Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


N
° 4174, N° 4175 et N° 4176

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 janvier 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

– LE PROJET DE LOI n° 3708, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine relatif à la mobilité des jeunes,

– LE PROJET DE LOI n° 3709, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Monténégro relatif à la mobilité des jeunes,

et

– LE PROJET DE LOI n° 3710, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie relatif à la mobilité des jeunes,

par M. Jean-Pierre  DUFAU

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – LA VOLONTÉ DE FACILITER LES ÉCHANGES HUMAINS ENTRE LA FRANCE ET LES TROIS ÉTATS DES BALKANS CONCERNÉS 7

A – DES ETATS QUI SE RAPPROCHENT DE L’UNION EUROPÉENNE 7

1) La Macédoine, le Monténégro et la Serbie sont encore à des stades différents du processus de rapprochement 7

2) L’entrée de leurs citoyens sur le territoire de la zone Schengen a été facilitée 9

B – DES ETATS QUI ONT BESOIN D’AIDE POUR LA FORMATION DE LEURS JEUNES 10

1) Des situations économiques particulièrement difficiles pour les jeunes 10

2) Les actions de coopération conduites par la France en matière d’enseignement supérieur 12

a) En Serbie 12

b) En Macédoine 14

c) Au Monténégro 14

II – DES ACCORDS D’UN NOUVEAU TYPE, ADAPTÉS À LA SITUATION DE CHACUN DES TROIS ÉTATS 17

A – LES STIPULATIONS RELATIVES AUX JEUNES, CœUR DES TROIS ACCORDS 17

1) Des règles différentes en fonction du statut du jeune 17

a) Les étudiants 18

b) Les stagiaires 19

c) Les jeunes professionnels 20

2) La promotion des échanges de jeunes 22

B – LES STIPULATIONS RELATIVES À L’IMMIGRATION PROFESSIONNELLE, RÉSERVÉES AUX ACCORDS AVEC LA MACÉDOINE ET LE MONTÉNÉGRO 23

CONCLUSION 25

EXAMEN EN COMMISSION 27

____

ANNEXE :TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 29

Mesdames, Messieurs,

Les trois accords dont il est proposé d’autoriser l’approbation par le gouvernement français sont d’un type nouveau : ils visent à faciliter la mobilité de jeunes ressortissants des Etats signataires vers la France et, dans une certaine mesure, des jeunes Français vers ces pays. Ils ont été conclus avec la Macédoine, le Monténégro et la Serbie, trois Etats des Balkans issus du démantèlement de la Yougoslavie et qui sont engagés, à des stades différents, dans un processus de rapprochement de l’Union européenne.

Des accords du même type ont été négociés avec la Bosnie-Herzégovine et avec l’Albanie, mais n’ont pas encore été signés : parties, comme les trois Etats précités, d’un accord de stabilisation et d’association avec l’Union européenne, ces deux Etats bénéficient aussi, mais depuis moins longtemps, d’une dispense de visa pour leurs ressortissants effectuant des courts séjours dans l’Union européenne. Un autre Etat a signé un accord voisin de ceux qui nous occupent : il s’agit du Liban, mais cet accord ne comporte pas, contrairement à ceux négociés avec les Etats des Balkans, de stipulations relatives à l’octroi de bourses pour les étudiants.

Le but de ces accords est de faciliter la venue en France de jeunes diplômés ou actifs ressortissants de l’autre Etat partie pour y faire une première expérience professionnelle ou y effectuer un stage. Le principe de réciprocité s’applique à la plupart de leurs stipulations. La France a proposé aux trois Etats un accord type identique, qui a ensuite été adapté en fonction des demandes particulières de chacun d’eux.

La vocation européenne de la Serbie, de la Macédoine et du Monténégro, ainsi que leur situation économique difficile, particulièrement pénalisante pour les jeunes gens, justifient pleinement, aux yeux de votre Rapporteur, que la France facilite les séjours professionnels sur son territoire de jeunes actifs. Les stipulations des trois accords sont proches les unes des autres et relèvent de la même logique, comme votre Rapporteur va le montrer, tout en soulignant leurs points de divergence.

I – LA VOLONTÉ DE FACILITER LES ÉCHANGES HUMAINS ENTRE LA FRANCE ET LES TROIS ÉTATS DES BALKANS CONCERNÉS

A – Des Etats qui se rapprochent de l’Union européenne

Si l’on met à part la Slovénie, membre de l’Union européenne depuis le 1er mai 2004 et la Croatie, dont l’entrée dans l’Union est d’ores et déjà prévue pour le 1er juillet 2013, l’Ancienne République yougoslave de Macédoine – que l’on appellera Macédoine par commodité – et le Monténégro sont les deux Etats issus de l’ancienne Yougoslavie les plus avancés dans le processus de rapprochement de l’Union européenne. La Serbie a encore quelques étapes à franchir pour les rejoindre, mais elle devrait les rattraper rapidement.

1) La Macédoine, le Monténégro et la Serbie sont encore à des stades différents du processus de rapprochement

Comme le tableau suivant le met en évidence, la Macédoine et le Monténégro ont atteint la dernière étape avant le début des négociations d’adhésion à l’Union européenne lorsqu’ils se sont vu reconnaître, respectivement en décembre 2005 et décembre 2010, le statut de candidat. Si le cheminement de la Macédoine n’a pas rencontré de difficultés particulières, celui du Monténégro a été remarquablement rapide dans la mesure où il n’a obtenu son indépendance de l’Etat commun de Serbie-et-Monténégro qu’en juin 2006.

Dans son rapport du 12 octobre 2011, la Commission a salué les progrès enregistrés par la Macédoine et le Monténégro : les deux pays remplissent les critères politiques, un cadre légal a été mis en place en matière de droits de l’Homme et de protection des minorités – la Macédoine abrite une minorité albanaise qui constitue le quart de sa population –, ils respectent leurs obligations internationales et participent à la coopération régionale, la situation s’améliore pour ce qui est de leur capacité à assumer les obligations d’un Etat membre, même si les résultats sont plus ou moins rapides selon les domaines. En conclusion, la Commission a renouvelé son avis favorable – donné en 2009 – à l’ouverture des négociations avec la Macédoine, recommandant un rapide règlement de la question de son nom pour lui permettre d’obtenir le vote unanime nécessaire à cette nouvelle étape, et émis, pour la première fois, le même avis favorable sur le Monténégro.

LES BALKANS OCCIDENTAUX ET L’UNION EUROPÉENNE

Etat

Date de signature de l’ASA

Date d’entrée en vigueur de l’ASA

Date de la reconnaissance du statut de candidat à l’Union européenne

Albanie

12 juin 2006

1er avril 2009

Ancienne République yougoslave de Macédoine

9 avril 2001

1er avril 2004

17 décembre 2005

Bosnie-Herzégovine

16 juin 2008

Processus de ratification en cours (1)

Croatie

29 octobre 2001

1er février 2005

décembre 2004 (2)

Monténégro

15 octobre 2007

1er mai 2010

17 décembre 2010

Serbie

29 avril 2008

Processus de ratification en cours (3)

(1) La Bosnie-Herzégovine et, depuis décembre 2010, tous les Etats membres l’ont déjà ratifié ; l’Union européenne estime que la situation intérieure du pays ne lui permet pas de faire de même ; elle exige au préalable la réalisation de certaines réformes.

(2) Les négociations ont commencé en octobre 2005 ; son entrée dans l’Union est prévue le 1er juillet 2013.

(3) Il ne manque plus que la ratification de quatre Etats membres et celle de l’Union européenne pour permettre son entrée en vigueur.

NB : Le Kosovo, dont l’indépendance n’a pas encore été reconnue par tous les Etats membres, n’a pas encore commencé à négocier d’accord d’association et de stabilisation avec l’Union européenne.

La Serbie a en revanche pris plusieurs années de retard dans ce processus à la suite de la guerre qui l’a opposée au Kosovo à la fin des années 1990, puis au maintien au pouvoir d’opposants à l’entrée dans l’Union européenne. La chute de Slobodan Milosevic en octobre 2000 a ouvert la voie à un renouveau qui a conduit à la proclamation d’une nouvelle constitution, prenant acte de l’indépendance du Monténégro. L’élection d’un pro-européen, M. Boris Tadic, à la présidence en 2004, puis sa réélection en 2008 et le succès de ceux qui faisaient du rapprochement avec l’Union européenne une priorité aux législatives de la même année ont permis une accélération. Mais, pendant plus de deux années, la ratification de l’accord d’association et de stabilisation s’est heurtée à la coopération jugée insuffisante de la Serbie avec le Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie. Ce blocage enfin levé, la phase de ratification de l’accord par les Etats membres devrait être courte : elle est quasiment achevée dix-huit mois après avoir commencé. La Serbie a en outre demandé dès le 22 décembre 2009 que lui soit reconnu le statut de candidate à l’adhésion à l’Union européenne, ce qui pourrait intervenir très prochainement.

Le 12 octobre dernier, la Commission a en effet remis un avis recommandant l’octroi à la Serbie du statut de « pays candidat », tout en posant des conditions à l’ouverture des négociations. Des progrès significatifs doivent au préalable être enregistrés dans plusieurs domaines clés, notamment la normalisation des relations avec le Kosovo, une coopération active avec la mission EULEX, afin qu’elle puisse exercer ses fonctions dans toutes les parties du Kosovo, y compris donc au nord, le respect des principes de la coopération régionale et la poursuite de la mise en œuvre « de bonne foi » de tous les accords finalisés. La Commission ajoute ainsi aux critères politiques de Copenhague l’existence de relations normalisées avec les voisins. Concernant l’intégration de l’acquis communautaire, l’avis de la Commission est positif sur la politique de défense, de sécurité et d’affaires étrangères et sur les relations extérieures. Il estime en revanche insuffisant les efforts effectués en matière de droits fondamentaux et judiciaires et de justice et affaires intérieures.

2) L’entrée de leurs citoyens sur le territoire de la zone Schengen a été facilitée

A l’exception de ceux du Kosovo, tous les ressortissants des Etats issus de l’ex-Yougoslavie, ainsi que les Albanais, bénéficient désormais d’une dispense de visa pour les courts séjours dans la zone Schengen. Elle a été accordée à compter du 19 décembre 2009 aux citoyens de Serbie, de Macédoine et du Monténégro ; les Albanais et les Bosniens ont dû attendre le 27 mai 2010 pour obtenir la même facilité. Cette dispense satisfait une demande à laquelle les Etats concernés étaient très attachés.

Dans son rapport d’octobre dernier, la Commission a néanmoins observé que certains membres de l’Union avaient constaté une hausse des demandes d’asile de ressortissants de ces pays, et en particulier de Serbie et de Macédoine. Un mécanisme de suivi du régime de libéralisation des visas a été mis en place dès janvier 2011 pour remédier à ce problème. En France, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, la Macédoine et la Serbie figurent d’ores et déjà sur la liste des pays d’origine sûrs – dont les ressortissants demandeurs d’asile ne bénéficient pas du droit au séjour – ; le ministre de l’intérieur a annoncé le souhait du Gouvernement de voir, entre autres, le Monténégro ajouté sur cette liste, qui est élaborée par le conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Chacun des accords de stabilisation et d’association prévoit une coopération en matière migratoire avec l’Union européenne. Il est significatif que, mise à part la dispense de visa pour les courts séjours, cela se soit jusqu’ici uniquement traduit par la conclusion d’accords de réadmission : signés le 18 septembre 2007 entre l’Union européenne et, respectivement, la Serbie, la Macédoine et le Monténégro, ces accords sont entrés en vigueur le 1er janvier 2008. Ils prévoient la faculté de conclure un protocole bilatéral d’application entre un Etat membre et chacun de ces trois pays pour préciser notamment les autorités compétentes en matière de réadmission, les modalités de retour et de transit, etc.

A ce jour, la France a signé un seul protocole de ce type, avec la Serbie, le 18 novembre 2009. Celui-ci doit faire l’objet de la procédure parlementaire d’autorisation de son approbation avant de pouvoir entrer en vigueur. S’agissant de la Macédoine, un protocole d’application est en cours de négociation : la partie française a transmis ses propositions de modifications le 28 octobre 2011 en réponse au projet macédonien. Il n’est en revanche pas envisagé, à ce stade, de conclure un protocole d’application avec le Monténégro.

Pour l’heure, les ressortissants des Etats des Balkans restent donc soumis aux règles de droit commun pour ce qui concerne les séjours de plus de trois mois dans les Etats de la zone Schengen. Les accords relatifs à la mobilité de jeunes ont pour objectif de leur permettre de bénéficier de conditions d’accès plus favorables, dès lors qu’ils satisfont certains critères.

B – Des Etats qui ont besoin d’aide pour la formation de leurs jeunes

Le Monténégro, la Macédoine et la Serbie ont des tailles et des populations très différentes. Le premier ne compte que 620 000 habitants pour 13 812 km2, la seconde en a un peu plus de 2 millions pour 25 713 km2, tandis que la Serbie abrite 7,35 millions d’habitants sur 77 474 km2.

Leur potentiel économique est aussi très contrasté, la Serbie ayant par exemple une longue tradition industrielle, dont le Monténégro est en revanche dépourvu. Mais les trois Etats ont durement subi la crise mondiale et traversent une période très difficile pour leur économie, dont les jeunes sont les premières victimes, d’autant que les systèmes d’enseignement supérieur, hérités de l’époque yougoslave, sont de niveau très différent selon les pays.

Afin de les aider à relever le défi de la formation et de l’insertion professionnelle des jeunes, la France mène d’ores et déjà des actions de coopération bilatérale en matière d’enseignement supérieur.

1) Des situations économiques particulièrement difficiles pour les jeunes

La crise financière a entraîné une dégradation du rythme de croissance de l’ensemble des pays des Balkans. Depuis 2007, le taux de croissance de la Serbie a chuté de 5,7 % par an à 1 % par an en 2011 ; il devrait remonter à 1,5 % en 2012. En Macédoine, la croissance s’était stabilisée à 4 % par an en moyenne au milieu des années 2000, mais le pays a été en récession en 2009 avant de connaître une amorce de reprise : la croissance a été de 1,8 % en 2010 et devrait être de 2,9 % en 2011. Quant au Monténégro, il a été relativement préservé de la crise : sa croissance a été de 2,5 % en 2011, mais les prévisions pour 2012 sont inférieures.

Le taux de chômage est très élevé en Macédoine et en Serbie, où il atteignait respectivement 32 % et 19,2 % en 2010, son niveau ayant encore augmenté en 2011 en Serbie (22,2 %). Dans ce pays, le chômage des jeunes (à 46,4 %) est deux fois deux fois plus élevé que le chômage de l’ensemble de la population et plus de deux fois supérieur à la moyenne de l’Union européenne. Au Monténégro, le chômage moyen est de 11,3 %, mais celui des jeunes est estimé à 37 %.

Cette situation extrêmement difficile pour les jeunes les conduit à quitter leur pays pour chercher du travail à l’étranger. Leur nombre est difficile à estimer, mais les trois pays sont notamment touchés par le phénomène de fuite des cerveaux. 140 jeunes docteurs monténégrins quitteraient leur pays chaque année et l’Institut de sciences politiques et économiques de Belgrade a estimé le nombre de jeunes ayant émigré depuis 1991 à 230 000 personnes. Peu d’entre eux reviennent en Serbie, le pays n’offrant pas de postes de travail rémunérés à la hauteur de leurs qualifications et la procédure de reconnaissance des diplômes obtenus à l’étranger étant longue (quatorze mois en moyenne). C’est l’une des raisons pour lesquelles les autorités serbes se sont fixé l’objectif de réduire le taux de chômage chez les jeunes à 24 % à l’horizon 2020 et ont lancé un train de mesures pour encourager le recrutement des jeunes en contrepartie de subventions et pour renforcer la formation par l’apprentissage. Le gouvernement monténégrin soutient aussi l’emploi des jeunes par l’apprentissage.

L’histoire fédérale commune récente de ces pays explique que Belgrade, ancienne capitale de la Yougoslavie, et la Serbie aient hérité de l’essentiel des structures d’enseignement supérieur yougoslave, dont la qualité était reconnue, tandis que le Monténégro et la Macédoine sont moins bien lotis. Pour l’année universitaire 2010-2011, la Serbie comptait 370 000 étudiants inscrits dans ses établissements d’enseignement supérieur, quand ils n’étaient que 63 250 en Macédoine et 21 400 au Monténégro, concentrés dans leur capitale respective.

Conscientes des enjeux relatifs à la formation supérieure, les autorités de chacun de ces Etats ont pris des mesures et lancé des réformes, dans l’esprit du processus de Bologne (1), dont ils sont tous les trois membres. En Serbie, les réformes en cours visent à adapter le système d’enseignement supérieur aux nouvelles réalités économiques du pays et à le rapprocher des standards européens. Une loi de 2005 a rendu obligatoire le passage à la formule Licence-Master-Doctorat (3/5/8) dans toutes les institutions d’enseignement supérieur serbes à la rentrée 2006-2007. En Macédoine, le gouvernement a développé une stratégie nationale principalement axée sur la multiplication de l’offre en matière universitaire se traduisant concrètement par l’ouverture de nouvelles facultés délocalisées sur l’ensemble du territoire afin de « rapprocher l’université des jeunes ». L’objectif, à moyen terme, est triple : augmenter le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur et avoir une main-d’œuvre plus qualifiée, éviter le départ massif de jeunes dans les pays de la région pour y poursuivre leurs études et limiter la concentration estudiantine à l’Université de Skopje.

2) Les actions de coopération conduites par la France en matière d’enseignement supérieur

La France mène déjà des actions de coopération avec la Serbie, la Macédoine et le Monténégro en matière d’enseignement supérieur, qui pourront atteindre une dimension plus importante avec la mise en œuvre des actions de promotion des échanges de jeunes prévues par les accords relatifs à la mobilité des jeunes.

a) En Serbie

Dans un contexte de concurrence accrue entre systèmes universitaires pour attirer les meilleurs étudiants, la France met en œuvre une politique active de promotion de nos établissements d’enseignement supérieur. C’est à cette fin qu’a été créé, à Belgrade, l’espace CampusFrance situé dans les locaux de l’Institut français. Depuis 2010, l’agent chargé d’animer cet espace y travaille à temps plein, ce qui a permis d’augmenter les plages d’ouverture au public, de multiplier les interventions dans les lycées, facultés et les salons étudiants à Belgrade et dans les principales villes de province. Cela s’est traduit par une augmentation du nombre d’étudiants et de stagiaires serbes en France : alors que leur nombre était orienté à la baisse depuis quelques années – il est passé de 122 jeunes en 2003 à 99 en 2009 –, il a nettement progressé en 2010, pour atteindre 164, soit 15 % de l’ensemble des titres de séjour délivrés à des ressortissants serbes au cours de l’année (à comparer aux 138 Serbes arrivés en France pour motifs professionnels, 45 % des flux vers la France correspondant à de l’immigration familiale).

Le faible coût des frais de scolarité dans les établissements publics français et l’égalité de traitement entre étudiants français et étrangers sont des avantages comparatifs à valoriser. En 2011, plus d’une vingtaine d’accords inter-universitaires franco-serbes formalisés ont été recensés, auxquels il convient d’ajouter les partenariats financés sur fonds européens (Tempus, Erasmus Mundus). Par ailleurs, il existe pour l’heure en Serbie sept formations franco-serbes dans des domaines variés implantées à Belgrade et à Niš, la troisième ville du pays, et fréquentées par près d’une centaine d’étudiants. Elles dispensent des formations en sciences économiques (pour quatre d’entre elles), en management culturel, en langues étrangères appliquées et en conservation du patrimoine.

Afin que ces formations proposent des débouchés professionnels en France et en Serbie, la politique de la France en matière de partenariats universitaires est orientée autour de deux priorités : la double-diplômation et la prise en compte des priorités des entreprises françaises de Serbie. Ainsi l’ensemble des formations franco-serbes sont-elles à la fois professionnalisantes, insérées dans le système économique local et adaptées aux besoins des entreprises françaises.

Enfin, dans la perspective de l’adhésion de la Serbie à l’Union européenne, une part importante de notre politique de coopération universitaire repose sur l’harmonisation du système d’enseignement supérieur serbe avec le modèle européen. Dans le cadre du programme Tempus, quatre établissements français développent aujourd’hui des projets visant à moderniser le système serbe, notamment par la création de nouveaux cursus (masters régionaux, cursus en droit de la propriété intellectuelle ainsi qu’en santé et sécurité au travail).

Dans le cadre de l’accord relatif à la mobilité des jeunes – et en dépit du fait qu’il n’est pas encore entré en vigueur –, sept bourses ont été attribuées en 2010 pour de jeunes étudiants scientifiques serbes (du fait d’un désistement, l’une des bourses a été reportée en 2012), et huit bourses en 2011. Neuf doivent l’être en 2012.

Ces bourses complémentaires ont permis de renforcer la politique de bourses accordées par l’ambassade de France en Serbie : ainsi, en 2010 comme en 2011, ce sont au total quarante étudiants qui ont obtenu des bourses financées totalement ou en partie par le gouvernement français.

Le programme mis en place au titre de l’accord relatif à la mobilité des jeunes a eu plusieurs mérites :

– il a permis de renforcer la notoriété des études en France parmi les étudiants des facultés scientifiques et techniques : l’Institut français de Serbie a utilisé ce programme comme un levier pour renforcer sa communication vers ce public jusqu’à présent en retrait. Ainsi, 40 % des boursiers 2011-2012 sont issus de facultés scientifiques ou techniques. En particulier, des étudiants que leur faible niveau de français dissuadait jusqu’à présent de s’adresser à l’Institut sont attirés par ce programme qui propose des stages d’intégration culturelle et linguistique en plus des bourses ;

– il a incité des écoles et universités françaises à s’intéresser à la Serbie et aux Balkans : grâce à ce programme, le réseau « n+i » participe ainsi depuis deux ans au salon itinérant des études « à la française » qui se tient à l’automne à Sofia, Belgrade, Skopje et Tirana en 2011. Cette année sont venus s’ajouter aux participants PolyTech Nantes et l’Ecole Centrale de Nantes, qui ont été sensibilisés à l’intérêt de la région par ce programme ;

– il a ouvert des opportunités de coopération entre universités serbes et françaises qui devraient se concrétiser rapidement : le réseau d’écoles d’ingénieurs « n+i » a ainsi pris plusieurs contacts à Belgrade pour la mise en place de masters conjoints ; après avoir accueilli deux de ces étudiants, PolyTech Nantes a proposé de développer une coopération avec la faculté des sciences de Niš.

b) En Macédoine

Il existe aussi un espace CampusFrance à Skopje. Le flux des étudiants macédoniens vers la France s’est en effet accru progressivement entre 2003 (36 étudiants) et 2008 (52), avant de se stabiliser autour d’une quarantaine par an, soit 25 % des premiers titres de séjour délivrés en 2010, pour seulement une dizaine de nouveaux arrivants par an pour motifs professionnels.

La France aide à l’instauration de partenariats et de coopérations interuniversitaires et apporte un soutien à la tenue d’un séminaire de didactique universitaire mis en place par l’université Saints Cyrille et Méthode.

Plusieurs établissements d’enseignement supérieur macédoniens et français ont ainsi établi des actions de coopération : 

– l’université de Rouen a signé un accord de coopération avec l’université Saints Cyrille et Méthode. La faculté de philologie de l’université organise des études spécialisées de troisième cycle (langues, affaires et commerce international, LACI) en collaboration avec l’université d’Orléans et sa faculté d’économie coopère avec la faculté des sciences économiques et de gestion de l’université de Nantes, la faculté des sciences économiques de l’université de Rennes et l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de Paris, rattaché à l’université Panthéon-Sorbonne ; l’ambassade de France soutient le master LACI en prenant en charge les missions d’universitaires français ;

– l’ESRA, l’université des arts audiovisuels, s’inspire de l’exemple de l’Ecole supérieure française de réalisation audiovisuelle avec laquelle elle a signé un accord de coopération en matière de mise en œuvre des études, des projets d’études conjointes, et de l’échange d’expériences ;

– l’American College de Skopje coopère avec l’université Paris-Dauphine ;

– l’université de Bitola (UKLO) entretient une coopération bilatérale avec l’université de Nice Sophia-Antipolis et des coopérations avec d’autres universités françaises dans le cadre des programmes Tempus.

Enfin, l’ambassade de France apporte son aide à la participation d’universitaires macédoniens à des colloques et séminaires en France ou dans la région.

c) Au Monténégro

La coopération universitaire entre les établissements d’enseignement supérieur français et les facultés rattachées à l’université d’Etat du Monténégro est développée prioritairement dans les secteurs marchands et porteurs dans la perspective d’adhésion du Monténégro à l’Union européenne : l’économie et le commerce international (un club des affaires franco-monténégrin a été mis en place fin 2011), le tourisme, les sciences politiques et le droit, les sciences physiques, la langue et la littérature française (notamment pour la formation d’interprètes à des fins européennes).

Dans ce cadre, la France appuie le développement du partenariat des facultés d’économie, de tourisme et d’hôtellerie, de sciences politiques et de droit avec ses consœurs de l’université Sophia-Antipolis de Nice. Il existe, depuis trois ans, une filière bilingue (français, monténégrin) de double-diplômation au niveau licence avec la faculté d’économie, qui a accueilli quarante-six étudiants en 2010-2011, et des formules de rapprochement sont à l’étude avec les autres facultés.

Dans le domaine des sciences physiques, il existe un partenariat entre la faculté d’ingénierie électronique et l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Grenoble.

Concernant l’enseignement du français et de la littérature française, la France appuie deux pôles universitaires, la chaire de français à Niksic et l’Institut des langues étrangères à Podgorica, en soutenant régulièrement leurs partenariats avec les facultés de langue française et de littérature de l’université de Tours et de l’université de Strasbourg.

Outre les échanges de professeurs et les bourses de doctorat, l’ambassade de France s’efforce d’encourager la mobilité des jeunes à travers un dispositif de bourses annuelles de master 2, modeste mais efficace : trois ont été accordées en 2010-2011, cinq en 2011-2012, et six devraient l’être en 2012-2013, dont trois financées par le ministère de l’intérieur et trois par le ministère des affaires étrangères et européennes. Par ailleurs, les étudiants monténégrins peuvent bénéficier d’autres dispositifs : les bourses d’excellence Eiffel – une jeune Monténégrine en a obtenu une en 2011-2012 pour un cursus en commerce international à Nice – et Erasmus Mundus – dont une bourse profite à un étudiant monténégrin chaque année. L’Office méditerranéen de la jeunesse (OMJ) peut aussi accorder des bourses pour des formations qu’il a labellisées.

Au-delà des boursiers, le nombre croissant de demandeurs de visa étudiant pour la France (environ une quinzaine par an : seulement deux ont été accordés en 2007, trois en 2008, neuf en 2009) démontre l’appétence des jeunes pour la francophonie, qui se traduit aussi par la très forte augmentation d’élèves aux cours de français de l’Institut français (il y avait cent inscriptions en 2008, quatre cent cinquante en 2011).

On voit donc que, avant même leur entrée en vigueur, les accords relatifs à la mobilité de jeunes ont contribué à la dynamisation de la coopération universitaire bilatérale.

II – DES ACCORDS D’UN NOUVEAU TYPE, ADAPTÉS À LA SITUATION DE CHACUN DES TROIS ÉTATS

Les trois accords relatifs à la mobilité des jeunes ont été signés par M. Eric Besson, alors ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, lors d’une visite dans les Balkans, le 1er décembre 2009 pour les accords avec la Macédoine et le Monténégro, le 2 décembre pour l’accord avec la Serbie. Ils ont déjà été ratifiés par les Etats partenaires.

Comme leur intitulé l’indique, la mobilité des jeunes est leur objet principal. Les accords avec la Macédoine et le Monténégro, dont les rédactions sont très voisines, contiennent néanmoins aussi un article portant sur l’immigration professionnelle dont le champ d’application n’est pas limité aux jeunes.

Les préambules des trois accords sont quasiment identiques. Ils se réfèrent aux accords de stabilisation et d’association et soulignent « le caractère hautement profitable que présente la mobilité des jeunes, facteur de développement économique, social et culturel en faveur de la construction européenne à laquelle participent les deux Etats ». Les Etats parties se disent « désireux de multiplier les occasions pour leurs jeunes ressortissants de chacun des deux Etats, d’apprécier la culture et le mode de vie sur le territoire de l’autre Etat par des activités diverses : études, stages ou emploi » et « résolus à tout mettre en œuvre pour encourager une migration professionnelle temporaire fondée sur la mobilité et l’incitation à un retour des compétences » dans le pays d’origine. Cette dernière phrase figure aussi dans le préambule de l’accord avec la Serbie, alors même qu’il ne contient pas de stipulations relatives à l’immigration professionnelle stricto sensu. Il est en outre précisé que la mise en œuvre des accords se fera « dans le respect des droits et garanties prévus par leurs législations respectives et par les traités et conventions internationales ».

A – Les stipulations relatives aux jeunes, cœur des trois accords

1) Des règles différentes en fonction du statut du jeune

Les trois accords reposent sur la distinction entre les étudiants, les stagiaires et les jeunes professionnels.

a) Les étudiants

Les stipulations relatives aux étudiants, qui figurent à l’article 1er de chacun des accords, sont strictement identiques. Elles concernent en fait les jeunes ressortissants de l’Etat des Balkans signataire qui viennent de finir leurs études et souhaitent compléter leur formation par une première expérience professionnelle en France.

Les conditions à remplir sont les suivantes :

– être ressortissant de l’Etat signataire ;

– avoir obtenu un diplôme de niveau au moins équivalent au master ou à la licence professionnelle ;

– l’avoir obtenu à l’issue d’une formation dans un établissement d’enseignement supérieur français habilité au plan national ou dans un établissement d’enseignement supérieur du pays d’origine lié à un établissement d’enseignement supérieur français par une convention de délivrance de diplôme en partenariat international.

Il est précisé que cette expérience professionnelle sera acquise dans la perspective du retour du jeune dans son pays d’origine.

Si ces conditions sont remplies, le jeune se verra délivrer par les autorités françaises un titre de séjour d’une durée de validité de douze mois. Il sera autorisé à chercher et exercer un emploi qui devra lui-même répondre à une double condition : être en relation avec sa formation et assorti d’une rémunération au moins égale à une fois et demie le SMIC mensuel.

Après ces douze mois, si le jeune exerce un emploi conforme à ces conditions ou a une promesse d’embauche pour un tel emploi, il pourra continuer à travailler en France, sans que soit prise en compte la situation de l’emploi.

Le résultat est donc potentiellement très intéressant pour le jeune, mais les conditions à remplir sont exigeantes. La première difficulté résulte dans l’obligation d’avoir suivi sa formation en France ou d’avoir obtenu un double-diplôme dans son pays, alors que ce type de diplôme est encore peu répandu (cf. supra). Le niveau du diplôme et celui du salaire montrent clairement que la France veut attirer de bons étudiants.

Quant au retour dans le pays d’origine, il est mentionné, mais, une fois que le jeune a un travail en France et le titre de séjour lui permettant de l’occuper, rien de l’oblige à rentrer un jour exercer sa profession dans son pays.

Il est important de souligner que le droit commun est encore nettement plus contraignant que les stipulations des accords bilatéraux : l’article L. 311-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) impose les mêmes conditions de niveau de rémunération de l’emploi occupé et de diplôme, mais celui-ci doit avoir été obtenu en France ; surtout, le titre de séjour accordé n’est qu’une autorisation provisoire de séjour d’une durée de validité de six mois, non renouvelable, et le jeune ne bénéficie d’aucun traitement particulier pour obtenir ensuite le droit de continuer à travailler en France – la situation de l’emploi lui sera donc opposable.

Pour ce qui est des étudiants, seul l’accord avec la Macédoine prévoit une réciprocité, c’est-à-dire l’accueil en Macédoine de jeunes Français souhaitant acquérir une première expérience professionnelle. La condition du niveau de formation est la même que celle imposée aux jeunes Macédoniens mais il n’y a pas d’exigence particulière sur le type d’établissement dans lequel elle a été suivie. Le titre de séjour aura une durée d’un an, renouvelable une fois.

b) Les stagiaires

Les catégories des stagiaires bénéficiaires des accords sont les mêmes pour les Macédoniens et les Monténégrins, mais elles sont plus limitées pour les Serbes.

Dans l’article 1er (point 2) des accords avec la Macédoine et le Monténégro, il y en a trois types :

– les jeunes ressortissants de ces pays qui y suivent une formation et qui souhaitent faire un stage dans une entreprise ou un organisme public français dans le cadre de cette formation et sous couvert d’une convention de stage ;

– les mêmes jeunes qui suivent un programme européen de formation professionnelle ou de coopération requérant un stage ;

– les salariés qui travaillent dans une entreprise française installée dans leur pays ou dans une entreprise de ce pays liée par un partenariat à une entreprise française et qui viennent en France suivre un stage de formation ; ce stage doit être effectué dans une entreprise du même groupe ou partenaire de leur entreprise d’origine et comporter une partie théorique et une partie pratique.

Le stagiaire obtient un visa de long séjour temporaire d’une durée comprise entre trois et douze mois, sur présentation de sa convention de stage.

Les deux accords prévoient la réciprocité : cette réciprocité est stricte dans l’accord avec le Monténégro ; dans l’accord avec la Macédoine, elle concerne seulement les Français se trouvant dans l’une des deux premières situations précitées, auxquels s’ajoutent les volontaires qui travaillent à la réalisation de projets à caractère public en Macédoine au sein d’institutions ou d’organismes publics (français, macédoniens ou internationaux) (2).

L’accord avec la Serbie ne retient que deux types de stagiaires : son article 2 traite du cas des étudiants et son article 3 de celui des salariés, prévoyant les mêmes conditions que les accords avec la Macédoine et le Monténégro. Il n’y a pas de mesure de réciprocité au bénéfice de certains Français.

c) Les jeunes professionnels

Le cas des jeunes professionnels est régi par l’article 1er (point 3) des accords avec la Macédoine et le Monténégro et par l’article 4 de l’accord avec la Serbie.

Les conditions à remplir pour bénéficier des stipulations relatives aux jeunes professionnels sont exactement les mêmes dans les trois accords :

– comme le but est le développement des échanges de jeunes professionnels, ceux-ci doivent être soit français, soit ressortissant de l’Etat partenaire ;

– ils doivent être âgés entre dix-huit et trente-cinq ans ;

– ils doivent être déjà engagés ou entrant dans la vie active ;

– le but de leur séjour dans l’autre pays est d’« améliorer leurs perspectives de carrière et approfondir leur connaissance de la société d’accueil grâce à une expérience de travail salarié dans une entreprise qui exerce une activité de nature sanitaire, sociale, agricole, artisanale, industrielle, commerciale, libérale ou de services » ;

– ils doivent être titulaires d’un diplôme correspond à l’emploi qu’ils veulent occuper ou avoir une expérience professionnelle dans ce domaine.

S’ils remplissent ces conditions, ils sont autorisés à occuper un emploi sans que soit prise en considération la situation de l’emploi. La durée autorisée de travail est de douze mois renouvelable une fois.

Les jeunes Balkaniques recevront des autorités françaises un visa de long séjour valant titre de séjour portant la mention « travailleur temporaire » d’une durée de douze mois sur présentation de leur contrat de travail. Ce titre les autorise à occuper exclusivement l’emploi pour lequel ils l’ont obtenu. En cas de demande de prolongation du séjour, ce visa sera prolongé pour la même durée.

Les jeunes Français bénéficieront naturellement d’un titre différent selon le pays où ils souhaitent travailler, en application de chaque législation nationale : il s’agira d’un titre de séjour temporaire en Macédoine (3), d’une autorisation de séjour temporaire valant titre de séjour au Monténégro et d’un visa de long séjour temporaire en Serbie.

Chaque accord fixe le nombre maximal de bénéficiaires potentiels de ce dispositif pour chaque Etat partie : cent par an dans l’accord avec le Monténégro, deux cents par an dans l’accord avec la Macédoine et cinq cents par an dans l’accord avec la Serbie. Ce nombre croît avec la population des différents Etats, mais pas de manière proportionnelle, les plus petits pays étant avantagés : si la fixation du nombre était proportionnelle, le Monténégro ayant obtenu cent échanges, la Macédoine aurait dû en avoir 320 et la Serbie près de 1 200. Selon les informations données par le ministère de l’intérieur à votre Rapporteur, ces contingents ont été fixés en accord avec chacun des trois pays, en fonction de leur population et des probabilités d’échanges de jeunes.

Ces niveaux ne sont d’ailleurs pas acquis puisque les accords parlent de contingents qui peuvent être modifiés pour l’année suivante par simple échange de lettres entre autorités compétentes. Ils pourraient ainsi, éventuellement, être réduits à zéro. Cette perspective n’est pas irréaliste puisque le ministre de l’intérieur a fait part, en mai dernier, de son souhait de réduire les flux migratoires légaux, y compris professionnels. A cet égard, votre Rapporteur ne peut que s’étonner que les études d’impact des trois projets de loi, qui ont été déposés sur le bureau de l’Assemblée le 1er août 2011, mentionnent encore le rééquilibrage entre immigration professionnelle et immigration familiale comme un objectif de la politique d’immigration : il est vrai que la politique migratoire du Gouvernement n’est pas très cohérente, mais une actualisation aurait dû être effectuée. Elle aurait aussi permis de mettre à jour les données chiffrées des études d’impact, dont les plus récentes sont de 2008, quand les données pour 2010 –  au moins provisoires – étaient disponibles.

Comme il s’agit de contingents de bénéficiaires de ce dispositif plus favorable que le droit commun, mais pas de « quotas » de jeunes Balkaniques pouvant être autorisés à travailler en France, les accords prévoient que, au-delà du contingent fixé, des jeunes professionnels surnuméraires pourraient bénéficier des dispositions de droit commun relatives à l’immigration, c’est-à-dire être autorisés à travailler en France sous réserve de la prise en considération de la situation de l’emploi. Il serait en effet inacceptable que l’application de règles plus favorables prive de tout droit certains jeunes au motif qu’un trop grand nombre de leurs concitoyens en a déjà bénéficié. Il est intéressant d’observer que cette stipulation n’est applicable aux jeunes Français que dans l’accord avec la Macédoine : il semblerait que, a contrario, il soit exclu d’autoriser un nombre de jeunes professionnels français supérieur au contingent à travailler pendant une année au Monténégro ou en Serbie.

Les trois accords rappellent, de manière classique, le principe de l’égalité de traitement entre les jeunes étrangers et les ressortissants de l’Etat d’accueil en matière de droit du travail, de droit social et de rémunération.

Les accords avec la Macédoine et avec le Monténégro renvoient les modalités pratiques de mise en œuvre des échanges de jeunes professionnels à une annexe. Celle-ci énumère les autorités qui en sont chargées : le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, c’est-à-dire, depuis sa disparition, le secrétariat général à l’immigration et à l’intégration relevant désormais du ministère de l’intérieur ; l’Agence nationale pour les programmes éducatifs européens et la mobilité côté macédonien, et le ministère du travail et des affaires sociales en lien avec le ministère des affaires étrangères côté monténégrin. La procédure à suivre par les candidats à la mobilité professionnelle est aussi décrite dans cette annexe.

Dans l’accord franco-serbe, c’est l’article 5 qui évoque les autorités nationales en charge de la mise en œuvre de l’accord d’une manière générale, à savoir le même ministère français et « les ministères compétents pour la mise en œuvre de la législation à laquelle le présent accord se réfère » côté serbe, ce qui relève de l’évidence et manque totalement de précision, mais évite l’écueil français consistant à mentionner un ministère qui n’existe plus…

2) La promotion des échanges de jeunes

Les trois accords comportent un article consacré aux actions en faveur de l’échange des jeunes : il s’agit de l’article 3 des accords avec la Macédoine et avec le Monténégro et de l’article 6 de l’accord avec la Serbie.

Les articles de l’accord avec la Macédoine et de l’accord avec la Serbie sont rédigés de la même manière car il existe un espace CampusFrance dans chacune de leur capitale, ce qui n’est pas le cas à Podgorica. Ils prévoient donc de mobiliser cet espace pour assurer la promotion de la formation supérieure des étudiants en science et technologie : il leur appartiendra de promouvoir les offres de formation dans ces domaines en France, par de la documentation et l’organisation d’un forum annuel.

L’accord avec le Monténégro mentionne simplement que les deux parties sont convenues de favoriser les liens entre jeunes français et jeunes monténégrins et d’encourager leur implication dans des projets socio-économiques au Monténégro et en France, sans plus de détails.

Les trois accords prévoient que soient organisées des actions de promotion des échanges de jeunes professionnels. De telles actions sont très souhaitables, mais leur objectif, tel qu’il est indiqué dans les accords, est curieux : il s’agit de « faciliter l’accès des jeunes [balkaniques] à des offres d’emploi adaptées à leur profil en République française, d’une part, et [dans leur pays d’origine], d’autre part. » Si l’on veut qu’il y ait vraiment des échanges, il faudrait aussi informer les jeunes Français des offres dans le pays partenaire susceptibles de les intéresser ; en revanche, l’intérêt d’informer les jeunes étrangers des offres d’emploi dans leur pays est certain dans l’absolu, mais pas très cohérent avec l’objectif de favoriser leur venue temporaire en France.

Chacun des articles fixe le montant d’une enveloppe globale qui y sera consacrée par la France sur trois ans : elle est de 150 000 euros au Monténégro, de 250 000 euros en Macédoine et de 650 000 euros en Serbie. Le montant augmente, là encore, avec la population du pays, mais d’une manière moins que proportionnelle.

Une annexe précise les actions qui seront conduites avec cette somme. Pour la Macédoine et la Serbie, une partie de la somme accordée sera utilisée au titre de la participation au financement de bourses, par l’intermédiaire de CampusFrance et de fondations d’université : 90 000 euros en Macédoine, 180 000 en Serbie.

Selon le ministère de l’intérieur, les enveloppes financières ont été fixées dans les mêmes conditions que les contingents de jeunes professionnels, en tenant compte également du niveau de français des étudiants de chaque pays et de la volonté des Etats de faire de l’apprentissage du français une priorité.

B – Les stipulations relatives à l’immigration professionnelle, réservées aux accords avec la Macédoine et le Monténégro

Les accords avec la Macédoine et le Monténégro comportent un article 2 relatif à l’immigration professionnelle, dont les bénéficiaires ne sont pas spécifiquement les jeunes. Selon les informations fournies à votre Rapporteur, la Serbie n’aurait pas souhaité de mesures particulières dans ce domaine.

Leurs stipulations concernent essentiellement la partie française et ne peuvent bénéficier qu’aux ressortissants de l’Etat partenaire. Elles comportent deux points :

– la France s’engage à faciliter la délivrance de la carte de séjour « salarié en mission » aux ressortissants de l’autre Etat salariés d’entreprises situées sur le territoire de ce dernier qui doivent effectuer des séjours en France pour les besoins de ces entreprises ;

– « les Parties s’engagent à conjuguer leurs efforts afin de faciliter la délivrance de la carte de séjour portant la mention « compétences et talents » prévue par la réglementation française aux ressortissants macédoniens/monténégrins afin que l’expérience qu’ils mèneront en République française soit profitable à leur retour en République de Macédoine/au Monténégro notamment dans la perspective de la création d’entreprises génératrices d’emplois nécessaires en République de Macédoine/au Monténégro. »

Ces articles laissent votre Rapporteur songeur.

La carte « salarié en mission », régie par le 5° de l’article L. 313-10 du CESEDA, vise à faciliter la mobilité intragroupe des salariés d’entreprises d’un même groupe, établies à l’étranger, détachés en France pour une mission temporaire. Les conditions de sa délivrance sont énumérées dans le code. Les accords bilatéraux n’ont nullement pour objectif de modifier la législation française sur ce point. L’engagement de la France ne porte donc pas sur l’attribution d’une telle carte, mais sur la nécessité de faciliter sa délivrance : on peut imaginer que les entreprises françaises ont des difficultés à obtenir qu’elle soit délivrée à leurs salariés macédoniens ou monténégrins qui remplissent les conditions pour l’obtenir, alors même que sa délivrance devrait être de droit.

La rédaction du second alinéa de l’article 2 est encore plus surprenante. En application de l’article L. 315-1 du CESEDA, la carte « compétences et talents » (4) « peut être accordée à l’étranger susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique, au développement de l’aménagement du territoire ou au rayonnement, notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la France et, directement ou indirectement, du pays dont il a la nationalité. » Son obtention ne constitue donc pas un droit pour l’étranger, contrairement à la délivrance de la carte « salarié en mission » : la France peut donc, éventuellement, s’engager à faciliter sa délivrance pour les Macédoniens ou les Monténégrins susceptibles d’en bénéficier. Mais votre Rapporteur ne comprend pas très bien en quoi l’Etat partenaire pourrait lui-même fournir des efforts pour faciliter sa délivrance. La fin de l’alinéa relève du simple vœu, dans la logique du « développement solidaire » qui était chère aux ministres successivement en charge de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, justement.

Faciliter la mobilité professionnelle des ressortissants macédoniens et monténégrins est un objectif louable, mais votre Rapporteur craint que les stipulations de cet article soient loin d’y suffire.

CONCLUSION

Favoriser la mobilité des jeunes entre les pays des Balkans et la France est une excellente idée, et ces trois accords devraient y contribuer. Ils peuvent en cela être jugés comme positifs.

Mais votre Rapporteur ne peut s’empêcher de penser que l’examen des projets de loi visant à autoriser leur approbation arrive à contre temps par rapport à l’évolution des orientations politiques défendues par le Gouvernement : alors que le président de la République a d’abord voulu développer l’immigration professionnelle et l’accueil d’étudiants étrangers en France, l’actuel ministre de l’intérieur s’est clairement engagé dans une autre voie, donnant des instructions visant à réduire l’immigration légale dans son ensemble par le durcissement des conditions que les migrants doivent remplir pour obtenir un titre de séjour.

Il est donc à craindre que la mise en œuvre de ces accords se heurte à ce changement d’orientation politique. Ils pourront en revanche s’avérer utiles en cas de retour à une politique migratoire plus ouverte, qui permettrait leur application sereine.

C’est pourquoi votre Rapporteur est favorable à l’adoption des trois présents projets de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine les trois projets de loi au cours de sa réunion du mardi 17 janvier 2012.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Dominique Souchet. Les trois accords comportent toute une série de stipulations quasiment identiques tendant à faciliter la mobilité des jeunes. Cependant, seulement deux de ces accords (Macédoine et Monténégro) contiennent des dispositions plus larges relatives aux migrations professionnelles. Pourquoi ces dispositions ne figurent-elles pas dans l’accord avec la Serbie : est-ce à notre initiative ou à la demande de la Serbie, et dans ce cas pour quelle raison ?

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Comme je l’ai indiqué, un accord identique a été proposé à chacun des trois pays qui ont pu demander des adaptations. C’est donc à la demande de la Serbie que les dispositions sur les migrations professionnelles ont été enlevées. Je ne connais pas les raisons de cette position.

M. Jean-Paul Bacquet. Je souhaiterais que vous rappeliez la date d’indépendance du Monténégro, notamment au regard de celle du Kosovo, le nombre de ses habitants et que vous indiquiez dans quel cadre les jeunes Yougoslaves venaient, jadis, étudier en France.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Le Monténégro comprend 640 000 habitants et il a obtenu son indépendance en juin 2006 à la suite d’un référendum à l’issue duquel son indépendance a été approuvée par plus de 55 % des suffrages exprimés, seuil fixé pour que la proposition soit considérée comme adoptée. L’indépendance unilatérale du Kosovo n’est quant à elle intervenue qu’en février 2008. Du temps de l’ex-Yougoslavie les accords conclus l’étaient avec l’Etat fédéral mais il n’existait pas d’accords particuliers organisant la mobilité des jeunes. En revanche vous avez raison de souligner que de nombreux jeunes Yougoslaves venaient en France à l’époque et qu’il s’agit donc d’un flux ancien.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification les trois projets de loi (nos 3708, 3709 et 3710).

*

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, les présents projets de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine relatif à la mobilité des jeunes (ensemble deux annexes), signé à Skopje le 1er décembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

*

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Monténégro relatif à la mobilité des jeunes (ensemble deux annexes), signé à Podgorica le 1er décembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

*

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie relatif à la mobilité des jeunes (ensemble une annexe), signé à Belgrade, le 2 décembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte des trois accords figure en annexe aux projets de loi (nos 3708, 3709 et 3710).

© Assemblée nationale

1 () Issu de la déclaration faite dans cette ville en 1999, le processus de Bologne vise à introduire un système de grades académiques facilement reconnaissables et comparables, à promouvoir la mobilité des étudiants, des enseignants et des chercheurs, à assurer la qualité de l’enseignement et à intégrer la dimension européenne dans l’enseignement supérieur. Quarante-six Etats, et la Commission européenne, en sont membres.

2 () Les stagiaires français obtiendront un titre de séjour temporaire de douze mois ou une « carte personnelle spéciale » de six mois renouvelable une fois, si l’ambassade de France à Skopje en fait la demande aux autorités macédoniennes. Les volontaires bénéficieront du second dispositif.

3 () Les jeunes professionnels français peuvent aussi bénéficier d’une « carte personnelle spéciale » de six mois renouvelable une fois, si l’ambassade de France à Skopje en fait la demande aux autorités macédoniennes.

4 () Quelques centaines de cartes de ce type sont délivrées chaque année (environ 300 en 2010).