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APRÈS ART. 41N°680

ASSEMBLÉE NATIONALE
9 juin 2016

ÉGALITÉ ET CITOYENNETÉ - (N° 3679)

Adopté

AMENDEMENT N°680

présenté par

M. Lurel, Mme Berthelot, Mme Louis-Carabin, M. Aboubacar, M. Jalton, M. Said, M. Fruteau, M. Letchimy, M. Naillet, M. Premat, M. Hanotin, M. Lesterlin, Mme Povéda, M. Pouzol, Mme Olivier, M. Mennucci, M. Demarthe, Mme Laurence Dumont, Mme Rabin, Mme Le Houerou, M. Pupponi, M. Blein, Mme Lepetit, M. Allossery, Mme Appéré, M. Bies, rapporteur thématique Mme Bourguignon, M. Bricout, Mme Capdevielle, Mme Carrillon-Couvreur, M. Cordery, Mme Corre, rapporteure thématique M. Philippe Doucet, Mme Françoise Dumas, M. Gille, Mme Got, M. Juanico, M. Kalinowski, Mme Lang, Mme Linkenheld, Mme Lousteau, Mme Maquet, M. Pauvros, Mme Pochon, M. de Rugy, Mme Sommaruga, Mme Tolmont, M. Buisine, Mme Dagoma, M. Savary, M. Frédéric Barbier, M. Grellier, M. Goua, M. Ménard, M. Rogemont, Mme Guittet, M. Féron, Mme Gueugneau, M. Belot et les membres du groupe Socialiste, écologiste et républicain

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE 41, insérer l'article suivant:

La loi n° 285 du 30 avril 1849 relative à l’indemnité accordée aux colons par suite de l’abolition de l’esclavage est abrogée.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Si le Gouvernement provisoire, « considérant que l'esclavage est un attentat contre la dignité humaine », prononçait dans l’article 1 du décret du 27 avril 1848 que « l'esclavage [était] entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises », l’article 5 du même décret tranchait de manière radicale la question des « réparations » de ce crime en précisant que « l'Assemblée Nationale [règlerait] la quotité de l'indemnité qui devra être accordée aux Colons ».

Alors même que la France accordait l’émancipation aux esclaves, elle remboursait donc les anciens maîtres de leur crime : l’émancipation pour les esclaves, l’indemnisation pour les maîtres.

En dressant comme principe ce droit à l’indemnisation des anciens maîtres-esclaves, cette loi ne justifie en rien le fondement sur lequel il est accordé ni même le montant ou les modalités de l’indemnisation. Déjà en 1781, Condorcet, dans une épître dédicatoire aux nègres esclaves, évoquait cette question en ces termes : « Nous avons montré que le maître n’a aucun droit sur son esclave ; que l’action de le retenir en servitude n’est pas la jouissance d’une propriété, mais un crime; qu’en affranchissant l’esclave, la loi n’attaque pas la propriété, mais cesse de tolérer une action qu’elle aurait dû punir par une peine capitale. Le souverain ne doit donc aucun dédommagement au maître des esclaves, de même qu’il n’en doit pas à un voleur qu’un jugement a privé de la possession d’une chose volée. La tolérance publique d’un crime absout de la peine, mais ne peut former un véritable droit sur le profit du crime ».

Le 16 pluviôse an II (4 février 1794), la Convention prononça la première abolition sans accorder d’indemnité aux colons ni aux esclaves. Aussi aberrant qu’il puisse paraître aujourd’hui, le « compromis » trouvé –voire imposé par les esclavagistes- en 1848, s’est largement inspiré de l’expérience britannique dont le Slavery abolition Act voté le 28 août 1833 prévoyait en son article 24 une indemnisation des colons à hauteur de 20 millions de livre sterling.

C’est ainsi que le 30 avril 1849, le Parlement adoptait une loi relative à l’indemnité accordée aux colons par suite de l’affranchissement des esclaves en application du décret du 27 avril 1848. Le montant de l’indemnité sera limité à 120 millions pour l’ensemble des colonies et sera réparti, d’une part, en « une rente de 6 millions cinq pour cent » et, d’autre part, en un versement immédiat de 6 millions, « payable en numéraire ».

Le décret n° 29 du 24 novembre 1849 viendra par la suite préciser la répartition de l’indemnité coloniale.

La loi du 30 avril 1849 prévoit par ailleurs dans son article 7 que « sur la rente de six millions, payable aux termes de l’article 2, le huitième de la portion afférente aux colons de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion, sera prélevé pour servir à l’établissement d’une banque de prêt et d’escompte dans chacune de ces colonies ». L’établissement des banques coloniales devait permettre, dans l’esprit des législateurs, de pallier les difficultés engendrées par le passage d’une société esclavagiste à une société libérale.

Sans prétendre à une quelconque volonté d’indemniser les victimes de l’esclavage, cet amendement propose  une réparation morale du préjudice subi par les esclaves en abrogeant les dispositions relatives à l’indemnisation des colons contenues dans les textes précités.