N° 3292
——
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 mars 2011.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,
sur le projet de loi (N° 3197), adopté par le Sénat,
autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine instituant un partenariat de défense
PAR Mme Patricia ADAM,
Députée.
——
Voir les numéros :
Sénat : 103, 245, 246 et T.A. 71 (2010-2011).
S O M M A I R E
_____
Pages
INTRODUCTION 5
PREMIÈRE PARTIE : L’ACCORD DU 8 AVRIL 2010 CONSTITUE UN TOURNANT
DANS UNE COOPÉRATION MILITAIRE QUI EXISTE DE LONGUE DATE 7
I. — LE RENOUVEAU DE LA POLITIQUE AFRICAINE DE LA FRANCE 7
A. LE CONTEXTE DE LA RÉDUCTION DE LA PRÉSENCE MILITAIRE FRANCAISE EN AFRIQUE 7
1. La France entretient des relations de coopération militaire avec plusieurs pays africains depuis leur indépendance 7
2. Cependant la présence militaire de la France en Afrique s’est réduite ces
dernières années 7
B. LE DISCOURS DU CAP ET LE LIVRE BLANC SUR LA DÉFENSE ET LA SÉCURITÉ NATIONALE 11
1. Le discours du Cap marque un tournant 11
2. Le Livre blanc insiste sur les nouvelles menaces qui affectent le continent
africain 11
II. — L’ACCORD SIGNÉ LE 8 AVRIL 2010 S’INSCRIT DANS LE CADRE D’UNE
COOPÉRATION QUI EXISTE DE LONGUE DATE 12
A. LA CLAUSE D’ASSISTANCE EN CAS D’EXERCICE DE LA LÉGITIME DÉFENSE 12
B. LE BILAN DE LA COOPÉRATION MILITAIRE 14
1. L’instabilité de la République centrafricaine a longtemps limité les effets positifs
qui pouvaient être tirés de cette coopération militaire 14
2. La République centrafricaine bénéficie aujourd’hui d’une coopération structurelle
et d’une coopération opérationnelle 14
DEUXIÈME PARTIE : L’ACCORD DU 8 AVRIL 2010 CLARIFIE LA RELATION DE COOPÉRATION MILITAIRE ENTRE LA FRANCE ET LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE 17
I. — UN ACCORD ADAPTÉ AUX CARACTÉRISTIQUES DE LA PRÉSENCE FRANÇAISE EN RCA 17
A. L’ACCORD TIENT COMPTE DES SPÉCIFICITÉS DE LA PRÉSENCE FRANCAISE DANS
CE PAYS 17
B. L’ACCORD ACTUALISE ET MODERNISE LES DISPOSITIONS APPLICABLES AUX FORCES ET AUX PERSONNELS 18
1. Statut des personnels français et centrafricains 18
2. Dispositions fiscales et douanières 18
3. Règlement des litiges 18
a) Litige causé par une infraction imputable à un personnel 18
b) Litige lié à l’interprétation ou à l’application de l’accord 19
II. — LE CARACTÈRE NOVATEUR DE CET ACCORD TIENT À TROIS ÉLÉMENTS 20
A. UN ACCENT MIS SUR LE DÉVELOPPEMENT DU MULTILATÉRALISME 20
1. Le nouveau partenariat de défense doit favoriser le développement de la Force Africaine en Attente 20
2. La difficile mise en œuvre de la Force Africaine en Attente 21
B. LA SUPPRESSION DE LA CLAUSE D’ASSISTANCE EN CAS D’EXERCICE DE LA LÉGITIME DÉFENSE 22
1. La suppression de cette clause a suscité des réticences de la part de la
République centrafricaine 22
2. Les domaines de la coopération 22
C. UN CADRE PLUS TRANSPARENT 23
TRAVAUX DE LA COMMISSION 25
ANNEXE : PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE 35
Le Gouvernement a déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 2 mars 2011 le projet de loi tendant à autoriser l’approbation de l’accord entre la France et la République centrafricaine (RCA) instituant un partenariat de défense, signé à Bangui le 8 avril 2010 par M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie et le général Antoine Gambi, ministre centrafricain des affaires étrangères, de l’intégration régionale et de la francophonie. Cet accord est conclu pour une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction.
Ce projet de loi a été adopté en première lecture par le Sénat le 1er mars 2011.
L’Assemblée nationale centrafricaine a ratifié l’accord instituant un partenariat de défense entre la France et la République centrafricaine le 14 décembre 2010.
La signature de cet accord n’a suscité aucune réaction particulière chez les pays voisins de la République centrafricaine (Tchad, Soudan, République démocratique du Congo, Congo, Cameroun).
Ces quatre instruments résultent de la volonté du Président de la République annoncée dans son discours du Cap du 28 février 2008 de renégocier les accords de défense liant la France à divers États africains.
La signature de cet accord répond à quatre nécessités :
- rendre plus transparente notre politique en abandonnant les clauses confidentielles et en mettant en place un comité de suivi ;
- moderniser notre relation de défense avec la RCA en supprimant la clause d’assistance en cas de légitime défense et en réaffirmant que la vocation première des forces françaises stationnées en Afrique est l’appui à la montée en puissance de la Force Africaine en Attente ;
- définir une coopération de défense fondée sur la formation, le conseil, l’entraînement et l’appui à l’engagement ;
- disposer d’un texte unique, ce qui permet une approche globale de la coopération bilatérale en matière de défense et l’unification du statut des personnels français présents en RCA au titre de la coopération de défense.
PREMIÈRE PARTIE : L’ACCORD DU 8 AVRIL 2010 CONSTITUE UN TOURNANT DANS UNE COOPÉRATION MILITAIRE QUI EXISTE DE LONGUE DATE
L’accord du 8 avril 2010 traduit le renouveau de la politique africaine de la France. Ce dernier s’inscrit dans le contexte d’une réduction de la présence militaire française en Afrique.
1. La France entretient des relations de coopération militaire avec plusieurs pays africains depuis leur indépendance
À la suite des indépendances, la France a signé des accords de défense avec plusieurs pays africains, de manière à apporter la garantie française à de jeunes États dont les armées restaient à construire et qui n’étaient pas encore en mesure d’assurer leur propre défense.
Il n’existe pas de définition juridique établie de la notion d’accord bilatéral de défense. Cependant, le terme « accord de défense » est généralement entendu comme faisant référence aux accords ou traités conclus par la France qui comprennent une clause relative à l’exercice du droit de légitime défense par un État agressé ainsi qu’aux conditions d’assistance que les parties se prêtent, à titre réciproque ou non réciproque, pour exercer ce droit.
Selon cette définition, la France est actuellement liée par un accord de défense à huit pays africains : le Togo, le Cameroun, le Gabon, la RCA, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, les Comores et Djibouti.
Par ailleurs, la France est liée par des accords de coopération à d’autres pays africains et notamment au Tchad, au Niger, au Mali, au Bénin, au Burkina Faso ou encore à la Guinée équatoriale.
Comme le rappelle le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale : « Sur le continent africain, les effectifs des forces françaises s’élevaient à environ 30 000 hommes au début des années 1960 ; les forces prépositionnées comptaient environ 15 000 hommes à la fin des années 1980. De 1995 à 2007, parallèlement à la professionnalisation, le dispositif a été encore réduit, s’est adapté à l’organisation du continent en sous-régions et a vu la fermeture de quelques implantations ».
Aujourd’hui, les forces françaises déployées en Afrique comptent moins de 7 500 hommes et la réorganisation prévue par le Livre blanc devrait entraîner une nouvelle décrue. À terme, le dispositif permanent devrait reposer sur deux bases opérationnelles avancées, à Djibouti et Libreville et sur deux pôles de coopération à vocation régionale, à Dakar et N’Djamena. L’effectif total, sur ces quatre implantations, pourrait être de l’ordre de 3 500 hommes.
Les forces françaises sont également déployées en opérations extérieures en Côte d’Ivoire, en RCA (opération Boali), à la frontière tchadienne du Darfour et dans le golfe de Guinée (mission Corymbe).
Au total, près de 10 000 hommes sont déployés chaque année selon le Livre blanc et le coût annuel de ces déploiements est de 760 millions d’euros.
La décrue de notre présence militaire en Afrique s’explique par la fin de la guerre froide, les difficultés budgétaires et le fait que la France a tiré des leçons de certains de ses engagements, notamment au Rwanda.
Les axes de notre relation de défense et de sécurité avec les pays africains ont d’ailleurs été précisés lors du conseil de défense du 3 mars 1998 :
- une présence permanente réduite ;
- des engagements militaires bilatéraux en principe limités à la sécurité des ressortissants français ;
- un recours privilégié au cadre multilatéral, sous l’égide de l’ONU et de l’Union européenne ;
- l’appui aux forces africaines et aux organisations régionales de sécurité.
Le concept RECAMP (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix), créé en 1996-1997 et présenté en 1998 au sommet franco-africain du Louvre, s’inscrit dans cette évolution. Ce programme, qui était à l’origine une initiative française, s’est européanisé et est devenu EURORECAMP lors de la conférence de l’Union africaine qui s’est tenue à Addis-Abeba le 21 novembre 2008. Cependant, la France en reste le principal intervenant.
EURORECAMP représente une véritable réussite politique. C’est le socle de notre stratégie en Afrique, qui est d’autant plus important que de nombreux acteurs comme la Chine ou encore les États-Unis cherchent aujourd’hui à renforcer leur présence en Afrique.
Ce programme vise, en cohérence avec l’organisation des Nations unies (ONU) et l’Union africaine, à contribuer au renforcement des capacités militaires des pays africains pour leur permettre de concevoir et de mener des opérations de paix.
Les trois volets du programme EURORECAMP : 1) Coopération technique visant à : • Renforcer les institutions politiques sous-régionales ; • Pour chaque organisation sous-régionale, appuyer la mise en place d’outils de défense chargés de la veille stratégique et de la coordination avec les pays membres ; • Renforcer la capacité à mettre sur pied des états-majors de niveau stratégique (pour commander une opération) et de niveau opératif (pour commander une force sur un théâtre d’opération) ; • Appuyer la mise en place de procédures et de langues de travail qui permettent de fonctionner sur un mode multinational ; • Former les cadres au maintien de la paix au sein d’écoles militaires en Afrique ou en Europe. 2) Entraînement : • L’entraînement vise, d’une part, la prise de décision et la planification aux niveaux stratégique et opératif et, d’autre part, l’interopérabilité des forces ; • Il s’organise en cycles de deux ans autour de trois axes : un exercice majeur organisé tous les deux ans au sein de l’une des organisations sous-régionales, des cycles intermédiaires organisés dans les autres organisations sous-régionales par les forces françaises prépositionnées, des exercices hors cycle. 3) Engagement : • Lorsqu’une crise éclate et qu’une organisation sous-régionale engage une force interafricaine sur autorisation de l’ONU et en accord avec l’Union africaine, EURORECAMP peut offrir son expertise, ses capacités voire ses équipements pour mettre sur pied et soutenir une partie de cette force ; • RECAMP a ainsi participé à la Mission de surveillance des accords de Bangui en RCA en 1997, à l’opération « RECAMP Bissau » en Guinée Bissau (1999) et à la Mission des Nations unies en République démocratique du Congo (2000-2001) ; • EURORECAMP participe actuellement à l’opération des Nations unies en Côte d’Ivoire. |
Le discours prononcé au Cap par le Président de la République le 28 février 2008 et le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ont posé le cadre de l’évolution de la coopération militaire entre la France et la République centrafricaine.
Prenant acte des évolutions qui ont eu lieu depuis les années 1960, au cours desquelles des accords de défense ont été signés avec plusieurs pays africains, le Président a présenté les deux axes selon lesquels la politique de coopération militaire entre la France et l’Afrique doit être refondée.
Il a proposé tout d’abord de rebâtir les relations franco-africaines sur « le principe de la transparence » et annoncé que « tous les accords de défense entre la France et les pays africains seront intégralement publiés ». Le Parlement français doit être étroitement associé aux grandes orientations de la politique de la France en Afrique. Ces accords ne seront donc plus accompagnés de clauses secrètes, comme ils pouvaient l’être auparavant.
Le Président a également souligné l’importance du multilatéralisme, qui concerne non seulement les différents pays africains mais aussi les pays européens autres que la France. Il a ainsi proposé que « la présence militaire française en Afrique serve en priorité à aider l’Afrique à bâtir, comme elle en a l’ambition, son propre dispositif de sécurité collective » et notamment la Force Africaine en Attente (1). Il a ajouté que l’Europe doit désormais être « un partenaire majeur de l’Afrique en matière de paix et de sécurité » en évoquant la déclaration de Lisbonne adoptée le 9 décembre 2007 lors du sommet UE – Afrique.
La déclaration de Lisbonne prévoit un nouveau partenariat politique stratégique qui dépasse les relations traditionnelles établies sur le mode bailleurs de fonds/bénéficiaires. Cette nouvelle relation doit s’appuyer sur des valeurs et des objectifs communs dans la recherche de la paix et la stabilité, de la démocratie et de l’État de droit, du progrès et du développement.
Après avoir réaffirmé l’importance de la transparence et du multilatéralisme dans les relations militaires franco-africaines, le Livre blanc souligne l’importance que revêtent les accords de défense, du fait des défis sécuritaires que pose le continent africain : « L’Afrique viendra au premier rang de notre stratégie de prévention pour les quinze ans à venir. Les problèmes de sécurité des pays africains intéressent, directement et indirectement, la France et l’Europe, qu’il s’agisse des risques de conflits, régionaux ou interethniques, du développement du terrorisme dans les États de la zone sahélienne ou des périls qui menacent leur stabilité. […] L’augmentation spectaculaire des trafics transitant par l’Afrique vers l’Europe, ou se déroulant sur le territoire africain, et les enjeux liés à l’approvisionnement en matières premières stratégiques appellent en tout état de cause une attention redoublée des États européens. ».
Le Livre blanc insiste tout particulièrement sur le rôle que doit jouer la France vis-à-vis de pays fragilisés par des troubles internes, comme la RCA : « Dans le cas d’une relation établie avec des pays en crise ou fragilisés, il s’agit de recréer ou de renforcer les bases de leur structure étatique, en accompagnant les réformes nécessaires à la démocratie, notamment la réforme du secteur de sécurité (RSS) : démobilisation et réinsertion des combattants, formation des cadres de l’armée, de la police et de la gendarmerie, ou encore réforme des institutions judiciaires. ».
II. — L’ACCORD SIGNÉ LE 8 AVRIL 2010 S’INSCRIT DANS LE CADRE D’UNE COOPÉRATION QUI EXISTE DE LONGUE DATE
Le 15 août 1960 a été signé un accord de défense initialement quadripartite entre la France, la République centrafricaine, la République du Congo et la République du Tchad. Approuvé par la loi du 22 novembre 1960, il a été publié par le décret du 23 novembre 1960. Cet accord prévoyait des mécanismes de concertation entre les parties et de participation de leurs forces à un système commun de défense. Le Congo s’est retiré en 1972 et l’accord ne lie plus le Tchad depuis 1976, date à laquelle ce pays a signé d’autres accords avec notre pays.
La République centrafricaine a invoqué à plusieurs reprises la clause d’assistance en cas d’exercice de la légitime défense, qui était comprise dans l’accord de 1960.
Ainsi, dans les années 1980, les forces françaises ont participé à la sécurisation du territoire de la RCA en menant, en appui des forces armées centrafricaines (FACA) des opérations contre les coupeurs de route dans le Nord-Ouest du pays et contre le braconnage dans le Sud-Est et dans le Nord.
Par ailleurs, en 1996 et 1997 ont eu lieu les opérations Almandin 1, 2 et 3, qui ont permis à la République centrafricaine de faire face aux mutineries d’une partie de son armée.
Enfin, depuis 2003, a lieu l’opération Boali, pour contrer la rébellion qui a éclaté dans le Nord-Est du pays (2).
Le détachement français Boali assure le soutien technique voire opérationnel du volet militaire de la MICOPAX (mission de consolidation de la paix) qui a succédé le 12 juillet 2008 à la FOMUC (force multinationale en Centrafrique), mise en place en 2002 par la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale. Le soutien fourni par la France est multidimensionnel, à la fois administratif, technique, financier et logistique. De plus, la France assure l’instruction opérationnelle des contingents africains engagés dans la MICOPAX, avant leur déploiement sur le théâtre d’opérations.
Le détachement compte environ 200 militaires, qui sont principalement basés à Bangui. Il comprend un état-major, une compagnie d’infanterie et un détachement de soutien (maintenance, administration, santé, prévôts). De plus, il peut être ponctuellement renforcé par des avions de transport tactique ou stratégique et des hélicoptères, qui peuvent apporter un soutien dans les domaines de la mobilité, du renseignement et de l’appui aérien.
À plusieurs reprises, l’armée française a apporté à ses partenaires un soutien en matière de renseignement et de logistique, un appui feu aérien ainsi qu’une aide à la planification et à la conduite des opérations.
C’est ainsi qu’en janvier 2006, elle a fourni un soutien logistique aux forces armées centrafricaines qui ont conduit une opération de sécurisation à Bozoum, à 400 km au Nord-Ouest de Bangui.
Puis, en juin, l’armée française a délivré par voie aérienne, du fret, du carburant, des tenues et des rations de combat aux soldats centrafricains dans la région de Tiroungoulou.
En novembre 2006, suite à une attaque rebelle sur Birao, la France a renforcé, pour une durée d’un mois, les effectifs Boali d’une centaine de militaires. Avec le soutien de la FOMUC et de Boali, les FACA sont alors parvenues à reprendre le contrôle de Birao et du Nord-Est de la RCA, qui était passé sous le contrôle des rebelles.
Enfin, en mars 2007, des éléments rebelles ayant violemment attaqué 18 militaires français à Birao, Boali a été renforcée par un groupement de commandos parachutistes et une compagnie d’infanterie des forces françaises au Gabon, relevée par la suite par une compagnie des forces françaises à Djibouti. Les commandos parachutistes ont permis aux forces armées centrafricaines de reprendre en peu de jours le contrôle de Birao et de son aéroport.
Si le bilan opérationnel de la MICOPAX est mitigé, on ne peut nier qu’une une certaine stabilité est apparue autour des sites de déploiement des unités de la MICOPAX en province. Cependant, c’est surtout dans le domaine politique que la MICOPAX a eu des effets positifs. En effet, il s’agit de la première mission de maintien de la paix conduite par la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale. Elle participe pleinement du principe d’appropriation par les Africains des mécanismes de prévention et de gestion des conflits (cf. 2e partie).
1. L’instabilité de la République centrafricaine a longtemps limité les effets positifs qui pouvaient être tirés de cette coopération militaire
Depuis 1960, du fait de l’instabilité politico-militaire récurrente (coups d’état, mutineries…), la coopération militaire entre la France et la RCA a consisté essentiellement en la restructuration permanente des forces armées, sans jamais réussir à bâtir un outil suffisamment fort et démocratique pour servir un État de droit. L’armée centrafricaine n’a jamais atteint une organisation et un volume suffisant pour honorer ses responsabilités régaliennes.
Cependant, depuis 2003, on peut observer une amélioration sensible de l’outil de défense centrafricain. Cette amélioration est le fruit d’une volonté politique et d’une coopération française plus limitée mais mieux ciblée. Aujourd’hui, moins de dix conseillers français sont présents en République centrafricaine au titre de la coopération de sécurité et de défense alors qu’ils étaient une cinquantaine dans les années 1980 et 1990.
L’armée centrafricaine, quant à elle, est passée d’environ 4 000 à plus de 8 000 hommes (avec la Gendarmerie) aujourd’hui. Si sa capacité opérationnelle reste faible, elle est néanmoins capable de mener des opérations autonomes de portée limitée.
2. La République centrafricaine bénéficie aujourd’hui d’une coopération structurelle et d’une coopération opérationnelle
Les projets de coopération en cours ont pour ambition d’accompagner la stabilisation de ce pays en sortie de crise. Ils portent principalement sur la formation des cadres et sur la réorganisation des forces armées.
Certaines responsabilités exercées jusqu’ici par la MICOPAX étant transférées aux forces armées centrafricaines (FACA), le gouvernement centrafricain a demandé à la France son aide pour améliorer les capacités opérationnelles des FACA : amélioration des moyens de mobilité tactique et de transmissions, de l’équipement des recrues, mais aussi de la logistique et des capacités de projection.
La coopération structurelle est conduite par la direction de la coopération de sécurité et de défense du Ministère des Affaires étrangères. Elle représente 1,42 million d’euros en 2011.
Six coopérants permanents sont mis à disposition de la République centrafricaine. Une aide logistique directe de 275 000 euros est attribuée au pays.
Par ailleurs, la formation de membres du personnel des forces armées centrafricaines constitue l’axe majeur de la coopération structurelle. Les actions de formation ont pour objectif de former des formateurs, et non de simples opérateurs, afin de favoriser le processus d’appropriation qui guide l’ensemble des actions de coopération.
La formation a lieu en RCA, avec l’école spéciale de formation des officiers d’active et l’école de formation des sous-officiers d’active, toutes deux situées au centre de formation Kassaï (60 officiers et 60 sous-officiers des forces armées centrafricaines y sont actuellement en formation).
Elle a également lieu dans les écoles nationales à vocation régionale en Afrique (15 personnels actuellement concernés) et en France (7 personnels).
Sur le plan qualitatif, les résultats obtenus par les militaires centrafricains ont été tout à fait honorables. Sur le plan quantitatif, on constate une tendance à la baisse du nombre de participants aux formations en France, qui s’explique par la baisse des capacités d’accueil entraînée par la diminution du format des armées françaises. L’évolution du nombre de stagiaires au cours des dix dernières années est la suivante :
Titre du tableau | |||||||||||
Formation |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
IHEDN / FICA |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
1 |
1 |
École de Guerre |
1 |
0 |
0 |
0 |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
Stages de spécialisation |
18 |
18 |
20 |
6 |
7 |
7 |
12 |
4 |
4 |
2 |
5 |
Écoles de formation initiale et écoles d’application |
6 |
8 |
2 |
5 |
4 |
3 |
5 |
6 |
8 |
7 |
3 |
Total |
27 |
28 |
24 |
13 |
14 |
13 |
20 |
13 |
15 |
11 |
10 |
Source : ministère de la Défense. |
De plus, certains coopérants en RCA consacrent une part importante de leur action à la formation. C’est en particulier le cas du projet « logistique », avec la formation de militaires centrafricains à l’entretien et à la réparation des véhicules militaires.
La coopération opérationnelle est conduite par l’état-major, au Ministère de la Défense. Il s’agit des Détachements d’instruction opérationnelle (DIO) et des Détachements d’instruction technique (DIT) qui sont mis en place par l’armée française en s’appuyant sur les forces françaises au Gabon et sur l’opération Boali. Elles doivent aider les forces armées centrafricaines à se restructurer. Ces formations mobilisent une vingtaine de militaires français. Entre 500 et 1 000 personnels centrafricains bénéficient chaque année d’une formation.
Selon les informations transmises à la rapporteure, l’école d’état-major de Libreville et l’école de maintien de la paix de Bamako, écoles nationales à vocation régionale, possèdent un module dédié à la protection des droits de l’Homme mais, dans le domaine de la RSS (réforme du secteur de la sécurité), la formation aux droits de l’Homme ne fait pas spécifiquement partie des formations que nous dispensons. Dans les DIO, la question des droits de l’Homme est seulement évoquée.
De nombreuses atteintes aux droits de l’Homme commises par les FACA ayant été constatées par un certain nombre d’observateurs internationaux, la rapporteure insiste sur l’importance de cette formation aux droits de l’Homme.
Par ailleurs, la rapporteure souligne qu’il est nécessaire que la France continue à œuvrer en matière de DDR (Désarmement, Démobilisation, Réintégration) (3), même si la reconversion des combattants est difficile, compte tenu de la situation économique et politique du pays. Le programme DDR contribuerait à résoudre le problème posé par la présence de nombreux membres de groupes rebelles sur le territoire de la RCA.
DEUXIÈME PARTIE : L’ACCORD DU 8 AVRIL 2010 CLARIFIE LA RELATION DE COOPÉRATION MILITAIRE ENTRE LA FRANCE ET LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
L’accord signé le 8 avril 2010 permet à la France de disposer d’un texte unique, ce qui permet une approche globale de la coopération bilatérale en matière de défense et l’unification du statut des personnels français présents en RCA au titre de la coopération de défense.
L’accord signé entre la France et la RCA a été rédigé de manière à tenir compte des spécificités de la présence française dans ce pays.
La renégociation des accords de défense a été préparée par un groupe de travail qui a réuni, autour de l’Ambassadeur chargé de la renégociation des accords de défense franco-africains, des représentants des directions du Ministère des Affaires étrangères et européennes en charge des affaires juridiques, de la coopération de sécurité et de défense, de l’Afrique et de l’Océan Indien, des représentants de l’état-major, des représentants des directions du Ministère de la Défense en charge des affaires juridiques et des affaires stratégiques ainsi que des représentants des cabinets des deux ministères.
Un modèle d’accord de partenariat de défense a été établi pour les différents pays concernés par la renégociation des accords de défense puis ce modèle a été adapté aux réalités des différents pays.
Pour la RCA, par exemple, il comporte une annexe relative à l’opération Boali. L’article 4 de cette annexe dispose ainsi que « la République centrafricaine accorde toutes facilités aux Forces françaises du détachement de Boali aux fins de réalisation de ses missions au profit de la MICOPAX en mettant notamment à la disposition des Forces françaises du détachement de Boali et de la MICOPAX les infrastructures militaires de l’aéroport de Bangui M’poko. ».
L’article 5 précise quant à lui que « les Forces françaises du détachement de Boali peuvent prendre les dispositions nécessaires pour faire fonctionner, sur le territoire de la République centrafricaine, un ou des services chargés d’assurer des prestations en matière postale ou financière au profit exclusif des Forces françaises du détachement de Boali et de leurs membres. ».
La deuxième partie de l’accord est consacrée au statut des membres du personnel engagés dans le partenariat de défense entre la France et la République centrafricaine. Elle est rédigée sur un mode totalement réciproque pour les personnels français en RCA et centrafricains en France, ce qui manifeste l’esprit du partenariat de nos nouvelles relations.
L’article 6 règle les conditions d’entrée et de sortie du territoire des personnels.
L’article 7 maintient pour nos coopérants militaires le port de l’uniforme centrafricain.
L’article 8 dispose que « les membres du personnel de l’État d’origine autorisés à conduire les véhicules et engins militaires dans l’État d’origine sont également autorisés à les conduire dans l’État d’accueil ».
L’article 9 prévoit que les militaires de chaque pays se plient, pour l’utilisation des armes, aux règles du pays d’accueil.
L’article 10 établit le principe d’une compétence exclusive de l’État d’origine en matière de discipline de ses personnels.
La troisième partie de l’accord traite des dispositions fiscales et douanières.
L’article 13 prévoit le maintien de la domiciliation fiscale des personnels dans l’État d’origine, y compris les coopérants.
L’article 14 de l’accord prévoit que « les forces de l’État d’origine peuvent importer sous le régime de l’admission temporaire en exonération totale de droits et taxes, pour une période de vingt-quatre mois prorogeable, le matériel destiné à leur usage exclusif. Les quantités raisonnables d’approvisionnements destinés à leur usage exclusif sont importées en franchise de droits et taxes. ».
La quatrième partie de l’accord traite du règlement des litiges causés par une infraction imputable à un personnel.
L’article 15 prévoit que les infractions commises par un membre du personnel de l’État d’origine relèvent de la compétence des juridictions de l’État d’accueil mais que les autorités compétentes de l’État d’origine exercent par priorité leur privilège de juridiction « en cas d’infractions résultant de tout acte ou négligence d’un membre du personnel accompli dans l’exercice de ses fonctions officielles » ainsi que lorsque l’infraction porte uniquement atteinte à la sécurité de l’État d’origine, à la personne ou aux biens d’un autre membre du personnel de l’État d’origine ou aux biens de d’État d’origine.
Il indique également que la peine de mort, qui existe encore en RCA, ne sera ni requise ni appliquée à l’encontre d’un personnel français.
Par ailleurs, l’article 16 précise que « chaque Partie renonce à tout recours qu’elle pourrait avoir contre l’autre Partie, les forces, ou un membre du personnel de cette Partie pour les dommages causés à ses biens ou à son personnel, y compris ceux ayant entraîné la mort d’un membre de son personnel, en raison d’actes ou de négligences dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions officielles qui découlent du présent Accord » sauf « en cas de faute lourde ou intentionnelle. ».
L’article 27 de l’accord prévoit que tout différend lié à son interprétation ou à son application doit être réglé par voie de consultation au sein du comité de suivi institué par l’article 26 (cf. 2e partie/II/C) ou par voie de négociation entre les parties.
Il faut remarquer que l’application des précédents accords de défense entre la France et la République centrafricaine n’a donné lieu à aucun litige concernant leur interprétation ou leur application.
L’application ou l’interprétation de cet accord pourrait donner lieu à des divergences entre les parties en ce qui concerne le respect de leurs obligations (par exemple pour les dispositions relatives au statut des forces, au règlement des dommages ou encore au soutien logistique mutuel entre les parties au titre des activités organisées dans le cadre du partenariat de défense).
1. Le nouveau partenariat de défense doit favoriser le développement de la Force Africaine en Attente
Dans la lignée du discours du Cap du 28 février 2008, le préambule de l’accord souligne que le partenariat conclu entre la France et la République centrafricaine s’inscrit dans une perspective multilatérale en rappelant que ces pays sont « résolus à inscrire leur coopération dans le cadre du partenariat stratégique Afrique - Union européenne adopté lors du sommet de Lisbonne du 7 décembre 2007, afin de construire une paix et une sécurité durable en Afrique et en Europe » et « déterminés, dans cette perspective, à rendre opérationnelle l’architecture africaine de paix et de sécurité, sous la conduite de l’Union africaine, et à soutenir les mécanismes africains de sécurité collective et de maintien de la paix dans leur dimension régionale et sous-régionale ».
Concrètement, le partenariat de défense pose le cadre d’une coopération militaire dont le but principal est d’accroître les capacités opérationnelles de l’armée centrafricaine afin que cette dernière puisse prendre toute sa part dans la montée en puissance de la brigade Centre de la Force Africaine en Attente de l’Union africaine. Il répond ainsi à l’une des trois actions prioritaires du volet paix et sécurité du partenariat Union européenne–Union Africaine : rendre opérationnelle l’architecture africaine de paix et de sécurité.
La Force Africaine en Attente • Le concept de Force Africaine en Attente est né en 2002 de la volonté des États africains de se doter de capacités propres de prévention et de gestion des crises sur le continent. • Elle devrait compter 15 000 hommes. • Cette force est susceptible d’être déployée sur court préavis. Elle peut mener six types de missions, notamment des missions d’intervention, des opérations de maintien de la paix ou encore des missions d’urgence de haute intensité (par exemple en cas de génocide). • Elle est composée de plusieurs brigades régionales de 3 500 à 6 000 hommes répartis dans les différentes armées nationales. • Chaque brigade est gérée par une organisation sous-régionale, qui peut être soit une Communauté économique régionale (Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest, Communauté Sud - Africaine de Développement ou Communauté Économique des États d’Afrique Centrale) soit un mécanisme de coordination ad hoc (Eastern African Standby Brigade Coordination Mechanism et North African capacity). |
Les difficultés qui entravent la mise en œuvre de la Force Africaine en Attente risquent de limiter l’impact que le partenariat de défense conclu entre la France et la République centrafricaine pourra avoir dans ce domaine.
Quatre séries d’obstacles entravent le bon développement de la Force Africaine en Attente.
Premièrement, les pays africains ne sont pas en mesure d’atteindre les objectifs fixés par les feuilles de route de l’Union africaine sans une aide des pays partenaires.
Deuxièmement, le cadre juridique qui lie le niveau continental au niveau des organisations sous-régionales n’est pas contraignant, l’Union africaine tirant sa légitimité des États membres, et non des organisations. Ceci ne facilite pas une bonne coordination entre niveau continental et niveau régional.
Troisièmement, on constate un manque en termes de ressources humaines pour armer l’état-major stratégique et notamment l’élément de planification de la Division des opérations de soutien de la Paix.
Quatrièmement, l’interopérabilité pose également problème : si l’Union Africaine a validé une grande part de sa doctrine en mars 2008, l’emploi de matériels et d’équipements standards interopérables est loin d’être la règle pour des armées nationales aux niveaux de qualité, modes de fonctionnement et cultures stratégiques très disparates.
Ces carences sont d’ailleurs illustrées par le fait que les objectifs à atteindre lors de l’exercice final du cycle EURORECAMP / Amani Africa qui a eu lieu à Addis Abeba en octobre 2010 ont été revus à la baisse : l’exercice s’est limité à évaluer la capacité de l’Union africaine à conduire des opérations de paix et sécurité alors que l’objectif initial était d’aboutir à une certification de la Force Africaine en Attente.
Par ailleurs, la RCA a annoncé que sa participation à la Force Africaine en Attente se limiterait à une compagnie d’infanterie. La modestie de cette contribution s’explique par la faiblesse capacitaire intrinsèque de l’armée centrafricaine et par le fait que cette armée doit avant tout faire face aux défis sécuritaires qui affectent la RCA.
1. La suppression de cette clause a suscité des réticences de la part de la République centrafricaine
Cette suppression s’inscrit dans la droite ligne du discours du Cap du 28 février 2008 et du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Elle vise à réserver à la partie française la liberté d’apporter son concours à un partenaire pour sa défense extérieure et d’inscrire le cas échéant ce soutien dans le cadre des systèmes de sécurité collective de l’ONU et de l’Union africaine. La République centrafricaine avait initialement émis une demande tendant à maintenir la clause d’assistance en cas d’exercice de la légitime défense.
Lors des contacts préliminaires préalables à la transmission du projet d’accord, à l’été 2008, les autorités centrafricaines ont été informées de ce point et, au cours des négociations, elles ont demandé à ce que le texte de l’accord soit complété dans son préambule afin de prendre en compte « la restructuration en cours des forces armées centrafricaines » et les « menaces qui peuvent peser » sur « la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale des deux États ».
L’article 4 de l’accord énumère les domaines de coopération.
La coopération concerne tout d’abord « l’échange de vues et d’informations relatives aux risques et menaces à la sécurité nationale et régionale et aux moyens appropriés d’y faire face ». En fonction de la situation telle qu’elle sera appréciée par la partie française, il peut être envisagé d’échanger des informations classées « Diffusion restreinte » voire « Confidentiel Défense ». Les échanges d’informations seront étudiés au cas par cas. Des échanges d’informations ont déjà eu lieu auparavant. Ces derniers mois, ils ont par exemple concerné les activités de la Lord’s Resistance Army (4) au Sud-Est de la RCA et les rébellions dans le secteur de Birao.
La coopération concerne également l’organisation, l’équipement et l’entraînement des forces, le soutien logistique et les exercices conjoints. Les détachements d’instruction opérationnelle et les détachements d’instruction technique menés par Boali participent directement de cette activité aujourd’hui.
La coopération couvre aussi le domaine de « l’organisation de transits, de stationnements temporaires et d’escales aériennes ». Cette disposition trouve déjà une traduction concrète non seulement dans le cadre de l’opération Boali mais aussi, plus ponctuellement, lors des escales de nos forces présentes dans la région (au Gabon, au Tchad…).
« L’organisation et le conseil aux forces mettant en œuvre des actions de formation, de soutien technique et la mise à disposition de coopérants militaires techniques français » constituent un élément important de la coopération entre la France et la République centrafricaine, de même que « la formation des membres du personnel centrafricain par leur accueil ou leur admission en qualité d’élève ou de stagiaire dans les écoles de formation militaires françaises ou soutenues par la France ». L’action de la France en matière de formation est déjà importante (cf. 1ère partie/II/B).
L’accord signé le 8 avril 2010 abroge et remplace tous les accords antérieurs (5), y compris ceux qui n’auraient pas été publiés. Il marque donc une rupture avec les précédents accords, qui pouvaient comporter des clauses secrètes et illustre la volonté de transparence énoncée dans le Livre blanc (« Le Parlement sera désormais informé des accords existants. […] Les assemblées seront, à l’avenir, tenues régulièrement au courant de la conclusion de nouveaux accords. Ceux-ci feront l’objet des procédures d’approbation ou de ratification lorsque la Constitution le prévoit. »).
Selon les informations transmises à la rapporteure, les parlementaires seront informés d’éventuels amendements du texte de l’accord par les deux Parties et pourront les ratifier si les amendements relèvent de l’article 53 de la Constitution (6). Si ce n’est pas le cas, le Gouvernement pourra également décider d’informer le Parlement.
La rapporteure suggère que le Parlement soit informé de tout amendement à l’accord de défense.
L’accord de 1960 ne prévoyait pas un tel comité, qui constitue donc une nouveauté. L’article 26 de l’accord dispose ainsi : « Afin de donner une cohérence aux activités prévues par le présent Accord, il est créé un comité de suivi coprésidé par un représentant de chaque Partie. Le mandat et le fonctionnement du comité sont déterminés d’un commun accord entre les Parties. ».
La composition de ce comité n’est pas encore définitivement arrêtée. Selon le ministère des Affaires étrangères, il pourrait associer l’ambassadeur de France près la République centrafricaine et un représentant du ministère des affaires étrangères centrafricain. La présence d’experts civils et militaires de chacune des parties pourrait être envisagée en fonction de l’ordre du jour.
La rapporteure insiste sur la nécessité de mettre en place rapidement ce comité et considère comme particulièrement souhaitable la présence de parlementaires en son sein. En effet, ces derniers étant consultés pour la ratification des accords, il serait cohérent qu’ils soient également associés à leur suivi à travers ce comité ou, si cela s’avérait impossible à mettre en œuvre, par tout autre moyen.
La rapporteure souhaite également que les commissions de la défense et des affaires étrangères consacrent conjointement une séance de travail par session à l’audition des membres du comité de suivi et des personnels de l’état-major affectés au bureau Afrique.
Elle estime enfin nécessaire que la commission de la défense présente aussi régulièrement que possible un rapport sur la mise en œuvre de l’ensemble de nos accords de défense.
Au cours de sa réunion du mercredi 30 mars 2011, la Commission examine pour avis quatre projets de loi, adoptés par le Sénat, autorisant l’approbation d’accords de défense.
*
* *
La Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Philippe Folliot, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun instituant un partenariat de défense (n° 3194).
M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis. L’accord avec le Cameroun partage un tronc commun avec les autres accords : il définit un champ de coopération suffisamment large et règle le statut des personnes et le droit applicable à leur activité, y compris sur le plan fiscal. Il assure également la mise à disposition de moyens immobiliers et logistiques pour les activités de coopération.
Il diffère des autres accords en ce qu’il définit le statut de personne à charge en fonction du droit du pays d’accueil, ce qui pourrait poser un problème pour nos personnels ayant contracté un PACS. Surtout, il contient une annexe qui règle le fonctionnement de la mission logistique française de Douala, essentielle à l’activité de nos opérations extérieures au Tchad et en République centrafricaine.
Je me réjouis de cet accord qui nous permettra d’entretenir la relation de confiance qui unit la France à ce partenaire stratégique. Je rappelle que le Cameroun, un condensé d’Afrique à la stabilité remarquable, est le premier bénéficiaire de notre coopération de défense. Malgré des difficultés que nul n’ignore, ce pays est un acteur de confiance qui sait faire preuve d’efficacité, comme l’illustre la lutte qu’il mène contre les actes de brigandage et de piraterie maritime grâce à ses bataillons d’intervention rapide.
Au-delà de ces éléments propres au Cameroun, je crois nécessaire de partager avec vous quelques réflexions.
Je souhaite, tout d’abord, que le Gouvernement se montre plus précis sur la composition des comités qui assureront le suivi des accords et qu’il envisage une forme de contrôle parlementaire.
Ensuite, je crois de notre devoir d’engager une réflexion sur les moyens de maintenir notre présence au Tchad. Notre commission doit se saisir du sujet.
Sur un plan plus général enfin, je tiens à souligner que nous devons sanctuariser des moyens pour la coopération bilatérale. La mise en œuvre d’actions dans un cadre communautaire – ou autre – est généralement positive, mais elle ne doit pas nous interdire d’agir directement avec des partenaires qui nous connaissent et nous attendent, au Cameroun comme ailleurs.
Pour terminer, je forme le souhait que le débat de ce matin amorce la pleine association du Parlement à la politique de coopération de défense avec l’Afrique.
Dans l’immédiat, vous l’avez compris, je donne un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi.
Mme Michèle Alliot-Marie. Je voudrais savoir si les problèmes de responsabilité juridique de nos personnels sur place sont réglés explicitement par ces accords, car il y a des divergences entre nos systèmes juridiques, ou si, comme souvent, ils sont passés sous silence ?
M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis. Les problèmes de responsabilité juridique sont réglés par l’application du droit national du pays dans lequel le problème est soulevé : au Cameroun, c’est donc le droit camerounais qui s’applique. Pour ce qui concerne des dispositions qui ne seraient pas reconnues par le pays d’accueil, comme le PACS que j’ai mentionné tout à l’heure, qui n’existe pas en droit camerounais, il faudra être vigilant.
Mme Patricia Adam. C’est effectivement le droit du pays d’accueil qui s’applique à nos ressortissants : l’accord avec la République centrafricaine prévoit que la détention et l’utilisation d’armes pour les besoins du service sont réglées par la législation de l’État qui accueille.
M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis. Sur le même sujet, l’accord de défense avec le Cameroun prévoit également que la détention et l’utilisation d’armes est soumise à la législation de l’État d’accueil. Néanmoins, si les autorités camerounaises l’acceptent, l’usage d’armes par nos forces au Cameroun pourra se faire en application des règles françaises, celles-ci étant plus restrictives.
Conformément aux conclusions de son rapporteur pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption du projet de loi.
*
* *
La Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Philippe Vitel, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République gabonaise (n° 3195).
M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis. Je voudrais souligner la singularité de la démarche que nous effectuons aujourd’hui puisque c’est la première fois que notre commission examine des accords de défense.
Dans la lignée des engagements qu’il avait pris pendant la campagne électorale de 2007, le Président de la République, dans son discours au Cap le 28 février 2008, avait énoncé les quatre principes sur lesquels devait reposer la refondation du partenariat entre la France et l’Afrique :
- les accords de défense « doivent refléter l’Afrique d’aujourd’hui et pas l’Afrique d’hier », ce qui signifie qu’ils doivent désormais reposer sur les intérêts stratégiques de la France et de ses partenaires africains ;
- les relations seront fondées sur le principe de la transparence, c’est-à-dire que tous les accords de défense entre la France et les pays africains seront intégralement publiés et soumis au Parlement ;
- la présence militaire française doit servir en priorité à aider l’Afrique à bâtir son propre dispositif de sécurité collective ;
- l’Europe, enfin, doit devenir un partenaire majeur de l’Afrique en matière de paix et de sécurité.
L’accord de défense signé avec le Gabon le 24 février 2010 s’inscrit naturellement dans ce cadre. Il fait partie d’une série de huit, destinés à remplacer les accords signés au lendemain des indépendances africaines avec certaines anciennes colonies françaises. Outre le Gabon, il s’agit du Cameroun, de la République centrafricaine, des Comores, de la Côte d’Ivoire, de Djibouti, du Sénégal et du Togo.
Comme les autres accords, il ne comprend plus de clause d’assistance mutuelle ou de maintien de l’ordre, conformément à la volonté du Président de la République et des orientations du Livre blanc.
La particularité du Gabon est d’accueillir une importante base française, à Libreville.
La France y dispose d’environ 900 hommes, principalement répartis entre le 6e bataillon d’infanterie de marine, un détachement de l’Aviation légère de l’armée de terre et un détachement air.
Ces forces assurent un triple rôle : assurer la sécurité de nos 12 000 ressortissants au Gabon ; servir de point d’appui pour d’autres opérations dans la région, par exemple pour l’opération Épervier au Tchad, pour l’opération Licorne en Côte d’Ivoire et pour l’opération Boali en République centrafricaine ; servir également de point d’appui pour la mise en place d’une force aéroterrestre en cas d’opération de première urgence en Afrique centrale ou en Afrique de l’Ouest.
À la suite de la reconfiguration de nos moyens prépositionnés en Afrique, la base de Libreville va devenir notre implantation principale sur la façade occidentale. Notre présence y sera renforcée à partir de mi-2011. Son coût annuel passera par conséquent de 57 à 75 millions d’euros.
Les forces françaises conduisent également au profit des forces gabonaises et des autres forces de la région des actions de coopération opérationnelle, fortement orientées vers le soutien aux opérations et l’entraînement des unités. Les crédits de la coopération opérationnelle de l’état-major s’élèvent, au total, à 1,4 million d’euros par an. Ces actions s’inscrivent de plus en plus dans le cadre régional de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), en particulier par l’appui et la montée en puissance des structures régionales de la Force africaine en attente.
Au niveau de la coopération structurelle, conduite par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des affaires étrangères, on peut souligner que le Gabon bénéficie en 2011 d’un budget de 4,14 millions d’euros.
Ce budget de coopération structurelle se traduit par :
- la mise à disposition de 20 coopérants permanents (principalement à l’école d’état-major de Libreville et dans les hôpitaux militaires) ;
- l’attribution d’une aide logistique directe ;
- l’appui aux projets par la réalisation de 12 missions de renfort temporaires (MRT) ;
- la formation de 34 stagiaires : 16 en France et 18 dans les écoles nationales à vocation régionale en Afrique (ENVR).
Touchant tous les domaines de la défense gabonaise, cette coopération vise à accompagner l’effort du pays dans la constitution de son outil de défense par la formation, la restructuration des forces et le soutien institutionnel, et à soutenir son action au bénéfice de la sécurité régionale et de sa participation aux opérations de soutien de la paix sur le continent.
Un soutien aux forces armées est également dispensé par la valorisation de l’aviation légère des armées, outil important dans ce pays car elle répond de manière efficace aux problèmes de mobilité posés par un territoire difficilement accessible (1,5 million d’habitants sur 267 000 km², presque la moitié de la France).
La France participe enfin à l’action de l’État en mer par le maintien en condition des bâtiments hauturiers dans le cadre de la lutte contre la recrudescence des trafics dans le Golfe de Guinée.
Compte tenu de tous les avantages que représente cette présence militaire française au Gabon, je donne naturellement un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi.
M. Nicolas Dhuicq. Les paragraphes 1 et 2 de l’article 10 de l’accord, relatifs au port et à l’utilisation des armes, me semblent contradictoires.
M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis. Le paragraphe 1 de l’article 10 dispose que : « Les membres du personnel appartenant aux forces armées de l’État d’origine peuvent détenir et porter une arme de dotation sur le territoire de l’État d’accueil, conformément aux lois et règlements en vigueur dans l’État d’accueil » tandis que le paragraphe 2 dispose que : « Dans le cadre de leurs fonctions officielles, les membres du personnel de l’État d’origine utilisent leur arme de dotation conformément à la législation de l’État d’origine ». Il y a une distinction entre la détention et l’utilisation des armes.
Mme Michèle Alliot-Marie. Cela signifie que, quand nos militaires se servent de leur arme, ils l’utilisent comme en France.
M. le président Guy Teissier. C’est comme cela que je le comprends : l’ouverture du feu se fait dans le cadre du droit français.
Conformément aux conclusions de son rapporteur pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption du projet de loi.
*
* *
La Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Christophe Guilloteau, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise instituant un partenariat de défense (n° 3196).
M. Christophe Guilloteau, rapporteur pour avis. L’accord de défense avec le Togo est le premier de la série que nous examinons aujourd’hui à avoir été signé : il l’a été le 13 mars 2009. La négociation n’a pas rencontré de difficulté majeure et l’accord s’écarte très peu des accords types élaborés conjointement par les ministères des affaires étrangères et de la défense pour les pays n’abritant pas de forces françaises.
Cette révision des accords de défense s’inscrit, notre collègue vient de le souligner, dans le cadre de la rénovation de la relation entre la France et le continent africain, dont elle constitue un des éléments.
Elle répond ainsi à la volonté du Président de la République, exprimée dans son discours prononcé devant le Parlement sud-africain, au Cap, le 28 février 2008, de rebâtir la présence militaire française en Afrique sur des bases nouvelles, adaptées au temps présent et aux enjeux stratégiques de l’ensemble du continent, à savoir la mise en place d’un mécanisme africain de sécurité collective.
Pays de taille modeste (56 000 km², dix fois moins que la France, 6 millions d’habitants), le Togo dispose d’une armée de 12 000 hommes qui souffre, comme beaucoup d’armées de la région, d’un fort besoin d’équipement. Les forces armées togolaises possèdent néanmoins une solide culture des opérations de maintien de la paix et, l’état-major des armées nous l’a précisé, les contingents mis à disposition sont de bonne qualité.
Notre coopération avec le Togo comporte deux aspects, une coopération opérationnelle, conduite par l’état-major des armées, et une coopération structurelle, pilotée par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des affaires étrangères et européennes.
Au niveau opérationnel, la France intervient dans la formation, le conseil, l’entraînement et l’appui à l’engagement. L’année dernière, nous avons ainsi formé 580 soldats togolais : 500 pour des opérations de maintien de la paix et 80 pour le renforcement de leur capacité nationale. Ces formations sont assurées par les forces françaises du Cap vert.
La coopération structurelle, conduite par la direction de la coopération de sécurité et de défense, représente un budget de 3,6 millions d’euros pour 2011 et fait du Togo le troisième partenaire de la France en la matière.
L’aide se traduit par la mise à disposition de 14 coopérants français, essentiellement dans le domaine de la formation : l’école du service de santé de Lomé (ESSAL), qui forme les médecins militaires, et l’école de formation des officiers des forces armées togolaises (EFOFAT). Quatre missions de renfort temporaire sont par ailleurs programmées en 2011 pour permettre à des spécialistes français de venir dispenser des formations dans des secteurs particuliers. D’une manière générale, ces actions ont pour objectif de former des formateurs, et non de simples opérateurs, afin de favoriser le processus d’appropriation qui guide l’ensemble des actions menées.
De nombreux stagiaires togolais suivent également chaque année des formations financées par la DCSD : en France ou à l’étranger, dans le réseau des écoles nationales à vocation régionale (ENVR) en Afrique. Enfin, des militaires togolais sont accueillis dans les formations françaises : 1 à l’école de guerre, 4 en école de formation des officiers, 4 en école d’application, 6 en stage de spécialisation dans les armées et 1 à l’IHEDN.
À l’avenir, la DCSD va recentrer son action sur les projets à forte valeur ajoutée régionale que sont l’ESSAL, déjà évoquée, et la sauvegarde des approches maritimes, prioritaire dans le Golfe de Guinée.
Quels bénéfices la France tire-t-elle de cette coopération militaire avec le Togo ?
Depuis l’accord de 1963, cette coopération nous a permis de conserver une influence très importante dans ce pays : les cadres togolais formés en France ou dans les écoles soutenues par la France en Afrique constituent ainsi aujourd’hui le socle de l’armée togolaise.
Le Togo est également un partenaire fiable de la France dans son action en Afrique. Pour ne retenir que des événements récents, les Togolais se sont engagés rapidement aux côtés de la France en Côte d’Ivoire, en février 2003, ont accueilli gratuitement, ce qui fût très appréciable, les avions français après les événements de novembre 2004 à Abidjan, ou encore ont relevé le contingent français en République centrafricaine après le retrait des forces françaises d’Eufor Tchad.
Enfin, la coopération avec le Togo répond parfaitement à la volonté du Président de la République d’aider la mise en place d’une architecture africaine de paix et de sécurité. En tant qu’acteur important de cette sous-région du continent africain, le Togo joue ainsi un rôle certain dans la recherche de la paix régionale, dans le cadre de l’ONU, de l’Union africaine ou de la CEDEAO.
Les troupes togolaises se sont ainsi engagées récemment dans les opérations de maintien de la paix, en particulier au Tchad. Le pays envoie aussi régulièrement des observateurs pour les opérations sous l’égide de l’ONU. Par ailleurs, le Togo s’est porté candidat pour fournir le renfort prévu par l’ONU (2 000 hommes) de sa force en Côte d’Ivoire, ONUCI.
Je donne naturellement un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi.
M. Nicolas Dhuicq. J’observe que la formulation de l’article 10 de l’accord, relatif à la détention et à l’utilisation d’armes, diffère légèrement de celle retenue dans l’accord avec le Gabon. Elle révèle un glissement sémantique en faveur du droit du pays d’accueil.
M. Christophe Guilloteau, rapporteur pour avis. Il s’agit de formulations diplomatiques qui n’emporteront pas de conséquence particulière : à condition que les autorités togolaises donnent leur accord, les règles françaises d’utilisation des armes, plus strictes, s’appliqueront à nos forces armées. À défaut d’accord, ce sont effectivement les règles du pays d’accueil qui s’appliqueront.
Conformément aux conclusions de son rapporteur pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption du projet de loi.
*
* *
La Commission examine pour avis, sur le rapport de Mme Patricia Adam, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine instituant un partenariat de défense (n° 3197).
Mme Patricia Adam, rapporteure pour avis. Le contexte de la République centrafricaine est plus complexe que celui des autres pays que nous venons d’examiner. J’aurais aimé pouvoir travailler de manière un peu plus sérieuse. Nous n’avons eu que dix jours pour étudier ces textes.
M. le président Guy Teissier. C’est l’ordre du jour que nous impose le Gouvernement.
Mme Patricia Adam, rapporteure pour avis. Ce ne sont pas de bonnes conditions de travail. Je me félicite quand même que ces textes arrivent aujourd’hui au Parlement. C’était une volonté du Président de la République, qui a été reprise par le Livre blanc.
La République centrafricaine est toujours en crise. Les dernières élections sont contestées par l’opposition. La mise en place de la démocratie dans ce pays est problématique. Il est par ailleurs affecté par de nombreuses rebellions et notamment celle de l’armée de résistance du Seigneur, reconnue comme une force terroriste par l’ensemble de la communauté internationale. De plus, la République centrafricaine est proche de certains pays déstabilisés comme le Sud-Soudan.
Depuis 2003, nous intervenons en République centrafricaine dans le cadre de l’opération extérieure Boali, à travers un détachement de 200 militaires qui comprend un état-major, une compagnie d’infanterie et un détachement de soutien. Ce détachement peut être ponctuellement renforcé par des avions de transport tactique ou stratégique et des hélicoptères, qui peuvent apporter un soutien dans les domaines du renseignement et de l’appui aérien. Nous intervenons dans le cadre de la mission de consolidation de la paix MICOPAX, mise en place par la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale. L’opération Boali représente 11 millions d’euros par an.
On ne peut qu’être d’accord avec un certain nombre de points de cet accord. Tout d’abord, le recours au multilatéralisme qu’il implique. Puis, l’importance de la formation qu’il permet. Enfin, la transparence. La formation relève de la coopération structurelle, menée par le ministère des affaires étrangères et a lieu dans des écoles centrafricaines, dans le réseau des écoles nationales à vocation régionale (ENVR) ou encore, pour certaines, en France. La coopération opérationnelle, qui relève de l’état-major des armées, s’effectue par des détachements d’instruction opérationnelle et des détachements d’instruction technique.
L’état-major nous a précisé que le volume de nos forces pour l’opération Boali était suffisant. Par ailleurs, les 8 000 militaires centrafricains et les forces françaises arrivent désormais à instaurer une stabilité dans certaines zones du pays.
Je voudrais maintenant formuler plusieurs propositions. L’accord prévoit la mise en place d’un comité de suivi dont la composition n’est pas encore exactement fixée aujourd’hui. Pour respecter les engagements pris par le Président de la République et réaffirmés dans le Livre blanc, il faudrait que le Parlement participe à ce comité de suivi mais cela n’est peut-être pas possible, du fait de la séparation des pouvoirs. Au cours des auditions qui ont été menées, je n’ai pas eu véritablement de réponse sur ce point. À tout le moins, il serait souhaitable que le Parlement puisse suivre l’évolution de ces accords de défense dans le temps, d’autant qu’ils peuvent faire l’objet de modifications.
Or on nous a indiqué que nous ne serions obligatoirement informés de ces amendements que s’ils entraient dans le cadre de l’article 53 de la Constitution. Nous ne serons donc pas informés des modifications qui n’entrent pas dans ce cadre, sauf si le Gouvernement le souhaite, ou si, en parlementaires avisés, nous l’interrogeons.
Je ne pense pas que l’on puisse demander l’accord des parlementaires sur des accords de défense s’ils ne peuvent pas les suivre dans le temps. Il faut trouver un moyen pour le faire : soit ils font partie du comité de suivi, soit on met en place au sein de l’Assemblée nationale une commission de suivi ou une mission d’information continue pour suivre régulièrement ces accords de défense et vérifier leur évolution, leur pertinence et l’action sur le terrain de nos forces.
Cette lacune dans le suivi des accords explique que je ne puisse donner un avis favorable au projet de loi. Je m’abstiendrai.
M. Christophe Guilloteau. Je voudrais faire remarquer que j’ai parfois eu le sentiment, durant les auditions que nous avons effectuées, qu’il y avait un certain flou dans le partage des compétences entre le ministère des affaires étrangères et l’état-major des armées. Je suis donc tout à fait partisan de les faire venir, régulièrement, ensemble, devant notre commission pour nous rendre compte de la mise en œuvre de ces accords.
M. le président Teissier. Mes chers collègues, je souligne l’effort accompli par le Gouvernement, qui nous a soumis les textes que nous examinons aujourd’hui, et qui a prévu la mise en place de comités de suivi. J’adhère totalement à la volonté de Mme Adam de suivre la mise en œuvre de ces accords et vous propose, par conséquent, que nous invitions régulièrement, à date fixe, les responsables de ces comités de suivi à nous rendre compte de leur application.
Mme Michèle Alliot-Marie. Je voudrais dire à Mme Adam que la création d’une commission ad hoc, comme elle le propose, affaiblirait la commission de la défense et qu’il est donc préférable que ce soit la commission elle-même qui effectue ce travail d’information et de contrôle.
La Commission émet un avis favorable à l’adoption du projet de loi.
*
* *
ANNEXE : PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE
Ministère des affaires étrangères et européennes
- Mme Élisabeth Barbier, Ambassadrice chargée du suivi de la renégociation des accords de défense franco-africains ;
- M. Luc Sérot Alméras, direction de la coopération de sécurité et de défense ;
- Mlle Sophie Malet, direction des affaires juridiques.
Ministère de la défense et des anciens combattants
- Mlle Camille Faure, direction des affaires juridiques.
État-major des armées
- Colonel Pascal Facon, chef du bureau Afrique.
1 () Dans le cadre du projet d’architecture africaine de paix et de sécurité né en 2003, la Force Africaine en Attente doit permettre aux Africains de ne plus dépendre de la communauté internationale pour la résolution des crises survenant sur leur continent.
2 () La prolongation de l’opération Boali a été approuvée par l’Assemblée nationale le 28 janvier 2009, en application de l’article 35 de la Constitution.
3 () Le programme DDR s’adresse aux ex-combattants de la région des grands lacs. La RCA a accepté ce programme en 2004. Au processus de désarmement s’ajoutent une prise en charge psychologique des anciens combattants (la démobilisation) et une aide économique et sociale à la réintégration.
4 () La Lord’s Resistance Army est un mouvement de rébellion contre le gouvernement de l’Ouganda, qui est apparu en 1988 et opère notamment sur le territoire de la RCA.
5 () Article 24 de l’accord : « Le présent Accord abroge les accords et arrangements conclus antérieurement dans les domaines de la défense entre les deux parties ou leurs autorités compétentes. ».
6 () Article 53 de la Constitution : « Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’État, ceux qui modifient les dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi. ».