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N
° 3308, N° 3309 et N° 3310

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 avril 2011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

– LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun instituant un partenariat de défense,

– LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise instituant un partenariat de défense,

et

– LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine instituant un partenariat de défense,

par M. Michel TERROT

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros :

Sénat : 103, 245, 246, 351, 352, 639, 640, 641 (2009-2010),

et T.A. 71, 73, 74 (2010-2011).

Assemblée nationale : 3194, 3196, 3197, 3289, 3291, 3292.

INTRODUCTION 5

I – RETOUR SUR LES ACCORDS DE DEFENSE ORIGINAUX 7

A – AUTRES TEMPS, AUTRES MœURS… 7

1) Des textes nombreux et anciens 7

2) Des dispositions surannées 9

a) Les dispositions relatives à l’assistance militaire technique 9

b) Les dispositions prévoyant l’intervention des forces armées françaises 10

3) Sur les aspects plus généraux des accords bilatéraux 11

B – QUEL BILAN TIRER DE L’APPLICATION DES ACCORDS EN VIGUEUR ? 13

1) Les coopérations militaires bilatérales de la France 13

a) Les relations franco-camerounaises 13

b) La coopération militaire franco-centrafricaine 14

c) La coopération militaire franco-togolaise 16

2) Des accords bilatéraux qui ont permis à la France de conserver une certaine influence 17

II – LES NOUVEAUX PARTENARIATS DE DÉFENSE, REFLETS DE LA MULTILATÉRALISATION DE NOTRE POLITIQUE DE COOPÉRATION 21

A – L’ÉVOLUTION DE NOTRE POLITIQUE DE DÉFENSE EN AFRIQUE 21

1) Solder l’héritage colonial aux origines de nos accords de défense 21

a) La volonté initiale d’une politique d’influence sur les nouveaux Etats indépendants 21

b) La réduction constante de la présence de forces armées sur le terrain 23

2) La dimension régionale de notre politique africaine de défense 24

a) Des prémices lointaines mais annonciatrices 24

b) Le programme de Renforcement des Capacités Africaines au Maintien de la Paix, RECAMP 25

c) L’action de la France résolument inscrite dans le soutien de cette dynamique 26

B – LE CONTENU DES ACCORDS DE PARTENARIAT DE DÉFENSE 28

1) L’affirmation de principes essentiels 28

2) Sur les autres dispositions 30

CONCLUSION 33

EXAMEN EN COMMISSION 35

ANNEXES 41

Annexe 1 - Liste des personnes auditionnées par le rapporteur 43

Annexe 2 - Sigles et abréviations 45

ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 47

Mesdames, Messieurs,

Le gouvernement a lancé il y a maintenant trois ans l’important chantier de rénovation des accords de défense qui lient la France à ses partenaires africains.

« (…) la présence militaire française en Afrique repose toujours sur des accords conclus au lendemain de la décolonisation, il y a cinquante ans ! Je ne dis pas que ces accords n'étaient pas à l'époque justifiés. Mais j'affirme que ce qui a été fait en 1960 n'a plus le même sens aujourd'hui. La rédaction est obsolète et il n'est plus concevable, par exemple, que l'armée française soit entraînée dans des conflits internes. L'Afrique de 2008 n'est pas l'Afrique de 1960 ! La France en tirera toutes les conséquences avec ses partenaires africains. ». Ces propos, que le Président de la République tenait devant les parlementaires sud-africains au Cap le 28 février 2008, trouvent donc aujourd’hui leur traduction concrète et votre Rapporteur s’en réjouit.

Cinq accords ont d’ores et déjà été conclus, dont quatre, avec le Gabon, la République centrafricaine, le Togo et le Cameroun, ont été présentés au Parlement. Celui signé avec l’Union des Comores devrait l’être très prochainement. Les négociations ne sont en revanche pas encore achevées avec le Sénégal non plus qu’avec Djibouti, cependant que les discussions avec la Côte d'Ivoire sont bien évidemment pour l’heure suspendues.

Dans quelques-uns des pays concernés, tel le Gabon, la France dispose de bases et de troupes stationnées en permanence. Ce n’est pas le cas au Togo, au Cameroun ou en République centrafricaine, où les enjeux sont par conséquent différents. Ces différences se traduisent dans les accords et ont justifié qu’ils soient analysés dans des rapports distincts (1). Le présent rapport propose une analyse conjointe des nouvelles conventions conclues avec ces trois derniers pays entre mars 2009 et avril 2010. Il vous en propose une mise en perspective historique et, notamment, une comparaison avec les textes existants, avant de vous en détailler l’architecture globale qui traduit une approche de la question profondément renouvelée de la part de la France, à mettre en relation de manière plus globale avec l’évolution de nos politiques vis-à-vis du continent africain.

I – RETOUR SUR LES ACCORDS DE DEFENSE ORIGINAUX

A – Autres temps, autres mœurs…

Conformément à l’engagement du Président de la République et à ce que le Livre blanc de la défense avait également annoncé, l’entrée en vigueur des nouvelles conventions abrogera les accords et arrangements conclus antérieurement entre les Parties dans les domaines de la défense et de la sécurité. Un même article figure à cet effet dans chacun des trois accords qui sont aujourd’hui soumis au Parlement (2).

1) Des textes nombreux et anciens

Les textes que les accords soumis au Parlement sont appelés à remplacer datent pour l’essentiel du début des années 1960. Ils recouvrent des aspects fort variés, au point que l’on peut globalement distinguer trois, voire quatre, thématiques : l’assistance technique aux forces armées ; le soutien logistique ; la participation des forces françaises au maintien de l’ordre ; les questions statutaires.

Sur la base des indications fournies par les études d’impact annexées aux projets de loi et des précisions complémentaires obtenues par votre Rapporteur, il apparaît que les dispositifs conventionnels en vigueur sont sensiblement plus nombreux que ceux que le Livre blanc présentait en 2008, étant entendu qu’il a aussi été indiqué à votre Rapporteur qu’existaient d’autres accords, encore à l’heure actuelle classifiés « confidentiel défense » dont on comprendra qu’il ne peut être ici fait mention.

Avec la République du Cameroun, tout d’abord, la France est liée par des textes généralement plus récents, comme on le verra, que ceux en vigueur avec les deux autres pays. Existent à l’heure actuelle l’« Accord de coopération militaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République unie du Cameroun », signé à Yaoundé le 21 février 1974, ensemble une annexe et un échange de lettres (3) ; et le « Protocole d’accord relatif à la sécurité des vols des aéronefs militaires », qui avait été signé le 18 juillet 1966.

En ce qui concerne les relations conventionnelles entre la République centrafricaine et la France, l’étude d’impact jointe au projet de loi mentionne un accord de défense du 15 août 1960 et un accord d’assistance militaire technique du 8 octobre 1966. Néanmoins, selon votre Rapporteur, les deux Parties sont en fait liées par un seul de ces textes, dans la mesure où l’article 11 de l’accord d’octobre 1966, indique précisément que ce texte annule et remplace le précédent « accord concernant l’Assistance Militaire Technique entre la République française et la République centrafricaine en date du 13 août 1960. » (4).

Il n’est pas inutile de rappeler ici qu’à la date à laquelle le premier accord avait été adopté, l’environnement institutionnel était celui de la Communauté française, qui faisait suite à la défunte Union française, disparue avec la IVe République. C’est dans ce cadre qu’un accord quadripartite avait également été conclu le 15 août 1960 (5), auquel étaient Parties la République centrafricaine, la République du Congo et la République du Tchad.

Aux termes de cet accord, il était indiqué que ces trois pays « conviennent d’organiser avec la République française un système commun afin de préparer et d’assurer leur défense et celle de la Communauté dont elles font partie » (article 1) et « se prêtent à cet effet aide et assistance et se concertent d’une manière permanente sur les problèmes de défense » (article 2), étant entendu que, « afin de permettre à la République française d’assumer ses responsabilités dans la défense commune et à l’échelle mondiale », ses trois partenaires « reconnaissent aux forces armées françaises la libre disposition des bases qui leur sont nécessaires. » (article 4).

La Communauté a disparu quelques mois plus tard, dès avril 1961, mais les accords bilatéraux sont restés, quasiment intangibles. Aujourd’hui encore, la France est toujours liée avec la République centrafricaine par des dispositions similaires à celles du 13 août 1960, que la convention intervenue en 1966 n’a modifiées que très marginalement.

Cela étant, la consultation de la base Pacte du ministère des affaires étrangères révèle aussi l’existence d’autres accords intervenant dans le secteur, à savoir un « Protocole d'accord entre la République française et la République centrafricaine relatif à la sécurité des vols des aéronefs militaires », du 21 mai 1966 et un « Accord domanial militaire entre la République française et la République centrafricaine », du 11 avril 1967, qui seront abrogés à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions.

En ce qui concerne la République du Togo, enfin, plusieurs textes sont actuellement en vigueur.

Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, la France et le Togo sont liés par une « convention relative à la participation des forces armées de la République française au maintien de l’ordre public », signée le 25 février 1958, soit avant l’indépendance du Togo le 27 avril 1960, et par un « accord de défense », signé le 10 juillet 1963. L’accord de défense a été approuvé par une loi n°63-1253 du 21 décembre 1963 autorisant la ratification de divers accords et conventions signés le 10 juillet 1963. Un « accord de coopération militaire technique » a par ailleurs été signé le 23 mars 1976. Il a été approuvé par la loi n°76-696 du 6 juillet 1978. Il est précisé que ces accords n’ont pas fait l’objet de décrets de publication.

A cette liste et selon les informations disponibles sur le site Internet du ministère des affaires étrangères, peuvent s’ajouter d’autres accords intervenant dans le champ militaire en vigueur entre la France et le Togo. En premier lieu, une « Convention fixant les règles et conditions du concours de la République française au soutien logistique des forces terrestres, des forces aériennes et de la gendarmerie de la République togolaise », datée du 29 avril 1965 ; ensuite, un « Protocole d'accord entre la République française et la République togolaise relatif à la sécurité des vols des aéronefs militaires », en date du 28 octobre 1965.

2) Des dispositions surannées

Il suffit de survoler les accords encore en vigueur pour se convaincre, effectivement, de leur obsolescence, qui se reflète notamment dans les dispositions relatives à l’assistance militaire technique ou, surtout, dans celles encadrant la participation des forces armées françaises au maintien de l’ordre public dans les pays africains partenaires.

a) Les dispositions relatives à l’assistance militaire technique

A titre d’illustration, concernant le premier aspect, votre Rapporteur s’attardera sur l’accord « concernant l’assistance militaire technique entre la République française et la République centrafricaine », du 8 octobre 1966.

On relève au fil des articles, que les Parties sont convenues, conformément à l’accord de défense quadripartite, que « la République française apporte son concours à la République centrafricaine pour la constitution de ses Forces armées » (article 1). A cette fin, en premier lieu, « la République française fournit à titre gratuit la première dotation en matériels et équipements nécessaires à la constitution des Forces Armées de la République centrafricaine » (article 2). Ces dispositions figuraient déjà dans le texte de 1960 et ont été reprises sans modification, si ce n’est que le concours prévu à l’article premier bénéficiait auparavant aussi à la gendarmerie centrafricaine.

Par ailleurs, il est précisé que la République centrafricaine « s’engage à faire appel en priorité à la République française pour la formation de ses cadres », (article 10), et, « en vue d’assurer la normalisation des matériels, s’adresse en priorité à la République française pour l’entretien et le renouvellement des matériels et équipements de ses Forces Armées » (article 4), lesquelles « peuvent faire appel, pour leur soutien logistique, au concours du gouvernement français » (article 5). Ici non plus, ces dispositions ne diffèrent pas fondamentalement de celles de l’accord initial, si ce n’est dans le fait que la République française bénéficiait antérieurement, dans le texte de 1960, de l’exclusivité, et non simplement de la priorité, en matière de formation des cadres militaires centrafricains et de fourniture et de renouvellement de matériels.

Pour être parfois plus récentes, les dispositions que l’on retrouve ailleurs sont de la même tonalité et n’appellent par conséquent pas de commentaire bien différent. Ainsi en est-il de l’accord de coopération militaire conclu avec le Cameroun le 21 février 1974. Celui intervenu le 29 avril 1965 entre la France et le Togo, relatif au soutien logistique des forces terrestres, des forces aériennes et de la gendarmerie togolaises, ne s’éloigne pas de ces principes et détaille les modalités du soutien de la France, en ce qui concerne la prévision des besoins, les modalités de livraison, de cession et de facturation, ainsi que le champ d’application, en d’autres termes, la liste des unités et formations concernées.

b) Les dispositions prévoyant l’intervention des forces armées françaises

L’esprit général des autres textes liant la France à ces trois pays, qui sont la base sur laquelle notre pays a été amené à intervenir militairement à plusieurs reprises, est vraisemblablement assez bien traduit par la convention franco-togolaise, la seule que votre Rapporteur ait véritablement pu étudier.

Signée le 25 février 1958 et entrée en vigueur le 5 mars 1958, et par conséquent antérieure, comme plusieurs autres, à l’indépendance du pays, cette convention est « relative à la participation des forces armées de la République française au maintien de l’ordre public. » (6). Elle est particulièrement éclairante.

Elle affirme en premier lieu dans son article 1er que « le gouvernement de la République du Togo est responsable de l’ordre public sur le territoire de la République du Togo », étant précisé que, « outre ses propres forces de police, il dispose à cet effet d’éléments de gendarmerie qui peuvent être mis à sa disposition pour emploi par le Haut-Commissaire ». La convention indique surtout à l’article 3 que « si l’évolution de la situation intérieure l’exige, le Représentant de la République française peut, à la demande du Gouvernement de la République du Togo, accorder l’appui d’unités de la Gendarmerie et des Forces Armées Françaises au maintien de l’ordre public dans le territoire de la République du Togo », étant précisé que « ces forces peuvent être employées dans les conditions prévues pour leur utilisation à l’intérieur du territoire de la République française ». Enfin, et surtout, sans ambiguïté sur le degré possible d’engagement de la France en appui des autorités togolaises, l’article 4 précise que « si des événements graves, mettant en péril imminent l’intégrité des limites territoriales du Togo ou sa sécurité intérieure, entraînant un empêchement absolu pour le Gouvernement togolais d’assurer l’exercice du pouvoir, le Représentant de la République française est habilité à prendre, à titre exceptionnel et essentiellement provisoire, toutes dispositions nécessaires au rétablissement de l’ordre et de la légalité togolaise. ».

Ultérieurement, l’accord bilatéral de défense du 10 juillet 1963, entré en vigueur le 8 février 1964 (7), rappellera notamment, dans son article 2, que « la République du Togo, responsable de sa défense intérieure et extérieure, peut demander à la République française une aide dans des conditions définies par des accords spéciaux. ». Il précisera que le Togo s’engage à donner aux forces armées françaises « toutes facilités et aides nécessaires à sa défense » lorsqu’elles agissent à sa demande en application de l’article 2 et énumèrera notamment parmi ces facilités « le stationnement éventuel et la libre circulation sur le territoire togolais ; la libre circulation dans l’espace aérien et dans les eaux territoriales ; l’utilisation des infrastructures côtière, ferroviaire, routière et aérienne et des réseaux postaux et de télécommunications ; l’établissement et l’utilisation sur le territoire et dans les eaux territoriales des balisages aériens et maritimes et des moyens de transmissions nécessaires à la sécurité et à l’accomplissement des missions des forces armées. » (article 5).

3) Sur les aspects plus généraux des accords bilatéraux

Comme indiqué plus haut, la plupart des conventions encore en vigueur prévoient en outre un certain nombre de dispositions, qui portent sur un ensemble de questions essentiellement relatives au statut des troupes et des personnels ainsi qu’aux facilités qui leur sont accordées.

Ainsi, afin d’assurer l’encadrement, la formation et l’instruction des cadres militaires nationaux, partie intégrante des accords d’assistance technique, il est notamment prévu que la France mette à disposition ou détache des personnels militaires. Ce type de mise à disposition se retrouve par exemple dans l’accord de défense franco-centrafricain de 1966, dans l’accord de coopération franco-camerounais de 1974, comme dans l’accord franco-togolais de 1958. Parfois regroupés au sein d’un « bureau d’aide militaire », ces personnels servent dans les forces armées des pays partenaires, sous l’uniforme de celles-ci ou en civil, tout en conservant le statut qui est le leur selon la réglementation française. Des dispositions relatives à la notation des agents concernés et à la discipline sont prévues.

L’annexe de l’accord de coopération militaire franco-camerounais de 1974 dans son article 4, précise expressément que les personnels mis à disposition pour assurer des tâches d’instruction, servant sous l’uniforme camerounais ou en civil « ne peuvent prendre part à l’exécution d’opérations de guerre et de maintien ou de rétablissement de l’ordre et de la légalité ». Quoique moins explicite, la rédaction de l’accord avec la République centrafricaine en 1966, permet de conclure qu’il en est probablement de même dans ce pays. Ce n’est pas le cas en revanche de celle de l’accord franco-togolais de 1958 prévoyant l’intervention des forces françaises pour le rétablissement de l’ordre, dont l’article 2 indique que « des cadres appartenant à la gendarmerie pourront être détachés auprès des forces de police togolaises pour assurer leur encadrement et leur instruction », avant de détailler les conditions de leur participation.

Parmi les dispositions figurant généralement aux annexes des conventions, on relève les éléments relatifs au statut personnel des membres des forces armées françaises sur le territoire de ses partenaires africains. Elles concernent notamment les règles applicables en matière d’infraction et la fixation des juridictions compétentes pour en connaître selon leur nature. Concrètement, les personnels militaires français, qui restent sous leur statut d’origine, sont soumis aux juridictions françaises en cas d’infraction commise dans le service ou à l’intérieur des bases et installations françaises. Dans les autres cas, les tribunaux nationaux sont compétents, étant entendu que l’arrestation d’un membre des forces armées françaises ne peut intervenir qu’en cas de flagrant délit, moyennant avis immédiat aux autorités militaires françaises et remise de l’intéressé à celles-ci dans les délais les plus brefs. Les règles de coopération et de communication lors de l’enquête, de facilitation ou d’indemnisation équitable inter forces entre les deux Parties sont également prévues.

Enfin, les accords prévoient que les militaires français chargés de l’assistance technique bénéficient de certains droits et privilèges, telle que l’autorisation d’importer en franchise de droits de douane leurs effets personnels. Ils peuvent importer sous le régime de l’admission temporaire, et réexporter dans les mêmes conditions à leur départ définitif, du mobilier ainsi qu’un véhicule privé. Le gouvernement français prend naturellement à sa charge leur solde et ses accessoires, leurs frais de transport et maintient leurs droits acquis, cependant que le gouvernement hôte est responsable d’autres charges, telles que les heures supplémentaires, les vacations, les frais de déplacements intérieurs, etc. Les règles relatives aux modalités d’imposition sont établies dans les accords ou leurs annexes : les personnels restent assujettis aux impôts directs français et ne sont pas assujettis aux impôts directs du pays dans lequel ils sont affectés. Des facilités exclusives peuvent être prévues à leur bénéfice : économats, services postaux et sociaux, cercles et autres foyers, de même qu’en matière de paierie militaire.

Une certaine réciprocité est instaurée, dans la mesure où les accords d’assistance militaire technique prévoient aussi parfois la possibilité pour des élèves et stagiaires militaires des pays partenaires d’intégrer des « grandes écoles et établissements militaires français », et les conditions d’accès qui leur sont réservées.

B – Quel bilan tirer de l’application des accords en vigueur ?

Au terme de leur existence, il est opportun d’essayer de tirer un bilan de l’application des différents accords que notre pays a souhaité remplacer et de rappeler l’évolution de notre coopération militaire avec ces partenaires africains.

1) Les coopérations militaires bilatérales de la France

a) Les relations franco-camerounaises

A l’heure actuelle, notre pays entretient avec le Cameroun une coopération de défense importante, d’un montant de 3,95 millions d’euros en 2011, et ce pays occupe le 1er rang parmi nos partenaires. L'aide se traduit notamment par la mise à disposition de 17 coopérants permanents, pour l’essentiel basés à Yaoundé (8) et par l’attribution d'une aide logistique directe de près de 300 000 euros. De même, selon les renseignements qui ont été communiqués à votre Rapporteur, peut-on signaler l’appui aux projets par la réalisation de 7 missions de renfort temporaires (MRT), pour un coût de 25 000 euros ou la formation de stagiaires : 35 en France et 26 dans les écoles nationales à vocation régionale (ENVR) en Afrique. Le budget total des actions de formation de défense menées au Cameroun est de 754 000 euros.

On peut distinguer plusieurs thématiques parmi les projets de coopération militaire actuellement en cours. La formation des cadres, en premier lieu, reste un aspect important de notre coopération, notamment grâce aux écoles nationales à vocation régionale. A ce titre, le Cours supérieur interarmées de défense (CSID) de Yaoundé, lié par convention à l’Ecole de Guerre, dispense un enseignement militaire supérieur du second degré équivalent à celui de celle-ci. La 6e promotion (2010-2011), qui accueille 33 officiers supérieurs de 20 nationalités, compte 8 Camerounais. De son côté, le Pôle aéronautique national à vocation régionale (PANVR) de Garoua assure la sélection des pilotes et dispense différentes formations aéronautiques (pilotage élémentaire, formation d’observateurs et de mécaniciens). Dans le même temps, des stagiaires camerounais sont en formation en France, au nombre de 35 pour 2011, dont 1 à l’Ecole de guerre, 7 à l’Ecole de Formation Officiers, 1 à l’IHEDN/FICA et 20 en stages de spécialisation d’armées.

Dans un souci d’optimisation, la DCSD entend recentrer progressivement son action sur les projets à forte valeur ajoutée régionale, notamment vis-à-vis des ENVR. Ainsi, la capacité d’accueil du CSID de Yaoundé devrait-elle être portée à 42 stagiaires à la rentrée 2011. De même, en ce qui concerne la sauvegarde des approches maritimes, le projet d’action de l’Etat en mer (AEM) sera-t-il recentré en 2011 sur le centre opérationnel de la marine camerounaise de Douala (COM), co-localisé avec le Centre multinational de coordination et d’information (CMC) de la CEEAC. En d’autres termes, comme votre Rapporteur le soulignera ultérieurement en présentant la logique des nouveaux accords de partenariat, la dimension régionale de notre coopération tend à s’affirmer.

Parmi les autres volets concernés par notre coopération bilatérale, on relève le conseil de haut niveau et la valorisation des organismes centraux par la présence d’un conseiller auprès du ministre de la défense et des hautes autorités militaires, l’action de l’Etat en mer avec la sauvegarde des approches maritimes et l’amélioration de la sécurité des bâtiments camerounais ou encore la question des ressources humaines.

Le Cameroun n’a pas signé d’accord similaire au nôtre avec aucun autre pays européen, bien qu’il ait des relations de coopération militaire avec d’autres partenaires, et que des protocoles d’accord aient été établis pour permettre les opérations de transit logistique par le Cameroun lors de l’opération EUFOR Tchad - RCA. Ses principaux partenaires sont à l’heure actuelle les Etats-Unis qui proposent des formations dans certaines écoles américaines ou via des missions de courte durée au Cameroun dans le cadre des escales des bâtiments de l’Africa Partnership Station (APS), du programme ACOTA (équivalent américain de RECAMP). Les Etats-Unis fournissent également au Cameroun du matériel et des équipements. Israël mène des actions de coopération assez suivies, missions ponctuelles et discrètes pour des formations qualifiantes lorsque les Etats-Unis ou la France ne peuvent répondre aux sollicitations diverses. De son côté, la Chine envoie des équipes de maintenance pour l’entretien de matériels déjà fournis, attribue de nombreuses places de stage dans les écoles de formation militaire jusqu’au niveau EMS2.

b) La coopération militaire franco-centrafricaine

Selon les informations qui ont été données à votre Rapporteur, la coopération militaire avec la République centrafricaine a toujours été conséquente. En termes d’effort budgétaire, elle représente aujourd’hui 1,4 million d’euros. Elle s’est longtemps appuyée sur une présence militaire forte, en particulier via les EFAO, - Eléments français d’assistance opérationnelle -, et a essentiellement consisté en la restructuration permanente des forces armées. En raison de l’instabilité politico-militaire sur fond de coups d’état et de mutineries récurrents, et malgré le bénéfice de cette coopération militaire importante, l’armée centrafricaine n’a toutefois jamais atteint une organisation et un volume suffisant pour honorer ses responsabilités régaliennes. Ce n’est que dernièrement, depuis 2003, qu’une amélioration sensible est observée. Les effectifs ont doublé, passant d’environ 4000 hommes à plus de 8000, en comptant les forces de gendarmerie et, si la capacité opérationnelle reste faible, l’armée centrafricaine est désormais capable de mener des opérations autonomes de portée limitée.

Ces dernières années, notre coopération militaire s’est resserrée, pour éviter de se substituer systématiquement aux Centrafricains et elle a été mieux ciblée. Elle s’articule autour d’un nombre de conseillers bien moindre que dans les années 1980 et 1990, de 6 coopérants permanents mis à disposition aujourd’hui, basés à Bangui, contre une cinquantaine dans ces années-là.

Outre un volet logistique, de 275 000 euros, les principaux axes de notre coopération militaire avec ce pays portent sur la formation du personnel, le conseil de haut niveau et la réorganisation des forces armées.

Au titre de la formation des cadres militaires, première priorité de notre action, dans la mesure où la stratégie de coopération entend accompagner la stabilisation du pays en sortie de crise, 22 stagiaires, 7 en France et 15 dans les écoles nationales à vocation régionale en Afrique (ENVR), sont actuellement pris en charge. Cette action s’effectue également au sein de l’école spéciale de formation des officiers d’active (ESFOA) et de l’école de formation des sous-officiers d’active du centre de formation Kassaï, dans lesquelles 60 officiers et 60 sous-officiers des forces armées centrafricaines sont actuellement en formation. Le budget total des actions de formation de défense est de 125 000 euros. Les militaires centrafricains en stage en France se répartissent entre les formations suivantes : séminaires de haut niveau de l’IHEDN/FICA (1) ; stage de spécialisation Terre (3) ; stage de spécialisation (gendarmerie), Ecole d'Application Officiers et Ecole de Formation Officiers, un militaire chacun.

Le volet plus particulièrement axé sur la réorganisation des forces armées centrafricaines se traduit par un effort sur l’amélioration de leurs capacités opérationnelles, dans le cadre du transfert aux forces armées centrafricaines de responsabilités exercées jusqu’ici par la Mission de consolidation de la paix en Centrafrique de la CEEAC (MICOPAX) : moyens de mobilité tactique et de transmissions, équipement des recrues, logistique et capacités de projection. Enfin, au titre de la coopération opérationnelle conduite par l’EMA, au travers de l’opération Boali et des forces françaises au Gabon (FFG), des Détachements d’instruction opérationnelle (DIO) et des Détachements d’instruction technique (DIT) au profit des forces armées centrafricaines dans le cadre de l’appui à leur restructuration sont conduits annuellement, et mobilisent une vingtaine de militaires français.

D’autres partenaires de la RCA la soutiennent également dans le cadre d’une coopération de défense. L’Afrique du sud entretient un détachement qui varie d’une dizaine à une cinquantaine de militaires, répartis entre Bangui et Bouar, pour assurer des formations ponctuelles. Un projet tripartite entre la République centrafricaine, l’Afrique du sud et la France avait été élaboré en 2008-2009, qui n’a finalement pas abouti. L’Afrique du sud a consécutivement revu à la baisse l’effort initialement envisagé de 50 millions de dollars sur 5 ans. Comme ailleurs, la Chine offre à la RCA de 50 à 100 places de stages, selon les années, de tout type et tout niveau (de l’Ecole de guerre à la formation de spécialistes en sécurité). De son côté, le Tchad fournit une cinquantaine de personnels pour la sécurité du Président de la République centrafricaine et peut par ailleurs exercer un droit de poursuite sur le sol centrafricain ou intervenir au profit des FACA, comme en novembre 2010 pour reprendre le contrôle de Birao. Une force mixte tchado-centrafricaine pour la sécurisation des frontières nord-est de la Centrafrique est en projet, de même qu’un accord tripartite avec le Soudan, envisagé depuis le rapprochement tchado-soudanais finalisé au début 2010.

c) La coopération militaire franco-togolaise

A l’instar de celle qui est menée dans les deux autres pays partenaires précédemment décrits, la coopération militaire engagée avec le Togo porte essentiellement sur la formation, l’aide logistique et la mise à disposition de coopérants permanents. La République du Togo figure parmi nos priorités puisqu’elle se situe au 3e rang de nos partenaires, avec 3,6 millions d’euros en 2011. Tout comme le Cameroun, par exemple, le Togo n’a pas conclu d’accord avec un autre pays de l’Union européenne et il ne semble pas non plus que ce soit en projet.

Au chapitre de la formation, on peut notamment relever la prise en charge de 43 militaires, dont 17 en France, essentiellement en stage de spécialisation d’armées (6), à l’Ecole de Formation Officiers (4) et à l’Ecole d'Application Officiers (4), ainsi qu’en séminaires de haut niveau IHEDN/FICA ou de l’Ecole de Guerre. 26 stagiaires sont dans les écoles nationales à vocation régionale (ENVR) en Afrique. Ces actions représentent un coût budgétaire de plus de 630 000 euros. Des actions de formation d’officiers, à l’école de formation des officiers des Forces Armées Togolaises (EFOFAT) de Kara, et de médecins militaires, à l’Ecole du service de santé de Lomé (ESSAL), qui dispose du statut d’ENVR depuis 1998, sont également financées.

Par ailleurs, 14 coopérants permanents sont mis à disposition, basés à Lomé (pour l’essentiel, 12) et à Kara. Notre coopération porte aussi sur la restructuration de l’outil de défense.

A ce titre, sont notamment signalés des projets d’organisation et de fonctionnement du commandement des forces, et portent sur la gestion des ressources humaines, l’emploi des moyens informatiques, la fonction logistique et la mobilité des forces), des actions de conseil juridique et financier destiné à fournir l’expertise nécessaire à l’administration centrale ainsi que d’appui à la réorganisation du service de santé togolais et à créer une direction centrale. L’attribution d'une aide logistique directe se monte à plus de 320 000 euros. Le renforcement des capacités opérationnelles est également un aspect important de notre action qui se traduit par le soutien des deux patrouilleurs togolais et l’appui aux capacités de surveillance maritime incluant l’appui à l’action de l’Etat en mer, ainsi que par la participation à la maintenance technique des aéronefs et à la préservation des infrastructures de l’armée de l’air.

Selon les indications qui ont été communiquées à votre Rapporteur, dans un souci d’optimisation, notre coopération militaire avec le Togo est appelée à se recentrer progressivement sur les projets à forte valeur ajoutée régionale que sont l’ESSAL, en l’intégrant encore davantage dans le cycle de spécialisation à l’école de Libreville, et la sauvegarde des approches maritimes. Ainsi, le projet d’action de l’Etat en mer (AEM) sera réorienté en 2011 sur les priorités du FSP « Sécurité maritime-Golfe de Guinée » dont le Togo est l’un des trois pays bénéficiaires.

2) Des accords bilatéraux qui ont permis à la France de conserver une certaine influence

D’une manière générale, la coopération militaire que la France a menée avec ces trois pays africains lui a permis de conserver une influence parfois quasiment exclusive. C’est notamment le cas au Togo, dont les cadres, formés en France ou dans les écoles soutenues par la France en Afrique, constituent aujourd’hui le socle de l’armée togolaise. De la même manière, environ les deux tiers de l’encadrement militaire des forces armées camerounaises ont été formés en France. Cela est probablement moins vrai, pour les raisons avancées plus haut, en ce qui concerne la RCA.

La politique de coopération que la France a menée est également considérée comme positive en ce qu’elle a contribué à nouer des relations stables et fiables sur la longue durée. Ces bonnes relations ont par exemple pu faciliter la participation des forces armées des pays bénéficiaires à des opérations que nous avons eu à conduire. Ainsi, selon les informations qui ont été communiquées à votre Rapporteur, les forces togolaises se sont-elles engagées rapidement en Côte d’Ivoire en février 2003. Le Togo a aussi accueilli gratuitement nos aéronefs suite à leur retrait de Côte d’Ivoire après les événements de novembre 2004 à Abidjan et ses forces armées ont relevé le contingent français à Birao (RCA) après notre retrait de EUFOR Tchad RCA. Dans le même esprit, la relation privilégiée entretenus avec le Cameroun permet à la France de disposer d’une mission logistique (MISLOG) essentielle au soutien logistique de l’opération Epervier au Tchad.

La politique de renforcement des capacités des forces armées de nos partenaires que notre coopération militaire conduit leur permet désormais de pouvoir s’engager dans des opérations de paix. C’est le cas du Cameroun, qui mène des actions de sauvegarde maritime dans le golfe de Guinée, ou de la RCA au sein de la FOMAC. Dans le cadre de l’Union africaine ou de la CEEAC, la recherche de la paix régionale, est une préoccupation constante du Cameroun, qui participe à la Force Multinationale (MICOPAX) en République centrafricaine. Le Cameroun envoie aussi régulièrement des observateurs pour les opérations sous l’égide de l’ONU.

Dans le même esprit, les résultats obtenus par notre coopération de défense au Togo sont également considérés comme encourageants et se traduisent par le fait que les forces armées togolaises jouent un rôle appréciable dans la sous-région, dans la recherche de la paix régionale, dans le cadre de l’ONU, de l’UA ou de la CEDEAO. On note ainsi l’engagement des troupes togolaises au Tchad (MINUAD), ou l’envoi régulier d’observateurs pour les opérations sous l’égide de l’ONU. Le Togo s’est aussi porté candidat pour fournir le renfort prévu de sa force en Côte d’Ivoire dans le cadre de l’ONUCI. Au total, il apparaît que les forces armées togolaises possèdent désormais une solide culture en matière d’opérations de maintien de la paix. Les contingents que le Togo met à disposition des OMP, auprès de l’ONUCI, de la MINURCAT sont appréciés pour leur bonne qualité.

En République centrafricaine, pays en sortie de crise qui, manquant fortement de structures et de moyens, dépend de ce fait de l’aide en matière de défense, notre action de coopération commence également à être valorisée et se traduit par l’amélioration de la capacité des forces armées centrafricaines à assumer leurs missions de sécurisation, en complément de l’action que mène dans ce pays la communauté internationale, avec en particulier la présence pour le maintien de la paix de la Force Multinationale de la CEEAC (MICOPAX). Les actions de la France s’inscrivent dans le cadre global et multilatéral de la réforme du secteur de sécurité centrafricain, en étroite coordination avec les nombreux autres acteurs impliqués de la communauté internationale.

Enfin, les bénéfices ne sont pas non plus inexistants sur le plan des équipements en matériels, et la France entretient notamment des relations régulières avec le Cameroun dans le domaine de l’armement. En 2006, le président Biya a ainsi demandé au ministre de la Défense de l’aider à rééquiper et moderniser son armée. Pendant plusieurs mois, la Direction générale de l’armement et l’état-major camerounais ont travaillé en ce sens pour la formulation d’un projet d’offre globale portant sur des matériels terrestres, navals, aéronautiques, ainsi que de transmissions. A ce jour, la Partie camerounaise n’a toutefois pas encore pris de décision. De même, les matériels d’origine française dominent encore le parc d’équipements togolais, même s’il s’est dégradé ces dernières années suite à la réduction des crédits d’investissements et de maintenance. Depuis 2008, les relations se sont de nouveau intensifiées, et la République du Togo a acquis du matériel neuf, pour des montants de 2 à 4 millions d’euros par an, auprès des sociétés Panhard, ACMAT et Protecop. Le Togo envisage aujourd’hui la révision de ses Alphajets, la remise à hauteur de ses AML et l’acquisition de patrouilleurs de surveillance côtière et d’hélicoptères de seconde main. En revanche, compte tenu de la faiblesse des moyens financiers de la RCA, les achats sont modestes et se limitent à quelques véhicules, le plus souvent d’occasion et il est peu probable qu’il en soit autrement à court terme, malgré l’importance des besoins.

Enfin, pour clore ce chapitre sur le bilan des accords de défense existants, selon les informations qui ont été communiquées à votre Rapporteur, il semble qu’il n’ait pas été fait application du volet intervention militaire des accords en République du Togo. Ces dispositions ont en revanche été invoquées au Cameroun, où la clause d’assistance mutuelle a joué dans le cadre du différend entre le Nigeria et le Cameroun relatif à la possession de la péninsule de Bakassi, et a conduit à la mise en place de l’opération ARAMIS en février 1996, à la suite de l’occupation par les troupes nigérianes au début de cette année-là. La mission d’assistance s’est traduite par un soutien aux forces camerounaises dans les domaines du renseignement et de la formation des unités. ARAMIS a permis de « geler » les positions et de laisser place à l’ouverture des négociations, conclues en 2006 par l’accord de Greentree, sous l’égide de l’ONU, aux termes desquelles la péninsule devait être restituée au Cameroun. L’opération s’est achevée le 31 mai 2008.

Il en a été de même en République centrafricaine à plusieurs reprises. Dans les années 1980, les forces françaises ont eu à participer à la sécurisation du territoire en menant des opérations contre les coupeurs de route (dans le nord-ouest du pays) et contre le braconnage (dans le sud-est ou le nord). Ces opérations étaient exécutées en appui des forces armées centrafricaines. Il en a été de même en 1996-1997, et l’armée française, dans le cadre de l’opération Almandin, est intervenue pour faire face aux mutineries d’une partie de l’armée. Dernièrement, en novembre 2006 et mars 2007, la France est aussi intervenue en appui des FACA pour la reprise de villes du Nord, dans le cadre de l’opération Boali.

II – LES NOUVEAUX PARTENARIATS DE DÉFENSE, REFLETS DE LA MULTILATÉRALISATION DE NOTRE POLITIQUE DE COOPÉRATION

Tant sur la forme que sur le fond, les dispositifs conventionnels actuellement en vigueur entre la France et ses partenaires ne peuvent plus être considérés comme satisfaisants. Ne serait-ce que parce que pour chacun de ces pays, les accords sont épars, parfois très échelonnés dans le temps, et qu’ils couvrent des domaines fort différents, au point que la vision d’un ensemble cohérent ferait presque défaut. Mais aussi, et surtout, parce que, ainsi que le soulignait le Livre blanc, « les accords de défense bilatéraux passés avec les pays africains correspondent à un moment historique, la fin de la décolonisation, qui appartient au passé. » (9). Il était devenu urgent et indispensable non seulement d’actualiser et d’unifier l’approche de la France, mais de la mettre en concordance avec l’évolution majeure qu’a connue notre politique de défense vis-à-vis du continent africain.

A – L’évolution de notre politique de défense en Afrique

Quoi qu’on en dise, notre politique militaire vis-à-vis des pays africains est, aux yeux de votre Rapporteur, de celles qui ont le plus profondément évoluées depuis ses origines.

1) Solder l’héritage colonial aux origines de nos accords de défense

a) La volonté initiale d’une politique d’influence sur les nouveaux Etats indépendants

Lors d’une communication présentée en 1979 dans le cadre d’un colloque sur la politique africaine du général de Gaulle, la doctrine française en matière de défense, telle qu’elle avait été fixée aux débuts de la Ve République, était analysée, sur la base d’un article de Pierre Messmer paru dans la Revue de défense nationale en mai 1963. Pour le ministre des armées de l’époque, la politique militaire française en Afrique s’articulait autour de quatre axes :

• « La sécurité intérieure est à la charge des autorités locales. Sur demande expresse de ces dernières, la France peut, toutefois, prêter sur ce plan un concours exceptionnel.

• Les forces armées françaises ont conjointement une mission de défense globale et de coopération technique. Elles peuvent constituer un moyen d’action supplémentaire en cas d’agressions locales ou de menées subversives.

• L’infrastructure de défense comprend des bases principales et secondaires, des garnisons de sûreté aux confins sahariens et des escales aériennes. Compte tenu de l’hostilité de l’O.U.A. à l’égard des installations étrangères, le système doit pouvoir être modulé et " varienté ".

• Sur place, la France dispose de forces légères et mobiles et maintient en état une organisation de commandement, de transmissions et de renseignements permanents. » (10).

D’une certaine manière, on retrouve dans cette description les thématiques principales qui courent au long des accords de défense conclus par la France avec la République centrafricaine, la République du Togo ou encore le Cameroun que votre Rapporteur a présentées. La plupart des autres pays africains, anciennes colonies de la France, partageaient la même situation que ces trois pays, puisque « pour s’en tenir aux accords de défense, le panorama est le suivant : des quinze Etats issus de l’ancienne Union africaine (sic), onze se lient en ce domaine. En premier lieu, les six Etats membres de la Communauté rénovée qui signent des accords de défense mutuelle, ces derniers, pour cinq d’entre eux, s’appliquant également à l’ensemble de la Communauté. (…) Pour quatre de ces Etats (Madagascar, la République centrafricaine, le Congo et le Tchad), l’engagement de défense mutuelle est " automatique"  en cas d’agression. » (11).

On remarquera que c’est en parfaite simultanéité que les divers pans de notre politique de coopération sont décidés dès l’accession à l’indépendance des pays africains : les liens en matière de défense avec les nouveaux Etats se nouent exactement en même temps que les accords de coopération civile portant sur tous les aspects du développement économique, social ou culturel, comme en témoigne, entre autres, la liste publiée sur la base Pacte du MAEE. Ce ne sont par exemple pas moins de sept accords différents, couvrant l’ensemble des champs de la coopération, qui sont signés le 13 août 1960 avec la République centrafricaine. De même en est-il des accords signés « en bloc » avec la République du Togo d’une part le 25 février 1958, d’autre part le 10 juillet 1963. Accords de défense et accords de coopération civile ne vont donc pas les uns sans les autres, ils participent, les uns comme les autres, de la politique d’influence qu’entend exercer le gouvernement français vis-à-vis des anciennes colonies de la France, dans un contexte international tendu. « Dès août 1960, Debré propose à de Gaulle que les gouvernements bénéficiaires de la coopération aient l’obligation de recueillir l’accord français pour l’installation d’un camp militaire étranger. Plus durablement, l’aide économique et en personnels n’est " intéressante " pour la France et, in fine, attribuée par elle, que si l’État bénéficiaire accepte une présence militaire française sur son sol. » (12).

b) La réduction constante de la présence de forces armées sur le terrain

Cette politique, alliant solidarité internationale et défense des intérêts nationaux de la France, s’est donc naturellement accompagnée d’une présence importante des forces françaises dans les premières années, qui a cependant commencé de diminuer très tôt et régulièrement. Selon les données indiquées dans le Livre blanc, l’effectif des forces françaises permanentes en Afrique comptait à l’origine environ 30 000 hommes, pour descendre à 20 000 hommes dans les années 1970, puis 15 000 à la fin des années 1980. (13) L’effectif global des forces françaises en Afrique n’est plus aujourd’hui que d’environ 6 000 hommes, pour les deux tiers en mission de courte durée, soit 4 mois, le reste du personnel étant affecté en famille pour des missions longues de 2 ans.

Cette dernière évolution, qui n’est pas encore totalement achevée, a accompagné la professionnalisation de nos forces entre 1995 et 2007, qui a vu le dispositif se réduire encore, moyennant la fermeture de diverses implantations, et s’adapter à l’organisation du continent africain en sous-régions (14). En d’autres termes, les effectifs affectés dans chacun des trois pays sont donc désormais d’autant moins importants et n’atteignent jamais la vingtaine de coopérants permanents comme votre Rapporteur l’a montré, que ni la République centrafricaine, ni la République du Togo ni le Cameroun n’hébergent plus aujourd’hui de bases françaises, alors que la France disposait par exemple de trois garnisons au Cameroun, - Yaoundé, Douala et Koutaba -, dans les années 1960 ainsi que d’une mission militaire à Bangui et d’une garnison à Bouar, en Centrafrique.

De sorte que si l’on regarde plus en détail ce qu’il en est pour les trois premiers pays avec lesquels la France a conclu de nouveaux accords de partenariat, il n’y a désormais qu’en République centrafricaine que, depuis le départ des éléments français d’assistance opérationnelle (EFAO) en 1996, subsiste un détachement restreint (BOALI), de quelque 200 militaires, essentiellement basés à Bangui. Ce détachement comprend un état-major, une compagnie d'infanterie et un détachement de soutien (maintenance, administration, santé, prévôts) et peut être ponctuellement renforcé, notamment par le biais d’avions de transport tactique ou stratégique, d’hélicoptères, projetés depuis la France ou de ses bases africaines, pour apporter un soutien dans les domaines de la mobilité, du renseignement et de l'appui aérien.

Cette évolution des forces françaises en Afrique traduit l’évolution des missions qui leur sont assignées. Elles ont ainsi été orientées, à partir de 1997, vers des missions de partenariat et de soutien aux organisations régionales articulé sur le concept de Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix (RECAMP), initié par la France, qui vise à donner aux Africains les moyens de concevoir et de mener des opérations de maintien de la paix sur le continent de manière autonome. Il n’est pas indifférent de relever que, de manière identique à ce qui a été constaté au début des années 1960, cette révision se fait parallèlement à celle que connaît de manière concomitante le dispositif français d’aide au développement à la fin des années 1990.

2) La dimension régionale de notre politique africaine de défense

Outre la diminution continue de la présence des forces françaises, retiennent également l’attention les efforts en faveur de l’intégration régionale africaine que notre politique de coopération s’attache à promouvoir depuis l’origine, et de laquelle le volet défense n’est pas absent.

a) Des prémices lointaines mais annonciatrices

Sans qu’il soit utile de s’y attarder longuement, il est opportun de souligner que les débats des dernières années et les orientations qui ont été définies par notre politique, de même que les initiatives qu’elle a prises auprès de la communauté internationale et du continent lui-même, ont précisément eu pour but de contribuer à forger les instruments et à favoriser les conditions d’une politique africaine de défense.

On peut surtout rappeler à cet égard que le projet d’Union africaine et malgache, lancé par la France au tout début des années 1960, tendait déjà à rapprocher une douzaine de pays francophones sur un certain nombre de questions d’intérêt commun, telles que la concertation politique sur le plan international, la représentation diplomatique, la nationalité ou la citoyenneté, ainsi que la défense commune. Des textes furent adoptés en ce sens lors de conférences multilatérales, à Dakar ou à Yaoundé en 1961. Les questions interafricaines étaient très présentes dans la réflexion alors en cours, mais c’est finalement sur l’impossibilité de finaliser un accord militaire entre ses membres que l’UAM disparut en 1964 (15), alors même qu’un pacte prévoyant consultations mutuelles et, le cas échéant, assistance immédiate, que des organes tels qu’un état-major commun et un secrétariat, ou encore que l’organisation d’unités d’intervention et la création d’une école africaine interarmes avait été lancé. Au final, « la défense globale que Paris avait initialement envisagée se morcelle. Restent, jusqu’en 1978, où l’on reparlera d’une force " interafricaine ", les accords entre la France et chaque Etat séparé. » (16).

Quoi qu’il en ait été de cet épisode, il permet de souligner la présence de la dimension collective dans l’approche initiale par la France des questions de sécurité africaine, qui sera notamment réactivée au cours des années 1990.

b) Le programme de Renforcement des Capacités Africaines au Maintien de la Paix, RECAMP

Le programme de Renforcement des Capacités Africaines au Maintien de la Paix, RECAMP, a été initié et conduit par la France à partir de 1994, dans le but de former, d’équiper et d’entraîner les forces armées des pays africains afin qu’ils soient en mesure d’assurer la sécurité du continent, sous l’égide de l’ONU et en accord avec l’Union africaine. Pour l’état-major des armées françaises, « le concept français de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP) répond à la volonté des Africains d’assurer progressivement eux-mêmes la sécurité du continent. Conçu et mis en œuvre par le ministère de la défense, soutenu par le ministère des affaires étrangères, il s’inscrit dans le cadre général d’une politique en Afrique qui se veut ouverte à l’ensemble du continent et coordonnée avec la communauté internationale, en particulier l’ONU et l’Union européenne. » (17).

Selon ses concepteurs, RECAMP répond au triple objectif de satisfaire un besoin exprimé par les Africains, de répondre à une préoccupation de la communauté internationale et d’appuyer le renouvellement de la politique de sécurité en Afrique. Pour atteindre ces objectifs, il entend développer un esprit de coopération, de dialogue et d’échanges entre des pays confrontés à des difficultés similaires, voire tentés par un affrontement direct. En ce sens, la promotion de l’émergence d’une diplomatie préventive africaine capable d’anticiper les crises et réduire les tensions dès leur apparition est un volet essentiel du programme. A terme, RECAMP doit permettre aux Etats africains de mener eux-mêmes des opérations de soutien de la paix sur leur continent, et d’en assumer le rôle principal, notamment dans le cadre des opérations de maintien de la paix de l’ONU ou conduites sous l’égide de l’ONU (« opérations autorisées »). Il s’agit donc, pour les armées africaines, de pouvoir prendre part dans les meilleurs délais aux OMP avec un haut degré de qualification. En ce qui concerne les opérations autorisées, la finalité est de constituer une force multinationale à partir des armées nationales africaines, commandée par des états-majors multinationaux africains et d’assurer le contrôle et la direction des opérations à partir de structures politico-militaires. Dans l’attente, RECAMP s’inscrit en soutien des forces africaines qui s’engageraient dans une opération de maintien de la paix sur le continent.

Pour mener à bien ce programme, qui « est ouvert à l’ensemble de l’Afrique subsaharienne et s’inscrit résolument dans une dimension multilatérale » (18), des actions de formation, d’entraînement en commun sont organisées, de même que la mise en place d’une culture de la prévention, pour développer une coopération régionale aux plans politique, diplomatique et bien sûr militaire : à problématiques multidimensionnelles, solutions plurielles (et non uniquement militaires) à la prévention et à la résolution des crises dont les origines peuvent être culturelles, ethniques, sociales, économiques, politiques ou autres. En d’autres termes, cette ambition suppose une coordination avec l’ensemble des partenaires potentiels, Etats, organisations régionales et internationales, ainsi qu’un travail en profondeur sur la durée. En ce sens, et ne serait-ce que parce que la sécurité du continent africain est considérée, pour aujourd’hui comme pour demain, comme intéressant l’ensemble de la communauté internationale, - cf. le nombre de missions de maintien de la paix, 14, que les Nations Unies y déploient à l’heure actuelle -, une attention particulière est portée à l’articulation entre les diverses initiatives de niveaux bilatéraux et multilatéraux. De sorte que RECAMP s’inscrit de fait dans une coopération multilatérale dans laquelle interviennent les Nations Unies, l’Union européenne, l’Union africaine, ainsi que les initiatives nationales des Etats-Unis, via le programme ACOTA, ou encore du Royaume Uni, via le programme BPST. Chacun, à son niveau, participe du même objectif final, cohérence et complémentarité dans les actions bilatérales et multilatérales concourant au renforcement des capacités des armées africaines sont indispensables.

c) L’action de la France résolument inscrite dans le soutien de cette dynamique

Parallèlement à ces efforts, dès sa création en 2002 et à l’inverse de l’ancienne OUA, l'Union africaine a fait des questions de défense et de sécurité continentales un objet de sa compétence et s’est dotée des institutions nécessaires, au premier rang desquelles le Conseil de paix et de sécurité, CPS, organe de décision sur le modèle du Conseil de sécurité des Nations Unies et la Force africaine en attente, FAA.

En d’autres termes, au sein de l'Union africaine, les pays africains sont eux-mêmes engagés dans une dynamique identique à celle promue par la France depuis des années. La Force africaine en attente est née en 2004 de leur volonté de se doter de capacités opérationnelles propres de prévention et de gestion des crises sur le continent. Constituée de cinq brigades régionales disposant d’états-majors permanents et gérées par les organisations régionales correspondantes, ainsi que d’unités en attente stationnées dans leurs pays d’origine, cette force est susceptible d’être déployée rapidement sur la base des différents scénarios suivants :

Aide militaire pour une mission politique 

Mission d’observation déployée conjointement avec une mission des Nations Unies

Mission d’observation sans appui de l’ONU 

Déploiement d’une force de maintien de la paix (chapitre VII) et missions de déploiement préventif 

Force de maintien de la paix pour des missions complexes et multidimensionnelles (humanitaire, désarmement, administration, etc.) avec présence de groupes hostiles 

Intervention d’urgence.

Il s’agit donc notamment de mettre en place une coopération opérationnelle entre l'Union africaine et les Nations Unies allant de la mission politique à la mission d’urgence, tel qu’en cas de génocide.

Des progrès ont été faits dans l’organisation de cette force depuis ses débuts, mais le chantier reste important et les faiblesses encore nombreuses, compte tenu des aspects financiers ou matériels, du niveau effectif d’intégration régionale, du niveau de formation relative des ressources humaines. Elles se traduisent notamment par une faiblesse des capacités mobilisables et un retard quant à l’atteinte des objectifs, de sorte que l’échéance de 2010 qui avait été initialement fixée pour que la FAA soit opérationnelle a été repoussée à 2015 environ.

C’est la raison pour laquelle une intense coopération internationale accompagne ce processus. Le soutien à la montée en puissance de l’architecture de défense africaine est notamment l’un des objectifs majeurs du partenariat stratégique entre l’Union européenne et l'Union africaine défini à Lisbonne le 7 décembre 2007. C’est la raison pour laquelle aussi la coopération bilatérale de défense de la France est, de manière résolue, orientée vers le soutien des dispositifs africains, par des actions de coopération structurelle ou opérationnelle, essentiellement au profit des brigades régionales de la FAA, pour lesquelles notre pays finance des stages de formation, des exercices, des missions d’expertise et des équipements. Enfin, l’évolution de notre dispositif militaire permanent en Afrique s’inscrit également dans cette démarche et participe aussi au renforcement des brigades de la force africaine en attente. C’est enfin la raison pour laquelle les nouveaux accords de défense s’inscrivent explicitement en soutien des mécanismes africains de sécurité collective et de maintien de la paix dans leurs dimensions continentale et régionale.

En d’autres termes, la logique de l’évolution et des révisions que la France n’a cessé d’imprimer à sa politique africaine en matière de défense, au long de ces dernières années, conduisait naturellement à la révision de nos accords bilatéraux. D’une certaine manière, la finalité en est la même : il s’agit à la fois de s’engager sur la voie d’un nouveau partenariat entre la France et les pays d’Afrique, basé sur des relations plus équilibrées, respectueuses de la souveraineté de chacun, tout en prenant en compte la dimension désormais profondément régionale et multilatérale des problématiques qu’il s’agit de traiter.

B – Le contenu des accords de partenariat de défense

Ainsi que votre Rapporteur l’indiquait en entrée, le premier avantage de ces nouveaux accords de partenariat est d’unifier en un seul texte l’ensemble des dispositions relatives aux relations en matière de défense que notre pays entretient avec ces trois partenaires africains. Cela étant rappelé, l’essentiel réside évidemment dans les principes politiques de coopération qui sont définis.

1) L’affirmation de principes essentiels

Au-delà de l’aspect formel, l’apport essentiel que votre Rapporteur souhaite souligner porte sur l’affirmation claire de principes dans les accords de partenariat ainsi que sur le cadre général dans lequel ils s’inscrivent.

Les objectifs assignés aux partenariats sont déclinés de manière identique. En premier lieu, les articles 2 de chacun des trois accords posent que « dans le respect de leurs engagements internationaux, les Parties s’engagent dans un partenariat de défense, afin de concourir à une paix et une sécurité durables sur leur territoire ainsi que dans leur environnement régional respectif », pour inscrire cette relation dans le cadre de la multilatéralisation de la défense et de la sécurité africaine que votre Rapporteur a décrite plus haut, en précisant que :

• « 2. Dans la perspective de la constitution de la force africaine en attente, les Parties peuvent décider d’un commun accord d’associer les contingents nationaux d’autres Etats africains à certaines activités initiées dans le cadre du présent accord, en concertation avec les organisations régionales concernées.

• 3. L’Union européenne et ses Etats membres peuvent être invités par les Parties à s’associer aux activités prévues par le présent accord. Les modalités de cette participation sont précisées dans des accords particuliers conclus par les parties avec l’Union européenne et toute organisation ou Etat concerné. »

Une légère variante apparaît dans la convention signée avec le Cameroun, dont l’alinéa 2 de cet article, reprenant le principe de l’association des contingents nationaux des autres Etats régionaux, en renforce le caractère multilatéral en soulignant que « les Parties peuvent décider d’un commun accord d’associer les contingents placés sous mandat des Nations Unies, de l’Union Africaine, de la CEEAC, de la CEMAC ou de toute autre organisation sous-régionale ou régionale pertinente ou ceux d’autres Etats africains à certaines activités initiées dans le cadre du présent Accord, en concertation avec les organisations régionales concernées. » On peut relever d’autre part que la convention avec la République centrafricaine précise que rien ne s’oppose dans ce qui est accordé au fait que ce pays puisse conclure des accords bilatéraux avec d’autres Etats membres de l’Union européenne.

En d’autres termes, les accords fixent le cadre d’une coopération militaire dont le but principal est d’accroître les capacités opérationnelles des forces armées des pays partenaires, pour qu’elles puissent prendre toute leur part dans la montée en puissance de la brigade Ouest, - pour ce qui concerne le Togo -, et de la brigade Centre, - pour ce qui concerne le Cameroun et la République centrafricaine -, de la Force africaine en attente.

Dans le même esprit, l’accord répond ainsi à l’une des trois actions prioritaires du volet paix et sécurité du partenariat entre l’Union européenne et l'Union africaine, à savoir le fait de rendre opérationnelle l’architecture africaine de paix et de sécurité, dont l’un des piliers est précisément la mise sur pied de la FAA. A cet égard, il convient de rappeler que les préambules des accords renvoient précisément au Sommet de Lisbonne de 2007 et à l’architecture africaine de paix et de sécurité : « Résolus à inscrire leur coopération dans le cadre du partenariat stratégique Afrique - Union européenne adopté lors du sommet de Lisbonne du 7 décembre 2007, afin de construire une paix et une sécurité durables en Afrique et en Europe ; Déterminés, dans cette perspective, à rendre opérationnelle l’architecture africaine de paix et de sécurité sous la conduite de l'Union africaine, et à soutenir les mécanismes africains de sécurité collective et de maintien de la paix dans leur dimension régionale ou sous-régionale, (…) ».

Dans ce cadre et dans le respect que doivent les forces armées et membres du personnel de l'Etat d’origine aux lois et règlements du pays d’accueil, rappelé aux articles 3, les principaux domaines de la coopération que les Parties mettent en oeuvre en matière de défense sont définis. Ils portent essentiellement sur :

Les échanges de vues et d’informations relatifs aux risques et menaces à la sécurité nationale et régionale

L’organisation, l’équipement et l’entraînement des forces, le cas échéant par un soutien logistique et des exercices conjoints

L’organisation de transits, de stationnements temporaires, d’escales aériennes et maritimes

l’organisation et le conseil aux forces mettant en oeuvre des actions de formation, de soutien technique et la mise à disposition de coopérants militaires techniques français

La formation des membres du personnel du pays bénéficiaire par leur accueil ou leur admission en qualité d’élève ou de stagiaire dans les écoles de formation militaires françaises ou soutenues par la France.

Les articles 4 précisent que cette énumération n’est pas exhaustive et que toute autre activité convenue d’un commun accord entre les Parties en fonction de leurs intérêts communs peut également être objet d’une coopération.

Conformément à l’engagement pris par Président de la République au Cap en février 2008, aucune autre clause n’existe donc plus désormais telle les clauses d’assistance, qui pouvaient prévoir autrefois l’intervention des forces armées françaises pour rétablir l’ordre sur le territoire du pays partenaire. Comme votre Rapporteur le rappelait plus haut, la France confirme par ces accords de partenariat de défense sa volonté d’une relation paritaire et respectueuse avec ses partenaires africains, enfin assainie des scories colonialistes qu’elle a longtemps conservées.

Pour le reste, comparativement à ces changements majeurs d’ordre politique, les nouveaux accords n’apportent pas grande innovation sur laquelle il soit nécessaire de longtemps s’attarder.

2) Sur les autres dispositions

Pour l’essentiel, les dispositifs prévus sont destinés à régler dans le détail les questions statutaires des membres des personnels engagés dans les partenariats de défense.

Sont ainsi abordées les conditions de leur entrée et de leur séjour ainsi que les droits et privilèges qui sont les leurs, par exemple en matière douanière et fiscale, afin d’éviter les doubles impositions. Le principe est notamment posé de la conservation de la résidence fiscale dans le pays d’origine.

Les conditions de port de l’uniforme, de permis de conduire des véhicules et engins militaires, de port et d’utilisation des armes, de même qu’en matière de discipline et de santé font l’objet de l’essentiel du deuxième chapitre de chacun des accords.

En matière d’infractions, de juridictions compétentes en matière de poursuites et de règlement des dommages, le principe est ici posé que les infractions commises par un membre du personnel de l’Etat d’origine ainsi que par les personnes à sa charge relèvent de la compétence des juridictions de l’Etat d’accueil. Celles-ci ont donc priorité de juridiction, notamment dans les cas d’infractions résultant de tout acte ou négligence d’un membre du personnel accompli dans l’exercice de ses fonctions officielles, étant entendu que les dispositions relatives aux garanties juridictionnelles, ainsi qu’aux éventuels accords de transfèrement sont rappelées. Il y a donc sur ce plan un changement important par rapport à ce qui était en vigueur dans le cadre des anciens accords (19).

Dans chaque accord, un chapitre règle les conditions d’exercice des activités organisées dans le cadre de ces partenariats de défense, et traite notamment les questions concernant le déplacement et la circulation des forces, l’importation et l’entreposage des matériels, ainsi que l’échange de personnels et l’installation des systèmes de communication militaire. L’accord avec la République centrafricaine comporte à cet égard une annexe spécifique consacrée au détachement français de Boali, et en fixe le statut et les facilités opérationnelles, sans que cela appelle de commentaire de la part de votre Rapporteur.

Parmi les dispositions finales à relever, indépendamment de l’abrogation de toutes les dispositions antérieures déjà signalée, on note la création d’un comité de suivi binational, composé d’experts militaires et civils originaires des deux Parties, chargé de donner cohérence aux activités prévues dans les accords et de régler, par voie de consultation, les éventuels différends qui pourraient surgir dans l’application des accords.

CONCLUSION

L’intérêt des accords de défense que la France a négociés avec ses partenaires africains ne fait aucun doute. Sur un plan politique, en premier lieu, ils traduisent la nouvelle relation que notre pays souhaite entretenir avec la République centrafricaine, le Cameroun et la République du Togo. Ils traduisent aussi de la façon la plus claire notre soutien résolu aux processus encore en devenir de sécurité collective africains, au renforcement desquels il convient de participer. En ce qu’ils contribuent aussi à ancrer notre coopération de défense dans des principes désormais clairs et indiscutables, ces accords doivent également être salués.

Ils traduisent aussi l’impact sur le long terme des initiatives que la France a prises, et partant, son influence sur des problématiques majeures qui intéressent l’ensemble de la communauté internationale.

Votre Rapporteur vous demande par conséquent d’autoriser l’approbation des trois projets de loi qui nous sont soumis.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 5 avril 2011.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

Mme Chantal Bourragué. Les opérations de maintien de la paix sont toujours décidées en coopération. Or, pour les OMP, il avait été souligné par l’ONU un objectif de présence des femmes dans les forces armées locales, afin que les femmes soient moins souvent victimes de ces conflits locaux.

M. Michel Terrot, rapporteur. Rien dans ces accords ne vise cette question. Les coopérants militaires français peuvent être indifféremment des hommes ou des femmes, et les formations que nous proposons peuvent inclure des éléments répondant à la problématique que vous évoquez.

M. Jean-Paul Dupré. La Force africaine en attente devrait donc être créée d’ici 2015. Combien et quels pays se sont engagés à participer à cette force ?

M. Michel Terrot. Tous les pays d’Afrique se sont engagés, et chacun contribue à la hauteur de ses moyens, avec des différences importantes de situation. S’agissant des trois Etats concernés par les accords examinés aujourd’hui, le Cameroun dispose d’une force armée de 35/40 000 hommes, ce qui permet de mener des opérations extérieures comme en RCA à l’heure actuelle. Le Togo possède également des capacités de projection qui l’ont amené à intervenir en Côte d’Ivoire, en remplacement des forces françaises à partir de 2004, et en RCA. C’est beaucoup plus compliqué pour la République centrafricaine. Malgré des augmentations importantes du nombre de personnels dans certaines armes, comme la gendarmerie, la faible taille de l’armée centrafricaine et la quasi-absence de capacité de projection l’empêchent de jouer un rôle majeur dans la région.

En matière d’organisation régionale de la FAA, le Togo relève de la brigade Ouest, le Cameroun et la RCA de la brigade Centre.

Les difficultés matérielles expliquent largement le retard qu’accuse la mise en œuvre du projet de forces africaines en attente. Il n’est pas sûr que le délai de 2015 soit tenu.

M. Gaëtan Gorce. On peut considérer que le processus dans lequel la France est engagé constitue un progrès par rapport à la situation antérieure, puisque le Parlement est mieux informé et que les clauses les plus problématiques ont été retirées des accords. Quelques difficultés subsistent malgré tout.

Vous dites ainsi que le dispositif actuel exclut toute participation des forces françaises au maintien de l’ordre, mais l’article 4-f du traité prévoit pourtant que des actions pourront être menées dans tout domaine si les deux parties en conviennent. Par ailleurs, l’article 2 fixe comme objectif à l’accord « une paix et une sécurité durables sur leur territoire », ce qui là encore pourrait faire douter de la réalité de l’abrogation des clauses relatives au maintien de l’ordre.

Les articles 4-2 et 5-2 renvoient les modalités de certaines clauses de l’accord à des arrangements et accords techniques. Le Parlement pourra-t-il contrôler que ces textes respectent bien les principes des accords que nous examinons aujourd’hui ?

Je souhaiterais ajouter quelques remarques sur la nature des pays avec lesquels nous nous engageons. Nous avons affaire à quatre Etats dont le caractère démocratique reste à démontrer, notamment pour ce qui est de l’usage fait par l’Etat de la force. Il est dommage d’entamer une stratégie de transparence nouvelle pour l’Afrique avec ces pays. Pourquoi ne pas subordonner nos futurs accords de partenariat à la ratification d’une clause de conditionnalité démocratique sur le modèle de nos programmes d’aide au développement ? Je serais personnellement très favorable à cet encadrement.

Enfin, concernant le Tchad, pays où l’action de la France – notamment en 2008 –a manqué de transparence, pourriez-vous m’indiquer l’état des négociations pour un accord de défense avec ce pays ? Quelles sont les difficultés que poserait un accord ? Quand allons-nous traiter M. Déby de la manière qu’il mérite ?

M. Michel Terrot, rapporteur. Sur vos arguments techniques, les textes eux-mêmes peuvent vous amener à observer les progrès considérables accomplis par rapport au passé. Mais il faut regarder l’avenir, à savoir l’objectif de doter l’Afrique d’une force militaire régionale opérationnelle. On peut toujours chercher dans les textes ce qui n’y est pas.

Sur vos remarques politiques, et notamment la clause de conditionnalité démocratique, il faut souligner que ces accords abrogeront des textes en vigueur qui nous lient aux mêmes pays. Ces textes suppriment les clauses d’automaticité de l’intervention française, et les risques d’intervention dans le cadre du maintien de l’ordre intérieur. Je ne pense pas qu’il soit pertinent de soumettre à une condition supplémentaire des textes qui vont dans le sens d’une coopération régionale en Afrique et d’une meilleure collaboration avec l’ONU et l’Union européenne.

S’agissant du Tchad, les négociations n’ont pas commencé. Dans d’autres pays, elles sont en cours. Selon moi, la difficulté principale est liée à l’importance de notre dispositif militaire dans ce pays, et aux solutions à envisager pour l’avenir. La France souhaite, sinon supprimer, du moins réduire ses effectifs. On a vu qu’il était question de la création d’un centre régional de formation à N’Djamena, mais le champ des options possibles est plus large.

M. Hervé de Charette. Je pense que ces nouveaux accords sont un équilibre satisfaisant entre le point d’où l’on part et celui vers lequel on ira peut-être un jour. Cette zone de l’Afrique de l’Ouest est une région fragile où nous avons de nombreux intérêts et il est normal d’en rechercher la stabilité. De ce point de vue, l’outil militaire est essentiel pour constituer un Etat, et toute action que nous entreprendrons pour doter ces Etats d’un outil de défense moderne et efficace va dans le sens des intérêts de l’Afrique et de la France.

Pour répondre aux remarques de M. Gorce, il est normal de prévoir, dans un accord diplomatique, des développements ultérieurs sans les préciser exactement. Les principes nouveaux de notre coopération militaire avec ces pays sont très clairs et ne sauraient être remis en cause par d’autres dispositions de l’accord. Je souscris pleinement à ces principes qui ont été fixés par le Président de la République à l’occasion de son discours devant le parlement sud-africain, on ne peut que regretter qu’il ne les ait pas développés également en France.

Quels sont les objectifs chiffrés précis pour notre dispositif permanent en Afrique ? Sur la FAA, c’est un objet militaire non identifié : qu’attend-on de cet outil nouveau ?

M. Michel Terrot, rapporteur. Le livre blanc prévoit que les forces françaises en Afrique passeront de 6000 aujourd’hui à 4000 à l’horizon 2014. Leur répartition entre les deux bases, l’une à Libreville et l’autre à Djibouti, une présence à Dakar ainsi qu’une implantation encore en discussion à N’Djamena n’est pas connue.

La force africaine en attente est née en 2004 de la volonté de l’Union africaine de se doter de capacités opérationnelles propres de prévention et de gestion des crises sur le continent.

Constituée de cinq brigades régionales disposant d’états-majors permanents et gérées par les organisations régionales correspondantes, ainsi que d’unités en attente stationnées dans leurs pays d’origine, cette force est susceptible d’être déployée rapidement sur la base des différents scénarios suivants : aide militaire pour une mission politique, mission d’observation déployée conjointement avec une mission des Nations Unies, mission d’observation sans appui de l’ONU, déploiement d’une force de maintien de la paix et missions de déploiement préventif, force de maintien de la paix pour des missions complexes et multidimensionnelles avec présence de groupes hostiles, intervention d’urgence.

Il s’agit donc notamment de mettre en place une coopération opérationnelle entre l'Union africaine et les Nations Unies allant de la mission politique à la mission d’urgence, tel qu’en cas de génocide.

Les brigades régionales sont aujourd’hui constituées mais il est vrai que la mise en place de cette force a pris du retard pour des raisons budgétaires. Les faiblesses sont encore nombreuses, compte tenu des aspects financiers ou matériels, du niveau effectif d’intégration régionale, du niveau de formation relative des ressources humaines. Elles se traduisent notamment par le report de l’échéance de 2010, qui avait été initialement fixée pour que la force soit opérationnelle, à 2015, sans garantie de l’effectivité de cette dernière date. Les choses vont néanmoins dans le bon sens et l’action de la France vise à aider les pays africains à se rapprocher de l’objectif.

M. Serge Janquin. Depuis la décolonisation, nos relations avec l’Afrique ont connu deux changements majeurs : le premier a été l’intégration du ministère de la coopération au sein du ministère des affaires étrangères. Cette décision a été très positive même si elle a parfois été perçue par les pays africains comme une forme de banalisation alors qu’elle se voulait une marque de respect. Le second changement est la mise en œuvre du programme Recamp qui traduit la redéfinition des missions militaires de la France en Afrique. Depuis, l’impression d’être resté au milieu du gué dominait, fondée sur plusieurs reproches : l’un tenait au secret qui entourait les accords de défense, argument peu recevable à l’heure d’Internet ; l’autre concernait l’automaticité de l’intervention française à la demande de l’Etat requérant qui avait pour conséquence de priver le Parlement de son rôle.

Les accords vont donc dans le bon sens mais ne semblent pas mener la logique à son terme. Ainsi l’article 2, qui définit le cadre dans lequel s’inscrivent les actions de coopération est silencieux sur la responsabilité de l’initiative de celles-ci, ce qui est pour le moins préoccupant. De même, l’article 4 précise que la coopération peut porter sur toute autre activité convenue entre les parties dans le domaine de la défense : cette formulation vague permet de tout imaginer. De ce point de vue, les interventions récentes en Libye et en Côte d’Ivoire pourraient faire jurisprudence et nous inciter à retenir le principe d’une intervention à l’initiative de l’ONU et à la demande de son secrétaire général.

Enfin, sur la conditionnalité de l’intervention française, je considère, à la différence de mon collègue, que cette question qui relève de la souveraineté nationale, n’est pas négociable et devrait faire l’objet d’une charte des conditionnalités.

M. Jacques Remiller. Je souhaiterais que vous puissiez faire un point sur la situation politique au Cameroun à l’approche des élections prévues à l’automne. Par ailleurs, le conflit entre le Cameroun et le Nigeria au sujet de la presqu’île de Bakassi, riche en hydrocarbures, ne présente-il pas un risque d’intervention des troupes françaises ?

Mme Martine Aurillac. Je tiens à féliciter notre rapporteur qui a parfaitement retracé l’évolution indispensable de nos relations avec les pays africains. Je m’interroge sur les différences, notables ou non, entre les trois accords que nous examinons.

M. Michel Terrot, rapporteur. Il ne faut pas regarder ces nouveaux accords avec le prisme des anciennes pratiques. Il s’agit d’aider les forces africaines à se doter des moyens nécessaires pour remplir leurs obligations au sein de la force africaine en attente.

Le problème de la presqu’île de Bakassi est réglé depuis un arbitrage international datant de 2004 et accepté par les deux parties.

Enfin, les accords se différencient à la marge seulement. Le Cameroun a souhaité insister sur la dimension régionale de son action puisqu’il est engagé dans le golfe du Gabon aux côtés d’autres pays africains en soutien de l’action des Nations Unies.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification les projets de loi (nos 3194, 3196 et 3197).

*

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, les présents projets de loi dans les textes figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXES

Annexe 1

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

– Mme Elisabeth Barbier, ambassadrice chargée du suivi de la renégociation des accords de défense franco-africains

– Colonel Pascal Facon, chef du bureau Afrique à l'état-major des armées

– Mme Camille Faure, chef du bureau du droit international public au ministère de la défense

– M. Luc Serot-Almeras, direction de la coopération de sécurité et de défense, ministère des affaires étrangères

– Mme Sophie Malet, direction juridique, ministère des affaires étrangères

Annexe 2

Sigles et abréviations

ACOTA Africa Contingency Operations Training Assistance

AEM Action de l’Etat en mer

APS Africa Partnership Station

CEDEAO Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest

CEEAC Communauté économique des Etats d’Afrique centrale

CEMAC Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale

CMC Centre multinational de coordination

COM Centre opérationnel de la marine

CPS Conseil de paix et de sécurité

CSID Conseil supérieur interarmées de défense

DCSD Direction de la coopération de sécurité et de défense

DIO Détachement d’instruction opérationnelle

DIT Détachement d’instruction technique

EFAO Eléments français d’assistance opérationnelle

EFOFAT Ecole de formation des officiers des forces armées togolaises

ENVR Ecole nationale à vocation régionale

ESFOA Ecole spéciale de formation des officiers d’active

ESSAL Ecole du service de santé de Lomé

FAA Force africaine en attente

FFG Forces françaises au Gabon

FACA Forces armées de Centrafrique

FICA Forum de l’IHEDN sur le continent africain

FOMAC Force multinationale de l’Afrique centrale

IHEDN Institut des hautes études de défense nationale

MICOPAX Mission de consolidation de la paix en Centrafrique

MINUAD Mission des Nations Unies et de l'Union africaine au Darfour

MINURCAT Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad

MISLOG Mission logistique

MRT Mission de renfort temporaire

OMP Opérations de maintien de la paix

ONUCI Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire

OUA Organisation de l’unité africaine

PANVR Pôle aéronautique national à vocation régionale

RCA République centrafricaine

RECAMP Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix

ANNEXE

TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun instituant un partenariat de défense (ensemble une annexe), signé à Yaoundé le 21 mai 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

*

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise instituant un partenariat de défense, signé à Lomé le 13 mars 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

*

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine instituant un partenariat de défense (ensemble une annexe), signé à Bangui le 8 avril 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte des accords figure en annexe aux projets de loi (nos 3194, 3196 et 3197).

© Assemblée nationale

1 () L’accord franco-gabonais a fait l’objet du rapport n° 3286, présenté par M. Robert Lecou et adopté par la commission des affaires étrangères le 30 mars 2011.

2 () Article 27 de l’accord franco-camerounais du 21 mai 2009 ; article 25 de l’accord franco-togolais du 13 mars 2009 ; article 24 de l’accord franco-centrafricain du 8 avril 2010, (dont la rédaction ne mentionne pas la sécurité).

3 () L’annexe est « relative aux personnels militaires français mis à la disposition de la République unie du Cameroun au titre de l’assistance militaire technique » ; l’échange de lettres est « relatif au concours des services camerounais dans les opérations de transit et d’achat de forces français ».

4 () Article 11 de l’accord du 8 octobre 1966 ; disponible sur le site de la base Pacte : http://www.doc.diplomatie.gouv.fr/BASIS/pacte/webext/bilat/DDD/19660119.pdf

5 () http://www.doc.diplomatie.gouv.fr/BASIS/pacte/webext/bilat/DDD/19600097.pdf

6 () http://www.doc.diplomatie.gouv.fr/BASIS/pacte/webext/bilat/DDD/19580022.pdf

7 () http://www.doc.diplomatie.gouv.fr/BASIS/pacte/webext/bilat/DDD/19600097.pdf

8 () 11 coopérants sont basés à Yaoundé, 4 à Garoua et 2 à Douala.

9 () Livre blanc « défense et sécurité nationale », page 154.

10 () Pierre Dabezies, « La politique militaire de la France en Afrique noire sous le général de Gaulle », in « La politique africaine du général de Gaulle, 1958-1969 », Actes du colloque organisé par le Centre bordelais d’études africaines, le Centre d’étude d’Afrique noire et l’Institut Charles-de-Gaulle, Bordeaux, 19-20 octobre 1979, page 239.

11 () Pierre Dabezies, op.cit., page 236.

12 () Julien Meimon, « L’invention de l’aide française au développement, Discours, instruments et pratiques d’une dynamique hégémonique », citant une lettre de Michel Debré au général de Gaulle du 21 avril 1961, tirée des archives de l’ancien Premier ministre (Fonds Michel Debré, CHEVS 2 DE 30) ; CERI-Science Po, Questions de recherche, n° 21, septembre 2007, page 21.

13 () D’autres sources font état de forces françaises bien plus conséquentes, du moins dans les premiers temps : dans la communication précitée, sont indiqués pour 1960 : 35 000 hommes dans les Etats de l’ancienne AOF, 45 garnisons ; 12 000 hommes et 25 garnisons pour ceux de l’ancienne AEF et le Cameroun ; 11 500 hommes et 25 garnisons à Madagascar et 1 800 dans le Territoire français des Afars et des Issas, soit au total 58 500 hommes et 95 garnisons. (Pierre Dabezies, op. cit., page 251.)

14 () Livre blanc défense et sécurité nationale, page 156.

15 () Yacouba Zerbo, « La problématique de l’unité africaine, 1958-1963 », in « Guerres mondiales et conflits contemporains », n° 212/2003, pages 120-121.

16 () Pierre Dabezies, op. cit., page 238.

17 () Etat-major des armées, PIA 13.121, Concept de renforcement des capacités africaines au maintien de la paix (R.E.C.A.M.P.), n° 970/DEF/EMP.1/NP du 21 septembre 2004, page 3.

18 () Etat-major des armées, op. cit., page 6.

19 () Supra, page 12.