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No 
3547

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 juin 2011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)
SUR LA PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE (no 3435)
DE M. Jacques MYARD

visant
au maintien par les Etats du taux réduit de TVA pour certaines opérations liées à la filière équine en application du principe de subsidiarité,


ET PRÉSENTÉ

PAR M. Jacques Myard,

Député

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Didier Quentin, Gérard Voisin vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, Patrice Calméjane, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Marie-Louise Fort, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Pascale Gruny, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. UNE REMISE EN CAUSE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE DE LA TAXATION AU TAUX RÉDUIT, POUR UNE TRÈS GRANDE PARTIE DE LA FILIÈRE ÉQUINE 7

A. L’ÉTAT DU DROIT 7

1. L’ancienneté de la taxation au taux réduit des produits agricoles et alimentaires 7

2. Une application claire et générale, mais également d’interprétation stricte, du taux réduit aux chevaux et équidés, en France 9

B. L’ÉTAT DU LITIGE 10

1. Un contentieux récent à l’encontre d’un nombre important d’Etats membres 10

a) Huit pays concernés à l’origine, dont la France 10

b) Une position très forte et très cohérente du Gouvernement 10

2. Une incertitude majeure et préoccupante sur la pérennité du taux réduit en France 11

a) La condamnation des Pays-Bas par la Cour de Justice, en mars dernier, puis de l’Allemagne et de l’Autriche en mai 11

b) Les éléments invoqués par la Commission européenne et retenus par la Cour 11

c) Un contentieux encore en cours pour la France et qui vise à réduire comme une peau de chagrin l’application du taux réduit à la filière équine 13

II. L’IMPÉRATIF DE GARANTIR LE MAINTIEN DE L’APPLICATION DU TAUX RÉDUIT À L’ENSEMBLE DES TRANSACTIONS SUR LES ÉQUIDÉS ET AUX OPÉRATIONS QUI LEUR SONT LIÉES 15

A. CONSTATER LES LIMITES DE LA DÉMARCHE ENGAGÉE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE 15

1. Une procédure initiée quinze ans après l’entrée en vigueur du texte 15

2. Des effets disproportionnés qui fragilisent une filière entière alors même qu’il y a aucun enjeu de marché intérieur 15

3. Des conséquences juridiques paradoxales et contradictoires, car déniant dans les règles fiscales le caractère agricole de la filière équine tout en soumettant l’ensemble des chevaux aux mêmes contraintes sanitaires que les autres animaux d’élevage 16

B. CONTINUER, PAR CONSÉQUENT, À BASER LA FISCALITÉ DES TRANSACTIONS ÉQUINES SUR LA RÉALITÉ DU SECTEUR ET RESPECTER LE PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ 17

1. Pérenniser, contre la complexité d’une analyse au cas par cas de chaque transaction commerciale, la simplicité et l’efficacité d’une approche fiscale unique et cohérente de la filière équine, conformément au Livre vert sur l’avenir de la TVA récemment présenté par la Commission européenne 17

2. Garantir la prolongation d’un taux réduit adapté à la réalité d’un secteur largement constitué de très petites entreprises par nature fragiles, très étroitement imbriquées dans les activités du monde agricole et qui contribuent effectivement à la filière alimentaire 18

a) De petites structures vulnérables à toute hausse du niveau de la TVA et assurant un nombre important d’emplois agricoles 18

b) Une contribution loin d’être marginale à la filière alimentaire 20

c) Des liens structurels avec les autres activités agricoles, notamment l’élevage des autres espèces de gros bétail, et une contribution essentielle à la pluriactivité et au développement rural 21

3. Appliquer conformément aux traités le principe de subsidiarité 22

TRAVAUX DE LA COMMISSION 23

ANNEXE : PROPOSITION DE RESOLUTION 25

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Après le Sénat, dont la résolution sur l’application du principe de subsidiarité en matière de TVA est devenue définitive le 29 mai dernier (résolution no 121), c’est au tour de l’Assemblée nationale de se voir proposer l’adoption d’une résolution européenne demandant le maintien de l’éligibilité au taux réduit de TVA de l’ensemble de la filière équine.

Que les deux chambres du Parlement d’un Etat membre de l’Union européenne jugent opportun d’intervenir sur des dispositions aussi précises du code général des impôts, n’est pas le résultat d’un état d’esprit particulièrement attaché aux points de détail, bien au contraire.

D’abord, ce qui peut paraître marginal vu de Bruxelles ne l’est pas du tout pour les exploitants d’entreprises menacés d’un passage brutal du taux réduit au taux normal de TVA, soit d’une augmentation de 5,5 % à 19,6 % de l’impôt sur leurs transactions. Si leur clientèle non professionnelle ou non assujettie ne suit pas l’augmentation des prix qui ne pourra manquer d’en résulter, la faillite menacera. C’est une filière entière qui est actuellement inquiète, et se sent légitimement en péril.

Ensuite, c’est un élément supplémentaire de déstabilisation de la filière de l’élevage, et point n’est besoin de rappeler qu’entre les difficultés laitières et les conséquences de la sècheresse qui frappe notre pays comme ses voisins depuis la fin de l’hiver, celle-ci est déjà très atteinte. Pour le pays entier, l’enjeu agricole est également important. Il l’est aussi pour ce qui concerne le développement rural et le patrimoine naturel.

Enfin, à l’examen des éléments du litige, on ne peut qu’être convaincu que celui-ci est le résultat d’un contrôle tatillon des services de la Commission européenne sur l’application par les Etats membres de la directive TVA, à savoir la directive 2006/112/CE qui a remplacé il y a cinq ans l’ancienne sixième directive de 1977 sans changer la teneur de ses dispositions.

Celui-ci s’est en l’occurrence joué à partir de « l’exhumation » en 2007, soit quinze ans après l’harmonisation en 1992 du champ du taux réduit, d’un contentieux potentiel sur l’application de taux selon que l’on retienne une conception ou une autre de ce qui relève de l’agricole et de l’alimentaire, selon en définitive que l’on y inclue l’ensemble des transactions relatives au cheval, ou bien uniquement celles, moins nombreuses, menant directement l’animal vivant à l’abattoir ou à l’exploitation du sol, cette dernière notion étant entendue d’une manière très stricte.

Une intervention des parlementaires est donc nécessaire, pour marquer l’importance qu’ils attachent au sujet.

Le calendrier le confirme.

Sur des litiges très voisins, trois de nos partenaires ont déjà été condamnés par la Cour de Justice et sont tenus de faire passer les transactions équines dans le champ du taux normal de la TVA. Il s’agit des Pays-Bas en mars dernier, puis de l’Allemagne et de l’Autriche en mai.

Pour ce qui nous concerne, la France a été traduite devant la Cour de justice, et l’affaire est encore pendante. Une décision est attendue vers la fin de l’année.

Peut-être le présent rapport ne manquera-t-il pas d’apparaître comme critique vis-à-vis de la Commission européenne. Il faut cependant se garder de toute d’erreur d’interprétation.

Il ne s’agit pas d’accabler cette institution, mais au contraire de l’aider, en lui rappelant le cœur de sa mission, à exercer son rôle comme elle devrait le faire, c'est-à-dire en s’attachant à l’essentiel, de manière à construire cette Europe amaigrie, utile et efficace qui pourrait trouver enfin sa légitimité auprès des citoyens.

Ce constat rejoint d’ailleurs celui de M. Jacques Delors, ancien Président de la Commission européenne, Président fondateur de « Notre Europe » qui, lorsqu’il est venu devant la notre commission des affaires européennes le 6 avril dernier, a rappelé en incidente : « Gardons-nous, quoi qu’il arrive, de ceux que j’appelle les westerniens. Un jour, une grande entreprise – Philips, pour ne pas la nommer – a voulu s’installer à Hambourg. Le fonctionnaire westernien en charge du dossier voulait la contraindre à choisir plutôt une région pauvre. Que connaissait-il à l’économie, je vous le demande ? C’est l’inconvénient d’une Commission qui a de vrais pouvoirs dans certains domaines, et une simple capacité de proposition dans d’autres : elle risque d’abuser de ses pouvoirs. Or un fonctionnaire, même s’il a des pouvoirs, est au service des peuples et des gouvernements. »

Dans cet esprit, le présent rapport vise à rappeler d’abord les éléments du contentieux en cours et les difficultés qu’il pourrait engendrer, avant de s’attacher aux éléments de fait et aux principes juridiques qui plaident indubitablement pour un maintien du taux réduit de TVA sur la livraison d’équidés et les activités qui lui sont liées.

I. UNE REMISE EN CAUSE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE DE LA TAXATION AU TAUX RÉDUIT, POUR UNE TRÈS GRANDE PARTIE DE LA FILIÈRE ÉQUINE

A. L’état du droit

1. L’ancienneté de la taxation au taux réduit des produits agricoles et alimentaires

La TVA, qui est une invention française, de Maurice Lauré, inspecteur des finances, a été mise en application dans notre pays à partir de 1954. Il s’agissait, dans le cadre du plan de modernisation économique adopté sous l’impulsion de Pierre Mendès France et d’Edgar Faure, de remplacer les taxes antérieures dites à la production.

Initialement, elle n’a concerné que les seules grandes entreprises. Elle a ensuite été généralisée et a été appliquée jusqu’au niveau du commerce de détail à partir de 1966, dans les conditions prévues par la loi no 66-10 du 10 janvier 1966.

Le taux réduit de la TVA a été pour sa part très vite perçu comme le moyen d’une moindre taxation des produits de première nécessité, au premier rang desquels, naturellement, les produits alimentaires et l’ensemble de la filière agricole qui en assure la production.

Ensuite, au regard du succès de l’expérience française, plusieurs Etats européen ont introduit la TVA dans leur système fiscal, le Danemark en 1967 et l’Allemagne en 1968.

Ils l’ont fait pour certains en liaison avec le Marché commun, dans lequel l’introduction de la TVA a été progressive à partir de la fin des années 1960.

Les grandes étapes ont été les suivantes. En 1967, les deux premiers textes sont intervenus. Ainsi, la première directive 67/227/CEE, entrée en vigueur le 1er janvier 1970 et qui l’est toujours, a prévu le remplacement des taxes sur le chiffre d’affaires existant jusque là par la TVA le 1er janvier 1972 au plus tard, et son application jusqu’au niveau du commerce de détail inclus. Elle a également rappelé le caractère proportionnel de la taxe ainsi que l’obligation de respecter le principe de neutralité vis-à-vis de la longueur du circuit de production et de distribution grâce la déductibilité de la taxe payée en amont.

Simultanément, le Conseil a adopté la deuxième directive 67/228/CEE, plus technique, jetant les premières bases de l’harmonisation, avec la définition des opérations imposables, les règles de territorialité (lieu d’imposition), l’assiette ainsi que les exemptions ou exonérations.

Dix ans plus tard, pour assurer le bon fonctionnement du Marché commun, le Conseil a adopté un texte beaucoup plus complet et détaillé, la « sixième directive » 77/388/CEE 7 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, laquelle a constitué jusqu’à son remplacement récent, pour des raisons techniques, par la directive 2006/112/CE, le texte européen de base en matière de TVA.

La question de la structure des taux et de l’harmonisation de leur niveau n’a été abordée que beaucoup plus tard, à partir de la fin des années 1980, dans la perspective de la réalisation du marché intérieur au 1er janvier 1993 en application de l’Acte unique.

Les travaux correspondants se sont conclus par la directive 92/77/CEE du 19 octobre 1992 qui a procédé à l’harmonisation du nombre des taux, en permettant aux Etats membres d’avoir outre le taux normal, un ou deux taux réduits, et qui a prévu une certaine coordination de leur niveau avec un minimum de 15 % pour le taux normal et de 5 % pour les taux réduits.

L’objectif a été de coordonner et non d’uniformiser, puisque le taux réduit de TVA reste toujours une faculté à la disposition des Etats membres. Ceux-ci sont ainsi libres de choisir dans la liste les biens et prestations de services qu’ils veulent assujettir à taux réduit.

C’est également à cette occasion que le champ d’application des taux réduits a également été établi, avec l’introduction de la liste des biens et prestations de services éligibles, inscrite à l’annexe H de la sixième directive.

Les produits agricoles et alimentaires, et les prestations de services liées, ont été très clairement mentionnés dans cette annexe, traduisant l’éligibilité de toute la filière au taux réduit, avec :

– d’une part, le point 1 de cette annexe mentionnant « les denrées alimentaires (y compris les boissons, à l'exclusion, toutefois, des boissons alcooliques) destinées à la consommation humaine et animale; les animaux vivants, les graines, les plantes et les ingrédients normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires; les produits normalement utilisés pour compléter ou remplacer des denrées alimentaires » ;

– et, d’autre part, le point 10 citant pour sa part « les livraisons de biens et prestations de services d'un type normalement destiné à être utilisé dans la production agricole, à l'exclusion, toutefois, des biens d'équipement, tels que les machines ou les bâtiments ».

A propos de l’application du régime forfaitaire agricole (RFA), la notion d’activité agricole a été précisée de manière détaillée par l’annexe A à la sixième directive.

C’est en effet sous la rubrique « l’élevage en liaison avec l’exploitation du sol » que l’« élevage d’animaux », sans précision ni par conséquent restriction a priori quant à l’espèce, a été mentionné.  

Ces dispositions ont été reprises par la directive précité 2006/112/CE remplaçant la sixième directive et la nouvelle annexe III se substituant à l’ancienne annexe H.

2. Une application claire et générale, mais également d’interprétation stricte, du taux réduit aux chevaux et équidés, en France

Pour ce qui concerne la France, le principe de la taxation à taux réduit du cheval en liaison avec l’agriculture est ancien, même s’il a connu une extension visant à davantage de cohérence en 2003, dans le cadre du plan relatif à la filière.

De manière plus détaillée, les activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation constituent des activités de nature agricole. En application des articles 278 bis, 278 ter et 257 du code général des impôts (CGI), elles sont donc soumises à la TVA selon les modalités du régime agricole et bénéficient du taux réduit de 5,5 % quels que soient le mode d'exploitation et la situation au regard de l'imposition des bénéfices :

- activités d'entraînement, de préparation (prédébourrage, dressage...) et de prise en pension de chevaux de course exercées, ensemble ou séparément, par les éleveurs, les propriétaires ou les entraîneurs ;

- activités d'enseignement de l'équitation, de prise en pension de chevaux, de location d'équidés quelle que soit leur finalité (sports équestres, promenades, randonnées, travail...), de dressage (débourrage notamment) et d'entraînement de chevaux exercées par les centres équestres, les éleveurs, les agriculteurs ou les cavaliers professionnels.

La doctrine fiscale précise que ce taux de 5,5 % est applicable aux activités hippiques (DB 3 C 212). En outre, un taux de TVA de 2,1 % (article 281 sexies du CGI) est appliqué à la vente d'animaux vivants de boucherie et charcuterie par des non assujettis à la TVA.

Cette application du taux réduit est certes large, mais elle n’en reste pas moins interprétée par l’administration fiscale d’une manière stricte, comme en témoigne plusieurs éléments.

Ainsi, les locations de boxes sans entretien du cheval sont assujetties au taux normal, quelle que soit la qualité de celui qui loue le boxe. Elles ne sont en effet pas liées à l’exploitation du sol.

La différence de recettes provenant de l’assujettissement au taux réduit, et non au taux normal, est estimée pour le budget de l’Etat à 300 millions d’euros par an.

B. L’état du litige

1. Un contentieux récent à l’encontre d’un nombre important d’Etats membres

a) Huit pays concernés à l’origine, dont la France

La Commission européenne n’a pas initié de contentieux contre notre seul pays au titre de la taxation du cheval au taux réduit de la TVA.

Lorsqu’elle a été initiée, en 2007, la procédure précontentieuse a visé huit pays pour les chevaux. Outre la France, il s’agissait de l’Allemagne, de l’Autriche, de l’Italie, du Luxembourg, des Pays-Bas et de la République tchèque, ainsi que de l’Irlande pour ce qui concerne non seulement les chevaux, mais aussi les lévriers.

Entre temps, la procédure a été abandonnée pour la République tchèque, l’Italie et le Luxembourg, après modification de leur législation selon les demandes de la Commission européenne.

Le contentieux s’est noué le plus rapidement avec les Pays-Bas, qui a été traduit devant la Cour de Justice et a fait l’objet de la première décision en mars 2011.

b) Une position très forte et très cohérente du Gouvernement

Vis-à-vis de ces litiges, qui n’ont pas exactement la même teneur juridique, car chacun d’entre eux se décline en fonction des spécificités de la législation fiscale nationale, la France a affirmé la cohérence de sa position.

Elle a en effet soutenu, comme le lui permet le droit, chacun des autres Etats membres traduits devant la Cour de Justice au fur et à mesure que les affaires étaient portées devant elle.

2. Une incertitude majeure et préoccupante sur la pérennité du taux réduit en France

a) La condamnation des Pays-Bas par la Cour de Justice, en mars dernier, puis de l’Allemagne et de l’Autriche en mai

Trois jugements sont déjà intervenus dans le cadre du contentieux initié par la Commission européenne sur l’application de la TVA à taux réduit aux chevaux et équidés.

La première décision intervenue le 3 mars 2011, condamnant les Pays-Bas (affaire C-41/09). Cet Etat membre a été condamné parce qu’appliquant le taux réduit de la TVA aux toutes les transactions sur les chevaux, et plus précisément à l’ensemble des livraisons, des importations et des acquisitions intracommunautaires.

Le texte de l’arrêt est très clair :

« En appliquant un taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée à l’ensemble des livraisons, des importations et des acquisitions intracommunautaires de chevaux, le royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 12, lu en combinaison avec l’annexe H, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 2006/18/CE du Conseil, du 14 février 2006, ainsi que des articles 96 à 99, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, lus en combinaison avec l’annexe III de celle-ci. »

Les deux autres décisions sont intervenues un peu plus tard, le 12 mai, contre l’Autriche (affaire C-441/09) et contre l’Allemagne (affaire C-453/09). La condamnation a été la même.

b) Les éléments invoqués par la Commission européenne et retenus par la Cour

Sur le fond, la Cour a, en substance, retenu les éléments suivants qui lui ont été présentés par la Commission européenne :

– les taux réduits de TVA constituent une dérogation à un principe général ; les dispositions correspondantes doivent par conséquent être interprétées de manière stricte ;

– la directive TVA n’autorise par l’application de la TVA à l’ensemble de la filière agricole, puisqu’une disposition spécifique a été insérée à son article 122 pour rendre éligible au taux réduit les produits de la floriculture ;

– seuls les produits et prestations de services mentionnés à l’annexe III de la directive TVA 2006/112/CE sont éligibles aux taux réduit, et il s’agit comme on l’a vu, dans la numérotation issue de la directive 2006/112/CE, des éléments suivants : au point 1, « les denrées alimentaires (y compris les boissons, à l'exclusion, toutefois, des boissons alcooliques) destinées à la consommation humaine et animale; les animaux vivants, les graines, les plantes et les ingrédients normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires ; les produits normalement utilisés pour compléter ou remplacer des denrées alimentaires » ; au point 11, « les livraisons de biens et les prestations de services d'un type normalement destiné à être utilisé dans la production agricole, à l'exclusion, toutefois, des biens d'équipement, tels que les machines ou les bâtiments » ;

– plus précisément, l’arrêt précité indique que : « … le point 1 de l’annexe III n’autorise l’application d’un taux réduit de la TVA que pour les animaux vivants normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires et que, d’autre part, la finalité de cette disposition est de faciliter l’achat de ces denrées alimentaires par le consommateur final. »

– le cheval ne fait pas partie des animaux « normalement destinés à être utilisés » dans la production agricole, au sens du libellé de l’annexe III de la directive ; l’arrêt précité indique : « … que, dans les Etats membres, les chevaux ne sont pas utilisés à titre habituel et de manière générale dans la production agricole. Il en résulte … que seules les livraisons de chevaux en vue de leur utilisation dans la production agricole peuvent faire l’objet d’un taux réduit de la TVA. … ledit point 11 ne permet donc d’appliquer un taux réduit de la TVA à l’ensemble des livraisons de chevaux. »

– il n’est pas non plus un animal « normalement destiné » à la production de denrées alimentaires ; l’arrêt précité indique que : « les chevaux ne sont pas, à titre habituel et de manière générale, destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires, même si certains d’entre eux serviront effectivement pour la consommation humaine ou animale. »

– les logiques des réglementations sanitaires et des règles fiscales sont différentes et l’application des premières ne suffit pas : « … le règlement no 504/2008 [relatif à l’identification des équidés] ne permet pas de déterminer quels chevaux auront, en définitive, une telle destination. En outre, l’article 20 de ce règlement énonce également qu’un cheval peut ne pas être destiné à la consommation humaine. »

– au surplus et à titre subsidiaire, l’utilisation du cheval dans certaines activités en liaison avec l’exploitation du sol, dans les activités de culture, sylviculture et pêche, reste marginale et, par conséquent, la qualification d’agricole au sens de la disposition spécifique au régime forfaitaire agricole ne peut non plus être retenue.

Ainsi, pour la Commission européenne et la Cour, seul un petit nombre d’équidés, ceux qui sont « agricoles » ou directement destinés à l’alimentation, selon la conception étroite qu’elles retiennent de ces notions, sont éligibles au taux réduit et les Etats membres ne seront en conformité avec la directive TVA que s’ils introduisent ces distinctions dans leur droit fiscal ou bien décident d’exclure la totalité de la filière équine du champ du taux réduit.

c) Un contentieux encore en cours pour la France et qui vise à réduire comme une peau de chagrin l’application du taux réduit à la filière équine

Pour la France, l’avis de mise en demeure a été adressé par la Commission européenne en octobre 2007.

En dépit d’une réponse du Gouvernement en janvier 2008, celle-ci a poursuivi la procédure précontentieuse avec un avis motivé en décembre 2008.

Après une nouvelle réponse du Gouvernement en février 2009, contestant à nouveau l’analyse de la Commission, cette dernière a fait de choix de la procédure contentieuse en octobre 2009, en annonçant la saisine de la Cour.

L’affaire est toujours en cours et n’a pas été encore jugée.

Selon les opinions communiquées, la décision pourrait intervenir vers la fin de l’année.

Sur le fond, le champ du contentieux est très large, car il concerne l’ensemble de l’actuelle application du champ d’application de la TVA à la filière équine.

Pour être exhaustif, il est même encore plus étendu, car la Commission européenne conteste aussi l’application d’un taux spécifique de 2,1 % pour la vente d’animaux vivants de boucherie et de charcuterie à des non assujettis à la TVA, alors même que cette disposition était en vigueur au 1er janvier 1991. En outre, elle concerne l’ensemble des équidés, à savoir les chevaux et les ânes.

L’objectif de la Commission européenne est que le taux réduit ne s’applique plus qu’aux opérations relevant de la conception stricte de la production agricole qu’elle défend ou aux opérations étroitement liées à l’insertion directe du cheval dans la filière alimentaire.

Pour être très précis, la Commission européenne reproche à notre droit fiscal tel qu’exposé de manière exhaustive dans la documentation administrative, de ne pas distinguer dans les équidés vivants entre ceux normalement utilisés dans la préparation de denrées alimentaire ou dans la production alimentaire, et de ne pas faire de distinction entre les animaux de boucherie et les autres.

Elle met en cause l’application du taux réduit aux opérations relatives aux équidés qui n’entrent pas dans ce schéma, notamment celles relatives cheval de loisir, au cheval de compétition et au cheval de manège.

Elle considère qu’à chaque opération, il faut déterminer au cas par cas son caractère éligible ou non au taux réduit de TVA, « la destination de l’animal en fonction de critères objectifs tels que sa race ses antécédents, son âge, sont état physique, son prix de vente et le contexte de l’opération ».

La Commission européenne considère également que pour que le cheval soit éligible au taux réduit au titre de son caractère « agricole », il faudrait qu’une disposition précise de la directive le prévoie.

Si notre pays était condamné, la TVA à taux réduit ne pourrait par conséquent plus que s’appliquer qu’à un nombre réduit de transactions. Il en résulterait une grande complexité avec la présence de deux taux de taxation dans une filière qui a sa cohérence économique.

II. L’IMPÉRATIF DE GARANTIR LE MAINTIEN DE L’APPLICATION DU TAUX RÉDUIT À L’ENSEMBLE DES TRANSACTIONS SUR LES ÉQUIDÉS ET AUX OPÉRATIONS QUI LEUR SONT LIÉES

A. Constater les limites de la démarche engagée par la Commission européenne

1. Une procédure initiée quinze ans après l’entrée en vigueur du texte

La procédure précontentieuse est donc intervenue quinze ans après l’entrée en vigueur de la directive précitée 92/77/CEE qui a harmonisé le champ d’application du taux réduit de la TVA par les Etats membres.

On peut s’en étonner, étant donné que le secteur équin est loin d’être confidentiel et que le droit applicable est très clairement présenté dans la doctrine administrative.

2. Des effets disproportionnés qui fragilisent une filière entière alors même qu’il y a aucun enjeu de marché intérieur

Le secteur équin est essentiel pour les personnes qui en vivent, parce qu’il est le cadre d’exercice de leur profession, mais ni sa taille ni son mode de fonctionnement n’en font un véritable enjeu de marché intérieur.

C’est donc incontestablement du point de vue européen un contentieux de détail, mais il pose pour les professionnels concernés une question vitale, car il met en jeu leur survie économique.

Peu d’entre eux semblent en effet en mesure de répercuter la TVA sur le client final, notamment les centres équestres.

On ne peut que regretter que la Commission européenne n’ait pas été sensible à cette disproportion. Il n’y a pas d’enjeu économique majeur pour les Etats membres.

L’absence d’enjeu au regard du marché intérieur et de risque de distorsion de concurrence tient à deux éléments :

– d’une part, l’essentiel des activités économiques du secteur relève soit de la proximité, en raison de la spécialisation des régions d’élevage ou bien en raison de la nature de leurs activités, comme c’est le cas des centres équestres, soit de la tradition, comme c’est le cas des courses. Il y a dans la filière un ancrage territorial profond ;

– d’autre part, contrairement à d’autres secteurs économiques, le secteur équin n’est pas de ceux pour lesquels le niveau de l’impôt indirect exerce une influence sur les conditions de production et le prix de vente hors taxe.

3. Des conséquences juridiques paradoxales et contradictoires, car déniant dans les règles fiscales le caractère agricole de la filière équine tout en soumettant l’ensemble des chevaux aux mêmes contraintes sanitaires que les autres animaux d’élevage

Le contentieux relatif à la TVA sur les chevaux vivants est très paradoxal et profondément contradictoire.

Il nie tout caractère agricole à la filière prise dans son ensemble quand il s’agit de TVA, mais lui impose sinon l’ensemble des principes et règles agricoles propres à l’élevage.

Cette approche propre au droit fiscal européen apparaît comme un contresens profond eu égard au fait que le droit agricole européen, notamment les règles sanitaires communes à plusieurs espèces d’animaux d’élevage, sont applicables aux équidés.

Pour ne rappeler que l’essentiel, les équidés font l’objet de règles européennes régissant les conditions notamment sanitaires des échanges intracommunautaires les concernant, avec la directive 90/427/CEE du Conseil du 26 juin 1990 relative aux conditions zootechniques et généalogiques régissant les échanges intracommunautaires d'équidés, sachant que les importations de pays tiers sont régies par les règles communes de la directive du 26 juin 1990 relative aux conditions de police sanitaire régissant les mouvements d'équidés et les importations d'équidés en provenance des pays tiers, et qu’en application de ces texte, les équidés présents sur le territoire des Etats membres doivent faire l’objet de strictes mesures d’identification actuellement posées par la règlement (CE) no 504-2008 de la Commission.

D’une manière générale, ils relèvent des mêmes règles de police sanitaire que les autres animaux d’élevage.

Au surplus, un texte spécifique aux chevaux, à savoir la directive 90/428/CE concernant les échanges d’équidés destinés à des concours et fixant les conditions de participation à ces concours, rappelle dans l’un de ses considérants que « l’élevage des chevaux, et en particulier des chevaux de course, s'intègre généralement dans le cadre des activités agricoles; qu'il constitue une source de revenus pour une partie de la population agricole ».

En définitive, le contentieux initié par la Commission européenne fait du cheval, sur le plan du droit, un être hybride, avec l’application des règles agricoles pour tout ce qui concerne l’élevage et l’entretien, et une assimilation aux animaux de compagnie sur le plan fiscal.

C’est clairement ce qu’elle revendique d’ailleurs, comme en témoigne son communiqué de presse du 27 novembre 2008 annonçant qu’elle traduisait les Pays-Bas devant la Cour de Justice, et faisant le point sur l’état de la procédure avec les autres Etats membres concernés : « des taux réduits ne peuvent être appliqués à la fourniture d'animaux de compagnie (chiens, chats, lapins nains, cochons d'Inde, canaris, etc.), pas plus qu’aux poneys et chevaux de course qui ne sont pas destinés à la consommation humaine ou animale ni à être utilisés comme intrants agricoles ».

B. Continuer, par conséquent, à baser la fiscalité des transactions équines sur la réalité du secteur et respecter le principe de subsidiarité

1. Pérenniser, contre la complexité d’une analyse au cas par cas de chaque transaction commerciale, la simplicité et l’efficacité d’une approche fiscale unique et cohérente de la filière équine, conformément au Livre vert sur l’avenir de la TVA récemment présenté par la Commission européenne

Comme on l’a vu, la logique de la position de la Commission européenne et des arrêts de la Cour de Justice implique de faire une analyse précise de chaque transaction liée au cheval.

Elle refuse en fait de considérer que tout cheval, et plus généralement tout équidé, a a priori vocation à entrer dans la production agricole ou alimentaire et que ce n’est qu’à titre temporaire que sa destination est modifiée, et qu’il trouve sa place dans une autre utilisation.

De toute évidence, ce choix qui se veut celui de la logique et de la rigueur est celui de la complexité, pour ne pas dire de la complication, contre celui de la simplicité.

Elle interdit en effet tout élément de simplification reposant sur une approche d’ensemble de tout ou partie de la filière.

C’est ce que montrent clairement certains éléments mentionnés dans les arrêts précités. Dans son contentieux avec l’Autriche ainsi qu’avec l’Allemagne, la Commission européenne a clairement envisagé, comme mentionné au point 21, l’hypothèse d’un taux réduit aux seules races de chevaux ou ânes normalement utilisées dans la production de denrées alimentaires, telles que le poney sarde, le bardigiano, le bashkir et le kazakh. On ne peut être que surpris car on voit bien les limites d’une telle approche qui crée des inégalités flagrantes entre les propriétaires de chevaux, et peut conduire également à des choix désastreux, en orientant les choix non pas sur des critères d’éleveurs, mais sur des critères fiscaux.

En demandant le maintien de l’application du taux réduit de TVA à l’ensemble de la filière équine, la proposition de résolution opte au contraire pour la clarté et la simplicité, et par conséquent de l’efficacité.

C’est un choix d’autant plus justifié qu’il est parfaitement conforme à l’orientation générale retenue et défendue par la Commission européenne dans son livre vert sur l’avenir de la TVA, intitulé « Vers un système de TVA plus simple, plus robuste et plus efficace » (document COM (2010) 695 final), présenté en mars dernier.

2. Garantir la prolongation d’un taux réduit adapté à la réalité d’un secteur largement constitué de très petites entreprises par nature fragiles, très étroitement imbriquées dans les activités du monde agricole et qui contribuent effectivement à la filière alimentaire

a) De petites structures vulnérables à toute hausse du niveau de la TVA et assurant un nombre important d’emplois agricoles

Les chiffres clefs de la filière « cheval » ont été récemment rappelés dans le cadre de l’avis du Conseil économique, social et environnemental sur « les enjeux et les perspectives de la filière équine en France », des 8 et 9 juin 2010, présenté par M. Jacky Lebrun, membre du groupe des entreprises.

Pour ce qui concerne les entreprises, une estimation pour l’année 2009 des observatoires économiques régionaux de la filière équine évalue leur nombre à 55 000 entreprises. Il s’agit d’entités de toute petite taille, avec 1,3 équivalent temps plein en moyenne.

Le chiffre d’affaires correspondant est de 12 milliards d’euros, dont 10 milliards pour les courses, mais ce chiffre correspond aux paris des joueurs et avant déduction des reversements aux gagnants et prélèvements fiscaux.

L’analyse sectorielle montre que l’on est face à de petites structures.

Pour ce qui concerne, les élevages sont de très petites tailles, 81 % des éleveurs n’ayant qu’une ou deux juments. Le nombre d’éleveurs, selon la définition qui retient comme tel tout propriétaire d’au moins une jument ayant été menée à la saillie, est plus limité, de l’ordre de 43 500. Les effectifs des chevaux reproducteurs représentent 10 % de ce total, à raison de 96 000 poulinières et 7 450 étalons actifs en 2008 sur un total de reproducteurs de 170 000 têtes. Il ne représente qu’une fraction des 800 0000 à 900 000 chevaux présents sur notre territoire, dont 10 % dans la seule région de Basse-normandie, et dont plus 80 % sont des chevaux de selle.

Pour ce qui le concerne, le secteur de l’équitation de loisir est la raison d’être des 7 000 centres équestres. Ceux-ci sont répartis sur l’ensemble du territoire et sont soit des entreprises privées, soit des établissements à statut associatif. Ils sont en partie le cadre de l’activité des 650 000 licenciés de la Fédération française d’équitation, dont 80 % de femmes. Ils sont aussi l’un des éléments du développement du tourisme équestre dont le rôle est essentiel à l’équilibre territorial.

Pour sa part, le secteur des courses repose sur les 6,5 millions de parieurs qui misent 10 milliards d’euros chaque année, permettant ainsi 1,5 milliard de recettes fiscales pour l’Etat et 750 millions d’euros pour le financement de la filière. Les trois quarts des enjeux, soit 7,5 milliards d’euros, sont reversés sous forme de gains aux parieurs.

L’enjeu territorial est là non plus loin d’être négligeable, puisque 200 sociétés de courses implantées sur 250 hippodromes organisent 17 000 courses, dont 10 000 pour le trot. On dénombre 4 500 propriétaires de galopeurs et 5 300 propriétaires de trotteurs.

Le dernier secteur d’activité, celui de la viande chevaline, est évoqué au b) ci-dessous.

Pour ce qui concerne les emplois, la filière « cheval » représente environ 75 000 emplois en équilavent temps plein, dont près de 50 % liés aux courses, à raison de quelque 44 000 emplois directs et de plus de 29 000 emplois indirect.

On note une grande importance des emplois directs considérés comme des emplois agricoles, dans les élevages, les écuries d’entraînement et les centres équestres, à raison de près de 39 000. Ils augmentent régulièrement de 4 % environ par an. Les plus de 5 000 emplois directs restants sont non agricoles, mais liés à lui. Il s’agit des vétérinaires et des maréchaux-ferrants, ainsi que des marchands.

Les emplois indirects sont, d’une part, ceux des organismes publics et socioprofessionnels (haras nationaux, PMU, fédérations sportives etc.), à raison de plus de 6 000, ainsi que les emplois non spécifiques au cheval dans les activités communes à d’autre filières (aliments, fabrication de matériels et enregistrement des paris).

Dans l’ensemble, on mesure ce que représente pour une part essentielle de ces entreprises le risque économique d’une augmentation du taux de TVA.

Si leur clientèle ne suit pas l’augmentation de prix correspondante, notamment celle des centres équestres, et si elles ne peuvent pas prendre sur leur marge, ce qui est selon toute vraisemblance le cas le plus fréquent, la voie de la cessation d’activité paraît clairement ouverte à une grande part d’entre elles.

A titre d’exemple, l’heure en centre équestre étant actuellement à 13 euros en moyenne, un passage de la TVA de 5,5 % à 19,6 % la ferait passer à plus de 14,5 euros de l’heure. La clientèle resterait-elle ?

On ne peut raisonnablement prendre un tel risque.

b) Une contribution loin d’être marginale à la filière alimentaire

- La boucherie chevaline

L’étroitesse des liens de la filière équine avec la filière alimentaire est des plus claires, même si la consommation de viande chevaline par tête, à raison de 0,3 kg par an, est plus faible que pour les autres viandes et si le nombre des bêtes abattues ne s’élève qu’à 16 000 par an. 10 % des ménages français sont consommateurs.

D’abord, selon le rapport précité de M. Jacky Lebrun, plus d’un poulain sur quatre qui naît en France appartient à une race de trait et est ainsi élevé pour la boucherie à 95 %. Il n’est d’ailleurs pas destiné au marché français, mais au marché italien, où la consommation de viande chevaline est deux fois plus élevée.

Le taux réduit de TVA à l’ensemble de la filière équine ne donne au demeurant aucune avantage compétitif aux entreprises françaises, puisque notre balance commerciale est déficitaire sur ce point, avec 140 millions d’euros d’importations en 2008 et 71,5 millions d’euros d’exportation.

Ensuite, pour ce qui concerne la viande rouge, celle que consomment les Français, le marché est approvisionné par l’abattage de chevaux de réforme, c'est-à-dire par les chevaux de course et de loisir qui ont cessé d’être utilisables, et par les importations, pour le reste.

- Le rôle clef de l’abattage dans la filière équine

Sur le plan économique, le rôle de l’abattage pour la boucherie des chevaux de réforme est essentiel. Il participe à l’équilibre économique des exploitants des chevaux de loisir et des chevaux de travail, car le « prix de la boucherie » comme on dit couramment, représente le prix minimum de marché du cheval âgé comme du cheval gravement accidenté au point de ne plus être utilisable, même pour la reproduction.

Pour tout cheval âgé, le prix de cession pour d’autres finalités que l’abattage est donc indexé sur sa valeur bouchère.

Il confirme que tout cheval a bien, potentiellement, une finalité alimentaire et relève de l’esprit de la TVA à taux réduit.

c) Des liens structurels avec les autres activités agricoles, notamment l’élevage des autres espèces de gros bétail, et une contribution essentielle à la pluriactivité et au développement rural

L’exploitation des chevaux, de tous les chevaux, y compris les chevaux de loisir et de compétition, est étroitement liée aux autres activités agricoles ou du monde rural.

Ainsi, par leur présence sur le territoire, par leur capacité à fournir des solutions simples et parfaitement écologiques pour l’entretien des espaces et des forêts avec l’aide des chevaux, notamment des chevaux de trait, par l’importance de leur liens commerciaux avec les autres exploitants agricoles, ne serait-ce que lorsqu’il faut acquérir du fourrage ou de la paille, voire exceptionnellement des pommes ou des légumes que leur aspect ne permet pas de proposer à la consommation humaine, la contribution des éleveurs et propriétaires équins se constate chaque jour sur le terrain.

Par ailleurs, selon une étude présentée à la 3e journée de la filière équine en janvier 2010, réalisée à partir des données des observatoires économiques régionaux, plus de six centres équestres sur dix ont ainsi une autre activité, essentiellement d’élevage. Ce sont surtout des petits établissements avec peu de licenciés.

Pour ce qui concerne la pluriactivité hors élevage, deux établissements sur dix étroitement liées aux activités de tourisme rural, ce qui révèle la nécessité d’héberger une fraction de la clientèle pour qu’elle vienne, et un centre équestre sur dix est pour sa part directement lié à une exploitation agricole, notamment d’élevage non équin, dans le cadre de la pluriactivité. Le centre équestre est là l’un des éléments qui s’associe naturellement à la ferme.

Cette association a d’ailleurs une logique forte. Du point de vue de l’éleveur, le cheval se gère comme toute autre espèce et les conditions de son entretien sont proches des celles de bovins. Dans la profession, le bœuf et le cheval sont considérés étroitement complémentaires au point de représenter une excellente association pour l’élevage à l’herbe.

La contribution des exploitants équins au développement rural ne peut donc être niée.

3. Appliquer conformément aux traités le principe de subsidiarité

Sur la portée exacte des mesures d’harmonisation de la TVA, le texte l’article 113 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne est sans ambiguïté.

Il prévoit que le Conseil arrête ces mesures dans la mesure où cette harmonisation est nécessaire pour assurer l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur et éviter les distorsions de concurrence.

Comme on l’a vu, ces risques sont en l’occurrence inexistants pour la filière équine.

Il y a donc lieu de faire jouer la subsidiarité. Ce serait d’ailleurs conforme à la doctrine des institutions européennes. En effet, la directive 2009/47/CE du 5 mai 2009 modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée a étendu l’éligibilité de ces taux à plusieurs prestations de services délivrées localement.

Elle l’a fait car la Commission européenne avait conclu à partir de travaux antérieur, comme indiqué dans les considérants de ce texte « que l’application de taux réduits de TVA aux services fournis localement ne posait pas de problème réel pour le bon fonctionnement du marché intérieur et pouvait, sous certaines conditions, avoir des effets positifs en termes de création d’emplois ».

La demande d’un maintien de l’application du taux réduit aux opérations de la filière équine telle qu’elle est demandée par le présent rapport s’inscrit parfaitement dans cette perspective et dans sa logique.

Il n’appartient pas au présent rapport de se préjuger de la suite des événements. Aussi votre rapporteur ne peut-il remarquer, pour le futur, qu’à défaut d’emporter la conviction du juge, l’ensemble de ces éléments devra alors être pris en compte par le législateur européen, en précisant la directive 2006/112/CE.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 21 juin 2011, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« Le Président Pierre Lequiller. S’agissant de cet amendement, je souhaite préciser que je suis informé des procédures précontentieuses si j’en effectue la demande auprès du Gouvernement, en tant que Président de la Commission des affaires européennes. J’ai alors transmission des documents, mise en demeure ou avis motivé, que je transmets au rapporteur intéressé, sous réserve des règles de confidentialité qui s’y attachent.

M. Jacques Myard. Mais êtes-vous systématiquement alerté ? Il arrive en effet que l’on découvre les procédures et je suis ainsi tombé des nues lorsque j’ai appris l’existence de ce contentieux.

Le Président Pierre Lequiller. Le début du point 8 pourrait être rédigé de la manière suivante : « Regrette enfin que l’Assemblée nationale ne soit pas systématiquement informée ».

M. Jérôme Lambert. Le terme « systématiquement » pourrait être remplacé par le terme « automatiquement ».

Le Président Pierre Lequiller. Je rejoins la proposition faite par notre collègue Jérôme Lambert.

M. Jean Gaubert. Lors de l’adoption de la loi sur les territoires ruraux, j’avais alerté le gouvernement sur le risque à vouloir tout faire entrer dans le champ de la TVA réduite à 5,5 %. Estimer que les courses relèvent de l’agriculture, c’est aller loin et c’est contestable. S’agissant des arguments évoqués par le rapporteur – notamment celui relevant qu’en matière de végétaux, si le maïs est agricole, il est soumis à la TVA à 5,5 %, alors que s’il passe dans la filière industrielle, il est alors soumis au taux de 19,6 % –, il convient de relever que le Code général des impôts regorge de régimes comparables et qu’il existe des régimes de compensation. Tout cela, bien que complexe, fonctionne bien. Ainsi, qu’en matière d’équidés, le taux de 19,6 % s’applique aux courses et que le taux de 5,5 % soit ensuite applicable pour l’abattage n’est pas un problème. Je tiens donc à faire remarquer que certains arguments sont impropres.

M. Jacques Myard. Certes, les complexités existent, mais il ne faut pas pour autant les multiplier. Il s’agit là d’un secteur qui commence par l’élevage puis retourne à l’élevage. Pourquoi vouloir rendre les choses plus complexes avec l’instauration d’un système de compensation ? Je crois au contraire qu’il faut un régime unifié. Cette question relève de la subsidiarité, n’a aucun impact sur le marché intérieur et je crois savoir que la Commission européenne est prête à réviser sa position devant la multiplication des contentieux.

M. Jérôme Lambert. La position du groupe socialiste présentée par notre collègue Jean Gaubert est cohérente. Il existe certainement une réelle économie du cheval et des dizaines d’exploitations vivent ainsi dans ma circonscription pour partie d’une activité d’élevage ou de centre équestre. Il convient de maintenir cette filière, de la développer et de préserver ses conditions économiques. Je suis favorable à une TVA à 5,5 % pour la filière agricole, mais j’estime l’application d’un tel taux à ce qui relève des paris beaucoup plus discutable. Je m’abstiendrai donc de voter le texte proposé par notre collègue Jacques Myard. »

Puis la Commission a adopté la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

ANNEXE :
PROPOSITION DE RESOLUTION

(adoptée par la Commission des affaires européennes)

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE VISANT AU MAINTIEN PAR LES ETATS DU TAUX REDUIT DE TVA POUR CERTAINES OPERATIONS LIEES A LA FILIERE EQUINE EN APPLICATION DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le Livre vert de la Commission « vers un système de TVA plus simple, plus robuste et plus efficace » du 1er décembre 2010 et la consultation publique qu’elle organise jusqu’au 31 mai 2011,

Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de la valeur ajoutée,

1. Conteste la conception de la Commission selon laquelle les chevaux ne sont pas un produit agricole destiné, de manière générale et habituelle, à la consommation ;

2. Souligne que le cheval est bien une production agricole, quelle que soit sa destination, et que la réglementation européenne sur la sécurité alimentaire s’applique, preuve que le cheval est couramment consommé ;

3. Relève qu’il appartient aux Etats de décider de l’application de taux de TVA différenciés dès lors qu’elle ne fausse pas la concurrence entre les différents Etats membres selon les directives TVA précitées; que tel est le cas pour la filière équine ;

4. Souligne que la filière équine, ancrée dans le monde agricole, est créatrice de richesses économiques et sociales, qu’elle constitue un élément majeur de la vitalité des territoires et du monde rural, et que cet atout en Europe doit être préservé et même valorisé ;

5. Demande que le principe de subsidiarité s’applique pleinement ;

6. Demande donc que le taux réduit de TVA continue à s’appliquer à la filière équine, pour la livraison des équidés et les activités qui lui sont liées.

7. Demande que la directive précitée 2006/112/CE soit précisée en ce sens afin d’éviter toute difficulté d’application ;

8. Regrette enfin que l'Assemblée nationale ne soit pas automatiquement informée des procédures lancées par la Commission européenne contre la France et exige par conséquent que les avis motivés lui soient dorénavant transmis par le Gouvernement lorsqu’il les reçoit.

No 3547 - Rapport fait au nom de la Commission des affaires européennes sur la proposition de résolution européenne (no 3435) de M. Jacques Myard visant au maintien par les Etats du taux réduit de TVA pour certaines opérations liées à la filière équine en application du principe de subsidiarité

Maintien par les Etats du taux réduit de TVA pour certaines opérations liées à la filière équine en application du principe de subsidiarité

© Assemblée nationale

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.