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N
° 3594

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 juin 2011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 3137, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste du Vietnam relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure,

par M  Gilles  COCQUEMPOT

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – DES RELATIONS BILATÉRALES INTENSES QUI SE SONT ENRICHIES D’UNE COOPÉRATION EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE OPPORTUNE 7

A – DES RELATIONS BILATÉRALES DENSES ET PROPICES AU DÉVELOPPEMENT DE COOPÉRATIONS FRUCTUEUSES 7

1) Des relations politiques étroites 7

2) Des relations économiques en expansion 8

3) Une coopération culturelle, scientifique et technique importante 8

B − LA MISE EN PLACE RÉCENTE D’UNE COOPÉRATION EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE 9

1) Les forces de sécurité vietnamiennes confrontée à une criminalité transnationale croissante 9

2) Une coopération bilatérale en matière de sécurité intérieure déjà bien établie 11

II – UN ACCORD APPELÉ À DEVENIR LE SUBSTRAT D’UNE COOPÉRATION EN MATIÈRE DE SECURITÉ INTÉRIEURE ÉLARGIE ET PLUS EFFICACE 15

A – UN ACCORD UTILE PERMETTANT À CHAQUE PARTIE DE RETIRER UN BÉNÉFICE APPRÉCIABLE À SON APPLICATION 15

1) Une demande exprimée par le Ministère de la sécurité publique vietnamien pour élargir la coopération technique 15

2) Le souhait français de pouvoir d’abord améliorer la coopération opérationnelle 16

B − LES DISPOSITIONS DE L’ACCORD SOUMIS À RATIFICATION 17

1) Un champ de coopération étendu 17

2) Les modalités de mise en œuvre de la coopération opérationnelle et technique 19

3) Les limites posées 20

CONCLUSION 23

EXAMEN EN COMMISSION 25

ANNEXE : Liste des accords bilatéraux de sécurite intérieure signés par la France 27

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ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 33

Mesdames, Messieurs,

La France a signé le 12 novembre 2009 à Hanoï un accord de coopération en matière de sécurité intérieure avec la République socialiste du Vietnam, relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, qui vient encadrer et enrichir une coopération déjà existante qu’il est opportun de consolider en vue d’une plus grande efficacité.

Situé dans une région exposée aux activités criminelles organisées, le Vietnam a fait appel à ses partenaires, parmi lesquels la France, pour renforcer ses capacités à y faire face. La France s’est engagée dans une coopération en matière de sécurité intérieure avec le Vietnam en 1999 en réponse à ce besoin, mais aussi dans son intérêt bien compris d’agir en amont sur des menaces pesant sur sa propre sécurité et celle de ses citoyens. Le Vietnam est en effet aussi un pays de transit et un pays source d’activités criminelles.

L’accord dont la ratification est proposée par le présent projet de loi a été négocié à la demande de la République socialiste du Vietnam dès 2002, afin d’encadrer juridiquement les modalités de la coopération bilatérale et les échanges d’informations entre les deux pays. Il doit permettre de renforcer une coopération technique de bon niveau et d’asseoir une coopération opérationnelle plus importante dans les domaines identifiés comme prioritaires pour le territoire français, notamment en allégeant les procédures appliquées par les autorités vietnamiennes pour sa mise en œuvre.

Cet accord reproduit à quelques exceptions près le modèle unifié d’accord de coopération en matière de sécurité intérieure élaboré en 2007 dans le souci d’harmoniser et de rendre cohérentes les coopérations de la France en la matière. La France a à ce jour signé 41 accords.

I – DES RELATIONS BILATÉRALES INTENSES QUI SE SONT ENRICHIES D’UNE COOPÉRATION EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE OPPORTUNE

La France et le Vietnam entretiennent des relations étroites et diversifiées, nourries par un dialogue dense et régulier, qui se sont enrichies en 1999 d’un volet sécurité intérieure. Le niveau élevé de notre coopération fait de la France un partenaire privilégié du Vietnam et son principal interlocuteur en Europe.

A – Des relations bilatérales denses et propices au développement de coopérations fructueuses

1) Des relations politiques étroites

L’étroitesse des relations politiques bilatérales entre la France et le Vietnam se manifeste par des rencontres régulières au plus haut niveau. Au niveau présidentiel, ces vingt dernières années ont été ponctuées par les visites au Vietnam de François Mitterrand en 1993, de Jacques Chirac en 1997 à l’occasion de sa participation au Sommet de la Francophonie, puis en 2004 et par la venue en France du Président de la République socialiste du Vietnam Tran Duc Luong en 2002.

Ces visites ont été suivies au niveau ministériel par la venue en juin 2005 du Secrétaire général du Parti communiste vietnamien, Nong Duc Manh, et du Premier ministre, Nguyen Tan Dung, en octobre 2007. En novembre 2009, le premier ministre François Fillon témoignait de la place qu’occupe le Vietnam comme partenaire privilégié de la France en Asie du Sud-est, en y effectuant un déplacement à la veille de la présidence vietnamienne de l’ASEAN en 2010. La même année, le ministre de la Défense, Hervé Morin, et le Secrétaire d’Etat pour le Commerce extérieur Pierre Lellouche, s’y rendirent également.

Enfin, les relations franco-vietnamiennes se nourrissent des relations entre collectivités locales, qui se réunissent régulièrement autour des assises de la coopération décentralisée franco-vietnamienne. Les premières coopérations décentralisées avec le Vietnam datent du début des années 1990, notamment avec la région Ile-de-France et les communes de Toulouse et Rennes. Cette coopération se poursuit puisqu’un mémorandum de coopération entre les Vosges et la province de Nghe An a été signé à l’occasion de la 8ème édition qui s’est tenue à Haïphong les 5 et 6 novembre 2010. En 2010, plus de trente-huit liens de coopération avaient été recensés totalisant plus de 235 projets achevés ou en cours. Plus d’une vingtaine d’accords de coopération sont en cours entre collectivités vietnamiennes et françaises, conseils régionaux, conseils généraux et communes, mais aussi syndicats mixtes et agences de l’eau.

2) Des relations économiques en expansion

Depuis l’adoption en 1986 de la politique dite du Renouveau (« Doi Moi »), le Vietnam poursuit sa transition vers une économie de marché à orientation socialiste et applique une politique d’ouverture aux échanges internationaux : adhésion à l’ASEAN (1995), signature d’un accord de coopération avec l’Union européenne comportant un volet commercial (1996), d’un accord commercial bilatéral avec les Etats-Unis (2001), et négociations en vue d’une possible adhésion à l’Organisation mondiale du commerce dès 2006. Le Vietnam connaît un fort développement économique avec une croissance de 6,8 % en 2010, ce qui en fait l'un des pays montant de l'Asie du Sud-est. Comme le souligne le Département, la relation bilatérale avec le Vietnam est toutefois appelée à évoluer à la faveur des transformations rapides que ce pays connaît, notamment sur le plan économique, pour passer d’une logique d’aide au développement à une logique de partenariat.

En 2010, les échanges commerciaux entre les deux pays se sont établis à 2,1 milliards d'euros, enregistrant une hausse de 20 % par rapport à l’année précédente. Les exportations françaises ont atteint 680 millions d'euros, soit 24 % de plus qu’en 2009. Notre part de marché s'établit désormais à 1,1 %, classant la France au 15ème rang des fournisseurs du Vietnam. Notre pays occupe une place privilégiée dans les secteurs aéronautiques, avec 680 millions d’euros d’exportations de matériels, pharmaceutiques avec 115 millions d’euros d’exportations, en progression de 10 %, et agroalimentaires, avec 65 millions d’euros d’exportations, en hausse de 18 %. Dans les années à venir, les secteurs des biens de consommation et la filière agroalimentaire devraient continuer de tirer nos exportations, compte tenu du fort potentiel de développement du marché vietnamien. Les importations françaises de produits vietnamiens connaissent également une progression notable, supérieure à 18 %, et s'élèvent à 1,4 milliards d’euros pour l'année 2010, principalement dans les secteurs de l'habillement, des meubles et des bijoux, creusant notre déficit commercial de 13, 5% (755 millions d’euros).

Les investissements français se classent au 15ème rang, mais le premier dans l’Union européenne, avec 2,95 milliards de dollars. Quelques 3 000 entreprises françaises sont implantées au Vietnam, totalisant 26 000 emplois. Les secteurs les plus présents sont les télécommunications (Alcatel-Lucent, SAGEM, France Télécom), l’environnement (Alstom, OTV-Vinci, Veolia), l’aéronautique et l’aérospatial (EADS, Thales), le transport ferroviaire, les travaux publics (Bouygues Construction) et la grande distribution (Casino).

3) Une coopération culturelle, scientifique et technique importante

Le dispositif français en matière de coopération culturelle et scientifique au Vietnam est le plus important de la région. Il se compose d’une dizaine d’établissements de recherche, de trois Instituts Pasteur et de cinq Instituts français. L’attractivité des universités française auprès des étudiants vietnamiens ne se dément pas. Ils représentent aujourd’hui 67% de l’effectif d’étudiants sud-asiatiques en France.

En matière d’aide au développement, la France est le premier donateur bilatéral européen et le troisième mondial. En 2010, l’Agence française de Développement a accordé 164,8 millions d’euros en prêts et subventions ainsi que trois subventions à des ONG pour plus d’un million d’euros. Le Vietnam est par ailleurs le pays d’Asie du Sud-est comptant le plus grand nombre d’ONG françaises.

La coopération française se structure en deux grands axes :

– l'appui au secteur productif, les infrastructures, l'agriculture et le développement rural, et la lutte contre le sida qui sont quatre des objectifs de développement du millénaire (OMD) ;

– des priorités transversales regroupant les quatre domaines de l'enseignement supérieur et la recherche scientifique, l'appui à la bonne gouvernance et l'Etat de droit, la promotion de la diversité culturelle et l'enseignement du français, et l'appui à la coopération décentralisée et non gouvernementale.

B − La mise en place récente d’une coopération en matière de sécurité intérieure

Dans le cadre des relations bilatérales franco-vietnamiennes, la coopération a toujours occupé une place importante. Jusque récemment, elle était cependant surtout orientée vers l’aide au développement et la coopération scolaire et universitaire. Le Vietnam, comme de nombreux pays, est confronté à la progression de la grande criminalité transnationale. Il a souhaité s’ouvrir à l’assistance de pays disposant d’un savoir faire en matière policière et douanière. Dans un contexte international où la mobilité, la dangerosité des menaces et leur caractère diffus n’a cessé d’augmenter, la France s’est naturellement engagée dans une coopération en matière de sécurité intérieure susceptible de lui procurer des avantages certains. Cette coopération est appelée à monter en puissance pour faire face à des défis sécuritaires croissants, tant pour le Vietnam que pour la France, compte tenu de la tendance à l’ouverture des frontières.

1) Les forces de sécurité vietnamiennes confrontée à une criminalité transnationale croissante

La sécurité intérieure relève au Vietnam du Ministère de la sécurité publique, créé sous sa forme moderne en 1962 par le Président Ho Chi Minh. Sa compétence est limitée à la sécurité intérieure, à l’exclusion donc de la gestion des collectivités territoriales et de l’administration générale, et ses grandes missions sont la protection des biens et des personnes, le maintien de l’ordre public et la sûreté de l’Etat. L’Etat vietnamien étant centralisé, l’essentiel de ses activités politico-administratives est situé à Hanoï, capitale politique du pays. Néanmoins, les pouvoirs locaux bénéficient d’une réelle liberté d’action par le biais des Comités populaires provinciaux ; lesquels proposent au pouvoir central la nomination des directeurs de police provinciaux. Cette proposition doit par la suite être avalisée par le Ministère de la sécurité publique sur la base de procédures longues et complexes reposant sur un compromis. Le Comité populaire peut également participer aux enquêtes de police. La Direction générale de la police a son propre budget, qui peut être complété par des provinces intéressées.

Les effectifs du Ministère de la sécurité publique, relevant du « secret défense », ne sont pas connus. Néanmoins, les effectifs de la Direction générale de la police sont officiellement estimés à 70 000 hommes, auxquels il faut ajouter près de 20 000 fonctionnaires supplémentaires appartenant aux autres directions générales, soit un total évalué à près de 90 000 agents. L’administration policière vietnamienne est hiérarchisée et organisée avec rigueur. Des formations initiales et continues sont régulièrement dispensées afin de préparer efficacement les forces de sécurité à une criminalité transnationale organisée et très évolutive. Toutefois, les matériels et outils pédagogiques sont obsolètes et relativement inadaptés à l’évolution rapide de la criminalité transnationale organisée. C’est pourquoi le Vietnam s’est ouvert à la coopération bilatérale en matière de sécurité intérieure.

À défaut de disposer de chiffres fiables, la petite et moyenne délinquance semble bien maîtrisée par les autorités vietnamiennes. Cette situation s’explique en grande partie par l’organisation même des forces de sécurité qui, implantées à tous les échelons territoriaux du pays, constituent un « maillage sécuritaire » efficace. En outre, le citoyen est étroitement associé à la police de son quartier, constituant à la fois une « vigie citoyenne » et une force d’appoint dans les missions quotidiennes des forces de sécurité.

En revanche, la criminalité transnationale organisée est en progression constante. Le Vietnam est confronté principalement à deux types de criminalité organisée internationale qui portent atteinte à sa sécurité : le trafic de stupéfiants et le trafic des êtres humains. Le pays demeure un point de transit de l’héroïne produite dans le « triangle d’or » et des drogues synthétiques. En 2009, les autorités vietnamiennes ont saisi 213 kilos d’héroïne et plus de 520 000 comprimés de drogues synthétiques. De même, le Vietnam est un pays « source » pour le trafic de femmes vers la Chine, le Cambodge, la Thaïlande (via le Laos) et la Malaisie aux fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle. Ces activités criminelles sont le fait de ressortissants vietnamiens basés sur le territoire national, en contact avec des groupes criminels situés dans les pays de la région, voire en Europe, en Australie et aux Etats-Unis, pays où résident de nombreux membres de la diaspora vietnamienne. Les forces de sécurité vietnamiennes doivent s’adapter à cette criminalité transnationale. Pour ce faire, des unités de police spécialisées ont été déployées ces dernières années. Soutenues par la communauté internationale, dont la France, ces unités obtiennent désormais de bons résultats.

La menace liée au terrorisme international est faible au Vietnam. En revanche, les autorités locales admettent la nécessité de renforcer leur dispositif de lutte contre le financement du terrorisme en augmentant la bancarisation de l’économie, en assurant une meilleure surveillance des flux financiers et en développant les mécanismes d’alerte.

2) Une coopération bilatérale en matière de sécurité intérieure déjà bien établie

La coopération franco-vietnamienne en matière de sécurité intérieure a débuté en mars 1999 avec la création, au sein de l’ambassade de France au Vietnam, de la délégation du Service de coopération technique internationale de police (SCTIP). Un Service de sécurité intérieure (SSI) a été créé et est actuellement dirigé par un commissaire de police, attaché de sécurité intérieure, résidant à Hanoï, ayant compétence au Vietnam et au Laos, d’une secrétaire et d’un chauffeur recrutés localement. Une antenne a été créée à Ho Chi Minh-Ville en septembre 2003. Celle-ci est intégrée au Consulat général de France et se compose d’un attaché de sécurité intérieure adjoint, commandant de police.

Ministère clé dans l’organisation politique vietnamienne, le Ministère de la sécurité publique oriente naturellement sa coopération prioritairement vers les pays limitrophes que sont le Laos, le Cambodge et la Chine, et les pays de l’ASEAN+3 (Association des nations de l'Asie du sud-Est regroupant dix pays d’Asie du sud-est + la Chine, le Japon et la Corée du sud). Cependant la France occupe comme dans bien d’autres domaines une place privilégiée parmi les pays extérieurs à la région grâce à la fréquence des contacts que permet la présence du Service de sécurité intérieure d’Hanoï. Il convient de souligner que seuls le Royaume-Uni, la République Tchèque, les Etats-Unis, par le biais de leur Officier de liaison de la Drug Enforcement Administration, l’Australie, le Japon et la France disposent d’une telle structure. Le Vietnam a d’ailleurs déjà signé des accords de coopération de sécurité intérieure sous des formes ou appellations diverses avec les quatre premiers de ces Etats.

Grâce à des échanges permanents d’informations à travers le réseau des attachés de sécurité intérieure, le SCTIP développe une coopération opérationnelle devenue prioritaire. Cette coopération est définie annuellement grâce à des crédits du ministère des Affaires étrangères et européennes, ainsi que grâce à des financements spécifiques. Elle développe des actions de formation ainsi que des visites d’étude en France, principalement dans les domaines de la police et de la sécurité publique.

La coopération technique engagée avec le Vietnam est de bonne qualité. La stabilité des structures et des cadres permet un suivi sérieux des projets élaborés en commun, nonobstant la lenteur administrative liée au contrôle hiérarchique prégnant à tous les niveaux. Dans la mesure de ses possibilités, le service de sécurité intérieure à Hanoï a orienté ses actions de coopération technique vers les priorités suivantes, traduisant un intérêt mutuel en termes de sécurité intérieure, c'est-à-dire devant aussi répondre à des problématiques françaises :

– La lutte contre l’immigration illégale : il s’agit d’un domaine de coopération récent tendant à faire face à l’augmentation du phénomène. En effet, la pression migratoire de ressortissants vietnamiens vers les pays de l’Union européenne est croissante et la France constitue un pays de transit à destination du Royaume-Uni. 4614 interpellations ont été réalisées en 2009, soit un triplement en deux ans. Cette activité illégale est d’autant plus inquiétante qu’elle est liée à d’autres formes de criminalité comme le trafic de stupéfiants. En février 2011, l’Office Central pour la Répression de l'Immigration irrégulière et de l'Emploi d'Etrangers Sans Titre (OCRIEST) et l’Office Central pour la Répression du Trafic Illicite des Stupéfiants (OCTRIS) ont démantelé un réseau de trafic de cannabis tenu par des immigrés vietnamiens.

Initiée au début de l’année 2007 de façon bilatérale et en coordination avec le Royaume-Uni, la coopération en matière de lutte contre l’immigration irrégulière s’accompagne de rencontres de niveau « directeurs centraux » et « opérationnel », organisées chaque année, et appelées à se poursuivre afin d’établir des relations de confiance suivies avec les services de l’immigration vietnamienne. La coopération mise en place avec ces services permet également d’échanger des informations opérationnelles en matière d’immigration illégale et de fraude documentaire ;

– La lutte contre les contrefaçons portant atteinte à la santé publique : il s’agit d’une coopération désormais bien établie qui a vocation à s’amplifier encore compte tenu de la menace qu’elle représente, tant au niveau macro-économique (atteinte à tous les secteurs d’activité de l’économie légale, au budget de l’Etat et à l’emploi, pour les grandes marques, comme les petites entreprises innovantes), que pour les consommateurs. Il faut avoir conscience que l’économie souterraine liée à la production et au transit d’articles contrefaits reste pour les populations de ces pays une source de revenus importante et que le phénomène n’est pas spontanément appelé à décroître. En 2010, 70 % des produits contrefaits saisis par la douane française provenaient d’Asie. La douane française a saisi en 2010 6,2 millions de produits contrefaits représentant 421 millions d’euros, auxquels il convient d’ajouter les 1,63 million de paquets de cigarettes de contrefaçon.

Le Vietnam constitue d’abord un pays de transit de la production chinoise représentant 80 % de la contrefaçon mondiale. Toutefois, il est également un pays de destination pour de nombreux produits tels que les médicaments, les jouets, les cosmétiques ou encore les spiritueux, et surtout un pays source de produits contrefaits, notamment dans le domaine des médicaments de marque française. Compte tenu des enjeux majeurs de santé publique et de protection du citoyen qu’ils posent, les trafics de médicaments constituent une priorité d’action pour la douane française. On soulignera que les conventions d’assistance administrative mutuelle conclues par la France ne mentionnent pas explicitement les produits contrefaisants. Le modèle de convention a été révisé en 2008 afin de remédier à cette carence à l’avenir. Il existe en revanche un accord UE-Chine en date du 30 janvier 2009 tendant à protéger les droits de propriété intellectuelle.

Depuis fin 2009, l’expertise technique internationale française est sollicitée en matière de renforcement des capacités des autorités locales, notamment policières et douanières, pour la mise en œuvre d’un projet de Fonds de Solidarité Prioritaire à fort potentiel d’intégration régionale dit projet « Mékong ». Fonds d’appui à la lutte contre les produits contrefaits présentant un risque sanitaire ou sécuritaire élevé dans la sous région, d’une durée de trois ans, il couvre le Vietnam, le Laos et le Cambodge et sera doté d’un budget d’un million d’euros, prélevé sur les crédits du ministère des Affaires étrangères et européennes. Il s’agit là d’une opportunité qui devrait permettre de concrétiser un programme d’action durable et ambitieux entre les forces de police et douanières françaises et vietnamiennes. À ce jour cependant, le démarrage du projet est suspendu à une décision des autorités vietnamiennes relatives à l’accréditation des experts techniques internationaux français policiers et douaniers ;

– La promotion de l’organisation policière et des techniques d’enquête française : la France attribue régulièrement des bourses d’étude au profit de cadres policiers vietnamiens à l’Ecole nationale supérieure de la Police de St Cyr, au Mont d’Or et les partenariats et les échanges entre les instituts d’études des pays se développent. A cet égard, on notera la signature d’un mémorandum de coopération en 2008 entre l’Institut national des hautes études de la sécurité (INHES) (1) et l’Institut national de la police populaire vietnamien.

II – UN ACCORD APPELÉ À DEVENIR LE SUBSTRAT D’UNE COOPÉRATION EN MATIÈRE DE SECURITÉ INTÉRIEURE ÉLARGIE ET PLUS EFFICACE

L’ouverture progressive du Vietnam à la coopération en matière de sécurité intérieure a permis de mettre en place une coopération technique que le Ministère de la sécurité publique vietnamien a souhaité élargir. La consolidation et l’extension de la coopération dans certains secteurs clé étant nettement souhaitables pour la France, des négociations ont été engagées et se sont traduites par la signature à Hanoï, le 12 novembre 2009, d’un accord relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure. Cet accord prévoit le champ et les modalités de notre coopération technique et encadre l’échange d’informations opérationnelles. Ratifié par la Partie vietnamienne en février 2010, cet accord n’attend plus que l’accomplissement des procédures d’approbation par la Partie française pour entrer en vigueur.

Il devrait permettre un développement du champ de notre coopération et une amélioration des conditions dans lesquelles les actions sont conduites et ainsi renforcer un dispositif qui doit permettre de répondre au défi que constitue la criminalité organisée, particulièrement dans les domaines de l’immigration clandestine, les contrefaçons et les stupéfiants.

A – Un accord utile permettant à chaque partie de retirer un bénéfice appréciable à son application

1) Une demande exprimée par le Ministère de la sécurité publique vietnamien pour élargir la coopération technique

Le développement de la coopération technique engagée en 1999, rendue possible par la mise en place de crédits ad hoc, a conduit le Ministère de la sécurité publique du Vietnam à solliciter, dès 2002, la négociation d’un accord intergouvernemental dans le but d’encadrer juridiquement ces échanges. L’entrée en vigueur d’un accord de sécurité intérieure constitue à ses yeux le cadre d’un élargissement du champ de la coopération bilatérale.

Le Ministère de la sécurité publique vietnamien exprime des demandes dans les domaines de la lutte anti-terroriste et du maintien de l’ordre et sollicite également des actions de coopération en matière de lutte contre les stupéfiants et de traite des êtres humains, qui représentent une menace de plus en plus sérieuse pour le Vietnam. Plus concrètement, cet accord constitue pour le Vietnam un instrument juridique préalable au développement de sa coopération de sécurité intérieure avec la France. Le Vietnam a signé, sous une forme ou une autre, des accords bilatéraux de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure avec, outre la France, le Royaume-Uni, l’Australie, les Etats-Unis, ou la République Tchèque. Ces accords sont généralement un préalable à la conclusion d’autres accords permettant de mettre en œuvre, si besoin, une coopération opérationnelle en matière pénale (accord d’entraide judiciaire en matière pénale, transfèrement des détenus).

2) Le souhait français de pouvoir d’abord améliorer la coopération opérationnelle

L’enjeu pour la partie française est de disposer d’un accord permettant un meilleur accès à l’un des ministères les plus influents au sein de l’organisation politique et administrative vietnamienne, de diffuser le savoir-faire de la France, de rechercher des débouchés en termes de marchés de sécurité et de mettre en place une coopération opérationnelle dans les domaines déjà identifiés et susceptibles de présenter une menace pour la sécurité intérieure française.

Pour la France, l’accord permettra bien entendu le renforcement de la coopération technique. Le démarrage attendu du projet FSP « Mékong » précité, d’appui à la lutte contre les contrefaçons portant atteinte à la santé et la sécurité publique, en est une illustration. Mais il s’agit surtout de développer la coopération opérationnelle dans les domaines prioritaires que sont l’immigration clandestine, la lutte contre les contrefaçons et la lutte contre le trafic de stupéfiants, bien qu’elle demeurera limitée par le fait que le Vietnam ne présente pas des normes de protection des données individuelles équivalentes aux normes françaises.

Cette coopération opérationnelle est aujourd’hui entravée par le fait que le ministère de la sécurité publique vietnamien pratique une coopération internationale très encadrée. Les relations directes avec les services d’enquête sont, jusqu’à présent, très limitées. En effet, la Direction de la coopération internationale du ministère de la sécurité publique centralise les demandes et « accompagne » l’attaché de sécurité intérieure dans ses démarches avec les directions actives, ne lui laissant que peu de liberté d’action.

La coopération souffre également de contrôles hiérarchiques nombreux, responsables d’une extrême lenteur administrative. La réticence et la lenteur des services vietnamiens s’expliquent par leur volonté de rendre compte au plus haut niveau de toute demande de coopération opérationnelle provenant d’un service étranger et de voir cette requête s’appuyer sur un texte, qu’il s’agisse d’un traité ou d’un arrangement administratif.

L’entrée en vigueur de l’accord de sécurité intérieure facilitera et fluidifiera les échanges en fournissant un cadre juridique précis d’organisation des échanges d’informations et de la communication de données.

B − Les dispositions de l’accord soumis à ratification

Comme indiqué précédemment, l’accord avec le Vietnam est basé sur un modèle d’accord de sécurité intérieure qui date de 2007. Ce modèle a servi de base à tous les accords de sécurité intérieure passés par la France de 2007 à 2010. Depuis 2010, le ministère de l’Intérieur, en lien étroit avec le ministère des Affaires Etrangères et le ministère de la Défense, suite au rattachement de la Gendarmerie Nationale au ministère de l’Intérieur, élabore un nouvel accord type de sécurité intérieure. Cet accord sera validé en 2011 et proposé par la suite aux partenaires avec lesquels la France souhaite passer un accord de sécurité intérieure.

Quelques dispositions prévues par l’accord avec le Vietnam ne figurent pas dans le modèle de 2007, mais sont sans doute appelées à figurer dans le modèle en cours d’élaboration. Les différences avec le modèle de 2007 sont en tout état de cause systématiquement signalées dans le commentaire des articles de l’accord. Par ailleurs, l’accord avec le Vietnam présente une particularité qui est la présence d’un article dédié aux actions engagées sur le fondement de la lutte contre les contrefaçons, enjeu majeur de la coopération en matière de sécurité intérieure avec le Vietnam.

Les dispositions finales de l’accord, constituant son article 12, prévoient que l’accord est conclu pour trois ans et tacitement renouvelable. Sa dénonciation, possible à tout moment, prend effet six mois après sa notification et elle n’affecte pas les actions engagées sauf décision contraire. Si la suspension de l’application de l’accord n’est pas prévue, il peut en revanche être amendé. L’accord prend effet à la date de réception de la dernière notification de l’accomplissement des procédures internes requises, qui sera donc la notification française. Par note verbale en date du 11 février 2010, l’Ambassade de France au Vietnam a en effet reçu notification par la partie vietnamienne de l’accomplissement des formalités prévues par sa législation nationale pour l’entrée en vigueur de l’accord.

1) Un champ de coopération étendu

Le préambule de l’accord affirme « la volonté de contribuer activement à la lutte contre les différentes formes de la criminalité internationale » et le désir de « développer des relations de coopération efficaces et de partager des informations concernant les questions d’intérêt commun ».

L’article premier énumère à cet effet dix-sept domaines dans lesquels les deux parties mèneront une coopération technique et opérationnelle et s’accorderont mutuellement assistance.

L’objectif est de lutter plus efficacement contre :

– la criminalité organisée ;

– le terrorisme ;

– la traite des êtres humains, l’abus et l’exploitation sexuelle des enfants ;

– le trafic d’organes, de tissus, de cellules et des produits humains ;

– l’immigration illégale ;

– les faux et les contrefaçons ;

– le trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de leurs précurseurs chimiques ;

– les infractions à caractère économique et financier, et notamment le blanchiment de fonds ;

– le trafic des véhicules volés ;

– le vol et le trafic illicite d’armes, de biens culturels et d’objets d’art ;

– la cybercriminalité.

Les points de la liste formulés de façon positive visent la coopération et l’assistance mutuelle en matière de :

– sûreté des moyens de transport aériens, maritimes et terrestres ;

– police technique et scientifique et méthodes d’investigation ;

– protection et sécurité civiles, y compris la lutte contre les incendies et le secours ;

– gestion de crise ;

– formation.

Par rapport au modèle d’accord élaboré en 2007, il convient de souligner qu’ont été ajoutées la lutte contre la cybercriminalité, qui devrait figurer de manière systématique dans les nouveaux accords compte tenu des enjeux de sécurité qu’elle représente désormais, ainsi que la sécurité civile et la gestion de crise. La présence explicite de ces deux derniers volets atteste du souhait des parties de nettement renforcer les modalités de la coopération actuelle et permet d’envisager un champ d’application large de l’accord.

En outre, la liste des domaines couverts par l’accord n’est pas exhaustive. Conformément au dernier alinéa de l’article premier, la coopération peut être étendue à d’autres domaines relatifs à la sécurité intérieure d’un commun accord entre les gouvernements français et vietnamiens.

2) Les modalités de mise en œuvre de la coopération opérationnelle et technique

Les articles 2 à 6 de l’accord déterminent les modalités de mise en œuvre de cette coopération.

L’article 2 de l’accord précise les conditions de l’assistance mutuelle que les parties se portent dans la lutte contre les différentes formes de criminalités visées par l’accord. Cette assistance se traduit par la communication d’informations sur les personnes soupçonnées d’y prendre part, sur les méthodes utilisées par les criminels, les réseaux, les infractions et les éventuelles mesures de prévention. La coopération en matière policière passe aussi par la mise à disposition sur demande d’échantillons ou d’objets et des informations y afférentes. Enfin, elle implique des mesures policières coordonnées et une assistance réciproque en personnel et en matériel sur la base d’arrangements complémentaires.

Il convient de souligner que cet article est moins détaillé que celui du modèle d’accord. Cela s’explique par le fait que le Vietnam ne présente pas des normes équivalentes aux nôtres, notamment en matière de protection des données individuelles, comme explicité infra.

L’article 3 prévoit les modalités de la coopération dans le domaine de la lutte contre les stupéfiants pour toutes les étapes du trafic, de la culture à la commercialisation illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de leurs précurseurs. On soulignera que le Vietnam étant situé dans une zone productrice d’héroïne, la culture de l’opium est expressément mentionnée.

Sur la base de cet article, des mesures coordonnées seront prises et il sera procédé à des échanges d’informations sur les personnes participant à la production ou au trafic illicite de ces substances et sur toute la chaîne, de leur production à leur écoulement, sur les flux commerciaux de ces produits, sur les résultats des recherches en criminalistique et en criminologie, à des échanges d’échantillons de produits et de résultats d’expériences relatives au contrôle et au commerce légal de stupéfiants, de substance psychotropes et de leurs précurseurs. Cet article vise ainsi à prévenir, empêcher et aider à détecter les faits visés par trois conventions et un protocole : la Convention unique des Nations unies sur les stupéfiants du 30 mars 1961, modifiée par le Protocole du 25 mars 1972, la Convention sur les substances psychotropes du 21 février 1971 et la Convention du 19 décembre 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes.

L’article 4 prévoit que la coopération en matière de lutte contre le terrorisme se traduit par des échanges d’informations relatives aux actes de terrorisme projetés ou commis, à leurs méthodes et moyens techniques d’exécution, ainsi que toute autre indication de nature à prévenir des actes terroristes sur le territoire de l’autre partie.

L’article 5 concerne la lutte contre les contrefaçons et constitue donc la particularité de l’accord signé avec le Vietnam au regard des autres accords passés ou en cours de négociation. Il prévoit que dans le cadre de cette lutte sont menées des activités de coopération et de partage d’informations liées à la prévention et la lutte contre les infractions, qu’elles soient commises à titre principal ou connexe. Cette précision a évidemment son importante et assure un périmètre optimal. De plus, il est explicitement précisé que la France et le Vietnam établissent une coopération dans le domaine de la police technique et scientifique au service de la prévention et de la lutte contre les contrefaçons. La coopération disposera donc désormais d’un cadre juridique clair à même de favoriser une action plus efficace.

La coopération technique fait l’objet de l’article 6 de l’accord. En premier lieu, cet article définit les principaux objectifs de la coopération technique dans les différents domaines figurant à l’article 1er. Il s’agit d’objets généraux, qui ne sont pas directement liés à la résolution d’une affaire en particulier, contrairement aux cas traités par les articles précédents qui relevaient de la coopération opérationnelle, mais qui visent le renforcement de l’efficacité des services de police : la formation générale et spécialisée, les échanges d’informations et d’expériences professionnelles, le conseil technique, l’échange de documentations spécialisées et l’accueil réciproque de fonctionnaires et d’experts. Ce dernier volet s’accompagne de la précision « si nécessaire », témoignant du respect de la souveraineté des parties. C’est sur la base de cet article que pourra être assurée la promotion du savoir-faire français en matière de technologies de sécurité intérieure.

En second lieu, l’article 6 décline les modalités concrètes de la coopération technique, à savoir :

– des échanges préalables de correspondances entre les parties par voie diplomatique ;

– si besoin, des arrangements techniques entre les administrations pour préciser les modalités de mise en œuvre concrète des actions ;

– une programmation annuelle ;

– la mise à disposition par la partie requérante d’un interprète.

L’article 9 de l’accord, qui désigne les ministères compétents, leur confie également le soin de désigner les organismes chargés de la mise en œuvre des différents domaines de coopération.

3) Les limites posées

● En premier lieu, l’article 7 pose des garde-fous quant au respect de la souveraineté des parties. Il dispose que les actions de coopération mises en œuvre doivent s’effectuer pour chaque partie « dans le strict respect de sa législation nationale et de ses engagements internationaux ». Il prévoit ensuite une double clause de sauvegarde ouvrant la possibilité pour l’une des deux parties de rejeter :

– une demande d’information si elle est jugée contraire à sa législation nationale, à ses obligations internationales, « y compris celles relatives aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales » ;

– une demande de coopération qui porterait atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l’ordre public, aux règles d’organisation et de fonctionnement de l’autorité judiciaire ou à d’autres intérêts essentiels de l’Etat.

L’Etat qui reçoit la demande est seul juge dans ce domaine : il doit seulement informer l’autre partie du rejet de sa demande. En cas de désaccord, pourra jouer l’article 11 de l’accord qui stipule que tout différend relatif à l’interprétation ou l’application de l’accord est réglé par négociation entre les parties.

● Cette préoccupation se retrouve concernant les données nominatives. Comme indiqué précédemment, la rédaction de l’article 2 diverge de celle du modèle d’accord pour tenir compte du niveau moins protecteur de la législation vietnamienne, notamment concernant les données nominatives. Il est explicitement prévu à cet article que les parties se communiquent des informations « dans le respect des législations nationales ». Cette précision permettra concrètement aux services français de refuser la transmission de données personnelles aux vietnamiens, compte tenu de l’absence, à ce jour, de système satisfaisant de protection des données personnelles au Vietnam.

Pour mémoire, le régime de protection des données à caractère personnel est prévu en France notamment par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant, conformément à nos engagements communautaires, la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. La loi du 6 août 2004 précitée dispose que des données personnelles peuvent être transmises, dans le cadre d’engagements internationaux de coopération policière, à des organismes qui présentent un niveau de protection suffisant de ces données.

L’article 8 de l’accord porte quant à lui spécifiquement sur la protection des informations. D’abord, il énonce que les échanges doivent garantir le degré de confidentialité attaché aux informations par la partie émettrice et que les informations, documents, échantillons et objets transmis ne peuvent être communiqués sans consentement à des tiers. Ensuite et surtout, l’essentiel de l’article 8 est consacré à détailler les neuf conditions posées pour que la protection des données nominatives soit assurée. La communication et l’utilisation des données personnelles sont ainsi strictement encadrées afin de les rendre compatibles avec la législation française. Les données nominatives transmises à l’autre partie ne pourront être utilisées qu’aux fins et conditions définies par la partie émettrice, celle-ci doit être informée de l’utilisation qui en est faite et des résultats obtenus, l’accès de toute personne aux données qui la concernent doit être assuré et les conditions de destruction de ces données sont précisément fixées (délais, obligations découlant de l’inexactitude des informations, tenue d’un registre indiquant leur destruction et destruction des données en cas de dénonciation ou de non-reconduction de l’accord).

● Enfin, concernant les frais liés à la mise en œuvre de l’accord, l’article 10 de l’accord précise comme d’usage que les parties prennent en charge leurs frais respectifs dans la limite de leurs disponibilités budgétaires. Un Etat ne peut donc être contraint de financer un projet de coopération au-delà de ses moyens. En revanche, d’une part, cette formulation n’exclut pas la prise en charge par la France d’actions demandées par le Vietnam. D’autre part, l’article prévoit que cette répartition de la charge s’applique sauf décision contraire prise d’un commun accord au cas par cas. En tout état de cause, l’impact budgétaire de l’accord demeurera modeste, et sans commune mesure avec les dépenses induites en France par la lutte contre les différentes formes de criminalité qui pourront être combattues plus efficacement en amont.

CONCLUSION

La coopération franco-vietnamienne en matière de sécurité intérieure sera incontestablement confortée par l’entrée en vigueur de l’accord signé le 12 novembre 2009 et son efficacité accrue. Elle s’intègrera également dans le développement et la rénovation de la politique bilatérale franco-vietnamienne, aussi riche que diversifiée.

Il convient de souligner à cet égard l’effort qui a été effectué pour formaliser et multiplier les coopérations en matière de sécurité intérieure au cours de ces dernières années, afin de leur donner un cadre précis et opérationnel, soucieux des intérêts de la France et à même d’améliorer la lutte contre la criminalité internationale. En Asie du Sud-est, les activités criminelles constituent une menace importante, tant pour les Etats de la région que ceux de l’Union européenne. C’est pour cette raison que l’accord objet du présent rapport constitue non seulement un moyen, mais également une étape, dans le processus de multiplication d’accords de ce type dans la région et dans celui de l’approfondissement d’une coopération opérationnelle franco-vietnamienne.

En effet, si la coopération technique et le partage d’informations seront facilités par l’entrée en vigueur de l’accord de sécurité intérieure, l’expérience a montré qu’une coopération opérationnelle, policière et judiciaire, nécessite également la négociation d’un accord d’entraide judiciaire en matière pénale. Des affaires judiciaires d’intérêt commun sont traitées régulièrement par l’attaché de sécurité intérieure jouant le rôle d’interface et de facilitateur via le Bureau central national (BNC) Interpol-Vietnam à Hanoï. Le nombre de demandes de coopération judiciaire serait sans nul doute supérieur si une convention d’entraide judiciaire en matière pénale était signée entre la France et le Vietnam.

Dans l’immédiat, votre Rapporteur approuve pleinement les orientations retenues pour renforcer la coopération avec le Vietnam en matière de sécurité intérieure et les dispositions de l’accord qui les formalisent, et vous propose en conséquence de voter en faveur du projet de loi de ratification.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 28 juin 2011.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

Mme Martine Aurillac, présidente. Je vous remercie pour ce rapport très complet et cette présentation vivante. Mis à part les médicaments, sur quels secteurs porte la contrefaçon ?

M. Gilles Cocquempot, rapporteur. Le Vietnam n’est pas seulement un producteur, c’est aussi un pays de transit des contrefaçons de tous types en provenance de Chine.

Je souhaiterais avant de répondre aux questions sur l’accord avec le Vietnam qu’il est proposé de ratifier, vous dire que les membres du groupe d’amitié ont été très choqués par le fait que l’Assemblée nationale n’ait pas envoyé de délégation pour les cérémonies du 1000e anniversaire d’Hanoï, malgré les invitations répétées de l’ambassadeur du Vietnam en France. Seul le président honoraire du Sénat, mandaté par le Président de la République, s’y est rendu. Je ne pense pas que nos amis vietnamiens ait apprécié ce refus.

M. Serge Janquin. Je salue l’ambassadeur du Vietnam à Paris ! Je partage les conclusions du rapporteur et je voudrais faire référence à la situation qu’il a évoquée, celle du triangle Calais-Sangatte-Coquelles, qui est unique en France. Des flux de migrants très importants s’y concentrent, en partance pour l’étranger. Je souhaite notamment attirer l’attention sur la situation des enfants. Compte tenu des règles en vigueur relatives à la reconduite aux frontières, la France doit les garder jusqu’à leur majorité et il s’agit d’une charge très lourde pour le conseil général du Pas-de-Calais, qui reçoit un flux de migrants en provenance de toute la France. Il serait opportun que la solidarité nationale joue via le ministère de l’intérieur.

M. Gilles Cocquempot, rapporteur. Je partage tout à fait l’avis de M. Serge Janquin. Le Pas-de-Calais subit cette situation depuis 2000. Les migrants ne sont plus aujourd’hui des Kosovars, mais la situation est la même. Je veux souligner ici la profonde empathie de la population calaisienne. Les migrants sont disséminés, ils font désormais partie du paysage, avec l’espoir de partir au Royaume-Uni ou plus loin. Il n’y a jamais de problème entre eux et la population, ils souffrent et sont des plus respectables.

M. Jean-Paul Dupré. Quelle est l’importance de la criminalité et quels sont les moyens mis en œuvre par la France et le Vietnam pour y faire face ?

M. Gilles Cocquempot, rapporteur. L’objet de l’accord est précisément d’organiser la coopération entre les forces de police françaises et vietnamiennes, engagée depuis maintenant plusieurs années. Elle repose à la fois sur des échanges et des actions de formation, notamment en matière de technologies, et sur des échanges d’informations permettant de mieux lutter contre les réseaux.

M. Jean-Pierre Dufau. Ma remarque est plus large et porte sur la péninsule indochinoise. Le Vietnam est un pays phare avec lequel la France a les rapports que l’on sait. Il serait peut-être opportun de partir de cette coopération bilatérale en matière de sécurité pour essayer d’y associer des pays comme le Laos et le Cambodge, qui connaît en ce moment le procès douloureux des Khmers rouges. Ce serait l’occasion, compte tenu du fait que nos moyens ne sont pas à la hauteur de nos ambitions, de réfléchir à une manière de globaliser notre action, ce que je crois stratégique face à l’immensité de la Chine. Il me semble qu’il y a là un point névralgique sur lequel il y aurait des opportunités à saisir.

M. Gilles Cocquempot, rapporteur. Je partage votre avis. Nous disposons d’un service de sécurité intérieure au Vietnam, qui a aussi compétence pour le Laos. Le Vietnam coopère avec ses deux voisins, avec lesquels la France ne dispose pas d’accord de sécurité intérieure. La France lance en revanche un projet de fonds de solidarité prioritaire qui couvrira les trois pays en matière de lutte contre les contrefaçons. Il est évident que l’approfondissement de notre coopération avec le Vietnam doit constituer une ouverture pour travailler plus largement sur la région. Je souscris personnellement à votre suggestion.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n  3137).

*

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE :
Liste des accords bilatéraux de sécurite intérieure signés par la France

NB : Ne figurent pas dans ce tableau les accords de coopération transfrontalière en matière policière et douanière signés avec l’Espagne, la Espagne, la Suisse, l’Espagne, l’Espagne, le Espagne, le Espagne et le Surinam

EUROPE

Intitulé

Date
et lieu de signature

Entrée en vigueur

Albanie

Accord entre le gouvernement de la République française et le conseil des ministres de la République d’Albanie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

15/05/2008 Paris

01/06/2010

Bulgarie

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

10/05/2002 Sofia

01/05/2005

Bosnie-Herzégovine

Accord entre le gouvernement de la République française et le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

29/03/2010 Paris

En cours de ratification

Chypre

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Chypre relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

4/03/2005 Nicosie

01/11/2007

Croatie

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

10/10/2007 Paris

01/09/2009

Espagne

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d’Espagne relatif à la coopération en matière de terrorisme

10/01/2008

Pas de ratification parlementaire

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d’Espagne relatif à la coopération contre le trafic international de stupéfiants

27/04/2010

Pas de ratification parlementaire

Géorgie

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de Géorgie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

26/11/2009 Paris

En cours de ratification

Grèce

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République hellénique relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

19/05/2008 Paris

23/03/2011

Hongrie

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Hongrie relatif à la coopération en matière d’affaires intérieures

16/01/1997 Budapest

27/01/2000

Macédoine

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de Macédoine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

18/12/2003 Skopje

01/09/2006

Malte

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Malte relatif à la coopération en matière d’affaires intérieures

9/03/1998 Paris

01/07/1998

Pays-Bas

Accord sur la coopération dans le domaine de la police et de la sécurité entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des Pays-Bas

20/04/1998 La Haye

01/03/1999

Pologne

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Pologne relatif à la coopération en matière d’affaires intérieures

12/09/1996 Varsovie

01/03/1998

République tchèque

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tchèque relatif à coopération en matière policière, de sécurité civile et d’administration publique

2/04/2007 Prague

01/08/1997

Roumanie

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Roumanie relatif à la coopération en matière d’affaires intérieures

21/02/1997 Bucarest

01/01/1998

Russie

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de la lutte contre la criminalité

10/02/2003 Paris

01/02/2005

Serbie

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Serbie portant sur la coopération policière

17/11/2009 Paris

En cours de ratification

Slovaquie

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République slovaque relatif à la coopération en matière d’affaires intérieures

07/05/1998 Bratislava

01/12/1998

Slovénie

Accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Slovénie

10/10/2007 Paris

01/04/2010

Ukraine

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l’Ukraine relatif à la coopération policière

03/09/2002 Kiev

01/08/2004

AFRIQUE

Intitulé

Date
et lieu de signature

Entrée en vigueur

Afrique du Sud

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République d Afrique du Sud

26/06/1998 Pretoria

11/11/1998

Algérie

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la coopération en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée

25/10/2003 Algérie

01/04/2008

Libye

Convention relative a la coopération en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée entre le gouvernement de la République Française et La Grande Jamahiriya arabe Libyenne Populaire et Socialiste

10/12/2007 Paris

01/06/2010

Maroc

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc relatif à la coopération en matière de sécurité (ensemble un échange de note)

30/05/2000 Paris

01/05/2001

Maurice

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

13/06/2008 Paris

17/04/2010

AMERIQUE

Intitulé

Date
et lieu de signature

Entrée en vigueur

Brésil

Accord de partenariat et de coopération entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérative du Brésil en matière de sécurité publique

12/03/1997 Brasilia

01/09/2007

Protocole additionnel à l’Accord de partenariat et de coopération entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la création d’un Centre de coopération policière

07/09/2009 Brasilia

En cours de ratification

Colombie

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Colombie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

22/07/2003 Bogota

01/06/2007

Mexique

Accord de coopération technique en matière de sécurité publique entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des États-unis du Mexique

12/11/1998 Mexico

20/08/1999

Venezuela

Accord de coopération ente le gouvernement de la République française et le gouvernement du Venezuela en vue de lutter contre l’usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes

10/10/1989 Caracas

01/03/1990

ASIE

Intitulé

Date
et lieu de signature

Entrée en vigueur

Arabie saoudite

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d’Arabie saoudite relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de défense civile

24/02/2008 à Riyad

24/07/2010

Bahreïn

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Bahreïn relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de défense civile

30/11/2007 Paris

17/04/2010

Chine

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République populaire de Chine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

08/01/2004 Pékin

10/09/2006

Emirats arabes unis

Accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l’État des Émirats arabes unis

26/05/2009 Abou Dhabi

En cours de ratification

Israël

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l’État d’Israël portant sur la coopération dans la lutte contre la criminalité et le terrorisme

23/06/2008 Jérusalem

En cours de ratification

Kazakhstan

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Kazakhstan relatif à la coopération en matière de lutte contre la criminalité

06/10/2009 Astana

En cours de ratification

Liban

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République libanaise relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, de sécurité civile et d’administration matière de sécurité intérieure

21/01/2010 Paris

En cours de ratification

Tadjikistan

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Tadjikistan relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

06/12/2002 Paris

11/03/2005

Vietnam

Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République socialiste du Vietnam relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

12/11/2009 Hanoï

En cours de ratification

Des projets d’accord sont en cours de négociation ou signature avec les pays suivants : Portugal, Slovaquie, Moldavie, Turquie, Pakistan, Irak, Yémen et Equateur.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste du Vietnam relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, signé à Hanoï le 12 novembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 3137).

© Assemblée nationale

1 () Devenu INHESJ, Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, par suite de la fusion en 2009 avec l’Institut d’études et de recherche pour la sécurité des entreprises (IERSE).