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N° 252

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2013,

TOME VI

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

PRESSE

Par M. Michel FRANÇAIX,

Député.

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Voir le numéro : 235, 251 (annexe n° 33).

INTRODUCTION 7

I.- L’ÉVOLUTION DES AIDES À LA PRESSE EN 2013 : UNE ÉVOLUTION INSATISFAISANTE, DICTÉE PAR PLUSIEURS CONTRAINTES 13

A. UNE ENVELOPPE GLOBALE EN DIMINUTION 13

B. DES AIDES QU’ON NE POUVAIT PAS NE PAS MAINTENIR 14

1. La sanctuarisation de l’aide postale 14

2. Le coût du report de l’augmentation des tarifs postaux 14

3. Les aides à la distribution et le sauvetage de Presstalis 15

4. Le nécessaire maintien des aides au pluralisme 16

5. L’aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d’information politique et générale 18

6. La préservation des maigres crédits du nouveau fonds stratégique pour le développement de la presse, « élément clé » de la « réforme des aides à la presse » initiée en 2012 18

C. LES AIDES QUI SERVENT DE VARIABLE D’AJUSTEMENT 19

1. L’aide à la modernisation des diffuseurs de presse 19

2. L’aide au portage 20

a) Le bilan décevant de l’aide au portage 20

b) Un effet incitatif insuffisant 21

c) Le retrait de Neopress et l’insuffisante mutualisation des réseaux de la PQR 23

d) D’autres facteurs plus structurels 24

II.- POUR LES ANNÉES SUIVANTES : L’INDISPENSABLE REMISE À PLAT DE L’INTERVENTION DE L’ÉTAT EN FAVEUR DE LA PRESSE 27

A. LES AIDES À LA DISTRIBUTION : UNE RATIONALISATION S’IMPOSE 27

1. Les trois modes de distribution de la presse en France 27

2. Des aides qui se contredisent et se concurrencent au lieu de se compléter 29

B. RECENTRER L’EFFORT FINANCIER SUR UNE PRESSE CITOYENNE DE QUALITÉ ET SUR LES INVESTISSEMENTS D’AVENIR 30

1. L’indispensable ciblage de l’effort financier de l’État sur les titres de presse citoyenne 30

a) Des aides scandaleusement non ciblées sur la presse citoyenne 30

b) Le ciblage du taux super réduit de TVA sur la presse d’information citoyenne : une mesure qui ne soulève aucune difficulté d’ordre juridique 33

2. Un recentrage qui doit être conditionné à des obligations renforcées des éditeurs de presse IPG 35

a) Une exigence de qualité renforcée 35

b) Indépendance rédactionnelle et déontologie 36

c) Contractualisation et transparence des aides 38

3. Un nécessaire recentrage des aides sur les investissements d’avenir 39

a) Le devoir d’accompagner la presse dans sa mutation vers le numérique 39

b) Le taux de la TVA sur la presse en ligne : une grave anomalie 40

c) Le fonds d’aide au développement de la presse en ligne : un bilan très mitigé, un ciblage très discutable 40

d) L’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale : un subventionnement encore centré sur les capacités d’impression 42

e) Le bilan sévère de l’opération « Mon Journal offert » 44

III.- PRESSTALIS : CHRONIQUE D’UN DÉSASTRE ANNONCÉ 47

A. LA SITUATION ACTUELLE DE PRESSTALIS : UNE CATASTROPHE COLLECTIVE DONT LE SCÉNARIO ÉTAIT ÉCRIT D’AVANCE 47

1. La place de Presstalis au sein du système du système de vente au numéro 47

2. Un marché en forte contraction 48

3. Des efforts insuffisants de restructuration de Presstalis 48

4. Les surcoûts de la distribution de la presse quotidienne nationale 49

5. La concurrence déloyale des MLP et l’absence de péréquation 49

6. Un coût très important pour l’État 50

B. L’ÉCHEC DU PLAN MIS EN PLACE À LA SUITE DU RAPPORT DE BRUNO METTLING 51

1. L’accord-cadre du 26 mai 2010 51

2. La dégradation de la baisse des ventes et le départ de titres vers les Messageries lyonnaises de presse 52

3. Un effort de restructuration insuffisant de Presstalis 53

C. LA MISE EN PLACE D’UN NOUVEAU PLAN DE SAUVETAGE DE PRESSTALIS 53

1. Le plan stratégique 2012-2015 53

2. Les nouvelles mesures d’urgence et le « bouclage » in extremis du financement du plan stratégique 54

3. La mise en place tardive d’une péréquation a minima 56

4. La restructuration du niveau 2 57

5. Les diffuseurs de presse, acteurs indispensables de la distribution et de l’aménagement du territoire : les grands oubliés du système 58

D. LA QUESTION DE L’AVENIR DE LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE RESTE ENTIÈRE 59

1. Première option : un rapprochement poussé des deux messageries et une régulation renforcée 59

a) Le rapprochement des deux messageries 59

b) Le nécessaire renforcement de la régulation 60

2. Deuxième option : un divorce entre la distribution des magazines et celle des quotidiens 62

IV.- L’AGENCE FRANCE-PRESSE : DES MOYENS MAINTENUS 63

TRAVAUX DE LA COMMISSION 65

I.- AUDITION DE LA MINISTRE 65

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 89

ANNEXE 1 : LISTE DES BÉNÉFICIAIRES DU FONDS D’AIDE AU DÉVELOPPEMENT DES SERVICES DE PRESSE EN LIGNE 115

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 119

INTRODUCTION

En matière d’aides à la presse et malgré l’alternance intervenue au printemps de cette année, le rapporteur pour avis aurait pu reprendre chacun des termes de son rapport de l’an dernier, tant, hélas, les constats et préoccupations qu’il y a exprimés se confirment et s’accentuent, mais, conscient de l’héritage légué, notamment à Presstalis, il comprend que les efforts du nouveau gouvernement se soient concentrés cette année sur l’opération de sauvetage in extremis du système de distribution de la presse. Ce « rafistolage provisoire » était indispensable, mais sans doute insuffisant pour préparer l’avenir.

Pour les années qui viennent, le rapporteur pour avis appelle de ses vœux une action volontariste pour réformer le système d’aides à la presse et croit en la capacité du gouvernement de proposer des mesures ambitieuses. Dans une telle perspective, le présent rapport s’efforce de mettre en évidence les dysfonctionnements et contradictions du système ainsi que les priorités et principes qui peuvent guider cette réforme.

En effet, les défauts de la politique de soutien publique à la presse, un effort annuel d’environ 1,2 milliard d’euros, demeurent, à commencer par son absence de ciblage sur les titres d’information politique générale (IPG) et sur les investissements d’avenir. Pour mémoire, le ciblage sur les titres d’IPG concerne moins d’un tiers de l’effort financier de l’État. Quant aux aides à l’investissement, réunies dans le nouveau fonds stratégique pour le développement de la presse, lequel ne représente que 33,5 millions d’euros sur un total d’1,2 milliard, nous verrons qu’elles sont trop souvent, en réalité, des aides au fonctionnement et que leur ciblage est discutable…

Parallèlement, la situation est plus alarmante que jamais. La crise de la presse s’accélère. La chute de la diffusion dément même les hypothèses les plus pessimistes. Elle touche désormais la presse magazine et certains observateurs annoncent une crise majeure de la presse quotidienne régionale, qui avait plutôt mieux résisté que ses consœurs jusqu’à présent. Outre le cas Presstalis, l’année aura été marquée par des événements symboliquement forts, tels que l’arrêt du quotidien France Soir et de la version imprimée de La Tribune ou encore la faillite, suivie d’une reprise, de Paris Normandie et des journaux normands.

Que cela nous plaise ou non, il faut en être conscient : le contexte économique, technologique et social de demain sera radicalement différent et le syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL) a raison de souligner que la presse en ligne va « remettre en cause les outils de productions et de distribution, déstabiliser les modèles économiques et ébranler les choix éditoriaux ». L’hypothèse actuellement retenue de diminution de la vente au numéro pour les quatre prochaines années est de 25 %, mais on n’est même pas à l’abri d’un nouveau démenti si l’usage des tablettes numériques se généralise plus rapidement que prévu.

Et force est de constater que la presse n’a pas encore trouvé son modèle économique dans l’univers numérique, où de gros intermédiaires comme Google et Apple imposent leur loi et où le cadre juridique et économique de son développement n’est pas encore mûr, pour ne pas dire inexistant.

La crise que vit la presse illustre donc parfaitement la définition qu’en donne Antonio Gramsci : l’ancien monde ne parvient pas à mourir tandis que le nouveau n’arrive pas à naître.

Dans le contexte de révolution industrielle que vit la presse, il convient de repenser de toute urgence les modalités de l’intervention de l’État.

Or, l’écosystème actuel continue à orienter l’essentiel de ses ressources vers le maintien de modèles anciens, indépendamment de toute réflexion sur leur finalité, leur pertinence et leur viabilité.

Le rôle des pouvoirs publics ne doit pas être d’empêcher mais d’accompagner une mutation irréversible. Or, c’est malheureusement tout le contraire que fait notre système d’aides à la presse, avec la complicité d’éditeurs dont l’attitude face au changement rappelle étonnamment la formule d’Edgar Faure « l’immobilisme est en marche et rien ne saura l’arrêter ! ». Combien le contribuable aura-t-il dû débourser pour retarder la mort de France Soir ? Combien aura-t-il versé au groupe Hersant Média, aujourd’hui au-dessus du gouffre ?

Les pouvoirs publics ont également la responsabilité et, pour la presse d’information citoyenne, le devoir, d’accompagner la transition en évitant la rupture. À cet égard, tant que le relais numérique n’est pas assuré, la vente en kiosque demeure incontournable et la chute de Presstalis aurait évidemment constitué une rupture fatale, outre que le dépôt de bilan aurait impacté quelque 30 000 personnes dans l’ensemble de la filière.

S’il ne s’agit malheureusement pas d’un investissement d’avenir, l’État ne pouvait pas ne pas intervenir. Il intervient d’ailleurs depuis longtemps pour compenser une part des surcoûts liés à la distribution des quotidiens.

Mais là encore, comment ne pas s’indigner du désastre Presstalis ?

Cela fait bien dix ans que les problèmes sont visibles et la situation dans laquelle nous nous trouvons, prévisible. Il faut maintenant en payer le prix, un prix d’autant plus élevé que l’on a trop longtemps mis la poussière sous le tapis et que l’on se voit obligé aujourd’hui de demander à un État et des éditeurs, plus impécunieux que jamais, un effort financier sans précédent.

Non, le secteur de la distribution de la presse ne se prête pas à une concurrence saine et équitable entre deux opérateurs (Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse).

Oui, Presstalis doit conduire un effort de restructuration majeur, dans un marché dont l’effondrement est inéluctable.

Oui, la concurrence entre les deux messageries a fait artificiellement baisser les prix et les éditeurs doivent aujourd’hui payer un prix qui soit plus proche de la réalité des coûts de la distribution car non, l’État ne pourra pas payer seul.

Quel dommage qu’il ait fallu attendre que Presstalis soit au bord du dépôt de bilan pour feindre de s’en apercevoir et tenter d’en tirer les conséquences qui s’imposent ! À quoi ont donc servi les États généraux voulus par le Président Nicolas Sarkozy ?

Car dès 2009, le président de l’Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, avait rappelé que les conditions d’une concurrence loyale n’avaient jamais été remplies sur le marché de la distribution, et qu’elles ne le seraient jamais tant que Presstalis aurait à supporter seule les surcoûts spécifiques de la distribution des quotidiens.

Que s’est-il passé depuis ? Les Messageries lyonnaises de presse (MLP) ont continué, dans les mêmes conditions de concurrence et de pratiques tarifaires déloyales, à affaiblir Presstalis, en profitant du transfert de titres de presse magazine et à battre en brèche le principe de solidarité, celui-là même qui justifie que leurs titres bénéficient d’importantes largesses du contribuable (aides directes, aides postales, taux super réduit de TVA).

Et que constate-t-on aujourd’hui ? Alors que l’avenir de Presstalis est menacé, que les MLP devraient participer depuis bien longtemps à la prise en charge des surcoûts de la distribution des quotidiens, alors qu’elles se sont développées dans des conditions de concurrence inéquitables, leur permettant de capter une part croissante des activités les plus rentables de Presstalis, elles rechignent aujourd’hui à contribuer à un effort de péréquation, dont le montant a été établi a minima.

Si l’on peut se féliciter qu’un plan de financement impliquant l’ensemble des parties ait pu être proposé in extremis, pour 2012-2015, la question de l’avenir de la distribution de la presse, et de Presstalis en particulier, reste entière.

Il faut se rendre à l’évidence : on n’est pas parvenu à faire coexister de manière satisfaisante concurrence, solidarité et régulation dans le secteur de la distribution.

C’est pourquoi le rapporteur pour avis estime que deux options s’ouvrent à nous.

La première option serait de maintenir, ou plutôt de restaurer, le système coopératif et le principe de solidarité. Si tel est le cas, il faudra aller bien au-delà de la péréquation mise en place à l’occasion du plan de sauvetage de Presstalis pour envisager un rapprochement entre les deux messageries.

Le rapporteur estime que si cette solution est retenue, nous ne pouvons plus, à ce stade, nous payer le luxe de tester des solutions de compromis et des demi-mesures, telles que la création d’une société commune de moyens ou un partage géographique de la distribution entre les deux messageries, solutions qui peuvent être complexes, insuffisantes ou incompatibles avec le droit de la concurrence. Il faudra assumer une fusion et cette dernière ne pourra pas trop attendre.

La seconde option consiste à prendre acte de la mort du principe de solidarité et du divorce entre les quotidiens et les magazines. Il s’agit d’aller au bout de la logique d’éclatement du système coopératif. Rien ne justifiera plus alors le maintien des aides à la presse récréative, en particulier le taux super réduit de TVA. Son relèvement permettra alors à l’État de prendre ses responsabilités dans la distribution de la presse d’information politique et générale, celle qui participe de manière directe au débat démocratique et au principe, désormais inscrit dans la Constitution, de pluralisme.

En outre, alors que l’on est occupé à tenter d’éteindre l’incendie à Presstalis, il ne faut pas perdre de vue que tout ceci n’a de sens que s’il reste des diffuseurs au bout de la chaîne. Or, ces derniers présentent la particularité d’être à la fois la raison d’être et les grands oubliés de la chaîne de distribution. Leur situation, dont l’amélioration était l’un des objectifs principaux des États généraux de la presse écrite, n’a jamais été aussi mauvaise. Quant au réseau des points de vente, dont on annonçait le développement, il est en régression, tant du point de vue quantitatif que du point de vue qualitatif.

Enfin, le rapporteur estime qu’une remise à plat et une rationalisation des aides à la distribution, qui représentent au total plus de 330 millions d’euros, soit plus de 83 % des aides à la presse du programme « Presse », sont absolument nécessaires.

Peut-on raisonnablement continuer à consacrer de tels montants pour aider simultanément le transport postal, le portage et la vente au numéro, trois modes de distribution qui se concurrencent, pour constater in fine que la diffusion de la presse dans son ensemble ne cesse de reculer ?

Une réflexion s’impose donc sur ce que peut être la bonne combinatoire entre portage, postage et vente au numéro, en fonction du type de presse mais aussi de la zone géographique concernés, et sur la manière la plus intelligente de répartir l’aide publique en fonction de ce qui en ressort.

Après avoir analysé l’évolution des aides à la presse pour 2013, le rapporteur pour avis s’attachera à présenter les priorités et principes qui doivent présider à une réforme des aides à la presse puis formulera son point de vue sur la situation et les perspectives de Presstalis et de l’ensemble de la filière de la vente au numéro.

Le rapporteur souhaite saluer la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) pour sa grande disponibilité et la qualité des réponses apportées.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, ce pourcentage était de  98 %.

I.- L’ÉVOLUTION DES AIDES À LA PRESSE EN 2013 :
UNE ÉVOLUTION INSATISFAISANTE,
DICTÉE PAR PLUSIEURS CONTRAINTES

A. UNE ENVELOPPE GLOBALE EN DIMINUTION

La première contrainte est évidemment budgétaire. Les aides à la presse, y compris les abonnements de l’État à l’AFP, sont en recul de 4,1 % en autorisations d’engagement (AE) et de 4,9 % en crédits de paiement (CP) dans le projet de loi de finances pour 2013 par rapport à la loi de finances pour 2012.

Les seules aides à la presse, hors abonnements de l’État à l’AFP, s’établissent à 396,4 millions d’euros en AE et CP contre 420,7 millions d’euros en AE et 425,2 millions d’euros en CP en loi de finances initiale pour 2012.

Au sein de cette enveloppe, la répartition des aides résulte d’un raisonnement aussi simple qu’insatisfaisant : il y a d’un côté les aides qu’on ne pouvait pas réduire, et celles qu’il a par conséquent fallu réduire.

Aides à la presse LFI 2012 – PLF 2013

Programme 180 « Presse »

LFI 2012

PLF 2013

PLF 2013/LFI 2012

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Abonnements de l’État à l’AFP

117 505 908

117 505 908

119 621 014

119 621 014

1,80 %

1,80 %

Aides à la presse

268 314 134

272 814 134

253 465 620

253 465 620

-5,5 %

-7,1 %

Aides à la diffusion

173 212 190

173 212 190

165 425 620

165 425 620

-4,50 %

-4,50 %

Aide au transport postal

107 212 190

107 212 190

106 425 620

106 425 620

-0,7 %

-0,7 %

dont trajectoire prévue par les accords presse-Poste

79 570 248

79 570 248

74 000 000

74 000 000

-7,0 %

-7,0 %

dont moratoire d’un an sur les accords presse-Poste

27 641 942

27 641 942

32 425 620

32 425 620

17,3 %

17,3 %

Aide au portage de la presse

45 000 000

45 000 000

37 600 000

37 600 000

-16,4 %

-16,4 %

Exonération charges patronales pour les porteurs

15 500 000

15 500 000

16 900 000

16 900 000

9,0%

9,0%

Réduction du tarif SNCF pour le transport de presse

5 500 000

5 500 000

4 500 000

4 500 000

-18,2 %

-18,2 %

Aides au pluralisme

11 975 000

11 975 000

11 975 000

11 975 000

0,0 %

0,0 %

Aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires

9 155 000

9 155 000

9 155 000

9 155 000

0,0 %

0,0 %

Aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces

1 400 000

1 400 000

1 400 000

1 400 000

0,0 %

0,0 %

Aide à la presse hebdomadaire régionale

1 420 000

1 420 000

1 420 000

1 420 000

0,0 %

0,0 %

Aides à la modernisation

83 126 944

87 626 944

76 065 000

76 065 000

-8,5 %

-13,2 %

Aide à la modernisation sociale

24 493 241

24 493 241

19 729 837

19 729 837

-19,4 %

-19,4 %

Aide à la distribution de la presse

18 850 000

18 850 000

18 850 000

18 850 000

0,0%

0,0%

Aide à la modernisation des diffuseurs

6 000 000

6 000 000

4 000 000

4 000 000

-33,3 %

-33,3 %

Fonds stratégique pour le développement de la presse

33 777 353

38 277 353

33 485 163

33 485 163

-0,9 %

-12,5 %

Réserve parlementaire

6 350

6 350

       

TOTAL crédits PRESSE PROGRAMME 180 périmètre constant

385 820 042

390 320 042

373 086 634

373 086 634

-3,3 %

-4,4 %

Aide au transport postal crédits du programme 134 en 2012 et rattachés au programme Presse en 2013

152 429 752

152 429 752

143 000 000

143 000 000

-6,2 %

-6,2%

TOTAL crédits budgétaires PRESSE

538 249 794

542 749 794

516 086 634

516 086 634

-4,1 %

-4,9 %

Source : Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).

B. DES AIDES QU’ON NE POUVAIT PAS NE PAS MAINTENIR

1. La sanctuarisation de l’aide postale

Plus de 60 % de l’enveloppe, soit un montant de 249 millions d’euros en AE et CP, sont « préemptés » au titre de l’aide à la distribution postale, en application des engagements pris par l’État dans le cadre de l’accord du 23 juillet 2008 avec la presse et La Poste et en raison de la décision de reporter d’un an les augmentations de tarifs prévues par ces accords.

Ces accords prévoient en effet pour 2013 une contribution de 217 millions d’euros que l’État est tenu d’honorer.

Rappelons que les accords de 2008 prévoient que l’État continue d’aider financièrement le service du transport postal de la presse, par une contribution annuelle de 242 millions d’euros en 2009, 2010 et 2011, et qui évolue ensuite selon la séquence suivante : 232 millions d’euros en 2012, 217 millions d’euros en 2013, 200 millions d’euros en 2014 et 180 millions d’euros à compter de 2015.

À ce montant, s’ajoute le coût récurrent pour l’État du report d’un an de l’augmentation des tarifs postaux.

2. Le coût du report de l’augmentation des tarifs postaux

L’ancien Président de la République avait décidé le 23 janvier 2009 que « la mise en œuvre de l’accord presse – Poste [serait] reportée d’un an, le manque à gagner pour La Poste étant intégralement compensé par l’État ». Les tarifs appliqués en 2009 ont donc été les mêmes que ceux appliqués en 2008.

À l’instar de ce qui a été réalisé les années précédentes, les tarifs 2013 prévus par l’accord seront donc appliqués, mais les effets des hausses tarifaires seront neutralisés pour tous les éditeurs sur la facture, via l’application d’une remise.

Cette mesure, qui a été vivement critiquée par le rapporteur pour avis, a induit un coût de 23,7 millions d’euros en 2009, de 24,5 millions d’euros en 2010, de 27,4 millions d’euros pour 2011, avec une prévision de 29,5 millions d’euros pour l’exercice 2012.

Le coût du moratoire est encore de 32,4 millions d’euros en 2013, soit autant que la totalité des crédits consacrés au fonds stratégique pour le développement de la presse !

L’aide au transport postal étant sans doute la mesure la moins ciblée qui soit, comme le rapporteur pour avis l’a rappelé dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2012, le coût de ce moratoire représente pour 4 titres de presse télévision deux fois plus que pour la totalité des titres de la presse quotidienne nationale !

Outre qu’en favorisant les tarifs postaux préférentiels, on utilise l’argent du contribuable pour favoriser une forme de diffusion qui n’est plus d’avenir, l’application stricte des augmentations tarifaires prévues par les accords Presse-Poste-État était une condition du redéploiement des aides vers les titres qui en ont vraiment besoin et contribuent à l’enjeu premier qu’est le soutien de la démocratie et du pluralisme.

Enfin, l’application du moratoire aura contribué à limiter fortement l’effet incitatif de l’effort financier massif consenti parallèlement en faveur du portage. Rappelons en effet que plus les tarifs postaux sont avantageux, moins les éditeurs sont encouragés à basculer vers le portage.

3. Les aides à la distribution et le sauvetage de Presstalis

Un effort important d’aide à la distribution de la presse est par ailleurs nécessaire dans le cadre du plan de sauvetage de Presstalis.

Presstalis bénéficie de l’aide à la modernisation de la distribution de la presse, laquelle est divisée en deux sections depuis 2012.

La première section, qui sera dotée de 18 millions d’euros en 2013, est consacrée à la couverture d’une partie des surcoûts liés à la distribution des quotidiens et à la modernisation des structures de distribution de la presse quotidienne.

Dans le cadre du plan de sauvetage de la société, en 2012, l’État a également procédé à une avance sur l’aide à la distribution de 11,9 millions d’euros afin de soulager la trésorerie de Presstalis.

Enfin, conformément à l’accord du 30 juillet 2012 relatif au financement du plan de restructuration de Presstalis, il versera 5 millions d’euros supplémentaires à Presstalis en 2012 et 10 millions supplémentaires en 2013, « par redéploiement de crédits au sein du programme 180 « Presse » de la mission Médias ». Selon les informations transmises au rapporteur pour avis, la direction générale des médias et des industries culturelles est en train de finaliser avec la direction du budget les modalités de ce financement dans le cadre des discussions sur la fin de la gestion de l’exercice 2012.

Les crédits de la seconde section (1) nouvellement créée, dotée de 0,85 million d’euros en 2013, contribuent à la réduction du coût du transport de la presse d’information politique et générale à l’étranger par Presstalis.

La presse bénéficie également depuis de nombreuses années de réductions tarifaires pour son transport ferroviaire. Plus d’une trentaine de quotidiens bénéficient des remises tarifaires accordées par la SNCF. En 2013, la participation de l’État au financement du transport ferroviaire des quotidiens d’information politique et générale s’élèvera à 4,5 millions d’euros en raison de la décroissance prévisible du nombre d’exemplaires acheminés par train.

4. Le nécessaire maintien des aides au pluralisme

Les aides au pluralisme destinées aux titres les plus fragiles sont logiquement préservées à hauteur de 11,9 millions d’euros.

L’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires vise à soutenir les titres qui, du fait de leur positionnement éditorial, bénéficient structurellement de recettes publicitaires faibles. Cette aide est absolument indispensable à la préservation du pluralisme. Son montant est donc maintenu à hauteur de 9,155 millions d’euros.

À compter de 2012, ce fonds d’aide est divisé en trois sections. L’aide attribuée au titre de la première section du fonds bénéficie aux quotidiens répondant à certaines conditions relatives au prix de vente, à la diffusion et au tirage moyens et au pourcentage de recettes de publicité dans leurs recettes totales.

Aides aux QFRP – Bénéficiaires en 2012

(En euros)

Titres

Montants 2012

L’Humanité

3 082 206

La Croix

2 949 304

Libération

2 875 596

Présent

227 752

Play bac presse

20 142

Total

9 155 000

Source : Ministère de la culture et de la communication.

L’aide attribuée au titre de la deuxième section bénéficie à des quotidiens qui ne sont pas éligibles à la première section et qui répondent tout de même à un certain nombre de conditions. En 2013, trois publications devraient bénéficier de l’aide octroyée au titre de cette section.

Une troisième section de l’aide a été opportunément créée en 2012 pour éviter un effet de « trappe ». Elle est réservée aux quotidiens qui étaient éligibles à la première section lors des trois années précédant l’année d’attribution de l’aide, mais dont les recettes publicitaires dépassent 25 % de leurs recettes totales en cours d’année d’attribution.

Le fonds d’aide aux quotidiens locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces, qui a pour objet de concourir au maintien du pluralisme et à la préservation de l’indépendance des titres concernés, est doté, comme en loi de finances initiale pour 2012, de 1,4 million d’euros dans le présent projet de loi de finances (2). Si le nombre de bénéficiaires devait rester stable en 2013 par rapport à 2011, soit 16 bénéficiaires, le montant moyen de l’aide serait de 87 500 euros.

L’aide à la presse hebdomadaire régionale est destinée à conforter les titres de la presse hebdomadaire d’information politique et générale dont le maintien est indispensable au pluralisme d’expression et à la cohésion du tissu économique et social. Le nombre de bénéficiaires prévus et le montant moyen de l’aide devraient rester stables en 2013, soit un total de 207 publications aidées, pour une aide moyenne de 6 860 euros. Le montant total des crédits alloués à cette aide en 2013 s’établit ainsi à 1,42 million d’euros.

5. L’aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d’information politique et générale

À travers cette aide, mise en place par la loi de finances rectificative pour 2004, l’État apporte un soutien à la résorption des sureffectifs observés dans les services de fabrication des journaux quotidiens (3).

Les crédits ouverts en 2013 au titre de la participation de l’État au coût des départs anticipés pour la presse quotidienne nationale et la presse quotidienne en régions ont été évalués à 19,7 millions d’euros et se répartissent entre la PQN à hauteur de 6,6 millions d’euros et la PQR/PQD pour 13,1 millions d’euros.

6. La préservation des maigres crédits du nouveau fonds stratégique pour le développement de la presse, « élément clé » de la « réforme des aides à la presse » initiée en 2012

Le projet annuel de performance rappelle que l’année 2012 a été l’année de la réforme des aides à la presse promise par les États généraux de la presse écrite. Il vaut mieux en effet le rappeler car cela ne saute pas aux yeux !

Alors que les constats alarmants (sur l’inefficacité globale du système et singulièrement sur son absence de ciblage) établis par la mission confiée à M. Aldo Cardoso à la suite des États généraux appelaient incontestablement une action de grande ampleur, rappelons que la « réforme des aides à la presse » ne porte que sur quelque 30 millions d’euros d’aides (sur plus d’un milliard) et se limite à la fusion de trois fonds au sein d’un fonds, qui comporte trois sections correspondant aux fonds fusionnés

Le nouveau gouvernement a fait le choix compréhensible de préserver ce fonds stratégique pour le développement de la presse, seul dispositif censé être orienté vers les investissements, à hauteur de 33,5 millions d’euros en crédits de paiement.

Le fonds stratégique est constitué de trois sections distinctes :

– la première section permet de soutenir les opérations de mutation et de modernisation industrielles (imprimeries, systèmes rédactionnels), et correspond à l’ancien fonds de modernisation de la presse (FDM) ;

– la deuxième section est dédiée au soutien des projets de développement et d’innovations technologiques des services de presse en ligne ;

– la troisième section permet de soutenir les projets de conquête de nouveaux lectorats (jeunes, publics à l’étranger) et ceux conduisant à une meilleure prise en compte des publics « empêchés » (en particulier dans les prisons, les hôpitaux, etc.) pour les différentes familles de presse éligibles au fonds.

Le rapporteur reviendra plus en détail sur les défauts des aides attribuées dans le cadre de ce fonds dans le B du II du présent rapport.

Quant à l’opération « Mon quotidien offert », qui était financée dans le cadre du FDM, elle n’est pas reconduite, l’évaluation très attendue de cette mesure étant particulièrement sévère. Cette évaluation sera détaillée dans la même partie du rapport.

C. LES AIDES QUI SERVENT DE VARIABLE D’AJUSTEMENT

Comme l’an dernier, l’essentiel de la baisse porte sur l’aide au portage, qui recule de 16,4 %, passant de 45 à 37,6 millions d’euros et l’aide à la modernisation des diffuseurs de presse qui passe de 6 à 4 millions d’euros. Ce sont donc des aides ciblées et utiles à la modernisation du secteur qui servent de variable d’ajustement.

1. L’aide à la modernisation des diffuseurs de presse 

L’aide à la modernisation des points de vente de presse (modernisation de l’espace de vente, du mobilier, et de l’informatique de gestion) instituée par l’article 134 de la loi de finances rectificative pour 2004 a été significativement renforcée à l’issue des États généraux de la presse écrite, passant d’un peu moins de 2 millions d’euros en 2008 à 13,3 millions en 2009, parallèlement à une évolution de ses modalités de calcul et d’attribution.

Après les États généraux de la presse écrite, le dispositif a été réformé pour rendre l’aide plus incitative. Depuis 2009, le taux de la subvention représente ainsi 40 % du montant des dépenses prises en compte contre 30 % en 2008, et les plafonds d’aide par projet ont été relevés.

L’aide à la modernisation des diffuseurs a bénéficié à la suite des États généraux de la presse écrite d’un effort financier exceptionnel (à hauteur de plus de 10 millions d’euros en 2009, 2010 et 2011) de la part de l’État. Depuis 2012, ce relèvement exceptionnel prend progressivement fin. Pour l’année 2013, le niveau de financement est ainsi ramené à 4 millions d’euros, frais de gestion inclus, après une dotation initiale de 6 millions d’euros en 2012.

2. L’aide au portage

a) Le bilan décevant de l’aide au portage

L’aide au portage fait partie des dispositifs d’aides fortement renforcés à la suite des États généraux de la presse écrite. Comme l’an dernier, le rapporteur regrette que le soutien au portage soit en recul au moment même où il s’avère particulièrement nécessaire, notamment pour la presse quotidienne nationale.

Évolution de l’aide au portage

(en millions d’euros)

LFI 2008

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2012

PLF 2013

8,25

70

70

67,9

45

37,6

En complément de l’aide au portage, la loi de finances rectificative du 20 avril 2009 a institué une exonération de charges patronales des rémunérations des vendeurs-colporteurs et porteurs de presse afin de développer un réseau structuré de portage.

L’objectif de l’effort important consenti à la suite des État généraux (70 millions d’euros en 2009, 2010 et 2011) était de porter entre 200 et 300 millions d’exemplaires supplémentaires en trois ans, soit une augmentation moyenne d’un tiers pour toutes les familles de presse concernées.

Malgré la progression du nombre d’exemplaires portés entre 2008 et 2011, les objectifs fixés n’ont pas été atteints, loin s’en faut. Sur la période 2008-2011, tous types de presse confondus, le portage a progressé de 66 millions d’exemplaires. Cette évolution est presque deux fois moins importante que la progression observée sur la période 2001-2008 (105 millions d’exemplaires), avant la mise en place des aides au portage décidées dans le cadre des États Généraux…

Parallèlement, entre 2008 et 2011, la diffusion postée a perdu un peu plus de 100 millions d’exemplaires et la vente au numéro plus de 315 millions d’exemplaires sur la période. Si le portage est le seul canal à connaître une progression, cela ne suffit pas à compenser la décroissance globale de la diffusion.

Pour la presse régionale, on constate même une diminution du nombre d’exemplaires portés en 2011, année où cette famille de presse a bénéficié de près de 48 millions d’euros d’aide au portage, comme le montre le tableau ci-après.

Progression du nombre d’exemplaires portés

 

2007

2008

2009

2010

2011

Presse quotidienne nationale

122 234 322

131 598 415

138 605 780

155 847 279

165 466 959

Presse quotidienne régionale

734 964 511

752 527 409

769 272 774

780 959 409

775 544 515

Presse quotidienne départementale

71 882 068

72 889 258

74 340 726

75 648 147

76 907 308

Presse hebdomadaire régionale

793 509

1 472 158

2 452 196

2 583 464

2 776 846

Hebdomadaires nationaux (France et étranger)

1 212 453

2 967 627

3 683 254

5 414 347

5 819 017

Total

931 086 863

961 454 867

988 354 730

1 020 452 646

1 026 514 645

Source : ministère de la culture et de la communication.

La PQN a vu le nombre d’exemplaires portés croître régulièrement entre 2007 et 2011. Sur la période 2008-2011, pour la presse quotidienne nationale, le portage a progressé de 34 millions d’exemplaires. La dynamique de transfert vers le portage a connu un pic en 2010. Selon les chiffres transmis par La Poste, entre 2008 et 2011, la part des abonnements portés de la PQN est passée de 32 % à 42 % tandis que la part des abonnements postés passait de 68 % à 58 %.

Pour la PQR/PQD, entre 2008 et 2011, la part des abonnements portés est passée de 79 % à 83 % tandis que la part des abonnements postés passait de 21 % à 17 %.

La PHR enregistre un net progrès de ses exemplaires portés. Il est possible qu’un transfert de lecteurs s’effectue du quotidien vers l’hebdomadaire, solution d’information beaucoup moins chère pour le lecteur.

Plusieurs causes expliquent ce bilan insatisfaisant.

b) Un effet incitatif insuffisant

Dans son rapport pour avis sur les crédits du projet de loi de finances pour 2011, le rapporteur pour avis avait dénoncé le scandale qu’avait constitué la mise en œuvre de ce plan.

En 2009, l’effet incitatif de l’aide a été nul et ses modalités de calcul ont entraîné un effet d’aubaine majeur pour la presse quotidienne régionale (PQR), qui avait déjà largement recours au portage.

Au lieu d’inciter au basculement du postage vers le portage, l’enveloppe a servi à subventionner massivement, sur la base du portage existant, les titres de la PQR qui ont capté plus de 80 % du montant de l’enveloppe en 2009.

Aide au portage en 2009

Famille de presse

Montant de l’aide 2009
(en euros)

Part de l’aide versée
(%)

Nombre de titres bénéficiaires

Montant moyen de l’aide en 2009
(en euros)

PQR/PQD

53 278 102

81,9

63

845 684

PQN

11 586 501

17,8

12

965 542

PHR

122 593

0,2

49

2 554

News magazine et autres magazines d’IPG

63 825

0,1

2

32 413

Total

65 051 021

100

126

516 278

Source : ministère de la culture et de la communication.

Cette aide est divisée en deux parts, dont la première dépend de la progression du nombre d’exemplaires portés au cours des deux années précédant celle de l’attribution de l’aide (« aide au flux ») et la seconde dépend du nombre total d’exemplaires portés au cours de l’année précédant celle de l’attribution de l’aide (« aide au stock »). Les conditions d’attribution de l’aide ont été réformées par la suite, afin de limiter l’effet d’aubaine que peut impliquer un montant unitaire élevé d’aide au stock.

Répartition de l’aide entre « flux » et « stock »

Année

Variables de l’aide

Montant unitaire
(en euros)

Rapport flux/stock

2009

Aide au flux

0,27

1 à 4,9

Aide au stock

0,055

2010

Aide au flux

0,27

1 à 6

Aide au stock

0,045

2011

Aide au flux

0,27

1 à 8,4

Aide au stock

0,032

Cependant, comme le montrent les tableaux suivants la PQR a continué de capter la majorité des crédits, y compris en 2011, année au cours de laquelle le nombre d’exemplaires de PQR portés a reculé !

Aide au portage en 2010

Famille de presse

Montant de l’aide 2010
(en euros)

Part de l’aide versée
(%)

Nombre de titres bénéficiaires

Montant moyen de l’aide en 2010
(en euros)

PQR/PQD

52 958 942

78,8

65

814 753

PQN

13 480 708

20

12

1 123 392

PHR

448 273

0,7

59

7 598

News magazine et autres magazines d’IPG

348 234

0,5

2

174 117

Total

67 236 157

100

138

487 219

Source : ministère de la culture et de la communication.

Aide au portage en 2011

Famille de presse

Montant de l’aide 2011
(en euros)

Part de l’aide versée
(%)

Nombre de titres bénéficiaires

Montant moyen de l’aide en 2011
(en euros)

PQR/PQD

48 339 678

72,5

65

743 687

PQN

17 127 261

25,7

12

1 427 271

PHR

512 594

0,8

56

9 153

News magazine et autres magazines d’IPG

711 796

1

3

237 265

Total

66 691 329

100

136

490 377

Source : ministère de la culture et de la communication.

Comme il a été indiqué précédemment, l’effet incitatif de l’aide aura été également anéanti par l’application d’un moratoire sur l’entrée en vigueur des hausses de tarifs postaux prévues par les accords État-presse-Poste, l’intensité de l’aide postale contribuant mécaniquement à freiner le développement du portage.

c) Le retrait de Neopress et l’insuffisante mutualisation des réseaux de la PQR

Autre facteur d’échec du plan d’aide au portage, ce dernier devait s’accompagner d’une mutualisation croissante des réseaux de diffusion de la presse quotidienne régionale (PQR) et de la presse quotidienne nationale (PQN). Le rapporteur avait cependant relevé l’insuffisante volonté de la PQR de mettre son réseau de portage à disposition de la PQN.

Dans le même temps, Neopress, filiale de la Poste, qui s’était engagée à développer le portage lors de la signature des accords État-presse-Poste du 23 juillet 2008, a annoncé en juillet 2010 la fermeture de six sites de province (Bordeaux, Marseille, Rennes, Strasbourg, Saint-Étienne et Nice). L’activité n’aurait atteint l’équilibre économique qu’à Paris et Lyon.

Quoi qu’il en soit, le rapporteur pour avis n’était pas convaincu par la décision de confier le portage, métier très particulier et qui se joue dans la proximité, à une grande filiale nationale de La Poste.

La solution se situe selon lui clairement dans la mutualisation des réseaux de la PQR, qui existent et sont efficaces. La mutualisation des réseaux de portage de la PQR est d’autant plus impérative que des crédits publics sont venus subventionner massivement ce réseau. À cet égard, le rapporteur pour avis avait estimé que l’on ne pouvait tolérer que la PQR continue de bénéficier d’aides publiques au portage, si l’on devait constater qu’elle faisait obstacle à la mutualisation de son réseau.

Depuis 2010, il semblerait que le portage multi-titres se mette progressivement en place. S’agissant d’une activité nouvelle et complexe, elle a nécessité un certain temps d’étude et de négociation (étude de faisabilité, choix des zones, organisation logistique, développement de systèmes informatiques…) (4).

S’il a été annoncé que de nouvelles actions destinées à favoriser le développement du portage multi-titres seraient soutenues dans le cadre du nouveau fonds stratégique pour le développement de la presse, les représentants de la PQN estiment que la PQR n’a pas encore suffisamment ouvert son réseau ou qu’elle ne l’ouvre pas dans des conditions économiques satisfaisantes.

L’étude commandée par la DGMIC sur la mise en œuvre de l’aide au portage devra faire toute la lumière sur ce point. Si ce constat était avéré, il conviendrait que soit mise en place une autorité régulatrice chargée de vérifier que les tarifs pratiqués par la PQR ne sont ni prohibitifs ni manifestement excessifs par rapport aux coûts.

d) D’autres facteurs plus structurels

Pour toutes les familles de presse, la faible progression de la vente par portage s’explique aussi par les difficultés qui touchent l’ensemble de la presse papier : vieillissement de la population, baisse du pouvoir d’achat, concurrence des nouveaux médias, accès généralisé via la TNT gratuite à l’information en continu… Le portage est par ailleurs spécifiquement affecté par l’augmentation du prix des carburants, notamment en province où il est effectué par voiture.

En ce qui concerne la PQN, ses titres sont essentiellement portés en région parisienne, où le portage se heurte à des contraintes structurelles au milieu urbain (habitat collectif, accès via des digicodes, escaliers, etc.).

D’autre part, la PQN s’est surtout attachée ces dernières années à promouvoir une stratégie de croissance de sa diffusion par internet, et le support papier reste essentiellement vendu au numéro.

La PQR, après une hausse continue entre 2007 et 2010, voit son nombre d’exemplaires portés reculer en 2011. Les difficultés auxquelles se heurte la PQR sont le coût croissant du transport (avec une desserte dans les zones rurales étendues), le recul du pouvoir d’achat et le vieillissement de la population.

Mais surtout, avec 83 % d’abonnements portés, la mutation de la PQR vers le portage semble atteindre un plafond en dépit du renforcement des aides publiques. Le potentiel de développement du portage pour la PQR apparaît de fait limité.

Il convient de relever que la distribution par portage représente un coût encore élevé pour les éditeurs de presse. Ce coût s’élève à environ 0,20 euro par exemplaire porté dans les meilleures hypothèses (cas de zones d’habitat dense à fort taux d’abonnement), et peut s’élever de 1,22 euro à 1,52 euro par exemplaire dans les cas les plus défavorables (zones rurales comptant un faible nombre d’abonnés).

II.- POUR LES ANNÉES SUIVANTES : L’INDISPENSABLE REMISE À PLAT DE L’INTERVENTION DE L’ÉTAT EN FAVEUR DE LA PRESSE

A. LES AIDES À LA DISTRIBUTION : UNE RATIONALISATION S’IMPOSE

1. Les trois modes de distribution de la presse en France

La distribution de la presse en France s’effectue soit par la vente au numéro, soit par abonnement qui peut être acheminé par portage ou par transport postal. La vente au numéro, encouragée par la loi Bichet du 2 avril 1947, et l’abonnement postal constituent les deux formes de diffusion les plus couramment utilisées, mais le nombre d’exemplaires portés annuellement progresse depuis plusieurs années.

La France se caractérise par la faiblesse relative du nombre de points de vente par habitant : ce ratio est de 1 point de vente pour 2 000 habitants, alors qu’il est respectivement de 1 pour 800 et de 1 pour 1 000 en Allemagne et en Grande-Bretagne. La rémunération des diffuseurs est l’une des plus faibles que l’on puisse observer dans les pays européens. C’est pourquoi l’abonnement revêt un enjeu essentiel pour une majorité de titres.

En ce qui concerne la diffusion par abonnement, l’acheminement par portage présente des avantages importants par rapport au postage, tant en termes de service rendu (le journal arrive plus tôt chez l’abonné) qu’en termes de prix.

Deux facteurs contribuent cependant à limiter le développement du portage en France : d’une part, le fort taux de subventionnement dont bénéficie la distribution postale de la presse quotidienne d’information politique et générale, qui réduit mécaniquement l’avantage comparatif du portage, et, d’autre part, le coût élevé de ce dernier, la situation précaire des porteurs, la fragmentation des réseaux et la faiblesse du portage multi-titres.

Au surplus, alors que le constat selon lequel le développement du portage constitue un enjeu majeur pour l’avenir de la presse a été établi de longue date, en 2008, les aides de l’État s’élevaient à 242 millions d’euros pour le transport postal contre 8 millions pour le portage ! Le système français d’aide à la presse n’était donc clairement pas orienté vers le développement du portage.

Quant au plan de développement du portage, mis en place à la suite des États généraux de la presse écrite, son bilan est, comme il a été indiqué précédemment, décevant.

Il en résulte une faiblesse structurelle du portage en France qui ne représente encore que 20 % de la diffusion totale. Le portage est mieux implanté dans d’autres pays européens puisqu’il représente 88 % de la distribution des quotidiens aux Pays-Bas, 60 % en Allemagne et 50 % au Royaume Uni.

La diffusion par portage connaît par ailleurs de fortes disparités selon les familles de presse et les zones géographiques. En termes de répartition par familles de presse, la presse quotidienne régionale est davantage portée que la presse quotidienne nationale : 47 % de la diffusion entre juillet 2009 et juin 2010, contre moins de 10 % pour la PQN.

Au sein même des différentes familles de presse, la répartition entre les trois modes de distribution est également très variable.

Parts respectives de trois modes de distribution au sein de six grands titres
de la presse quotidienne régionale

Source : OJD/IGF/Mission Cardoso, juin 2009.

Parts respectives de trois modes de distribution au sein de huit grands titres
de la presse quotidienne nationale

Source : OJD/IGF/Mission Cardoso, juin 2009.

2. Des aides qui se contredisent et se concurrencent au lieu de se compléter

Les aides à la distribution et à la diffusion représentent au total plus de 330 millions d’euros, soit plus de 83 % des aides du programme.

Peut-on raisonnablement continuer à consacrer de tels montants pour aider simultanément le transport postal, le portage et la vente au numéro, trois modes de distribution qui se concurrencent, pour constater in fine que la diffusion de la presse dans son ensemble ne cesse de reculer ?

Un premier constat de bon sens s’impose : on ne peut affirmer que le portage est l’avenir de la presse et lui consacrer 37,6 millions d’euros contre 249 millions d’euros pour le postage, comme le fait le présent projet de loi de finances…

Par ailleurs, la problématique de la distribution ne se pose pas dans les mêmes termes pour toutes les familles de presse.

Si le portage est incomparablement plus adapté que La Poste pour la presse quotidienne, qui est un produit « frais », le postage satisfait certaines catégories de presse, notamment la presse hebdomadaire et les magazines, pour lesquels, les heures de livraison tardives de La Poste ne constituent pas un problème.

Selon Patrick Eveno, professeur en histoire des médias à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, entendu par le rapporteur pour avis le 3 septembre 2012, sauf exceptions, le basculement du postage vers le portage n’intéresse pas la plupart des magazines.

Par ailleurs, le syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM), auditionné le 24 septembre 2012, a attiré l’attention du rapporteur sur un autre frein au développement du portage des magazines. Lorsqu’un porteur de presse distribue à la fois des quotidiens, y compris des gratuits, et des magazines, seule la part de son activité relative aux quotidiens fait actuellement l’objet d’une exonération partielle de charges sociales (en application de l’article 22 bis de la loi n° 91-1 du 3 janvier 1991 modifiée). Selon les informations transmises par la DGMIC, « le ministère de la culture et de la communication a demandé en décembre 2011 au ministère chargé du budget la possibilité d’étendre l’exonération partielle de charges sociales à la partie de l’activité des porteurs de presse consacrée au portage des magazines. Cette demande est pour l’heure restée sans suite ».

Une piste de réflexion pourrait être d’envisager la globalisation des aides à la distribution pour neutraliser l’intervention de l’État et permettre à chaque titre de se distribuer selon le mode le plus adapté.

Par ailleurs, la question du vecteur de distribution le plus adapté ne se pose pas dans les mêmes termes selon les zones du territoire. Le portage est actuellement construit sur un modèle de distribution en zone dense. Ainsi, plusieurs interlocuteurs ont indiqué que la PQR « laisserait » les zones rurales à La Poste.

De manière générale, il convient de résoudre la question clé du dernier kilomètre de la distribution, celui qui est évidemment le moins rentable. Cette question se pose de la même manière pour les messageries, La Poste et le portage. Faut-il que les trois modes de distribution soient présents sur les zones les moins denses ? Faut-il y maintenir les kiosquiers, La Poste ou y développer le portage ?

Une réflexion s’impose donc sur ce que peut être la bonne combinatoire entre portage, postage et vente au numéro, en fonction du type de presse mais aussi de la zone géographique concernés, et sur la manière la plus intelligente de répartir l’aide publique en fonction de ce qui en ressort.

B. RECENTRER L’EFFORT FINANCIER SUR UNE PRESSE CITOYENNE DE QUALITÉ ET SUR LES INVESTISSEMENTS D’AVENIR

1. L’indispensable ciblage de l’effort financier de l’État sur les titres de presse citoyenne

a) Des aides scandaleusement non ciblées sur la presse citoyenne

Le rapporteur pour avis s’est tellement exprimé sur ce sujet qu’il va laisser parler le tableau suivant, qui indique les montants attribués en 2011 aux trente titres les plus aidés par l’État.

Aides par titre

Titre

Total aides

Monde (Le)

16 932 067

Figaro (Le)

15 990 740

Ouest France

14 108 028

Croix (La)

10 437 334

Télérama

9 533 479

Libération

8 971 182

Nouvel Observateur (Le)

7 917 224

Express (L’)

7 621 766

Télé 7 jours

7 288 021

Aujourd’hui en France

6 777 475

Sud-Ouest

6 707 844

Humanité (L’)

6 259 222

Paris Match

5 359 329

Nouvelle république du centre ouest (La)

5 171 578

A2 presse

4 868 424

Télé star

4 790 124

Voix du nord (La)

4 546 741

Point (Le)

4 543 178

Télé Loisirs

4 411 904

Dépêche du midi (la)

4 038 548

Dauphiné libéré (Le)

3 927 893

Newsprint SAS

3 900 000

SPQN – Syndicat de la presse quotidienne nationale (5)

3 771 080

Échos (Les)

3 753 737

Montagne (La)

3 747 371

Télé Z

3 745 212

Télégramme

3 739 454

Télécable Sat hebdo

3 324 771

Petit quotidien (Le)

3 298 437

Source : Direction générale des médias et des industries culturelles.

Il convient de préciser que les aides prises en compte dans le tableau sont l’ensemble des aides directes du programme « Presse » et la totalité de l’aide postale.

L’aide postale représentant environ 60 % de ces aides, elle explique en grande partie la présence de cinq magazines télévisés dans ce palmarès. L’inspection des finances avait en effet montré que 46 % de l’avantage tarifaire postal total demeuraient attribués, en 2008, à des titres hors IPG ; dont 20 % pour huit magazines télévisés qui bénéficiaient donc de 53 millions d’euros d’avantage tarifaire postal (6!

Le tableau montre par exemple que le magazine Télé 7 jours est à lui seul aidé à hauteur d’environ 7,3 millions d’euros quand l’ensemble des diffuseurs de presse ne bénéficient que d’une dotation de 4 millions pour leur modernisation…

Soulignons à cet égard que l’indicateur de ciblage des crédits du programme « Presse », intitulé de manière trompeuse, « part de l’aide publique globale accordée à la presse d’information politique et générale », présente une anomalie majeure, puisqu’il ne tient pas compte du tout de l’aide postale, qui ne représente pas moins de 60 % des crédits du programme ! C’est d’autant plus incompréhensible qu’à compter de 2013, dans un effort louable de lisibilité budgétaire, cette aide, précédemment répartie entre le programme 180 « Presse » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et le programme 134 « Développement des entreprises et de l’emploi » de la mission « Économie », est inscrite en totalité sur le programme « Presse ».

Certes, il est de bon ton d’afficher que 97 % des aides du programme bénéficient à la presse IPG, mais ce chiffre est malheureusement loin de la vérité et il convient d’y remédier au plus vite.

Le tableau qui précède ne tient par ailleurs pas compte des aides fiscales, notamment du taux super réduit de TVA qui bénéficie, pour 61 % de la dépense fiscale correspondante, à des titres non IPG et l’on n’ose imaginer à quoi ressemblerait le tableau s’il tenait compte de cette aide…

Le graphique suivant, qui tient compte de l’impact des aides fiscales, vient contredire de manière encore plus frappante l’idée selon laquelle l’effort public serait désormais ciblé sur les titres qui en ont le plus besoin et concourent à l’exercice de la démocratie et au pluralisme. Il montre en effet que la presse magazine grand public capte à elle seule 35 % de la contribution publique en faveur de la presse ! Si ce graphique a été établi sur la base de chiffres datant de 2008, la répartition de la contribution publique n’a malheureusement pas sensiblement évolué depuis cette date.

Répartition de la contribution publique par famille de presse
régimes fiscaux (TVA, TP), aide postale, aides directes, hors aides aux diffuseurs


Source : IGF, décembre 2009 – chiffres 2008.

Il serait d’ailleurs souhaitable qu’un tel graphique soit renseigné annuellement dans les documents budgétaires, à titre d’indicateur fiable et exhaustif.

Le taux « super réduit » de TVA à 2,1 % bénéficie en effet de manière indifférenciée à l’ensemble des titres de presse payante inscrits sur la liste de la CPPAP, à l’exception de la presse en ligne. Ce taux super réduit, qui représentait un avantage d’environ 180 millions d’euros dans les précédents projets de loi de finances, représente plus de 265 millions d’euros à compter de 2012. Interrogé par le rapporteur pour avis sur cette bizarrerie, le ministère de l’économie et des finances indique que la dépense fiscale n’est désormais plus calculée par rapport à un taux réduit de 5,5 % mais par rapport à un taux de 7 % (7) !

b) Le ciblage du taux super réduit de TVA sur la presse d’information citoyenne : une mesure qui ne soulève aucune difficulté d’ordre juridique

Le rapporteur pour avis est convaincu que la priorité absolue, dans le contexte budgétaire que connaît notre pays, et au vu de la situation dramatique de la presse dans son ensemble, est de cibler les aides sur les titres qui en ont le plus besoin.

Or, cet objectif ne peut être efficacement atteint qu’en réservant le taux super réduit de TVA aux titres s’adressant au lecteur-citoyen. Cette mesure permettra de dégager des moyens en faveur de ces derniers et de financer la dépense fiscale qu’entraînerait l’application d’un régime fiscal équivalent à la presse en ligne.

Aucun des arguments traditionnellement évoqués contre cette mesure n’est convaincant.

Le principe de solidarité qui sous-tend le système coopératif de distribution de la presse trouve déjà sa contrepartie dans l’application de tarifs postaux préférentiels qui bénéficient encore largement à la presse magazine. La France a d’ailleurs appliqué des taux différenciés entre la presse IPG et la presse récréative jusqu’en 1983…

L’argument selon lequel cette mesure trouverait son équivalent à l’étranger n’est pas plus convaincant. Les taux de TVA applicables à la presse en France sont très en dessous de la moyenne et figurent même parmi les plus bas, étant précisé que des pays, comme le Royaume-Uni, qui appliquent un taux de 0 % n’ont mis en place aucun système d’aides directes ciblées.

Par ailleurs, comme l’indique la Correspondance de la Presse (8), la Belgique applique deux taux différents : un taux super réduit de 0 % sur les journaux quotidiens ou hebdomadaires d’information générale et un taux à 6 % sur les autres publications.

L’hypothèse de réserver le taux super-réduit de 2,1 % à la presse d’IPG n’apparaît pas non plus soulever de difficultés juridiques, que ce soit au regard du droit de l’Union européenne ou du droit constitutionnel.

En droit de l’Union européenne, la directive 2006/112/CE du conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée prévoit un taux normal, qui ne peut être inférieur à 15 % et la faculté pour les États-membres de fixer un ou deux taux réduits, qui ne peuvent être inférieurs à 5 % (articles 98 et 99). Aux termes de l’article 110, « Les États membres qui, au 1er janvier 1991, (…) appliquaient des taux réduits inférieurs au minimum fixé à l’article 99 peuvent continuer à les appliquer ».

Il en résulte que la France, qui a conservé la faculté de maintenir les titres inscrits en CPPAP au taux de 2,1 %, peut décider de réserver ce taux à une partie seulement de ces titres et de fixer, pour les autres titres remplissant les critères de la CPPAP, le taux normal ou l’un des deux taux réduits (5,5 % ou 7 %).

S’agissant des contraintes constitutionnelles, rappelons qu’il est loisible au législateur de créer des catégories particulières de redevables et de prévoir des exclusions ou des exonérations en fonction des buts qu’il s’assigne, sous réserve de mettre en œuvre des critères objectifs et rationnels.

À cet égard, des taux de TVA différents pour les titres de presse reconnus d’IPG et pour les autres titres inscrits en CPPAP ne devraient pas soulever de difficulté.

Dans sa décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001, le Conseil constitutionnel avait ainsi considéré « qu’il était loisible au législateur de créer une aide de l’État dans le but de compenser des surcoûts spécifiques de diffusion des quotidiens nationaux d’information politique et générale ; que, s’agissant de titres de presse appartenant à d’autres catégories, contrairement à ce qui est allégué, cette mesure n’entraîne pas de rupture injustifiée d’égalité ; qu’elle participe de la volonté de préserver le pluralisme des quotidiens d’information politique et générale, dont le maintien et le développement sont nécessaires à l’exercice effectif de la liberté proclamée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ».

De même, le Conseil d’État a estimé « que le principe d’égalité devant le service public ne s’oppose pas à ce qu’un traitement différent soit réservé aux usagers qui sont placés dans des situations différentes ; que, compte tenu des difficultés particulières rencontrées par la presse d’information politique et générale, le gouvernement a pu légalement prévoir que cette dernière bénéficierait, dans les conditions qu’il détermine, d’un abattement supplémentaire sur les tarifs postaux, lequel, loin de porter atteinte au pluralisme de la presse écrite, tend au contraire à le rendre plus effectif » (CE, 29 septembre 1999).

Il conviendrait en revanche d’exclure du bénéficie du taux de TVA super-réduit les suppléments des titres d’IPG qui ne sont pas eux-mêmes d’IPG (suppléments féminins ou télévision par exemple).

La principale difficulté est de tracer une frontière qui soit aussi acceptable que possible entre la presse d’information citoyenne et la presse purement récréative, certains titres étant précisément à la frontière entre ces deux lignes éditoriales.

2. Un recentrage qui doit être conditionné à des obligations renforcées des éditeurs de presse IPG

a) Une exigence de qualité renforcée

S’il est acquis que la presse ne se définit plus par son support, elle doit se définir par sa qualité.

Les dernières décennies ont vu se développer une critique des médias et des journalistes. Cette défiance s’explique par divers dérapages : manque de fiabilité, priorité donnée aux faits divers, pratiques peu respectueuses des personnes, dérives « people » du journalisme politique, recherche du scoop à tout prix, suivisme à l’égard de la concurrence et des puissants, cynisme et désinvolture…

Quant aux causes de ces dérapages, elles sont elles-mêmes diverses : conditions de travail souvent difficiles, formation souvent insuffisante ou standardisée, paupérisation et précarisation croissantes des journalistes, concurrence exacerbée entre médias, travail dans l’urgence, pressions économiques, difficulté à rendre compte de dossiers toujours plus divers et plus complexes.

Il n’est peut-être pas inutile de rappeler qu’une bonne presse se fait aussi avec des journalistes et à cet égard, on peut s’inquiéter, comme le fait le sociologue Jean-Marie Charon, que le nombre de journalistes ait diminué de 30 % au cours des trente dernières années et que cette diminution s’accélère depuis deux ans.

Les journaux ne se soucient par ailleurs pas assez du lecteur. On écrit trop pour ses confrères, pour le pouvoir politique, économique, voire pour les publicitaires, et l’on a tendance à s’adresser à un lecteur qui présente la particularité d’être un homme blanc de plus de cinquante ans, ce qui exclut l’essentiel de la société française du lectorat potentiel.

Et pourtant plus que jamais, dans le monde de l’hyper choix d’informations, de rumeurs et de contenus qui circulent sur le numérique, la presse se doit de faire la différence.

Or, plusieurs observateurs notent que le foisonnement de l’offre numérique débouche sur une uniformisation des contenus, un nivellement par le bas de la qualité de l’information qui nuit à l’intérêt de l’offre. Dans la course à l’audience, les sites se ressemblent, perdent leur identité et leur capacité à fidéliser le lecteur. L’offre n’est pas toujours adaptée à la demande. À titre d’exemple, la presse quotidienne régionale, par souci d’économies, offre de moins en moins d’information très locale, au risque de perdre ce qui fait sa raison d’être.

b) Indépendance rédactionnelle et déontologie

La reconnaissance légale de l’indépendance des rédactions constitue une revendication déjà ancienne de certains journalistes ou organisations de journalistes qui demandent l’instauration d’institutions spécifiques internes aux médias d’information qui les emploient et disposant d’un statut juridique propre leur permettant de disposer d’un droit de regard, voire d’inflexion, sur la politique éditoriale de ces médias.

Cette reconnaissance pourrait justifier, dans une certaine mesure, le mouvement de concentration observé dans le secteur des médias en le conciliant avec la qualité, l’indépendance et le pluralisme de l’information.

Car du point de vue financier, la stabilité de l’actionnariat et l’adossement à un groupe diversifié constituent un atout important pour un titre de presse. Les titres soutenus par un actionnaire stable et disposé à investir sans perspectives de rentabilité immédiate se situent dans une situation avantageuse par rapport à ceux dont l’actionnariat est morcelé, qui ne disposent pas d’une capacité d’investissement suffisante ou qui appartiennent à un fonds de pension.

En ce qui concerne la déontologie, les États généraux de la presse avaient constaté l’écart grandissant entre le public et les journalistes. L’indépendance et la crédibilité des journalistes sont régulièrement mises en cause. Ce phénomène est notamment mis en évidence par La Croix depuis 1988 à travers la publication de son baromètre sur la confiance des Français dans les médias.

Cette méfiance progresse à l’occasion de grands dérapages : de l’affaire Villemin à l’affaire d’Outreau en passant par l’affaire Baudis, les exemples sont nombreux. Les Français supportent de moins en moins les « bavures journalistiques ».

Des textes anciens, comme celui de 1918, ou plus récents - celui rédigé par les assises du journalisme de 2008 - ont proposé des règles pour encadrer l’exercice du métier mais aucun n’a de valeur impérative, contractuelle ou légale.

De plus, les conditions d’exercice du métier de journaliste ont changé avec les progrès de la technologie, en particulier avec la révolution numérique : rapidité de l’information, profusion, immédiateté d’accès, règne de la rumeur et de l’à-peu-près, risques de manipulations de toutes sortes, multiplication des canaux d’information. Ce nouveau paysage médiatique rend encore plus urgente la nécessité d’établir un cadre clair pour la pratique et l’exercice du journalisme professionnel.

Pour restaurer la confiance des Français dans leur presse, le groupe dédié à « l’avenir des métiers du journalisme » des États généraux de la presse, présidé par M. Bruno Frappat, avait ainsi préconisé la rédaction d’un code de déontologie des journalistes partagé par les éditeurs et les syndicats de journalistes et annexé à leur convention collective. Malgré son caractère équilibré, le « code Frappat » n’a pas réussi à fédérer autour de lui l’ensemble de la profession et la mission a échoué.

Pourtant, plus que jamais, face à l’avalanche des images et des informations relayées notamment par internet, nul ne conteste l’importance capitale, pour l’exercice de la démocratie et du débat public, d’une presse écrite de qualité, qui analyse et mette en perspective une actualité vérifiée et hiérarchisée. C’est là la justification première du système d’aides à la presse et c’est pourquoi, s’agissant des éditeurs de titres IPG, le rapporteur pour avis estime que le respect d’un code de déontologie pourrait être une condition au bénéfice des aides de l’État.

c) Contractualisation et transparence des aides

Parallèlement à la création du fonds stratégique pour le développement de la presse, plusieurs avancées peuvent être saluées :

– la mise en place d’incitations, sous forme de bonifications, aux entreprises de presse ayant engagé des efforts particuliers en matière de développement durable, de respect de normes de qualité, de responsabilité sociale des entreprises, de développement de la formation, etc. ;

– la création d’une conférence annuelle des éditeurs de presse, ayant vocation à constituer un lieu de débat et de réflexion sur l’évolution du dispositif d’aide à la presse. Comme il l’a indiqué dans son rapport de l’an dernier, le rapporteur pour avis estime que la présence de membres de la représentation nationale au sein de cette conférence serait de mise ;

– la mise en œuvre d’une évaluation régulière des différents systèmes d’aide, par des auditeurs publics ou privés (cabinets d’audit spécialisés) ;

– une transparence renforcée : un état annuel des montants attribués au cours de chaque exercice budgétaire et de leur ventilation par bénéficiaire sera établi et rendu public, « dans le respect du secret des affaires ». Sur ce point, un effort a été accompli cette année avec la communication des montants perçus par les titres les plus aidés, mais il convient d’aller plus loin ;

– et surtout la mise en place d’un conventionnement pluriannuel avec les titres de presse les plus aidés par l’État : titres ayant bénéficié de plus de 1,5 million d’euros d’aides de l’État (9) en moyenne au cours des trois dernières années et titres ayant bénéficié d’une aide supérieure à 20 % de leur chiffre d’affaires, représentant au minimum 500 000 euros en moyenne au cours des trois dernières années.

Si ce conventionnement ne porte que sur les 33 millions d’euros du fonds stratégique pour le développement de la presse, il s’agit d’un pas dans la bonne direction. Le rapporteur avait en effet regretté que les aides ne tiennent pas compte de la situation particulière de chaque titre et des efforts réels faits par chacun d’eux pour améliorer sa situation économique.

Il avait souhaité faire de l’engagement d’une démarche contractuelle globale fondée sur la prise d’engagements dont le respect serait susceptible d’être évalué une condition d’accès aux aides à la presse. Le temps des bons lobbyistes est révolu. Il faut enfin favoriser les bons gestionnaires…

À cette occasion, les priorités de l’aide accordée devraient être clairement réorientées en vue de soutenir de véritables stratégies d’investissement.

3. Un nécessaire recentrage des aides sur les investissements d’avenir

a) Le devoir d’accompagner la presse dans sa mutation vers le numérique

Il faut en avoir conscience, d’ici une dizaine d’année, peut-être moins, la presse quotidienne papier sera distancée par la presse en ligne. L’hypothèse actuellement retenue de diminution de la vente au numéro pour les quatre prochaines années est de 25 %.

La mutation vers le numérique s’accélère pour toutes les familles de presse, y compris pour la PQR, qui s’y trouve d’ailleurs concurrencée et dont les recettes sur internet atteignent désormais 10 % du chiffre d’affaires.

Comme il a été indiqué en introduction, dans le contexte de révolution industrielle que vit la presse, le rôle des pouvoirs publics ne doit pas être d’empêcher mais d’accompagner une mutation irréversible.

Trop occupé à tenter de préserver l’existant, le secteur oublie d’innover et de consentir les nécessaires investissements d’avenir. Les aides ne sont pas du tout ciblées sur l’investissement : la grande majorité des crédits d’intervention s’apparente à une subvention d’exploitation, qui n’a évidemment aucun effet incitatif aux réformes nécessaires, et, ce qui est plus grave, ne fait que les différer.

Pire, comme le souligne de longue date le rapporteur pour avis, les aides à l’investissement sont trop souvent des aides déguisées au fonctionnement ou peuvent avoir un effet antiéconomique, lorsqu’elles subventionnent massivement le développement de capacités d’impression en interne, alors même que l’externalisation de l’impression et la mutualisation des capacités d’impression sont une condition essentielle en vue de permettre aux titres de se recentrer sur la production de contenus et de maîtriser leurs surcoûts.

Rappelons que l’aide au développement de la presse en ligne n’atteint pas 20 millions d’euros sur près d’1,2 milliard d’aides et que la presse en ligne est toujours pénalisée par un taux de TVA prohibitif de 19,6 %.

Le fonds d’aide à la presse en ligne a par ailleurs subventionné massivement des dépenses de fonctionnement, notamment les salaires des journalistes. Son ciblage étant faible et discutable, il donne lieu à un « saupoudrage » important des crédits sur toutes les familles de presse et sur des « pure players » (sites d’information en ligne sans édition papier) non IPG en nombre croissant.

Quant au fonds d’aide à la modernisation, il subventionne encore très majoritairement le développement de capacités d’impression…

b) Le taux de la TVA sur la presse en ligne : une grave anomalie

Le bilan d’un fonds d’aide au développement de la presse en ligne ne peut être que très décevant alors que la presse en ligne supporte un taux de TVA de 19,6 % contre 2,1 % pour la presse papier. Cette situation est intenable.

Le gouvernement poursuit ses efforts pour engager une discussion à l’échelon communautaire sur la question de l’applicabilité aux services de presse en ligne, au moins ceux qui correspondent à la version en ligne d’une édition papier d’IPG, d’un taux de TVA minoré, qui ne pourrait résulter que d’une décision à l’unanimité des membres de l’Union.

Soulignons que plusieurs États membres se sont ralliés à la position française et que le Parlement européen vient d’adopter une résolution sur la TVA soutenant le principe de neutralité de la TVA pour la presse. Plusieurs commissaires européens y sont par ailleurs favorables.

Enfin, un certain nombre d’États sont sensibles à l’enjeu de compétitivité des industries culturelles européennes et au lien pouvant exister entre baisse du taux de TVA et la réduction du téléchargement illégal. À ce stade, le Luxembourg, la Suède, les Pays-Bas et l’Italie soutiennent la position française. Un autre groupe d’États membres pourrait être favorable à terme ou à tout le moins ne pas s’opposer à la révision de l’annexe III de la directive TVA : Malte, la République tchèque, la Lituanie, la Pologne et l’Espagne. En revanche, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Danemark, l’Autriche, le Portugal et la Finlande semblent à ce stade rester franchement opposés à la réflexion.

Ainsi, si la France insiste auprès de ces interlocuteurs sur l’urgence qu’il y a à faire avancer ce dossier au niveau européen, il demeure que le travail de conviction à mener reste important.

On peut saluer l’initiative de la Belgique, qui vient d’annoncer à la Commission européenne son intention d’appliquer le taux zéro de TVA, non seulement aux journaux et magazines imprimés mais aussi à leur version numérique, dans un souci de neutralité technologique. Face aux demandes de plus en plus pressantes qui se font jour dans plusieurs États membres et au Parlement européen, la Commission semble prête à poursuivre les discussions sur le sujet et a spécifiquement demandé l’avis du public sur cette question dans la consultation publique sur les taux réduits de TVA lancée début octobre 2012.

c) Le fonds d’aide au développement de la presse en ligne : un bilan très mitigé, un ciblage très discutable

À l’issue des États généraux de la presse écrite, un fonds d’aide au développement des services de presse en ligne (SPEL), doté de 20 millions d’euros, a été créé pour une durée de trois ans, succédant au fonds d’aide au développement des services en ligne des entreprises de presse créé en 2004, qui n’avait été doté que de 500 000 euros de 2006 à 2008…

Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2011, le rapporteur avait dressé un bilan mitigé de ce fonds. Il avait regretté l’absence de transparence des critères d’attribution de l’aide.

Une enveloppe de 20 millions d’euros a été ouverte à l’issue des États généraux, sans aucune réflexion préalable, ni sur son montant, ni sur son ciblage, l’économie de la presse en ligne présentant la particularité de ne comporter aucune barrière à l’entrée.

Il en est résulté un guichet supplémentaire et un saupoudrage inéluctable des crédits.

Surtout, le rapporteur pour avis a montré que les dépenses éligibles comprenaient des dépenses de fonctionnement, en particulier les salaires bruts des journalistes affectés au numérique.

Ont ainsi été inclus dans le champ des dépenses éligibles les salaires de rédactions entières « réaffectées » du « papier » vers le « web », ce qui a donné lieu à un très important effet d’aubaine et gâchis d’argent public. Ces dépenses ont représenté 40 % du montant total des aides octroyées au titre du SPEL en 2010 et 31 % en 2011.

Si le périmètre des dépenses éligibles au SPEL devrait enfin être corrigé à compter de 2012, on ne peut que regretter que cet effet d’aubaine ait conduit à limiter très fortement l’efficacité de l’aide attribuée au titre du fonds SPEL pendant trois ans.

Le bilan de ce fonds, qui n’est pas ciblé, confirme par ailleurs l’impression de saupoudrage des crédits.

Peuvent en effet être aidés les projets concernant des services de presse en ligne reconnus par la commission paritaire des publications et agences de presse, « qui présentent un caractère d’information politique et générale (…) ou qui développent l’information professionnelle ou les connaissances pratiques du public ou de catégories de publics, favorisent le débat d’idées et la diffusion de la culture générale ou apportent régulièrement des informations et des commentaires sur l’actualité de l’ensemble des disciplines sportives. »

Le champ est donc très large, comme le montre d’ailleurs la liste des bénéficiaires d’une subvention au titre de l’année 2011, annexée au présent rapport, qui comprend entre autres moto-net, le journal de la moto, Hotels & Lodge, Surfsession, velo101.com…

Entre 2009 et 2011, le comité d’orientation du fonds a rendu un avis favorable pour 278 projets, pour un total attribué de 36,8 millions d’euros sous forme de subventions et 6,7 millions d’euros sous forme d’avances remboursables. Le montant moyen de l’aide allouée a considérablement diminué, passant de 264 350 euros en 2009 à 144 766 euros en 2010 puis 115 412 euros en 2011.

Cette baisse s’explique par la diminution de la part des projets de la PQN et de la PQR, qui étaient majoritaires lors de la mise en place du fonds en 2009 (respectivement 32 % et 37 % des dossiers présentés, contre 22 % et 4 % en 2011). La période 2009-2011 a vu l’augmentation du nombre de projets présentés par la presse magazine, la presse spécialisée et surtout par les « pure players », dont les dossiers sont généralement plus modestes.

Répartition fonds d’aide au développement des services de presse en ligne

(en pourcentages)

 

PQN

PQR+PQD

Presse magazine

Presse spécialisée

Pure players

Total 2009-2010

26,8

34,7

18

8,8

11,8

Source : DGMIC.

d) L’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale : un subventionnement encore centré sur les capacités d’impression

Créé en 1998, le fonds d’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale (FDM) permettait d’accorder des subventions aux entreprises et agences de presse pour la réalisation des investissements techniques et rédactionnels nécessaires à leur développement. En 2012, il a été fusionné au sein du fonds stratégique pour le développement de la presse, dont il constitue la première section.

À cette occasion, le bénéfice de cette aide a été étendu aux entreprises de presse éditrices d’au moins une publication quotidienne apportant régulièrement des informations et des commentaires sur l’actualité de l’ensemble des disciplines sportives ainsi qu’à la presse quotidienne gratuite d’information politique et générale pour la part des tirages concernés confiée à une imprimerie de presse.

Pour l’année 2011, 71 projets ont été aidés, pour un montant total de 25,2 millions d’euros. L’aide allouée aux trois premiers bénéficiaires représente 48,5 % de la dotation du fonds.

En 2011, les dossiers d’investissements relatifs à la chaîne de fabrication représentent toujours la plus grande part des subventions accordées : ils ont représenté 58 % des investissements aidés, contre 31 % en 2010, ce qui s’explique notamment par le niveau important des investissements liés à l’imprimerie, notamment la création de centres d’impression.

La PQR a investi prioritairement dans des projets d’impression (22 %), avec notamment un projet important d’« accroissement des capacités quadri du quotidien Sud-Ouest ».

La PQN a elle aussi investi principalement dans le domaine de la « fabrication » avec 35 % de la totalité des subventions accordées, notamment pour deux projets importants : la « création d’un centre d’impression numérique en Corse pour l’ensemble des quotidiens nationaux » présenté par le SPQN, et la « création d’un nouveau centre d’impression pour les quotidiens et leurs suppléments magazines » (présenté par la société Newsprint).

Les investissements consacrés à la modernisation des rédactions ne représentent que 9 % des investissements aidés en 2011 contre 12 % en 2010.

Les investissements les plus aidés en 2011

A2 Presse : « Un journal gratuit dès 18 ans, abonnement et volet technique » : subvention de 4 790 851 euros. Projet collectif.

Newsprint : « Création d’un nouveau centre d’impression pour les quotidiens et leurs suppléments magazines » : subvention de 3 900 000 euros. Projet PQN.

SPQN : « Centre d’impression numérique en Corse pour l’ensemble des quotidiens nationaux » : subvention de 3 519 223 euros.

Projet Sud-Ouest PQN : « Accroissement des capacités quadri du Quotidien », subvention de 1 399 714 euros. Projet PQR.

Les interrogations soulevées par le projet Newsprint

Newsprint est la société créée par M. Riccobono en vue de la mise en place d’un nouveau centre d’impression « presse-labeur » en Île-de-France. Cette société a bénéficié de décisions favorables pour deux aides : l’une du FDM en décembre 2011 et l’autre du FSDP en juillet 2012.

Ce nouveau centre d’impression doit permettre de résorber le surplus des effectifs de la presse parisienne lié à la réorganisation de l’imprimerie du Monde. Sur les 200 ouvriers du Livre concernés par les suppressions d’effectifs à l’imprimerie du « Monde », 35 rejoindraient Newsprint, qui dépendra de la convention collective des imprimeries de la presse parisienne. Ce site devrait assurer l’impression de l’ensemble des suppléments du Monde et celle de l’ensemble des titres qui ont un lien direct ou indirect avec Le Monde (Télérama, Courrier international, la Vie… les gratuits d’information de type 20 Minutes ou Métro) aujourd’hui assurées par l’offre industrielle des rotativistes du labeur, dans un contexte de statut conventionnel labeur et non presse.

On peut s’interroger sur l’opportunité d’ouvrir un nouveau centre d’impression de labeur à la seule fin de reclasser des salariés de la presse, alors que les volumes imprimés diminuent et que les imprimeurs du labeur ont du mal à alimenter leurs rotatives.

Plus généralement, le principal syndicat patronal de la profession, l’Unic s’inquiète de la distorsion de concurrence entre les imprimeries de presse qui sont aidées par l’État et celles du labeur qui ne le sont pas. L’Unic relève que « le fonds de modernisation devenu fonds stratégique a consacré deux tiers de ses crédits au financement de la chaîne de fabrication qui, compte tenu de l’évolution technologique finance désormais des outils industriels dont l’approche nocturne est consacrée à la presse d’information générale, les creux « diurnes » devant être remplis par des imprimés semi-commerciaux et désormais des gratuits à des coûts inférieurs de 40 % au labeur, car les infrastructures industrielles sont fortement adossées aux aides de l’État ».

L’Autorité de la concurrence a été saisie afin d’évaluer, en les quantifiant et en les qualifiant, l’impact des distorsions évoquées.

e) Le bilan sévère de l’opération « Mon Journal offert »

Le rapporteur avait appelé de ses vœux une évaluation précise de cette opération, comme préalable à sa reconduction. Les crédits accordés au fonds d’aide à la modernisation de la presse écrite (FDM) ont été augmentés pour les projets en faveur des jeunes : 15 millions supplémentaires ont ainsi été alloués sur 3 ans pour financer le projet intitulé « Mon journal offert », qui consistait à proposer à tout jeune de 18 à 24 ans un abonnement hebdomadaire gratuit d’un an à un journal quotidien de son choix.

M. Michel Balluteau, inspecteur général des affaires culturelles, a rendu, en juillet 2012, un rapport qui dresse un bilan sévère de la mise en œuvre de cette opération.

Il souligne notamment les points suivants :

– une soixantaine de quotidiens s’est vue attribuer un quota d’abonnements déterminé en fonction directe de leur diffusion de l’année précédente. Le calcul de la subvention individuelle était ensuite assez complexe et conduisait à des situations d’inégalités flagrantes entre titres comparables ;

– l’aide apportée par les pouvoirs publics était calculée à partir d’un coût théorique par abonné de 100 euros environ, sur lequel l’État apportait une aide de 50 euros, qui devait correspondre aux seuls frais de diffusion postale. Or, il s’avère que la presse supportait en réalité un coût très faible pour cette opération, et de fait, l’État a pris en charge l’intégralité des coûts supportés par les titres. Le principe d’un partage équitable des dépenses entre la presse et l’État, annoncé au départ, n’a donc pas été respecté. Dans ce contexte, on peut comprendre que les éditeurs se soient montrés très attachés à cette opération qui leur permettait par ailleurs d’augmenter leur OJD ;

– au-delà, Michel Balluteau relève que l’opération n’était pas conforme aux textes régissant le FDM (et du fonds stratégique à mettre en place en 2012). Il s’agit en effet d’un fonds intervenant normalement en matière d’investissement. Or, l’aide octroyée dans le cadre de cette opération constitue, de manière certaine, une aide au fonctionnement. Par ailleurs, l’intervention du FDM implique un partage des dépenses entre le fonds et les éditeurs. Dans le cadre de l’opération « Mon Journal offert », les dépenses des journaux n’ont jamais été justifiées, et le rapport considère qu’elles ont été entièrement prises en charge par l’État ;

– en ce qui concerne l’impact de cette opération, les dossiers de demandes d’aides, comme les études par sondage font état d’une espérance d’abonnement payant, à la fin de chaque opération, de l’ordre de 5 à 8 % des jeunes ayant reçu gratuitement le journal. Or, les études diligentées régulièrement par le ministère de la Culture et de la Communication montrent que pour la génération actuelle, le taux de lecture de la presse spontané est de l’ordre de 9 %. Ces taux sont ainsi très voisins. Selon Michel Balluteau, « une approche pessimiste conduit à penser que les actions aidées sont sans effet notable ; une perception optimiste expose que le phénomène de désaffection serait plus accentué sans les actions aidées sur fonds publics ».

Dans l’hypothèse où le ministère souhaiterait continuer à aider certaines opérations en direction des jeunes, quelques préconisations sont formulées :

– privilégier les opérations de fond, sur des périodes longues, telles que les « kiosques dans les lycées », étendues par exemple aux centres de formation d’apprentis ou de jeunes adultes. Il est important de mettre les jeunes en contact avec un ou plusieurs quotidiens, de manière naturelle et habituelle, dans les établissements qu’ils fréquentent. C’est une mesure qui peut avoir un impact positif notamment pour les jeunes issus de familles où aucun quotidien n’est lu. Cette opération ne peut se faire que par l’association des enseignants et des parents d’élèves, et donc en lien avec le ministère de l’éducation nationale ;

– continuer à faire vivre un dispositif (notamment par des tarifs postaux très préférentiels) favorisant des groupes de presse éditant des journaux destinés aux adolescents, car l’habitude de voir et lire un quotidien doit se prendre au plus tôt. Cette idée rejoint la proposition formulée par le rapporteur dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2012. Il avait estimé que si l’opération « Mon Journal offert » faisait l’objet d’une évaluation favorable, il pourrait être envisagé de faire entrer la presse jeunesse éducative, qui constitue une exception culturelle française, dans le champ de la mesure. Notre pays bénéficie en effet de l’offre de presse destinée aux enfants et adolescents la plus riche et la plus diversifiée au monde. Pourraient notamment être concernées les publications des éditeurs Bayard, Fleurus et Play Bac Presse qui participent à l’éducation et au développement critique des enfants et des jeunes.

Si les pouvoirs publics décidaient de poursuivre l’opération, ce que souhaite le rapporteur, il estime avec Michel Balluteau, qu’elle devrait être totalement repensée. M. Balluteau propose de la réserver aux jeunes ayant 18 ans dans l’année, de ramener à deux ou trois mois la durée de l’abonnement gratuit (à un ou deux numéros par semaine), et de donner un quota d’abonnement aux journaux qui soit strictement conforme aux chiffres de diffusion de l’année précédente. La participation de l’État devrait alors prendre exclusivement la forme d’un remboursement des frais postaux. Enfin, il conviendrait de mettre en place des procédures de contrôle et des indicateurs permettant une évaluation en continu des actions, les résultats étant rendus publics.

III.- PRESSTALIS : CHRONIQUE D’UN DÉSASTRE ANNONCÉ

A. LA SITUATION ACTUELLE DE PRESSTALIS : UNE CATASTROPHE COLLECTIVE DONT LE SCÉNARIO ÉTAIT ÉCRIT D’AVANCE

1. La place de Presstalis au sein du système du système de vente au numéro

Le système français de distribution de la vente au numéro repose sur une cascade de mandats qui relient chaque maillon de la chaîne de distribution : éditeurs, sociétés commerciales de messageries, dépositaires (grossistes) et diffuseurs (détaillants).

Le niveau 1 est constitué par les sociétés de messageries de presse, organisées partiellement ou complètement selon le principe coopératif. Ces sociétés sont Presstalis (ex-NMPP/TP) et les Messageries lyonnaises de presse (MLP).

Le niveau 2 est constitué du réseau des dépositaires de presse, intermédiaires entre les messageries et les détaillants.

Le niveau 3 représente le réseau des diffuseurs de presse.

Presstalis constitue l’opérateur historique de distribution de la presse en France depuis la Libération, notamment de l’ensemble des quotidiens nationaux.

C’est la loi du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dite loi Bichet, qui encadre la distribution de la presse.

En effet, pour être effective, la liberté de la presse doit s’accompagner de la liberté de son acheminement vers le lecteur. Aux termes de la loi, les éditeurs ont le choix de se distribuer par leurs propres moyens (ce qui est le cas de la presse quotidienne régionale). Dans le cas contraire, la loi Bichet pose le principe de la solidarité des éditeurs dans la distribution à travers l’obligation de recourir à des coopératives d’éditeurs pour assurer la distribution de plusieurs journaux. Les éditeurs sont donc à la fois actionnaires et clients des sociétés de messageries.

En 2011, Presstalis assure ainsi la distribution de 80 % de la presse en France, soit l’ensemble des quotidiens nationaux, 2 200 magazines français et plus de 4 000 produits « hors presse ».

C’est un acteur majeur et structurant de l’ensemble de la filière de la distribution de la presse en France, dont dépendent largement 153 dépositaires de niveau 2 et près de 30 000 diffuseurs de presse.

S’agissant de son organisation, avant juillet 2011, le capital des NMPP était détenu à 51 % par 8 coopératives d’éditeurs et à 49 % par Lagardère. Depuis juillet 2011, le capital de 16 millions d’euros de la société Presstalis est détenu par deux coopératives de distribution, l’une des quotidiens, l’autre des magazines. Lagardère est sorti de l’actionnariat.

La société emploie 2 387 personnes au 31 décembre 2011.

Au-delà du siège social de l’entreprise au sein duquel travaillent 495 personnes, la société est présente au sein des deux premiers niveaux de distribution de la presse :

– au niveau 1, Presstalis a deux centres de groupage, occupant près de 300 personnes ;

– au niveau 2, ses filiales SPPS (distribution de la presse parisienne), SAD et SOPROCOM regroupent des dépôts qui emploient près de 1 645 personnes.

2. Un marché en forte contraction

Les marchés sur lesquels intervient Presstalis sont en forte contraction, laquelle s’est avérée supérieure aux prévisions les plus pessimistes. Ainsi, de 2006 à 2010, la diminution de la vente au numéro de la presse française a-t-elle été de
- 4,4 %, avec - 4,3 % pour les magazines et - 4,8 % pour les quotidiens nationaux. En 2011, la vente au numéro des magazines et des quotidiens a continué de baisser de 3,1 %. Les quotidiens enregistrent ainsi une baisse en volume de - 8,2 % en 2010 (- 5,3 % en 2009) tandis que celle des magazines est de - 4,3 % en 2010
(- 7,4 % en 2009).

3. Des efforts insuffisants de restructuration de Presstalis

Dans un marché en forte contraction, Presstalis ne s’est pas suffisamment restructurée, malgré les promesses.

Presstalis est confrontée à un déficit structurel de son compte d’exploitation. Il s’explique en partie par des surcoûts sociaux importants (liés aux conditions salariales et d’organisation du travail héritées du statut des ouvriers du Livre et chiffrés à 65 millions d’euros) et par la taille du siège (600 personnes contre 120 chez le concurrent MLP selon le rapport de M. Bruno Mettling de mars 2010).

Si Presstalis a tendance à présenter ses difficultés comme résultant exclusivement de la distribution des quotidiens, les MLP n’ont donc pas tort de rappeler qu’il y a aussi un problème au niveau 1…

Les volumes ne sont plus suffisants pour compenser ces surcoûts et les éditeurs de magazines n’hésitent plus à arbitrer en faveur des MLP pour réduire leur coût de distribution.

4. Les surcoûts de la distribution de la presse quotidienne nationale

L’activité de distribution de la presse quotidienne nationale assurée uniquement par Presstalis est structurellement déficitaire depuis plusieurs années, en raison notamment de l’érosion continue des ventes. Ce déficit était jusqu’à récemment en partie financé par le résultat positif de la filière distribution des autres publications. La solidarité entre éditeurs est en effet conçue de manière double : entre tous les éditeurs et entre les éditeurs de presse quotidienne et les éditeurs de presse magazine. Ces derniers finançaient en partie le déficit de la filière des quotidiens en contrepartie notamment du bénéfice des tarifs postaux avantageux.

Une étude conduite en 2011 a permis d’approfondir les coûts réels que supporte Presstalis pour la distribution des quotidiens nationaux. Le tableau suivant montre que Presstalis est confrontée à un déficit structurel de 20 millions d’euros sur la filière de distribution des quotidiens.

Décomposition du déficit de Presstalis

(En millions d’euros)

Revenu barèmes

96

Coûts de la filière

134

Déficit primaire

-38

Aide de l’État

18

Déficit

-20

Source : DGMIC.

Il convient de noter le poids dans ce déficit des surcoûts sociaux, qui sont majoritairement liés au statut des ouvriers du Livre présents chez Presstalis.

5. La concurrence déloyale des MLP et l’absence de péréquation

Face à Presstalis, acteur dominant du marché de la distribution de la presse en France, les MLP ont développé leur activité sur des publications à périodicité lente et à fort prix de vente, mais elles cherchent à étendre leurs activités à la distribution d’hebdomadaires, voire de quotidiens.

N’ayant pas à supporter le surcoût historique lié notamment aux conditions accordées aux ouvriers du Livre, les MLP sont en mesure de proposer aux éditeurs des conditions économiques plus attrayantes.

Face à la concurrence des MLP, Presstalis a été obligée de diminuer ses prix, ce qui, en présence d’une structure de coûts rigides, ne pouvait conduire qu’à l’étranglement. La concurrence des MLP a donc entraîné une diminution artificielle des prix de la distribution pour les éditeurs, qui n’ont jamais vraiment payé le coût de la distribution.

Dès 2009, le président de l’Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, avait rappelé que les conditions d’une concurrence loyale n’avaient jamais été remplies sur le marché de la distribution, et qu’elles ne le seraient jamais tant que Presstalis aurait à supporter seule les surcoûts spécifiques de la distribution des quotidiens.

Que s’est-il passé depuis ? Les Messageries lyonnaises de presse (MLP) ont continué, dans les mêmes conditions de concurrence et de pratiques tarifaires déloyales, à affaiblir Presstalis, en profitant du transfert de titres de presse magazine et à battre en brèche le principe de solidarité, celui-là même qui justifie que leurs titres bénéficient d’importantes largesses du contribuable (aides directes, aides postales, taux super-réduit de TVA).

Ajoutons que les MLP profitent en partie du système de distribution de Presstalis, et notamment de son système d’information, qui apparaît d’ailleurs obsolète et a besoin d’être intégralement renouvelé.

6. Un coût très important pour l’État

Force est de constater que, si les éditeurs n’ont jamais vraiment payé le coût de la distribution, si les efforts de restructuration de Presstalis ont été insuffisants et si la péréquation des coûts de la distribution des quotidiens fait défaut depuis longtemps, l’État, lui, a pris une part importante du financement du déficit de la distribution des quotidiens et de la restructuration de Presstalis.

Afin de compenser partiellement les coûts de distribution des quotidiens d’information politique et générale (IPG), l’État a institué une aide à la distribution de la presse quotidienne d’information politique et générale par le décret n° 2002-629 du 25 avril 2002. Cette aide a été revalorisée à l’issue des États généraux de la presse écrite pour atteindre 18 millions d’euros en 2011 et 2012.

Les aides publiques à Presstalis

(En millions d’euros)

Année

Contexte

Origine

Montant

2005

Plan 2004-2007

Financement du déficit de la distribution des quotidiens

12

2006

Plan 2004-2007

Financement du déficit de la distribution des quotidiens

8

2007

Plan 2004-2007

Financement du déficit de la distribution des quotidiens

8

2008

Défi 2010

Financement du déficit de la distribution des quotidiens et des investissements liés à la restructuration de la branche quotidiens

12

2009

Défi 2010

Financement du déficit de la distribution des quotidiens et des investissements liés à la restructuration de la branche quotidiens

18

2010

Plan stratégique

Financement du déficit de la distribution des quotidiens et financement de la réforme de la distribution

38 (20 + 18)

2011

Plan stratégique

Financement du déficit de la distribution des quotidiens et financement de la réforme de la distribution

18

2012

Plan stratégique et aide à l’exploitation

Financement du déficit de la distribution des quotidiens, financement de la réforme de la distribution et aide à l’exploitation

23 (18 + 5)

2013

Plan stratégique et aide à l’exploitation

Financement du déficit de la distribution des quotidiens, financement de la réforme de la distribution et aide à l’exploitation

28 (18 + 10)

B. L’ÉCHEC DU PLAN MIS EN PLACE À LA SUITE DU RAPPORT DE BRUNO METTLING

L’année 2009 a vu une forte accélération de la baisse des ventes (-6,3 % pour les publications, -3,3 % pour les quotidiens et -14 % pour le hors-presse) et a provoqué un recul du chiffre d’affaires. Cette dégradation a entraîné en fin d’année 2009 de très fortes tensions de trésorerie, une aggravation des déficits et une diminution des capitaux propres.

1. L’accord-cadre du 26 mai 2010

Presstalis étant au bord de la cessation de paiement, le gouvernement a chargé M. Bruno Mettling d’une mission relative à la situation de Presstalis. Sur la base de ses recommandations, un accord-cadre du 26 mai 2010 a été adopté entre les éditeurs et le groupe Lagardère sous l’égide des pouvoirs publics.

Cet accord comprenait :

– un effort important de l’État : le versement d’une aide exceptionnelle de 20 millions d’euros et la majoration de l’aide à la distribution de 11 à 18 millions d’euros ;

– des efforts des éditeurs : augmentation de capital à hauteur de 1 % du chiffre d’affaires, revalorisation des barèmes et refinancement à hauteur de 46 millions d’euros de Presstalis par Largardère.

Sur ces bases, Presstalis a annoncé un plan d’urgence en juin 2010 axé sur deux principales réformes :

– la rationalisation des centres de groupage de niveau 1 et la rationalisation du niveau 2, en particulier SPPS ;

– un plan social concernant environ 210 personnes.

Un nouveau plan stratégique de réduction des charges d’exploitation aux niveaux 1 et 2 a été engagé à l’automne 2010, induisant globalement des économies d’environ 61 millions d’euros, principalement sur deux volets : d’une part, le siège de l’entreprise, avec le départ de plus de 100 personnes, et d’autre part, la restructuration de SPPS.

Le conseil d’administration de Presstalis a par ailleurs validé en octobre 2011 la cession de sa filiale Médiakiosk au leader mondial de l’affichage JC Decaux. La vente a apporté 51 millions d’euros en liquidités à Presstalis.

Malgré cela, les difficultés se sont accrues, pour plusieurs raisons.

2. La dégradation de la baisse des ventes et le départ de titres vers les Messageries lyonnaises de presse

En premier lieu, la baisse de la diffusion a été plus prononcée que ne l’anticipait le rapport Mettling. Ce dernier se fondait sur une diminution structurelle de la vente au numéro de 4,5 %, alors que la baisse a été de 10 % en 2010 et de 8 % en 2011 !

Dans le même temps, Presstalis a été confrontée à l’accélération du départ de magazines vers les MLP.

Le groupe Mondadori France avait confié la distribution de huit de ses principaux titres aux MLP en janvier 2010 (Télé Star, Télé Poche, Pleine Vie, Réponses Photo, Télé Star Cuisine, entre autres). Ce transfert a généré pour les MLP plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires sur l’année.

En décembre 2011, le groupe Mondadori a annoncé le transfert aux MLP, à partir du 1er janvier 2012, de trois de ses mensuels : Biba (245 407 exemplaires vendus au numéro) Grazia (133 164 exemplaires) et Top Santé.

De même, l’hebdomadaire Le Point (5 461 348 ventes au numéro effectives en 2010) a décidé qu’il serait distribué par les MLP à partir de mars 2012.

Cette situation a engendré pour Presstalis la perte de 15 % de son chiffre d’affaires et contribué à mettre en péril la réussite du plan stratégique.

Le Conseil supérieur de messageries de presse (CSMP) a réagi par une résolution du 22 décembre 2011 qui prévoyait le gel des transferts de titres entre messageries dans l’attente de l’instauration d’un système de péréquation. L’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) a partiellement censuré cette décision le 10 janvier 2012, estimant que les modalités du gel étaient disproportionnées. Le CSMP a pris une nouvelle résolution le 21 février 2012 modulant le délai de préavis d’un titre en fonction de l’ancienneté de son contrat et du volume qu’il représente, les délais de préavis s’étalant ainsi de 3 à 12 mois. L’ARDP a rendu exécutoire cette décision le 16 mars 2012.

3. Un effort de restructuration insuffisant de Presstalis

Le plan mis en place était en retrait des préconisations du rapport Mettling, qui proposait avant tout la fermeture de la filiale SPPS, source de la majorité des surcoûts sociaux. La grève de décembre 2010 des SPPS interrompant pendant trois semaines la distribution des quotidiens à Paris et en Île-de-France avait eu raison de cette proposition.

Après la grève, Presstalis a signé un accord avec les organisations syndicales prévoyant un nombre de départs volontaires inférieur (de 58) aux engagements.

Évolution des effectifs de Presstalis

 

Engagement
Presstalis

Situation au 31/12/2011

Écart

Siège

480

484

+ 4

SSPS

145

199

+ 54

C. LA MISE EN PLACE D’UN NOUVEAU PLAN DE SAUVETAGE DE PRESSTALIS

1. Le plan stratégique 2012-2015

Prenant acte de la dégradation supplémentaire de sa situation financière, le conseil d’administration du 24 novembre 2011 a adopté le plan stratégique issu des travaux du cabinet PriceWaterhouseCoopers, qui vise à rétablir, dans un horizon de moyen terme (2015), l’équilibre financier du groupe.

Le plan repose essentiellement sur le départ de 1 000 salariés sur les 2 381 actuels. Une première étape, mise en œuvre en 2012 et 2013 concernerait le siège et trois régions et entraînerait 507 départs. Une seconde étape prévue pour 2014-2015 porterait sur les régions restantes et correspondrait à une baisse de 443 emplois. Le besoin de financement a été évalué à 131 millions d’euros pour la première phase, après mise en œuvre des mesures de restauration de l’équilibre d’exploitation.

Lors du même conseil d’administration, Mme Anne-Marie Couderc, présidente de Presstalis, a obtenu des coopératives, actionnaires de la messagerie, l’autorisation de demander la nomination d’un mandataire ad hoc (10). Début décembre 2011, le tribunal de commerce a nommé maître Laurence Lessertois en qualité de mandataire ad hoc de Presstalis, afin d’accompagner la messagerie dans sa recherche de financements.

2. Les nouvelles mesures d’urgence et le « bouclage » in extremis du financement du plan stratégique

Face à l’urgence de la situation et au risque de cessation de paiement, l’État a assumé ses responsabilités en versant une avance de 11,9 millions d’euros sur l’aide à la distribution des quotidiens d’information politique et générale.

En contrepartie, les coopératives d’éditeurs se sont engagées à procéder à une augmentation de capital à hauteur de 0,5 % du chiffre d’affaires de Presstalis, soit 7,6 millions d’euros, et à reporter d’une décade le paiement des montants dus aux éditeurs, ce qui soulage la trésorerie de Presstalis.

Par ailleurs, M. Gérard Rameix, médiateur du crédit, a été chargé d’une mission de médiation entre les éditeurs, l’État et Presstalis afin notamment de définir les conditions de financement du plan stratégique. Le rapport de M. Gérard Rameix, rendu le 29 juin 2012 distingue deux enjeux : le comblement du déficit d’exploitation 2012-2013 et le financement de la première phase du plan stratégique 2012-2013.

Le comblement du déficit d’exploitation 2012-2013, qui devrait atteindre 34,1 millions d’euros en 2012 et 30,5 millions d’euros en 2013, est de la responsabilité des éditeurs. Les éditeurs contribueraient à son comblement par plusieurs mesures notamment le relèvement des barèmes des deux coopératives d’un point et la mise en place d’une péréquation entre les messageries.

S’agissant de la première phase du plan stratégique 2012-2013, qui nécessite de l’ordre de 131 millions d’euros, le gouvernement a missionné M. Jacques Le Pape, inspecteur des finances, afin de déterminer précisément la part relative des différents acteurs.

M. Le Pape a procédé aux négociations afin d’aboutir à un accord, entre l’État, Presstalis et ses coopératives d’éditeurs, avant le 31 juillet 2012, date d’expiration du mandat de maître Lessertois. La mandataire ad hoc a pris acte de cet accord mais a demandé la prolongation de son mandat au 30 septembre afin qu’un nouvel accord puisse définir le financement de la seconde phase du plan 2014-2015.

Un second accord-cadre pour la continuité d’exploitation du groupe Presstalis a été signé le 5 octobre par les mêmes signataires, qui prévoit les mesures suivantes.

Financement du plan stratégique 2012-2015 – Accord du 5 octobre 2012

 

2012

2013

2014

2015

2012-2015

EBITDA

- 25

- 19,3

 

14

- 23,2

Variation de BFR

- 17,8

- 16,4

- 1,1

- 6,7

- 42

Investissements sociaux

- 26,3

- 100,3

- 69,8

- 1,6

-198

Investissements SI et industriels

- 4,7

- 11,9

-8,5

 

-25,1

Autres flux de trésorerie

0,1

-3

- 3,1

- 1,4

- 7,4

Actions de financement Presstalis

22,9

36,3

9

- 3,7

64,5

Dont gestion du BFR

3,4

3,1

   

6,5

Dont financements externes

19,5

33,4

7

-5,6

54,3

Dont capillarité

- 0,2

 

2

2

3,8

Total Presstalis

- 50,8

- 114,6

- 66,4

0,6

- 231,2

Augmentation de capital

7,6

     

7,6

Hausse barème N1

4,3

13,1

8,6

 

26

Couverture des coûts de transport niveau 2

0

7,2

7,6

7,6

22,4

Hausse barèmes/économies quotidiens

0,3

- 0,6

4,9

5,9

10,5

Conditions paiement

0,5

     

0,5

Contributions des éditeurs

12,7

19,7

21,1

13,5

67

Péréquation

 

8,4

7,3

7,2

22,9

Cession de dépôts

 

29,3

2,3

 

31,6

Acquisition dépôts

 

- 13,3

- 1,7

 

- 15

Contributions de la filière

0

24,4

7,9

7,2

39,5

Majoration aide à la distribution

5

10

   

15

Prêts FDES

10

10

   

20

Contribution de l’État

15

20

0

0

35

Réforme industrielle de la filière

0

60

 

60

 

Source : DGMIC.

Cet accord prévoit un financement que l’on peut juger équilibré entre les acteurs de la restructuration de Presstalis. Afin de boucler le financement, les éditeurs ont accepté que Presstalis puisse utiliser la trésorerie Ducroire dans une limite de 90 millions d’euros (11). Sur cette base, le président du tribunal de commerce de Paris a estimé que Presstalis n’était pas en situation de cessation de paiement et a prorogé le mandat de maître Lessertois jusqu’au 31 décembre 2012 afin qu’elle accompagne Presstalis dans la mise en œuvre du plan. Il conviendra par ailleurs que l’État s’assure rigoureusement de l’exécution de l’ensemble des mesures de ce plan.

3. La mise en place tardive d’une péréquation a minima

Alors que l’hypothèse d’une péréquation inter-coopératives au titre du surcoût de la distribution des quotidiens a régulièrement été évoquée, notamment par le rapport Lasserre de 2009, il faudra attendre 2013 pour qu’une péréquation a minima soit mise en place.

L’Assemblée générale du Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) a adopté le 13 septembre 2012 une décision instaurant un mécanisme de péréquation conformément aux conclusions d’un rapport commandé par le CSMP au cabinet Mazars et remis en juillet 2012.

La mesure a pour objet l’établissement, sur la base des conclusions auxquelles est parvenu le cabinet Mazars, d’un mécanisme de péréquation inter-coopératives qui vise à répartir entre toutes les entreprises de presse adhérant aux coopératives, de façon objective, transparente et non discriminatoire, les efforts nécessaires pour assurer la couverture des surcoûts liés à la distribution des quotidiens d’information politique et générale.

Le cabinet Mazars n’a fondé son évaluation que sur les surcoûts directement liés à la distribution des quotidiens, en excluant ce que le rapport Mettling avait appelé les surcoûts « historiques », essentiellement liés au statut des ouvriers du Livre. L’intégration de ces surcoûts dans l’assiette de la péréquation est en effet complexe et semble pour l’heure poser des problèmes au regard du droit de la concurrence.

Les surcoûts liés à la distribution des quotidiens sont évalués à 26,1 millions d’euros et se décomposent comme suit :

Surcoûts de la distribution des quotidiens évalués par le cabinet Mazars
selon la méthode des coûts évitables

(En millions d’euros)

 

Niveau 1

SPPS

Surcoût relatif au travail le dimanche et les jours fériés

4,5

1,1

Surcoût relatif à la distribution VSM *

1

1,4

Surcoût relatif aux moyens logistiques supplémentaires mis en œuvre pour faire face aux retards

1,9

 

Surcoût relatif au travail de nuit

1,9

0,7

Surcoût relatif au dimensionnement des effectifs sur le pic d’activité

1,2

0,3

Surcoût relatif à la spécificité du schéma logistique

12,1

 

Surcoûts spécifiques des quotidiens

22,6

3,5

Surcoût total

26,1

(*) VSM : Vente le soir même (Le Monde)

La mesure, adoptée par le CSMP le 13 septembre dernier, consiste donc à répartir entre les coopératives d’éditeurs ce surcoût en fonction des ventes des éditeurs, comptabilisées par les messageries pour les titres qu’elles opèrent. Cette péréquation représente une contribution de l’ordre de 8 millions d’euros des MLP. L’Autorité de régulation de la distribution de la presse a rendu exécutoire la décision le 3 octobre 2012 mais les MLP ont déposé un recours auprès de la Cour d’appel de Paris, ce qui en dit long sur leur volonté de participer au sauvetage du système coopératif

4. La restructuration du niveau 2

En 2009, le CSMP avait déjà adopté un schéma directeur du niveau 2. Compte tenu de l’évolution rapide du contexte économique, il est très vite apparu indispensable de l’actualiser.

Après une consultation publique sur le fondement des propositions du cabinet Kurt Salmon, l’Assemblée générale du CSMP a adopté le 26 juillet 2012 le nouveau schéma directeur du niveau 2. Ce schéma :

– fixe l’objectif de ramener à 99 le nombre des plateformes de niveau 2 à partir desquelles les diffuseurs sont desservis au 31 décembre 2014 au lieu de 137 actuellement ;

– et fixe l’objectif maximal de 63 contrats de mandat de dépositaires de presse dans le même délai.

Si la restructuration du niveau 2 apparaît assez inéluctable, le rapporteur pour avis craint qu’elle ne se fasse au détriment de la qualité des livraisons des diffuseurs, notamment en milieu rural.

5. Les diffuseurs de presse, acteurs indispensables de la distribution et de l’aménagement du territoire : les grands oubliés du système

Alors que les diffuseurs de presse occupent une place essentielle dans le système de distribution de la presse écrite en France, leur situation économique ne cesse de se dégrader. Rappelons que l’année 2009 avait vu la mise en place d’une aide directe exceptionnelle destinée à la revalorisation de la rémunération des vendeurs de presse. Cette mesure a concerné 12 650 diffuseurs individuels qui ont bénéficié d’un versement unique et forfaitaire de 4 000 euros. Il s’agissait d’un soutien transitoire, le temps que les réformes structurelles du système de distribution permettent une redistribution de la valeur tout au long de la chaîne de distribution au bénéfice du vendeur de presse.

Force est de constater que l’aide a bien été versée mais que les réformes structurelles n’ont parallèlement pas permis de revaloriser la rémunération des vendeurs de presse…

Aujourd’hui, la situation est plus préoccupante que jamais. La densité du réseau est en diminution Au 31 décembre 2011, seuls 28 579 points de vente étaient réellement actifs, contre 29 746 en 2009 et 29 291 en 2010, soit une perte de 1 167 points de vente actifs en deux ans, ce qui constitue le plus mauvais chiffre depuis 2005. Ceci est d’autant plus problématique que cette baisse semble s’accélérer : 455 points de vente fermés entre 2009 et 2010, puis 712 points de vente fermés entre 2010 et 2011.

Le réseau est de moins en moins qualifié. Comme en 2009 et 2010, les créations en 2011 ont surtout concerné les « points de vente complémentaires » (PVC) à offre réduite (50, 100 ou 300 titres), présents notamment dans les grandes surfaces alimentaires. Le réseau de capillarité s’élève désormais à 3 589 points de ventes (dont 2 531 PVC), soit 12,6 % du réseau. Dans le même temps, le « réseau traditionnel » (tabac-presse, librairies-papeteries, etc.) a perdu 677 points de vente, à 19 929 points de ventes actifs.

Par ailleurs, les ventes s’effondrent. Au total, de 2009 à 2011, les ventes ont connu une baisse de l’ordre de -6 % à -7 %. Selon le CSMP, il y a consensus dans la filière pour considérer que cette tendance devrait se poursuivre à -7 % sur les 5 prochaines années, soit une baisse de -25 % entre 2011 et 2015.

D. LA QUESTION DE L’AVENIR DE LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE RESTE ENTIÈRE

Il faut avoir conscience que le plan de financement 2012-1015 a été établi « de haute lutte » et qu’il s’en est fallu de peu que Presstalis dépose le bilan.

Les auditions conduites par le rapporteur ont montré que certains éditeurs de presse quotidienne nationale avaient souhaité ce dépôt de bilan, pour « nettoyer le dossier Presstalis » une fois pour toutes.

Les MLP ont également cru pouvoir saisir une occasion historique de récupérer l’intégralité de la distribution avant de s’apercevoir, qu’en raison des flux croisés, la chute de Presstalis aurait peut-être entraîné la leur.

La question de l’avenir de Presstalis s’est donc véritablement posée et se posera à nouveau.

Avant qu’une situation d’urgence comme on vient d’en connaître en 2012 ne se représente, il convient donc de réfléchir à l’avenir de la distribution, dans un contexte où la vente au numéro va continuer à s’effondrer et où la presse quotidienne va continuer à basculer vers le numérique.

Comme il l’a indiqué en introduction, le rapporteur estime que l’on n’est pas parvenu à faire coexister de manière satisfaisante concurrence, solidarité et régulation sur le secteur de la distribution. Il lui semble donc que l’heure est venue de faire des choix drastiques et que deux options s’ouvrent à nous.

La première option serait de maintenir, ou plutôt de restaurer, le système coopératif et le principe de solidarité. Si tel est le cas, il faudra aller bien au-delà de la péréquation mise en place à l’occasion du plan de sauvetage de Presstalis pour envisager un rapprochement entre les deux messageries.

La seconde option consiste à prendre acte de la mort du principe de solidarité et du divorce entre les quotidiens et les magazines pour aller au bout de la logique d’éclatement du système coopératif.

1. Première option : un rapprochement poussé des deux messageries et une régulation renforcée

a) Le rapprochement des deux messageries

Une réflexion semble lancée sur le rapprochement entre les deux messageries. La plupart des interlocuteurs entendus par le rapporteur sur ce sujet jugent même ce rapprochement inéluctable, même si les avis diffèrent sur ses modalités.

La plupart des observateurs reconnaissent aujourd’hui qu’il n’y a pas assez de place, sur un marché de la distribution en forte contraction, pour deux opérateurs. Des coûts importants se doublonnent : frais de siège, systèmes d’information, frais de réseau… Pour les magazines, il y a des croisements de flux : deux camions partent d’un même dépôt là où un seul camion suffirait.

Par ailleurs, la situation financière des MLP ne semble pas aussi florissante qu’on aurait pu l’imaginer. Elles n’ont gagné des parts de marché qu’en captant des clients de Presstalis, grâce à des prix très bas. Elles seront nécessairement rattrapées par la diminution globale des volumes de diffusion. La fusion aurait le mérite d’enrayer la diminution des prix de la distribution des magazines.

Les principaux adversaires d’une fusion sont les MLP qui préconisent la mutualisation des moyens. L’option du partage territorial de la distribution entre les deux messageries posant un problème de droit de la concurrence, la solution évoquée est plutôt celle de la société commune de moyens.

Le rapporteur estime que si nous voulons sauver le système coopératif, nous ne pouvons plus, à ce stade, nous payer le luxe de tester des solutions de compromis et des demi-mesures, telles que la création d’une société commune de moyens ou un partage géographique de la distribution, solutions qui peuvent être complexes, insuffisantes ou incompatibles avec le droit de la concurrence. Il faudra assumer une fusion et cette dernière ne pourra pas trop attendre.

En matière de solutions de compromis et de demi-mesures insatisfaisantes, la réforme prévue par la loi du 20 juillet 2011 relative à la régulation du système de distribution de la presse est une illustration parfaite.

b) Le nécessaire renforcement de la régulation

La réforme du Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) était l’un des objectifs des États généraux de la presse écrite, qui avaient préconisé le remplacement du CSMP par une nouvelle instance réellement indépendante avec une composition renouvelée, dotée de compétences effectives, chargée de concilier une distribution efficace de la presse et le respect du pluralisme, de veiller à ce qu’aucun éditeur ne fasse l’objet de mesures arbitraires et de garantir des conditions concurrentielles saines entre tous les acteurs. Le rapport de 2009 de M. Bruno Lasserre avait préconisé la création d’une autorité administrative indépendante.

Cependant, les éditeurs de presse ont refusé le principe d’une régulation de la distribution par une autorité extérieure…

Le compromis, qui a été proposé par la loi précitée du 20 juillet 2011, est un attelage aussi inutilement complexe qu’inefficace.

L’ancien CSMP, sans statut juridique clairement défini et sans réel pouvoir de décision, a été remplacé par une instance, composée de professionnels, assistés d’un commissaire du Gouvernement, dotée de la personnalité morale et dont les missions générales ont été redéfinies et les compétences renforcées.

Ce CSMP est « flanqué » d’une deuxième instance dénommée « Autorité de régulation de la distribution de la presse » (ARDP), indépendante de l’instance professionnelle, et dont le pouvoir couvre aussi bien le règlement des différends que la validation des normes de portée générale édictées par le Conseil supérieur.

Au titre de ses compétences normatives, le Conseil supérieur est notamment chargé de fixer le schéma directeur, les règles d’organisation et les missions du réseau des agents de la vente (dépositaires et diffuseurs), d’établir un cahier des charges du système d’information sur le réseau de distribution au service de l’ensemble des acteurs, de définir les bonnes pratiques professionnelles et de fixer les conditions de rémunération des agents de la vente.

Force est de constater aujourd’hui que les éditeurs ont un peu présumé de leur capacité à s’autoréguler. S’agissant de répartir la valeur sur une chaîne verticale, le système de distribution de la presse ne peut fonctionner de manière satisfaisante sans un régulateur puissant, une autorité extérieure qui permette aux éditeurs de surmonter leurs divisions et leurs conflits d’intérêt.

Comme l’indique la DGMIC dans ses réponses aux questions du rapporteur, « dans un contexte de graves difficultés économiques de la filière de la distribution, qui plus est marquée par une concurrence aiguë entre les messageries, la question des barèmes des messageries et de la mission de régulation du CSMP et de l’ARDP prévue en la matière par la loi Bichet pourrait nécessiter des approfondissements ».

D’autant que des réformes importantes doivent être mises en œuvre rapidement.

Il s’agit tout d’abord de la relance de l’assortiment et du plafonnement, très attendue par les diffuseurs. Cette réforme doit leur permettre d’adapter le nombre de titres à l’espace disponible en magasin, de garantir une meilleure visibilité de ces derniers et conduire ainsi à une hausse de leur chiffre d’affaires et à un allègement de leur charge de travail. Rappelons que la contestation de cette nouvelle norme par les MLP avait retardé son application effective. Le nouveau CSMP a décidé le 22 décembre 2011 de développer l’assortiment mais il a fallu attendre que sa décision soit rendue exécutoire par l’ARDP dans sa décision du 17 février 2012.

Par ailleurs, dans le cadre d’une réforme plus large du système de distribution de la presse, le président du CSMP a annoncé en février 2011 envisager une saisine « prochaine » de la Commission des normes et des bonnes pratiques professionnelles sur la rémunération des diffuseurs. Le but de cette réforme serait de permettre une meilleure rémunération globale des diffuseurs.

Compte tenu de l’ampleur de la tâche, de la multiplicité des acteurs concernés et de la divergence de leurs intérêts respectifs, cette réforme pourrait toutefois prendre un certain temps, à l’instar de celle de la rémunération des dépositaires de presse (initié à la suite des États généraux de la presse écrite en 2009, le projet de réforme est encore en discussion à ce jour au sein de la filière), ce qui conduit l’UNDP, principal organisme professionnel des diffuseurs, à réclamer le démarrage effectif et au plus vite de ce chantier, pour l’heure non engagé.

Le double niveau de régulation n’est pas de nature à faciliter le travail… Il conviendra donc d’y remédier.

2. Deuxième option : un divorce entre la distribution des magazines et celle des quotidiens

La deuxième option consiste à prendre acte du divorce entre la presse quotidienne et les magazines en matière de distribution pour aller au bout de la logique d’éclatement du système coopératif.

Dans une telle hypothèse, il pourrait être envisagé de mutualiser la distribution de la PQR et celle de la PQN, qui présentent la particularité d’être des « flux chauds » soumis de ce fait aux mêmes contraintes.

Au cours de l’année 2011, des projets de rapprochement entre éditeurs de PQN et de PQR concernant les réseaux de vente au numéro ont été étudiés. Rappelons que la presse quotidienne régionale dispose d’un réseau de vente spécifique de plus de 20 000 points de vente. Ce réseau complémentaire étant principalement alimenté par une logistique propre à la PQR n’entrant pas dans le cadre coopératif des messageries, il a été décidé d’étudier les possibilités :

 pour la PQR, d’assurer la logistique de livraison de la PQN aux points de vente traditionnels ;

 pour la PQN, d’accéder au réseau des points de vente complémentaires développé par la PQR.

La PQN a finalement décidé de rester dans le système coopératif pour tenter de le sauver mais les représentants de la PQR, entendus le 11 septembre 2012, ont exprimé leur regret que cette solution n’ait pas été retenue.

Il faudra, en tout état de cause, intégrer la PQR dans la réflexion sur l’avenir des réseaux de distribution de la presse. On ne peut sans doute plus se payer le luxe de laisser coexister, sans coordination, trois acteurs de la distribution : Presstalis, les MLP et la PQR.

Si cette solution est retenue, il va de soi que rien ne justifiera plus alors le maintien des aides à la presse récréative, en particulier le taux super réduit de TVA. Son relèvement permettra alors à l’État de prendre ses responsabilités dans la distribution de la presse d’information politique et générale, celle qui participe de manière directe au débat démocratique et au principe, désormais inscrit dans la Constitution, de pluralisme.

IV.- L’AGENCE FRANCE-PRESSE : DES MOYENS MAINTENUS

Les crédits consacrés par l’État au financement des abonnements qu’il souscrit auprès de l’Agence France-Presse (AFP) figurent également au sein du programme « Presse, livre et industries culturelles ».

Jusqu’à cette année, les relations financières entre l’État et l’AFP prenaient conventionnellement la forme d’abonnements souscrits par les administrations au service d’information générale de l’Agence. À la suite d’échanges avec les instances européennes, une négociation est en cours afin de clarifier au sein du concours public ce qui relève des abonnements de l’État de ce qui recouvre la compensation des missions d’intérêt général de l’Agence telles que définies par la loi « Warsmann » du 22 mars 2012.

Le contrat d’objectifs et de moyens (COM) qui lie l’État et l’Agence a été signé le 18 décembre 2008. Conformément aux engagements du COM, le montant des abonnements de l’État à l’AFP pour 2013 est fixé à 119,6 millions d’euros et correspond à une augmentation de 1,8 % par rapport au montant accordé à l’Agence en 2012.

L’AFP s’est engagée à accroître notamment les recettes commerciales engendrées par les marchés et les produits à fort potentiel de croissance, et à améliorer ses principaux indicateurs de rentabilité économique.

Les indicateurs montrent que les prévisions de chiffres d’affaires pour 2012 sont en recul par rapport aux objectifs et que le résultat net pour 2012 devrait être déficitaire (à 1,6 million d’euros).

2013 verra se tenir les négociations sur le nouveau COM de l’AFP qui visera toujours l’amélioration des performances demandées à l’Agence.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE LA MINISTRE

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend, lors de sa réunion du mercredi 17 octobre 2012, Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits pour 2013 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

M. le président Patrick Bloche. Nous entamons le marathon budgétaire en entendant madame la ministre de la culture et de la communication, à qui je souhaite la bienvenue, sur les crédits pour 2013 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

L’actualité nous conduit à porter une attention toute particulière, madame la ministre, au financement de l’audiovisuel public et notamment de France Télévisions. Nous aurons également à discuter d’autres enjeux essentiels, tels que les crédits consacrés à la presse, au sujet desquels nous nourrissons quelques inquiétudes. S’agissant de la société Presstalis, je rappelle que nous avions auditionné en juillet dernier sa présidente, Mme Anne-Marie Couderc. J’indique, pour conclure, que si un avenant devait être apporté au contrat d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, notre Commission aurait à se prononcer à son sujet.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Je vous remercie de votre invitation, qui me permettra de décliner certaines des priorités du Gouvernement et du Président de la République pour le budget de 2013.

Le budget global du ministère s’établira en 2013 à 7,4 milliards d’euros, dont 3,55 milliards en faveur des secteurs de la culture, de la recherche et des médias, et 3,83 milliards en faveur de l’audiovisuel public. Cette baisse de 2 % par rapport à 2012 atteste la participation du ministère à l’effort général de redressement des comptes publics. Cela signifie des choix lourds, certes, mais responsables. Ils résultent aussi d’un héritage, celui de l’accumulation de grands projets qui grevaient potentiellement le budget de la culture, alors même qu’une telle accumulation ne constitue pas en elle-même une politique culturelle, et ne saurait remplacer un dessein ou une vision.

Les médias, le livre et les industries culturelles sont confrontés à de nouveaux défis, à commencer par celui de la transition numérique ; dans ce contexte, la mission se verra dotée, en 2013, d’une enveloppe globale de 1,211 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1,218 milliard en crédits de paiement.

Le monde de la presse est soumis à de forts bouleversements, puisqu’il doit s’adapter aux nouvelles exigences technologiques et économiques du secteur. Pour accompagner ces mutations, 516,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement seront consacrés aux aides à la presse en 2013. La principale évolution de ce programme est liée au transfert des crédits dédiés au transport postal de la presse précédemment inscrits au programme 134 de la mission « Économie » ; ce rapatriement budgétaire au ministère de la culture offrira une meilleure lisibilité. L’année 2013 verra s’approfondir la mise en œuvre de la réforme des aides à la presse écrite engagée à la suite des États généraux, et nous entendons d’ailleurs aller beaucoup plus loin. Ce sera également l’occasion de renégocier le contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence France Presse (AFP), puisque ce dernier arrive à échéance.

Afin d’accompagner les mutations du secteur de la presse tout en lui garantissant les conditions de son indépendance, de son pluralisme et du développement de sa diffusion, la réforme des aides publiques directes à la presse, décidée en 2011 par l’instance de concertation, a vu le jour en 2012 conformément aux principes qui fondent le dispositif. Le nouveau fonds stratégique pour le développement de la presse, doté en 2013 de 33,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, a pour ambition d’accompagner les entreprises de presse dans la définition de leur nouveau modèle économique à l’ère du numérique : il vise à améliorer le ciblage et l’efficacité des aides à l’investissement des entreprises de presse et à recentrer le soutien public sur la presse d’information politique et générale, dite « IPG », objectif qui semble d’autant plus nécessaire en cette période de crise pour la presse écrite.

Parallèlement à cette réforme, les aides à la distribution de la presse, ciblées sur la presse IPG, demeurent cruciales pour organiser l’acheminement et la diffusion des titres sur l’ensemble du territoire, dans un contexte de déclin du support papier. Ainsi, 18,9 millions d’euros seront consacrés à l’aide à la distribution, afin notamment d’accompagner l’effort de restructuration engagé par Presstalis, et 37,6 millions d’euros seront consacrés au plan d’aide au développement du portage, afin de favoriser la diffusion de la presse IPG.

S’agissant de Presstalis, un travail approfondi a été mené du 30 juillet au 30 septembre afin de trouver un financement global pour la période 2012-2015, puisque telle était la condition fixée par le président du tribunal de commerce. Un accord a finalement été trouvé entre les parties, à savoir les éditeurs, la société Presstalis elle-même – qui va devoir consentir de nouvelles économies –, l’État, qui s’est fortement engagé, et les Messageries lyonnaises de presse (MLP). Cet accord sur la pérennisation du système de distribution permet de proroger jusqu’à la fin de l’année le mandat de l’administrateur ad hoc. Dans cette restructuration de l’ensemble de la filière, nous avons tout particulièrement le souci de préserver au maximum le niveau 3 de la distribution, c’est-à-dire les diffuseurs.

D’une façon plus générale, il était devenu nécessaire de mieux cibler certaines aides. Malgré l’effort budgétaire, j’insiste sur les sommes importantes allouées au portage à domicile – 37,6 millions d’euros –, qui permet de lutter contre la désaffection de nos concitoyens à l’égard de la presse. Les accords contractuels, quant à eux, seront bien entendu respectés, qu’il s’agisse de l’accord État-Presse-La Poste ou du COM de l’AFP, pour laquelle les abonnements de l’État sont maintenus à hauteur de 117,5 millions d’euros. Comme vous le savez, la Commission européenne a demandé une clarification juridique qui faisait peser une menace sur cette agence ; mais je suis raisonnablement optimiste sur l’issue des discussions.

J’en viens au programme 334, « Livre et industries culturelles ». Dans un contexte budgétaire fortement contraint, les moyens consacrés à la politique en faveur du livre et de la lecture sont globalement préservés en 2013, avec des crédits stables en autorisations d’engagement – 248,1 millions d’euros, contre 247,6 millions en 2012, soit une hausse de 0,2 % –, le recul en crédits de paiement résultant essentiellement de l’étalement des travaux de rénovation du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (BnF).

Notre politique, s’agissant du livre et de la lecture, consiste à favoriser le développement de la création littéraire et la diffusion du patrimoine écrit à travers le soutien aux acteurs – auteurs, éditeurs, libraires, collectivités, bibliothèques et médiathèques –, afin de maintenir les équilibres favorables à notre diversité culturelle. Là encore, le soutien des politiques publiques est nécessaire, car la transition numérique ne va pas sans difficultés.

Dans ce contexte, l’année 2013 sera marquée par la mise en œuvre des orientations en faveur du réseau des libraires, comme je l’avais annoncé au début de l’été. Des groupes de travail associant l’ensemble des acteurs réfléchissent à la modernisation des dispositifs de soutien aux librairies indépendantes. La concertation durera tout l’automne, les préconisations étant attendues pour la fin de l’année. Des groupes de travail ad hoc réfléchissent également aux évolutions législatives ou réglementaires souhaitables. Je m’appuierai aussi sur les rapports de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) consacrés, d’une part, au Centre national du livre et, de l’autre, aux marchés publics. Ces différents travaux nous offriront un large panorama de la situation. La librairie est, comme vous le savez, l’un des commerces de détail les moins rentables, mais son rôle social est indispensable.

Nous poursuivrons également la modernisation du cadre normatif applicable à l’économie du livre numérique. Les discussions entre auteurs et éditeurs sur le contrat d’édition numérique, bloquées au printemps, viennent de reprendre. Je suis optimiste sur leur issue, même si chaque partie doit évidemment faire un pas vers l’autre. Nous avons tous voté la récente loi relative au prix unique du livre numérique, ainsi que le taux réduit de TVA qui lui est appliqué. Reste que la définition du contrat d’édition numérique est un jalon essentiel si nous voulons que la France prenne de l’avance en ce domaine, et que les libraires affrontent la concurrence frontale qui leur est livrée par certains acteurs mondialisés de la vente en ligne. Enfin, la plateforme numérique « 1001libraires.com » a été un échec ; l’IGAC réfléchit donc à de nouvelles solutions.

Le développement de la lecture sur l’ensemble du territoire et en faveur de tous les publics, notamment les plus jeunes, demeurera l’une des priorités du ministère de la culture : si la lecture publique relève d’abord de la compétence des collectivités locales, le rôle de l’État reste capital dans l’impulsion de politiques nationales. La BnF joue bien entendu un rôle majeur ; c’est pourquoi ses crédits de fonctionnement sont préservés. Sa modernisation, notamment en matière de numérisation, ainsi que la valorisation du patrimoine des bibliothèques territoriales, constituent des enjeux de long terme de la mission ; aussi mobilisent-ils l’essentiel des crédits du programme 334. Le budget de la BnF restera centré sur les missions stratégiques retenues dans le cadre, d’une part, de la numérisation et de la valorisation des collections, et, d’autre part, de la modernisation de ses services ainsi que de la rénovation du site Richelieu.

Pour ce qui concerne les industries culturelles dans leur ensemble, l’intervention publique ne doit pas se substituer à celle des acteurs privés, mais assurer la diversité et le renouvellement de la création ainsi que sa diffusion auprès des publics les plus larges, laquelle constitue un véritable enjeu démocratique.

Le nouveau contexte numérique conduit à repenser les modalités de cette intervention ; à ce titre, l’année 2013 sera largement consacrée à la mise en œuvre des préconisations de la mission confiée en juillet 2012 à M. Pierre Lescure sur « l’acte II de l’exception culturelle » pour réfléchir à l’adaptation des différents outils destinés à protéger cette exception culturelle et la faire fructifier. Les auditions, qui se dérouleront jusqu’à la fin de l’année, sont publiques et font l’objet de comptes rendus sur le site internet du ministère, sous la rubrique « culture-acte2 ». Tous les acteurs seront entendus, parmi lesquels les présidents des commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat, dans la transparence et la diversité. D’autres échanges publics auront lieu au terme de ces auditions, avant que la mission ne me remette ses conclusions en mars prochain. Son périmètre de réflexion recouvre l’ensemble des phénomènes de transition et d’adaptation des mécanismes légaux et économiques ayant permis, depuis des années, de défendre la création – puisque tel est bien l’enjeu de l’exception culturelle.

L’avenir de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, dite Hadopi, n’est donc qu’une question parmi d’autres. Le niveau de ses moyens financiers a par ailleurs beaucoup agité les médias, mais il était normal que cette institution contribue elle aussi à l’effort budgétaire. Ses crédits diminueront donc en 2013, et les discussions se poursuivent sur leur montant définitif sachant que le projet annuel de performances prévoit pour l’instant 8 millions d’euros. Il faut en effet permettre à la Hadopi d’assurer ses missions – en particulier sur l’évaluation des pratiques –, que je n’entends pas remettre en cause avant les conclusions de la mission Lescure.

Sur l’audiovisuel aussi, le Gouvernement a fait le choix de la responsabilité et de la vérité. L’effort budgétaire s’applique donc également à ce secteur, qui, en 2013, verra sa dotation globale s’établir à 285,4 millions d’euros, en recul de 1,56 % par rapport à 2012. Aucune mission stratégique des organismes n’est cependant remise en cause. L’objectif de retour à l’équilibre des finances publiques a conduit le Gouvernement à prévoir, pour France Télévisions, une dotation inférieure à celle qui figurait dans son contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2011-2015. Ce dernier fera effectivement l’objet d’un avenant qui réévaluera les objectifs du groupe à l’aune de la baisse des ressources publiques, mais aussi publicitaires – puisque le manque à gagner en ce domaine devrait, selon les estimations, atteindre quelque 75 millions d’euros en 2013 –, et ce afin de lui permettre de remplir ses missions, qu’il s’agisse d’aller à la rencontre de tous les publics, de placer la création au cœur de la stratégie d’entreprise, du développement du numérique, de la proximité locale ou de l’accès aux programmes des personnes handicapées.

Les crédits alloués au fonds de soutien à l’expression radiophonique locale se maintiendront à 29 millions d’euros, signe de l’attachement du Gouvernement à la communication sociale de proximité.

À la suite de la fusion de France 24 et de RFI en une entreprise unique, nous avons suivi les recommandations du rapport relatif à l’audiovisuel extérieur de la France (AEF) remis par M. Jean-Paul Cluzel à la fin du mois de juin. Désormais, la spécificité de chacune des deux chaînes est bien affirmée, et le projet de fusion de leurs rédactions abandonné. La procédure de nomination de la nouvelle présidente de l’AEF, Mme Marie-Christine Saragosse, anticipe d’ailleurs sur la future réforme du mode de nomination des responsables de l’audiovisuel public, avec une recommandation du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qu’a suivie le Président de la République.

Selon le rapport Cluzel, les difficultés traversées par France 24 et RFI rendaient indispensable le maintien de la dotation budgétaire de l’AEF au niveau de 2012 ; c’est ce qu’a décidé le Gouvernement, avec une enveloppe de 314,2 millions d’euros, dont 149,4 millions issus des crédits du programme 115, le complément étant apporté par l’ex-redevance. Ces crédits incluent la participation de l’AEF à TV5 Monde, France Télévisions étant à terme amenée à la reprendre. Au total, la participation de France Télévisions au capital de TV5 Monde s’établira probablement à 49 %, ce qui serait un geste fort à l’égard de nos partenaires francophones suisses, belges et canadiens. Un conseil d’administration de cette chaîne se tiendra le 14 novembre prochain pour désigner son futur directeur général.

Quant à Radio France, Arte et l’Institut national de l’audiovisuel (INA), leurs crédits sont quasiment stables, malgré une très légère baisse.

France Télévisions est l’entreprise la plus mise à contribution ; mon choix, de fait, a été d’utiliser sa structure d’entreprise unique pour dégager des synergies, donc des économies, sans entamer pour autant ses objectifs stratégiques. Le Gouvernement a néanmoins pris ses responsabilités en proposant d’augmenter la contribution à l’audiovisuel public – ex-redevance audiovisuelle – de 2 euros en plus de l’inflation, ce qui la porterait à 129 euros, soit un niveau encore bien inférieur à ce qu’elle est en Allemagne et au Royaume-Uni, où elle atteint respectivement 219 et 180 euros. J’ajoute que toutes les exemptions seront maintenues, notamment celle dont bénéficient les personnes âgées à faibles revenus.

Certains députés proposent de réformer l’assiette de cette contribution, qui doit effectivement être une recette pérenne, équitable et moderne pour l’audiovisuel public, et partant un gage de son indépendance. Le Gouvernement a entendu leur message, mais une telle mesure nécessite une réflexion approfondie, en particulier sur son impact. La réflexion budgétaire, à ce stade, ne doit donc pas prendre le pas sur la définition des missions. Reste que le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement se poursuivra, de façon que l’ajustement de France Télévisions s’effectue dans les meilleures conditions économiques et sociales.

Dès le début de l’été, j’avais demandé au président de France Télévisions de préparer de nouvelles propositions sur les missions des différentes chaînes et sur la présence des différents genres de programmes. Les discussions sont en cours ; leur issue déterminera, avant la fin de l’année, l’avenant au COM. Ces discussions permettent de définir des axes d’économies, en matière notamment de coûts de structure, et ce tout en préservant le plus possible les engagements dans la création audiovisuelle et cinématographique. Pour France 3, une meilleure articulation entre l’échelon régional et l’échelon national paraît souhaitable. Enfin, la place des programmes à destination des enfants doit sans doute être plus ambitieuse, d’autant que la filière française de l’animation est remarquable et créative.

Il n’en demeure pas moins, c’est indéniable, que la participation du groupe France Télévisions à l’effort de redressement des comptes publics est à la fois très importante et supérieure à celle qui est demandée aux autres organismes du secteur public, puisque les ressources publiques diminueront de 85 millions d’euros, soit une baisse de 3,4 % par rapport à 2012 – contre 0,3 % en moyenne pour les autres organismes –, sans compter le manque à gagner des ressources publicitaires dont j’ai parlé.

C’est donc dans ce cadre contraint que la réflexion sur les missions va se poursuivre avec l’objectif que soit pleinement rempli le service public au téléspectateur et au citoyen en termes de programmes et d’information.

Quant à la taxe sur les services de télévision, dite TST, je l’évoquerai en répondant à vos questions.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis sur les crédits de l’audiovisuel. Le Gouvernement, avez-vous déclaré, a fait le choix de la responsabilité, ce que les élus de la nation que nous sommes peuvent tous comprendre. Le secteur de l’audiovisuel public participera pour le budget de 2013 à l’effort de réduction des déficits publics sans affecter les missions stratégiques des divers organismes qui le composent. Il est vrai, cependant, que France Télévisions est davantage mise à contribution.

Cela s’explique par les marges de manœuvre plus importantes dont dispose ce groupe, mais aussi par son histoire récente. Dans un titre qui lui est consacré, le journal Libération parle aujourd’hui de « dèche totale ». Cette situation résulte, rappelons-le, de la décision intempestive et peut-être irraisonnée de Nicolas Sarkozy de supprimer la publicité en soirée. Cette mesure, décidée en 2008 et confirmée par la loi du 5 mars 2009, a eu un impact nul sur l’audience, le contenu et la nature des programmes – la durée des journaux télévisés s’en est même trouvée abrégée –, et son financement s’avère une catastrophe budgétaire dont hérite la nouvelle majorité. M. Sarkozy et l’ancien Gouvernement s’étaient en effet engagés à compenser la perte de recettes engendrée par la suppression de la publicité par la création de deux taxes, toutes deux remises en cause dans leur principe et leur montant : d’une part, la taxe sur le chiffre d’affaires des chaînes télévisées privées – laquelle a rapporté bien moins que prévu, puisque ces dernières n’ont pas bénéficié de l’aubaine annoncée –, et de l’autre, la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, qui risque d’être déclarée contraire au droit communautaire, puisque la Commission européenne a entamé en janvier 2010 une procédure d’infraction contre la France, suite au recours déposé par les opérateurs concernés.

La baisse des ressources publiques de France Télévisions est d’autant plus ressentie que le budget de 2012 avait été élaboré en fonction d’un COM qui, comme nous l’avions dit, n’était pas à la hauteur des enjeux, et d’une prévision de recettes optimiste, voire insincère.

Michel Boyon, président du CSA, a par ailleurs déclaré que « le problème majeur » de France Télévisions est la chaîne France 3 ; à quoi Rémy Pflimlin a répondu que « la mission […] de proximité » de cette chaîne est « fondamentale » ; de fait, elle seule est en mesure de proposer des informations et des programmes de proximité à l’ensemble de nos concitoyens. Jamais une entreprise privée ne remplira ce rôle.

Quel sera donc l’avenir de cette chaîne ? Deviendra-t-elle une syndication de chaînes régionales ou une chaîne nationale procédant à des décrochages ? Alors qu’elle est réputée être la chaîne préférée des Français, Nicolas Sarkozy l’a réduite à quatre grands pôles – contre sept préconisés à l’époque par la « commission Copé » –, lesquels ne correspondent guère à son identité régionale. Ses difficultés tiennent en définitive à une identité encore mal cernée : la dimension régionale, en particulier, doit-elle se limiter à la diffusion d’un journal d’actualités ? Doit-on au contraire envisager des programmes régionaux ambitieux, dans des créneaux favorables à l’audience ?

Que penser, enfin, du plan social de France Télévisions ? Il est tantôt question de « plan de sauvegarde », tantôt de « départs volontaires ». Au moins 20 % des personnels, rappelons-le, sont en contrats à durée déterminée (CDD) ou en intermittence, et certains d’entre eux sont remerciés après vingt-cinq ans de services. Une telle politique salariale suscite des inquiétudes chez nos concitoyens, d’autant qu’elle s’associe à des recrutements ou des nominations de cadres de plus en plus nombreux.

Quelle politique, dans un cadre budgétaire forcément contraint, le Gouvernement entend-il donc mener dans le respect des téléspectateurs, des salariés du groupe et des missions de service public ?

Pourriez-vous par ailleurs apporter quelques précisions sur la situation de TV5 Monde par rapport à l’AEF ? Je confirme à ce propos que chacun se félicite de la nomination de Mme Marie-Christine Saragosse à la tête de l’AEF.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse. La presse affronte un certain nombre de problèmes depuis, non pas cinq ou dix ans – rassurons l’opposition sur ce point –, mais trente ou trente-cinq ans, même s’ils se sont sans doute aggravés au cours des dernières années.

L’organisation du secteur s’est construite en France selon trois systèmes, le système coopératif, la libre entreprise et la régulation. Le premier d’entre eux, qui ne fonctionne plus, est le système coopératif de distribution mis en place en 1945. Il permettait aux « petits » d’être aidés par les « gros », et d’assurer ce faisant une répartition équitable des aides publiques. Or les « gros », aujourd’hui, reviennent à l’idée du deuxième système, celui de la libre entreprise, en arguant des difficultés du secteur. Plusieurs éditeurs ont ainsi joué le jeu des MLP contre Presstalis, quand ils ne revendiquaient pas une complète autonomie. On peut entendre de tels arguments, mais il faut alors se demander si ces éditeurs méritent de recevoir des aides publiques. J’ajoute que le système coopératif s’en est trouvé dérégulé car Presstalis, pour garder certains éditeurs, a baissé ses prix de 10 à 15 %. Les mêmes éditeurs ne peuvent donc invoquer aujourd’hui l’augmentation des prix de 10 % à 15 % comme une preuve de leur contribution au redressement, puisque ces prix ne font alors que revenir à leur niveau d’il y a deux ou trois ans. Tout cela montre que le troisième système, qui repose sur la régulation, n’a donc pas été mené à son terme.

Au regard du nombre de journaux vendus – 5 à 6 % en moins chaque année, et 30 % en dix ans –, on n’a jamais distribué autant d’argent public que cette année, et ce malgré la baisse des dotations budgétaires, puisque celle-ci avoisine les 7 à 8 %. Pendant un an, les aides au journal France soir ont représenté 0,50 euro par exemplaire : cet argent n’aurait-il pas dû aller aux journaux IPG dont on savait qu’ils continueraient de paraître ? Comment comprendre que le groupe Hersant, à travers lequel on espérait sauvegarder la presse normande, ait reçu autant d’aides en pure perte, d’autant que les banques ont elles aussi été mises à contribution ? N’aurait-il pas mieux valu recentrer les aides là où elles étaient plus utiles ?

En aidant à la fois La Poste, le portage et la distribution, l’État aide trois dispositifs concurrents : il faudra bien choisir de privilégier l’une de ces trois aides, ma préférence allant à la distribution car elle participe à l’aménagement du territoire.

La presse de demain ne se résumera pas au support papier : nous aurons donc à mener une réflexion sur la presse en ligne, tant il est vrai qu’un taux de TVA différencié devrait reposer sur le contenu, selon qu’il est citoyen ou non, plutôt que sur le support.

S’agissant de la distribution, peut-on revenir à une fusion des deux coopératives, même si cela prend du temps ? Cette logique est en effet la seule qui offre des perspectives d’économies.

Si certains éditeurs sont pour la libre entreprise, ne faut-il pas envisager un taux de TVA différencié entre, je le répète, une presse « citoyenne » et une presse « consommateurs » ? En somme la justice exige, plus que jamais, des aides inégalitaires.

Mme Sonia Lagarde, rapporteure pour avis sur les crédits du livre et des industries culturelles. Comme l’a indiqué Mme la ministre, un certain nombre de missions sont en cours pour évaluer la pertinence des dispositifs de soutien à la librairie. Les auditions que j’ai menées m’ont permis de constater que le système des aides est si complexe, dans ses diverses superpositions, que beaucoup de libraires ne s’y retrouvent sans doute pas, quoi qu’en dise leur syndicat. Il faudrait donc le rationaliser.

Pensez-vous que la loi du 10 août 1981 sur le prix du livre doit être améliorée ? Si oui, selon quelles orientations ?

Afin de répondre à l’offensive commerciale des grands opérateurs de vente en ligne, au premier rang desquels Amazon, les libraires bénéficient d’une possibilité de remise de 5 % ; mais beaucoup ne l’appliquent pas compte tenu de la faiblesse de leurs marges. Si l’on ajoute les possibilités de remise qui existent aussi pour les grands opérateurs, sans oublier l’intégration des frais de port, la situation s’apparente à de la concurrence déloyale pour les libraires.

Les crédits alloués à la Hadopi passeront de 10,3 millions d’euros à 8 millions. Or, pour avoir entendu les responsables de cette autorité, je sais qu’un tel niveau de financement la met en danger. Mais vous nous avez dit, madame la ministre, que des discussions étaient en cours et que des solutions devraient être trouvées.

M. Bruno Parent, dans son rapport sur l’avenir de la librairie, suggère une piste très intéressante pour les librairies indépendantes, avec la facturation de chaque ligne de commande passée grâce au service Dilicom, à raison d’un centime d’euro à la charge du libraire et de deux centimes facturés à l’éditeur. Cette manne pourrait transiter par le Centre national du livre (CNL).

Une telle solution ne pourrait-elle servir de modèle pour le financement de la Hadopi, même si la situation est bien plus complexe ? Il faudra sans doute réfléchir, dans un contexte budgétaire tendu, à d’autres sources de financement que les seuls deniers publics afin d’assurer l’avenir de cette autorité.

M. le président Patrick Bloche. On peut aussi imaginer, selon le système des vases communicants, que les crédits de la Hadopi soient progressivement transférés ailleurs…

Je vais à présent donner la parole aux porte-parole des groupes.

M. Marcel Rogemont. Sur l’audiovisuel public, madame la ministre, votre chemin est semé d’embûches, compte tenu de l’héritage laissé par la précédente majorité.

L’audiovisuel public est en effet le « mal-aimé » des dix dernières années, victime qu’il fut de décisions pour le moins inappropriées et en tout état de cause précipitées ; de là vient le chaos actuel. Il n’est qu’à rappeler que, dans un environnement pourtant difficile, notamment pour les recettes publicitaires, on a lancé six chaînes sur la télévision numérique terrestre (TNT). Cela déstabilise le secteur privé comme le secteur public de l’audiovisuel.

Par ailleurs, qui présidera le CSA au 1er janvier 2013 ? Et quel est l’avenir à long terme de cette institution ?

Vous avez réaffirmé l’importance de l’audiovisuel public et la nécessité de pérenniser ses moyens. Si l’on considère l’ensemble de la législature, et non le seul budget dont nous débattons, le financement public pourrait-il à terme ne reposer que sur la redevance ? Une telle option pose la question de l’assiette de cette taxe : certains ont proposé d’y intégrer les résidences secondaires ; d’autres, des supports autres que les téléviseurs. Quoi qu’il en soit, l’augmentation de 125 à 129 euros va selon nous dans le bon sens. Je ne doute pas, d’ailleurs, que nos collègues de l’opposition nous rejoindront en se souvenant que nous avions nous-mêmes voté l’augmentation de la redevance proposée par Christian Kert, en 2009, puisque celle-ci n’avait pas évolué depuis sept ou huit ans.

Un effort plus important est demandé à France Télévisions, alors même que ses dépenses de personnels sont plus modérées que dans les autres entreprises de l’audiovisuel public. Ce n’est donc pas sur cette ligne budgétaire que l’on risque de faire des économies, mais dans la partie « dure » de ses missions, à commencer par la création audiovisuelle. En ce domaine, le groupe a investi 420 millions d’euros en 2012 : l’année a peut-être été exceptionnelle, mais le COM prévoyait un investissement de 425 à 450 millions d’euros ; or celui-ci avoisinera plutôt les 350 millions. Cela nous préoccupe d’autant plus que, derrière les programmes de France Télévisions, des emplois sont en jeu.

Il faut s’interroger sur l’identité des chaînes : doit-il y en avoir autant dans le groupe ? Quid de France 3 et de son financement ? Bref, sur quelles bases entendez-vous définir le nouveau COM ?

Enfin, les télévisions locales participeront d’autant mieux à l’expression démocratique qu’elles recevront des financements plus conséquents et si le canal qui leur est attribué ne varie pas sans cesse : qui songerait à diffuser TF1 sur le canal 15 ?

Pour conclure, madame la ministre, je veux vous rappeler la disponibilité des députés SRC pour travailler à vos côtés, et vous témoigner leur soutien pour le présent budget.

M. le président Patrick Bloche. Si notre groupe avait effectivement voté la légère augmentation de la redevance en 2009, c’est d’abord parce que Jean-François Copé avait juré que, lui vivant, celle-ci n’augmenterait pas !

M. Christian Kert. Je veux vous transmettre un message de sympathie au nom de mon groupe, madame la ministre, car, si vous me passez l’expression, on vous a tout fait ! Après l’abandon de projets importants, voici que l’on vous demande de « tailler » sévèrement dans les crédits de la culture. Comme vous le savez, cela n’était pas arrivé depuis longtemps. On a aussi proposé d’intégrer les œuvres d’art dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et, comme si cela ne suffisait pas, d’intégrer les résidences secondaires dans celle de la redevance audiovisuelle – on vous a certes épargné les campings, mais c’est à peu près tout…

Sur l’audiovisuel, les discours ne masqueront pas la réalité : les crédits sont en recul de 1,56 %, ce qui ne manquera pas de mettre le secteur en difficulté, comme l’ont souligné les rapporteurs eux-mêmes. L’augmentation de la redevance ne compensera pas le manque à gagner pour France Télévisions, puisque celui-ci est de l’ordre de 160 à 170 millions d’euros. Au reste, la redevance n’a jamais eu pour fonction de compenser les désengagements de l’État. En 2009, nous avions d’ailleurs insisté sur l’indispensable pérennisation du soutien de l’État.

En l’occurrence, j’aurais voté l’indexation de la redevance, mais je ne voterai pas son augmentation supplémentaire de 2 euros, même si l’on peut estimer qu’il vous a fallu un certain courage pour la proposer. En tout état de cause, malgré cette mesure, le déficit de financement de France Télévisions restera de près de 100 millions d’euros, que ne combleront pas les recettes publicitaires dans la mesure où celles-ci, par rapport au COM, seront inférieures d’une quarantaine de millions d’euros en 2012 et sans doute, hélas, de 60 à 70 millions en 2013.

On voit mal, dans ces conditions, comment France Télévisions pourrait assurer ses missions « régaliennes ». La création et l’innovation sont pourtant au cœur de l’économie culturelle : 60 % de la production française provient de la commande publique. La remise en cause de cette mission affecterait donc tout le secteur. Il en va de même pour la modernisation de l’information et la stratégie numérique. Entendez-vous encore « dégraisser le mammouth », sachant que France Télévisions a déjà subi de réelles cures d’amincissement ?

La radio numérique terrestre est un sujet complexe, pour lequel, selon un communiqué que vous avez publié début septembre, vous souhaitez prendre du temps, sans toutefois fermer la porte. Votre réflexion a-t-elle avancé depuis ?

S’agissant de la Hadopi, il va quand même être difficile de faire fonctionner cet organisme avec 3 millions d’euros de moins. Vous avez déclaré qu’un budget de 11 millions d’euros pour envoyer des courriels, c’était un peu cher ; reste que ces courriels permettent non seulement de réguler le marché, mais aussi de sanctionner, en d’autres termes de protéger les œuvres et leurs auteurs. Vos réticences collectives à l’égard de cette institution sont connues : qu’en est-il exactement ? Nous serons attentifs à la réponse que vous ferez à Mme la rapporteure pour avis sur les crédits du livre et des industries culturelles.

J’estime par ailleurs souhaitable, comme Michel Françaix, de rééquilibrer les aides au portage. Il est anormal, en particulier, que La Poste perçoive des aides nettement supérieures à celles des entreprises du secteur, alors qu’elle distribue quatre fois moins de journaux. Cela dit l’ensemble des aides sont, elles aussi, en diminution sensible. Vous vous souvenez que les États généraux de la presse les avaient fixées à 70 millions d’euros pendant trois ans, au terme desquels nous les avions nous-mêmes baissées à 45 millions. Vous les portez aujourd’hui à 37,6 millions d’euros, soit un niveau tout juste suffisant pour assurer la survie du système. En ce domaine, la contractualisation me semble nécessaire : les professionnels doivent savoir à quoi s’attendre dans les années qui viennent.

Enfin, madame la ministre, vous n’avez pas parlé de l’abandon de l’opération « Mon journal offert » ; elle permettait pourtant à 900 000 jeunes de s’abonner à un journal pendant une année, à l’issue de laquelle 8 % d’entre eux avaient décidé de conserver leur abonnement. Il est d’autant plus dommage d’abandonner ce projet que l’éducation et la jeunesse sont, à vous entendre, des priorités de votre ministère.

Mme Isabelle Attard. Nous saluons certains choix budgétaires du Gouvernement, à commencer par l’abandon de projets pharaoniques tels que le Centre national de la musique, la Maison de l’histoire de France ou la salle supplémentaire de la Comédie-Française à la Bastille. Nous tenons aussi à vous féliciter pour le maintien des aides à la presse écrite, aux auteurs et aux bibliothèques, même s’il faudra un travail étroit entre les collectivités pour assurer l’accès de la lecture à tous sur l’ensemble du territoire. La révision à la baisse des crédits alloués à la Hadopi mérite aussi d’être saluée : surtout, ne lâchez rien !

D’autres orientations nous semblent en revanche plus discutables. Comment, en particulier, imposer la rigueur budgétaire aux grandes institutions culturelles publiques sans leur offrir un véritable accompagnement dans la redéfinition de leurs missions ? Entre la diminution des ressources publicitaires, le gel de plusieurs millions d’euros de la dotation budgétaire pour 2012 et la diminution annoncée pour 2013, les conditions de la réorganisation de France Télévisions ne sont guère rassurantes. Une telle rigueur contrainte, et de surcroît peu accompagnée, suscite bien des inquiétudes sur l’avenir des rédactions et la précarisation des salariés. Un effort pédagogique me semble indispensable auprès des antennes locales de France 3 si l’on veut éviter de nouvelles grèves, après celle du 21 septembre dernier.

Beaucoup reste également à faire sur le lien entre la culture et le numérique. Le rayonnement culturel français exige que le maximum d’œuvres soient disponibles en ligne, et ce sous un format libre et réutilisable. Le Centre Pompidou virtuel en offre un triste contre-exemple : son site internet verrouille l’accès aux œuvres et rend impossibles la copie et la réutilisation des fichiers, c’est-à-dire les données publiques financées par de l’argent public.

Une ligne directrice doit aussi être tracée pour le secteur du livre numérique. Les grands acteurs étrangers, notamment Google, Apple et Amazon, font commerce de « sous-livres » électroniques, en faisant croire à leurs clients qu’ils achètent un vrai livre, alors qu’ils ne détiennent qu’une licence très limitée, qui leur interdit la revente et les lie à un système propriétaire.

Selon nous, le budget pour 2013 ne doit pas être la prolongation d’années de vaches maigres, mais la préfiguration d’une nouvelle vision de la culture : nous comptons vivement sur vous, madame la ministre, pour y parvenir.

M. Rudy Salles. Comme Mme Lagarde, j’estime que la Hadopi ne sera pas en mesure d’assurer ses missions. La question est donc simple : êtes-vous pour ou contre la suppression de cette autorité, madame la ministre ? Plutôt que de l’asphyxier progressivement, mieux vaut dire les choses avec clarté.

La baisse drastique de la dotation budgétaire pour 2013 sera très difficile à gérer pour France Télévisions : si cette baisse avait été programmée sur le long terme, l’entreprise aurait été capable, comme n’importe quelle autre, d’établir un plan pluriannuel. Mme Martinel a laissé entendre qu’il fallait rétablir la publicité après vingt heures…

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis sur les crédits de l’audiovisuel. Je n’ai pas dit cela !

M. Rudy Salles. Vous avez critiqué la suppression de la publicité après vingt heures. Je pose donc la question très simplement : le Gouvernement est-il favorable à son rétablissement ?

Les observations de Mme Attard sur l’abandon des grands projets me semblent un peu hors de propos. La gauche avait-elle contesté, par exemple, le projet du Grand Louvre ?

M. le président Patrick Bloche. Mme Martinel a seulement rappelé que la suppression de la publicité après vingt heures a privé France Télévisions de 450 millions d’euros de recettes : nous en payons le prix aujourd’hui.

M. Rudy Salles. Si c’est une erreur, corrigez-la !

Mme Marie-George Buffet. Je ne tiendrai pas à votre égard, madame la ministre, le discours compassionnel de notre collègue de l’UMP, puisque vous assumez apparemment ce budget que vous avez qualifié de « responsable ».

D’autres choix me semblent possibles : ces budgets contraints, qui résultent de décisions européennes, sont dommageables pour un ministère comme le vôtre, car il contribue à la construction et à l’épanouissement des individus. À ce titre il aurait dû figurer parmi les ministères prioritaires, comme celui de l’éducation.

Je souscris aux analyses de Michel Françaix sur la presse. Je rappelle néanmoins que l’accord conclu pour Presstalis prévoit plus de 1 000 suppressions d’emplois : les salariés continuent donc de se mobiliser pour défendre leur outil de travail, comme ils l’ont encore fait ce matin même au dépôt de Bobigny. On ne sortira pas des difficultés actuelles sans s’interroger sur l’existence de deux messageries, que les éditeurs choisissent selon leurs intérêts. Comment voyez-vous l’avenir du secteur ?

À La Courneuve et au Blanc-Mesnil, deux librairies viennent d’ouvrir : chacun s’en félicite, mais elles doivent lutter au quotidien pour amener de nouveaux lecteurs. Les librairies indépendantes ont besoin d’être soutenues, comme vous l’avez indiqué : quelles sont vos pistes en la matière ?

Je me félicite de la non-fusion des rédactions au sein de l’AEF. Quelles sont vos prévisions pour RFI, notamment en termes de moyens ? Cette entreprise a en effet subi plusieurs plans sociaux.

Quant à France Télévisions, l’héritage pèse, certes, mais que fait-on à présent ? L’idée d’intégrer les résidences secondaires dans l’assiette de la redevance a finalement été abandonnée, de même que celle, soutenue par les syndicats, de rétablir la publicité en soirée. Pour ma part je suggérais d’augmenter la redevance, moyennant une prise en compte des ressources. Si l’aide publique va diminuant, quelles sont vos solutions, qu’il s’agisse de la redevance ou de la publicité, pour préserver les missions de France Télévisions, maintenir, comme je le souhaite, les rédactions régionales et nationales de France 3 ainsi que les emplois au sein du groupe ?

M. Thierry Braillard. Si l’amour dure trois ans, chers collègues de l’opposition, notre mandat en dure cinq. Les mesures dont nous débattons résultent du choix du Gouvernement de diminuer la dépense publique de 10 milliards d’euros, car nous sommes un peu comme dans un véhicule lancé à grande vitesse et qui voit s’approcher un mur. Ce choix, nous aurions certes préféré que vous le fassiez lorsque vous étiez aux responsabilités.

Le groupe RRDP se réjouit du maintien des aides à la presse écrite, notamment régionale. S’agissant de la distribution, une nouvelle audition de Mme Couderc serait sans doute utile, pour examiner plus en détail le plan de Presstalis en matière d’emplois.

Il faut rappeler, sans esprit polémique, l’héritage laissé dans le domaine de l’audiovisuel : alors que l’on asséchait les recettes du service public, on augmentait celles des télévisions privées, en leur permettant d’augmenter les pauses publicitaires d’une minute.

Notre groupe entend réaffirmer son soutien à l’audiovisuel public, lequel ne se résume ni à ses émissions, ni à l’information : n’oublions pas le secteur la création, dont nous craignons qu’elle soit la première à pâtir de la diminution sensible des dotations publiques. Nous sommes prêts, à cet égard, à faire feu de tout bois, souscrivant par exemple à l’idée d’intégrer les résidences secondaires ou même les ordinateurs – puisque les offres « triple play » se généralisent – dans l’assiette de la redevance. Compte tenu de la nouvelle donne, la suppression de la publicité après vingt heures doit aussi être remise en question, d’autant qu’elle n’empêche pas les programmes du soir de débuter à vingt et une heures.

Le président-directeur général de France Télévisions doit aussi définir les perspectives d’avenir pour France 3 : lorsqu’il fut auditionné par notre Commission, chacun souhaitait que cette chaîne retrouve sa dimension régionale. Il faut enfin s’interroger, dans ce contexte d’économies drastiques, sur la pertinence d’une chaîne comme France 4.

M. Michel Pouzol. La presse, le livre et la diffusion ne sont pas des tableaux budgétaires formels, mais un espace de connaissance et un horizon d’attente fort pour nos concitoyens. La question est donc de savoir comment apporter de la vitalité à un secteur qui subit une crise d’une ampleur historique.

Ne nous leurrons pas, et ce point devrait faire consensus, nous héritons d’une situation fortement dégradée, notamment en ce qui concerne la presse. Cela nous oblige à réussir vite et à poser les bases d’une politique de soutien aux médias, à la presse et à l’industrie culturelle, politique qui contribuerait, à moyen terme, à remettre ces secteurs sur les rails. Si les premières décisions répondent à l’urgence, elles nous inciteront à aller plus loin, dans les années à venir, afin d’assurer la survie du système. Permettez-nous à cet égard, madame la ministre, de saluer votre réactivité et votre engagement.

La question est aussi de savoir comment les acteurs pourront continuer à faire vivre l’offre culturelle, la diversité de la presse et l’accès de tous à la culture. Il est essentiel de permettre à nos concitoyens d’accéder à des sources d’informations diversifiées et pluralistes sur l’ensemble du territoire. Il y va non seulement de la liberté de la presse et de son indépendance, mais aussi, plus largement, de la vitalité de notre démocratie.

En matière d’aides à la presse, que celles-ci soient directes ou indirectes, les efforts sont conséquents. La diffusion est un enjeu historique, et la mobilisation de l’État en ce domaine reste forte : au regard du nombre de journaux vendus, elle ne l’a même jamais autant été.

Je me réjouis aussi de voir qu’au-delà des seules logiques comptables, le Gouvernement a préféré un changement, en accompagnant la modernisation sociale de la presse. C’est un domaine où nous avons beaucoup à faire dans les années à venir : nous y veillerons. Plusieurs pistes ont déjà été évoquées ; mais nous restons vigilants sur la situation de Presstalis, comme en témoigne l’aide de 15 millions d’euros apportée par l’État. Sans ces fonds, l’entreprise n’aurait pu éviter le redressement judiciaire. Mais le chemin du retour à bonne fortune est encore long : la négociation avec les partenaires s’annonce difficile, mais elle est nécessaire.

N’oublions pas non plus que la politique de la presse intéresse aussi potentiellement l’aménagement du territoire dans la mesure où, si elle est conduite avec intelligence, elle doit permettre à tous nos concitoyens d’acheter leur journal où qu’ils vivent. Dans de nombreux territoires ruraux, le vendeur de journaux assure même une forme de service public.

Qu’elle concerne le flux ou le stock, la question du portage est également cruciale. Elle se pose différemment, toutefois, en milieu urbain et rural : les contradictions sont nombreuses entre les pratiques ou les opérateurs d’un côté, et les spécificités territoriales de l’autre.

Si nous nous félicitons de vos propositions, nous souhaitons voir une nouvelle politique se mettre en place : cette première pierre de l’édifice ne saurait cacher le long chemin qui reste à parcourir. Il faut changer de cap et remettre les politiques culturelles dans le bon sens, celui qui permettra aux Français d’accéder à l’offre la plus variée, la plus large et la plus intéressante possible. Cela passe par des concertations sans tabous avec l’ensemble des acteurs. Merci, madame la ministre, pour votre travail et ce budget, que nous soutiendrons.

M. Franck Riester. Je m’associe au message de compréhension adressé par Christian Kert à Mme la ministre. Cela dit, même si elle subit certaines décisions, elle est solidaire du Gouvernement dont elle est membre. Or, force est de constater que le budget de la culture est malmené comme il ne l’a pour ainsi dire jamais été : alors qu’il avait augmenté de 20 % au total en cinq ans, il accusera en 2013 une baisse de 2,3 %, et même de 13 % pour la mission dont nous parlons, soit au total moins 30 % sur trois ans, puisque les reculs annoncés pour 2014 et 2015 se montent respectivement à 1,08 milliard et 960 millions d’euros. Bref, il s’agit d’un budget terrible pour la culture ; à telle enseigne que nous pourrions formuler le vœu, en accord avec nos collègues communistes, que ce ministère devienne prioritaire.

Quelles missions de France Télévisions envisagez-vous de supprimer, puisqu’une réduction budgétaire aussi brutale n’offre pas d’autre perspective ?

Qu’en est-il de la taxe sur les distributeurs de services de télévision, dite TST-D, qui aurait permis de financer le projet de Centre national de la musique que vous avez abandonné, ainsi que du crédit d’impôt phonographique, dont il n’est pas fait mention dans le projet de loi de finances ?

Enfin, la présidente de la Commission de protection des droits de la Hadopi a déclaré qu’avec une dotation de 9 millions d’euros, cet organisme serait en mesure d’assurer ses missions. Ce niveau de financement est-il celui que vous envisagez ?

Mme Martine Faure. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir préservé, dans un budget contraint, les financements en faveur du livre et de la lecture publique. Cette dernière relève certes de la compétence des conseils généraux, mais le rôle de l’État est capital pour l’impulsion de la politique sur l’ensemble des territoires et au bénéfice de tous les publics, notamment les jeunes. Quatre-vingts contrats « territoire-lecture » ont été signés à ce jour, pour une durée moyenne de trois ans. Pouvez-vous nous donner des précisions sur leur contenu ? Peut-on en espérer d’autres dans les mois qui viennent ? Par ailleurs, je m’associe aux inquiétudes exprimées à propos de France 3.

M. François de Mazières. Nous avons tous un peu de compassion pour Mme la ministre. La démonstration est faite, en tout cas, que la culture n’est ni de droite, ni de gauche, puisque, après une augmentation continue pendant plusieurs années, son budget diminuera en 2013. Certes, les temps sont difficiles et Mme la ministre s’est efforcée de trouver des solutions, mais la multiplication des annonces a laissé une impression un peu brouillonne.

Augmenter la redevance de 4 euros rapportera 109 millions d’euros. Le désengagement de l’État vis-à-vis de France Télévisions atteignant 195 millions, le « delta » est donc de 86 millions ; en y ajoutant le manque à gagner publicitaire, ce sont 150 millions qu’il faudra trouver. Vous proposez de revoir le COM : quelles perspectives avez-vous à l’esprit ? Il ne faudrait pas donner le sentiment de faire porter toute la responsabilité sur la direction de France Télévisions : nous aimerions, en tant que parlementaires, partager ces réflexions avec vous.

J’ajoute, pour conclure, que la défense de l’exception culturelle française passe aussi par la défense du budget de la culture.

Mme Colette Langlade. Vous avez fait du développement de la lecture l’une de vos priorités. Dans un contexte budgétaire contraint, les moyens consacrés au livre et à la lecture sont globalement préservés. Vous avez aussi insisté sur le développement de la création littéraire et l’équilibre entre les territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux.

La lecture publique étant une compétence décentralisée, comment entendez-vous garantir sa qualité et sa cohérence sur tous les territoires, notamment pour les jeunes ? Quels sont les objectifs de la politique nationale que vous avez déclaré vouloir impulser ?

M. Michel Herbillon. J’étais très impatient de vous entendre, madame la ministre, sur ce premier budget que présentez. Cependant, l’argument de l’héritage ne fait pas une politique : je pensais que vous en avez conscience, et ne vous cacherai pas ma déception car je n’ai finalement pas perçu votre projet. On ne compte plus, d’ailleurs, les cacophonies et revirements des membres du Gouvernement, sans parler de votre colloque singulier avec le ministre du budget, qui nous conduit parfois à nous demander lequel de vous deux est le ministre de culture et de la communication. Nous considérons, pour notre part, que c’est vous. Mais il faudrait accorder vos violons car, sur à peu près tous les sujets, vous apparaissez en désaccord : ces contradictions diverses au sein du Gouvernement et de la majorité, et entre celle-ci et celui-là, posent vraiment problème.

L’an dernier, alors que vous étiez députée, vous déclariez en Commission des finances que France Télévisions « risque un affaiblissement de ses moyens. Alors que le COM 2011-2015 vient de recevoir un avis favorable, il est remis en question. » En l’occurrence, le stade du risque est dépassé puisque le groupe est confronté à une diminution drastique de ses moyens, de l’ordre de 160 millions par rapport au COM.

Vous avez rappelé la liste des missions de France Télévisions, quitte même à l’allonger. Ma question est donc simple : dès lors que vous réduisez les moyens, quelles sont les missions que vous remettez en cause ? Je ne vois pas, en effet, comment une entreprise pourrait vivre dans une telle instabilité juridique et financière, alors même qu’elle mène une politique de réduction de ses effectifs.

Au sujet des librairies indépendantes, vous évoquez des concertations, des rapports et des groupes de travail. Mais tout cela ne fait pas une politique non plus. Quels sont vos propres projets et vos pistes de réflexion ?

Mme Françoise Dumas. Des inquiétudes s’expriment sur le terrain à propos de France 3 et de ses personnels. Le temps accordé aux journaux locaux est peu à peu réduit – alors qu’il était de dix minutes jusqu’à mi-2010 –, et leur diffusion à la suite des journaux régionaux rend souvent l’information redondante. Je vous fais confiance pour prendre en compte ces inquiétudes, mais je veux aussi revenir sur les objectifs plus généraux, car l’information dont nous parlons a une valeur de service public pour les territoires. Au-delà d’une modernisation qui peut être souhaitable, à quoi ressemblera France 3 en régions à court et moyen terme ?

M. Frédéric Reiss. Vous avez annoncé un avenant au COM de France Télévisions : pourriez-vous nous en dire plus à son sujet ? La baisse de 1,56 % des crédits pour 2013 aura sans doute des répercussions sur les personnels de cette entreprise. Certains contrats risquent-ils de ne pas être renouvelés ? Comment envisagez-vous l’avenir des personnels, notamment celui des intermittents du spectacle ?

M. Michel Ménard. Je m’étonne que nos collègues de l’opposition refusent de voter l’augmentation de la redevance tout en dénonçant la situation budgétaire de France Télévisions. Vous ne cessez de nous appeler à plus de sévérité dans la réduction des dépenses, et voici que vous tenez le discours inverse ! Il faut un minimum de cohérence.

L’opération « Mon journal offert », lancée en 2009, visait à réconcilier les jeunes avec la presse en leur offrant la possibilité de recevoir, une fois par semaine, le quotidien de leur choix pendant un an. Elle a d’ailleurs connu un large succès, puisque plus de 300 000 demandes ont été enregistrées, pour 220 000 abonnements disponibles. Comptez-vous renouveler cette opération dans les années à venir ?

M. Guénhaël Huet. Vous avez vous-même reconnu, madame la ministre, que le budget de votre ministère connaissait une baisse significative ; de fait, on n’a pas senti beaucoup d’ambition dans votre projet culturel. Pourriez-vous préciser la part des crédits déconcentrés au sein de ce budget ? Paris semble en effet avoir la part belle : il ne faut pas oublier les autres territoires.

Vous avez aussi évoqué une sélectivité dans les aides à la presse : sur quels critères la fondez-vous, puisque ceux-ci ne sauraient être, j’imagine, d’ordre idéologique ou politique ?

Enfin, le courage politique exigerait que vous nous disiez franchement si vous entendez supprimer la Hadopi et rétablir la publicité après vingt heures sur les chaînes de l’audiovisuel public.

Mme Brigitte Bourguignon. Je souhaite vous faire part, sans la condescendance ironique de nos collègues de l’opposition, de mon réel soutien, comme devraient le faire ceux qu’anime l’esprit de responsabilité collective. Le vrai courage politique est en effet de s’attaquer aux déficits publics. J’ajoute que, lors des législatures précédentes, les collectivités que nous gérons ont maintenu une activité culturelle sur les territoires : nous n’avons donc aucune leçon à recevoir.

S’agissant du livre et des industries culturelles, vous avez, madame la ministre, sanctuarisé l’action publique sur les territoires : cela mérite d’être souligné. Je salue également le rétablissement de la TVA à 5,5 % sur le livre : cette mesure constitue une bouffée d’air pour le secteur à l’heure des tournants technologiques et de la concurrence d’un géant américain qu’il n’est pas besoin de nommer. Certaines orientations se dégagent-elles des auditions déjà menées par la mission Lescure ? Envisagez-vous également d’autres pistes de financement pour le CNL que la taxe sur les appareils de reproduction et d’impression ? L’essor des nouvelles technologies rend en effet incertaine la pérennité de ce financement.

Mme Annie Genevard. Je souhaite exprimer à mon tour la préoccupation dont certains de mes collègues se sont fait l’écho au sujet des librairies indépendantes, dont l’équilibre économique est des plus fragiles, alors que leur utilité intellectuelle, sociale et territoriale est essentielle.

La situation du livre et de la lecture est paradoxale. Alors que les territoires font preuve d’inventivité et que se multiplient les actions locales et les initiatives – telles que la mise en place, par l’ancien Gouvernement, du label de librairie indépendante de référence ou des contrats de territoire –, et alors même que l’appétence pour la lecture semble aller croissant, les librairies demeurent des maillons très fragiles, surtout en milieu rural. Quelles actions spécifiques envisagez-vous pour soutenir la politique du livre et de la lecture, qui est à mes yeux la mère des politiques culturelles ?

M. Jean-Pierre Allossery. Les crédits dévolus à la politique du livre sont maintenus. Cependant, les critères d’attribution des contrats « territoire-lecture » tiendront-ils compte de la nécessaire ouverture des bibliothèques à l’ensemble des pratiques artistiques ? Quid de l’articulation de la bibliothèque et de la lecture avec les politiques éducatives, sociales et d’insertion ? La lecture doit en effet s’inscrire dans une politique globale de mixité sociale, afin de favoriser l’accès aux livres de tous, notamment des jeunes et des publics éloignés ou empêchés.

M. le président Patrick Bloche. Marcel Rogemont souhaitait aussi exprimer son souci pour le livre.

Mme la ministre. Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, de l’attachement que vous portez à la culture, en particulier à ce pilier de la politique culturelle qu’est le secteur du livre, dont le budget est par conséquent préservé. Nous veillons, d’une part, à ce que la réflexion sur l’évolution du cadre législatif lié à la transition numérique se fasse dans de bonnes conditions, et, de l’autre, à l’efficacité du soutien aux librairies indépendantes. Je participerai demain à la signature d’un nouveau contrat « territoire-lecture » à Chevilly-Larue, et réaffirmerai à cette occasion la nécessité, pour l’État, d’encourager les initiatives des collectivités, la politique du livre étant essentielle, je le répète, à l’aménagement du territoire, qu’il s’agisse de lien social ou d’éducation. Le livre est aussi, souvent, la porte d’entrée à tous les horizons culturels ; c’est pourquoi les bibliothèques et médiathèques sont évidemment des maillons essentiels.

Dès mon entrée en fonction, j’ai installé des groupes de travail, qui réfléchissent à des solutions concrètes sur des sujets tels que l’accès aux marchés publics pour les librairies indépendantes. Un état des lieux de toutes les aides existantes, madame Lagarde, sera donc établi afin d’améliorer leur efficacité : en ce domaine, il faut éviter le saupoudrage. M. Serge Kancel, inspecteur général de l’IGAC, prépare un rapport sur le sujet. Je souhaite aussi que soient analysées les raisons de l’échec de « 1001libraires.com » : les librairies indépendantes doivent se positionner sur le marché de la vente en ligne, car la concurrence du site Amazon est pour elles une menace à court terme, à laquelle il faut répondre avant la réforme de la TVA au niveau européen en 2015.

La fiscalité numérique est l’une des solutions pour la préservation de l’exception culturelle : Pierre Collin et Nicolas Colin, à qui le Gouvernement a confié un rapport, réfléchissent aux moyens de faire contribuer les grandes entreprises de vente en ligne ou les sites agrégateurs de contenus au financement de la création, puisque celle-ci a toujours été financée, en aval, par les réseaux distributeurs.

Quant à la Hadopi, elle doit être en mesure d’assurer sa mission. La dotation initialement prévue se monte à 8 millions d’euros, mais le chiffre de 9 millions vient d’être évoqué dans les discussions. Néanmoins, jusqu’à présent, la Haute autorité ne m’a pas transmis les éléments suffisants pour évaluer ses besoins réels. Quant à son avenir, le Gouvernement s’appuiera sur les conclusions de la mission Lescure, attendues au printemps de 2013, pour en décider. Quoi qu’il en soit, cet organisme doit participer, comme les autres, à l’effort de redressement des finances publiques. Ce défi a d’ailleurs été accepté avec un réel sens des responsabilités par tous les acteurs de la culture, à l’instar du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui contribuera à cet effort par un prélèvement sur son fonds de roulement.

J’ai néanmoins veillé à la préservation des missions fondamentales du secteur culturel, notamment dans son lien avec la citoyenneté, ainsi qu’à la valorisation de l’éducation artistique et au renforcement de l’égalité des territoires, la politique culturelle de ces dernières années ayant été marquée, monsieur Riester, par une trop forte concentration des projets à Paris. Loin d’être pénalisés, les crédits déconcentrés sont donc maintenus : 46 % du budget de mon ministère iront aux régions.

Je suis favorable à une TVA réduite pour la presse en ligne, monsieur Françaix. Cette question se pose dans le cadre plus général de la réforme des aides à la presse. Dans le contexte de la transition numérique, parmi les outils qu’il me semble important de pouvoir développer, l’idée de créer un droit voisin pour les éditeurs de presse – baptisé un peu hâtivement « lex Google » –, proposée par des éditeurs français, me paraît extrêmement pertinente ; elle semble se concrétiser en Allemagne, et la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) est en train d’y réfléchir. À travers le soutien au secteur de la presse, il s’agit en effet de préserver une liberté démocratique fondamentale.

Dans cette optique, l’État s’est engagé dans la restructuration de Presstalis. La création d’une société commune permettra non seulement de générer des économies structurelles, mais aussi de réorganiser la filière selon vos souhaits, même si cela ne va évidemment pas sans difficultés.

S’agissant du groupe Hersant média (GHM), le journal Paris-Normandie a été cédé à deux professionnels de la presse ; quant au pôle
Champagne-Ardenne-Picardie, il fait l’objet de deux offres de reprise. Il faudra attendre l’audience du 30 octobre prochain devant le tribunal de commerce ; mais je reste vigilante, avec la DGMIC, sur les conséquences de ces réorganisations pour l’ensemble des journaux du groupe. Nous avons notamment fait en sorte que le groupe Rossel, qui s’était proposé avant de se désister, revienne dans le jeu, car il est toujours préférable que les titres soient repris par des professionnels du secteur.

L’efficacité des aides au portage a été évaluée, monsieur Kert. Avec 37,6 millions d’euros, elles sont, en tout état de cause, bien supérieures à ce qu’elles étaient avant les États généraux de la presse – à savoir 8 millions. J’ajoute que les aides sont complémentaires, monsieur Françaix : le portage fidélise les abonnés, La Poste assure la distribution dans les zones les plus reculées, et le soutien à la vente au numéro est évidemment essentiel. Pour ce qui concerne La Poste, nous ferons le bilan en 2015, date d’expiration de l’accord ; d’ici là, je souhaite que les engagements soient respectés.

L’évaluation de l’opération « Mon journal offert » par l’IGAC a révélé un taux d’abonnement assez faible au terme de l’année écoulée. Nous réfléchissons donc à des politiques plus pertinentes pour la jeunesse, comme l’opération « Kiosque au lycée ». Un nouvel appel à projets a aussi été lancé auprès des éditeurs.

Nous n’allons pas rouvrir le débat des chiffres, monsieur Riester. Mais, comme l’observait Michel Ménard, si M. Kert veut donner plus de moyens à l’audiovisuel public, il doit voter l’augmentation de la redevance au-delà de l’indexation !

M. Michel Herbillon. Ne multiplions pas les taxes !

Mme la ministre. Il ne s’agit que d’augmenter une taxe qui existe déjà ! Elle constitue d’ailleurs, pour répondre à M. Rogemont, le financement le plus juste, puisqu’il existe des exemptions, et le plus moderne car son assiette et son niveau peuvent tous deux évoluer. J’ajoute que la proposition du Gouvernement en la matière ne clôt pas la discussion parlementaire.

La redevance est enfin le mode de financement qui garantit le mieux l’indépendance du secteur. Sans vouloir revenir à l’argument qui fâche, nous héritons d’une situation qui, compte tenu de la suppression de la publicité, nous expose aux aléas de la conjoncture budgétaire : c’est exactement ce que nous avions dit en évoquant la fragilisation du système. Au demeurant, le marché publicitaire a lui-même évolué depuis 2009 : l’arrivée de six nouvelles chaînes sur la TNT contribue à sa dilution, sans parler des autres supports, notamment internet. Bref, même un rétablissement de la publicité ne permettrait pas de retrouver le niveau de recettes – 400 millions d’euros par an – d’avant 2009. Le manque à gagner en ce domaine avoisine aujourd’hui les 70 millions ; à l’époque, Patrick Bloche avait d’ailleurs signalé que les prévisions du COM étaient bien trop optimistes. Nous avons donc à affronter la situation en tenant un discours de vérité.

Je n’abandonne aucune des missions de l’audiovisuel public. L’investissement dans la création, en particulier, est non seulement un levier pour le secteur, mais aussi un élément essentiel de l’identité de France Télévisions, grâce auquel le groupe pourra conquérir de nouveaux publics. Certes, il ne s’agira pas, l’an prochain, d’augmenter son investissement en ce domaine, mais de le préserver en faisant preuve d’audace, par exemple dans la fiction, avec des rendez-vous dont le cinéma du jeudi soir sur France 3 a offert un exemple. On peut aussi penser au prime-time consacré à l’histoire des « Malgré-elles », ou encore à la série Ainsi soient-ils sur Arte. Mais de tels succès passent évidemment par une programmation adéquate.

Nous sommes aussi très attachés, bien sûr, à l’accès aux programmes des personnes handicapées ainsi qu’à la mission de proximité de France 3, même s’il reste à savoir comment l’assurer. Le plan de régionalisation proposé par Rémy Pflimlin me semblait aussi risqué que coûteux, pour le service public comme pour les collectivités. On peut imaginer un projet fondé sur la valorisation des atouts de la chaîne que sont, d’une part, les informations locales et, de l’autre, les grands rendez-vous nationaux tels que les séries ou les documentaires.

Une réflexion doit aussi s’engager sur l’identité de certaines chaînes, comme France 4, qui diffuse beaucoup de séries autres que françaises et même européennes. La diversité doit sans doute être plus visible sur France Ô ; à cet égard, le réseau Outre-Mer première offre sans doute une programmation plus pertinente.

Par ailleurs, les mesures d’économies doivent être l’occasion, pour l’audiovisuel public, de traiter la question de la précarité et de l’intermittence, mais aussi de réfléchir, afin d’utiliser au mieux les deniers publics, aux strates d’encadrement, voire aux dépenses techniques de diffusion. L’avenant au COM, qui vous sera présenté dans les meilleurs délais, permettra d’intégrer ces nouveaux éléments.

La taxe sur les distributeurs de services de télévision (TST-D) n’est pas sans rapport avec la « taxe Copé », qui était destinée à compenser la suppression de la publicité sur France Télévisions. Malgré les critiques dont elle avait fait l’objet, je la défends à Bruxelles au nom de la sécurité du financement de l’audiovisuel public. Vous avez évoqué, monsieur Riester, le projet de Centre national de la musique. De fait, le soutien au secteur de la musique est bien l’une des priorités de mon ministère ; mais je souhaite que le financement soit sûr ; aussi ai-je engagé la réflexion avec l’ensemble des professionnels dès le mois de juillet. La création d’un nouvel établissement public, alors qu’il en existe déjà tant, ne m’apparaît pas la meilleure solution, d’autant que les réserves de Bruxelles fragilisent juridiquement la taxe. Bien que l’ancienne majorité en ait modifié l’assiette l’an dernier, elle est aujourd’hui menacée. Je travaille donc à sa redéfinition car, avant de l’étendre à la musique, il convient la sécuriser pour le cinéma.

Pour l’heure, Bruxelles s’y oppose au motif qu’il n’existe pas de lien entre les diffuseurs – les fournisseurs d’accès à internet, en l’occurrence – et le contenu : nous nous appliquons donc à l’établir. Ma collègue en charge de l’économie numérique a proposé une taxe forfaitaire par abonnement ; pour ma part, je suis favorable à un taux proportionnel au chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès. La discussion est en cours avec les acteurs. La part de marché du cinéma français, rappelons-le car c’est un motif de fierté, ne cesse de progresser, puisqu’elle atteint 40 % en 2012, et ce malgré un léger repli de la fréquentation en salles. Je sais d’ailleurs que votre Commission ne fait pas partie de ceux qui prennent le CNC comme bouc émissaire ; au reste, je l’ai déjà protégé en supprimant l’écrêtement de la TST. Nous ne devons pas avoir une vision malthusienne ou bureaucratique des aides apportées au cinéma français.

Je vous tiendrai informés de la réflexion en cours sur le secteur de la musique. Toutes les pistes restent ouvertes, et les mesures d’urgence nécessaires seront prises. Je suis favorable aux amendements au projet de loi de finances relatifs à un crédit d’impôt pour les entreprises phonographiques ; le Gouvernement vous proposera d’ailleurs d’en étendre l’application aux PME du secteur.

M. le président Patrick Bloche. Merci, madame la ministre.

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine pour avis, au cours de sa séance du mercredi 24 octobre 2012, les crédits pour 2013 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sur le rapport de Mme Martine Martinel sur les crédits de l’audiovisuel et les avances à l’audiovisuel public, de M. Michel Françaix sur les crédits de la presse et de Mme Sonia Lagarde sur les crédits du livre et des industries culturelles.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis des crédits de l’audiovisuel. Je n’aborderai que deux des thèmes abordés dans le rapport, lesquels sont au cœur de l’actualité : d’une part, France Télévisions et, d’autre part, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

France Télévisions fait face à une dégradation extrêmement brutale de sa situation financière. Je ne m’appesantirai pas sur la suppression de la publicité, la création de l’entreprise unique, qui a été selon moi une erreur, ou encore la remise en cause systématique des engagements pris par l’État. Le groupe se trouve aujourd’hui dans une situation d’instabilité stratégique et financière incompatible avec la gestion sereine d’une entreprise.

Cependant, je regrette également de constater que le groupe n’a pas totalement joué le jeu et a manqué à certains engagements pris dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens (COM) en matière d’amélioration de la gestion. Les économies décidées dans l’urgence en 2012 portent malheureusement essentiellement sur les programmes. Parallèlement, les effectifs ont augmenté en 2011, et même en 2012. En outre, les deux plans de départ volontaires auront coûté 58 millions d’euros, sans impact sur les effectifs, faute de pilotage par le groupe…

Pour sortir de cette situation, il faut, me semble-t-il, stabiliser tant les missions que le modèle économique du service public. Je pense qu’une réflexion ambitieuse sur le rôle et le périmètre du service public doit précéder la définition des moyens.

Près de trente ans après la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le service public vit une véritable crise d’identité. L’État ne sait pas toujours ce qu’il en attend. Il multiplie ses missions en lui demandant des économies. Il lui demande de se défaire de l’audimat tout en fédérant le public le plus large. Les chaînes se sont ajouté les unes aux autres sans réflexion préalable. Les programmes jeunesse sont ainsi éparpillés sur quatre chaînes. Deux chaînes, France 4 et France Ô, s’adressent aux jeunes adultes et les lignes éditoriales de France 2 et France 3 n’apparaissent pas suffisamment distinctes.

Plus globalement, on peut s’interroger sur le rôle du service public dans la révolution médiatique que nous vivons actuellement. N’y a-t-il pas des thématiques qu’il devrait traiter de manière plus systématique, comme le développement durable, l’économie, l’Europe ? L’information étant l’une des missions pour lesquelles il a une légitimité plus forte que jamais, faut-il définitivement abandonner l’idée d’une chaîne spécifiquement dédiée à l’information ? Et quelle doit être la place des programmes de proximité dans cet ensemble, alors que tous les autres médias locaux sont actuellement en crise ?

Une fois les missions redéfinies et les besoins estimés, se pose la question, fondamentale, de la nature des ressources : redevance, budget de l’État, ou ressources propres ?

À mon sens, la priorité serait de faire disparaître la dotation budgétaire qui s’avère la ressource la moins fiable qui soit.

La redevance est évidemment le mode naturel de financement du service public et son augmentation se fera d’autant plus facilement que les missions du service public auront été clairement définies. Si l’on peut regretter que l’application d’une demi-redevance aux résidences secondaire n’ait pas lieu dans le cadre du présent projet de loi de finances, une réflexion sur la redevance demeure incontournable pour les prochaines échéances.

Je suis également favorable à ce qu’une réflexion soit ouverte sur la relation entre les producteurs et le diffuseur qu’est France Télévisions. Premièrement, la contribution du groupe au financement de la création doit être proportionnée à ses moyens. Deuxièmement, vous n’êtes pas sans savoir que le groupe ne dispose d’aucun droit de propriété sur les œuvres qu’il finance. Ainsi, il doit racheter les droits des programmes qu’il a déjà financés pour pouvoir les reprogrammer. Je donnerai un exemple fameux : le feuilleton « Plus belle la vie » a été racheté deux fois et le contribuable a donc payé deux fois ! La redevance britannique est certes plus élevée que la nôtre, mais elle finance la production de programmes qui permettent ensuite de dégager d’importantes ressources commerciales, lesquelles représentent plus de 20 % des ressources de la BBC, alors que France Télévisions Distribution est encore en déficit cette année.

Par ailleurs, il serait dommage de considérer que la question de la place de la publicité sur le service public est close. La situation actuelle, qui résulte des choix du précédent gouvernement, n’est pas dépourvue d’ambiguïté, voire d’hypocrisie. C’est une logique absurde du tout ou rien. Ce qui est acceptable avant 20 heures précises, ne le serait plus du tout après. Et après 20 heures, vaut-il mieux un volume de publicité contingenté ou, ce que nous avons actuellement, un tunnel de programmes courts parrainés, sans aucun intérêt pour le téléspectateur ? D’autant que les arguments de France Télévisions pour demander l’autorisation de retarder le début des programmes de première partie de soirée sont convaincants. Enfin, est-il logique qu’il n’y ait pas de publicité avant et après certains programmes extrêmement commerciaux de divertissement après 20 heures et de la publicité dans d’autres programmes, tels que les programmes destinés aux enfants ? Toutes ces questions méritent d’être posées. Je n’y apporte pas de réponse mais il est important de les poser avant la grande loi sur l’audiovisuel qui nous est annoncée.

En ce qui concerne le CSA, j’avais été troublée, comme beaucoup d’entre vous je suppose, par la précipitation qui a présidé au lancement de six nouvelles chaînes gratuites en haute définition sur la télévision numérique terrestre (TNT). J’ai également été assez choquée, de la décision concomitante de « dénumérotation » des chaînes locales, dont n’ont pas dû manquer de vous alerter les acteurs des chaînes locales dans vos circonscriptions. C’est pourquoi, dans le cadre de la réflexion sur l’avenir du CSA, je me suis intéressée à sa politique en matière d’élaboration du paysage audiovisuel hertzien.

Le président du CSA, Michel Boyon, dans son rapport d’août 2011 sur la TNT, regrettait que la dimension économique du secteur audiovisuel ait trop longtemps été sous-estimée, voire ignorée. C’est en effet le principal reproche qui est fait au CSA par les nombreux acteurs que j’ai auditionnés. Mais, au-delà, les auditions ont mis en évidence un certain nombre de zones d’ombre dans l’action du CSA.

Décision « baroque », « politique », « incompréhensible », « catastrophe », « connerie noire »… les interlocuteurs ont fait preuve d’une grande richesse lexicale pour qualifier le lancement des six nouvelles chaînes. À l’issue des auditions, il me semble que cette décision est aussi contestable sur le fond que sur la forme.

Sans pour autant être facétieuse ou malicieuse, je relèverai que les meilleurs arguments contre ce lancement se trouvent dans le rapport de Michel Boyon de 2011, lequel souligne l’absence d’élasticité du marché publicitaire et le fait qu’on ne peut donc que redouter les conséquences d’un élargissement de la TNT sur la fragmentation des audiences, le marché publicitaire et le financement de la création.

Si cette décision n’est pas pertinente du point de vue économique, on aurait pu penser que le CSA s’était appuyé sur l’intérêt du public. Or, un sondage publié en 2011 avait très clairement montré que les Français appréciaient la TNT mais n’en demandaient pas davantage.

Sur la forme, le CSA n’a pas lancé la consultation préalable qu’il devait lancer en application de la loi. On peut donc légitimement s’interroger sur ce qui a motivé la précipitation, à la limite de la légalité, avec laquelle le CSA a pris une décision peu opportune pour l’ensemble du secteur.

En ce qui concerne les chaînes retenues, j’exprime, dans le rapport, mes interrogations, partagées par M. Hervé Bourges, spécialiste entre autres des questions de diversité, sur la ligne éditoriale de « TVous la diversité ». Interrogé sur ce qu’est la thématique de la chaîne, son créateur cite pêle-mêle les minorités visibles, les femmes, les homosexuels, les handicapés mais aussi les familles recomposées, les familles monoparentales… Comme je l’écris dans mon rapport, seuls les hommes blancs, bien portants et hétérosexuels ne sont pas ciblés. Le CSA s’était pourtant exprimé assez clairement en son temps contre la création de chaînes ghettos.

En ce qui concerne la TNT gratuite nationale, si le bilan est positif en termes d’audience, il est très décevant en termes de qualité des contenus, de financement de la création et de diversité des acteurs.

Venons-en aux télévisions locales. Quarante-trois chaînes sont à ce jour autorisées par le CSA qui dit mener une action très volontariste depuis trois ans avec la création de trente chaînes locales tout en reconnaissant que leur viabilité économique, comme nous le savons tous, est loin d’être garantie. Les mesures en direction de ces chaînes ont été quasi inexistantes ces dernières années. Elles se limitent à la commande d’une étude sur leurs perspectives de développement, suivie d’une consultation publique. Alors que cette consultation avait souligné le caractère absolument stratégique de la numérotation, la seule mesure qui est intervenue depuis est la « dénumérotation » des chaînes, décidée sans concertation préalable par le CSA pour faire de la place aux six nouvelles chaînes qui n’en avaient même pas demandé autant. Je montre par ailleurs dans mon rapport que le contrôle du CSA sur les télévisions locales est quasi inexistant. Aucun bilan annuel n’est publié. C’est d’autant plus regrettable que ces télévisions locales sont très demandeuses d’une clarification et d’une sécurisation de leur financement en provenance des collectivités locales.

Deux projets d’avenir sont par ailleurs aujourd’hui en échec. Il s’agit tout d’abord de la TNT payante. Pour les observateurs, telle qu’elle a été lancée, elle ne pouvait pas fonctionner. Là encore, on peut s’étonner de l’absence d’étude d’impact préalable, le CSA ayant, comme pour les télévisions locales, principalement justifié ses diverses tentatives de « relance » de la TNT payante par le succès qu’elle rencontre dans d’autres pays. La dernière relance a été tentée en 2011 : le CSA a sélectionné CFoot, qui a cessé sa diffusion moins d’un an après, et un projet de vidéo à la demande qui n’a toujours pas démarré. Comme le reconnaît Michel Boyon, la question de l’avenir de la TNT payante et des fréquences qu’elle occupe est donc posée.

Quant à la télévision mobile personnelle, c’est un projet mort-né, faute de modèle économique. Je me suis aperçue que le CSA, qui a très peu communiqué sur le sujet, a même repris les fréquences attribuées en 2008. Là encore, se pose la question de leur utilisation.

S’agissant du paysage radiophonique FM, plusieurs acteurs estiment que les plafonds de concentration fixés par la loi du 30 septembre 1986 ont été dépassés par certains groupes J’ai donc demandé les chiffres au CSA, qui a refusé de les transmettre, estimant qu’il n’en avait pas l’obligation, alors qu’il est tenu de rendre compte annuellement de l’application de la loi de 1986. Le CSA a toutefois jugé souhaitable que le législateur réfléchisse à la pertinence du plafond, ce qui est un peu paradoxal. Mais le législateur a néanmoins besoin de chiffres pour mener cette réflexion. La direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), comme M. Marc Tessier dans son rapport de 2010 sur la radio, estime elle aussi ne pas être en mesure d’évaluer la pertinence du plafond, tant que le CSA refuse de communiquer les chiffres. J’estime que ce silence nuit à la transparence et fait obstacle au travail du législateur.

Enfin, la radio numérique terrestre (RNT) est lancée dans des conditions qui ne sauraient garantir sa réussite. Compte tenu des incertitudes très fortes sur le modèle économique, relancer la RNT en France exige un travail rigoureux, mené dans la concertation avec l’ensemble des acteurs, et non un redémarrage à marche forcée.

À la lumière de ce bilan, je propose que les compétences économiques du CSA soient renforcées, le recours à des études d’impact et à des analyses économiques et financières systématisé. Je souhaite également que des obligations de transparence accrues soient imposées au régulateur et que le contrôle du Parlement soit renforcé, tant en amont, par la nomination des membres, qu’en aval. À cet égard je propose la présentation obligatoire du rapport annuel d’activité du Conseil avec audition de son président, devant les commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat. En ce qui concerne la nomination des membres, la possibilité de prolonger les trois mandats qui arrivent à échéance en janvier prochain a été évoquée. Pour ma part et sans polémique, j’estime qu’il serait préférable de nommer trois nouveaux membres « par intérim ».

Je souhaite également que l’on réfléchisse à un moyen d’encadrer la revente spéculative de fréquences. Le CSA a négocié avec les nouvelles chaînes une interdiction de revente limitée à deux ans et demi. Ce système ne résout pas le problème, et si l’on ne peut plus traiter le cas « Bolloré », il est à peu près certain que d’autres cas du même type se présenteront à l’avenir.

On peut également s’interroger sur l’opportunité de maintenir une obligation d’attribution des fréquences disponibles. Cette obligation semble pouvoir être assouplie dans un souci de bonne gestion du spectre.

En ce qui concerne le rapprochement avec l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), il doit être mis au service d’objectifs précis.

Le CSA ne fait pas mystère de sa volonté d’étendre son contrôle à internet, en agitant le spectre de la télévision connectée, dont l’impact ne doit à ce stade pas être exagéré. Si tel est l’objectif, je ne saurais y souscrire. L’ARCEP met en avant l’opportunité de remettre totalement en cause les principes de la régulation de l’audiovisuel. Si tel est l’objectif, je n’y suis pas favorable non plus.

Je pense que la régulation du secteur audiovisuel doit être certes améliorée, mais maintenue dans ses principes. De ce fait, aller au-delà d’une meilleure coordination du CSA et de l’ARCEP – par la création, par exemple, d’une instance commune aux collèges des deux institutions – n’apparaît pas forcément nécessaire, en tout cas pour le moment. En tout état de cause, le maintien de deux collèges distincts apparaît indispensable, pour l’instant.

J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de l’audiovisuel public.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis des crédits de la presse. J’espère ne pas être condamné à parler éternellement de la crise de la presse car j’espère que nous trouverons ensemble un certain nombre de solutions à cette crise. Lorsque je pense à la crise de la presse me vient à l’esprit la formule d’Antonio Gramsci : « l’ancien monde n’arrive pas à mourir tandis que le nouveau n’arrive pas à naître ». Quant à la réponse qui est apportée depuis dix, voire quinze ans, elle correspond à une formule d’Edgar Faure : « l’immobilisme est en marche et rien ne l’arrêtera ! »

Il va maintenant falloir bouger les lignes. Les aides à la presse n’ont privilégié aucun investissement d’avenir depuis quinze ans. Nous nous attachons à maintenir un modèle ancien, qui n’a fait qu’accentuer les injustices. Il me semble que la question que nous devons nous poser aujourd’hui est : comment accompagner la transition en évitant la rupture ? Car la presse en ligne va remettre en cause les outils de production, les outils de distribution. Elle déstabilise les modèles économiques. Elle va ébranler les choix éditoriaux. Une refondation de tout l’écosystème s’impose donc.

Rappelons que la presse française est la presse la plus aidée, à hauteur de près d’1,2 milliard d’euros par an, pour un peu plus de 10 milliards de chiffres d’affaires. Les aides à la presse représentent donc environ 11 % de son chiffre d’affaires. On serait ravi de constater que cet effort favorise le développement du pluralisme. Hélas, on doit constater qu’à l’issue des États généraux de la presse écrite, France Soir a perçu de l’État une aide correspondant à cinquante centimes d’euros par exemplaire vendu, pour un prix de vente de cinquante centimes d’euros, alors que tout le monde savait que France Soir allait mourir ! On a imploré les banques de financer le groupe Hersant Média, dont on savait qu’il allait mourir. On pourrait également parler de La Tribune et de toute une forme de presse régionale qui est aujourd’hui en grande difficulté.

Tous ces problèmes n’ont pu être réglés cette année car il y avait une urgence : le sauvetage de Presstalis. Un héritage difficile nous avait été légué puisque le groupe de distribution de la presse était en situation de faillite.

À ce sujet, se pose aujourd’hui la question de l’avenir du système coopératif. Ce système, né en 1945, était fondé sur l’idée selon laquelle la presse – presse d’information, presse récréative, presse quotidienne, presse magazine – était une et indivisible. Le système reposait sur la solidarité des plus forts envers les plus faibles, tous les journaux étant distribués dans tous les points de vente du pays. C’est à ce titre que les plus forts ont bénéficié des aides à la presse.

Au moment où Presstalis a commencé à connaître des difficultés, elle a été confrontée à une concurrence croissante et déloyale des Messageries lyonnaises de presse (MLP) sur ses activités les plus rentables, à savoir la distribution des magazines, tout en gardant le segment de la distribution qui est déficitaire, à savoir celui des quotidiens. Les MLP ont capté une part croissante des clients de Presstalis en appliquant une politique de prix très agressive, sur laquelle Presstalis a été obligée de s’aligner, au risque de creuser son déficit d’exploitation. On savait cela mais on a laissé faire.

On peut se demander aujourd’hui si ces deux coopératives peuvent encore coexister. La ministre de la culture et de la communication a formulé des propositions qui me semblent intéressantes dans un premier temps, à savoir une coopération renforcée et une mutualisation croissante des moyens. Pour ma part, je pense que nous ne pourrons pas sauver le système coopératif sans aller vers une fusion. Les MLP doivent, en tout état de cause, participer à la prise en charge des surcoûts qui résultent de la distribution des quotidiens. C’est la raison pour laquelle on est en train de mettre en place une péréquation de ces coûts entre les deux messageries.

Le 13 septembre dernier, le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP), organe professionnel de la distribution de la presse, a décidé la mise en place d’une péréquation, qui représente une contribution de l’ordre de 8 millions d’euros des MLP. L’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) a rendu cette décision exécutoire le 3 octobre 2012 mais les MLP ont déposé un recours auprès de la Cour d’appel de Paris, ce qui en dit long sur leur volonté de participer au sauvetage du système coopératif…

Si certains éditeurs confirment leur volonté de sortir du système coopératif, de reprendre leur liberté et de se considérer comme des entreprises comme les autres, il va de soi que rien ne justifiera plus qu’ils bénéficient d’aides à la presse, en particulier les aides au transport postal et le taux super réduit de TVA. Cela permettrait alors à l’État de prendre ses responsabilités dans la distribution de la presse d’information politique et générale et d’appliquer un taux super-réduit de TVA à la presse citoyenne en ligne.

On me dit que les salariés de Presstalis sont trop payés, que ceux des MLP ne le sont pas assez. Si l’on m’interroge sur le statut particulier des salariés de Presstalis, je rappellerai que ce statut a été souhaité par le groupe Hersant qui y voyait un intérêt pour concurrencer d’autres groupes de presse.

S’agissant des dépositaires, niveau deux de la distribution de la presse, leur restructuration implique que leur nombre passe de 137 à 99 mais on ignore qui va racheter les dépôts de Presstalis car il n’est pas certain que les dépositaires indépendants et les MLP en aient les moyens.

S’agissant de la TVA sur la presse en ligne, on ne peut plus maintenir un système dans lequel le magazine Gala bénéficie d’un taux super-réduit de TVA de 2,1 % tandis que les sites internet des journaux citoyens sont taxés à 19,6 %.

La régulation de la distribution de la presse doit également être améliorée. Le compromis, issu de la loi du 20 juillet 2011, est un attelage aussi inutilement complexe qu’inefficace : le CSMP, composé de professionnels, est « flanqué » d’une deuxième instance, l’ARDP, qui doit valider ses décisions. Tout cela parce que les éditeurs de presse avaient refusé le principe d’une régulation de la distribution par une autorité extérieure… J’espère que nous saurons faire, au cours de cette législature, la réforme que nous n’avons pas su faire au cours de la précédente.

Je voudrais également insister sur la nécessité de rationaliser les aides à la distribution. Peut-on raisonnablement continuer à aider simultanément le transport postal, le portage et la vente au numéro, trois modes de distribution qui se concurrencent, pour constater in fine que la diffusion de la presse dans son ensemble ne cesse de reculer ?

En continuant d’aider massivement le transport postal, on n’incite pas les éditeurs à basculer vers le portage, alors qu’il constitue une solution beaucoup plus adaptée pour la presse quotidienne. Et lorsque l’on accroît les aides au transport postal et au portage, on pénalise la vente au numéro, au détriment des diffuseurs, les grands oubliés du système de distribution de la presse, dont la situation ne cesse de se dégrader.

Je souligne également que nous avons perdu 30 % de journalistes en trente ans. Est-ce là le signe d’une presse en bonne santé ? Si les journalistes sont la variable d’ajustement d’une presse en difficulté, il ne faut peut-être pas s’étonner que la qualité et le lecteur ne soient pas au rendez-vous.

Je pense donc qu’il faudra cibler les aides sur la presse citoyenne, même si je suis d’accord pour reconnaître qu’elle n’est pas toujours vertueuse. On remarquera aussi qu’il y a presse en ligne et presse en ligne et qu’un effort de ciblage sera nécessaire. Quoi qu’il en soit, si la presse se fait sans journalistes, elle sera court-circuitée par les blogs et les réseaux sociaux.

En ce qui concerne les diffuseurs de presse, acteurs essentiels de l’aménagement du territoire, ils sont aujourd’hui les grands oubliés du système d’aides à la presse. Il y a en France un point de vente pour 2 000 habitants, contre un point de vente pour 1 000 ou 1 500 habitants dans la plupart des autres pays européens. On peut relever que l’aide à la modernisation des diffuseurs de presse s’établit à 4 millions d’euros alors que le journal Télé 7 jours bénéficie à lui tout seul d’aides de l’État pour un montant de 7,2 millions d’euros.

Enfin, l’opération « Mon Journal offert », qui m’avait semblé une bonne idée lors de son lancement, n’est pas reconduite par le présent projet de loi de finances. J’avais jugé indispensable qu’elle soit évaluée, ce qui est chose faite. Il en ressort que, telle qu’elle a été mise en œuvre, cette aide pose un certain nombre de problèmes, notamment de répartition de son coût entre l’État et les éditeurs. L’espérance d’abonnement payant, à la fin de chaque opération, serait de l’ordre de 5 à 8 % des jeunes ayant reçu gratuitement le journal. Or, les études diligentées régulièrement par le ministère de la culture et de la communication montrent que pour la génération actuelle, le taux de lecture de la presse spontané est de l’ordre de 9 %. On n’est pas certain qu’il n’y ait pas des effets d’aubaine, l’abonnement profitant par exemple aux parents. Cette opération doit donc être repensée.

En conclusion, la priorité est de sauver la presse citoyenne et de bâtir l’écosystème qui lui permette de se développer en ligne. En matière d’aides à la presse, la justice exige des aides inégalitaires.

J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de la presse.

Mme Sonia Lagarde, rapporteure pour avis des crédits du livre et des industries culturelles. Je présenterai, tout d’abord, les grandes lignes des crédits du programme Livre et industries culturelles. Dans un contexte budgétaire tendu, ce dernier connaît une légère diminution de ses crédits de paiement de l’ordre de - 2,5 %.

Le choix a été fait de privilégier les actions décentralisées en préservant les crédits déconcentrés.

Ce programme comprend deux actions : la première action Livre et lecture a pour objectif de favoriser le développement de la création littéraire, d’encourager la pratique de la lecture et de soutenir la chaîne du livre. Ses crédits de paiement diminuent de près de 3 %.

Le Centre national du livre (CNL) est chargé d’encourager la création, l’édition et la diffusion des œuvres littéraires et scientifiques. À ce titre, le montant du budget pour 2012 est de 39,6 millions d’euros. Il comprend le produit de deux taxes qui lui sont affectées, une sur l’édition et l’autre sur les appareils de reprographie. À cela, s’ajoute une subvention de l’État de 2,8 millions d’euros au titre des transferts de compétence de soutien à certains organismes professionnels telle que l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC).

Pour 2013, on constate que les moyens du CNL sont réduits. En effet, les recettes issues des deux taxes ont été plafonnées à 33,3 millions d’euros ; quant à la subvention, elle ne sera pas reconduite.

L’État soutient un maillage dense de bibliothèques sur tout le territoire et joue un rôle pilote par l’intermédiaire de deux bibliothèques nationales : la Bibliothèque nationale de France (BnF) et la Bibliothèque publique d’information (BPI).

Les crédits accordés à la BnF sont en légère diminution de l’ordre de - 1,16 %. Deux opérations mobilisent les crédits de la BnF : la première consiste en la rénovation du quadrilatère Richelieu, environ 14 millions d’euros sont budgétés pour une opération estimée à 212,8 millions d’euros. Le programme Livre et industries culturelles participera à hauteur de 137,6 millions d’euros, le reste étant financé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

La seconde opération est la numérisation des œuvres détenues dans ses collections afin de les rendre accessibles au plus grand nombre. En juillet 2012, le projet Gallica contenait 1,8 million d’ouvrages.

La BPI bénéficie d’une stabilité de sa subvention pour charges de service public qui s’élève à 7 millions d’euros. Depuis 2011, elle est engagée dans une démarche de rationalisation de ses dépenses, en réduisant ses dépenses de fonctionnement et de personnel.

La seconde action de ce programme, Industries culturelles, voit ses crédits de paiement augmenter de 6,8 %. Elle finance les politiques transversales en faveur du développement des industries culturelles, notamment le cinéma, le jeu vidéo, la musique enregistrée ainsi que la lutte contre le piratage des œuvres culturelles en ligne, par l’intermédiaire d’une autorité publique indépendante, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi).

1,8 million d’euros sont consacrés à la création musicale.

Pour le cinéma, 2,6 millions d’euros permettront de numériser des salles, particulièrement en province, et à soutenir des manifestations liées au cinéma d’auteur.

Quant à la lutte contre le piratage, la subvention de la Hadopi est diminuée de 27,3 % et passe à 8 millions d’euros contre 10,3 millions d’euros en 2012. Lors de son audition, la présidente de la Haute autorité a insisté sur l’insuffisance des crédits qui lui seraient alloués pour mener à bien ses missions et qui mettrait en péril la Hadopi.

J’ai déjà proposé, lors de l’audition de la ministre de la culture et de la communication, que soient recherchés les voies et les moyens d’un financement nouveau qui viendrait compléter les fonds de l’État afin d’aider la Haute autorité à assurer pleinement ses missions. Je sais que des consultations sont en cours avec le ministère pour augmenter ses crédits. Souhaitons qu’elles aboutissent, mais cela n’empêche pas la réflexion pour 2014.

L’arrivée du numérique bouleverse l’économie de la culture, particulièrement celle du livre. C’est pourquoi j’ai choisi de consacrer la seconde partie de mon rapport à la situation de la librairie.

En premier lieu, l’achat d’un livre qui se faisait autrefois dans sa librairie de quartier ou dans une grande surface spécialisée peut désormais s’effectuer via internet, avec tout un champ des possibles, livraison à domicile, commande sans contraintes d’horaires, catalogue exhaustif.

En second lieu, le livre physique se voit concurrencé par l’émergence d’un nouveau support : le numérique.

Exercer le métier de libraire devient difficile si on y ajoute d’autres facteurs, plus structurels liés à l’augmentation de leurs charges. On peut aisément dire que la marge des libraires diminue, ce qui place beaucoup d’entre eux dans une position d’extrême fragilité.

Tout n’est pas perdu pour autant ! L’expertise, l’accueil du libraire, son professionnalisme, sa passion, la proximité physique, l’agencement des points de vente sont des atouts pour ce secteur. Grâce à sa présence, le libraire participe à l’animation culturelle des régions, particulièrement dans les zones rurales, les collectivités territoriales d’ailleurs ne s’y sont pas trompées en les soutenant. Les librairies sont un maillon indispensable d’une vie culturelle à la française.

Cependant, si la France veut garder son réseau exceptionnel de librairies de par sa densité et sa qualité, la profession doit s’adapter et les pouvoirs publics la soutenir dans cette période de transition.

Voici quelques pistes de réflexion que je développe dans mon rapport.

Il convient en premier lieu de rationaliser le dispositif de soutien pour plus d’efficacité. Comme souvent, les aides au secteur ne manquent pas mais elles sont dispersées, voire redondantes. J’ai été frappée, au cours de mes auditions, par le nombre important d’acteurs, de dispositifs et au final par le manque de lisibilité que cela provoque.

En effet, les acteurs sont multiples. Au niveau de l’État tout d’abord, le Centre national du livre et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), accordent des subventions et des prêts. L’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), de son côté, apporte sa garantie aux établissements financiers pour l’octroi de prêts. Au niveau de la profession, l’ADELC a mis au point un mécanisme original, le portage d’actions pour la transmission de fonds de commerce. Enfin, les collectivités territoriales apportent elles aussi leur soutien.

On voit bien que les dispositifs foisonnent. Le libraire peut recourir à des aides pour créer ou reprendre un fonds de commerce, aménager ses locaux ou encore produire ou mettre en valeur des catalogues. Cette liste, de plus, n’est pas exhaustive !

Paradoxalement, malgré cette multitude de dispositifs, il est difficile pour un libraire d’obtenir une aide de trésorerie. C’est pourquoi la proposition développée dans le rapport de M. Bruno Parent de prélever quelques centimes supplémentaires sur toute commande d’ouvrage passée par le réseau DILICOM afin d’abonder un fonds de soutien aux librairies indépendantes me semble une piste, voire une proposition très intéressante. Cela permettrait de mettre dans la boucle du paiement la société Amazon qui propose des remises que les libraires ne peuvent pas toujours offrir, mais surtout de proposer la gratuité des frais de port comme Amazon. Or, il s’agit là de concurrence déloyale par rapport à la profession.

Face à cette multiplicité d’intervenants et de dispositifs, il est donc nécessaire de mieux coordonner ce soutien. Sans méconnaître le principe de libre administration des collectivités territoriales, une meilleure articulation entre l’action de l’État et celle des collectivités permettrait d’apporter plus de cohérence dans la distribution des aides sur tout le territoire et de dresser enfin une cartographie des points de vente.

Rationaliser, c’est aussi mieux répartir les rôles. Selon la nature de l’aide, il serait opportun d’instituer un chef de file, voire d’instituer un interlocuteur unique au travers d’une structure déjà existante car il ne s’agit pas d’en créer une.

Enfin, il va de soi qu’une évaluation et un suivi de ces aides sont devenus indispensables.

En deuxième lieu, la librairie doit redevenir un commerce rentable. Cela passe, à mon sens, par une meilleure mutualisation de la profession. Je prendrai comme exemple les négociations de taux de remise sur les commandes de livres avec les distributeurs. Si les libraires arrivaient à se constituer en associations, voire à se fédérer afin de réaliser des achats groupés auprès des distributeurs, ils pourraient peser ainsi sur leurs conditions de remise et améliorer leur marge.

Cette rentabilité passe également par une meilleure formation. Être libraire c’est faire partager sa passion des livres, mais aussi gérer un commerce. Le libraire doit s’adapter à sa zone de chalandise et s’orienter vers une stratégie de l’offre.

Enfin, est-il admissible que la loi sur le prix du livre soit détournée par des opérateurs de vente en ligne qui incluent les frais de livraison dans la réduction autorisée des 5 % ? Une vraie réflexion doit être menée sur cette loi, qui doit mériter son titre de prix unique.

En troisième lieu, le libraire doit être un acteur du numérique. Il doit s’adapter aux nouveaux modes de consommation de ses clients et développer des sites de vente en ligne ; 13 % des ventes de livres s’effectuent par ce biais. Pour un libraire indépendant, les dépenses de création et de maintenance d’un site sont substantielles, d’où la nécessité de mutualiser les coûts et de créer des sites internet collectifs. L’échec du portail « 1001.librairies.com » doit être surmonté et une alternative doit voir le jour afin d’éviter qu’une part de marché prépondérante ne soit détenue par un seul opérateur.

Le libraire doit réfléchir à la manière de proposer à ses clients le livre numérique en complément au livre papier. Cela pourrait être sous forme de bornes dans son commerce, ou par l’intermédiaire d’un catalogue de références. Éditeurs et libraires doivent travailler en bonne intelligence en augmentant le nombre d’ouvrages disponibles en format numérique sans nuire évidemment au livre physique. Cette nouvelle organisation doit répondre à l’évolution du marché mais ne doit pas se faire au détriment de l’un. Il s’agit de s’organiser pour faire face à l’évolution du marché, d’élargir l’offre, tout simplement de répondre à la demande en offrant un service supplémentaire, complémentaire.

En conclusion, j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits du livre et des industries culturelles.

M. le président Patrick Bloche. Nous discutons ce matin de la seconde partie du projet de loi de finances, mais de nombreux sujets qui ont été abordés par nos rapporteurs ont fait l’objet de débats au cours de l’examen de la première partie, qui a été adoptée hier après-midi.

S’agissant de l’audiovisuel, la redevance sera augmentée de quatre euros, deux euros correspondant à l’indexation sur le coût de la vie auxquels s’ajoutent deux euros de relèvement exceptionnel.

Dans le secteur de la presse, nous pouvons nous réjouir de la prorogation des deux crédits d’impôt qui la concernent.

Dans le domaine des industries culturelles, il a été mis fin au plafonnement, introduit l’an passé, des taxes affectées au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Un prélèvement de 150 millions d’euros est par ailleurs effectué sur la trésorerie du CNC.

Soulignons également la prorogation et l’amélioration du crédit d’impôt en faveur de la production phonographique.

M. Marcel Rogemont. Je souhaiterais que les rapports puissent être mis à disposition des commissaires au moins quarante-huit ou vingt-quatre heures à l’avance.

Sur le fond, je salue le courage et la liberté du propos de Mme Martine Martinel.

Je remarque d’ailleurs que certaines des préconisations émises dans votre rapport sur le projet de loi de finances pour 2012 consacré à l’audiovisuel extérieur de la France (AEF) sont en train d’être mises en œuvre, par exemple celle concernant la sortie de TV5 Monde de l’AEF, et que la gouvernance de cette entité connaît de notables améliorations.

S’agissant de France Télévisions, vous posez une question que j’avais moi-même soulevée lors de l’audition de Mme la ministre de la culture et de la communication : ne faudrait-il pas asseoir le financement de France Télévisions uniquement sur la redevance ? Cela constituerait une garantie de stabilité de ses crédits que n’apporte pas le financement par une dotation du budget de l’État. Je pense que cette orientation doit être mise en œuvre au cours de cette législature.

En ce qui concerne le CSA, l’indépendance dont jouit cette autorité ne l’autorise pas à refuser de transmettre des informations à la représentation nationale. Le président de notre Commission devrait peut-être saisir Mme la ministre de la culture et M. le président du CSA du refus que s’est vu opposer Mme Martine Martinel à sa demande de communication de chiffres sur la concentration du paysage radiophonique. Il est anormal que ces informations n’aient pas été transmises.

Je considère par ailleurs qu’un rapprochement entre le CSA et l’ARCEP est sans doute préférable à une fusion de ces deux autorités. Je partage l’orientation défendue par Mme Martine Martinel quant à la nomination en janvier de trois nouveaux membres du CSA, sans qu’il soit question d’intérim. Des réflexions sont à mener sur le nombre de membres du CSA, ses compétences, éventuellement dans le cadre d’un dispositif plus large intégrant l’ARCEP.

Je salue à nouveau le courage des positions et propositions de la rapporteure pour avis, que le groupe SRC veillera à faire prospérer.

M. Franck Riester. En saluant le travail très dense et approfondi des rapporteurs, je m’associe au vœu de M. Marcel Rogemont de pouvoir disposer des rapports suffisamment à l’avance.

M. le président Patrick Bloche. Nous allons nous efforcer de travailler avec les rapporteurs et les services de la Commission pour essayer de transmettre les projets de rapport vingt-quatre heures avant la réunion de commission.

M. Franck Riester. Je rappelle les propos de M. François Hollande qui promettait, pendant sa campagne électorale, une sanctuarisation des crédits de la culture. Cet engagement n’est pas tenu : la ministre de la culture a beau avoir récusé notre analyse, alors que les crédits du ministère avaient augmenté de 20 % au cours du précédent quinquennat, les crédits de la mission « Médias » baissent de 13 % et une diminution de 30 % est programmée pour les trois années à venir.

La première victime de ces baisses est France Télévisions : Mme Martine Martinel a évoqué une remise en cause des engagements de l’État, mais c’est l’actuel gouvernement qui en est responsable. Les engagements souscrits dans le contrat d’objectifs et de moyens ne sont pas tenus, et France Télévisions voit ses ressources diminuer de 196 millions d’euros. L’augmentation de deux euros de la redevance, qui résulte de l’indexation sur le coût de la vie, prévue par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision et qui devrait représenter 50 millions d’euros supplémentaires, ne compensera pas cette diminution. Une fois encore, l’augmentation des impôts s’est imposée avant toute réflexion stratégique.

Je déplore la sévérité des propos de la rapporteure à l’encontre de la direction de France Télévisions. Des efforts importants ont été réalisés par France Télévisions dans les domaines des achats, du numérique ou du rapprochement des rédactions. Une redéfinition des missions de France Télévisions est sans doute nécessaire, mais elle doit constituer un préalable à tout ajustement des moyens, et non l’inverse.

Je regrette par ailleurs l’absence totale de stratégie gouvernementale s’agissant d’un éventuel rapprochement entre le CSA et l’ARCEP.

La filière musicale est quant à elle sacrifiée, notamment à travers l’abandon du projet de création d’un Centre national de la musique. Fort heureusement, à la suite d’initiatives parlementaires auxquelles j’ai d’ailleurs participé, le gouvernement a choisi de maintenir le crédit d’impôt sur la création phonographique. Je déplore que ce choix n’ait pas figuré dans le projet de loi de finances dès son dépôt par le gouvernement.

Un rude coup est porté à la lutte contre le piratage des œuvres culturelles en ligne : même si je salue la volonté de dialogue avec la Hadopi manifestée par Mme la ministre de la culture et de la communication, la diminution des crédits alloués à cette autorité est un mauvais signal au moment où celle-ci commence à obtenir des résultats.

S’agissant du secteur de la presse, certes les dernières années ont été marquées par un certain immobilisme et par les bouleversements liés au numérique. Les États généraux de la pesse écrite ont permis d’aboutir à des avancées, certes insuffisantes. Il est nécessaire de travailler sur une amélioration des dispositifs de soutien, mais la baisse des crédits qui intervient cette année, avant toute réflexion stratégique, n’est pas de bonne méthode.

Enfin, je partage le constat d’un soutien nécessaire à la librairie indépendante, mais je suis en désaccord avec les orientations de ce budget marqué par une baisse des soutiens en sa faveur.

Mme Isabelle Attard. Je veux saluer le travail des rapporteurs. En ce qui concerne le secteur audiovisuel, les injonctions adressées ces dernières années à France Télévisions ont été profondément contradictoires : il s’est agi de concilier la suppression de la moitié de la publicité et une diminution des crédits budgétaires de l’État, dans un contexte de marché publicitaire morose et de réformes organisationnelles contradictoires. On ne peut aboutir qu’à un désastre. Parmi les contradictions, on peut également relever les objectifs en termes de création, alors que dans le même temps les économies réclamées vont grandissant, ou bien l’indépendance sans autonomie stratégique. France Télévisions est également pressée de renoncer à toute course à l’audience, mais le contrat d’objectifs et de moyens prévoit d’évaluer les équipes sur ce fondement. 180 millions d’euros d’économies doivent être réalisées, mais il ne peut être question de mettre en œuvre un plan social. Comment mieux étouffer un service public qu’en le plaçant face à de telles incohérences ? Je forme l’espoir que tous les efforts budgétaires seront faits pour permettre à France Télévisions de travailler dans les meilleures conditions.

Je me réjouis du maintien d’un taux de TVA réduit sur le livre numérique, qui devrait même repasser à 5,5 % au 1er janvier 2013, et ce en dépit de l’opposition de la Commission européenne.

S’agissant de la presse, les « pure players », journaux en ligne qui ne font pas l’objet d’une diffusion sous forme imprimée, ne bénéficient pas du taux de TVA réduit de 2,1 %. Le législateur doit accompagner les évolutions rapides de ce secteur. Une baisse de la TVA augmenterait le nombre de lecteurs, ce qui serait très positif pour notre démocratie.

Par ailleurs, dans le contexte des nombreuses procédures impliquant Amazon, je considère qu’il faut cesser de chercher à concurrencer Amazon sur son propre terrain, celui de la baisse des prix. C’est au contraire en développant d’autres activités que les librairies indépendantes pourront maintenir leur activité, grâce à l’organisation d’événements culturels, de séances de dédicaces ou par la mise en avant de produits locaux.

Mme Marie-George Buffet. Je tiens tout d’abord à remercier nos trois rapporteurs pour la qualité de leurs travaux, qui nous apportent énormément d’éléments de réflexion.

S’agissant de France Télévisions, la rapporteure Martine Martinel a employé des mots assez solennels pour évoquer l’instabilité financière du groupe, les difficultés entourant la définition de ses missions et le rapport entre ces missions et les chaînes. Bref, elle nous a décrit une situation inquiétante. Or, France Télévisions occupe une place importante dans le rapport de nos compatriotes à la connaissance, à la culture et à l’actualité. Aussi, je regrette profondément que l’Assemblée nationale n’ait pu avancer, lors des débats relatifs à la première partie du projet de loi de finances, sur les pistes évoquées ce matin, qu’il s’agisse d’une augmentation de la redevance, des droits de propriété ou d’un élargissement des fenêtres de la publicité.

Pour ce qui concerne l’audiovisuel extérieur de la France, notre vigilance s’exercera pour qu’au fil des mois RFI conserve de réels moyens pour développer sa propre activité et son identité.

Sur la presse, nous partageons les conclusions du rapport de M. Michel Françaix. Des décisions sont nécessaires pour préserver le système coopératif de la distribution et, par là même, la presse citoyenne qui ne manquera pas de s’éteindre si plusieurs quotidiens nationaux ou régionaux ne peuvent plus être diffusés. La solution réside dans la fusion des messageries. Il n’est plus possible de rester dans un paysage où une seule messagerie assume les contraintes, ce qui risque de la condamner à mourir, tandis que l’autre poursuit comme seul objectif de faire le plus d’argent possible. Je rappelle qu’à midi, les salariés de Presstalis – ils sont 1 200 à voir leur emploi menacé – vont manifester pour la défense de leurs emplois. Il est donc plus que temps d’avancer sur cette question. Naturellement, les aides à la presse doivent également être préservées car il en va de la sauvegarde de l’information démocratique et d’enjeux véritablement sociétaux, seuls les groupes de presse de loisirs atteignant aujourd’hui un équilibre économique garantissant leur viabilité.

Enfin, il importe de souligner ici que, pour la première fois, cette année, le nombre de fermetures de librairies en Ile-de-France a dépassé le nombre d’ouvertures. Dans certaines villes, il n’existe plus aucun point de vente de livres. Ce constat appelle à travailler à la rationalisation et au maintien des aides aux librairies.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR s’abstiendra sur le vote des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » pour 2013.

M. Michel Pouzol. Notre collègue Frank Riester a déclaré tout à l’heure qu’il y avait eu trop d’immobilisme. Je le remercie de cet aveu éclairant sur le bilan de la majorité précédente, que nous devons affronter aujourd’hui.

En ce qui concerne France Télévisions, je suis d’ailleurs surpris de l’argumentation de nos collègues UMP. Alors qu’ils ont accumulé les déficits publics au cours des dix années passées, ils reprochent aujourd’hui au groupe SRC de ne pas procéder à des économies. Et quand il est question de solliciter des efforts de gestion de la part de France Télévisions sans remettre en cause la réalisation de ses missions, la nouvelle majorité se voit reprocher de ne pas dépenser assez. Cherchez la cohérence ! Il y a là une différence majeure avec nous, qui portons une vraie stratégie et un vrai projet.

Sur la presse, je remercie M. Michel Françaix pour la qualité de son travail. Il a décrit un budget d’urgence et de sauvetage, tout en esquissant la nécessité de repenser un système d’aides à la presse dont l’efficacité peut être mise en doute, au regard des exemples retentissants de France Soir, du groupe Hersant ou de Presstalis. Une réflexion globale doit effectivement être menée et le rapport ouvre à cet égard des pistes intéressantes pour les années à venir, qu’il s’agisse de la pertinence des aides à La Poste, des aides au portage, mais aussi du livre numérique. À cet égard, j’ai pu constater l’été dernier à Londres que les Britanniques se sont bien plus largement que nous emparés de cet outil, ce qui me fait penser que cette révolution ne tardera pas à concerner la France.

En tout état de cause, ce budget nous permet de répondre à l’urgence qui se dresse devant nous. Alors qu’Antonio Gramsci déclarait que l’ancien monde ne parvient pas à mourir tandis que le nouveau n’arrive pas à naître, notre défi est aujourd’hui d’éviter que l’ancien monde ne meure trop rapidement et notre responsabilité commune de tout faire pour que le nouveau monde naisse. Il me semble que la situation de la presse et du livre est suffisamment dramatique pour que ces objectifs fassent consensus parmi nous.

M. Frédéric Reiss. J’ai découvert avec intérêt le rapport décoiffant, pour ne pas dire décapant, de Mme Martine Martinel. J’aurais néanmoins aimé qu’y figure la liste des personnes auditionnées, comme dans les deux autres rapports examinés ce matin.

Comme M. Franck Riester, je considère que la hausse de la redevance dans le projet de loi de finances pour 2013 ne suffira pas à financer l’audiovisuel public. Comme dans d’autres domaines, la gauche veut tout remettre à plat. Le groupe UMP se montrera particulièrement attentif à la traduction de ces orientations budgétaires, car le COM 2011-2015 de France Télévisions comportait des perspectives intéressantes qu’il serait bienvenu de conserver – je pense à la montée en puissance des programmes régionaux, au développement du numérique, à l’investissement dans les œuvres audiovisuelles –, dont la mise en œuvre demande une certaine durée et qui risquent ainsi de se voir remises en cause. Je pense également que l’objectif de diffuser une information et des œuvres de tous genres et de satisfaire tous les publics dans un contexte budgétaire contraint sera une équation difficile à résoudre.

Mme Brigitte Bourguignon. Je félicite nos trois rapporteurs pour leurs travaux. J’ai porté, plus particulièrement mon attention sur l’avis relatif au livre et aux industries culturelles.

Ce budget pour 2013 est responsable et répond aux exigences, en préservant le livre et les industries culturelles, notamment en ce qui concerne l’accès du plus grand nombre sur tout le territoire. La concertation menée par le ministère avec le secteur du livre, les éditeurs et les collectivités locales prend tout son sens aujourd’hui et elle s’inscrit au premier plan des politiques publiques qui seront menées sous cette législature. On ne peut que s’en féliciter tous.

D’autre part, on doit relever que la diminution du taux de la TVA sur le prix du livre a constitué un véritable appel d’air pour les librairies indépendantes, auxquelles nous sommes tous attachés, même si des ajustements demeurent nécessaires. Je soulignerai néanmoins la spécificité du métier de libraire, qui s’appuie moins sur le ressort financier que sur la passion. J’estime moi aussi qu’il doit relever le défi numérique. De ce point de vue, le ministère ne peut se substituer aux acteurs ; il a le souci, c’est son rôle et sa force, de faire évoluer le cadre juridique applicable.

Face à la concurrence d’Amazon, le rempart de nos librairies traditionnelles est le prix unique du livre : au Royaume-Uni, les librairies ferment parce que le prix unique du livre n’y a pas été maintenu. La question des frais de port se pose néanmoins, car c’est le levier principal dont se sert Amazon aujourd’hui.

Certes, le portail « 1001.librairies.com » initié par le Syndicat de la librairie française est un échec. Toutefois, cela souligne moins que l’idée est mauvaise que la nécessité de retravailler le dispositif. Je pense, en outre, qu’il faut réfléchir à l’accès des libraires aux marchés publics des livres achetés par les bibliothèques ; c’est une piste qu’il convient, à mon sens, de travailler, même si des conclusions sur le sujet seront bientôt rendues à Bercy.

Pour ce qui concerne la Hadopi, au-delà des moyens, il me semble nécessaire de considérer la question de l’efficience du dispositif. Les conclusions en la matière manquent pour l’instant, ce qui me conduit à émettre des réserves.

Enfin, j’observe que la suggestion de taxer chaque ligne de commande d’ouvrages passée par le réseau DILICOM n’est pas accueillie favorablement ni par les libraires, me semble-t-il, ni par les éditeurs qui doutent même de son caractère productif. Je pense donc que la réflexion sur une telle proposition doit se poursuivre.

M. Gérald Darmanin. Dans son rapport, Mme Martine Martinel évoque la problématique de la fusion entre le CSA et l’ARCEP tout en expliquant que ni l’une ni l’autre de ces deux autorités administratives indépendantes ne veulent d’un tel rapprochement. J’observe également que la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), répondant à une interrogation de notre collègue Lionel Tardy lors de son audition par la Commission des lois de notre Assemblée, s’est elle-même montrée réservée sur l’idée d’un rapprochement de son autorité avec le CSA ou l’ARCEP. Autrement dit, aucune autorité administrative indépendante ne souhaite disparaître. Or, dans un contexte budgétaire difficile, il me semble que le législateur ne peut perdre de vue la question principale : celle de l’efficience, du rapport coût / efficacité. J’aimerais donc connaître plus avant le point de vue de notre rapporteure pour avis sur le sujet. Comment réaliser des économies sur les dotations de ces autorités administratives indépendantes, rendre leur action plus efficace et engager leur rapprochement ?

M. Vincent Feltesse. Il me semble important de souligner que la crise des librairies en France ne résulte pas uniquement de l’arrivée du livre numérique, car son développement dans notre pays est assez faible. D’ailleurs les libraires eux-mêmes reconnaissent que ce n’est pas Amazon qui va les faire disparaître puisqu’ils auront disparu bien avant que ce concurrent n’ait pris une position dominante. Avant de résoudre le problème de la transition vers le numérique, il convient de mettre en place un plan d’action à court terme.

La loi relative au prix du livre du 10 août 1981 a permis de préserver le réseau des librairies indépendantes en France, sans coûter beaucoup aux finances publiques. D’autres paramètres, tel le coût des loyers et du foncier, évoqué de manière très intéressante par le rapport Piron-Charié, ou l’accès aux marchés publics mériteraient d’être examinés plus en détail.

Il faut en outre souligner que les acteurs du livre ne sont pas unis. La baisse du taux de TVA sur le prix du livre, notamment, a représenté une vraie difficulté pour les libraires puisque les éditeurs n’ont pas pris position. Il y a d’ailleurs un jeu de rôles parfois pervers, les éditeurs expliquant par exemple aux auteurs qu’ils peuvent les payer moins car ce sont les libraires vont financer certaines opérations d’animation.

Enfin, chacun voit bien que la régulation à l’ère du numérique, ainsi que la fusion entre l’ARCEP et le CSA sont des sujets complexes et passionnels, qui traversent les courants politiques. Ce n’est pas le président de notre Commission qui me contredira. Je pense que, sur cette question, la représentation nationale devrait anticiper les décisions en menant, en parallèle de la mission confiée à M. Pierre Lescure, sa propre réflexion.

M. le président Patrick Bloche. Ne me tentez pas trop !

M. Christian Kert. Madame Martinel, la mesure visant à supprimer la publicité sur France Télévisions à partir de 20 heures n’a pas été prise « comme ça ». Elle a été précédée d’une véritable réflexion, nourrie par un constat. En effet, il devenait visible qu’il n’y avait quasiment plus de différence entre les écrans publics et les écrans privés. Dès lors, il fallait tenter de dissocier l’aspect marchand de la télévision de son aspect culturel. Il fallait par conséquent faire moins dépendre l’audiovisuel public de la publicité. On peut certes contester ce choix, mais il est le fruit d’une réelle politique en matière d’audiovisuel public.

En outre, cette décision tenait compte de « l’éclatement » du marché publicitaire – désormais partagé entre dix-neuf chaînes –, cette donnée rendant d’autant plus nécessaire une décision concernant la trop grande dépendance du secteur public. On en attendait de plus une retombée « intellectuelle », avec l’émergence de programmes davantage différenciés et moins attachés à la publicité. À cet égard, selon vous, madame la rapporteure, faut-il revenir sur cette décision ou considérez-vous que l’aspect qualitatif doit continuer de primer, ce qui impliquerait que les écrans publics soient toujours dispensés de publicité à partir de 20 heures ?

Par ailleurs, j’aimerais interroger M. Michel Françaix sur les aides à la presse, dont il a souligné, avec justesse, le caractère prioritaire. Concrètement, que faudrait-il faire pour « redisposer » ou réaménager ces aides ? Ne faudrait-il pas renforcer les crédits destinés à l’aide au portage, au lieu de ceux destinés à La Poste ?

M. Yves Daniel. Clairement, la distribution de la presse en milieu rural constitue un enjeu de service public. Elle est aussi un enjeu économique, les commerçants qui participent à cette mission pouvant ainsi conforter leur activité. Cette politique constitue, enfin, un enjeu social, parce qu’elle permet d’entretenir, dans certaines zones isolées, le lien social. Je voudrais donc être rassuré sur le sens que donne M. Michel Françaix à la préconisation de son rapport selon laquelle « Une réflexion s’impose donc sur ce que peut être la bonne combinatoire entre portage, postage et vente au numéro, en fonction du type de presse mais aussi de la zone géographique concernés, et sur la manière la plus intelligente de répartir l’aide publique en fonction de ce qui en ressort ». Malgré la prise de conscience généralisée des difficultés que connaît la presse, il faut aussi s’inquiéter de la disparition de petits commerces essentiels au maillage des territoires. Je souhaitais appeler l’attention du rapporteur sur cette urgence.

M. Michel Herbillon. Je remercie Mme Sonia Lagarde d’avoir insisté sur l’urgence à aider les librairies indépendantes. Mais puisqu’il faut agir vite, selon quelles modalités conviendrait-il de le faire, et avec quelles aides ? À M. Michel Françaix, je poserai la même question : que faire pour améliorer, dans de brefs délais, le dispositif du portage ? Quelles sont vos propositions en la matière ?

Quant à Mme Martine Martinel, je suis toujours surpris de cette contradiction entre votre affabilité et votre élégance naturelles et vos propos au vitriol sur France Télévisions – c’est la deuxième année de suite que je la relève. Notre rapporteure parle en effet de « difficultés », « défaut de pilotage ». On a le sentiment d’être à l’« année zéro » de l’audiovisuel public ou qu’il n’y pas eu, ces dernières années, de débat sur le sujet… Ce niveau de critique revient à remettre en cause le travail des dirigeants et des équipes de France Télévisions, pourtant considérable. En outre, celui-ci s’effectue, aujourd’hui, dans un contexte de diminution des crédits – 196 millions d’euros de subventions en moins et une baisse de 30 % des crédits de la mission « Médias ». Dans un tel contexte, on ne peut plus imputer la responsabilité de la situation de la télévision publique à ses seuls dirigeants… Je voudrais d’ailleurs demander à notre collègue comment l’audiovisuel public pourra assurer ses missions et les nouvelles missions qu’elle propose avec autant de crédits en moins. Nous serons, de toute manière, obligés de revoir le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions. Or comment fait-on face à un contexte aussi dégradé, surtout quand on ajoute vos propos à ceux de la ministre qui a opposé, publiquement, la qualité et l’audimat alors qu’ils doivent, selon moi, se rejoindre ?

Mme Claude Greff. Je vous trouve bien sévère, Mme Martine Martinel, avec France Télévisions et, surtout, avec le CSA. Or, s’agissant de la télévision raccordée à internet, il y a là un vrai danger et il était judicieux que le CSA propose des solutions pour protéger nos enfants. En ce qui concerne la presse, M. Michel Françaix, vous évoquez « la presse citoyenne ». Mais que veut dire cette expression ? Voulez-vous opposer les différentes presses entre elles, comme vous le faites d’ailleurs avec les Français ? Je ne vois pas en quoi la lecture de Gala, qui est lu par des millions de concitoyens, ne mériterait pas notre attention, comme d’autres publications. Mais il est vrai aussi que l’une d’entre elles a titré « les cocus de M. Hollande », ce qui ne doit pas vous plaire… D’ailleurs, à suivre l’évolution du budget de la culture, on peut se demander si celle-ci n’en fait pas partie.

M. Lionel Tardy. Je souhaiterais aborder la question de l’exploitation des fonds numérisés. L’article 11 de la loi du 11 juillet 1978 portant régime général des archives fixe un régime particulier pour les données culturelles. Un récent arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 4 juillet 2012 semble sérieusement remettre en cause ce statut : l’open data, accès libre et gratuit à des données réutilisables, concerne également les données culturelles détenues par les institutions culturelles. Quelles recettes sont actuellement tirées de l’exploitation de ces fonds numérisés et sont-elles menacées ?

L’équilibre des grandes institutions culturelles est en effet fragile, et on les incite beaucoup à exploiter leurs fonds pour trouver des recettes propres. Certains, comme M. Pascal Rogard, délégué général de la SACD, plaident pour un domaine public payant où l’État et les personnes publiques géreraient le domaine public comme un propriétaire privé gère son patrimoine. Cette solution me gêne beaucoup, car ce serait un dévoiement du domaine public, qui est un bien commun. La question est toutefois posée : quelles peuvent être les ressources propres pour les institutions culturelles, à partir de l’exploitation de leurs fonds ?

Ma deuxième question porte sur la numérisation des œuvres détenues dans les collections de la BnF. Où en est-on ? Il semblerait qu’il y ait quelques soucis avec le prestataire, tant dans la mise en œuvre, qui a pris du retard, que sur la qualité de la numérisation, avec des dégradations sur les ouvrages numérisés. Ces difficultés ont-elles été résolues et quel en a été l’impact financier ?

Ma dernière question aura trait à l’accord signé en juin dernier entre le Syndicat national de l’édition française et Google qui prévoit que les deux parties établiront des listes d’œuvres numérisables. Quel en sera l’impact alors que la loi du 1er mars 2012 relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle a chargé la BnF de sélectionner avec les éditeurs les œuvres qui feront l’objet d’une numérisation. Cette opération devait être financée par le Grand emprunt. Qu’en est-il ?

M. le président Patrick Bloche. Je me permets de faire une brève intervention sur le fond de nos débats. La confrontation des points de vue se fait, spontanément et naturellement, sur France Télévisions. L’opposition défend un bilan qui s’étend sur dix années et la nouvelle majorité défend, logiquement, les positions qui étaient les siennes sous les précédents quinquennats. Bien entendu, nous nous retrouvons tous autour de la nécessité de défendre un audiovisuel public de qualité. Mais, ces dernières années, des décisions ont été prises et elles pèsent lourd, comme je l’ai rappelé vendredi dernier, dans l’hémicycle.

Entre 2002 et 2009, il n’y pas eu d’augmentation de la redevance – elle n’était alors pas indexée sur le coût de la vie. En 2005, la redevance sur les résidences secondaires a été supprimée, ce qui a représenté 300 millions d’euros de manque à gagner. En 2009, enfin, la publicité en soirée sur les chaînes publiques a été supprimée, soit 450 millions d’euros en moins pour l’audiovisuel public, cette dernière décision était motivée par la volonté de sortir ce secteur de sa dépendance à l’égard des ressources publicitaires et de l’audimat.

Or, que s’est-il passé en dix ans en ce qui concerne le financement de l’audiovisuel public ? En 2002, celui-ci reposait sur deux piliers, la redevance et la publicité. Dix ans après, plus précisément à partir de 2009, le budget de l’État est fortement sollicité pour compenser ces différents manques à gagner. Certes, on me fera valoir la taxe sur les opérateurs de télécommunications, mais celle-ci rapporte non pas 450 millions d’euros, mais seulement 250 environ et fait actuellement l’objet d’un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne qui rendra sa décision mi-2013. Certes, il y a toujours les recettes publicitaires en journée, soit 350 millions d’euros en 2009, montant à 410-420 millions en 2011 pour retomber à 350 millions cette année… Combinés, tous ces éléments conduisent à solliciter de manière continue le budget de l’État alors que nous connaissons une période de restrictions budgétaires. Quand on ne parvient pas à « joindre les deux bouts », on peut être amené à augmenter, de manière exceptionnelle, la redevance de 2 euros. Il nous faudra donc être imaginatifs, même si, au final, la solution sera binaire et reviendra à agir soit sur les recettes publicitaires, soit sur la redevance.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Je reconnais que ce rapport, qui concerne un sujet particulièrement complexe, a été mis tardivement à la disposition des commissaires. Cependant, si celui-ci ne contient pas la liste des personnes auditionnées, ce n’est nullement en raison d’une volonté de rétention de l’information, mais simplement parce que celle-ci n’est pas encore finalisée. Je peux néanmoins vous confirmer que j’ai reçu l’ensemble des représentants des chaînes publiques et privées, du CSA, de l’ARCEP, du Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions (SIRTI) et des différents syndicats.

Si ce rapport est « décoiffant », j’espère au moins que la rapporteure n’est pas décoiffée ! Vous jugez mon constat trop sévère sur France Télévisions : je pense qu’un rapporteur doit remplir sa mission de contrôle, faire un constat objectif de la situation, dire ce qui est utile pour le débat public et éviter la flagornerie. Le constat dressé par ce rapport doit permettre de nourrir le débat pour la future loi sur l’audiovisuel que nous appelons de nos vœux.

M. Michel Herbillon. Je trouve ce rapport très anxiogène pour les salariés de France Télévisions.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Les salariés de France Télévisions que j’ai rencontrés sont surtout très angoissés par la situation actuelle. Le rôle du rapporteur est aussi de relayer ce qui a été dit en audition et non de travestir la réalité.

Mme Claude Greff. Il est regrettable que le rapport ait été mis à la disposition des députés si tardivement…

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Certes vous en prenez connaissance ce matin, mais, Mme Claude Greff, vous semblez être une excellente lectrice de Gala, je ne doute donc pas que vous soyez aussi une excellente lectrice des rapports parlementaires. Sur le fond, je suis favorable à une consolidation des moyens de France Télévisions, mais cela ne peut se faire sans contreparties du groupe en matière de gestion. Il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de reconnaître qu’il existe des problèmes de gestion. S’agissant du financement public, le gouvernement précédent a, comme M. Franck Riester le sait parfaitement, diminué chaque année la subvention, au motif qu’il y aurait eu des excédents publicitaires.

Je me contenterai de citer le rapport : « le contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2011-2015 de France Télévisions, signé en novembre 2011, prévoyait un niveau de ressources publiques en croissance moyenne de 2,2 % par an sur la période. Rappelons que ce COM »  signé sous votre majorité « était basé sur une trajectoire de recettes publicitaires que la rapporteure pour avis avait jugée irréaliste. (…) S’agissant des ressources publiques, rappelons que les engagements du COM ont été remis en cause quelques semaines après sa signature, à travers une réduction de 15 millions d’euros de la dotation de France Télévisions en loi de finances initiale, suivie d’une réduction de 6 millions d’euros en première loi de finances rectificative pour 2012, et enfin de 6 millions d’euros par gel de la réserve de précaution… Pour 2012, les ressources publiques du groupe sont donc déjà en recul de 27 millions d’euros par rapport aux hypothèses du COM. Cette réduction s’ajoutant au recul des recettes publicitaires, pour 2012, les ressources sont donc inférieures de 77 millions d’euros aux prévisions. » Le premier responsable de cette situation n’est donc pas France Télévisions mais bien l’État.

M. Michel Herbillon. Je regrette qu’on évoque une fois de plus l’héritage !

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Mme Claude Greff trouve que mon constat sur le CSA est trop sévère. Pourtant, la rapporteure que je suis ne peut que constater certaines anomalies et certaines zones d’ombre. Mon objectif est d’améliorer la régulation du secteur de l’audiovisuel – notamment dans le cadre d’un rapprochement avec l’ARCEP – et la faiblesse des actions du CSA peut être préjudiciable au secteur. Trouvez-vous normal que le CSA ait lancé six nouvelles chaînes sans études d’impact et sans consultation préalable, qu’il dénumérote des chaînes locales en grande difficulté ou qu’il refuse de communiquer aux parlementaires des chiffres permettant de vérifier le respect de la loi ? Si tel est le cas, nous sommes en désaccord. S’agissant de la télévision connectée, je dis seulement qu’à ce stade, les observateurs montrent que son impact est limité.

L’audiovisuel extérieur de la France et les relations entre l’ARCEP et le CSA n’ont pas été oubliés dans le rapport. En conclusion, je pense qu’une réflexion sur France Télévisions, ses missions, l’identité de ses chaînes et de ses ressources, y compris la publicité et le partage des droits de propriété avec les producteurs, est indispensable afin de garantir un service public de qualité.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis. Rapportées au nombre de journaux vendus, les aides à la presse n’ont pas baissé, bien au contraire. La presse bénéficie d’un total d’aides qui représente environ 11 % de son chiffre d’affaires, contre un peu plus de 9 % il y a quelques années. Il faut donc tenir compte de la diminution du nombre de journaux vendus pour juger de l’évolution de ces aides, même si je souhaiterais aussi que ces aides augmentent. Certes la situation de Presstalis a fait perdre du temps, mais cet organisme était au bord du dépôt de bilan et il a fallu trouver des solutions. Le dispositif proposé est satisfaisant même si je reconnais qu’il comprend une part de « rafistolage ». S’agissant de la TVA numérique, je ne suis pas favorable à un taux de 2,10 % pour toute la presse en ligne, mais pour la presse numérique dans laquelle travaillent des journalistes.

Je suis favorable, comme l’unanimité d’entre nous, au développement du portage pour la presse. Mais l’aide postale freine le développement du portage, alors même que La Poste ne répond pas aux besoins de la presse quotidienne, car elle livre les abonnés bien trop tard. Le problème du portage est qu’on ne sait pas quel acteur est le plus efficace pour l’effectuer et comment limiter le coût du dernier kilomètre. Il ne faut pas que le portage se concentre sur les seules zones rentables, ce qui est le cas aujourd’hui. La question du portage est donc particulièrement complexe et il faut réfléchir à toutes les pistes envisageables pour le développer, notamment la globalisation des aides à la distribution, qui permettrait à chaque éditeur de se distribuer selon le vecteur le plus adapté. Je rappelle néanmoins que les abonnements à la presse régionale sont déjà portés à 83 %, ce qui peut laisser penser que le développement du portage atteint un plafond pour ce type de presse. La presse quotidienne régionale a d’ailleurs largement bénéficié des aides au développement du portage. En 2011, elle a perçu 48 millions d’euros d’aide au portage alors que le nombre d’exemplaires de presse régionale portés n’a pas augmenté. Pour améliorer l’efficacité de l’aide au portage, il faut également trouver le bon calibrage entre l’aide au flux et l’aide au stock.

Je dirai que la presse « citoyenne » est celle dans laquelle les idées de droite, de gauche ou du centre peuvent être défendues. Les autres journaux, de sport ou de loisirs par exemple, n’ont pas besoin d’une aide du contribuable et je suis favorable à ce que la presse citoyenne soit privilégiée en matière d’aides.

Mme Sonia Lagarde, rapporteure pour avis. Concernant Amazon, il ne s’agit pas bien entendu de faire de la concurrence à un acteur aussi puissant que celui-ci. Il s’agit simplement de s’organiser. On a constaté l’échec du portail « 1001.librairies.com » mis en place par le Syndicat de la librairie française. Il faut aujourd’hui trouver une solution alternative et prendre place dans le dispositif, comme la profession en convient unanimement.

Concernant les animations qui peuvent être faites en librairie, il importe de les développer. Elles constituent un vrai service qu’apportent les libraires et que ne peuvent pas fournir les prestataires de vente en ligne.

Par ailleurs, le reproche m’a été fait de n’avoir pas évoqué la question des loyers des librairies. J’en fais état pourtant dans mon rapport que je me permets de citer : « Selon le Syndicat de la librairie française, la marge des libraires se situe dans une fourchette allant de 0,6 % à 2 %. Les difficultés proviennent en majeure partie de la faible marge de manœuvre dont ils disposent pour améliorer leur rentabilité. Leurs charges fixes progressent de 2 % à 3  % par an, à la fois en raison de l’augmentation des charges immobilières, notamment des loyers, surtout en centre-ville, mais aussi de l’accroissement des charges salariales. » Il y a là un vrai souci pour la profession.

J’en viens maintenant aux marchés publics. Il est bien évidemment important d’accroître la commande publique. Le marché des collectivités publiques représente 18 % des ventes des librairies indépendantes. Se voir attribuer un marché public, par exemple celui d’une bibliothèque, est bien sûr bénéfique pour le libraire, et ce à plus d’un titre. En effet, son carnet de commandes est sécurisé et le volume de ses ventes augmente. C’est pourquoi j’attends avec impatience les propositions du ministère de la culture et de la communication sur ce sujet.

Pour ce qui concerne l’aide à la librairie indépendante, évoquée par M. Michel Herbillon, une piste extrêmement intéressante est mentionnée dans le rapport de M. Bruno Parent. Elle concerne le réseau Dilicom, qui gère chaque année 100 millions de lignes de commande provenant de tous les acteurs du marché du livre. Les libraires utilisent ses services, mais également la grande distribution spécialisée. La proposition de M. Bruno Parent qui consiste à prélever des centimes additionnels sur ces commandes serait indolore du point de vue des finances publiques. Il faudrait faire payer un peu plus les libraires, mais leur syndicat, contrairement à ce qui a été dit, ne s’y oppose pas. Ce serait, il est vrai, un peu plus compliqué pour les éditeurs. En tout cas, cela permettrait de collecter pas moins de 3 millions d’euros par an, somme qui pourrait s’ajouter aux fonds dévolus aux libraires au travers du Centre national du livre. Cela présenterait aussi l’avantage non négligeable de mettre Amazon dans la boucle du paiement.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2013 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

ANNEXE 1 :

LISTE DES BÉNÉFICIAIRES DU FONDS D’AIDE AU DÉVELOPPEMENT DES SERVICES DE PRESSE EN LIGNE

Service de presse en ligne

Éditeur

investir.fr

Investir publications

charentelibre.com

La Charente libre

midilibre.com

Société du journal midi libre

surfsession.com

Surf session

canalacademie.com

Canal académie

lemondeinformatique.fr

It news info

lesechos.fr

Les Échos

20minutes.fr

20 minutes France sas

directmatin.fr

Direct digital

youphil.com

YouPhil

owni.fr

22 mars

sudouest.com

SA de presse et d’édition du sud ouest

terredevins.com

Editions périodiques du midi

larepubliquedespyrenees.fr

Pyrénées presse

lequotidiendumedecin.fr

Ste d’éditions scientifiques et culturelles

la-marne-agricole.com

Champagne éditions

fenetreeurope.com

Fenêtre sur l’Europe

lerevenu.com

Le revenu français éditions

lemensuel.com

Service de communication et de rédaction d’informations en Bretagne-Sud

yagg.com

Lgnet

jeuneafrique.com

SIFIJA – Société internationale de financement et d’investissement

latribune.fr

Tribune Desfosses

monquotidien.fr

Play Bac presse

lavieimmo.com

Money web

moto-net.com

Altapresse

lavie.fr

Malesherbes publications

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22 mars

ANNEXE 2 :

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø M. Patrick Eveno, professeur à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne en histoire des médias,

Ø Messageries lyonnaises de presse (MLP) – M. Jean-Claude Cochy, président, et M. Patrick André, directeur délégué,

Ø Syndicat de la presse hebdomadaire régionale (SPHR) –M. Bruno Hocquart de Turtot, directeur,

Ø Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR) – M. Jean Viansson Ponté, président, et Mme Haude d’Harcourt, conseillère chargée des relations avec les pouvoirs publics,

Ø M. Pierre Legrand, responsable du kiosque à journaux du Bd St Germain à Paris,

Ø M. Yves Agnès, ancien rédacteur en chef du Monde en charge du service Education, auteur de « Manuel de journalisme », « Le grand Bazar de l’info »,

Ø Alternatives économiques – M. Thierry Pech, directeur de la rédaction,

Ø Inspection générale des finances (IGF) – M. Jacques Le Pape, chargé d’une mission sur Presstalis,

Ø Cabinet Mazars – M. Marc Schwartz, et M.  Laurent Inard, auteurs d’un rapport sur Presstalis pour le CSMP,

Ø Union nationale des diffuseurs de presse (UNDP) – M. Gérard Proust, président,

Ø Coopérative de distribution des magazines (Presstalis) – M. Hubert Chicou, président,

Ø Syndicat national des journalistes (SNJ) – M. Anthony Bellanger, premier secrétaire général, Mme Dominique Pradalié, secrétaire générale, rédactrice en chef à France 2, M. François Ollier, secrétaire général, reporter à France 3, et M.  Olivier Da Lage, vice-président de la Fédération internationale des journalistes, rédacteur en chef à RFI,

Ø Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) – M. Jean-Pierre Roger, président, et M. Guy Delivet, directeur général,

Ø Association de la presse d’information politique et générale, Mme Nathalie Collin, présidente, et M. Denis Bouchez, directeur,

Ø Mme Laurence Lessertois, mandataire du tribunal de commerce auprès de Prestalis,

Ø Syndicat national des dépositaires de presse (SNDP) – M. Stéphane d’Altri o Dardari, président, et M. Dominique Gil, directeur,

Ø Les indignés du PAF – M. Philippe Guihéneuf, et M. Jean-Luc Martin-Lagardette,

Ø Alternatives économiques – M. Philippe Frémeaux,

Ø Neopress – M. Stéphane Sentis, président, et Mme Simone Sampieri, directeur des activités presse au groupe La Poste,

Ø 20 minutes– M. Pierre-Jean Bozo, président,

Ø Cabinet Kurt Salmon – M. Hervé Digne, senior partner, et M. Guillaume Raoux, senior manager,

Ø Agence France Presse (AFP) – M. Emmanuel Hoog, président,

Ø Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL) – M. Maurice Botbol, président d’Indigo publications, M. Laurent Mauriac, membre de rue 89, et M. Edwy Plenel, secrétaire général de médiapart,

Ø Cabinet de la ministre de la culture – M. Gilles Le Blanc, directeur adjoint, conseiller presse,

Ø Fédération nationale de la presse spécialisée (FNPS) – M. Christian Bruneau, président et Mme Marianne Bérard-Quélin, vice-présidente,

Ø Direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture et de la communication (DGMIC) – Mme Laurence Franceschini, directrice générale, et Mme Sylvie Clément Cuzin, directrice de la presse écrite,

Ø Fédération des travailleurs des industries du livre, du papier et de la communication FILPAC- CGT – M. Marc Peyrade, secrétaire général,

Ø Presstalis – Mme Anne-Marie Couderc, présidente du conseil d’administration,

Ø M. Arnaud de Puyfontaine, Chief Executive, Hearst Magazines UK, Executive VP, Hearst Magazines International, ancien directeur de pôle des États généraux de la presse écrite,

Ø Autorité de la concurrence – M. Bruno Lasserre, président,

Ø M. Gérard Rameix, ancien médiateur du crédit, chargé d’une mission sur Presstalis,

Ø Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) – M. Marc Feuillée, président, et M. Denis Bouchez, directeur,

Ø M. Jean-Marie Charon, sociologue, spécialiste des médias,

Ø Ministère de l’économie et des finances – Direction du budget – 8e sous-direction – M. Alexandre Grosse, sous-directeur, M. Alexandre Tisserant, chef de bureau et M. Julien Neutre, attaché,

Ø Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) – M. Bruno Lesouëf, président, et Mme Pascale Marie, directeur général,

Ø Syndicat de la presse gratuite (SPG) – M. Michel Gaudron, président

Ø Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) – M. Roch-Olivier Maistre, président,

Ø M. Bernard Spitz, coordinateur des États généraux de la presse écrite.

© Assemblée nationale

1 () Cette aide s’inscrit dans la continuité de l’ancienne première section de l’aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l’étranger, qui est abrogée à compter de 2012, et dont l’un des axes était de soutenir la diffusion de la presse française à l’étranger par la réduction du coût du transport à l’étranger des titres diffusés par vente au numéro. Depuis 2008, les crédits destinés à cet objectif (d’un montant de 0,85 million d’euros en 2010 et en 2011) étaient centrés sur la seule presse d’information politique et générale et Presstalis en était l'unique bénéficiaire au titre de son activité de transport.

2 () Ce fonds d’aide est divisé en deux sections. L’aide attribuée au titre de la première section du fonds bénéficie aux quotidiens locaux répondant à certaines conditions relatives au prix de vente, à la diffusion et au tirage moyens et au pourcentage de recettes de petites annonces dans leurs recettes publicitaires totales. L’aide attribuée au titre de la seconde section bénéficie à des quotidiens locaux qui ne sont pas éligibles à la première section, mais qui répondent tout de même à un certain nombre de conditions relatives au prix de vente, à la diffusion et au tirage moyens ainsi qu’au pourcentage de recettes de petites annonces dans leurs recettes publicitaires totales et dont plus du quart de la diffusion payée est assurée par voie d’abonnement postal.

3 () Le décret n° 2005-1096 du 2 septembre 2005 a déterminé les caractéristiques du dispositif spécifique de cessation d’activité mis en place pour les salariés de la presse quotidienne nationale parisienne. S’agissant des salariés de la presse quotidienne en régions, le décret n° 2006- 657 du 2 juin 2006 a déterminé les caractéristiques du dispositif spécifique de cessation d’activité.

4 () Seize millions d’exemplaires de quotidiens nationaux sont portés en 2010 par les structures de portage de la PQR dans les principales grandes villes et leurs agglomérations : Paris, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Montpellier, Tours, Rennes. La mutualisation des structures de portage a été également profitable dans et tout autour des villes de taille moyenne : Mulhouse, Pau, Perpignan, Nîmes, Poitiers, et jusque dans les territoires ruraux ou semi-ruraux : Midi, Languedoc, Bretagne, Loire-Atlantique, Centre.

5 () Selon les informations transmises par la DGMIC, le SPQN a été mandaté par des éditeurs pour porter des projets collectifs en 2011, conformément aux dispositions de l’ancien fonds de modernisation. Le comité d’orientation du 16 juin 2011 a accordé une subvention de 3 519 223 euros au SPQN pour le projet « Centre d’impression numérique en Corse pour l’ensemble des quotidiens nationaux ». Par ailleurs, 2 autres projets du SPQN ont été subventionnés en 2011 : une étude pour la construction et la modélisation d’un nouveau modèle pour la distribution de la PQN en France (74 073 euros) et la construction d’un plan de mise en œuvre d’un projet de réforme de la distribution de la presse par la mutualisation PQN/PQR (177 784 euros).

6 () IGF, analyse de l’efficacité des aides à la presse, décembre 2009.

7 () À ce taux super réduit, s’ajoutent l’exonération de contribution économique territoriale (anciennement taxe professionnelle), qui bénéficie à l’ensemble des titres (payants ou gratuits, papier ou en ligne) mais n’est pas chiffrée, et divers dispositifs fiscaux (régime de provision pour investissement, déductions d'impôts pour souscription au capital d'une entreprise de presse) dont l’impact est évalué à un « montant symbolique » de 1 million d’euros dans les documents budgétaires.

8 () Lundi 15 octobre 2012.

9 () Les aides concernées sont l'ensemble des aides directes ainsi que l'aide au transport postal de la presse.

10 () Le mandat ad hoc est la première étape des procédures préventives des difficultés des entreprises. Elle consiste à demander au tribunal de commerce compétent de nommer un professionnel extérieur et indépendant de l’entreprise, qui doit aider celle-ci à analyser sa situation et à trouver des solutions. Le mandant ad hoc est une procédure souple, les dirigeants continuant à assurer la gestion de l’entreprise. La procédure du mandat ad hoc n’est possible qu’à la condition que l’entreprise ne soit pas en cessation de paiement ou soit en cessation de paiement depuis moins de quarante-cinq jours. Le mandataire ad hoc peut réunir les créanciers de l’entreprise pour établir une restructuration des dettes, formalisée par un accord écrit.

11 () La presse (comme la librairie) recourt aux contrats Ducroire sur l’ensemble de la chaîne de la vente au numéro : les titres de presse sont mis à disposition des différents niveaux tout en demeurant la propriété des éditeurs. C’est au moment de l’achat par le lecteur que se fait le transfert de propriété. Le flux financier s’établit donc du diffuseur vers l’éditeur, chacun faisant remonter les recettes perçues, en prélevant son dû au passage. Parallèlement, les invendus retournent aux éditeurs. Ainsi, la prestation de service que fournit Presstalis aux éditeurs ne donne pas lieu à un paiement effectif de l’éditeur à Presstalis mais à une retenue à la source par Presstalis de sa rémunération sur les recettes qu’il restitue à l’éditeur. Après des débats juridiques, les parties se sont entendues sur le fait que cette trésorerie Ducroire pouvait être utilisée par Presstalis dès lors que la société avait des perspectives d’activité crédibles sur moyen terme.