositif aux contrats militaires dépassant ce montant et bénéficiant d’une garantie de l’État. Au même titre que pour le contrôle des fonds spéciaux, nous trouverons des moyens d’information respectant la confidentialité des contrats.

J’avais proposé de le déposer conjointement avec M. Bernard Cazeneuve, qui a hélas refusé mon offre.

Mme Françoise Briand, rapporteur pour avis. Nous pouvons en effet nous féliciter de la prise en charge du surcoût des OPEX par des crédits extérieurs à la mission « Défense ».

En ce qui concerne l’article 40, il n’était pas possible de recourir aux dispositifs de type COFACE, car il ne s’agit pas d’un soutien à l’exportation, mais d’une simple avance de trésorerie qui sera remboursée grâce aux exportations.

M. Michel Grall. Je félicite également le rapporteur pour la qualité de son travail : elle a su rendre très clair un sujet a priori aride.

Dans la partie relative aux cessions immobilières, à quoi correspondent les 20 millions d’euros d’annulation de crédits ? Quel programme est visé ? Quel pourcentage des produits de cession cela représente-t-il ?

Mme Françoise Briand, rapporteur pour avis. L’annulation de 20 millions d’euros s’explique par la non-réalisation de certaines cessions immobilières par le ministère de la défense. Je rappelle que 700 millions d’euros étaient attendus pour cette année et que seuls 195 millions devraient être réalisés. Pour autant, le ministère a bénéficié de mesures compensatoires évitant de dégrader son équilibre financier.

Il n’est pas possible de rattacher l’annulation de 20 millions d’euros à une opération spécifique ; c’est une diminution globale de la valeur des cessions qui est opérée à ce stade.

M. le président Guy Teissier. Je suis frappé par la lenteur administrative caractérisant les cessions d’emprises immobilières de la défense.

M. Franck Gilard. Je souhaiterais simplement nuancer l’analyse du rapporteur sur la garantie apportée par l’État au profit de la CDC. Il ne s’agit pas d’une mesure politique de soutien au programme mais plutôt d’une simple disposition technique. En vérité, l’avenir du programme est avant tout dépendant de la situation des finances publiques des États qui y participent.

M. Jacques Lamblin. J’aimerais compléter les propos du président sur les lenteurs de certaines cessions immobilières. Je les constate également dans ma ville, qui s’est portée acquéreur d’un terrain militaire voici maintenant deux ans et qui attend toujours que l’État procède à la vente. D’une certaine façon, parmi les 20 millions d’euros dont il a été question, 500 000 euros sont imputables à la lenteur de cette cession.

M. Daniel Boisserie. Je partage le constat de nos collègues sur les ventes d’emprises. On peut d’ailleurs se demander si France Domaine ne ralentit pas les processus. Je constate également que les trésoriers-payeurs-généraux ne paraissent pas toujours soucieux de vendre rapidement. Je ne m’explique cependant pas ces réticences.

La Commission a ensuite procédé à l’examen des articles dont elle s’est saisie pour avis.

*

Article 6

Budget général : ouvertures et annulations de crédits

Cet article annule quelque 2,4 milliards d’euros en AE et 2,75 milliards d’euros en CP, la répartition des ouvertures étant précisée dans l’annexe B. La mission « Défense » ainsi que la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » bénéficient d’un traitement favorable puisque leurs crédits sont respectivement augmentés, pour les AE et les CP, de 387,3 millions d’euros et de 13 millions d’euros.

Cet abondement profite principalement au programme 146 (Équipement des forces) dont les crédits augmentent de 287,3 millions d’euros, compensant ainsi les annulations temporaires intervenues en gestion pour financer les opérations extérieures.

La commission a émis un avis favorable à l’adoption de l’article 6 sans modification.

*

Article 8

Comptes spéciaux : ouvertures et annulations de crédits

Cet article modifie l’équilibre financier des comptes d’affectation spéciale. Ces missions spécifiques échappent à la règle budgétaire de l’universalité des recettes et des dépenses qui interdit d’affecter une recette à une dépense donnée. En revanche, les recettes des comptes d’affectation spéciale sont dédiées à un projet bien identifié. Le ministère de la défense conserve pour son propre compte le produit des cessions d’emprises et de fréquences. En l’absence de ce CAS, ces ressources seraient venues abonder le compte unique de l’État et auraient profité à l’ensemble des ministères et non plus au seul ministère de la défense.

La vente des emprises et des fréquences ayant pris du retard (cf. supra), le projet de loi en tire les conséquences et corrige les montants initiaux des recettes attendues avec une baisse de 20 millions d’euros pour l’immobilier et de 600 millions d’euros pour les fréquences.

Ces ajustements dégradent certes l’équilibre global des CAS, mais il ne s’agit que d’un phénomène transitoire : les ventes ne sont pas remises en cause dans leur principe, elles ne sont que retardées.

La commission a émis un avis favorable à l’adoption de l’article 8 sans modification.

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Article 11

Ratification d’un décret portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance

Cet article ratifie les ouvertures et annulations de crédits opérées par le décret d’avance n° 2010-1147 du 29 septembre 2010 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance en application du troisième alinéa de l’article 13 de la loi organique relative aux lois de finances qui dispose que « la ratification des modifications apportées […] aux crédits ouverts par la dernière loi de finances est demandée au Parlement dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l’année concernée ». En « cas d’urgence, des décrets d’avance […] peuvent [en effet] ouvrir des crédits supplémentaires sans affecter l’équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances » (13).

Le montant cumulé des crédits ainsi ouverts ne peut pas excéder 1 % des crédits ouverts par la loi de finances initiale. En l’espèce, le décret d’avance ne modifie que la répartition des crédits, sans affecter l’équilibre général du budget de l’État avec un même montant d’annulations et d’ouvertures de crédits.

Le tableau ci-après présente l’impact de ce texte sur les crédits relatifs à la défense et aux anciens combattants.

modifications du décret d’avance du 29 septembre 2010

(en milliers d’euros)

Mission

Programme

AE

CP

Défense

212 : soutien de la politique de la défense

17,12

17,12

178 : préparation et emploi des forces

218,00

218,00

146 : équipement des forces

- 370,93

- 228,72

144 : environnement et prospective de la politique de défense

- 0,65

- 0,65

Total

- 136,46

5,75

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

167 : liens entre la nation et son armée

- 13,00

- 13,00

158 : indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

- 0,81

- 0,81

Total

- 13,81

- 13,81

Sécurité

152 : gendarmerie nationale

- 0,75

- 0,75

Gestion du patrimoine immobilier de l’État (compte d’affectation spéciale)

722 : contribution aux dépenses immobilières

200,00

200,00

723 : contribution aux dépenses immobilières : expérimentation Chorus

- 200,00

- 200,00

Total

0,00

0,00

Source : projet de loi de finances rectificative pour 2010.

Pour la mission « Défense », l’impact est particulièrement significatif puisque 136 millions d’euros d’AE sont annulés. Pour les CP, les conséquences portent essentiellement sur la répartition des crédits entre les programmes. Pour financer les opérations extérieures, le ministère de la défense a besoin de compléter les crédits de la dotation figurant dans le programme 178.

Ce financement est temporairement assuré par un gage sur les crédits d’équipement, ledit gage devant être levé par la loi de finances rectificative, conformément à un engagement pris lors de l’adoption de la loi de programmation militaire. 218 millions d’euros sont ainsi transférés du programme 146 au programme 178. Cette disposition a été respectée puisque le présent projet de loi rétablit l’intégralité des crédits initiaux du programme 146 (cf. supra).

Les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » sont quant à eux amputés de 13,81 millions d’euros. Le programme Gendarmerie nationale de la mission « Sécurité » ne subit pour sa part qu’un ajustement marginal à hauteur de 750 000 euros.

Si l’équilibre du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » ne change pas, un important transfert de crédits est opéré : 200 millions d’euros passent ainsi du programme 723 au programme 722. Ce changement est lié à un changement de nomenclature budgétaire ; il n’a aucun impact physique ou financier.

La commission a émis un avis favorable à l’adoption de l’article 11 sans modification.

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Article 39

Octroi de la garantie de l’État à la société SNPE à l’occasion du projet de cession de ses activités de propulsion solide

— Cet article accorde à la société SNPE une garantie de l’État en matière environnementale, dans la limite d’un plafond de 216 millions d’euros et jusqu’au 1er janvier 2052.

Le dispositif prévu s’inspire très directement de l’article 124 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2008 (14) qui autorisait « le ministre chargé de l'économie à accorder la garantie de l'État pour couvrir les frais de dépollution permettant la remise en état de certains terrains de la société SNPE, ou de ses filiales, à l'occasion de leur cession ». L’article prévoyait que le montant de cette garantie est fixé par un expert indépendant. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition (15), considérant que la charge découlant de la garantie doit être évaluée ou limitée par la loi et ne peut être renvoyée à un acte administratif. Le 5° du II de l’article 34 de la LOLF prévoit en effet que la loi de finances « autorise l'octroi des garanties de l'État et fixe leur régime ». Le présent article corrige cette erreur et tient compte de l’évolution des opérations de cession de la SNPE.

— Autorisé par l’article 10 de la LPM, le transfert au secteur privé de la propriété de la SNPE et de ses filiales a été effectivement engagé avec le décret du 21 septembre 2010 (16).

Dès le 1er octobre, la société Safran a annoncé son intention de « mettre en place un accord-cadre de coopération industrielle et commerciale avec SNPE visant à renforcer la filière industrielle de propulsion-fusée à propergol solide » (17). Pour mener à bien ce projet, Safran prévoit donc d’acquérir SNPE-ME et ses filiales majoritaires (Pyroalliance et Structil) ainsi que les 40 % de Regulus et les 50 % de ROXEL détenus par SNPE-ME. La société EURENCO reste pour sa part sous le contrôle de la SNPE, notamment parce que ses activités sont jugées stratégiques et que la défense française souhaite que l’État en garde le contrôle.

Les négociations se sont engagées avec la SNPE et ont abouti à un accord, les deux parties s’entendant notamment sur la valeur d’entreprise de ces activités, estimée à 296 millions d’euros auxquels il faudra ajouter la trésorerie disponible au moment de la vente.

Les sites concernés étant fortement pollués en raison de l’activité pyrotechnique ancienne, la SNPE a accordé à Safran « une garantie spécifique relative aux passifs environnementaux résultant de l’exploitation passée » (18), c'est-à-dire que la société s’engage à faire face aux frais et coûts de toute nature liés à des opérations de dépollution imposées par la réglementation ou découlant de la responsabilité en raison de la situation environnementale des sites à la date du transfert au secteur privé. Il n’appartient en effet pas au repreneur d’une activité de supporter les conséquences de l’activité antérieure, sauf à ce que ce risque soit valorisé et diminue d’autant le prix de vente.

L’article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit en effet que les opérations de dépollution peuvent être effectuées par l’acquéreur du site, sous le contrôle de l’État, « le coût de la dépollution s'imputant sur le prix de vente » (19). Ce mécanisme est pertinent pour les sites auxquels la défense renonce mais dont elle ne peut assurer elle-même la dépollution, faute de crédits immédiatement disponibles.

Ce système n’est en revanche pas adapté pour les emprises de la SNPE-ME puisqu’aucune opération de dépollution ne devrait être engagée, Safran souhaitant poursuivre l’activité existante. Il n’y a donc pas lieu de provisionner des sommes importantes pour couvrir de façon ferme un risque futur et très incertain. Par ailleurs, la valorisation comptable de ce risque aurait été délicate, certaines pollutions étant très anciennes.

Pour autant, il n’est pas possible que l’État, exploitant historique de ces sites, s’exonère de toute responsabilité environnementale et s’expose éventuellement à une action récursoire du repreneur.

Le système de garantie finalement retenu résout ces difficultés : il permet à la SNPE d’accorder, sans risque, une garantie ferme à son repreneur pour couvrir les éventuels coûts de dépollution puisqu’elle dispose elle-même d’une garantie de l’État. Si Safran fait jouer cette clause, la SNPE paiera, mais l’État viendra alors abonder ses crédits.

Si l’État renonçait à cette garantie miroir, la SNPE serait contrainte de maintenir un niveau important de liquidités et dégraderait son bilan. Cette solution n’est pas satisfaisante en termes de bonne gestion des entreprises publiques et doit être écartée.

— La garantie miroir accordée par l’État est limitée à la fois dans son montant, dans sa portée et dans ses modalités de mise en œuvre.

Le I de l’article limite en effet le montant de la garantie à 216 millions d’euros. Cette somme n’est pas issue d’une évaluation des services de l’État mais résulte de l’accord trouvé entre la SNPE et Safran, c'est-à-dire qu’elle convient aux deux parties prenantes. Les remboursements perçus par la SNPE, comme par exemple les indemnités d’assurance ou les aides publiques, devront être déduits des crédits qui lui seront versés.

Le champ de la garantie est également contraint puisqu’il ne couvre que les « frais et coûts de toute nature liés, en application des législations et réglementation environnementales, à la réhabilitation en cours d’exploitation, à la remise en état après cessation d’activité, et à la responsabilité encourue, en raison de la situation environnementale à la date du transfert au secteur privé des terrains situés sur le territoire français, appartenant ou exploités à cette même date par les filières » mentionnées par la loi. La SNPE ne pourra pas faire jouer la garantie de l’État si le repreneur décide par exemple de réorganiser son activité, la liste fixée par la loi étant bien limitative. Le contrat de vente final énumérera exhaustivement les cas dans lesquels Safran pourra appeler la garantie qu’il détient de la SNPE, reprenant les conditions imposées par la loi.

La garantie est également limitée dans le temps puisque le II prévoit que la SNPE ne pourra s’en prévaloir que jusqu’au 1er janvier 2052. Cette date est reprise de l’accord entre Safran et la SNPE, les deux parties considérant qu’au-delà de cette date la responsabilité historique de l’État s’efface devant la responsabilité de l’exploitant.

Le III du présent article détermine enfin les filiales couvertes par la garantie. Seules trois filiales sont concernées : SNPE-ME, Structil SA et Pyroalliance SA, c'est-à-dire les seules filiales qui doivent être rachetées par Safran. Les autres filiales sont donc bien exclues du dispositif.

La commission a émis un avis favorable à l’adoption de l’article 39 sans modification.

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Article 40

Octroi de la garantie de l’État au titre du financement par la Caisse des dépôts et consignations de la part française de la facilité financière accordée
à EADS pour l’A400M

Le présent article autorise l’État à accorder une garantie de 417 millions d’euros à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) au titre de la « facilité financière mise à disposition d’EADS […] ou de l’une de ses filiales […] en application de l’accord relatif au programme A400M conclu […] le 5 mars 2010 ».

— Conformément à l’accord du 5 mars dernier, les États apportent à EADS une facilité de trésorerie de 1,5 milliard d’euros remboursable sur les exportations à venir de l’appareil, la part de la France représentant 417 millions d’euros.

Les clients considèrent en effet que l’A400M dispose d’un véritable potentiel à l’exportation de l’ordre d’au moins 300 avions. Pour aider l’entreprise à couvrir les dépassements actuels du coût du programme, les États ont proposé d’anticiper les gains futurs tirés de l’export.

Pour ce faire, il était possible soit d’accorder cette avance remboursable sur des crédits budgétaires, soit de recourir à un prestataire étatique. La première solution a été écartée car il ne s’agit pas d’une dépense budgétaire au sens strict, les crédits mis à disposition de l’entreprise devant être remboursés. Par ailleurs, l’Allemagne recourt traditionnellement à la KfW Bankengruppe, c'est-à-dire l’équivalent allemand de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), pour ce type d’opérations. Soucieux d’une solution unique dans tous les pays concernés et de sincérité budgétaire, le Gouvernement a demandé à la CDC d’agir pour le compte de l’État et d’accorder une avance remboursable de 417 millions d’euros à EADS.

— La CDC n’ayant pas à supporter le risque industriel d’un projet dans lequel elle n’est pas impliquée, l’État lui garantit le remboursement de cette somme ainsi que le remboursement des coûts de financement. Le mécanisme de garantie proposé repose sur une double contractualisation :

- EADS, ou une de ses filiales, s’engage à rembourser 417 millions d’euros à la CDC mais sans que le calendrier ne soit arrêté contractuellement ;

- l’État garantit à la CDC le respect du calendrier prévisionnel et non contractuel établi par EADS : si l’export tarde et que les revenus ne sont pas au rendez-vous, l’État verse à la CDC le différentiel annuel. À l’inverse si les exportations sont plus importantes que prévues, l’État perçoit le surplus.

Ce système donne ainsi au constructeur de la souplesse ; il lui est en effet difficile de s’engager aujourd’hui sur un calendrier certain pour ses exportations alors même que le premier appareil n’est pas encore livré. En couvrant le risque de l’exportation, la France marque sa confiance dans le programme et envoie un signal positif très fort à tous les clients potentiels. C’est enfin un facteur de mobilisation pour les services de l’État, incités à promouvoir l’appareil partout dans le monde.

En pratique, la vente de chaque appareil donne lieu à un versement à la CDC dont le montant augmente progressivement. Pour les premières exportations, EADS ne versera ainsi qu’une faible somme, de l’ordre de quelques centaines de milliers d’euros. Cette redevance sera réévaluée à chaque nouvelle vente et devrait atteindre plusieurs millions d’euros en fin de trajectoire.

— La garantie ne court que jusqu’au 1er janvier 2041. À cette date, la CDC aura perçu 417 millions d’euros, soit directement d’EADS, soit pour partie de l’État. Les éventuels versements opérés par l’État avant 2041 seront compensés par un remboursement ultérieur d’EADS. Il est toutefois vraisemblable que la somme avancée sera remboursée dans le délai imparti. Il s’agit d’ailleurs plus d’un risque calendaire que d’un risque concernant le montant des remboursements, les hypothèses d’exportation soutenant le modèle étant très réalistes.

La commission a émis un avis favorable à l’adoption de l’article 40 sans modification.

© Assemblée nationale

1 () Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

2 () III de l’article 12 de la LOLF.

3 () Audition par la commission de M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2011 le 5 octobre 2010.

4 () Loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.

5 () Audition par la commission de l’amiral Édouard Guillaud, chef d’état–major des armées, sur le projet de loi de finances pour 2011 le 6 octobre 2010.

6 () Audition du 5 octobre 2010, op. cit.

7 () Rapport annexé de la LPM.

8 () Avis n° 2862, tome VII Équipement des forces - dissuasion, sur le projet de loi de finances initiale pour 2011 de M. François Cornut-Gentille.

9 () Le FMS est le système de conduite en vol de l’appareil.

10 () Audition par la commission de M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2011 le 20 octobre 2010.

11 () Audition par la commission de M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, sur le programme A400M, le 24 mars 2010.

12 () L’article 8 de la LPM prévoit que les opérations de dépollution peuvent être réalisées par l’acquéreur sous le contrôle de l’État, les coûts étant déduits du prix de vente.

13 () Article 13 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

14 () Loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.

15 () Décision n° 2008-574 du 29 décembre 2008.

16 () Décret n° 2010-1107 du 21 septembre 2010 autorisant le transfert au secteur privé de la propriété de la SNPE et de ses filiales.

17 () Communiqué de presse de Safran du 1er octobre 2010.

18 () Ibid.

19 () Article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques dans la rédaction issue de l’article 8 de la LPM.