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N° 252

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2013,

TOME VII

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

Par Mme Sonia LAGARDE,

Députée.

___

Voir le numéro : 235, 251 (annexe n° 33).

INTRODUCTION 7

LA FILIÈRE DU LIVRE EN NOUVELLE-CALÉDONIE 9

I.- L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS EN FAVEUR DU LIVRE ET DES INDUSTRIES CULTURELLES 11

A. L’ACTION « LIVRE ET LECTURE » 11

1. Le soutien à la chaîne du livre : le Centre national du livre (CNL) 11

a) Le budget 12

b) Les missions 12

2. Le soutien aux bibliothèques 13

a) La Bibliothèque nationale de France (BnF) 13

b) La Bibliothèque publique d’information (BPI) 14

c) Les bibliothèques municipales et départementales de prêt 15

B. L’ACTION « INDUSTRIES CULTURELLES » 15

1. La musique enregistrée 15

2. Le cinéma 16

3. La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) 16

II.- LA LIBRAIRIE : UNE SITUATION PRÉOCCUPANTE 19

A. UN SECTEUR CLÉ DE LA CHAÎNE DU LIVRE 19

1. Un secteur hétérogène 19

2. Un secteur fragilisé 21

3. Un secteur menacé 21

4. Un secteur aidé 22

a) L’aide de l’État 22

b) Les aides interprofessionnelles 25

c) Les aides des collectivités territoriales 25

B. AMÉLIORER LA MOBILISATION EN FAVEUR DE LA LIBRAIRIE 27

1. Rationaliser le dispositif des aides 28

a) Une meilleure coordination 28

b) Une répartition plus claire des rôles 29

c) Des mécanismes plus opérationnels 29

d) La mise en place d’un suivi des aides 30

2. Soutenir le secteur face aux évolutions 30

a) Améliorer la rentabilité des librairies 30

b) Accroître l’offre de la commande publique 32

c) Être un acteur du numérique 33

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

I.- AUDITION DE LA MINISTRE 37

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 61

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 87

500 millions de livres édités chaque année en France,

400 millions sont vendus,

100 millions partent au pilon.

Comme l’écrivait l’essayiste et romancier Pierre Jourde, « le 21ème siècle a sacralisé l’individu et le livre et c’est lui qui, en même temps, a inventé les méthodes industrielles de leur destruction (1) ». Si ces chiffres interpellent, la situation qu’ils décrivent constitue également une opportunité pour qui souhaite développer une politique aussi ambitieuse que volontariste de valorisation de la lecture comme vecteur de réussite sociale et d’épanouissement personnel.

Alors, pourquoi ne pas s’inspirer de l’exemple néo-zélandais ? Depuis des dizaines d’années sont distribués des ouvrages personnalisés avec le nom du destinataire.

Quelle belle preuve d’incitation à la lecture !

Si seulement 2 % de ces ouvrages pouvaient faire le bonheur de celles et ceux qui n’y ont pas accès.

Une piste de réflexion…

INTRODUCTION

Le programme 334 Livre et industries culturelles de la mission « Médias, livre et industries culturelles » comprend deux actions. La première Livre et lecture a pour objectif de favoriser le développement de la création littéraire, d’encourager la pratique de la lecture et de soutenir la chaîne du livre qui est composée d’intervenants aussi divers que les auteurs, les éditeurs, les libraires ou les bibliothèques.

La seconde action Industries culturelles finance les politiques transversales en faveur du développement des industries culturelles dont le cinéma, le jeu vidéo ou la musique enregistrée et lutte contre le piratage des œuvres culturelles en ligne, par l’intermédiaire d’une autorité publique indépendante.

Créé en loi de finances initiale (LFI) pour 2011, ce nouveau programme 334 permet d’assurer une meilleure visibilité aux crédits consacrés à la politique publique en faveur du livre et de la lecture, qui étaient éclatés auparavant au sein de la mission Culture.

L’arrivée du numérique bouleverse l’économie du secteur et remet en cause les normes juridiques de la propriété littéraire et artistique. Une mission (2) a été confiée à M. Pierre Lescure afin de réfléchir à ces évolutions, l’enjeu étant de s’adapter à cette nouvelle réalité tout en sauvegardant le modèle culturel français.

C’est pourquoi la rapporteure pour avis a choisi de consacrer la seconde partie de son rapport à la situation de la librairie, en première ligne face au défi du numérique.

Le réseau dense de libraires qui fait figure d’exception en Europe est menacé notamment par la vente d’ouvrages en ligne et l’arrivée d’un nouveau support, le livre numérique. La rapporteure pour avis, après avoir dressé un état des lieux, livrera quelques pistes de réflexion.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, ce pourcentage était de 100 %.

LA FILIÈRE DU LIVRE EN NOUVELLE-CALÉDONIE

Députée de la 1ère circonscription de la Nouvelle-Calédonie, la rapporteure pour avis du programme « Livre et industries culturelles » a souhaité inclure dans le présent rapport une présentation synthétique de la filière du livre en Nouvelle-Calédonie.

Cette filière est caractérisée par l’existence d’une dynamique de création réelle ces vingt dernières années, celle d’une forte conscience de l’absolue nécessité de la création pour la construction identitaire de la Nouvelle-Calédonie.

Elle se caractérise également par de nombreux prix littéraires et par des dispositifs d’aides publiques par le biais de la province Sud notamment (aides à l’écriture, aides à l’édition), par la création d’une société des auteurs et compositeurs (SACENC), d’une association des écrivains (AENC) et d’une Maison du livre (MLNC).

L’écriture calédonienne est fortement autocentrée sur le pays et ses problématiques, et en même temps, une certaine inhibition à évoquer son histoire et à mettre en jeu le potentiel d’imaginaire qu’elle recèle, ce qui a pour conséquence : peu de romans écrits et édités s’inspirent réellement de la Nouvelle-Calédonie.

La Nouvelle-Calédonie doit faire face au manque d’éditeurs (en nombre et en régularité). On débouche donc sur une édition privée « atomisée », près d’une quarantaine d’éditeurs, surtout auto éditeurs, associatifs et/ou institutionnels. Le nombre de titres publiés chaque année par les éditeurs peut varier entre dix (institutionnels) et un (privé).

Si on se limite aux œuvres littéraires, le nombre d’ouvrages publiés est faible, voire très faible (moins de dix par an). Ce sont essentiellement des albums de jeunesse, des bandes dessinées, des récits de vie, des ouvrages historiques et patrimoniaux, peu de littérature « pure » : roman, nouvelle, théâtre.

On constate une absence de données sur les pratiques culturelles de la population relatives au livre, à la lecture et à l’écriture.

Les prix : ils sont globalement supérieurs à ceux pratiqués en France métropolitaine. Pour l’édition locale, toutes les prestations techniques sont plus chères et les coûts sont repartis sur un plus petit nombre d’ouvrages.

Les ouvrages importés : il convient de prendre en compte la majoration associée au coût du transport qui peut être conséquente, surtout si les livres sont affrétés par avion, comme c’est le cas pour les nouveautés.

Les attentes : la principale attente repose sur une politique plus volontariste de valorisation de la lecture et de l’écriture comme vecteur de réussite sociale et d’épanouissement personnel. Nous pourrions nous inspirer de certaines initiatives comme par exemple notre voisin néo-zélandais, qui depuis des dizaines d’années distribue des ouvrages personnalisés avec le nom du destinataire.

Pour plus d’efficacité, il est urgent de mettre en place une plus grande concertation entre les institutions calédoniennes, à la fois sur les besoins, sur les attentes du secteur pour une meilleure rationalisation des aides publiques.

Grâce à la Maison du livre, un encadrement du secteur de l’édition permet désormais une optimisation de la production par le conseil, la centralisation de l’information, par la formation et l’accès à des bases de données. De la même manière, elle s’est engagée dans une assistance technique à la création littéraire par des stages d’écriture, des ateliers, des résidences d’écrivains et enfin par la création d’outils de communication.

Le dynamisme du président et du directeur de la Maison du livre, du personnel et des bénévoles souvent issus du monde associatif, donne une accélération au secteur, pour tendre vers un professionnalisme certain, inciter à l’écriture, donner le goût de la lecture par des animations diverses et variées.

La Nouvelle-Calédonie, éloignée de la métropole dans un environnement anglo-saxon, avec une faible population, une politique publique trop timide doit rechercher les voies et les moyens pour favoriser l’accès au livre en allant vers les populations en particulier les plus éloignées, pour participer à la vie économique et culturelle, pour soutenir la filière du livre et la création littéraire.

La Nouvelle-Calédonie doit également s’organiser pour soutenir les librairies face au numérique, aux ventes en ligne qui ont déjà touché le secteur et qui risque à court terme de clore définitivement le chapitre.

I.- L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS EN FAVEUR DU LIVRE
ET DES INDUSTRIES CULTURELLES

Pour 2013, 260,6 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 268 millions d’euros en crédits de paiement (CP) seront alloués au programme 334 Livre et industries culturelles contre 259,3 millions d’euros d’AE et 274,9 millions d’euros de CP en LFI pour 2012. 95,5 % des crédits sont consacrés à l’action Livre et lecture.

Répartition des crédits par action

(en euros)

 

LFI 2012

PLF 2013

AE

CP

AE

CP

Action 1
« Livre et lecture »

247 664 850

263 280 850

248 135 000

255 519 000

Action 2
« Industries culturelles »

11 681 000

11 681 000

12 481 000

12 481 000

Total

259 345 850

274 961 850

260 616 000

268 000 000

Source : PAP Médias, livre et industries culturelles.

Confronté à l’arrivée de nouvelles technologies, ce programme reflète le soutien de l’État aux industries culturelles et à la défense de l’exception culturelle française. Dans un contexte de restrictions budgétaires, ses crédits de paiement diminueront (- 2,53 %), mais ses autorisations d’engagement augmenteront légèrement (+ 0,49 %).

A. L’ACTION « LIVRE ET LECTURE »

Pour 2013, 248,1 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 255,5 millions d’euros en crédits de paiement (CP) seront alloués à cette action contre 247,7 millions d’euros d’AE et 263,2 millions d’euros de CP en LFI pour 2012, soit une diminution de près de 3 % des crédits de paiement. Cette baisse résulte d’un décalage dans la programmation des travaux prévus à la Bibliothèque nationale de France sur le quadrilatère Richelieu. Le montant budgété sera moindre qu’initialement prévu (3).

1. Le soutien à la chaîne du livre : le Centre national du livre (CNL)

Maintenir l’économie du livre est une des priorités du programme.

Ce soutien passe par un opérateur de l’État, le Centre national du livre (CNL), établissement public administratif sous la tutelle du ministère de la culture et de la communication dont la mission consiste à encourager la création, l’édition et la diffusion des œuvres littéraires et scientifiques.

a) Le budget

Le budget du Centre en 2011 s’est élevé à 41,5 millions d’euros.

À hauteur de 84 %, ce budget est consacré aux interventions à hauteur de 34,7 millions, contre 9 % aux charges de personnel et 3,5 % aux frais de fonctionnement.

Le budget pour 2012 devrait s’élever à 39,6 millions d’euros.

Le nombre d’emplois diminue progressivement : de 69 emplois en 2012, dont 18 ETPT relevant du ministère de la culture et de la communication, il sera de nouveau en légère baisse à 68 emplois en 2013.

Le CNL dispose de recettes provenant à environ 80 % du produit de deux taxes qui lui sont affectées.

Une taxe de 0,20 % est due par les éditeurs en fonction de leurs ventes d’ouvrages en librairie. Elle a rapporté 5,3 millions d’euros en 2011, soit 12 % des recettes.

La taxe relative aux appareils de reprographie, de reproduction et d’impression est perçue à hauteur de 3,25 % sur toute vente de ces appareils. 30,7 millions d’euros en 2011 ont ainsi été prélevés, soit 67 % des recettes.

Ces deux taxes ont été plafonnées par la loi de finances pour 2012 (4), à hauteur de 5,3 millions d’euros pour la taxe sur l’édition et 29,4 millions d’euros pour la taxe sur le matériel de reproduction. Ce plafonnement est appliqué avant le prélèvement des frais de gestion qui représentent 1,2 million d’euros, amoindrissant d’autant les recettes du Centre.

Par ailleurs, le Centre recevait une subvention au titre des transferts de compétence de soutien de certains organismes professionnels, d’un montant de 2,8 millions d’euros inscrits en LFI pour 2012. Cette subvention ne sera pas reconduite pour 2013.

Il semblerait opportun à la rapporteure pour avis de s’interroger sur le rendement de ces taxes affectées. Le Centre national du livre propose de déplafonner la taxe sur l’édition. Quant au ministère de la culture et de la communication, il réfléchit à un élargissement de l’assiette de la taxe sur les appareils de reprographie qui inclurait les consommables.

b) Les missions

Les missions du CNL sont multiples et couvrent tout le champ de la chaîne du livre.

Dans le domaine de la création, le CNL attribue des bourses d’écriture, des crédits de traduction, de préparation ou des crédits de résidence à des auteurs reconnus. En 2011, ces aides se sont élevées à 2,08 millions d’euros et ont bénéficié à 270 auteurs, montant inférieur à celui de 2010 qui s’était élevé à 2,9 millions d’euros.

Dans le domaine de l’édition, le CNL peut accorder des subventions à la traduction et à des publications. En 2011, elles se sont élevées à 6,02 millions d’euros pour 720 bénéficiaires, en net recul par rapport à 2010 où 1 477 projets avaient reçu 7,3 millions d’euros.

Par ailleurs, il distribue des prêts à hauteur de 476 900 euros en 2011, montant supérieur à celui de 2010 qui était de 452 000 euros.

Le soutien à la diffusion sera développé dans la seconde partie du présent rapport.

2. Le soutien aux bibliothèques

Le soutien à un maillage dense de bibliothèques sur tout le territoire a pour objectif de valoriser et d’encourager la pratique de la lecture.

a) La Bibliothèque nationale de France (BnF)

Les crédits accordés à la Bibliothèque nationale de France (BnF) seront en légère diminution (- 1,16 %), s’élevant à 203,3 millions d’euros en CP contre 205,7 millions d’euros en CP en 2012.

Le plafond d’emploi sera en baisse, de 2 369 ETP en 2013 contre 2 399 ETP en 2012.

Une partie des crédits est consacrée à la rénovation du quadrilatère Richelieu. Initiée afin de mieux accueillir les chercheurs et de moderniser l’accès aux collections, cette opération s’étalera sur six années. Le coût total estimé à 211 millions d’euros en 2011 a été réévalué en 2012 à 212,8 millions d’euros. Elle est financée conjointement par les ministères de la culture et de la communication à hauteur de 171,5 millions d’euros et de 41,4 millions d’euros par celui de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Le programme 334 doit participer à hauteur de 137,6 millions d’euros en CP. 48,2 millions d’euros en CP dont 12 millions de fonds de concours ont déjà été engagés.

14,2 millions d’euros en CP sont budgétés dans le projet de loi de finances pour 2013.

Cet établissement public a relevé le défi de l’adaptation aux nouvelles technologies et a commencé la numérisation des œuvres détenues dans ses collections afin de les rendre accessibles au plus grand nombre. En juillet 2012, le projet Gallica contient 1,8 million d’ouvrages. En 2011 320 729 monographies ont ainsi été mises en ligne et 381 100 le seront en 2012, dépassant les prévisions inscrites dans l’indicateur du projet annuel de performance (PAP) pour 2013 (5). Ce site a trouvé son public puisqu’il a enregistré 6,1 millions de visites en juillet 2012, en progression de 11 % par rapport à la même période de 2011. Le Centre national du livre y contribuera à hauteur de 6 millions d’euros en 2013.

L’adoption de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle a conforté ce projet. La BnF travaille sur la mise en place d’une base de données de ces œuvres et sélectionne avec les éditeurs celles qui feront l’objet d’une numérisation en 2013.

La loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l'exploitation numérique
des livres indisponibles du XXe siècle

Selon l’article L. 123-1 du code de propriété intellectuelle, une œuvre tombe dans le domaine public au terme de soixante-dix années après l’année du décès de son auteur.

Un nombre important d’ouvrages, estimé entre 500 000 et 700 000, soumis au droit d’auteur ne sont plus ni édités ni commercialisés. Pour certains, qualifiés d’œuvres orphelines, aucun ayant droit n’est connu.

Afin de remédier à cette situation, la loi charge la Bibliothèque nationale de France (BnF) de recenser les œuvres indisponibles publiées avant le 1er janvier 2001 afin de créer une base de données publiques accessible gratuitement. La BnF numérisera ces livres. Les droits d’auteur seront gérés par une société de gestion collective et paritaire créée pour l’occasion qui assurera la perception et la répartition des droits récoltés à égalité entre les auteurs et éditeurs. Ces derniers disposeront d’un délai de six mois après la date d’inscription de leurs œuvres dans la base de données pour refuser de bénéficier de ce dispositif.

La BnF a, par ailleurs, lancé une réflexion sur la place du numérique dans ses activités. Trois groupes de travail ont été lancés autour de l’impact du numérique :

– sur la politique documentaire, la collecte et le traitement des collections ;

– sur la conservation et la communication, la médiation et la valorisation de l’offre numérique ;

– sur l’organisation de la BnF.

b) La Bibliothèque publique d’information (BPI)

La subvention pour charges de service public restera identique à 2012 et s’élèvera pour 2013 à 7 millions d’euros. Il convient de souligner que les crédits de paiements réalisés en 2011 se sont élevés à 8,3 millions d’euros.

65 ETP seront budgétés en 2013, soit une légère diminution par rapport aux 66 ETP inscrits en LFI pour 2012. Il convient de noter qu’en 2011, 63 ETP ont été pourvus.

La BPI, établissement public administratif, est une composante du Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou. Bibliothèque nationale dotée d’un statut spécifique, elle n’a pas d’activité de prêt et se concentre sur l’accès à tous à ses collections et la constitution d’un centre de recherche documentaire.

Depuis 2011, la BPI a engagé une démarche de rationalisation de ses dépenses, en réduisant ses dépenses de fonctionnement et de personnel. Une réflexion plus globale a été menée dans le cadre de la signature du nouveau contrat de performance entre le ministère de la culture et de la communication et la BPI pour 2012-2015. Un des objectifs est de diversifier le public de la BPI et d’augmenter sa fréquentation ; à ce titre des travaux de réaménagement de l’accueil du public ont été estimés à 9 millions d’euros.

c) Les bibliothèques municipales et départementales de prêt

La lecture publique relève de la compétence des collectivités territoriales. Les lois n° 83-8 du 7 janvier 1983 et n° 83-663 du 22 juillet 1983 relatives à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État ont confirmé la compétence des communes sur les bibliothèques municipales et ont transféré aux conseils généraux la responsabilité des bibliothèques centrales de prêt. Néanmoins l’État conserve un rôle d’impulsion et de pilotage. On dénombre 4 293 bibliothèques municipales et 97 bibliothèques départementales. L’État abonde la dotation générale de décentralisation qui soutient l’investissement (6). L’indicateur Fréquentation des bibliothèques figurant dans le PAP 2013 montre une légère augmentation du nombre d’inscrits dans les bibliothèques municipales (7).

B. L’ACTION « INDUSTRIES CULTURELLES » 

Pour 2013, 12,4 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) seront alloués à cette action contre 11,6 millions d’euros d’AE et de CP en 2012, soit une augmentation de 6,8 %.

Cette action regroupe notamment les crédits accordés à la musique enregistrée, au cinéma et au jeu vidéo.

1. La musique enregistrée

1,8 million d’euros pour 2013 seront alloués à la sous action Soutien dans le domaine de la musique enregistrée.

Le marché final de la musique enregistrée diminue (- 6,4 %), tandis que celui du numérique connaît une forte progression (+ 18 %).

En mai 2012, une aide d’urgence a été débloquée au profit de petites et moyennes entreprises et très petites entreprises de production phonographiques, dites labels indépendants qui détenaient des créances sur un distributeur mis en liquidation judiciaire (8). Le montant de cette aide plafonnée à 48 000 euros par entreprise est de 40 % du montant total de la créance.

En 2012, le soutien à la musique enregistrée a été crédité de 681 000 euros consacrés principalement au financement de la Carte musique. Cette initiative visait à encourager les jeunes à choisir des offres de musique légale et payante. Ce dispositif a montré ses limites. Entre novembre 2011 et juin 2012, environ 7 000 cartes ont été vendues, dont 38 % ont été utilisées.

2. Le cinéma

2,6 millions d’euros pour 2013 seront alloués à la sous-action Soutien dans le domaine du cinéma.

La priorité est la numérisation des salles, particulièrement en province.

La dotation en faveur du patrimoine cinématographique est attribuée au Centre national du cinéma (CNC), qui finance des associations privées, les cinémathèques de Paris et de Toulouse et cinq autres institutions, la cinémathèque de Grenoble, l’Institut Lumière, l’Institut Jean Vigo, la cinémathèque de Bretagne et Trafic images. La subvention versée à la Cinémathèque de Paris par le CNC s’est élevée à 19,6 millions d’euros en 2012.

Le CNC est chargé d’établir un inventaire du patrimoine national cinématographique, qui consiste à la fois à recenser les titres français sortis en salle et à contrôler leur état de conservation. Ces données figureront dans une base de données documentaire.

Le CNC a vocation à restaurer et à numériser ces films.

3. La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi)

Autorité publique indépendante chargée de promouvoir le développement de l’offre légale et de protéger les œuvres d’atteintes aux droits d’auteur, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), créée par la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, a mis en œuvre son dispositif de réponse graduée.

Depuis le second semestre 2010, la Hadopi a envoyé environ 1,2 million de premières recommandations, environ 110 000 secondes recommandations et 18 dossiers ont été transmis aux tribunaux (9).

Lors de son audition (10), la présidente de la commission de protection des droits de la Hadopi a souligné l’effet pédagogique de la procédure, 37 % des destinataires des recommandations ayant indiqué avoir cessé de télécharger (11).

Parallèlement, la Haute autorité a mis en place cinq groupes de travail chargés de réfléchir à l’observation des usages autour des réseaux et techniques ; économie numérique de la création, usages en ligne, propriété intellectuelle et internet et internet et sociétés.

Elle a créé un label intitulé « PUR » ou promotion des usages responsables afin de permettre aux usagers d’identifier les offres légales. 65 plateformes en bénéficient dont 30 % sont des plateformes musicales membres du dispositif Carte musique jeune.

La Hadopi a été dotée de 10,3 millions d’euros en 2012. 60 % ont été destinés à la mise en œuvre de la réponse graduée. Pour 2013, sa subvention serait diminuée de 27,3 % et passerait à 8 millions d’euros. Le plafond d’emploi serait de 63 ETPT, en diminution par rapport au 71 ETPT accordés en LFI pour 2012.

Lors de son audition (12), la présidente de la Haute autorité a insisté sur l’insuffisance des crédits qui lui seraient alloués pour mener à bien ses missions.

La direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) (13) a de son côté, indiqué que des négociations étaient en cours afin de redéployer des crédits et permettre ainsi à la Hadopi de pouvoir continuer à exercer ses activités, dans l’attente des propositions qui seront formulées par la mission sur la politique culturelle à l’ère du numérique conduite par M. Pierre Lescure (14).

II.- LA LIBRAIRIE : UNE SITUATION PRÉOCCUPANTE

A. UN SECTEUR CLÉ DE LA CHAÎNE DU LIVRE

De l’auteur au lecteur, le livre connaît plusieurs étapes : création, édition, distribution, diffusion et consommation que l’on regroupe sous le terme de « chaîne du livre », chaque maillon étant indissociable de l’autre.

Le secteur de la librairie est un des maillons clé, à plusieurs titres :

– il favorise la diffusion de la création littéraire française. Le libraire participe à la découverte de nouveaux auteurs et les défend dans la durée ;

– il contribue au maintien d’une diversité et d’une qualité éditoriale sur tout le territoire ;

– il participe à l’animation culturelle dans les régions et notamment en zone rurale ;

– il concourt à la vie économique des territoires, employant entre 12 000 et 15 000 personnes.

1. Un secteur hétérogène

Si la France s’enorgueillit de posséder un réseau unique de librairies de par sa densité à l’échelle européenne, il reste très hétérogène.

Les 20 000 à 25 000 points de vente de livres recensés par le Syndicat de la librairie française (SLF) recouvrent, de fait, différents types de commerce.

On trouve ainsi :

– des librairies traditionnelles ;

– des librairies-papeteries-tabac ;

– des maisons de la presse ;

– des grandes surfaces spécialisées ;

– des grandes surfaces ;

– des kiosques ;

– des sociétés de vente par correspondance ;

– des sociétés de vente par internet ;

– des clubs.

Par ailleurs, la diffusion du livre est divisée en trois niveaux :

– le premier niveau regroupe les grandes librairies et les grandes surfaces spécialisées ;

– le deuxième niveau réunit les librairies de taille moyenne et les grandes surfaces ;

– le troisième niveau est constitué des petites librairies.

Estimées entre 3 500 et 4 500 commerces, seules les librairies traditionnelles exercent la vente de livres à titre principal. Au sein de ce secteur, environ 600 à 800 sont qualifiées de librairies indépendantes (15).

Vente de livre : répartition des parts de marché

(en pourcentages)

Répartition en valeur

2006

2007

2008

2009

2010

Librairies (tous réseaux confondus)

25,8

24,4

24,5

24,7

23,4

Librairies
(grandes librairies et librairies spécialisées)

18,8

17,7

17,4

18

17,6

Grands magasins

0,4

0,3

0,4

0,3

0,3

Maisons de la presse, librairies-papeteries

6,6

6,4

6,7

6,4

5,5

Grandes surfaces culturelles spécialisées

21,8

21,2

21,6

22,1

22,3

Grandes surfaces non spécialisées
(dont hyper)

21,2

21,4

19,9

20,7

19,1

Ventes par internet

6,8

7,9

9,6

10

13,1

VPC et clubs (hors internet)

15,7

16,3

15,6

14,3

13,2

Courtage

0,2

0,4

0,2

0,1

0,1

Soldeurs/occasion

1,7

1,4

1,7

1,5

1,5

Autres (comités d’entreprise,
kiosques, gares, salons…)

6,8

7

6,9

6,5

7,2

Total

100

100

100

100

100

Source : TNS-Sofres pour MCC-OEL/CNL, achats de livres d’un panel de 10 000 personnes de 15 ans et plus (hors livres scolaires et encyclopédies en fascicules).

Enfin, la répartition géographique des points de vente est fortement déséquilibrée au profit de l’Île-de-France et Paris. Ainsi, 42 % du marché du livre s’effectue dans l’Île-de-France (16).

2. Un secteur fragilisé

Ce secteur connaît des difficultés financières. En effet, la librairie indépendante est devenue un commerce à la faible rentabilité. Selon le SLF, la marge des libraires est estimée entre 0,6 % et 2 %. Quant à l’étude réalisée par Xerfi France lors des rencontres nationales de la librairie en 2011, elle indique que le chiffre d’affaires des librairies indépendantes a reculé de 5,4 % entre 2003 et 2010.

Ces difficultés proviennent en majeure partie de la faible marge de manœuvre dont disposent les libraires pour accroître leur rentabilité.

Au niveau des charges fixes, celles-ci progressent de l’ordre de 2 % à 3 % par an, à la fois en raison de l’augmentation des charges immobilières et notamment des loyers des baux commerciaux en centre-ville et de l’accroissement des charges salariales.

Dans le même temps, le prix des livres n’a pas connu de notable progression et le taux de remise consentie par les distributeurs aux libraires sur l’achat de livres n’est pas favorable aux petits commerces (17).

Le libraire est contraint de travailler avec un nombre restreint de distributeurs (quatre ou cinq groupes, filiales ou groupements de filiales des éditeurs), contrainte exceptionnelle dans le commerce et source de difficulté pour l’obtention de conditions commerciales favorables.

La librairie indépendante doit également faire face à des besoins de trésorerie. Les ventes sont généralement soumises à un caractère saisonnier, le quatrième trimestre étant plus favorable aux libraires en raison de la rentrée littéraire et des achats de Noël. Des aléas peuvent aussi se produire, comme des travaux d’aménagement en centre-ville qui peuvent pénaliser le commerce.

3. Un secteur menacé

Parallèlement à une situation financière dégradée, le secteur de la librairie doit faire face à deux évolutions qui lui sont défavorables : l’émergence de nouveaux loisirs et de nouveaux modes de consommation.

La pratique de la lecture diminue en faveur de nouveaux loisirs comme les jeux vidéo ou la navigation sur internet et entraîne une baisse des achats de livres. Les chiffres en trompe l’œil de la production éditoriale en progression importante (+ 190 % de 1970 à 2009) ne doivent pas occulter la diminution du tirage moyen des ouvrages (- 45 % de 1974 à 2009).

Le lecteur développe de nouvelles habitudes de consommation. En 2010, 13 % des ventes de livre s’opère par la vente en ligne. La part de marché des librairies indépendantes dans la vente de livres ne cesse de diminuer. Selon l’indicateur figurant dans le projet annuel de performance (PAP) pour 2013, de 18 % des parts de marché en 2011, elles sont passées à 16,2 % en 2012.

Le faible nombre de créations ou de reprises de librairies depuis 2007 illustre cette érosion. Le Centre national du livre (CNL) a contribué à seize projets de création et vingt-six projets de reprise de librairies. L’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC), de son côté, a accompagné trente et un projets de création et quarante-deux projets de reprise. Quant à l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), il a accordé des garanties auprès d’établissements financiers à neuf projets de création et quinze projets de reprise (18). Il convient de noter que ces aides peuvent se cumuler et diminuer d’autant ces statistiques.

4. Un secteur aidé

Face à cette situation, les pouvoirs publics, la profession et les collectivités territoriales ont réagi et ont mis en œuvre depuis une dizaine d’années des dispositifs multiples de soutien.

a) L’aide de l’État

L’État soutient le secteur de la librairie en accordant des subventions ou lui faisant bénéficier de dispositifs fiscaux spécifiques.

La distribution des subventions s’opère au niveau national par l’intermédiaire d’un opérateur, dont le fonctionnement et le budget ont été étudiés ci-dessus, le CNL, et au niveau déconcentré via les directions régionales des affaires culturelles (DRAC).

En 2011, l’intervention directe de l’État représentait 2,7 millions d’euros sous forme de subventions et 500 000 euros sous forme de prêts.

 Les aides du Centre national du livre (CNL)

Parmi les missions du Centre, figure notamment le soutien aux entreprises de librairie et le maintien et la qualité des réseaux de diffusion du livre et de la lecture. À ce titre, il propose différents types d’aides sous forme de subventions ou de prêts.

– les aides à la création, à la reprise et au développement :

Le CNL peut octroyer des prêts à taux zéro ou distribuer des subventions pour accompagner la création ou la reprise de librairies indépendantes ainsi que leur développement ou leur modernisation.

– les aides aux actions qualitatives :

Le Centre encourage la diversification de la création éditoriale en attribuant une subvention comprise entre 5 000 euros et 10 000 euros pour la mise en valeur du fonds des librairies de référence, dite VAL. En 2011, 1,1 million a été accordé à ce titre.

Il peut octroyer une subvention à la production de catalogues thématiques réalisés par des groupements de libraires indépendants afin de diminuer le prix d’achat. Les subventions sont accordées dans la limite de 50 % des coûts de publication annuels des catalogues. En 2011, cette subvention s’est élevée à 24 000 euros.

Le CNL participe au développement du numérique dans deux directions :

– il accorde des subventions afin d’accompagner des projets de sites collectifs, 35 000 euros ont été distribués en 2011 ;

– il octroie des subventions pour la réalisation de plateformes innovantes de diffusion et de valorisation de catalogues de livres numériques. 3,9 millions d’euros ont été accordés aux éditeurs, en nette augmentation par rapport aux 2,4 millions d’euros distribués en 2010.

Enfin, le Centre peut attribuer des subventions permettant la réalisation de manifestations autour du livre et s'adressant au public le plus large possible. 2,6 millions d’euros ont été distribués en ce sens en 2011.

Par ailleurs, dans le cadre de sa coopération avec l’ADELC, il leur a accordé un financement de 240 000 euros.

En 2011 le CNL a ainsi accordé 1,7 million de subventions et 500 000 euros de prêts. Si l’on totalise toutes ses actions, il a attribué 2,2 millions d’euros en 2011. Il prévoit de consacrer 3,3 millions d’euros en 2012 au soutien à la librairie.

Même si depuis 2006, son action en faveur des librairies tend à augmenter, les crédits d’intervention du CNL sont majoritairement destinés aux éditeurs (19).

La rapporteure pour avis partage les conclusions de la mission « Soutenir la librairie pour consolider l’ensemble de la chaîne du livre » (20) qui préconise de doubler le montant des aides à la librairie du CNL pour les porter à 6 millions d’euros.

Aides accordées aux librairies par le CNL depuis 2006

(en millions d’euros)

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012 (prévisions)

Librairies françaises

0,87

1,20

2,29

2,47

2,48

2,22

3,36

– Prêts aux libraires

0,73

0,83

0,86

0,49

1,14

0,50

1

– Subventions

0,14

0,37

1,43

1,98

1,34

1,72

1,86

– Manifestations

           

0,50

Librairies francophones

0,21

0,31

0,31

0,31

0,29

0,34

0,30

Total

1,08

1,51

2,60

2,79

2,77

2,56

3,66

Source : Centre national du livre.

 Les aides des directions régionales des affaires culturelles (DRAC)

Au niveau déconcentré, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) accordent des subventions axées sur l’aménagement des locaux des librairies, que ce soit lors d’un agrandissement, d’un déménagement ou d’une modernisation de ces commerces. Elles ont particulièrement œuvré à leur informatisation.

En 2011, les DRAC ont alloué 1,1 million d’euros d’aides aux librairies.

 Les aides de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC)

L’Institut offre sa garantie aux établissements financiers qui prêtent aux petites et moyennes entreprises des industries culturelles, afin de leur faciliter l’octroi de prêts bancaires :

– à moyen terme, des prêts relatifs à des créations ou des reprises de fonds de commerce ;

– à court terme, des prêts correspondant à des besoins de trésorerie.

Son intervention dans le secteur de la librairie reste limitée, ainsi en 2011 il est intervenu à hauteur de 470 000 euros de prêts garantis pour quatre librairies.

Ces aides sont doublées de dispositifs fiscaux spécifiques.

Le plus emblématique est le taux de TVA réduit applicable aux livres.

Les livres bénéficiaient d’un taux réduit de TVA à 5,5 % jusqu’en avril 2012. En 2010, le coût pour l’État était estimé à 500 millions d’euros. Relevé à 7 % par la loi de finances rectificative pour 2011, il a été rétabli à 5,5 % par la loi de finances rectificatives pour 2012 (21). Ce taux sera effectif au 1er janvier 2013. Ces allers et retours ne sont pas sans incidences sur la gestion des stocks et la mise en œuvre des systèmes d’information.

b) Les aides interprofessionnelles

 Les aides de l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC)

L’Association pour le développement de la librairie de création

Créée en 1988 à l’initiative de quatre éditeurs, cette association a pour objectif premier de soutenir des librairies œuvrant pour la diversité éditoriale et favorisant la création littéraire. Son action consiste dans l’octroi de prêts, mais aussi dans un rôle de conseil et d’accompagnement notamment dans la formation. Par ailleurs, elle assure la gestion de DATALIB, un outil informatique permettant aux libraires un meilleur suivi de leur assortiment et du service rendu à leurs clients.

L’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC) joue un rôle important dans la transmission des librairies par le biais d’un mécanisme original : le portage d’actions. Elle acquiert une part du capital de la librairie aidée et verse sur un compte courant non rémunéré le reste de la somme. Ce compte fait l’objet d’un accord de remboursement sur une durée de cinq à huit ans.

Une convention a été passée entre le ministère de la culture et de la communication et l’ADELC afin de lui confier la mission de gérer un fonds spécifique d’aide à la transmission des librairies.

Ce fonds de soutien a été doté par l’état de 3 millions d’euros en 2008. En 2011, dix projets de reprise de librairies ont été favorisés pour un montant de 480 000 euros, trois créations de librairies ont pu avoir lieu pour un montant de 155 000 euros. Depuis 2008, ce dispositif a aidé trente-six librairies pour un montant de 2,6 millions d’euros.

Par ailleurs, l’ADELC a attribué dix aides à l’investissement à hauteur de 255 000 euros et des aides de trésorerie à six librairies pour un montant global de 217 000 euros.

c) Les aides des collectivités territoriales

Conscientes du rôle important joué par les librairies en matière d’aménagement du territoire, les collectivités territoriales et particulièrement les régions ont développé des dispositifs de soutien aux libraires.

La rapporteure pour avis tient à souligner que ces dispositifs sont inégaux selon les régions. Selon le SLF, les régions d’Aquitaine, de Poitou Charentes et de Rhône-Alpes sont les plus actives (22).

Ces aides peuvent se traduire par l’émission de chèques livres auprès des libraires locaux pour la fourniture de livres scolaires. Ce dispositif a, de plus, le mérite de familiariser les parents et les jeunes à la librairie.

Les communes peuvent aussi apporter leur soutien. À titre d’exemple, on peut citer le dispositif mis en place par la ville de Paris afin de préserver les librairies dans certains quartiers où la pression des loyers des baux commerciaux entraîne leur fermeture. La ville préempte les locaux mis en vente qui peuvent être loués à des conditions privilégiées aux libraires.

La mesure la plus intéressante pour les libraires est la possibilité d’être exonérés de la contribution économique territoriale qui a remplacé la taxe professionnelle, après délibération des collectivités territoriales concernées s’ils ont obtenu le label « Librairie indépendante de référence » (23). Selon le rapport, « Soutenir la librairie pour consolider l’ensemble de la chaîne du livre » (24) seules 20 % des librairies labellisées bénéficient de l’exonération complète accordée par les trois niveaux de collectivités (région, département ou commune). C’est pourquoi la rapporteure pour avis souligne que cette exonération mériterait d’être développée par tous les acteurs.

Le label Librairie indépendante de référence

Afin de soutenir et valoriser le travail de sélection, de conseil et d’animation culturelle de certaines librairies, le ministère de la culture et de la communication a créé un label « Librairie indépendante de référence » en 2007. En 2011, ce label a été élargi afin d’en faire bénéficier des librairies dont la situation financière ne leur permettait pas de remplir le critère lié au ratio du chiffre d’affaires consacré à la masse salariale ou qui ne remplissaient pas le critère d’indépendance capitalistique étant détenues par un groupe d’édition ou appartenant à un groupement de librairies. C’est pourquoi un second label intitulé « Librairie de référence » a été défini.

Le décret n° 2011-993 du 23 août 2011 relatif au label de Librairie de référence et de Librairie indépendante de référence fixe les critères d’attribution de ces labels.

Les librairies qui souhaitent obtenir ce label, attribué pour une durée de trois ans, doivent en faire la demande au Centre national du livre. Une commission composée de deux représentants du ministère de la culture et de la communication, de trois représentants des collectivités territoriales, de douze représentants des métiers du livre et de deux personnalités qualifiées est chargée d’émettre un avis. Sur rapport du président du Centre national du livre, le ministre statue en dernier lieu.

Les critères communs pour bénéficier de ces labels sont les suivants :

– être une petite et moyenne entreprise qui réalise une activité principale de vente de livres neufs au détail, dans des locaux ouverts librement au public ;

– assurer de façon régulière une animation culturelle de qualité ;

– détenir en stock et proposer à la vente une offre diversifiée de titres, à savoir au moins 3 000 titres pour une librairie d’assortiment spécialisé, au moins 6 000 titres si elle réalise un chiffre d’affaires annuel hors taxe d’au plus 600 000 euros ou au moins 10 000 titres si elle réalise un chiffre d’affaires annuel hors taxe de plus de 600 000 euros.

Les critères pour bénéficier du label de Librairie indépendante de référence sont :

– avoir un capital détenu à hauteur de 50 % au moins par des personnes physiques ;

– affecter au moins 12,5 % du chiffre d’affaires annuel réalisé avec la vente des livres aux frais de personnel ;

– réaliser un ratio d’au moins 50 % du chiffre d’affaires réalisé par la vente de livres rapporté au chiffre d’affaires global.

Depuis 2011, ces trois critères ont été adaptés pour bénéficier du label Librairie de référence :

– les responsables des commerces éligibles doivent être autonomes, à savoir disposer «  d’une pleine liberté de décision quant à la constitution et gestion de l’assortiment de livres » ;

– le ratio des frais de personnel rapportés au chiffre d’affaires réalisé par la vente de livres a été adapté aux petits commerces. Ces librairies doivent affecter au moins 10 % de leur chiffre d’affaires annuel à des frais de personnel lorsque ce dernier est inférieur à 600 000 euros et au moins 12,5 % de leur chiffre d’affaires lorsqu’il est supérieur à 600 000 euros ;

– le ratio du chiffre d’affaires réalisé par la vente de livre rapporté au chiffre d’affaires global du commerce varie selon le choix des ouvrages proposés. Ces librairies doivent réaliser au moins 70 % de leur chiffre d’affaires annuel à la vente de livres neufs au détail si elles sont des librairies d’assortiment général et au moins 50 % de leur chiffre d’affaires si elles sont des librairies d’assortiment spécialisées.

En 2011, ce second label a été accordé à 24 librairies, ce qui porte le nombre total à 538 librairies qui ont pu bénéficier de ces labels.

B. AMÉLIORER LA MOBILISATION EN FAVEUR DE LA LIBRAIRIE

Le secteur de la librairie sera confronté à deux principaux défis dans les années à venir :

– le renouvellement de la profession et la transmission des fonds de commerce ;

– l’arrivée du numérique.

La pyramide des âges de la profession entraînera le départ à la retraite de nombreux libraires dans les années à venir et à ce titre leurs commerces pourraient faire l’objet de reprise. Il est impératif de prévoir un soutien à ces candidats. En effet, la valeur commerciale de ces commerces a fortement augmenté et des investissements seront nécessaires pour les moderniser.

Par ailleurs, le secteur doit faire face à l’arrivée du numérique, que ce soit la diffusion du livre sur un support numérique ou l’augmentation de la vente en ligne des ouvrages. Selon l’Association des librairies informatisées et utilisatrices de réseaux électroniques (ALIRE) (25), il manque 2 % de marge aux libraires pour pouvoir faire les investissements nécessaires.

Face à ce constat, la mobilisation en faveur du secteur de la librairie est considérée comme une des priorités de la politique du livre. La Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) a lancé un Plan pour la librairie indépendante et constitué plusieurs groupes de travail afin de faire des propositions pour structurer le secteur.

Ce soutien existe mais gagnerait en efficacité si une rationalisation des dispositifs d’aide et si un accompagnement ciblé vis-à-vis des évolutions se mettaient en place.

1. Rationaliser le dispositif des aides

Ainsi qu’il a été décrit ci-dessus, les aides au secteur de la librairie ne manquent pas. Cette pluralité de l’offre et la complexité des différents dispositifs deviennent paradoxalement un handicap pour le libraire qui peine à s’y retrouver et parfois n’a pas connaissance des dispositifs. C’est pourquoi, l’Inspection générale des affaires culturelles a confié une mission à M. Serge Kancel, chargé d’évaluer la pertinence des différents dispositifs de soutien.

a) Une meilleure coordination

Au fil des auditions, la rapporteure pour avis a eu le sentiment que le dispositif de soutien au secteur de la librairie était conséquent mais manquait de lisibilité.

L’articulation entre l’action de l’État, via ses services déconcentrés et celle des collectivités territoriales pourrait notamment être améliorée. Sans méconnaître le principe de libre administration des collectivités territoriales, une coordination nationale permettrait d’apporter plus de cohérence dans la distribution des aides sur tout le territoire et de dresser une cartographie des points de vente.

Un des rares exemples de cette concertation entre les services de l’État et la région est un protocole d'accord conclu en 2003 entre le Conseil régional d’Aquitaine et la Direction régionale des affaires culturelles d’Aquitaine. Cette action coordonnée permet d’accompagner les libraires dans leurs investissements, dans leurs actions d’animation ou leur professionnalisation.

Il serait aussi opportun de mieux coordonner les interventions entre l’État et le secteur interprofessionnel.

b) Une répartition plus claire des rôles

La rapporteure pour avis partage l’analyse de la mission « Soutenir la librairie pour consolider l’ensemble de la chaîne du livre » d’une plus grande sélectivité dans l’attribution des aides et d’une répartition claire des rôles entre les différents intervenants. Selon la nature de l’aide, il serait pertinent d’instituer un chef de file, voire d’instituer un interlocuteur unique.

Lors de son audition (26), M. Bruno Parent a développé l’exemple de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), institution méconnue des libraires et des banques. Sa mission, développée ci-dessus, consiste à se porter caution auprès des libraires qui sollicitent une aide financière auprès des établissements financiers.

Son rôle de garant auprès des établissements financiers devrait être affirmé et il devrait avoir comme mission de sensibiliser le secteur bancaire à la cause des libraires. Ce constat est partagé par le SLF.

c) Des mécanismes plus opérationnels

Si le dispositif de soutien au secteur de la librairie est exhaustif dans le domaine des investissements, il manque un fonds spécifique d’aide à la trésorerie. Confronté à des difficultés financières passagères, le libraire doit s’adresser à sa banque, avec toutes les incertitudes que cela comporte.

C’est pourquoi, la plupart des intervenants auditionnés ont fait part de leur intérêt vis-à-vis de la création d’un tel fonds de soutien.

La rapporteure pour avis soutient la proposition de la mission « Soutenir la librairie pour consolider l’ensemble de la chaîne du livre » (27) qui préconise de facturer des centimes supplémentaires sur chaque commande d’ouvrage passée par le réseau DILICOM (28), afin d’abonder un fonds d’aide à la librairie indépendante. La répartition de ce prélèvement serait plus importante pour les distributeurs (29), d’où leur réticence. La mission a estimé à 3 millions d’euros annuels le montant qui pourrait être collecté.

Ce mécanisme présente deux avantages :

– il ne sollicite aucune ressource publique ;

– il met à contribution tous les intervenants de la chaîne du livre y compris les acteurs dits « pure players » (30).

d) La mise en place d’un suivi des aides

La rapporteure pour avis s’étonne de l’absence d’évaluation de ces aides.

Ce constat est partagé par la mission « Soutenir la librairie pour consolider l’ensemble de la chaîne du livre » (31) qui a relevé et déploré l’absence d’indicateurs de suivi liés aux créations, aux reprises de librairies indépendantes ainsi qu’aux aides qui leur sont accordées.

La direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) a indiqué qu’un recensement de l’ensemble des aides était en cours, prenant en compte tous les intervenants, que ce soit l’État via le Centre national du livre, l’IFCIC et les directions régionales des affaires culturelles, les acteurs de la profession comme l’ADELC ou les collectivités territoriales dont notamment les régions (32).

Ce suivi distinguerait le contexte dans lequel ces aides sont octroyées et leur objet.

2. Soutenir le secteur face aux évolutions

Les rencontres nationales de la librairie organisées en 2011 ont livré un constat encourageant : la fonction de conseil du libraire, la proximité physique, la visibilité et l’agencement des points de vente sont des atouts pour ce secteur.

Néanmoins, ce dernier est entré dans une période de transition qui pourrait s’avérer fatale. L’irruption du numérique, dans le domaine de la vente et du support du livre bouleverse le métier de libraire. Si ce dernier doit s’adapter, les pouvoirs publics doivent le soutenir face à ces évolutions.

a) Améliorer la rentabilité des librairies

 Adapter la loi sur le prix du livre

La loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre a instauré un cadre juridique spécifique. Le prix fixé librement par l’éditeur ou l’importateur est identique sur tout le territoire et quelle que soit la période de l’année. Seule une réduction de 5 % maximum peut être appliquée par les détaillants.

La question de la pertinence de ce rabais se pose avec acuité pour les librairies indépendantes. Il est apparu, lors des auditions, que de nombreux libraires ne pouvaient plus appliquer cette remise, tant leur marge est faible. Cette disposition de la loi relative au prix du livre accentue la concurrence avec les grandes surfaces spécialisées et les opérateurs de vente en ligne. C’est pourquoi est évoquée la possibilité de supprimer cette réduction.

La question des frais de port se pose également. Absente de la loi précitée, puisque la vente par internet n’existait pas lors de son adoption, les opérateurs de vente en ligne détournent l’esprit de cette loi, en incluant les frais de livraison dans cette réduction de 5 %. Il serait opportun de préciser dans la loi relative au prix du livre que la prestation de livraison à domicile n’est pas incluse dans le prix.

 Favoriser la mutualisation

La constitution d’association de libraires permet de réaliser des économies, de trouver des solutions pour répondre aux attentes des clients et d’être en position de force face aux éditeurs.

Au cours des auditions (33), plusieurs exemples de cette mutualisation ont paru particulièrement intéressants à la rapporteure pour avis. En Auvergne, une association partage les frais liés à la tournée d’un auteur dans les librairies de la région. À Paris, plusieurs libraires se sont regroupés afin de réduire les délais de livraison et concurrencer les opérateurs de vente en ligne. Enfin, le regroupement pour l’achat de fonctions support occasionne de substantielles économies.

C’est pourquoi la rapporteure pour avis suggère d’encourager la constitution d’associations de libraires afin de réaliser des achats groupés auprès des distributeurs et peser ainsi sur leurs conditions de remise.

 Développer la formation

Être libraire, c’est faire partager sa passion des livres, mais c’est aussi gérer un commerce.

Le métier de libraire est complexe, car comme le faisait remarquer l’ADELC lors de son audition (34), il ne suffit pas de disposer d’une bonne connaissance de son fonds, il nécessite aussi d’être à la fois un bon commercial et un gestionnaire avisé.

Afin de rentabiliser son commerce, le libraire doit s’adapter à sa zone de chalandise et s’orienter vers une stratégie de l’offre.

C’est pourquoi, il paraît opportun à la Rapporteure pour avis, face à la conjoncture économique difficile et aux mutations du secteur, de mieux former les libraires.

Des initiatives existent qu’il convient d’encourager :

– Le Centre national du livre et l’ADELC ont le projet de mettre en place une formation pour accompagner les candidats à la reprise de points de vente importants.

– Les structures régionales du livre organisent des formations de management en liaison avec les chambres de commerce et d’industrie.

b) Accroître l’offre de la commande publique

Le marché des collectivités représente 18 % des ventes des librairies indépendantes.

Se voir attribuer un marché public passé par une bibliothèque est bénéfique pour le libraire à plus d’un titre :

– son carnet de commande est sécurisé ;

– le volume de ses ventes augmente et d’autant la possibilité de négocier une meilleure remise sur ses achats vis-à-vis des distributeurs.

Cependant, les collectivités territoriales et les bibliothèques ont pris l’habitude de recourir à des appels d’offres qui dans la pratique se révèlent plus favorables aux grossistes spécialisés ou aux librairies importantes qu’aux librairies indépendantes de proximité.

Afin de remédier à cette situation, le ministère de la culture et de la communication a sensibilisé les bibliothèques et édité un guide de l’achat public de livres (35).

Par ailleurs, une mission confiée au Conseil général économique et financier (36) a souligné que le seuil pour passer des marchés publics était défavorable aux librairies indépendantes. C’est pourquoi, il préconise de rehausser le seuil obligatoire pour recourir à un appel d’offre de 15 000 euros à 50 000 euros, afin que 40 % des achats des bibliothèques puissent s’effectuer sans appel d’offres et bénéficient ainsi aux librairies locales.

c) Être un acteur du numérique

 Développer la vente numérique

Les ventes sur internet progressent, de presque 7 % de parts de marché de la vente de livre en 2006, elles ont atteint 13 % en 2010.

Lors de son audition (37), l’Association des librairies informatisées et utilisatrices de réseaux électroniques (ALIRE) a souligné que 95 % des librairies indépendantes sont informatisées. Par ailleurs, la réceptivité des libraires aux nouvelles technologies progresse. Le libraire a compris qu’il doit répondre aux attentes de ses clients et à ses nouvelles pratiques de consommation.

C’est pourquoi, les grandes enseignes spécialisées et les librairies indépendantes importantes ont développé leurs propres sites de vente en ligne. Néanmoins, face au coût de développement et de maintenance représenté par cet investissement, la grande majorité des librairies indépendantes ne s’est pas dotée de portails. D’où l’initiative du Syndicat de la librairie française (SLF) de créer un site collectif, dénommé « 1001.librairies.com ».

Son échec ne doit pas occulter la nécessité de développer une offre diversifiée afin d’éviter qu’une part de marché prépondérante ne soit détenue par quelques opérateurs, ce qui, à terme nuirait à la diversité éditoriale et au réseau de libraires. Une mission a été confiée en ce sens à l’Inspection générale des affaires culturelles (38), afin d’étudier la mise en œuvre d’une alternative à ce site.

Le portail 1001.librairies.com

En 2007, un projet de portail collectif de vente en ligne dénommé « 1001.librairies.com » a été élaboré à l’initiative du Syndicat de la librairie française. L’objectif principal était de permettre aux librairies indépendantes de disposer d’un canal de distribution de vente en ligne, en mutualisant les coûts. En 2009, il a été décidé de proposer sur ce portail deux autres services, la vente en ligne de livres numériques et la géolocalisation des ouvrages recherchés par les clients.

Soutenu financièrement par l’État, par l’intermédiaire du Centre national du livre à hauteur d’un prêt de 500 000 euros, par l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC) à hauteur d’un prêt de 500 000 euros et d’un apport de 40 000 euros au capital et du Cercle de la librairie, qui avait prêté 250 000 euros et accordé une subvention de 250 000 euros, le portail réunissait trois cents librairies actionnaires qui avaient contribué pour 720 000 euros à son financement.

En avril 2011, le portail administré par une société dénommée PL2I entrait en service. Environ un an plus tard, en mai dernier, ce dernier fermait et la société PL2I était mise en liquidation judiciaire.

L’échec de cette initiative résulte de plusieurs facteurs. Selon les libraires auditionnés (39), ce projet initié en 2007 n’a été mis en œuvre que quatre ans plus tard, étant déjà obsolète par rapport aux évolutions rapides de la technologie. L’absence de gouvernance a été également invoquée. Enfin, la concurrence forte d’opérateurs spécialisés de vente en ligne, voire de certaines grandes librairies disposant de leurs propres portails ont conduit à abandonner ce projet.

Il est regrettable que des sommes importantes aient été investies, sans résultats probants.

 Développer la vente du livre numérique

La difficile conciliation entre droits d’auteur et numérique

L’arrivée du livre numérique bouleverse l’économie des contrats d’exploitation entre auteurs et éditeurs. En effet, le support numérique permet une exploitation de l’œuvre sans limitation de durée et ne nécessite aucune réimpression. Des négociations entre auteurs et éditeurs n’ayant pu parvenir à un consensus, le ministère de la culture et de la communication a confié au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique une mission de réflexion sur l’adaptation du contrat d’édition à l’ère numérique présidée par M. Pierre Sirinelli.

Cette médiation a permis d’aboutir à plusieurs points :

– unicité du contrat d’exploitation avec une partie spécifique relative à l’exploitation numérique des œuvres ;

– définition de critères liés à l’exploitation permanente des œuvres et principe d’un suivi et d’une renégociation des conditions économiques de la cession des droits numériques.

Néanmoins, auteurs et éditeurs ne sont pas parvenus à trouver un compromis sur la cession des droits numériques. Les auteurs souhaiteraient ne pas dissocier la cession des droits papiers et des droits numériques.

Si le marché du livre numérique reste limité, il est appelé à progresser.

Selon l’enquête du Syndicat national de l’édition (SNE), les ventes de livres numériques se sont élevées à 56,8 millions d’euros, soit 2,1 % de leur chiffre d’affaires de vente de livres en 2011. Si l’on exclut de ces ventes les livres scolaires, le cabinet de conseil GfK estime le chiffre d’affaires des éditeurs à 12 millions cette même année. Selon des instituts de sondages (40), entre 5 % et 8 % des lecteurs ont lu un livre numérique.

Néanmoins, la progression du livre numérique est importante. Selon le SNE, le chiffre d’affaires du livre numérique a augmenté de 7 % entre 2010 et 2011. Quant à GfK, il anticipe un chiffre d’affaires sur les livres numériques pour les éditeurs de 21 millions d’euros pour 2012.

Le support qui s’impose est le téléchargement, ce que traduit la vente de tablettes. 145 000 liseuses et 1,5 million de tablettes auraient été vendues en France en 2011 selon GfK.

C’est pourquoi le secteur de la librairie doit être un acteur de ce nouveau marché.

L’ALIRE et le SLF (41) considèrent l’arrivée du numérique comme une énième version d’un nouveau support contenant du texte, citant comme exemple, la bande dessinée ou le livre de poche. Il serait illusoire selon eux de s’y opposer, il conviendrait plutôt de considérer le livre numérique comme un service complémentaire rendu aux clients.

La loi relative au prix du livre numérique a été adoptée dans cet esprit.

La loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique.

Afin d’aligner les prix des livres papiers et des livres numériques, le Parlement a adopté la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 encadrant le prix des livres numériques.

L’article premier de la loi définit le livre numérique comme « une œuvre de l'esprit créée par un ou plusieurs auteurs et qu'il est à la fois commercialisé sous sa forme numérique et publié sous forme imprimée ou qu'il est, par son contenu et sa composition, susceptible d'être imprimé, à l'exception des éléments accessoires propres à l'édition numérique » .

L’éditeur devra fixer un prix de vente qui sera modulé selon le contenu de l’offre et les modalités d’accès et d’usage de l’offre. Il s’imposera à tout opérateur proposant des livres numériques aux acheteurs situés en France en vertu d’une clause d’extra-territorialité.

Par ailleurs, la loi de finances pour 2011 a étendu le taux réduit de TVA au livre numérique (42), défini fiscalement comme un livre disponible sur un réseau de communication au public en ligne, notamment par téléchargement ou diffusion en flux, ou sur un support d’enregistrement amovible.

La Commission européenne a adressé une mise en demeure à la France en juillet 2012 au motif que cette loi méconnaîtrait la loi européenne.

Selon Bruxelles, le livre numérique n’est pas assimilable à une marchandise mais relève de la prestation de services et à ce titre la liberté de circulation des services au sein de l’Union européenne établie par la directive du 12 décembre 2006 (43)serait contredite par les restrictions établies par cette loi. Seul un motif d’intérêt général peut permettre aux états membres de s’y soustraire. Selon la France, la protection de la création culturelle est un impératif d’intérêt général.

Par ailleurs l’annexe III de la directive du 28 novembre 2006 (44) énumère une liste de biens et services susceptibles de se voir appliquer le taux réduit de TVA qui n’inclut pas le livre numérique.

Dans sa réponse adressée à la Commission, la France a mis en exergue le principe de neutralité fiscale qui impose que deux biens similaires ne puissent faire l’objet d’un traitement fiscal différent. Dans le cas du livre numérique, le contenu reste identique, seul le support change.

Par ailleurs, la Commission a initié une réflexion sur la convergence des taux de TVA applicables aux livres papiers et numériques.

Cette arrivée du numérique soulève plusieurs questions auxquelles il appartient à la profession de répondre.

En premier lieu, les libraires et les éditeurs doivent décider de quelle manière le livre numérique sera proposé à leur clientèle.

Comme le suggère l’ALIRE (45), le libraire pourrait opter pour une vente directe dans son commerce, en mettant en place des bornes permettant au client de feuilleter les ouvrages disponibles sous ce format et de les commander. Les acteurs dits « pure player (46) » cherchent d’ailleurs des lieux physiques pour proposer leurs produits.

Le libraire pourrait choisir une vente indirecte, via son site internet, par l’intermédiaire d’un catalogue où seraient référencés les ouvrages disponibles en format numérique.

En second lieu, les éditeurs et les diffuseurs doivent aussi coopérer sur deux sujets :

– les ouvrages disponibles en format numérique. Les références restent limitées en France (sur 1,2 million de références, seules 100 000 sont disponibles en version numérique (47)) et se pose la question de la mise à disposition de contenus numériques aux bibliothèques.

– la commercialisation des contenus numériques. Il serait souhaitable à cet égard de disposer d’une plateforme unique.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE LA MINISTRE

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend, lors de sa réunion du mercredi 17 octobre 2012, Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits pour 2013 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

M. le président Patrick Bloche. Nous entamons le marathon budgétaire en entendant madame la ministre de la culture et de la communication, à qui je souhaite la bienvenue, sur les crédits pour 2013 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

L’actualité nous conduit à porter une attention toute particulière, madame la ministre, au financement de l’audiovisuel public et notamment de France Télévisions. Nous aurons également à discuter d’autres enjeux essentiels, tels que les crédits consacrés à la presse, au sujet desquels nous nourrissons quelques inquiétudes. S’agissant de la société Presstalis, je rappelle que nous avions auditionné en juillet dernier sa présidente, Mme Anne-Marie Couderc. J’indique, pour conclure, que si un avenant devait être apporté au contrat d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, notre Commission aurait à se prononcer à son sujet.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Je vous remercie de votre invitation, qui me permettra de décliner certaines des priorités du Gouvernement et du Président de la République pour le budget de 2013.

Le budget global du ministère s’établira en 2013 à 7,4 milliards d’euros, dont 3,55 milliards en faveur des secteurs de la culture, de la recherche et des médias, et 3,83 milliards en faveur de l’audiovisuel public. Cette baisse de 2 % par rapport à 2012 atteste la participation du ministère à l’effort général de redressement des comptes publics. Cela signifie des choix lourds, certes, mais responsables. Ils résultent aussi d’un héritage, celui de l’accumulation de grands projets qui grevaient potentiellement le budget de la culture, alors même qu’une telle accumulation ne constitue pas en elle-même une politique culturelle, et ne saurait remplacer un dessein ou une vision.

Les médias, le livre et les industries culturelles sont confrontés à de nouveaux défis, à commencer par celui de la transition numérique ; dans ce contexte, la mission se verra dotée, en 2013, d’une enveloppe globale de 1,211 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1,218 milliard en crédits de paiement.

Le monde de la presse est soumis à de forts bouleversements, puisqu’il doit s’adapter aux nouvelles exigences technologiques et économiques du secteur. Pour accompagner ces mutations, 516,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement seront consacrés aux aides à la presse en 2013. La principale évolution de ce programme est liée au transfert des crédits dédiés au transport postal de la presse précédemment inscrits au programme 134 de la mission « Économie » ; ce rapatriement budgétaire au ministère de la culture offrira une meilleure lisibilité. L’année 2013 verra s’approfondir la mise en œuvre de la réforme des aides à la presse écrite engagée à la suite des États généraux, et nous entendons d’ailleurs aller beaucoup plus loin. Ce sera également l’occasion de renégocier le contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence France Presse (AFP), puisque ce dernier arrive à échéance.

Afin d’accompagner les mutations du secteur de la presse tout en lui garantissant les conditions de son indépendance, de son pluralisme et du développement de sa diffusion, la réforme des aides publiques directes à la presse, décidée en 2011 par l’instance de concertation, a vu le jour en 2012 conformément aux principes qui fondent le dispositif. Le nouveau fonds stratégique pour le développement de la presse, doté en 2013 de 33,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, a pour ambition d’accompagner les entreprises de presse dans la définition de leur nouveau modèle économique à l’ère du numérique : il vise à améliorer le ciblage et l’efficacité des aides à l’investissement des entreprises de presse et à recentrer le soutien public sur la presse d’information politique et générale, dite « IPG », objectif qui semble d’autant plus nécessaire en cette période de crise pour la presse écrite.

Parallèlement à cette réforme, les aides à la distribution de la presse, ciblées sur la presse IPG, demeurent cruciales pour organiser l’acheminement et la diffusion des titres sur l’ensemble du territoire, dans un contexte de déclin du support papier. Ainsi, 18,9 millions d’euros seront consacrés à l’aide à la distribution, afin notamment d’accompagner l’effort de restructuration engagé par Presstalis, et 37,6 millions d’euros seront consacrés au plan d’aide au développement du portage, afin de favoriser la diffusion de la presse IPG.

S’agissant de Presstalis, un travail approfondi a été mené du 30 juillet au 30 septembre afin de trouver un financement global pour la période 2012-2015, puisque telle était la condition fixée par le président du tribunal de commerce. Un accord a finalement été trouvé entre les parties, à savoir les éditeurs, la société Presstalis elle-même – qui va devoir consentir de nouvelles économies –, l’État, qui s’est fortement engagé, et les Messageries lyonnaises de presse (MLP). Cet accord sur la pérennisation du système de distribution permet de proroger jusqu’à la fin de l’année le mandat de l’administrateur ad hoc. Dans cette restructuration de l’ensemble de la filière, nous avons tout particulièrement le souci de préserver au maximum le niveau 3 de la distribution, c’est-à-dire les diffuseurs.

D’une façon plus générale, il était devenu nécessaire de mieux cibler certaines aides. Malgré l’effort budgétaire, j’insiste sur les sommes importantes allouées au portage à domicile – 37,6 millions d’euros –, qui permet de lutter contre la désaffection de nos concitoyens à l’égard de la presse. Les accords contractuels, quant à eux, seront bien entendu respectés, qu’il s’agisse de l’accord État-Presse-La Poste ou du COM de l’AFP, pour laquelle les abonnements de l’État sont maintenus à hauteur de 117,5 millions d’euros. Comme vous le savez, la Commission européenne a demandé une clarification juridique qui faisait peser une menace sur cette agence ; mais je suis raisonnablement optimiste sur l’issue des discussions.

J’en viens au programme 334, « Livre et industries culturelles ». Dans un contexte budgétaire fortement contraint, les moyens consacrés à la politique en faveur du livre et de la lecture sont globalement préservés en 2013, avec des crédits stables en autorisations d’engagement – 248,1 millions d’euros, contre 247,6 millions en 2012, soit une hausse de 0,2 % –, le recul en crédits de paiement résultant essentiellement de l’étalement des travaux de rénovation du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (BnF).

Notre politique, s’agissant du livre et de la lecture, consiste à favoriser le développement de la création littéraire et la diffusion du patrimoine écrit à travers le soutien aux acteurs – auteurs, éditeurs, libraires, collectivités, bibliothèques et médiathèques –, afin de maintenir les équilibres favorables à notre diversité culturelle. Là encore, le soutien des politiques publiques est nécessaire, car la transition numérique ne va pas sans difficultés.

Dans ce contexte, l’année 2013 sera marquée par la mise en œuvre des orientations en faveur du réseau des libraires, comme je l’avais annoncé au début de l’été. Des groupes de travail associant l’ensemble des acteurs réfléchissent à la modernisation des dispositifs de soutien aux librairies indépendantes. La concertation durera tout l’automne, les préconisations étant attendues pour la fin de l’année. Des groupes de travail ad hoc réfléchissent également aux évolutions législatives ou réglementaires souhaitables. Je m’appuierai aussi sur les rapports de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) consacrés, d’une part, au Centre national du livre et, de l’autre, aux marchés publics. Ces différents travaux nous offriront un large panorama de la situation. La librairie est, comme vous le savez, l’un des commerces de détail les moins rentables, mais son rôle social est indispensable.

Nous poursuivrons également la modernisation du cadre normatif applicable à l’économie du livre numérique. Les discussions entre auteurs et éditeurs sur le contrat d’édition numérique, bloquées au printemps, viennent de reprendre. Je suis optimiste sur leur issue, même si chaque partie doit évidemment faire un pas vers l’autre. Nous avons tous voté la récente loi relative au prix unique du livre numérique, ainsi que le taux réduit de TVA qui lui est appliqué. Reste que la définition du contrat d’édition numérique est un jalon essentiel si nous voulons que la France prenne de l’avance en ce domaine, et que les libraires affrontent la concurrence frontale qui leur est livrée par certains acteurs mondialisés de la vente en ligne. Enfin, la plateforme numérique « 1001libraires.com » a été un échec ; l’IGAC réfléchit donc à de nouvelles solutions.

Le développement de la lecture sur l’ensemble du territoire et en faveur de tous les publics, notamment les plus jeunes, demeurera l’une des priorités du ministère de la culture : si la lecture publique relève d’abord de la compétence des collectivités locales, le rôle de l’État reste capital dans l’impulsion de politiques nationales. La BnF joue bien entendu un rôle majeur ; c’est pourquoi ses crédits de fonctionnement sont préservés. Sa modernisation, notamment en matière de numérisation, ainsi que la valorisation du patrimoine des bibliothèques territoriales, constituent des enjeux de long terme de la mission ; aussi mobilisent-ils l’essentiel des crédits du programme 334. Le budget de la BnF restera centré sur les missions stratégiques retenues dans le cadre, d’une part, de la numérisation et de la valorisation des collections, et, d’autre part, de la modernisation de ses services ainsi que de la rénovation du site Richelieu.

Pour ce qui concerne les industries culturelles dans leur ensemble, l’intervention publique ne doit pas se substituer à celle des acteurs privés, mais assurer la diversité et le renouvellement de la création ainsi que sa diffusion auprès des publics les plus larges, laquelle constitue un véritable enjeu démocratique.

Le nouveau contexte numérique conduit à repenser les modalités de cette intervention ; à ce titre, l’année 2013 sera largement consacrée à la mise en œuvre des préconisations de la mission confiée en juillet 2012 à M. Pierre Lescure sur « l’acte II de l’exception culturelle » pour réfléchir à l’adaptation des différents outils destinés à protéger cette exception culturelle et la faire fructifier. Les auditions, qui se dérouleront jusqu’à la fin de l’année, sont publiques et font l’objet de comptes rendus sur le site internet du ministère, sous la rubrique « culture-acte2 ». Tous les acteurs seront entendus, parmi lesquels les présidents des commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat, dans la transparence et la diversité. D’autres échanges publics auront lieu au terme de ces auditions, avant que la mission ne me remette ses conclusions en mars prochain. Son périmètre de réflexion recouvre l’ensemble des phénomènes de transition et d’adaptation des mécanismes légaux et économiques ayant permis, depuis des années, de défendre la création – puisque tel est bien l’enjeu de l’exception culturelle.

L’avenir de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, dite Hadopi, n’est donc qu’une question parmi d’autres. Le niveau de ses moyens financiers a par ailleurs beaucoup agité les médias, mais il était normal que cette institution contribue elle aussi à l’effort budgétaire. Ses crédits diminueront donc en 2013, et les discussions se poursuivent sur leur montant définitif sachant que le projet annuel de performances prévoit pour l’instant 8 millions d’euros. Il faut en effet permettre à la Hadopi d’assurer ses missions – en particulier sur l’évaluation des pratiques –, que je n’entends pas remettre en cause avant les conclusions de la mission Lescure.

Sur l’audiovisuel aussi, le Gouvernement a fait le choix de la responsabilité et de la vérité. L’effort budgétaire s’applique donc également à ce secteur, qui, en 2013, verra sa dotation globale s’établir à 285,4 millions d’euros, en recul de 1,56 % par rapport à 2012. Aucune mission stratégique des organismes n’est cependant remise en cause. L’objectif de retour à l’équilibre des finances publiques a conduit le Gouvernement à prévoir, pour France Télévisions, une dotation inférieure à celle qui figurait dans son contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2011-2015. Ce dernier fera effectivement l’objet d’un avenant qui réévaluera les objectifs du groupe à l’aune de la baisse des ressources publiques, mais aussi publicitaires – puisque le manque à gagner en ce domaine devrait, selon les estimations, atteindre quelque 75 millions d’euros en 2013 –, et ce afin de lui permettre de remplir ses missions, qu’il s’agisse d’aller à la rencontre de tous les publics, de placer la création au cœur de la stratégie d’entreprise, du développement du numérique, de la proximité locale ou de l’accès aux programmes des personnes handicapées.

Les crédits alloués au fonds de soutien à l’expression radiophonique locale se maintiendront à 29 millions d’euros, signe de l’attachement du Gouvernement à la communication sociale de proximité.

À la suite de la fusion de France 24 et de RFI en une entreprise unique, nous avons suivi les recommandations du rapport relatif à l’audiovisuel extérieur de la France (AEF) remis par M. Jean-Paul Cluzel à la fin du mois de juin. Désormais, la spécificité de chacune des deux chaînes est bien affirmée, et le projet de fusion de leurs rédactions abandonné. La procédure de nomination de la nouvelle présidente de l’AEF, Mme Marie-Christine Saragosse, anticipe d’ailleurs sur la future réforme du mode de nomination des responsables de l’audiovisuel public, avec une recommandation du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qu’a suivie le Président de la République.

Selon le rapport Cluzel, les difficultés traversées par France 24 et RFI rendaient indispensable le maintien de la dotation budgétaire de l’AEF au niveau de 2012 ; c’est ce qu’a décidé le Gouvernement, avec une enveloppe de 314,2 millions d’euros, dont 149,4 millions issus des crédits du programme 115, le complément étant apporté par l’ex-redevance. Ces crédits incluent la participation de l’AEF à TV5 Monde, France Télévisions étant à terme amenée à la reprendre. Au total, la participation de France Télévisions au capital de TV5 Monde s’établira probablement à 49 %, ce qui serait un geste fort à l’égard de nos partenaires francophones suisses, belges et canadiens. Un conseil d’administration de cette chaîne se tiendra le 14 novembre prochain pour désigner son futur directeur général.

Quant à Radio France, Arte et l’Institut national de l’audiovisuel (INA), leurs crédits sont quasiment stables, malgré une très légère baisse.

France Télévisions est l’entreprise la plus mise à contribution ; mon choix, de fait, a été d’utiliser sa structure d’entreprise unique pour dégager des synergies, donc des économies, sans entamer pour autant ses objectifs stratégiques. Le Gouvernement a néanmoins pris ses responsabilités en proposant d’augmenter la contribution à l’audiovisuel public – ex-redevance audiovisuelle – de 2 euros en plus de l’inflation, ce qui la porterait à 129 euros, soit un niveau encore bien inférieur à ce qu’elle est en Allemagne et au Royaume-Uni, où elle atteint respectivement 219 et 180 euros. J’ajoute que toutes les exemptions seront maintenues, notamment celle dont bénéficient les personnes âgées à faibles revenus.

Certains députés proposent de réformer l’assiette de cette contribution, qui doit effectivement être une recette pérenne, équitable et moderne pour l’audiovisuel public, et partant un gage de son indépendance. Le Gouvernement a entendu leur message, mais une telle mesure nécessite une réflexion approfondie, en particulier sur son impact. La réflexion budgétaire, à ce stade, ne doit donc pas prendre le pas sur la définition des missions. Reste que le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement se poursuivra, de façon que l’ajustement de France Télévisions s’effectue dans les meilleures conditions économiques et sociales.

Dès le début de l’été, j’avais demandé au président de France Télévisions de préparer de nouvelles propositions sur les missions des différentes chaînes et sur la présence des différents genres de programmes. Les discussions sont en cours ; leur issue déterminera, avant la fin de l’année, l’avenant au COM. Ces discussions permettent de définir des axes d’économies, en matière notamment de coûts de structure, et ce tout en préservant le plus possible les engagements dans la création audiovisuelle et cinématographique. Pour France 3, une meilleure articulation entre l’échelon régional et l’échelon national paraît souhaitable. Enfin, la place des programmes à destination des enfants doit sans doute être plus ambitieuse, d’autant que la filière française de l’animation est remarquable et créative.

Il n’en demeure pas moins, c’est indéniable, que la participation du groupe France Télévisions à l’effort de redressement des comptes publics est à la fois très importante et supérieure à celle qui est demandée aux autres organismes du secteur public, puisque les ressources publiques diminueront de 85 millions d’euros, soit une baisse de 3,4 % par rapport à 2012 – contre 0,3 % en moyenne pour les autres organismes –, sans compter le manque à gagner des ressources publicitaires dont j’ai parlé.

C’est donc dans ce cadre contraint que la réflexion sur les missions va se poursuivre avec l’objectif que soit pleinement rempli le service public au téléspectateur et au citoyen en termes de programmes et d’information.

Quant à la taxe sur les services de télévision, dite TST, je l’évoquerai en répondant à vos questions.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis sur les crédits de l’audiovisuel. Le Gouvernement, avez-vous déclaré, a fait le choix de la responsabilité, ce que les élus de la nation que nous sommes peuvent tous comprendre. Le secteur de l’audiovisuel public participera pour le budget de 2013 à l’effort de réduction des déficits publics sans affecter les missions stratégiques des divers organismes qui le composent. Il est vrai, cependant, que France Télévisions est davantage mise à contribution.

Cela s’explique par les marges de manœuvre plus importantes dont dispose ce groupe, mais aussi par son histoire récente. Dans un titre qui lui est consacré, le journal Libération parle aujourd’hui de « dèche totale ». Cette situation résulte, rappelons-le, de la décision intempestive et peut-être irraisonnée de Nicolas Sarkozy de supprimer la publicité en soirée. Cette mesure, décidée en 2008 et confirmée par la loi du 5 mars 2009, a eu un impact nul sur l’audience, le contenu et la nature des programmes – la durée des journaux télévisés s’en est même trouvée abrégée –, et son financement s’avère une catastrophe budgétaire dont hérite la nouvelle majorité. M. Sarkozy et l’ancien Gouvernement s’étaient en effet engagés à compenser la perte de recettes engendrée par la suppression de la publicité par la création de deux taxes, toutes deux remises en cause dans leur principe et leur montant : d’une part, la taxe sur le chiffre d’affaires des chaînes télévisées privées – laquelle a rapporté bien moins que prévu, puisque ces dernières n’ont pas bénéficié de l’aubaine annoncée –, et de l’autre, la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, qui risque d’être déclarée contraire au droit communautaire, puisque la Commission européenne a entamé en janvier 2010 une procédure d’infraction contre la France, suite au recours déposé par les opérateurs concernés.

La baisse des ressources publiques de France Télévisions est d’autant plus ressentie que le budget de 2012 avait été élaboré en fonction d’un COM qui, comme nous l’avions dit, n’était pas à la hauteur des enjeux, et d’une prévision de recettes optimiste, voire insincère.

Michel Boyon, président du CSA, a par ailleurs déclaré que « le problème majeur » de France Télévisions est la chaîne France 3 ; à quoi Rémy Pflimlin a répondu que « la mission […] de proximité » de cette chaîne est « fondamentale » ; de fait, elle seule est en mesure de proposer des informations et des programmes de proximité à l’ensemble de nos concitoyens. Jamais une entreprise privée ne remplira ce rôle.

Quel sera donc l’avenir de cette chaîne ? Deviendra-t-elle une syndication de chaînes régionales ou une chaîne nationale procédant à des décrochages ? Alors qu’elle est réputée être la chaîne préférée des Français, Nicolas Sarkozy l’a réduite à quatre grands pôles – contre sept préconisés à l’époque par la « commission Copé » –, lesquels ne correspondent guère à son identité régionale. Ses difficultés tiennent en définitive à une identité encore mal cernée : la dimension régionale, en particulier, doit-elle se limiter à la diffusion d’un journal d’actualités ? Doit-on au contraire envisager des programmes régionaux ambitieux, dans des créneaux favorables à l’audience ?

Que penser, enfin, du plan social de France Télévisions ? Il est tantôt question de « plan de sauvegarde », tantôt de « départs volontaires ». Au moins 20 % des personnels, rappelons-le, sont en contrats à durée déterminée (CDD) ou en intermittence, et certains d’entre eux sont remerciés après vingt-cinq ans de services. Une telle politique salariale suscite des inquiétudes chez nos concitoyens, d’autant qu’elle s’associe à des recrutements ou des nominations de cadres de plus en plus nombreux.

Quelle politique, dans un cadre budgétaire forcément contraint, le Gouvernement entend-il donc mener dans le respect des téléspectateurs, des salariés du groupe et des missions de service public ?

Pourriez-vous par ailleurs apporter quelques précisions sur la situation de TV5 Monde par rapport à l’AEF ? Je confirme à ce propos que chacun se félicite de la nomination de Mme Marie-Christine Saragosse à la tête de l’AEF.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse. La presse affronte un certain nombre de problèmes depuis, non pas cinq ou dix ans – rassurons l’opposition sur ce point –, mais trente ou trente-cinq ans, même s’ils se sont sans doute aggravés au cours des dernières années.

L’organisation du secteur s’est construite en France selon trois systèmes, le système coopératif, la libre entreprise et la régulation. Le premier d’entre eux, qui ne fonctionne plus, est le système coopératif de distribution mis en place en 1945. Il permettait aux « petits » d’être aidés par les « gros », et d’assurer ce faisant une répartition équitable des aides publiques. Or les « gros », aujourd’hui, reviennent à l’idée du deuxième système, celui de la libre entreprise, en arguant des difficultés du secteur. Plusieurs éditeurs ont ainsi joué le jeu des MLP contre Presstalis, quand ils ne revendiquaient pas une complète autonomie. On peut entendre de tels arguments, mais il faut alors se demander si ces éditeurs méritent de recevoir des aides publiques. J’ajoute que le système coopératif s’en est trouvé dérégulé car Presstalis, pour garder certains éditeurs, a baissé ses prix de 10 à 15 %. Les mêmes éditeurs ne peuvent donc invoquer aujourd’hui l’augmentation des prix de 10 % à 15 % comme une preuve de leur contribution au redressement, puisque ces prix ne font alors que revenir à leur niveau d’il y a deux ou trois ans. Tout cela montre que le troisième système, qui repose sur la régulation, n’a donc pas été mené à son terme.

Au regard du nombre de journaux vendus – 5 à 6 % en moins chaque année, et 30 % en dix ans –, on n’a jamais distribué autant d’argent public que cette année, et ce malgré la baisse des dotations budgétaires, puisque celle-ci avoisine les 7 à 8 %. Pendant un an, les aides au journal France soir ont représenté 0,50 euro par exemplaire : cet argent n’aurait-il pas dû aller aux journaux IPG dont on savait qu’ils continueraient de paraître ? Comment comprendre que le groupe Hersant, à travers lequel on espérait sauvegarder la presse normande, ait reçu autant d’aides en pure perte, d’autant que les banques ont elles aussi été mises à contribution ? N’aurait-il pas mieux valu recentrer les aides là où elles étaient plus utiles ?

En aidant à la fois La Poste, le portage et la distribution, l’État aide trois dispositifs concurrents : il faudra bien choisir de privilégier l’une de ces trois aides, ma préférence allant à la distribution car elle participe à l’aménagement du territoire.

La presse de demain ne se résumera pas au support papier : nous aurons donc à mener une réflexion sur la presse en ligne, tant il est vrai qu’un taux de TVA différencié devrait reposer sur le contenu, selon qu’il est citoyen ou non, plutôt que sur le support.

S’agissant de la distribution, peut-on revenir à une fusion des deux coopératives, même si cela prend du temps ? Cette logique est en effet la seule qui offre des perspectives d’économies.

Si certains éditeurs sont pour la libre entreprise, ne faut-il pas envisager un taux de TVA différencié entre, je le répète, une presse « citoyenne » et une presse « consommateurs » ? En somme la justice exige, plus que jamais, des aides inégalitaires.

Mme Sonia Lagarde, rapporteure pour avis sur les crédits du livre et des industries culturelles. Comme l’a indiqué Mme la ministre, un certain nombre de missions sont en cours pour évaluer la pertinence des dispositifs de soutien à la librairie. Les auditions que j’ai menées m’ont permis de constater que le système des aides est si complexe, dans ses diverses superpositions, que beaucoup de libraires ne s’y retrouvent sans doute pas, quoi qu’en dise leur syndicat. Il faudrait donc le rationaliser.

Pensez-vous que la loi du 10 août 1981 sur le prix du livre doit être améliorée ? Si oui, selon quelles orientations ?

Afin de répondre à l’offensive commerciale des grands opérateurs de vente en ligne, au premier rang desquels Amazon, les libraires bénéficient d’une possibilité de remise de 5 % ; mais beaucoup ne l’appliquent pas compte tenu de la faiblesse de leurs marges. Si l’on ajoute les possibilités de remise qui existent aussi pour les grands opérateurs, sans oublier l’intégration des frais de port, la situation s’apparente à de la concurrence déloyale pour les libraires.

Les crédits alloués à la Hadopi passeront de 10,3 millions d’euros à 8 millions. Or, pour avoir entendu les responsables de cette autorité, je sais qu’un tel niveau de financement la met en danger. Mais vous nous avez dit, madame la ministre, que des discussions étaient en cours et que des solutions devraient être trouvées.

M. Bruno Parent, dans son rapport sur l’avenir de la librairie, suggère une piste très intéressante pour les librairies indépendantes, avec la facturation de chaque ligne de commande passée grâce au service Dilicom, à raison d’un centime d’euro à la charge du libraire et de deux centimes facturés à l’éditeur. Cette manne pourrait transiter par le Centre national du livre (CNL).

Une telle solution ne pourrait-elle servir de modèle pour le financement de la Hadopi, même si la situation est bien plus complexe ? Il faudra sans doute réfléchir, dans un contexte budgétaire tendu, à d’autres sources de financement que les seuls deniers publics afin d’assurer l’avenir de cette autorité.

M. le président Patrick Bloche. On peut aussi imaginer, selon le système des vases communicants, que les crédits de la Hadopi soient progressivement transférés ailleurs…

Je vais à présent donner la parole aux porte-parole des groupes.

M. Marcel Rogemont. Sur l’audiovisuel public, madame la ministre, votre chemin est semé d’embûches, compte tenu de l’héritage laissé par la précédente majorité.

L’audiovisuel public est en effet le « mal-aimé » des dix dernières années, victime qu’il fut de décisions pour le moins inappropriées et en tout état de cause précipitées ; de là vient le chaos actuel. Il n’est qu’à rappeler que, dans un environnement pourtant difficile, notamment pour les recettes publicitaires, on a lancé six chaînes sur la télévision numérique terrestre (TNT). Cela déstabilise le secteur privé comme le secteur public de l’audiovisuel.

Par ailleurs, qui présidera le CSA au 1er janvier 2013 ? Et quel est l’avenir à long terme de cette institution ?

Vous avez réaffirmé l’importance de l’audiovisuel public et la nécessité de pérenniser ses moyens. Si l’on considère l’ensemble de la législature, et non le seul budget dont nous débattons, le financement public pourrait-il à terme ne reposer que sur la redevance ? Une telle option pose la question de l’assiette de cette taxe : certains ont proposé d’y intégrer les résidences secondaires ; d’autres, des supports autres que les téléviseurs. Quoi qu’il en soit, l’augmentation de 125 à 129 euros va selon nous dans le bon sens. Je ne doute pas, d’ailleurs, que nos collègues de l’opposition nous rejoindront en se souvenant que nous avions nous-mêmes voté l’augmentation de la redevance proposée par Christian Kert, en 2009, puisque celle-ci n’avait pas évolué depuis sept ou huit ans.

Un effort plus important est demandé à France Télévisions, alors même que ses dépenses de personnels sont plus modérées que dans les autres entreprises de l’audiovisuel public. Ce n’est donc pas sur cette ligne budgétaire que l’on risque de faire des économies, mais dans la partie « dure » de ses missions, à commencer par la création audiovisuelle. En ce domaine, le groupe a investi 420 millions d’euros en 2012 : l’année a peut-être été exceptionnelle, mais le COM prévoyait un investissement de 425 à 450 millions d’euros ; or celui-ci avoisinera plutôt les 350 millions. Cela nous préoccupe d’autant plus que, derrière les programmes de France Télévisions, des emplois sont en jeu.

Il faut s’interroger sur l’identité des chaînes : doit-il y en avoir autant dans le groupe ? Quid de France 3 et de son financement ? Bref, sur quelles bases entendez-vous définir le nouveau COM ?

Enfin, les télévisions locales participeront d’autant mieux à l’expression démocratique qu’elles recevront des financements plus conséquents et si le canal qui leur est attribué ne varie pas sans cesse : qui songerait à diffuser TF1 sur le canal 15 ?

Pour conclure, madame la ministre, je veux vous rappeler la disponibilité des députés SRC pour travailler à vos côtés, et vous témoigner leur soutien pour le présent budget.

M. le président Patrick Bloche. Si notre groupe avait effectivement voté la légère augmentation de la redevance en 2009, c’est d’abord parce que Jean-François Copé avait juré que, lui vivant, celle-ci n’augmenterait pas !

M. Christian Kert. Je veux vous transmettre un message de sympathie au nom de mon groupe, madame la ministre, car, si vous me passez l’expression, on vous a tout fait ! Après l’abandon de projets importants, voici que l’on vous demande de « tailler » sévèrement dans les crédits de la culture. Comme vous le savez, cela n’était pas arrivé depuis longtemps. On a aussi proposé d’intégrer les œuvres d’art dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et, comme si cela ne suffisait pas, d’intégrer les résidences secondaires dans celle de la redevance audiovisuelle – on vous a certes épargné les campings, mais c’est à peu près tout…

Sur l’audiovisuel, les discours ne masqueront pas la réalité : les crédits sont en recul de 1,56 %, ce qui ne manquera pas de mettre le secteur en difficulté, comme l’ont souligné les rapporteurs eux-mêmes. L’augmentation de la redevance ne compensera pas le manque à gagner pour France Télévisions, puisque celui-ci est de l’ordre de 160 à 170 millions d’euros. Au reste, la redevance n’a jamais eu pour fonction de compenser les désengagements de l’État. En 2009, nous avions d’ailleurs insisté sur l’indispensable pérennisation du soutien de l’État.

En l’occurrence, j’aurais voté l’indexation de la redevance, mais je ne voterai pas son augmentation supplémentaire de 2 euros, même si l’on peut estimer qu’il vous a fallu un certain courage pour la proposer. En tout état de cause, malgré cette mesure, le déficit de financement de France Télévisions restera de près de 100 millions d’euros, que ne combleront pas les recettes publicitaires dans la mesure où celles-ci, par rapport au COM, seront inférieures d’une quarantaine de millions d’euros en 2012 et sans doute, hélas, de 60 à 70 millions en 2013.

On voit mal, dans ces conditions, comment France Télévisions pourrait assurer ses missions « régaliennes ». La création et l’innovation sont pourtant au cœur de l’économie culturelle : 60 % de la production française provient de la commande publique. La remise en cause de cette mission affecterait donc tout le secteur. Il en va de même pour la modernisation de l’information et la stratégie numérique. Entendez-vous encore « dégraisser le mammouth », sachant que France Télévisions a déjà subi de réelles cures d’amincissement ?

La radio numérique terrestre est un sujet complexe, pour lequel, selon un communiqué que vous avez publié début septembre, vous souhaitez prendre du temps, sans toutefois fermer la porte. Votre réflexion a-t-elle avancé depuis ?

S’agissant de la Hadopi, il va quand même être difficile de faire fonctionner cet organisme avec 3 millions d’euros de moins. Vous avez déclaré qu’un budget de 11 millions d’euros pour envoyer des courriels, c’était un peu cher ; reste que ces courriels permettent non seulement de réguler le marché, mais aussi de sanctionner, en d’autres termes de protéger les œuvres et leurs auteurs. Vos réticences collectives à l’égard de cette institution sont connues : qu’en est-il exactement ? Nous serons attentifs à la réponse que vous ferez à Mme la rapporteure pour avis sur les crédits du livre et des industries culturelles.

J’estime par ailleurs souhaitable, comme Michel Françaix, de rééquilibrer les aides au portage. Il est anormal, en particulier, que La Poste perçoive des aides nettement supérieures à celles des entreprises du secteur, alors qu’elle distribue quatre fois moins de journaux. Cela dit l’ensemble des aides sont, elles aussi, en diminution sensible. Vous vous souvenez que les États généraux de la presse les avaient fixées à 70 millions d’euros pendant trois ans, au terme desquels nous les avions nous-mêmes baissées à 45 millions. Vous les portez aujourd’hui à 37,6 millions d’euros, soit un niveau tout juste suffisant pour assurer la survie du système. En ce domaine, la contractualisation me semble nécessaire : les professionnels doivent savoir à quoi s’attendre dans les années qui viennent.

Enfin, madame la ministre, vous n’avez pas parlé de l’abandon de l’opération « Mon journal offert » ; elle permettait pourtant à 900 000 jeunes de s’abonner à un journal pendant une année, à l’issue de laquelle 8 % d’entre eux avaient décidé de conserver leur abonnement. Il est d’autant plus dommage d’abandonner ce projet que l’éducation et la jeunesse sont, à vous entendre, des priorités de votre ministère.

Mme Isabelle Attard. Nous saluons certains choix budgétaires du Gouvernement, à commencer par l’abandon de projets pharaoniques tels que le Centre national de la musique, la Maison de l’histoire de France ou la salle supplémentaire de la Comédie-Française à la Bastille. Nous tenons aussi à vous féliciter pour le maintien des aides à la presse écrite, aux auteurs et aux bibliothèques, même s’il faudra un travail étroit entre les collectivités pour assurer l’accès de la lecture à tous sur l’ensemble du territoire. La révision à la baisse des crédits alloués à la Hadopi mérite aussi d’être saluée : surtout, ne lâchez rien !

D’autres orientations nous semblent en revanche plus discutables. Comment, en particulier, imposer la rigueur budgétaire aux grandes institutions culturelles publiques sans leur offrir un véritable accompagnement dans la redéfinition de leurs missions ? Entre la diminution des ressources publicitaires, le gel de plusieurs millions d’euros de la dotation budgétaire pour 2012 et la diminution annoncée pour 2013, les conditions de la réorganisation de France Télévisions ne sont guère rassurantes. Une telle rigueur contrainte, et de surcroît peu accompagnée, suscite bien des inquiétudes sur l’avenir des rédactions et la précarisation des salariés. Un effort pédagogique me semble indispensable auprès des antennes locales de France 3 si l’on veut éviter de nouvelles grèves, après celle du 21 septembre dernier.

Beaucoup reste également à faire sur le lien entre la culture et le numérique. Le rayonnement culturel français exige que le maximum d’œuvres soient disponibles en ligne, et ce sous un format libre et réutilisable. Le Centre Pompidou virtuel en offre un triste contre-exemple : son site internet verrouille l’accès aux œuvres et rend impossibles la copie et la réutilisation des fichiers, c’est-à-dire les données publiques financées par de l’argent public.

Une ligne directrice doit aussi être tracée pour le secteur du livre numérique. Les grands acteurs étrangers, notamment Google, Apple et Amazon, font commerce de « sous-livres » électroniques, en faisant croire à leurs clients qu’ils achètent un vrai livre, alors qu’ils ne détiennent qu’une licence très limitée, qui leur interdit la revente et les lie à un système propriétaire.

Selon nous, le budget pour 2013 ne doit pas être la prolongation d’années de vaches maigres, mais la préfiguration d’une nouvelle vision de la culture : nous comptons vivement sur vous, madame la ministre, pour y parvenir.

M. Rudy Salles. Comme Mme Lagarde, j’estime que la Hadopi ne sera pas en mesure d’assurer ses missions. La question est donc simple : êtes-vous pour ou contre la suppression de cette autorité, madame la ministre ? Plutôt que de l’asphyxier progressivement, mieux vaut dire les choses avec clarté.

La baisse drastique de la dotation budgétaire pour 2013 sera très difficile à gérer pour France Télévisions : si cette baisse avait été programmée sur le long terme, l’entreprise aurait été capable, comme n’importe quelle autre, d’établir un plan pluriannuel. Mme Martinel a laissé entendre qu’il fallait rétablir la publicité après vingt heures…

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis sur les crédits de l’audiovisuel. Je n’ai pas dit cela !

M. Rudy Salles. Vous avez critiqué la suppression de la publicité après vingt heures. Je pose donc la question très simplement : le Gouvernement est-il favorable à son rétablissement ?

Les observations de Mme Attard sur l’abandon des grands projets me semblent un peu hors de propos. La gauche avait-elle contesté, par exemple, le projet du Grand Louvre ?

M. le président Patrick Bloche. Mme Martinel a seulement rappelé que la suppression de la publicité après vingt heures a privé France Télévisions de 450 millions d’euros de recettes : nous en payons le prix aujourd’hui.

M. Rudy Salles. Si c’est une erreur, corrigez-la !

Mme Marie-George Buffet. Je ne tiendrai pas à votre égard, madame la ministre, le discours compassionnel de notre collègue de l’UMP, puisque vous assumez apparemment ce budget que vous avez qualifié de « responsable ».

D’autres choix me semblent possibles : ces budgets contraints, qui résultent de décisions européennes, sont dommageables pour un ministère comme le vôtre, car il contribue à la construction et à l’épanouissement des individus. À ce titre il aurait dû figurer parmi les ministères prioritaires, comme celui de l’éducation.

Je souscris aux analyses de Michel Françaix sur la presse. Je rappelle néanmoins que l’accord conclu pour Presstalis prévoit plus de 1 000 suppressions d’emplois : les salariés continuent donc de se mobiliser pour défendre leur outil de travail, comme ils l’ont encore fait ce matin même au dépôt de Bobigny. On ne sortira pas des difficultés actuelles sans s’interroger sur l’existence de deux messageries, que les éditeurs choisissent selon leurs intérêts. Comment voyez-vous l’avenir du secteur ?

À La Courneuve et au Blanc-Mesnil, deux librairies viennent d’ouvrir : chacun s’en félicite, mais elles doivent lutter au quotidien pour amener de nouveaux lecteurs. Les librairies indépendantes ont besoin d’être soutenues, comme vous l’avez indiqué : quelles sont vos pistes en la matière ?

Je me félicite de la non-fusion des rédactions au sein de l’AEF. Quelles sont vos prévisions pour RFI, notamment en termes de moyens ? Cette entreprise a en effet subi plusieurs plans sociaux.

Quant à France Télévisions, l’héritage pèse, certes, mais que fait-on à présent ? L’idée d’intégrer les résidences secondaires dans l’assiette de la redevance a finalement été abandonnée, de même que celle, soutenue par les syndicats, de rétablir la publicité en soirée. Pour ma part je suggérais d’augmenter la redevance, moyennant une prise en compte des ressources. Si l’aide publique va diminuant, quelles sont vos solutions, qu’il s’agisse de la redevance ou de la publicité, pour préserver les missions de France Télévisions, maintenir, comme je le souhaite, les rédactions régionales et nationales de France 3 ainsi que les emplois au sein du groupe ?

M. Thierry Braillard. Si l’amour dure trois ans, chers collègues de l’opposition, notre mandat en dure cinq. Les mesures dont nous débattons résultent du choix du Gouvernement de diminuer la dépense publique de 10 milliards d’euros, car nous sommes un peu comme dans un véhicule lancé à grande vitesse et qui voit s’approcher un mur. Ce choix, nous aurions certes préféré que vous le fassiez lorsque vous étiez aux responsabilités.

Le groupe RRDP se réjouit du maintien des aides à la presse écrite, notamment régionale. S’agissant de la distribution, une nouvelle audition de Mme Couderc serait sans doute utile, pour examiner plus en détail le plan de Presstalis en matière d’emplois.

Il faut rappeler, sans esprit polémique, l’héritage laissé dans le domaine de l’audiovisuel : alors que l’on asséchait les recettes du service public, on augmentait celles des télévisions privées, en leur permettant d’augmenter les pauses publicitaires d’une minute.

Notre groupe entend réaffirmer son soutien à l’audiovisuel public, lequel ne se résume ni à ses émissions, ni à l’information : n’oublions pas le secteur la création, dont nous craignons qu’elle soit la première à pâtir de la diminution sensible des dotations publiques. Nous sommes prêts, à cet égard, à faire feu de tout bois, souscrivant par exemple à l’idée d’intégrer les résidences secondaires ou même les ordinateurs – puisque les offres « triple play » se généralisent – dans l’assiette de la redevance. Compte tenu de la nouvelle donne, la suppression de la publicité après vingt heures doit aussi être remise en question, d’autant qu’elle n’empêche pas les programmes du soir de débuter à vingt et une heures.

Le président-directeur général de France Télévisions doit aussi définir les perspectives d’avenir pour France 3 : lorsqu’il fut auditionné par notre Commission, chacun souhaitait que cette chaîne retrouve sa dimension régionale. Il faut enfin s’interroger, dans ce contexte d’économies drastiques, sur la pertinence d’une chaîne comme France 4.

M. Michel Pouzol. La presse, le livre et la diffusion ne sont pas des tableaux budgétaires formels, mais un espace de connaissance et un horizon d’attente fort pour nos concitoyens. La question est donc de savoir comment apporter de la vitalité à un secteur qui subit une crise d’une ampleur historique.

Ne nous leurrons pas, et ce point devrait faire consensus, nous héritons d’une situation fortement dégradée, notamment en ce qui concerne la presse. Cela nous oblige à réussir vite et à poser les bases d’une politique de soutien aux médias, à la presse et à l’industrie culturelle, politique qui contribuerait, à moyen terme, à remettre ces secteurs sur les rails. Si les premières décisions répondent à l’urgence, elles nous inciteront à aller plus loin, dans les années à venir, afin d’assurer la survie du système. Permettez-nous à cet égard, madame la ministre, de saluer votre réactivité et votre engagement.

La question est aussi de savoir comment les acteurs pourront continuer à faire vivre l’offre culturelle, la diversité de la presse et l’accès de tous à la culture. Il est essentiel de permettre à nos concitoyens d’accéder à des sources d’informations diversifiées et pluralistes sur l’ensemble du territoire. Il y va non seulement de la liberté de la presse et de son indépendance, mais aussi, plus largement, de la vitalité de notre démocratie.

En matière d’aides à la presse, que celles-ci soient directes ou indirectes, les efforts sont conséquents. La diffusion est un enjeu historique, et la mobilisation de l’État en ce domaine reste forte : au regard du nombre de journaux vendus, elle ne l’a même jamais autant été.

Je me réjouis aussi de voir qu’au-delà des seules logiques comptables, le Gouvernement a préféré un changement, en accompagnant la modernisation sociale de la presse. C’est un domaine où nous avons beaucoup à faire dans les années à venir : nous y veillerons. Plusieurs pistes ont déjà été évoquées ; mais nous restons vigilants sur la situation de Presstalis, comme en témoigne l’aide de 15 millions d’euros apportée par l’État. Sans ces fonds, l’entreprise n’aurait pu éviter le redressement judiciaire. Mais le chemin du retour à bonne fortune est encore long : la négociation avec les partenaires s’annonce difficile, mais elle est nécessaire.

N’oublions pas non plus que la politique de la presse intéresse aussi potentiellement l’aménagement du territoire dans la mesure où, si elle est conduite avec intelligence, elle doit permettre à tous nos concitoyens d’acheter leur journal où qu’ils vivent. Dans de nombreux territoires ruraux, le vendeur de journaux assure même une forme de service public.

Qu’elle concerne le flux ou le stock, la question du portage est également cruciale. Elle se pose différemment, toutefois, en milieu urbain et rural : les contradictions sont nombreuses entre les pratiques ou les opérateurs d’un côté, et les spécificités territoriales de l’autre.

Si nous nous félicitons de vos propositions, nous souhaitons voir une nouvelle politique se mettre en place : cette première pierre de l’édifice ne saurait cacher le long chemin qui reste à parcourir. Il faut changer de cap et remettre les politiques culturelles dans le bon sens, celui qui permettra aux Français d’accéder à l’offre la plus variée, la plus large et la plus intéressante possible. Cela passe par des concertations sans tabous avec l’ensemble des acteurs. Merci, madame la ministre, pour votre travail et ce budget, que nous soutiendrons.

M. Franck Riester. Je m’associe au message de compréhension adressé par Christian Kert à Mme la ministre. Cela dit, même si elle subit certaines décisions, elle est solidaire du Gouvernement dont elle est membre. Or, force est de constater que le budget de la culture est malmené comme il ne l’a pour ainsi dire jamais été : alors qu’il avait augmenté de 20 % au total en cinq ans, il accusera en 2013 une baisse de 2,3 %, et même de 13 % pour la mission dont nous parlons, soit au total moins 30 % sur trois ans, puisque les reculs annoncés pour 2014 et 2015 se montent respectivement à 1,08 milliard et 960 millions d’euros. Bref, il s’agit d’un budget terrible pour la culture ; à telle enseigne que nous pourrions formuler le vœu, en accord avec nos collègues communistes, que ce ministère devienne prioritaire.

Quelles missions de France Télévisions envisagez-vous de supprimer, puisqu’une réduction budgétaire aussi brutale n’offre pas d’autre perspective ?

Qu’en est-il de la taxe sur les distributeurs de services de télévision, dite TST-D, qui aurait permis de financer le projet de Centre national de la musique que vous avez abandonné, ainsi que du crédit d’impôt phonographique, dont il n’est pas fait mention dans le projet de loi de finances ?

Enfin, la présidente de la Commission de protection des droits de la Hadopi a déclaré qu’avec une dotation de 9 millions d’euros, cet organisme serait en mesure d’assurer ses missions. Ce niveau de financement est-il celui que vous envisagez ?

Mme Martine Faure. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir préservé, dans un budget contraint, les financements en faveur du livre et de la lecture publique. Cette dernière relève certes de la compétence des conseils généraux, mais le rôle de l’État est capital pour l’impulsion de la politique sur l’ensemble des territoires et au bénéfice de tous les publics, notamment les jeunes. Quatre-vingts contrats « territoire-lecture » ont été signés à ce jour, pour une durée moyenne de trois ans. Pouvez-vous nous donner des précisions sur leur contenu ? Peut-on en espérer d’autres dans les mois qui viennent ? Par ailleurs, je m’associe aux inquiétudes exprimées à propos de France 3.

M. François de Mazières. Nous avons tous un peu de compassion pour Mme la ministre. La démonstration est faite, en tout cas, que la culture n’est ni de droite, ni de gauche, puisque, après une augmentation continue pendant plusieurs années, son budget diminuera en 2013. Certes, les temps sont difficiles et Mme la ministre s’est efforcée de trouver des solutions, mais la multiplication des annonces a laissé une impression un peu brouillonne.

Augmenter la redevance de 4 euros rapportera 109 millions d’euros. Le désengagement de l’État vis-à-vis de France Télévisions atteignant 195 millions, le « delta » est donc de 86 millions ; en y ajoutant le manque à gagner publicitaire, ce sont 150 millions qu’il faudra trouver. Vous proposez de revoir le COM : quelles perspectives avez-vous à l’esprit ? Il ne faudrait pas donner le sentiment de faire porter toute la responsabilité sur la direction de France Télévisions : nous aimerions, en tant que parlementaires, partager ces réflexions avec vous.

J’ajoute, pour conclure, que la défense de l’exception culturelle française passe aussi par la défense du budget de la culture.

Mme Colette Langlade. Vous avez fait du développement de la lecture l’une de vos priorités. Dans un contexte budgétaire contraint, les moyens consacrés au livre et à la lecture sont globalement préservés. Vous avez aussi insisté sur le développement de la création littéraire et l’équilibre entre les territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux.

La lecture publique étant une compétence décentralisée, comment entendez-vous garantir sa qualité et sa cohérence sur tous les territoires, notamment pour les jeunes ? Quels sont les objectifs de la politique nationale que vous avez déclaré vouloir impulser ?

M. Michel Herbillon. J’étais très impatient de vous entendre, madame la ministre, sur ce premier budget que présentez. Cependant, l’argument de l’héritage ne fait pas une politique : je pensais que vous en avez conscience, et ne vous cacherai pas ma déception car je n’ai finalement pas perçu votre projet. On ne compte plus, d’ailleurs, les cacophonies et revirements des membres du Gouvernement, sans parler de votre colloque singulier avec le ministre du budget, qui nous conduit parfois à nous demander lequel de vous deux est le ministre de culture et de la communication. Nous considérons, pour notre part, que c’est vous. Mais il faudrait accorder vos violons car, sur à peu près tous les sujets, vous apparaissez en désaccord : ces contradictions diverses au sein du Gouvernement et de la majorité, et entre celle-ci et celui-là, posent vraiment problème.

L’an dernier, alors que vous étiez députée, vous déclariez en Commission des finances que France Télévisions « risque un affaiblissement de ses moyens. Alors que le COM 2011-2015 vient de recevoir un avis favorable, il est remis en question. » En l’occurrence, le stade du risque est dépassé puisque le groupe est confronté à une diminution drastique de ses moyens, de l’ordre de 160 millions par rapport au COM.

Vous avez rappelé la liste des missions de France Télévisions, quitte même à l’allonger. Ma question est donc simple : dès lors que vous réduisez les moyens, quelles sont les missions que vous remettez en cause ? Je ne vois pas, en effet, comment une entreprise pourrait vivre dans une telle instabilité juridique et financière, alors même qu’elle mène une politique de réduction de ses effectifs.

Au sujet des librairies indépendantes, vous évoquez des concertations, des rapports et des groupes de travail. Mais tout cela ne fait pas une politique non plus. Quels sont vos propres projets et vos pistes de réflexion ?

Mme Françoise Dumas. Des inquiétudes s’expriment sur le terrain à propos de France 3 et de ses personnels. Le temps accordé aux journaux locaux est peu à peu réduit – alors qu’il était de dix minutes jusqu’à mi-2010 –, et leur diffusion à la suite des journaux régionaux rend souvent l’information redondante. Je vous fais confiance pour prendre en compte ces inquiétudes, mais je veux aussi revenir sur les objectifs plus généraux, car l’information dont nous parlons a une valeur de service public pour les territoires. Au-delà d’une modernisation qui peut être souhaitable, à quoi ressemblera France 3 en régions à court et moyen terme ?

M. Frédéric Reiss. Vous avez annoncé un avenant au COM de France Télévisions : pourriez-vous nous en dire plus à son sujet ? La baisse de 1,56 % des crédits pour 2013 aura sans doute des répercussions sur les personnels de cette entreprise. Certains contrats risquent-ils de ne pas être renouvelés ? Comment envisagez-vous l’avenir des personnels, notamment celui des intermittents du spectacle ?

M. Michel Ménard. Je m’étonne que nos collègues de l’opposition refusent de voter l’augmentation de la redevance tout en dénonçant la situation budgétaire de France Télévisions. Vous ne cessez de nous appeler à plus de sévérité dans la réduction des dépenses, et voici que vous tenez le discours inverse ! Il faut un minimum de cohérence.

L’opération « Mon journal offert », lancée en 2009, visait à réconcilier les jeunes avec la presse en leur offrant la possibilité de recevoir, une fois par semaine, le quotidien de leur choix pendant un an. Elle a d’ailleurs connu un large succès, puisque plus de 300 000 demandes ont été enregistrées, pour 220 000 abonnements disponibles. Comptez-vous renouveler cette opération dans les années à venir ?

M. Guénhaël Huet. Vous avez vous-même reconnu, madame la ministre, que le budget de votre ministère connaissait une baisse significative ; de fait, on n’a pas senti beaucoup d’ambition dans votre projet culturel. Pourriez-vous préciser la part des crédits déconcentrés au sein de ce budget ? Paris semble en effet avoir la part belle : il ne faut pas oublier les autres territoires.

Vous avez aussi évoqué une sélectivité dans les aides à la presse : sur quels critères la fondez-vous, puisque ceux-ci ne sauraient être, j’imagine, d’ordre idéologique ou politique ?

Enfin, le courage politique exigerait que vous nous disiez franchement si vous entendez supprimer la Hadopi et rétablir la publicité après vingt heures sur les chaînes de l’audiovisuel public.

Mme Brigitte Bourguignon. Je souhaite vous faire part, sans la condescendance ironique de nos collègues de l’opposition, de mon réel soutien, comme devraient le faire ceux qu’anime l’esprit de responsabilité collective. Le vrai courage politique est en effet de s’attaquer aux déficits publics. J’ajoute que, lors des législatures précédentes, les collectivités que nous gérons ont maintenu une activité culturelle sur les territoires : nous n’avons donc aucune leçon à recevoir.

S’agissant du livre et des industries culturelles, vous avez, madame la ministre, sanctuarisé l’action publique sur les territoires : cela mérite d’être souligné. Je salue également le rétablissement de la TVA à 5,5 % sur le livre : cette mesure constitue une bouffée d’air pour le secteur à l’heure des tournants technologiques et de la concurrence d’un géant américain qu’il n’est pas besoin de nommer. Certaines orientations se dégagent-elles des auditions déjà menées par la mission Lescure ? Envisagez-vous également d’autres pistes de financement pour le CNL que la taxe sur les appareils de reproduction et d’impression ? L’essor des nouvelles technologies rend en effet incertaine la pérennité de ce financement.

Mme Annie Genevard. Je souhaite exprimer à mon tour la préoccupation dont certains de mes collègues se sont fait l’écho au sujet des librairies indépendantes, dont l’équilibre économique est des plus fragiles, alors que leur utilité intellectuelle, sociale et territoriale est essentielle.

La situation du livre et de la lecture est paradoxale. Alors que les territoires font preuve d’inventivité et que se multiplient les actions locales et les initiatives – telles que la mise en place, par l’ancien Gouvernement, du label de librairie indépendante de référence ou des contrats de territoire –, et alors même que l’appétence pour la lecture semble aller croissant, les librairies demeurent des maillons très fragiles, surtout en milieu rural. Quelles actions spécifiques envisagez-vous pour soutenir la politique du livre et de la lecture, qui est à mes yeux la mère des politiques culturelles ?

M. Jean-Pierre Allossery. Les crédits dévolus à la politique du livre sont maintenus. Cependant, les critères d’attribution des contrats « territoire-lecture » tiendront-ils compte de la nécessaire ouverture des bibliothèques à l’ensemble des pratiques artistiques ? Quid de l’articulation de la bibliothèque et de la lecture avec les politiques éducatives, sociales et d’insertion ? La lecture doit en effet s’inscrire dans une politique globale de mixité sociale, afin de favoriser l’accès aux livres de tous, notamment des jeunes et des publics éloignés ou empêchés.

M. le président Patrick Bloche. Marcel Rogemont souhaitait aussi exprimer son souci pour le livre.

Mme la ministre. Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, de l’attachement que vous portez à la culture, en particulier à ce pilier de la politique culturelle qu’est le secteur du livre, dont le budget est par conséquent préservé. Nous veillons, d’une part, à ce que la réflexion sur l’évolution du cadre législatif lié à la transition numérique se fasse dans de bonnes conditions, et, de l’autre, à l’efficacité du soutien aux librairies indépendantes. Je participerai demain à la signature d’un nouveau contrat « territoire-lecture » à Chevilly-Larue, et réaffirmerai à cette occasion la nécessité, pour l’État, d’encourager les initiatives des collectivités, la politique du livre étant essentielle, je le répète, à l’aménagement du territoire, qu’il s’agisse de lien social ou d’éducation. Le livre est aussi, souvent, la porte d’entrée à tous les horizons culturels ; c’est pourquoi les bibliothèques et médiathèques sont évidemment des maillons essentiels.

Dès mon entrée en fonction, j’ai installé des groupes de travail, qui réfléchissent à des solutions concrètes sur des sujets tels que l’accès aux marchés publics pour les librairies indépendantes. Un état des lieux de toutes les aides existantes, madame Lagarde, sera donc établi afin d’améliorer leur efficacité : en ce domaine, il faut éviter le saupoudrage. M. Serge Kancel, inspecteur général de l’IGAC, prépare un rapport sur le sujet. Je souhaite aussi que soient analysées les raisons de l’échec de « 1001libraires.com » : les librairies indépendantes doivent se positionner sur le marché de la vente en ligne, car la concurrence du site Amazon est pour elles une menace à court terme, à laquelle il faut répondre avant la réforme de la TVA au niveau européen en 2015.

La fiscalité numérique est l’une des solutions pour la préservation de l’exception culturelle : Pierre Collin et Nicolas Colin, à qui le Gouvernement a confié un rapport, réfléchissent aux moyens de faire contribuer les grandes entreprises de vente en ligne ou les sites agrégateurs de contenus au financement de la création, puisque celle-ci a toujours été financée, en aval, par les réseaux distributeurs.

Quant à la Hadopi, elle doit être en mesure d’assurer sa mission. La dotation initialement prévue se monte à 8 millions d’euros, mais le chiffre de 9 millions vient d’être évoqué dans les discussions. Néanmoins, jusqu’à présent, la Haute autorité ne m’a pas transmis les éléments suffisants pour évaluer ses besoins réels. Quant à son avenir, le Gouvernement s’appuiera sur les conclusions de la mission Lescure, attendues au printemps de 2013, pour en décider. Quoi qu’il en soit, cet organisme doit participer, comme les autres, à l’effort de redressement des finances publiques. Ce défi a d’ailleurs été accepté avec un réel sens des responsabilités par tous les acteurs de la culture, à l’instar du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui contribuera à cet effort par un prélèvement sur son fonds de roulement.

J’ai néanmoins veillé à la préservation des missions fondamentales du secteur culturel, notamment dans son lien avec la citoyenneté, ainsi qu’à la valorisation de l’éducation artistique et au renforcement de l’égalité des territoires, la politique culturelle de ces dernières années ayant été marquée, monsieur Riester, par une trop forte concentration des projets à Paris. Loin d’être pénalisés, les crédits déconcentrés sont donc maintenus : 46 % du budget de mon ministère iront aux régions.

Je suis favorable à une TVA réduite pour la presse en ligne, monsieur Françaix. Cette question se pose dans le cadre plus général de la réforme des aides à la presse. Dans le contexte de la transition numérique, parmi les outils qu’il me semble important de pouvoir développer, l’idée de créer un droit voisin pour les éditeurs de presse – baptisé un peu hâtivement « lex Google » –, proposée par des éditeurs français, me paraît extrêmement pertinente ; elle semble se concrétiser en Allemagne, et la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) est en train d’y réfléchir. À travers le soutien au secteur de la presse, il s’agit en effet de préserver une liberté démocratique fondamentale.

Dans cette optique, l’État s’est engagé dans la restructuration de Presstalis. La création d’une société commune permettra non seulement de générer des économies structurelles, mais aussi de réorganiser la filière selon vos souhaits, même si cela ne va évidemment pas sans difficultés.

S’agissant du groupe Hersant média (GHM), le journal Paris-Normandie a été cédé à deux professionnels de la presse ; quant au pôle
Champagne-Ardenne-Picardie, il fait l’objet de deux offres de reprise. Il faudra attendre l’audience du 30 octobre prochain devant le tribunal de commerce ; mais je reste vigilante, avec la DGMIC, sur les conséquences de ces réorganisations pour l’ensemble des journaux du groupe. Nous avons notamment fait en sorte que le groupe Rossel, qui s’était proposé avant de se désister, revienne dans le jeu, car il est toujours préférable que les titres soient repris par des professionnels du secteur.

L’efficacité des aides au portage a été évaluée, monsieur Kert. Avec 37,6 millions d’euros, elles sont, en tout état de cause, bien supérieures à ce qu’elles étaient avant les États généraux de la presse – à savoir 8 millions. J’ajoute que les aides sont complémentaires, monsieur Françaix : le portage fidélise les abonnés, La Poste assure la distribution dans les zones les plus reculées, et le soutien à la vente au numéro est évidemment essentiel. Pour ce qui concerne La Poste, nous ferons le bilan en 2015, date d’expiration de l’accord ; d’ici là, je souhaite que les engagements soient respectés.

L’évaluation de l’opération « Mon journal offert » par l’IGAC a révélé un taux d’abonnement assez faible au terme de l’année écoulée. Nous réfléchissons donc à des politiques plus pertinentes pour la jeunesse, comme l’opération « Kiosque au lycée ». Un nouvel appel à projets a aussi été lancé auprès des éditeurs.

Nous n’allons pas rouvrir le débat des chiffres, monsieur Riester. Mais, comme l’observait Michel Ménard, si M. Kert veut donner plus de moyens à l’audiovisuel public, il doit voter l’augmentation de la redevance au-delà de l’indexation !

M. Michel Herbillon. Ne multiplions pas les taxes !

Mme la ministre. Il ne s’agit que d’augmenter une taxe qui existe déjà ! Elle constitue d’ailleurs, pour répondre à M. Rogemont, le financement le plus juste, puisqu’il existe des exemptions, et le plus moderne car son assiette et son niveau peuvent tous deux évoluer. J’ajoute que la proposition du Gouvernement en la matière ne clôt pas la discussion parlementaire.

La redevance est enfin le mode de financement qui garantit le mieux l’indépendance du secteur. Sans vouloir revenir à l’argument qui fâche, nous héritons d’une situation qui, compte tenu de la suppression de la publicité, nous expose aux aléas de la conjoncture budgétaire : c’est exactement ce que nous avions dit en évoquant la fragilisation du système. Au demeurant, le marché publicitaire a lui-même évolué depuis 2009 : l’arrivée de six nouvelles chaînes sur la TNT contribue à sa dilution, sans parler des autres supports, notamment internet. Bref, même un rétablissement de la publicité ne permettrait pas de retrouver le niveau de recettes – 400 millions d’euros par an – d’avant 2009. Le manque à gagner en ce domaine avoisine aujourd’hui les 70 millions ; à l’époque, Patrick Bloche avait d’ailleurs signalé que les prévisions du COM étaient bien trop optimistes. Nous avons donc à affronter la situation en tenant un discours de vérité.

Je n’abandonne aucune des missions de l’audiovisuel public. L’investissement dans la création, en particulier, est non seulement un levier pour le secteur, mais aussi un élément essentiel de l’identité de France Télévisions, grâce auquel le groupe pourra conquérir de nouveaux publics. Certes, il ne s’agira pas, l’an prochain, d’augmenter son investissement en ce domaine, mais de le préserver en faisant preuve d’audace, par exemple dans la fiction, avec des rendez-vous dont le cinéma du jeudi soir sur France 3 a offert un exemple. On peut aussi penser au prime-time consacré à l’histoire des « Malgré-elles », ou encore à la série Ainsi soient-ils sur Arte. Mais de tels succès passent évidemment par une programmation adéquate.

Nous sommes aussi très attachés, bien sûr, à l’accès aux programmes des personnes handicapées ainsi qu’à la mission de proximité de France 3, même s’il reste à savoir comment l’assurer. Le plan de régionalisation proposé par Rémy Pflimlin me semblait aussi risqué que coûteux, pour le service public comme pour les collectivités. On peut imaginer un projet fondé sur la valorisation des atouts de la chaîne que sont, d’une part, les informations locales et, de l’autre, les grands rendez-vous nationaux tels que les séries ou les documentaires.

Une réflexion doit aussi s’engager sur l’identité de certaines chaînes, comme France 4, qui diffuse beaucoup de séries autres que françaises et même européennes. La diversité doit sans doute être plus visible sur France Ô ; à cet égard, le réseau Outre-Mer première offre sans doute une programmation plus pertinente.

Par ailleurs, les mesures d’économies doivent être l’occasion, pour l’audiovisuel public, de traiter la question de la précarité et de l’intermittence, mais aussi de réfléchir, afin d’utiliser au mieux les deniers publics, aux strates d’encadrement, voire aux dépenses techniques de diffusion. L’avenant au COM, qui vous sera présenté dans les meilleurs délais, permettra d’intégrer ces nouveaux éléments.

La taxe sur les distributeurs de services de télévision (TST-D) n’est pas sans rapport avec la « taxe Copé », qui était destinée à compenser la suppression de la publicité sur France Télévisions. Malgré les critiques dont elle avait fait l’objet, je la défends à Bruxelles au nom de la sécurité du financement de l’audiovisuel public. Vous avez évoqué, monsieur Riester, le projet de Centre national de la musique. De fait, le soutien au secteur de la musique est bien l’une des priorités de mon ministère ; mais je souhaite que le financement soit sûr ; aussi ai-je engagé la réflexion avec l’ensemble des professionnels dès le mois de juillet. La création d’un nouvel établissement public, alors qu’il en existe déjà tant, ne m’apparaît pas la meilleure solution, d’autant que les réserves de Bruxelles fragilisent juridiquement la taxe. Bien que l’ancienne majorité en ait modifié l’assiette l’an dernier, elle est aujourd’hui menacée. Je travaille donc à sa redéfinition car, avant de l’étendre à la musique, il convient la sécuriser pour le cinéma.

Pour l’heure, Bruxelles s’y oppose au motif qu’il n’existe pas de lien entre les diffuseurs – les fournisseurs d’accès à internet, en l’occurrence – et le contenu : nous nous appliquons donc à l’établir. Ma collègue en charge de l’économie numérique a proposé une taxe forfaitaire par abonnement ; pour ma part, je suis favorable à un taux proportionnel au chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès. La discussion est en cours avec les acteurs. La part de marché du cinéma français, rappelons-le car c’est un motif de fierté, ne cesse de progresser, puisqu’elle atteint 40 % en 2012, et ce malgré un léger repli de la fréquentation en salles. Je sais d’ailleurs que votre Commission ne fait pas partie de ceux qui prennent le CNC comme bouc émissaire ; au reste, je l’ai déjà protégé en supprimant l’écrêtement de la TST. Nous ne devons pas avoir une vision malthusienne ou bureaucratique des aides apportées au cinéma français.

Je vous tiendrai informés de la réflexion en cours sur le secteur de la musique. Toutes les pistes restent ouvertes, et les mesures d’urgence nécessaires seront prises. Je suis favorable aux amendements au projet de loi de finances relatifs à un crédit d’impôt pour les entreprises phonographiques ; le Gouvernement vous proposera d’ailleurs d’en étendre l’application aux PME du secteur.

M. le président Patrick Bloche. Merci, madame la ministre.

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine pour avis, au cours de sa séance du mercredi 24 octobre 2012, les crédits pour 2013 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sur le rapport de Mme Martine Martinel sur les crédits de l’audiovisuel et les avances à l’audiovisuel public, de M. Michel Françaix sur les crédits de la presse et de Mme Sonia Lagarde sur les crédits du livre et des industries culturelles.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis des crédits de l’audiovisuel. Je n’aborderai que deux des thèmes abordés dans le rapport, lesquels sont au cœur de l’actualité : d’une part, France Télévisions et, d’autre part, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

France Télévisions fait face à une dégradation extrêmement brutale de sa situation financière. Je ne m’appesantirai pas sur la suppression de la publicité, la création de l’entreprise unique, qui a été selon moi une erreur, ou encore la remise en cause systématique des engagements pris par l’État. Le groupe se trouve aujourd’hui dans une situation d’instabilité stratégique et financière incompatible avec la gestion sereine d’une entreprise.

Cependant, je regrette également de constater que le groupe n’a pas totalement joué le jeu et a manqué à certains engagements pris dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens (COM) en matière d’amélioration de la gestion. Les économies décidées dans l’urgence en 2012 portent malheureusement essentiellement sur les programmes. Parallèlement, les effectifs ont augmenté en 2011, et même en 2012. En outre, les deux plans de départ volontaires auront coûté 58 millions d’euros, sans impact sur les effectifs, faute de pilotage par le groupe…

Pour sortir de cette situation, il faut, me semble-t-il, stabiliser tant les missions que le modèle économique du service public. Je pense qu’une réflexion ambitieuse sur le rôle et le périmètre du service public doit précéder la définition des moyens.

Près de trente ans après la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le service public vit une véritable crise d’identité. L’État ne sait pas toujours ce qu’il en attend. Il multiplie ses missions en lui demandant des économies. Il lui demande de se défaire de l’audimat tout en fédérant le public le plus large. Les chaînes se sont ajouté les unes aux autres sans réflexion préalable. Les programmes jeunesse sont ainsi éparpillés sur quatre chaînes. Deux chaînes, France 4 et France Ô, s’adressent aux jeunes adultes et les lignes éditoriales de France 2 et France 3 n’apparaissent pas suffisamment distinctes.

Plus globalement, on peut s’interroger sur le rôle du service public dans la révolution médiatique que nous vivons actuellement. N’y a-t-il pas des thématiques qu’il devrait traiter de manière plus systématique, comme le développement durable, l’économie, l’Europe ? L’information étant l’une des missions pour lesquelles il a une légitimité plus forte que jamais, faut-il définitivement abandonner l’idée d’une chaîne spécifiquement dédiée à l’information ? Et quelle doit être la place des programmes de proximité dans cet ensemble, alors que tous les autres médias locaux sont actuellement en crise ?

Une fois les missions redéfinies et les besoins estimés, se pose la question, fondamentale, de la nature des ressources : redevance, budget de l’État, ou ressources propres ?

À mon sens, la priorité serait de faire disparaître la dotation budgétaire qui s’avère la ressource la moins fiable qui soit.

La redevance est évidemment le mode naturel de financement du service public et son augmentation se fera d’autant plus facilement que les missions du service public auront été clairement définies. Si l’on peut regretter que l’application d’une demi-redevance aux résidences secondaire n’ait pas lieu dans le cadre du présent projet de loi de finances, une réflexion sur la redevance demeure incontournable pour les prochaines échéances.

Je suis également favorable à ce qu’une réflexion soit ouverte sur la relation entre les producteurs et le diffuseur qu’est France Télévisions. Premièrement, la contribution du groupe au financement de la création doit être proportionnée à ses moyens. Deuxièmement, vous n’êtes pas sans savoir que le groupe ne dispose d’aucun droit de propriété sur les œuvres qu’il finance. Ainsi, il doit racheter les droits des programmes qu’il a déjà financés pour pouvoir les reprogrammer. Je donnerai un exemple fameux : le feuilleton « Plus belle la vie » a été racheté deux fois et le contribuable a donc payé deux fois ! La redevance britannique est certes plus élevée que la nôtre, mais elle finance la production de programmes qui permettent ensuite de dégager d’importantes ressources commerciales, lesquelles représentent plus de 20 % des ressources de la BBC, alors que France Télévisions Distribution est encore en déficit cette année.

Par ailleurs, il serait dommage de considérer que la question de la place de la publicité sur le service public est close. La situation actuelle, qui résulte des choix du précédent gouvernement, n’est pas dépourvue d’ambiguïté, voire d’hypocrisie. C’est une logique absurde du tout ou rien. Ce qui est acceptable avant 20 heures précises, ne le serait plus du tout après. Et après 20 heures, vaut-il mieux un volume de publicité contingenté ou, ce que nous avons actuellement, un tunnel de programmes courts parrainés, sans aucun intérêt pour le téléspectateur ? D’autant que les arguments de France Télévisions pour demander l’autorisation de retarder le début des programmes de première partie de soirée sont convaincants. Enfin, est-il logique qu’il n’y ait pas de publicité avant et après certains programmes extrêmement commerciaux de divertissement après 20 heures et de la publicité dans d’autres programmes, tels que les programmes destinés aux enfants ? Toutes ces questions méritent d’être posées. Je n’y apporte pas de réponse mais il est important de les poser avant la grande loi sur l’audiovisuel qui nous est annoncée.

En ce qui concerne le CSA, j’avais été troublée, comme beaucoup d’entre vous je suppose, par la précipitation qui a présidé au lancement de six nouvelles chaînes gratuites en haute définition sur la télévision numérique terrestre (TNT). J’ai également été assez choquée, de la décision concomitante de « dénumérotation » des chaînes locales, dont n’ont pas dû manquer de vous alerter les acteurs des chaînes locales dans vos circonscriptions. C’est pourquoi, dans le cadre de la réflexion sur l’avenir du CSA, je me suis intéressée à sa politique en matière d’élaboration du paysage audiovisuel hertzien.

Le président du CSA, Michel Boyon, dans son rapport d’août 2011 sur la TNT, regrettait que la dimension économique du secteur audiovisuel ait trop longtemps été sous-estimée, voire ignorée. C’est en effet le principal reproche qui est fait au CSA par les nombreux acteurs que j’ai auditionnés. Mais, au-delà, les auditions ont mis en évidence un certain nombre de zones d’ombre dans l’action du CSA.

Décision « baroque », « politique », « incompréhensible », « catastrophe », « connerie noire »… les interlocuteurs ont fait preuve d’une grande richesse lexicale pour qualifier le lancement des six nouvelles chaînes. À l’issue des auditions, il me semble que cette décision est aussi contestable sur le fond que sur la forme.

Sans pour autant être facétieuse ou malicieuse, je relèverai que les meilleurs arguments contre ce lancement se trouvent dans le rapport de Michel Boyon de 2011, lequel souligne l’absence d’élasticité du marché publicitaire et le fait qu’on ne peut donc que redouter les conséquences d’un élargissement de la TNT sur la fragmentation des audiences, le marché publicitaire et le financement de la création.

Si cette décision n’est pas pertinente du point de vue économique, on aurait pu penser que le CSA s’était appuyé sur l’intérêt du public. Or, un sondage publié en 2011 avait très clairement montré que les Français appréciaient la TNT mais n’en demandaient pas davantage.

Sur la forme, le CSA n’a pas lancé la consultation préalable qu’il devait lancer en application de la loi. On peut donc légitimement s’interroger sur ce qui a motivé la précipitation, à la limite de la légalité, avec laquelle le CSA a pris une décision peu opportune pour l’ensemble du secteur.

En ce qui concerne les chaînes retenues, j’exprime, dans le rapport, mes interrogations, partagées par M. Hervé Bourges, spécialiste entre autres des questions de diversité, sur la ligne éditoriale de « TVous la diversité ». Interrogé sur ce qu’est la thématique de la chaîne, son créateur cite pêle-mêle les minorités visibles, les femmes, les homosexuels, les handicapés mais aussi les familles recomposées, les familles monoparentales… Comme je l’écris dans mon rapport, seuls les hommes blancs, bien portants et hétérosexuels ne sont pas ciblés. Le CSA s’était pourtant exprimé assez clairement en son temps contre la création de chaînes ghettos.

En ce qui concerne la TNT gratuite nationale, si le bilan est positif en termes d’audience, il est très décevant en termes de qualité des contenus, de financement de la création et de diversité des acteurs.

Venons-en aux télévisions locales. Quarante-trois chaînes sont à ce jour autorisées par le CSA qui dit mener une action très volontariste depuis trois ans avec la création de trente chaînes locales tout en reconnaissant que leur viabilité économique, comme nous le savons tous, est loin d’être garantie. Les mesures en direction de ces chaînes ont été quasi inexistantes ces dernières années. Elles se limitent à la commande d’une étude sur leurs perspectives de développement, suivie d’une consultation publique. Alors que cette consultation avait souligné le caractère absolument stratégique de la numérotation, la seule mesure qui est intervenue depuis est la « dénumérotation » des chaînes, décidée sans concertation préalable par le CSA pour faire de la place aux six nouvelles chaînes qui n’en avaient même pas demandé autant. Je montre par ailleurs dans mon rapport que le contrôle du CSA sur les télévisions locales est quasi inexistant. Aucun bilan annuel n’est publié. C’est d’autant plus regrettable que ces télévisions locales sont très demandeuses d’une clarification et d’une sécurisation de leur financement en provenance des collectivités locales.

Deux projets d’avenir sont par ailleurs aujourd’hui en échec. Il s’agit tout d’abord de la TNT payante. Pour les observateurs, telle qu’elle a été lancée, elle ne pouvait pas fonctionner. Là encore, on peut s’étonner de l’absence d’étude d’impact préalable, le CSA ayant, comme pour les télévisions locales, principalement justifié ses diverses tentatives de « relance » de la TNT payante par le succès qu’elle rencontre dans d’autres pays. La dernière relance a été tentée en 2011 : le CSA a sélectionné CFoot, qui a cessé sa diffusion moins d’un an après, et un projet de vidéo à la demande qui n’a toujours pas démarré. Comme le reconnaît Michel Boyon, la question de l’avenir de la TNT payante et des fréquences qu’elle occupe est donc posée.

Quant à la télévision mobile personnelle, c’est un projet mort-né, faute de modèle économique. Je me suis aperçue que le CSA, qui a très peu communiqué sur le sujet, a même repris les fréquences attribuées en 2008. Là encore, se pose la question de leur utilisation.

S’agissant du paysage radiophonique FM, plusieurs acteurs estiment que les plafonds de concentration fixés par la loi du 30 septembre 1986 ont été dépassés par certains groupes J’ai donc demandé les chiffres au CSA, qui a refusé de les transmettre, estimant qu’il n’en avait pas l’obligation, alors qu’il est tenu de rendre compte annuellement de l’application de la loi de 1986. Le CSA a toutefois jugé souhaitable que le législateur réfléchisse à la pertinence du plafond, ce qui est un peu paradoxal. Mais le législateur a néanmoins besoin de chiffres pour mener cette réflexion. La direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), comme M. Marc Tessier dans son rapport de 2010 sur la radio, estime elle aussi ne pas être en mesure d’évaluer la pertinence du plafond, tant que le CSA refuse de communiquer les chiffres. J’estime que ce silence nuit à la transparence et fait obstacle au travail du législateur.

Enfin, la radio numérique terrestre (RNT) est lancée dans des conditions qui ne sauraient garantir sa réussite. Compte tenu des incertitudes très fortes sur le modèle économique, relancer la RNT en France exige un travail rigoureux, mené dans la concertation avec l’ensemble des acteurs, et non un redémarrage à marche forcée.

À la lumière de ce bilan, je propose que les compétences économiques du CSA soient renforcées, le recours à des études d’impact et à des analyses économiques et financières systématisé. Je souhaite également que des obligations de transparence accrues soient imposées au régulateur et que le contrôle du Parlement soit renforcé, tant en amont, par la nomination des membres, qu’en aval. À cet égard je propose la présentation obligatoire du rapport annuel d’activité du Conseil avec audition de son président, devant les commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat. En ce qui concerne la nomination des membres, la possibilité de prolonger les trois mandats qui arrivent à échéance en janvier prochain a été évoquée. Pour ma part et sans polémique, j’estime qu’il serait préférable de nommer trois nouveaux membres « par intérim ».

Je souhaite également que l’on réfléchisse à un moyen d’encadrer la revente spéculative de fréquences. Le CSA a négocié avec les nouvelles chaînes une interdiction de revente limitée à deux ans et demi. Ce système ne résout pas le problème, et si l’on ne peut plus traiter le cas « Bolloré », il est à peu près certain que d’autres cas du même type se présenteront à l’avenir.

On peut également s’interroger sur l’opportunité de maintenir une obligation d’attribution des fréquences disponibles. Cette obligation semble pouvoir être assouplie dans un souci de bonne gestion du spectre.

En ce qui concerne le rapprochement avec l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), il doit être mis au service d’objectifs précis.

Le CSA ne fait pas mystère de sa volonté d’étendre son contrôle à internet, en agitant le spectre de la télévision connectée, dont l’impact ne doit à ce stade pas être exagéré. Si tel est l’objectif, je ne saurais y souscrire. L’ARCEP met en avant l’opportunité de remettre totalement en cause les principes de la régulation de l’audiovisuel. Si tel est l’objectif, je n’y suis pas favorable non plus.

Je pense que la régulation du secteur audiovisuel doit être certes améliorée, mais maintenue dans ses principes. De ce fait, aller au-delà d’une meilleure coordination du CSA et de l’ARCEP – par la création, par exemple, d’une instance commune aux collèges des deux institutions – n’apparaît pas forcément nécessaire, en tout cas pour le moment. En tout état de cause, le maintien de deux collèges distincts apparaît indispensable, pour l’instant.

J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de l’audiovisuel public.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis des crédits de la presse. J’espère ne pas être condamné à parler éternellement de la crise de la presse car j’espère que nous trouverons ensemble un certain nombre de solutions à cette crise. Lorsque je pense à la crise de la presse me vient à l’esprit la formule d’Antonio Gramsci : « l’ancien monde n’arrive pas à mourir tandis que le nouveau n’arrive pas à naître ». Quant à la réponse qui est apportée depuis dix, voire quinze ans, elle correspond à une formule d’Edgar Faure : « l’immobilisme est en marche et rien ne l’arrêtera ! »

Il va maintenant falloir bouger les lignes. Les aides à la presse n’ont privilégié aucun investissement d’avenir depuis quinze ans. Nous nous attachons à maintenir un modèle ancien, qui n’a fait qu’accentuer les injustices. Il me semble que la question que nous devons nous poser aujourd’hui est : comment accompagner la transition en évitant la rupture ? Car la presse en ligne va remettre en cause les outils de production, les outils de distribution. Elle déstabilise les modèles économiques. Elle va ébranler les choix éditoriaux. Une refondation de tout l’écosystème s’impose donc.

Rappelons que la presse française est la presse la plus aidée, à hauteur de près d’1,2 milliard d’euros par an, pour un peu plus de 10 milliards de chiffres d’affaires. Les aides à la presse représentent donc environ 11 % de son chiffre d’affaires. On serait ravi de constater que cet effort favorise le développement du pluralisme. Hélas, on doit constater qu’à l’issue des États généraux de la presse écrite, France Soir a perçu de l’État une aide correspondant à cinquante centimes d’euros par exemplaire vendu, pour un prix de vente de cinquante centimes d’euros, alors que tout le monde savait que France Soir allait mourir ! On a imploré les banques de financer le groupe Hersant Média, dont on savait qu’il allait mourir. On pourrait également parler de La Tribune et de toute une forme de presse régionale qui est aujourd’hui en grande difficulté.

Tous ces problèmes n’ont pu être réglés cette année car il y avait une urgence : le sauvetage de Presstalis. Un héritage difficile nous avait été légué puisque le groupe de distribution de la presse était en situation de faillite.

À ce sujet, se pose aujourd’hui la question de l’avenir du système coopératif. Ce système, né en 1945, était fondé sur l’idée selon laquelle la presse – presse d’information, presse récréative, presse quotidienne, presse magazine – était une et indivisible. Le système reposait sur la solidarité des plus forts envers les plus faibles, tous les journaux étant distribués dans tous les points de vente du pays. C’est à ce titre que les plus forts ont bénéficié des aides à la presse.

Au moment où Presstalis a commencé à connaître des difficultés, elle a été confrontée à une concurrence croissante et déloyale des Messageries lyonnaises de presse (MLP) sur ses activités les plus rentables, à savoir la distribution des magazines, tout en gardant le segment de la distribution qui est déficitaire, à savoir celui des quotidiens. Les MLP ont capté une part croissante des clients de Presstalis en appliquant une politique de prix très agressive, sur laquelle Presstalis a été obligée de s’aligner, au risque de creuser son déficit d’exploitation. On savait cela mais on a laissé faire.

On peut se demander aujourd’hui si ces deux coopératives peuvent encore coexister. La ministre de la culture et de la communication a formulé des propositions qui me semblent intéressantes dans un premier temps, à savoir une coopération renforcée et une mutualisation croissante des moyens. Pour ma part, je pense que nous ne pourrons pas sauver le système coopératif sans aller vers une fusion. Les MLP doivent, en tout état de cause, participer à la prise en charge des surcoûts qui résultent de la distribution des quotidiens. C’est la raison pour laquelle on est en train de mettre en place une péréquation de ces coûts entre les deux messageries.

Le 13 septembre dernier, le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP), organe professionnel de la distribution de la presse, a décidé la mise en place d’une péréquation, qui représente une contribution de l’ordre de 8 millions d’euros des MLP. L’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) a rendu cette décision exécutoire le 3 octobre 2012 mais les MLP ont déposé un recours auprès de la Cour d’appel de Paris, ce qui en dit long sur leur volonté de participer au sauvetage du système coopératif…

Si certains éditeurs confirment leur volonté de sortir du système coopératif, de reprendre leur liberté et de se considérer comme des entreprises comme les autres, il va de soi que rien ne justifiera plus qu’ils bénéficient d’aides à la presse, en particulier les aides au transport postal et le taux super réduit de TVA. Cela permettrait alors à l’État de prendre ses responsabilités dans la distribution de la presse d’information politique et générale et d’appliquer un taux super-réduit de TVA à la presse citoyenne en ligne.

On me dit que les salariés de Presstalis sont trop payés, que ceux des MLP ne le sont pas assez. Si l’on m’interroge sur le statut particulier des salariés de Presstalis, je rappellerai que ce statut a été souhaité par le groupe Hersant qui y voyait un intérêt pour concurrencer d’autres groupes de presse.

S’agissant des dépositaires, niveau deux de la distribution de la presse, leur restructuration implique que leur nombre passe de 137 à 99 mais on ignore qui va racheter les dépôts de Presstalis car il n’est pas certain que les dépositaires indépendants et les MLP en aient les moyens.

S’agissant de la TVA sur la presse en ligne, on ne peut plus maintenir un système dans lequel le magazine Gala bénéficie d’un taux super-réduit de TVA de 2,1 % tandis que les sites internet des journaux citoyens sont taxés à 19,6 %.

La régulation de la distribution de la presse doit également être améliorée. Le compromis, issu de la loi du 20 juillet 2011, est un attelage aussi inutilement complexe qu’inefficace : le CSMP, composé de professionnels, est « flanqué » d’une deuxième instance, l’ARDP, qui doit valider ses décisions. Tout cela parce que les éditeurs de presse avaient refusé le principe d’une régulation de la distribution par une autorité extérieure… J’espère que nous saurons faire, au cours de cette législature, la réforme que nous n’avons pas su faire au cours de la précédente.

Je voudrais également insister sur la nécessité de rationaliser les aides à la distribution. Peut-on raisonnablement continuer à aider simultanément le transport postal, le portage et la vente au numéro, trois modes de distribution qui se concurrencent, pour constater in fine que la diffusion de la presse dans son ensemble ne cesse de reculer ?

En continuant d’aider massivement le transport postal, on n’incite pas les éditeurs à basculer vers le portage, alors qu’il constitue une solution beaucoup plus adaptée pour la presse quotidienne. Et lorsque l’on accroît les aides au transport postal et au portage, on pénalise la vente au numéro, au détriment des diffuseurs, les grands oubliés du système de distribution de la presse, dont la situation ne cesse de se dégrader.

Je souligne également que nous avons perdu 30 % de journalistes en trente ans. Est-ce là le signe d’une presse en bonne santé ? Si les journalistes sont la variable d’ajustement d’une presse en difficulté, il ne faut peut-être pas s’étonner que la qualité et le lecteur ne soient pas au rendez-vous.

Je pense donc qu’il faudra cibler les aides sur la presse citoyenne, même si je suis d’accord pour reconnaître qu’elle n’est pas toujours vertueuse. On remarquera aussi qu’il y a presse en ligne et presse en ligne et qu’un effort de ciblage sera nécessaire. Quoi qu’il en soit, si la presse se fait sans journalistes, elle sera court-circuitée par les blogs et les réseaux sociaux.

En ce qui concerne les diffuseurs de presse, acteurs essentiels de l’aménagement du territoire, ils sont aujourd’hui les grands oubliés du système d’aides à la presse. Il y a en France un point de vente pour 2 000 habitants, contre un point de vente pour 1 000 ou 1 500 habitants dans la plupart des autres pays européens. On peut relever que l’aide à la modernisation des diffuseurs de presse s’établit à 4 millions d’euros alors que le journal Télé 7 jours bénéficie à lui tout seul d’aides de l’État pour un montant de 7,2 millions d’euros.

Enfin, l’opération « Mon Journal offert », qui m’avait semblé une bonne idée lors de son lancement, n’est pas reconduite par le présent projet de loi de finances. J’avais jugé indispensable qu’elle soit évaluée, ce qui est chose faite. Il en ressort que, telle qu’elle a été mise en œuvre, cette aide pose un certain nombre de problèmes, notamment de répartition de son coût entre l’État et les éditeurs. L’espérance d’abonnement payant, à la fin de chaque opération, serait de l’ordre de 5 à 8 % des jeunes ayant reçu gratuitement le journal. Or, les études diligentées régulièrement par le ministère de la culture et de la communication montrent que pour la génération actuelle, le taux de lecture de la presse spontané est de l’ordre de 9 %. On n’est pas certain qu’il n’y ait pas des effets d’aubaine, l’abonnement profitant par exemple aux parents. Cette opération doit donc être repensée.

En conclusion, la priorité est de sauver la presse citoyenne et de bâtir l’écosystème qui lui permette de se développer en ligne. En matière d’aides à la presse, la justice exige des aides inégalitaires.

J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de la presse.

Mme Sonia Lagarde, rapporteure pour avis des crédits du livre et des industries culturelles. Je présenterai, tout d’abord, les grandes lignes des crédits du programme Livre et industries culturelles. Dans un contexte budgétaire tendu, ce dernier connaît une légère diminution de ses crédits de paiement de l’ordre de - 2,5 %.

Le choix a été fait de privilégier les actions décentralisées en préservant les crédits déconcentrés.

Ce programme comprend deux actions : la première action Livre et lecture a pour objectif de favoriser le développement de la création littéraire, d’encourager la pratique de la lecture et de soutenir la chaîne du livre. Ses crédits de paiement diminuent de près de 3 %.

Le Centre national du livre (CNL) est chargé d’encourager la création, l’édition et la diffusion des œuvres littéraires et scientifiques. À ce titre, le montant du budget pour 2012 est de 39,6 millions d’euros. Il comprend le produit de deux taxes qui lui sont affectées, une sur l’édition et l’autre sur les appareils de reprographie. À cela, s’ajoute une subvention de l’État de 2,8 millions d’euros au titre des transferts de compétence de soutien à certains organismes professionnels telle que l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC).

Pour 2013, on constate que les moyens du CNL sont réduits. En effet, les recettes issues des deux taxes ont été plafonnées à 33,3 millions d’euros ; quant à la subvention, elle ne sera pas reconduite.

L’État soutient un maillage dense de bibliothèques sur tout le territoire et joue un rôle pilote par l’intermédiaire de deux bibliothèques nationales : la Bibliothèque nationale de France (BnF) et la Bibliothèque publique d’information (BPI).

Les crédits accordés à la BnF sont en légère diminution de l’ordre de
- 1,16 %. Deux opérations mobilisent les crédits de la BnF : la première consiste en la rénovation du quadrilatère Richelieu, environ 14 millions d’euros sont budgétés pour une opération estimée à 212,8 millions d’euros. Le programme Livre et industries culturelles participera à hauteur de 137,6 millions d’euros, le reste étant financé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

La seconde opération est la numérisation des œuvres détenues dans ses collections afin de les rendre accessibles au plus grand nombre. En juillet 2012, le projet Gallica contenait 1,8 million d’ouvrages.

La BPI bénéficie d’une stabilité de sa subvention pour charges de service public qui s’élève à 7 millions d’euros. Depuis 2011, elle est engagée dans une démarche de rationalisation de ses dépenses, en réduisant ses dépenses de fonctionnement et de personnel.

La seconde action de ce programme, Industries culturelles, voit ses crédits de paiement augmenter de 6,8 %. Elle finance les politiques transversales en faveur du développement des industries culturelles, notamment le cinéma, le jeu vidéo, la musique enregistrée ainsi que la lutte contre le piratage des œuvres culturelles en ligne, par l’intermédiaire d’une autorité publique indépendante, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi).

1,8 million d’euros sont consacrés à la création musicale.

Pour le cinéma, 2,6 millions d’euros permettront de numériser des salles, particulièrement en province, et à soutenir des manifestations liées au cinéma d’auteur.

Quant à la lutte contre le piratage, la subvention de la Hadopi est diminuée de 27,3 % et passe à 8 millions d’euros contre 10,3 millions d’euros en 2012. Lors de son audition, la présidente de la Haute autorité a insisté sur l’insuffisance des crédits qui lui seraient alloués pour mener à bien ses missions et qui mettrait en péril la Hadopi.

J’ai déjà proposé, lors de l’audition de la ministre de la culture et de la communication, que soient recherchés les voies et les moyens d’un financement nouveau qui viendrait compléter les fonds de l’État afin d’aider la Haute autorité à assurer pleinement ses missions. Je sais que des consultations sont en cours avec le ministère pour augmenter ses crédits. Souhaitons qu’elles aboutissent, mais cela n’empêche pas la réflexion pour 2014.

L’arrivée du numérique bouleverse l’économie de la culture, particulièrement celle du livre. C’est pourquoi j’ai choisi de consacrer la seconde partie de mon rapport à la situation de la librairie.

En premier lieu, l’achat d’un livre qui se faisait autrefois dans sa librairie de quartier ou dans une grande surface spécialisée peut désormais s’effectuer via internet, avec tout un champ des possibles, livraison à domicile, commande sans contraintes d’horaires, catalogue exhaustif.

En second lieu, le livre physique se voit concurrencé par l’émergence d’un nouveau support : le numérique.

Exercer le métier de libraire devient difficile si on y ajoute d’autres facteurs, plus structurels liés à l’augmentation de leurs charges. On peut aisément dire que la marge des libraires diminue, ce qui place beaucoup d’entre eux dans une position d’extrême fragilité.

Tout n’est pas perdu pour autant ! L’expertise, l’accueil du libraire, son professionnalisme, sa passion, la proximité physique, l’agencement des points de vente sont des atouts pour ce secteur. Grâce à sa présence, le libraire participe à l’animation culturelle des régions, particulièrement dans les zones rurales, les collectivités territoriales d’ailleurs ne s’y sont pas trompées en les soutenant. Les librairies sont un maillon indispensable d’une vie culturelle à la française.

Cependant, si la France veut garder son réseau exceptionnel de librairies de par sa densité et sa qualité, la profession doit s’adapter et les pouvoirs publics la soutenir dans cette période de transition.

Voici quelques pistes de réflexion que je développe dans mon rapport.

Il convient en premier lieu de rationaliser le dispositif de soutien pour plus d’efficacité. Comme souvent, les aides au secteur ne manquent pas mais elles sont dispersées, voire redondantes. J’ai été frappée, au cours de mes auditions, par le nombre important d’acteurs, de dispositifs et au final par le manque de lisibilité que cela provoque.

En effet, les acteurs sont multiples. Au niveau de l’État tout d’abord, le Centre national du livre et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), accordent des subventions et des prêts. L’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), de son côté, apporte sa garantie aux établissements financiers pour l’octroi de prêts. Au niveau de la profession, l’ADELC a mis au point un mécanisme original, le portage d’actions pour la transmission de fonds de commerce. Enfin, les collectivités territoriales apportent elles aussi leur soutien.

On voit bien que les dispositifs foisonnent. Le libraire peut recourir à des aides pour créer ou reprendre un fonds de commerce, aménager ses locaux ou encore produire ou mettre en valeur des catalogues. Cette liste, de plus, n’est pas exhaustive !

Paradoxalement, malgré cette multitude de dispositifs, il est difficile pour un libraire d’obtenir une aide de trésorerie. C’est pourquoi la proposition développée dans le rapport de M. Bruno Parent de prélever quelques centimes supplémentaires sur toute commande d’ouvrage passée par le réseau DILICOM afin d’abonder un fonds de soutien aux librairies indépendantes me semble une piste, voire une proposition très intéressante. Cela permettrait de mettre dans la boucle du paiement la société Amazon qui propose des remises que les libraires ne peuvent pas toujours offrir, mais surtout de proposer la gratuité des frais de port comme Amazon. Or, il s’agit là de concurrence déloyale par rapport à la profession.

Face à cette multiplicité d’intervenants et de dispositifs, il est donc nécessaire de mieux coordonner ce soutien. Sans méconnaître le principe de libre administration des collectivités territoriales, une meilleure articulation entre l’action de l’État et celle des collectivités permettrait d’apporter plus de cohérence dans la distribution des aides sur tout le territoire et de dresser enfin une cartographie des points de vente.

Rationaliser, c’est aussi mieux répartir les rôles. Selon la nature de l’aide, il serait opportun d’instituer un chef de file, voire d’instituer un interlocuteur unique au travers d’une structure déjà existante car il ne s’agit pas d’en créer une.

Enfin, il va de soi qu’une évaluation et un suivi de ces aides sont devenus indispensables.

En deuxième lieu, la librairie doit redevenir un commerce rentable. Cela passe, à mon sens, par une meilleure mutualisation de la profession. Je prendrai comme exemple les négociations de taux de remise sur les commandes de livres avec les distributeurs. Si les libraires arrivaient à se constituer en associations, voire à se fédérer afin de réaliser des achats groupés auprès des distributeurs, ils pourraient peser ainsi sur leurs conditions de remise et améliorer leur marge.

Cette rentabilité passe également par une meilleure formation. Être libraire c’est faire partager sa passion des livres, mais aussi gérer un commerce. Le libraire doit s’adapter à sa zone de chalandise et s’orienter vers une stratégie de l’offre.

Enfin, est-il admissible que la loi sur le prix du livre soit détournée par des opérateurs de vente en ligne qui incluent les frais de livraison dans la réduction autorisée des 5 % ? Une vraie réflexion doit être menée sur cette loi, qui doit mériter son titre de prix unique.

En troisième lieu, le libraire doit être un acteur du numérique. Il doit s’adapter aux nouveaux modes de consommation de ses clients et développer des sites de vente en ligne ; 13 % des ventes de livres s’effectuent par ce biais. Pour un libraire indépendant, les dépenses de création et de maintenance d’un site sont substantielles, d’où la nécessité de mutualiser les coûts et de créer des sites internet collectifs. L’échec du portail « 1001.librairies.com » doit être surmonté et une alternative doit voir le jour afin d’éviter qu’une part de marché prépondérante ne soit détenue par un seul opérateur.

Le libraire doit réfléchir à la manière de proposer à ses clients le livre numérique en complément au livre papier. Cela pourrait être sous forme de bornes dans son commerce, ou par l’intermédiaire d’un catalogue de références. Éditeurs et libraires doivent travailler en bonne intelligence en augmentant le nombre d’ouvrages disponibles en format numérique sans nuire évidemment au livre physique. Cette nouvelle organisation doit répondre à l’évolution du marché mais ne doit pas se faire au détriment de l’un. Il s’agit de s’organiser pour faire face à l’évolution du marché, d’élargir l’offre, tout simplement de répondre à la demande en offrant un service supplémentaire, complémentaire.

En conclusion, j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits du livre et des industries culturelles.

M. le président Patrick Bloche. Nous discutons ce matin de la seconde partie du projet de loi de finances, mais de nombreux sujets qui ont été abordés par nos rapporteurs ont fait l’objet de débats au cours de l’examen de la première partie, qui a été adoptée hier après-midi.

S’agissant de l’audiovisuel, la redevance sera augmentée de quatre euros, deux euros correspondant à l’indexation sur le coût de la vie auxquels s’ajoutent deux euros de relèvement exceptionnel.

Dans le secteur de la presse, nous pouvons nous réjouir de la prorogation des deux crédits d’impôt qui la concernent.

Dans le domaine des industries culturelles, il a été mis fin au plafonnement, introduit l’an passé, des taxes affectées au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Un prélèvement de 150 millions d’euros est par ailleurs effectué sur la trésorerie du CNC.

Soulignons également la prorogation et l’amélioration du crédit d’impôt en faveur de la production phonographique.

M. Marcel Rogemont. Je souhaiterais que les rapports puissent être mis à disposition des commissaires au moins quarante-huit ou vingt-quatre heures à l’avance.

Sur le fond, je salue le courage et la liberté du propos de Mme Martine Martinel.

Je remarque d’ailleurs que certaines des préconisations émises dans votre rapport sur le projet de loi de finances pour 2012 consacré à l’audiovisuel extérieur de la France (AEF) sont en train d’être mises en œuvre, par exemple celle concernant la sortie de TV5 Monde de l’AEF, et que la gouvernance de cette entité connaît de notables améliorations.

S’agissant de France Télévisions, vous posez une question que j’avais moi-même soulevée lors de l’audition de Mme la ministre de la culture et de la communication : ne faudrait-il pas asseoir le financement de France Télévisions uniquement sur la redevance ? Cela constituerait une garantie de stabilité de ses crédits que n’apporte pas le financement par une dotation du budget de l’État. Je pense que cette orientation doit être mise en œuvre au cours de cette législature.

En ce qui concerne le CSA, l’indépendance dont jouit cette autorité ne l’autorise pas à refuser de transmettre des informations à la représentation nationale. Le président de notre Commission devrait peut-être saisir Mme la ministre de la culture et M. le président du CSA du refus que s’est vu opposer Mme Martine Martinel à sa demande de communication de chiffres sur la concentration du paysage radiophonique. Il est anormal que ces informations n’aient pas été transmises.

Je considère par ailleurs qu’un rapprochement entre le CSA et l’ARCEP est sans doute préférable à une fusion de ces deux autorités. Je partage l’orientation défendue par Mme Martine Martinel quant à la nomination en janvier de trois nouveaux membres du CSA, sans qu’il soit question d’intérim. Des réflexions sont à mener sur le nombre de membres du CSA, ses compétences, éventuellement dans le cadre d’un dispositif plus large intégrant l’ARCEP.

Je salue à nouveau le courage des positions et propositions de la rapporteure pour avis, que le groupe SRC veillera à faire prospérer.

M. Franck Riester. En saluant le travail très dense et approfondi des rapporteurs, je m’associe au vœu de M. Marcel Rogemont de pouvoir disposer des rapports suffisamment à l’avance.

M. le président Patrick Bloche. Nous allons nous efforcer de travailler avec les rapporteurs et les services de la Commission pour essayer de transmettre les projets de rapport vingt-quatre heures avant la réunion de commission.

M. Franck Riester. Je rappelle les propos de M. François Hollande qui promettait, pendant sa campagne électorale, une sanctuarisation des crédits de la culture. Cet engagement n’est pas tenu : la ministre de la culture a beau avoir récusé notre analyse, alors que les crédits du ministère avaient augmenté de 20 % au cours du précédent quinquennat, les crédits de la mission « Médias » baissent de 13 % et une diminution de 30 % est programmée pour les trois années à venir.

La première victime de ces baisses est France Télévisions : Mme Martine Martinel a évoqué une remise en cause des engagements de l’État, mais c’est l’actuel gouvernement qui en est responsable. Les engagements souscrits dans le contrat d’objectifs et de moyens ne sont pas tenus, et France Télévisions voit ses ressources diminuer de 196 millions d’euros. L’augmentation de deux euros de la redevance, qui résulte de l’indexation sur le coût de la vie, prévue par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision et qui devrait représenter 50 millions d’euros supplémentaires, ne compensera pas cette diminution. Une fois encore, l’augmentation des impôts s’est imposée avant toute réflexion stratégique.

Je déplore la sévérité des propos de la rapporteure à l’encontre de la direction de France Télévisions. Des efforts importants ont été réalisés par France Télévisions dans les domaines des achats, du numérique ou du rapprochement des rédactions. Une redéfinition des missions de France Télévisions est sans doute nécessaire, mais elle doit constituer un préalable à tout ajustement des moyens, et non l’inverse.

Je regrette par ailleurs l’absence totale de stratégie gouvernementale s’agissant d’un éventuel rapprochement entre le CSA et l’ARCEP.

La filière musicale est quant à elle sacrifiée, notamment à travers l’abandon du projet de création d’un Centre national de la musique. Fort heureusement, à la suite d’initiatives parlementaires auxquelles j’ai d’ailleurs participé, le gouvernement a choisi de maintenir le crédit d’impôt sur la création phonographique. Je déplore que ce choix n’ait pas figuré dans le projet de loi de finances dès son dépôt par le gouvernement.

Un rude coup est porté à la lutte contre le piratage des œuvres culturelles en ligne : même si je salue la volonté de dialogue avec la Hadopi manifestée par Mme la ministre de la culture et de la communication, la diminution des crédits alloués à cette autorité est un mauvais signal au moment où celle-ci commence à obtenir des résultats.

S’agissant du secteur de la presse, certes les dernières années ont été marquées par un certain immobilisme et par les bouleversements liés au numérique. Les États généraux de la pesse écrite ont permis d’aboutir à des avancées, certes insuffisantes. Il est nécessaire de travailler sur une amélioration des dispositifs de soutien, mais la baisse des crédits qui intervient cette année, avant toute réflexion stratégique, n’est pas de bonne méthode.

Enfin, je partage le constat d’un soutien nécessaire à la librairie indépendante, mais je suis en désaccord avec les orientations de ce budget marqué par une baisse des soutiens en sa faveur.

Mme Isabelle Attard. Je veux saluer le travail des rapporteurs. En ce qui concerne le secteur audiovisuel, les injonctions adressées ces dernières années à France Télévisions ont été profondément contradictoires : il s’est agi de concilier la suppression de la moitié de la publicité et une diminution des crédits budgétaires de l’État, dans un contexte de marché publicitaire morose et de réformes organisationnelles contradictoires. On ne peut aboutir qu’à un désastre. Parmi les contradictions, on peut également relever les objectifs en termes de création, alors que dans le même temps les économies réclamées vont grandissant, ou bien l’indépendance sans autonomie stratégique. France Télévisions est également pressée de renoncer à toute course à l’audience, mais le contrat d’objectifs et de moyens prévoit d’évaluer les équipes sur ce fondement. 180 millions d’euros d’économies doivent être réalisées, mais il ne peut être question de mettre en œuvre un plan social. Comment mieux étouffer un service public qu’en le plaçant face à de telles incohérences ? Je forme l’espoir que tous les efforts budgétaires seront faits pour permettre à France Télévisions de travailler dans les meilleures conditions.

Je me réjouis du maintien d’un taux de TVA réduit sur le livre numérique, qui devrait même repasser à 5,5 % au 1er janvier 2013, et ce en dépit de l’opposition de la Commission européenne.

S’agissant de la presse, les « pure players », journaux en ligne qui ne font pas l’objet d’une diffusion sous forme imprimée, ne bénéficient pas du taux de TVA réduit de 2,1 %. Le législateur doit accompagner les évolutions rapides de ce secteur. Une baisse de la TVA augmenterait le nombre de lecteurs, ce qui serait très positif pour notre démocratie.

Par ailleurs, dans le contexte des nombreuses procédures impliquant Amazon, je considère qu’il faut cesser de chercher à concurrencer Amazon sur son propre terrain, celui de la baisse des prix. C’est au contraire en développant d’autres activités que les librairies indépendantes pourront maintenir leur activité, grâce à l’organisation d’événements culturels, de séances de dédicaces ou par la mise en avant de produits locaux.

Mme Marie-George Buffet. Je tiens tout d’abord à remercier nos trois rapporteurs pour la qualité de leurs travaux, qui nous apportent énormément d’éléments de réflexion.

S’agissant de France Télévisions, la rapporteure Martine Martinel a employé des mots assez solennels pour évoquer l’instabilité financière du groupe, les difficultés entourant la définition de ses missions et le rapport entre ces missions et les chaînes. Bref, elle nous a décrit une situation inquiétante. Or, France Télévisions occupe une place importante dans le rapport de nos compatriotes à la connaissance, à la culture et à l’actualité. Aussi, je regrette profondément que l’Assemblée nationale n’ait pu avancer, lors des débats relatifs à la première partie du projet de loi de finances, sur les pistes évoquées ce matin, qu’il s’agisse d’une augmentation de la redevance, des droits de propriété ou d’un élargissement des fenêtres de la publicité.

Pour ce qui concerne l’audiovisuel extérieur de la France, notre vigilance s’exercera pour qu’au fil des mois RFI conserve de réels moyens pour développer sa propre activité et son identité.

Sur la presse, nous partageons les conclusions du rapport de M. Michel Françaix. Des décisions sont nécessaires pour préserver le système coopératif de la distribution et, par là même, la presse citoyenne qui ne manquera pas de s’éteindre si plusieurs quotidiens nationaux ou régionaux ne peuvent plus être diffusés. La solution réside dans la fusion des messageries. Il n’est plus possible de rester dans un paysage où une seule messagerie assume les contraintes, ce qui risque de la condamner à mourir, tandis que l’autre poursuit comme seul objectif de faire le plus d’argent possible. Je rappelle qu’à midi, les salariés de Presstalis – ils sont 1 200 à voir leur emploi menacé – vont manifester pour la défense de leurs emplois. Il est donc plus que temps d’avancer sur cette question. Naturellement, les aides à la presse doivent également être préservées car il en va de la sauvegarde de l’information démocratique et d’enjeux véritablement sociétaux, seuls les groupes de presse de loisirs atteignant aujourd’hui un équilibre économique garantissant leur viabilité.

Enfin, il importe de souligner ici que, pour la première fois, cette année, le nombre de fermetures de librairies en Ile-de-France a dépassé le nombre d’ouvertures. Dans certaines villes, il n’existe plus aucun point de vente de livres. Ce constat appelle à travailler à la rationalisation et au maintien des aides aux librairies.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR s’abstiendra sur le vote des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » pour 2013.

M. Michel Pouzol. Notre collègue Frank Riester a déclaré tout à l’heure qu’il y avait eu trop d’immobilisme. Je le remercie de cet aveu éclairant sur le bilan de la majorité précédente, que nous devons affronter aujourd’hui.

En ce qui concerne France Télévisions, je suis d’ailleurs surpris de l’argumentation de nos collègues UMP. Alors qu’ils ont accumulé les déficits publics au cours des dix années passées, ils reprochent aujourd’hui au groupe SRC de ne pas procéder à des économies. Et quand il est question de solliciter des efforts de gestion de la part de France Télévisions sans remettre en cause la réalisation de ses missions, la nouvelle majorité se voit reprocher de ne pas dépenser assez. Cherchez la cohérence ! Il y a là une différence majeure avec nous, qui portons une vraie stratégie et un vrai projet.

Sur la presse, je remercie M. Michel Françaix pour la qualité de son travail. Il a décrit un budget d’urgence et de sauvetage, tout en esquissant la nécessité de repenser un système d’aides à la presse dont l’efficacité peut être mise en doute, au regard des exemples retentissants de France Soir, du groupe Hersant ou de Presstalis. Une réflexion globale doit effectivement être menée et le rapport ouvre à cet égard des pistes intéressantes pour les années à venir, qu’il s’agisse de la pertinence des aides à La Poste, des aides au portage, mais aussi du livre numérique. À cet égard, j’ai pu constater l’été dernier à Londres que les Britanniques se sont bien plus largement que nous emparés de cet outil, ce qui me fait penser que cette révolution ne tardera pas à concerner la France.

En tout état de cause, ce budget nous permet de répondre à l’urgence qui se dresse devant nous. Alors qu’Antonio Gramsci déclarait que l’ancien monde ne parvient pas à mourir tandis que le nouveau n’arrive pas à naître, notre défi est aujourd’hui d’éviter que l’ancien monde ne meure trop rapidement et notre responsabilité commune de tout faire pour que le nouveau monde naisse. Il me semble que la situation de la presse et du livre est suffisamment dramatique pour que ces objectifs fassent consensus parmi nous.

M. Frédéric Reiss. J’ai découvert avec intérêt le rapport décoiffant, pour ne pas dire décapant, de Mme Martine Martinel. J’aurais néanmoins aimé qu’y figure la liste des personnes auditionnées, comme dans les deux autres rapports examinés ce matin.

Comme M. Franck Riester, je considère que la hausse de la redevance dans le projet de loi de finances pour 2013 ne suffira pas à financer l’audiovisuel public. Comme dans d’autres domaines, la gauche veut tout remettre à plat. Le groupe UMP se montrera particulièrement attentif à la traduction de ces orientations budgétaires, car le COM 2011-2015 de France Télévisions comportait des perspectives intéressantes qu’il serait bienvenu de conserver – je pense à la montée en puissance des programmes régionaux, au développement du numérique, à l’investissement dans les œuvres audiovisuelles –, dont la mise en œuvre demande une certaine durée et qui risquent ainsi de se voir remises en cause. Je pense également que l’objectif de diffuser une information et des œuvres de tous genres et de satisfaire tous les publics dans un contexte budgétaire contraint sera une équation difficile à résoudre.

Mme Brigitte Bourguignon. Je félicite nos trois rapporteurs pour leurs travaux. J’ai porté, plus particulièrement mon attention sur l’avis relatif au livre et aux industries culturelles.

Ce budget pour 2013 est responsable et répond aux exigences, en préservant le livre et les industries culturelles, notamment en ce qui concerne l’accès du plus grand nombre sur tout le territoire. La concertation menée par le ministère avec le secteur du livre, les éditeurs et les collectivités locales prend tout son sens aujourd’hui et elle s’inscrit au premier plan des politiques publiques qui seront menées sous cette législature. On ne peut que s’en féliciter tous.

D’autre part, on doit relever que la diminution du taux de la TVA sur le prix du livre a constitué un véritable appel d’air pour les librairies indépendantes, auxquelles nous sommes tous attachés, même si des ajustements demeurent nécessaires. Je soulignerai néanmoins la spécificité du métier de libraire, qui s’appuie moins sur le ressort financier que sur la passion. J’estime moi aussi qu’il doit relever le défi numérique. De ce point de vue, le ministère ne peut se substituer aux acteurs ; il a le souci, c’est son rôle et sa force, de faire évoluer le cadre juridique applicable.

Face à la concurrence d’Amazon, le rempart de nos librairies traditionnelles est le prix unique du livre : au Royaume-Uni, les librairies ferment parce que le prix unique du livre n’y a pas été maintenu. La question des frais de port se pose néanmoins, car c’est le levier principal dont se sert Amazon aujourd’hui.

Certes, le portail « 1001.librairies.com » initié par le Syndicat de la librairie française est un échec. Toutefois, cela souligne moins que l’idée est mauvaise que la nécessité de retravailler le dispositif. Je pense, en outre, qu’il faut réfléchir à l’accès des libraires aux marchés publics des livres achetés par les bibliothèques ; c’est une piste qu’il convient, à mon sens, de travailler, même si des conclusions sur le sujet seront bientôt rendues à Bercy.

Pour ce qui concerne la Hadopi, au-delà des moyens, il me semble nécessaire de considérer la question de l’efficience du dispositif. Les conclusions en la matière manquent pour l’instant, ce qui me conduit à émettre des réserves.

Enfin, j’observe que la suggestion de taxer chaque ligne de commande d’ouvrages passée par le réseau DILICOM n’est pas accueillie favorablement ni par les libraires, me semble-t-il, ni par les éditeurs qui doutent même de son caractère productif. Je pense donc que la réflexion sur une telle proposition doit se poursuivre.

M. Gérald Darmanin. Dans son rapport, Mme Martine Martinel évoque la problématique de la fusion entre le CSA et l’ARCEP tout en expliquant que ni l’une ni l’autre de ces deux autorités administratives indépendantes ne veulent d’un tel rapprochement. J’observe également que la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), répondant à une interrogation de notre collègue Lionel Tardy lors de son audition par la Commission des lois de notre Assemblée, s’est elle-même montrée réservée sur l’idée d’un rapprochement de son autorité avec le CSA ou l’ARCEP. Autrement dit, aucune autorité administrative indépendante ne souhaite disparaître. Or, dans un contexte budgétaire difficile, il me semble que le législateur ne peut perdre de vue la question principale : celle de l’efficience, du rapport coût / efficacité. J’aimerais donc connaître plus avant le point de vue de notre rapporteure pour avis sur le sujet. Comment réaliser des économies sur les dotations de ces autorités administratives indépendantes, rendre leur action plus efficace et engager leur rapprochement ?

M. Vincent Feltesse. Il me semble important de souligner que la crise des librairies en France ne résulte pas uniquement de l’arrivée du livre numérique, car son développement dans notre pays est assez faible. D’ailleurs les libraires eux-mêmes reconnaissent que ce n’est pas Amazon qui va les faire disparaître puisqu’ils auront disparu bien avant que ce concurrent n’ait pris une position dominante. Avant de résoudre le problème de la transition vers le numérique, il convient de mettre en place un plan d’action à court terme.

La loi relative au prix du livre du 10 août 1981 a permis de préserver le réseau des librairies indépendantes en France, sans coûter beaucoup aux finances publiques. D’autres paramètres, tel le coût des loyers et du foncier, évoqué de manière très intéressante par le rapport Piron-Charié, ou l’accès aux marchés publics mériteraient d’être examinés plus en détail.

Il faut en outre souligner que les acteurs du livre ne sont pas unis. La baisse du taux de TVA sur le prix du livre, notamment, a représenté une vraie difficulté pour les libraires puisque les éditeurs n’ont pas pris position. Il y a d’ailleurs un jeu de rôles parfois pervers, les éditeurs expliquant par exemple aux auteurs qu’ils peuvent les payer moins car ce sont les libraires vont financer certaines opérations d’animation.

Enfin, chacun voit bien que la régulation à l’ère du numérique, ainsi que la fusion entre l’ARCEP et le CSA sont des sujets complexes et passionnels, qui traversent les courants politiques. Ce n’est pas le président de notre Commission qui me contredira. Je pense que, sur cette question, la représentation nationale devrait anticiper les décisions en menant, en parallèle de la mission confiée à M. Pierre Lescure, sa propre réflexion.

M. le président Patrick Bloche. Ne me tentez pas trop !

M. Christian Kert. Madame Martinel, la mesure visant à supprimer la publicité sur France Télévisions à partir de 20 heures n’a pas été prise « comme ça ». Elle a été précédée d’une véritable réflexion, nourrie par un constat. En effet, il devenait visible qu’il n’y avait quasiment plus de différence entre les écrans publics et les écrans privés. Dès lors, il fallait tenter de dissocier l’aspect marchand de la télévision de son aspect culturel. Il fallait par conséquent faire moins dépendre l’audiovisuel public de la publicité. On peut certes contester ce choix, mais il est le fruit d’une réelle politique en matière d’audiovisuel public.

En outre, cette décision tenait compte de « l’éclatement » du marché publicitaire – désormais partagé entre dix-neuf chaînes –, cette donnée rendant d’autant plus nécessaire une décision concernant la trop grande dépendance du secteur public. On en attendait de plus une retombée « intellectuelle », avec l’émergence de programmes davantage différenciés et moins attachés à la publicité. À cet égard, selon vous, madame la rapporteure, faut-il revenir sur cette décision ou considérez-vous que l’aspect qualitatif doit continuer de primer, ce qui impliquerait que les écrans publics soient toujours dispensés de publicité à partir de 20 heures ?

Par ailleurs, j’aimerais interroger M. Michel Françaix sur les aides à la presse, dont il a souligné, avec justesse, le caractère prioritaire. Concrètement, que faudrait-il faire pour « redisposer » ou réaménager ces aides ? Ne faudrait-il pas renforcer les crédits destinés à l’aide au portage, au lieu de ceux destinés à La Poste ?

M. Yves Daniel. Clairement, la distribution de la presse en milieu rural constitue un enjeu de service public. Elle est aussi un enjeu économique, les commerçants qui participent à cette mission pouvant ainsi conforter leur activité. Cette politique constitue, enfin, un enjeu social, parce qu’elle permet d’entretenir, dans certaines zones isolées, le lien social. Je voudrais donc être rassuré sur le sens que donne M. Michel Françaix à la préconisation de son rapport selon laquelle « Une réflexion s’impose donc sur ce que peut être la bonne combinatoire entre portage, postage et vente au numéro, en fonction du type de presse mais aussi de la zone géographique concernés, et sur la manière la plus intelligente de répartir l’aide publique en fonction de ce qui en ressort ». Malgré la prise de conscience généralisée des difficultés que connaît la presse, il faut aussi s’inquiéter de la disparition de petits commerces essentiels au maillage des territoires. Je souhaitais appeler l’attention du rapporteur sur cette urgence.

M. Michel Herbillon. Je remercie Mme Sonia Lagarde d’avoir insisté sur l’urgence à aider les librairies indépendantes. Mais puisqu’il faut agir vite, selon quelles modalités conviendrait-il de le faire, et avec quelles aides ? À M. Michel Françaix, je poserai la même question : que faire pour améliorer, dans de brefs délais, le dispositif du portage ? Quelles sont vos propositions en la matière ?

Quant à Mme Martine Martinel, je suis toujours surpris de cette contradiction entre votre affabilité et votre élégance naturelles et vos propos au vitriol sur France Télévisions – c’est la deuxième année de suite que je la relève. Notre rapporteure parle en effet de « difficultés », « défaut de pilotage ». On a le sentiment d’être à l’« année zéro » de l’audiovisuel public ou qu’il n’y pas eu, ces dernières années, de débat sur le sujet… Ce niveau de critique revient à remettre en cause le travail des dirigeants et des équipes de France Télévisions, pourtant considérable. En outre, celui-ci s’effectue, aujourd’hui, dans un contexte de diminution des crédits – 196 millions d’euros de subventions en moins et une baisse de 30 % des crédits de la mission « Médias ». Dans un tel contexte, on ne peut plus imputer la responsabilité de la situation de la télévision publique à ses seuls dirigeants… Je voudrais d’ailleurs demander à notre collègue comment l’audiovisuel public pourra assurer ses missions et les nouvelles missions qu’elle propose avec autant de crédits en moins. Nous serons, de toute manière, obligés de revoir le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions. Or comment fait-on face à un contexte aussi dégradé, surtout quand on ajoute vos propos à ceux de la ministre qui a opposé, publiquement, la qualité et l’audimat alors qu’ils doivent, selon moi, se rejoindre ?

Mme Claude Greff. Je vous trouve bien sévère, Mme Martine Martinel, avec France Télévisions et, surtout, avec le CSA. Or, s’agissant de la télévision raccordée à internet, il y a là un vrai danger et il était judicieux que le CSA propose des solutions pour protéger nos enfants. En ce qui concerne la presse, M. Michel Françaix, vous évoquez « la presse citoyenne ». Mais que veut dire cette expression ? Voulez-vous opposer les différentes presses entre elles, comme vous le faites d’ailleurs avec les Français ? Je ne vois pas en quoi la lecture de Gala, qui est lu par des millions de concitoyens, ne mériterait pas notre attention, comme d’autres publications. Mais il est vrai aussi que l’une d’entre elles a titré « les cocus de M. Hollande », ce qui ne doit pas vous plaire… D’ailleurs, à suivre l’évolution du budget de la culture, on peut se demander si celle-ci n’en fait pas partie.

M. Lionel Tardy. Je souhaiterais aborder la question de l’exploitation des fonds numérisés. L’article 11 de la loi du 11 juillet 1978 portant régime général des archives fixe un régime particulier pour les données culturelles. Un récent arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 4 juillet 2012 semble sérieusement remettre en cause ce statut : l’open data, accès libre et gratuit à des données réutilisables, concerne également les données culturelles détenues par les institutions culturelles. Quelles recettes sont actuellement tirées de l’exploitation de ces fonds numérisés et sont-elles menacées ?

L’équilibre des grandes institutions culturelles est en effet fragile, et on les incite beaucoup à exploiter leurs fonds pour trouver des recettes propres. Certains, comme M. Pascal Rogard, délégué général de la SACD, plaident pour un domaine public payant où l’État et les personnes publiques géreraient le domaine public comme un propriétaire privé gère son patrimoine. Cette solution me gêne beaucoup, car ce serait un dévoiement du domaine public, qui est un bien commun. La question est toutefois posée : quelles peuvent être les ressources propres pour les institutions culturelles, à partir de l’exploitation de leurs fonds ?

Ma deuxième question porte sur la numérisation des œuvres détenues dans les collections de la BnF. Où en est-on ? Il semblerait qu’il y ait quelques soucis avec le prestataire, tant dans la mise en œuvre, qui a pris du retard, que sur la qualité de la numérisation, avec des dégradations sur les ouvrages numérisés. Ces difficultés ont-elles été résolues et quel en a été l’impact financier ?

Ma dernière question aura trait à l’accord signé en juin dernier entre le Syndicat national de l’édition française et Google qui prévoit que les deux parties établiront des listes d’œuvres numérisables. Quel en sera l’impact alors que la loi du 1er mars 2012 relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle a chargé la BnF de sélectionner avec les éditeurs les œuvres qui feront l’objet d’une numérisation. Cette opération devait être financée par le Grand emprunt. Qu’en est-il ?

M. le président Patrick Bloche. Je me permets de faire une brève intervention sur le fond de nos débats. La confrontation des points de vue se fait, spontanément et naturellement, sur France Télévisions. L’opposition défend un bilan qui s’étend sur dix années et la nouvelle majorité défend, logiquement, les positions qui étaient les siennes sous les précédents quinquennats. Bien entendu, nous nous retrouvons tous autour de la nécessité de défendre un audiovisuel public de qualité. Mais, ces dernières années, des décisions ont été prises et elles pèsent lourd, comme je l’ai rappelé vendredi dernier, dans l’hémicycle.

Entre 2002 et 2009, il n’y pas eu d’augmentation de la redevance – elle n’était alors pas indexée sur le coût de la vie. En 2005, la redevance sur les résidences secondaires a été supprimée, ce qui a représenté 300 millions d’euros de manque à gagner. En 2009, enfin, la publicité en soirée sur les chaînes publiques a été supprimée, soit 450 millions d’euros en moins pour l’audiovisuel public, cette dernière décision était motivée par la volonté de sortir ce secteur de sa dépendance à l’égard des ressources publicitaires et de l’audimat.

Or, que s’est-il passé en dix ans en ce qui concerne le financement de l’audiovisuel public ? En 2002, celui-ci reposait sur deux piliers, la redevance et la publicité. Dix ans après, plus précisément à partir de 2009, le budget de l’État est fortement sollicité pour compenser ces différents manques à gagner. Certes, on me fera valoir la taxe sur les opérateurs de télécommunications, mais celle-ci rapporte non pas 450 millions d’euros, mais seulement 250 environ et fait actuellement l’objet d’un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne qui rendra sa décision mi-2013. Certes, il y a toujours les recettes publicitaires en journée, soit 350 millions d’euros en 2009, montant à 410-420 millions en 2011 pour retomber à 350 millions cette année… Combinés, tous ces éléments conduisent à solliciter de manière continue le budget de l’État alors que nous connaissons une période de restrictions budgétaires. Quand on ne parvient pas à « joindre les deux bouts », on peut être amené à augmenter, de manière exceptionnelle, la redevance de 2 euros. Il nous faudra donc être imaginatifs, même si, au final, la solution sera binaire et reviendra à agir soit sur les recettes publicitaires, soit sur la redevance.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Je reconnais que ce rapport, qui concerne un sujet particulièrement complexe, a été mis tardivement à la disposition des commissaires. Cependant, si celui-ci ne contient pas la liste des personnes auditionnées, ce n’est nullement en raison d’une volonté de rétention de l’information, mais simplement parce que celle-ci n’est pas encore finalisée. Je peux néanmoins vous confirmer que j’ai reçu l’ensemble des représentants des chaînes publiques et privées, du CSA, de l’ARCEP, du Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions (SIRTI) et des différents syndicats.

Si ce rapport est « décoiffant », j’espère au moins que la rapporteure n’est pas décoiffée ! Vous jugez mon constat trop sévère sur France Télévisions : je pense qu’un rapporteur doit remplir sa mission de contrôle, faire un constat objectif de la situation, dire ce qui est utile pour le débat public et éviter la flagornerie. Le constat dressé par ce rapport doit permettre de nourrir le débat pour la future loi sur l’audiovisuel que nous appelons de nos vœux.

M. Michel Herbillon. Je trouve ce rapport très anxiogène pour les salariés de France Télévisions.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Les salariés de France Télévisions que j’ai rencontrés sont surtout très angoissés par la situation actuelle. Le rôle du rapporteur est aussi de relayer ce qui a été dit en audition et non de travestir la réalité.

Mme Claude Greff. Il est regrettable que le rapport ait été mis à la disposition des députés si tardivement…

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Certes vous en prenez connaissance ce matin, mais, Mme Claude Greff, vous semblez être une excellente lectrice de Gala, je ne doute donc pas que vous soyez aussi une excellente lectrice des rapports parlementaires. Sur le fond, je suis favorable à une consolidation des moyens de France Télévisions, mais cela ne peut se faire sans contreparties du groupe en matière de gestion. Il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de reconnaître qu’il existe des problèmes de gestion. S’agissant du financement public, le gouvernement précédent a, comme M. Franck Riester le sait parfaitement, diminué chaque année la subvention, au motif qu’il y aurait eu des excédents publicitaires.

Je me contenterai de citer le rapport : « le contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2011-2015 de France Télévisions, signé en novembre 2011, prévoyait un niveau de ressources publiques en croissance moyenne de 2,2 % par an sur la période. Rappelons que ce COM »  signé sous votre majorité « était basé sur une trajectoire de recettes publicitaires que la rapporteure pour avis avait jugée irréaliste. (…) S’agissant des ressources publiques, rappelons que les engagements du COM ont été remis en cause quelques semaines après sa signature, à travers une réduction de 15 millions d’euros de la dotation de France Télévisions en loi de finances initiale, suivie d’une réduction de 6 millions d’euros en première loi de finances rectificative pour 2012, et enfin de 6 millions d’euros par gel de la réserve de précaution… Pour 2012, les ressources publiques du groupe sont donc déjà en recul de 27 millions d’euros par rapport aux hypothèses du COM. Cette réduction s’ajoutant au recul des recettes publicitaires, pour 2012, les ressources sont donc inférieures de 77 millions d’euros aux prévisions. » Le premier responsable de cette situation n’est donc pas France Télévisions mais bien l’État.

M. Michel Herbillon. Je regrette qu’on évoque une fois de plus l’héritage !

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Mme Claude Greff trouve que mon constat sur le CSA est trop sévère. Pourtant, la rapporteure que je suis ne peut que constater certaines anomalies et certaines zones d’ombre. Mon objectif est d’améliorer la régulation du secteur de l’audiovisuel – notamment dans le cadre d’un rapprochement avec l’ARCEP – et la faiblesse des actions du CSA peut être préjudiciable au secteur. Trouvez-vous normal que le CSA ait lancé six nouvelles chaînes sans études d’impact et sans consultation préalable, qu’il dénumérote des chaînes locales en grande difficulté ou qu’il refuse de communiquer aux parlementaires des chiffres permettant de vérifier le respect de la loi ? Si tel est le cas, nous sommes en désaccord. S’agissant de la télévision connectée, je dis seulement qu’à ce stade, les observateurs montrent que son impact est limité.

L’audiovisuel extérieur de la France et les relations entre l’ARCEP et le CSA n’ont pas été oubliés dans le rapport. En conclusion, je pense qu’une réflexion sur France Télévisions, ses missions, l’identité de ses chaînes et de ses ressources, y compris la publicité et le partage des droits de propriété avec les producteurs, est indispensable afin de garantir un service public de qualité.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis. Rapportées au nombre de journaux vendus, les aides à la presse n’ont pas baissé, bien au contraire. La presse bénéficie d’un total d’aides qui représente environ 11 % de son chiffre d’affaires, contre un peu plus de 9 % il y a quelques années. Il faut donc tenir compte de la diminution du nombre de journaux vendus pour juger de l’évolution de ces aides, même si je souhaiterais aussi que ces aides augmentent. Certes la situation de Presstalis a fait perdre du temps, mais cet organisme était au bord du dépôt de bilan et il a fallu trouver des solutions. Le dispositif proposé est satisfaisant même si je reconnais qu’il comprend une part de « rafistolage ». S’agissant de la TVA numérique, je ne suis pas favorable à un taux de 2,10 % pour toute la presse en ligne, mais pour la presse numérique dans laquelle travaillent des journalistes.

Je suis favorable, comme l’unanimité d’entre nous, au développement du portage pour la presse. Mais l’aide postale freine le développement du portage, alors même que La Poste ne répond pas aux besoins de la presse quotidienne, car elle livre les abonnés bien trop tard. Le problème du portage est qu’on ne sait pas quel acteur est le plus efficace pour l’effectuer et comment limiter le coût du dernier kilomètre. Il ne faut pas que le portage se concentre sur les seules zones rentables, ce qui est le cas aujourd’hui. La question du portage est donc particulièrement complexe et il faut réfléchir à toutes les pistes envisageables pour le développer, notamment la globalisation des aides à la distribution, qui permettrait à chaque éditeur de se distribuer selon le vecteur le plus adapté. Je rappelle néanmoins que les abonnements à la presse régionale sont déjà portés à 83 %, ce qui peut laisser penser que le développement du portage atteint un plafond pour ce type de presse. La presse quotidienne régionale a d’ailleurs largement bénéficié des aides au développement du portage. En 2011, elle a perçu 48 millions d’euros d’aide au portage alors que le nombre d’exemplaires de presse régionale portés n’a pas augmenté. Pour améliorer l’efficacité de l’aide au portage, il faut également trouver le bon calibrage entre l’aide au flux et l’aide au stock.

Je dirai que la presse « citoyenne » est celle dans laquelle les idées de droite, de gauche ou du centre peuvent être défendues. Les autres journaux, de sport ou de loisirs par exemple, n’ont pas besoin d’une aide du contribuable et je suis favorable à ce que la presse citoyenne soit privilégiée en matière d’aides.

Mme Sonia Lagarde, rapporteure pour avis. Concernant Amazon, il ne s’agit pas bien entendu de faire de la concurrence à un acteur aussi puissant que celui-ci. Il s’agit simplement de s’organiser. On a constaté l’échec du portail « 1001.librairies.com » mis en place par le Syndicat de la librairie française. Il faut aujourd’hui trouver une solution alternative et prendre place dans le dispositif, comme la profession en convient unanimement.

Concernant les animations qui peuvent être faites en librairie, il importe de les développer. Elles constituent un vrai service qu’apportent les libraires et que ne peuvent pas fournir les prestataires de vente en ligne.

Par ailleurs, le reproche m’a été fait de n’avoir pas évoqué la question des loyers des librairies. J’en fais état pourtant dans mon rapport que je me permets de citer : « Selon le Syndicat de la librairie française, la marge des libraires se situe dans une fourchette allant de 0,6 % à 2 %. Les difficultés proviennent en majeure partie de la faible marge de manœuvre dont ils disposent pour améliorer leur rentabilité. Leurs charges fixes progressent de 2 % à 3  % par an, à la fois en raison de l’augmentation des charges immobilières, notamment des loyers, surtout en centre-ville, mais aussi de l’accroissement des charges salariales. » Il y a là un vrai souci pour la profession.

J’en viens maintenant aux marchés publics. Il est bien évidemment important d’accroître la commande publique. Le marché des collectivités publiques représente 18 % des ventes des librairies indépendantes. Se voir attribuer un marché public, par exemple celui d’une bibliothèque, est bien sûr bénéfique pour le libraire, et ce à plus d’un titre. En effet, son carnet de commandes est sécurisé et le volume de ses ventes augmente. C’est pourquoi j’attends avec impatience les propositions du ministère de la culture et de la communication sur ce sujet.

Pour ce qui concerne l’aide à la librairie indépendante, évoquée par M. Michel Herbillon, une piste extrêmement intéressante est mentionnée dans le rapport de M. Bruno Parent. Elle concerne le réseau Dilicom, qui gère chaque année 100 millions de lignes de commande provenant de tous les acteurs du marché du livre. Les libraires utilisent ses services, mais également la grande distribution spécialisée. La proposition de M. Bruno Parent qui consiste à prélever des centimes additionnels sur ces commandes serait indolore du point de vue des finances publiques. Il faudrait faire payer un peu plus les libraires, mais leur syndicat, contrairement à ce qui a été dit, ne s’y oppose pas. Ce serait, il est vrai, un peu plus compliqué pour les éditeurs. En tout cas, cela permettrait de collecter pas moins de 3 millions d’euros par an, somme qui pourrait s’ajouter aux fonds dévolus aux libraires au travers du Centre national du livre. Cela présenterait aussi l’avantage non négligeable de mettre Amazon dans la boucle du paiement.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2013 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Centre national du livre (CNL) – M. Jean-François Colosimo, président, Mme Véronique Trinh-Muller, directrice générale, et Mme Pia Daix, conseillère auprès du président

Ø Association des librairies informatisées et utilisatrices de réseaux électroniques (ALIRE) – Mme Sophie Saint-Marc, déléguée générale

Ø Inspection générale des finances – M. Bruno Parent, inspecteur général des finances, auteur du rapport « Soutenir la librairie pour consolider l’ensemble de la chaîne du livre » 

Ø Table ronde :

– Syndicat français de la librairie (SFL) – M. Matthieu de Montchalin, président, et M. Guillaume Husson, délégué général

– Syndicat national de l’édition (SNE) – M. Vincent Montagne, président, Mme Christine de Mazières, déléguée générale, Mme Laure Darcos, directrice des relations institutionnelles de Hachette Livre, et M. Mathias Echenay, directeur général du Centre de diffusion du livre

Ø Fédération interrégionale du livre et de la lecture (FILL) – M. Laurent Delaboublise, vice-président, et Mme Stéphanie Meissonnier, déléguée générale

Ø Association pour le développement de la librairie de création (ADELC) – M. Didier Grevel, délégué général, et M. Jean-Guy Boin, membre du comité d’engagement

Ø Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d’Ile-de-France – Mme Muriel Genthon, directrice, Mme Tifenn Martinot-Lagarde, responsable du service de l’Économie culturelle en charge de l’écrit, du cinéma et de l’image animée, et M. Bernard Demay, conseiller livre et lecture

Ø Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) – Mme Marie-Françoise Marais, présidente, Mme Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la commission de protection des droits, M. Éric Walter, secrétaire général, Mme Clémence Fournier, directrice de la communication, et Mme Marion Scappaticci, responsable des relations institutionnelles

Ø Ministère de la culture et de la communication, Direction générale des médias et des industries culturelles – Mme Laurence Franceschini, directrice générale, M. Nicolas Georges, directeur adjoint chargé du livre et de la lecture, et M. Rémi Gimazane, chef du département de l’économie du livre

© Assemblée nationale

1 () Pierre Jourde, Le cauchemar du pilon, BiblioObs, octobre 2008.

2 () Mission de concertation sur les contenus numériques et la politique culturelle à l'ère du numérique, dite Culture- acte 2.

3 () 17,4 millions d’euros en CP étaient inscrits dans la programmation pluriannuelle 2011-2014, 14,2 millions d’euros en CP sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2013.

4 () Article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

5 () Prévision pour 2012 du sous- indicateur Nombre de monographies en ligne dans Gallica : 351 000.

6 () 80,4 millions d’euros imputés sur la mission Relations avec les collectivités territoriales.

7 () De 10,8 millions d’inscrits en 2011 à 10,9 millions en 2012.

8 () Décret n° 2012-834 du 29 juin 2012 instituant une aide exceptionnelle au bénéfice des entreprises de production phonographique.

9 () Le Tribunal de Belfort a condamné pour négligence caractérisée un abonné à une amende de 150 euros.

10 () Audition de la Hadopi le 9 octobre 2012.

11 () 25 % des internautes ont cessé de télécharger dès la réception de la première recommandation et 75 % après avoir reçu la deuxième recommandation.

12 () Audition de la Hadopi le 9 octobre 2012.

13 () Audition de la direction générale des médias et des industries culturelles le 16 octobre 2012.

14 () Mission de concertation sur les contenus numériques et la politique culturelle à l'ère du numérique, dite Culture- acte 2.

15 () Librairie disposant d’une liberté de choix dans la constitution de son fonds et orientée vers la qualité.

16 () Audition de l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC) le 4 octobre 2012.

17 () Le prix moyen du livre est de 11,27 euros en 2010.

18 () Réponse au questionnaire budgétaire.

19 () 43 % des crédits d’intervention.

20 () Teresa Cremisi, Colette Kerber, Alexandre Jardin, Matthieu de Montchalin, Bruno Parent et Marc Sanson, Soutenir la librairie pour consolider l’ensemble de la chaîne du livre : une exigence et une responsabilité partagées, mars 2012.

21 () Article 28 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificatives pour 2012.

22 () Audition du Syndicat de la librairie française (SLF) le 26 septembre 2012.

23 () Article 1464I du Code général des impôts.

24 () Teresa Cremisi, Colette Kerber, Alexandre Jardin, Matthieu de Montchalin, Bruno Parent et Marc Sanson, Soutenir la librairie pour consolider l’ensemble de la chaîne du livre : une exigence et une responsabilité partagées, mars 2012.

25 () Audition de l’Association des librairies informatisées et utilisatrices de réseaux électroniques(ALIRE) le 24 septembre 2012.

26 () Audition de M. Bruno Parent le 25 septembre 2012.

27 () Teresa Cremisi, Colette Kerber, Alexandre Jardin, Matthieu de Montchalin, Bruno Parent et Marc Sanson, Soutenir la librairie pour consolider l’ensemble de la chaîne du livre : une exigence et une responsabilité partagées, mars 2012.

28 () Société qui permet l’échange de données informatisées (EDI) dans le secteur du livre.

29 () 1 centime d’euro pour le libraire et 2 centimes d’euros pour le distributeur.

30 () Société exerçant uniquement ses activités sur internet.

31 () Teresa Cremisi, Colette Kerber, Alexandre Jardin, Matthieu de Montchalin, Bruno Parent et Marc Sanson, Soutenir la librairie pour consolider l’ensemble de la chaîne du livre : une exigence et une responsabilité partagées, mars 2012.

32 () Réponse au questionnaire budgétaire.

33 () Auditions de la Fédération interrégionale du livre et de la lecture (FILL) le 1eroctobre 2012 et de la Direction régionale des affaires culturelles d’Ile de France le 4 octobre 2012.

34 () Audition de l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC) le 4 octobre 2012.

35 () Vade-mecum à l’usage des bibliothèques de l’État, des collectivités et de leurs établissements.

36 () Mission du Conseil général économique et financier sur l’accès des librairies indépendantes aux marchés publics.

37 () Audition de l’Association des librairies informatisées et utilisatrices de réseaux électroniques (ALIRE) le 24 septembre 2012.

38 () Mission confiée à Mme Catherine Meyer-Lereculeur et M. François Hurard.

39 () Auditions de l’Association des librairies informatisées et utilisatrices de réseaux électroniques (ALIRE) le 24 septembre 2012 et du Syndicat de la librairie française (SLF) le 26 septembre 2012.

40 () Institut Ipsos et Baromètre Sofia/SNE/SGDL.

41 () Auditions de l’Association des librairies informatisées et utilisatrices de réseaux électroniques (ALIRE) le 24 septembre 2012 et du Syndicat de la librairie française (SLF) le 26 septembre 2012.

42 () Article 25 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

43 () Directive du Parlement et du Conseil n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.

44 () Directive du Conseil n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

45 () Audition de l’Association des librairies informatisées et utilisatrices de réseaux électroniques (ALIRE) le 24 septembre 2012.

46 () Société exerçant uniquement ses activités sur internet.

47 () Audition de l’Association des librairies informatisées et utilisatrices de réseaux électroniques (ALIRE) le 24 septembre 2012.