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N
° 253

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2013
(n° 235),

TOME XIV

OUTRE-MER

PAR M. Serge LETCHIMY,

Député.

——

Voir le numéro : 251 (annexe 34)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I.— AU REGARD DU BILAN DE LA PRÉCÉDENTE LÉGISLATURE : D’ABORD IDENTIFIER DE VRAIES PISTES D’AMÉLIORATION 9

A.— LES OUTRE-MER ONT LARGEMENT CONTRIBUÉ À L’EFFORT NATIONAL DE MAÎTRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES 9

B.— DEUX EXEMPLES DE DISPOSITIFS À RÉFORMER 11

L’aide au fret 11

Les commissaires au développement endogène 12

II.— LE PROJET DE BUDGET 2013 : TRADUIRE LES ENGAGEMENTS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE 15

A.— LES PRIORITÉS DE LA MISSION « OUTRE-MER » 15

1. Le programme 138 : « Emploi outre-mer » 16

2. Le programme 123 : « Conditions de vie outre-mer » 20

Le logement 22

Le rattrapage en matière d’équipements structurants 24

B.— L’EFFORT GLOBAL DE L’ÉTAT EN FAVEUR DE L’OUTRE-MER 26

III.— UN REGARD SUR UN ENJEU D’AVENIR : DÉVELOPPER LES ÉNERGIES RENOUVELABLES OUTRE-MER 29

A.— LES OBJECTIFS AMBITIEUX 29

B.— UN ÉTAT DES LIEUX CONTRASTÉ 30

La filière éolienne 32

La filière photovoltaïque 34

C.— LES DÉFIS DE DEMAIN 35

AUDITION DE M. VICTORIN LUREL, MINISTRE DES OUTRE-MER 39

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 69

MESDAMES, MESSIEURS,

Pour la première fois, votre rapporteur s’est vu confier la responsabilité d’examiner, au nom de la commission des affaires économiques, les crédits de la mission « outre-mer » du projet de loi de finances. Aujourd’hui, les outre-mer peuvent à nouveau avoir confiance en l’État. L’élection présidentielle du 6 mai 2012 et les élections législatives de juin 2012 ont permis la constitution d’une majorité gouvernementale et parlementaire soucieuse de l’avenir des collectivités ultramarines.

Ce changement était urgent tant, au cours des dernières années, les outre-mer ont ressenti un sentiment de relatif abandon. Ils ont, certes, été frappés avec retard par la crise économique et financière mais, sur le terrain, cela s’est traduit par une importante hausse des prix à l’origine de mouvements de contestation en Martinique et en Guadeloupe, puis sur l’ensemble des territoires ultramarins. Ce « cri » poussé par nos concitoyens a été interprété dans l’hexagone comme le simple marqueur d’une contestation ponctuelle. Or il exprimait surtout la frustration de populations face à une situation structurelle contre laquelle la puissance publique ne semblait pas vouloir lutter. Comme votre rapporteur le dénonçait à l’époque, « point de plan de relance en vue, ni de perspectives, pas de prise en considération des messages du monde économique, rien de durable n’est fait, si ce n’est la distribution directe d’aides sociales et de subventions par-ci et par là ». Une nouvelle fois, l’État semblait n’adopter vis-à-vis des outre-mer qu’une attitude condescendante centrée sur le mythe du sauveur et consistant à laisser croître le nombre de personnes plongées dans l’immédiateté par leur souffrance, à les laisser mettre le feu, pour mieux se présenter en pompier.

Bien sûr, la loi sur le développement économique des outre-mer du 27 mai 2009 (Lodéom) contenait des dispositions importantes, mais son bilan reste insuffisant, voire « mitigé ». De même, le Conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009 (CIOM), s’il identifiait 137 mesures urgentes pour les outre-mer, n’a pas réellement été suivi d’effets sur le terrain. Derrière une apparente mobilisation dans l’urgence, le précédent Gouvernement s’en est trop souvent tenu à une position distante à l’égard des outre-mer, mettant en avant un développement endogène parfois perçu comme un prétexte à un désengagement de l’État. S’il est évident que l’avenir des outre-mer passe par le renforcement de leur intégration économique régionale, la place de l’État doit demeurer forte afin d’accompagner ces territoires qui contribuent réellement à la richesse de notre pays.

Mais la situation économique des outre-mer demeure toujours extrêmement précaire. En septembre 2012, l’institut d’émission des départements d’outre-mer relevait ainsi que « la timide reprise s’essouffle et l’activité est maintenant en retrait dans l’ensemble de l’outre-mer français ». Cette contraction de l’économie a d’importantes conséquences sur le chômage, qui ne cesse de croître dans nos territoires : partout il dépasse largement le taux de 20 % et touche plus de la moitié de nos jeunes, désemparés face à une situation que bien souvent ils estiment sans espoir. Ce constat, votre rapporteur comme l’ensemble des élus ultramarins le connaissent depuis longtemps. Il s’explique notamment par l’application aux outre-mer d’un modèle de développement économique conçu loin des territoires et qui ne prend pas en compte les atouts, mais aussi les difficultés, propres aux outre-mer. Votre rapporteur appelle donc de ses vœux une révolution intellectuelle qui permettra d’imaginer de nouveaux modes de développement adaptés, et non plus seulement déclinés de la réalité hexagonale.

Aujourd’hui, les choses évoluent. Dès la campagne présidentielle, M. François Hollande avait dénoncé « les discours qui stigmatisent les ultramarins, en les présentant comme des assistés ». Trop souvent en effet devons-nous subir de tels propos, comme si les outre-mer étaient condamnés à quémander, voire à mendier auprès de l’État afin d’obtenir des privilèges particuliers ! Cette posture n’est pas seulement erronée, elle traduit un mépris et une profonde méconnaissance des territoires ultramarins. Elle est d’autant plus insupportable que les outre-mer représentent une richesse exceptionnelle pour notre pays en termes de surface maritime, de positionnement géographique et géostratégique, et de réserve de biodiversité.

Conformément à ses engagements, le Président de la République a ainsi décidé de la constitution d’un ministère des outre-mer de plein exercice. Les problématiques spécifiques de ces territoires méritent une attention particulière du fait des difficultés structurelles auxquelles ils sont confrontés.

Par ailleurs, M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer, a obtenu l’inscription à l’ordre du jour, dès la session extraordinaire du Parlement, d’un projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer. Destiné à lutter contre la « vie chère », ce texte vise à refondre en profondeur les structures des marchés ultramarins afin de remédier aux distorsions de concurrence, qui non seulement pénalisent les consommateurs, mais grèvent également le développement économique de nos territoires. Ce projet de loi, que le Parlement doit adopter dans les prochains jours, constitue une première étape permettant de poser les jalons d’un renouveau des politiques publiques outre-mer. La situation particulière des outre-mer implique l’adoption d’un modèle de développement spécifique. C’est donc l’approche intellectuelle de l’État vis-à-vis de ces collectivités qui doit évoluer.

Dans ses « Trente engagements pour les outre-mer », M. François Hollande évoquait le précédent quinquennat, « marqué par la stigmatisation, le désengagement budgétaire, l’augmentation du chômage et la vie chère ». Votre rapporteur ne peut que se féliciter de voir le constat du chef de l’État traduit dans le projet de loi de finances pour 2013. Les crédits de la mission « outre-mer » sont en effet en hausse, ce qui témoigne de l’attention portée par le Gouvernement aux outre-mer, qui ont déjà largement contribué à l’effort national en faveur de la maîtrise de la dépense publique. Pour cette raison, votre rapporteur ne peut que saluer la décision du Gouvernement d’exonérer les dépenses fiscales spécifiques à l’outre-mer de l’abaissement global du plafonnement de ces dépenses. Plus largement, votre rapporteur constate que la mission « outre-mer » ne constitue qu’une part minimale des crédits alloués à ces territoires. En effet, elle représente 2,04 milliards d’euros en crédits de paiement, alors que l’effort budgétaire total de l’État à destination des outre-mer s’élève à près de 13 milliards d’euros.

Au-delà des crédits inscrits, la question fondamentale est celle de leur utilisation. En effet, si l’on peut se réjouir de la présentation d’un budget en croissance, force est de constater que le bilan de l’exécution budgétaire des années précédentes n’est pas pleinement satisfaisant. Votre rapporteur souhaite donc identifier des pistes d’amélioration. C’est à l’aune de ces réflexions qu’il conviendra d’analyser les structures du projet de budget de la mission « outre-mer » pour 2013.

Enfin, votre rapporteur a souhaité apporter un éclairage particulier sur les défis spécifiques auxquels sont confrontés les outre-mer en matière énergétique. Les enjeux énergétiques des outre-mer sont souvent méconnus, ou abordés au travers du prisme hexagonal. L’exemple du photovoltaïque est à cet égard saisissant. Pourtant la Conférence environnementale des 14 et 15 septembre dernier a rappelé l’exigence de développement des énergies renouvelables outre-mer. À l’approche du grand débat sur la transition énergétique, il semblait indispensable à votre rapporteur de mettre en lumière les défis des outre-mer en matière de maîtrise énergétique, alors que l’objectif d’autonomie énergétique demeure. Comme de nombreux rapports l’ont souligné, les outre-mer peuvent constituer un laboratoire pour le développement des énergies renouvelables. Votre rapporteur considère qu’il faut aller plus loin. Les outre-mer ne doivent pas constituer de simples terrains d’expérimentation au profit de quelques entreprises « hexagonales » mais bel et bien des territoires d’avenir ayant leur propre modèle. Les caractéristiques structurelles des outre-mer rendent les problématiques différentes, de même que les réponses à imaginer.

Au cours de la campagne présidentielle, M. François Hollande avait beaucoup promis. Aujourd’hui, force est de constater que le chef de l’État tient parole. Votre rapporteur se félicite de la progression significative du budget de la mission, mais veillera à son exécution. Ainsi, si des questions demeurent quant à la mise en œuvre des politiques de l’État outre-mer, votre rapporteur émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « outre-mer ».

I.— AU REGARD DU BILAN DE LA PRÉCÉDENTE LÉGISLATURE : D’ABORD IDENTIFIER DE VRAIES PISTES D’AMÉLIORATION

A.— LES OUTRE-MER ONT LARGEMENT CONTRIBUÉ À L’EFFORT NATIONAL DE MAÎTRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES

Chaque année, à l’occasion de l’examen du budget de l’État, les outre-mer sont accusés de profiter d’avantages indus, de recevoir une part trop importante de ressources budgétaires ou de bénéficier de dispositifs fiscaux anormaux. Comme l’a rappelé le ministre des outre-mer, M. Victorin Lurel, lors de son audition devant la commission des affaires économiques le 25 octobre 2012, l’outre-mer pâtit de certaines dérives d’un autre temps.

Ces jugements sont d’autant plus insupportables que les outre-mer ont largement contribué à l’effort de maîtrise de la dépense publique au cours des dernières années. Cédant aux idées hâtives ou à certains rapports bien éloignés de la réalité de nos territoires, le précédent Gouvernement a souvent sacrifié l’outre-mer sur l’autel de l’austérité. L’effort consenti à l’occasion de l’adoption de la loi pour le développement économique des outre-mer du 27 mai 2009 (Lodéom), a été complété par les lois de finances pour 2011 et pour 2012.

Ainsi, l’article 105 de la loi de finances pour 2011 a mis en œuvre un « coup de rabot » sur les dépenses fiscales. Il s’est traduit par une diminution globale de 10 % des crédits et réductions d’impôts compris dans le champ du plafonnement global de certains avantages fiscaux à l’impôt sur le revenu. Étaient notamment concernés l’article 199 undecies A du code général des impôts relatif aux investissements locatifs outre-mer et l’article 199 undecies B du même code, qui prévoit une réduction d’impôt en faveur des contribuables résidant en France au titre des investissements productifs neufs.

Un an plus tard, la loi de finances pour 2012 a de nouveau sollicité un effort des outre-mer. D’abord, le « coup de rabot » sur les dépenses fiscales a été poursuivi dans les mêmes proportions. Une nouvelle réduction de 10 % sur l’avantage en impôt a donc été décidée par l’ancienne majorité. Au-delà, l’article 10 de la loi de finances pour 2013 a supprimé l’article 217 bis du code général des impôts qui prévoyait, pour certaines exploitations situées dans les départements d’outre-mer, un dispositif d’abattement d’un tiers sur l’impôt sur les sociétés. Pourtant, la loi « Girardin » (1) avait repoussé l’existence de ce dispositif jusqu’en 2017, et ce dans le but de renforcer l’attractivité des investissements outre-mer. Le précédent Gouvernement avait justifié sa suppression par le fait qu’il bénéficierait avant tout à de grandes entreprises.

Comme son prédécesseur, votre rapporteur ne peut que rappeler les conclusions du rapport de l’inspection générale des finances sur les dépenses fiscales(2), selon lequel les entreprises dégageant un résultat fiscal de moins de 200 000 euros représentaient 79 % des bénéficiaires. Le Gouvernement espérait ainsi obtenir une économie de 100 000 euros. Votre rapporteur n’a à ce jour pas eu accès à des informations évaluant les conséquences de cette suppression sur l’activité économique.

Par ailleurs, la loi de finances pour 2012 avait également entériné une diminution des crédits alloués à la mission « outre-mer ». Ainsi, dans le cadre d’un plan de réduction des dépenses publiques, le précédent gouvernement a décidé d’une baisse de 48 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 53,5 millions d’euros en crédits de paiement, affectant principalement les mesures de soutien aux entreprises et le service militaire adapté (SMA). Alors que le développement économique et l’insertion des jeunes dans le marché du travail constituent les principaux enjeux des territoires ultramarins, votre rapporteur ne comprend toujours pas le choix opéré par la précédente majorité.

IMPACT DU PLAN DE RÉDUCTION DES DÉPENSES PUBLIQUES
SUR LA MISSION OUTRE-MER EN 2012

(en millions d’euros)

Programme

Action

Dispositif

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Emploi outre-mer

Soutien aux entreprises

Compensation des exonérations de charges sociales

30

30

 

 

Aide au fret et aide à la rénovation hôtelière

10

10

 

Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle

Service militaire adapté

5

5

Conditions de vie outre-mer

Aménagement du territoire

 

 

5,5

 

Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport

 

2

2

 

Insertion économique et coopération régionales

 

1

1

Total

 

 

48

53,5

Source : rapport spécial de M. Claude Bartolone sur le projet de loi de finances pour 2012

Au final, en incluant les diminutions concernant les incitations fiscales, entre 2007 et 2012, les outre-mer ont supporté une diminution de l’ordre de 700 millions d’euros de dépenses budgétaires et fiscales. Ce désengagement de l’État a été justifié par la mise sur le devant de la scène d’une promotion d’un développement endogène, mais dont la seule finalité était de remettre en cause la solidarité nationale, comme l’a justement rappelé le Président de la République, M. François Hollande.

Les outre-mer, et votre rapporteur en particulier, ne demandent pas à être placés sous perfusion budgétaire et fiscale. Trop longtemps a perduré cette dépendance des outre-mer à l’égard de la « métropole », relent d’un modèle économique colonial dépassé. Il ne s’agit pas de plaider en faveur d’une augmentation continue des crédits à destination de l’outre-mer, ni de dénoncer l’injustice de la participation des outre-mer à l’effort national, mais simplement d’appeler à une juste répartition des efforts.

B.— DEUX EXEMPLES DE DISPOSITIFS À RÉFORMER

La loi pour le développement économique des outre-mer du 27 mai 2009 ainsi que les États généraux de l’outre-mer et le Conseil interministériel des outre-mer du 6 novembre 2009 ont apporté de profonds changements à la politique de l’État outre-mer. Or, parmi les nouveaux dispositifs créés, certains appellent des commentaires plutôt sévères de la part de votre rapporteur, soit sur leur modalité de mise en œuvre, soit sur leur existence même. Votre rapporteur a fait le choix de présenter deux exemples pouvant faire l’objet d’une réforme.

L’aide au fret

L’article 24 de la Lodéom a prévu un dispositif de compensation de certains coûts de transport, dénommé aide au fret, au profit des entreprises situées dans les départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre et Miquelon, et à Wallis-et-Futuna. Ce dispositif vise à abaisser les frais de transports des intrants au départ de l’hexagone ou d’un autre État membre de l’Union européenne et ceux des produits locaux exportés vers l’Union européenne.

En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, les dépenses de transport éligibles comprennent les liaisons maritimes ou aériennes directes ou avec escales d’un port ou aéroport situé sur le territoire européen de l’Union européenne, vers un port ou aéroport situé sur le territoire des collectivités concernées. Dans les collectivités territoriales de Wallis-et-Futuna, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte(3), l’aide au fret ne couvre que partiellement les dépenses de transport supportées pour l’acheminement des intrants et des extrants, sans limitation sectorielle.

Dans tous les cas, les dépenses éligibles sont basées sur le coût réel du transport justifié par les factures, ou sur les montants figurant sur les documents douaniers.

En 2011, année de démarrage effectif du dispositif, près de 7 millions d’euros ont été engagés et 3,7 millions ont été payés. La sous consommation par rapport à la ressource initiale – plus de 23 millions d’euros – s’expliquerait selon le ministère des outre-mer par des raisons conjoncturelles : le dispositif aurait nécessité un apprentissage de la part des acteurs économiques comme des services territoriaux de l’État et entreprises. Malgré une mise en place tardive, 82 entreprises ont pu toutefois bénéficier en 2011 de ce nouveau dispositif.

BÉNÉFICIAIRES DE L’AIDE AU FRET EN 2011

(en euros)

 

AE

CP

Intrants
Nombre de dossiers

Extrants
Nombre de dossiers

Nombre total de dossiers

Nombre d’entreprises subventionnées

Guadeloupe

1 986 197,00

367 612,12

4

3

7

5

Guyane

478 265,45

 

28

4

32

28

Réunion

4 458 709,50

3 344 032,13

43

0

43

43

Mayotte

52 260,76

52 260,76

5

1

6

6

TOTAL

6 975 432,71

3 763 905,01

80

8

88

82

Source : ministère des outre-mer

Néanmoins, selon les informations obtenues par votre rapporteur, les crédits inscrits en loi de finances pour 2012 seront à nouveau sous consommés : seuls 13 à 14 millions de la dotation globale de 17 millions prévue en loi de finances. Votre rapporteur a été fortement surpris de ces informations, tant la situation martiniquaise est spécifique : après un démarrage difficile, l’aide au fret est aujourd’hui un réel succès ! Toutefois le cas de la Martinique semble tout à fait isolé.

D’après les études menées par le ministère des outre-mer, les procédures d’obtention de l’aide sont trop complexes. Elles expliqueraient le faible intérêt des acteurs économiques. Cette situation n’est pas acceptable : les crédits adoptés par le Parlement doivent être consommés. Votre rapporteur encourage donc vivement le Gouvernement à harmoniser les procédures dans l’ensemble des outre-mer afin de garantir l’efficacité d’un dispositif qui a fait ses preuves lorsqu’il a été utilisé.

Les commissaires au développement endogène

Le développement endogène symbolise l’orientation du développement économique outre-mer souhaité par la précédente majorité. Si votre rapporteur partage l’objectif de conforter l’essor des outre-mer par un renforcement de la demande intérieure et l’intégration régionale, les modalités de mise en œuvre de cette politique restent tout à fait contestables. La nomination de trois commissaires au développement endogène, en novembre 2010, constitue l’un des exemples des erreurs d’une politique décidée loin des territoires.

Recrutés afin d’accompagner les entreprises privées et les filières économiques dans leurs projets de développement sur le marché intérieur et de leur apporter l’appui nécessaire pour leur permettre d’intervenir sur les marchés régionaux, les trois commissaires au développement endogène (Guyane – Océan indien – Antilles) n’ont pas démontré l’utilité de leur action. Pourtant, ils perçoivent une rémunération très confortable, comparable à celle de hauts dirigeants d’entreprises.

Le nouveau Gouvernement semble avoir pris acte des dysfonctionnements de la fonction et a pris certaines mesures afin d’y remédier. Ainsi, les commissaires, aujourd’hui dénommés « au développement productif », seront désormais placés sous l’autorité des préfets. Il s’agira ainsi de contrôler leur activité, sur laquelle personne ne semblait avoir de droit de regard. Par ailleurs, leur lettre de mission a été précisée, afin de les associer plus étroitement aux initiatives de jeunes entrepreneurs. Néanmoins, votre rapporteur doute de la pertinence d’un tel dispositif. À son sens, il conviendrait plutôt de renforcer l’expertise des régions, qui constituent le réel vecteur de développement économique et d’intégration régionale. Si, d’ici l’année prochaine, l’action des commissaires au développement productif n’apparaît toujours pas satisfaisante, votre rapporteur se prononcera en faveur de leur suppression pure et simple.

De manière générale votre rapporteur considère que le changement de majorité parlementaire et gouvernementale doit conduire à une rationalisation de la politique budgétaire et fiscale de l’État. S’agissant de la mission « outre-mer », votre rapporteur recommande une évaluation précise des modalités d’exécution budgétaire et une amélioration de certains dispositifs. Au-delà des exemples précités, le Gouvernement ne pourra faire l’économie d’une analyse de la ligne budgétaire unique (LBU) et de son articulation avec les outils de défiscalisation, alors que l’article 33 de la Lodéom a rappelé avec force le principe selon lequel « la ligne budgétaire unique reste le socle du financement du logement social dans les départements d’outre-mer, à Mayotte, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon ».

De même, la réforme de la continuité territoriale issue de la Lodéom a conduit à exclure du dispositif un grand nombre de personnes qui pouvaient auparavant bénéficier des aides du fonds de continuité territoriale. Il convient d’évaluer cette réforme et notamment son impact sur la consommation des crédits de l’action 3 du programme 123 de la mission « outre-mer ». Dans l’attente de ces évaluations sur l’exécution budgétaire, dont le rapport sur la loi de règlement pour l’année 2011 du rapporteur général du budget, M. Christian Eckert, dénonçait les lacunes, votre rapporteur s’attachera à examiner le projet de budget de la mission « outre-mer ».

II.— LE PROJET DE BUDGET 2013 : TRADUIRE LES ENGAGEMENTS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

A.— LES PRIORITÉS DE LA MISSION « OUTRE-MER »

La maquette budgétaire de la mission « outre-mer » ne connaît pas de profond changement au regard de l’année dernière. Seule la constitution d’un ministère des outre-mer de plein exercice a entraîné la création d’une nouvelle action, inscrite au sein du programme 138 et consacrée au pilotage des politiques des outre-mer. Dotée de près de 3 millions d’euros, elle regroupe des crédits auparavant portés par le ministère de l’intérieur.

Cette année, la participation des outre-mer à l’effort national de redressement des finances publiques passe notamment par la maîtrise des dépenses courantes du service militaire adapté, dans un contexte de montée en puissance vers le « SMA 6000 », et la diminution de la subvention pour charges de service public versée à l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM), conformément à la règle appliquée à l’ensemble des opérateurs de l’État.

CRÉDITS DE LA MISSION « OUTRE-MER » POUR 2013

(en euros)

Numéro et intitulé du programme et de l’action

Autorisations d’engagements

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI 2012

Demandées pour 2013

Ouverts en LFI 2012

Demandés pour 2013

 

MISSION

2 118 665 911

2 189 938 650

1 966 444 165

2 040 563 758

1138

Emploi outre-mer

1 312 871 975

1 405 623 174

1 338 091 975

1 395 011 174

11

Soutien aux entreprises

1 088 687 153

1 166 335 556

1 089 187 153

1 166 335 556

22

Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle

224 184 822

236 383 618

248 904 822

225 771 618

3

Pilotage des politiques des outre-mer

(nouveau)

 

2 904 000

 

2 904 000

1123

Conditions de vie outre-mer

805 793 936

784 315 476

628 352 190

645 552 584

11

Logement

273 048 887

272 758 664

214 148 887

227 009 777

22

Aménagement du territoire

208 866 428

184 865 400

144 435 309

164 915 400

33

Continuité territoriale

51 450 000

51 450 000

51 450 000

51 450 000

44

Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport

32 183 762

5 417 183

32 183 762

5 417 183

66

Collectivités territoriales

188 444 859

187 853 459

158 300 899

161 427 666

77

Insertions économiques et coopérations régionales

1 800 000

1 970 770

1 800 000

1 970 770

88

Fonds exceptionnel d’investissement

17 000 000

50 000 000

19 000 000

25 900 000

99

Appui à l’accès aux financements bancaires

33 000 000

30 000 000

7 033 333

7 461 788

Source : projet annuel de performance

1. Le programme 138 : « Emploi outre-mer »

Le programme 138 « Emploi outre-mer » vise à encourager la création d’emplois et l’accès des ultramarins au marché du travail dans un contexte de fort taux de chômage (à la fin de l’année 2011, les chiffres étaient de 21% en Guyane, 23,8% en Guyane, 21% en Martinique, 28,9% à la Réunion).

Pour parvenir à cet objectif, l’action de l’État se concentre sur la diminution du coût du travail par l’exonération des charges sociales patronales afin de favoriser la création d’emplois pérennes par les entreprises du secteur marchand des départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Dans le même temps, il s’agit de contribuer à l’insertion des jeunes dans le monde professionnel, notamment via le SMA. Ceci est d’autant plus essentiel que selon des données de décembre 2011, la proportion de jeunes actifs sans diplôme est 2,3 fois supérieure outre-mer à celle de l’hexagone.

Le programme 138 est doté de 1,395 milliard d’euros en crédits de paiement et regroupe trois actions.

PROGRAMME 138 DE LA MISSION « OUTRE-MER », PLF 2013

En euros

Autorisations d’engagements

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI 2012

Demandées pour 2013

Ouverts en LFI 2012

Demandés pour 2013

1138

Emploi outre-mer

1 312 871 975

1 405 623 174

1 338 091 975

1 395 011 174

11

Soutien aux entreprises

1 088 687 153

1 166 335 556

1 089 187 153

1 166 335 556

22

Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle

224 184 822

236 383 618

248 904 822

225 771 618

3

Pilotage des politiques des outre-mer

(nouveau)

 

2 904 000

 

2 904 000

L’action 1 « soutien aux entreprises » vise la diminution des coûts de production et particulièrement du coût du travail, afin de favoriser la création d’emplois pérennes dans les entreprises du secteur marchand des départements d’outre-mer et de Saint-Pierre-et-Miquelon, par un allègement de leurs charges d’exploitation. Elle comprend également les crédits de l’aide au fret et de la rénovation hôtelière.

L’action 2 « aide à l’insertion et à la qualification professionnelle » vise à favoriser l’inclusion dans l’emploi des jeunes ultramarins par différents dispositifs d’insertion sociale et de qualification professionnelle. Elle s’articule principalement autour du dispositif du service militaire adapté (SMA), dont le doublement du contingent de volontaires (de 3 000 à 6 000) est désormais fixé à 2015.

L’action 3 « pilotage des politiques des outre-mer » représente 0,2 % des crédits du programme. Suite à la constitution d’un ministère de plein exercice, il s’agit simplement d’assurer le transfert d’une partie des crédits de fonctionnement portée jusqu’alors par le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » du ministère de l’intérieur.

S’agissant de l’action 1, si votre rapporteur a déjà rappelé son souhait de voir les procédures modernisées en matière d’aide au fret, il lui semble important d’insister sur les exonérations de charges patronales, qui constituent près de 99 % des crédits. Le dispositif a été profondément remanie par l’article 159 de la loi de finances pour 2009 et l’article 25 de la Lodéom.

LA MODERNISATION DES EXONÉRATIONS DE CHARGES

Les nouvelles modalités consistent à rendre plus efficiente l’intervention publique :

– en la concentrant sur les bas et moyens salaires sur lesquels l’impact des exonérations est le plus fort ;

– en subordonnant sa mise en œuvre au respect, par les entreprises, des règles qui régissent leur activité (paiement effectif des cotisations dues et absence d’infraction au regard du travail illégal notamment) ;

– en ciblant les efforts de l’État sur les secteurs à fort potentiel avec la définition de secteurs et de zones prioritaires dont le développement est jugé particulièrement déterminant pour la croissance de l’ensemble des économies ultra marines ;

– en maintenant un dispositif différencié de celui applicable en France hexagonale.

L’exonération porte sur les cotisations patronales de sécurité sociale des régimes maladie, maternité, invalidité-décès, vieillesse et allocations familiales, et exclut depuis le 1er janvier 2008 les cotisations versées au titre du risque accidents du travail et maladies professionnelles. Par ailleurs, le principe de l’exonération de toutes les entreprises de moins de onze salariés, quel que soit leur secteur d’activité, a été maintenu.

La dotation budgétaire prévue en 2013 pour en assurer le financement s’élève à 1 157,33 millions d’euros, ce qui permettra à de nombreuses entreprises de bénéficier d’une exonération d’un montant significatif. Ces exonérations visent à leur permettre d’améliorer leur compétitivité, notamment par l’embauche de cadres intermédiaires et en particulier de jeunes ultramarins diplômés. Selon les estimations des services du ministère des outre-mer, les exonérations de charges concerneraient plus de 170 000 salariés sur un effectif total de près de 300 000 salariés.

En concentrant l’effort sur les plus petites entreprises – outre-mer, plus de 82 % des entreprises ont moins de dix salariés et 63 % en ont moins de cinq – la réforme mise en œuvre permet de les viser explicitement. Ainsi, alors que ces entreprises emploient 23 % de l’effectif salarié total des départements d’outre-mer contre 14 % pour l’hexagone, elles représentent près de 45% de l’effectif total des entreprises bénéficiaires. À ce titre, la création d’emplois s’avère la plus dynamique dans les entreprises de moins de onze salariés : augmentation de 6,5 % de l’effectif global de salariés entre 2010 et 2009 et de 8 % entre 2011 et 2010, contre 2,4 % et 3,4 % pour les entreprises ne bénéficiant pas des exonérations spécifiques.

D’après les données du programme annuel de performance pour 2013, « les réalisations 2011 marquent une réduction de 34 % entre l’écart de taux de croissance de l’emploi salarié dans les entreprises d’outre-mer exonérées de cotisations sociales et le taux global de croissance de l’emploi dans les départements d’outre-mer. Ce résultat est meilleur que l’année précédente ».

Toutefois, selon les informations obtenues par votre rapporteur, les résultats prévisionnels pour 2012 tendent à indiquer une perspective de rééquilibrage du taux de croissance entre les entreprises exonérées et non exonérées. Interrogés sur ce point, les services du ministère des outre-mer ont confirmé cette évolution, qui devrait se renforcer en 2013. Ainsi, si les résultats des dernières années témoignent de l’impact positif des mesures d’exonérations de cotisations patronales sur la création d’emplois, votre rapporteur appelle à une évaluation précise du dispositif dès l’année prochaine afin de démontrer son intérêt, ou au contraire de proposer des pistes d’amélioration. Il ne faudrait pas conserver un modèle par héritage, au détriment de solutions nouvelles, peut-être plus adaptées au soutien de la croissance et de l’emploi.

S’agissant de l’action 2, votre rapporteur souhaite alerter le Gouvernement quant à la nécessaire pérennité du service militaire adapté. La précédente majorité avait annoncé, à l’occasion de la crise qui a frappé nos territoires en 2009, le doublement du contingent du SMA. Le SMA fonctionne et ses résultats sont salués par tous. Dans ces conditions, offrir davantage de débouchés aux jeunes en difficultés outre-mer ne peut qu’être loué. Toutefois, la mise en œuvre de ce « SMA 6 000 » a été repoussée par le précédent Gouvernement. Le ministre des outre-mer, M. Victorin Lurel, a annoncé lors de son audition devant la commission des affaires économiques vouloir réaliser ce doublement des effectifs en 2015. Il s’agit d’un objectif ambitieux, dans la mesure où le Gouvernement demande aux SMA de fournir un important effort de maîtrise des dépenses de fonctionnement. Or, alors que la gestion des détachements outre-mer est complexe et nécessite toujours plus d’encadrement et d’ingénierie afin d’imaginer de nouvelles formations et d’accueillir toujours plus de volontaires, votre rapporteur ne voudrait pas que l’on offre aux jeunes des territoires ultramarins un « SMA au rabais » pour pouvoir afficher des objectifs comptables. Les militaires et autres personnels encadrant fournissent un travail exemplaire sur le terrain, mais doivent disposer des moyens de mener à bien la mission qui leur est confiée, car la montée en puissance du SMA ne pourra se faire que dans un cadre budgétaire adapté aux défis fixés.

LA MONTÉE EN PUISSANCE DU SMA

– Qu’est-ce que le SMA ?

Le SMA est un organisme de formation à caractère éducatif et professionnel qui offre à une partie de la jeunesse ultramarine, sous statut de volontaire dans les armées, la possibilité de retrouver un comportement citoyen et une vraie employabilité.

Cette formation globale, fondée sur les règles de vie et de discipline militaires, est renforcée par l’accompagnement permanent des volontaires et un suivi individualisé.

Le SMA est un vecteur essentiel de la cohésion sociale en apportant une réponse globale à l’exclusion, au chômage, à la désocialisation et à l’illettrisme des jeunes ultramarins alors qu’au moins 60% des volontaires sont non diplômés et 30% sont considérés comme illettrés.

– Les défis du « SMA 6 000 »

1. acquérir ou réaliser l’infrastructure nécessaire pour l’accueil des volontaires et des cadres supplémentaires et doter les unités du SMA d’outils de formation performants ;

2. mettre en œuvre une formation différenciée, adaptée au niveau de recrutement des volontaires et aux situations socio-économiques locales:

– maintien d’un cursus long de formation, essentiellement au profit du public cœur de cible du SMA, dont la durée sera adaptée aux opportunités de parcours intégrés conduisant à une formation complémentaire diplômante (8 – 10 – 12 mois);

– création d’un cursus court d’accompagnement vers l’emploi, principalement pour le nouveau public (6 mois);

3– garantir le flux du recrutement et le niveau de l’insertion par le développement de synergies indispensables avec les acteurs (locaux et nationaux) de l’orientation et de l’insertion de la jeunesse et les fédérations professionnelles, ainsi que par la consolidation du partenariat stratégique avec LADOM ;

4– renforcer l’efficience et la qualité de l’action du SMA, en poursuivant la politique d’optimisation de la ressource humaine et de rationalisation des emprises, et en participant à la recherche de cofinancements avec les collectivités territoriales ;

– Les étapes de la montée en puissance :

Lancé en 2010, le plan « SMA 6000 » aurait dû être opérationnel en 2013. Compte tenu des contraintes budgétaires, le cadencement a été révisé et adapté :

Phase 1 (2010 pour mémoire) : année de lancement du « SMA 6 000 ».

Phase 2 (2011) : phase d’effort, année « charnière ».

– poursuivre la montée en puissance de l’infrastructure (priorité à la formation) ;

– affecter l’encadrement supplémentaire ;

– proposer au moins 4 000 contrats de volontariat.

Phase 3 (2012 - 2015) : montée en puissance du « SMA 6 000 ».

– accroître la capacité d’accueil du SMA au-delà des 5 000 contrats de volontariat ;

– évaluer l’ingénierie de formation différenciée, pour être en mesure de l’adapter le cas échéant.

Phase 4 (2016) : première année de plein fonctionnement du « SMA 6 000 »

2. Le programme 123 : « Conditions de vie outre-mer »

Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » vise à agir dans trois domaines particuliers : l’accès au logement, l’aménagement des territoires, la modernisation des équipements structurants.

Au regard de la situation hexagonale, nos concitoyens d’outre-mer vivent encore trop souvent dans des conditions difficiles du fait de l’insuffisance des équipements et des infrastructures. De plus, les caractéristiques structurelles de ces territoires, marqués par l’étroitesse des marchés du travail, la faiblesse des revenus, l’éloignement géographique et une forte croissance démographique ont conduit à des situations de précarité qui nécessitent l’engagement de la puissance publique.

Ce programme regroupe donc huit actions (4) dont la majeure partie des crédits est tournée vers des objectifs précis : l’amélioration de l’accès au logement et l’aménagement du territoire. Il est doté de 645 millions d’euros.

(en euros)

 

Autorisations d’engagements

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI 2012

Demandées pour 2013

Ouverts en LFI 2012

Demandés pour 2013

1123

Conditions de vie outre-mer

805 793 936

784 315 476

628 352 190

645 552 584

11

Logement

273 048 887

272 758 664

214 148 887

227 009 777

22

Aménagement du territoire

208 866 428

184 865 400

144 435 309

164 915 400

33

Continuité territoriale

51 450 000

51 450 000

51 450 000

51 450 000

44

Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport

32 183 762

5 417 183

32 183 762

5 417 183

66

Collectivités territoriales

188 444 859

187 853 459

158 300 899

161 427 666

77

Insertions économiques et coopérations régionales

1 800 000

1 970 770

1 800 000

1 970 770

88

Fonds exceptionnel d’investissement

17 000 000

50 000 000

19 000 000

25 900 000

99

Appui à l’accès aux financements bancaires

33 000 000

30 000 000

7 033 333

7 461 788

L’action 1 « Logement », dotée de près de 35 % des crédits du programme, regroupe des politiques visant à accroître et améliorer le parc de logements sociaux, à accompagner les politiques urbaines d’aménagement et de rénovation, à rénover l’habitat insalubre et à améliorer la sécurité du parc social antillais à l’égard du risque sismique.

L’action 2 « Aménagement du territoire » a pour objectif de conforter le développement économique et social des territoires ultramarins en contribuant financièrement aux projets d’investissements structurants portés par les collectivités territoriales d’outre-mer.

L’action 3 « Continuité territoriale » regroupe des mesures relatives au désenclavement des territoires ultramarins, notamment pour les étudiants par le biais du « Passeport mobilité ».

L’action 4 « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport » ne concerne pas directement les compétences de la commission des affaires économiques et permet de financer des événements sportifs et culturels.

L’action 6 « Collectivités territoriales » comporte diverses mesures d’accompagnement financier et de dotations au profit des collectivités territoriales d’outre-mer.

L’action 7 « Insertions économiques et coopérations régionales » permet de soutenir les activités de coopération régionale menées par les collectivités territoriales d’outre-mer..

L’action 8 « Fonds exceptionnel d’investissement » vise à permettre la réalisation d’équipements structurants, notamment dans le cadre du programme d’investissement promis par François Hollande à l’égard des outre-mer (500 millions d’euros sur cinq ans).

L’action 9 « Appui à l’accès aux financements bancaires » vise à faciliter la mise en œuvre de politiques publiques par l’intermédiaire d’une intervention financière ou technique de l’Agence française de développement au profit des collectivités territoriales.

Votre rapporteur a souhaité étudier en particulier deux domaines faisant partie du champ de compétence de la commission des affaires économiques et ayant fait l’objet d’un engagement fort du chef de l’État : le logement, et en particulier le logement social, et la modernisation des équipements structurants.

Le logement

Les départements d’outre-mer sont particulièrement touchés par l’habitat indigne et insalubre. Comme votre rapporteur l’avait déjà souligné lors de ses travaux précédents consacrés à la lutte contre l’habitat indigne, le nombre de logements classés insalubres par l’État concerne près de 150 000 personnes dans tous les départements d’outre-mer.

L’HABITAT INDIGNE DANS LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

En Guyane, le nombre de logements insalubres est estimé à plus de 10 00 et concernerait une population de près de 33 000 habitants, soit 14 % de la population totale du département.

Si l’insalubrité est un phénomène touchant l’ensemble du département, on constate une concentration de l’habitat indigne sur le bassin de Cayenne (70 %) et le long du fleuve Maroni (20 %).

Cette insalubrité présente des formes variées :

– l’insalubrité des fonds de cour en zone urbaine dont sont responsables les marchands de sommeil ;

– l’insalubrité de l’habitat spontané en zone périurbaine du fait de l’occupation illicite du foncier ;

– les sites bidonvillisés sur lesquels les bâtis sont très précaires avec une absence de réseaux ;

– l’insalubrité dans les sites isolés le long des fleuves. Cet habitat traditionnel constitué de petites cases en bois s’est densifié sans aucun élément de confort ni d’accès à l’eau et à l’électricité.

Malgré les différentes opérations engagées sur l’ensemble du département, ce phénomène continue de progresser, du fait notamment d’une croissance démographique forte, couplée à une pénurie du foncier équipé, des revenus faibles et des collectivités territoriales financièrement fragiles.

À Mayotte, près de 20 000 résidences principales abritant plus de 50 000 personnes sont identifiées comme étant en « non-dur » alors que la plupart des logements recensés sont construits au moyen de matériaux précaires.

La situation est moins criante en Guadeloupe et en Martinique, même si ces collectivités confrontées à des zones insalubres ou d’habitat extrêmement dégradé, notamment en périphérie des agglomérations.

En Guadeloupe, on dénombre environ 15 000 logements insalubres. Ce chiffre a connu une baisse constante depuis 2000 grâce à des travaux de viabilisation ayant permis de moderniser près de 8 000 logements.

En Martinique, on compte entre 6 000 et 10 000 logements insalubres.

À La Réunion, l’inventaire des zones d’habitat précaire et insalubre réalisé en 2009 par l’Agence pour l’observatoire de La Réunion, l’aménagement et l’habitat (AGORAH) recensait de plus de 16 200 logements insalubres, soit 6% du parc de logements.

Alors que la croissance démographique outre-mer est quatre fois supérieure à celle de l’hexagone, le besoin de logements, notamment sociaux, est, à l’évidence, très important.

Le tableau de synthèse ci-dessous fournit une estimation de la demande de logements sociaux et des besoins en accession sociale, sur le marché libre et le marché intermédiaire ainsi que du nombre de logements insalubres, par département.

DOM

Nombre de demandeurs de logements sociaux

Besoins par an en logements dont sociaux et en accession

Besoins sur le secteur libre et intermédiaire

Nombre de logements insalubres

Guadeloupe

7 163

2 900 logements par an dont 1 700 logements aidés

1 175

15 000

Martinique

9 617

3 900 à 4 500 logements par an dont 1 200 logements sociaux

2 700 à 3 300

6 000 à 8 000

Guyane

6 574

3 640 par an dont 1 178 logements sociaux et 680 en accession

1 782

10 000

La Réunion

23 044

9 000 logements dont 4 000 logements sociaux et 1 000 en accession

4 000

16 000

Mayotte

1 250

2 300 logements dont 500 logements sociaux

1 800

20 000

Total DOM

47 648

de 21 000 à 22 400 logements neufs dont environ 10 300 logements sociaux et en accession

environ 12 000

environ 68 000

Source : ministère de l’égalité des territoires et du logement, août 2012 (hormis Mayotte)

Afin de remédier à cette situation, le Parlement a adopté à l’unanimité une proposition de loi déposée à l’initiative de votre rapporteur(5). Elle poursuit deux objectifs principaux:

– faciliter le déroulement des opérations d’aménagement dans les quartiers d’habitat informel, sur terrains publics et privés, en instaurant une aide financière au bénéfice des occupants sans titre visant à faciliter leur réinstallation ;

– donner de la souplesse à l’action publique dans des situations d’insalubrité et de péril en offrant aux préfets des modalités d’interventions mieux ciblée dans les périmètres définis (réhabilitation, démolition) en fonction de l’état du bâti.

LES OUTILS PRÉVUS PAR LA LOI DU 23 JUIN 2011

– l’octroi d’une aide financière versée aux occupants sans droit ni titre (terrain public ou privé) par un maître d’ouvrage ou par son concessionnaire, à l’occasion d’une opération d’aménagement ou d’équipements publics. Les personnes ayant édifié des constructions dans des zones inconstructibles couvertes par des plans de prévention peuvent bénéficier de cette aide sous certaines conditions ;

– la prise en compte de la notion d’habitat informel dans la définition de l’habitat indigne tel que figurant à l’article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 modifiée, visant à la mise en œuvre du droit au logement ;

– l’institution par arrêté du préfet d’un périmètre insalubre à contenu adapté à l’état des diverses constructions dans les secteurs d’habitat informel ;

– la limitation de la démolition de locaux d’habitation aux zones exposées à un risque prévisible menaçant gravement des vies humaines ;

– la mise en place d’une procédure accélérée et simplifiée de déclaration des biens en état d’abandon manifeste afin de récupérer du foncier urbain libre.

De plus, une formation spécifique aux départements d’outre-mer a été instituée au Pôle national de lutte contre l’habitat indigne (PNLHI) afin de renforcer le niveau de connaissance nécessaire pour intervenir efficacement dans ce domaine. À la suite de cette formation nationale, des cycles de formation ont été conduits en Martinique en juin 2010, à La Réunion en octobre 2010, à la Guyane en février 2011 et à la Guadeloupe en avril 2011. En avril 2012 un nouveau cycle de formation s’est tenu en Martinique et en Guadeloupe, complété à l’automne 2012 par un cycle à Mayotte.

La politique de l’État dans le secteur du logement ne passe pas uniquement pas la lutte contre l’habitat indigne. Ainsi, plusieurs mesures ont pour objectifs d’accroître l’offre de logements sociaux neufs, et d’améliorer le parc de logements déjà existant : subventions, prêts bonifiés, allègements fiscaux. Par ailleurs l’État accompagne les politiques menées par les régions par le biais d’une participation financières aux fonds régionaux d’aménagement foncier et urbain (FRAFU).

Si votre rapporteur approuve la volonté du Gouvernement de prendre en main le chantier du logement outre-mer, il ne peut que s’interroger cependant sur la baisse des crédits envisagés par le Gouvernement pour le financement des opérations de résorption de l’habitat insalubre dans les outre-mer. En effet, il lui paraît nécessaire, au regard des besoins et des dynamiques attendues de la loi du 23 juin 2011, de marquer la priorité de la nouvelle majorité en la matière.

Le rattrapage en matière d’équipements structurants

Au cours de la campagne présidentielle, M. François Hollande avait annoncé trente engagements pour les outre-mer. Le premier de ses engagements concernait la mise en œuvre d’un programme d’investissements publics à hauteur de 500 millions d’euros sur cinq ans en vue de moderniser les infrastructures outre-mer et de soutenir l’économie.

Comme le souligne Mme Ericka Bareigts dans son rapport sur le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer (6), « les besoins d’équipements publics [y] sont encore importants, en raison d’une part d’une situation géographique particulière, qui nécessite des équipements spécifiques en matière de résistance aux aléas climatiques, et d’autre part du retard de développement des territoires. Les collectivités sont donc confrontées à d’immenses défis dans des domaines variés : aménagement foncier, acheminement de l’eau potable et traitement des eaux usées, gestion des déchets, électrification des zones rurales notamment. Ainsi, alors que, nationalement, le taux de raccordement au réseau d’eau potable est de 99 % et le taux de raccordement à un système d’assainissement collectif de 90 %, 5 % de la population n’a toujours pas accès à l’eau potable en Martinique et 60 % n’est pas raccordée à un réseau de collecte et d’assainissement des eaux usées ».

D’un point de vue budgétaire, il s’agit donc d’alimenter l’action 8 consacrée au Fonds exceptionnel d’investissement. Le Gouvernement a décidé de doter ce fonds d’une première tranche de 50 millions d’euros dès l’année 2013. À la lecture de ces données, votre rapporteur a dans un premier temps été surpris, et s’est inquiété quant à un éventuel recul du Gouvernement sur le sujet. Bien évidemment, la situation économique et budgétaire contrainte de notre pays pourrait expliquer une diminution des objectifs initialement annoncés, mais qui ne saurait en aucun cas se traduire par une division par deux de la somme annoncée. Trois scénarios étaient envisageables:

– créer un choc d’investissement dès la première année en prévoyant un premier versement important puis des dotations moins élevées au cours des années suivantes;

– lisser les investissements de manière égale sur la durée du quinquennat;

– limiter le dispositif la première année afin d’amorcer les projets et privilégier une montée en puissance au fil des ans.

C’est cette dernière solution qui a été privilégiée par le Gouvernement. Le ministre des outre-mer, M. Victorin Lurel, a d’ailleurs rappelé lors de son audition devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale l’engagement du Gouvernement à respecter la promesse formulée il y a quelques mois. Il s’agit donc simplement de permettre de financer quelques projets d’urgence, dès 2012, dans l’attente d’un plein fonctionnement du Fonds exceptionnel d’investissement. Votre rapporteur sera particulièrement vigilant sur ce sujet.

B.— L’EFFORT GLOBAL DE L’ÉTAT EN FAVEUR DE L’OUTRE-MER

Comme votre rapporteur a tenu d’emblée à le souligner, la mission « outre-mer » ne représente qu’une part minimale de l’effort financier total de l’État à destination de l’outre-mer. Ainsi, du point de vue budgétaire, la politique transversale de l’État outre-mer est portée par 91 programmes relevant de 27 missions pour l’exercice 2013.

L’effort budgétaire consacré par l’État aux territoires ultramarins se monte à environ 13,79 milliards d’euros en AE et 13,74 milliards en CP pour le projet de loi de finances pour 2013, dont 2,19 milliards d’euros en AE et 2,04 milliards en CP pour la mission « outre-mer ». Par ailleurs, les dépenses fiscales représenteront près de entre 2,5 et 3 milliards d’euros. Ainsi, l’effort total de l’État se monte à 16,98 milliards d’euros en AE et 16,83 milliards d’euros en CP.

Votre rapporteur regrette de ne pas avoir pu mener une analyse approfondie de la politique globale de l’État outre-mer, qui lui aurait permis d’appréhender sa cohérence. Il n’a en effet reçu le document de politique transversale que la veille de l’examen des crédits de la mission en commission des affaires économiques, et près de deux semaines après la réunion de la commission des finances. Il est regrettable que les rapporteurs budgétaires ne disposent pas des documents leur permettant de mener plus complètement à bien la mission qui leur a été confiée.

Néanmoins, l’attention de votre rapporteur a été attirée par la baisse importante des crédits alloués au financement des contrats aidés dans les départements d’outre-mer, au titre de la mission « Travail et Emploi » du projet de loi de finances pour 2013 (- 8 357 375 euros en 2013, soit presque 26,5% de diminution des crédits). Si elle demeure indicative, cette prévision de financement inquiète alors que l’emploi est une enjeu prioritaire outre-mer.

Source : projet annuel de performance

Par ailleurs, malgré les informations parcellaires à sa disposition, votre rapporteur souhaite apporter un éclairage particulier quant à la nécessaire poursuite des évaluations de l’efficacité des dépenses fiscales. En effet, alors que les outre-mer sont chaque année injustement accusés de profiter de prétendues largesses et de bénéficier d’avantages fiscaux indus, il s’agit de disposer de tous les éléments permettant de justifier un traitement particulier des spécificités ultramarines, et de rationaliser l’effort de l’État à destination des territoires ultramarins. Si, à la lumière de ces évaluations, certains dispositifs apparaissent surannés, votre rapporteur sera le premier à en demander la modernisation.

Actuellement, le ministère des outre-mer, par le biais de la délégation générale à l’outre-mer (DéGéOM), a inscrit la mesure de l’efficacité des dépenses fiscales outre-mer à son programme d’évaluation. Alors que la plupart des travaux existant sur la défiscalisation privilégient une approche globale et macro-économique, il convient de s’assurer de la prise en compte des particularismes ultramarins et de mettre en œuvre une approche opérationnelle ascendante, microéconomique et empirique, visant à évaluer les dépenses fiscales à partir de leur utilisation dans chacune des actions publiques concernées.

Cette approche de l’évaluation permet d’effectuer au cas par cas la comparaison de l’efficacité de la dépense fiscale à celle d’autres modes de financement de l’action publique. Pragmatique, elle complète les analyses globales par des évaluations basées sur des études de cas, et contribue au dépassement des jugements fondés sur la doctrine ou la théorie pour les fonder sur des faits.

Parmi les évaluations inscrites au programme triennal 2011-2013 de la DéGéOM, votre rapporteur souhaite étudier celle consacrée à la production de logements sociaux neufs, conduite dans les départements de Guyane et de La Réunion en 2011, en Guadeloupe et en Martinique en 2012.

LA DÉFISCALISATION DANS LE LOGEMENT SOCIAL

L’article 38-II à IV de la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodéom) a créé un régime d’aide fiscale à l’investissement dédié au logement locatif social et destiné aux investisseurs ou aux entreprises relevant de l’impôt sur le revenu (article 199 undecies C nouveau du CGI).

Ce nouveau dispositif s’applique aux opérations d’acquisition ou construction de logements situés outre-mer destinés à la location ou à l’accession sociale, réalisées entre le 27 mai 2009 et le 31 décembre 2017.

Les modalités d’application de l’article 199 undecies C nouveau du CGI ont été fixées par le décret n° 2010-58 du 15 janvier 2010 créant l’article 46 AG sexdecies de l’annexe III au CGI.

Cette dépense a été autorisée dans le logement social après avoir été supprimée dans le secteur libre. Elle s’est développée, dans le secteur social par un déplacement d’opérations, de financements disponibles et de modes de production préexistants dans le secteur libre. Les opérations concernées étaient celles qui ne parvenaient pas à être réalisées par manque de moyens dans le logement social ou pour d’autres raisons dans le logement libre. Les ressources en provenance de la défiscalisation ont donc été orientées vers le logement social et celui-ci a bénéficié d’un afflux de financements tel que les projets en stock ont été réalisés et que d’autres ont été mis en œuvre, conduisant, sur les années 2009 à 2011, à un doublement des mises en chantier.

En 2010, première année pleine de la mise en œuvre du nouveau dispositif de défiscalisation, 6 500 logements locatifs sociaux ont été financés contre une moyenne de 4 500 environ entre 2006 et 2009. À titre de comparaison, cela représente 2 000 logements financés de plus que la moyenne des trois années précédentes et 1 094 logements financés de plus qu’en 2009. En 2011, les effets du dispositif de défiscalisation créé par la Lodéom sont encore plus nets. Malgré les difficultés liées à la crise économique notamment dans le secteur de la construction, les résultats sont en progression. En matière de production de logements sociaux, la défiscalisation est donc un succès. Toutefois, l’efficience globale du système est modeste : le nombre de logements concernés a certes doublé, mais le coût total a triplé. Des tendances inflationnistes sur les coûts du foncier et de construction ont ainsi été constatées. Aux yeux de votre rapporteur, ces surcoûts peuvent être maîtrisés, notamment par des mesures visant à limiter la spéculation sur les prix du foncier. Ainsi, si les résultats de ces évaluations tendent à justifier le maintien de la défiscalisation, il convient de procéder à des évaluations précises afin d’adapter les dispositifs au service des outre-mer.

*

* *

Le projet de budget de la mission « outre-mer » est donc en augmentation, ce qui témoigne de l’engagement du Gouvernement aux côtés de ces territoires. Votre rapporteur se réjouit de cette croissance, mais regrette que le débat ait à nouveau porté sur les prétendus « avantages » des outre-mer. Quiconque connaît ces territoires a bien conscience de la nécessité d’un accompagnement de l’État. Celui-ci ne doit cependant pas adopter une position condescendante et maintenir les outre-mer sous perfusions budgétaires et fiscales. Trop longtemps ces territoires ont été considérés au travers du point de vue de l’ancien « Empire français ». La consolidation du développement des outre-mer passe par la prise en main par les ultramarins de leur économie et de leur outil de travail. Sur le terrain, les régions travaillent avec les acteurs économiques et la société civile afin de renforcer une intégration régionale qui sera à terme vecteur de croissance et de développement. Les outre-mer ne demandent pas à recevoir toujours plus de ressources de la part de l’État mais simplement à évoluer dans un cadre juridique et économique adapté. Pour cette raison, l’État doit construire une nouvelle approche intellectuelle des outre-mer, fondée sur l’utilisation maximales des possibilités offertes par l’article 73 de la Constitution et l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Le Gouvernement l’a compris, guidé dans cette démarche par le ministre des outre-mer, M. Victorin Lurel, et les élus ultramarins dont il peut compter sur un soutien massif. Le projet de budget pour 2013 est équilibré, et permet aux outre-mer d’affronter les défis auxquels ils sont confrontés, de réparer les lacunes du passé tout en préparant l’avenir.

III.— UN REGARD SUR UN ENJEU D’AVENIR : DÉVELOPPER LES ÉNERGIES RENOUVELABLES OUTRE-MER

A.— LES OBJECTIFS AMBITIEUX

Les outre-mer sont confrontés à un double objectif en matière énergétique : l’atteinte de l’autonomie énergétique et le développement des énergies renouvelables (ENR).

L’article 56 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite Grenelle I, fixe pour les départements d’outre-mer l’objectif de parvenir à l’autonomie énergétique dès 2030, avec comme objectif intermédiaire 50 % d’énergies renouvelables en 2020 (30% pour Mayotte). Ces objectifs sont atteignables, même si l’horizon de réalisation demeure néanmoins contraint, étant donné d’une part la forte croissance à venir de la demande en énergie de ces territoires, et d’autre part la disparité de la part des énergies renouvelables dans le mix électrique.

En somme, l’atteinte des objectifs du Grenelle nécessite de développer de manière parallèle :

– l’efficacité énergétique : si la croissance de la consommation a quelque peu baissé entre le début des années 2000 et aujourd’hui, elle demeure élevée et elle a ainsi « gommé » le développement récent du photovoltaïque, qui a tout juste permis de stabiliser la part de la production d’électricité issue des ENR.

La loi Grenelle I fixe l’engagement d’un programme de maîtrise des consommations, qui doit se traduire par l’adoption, en 2012, d’un plan « Énergie-Climat » dans chaque collectivité ultramarine. Une réglementation thermique adaptée doit encourager la production d’eau chaude sanitaire solaire dans les bâtiments neufs et d’électricité photovoltaïque dans ceux qui doivent être climatisés. Il est également décidé de favoriser la réduction de la climatisation au profit de l’isolation et de la ventilation naturelle.

– les ENR garanties, qui présentent un triple avantage : une production en base toute l’année, une production stable donc acceptable par le réseau, et un surcoût faible pour la CSPE. Ces énergies matures présentent un vrai potentiel de développement, comme la géothermie aux Antilles ou la biomasse en Guyane. D’autres projets, comme les énergies marines, pourraient permettre de conforter l’autonomie énergétique à plus long terme.

La situation est d’autant plus urgente que la facture énergétique des outre-mer ne cesse de croître du fait tant de la péréquation tarifaire, qui consiste à appliquer les mêmes tarifs dans l’hexagone et outre-mer, que des surcoûts de contrat d’achat pour la production d’électricité relevant de l’obligation d’achat.

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a évalué à 1,129 milliard d’euros le montant des charges prévisionnelles de service public de l’électricité lié aux surcoûts dans les zones non interconnectées (outre-mer et Corse) au titre de l’année 2011, soit 33% du montant total de la CSPE. Si on exclut la Corse de ce total, l’impact sur la CSPE pour l’année 2011 des surcoûts dans les DOM s’élève à plus de 971 millions d’euros.

De manière plus globale, la production électrique des zones non interconnectées (ZNI), hors Corse, coûte 1,356 milliard d’euros, dont 72 % sont portés par la CSPE (971 M€) et seulement 28 % par le consommateur.

Afin d’atteindre les objectifs fixés par le Grenelle I, l’État promeut et soutient ce développement des ENR en outre-mer. Si le ministère des outre-mer ne dispose pas de ligne de crédits spécifiquement affectée au développement des ENR, d’importants financements sont apportés dans le cadre des contrats de projet et des contrats de développement. D’autre part, sur le terrain, les régions accompagnent l’émergence de projets innovants du point de vue énergétique. Toutefois, au regard de la situation actuelle, la marge de manœuvre est grande.

B.— UN ÉTAT DES LIEUX CONTRASTÉ

Les outre-mer sont encore fortement dépendants des énergies fossiles, dont ils sont pourtant dépourvus (7). Cette situation conduit donc les collectivités à importer massivement des hydrocarbures afin de répondre à la demande énergétique des territoires. À titre d’exemple, en 2010, la Martinique importait 720 000 tonnes de brut et 300 000 tonnes de produits pétroliers. La Guadeloupe, quant à elle, importait 700 000 tonnes de produits pétroliers dont 490 000 tonnes depuis la raffinerie (8) située en Martinique. Par ailleurs, l’intégralité du charbon utilisé dans les centrales de production bagasse-charbon est également importée.

Toutefois, bien que très dépendantes des énergies fossiles, les outre-mer progressent vers les objectifs assignés. Certains territoires sont déjà bien avancés, et dépassent même l’objectif de 2020 – c’est le cas de la Guyane et de La Réunion – ou sont en bonne voie : Guadeloupe, Polynésie française et Nouvelle-Calédonie. La Martinique et Mayotte sont dans une bonne dynamique (surtout Mayotte grâce à l’apport du photovoltaïque), mais demeurent en retrait du fait d’un potentiel hydraulique ou géothermique moindre.

LES ÉNERGIES RENOUVELABLES DANS LES TERRITOIRES ULTRAMARINS

Collectivité

Production électrique (MW)

Pourcentage d’ENR (en puissance installé)

Type d’ENR

Guyane

291,1 MW

53,28% (variation très dépendante du barrage de Petit Saut)

– Hydraulique

– Photovoltaïque

– Biomasse

La Réunion

784 MW

37,1% (1) (52,52% si l’on tient compte de l’apport total Bagasse/Charbon de 220 MW – chiffre EDF)

– Biogaz

– Éolien

– Photovoltaïque

– Hydraulique

– Bagasse-charbon

Guadeloupe

490,3 MW

22,6% (2) (35,53% si l’on tient compte de l’apport total Bagasse/Charbon de 93,5 MW – chiffre EDF

– Géothermie

– Biogaz

– Éolien

– Hydraulique

– Photovoltaïque

– Bagasse-charbon

Polynésie Française

290 MW

19,41%

– Éolien

– Hydraulique

– Photovoltaïque

Nouvelle-Calédonie

494,5 MW

24%

-Éolien

– Hydraulique

– Photovoltaïque

Mayotte

90 MW

14%

– Photovoltaïque

Martinique

507,8 MW

13,64%

– Biogaz

– Éolien

– Photovoltaïque

– Cogénération

– Déchets ménagers

Wallis-et-Futuna

8,65 MW

2%

– Hydraulique

– Photovoltaïque

Saint-Pierre-et-Miquelon

27,1 MW

0,01%

– Éolien

Saint-Martin

53 MW

0,01 %

– Photovoltaïque

– Projets éoliens en cours

Saint-Barthélemy

22 MW

0,01 %

– Photovoltaïque

(1) (2) Sur la base d’une répartition 1/3 bagasse, 2/3 charbon sur l’année.

Source : Direction générale de l’énergie et du climat, juin 2012

Dans plusieurs territoires d’outre-mer, la proportion d’ENR est d’ores et déjà supérieure à la moyenne nationale, située autour de 13 %. La plupart de ces régions bénéficient de conditions favorables pour développer une excellence énergétique car leur potentiel d’énergies renouvelables est assez conséquent et devrait permettre d’atteindre au moins l’objectif intermédiaire de 50 %.

Toutefois, afin de garantir le développement de ces énergies alternatives, les pouvoirs publics doivent s’assurer de la cohérence des politiques menées, au risque de grever le développement industriel. À cet égard, votre rapporteur ne peut que rappeler la situation spécifique des filières éoliennes et photovoltaïques, dont l’essor a été limité par l’introduction de normes mal évaluées ou des décisions politiques générales qui n’ont pas su prendre en compte les spécificités de certains territoires.

La filière éolienne

La filière éolienne s’est relativement bien développée jusqu’en 2009, au moment où les opérateurs se sont orientés vers la filière photovoltaïque, devenue plus attractive grâce à des tarifs de rachat et une défiscalisation très avantageux. Cette réorientation a atteint les acteurs traditionnels de l’éolien, d’où un ralentissement assez net à partir de 2010.

ÉVOLUTION DE L’ÉNERGIE ÉOLIENNE PRODUITE DE 2005 A 2011 (EN GWH) –
SOURCE EDF-SEI

 

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Guadeloupe

24,6

35

44

49

51,1

41

45,1

La Réunion

0,4

4

10

13,5

15,3

16,9

11,7

Martinique

0,7

1

1,3

1,3

1,7

1,3

1,3

Total

25,7

40

55,3

63,8

68,1

59,2

58,1

Source : Direction générale de l’énergie et du climat

La puissance produite a régulièrement cru jusqu’en 2009 alors qu’elle ralentit en 2010. Au 31 mars 2012, on dénombrait 15 fermes éoliennes en Guadeloupe, pour une puissance de 26,32 MW, 1 ferme éolienne en Martinique pour une puissance de 1,09 MW et 4 fermes à La Réunion pour une puissance de 14,83 MW. Dans les autres territoires ultramarins, le développement de l’éolien est inexistant ou assez contrasté : on ne relève que 0,54 MW de puissance installée à Saint-Pierre-et-Miquelon, 0,08 MW en Polynésie française, alors que la Nouvelle-Calédonie affiche un parc de 38,44 MW !

Depuis le coup de frein de la filière photovoltaïque, la filière éolienne est à nouveau attractive. Dans le même temps, le ministère chargé de l’écologie a lancé fin 2010 un appel d’offres spécifique pour l’outre-mer et la Corse sur l’éolien terrestre avec stockage (9) incluant un dispositif de prévision de production afin de relancer le développement de cette énergie.

La particularité de cet appel d’offres est que l’énergie de ces éoliennes n’est pas considérée comme fatale (ou intermittente) du fait de la capacité de stockage dont elles disposent. Les résultats ont été communiqués en février 2012 : deux projets ont été retenus en Martinique, deux à La Réunion, trois en Guadeloupe et, pour la première fois, un projet en Guyane.

Néanmoins, malgré ce renouveau de la filière éolienne, des obstacles juridiques ont limité sa pleine expansion. S’il faut saluer les apports de la loi Grenelle II(10), qui place les éoliennes sous le régime juridique des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) afin d’assurer un développement de l’énergie éolienne respectueux de la qualité de vie des riverains, la loi littorale et la loi montagne (11) comportent des dispositions contradictoires avec les objectifs de développement des énergies renouvelables s’agissant des éoliennes.

Ainsi, alors que le projet de Schéma d’aménagement régional de La Réunion prévoyait la possibilité d’implantation d’éoliennes dans des coupures d’urbanisation, le Conseil d’État, lors de son examen, a demandé la suppression de ces dispositions en se fondant sur une jurisprudence prévoyant que, conformément aux dispositions des lois précitées, les éoliennes soient construites soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement (12). Or, dans le même temps, la réglementation administrative interdit la construction d’éoliennes à moins de 500 mètres des habitations les plus proches ! Une nouvelle fois, ces dispositions ne tiennent pas compte de la situation spécifique des outre-mer, dont la très grande majorité des communes est placée sous le régime de l’une de ces lois.

Lors de l’examen par l’Assemblée nationale de la proposition de loi instaurant une tarification progressive de l’énergie, plusieurs amendements relatifs à l’énergie éolienne ont été adoptés. À l’initiative du Gouvernement, un amendement a été adopté afin de résoudre cette contradiction. Votre rapporteur se réjouit vivement de cette initiative, qui témoigne de l’attachement de la majorité à considérer les outre-mer de manière spécifique. Néanmoins, alors que la procédure d’examen de la proposition de loi précitée se poursuit, votre rapporteur sera vigilant quant à l’adoption définitive de ces évolutions.

La filière photovoltaïque

Outre-mer, la filière était en nette croissance lorsque le moratoire puis les nouveaux tarifs de rachat sont intervenus respectivement fin 2010 et début 2011. Dans la pratique, en juin 2011, 203 MW étaient raccordés au réseau dans les zones non interconnectées (hors Corse et îles bretonnes) au lieu des 250 MW prévus initialement par EDF.

LA CRISE DU PHOTOVOLTAÏQUE OUTRE-MER

L’arrêt brutal des investissements photovoltaïques outre-mer s’explique de deux manières :

– Le nouvel arrêté tarifaire

L’arrêté du 4 mars 2011 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite à partir des installations utilisant l’énergie radiative du soleil a fixé, après un moratoire de 3 mois, les nouvelles conditions de rachat de l’électricité pour le secteur photovoltaïque. Ce moratoire ainsi que les nouvelles conditions de rachat, moins attractives, avaient pour objectif de réduire l’effet d’aubaine créé par des conditions très avantageuses.

– L’arrêt de la défiscalisation

La suppression de la possibilité de défiscaliser les investissements liés au photovoltaïque a eu pour effet de contribuer, avec la baisse des tarifs de rachat de l’électricité, à supprimer l’effet d’aubaine. La défiscalisation très avantageuse à l’origine, destinée à favoriser le secteur photovoltaïque, dans un objectif de contribution à l’atteinte des objectifs d’autonomie énergétique outre-mer, ne jouait plus son rôle.

À la demande de nombreux parlementaires, une commission d’évaluation des investissements photovoltaïques en outre-mer, dite commission « Baroin » a été mise en place par le ministère des finances pour mieux prendre en compte les spécificités ultramarines. Sur la base des travaux de la commission, plusieurs mesures ont été prises :

– le lancement d’appels d’offres spécifiques avec une tranche pour les outre-mer ;

– la prise en compte des projets en toiture dans les offres ;

– la mise en place de nouveaux tarifs pour les panneaux photovoltaïques sur-imposés outre-mer par un arrêté en cours de signature à la date de publication du présent rapport ;

– le lancement d’une procédure de certification des panneaux intégrés au bâti.

Ces mesures ont permis de relancer quelque peu la filière même si, sur le terrain, les frustrations sont toujours vives. Vu de Paris, ces décisions ne constituaient qu’un calcul comptable, certainement juste, mais qui omettait de prendre en compte l’élan né autour du photovoltaïque outre-mer. Des formations d’installateurs de panneaux avaient été lancées, financés par l’État via le SMA ou par les collectivités au travers de programmes spécifiques. De même, des entreprises s’étaient créées et croyaient s’investir sur une filière d’avenir. Outre-mer, nombreux étaient ceux à enfin se réjouir de l’essor de ce qui semblait être une filière d’avenir, permettant de créer de nombreux emplois non délocalisables et reposant sur les atouts mêmes de ces territoires : le climat.

Si les données recueillies par votre rapporteur au cours de l’été 2012 semblent indiquer un redémarrage de la filière, il convient de mettre en garde le Gouvernement contre des décisions qui pourraient, de nouveau, mettre à mal une filière d’avenir pour nos territoires.

De plus malgré ce léger renouveau, comme la filière éolienne, la progression de la filière photovoltaïque est aujourd’hui limitée comme par le seuil maximum de 30 % d’énergies intermittentes injectées sur le réseau électrique, seuil au-delà duquel le réseau risque un « black out ». Ainsi, à Mayotte depuis 2011, en Guadeloupe et à La Réunion depuis peu, le seuil de 30 % est parfois atteint lorsque les conditions climatiques sont favorables à ces énergies : un dimanche midi ensoleillé et venteux. À ce stade, votre rapporteur souhaite partager ses interrogations quant à la pertinence de cette limite de 30 %. Au cours de ses auditions, votre rapporteur a obtenu des informations tout à fait contradictoires de la part de ses interlocuteurs, qu’il s’agisse de chercheurs ou d’énergéticiens. Tous mettent en avant des études pour justifier la pertinence, ou l’aberration, d’une telle limite. En l’état actuel de ses connaissances, votre rapporteur ne peut que souscrire à l’opinion la plus largement répandue, selon laquelle au-delà d’un seuil de 30 %, le risque de coupure généralisée serait réel. Néanmoins, il conviendrait de solliciter la réalisation d’une étude objective du sujet afin de mettre un terme à ce débat et de permettre soit de s’adapter, soit de s’engager plus en profondeur sur la voie des énergies intermittentes.

La poursuite de l’essor de la filière passe donc par l’invention de nouvelles technologies, notamment en matière de stockage de l’énergie, afin de contourner ce seuil. À ce titre, l’appel d’offres concernant les centrales de plus de 250 kW, lancé en 2011 par le ministère de l’écologie et qui a abouti récemment, intégrait l’obligation d’une technologie de stockage.

C.— LES DÉFIS DE DEMAIN

Comme votre rapporteur l’a souligné, certaines évolutions juridiques permettraient rapidement de lever quelques obstacles au développement des énergies renouvelables outre-mer. Toutefois, mis à part ces améliorations techniques, il convient d’agir sur trois axes complémentaires :

– développer les énergies renouvelables, les technologies de stockage d’énergie et de gestion du réseau (Smart Grids) ;

– accompagner, dans les limites techniques imposées par le réseau non interconnecté, un développement raisonné des énergies renouvelables non garanties, notamment par le biais d’appels d’offres ciblés ;

– amplifier l’effort de maîtrise de la consommation électrique par la poursuite de l’implantation des chauffe-eau solaires ou des campagnes pour la promotion des lampes basse consommation.

Par ailleurs, au-delà de la dépendance en matières premières, l’autonomie énergétique des outre-mer passe par la sécurisation de l’approvisionnement électrique de chacun des territoires. La production électrique et, dans une moindre mesure la production de chaleur, peuvent en effet être modifiées de manière à moins dépendre des hydrocarbures et contribuer ainsi à l’autonomie énergétique.

À l’heure actuelle, les énergies renouvelables représentent de l’ordre de 2 % à 60% de la production d’électricité selon les départements. Comme votre rapporteur l’a relevé, les énergies renouvelables les plus courantes sont l’hydroélectricité et le photovoltaïque, suivies de l’éolien. Il convient donc d’exploiter le potentiel important d’énergies renouvelables garanties comme l’hydraulique à La Réunion, la géothermie pour les territoires volcaniques (Guadeloupe, Martinique, La Réunion), la biomasse issue de la bagasse de canne à sucre, mais aussi de culture énergétique aux Antilles et de bois en Guyane.

Aux Antilles et à La Réunion, la géothermie peut être fortement développée comme en témoignent les premiers projets de Bouillante 3 en Guadeloupe (30 MW) et d’une centrale à la Dominique (120 MW avec une liaison sous-marine vers la Martinique et une autre vers la Guadeloupe). Par ailleurs, alors que de nombreuses terres ont été rendues impropres à une agriculture à but alimentaire du fait de la dispersion de chlordécone, les perspectives de développement de la canne énergie aux Antilles sont vives.

En Guyane, la production d’électricité à partir de bois est prometteuse. Adossée à la forêt amazonienne, la Guyane est cependant confrontée à de réelles difficultés d’exploitation et d’acheminement du bois qui limitent l’essor de la biomasse - bois énergie. Pourtant, quelques projets à fort potentiel ont été lancés.

Enfin, le taux de pénétration des énergies intermittentes a atteint la limite de 30% à La Réunion et en Guadeloupe, limite au-delà de laquelle le maintien de la sûreté des systèmes électriques insulaires n’est, selon les énergéticiens, plus assuré. Cette limite devrait être atteinte prochainement sur les autres territoires ultramarins. C’est pourquoi l’appel d’offres éolien avec stockage, dont les lauréats ont été désignés en février 2012, ainsi que le projet en cours d’appel d’offres photovoltaïque avec stockage, sont des solutions prometteuses pour la poursuite du développement de ces énergies.

DEUX PROJETS ÉNERGÉTIQUES D’AVENIR OUTRE-MER

– en Martinique

La contractualisation en mars 2011 entre la région et l’ADEME, dans le cadre d’une convention - cadre annexée au contrat de projet État-Région, a permis d’amorcer le financement d’une série de projets qui seront portés par la région dans le cadre de sa nouvelle politique de développement des ENR (soutien à l’Énergie Thermique des Mers -ETM, au biogaz, au développement des toitures solaires, etc.).

Le projet d’ETM, porté par le Conseil Régional et la DCNS (13) a obtenu en juin 2012 une subvention de 1 310 400 euros de fonds FEDER et 50 000 euros du Fonds Chaleur de l’ADEME, pour un total de 1 360 400 € destiné à la phase 2 des études de faisabilité.

– à La Réunion

La Réunion vise à être la région française la plus en pointe en matière d’énergies renouvelables et à devenir en la matière un véritable laboratoire d’expérimentation. Elle développe ainsi des expérimentations dans le domaine de l’exploitation des énergies marines et dans le stockage de l’électricité sur une batterie « sodium-soufre » de 1 MW, qui donne de bons résultats. Le photovoltaïque et l’hydraulique sont les ENR les plus importantes avec respectivement 135,28 MW et 135,50 MW de puissance installée. La Réunion développe également les énergies marines avec plusieurs projets en bonne voie, tels le SWAC (climatisation grâce à l’eau de mer) ou le Pélamis et le CETO utilisant l’énergie houlomotrice. En matière d’énergie éolienne, deux projets d’une puissance totale de 20 MW ont été retenus en 2012 dans le cadre de l’appel d’offres éolien. Le projet SWAC a obtenu en juin 2012, une subvention de 20,3 millions d’euros de l’ADEME.

*

* *

Le développement des énergies renouvelables constitue une réelle chance pour les outre-mer de conjuguer les objectif de maîtrise de l’énergie et d’un essor économique. En effet, ces énergies représentent un fort potentiel en matière de croissance et d’emplois. À ce titre, votre rapporteur sera particulièrement vigilant à la place accordée aux outre-mer lors des débats sur la transition écologique et énergétique. Comme dans tout autre domaine, les outre-mer devront être abordées au travers d’une démarche spécifique, adaptée à leurs particularismes. Plus que jamais l’État devra fonder son action sur l’expertise des collectivités territoriales et des populations locales qui sont les mieux à mêmes de définir les solutions les plus compatibles à des caractéristiques inconnues de l’hexagone.

Si votre rapporteur aurait souhaité pouvoir approfondir encore sa réflexion sur le sujet, certaines pistes de réformes ont d’ores et déjà pu être identifiées. Ainsi, au-delà de la seule technicité, les outre-mer devront relever le défi de la maîtrise de la consommation d’énergie, ce qui passe notamment par un changement d’approche. Plus que l’offre, c’est la demande énergétique qui doit être appréhendée. Par ailleurs, les dispositifs actuels méritent certainement d’être améliorés dans le sens d’une meilleure utilisation de l’énergie. Une nouvelle fois, votre rapporteur ne peut qu’appeler de ses vœux une politique cohérente et intégrée, qui consisterait par exemple à inclure des technologies nouvelles dans les plans de rénovation de l’habitat ou à coupler la réflexion énergétique à celle de la mobilité outre-mer, et ainsi conduire à une réorientation de la CSPE. Si les questions énergétiques semblent un sujet de spécialistes, il s’agit avant tout d’un enjeu social, qui doit donc être abordé au plus proche des territoires.

AUDITION DE M. VICTORIN LUREL,
MINISTRE DES OUTRE-MER

Au cours de sa réunion du 25 octobre 2012, conjointe avec la commission des lois, la commission a auditionné M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer, sur les crédits de son ministère dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2013 (n° 235) 

M. le président François Brottes. La commission des Affaires économiques et la commission des Lois sont aujourd’hui conjointement saisies pour avis sur les crédits de la mission « Outre-mer ».

Je salue la présence de M. le rapporteur général de la commission des Finances, Christian Eckert, que je remercie de participer à nos travaux.

M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques pour la mission « Outre-mer ». Le budget que nous examinons aujourd’hui s’élève à 2,04 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de l’ordre de 5 % par rapport à l’année dernière.

Au-delà de cette seule mission, l’effort global de l’État s’élève à plus de 15 milliards d’euros, dont 13 milliards de crédits budgétaires et 2,5 à 3 milliards de dépenses fiscales.

Je salue ainsi, monsieur le ministre, le respect de vos engagements et de ceux du président de la République.

Je me félicite en particulier de la décision extrêmement importante prise par le Gouvernement visant à exonérer les outre-mer de l’abaissement global du plafonnement des mécanismes de défiscalisation. Ces derniers, en effet, accompagnent un effort financier très important face à une situation dont nous savons combien elle est exceptionnellement grave. M. Patrick Ollier, ancien président de la commission des Affaires économiques, a lui-même salué cette initiative en commission des Finances.

Nous sommes d’autant plus attentifs à cette évolution que, on l’ignore trop souvent, l’outre-mer a largement participé durant les dix dernières années à l’effort national en faveur de la maîtrise des dépenses publiques. Nous avons ainsi accepté des « rabotages » ou des réductions de dépenses de 700 à 800 millions, peut-être plus.

J’ajoute que l’excellent document de politique transversale étant arrivé seulement hier soir, il a été très difficile de l’utiliser. Je sais que le Parlement et le Gouvernement ont beaucoup de travail, mais ce point me semble très important à signaler.

Les programmes 138 « Emploi outre-mer » et 123 « Conditions de vie outre-mer » sont respectivement dotés de 1,4 milliard et 645 millions en CP, en hausse de 54 millions si l’on fait abstraction de la dotation nouvelle liée aux charges de fonctionnement du ministère, désormais de plein exercice, et de 44 millions si l’on intègre les conséquences du transfert au ministère de la Santé de la dotation de financement de l’Agence de santé de Wallis-et-Futuna.

Le Gouvernement a décidé de concentrer ses efforts dans quatre domaines principaux.

Premièrement, le logement, et en particulier le logement social, avec une augmentation globale de l’action « Logement » de 11 millions environ en crédits de paiement. Considérant que la relance par le BTP est fondamentale pour dynamiser le développement des outre-mer, je salue cette décision face à un problème récurrent.

Deuxièmement, l’emploi, avec une augmentation de la compensation des exonérations de charges de l’ordre de 40 millions d’euros.

Troisièmement, la formation et l’insertion professionnelle des jeunes, dont les crédits sont maintenus via le service militaire adapté (SMA).

Quatrièmement, le plan de rattrapage en équipements structurants, traduit notamment par une dotation de 50 millions du Fonds exceptionnel d’investissement.

Au-delà de ces constats, monsieur le ministre, je souhaite vous poser quelques questions.

Quelle est la part de l’action 1 du programme 123 consacrée au logement dédiée à la rénovation de l’habitat indigne dans les CP annoncés, lesquels accusent une baisse d’environ 2 millions d’euros ? Quelle est, par ailleurs, la traduction budgétaire de la loi du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne ? Je sais que des décrets et des circulaires sont à la signature mais quelle stratégie et quels moyens financiers comptez-vous déployer ?

M. le président François Brottes. Il s’agit de la « loi Letchimy ».

M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques pour la mission « Outre-mer ». En effet !

S’agissant toujours de l’action « Logement », quelle est l’articulation entre les procédures de défiscalisation en matière de production de logements sociaux et la ligne budgétaire unique (LBU) ? Il y a un vrai problème quant aux mécanismes d’autorisation, qui polluent la dynamique de construction de logements. Ainsi, en Martinique, la production de logements est passée de 1 800 à 200 au cours des dernières années, avant de remonter à 600, alors que les besoins se situent entre 1 500 et 2 000.

S’agissant de la formation des jeunes, en particulier des jeunes en difficulté, le précédent Gouvernement avait annoncé le doublement des effectifs du SMA pour 2013. Or, ce délai n’a cessé de changer puisqu’il est désormais question de 2016 voire au-delà. Dès lors que l’actuel Gouvernement n’a pas remis en cause le « SMA 6 000 », quel est donc le calendrier retenu ?

Par ailleurs, nous avons constaté une baisse très significative du financement des contrats aidés en outre-mer au titre de la mission « Travail et emploi ». Nous interrogerons certes M. le ministre du Travail, mais je souhaiterais d’ores et déjà connaître votre position sachant que près de 64 % de nos jeunes âgés de moins de 25 ans sont en inactivité.

En ce qui concerne les équipements structurants, le président de la République a prévu un programme d’investissement de 500 millions d’euros sur cinq ans. Vous avez programmé 50 millions mais en multipliant cette somme par cinq, le compte n’y est pas. Pouvons-nous espérer une montée en puissance du financement d’ici à deux ou trois ans ?

À ce sujet, l’article 8 du projet relatif à la régulation économique outre-mer exonère certaines collectivités territoriales de l’obligation de cofinancement de projets structurants. Nous pouvons dès lors nous interroger sur le sens de la dotation du Fonds exceptionnel d’investissement : s’agit-il de prendre acte de l’absence de participations futures des collectivités ou faut-il convenir du renforcement de la dotation du fonds exceptionnel d’investissement ?

La LODEOM (loi pour le développement économique des outre-mer) avait introduit deux dispositifs novateurs pour nos entreprises : l’aide au fret et l’aide à la rénovation hôtelière. Or, les crédits de paiement qui leur sont consacrés baissent de plusieurs 27 millions d’euros alors que nous avons grand besoin de continuité territoriale et économique mais aussi de rénovation du parc hôtelier – d’autant plus que les fonds européens dédiés sont pratiquement taris.

Permettez-moi d’aborder un sujet qui ne concerne pas directement la mission « Outre-mer » : un moratoire concernant notamment la tarification de l’énergie solaire a été décidé. Or, malgré la mise en place de la commission « Baroin », nous ne disposons toujours pas de tarification et nombre de projets structurants – hors l’appel d’offres qui a été lancé – ou individuels sont bloqués.

Pour en revenir à la mission « Outre-mer », l’augmentation de ce budget traduit la très forte volonté du Gouvernement de soutenir les outre-mer dans cette période délicate. Je sais que les discussions sont difficiles, que les enjeux nationaux, européens et mondiaux nous obligent à réaliser des efforts mais je rappelle que, dans nos régions, le taux de chômage est deux voire trois fois supérieur à celui de l’Hexagone et que, à l’inverse, le PIB par habitant y est environ 40 % plus bas.

Le président de la République a manifesté sa volonté de poursuivre une politique d’investissement et de solidarité tout en favorisant une mutation économique profonde afin de relancer la production locale. La discussion du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer en atteste. Aussi, je formule un avis favorable à l’adoption de ces crédits et j’invite nos collègues à en faire de même.

M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis de la commission des Lois, pour les « Départements d’outre-mer ». Je concentrerai mon intervention sur des questions qui intéressent plus particulièrement la commission des Lois.

Permettez-moi tout d’abord d’exprimer un regret profond et sincère : en application de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient me parvenir au plus tard le 10 octobre 2012 ; or, à cette date, 64 % seulement des réponses m’étaient parvenues. Je regrette que les prescriptions de la loi organique n’aient pas été pleinement respectées, me privant ainsi d’éléments d’analyse indispensables à la rédaction de mon rapport.

J’en viens maintenant au thème auquel je me suis consacré dans le cadre de ce budget 2013 pour les départements d’outre-mer. Dans une société démocratique fondée sur le respect de la loi, l’accès à la justice, et plus largement au droit, est l’une des conditions de l’effectivité du pacte social et, de ce point de vue, que certains n’aient pas de droits ou ne soient pas en mesure de les faire respecter est, dans les deux cas, un échec pour la société tout entière.

Dans le cadre de mon avis sur les crédits pour 2013 relatifs aux départements d’outre-mer, j’ai souhaité étudier les conditions dans lesquelles les justiciables vivant dans les départements de Guyane, de Martinique, de Guadeloupe, de La Réunion et de Mayotte accèdent à la justice et au droit.

S’agissant des crédits consacrés à l’accès au droit et à la justice dans ces territoires, je constate avec plaisir qu’ils devraient progresser de 3,8 % en 2013, puis de 3 % en moyenne annuelle entre 2014 et 2017. Sur la longue période, l’évolution de ces crédits est encore plus significative. En effet, ils ont bondi de 10 % depuis 2007 et ce, en dépit d’un reflux en 2011 et 2012. Je veux voir, dans cette augmentation constante et significative, l’attention particulière portée par les autorités publiques à la question de l’accès au droit et à la justice dans les départements d’outre-mer.

Si je salue cette évolution positive, je souhaite toutefois, monsieur le ministre, attirer votre attention sur plusieurs problèmes spécifiques à ces territoires, qui tendent parfois à faire des justiciables d’outre-mer des justiciables de second rang, ce dont personne autour de cette table ne peut se satisfaire.

En premier lieu, le réseau de l’accès au droit – maison de la justice et du droit et points d’accès au droit – repose aujourd’hui principalement sur des associations locales. Or, il ressort de mes travaux que le tissu associatif local pour l’accès au droit et à la justice ainsi que pour l’aide aux victimes est aujourd’hui insuffisamment structuré dans les départements d’outre-mer pour répondre de manière satisfaisante à l’ensemble des besoins des justiciables. C’est notamment le cas en Guyane, en Martinique et à Mayotte. En outre, ces associations font face, actuellement, à de graves difficultés de financement qui compromettent d’autant la pérennité de l’accès au droit.

Pouvez-vous nous indiquer les initiatives qui pourraient être engagées en partenariat avec le ministère de la Justice pour susciter de nouvelles initiatives associatives au plan local, pour sécuriser le financement des associations aujourd’hui les plus en difficulté et, enfin, pour accroître la formation et la professionnalisation des associations déjà bien implantées sur ces territoires ? Malgré leur bonne volonté, ces personnes ne doivent pas s’instituer en juges ou en procureurs, comme cela arrive assez souvent – je suis bien placé pour le dire. Afin d’éviter cela, nous avons besoin d’une formation adéquate. Il s’agit de régler les problèmes, pas de sanctionner systématiquement et s’ériger en juge particulier.

S’agissant ensuite de l’accès à la justice, je voudrais évoquer avec vous la question de la réforme de la carte judiciaire, qui s’est traduite en Martinique par le rattachement, à compter du 1er janvier 2010, du tribunal d’instance du Lamentin ainsi que du greffe détaché de La Trinité au tribunal d’instance de Fort-de-France. Il ressort de mes travaux que l’absorption du tribunal d’instance du Lamentin par celui de Fort-de-France soulève de sérieux problèmes. En effet, cette juridiction présentait, avant la réforme de la carte judiciaire, un niveau d’activité important qui a eu pour effet sur les juridictions concernées d’affaiblir le taux de couverture des affaires entrantes et d’allonger considérablement des délais de traitement déjà élevés – près de douze mois, contre neuf au maximum en 2009. Le regroupement ne facilite pas forcément le traitement des dossiers. Dans le même temps, la Martinique a été marquée, ces cinq dernières années, par une diminution de ses effectifs de magistrats et de greffiers, lesquels ont respectivement baissé de près de 40 % et 30 %.

La situation reste à ce jour très préoccupante, comme en témoigne le courrier adressé le 20 septembre 2012 à Mme Christiane Taubira, ministre de la Justice, garde des Sceaux, par plusieurs organisations syndicales dont les représentants « expriment leur ras-le-bol quant au sous-effectif » qui affecte le tribunal d’instance de Fort-de-France. Ils déplorent notamment les dysfonctionnements touchant cette juridiction, « le manque de moyens, humains principalement, dégradant considérablement les conditions de travail des personnels de justice et ne leur permettant pas de répondre à leurs missions de service public  ».

Dans cette perspective, pouvez-vous nous indiquer quelles mesures sont envisagées, en lien avec le ministère de la Justice, pour répondre à l’urgence de la situation du tribunal d’instance de Fort-de-France et ainsi remédier aux dysfonctionnements induits par la réforme de la carte judiciaire ?

Si les ressorts des autres cours d’appel des départements d’outre-mer ont bénéficié ces dernières années, à l’inverse de la Martinique, d’une augmentation de leurs effectifs de magistrats comme de greffiers, ils n’en sont pas moins confrontés, pour plusieurs d’entre eux, à un manque d’attractivité qui laisse encore aujourd’hui vacants nombre d’emplois dans ces territoires. C’est notamment le cas en Guyane, dans les Antilles et à Mayotte.

Pourriez-vous nous indiquer quelles sont les mesures incitatives envisagées – financières, mais pas seulement – en partenariat avec le ministère de la Justice en vue de favoriser les prises durables de postes de magistrats et de greffiers dans les départements d’outre-mer ?

Enfin, je souhaiterais évoquer la question de l’accès aux avocats, qui reste encore parfois difficile dans les départements d’outre-mer, en raison de leur trop faible nombre ou de leur inégale répartition sur l’ensemble de ces territoires. C’est notamment le cas à Mayotte, département dans lequel les avocats, moins nombreux que les magistrats, n’hésitent pas parfois à refuser les missions d’aide juridictionnelle. Je ne dénonce pas, je constate seulement.

La situation est également complexe en Guyane où l’accès au droit s’arrête dans les faits à Kourou, faute d’avocats présents en nombre suffisant dans le reste du département. Les avocats sont en effet très majoritairement présents à Cayenne, réputée plus attractive, alors que Saint-Laurent-du-Maroni n’en compte qu’un seul. Les déplacements d’avocats entre ces deux villes restent de surcroît coûteux et difficiles compte tenu de l’étendue du territoire guyanais. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer selon quelles modalités vous comptez, avec l’appui du ministère de la Justice et des barreaux, inciter de nouveaux avocats à s’installer dans les régions réputées les moins attractives ?

S’agissant plus particulièrement de Mayotte, quelles sont les mesures envisagées pour mettre fin au refus de certains avocats de prendre en charge des mesures d’aide juridictionnelle, qui, je le rappelle, s’adressent aux publics les plus démunis et donc les plus vulnérables ?

Monsieur le ministre, je vous remercie d’avance pour vos réponses.

Mon propos sur l’accès à la justice et au droit se veut le plus objectif possible. Même si ses conclusions peuvent choquer tel ou tel, je me devais de dire la vérité.

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des Lois pour les « Collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes antarctiques françaises ». Je m’associe aux commentaires positifs sur ce budget d’ensemble en faveur de l’outre-mer.

Je souhaite vous poser cinq questions, monsieur le ministre.

J’ai bien noté combien M. Serge Letchimy se réjouissait que ce budget ne touche pas à la défiscalisation outre-mer. Mais un certain nombre de parlementaires métropolitains, qui ont bien suivi le débat budgétaire, notamment l’argumentation de notre rapporteur général, se demandent pour quelles raisons, dans un contexte économique difficile, l’outre-mer se trouve en quelque sorte sanctuarisé. Je considère en tout cas que la situation de l’outre-mer est insuffisamment connue de nos concitoyens de métropole. Il serait donc bienvenu que vous expliquiez la raison de cette exception et s’il en sera différemment à l’avenir.

En Nouvelle-Calédonie, des transferts de compétences sont actuellement en cours en matière d’état civil, de droit civil et de droit commercial ainsi que de sécurité civile. Ces transferts devaient être initialement réalisés avant 2011. Où en est-on ? Quels retards ont-ils été pris ? À quels transferts envisagez-vous de procéder prochainement ?

La Polynésie connaît une situation économique particulièrement difficile, résultant pour partie de la crise économique mondiale. Nous disposons en l’occurrence d’éléments statistiques fort peu fiables et très anciens, puisque les derniers comptes administratifs définitifs connus datent de 2006. Comment, dans ces conditions, suivre l’évolution d’une situation qui s’aggrave presque chaque jour un peu plus ? Envisagez-vous de demander à l’INSEE d’aider l’Institut de statistique de la Polynésie française afin que nous puissions disposer de données permettant à cette collectivité de mieux traiter les problèmes auxquels elle est confrontée ?

Des élections territoriales doivent se dérouler en 2013 en Polynésie. Certains, localement, souhaiteraient qu’elles aient lieu très vite, d’autres voudraient les reporter. Le Gouvernement a-t-il fixé une date ?

Enfin, la Polynésie a urgemment besoin d’investissements afin de relancer l’économie locale. Son gouvernement a signé avec l’État un protocole portant sur un prêt d’investissement de près de 42 millions accordé par l’Agence française de développement. Une première partie, de 25 millions, ayant été versée en juin 2011, qu’en est-il des 17 millions restants ? Au-delà, n’envisagez-vous pas de donner à la Polynésie les moyens de lancer de nouveaux investissements ?

M. Jean-Claude Fruteau, président de la délégation aux outre-mer. C’est toujours avec plaisir que je reviens en commission des Affaires économiques – première commission dans laquelle j’ai siégé –, pour évoquer les questions liées aux outre-mer, que ce soit en mon nom personnel ou en celui de notre toute jeune délégation.

Il m’est doux de répéter un certain nombre de choses tant je fus autrefois dans la déploration : désormais, l’outre-mer est redevenu une priorité du Gouvernement, ce qui n’était plus le cas depuis longtemps. Le président de la République, durant la campagne électorale, avait pris des engagements qui sont aujourd’hui tenus.

Le budget que nous examinons et que nous nous apprêtons à voter – fait extraordinaire – augmente de 5 % pour 2013 et continuera d’augmenter durant trois ans. Au nom de l’ensemble des outre-mer, je ne me lasse décidément pas de le répéter : oui, ce Gouvernement a pris la mesure des problèmes extraordinaires qui s’y posent et de la nécessité de les résoudre. Nous avons récemment voté le projet de loi relatif à la régulation économique pour l’outre-mer. C’est la première fois qu’une loi spécifiquement dédiée aux outre-mer est votée dans les quatre premiers mois d’une législature, la fameuse LODEOM ayant, quant à elle, été adoptée deux ans et demi après l’arrivée au pouvoir de la précédente majorité et, hélas, quelques émeutes. Monsieur le ministre, c’est à votre honneur et à celui du Gouvernement d’avoir fait voter le projet de loi relatif à la régulation économique pour l’outre-mer. Elle comporte des mesures courageuses et importantes qui ne manqueront pas de produire leurs effets.

Par ailleurs, j’ai peur qu’à Paris, à l’Assemblée nationale ou au Sénat, d’aucuns se demandent pourquoi – M. Dosière s’en est fait l’écho – l’outre-mer est ainsi privilégié.

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des Lois pour les « Collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes antarctiques françaises ». Je m’en suis tenu, quant à moi, à la question de la défiscalisation.

M. Jean-Claude Fruteau, président de la délégation aux outre-mer. Il est vrai que ce budget compte parmi les rares qui augmentent et dans de telles proportions. Néanmoins, ces mesures spécifiques ne constituent pas un privilège : les sociétés et les économies ultramarines sont dans une situation sans équivalent. Le taux de chômage y est deux fois plus élevé que dans l’Hexagone et le PIB par habitant y est, quant à lui, deux fois moindre. À La Réunion, 64 % des jeunes sont au chômage et ce taux est sensiblement identique dans les autres outre-mer. C’est un département français qui détient donc le record absolu de l’ensemble de l’Union européenne ! Il en est de même s’agissant des bidonvilles et de l’habitat indigne qui l’un et l’autre demeurent, malgré la loi Letchimy. Nous nous préoccupons, aujourd’hui, de réunir toutes les conditions afin que cela change.

Certains collègues sont donc parfois légitimement surpris, choqués ou irrités par les avantages dont bénéficient les outre-mer. Si le président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement ont choisi de maintenir pour 2013 le dispositif de la défiscalisation outre-mer, c’est que c’est le seul dispositif qui conforte l’investissement productif dans des économies très fragiles, dont les entreprises sont petites et se caractérisent par une insuffisance structurelle de fonds propres.

Il en est de même de la défiscalisation en matière de logement social. Je n’étais pas moi-même très enthousiaste, car je pensais qu’il restait beaucoup d’obstacles à franchir. Toutefois, ces obstacles ont été franchis grâce au travail en commun des acteurs locaux. C’est ainsi que, peu à peu, le nombre de logements sociaux a augmenté. À La Réunion, deux tiers des constructions de logements sociaux dépendent de la défiscalisation contre un tiers de la LBU – laquelle augmente, d’ailleurs, et c’est très bien.

Remettre en cause ce dispositif sans y avoir suffisamment réfléchi, sans l’avoir analysé ni évalué et, surtout, sans avoir trouvé un dispositif alternatif serait particulièrement dramatique car cela briserait l’effort réalisé ces dernières années. Quoique idéologiquement je ne sois pas un partisan de la défiscalisation, elle existe et a fait ses preuves. N’y touchons donc pas d’une manière hasardeuse, au détour de l’examen d’un projet de loi de finances.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Le budget de la mission « outre-mer » est un budget de combat, comme dirait le Premier ministre. Il est en rupture par rapport à ceux qui ont été votés depuis une dizaine d’années, ne serait-ce que parce qu’il se situe au niveau des budgets des années 1999 à 2001. Lorsque Christian Paul a quitté ce qui correspondait alors au ministère des outre-mer, le budget s’élevait à environ 1,9 milliard d’euros. Aujourd’hui, il est d’un peu plus de deux milliards, en augmentation de 5 %. Les deux programmes qui composent la mission « Outre-mer » sont ainsi confortés. Cette trajectoire budgétaire est plus conforme aux attentes des outre-mer et à leurs besoins.

Par ailleurs, comme l’a dit le président Jean-Claude Fruteau, que je remercie, ce budget témoigne de la considération de l’actuelle majorité à l’endroit des outre-mer. Le président de la République et le Gouvernement ont ainsi fait preuve de célérité en inscrivant dans le calendrier parlementaire, dès le début de la nouvelle législature, le vote du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer.

De surcroît, le président de la République s’est solennellement engagé par écrit à respecter les 30 engagements qu’il a pris concernant les outre-mer. Nous avons commencé aussi scrupuleusement que possible un travail en ce sens en tenant compte de la conjoncture et des difficultés de nos finances publiques.

Si un effort significatif est réalisé en matière de sincérité budgétaire, une incertitude demeure dans le débat budgétaire en cours, quant à la légitimité et l’efficacité des dépenses fiscales.

Pourquoi la mission « Outre-mer » est-elle donc financièrement épargnée ? Pourquoi les outre-mer semblent un peu privilégiés ou du moins connaître une situation quelque peu dérogatoire par rapport à l’effort national de redressement des finances publiques ?

J’aurais tendance à répondre que nous avons commencé à consentir l’effort de redressement des finances publiques avant les autres : depuis dix ans, que ce soit en termes de crédits d’intervention ou en termes de dépenses fiscales et sociales, tous les dispositifs ont évolué « en sifflet ».

La défiscalisation, c’est un problème compliqué. On en voit beaucoup de caricatures – ce fut encore le cas très récemment sur France Télévisions : un journaliste avait mal lu, et trop vite, les rapports de la Cour des comptes et de l’Inspection générale des finances. Ce sont toujours les mêmes images qui reviennent : dix-sept ou dix-huit ans après, impossible d’échapper au « Merci Béré », le yacht que s’était acheté Jacques Séguéla lorsque Michel Bérégovoy était ministre des Finances ! Alors, oui, il faut moraliser ce dispositif. Il est vrai que, idéologiquement et culturellement, la gauche est contre la défiscalisation, mais, pour le moment, nous n’avons pas de solution de rechange !

Il y a deux ans à peine, Claude Bartolone et moi-même avions bien déposé un amendement visant à substituer aux dépenses fiscales outre-mer des crédits budgétaires mais, faute d’argent, il était impossible de mettre en œuvre un tel dispositif dont le coût serait de 3,56 milliards d’euros. La situation n’a guère changé.

De manière détaillée, la moitié de cette somme correspond à la différence des taux de TVA – 19,6 % en métropole, 8,5 % outre-mer. Certes, il y a un écart, mais mener une bonne politique fiscale, sage et efficace, consiste-t-il à répéter servilement à Mamoudzou, à Fort-de-France ou ailleurs dans les outre-mer ce qui se fait en Île-de-France, l’une des régions européennes les plus riches ? N’est-il pas nécessaire de prendre en compte la situation si particulière des outre-mer ? Et à cet égard, la situation particulière de la Guyane justifie l’absence de TVA dans ce territoire.

Il ne faut pas non plus oublier que les outre-mer sont comptablement considérés comme des territoires d’exportation : ce qui y est envoyé depuis la métropole entre dans le calcul de la balance commerciale. Nous appartenons, selon la sixième directive du 17 mai 1977 au territoire douanier européen, même si tout le monde l’oublie. Il est normal, compte tenu de la situation des économies ultramarines, qu’il y ait une différenciation, ce que permettent l’article 73 de la Constitution et l’article 349 du traité instituant la Communauté européenne.

De même, outre-mer, on ne paye pas la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), l’ancienne taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Mais on oublie qu’il y a la taxe spéciale de consommation (TSC), qui représente un montant très élevé ! Et comment pourrait-on la supprimer, quand ce sont les régions, dotées de l’autonomie fiscale, qui en déterminent les taux ?

En fait, ce qui provoque dans l’Hexagone une certaine amertume, voire une opposition, c’est le dispositif incitatif à l’investissement productif. Mais il faut savoir que cette incitation est de moins en moins forte : elle est passée de 2,8 milliards d’euros il y a quelques années, à 1,5 milliard il y a trois ans, puis à 1,123 milliard en 2011 et 885 millions seulement cette année. De plus, la défiscalisation du logement intermédiaire et du logement libre, supprimée par la droite, va disparaître : de 355 millions en 2011, elle passera à 265 millions cette année. Les mécanismes les plus décriés sont ceux que l’on appelle le « Girardin industriel » et le « Girardin hôtelier », du nom de Brigitte Girardin, ancienne ministre de l’outre-mer : de 1,2 milliard d’euros en 2010, le « Girardin industriel » est tombé à 700 millions en 2011 puis à 410 millions d’euros aujourd’hui. Or, pour financer la seule usine de Koniambo, dans le nord de la Nouvelle-Calédonie, 330 millions ont été demandés au ministère des Finances – je ne sais pas ce qui a finalement été décidé. C’est une proportion considérable par rapport aux 410 millions d’euros disponibles pour douze territoires d’outre-mer : que reste-t-il pour les autres ? Sur ce sujet, j’ai demandé au ministre délégué au Budget, M. Jérôme Cahuzac, un examen de la doctrine administrative de Bercy, qui délivre les agréments lorsque les montants dépassent un certain chiffre.

En tout cas, depuis dix ans, le dispositif incitatif concernant l’investissement productif – mécanisme créé par le ministre Bernard Pons – est « en sifflet ».

Il faut surtout expliquer en quoi la situation des outre-mer commande une action particulière. On a évoqué les revenus médians de moitié inférieurs, le chômage, les difficultés sociales de tous ordres, mais, au-delà, il faut constater que, depuis dix ans, l’État n’est plus tout à fait là – malgré quelques opérations, par exemple de rénovation urbaine. Le document de politique transversale chiffre l’effort financier de l’État outre-mer à 13 milliards environ, mais ce montant comprend, par exemple, les salaires des enseignants, des policiers et des gendarmes – calcul que l’on ne fait pas pour la région Rhône-Alpes ou pour l’Île-de-France. Cette enveloppe comprend les dépenses fiscales, mais celles-ci se substituent à d’autres financements qui seraient nécessaires !

L’État est trop absent, tellement absent qu’il a été condamné plusieurs fois par l’Europe à d’importantes astreintes, notamment pour ne pas avoir réalisé certains équipements structurants: c’est par exemple le cas pour le traitement des déchets, l’absence de création des centres de stockage ultime… Et il a fallu prendre des mesures spécifiques, comme cela a été le cas pour la Corse, pour que l’État puisse financer certains équipements à 100 %. Certes, avec ce budget, l’État est de retour, mais ce n’est encore qu’un début.

Quant aux collectivités locales, elles sont en première ligne et n’ont plus aucune marge de manœuvre fiscale – elles ne peuvent plus augmenter l’impôt. La commande publique est en état de léthargie.

Les banques, elles, ne sont plus là du tout. Elles ne prennent plus aucun risque : elles financent les fonctionnaires, et c’est tout. Comme président de région, les banques m’ont souvent demandé de garantir des prêts consentis à des entreprises ! Je subis aujourd’hui un véritable chantage à l’emploi parce que j’ai osé les forcer à harmoniser les tarifs de douze prestations bancaires de base ; les banques estiment, en effet, que c’est un trop grand effort pour elles. Quant à l’épargne locale, elle est dirigée vers les polices d’assurance et les obligations d’État.

L’Europe dispose de financements, mais avec la stratégie de Lisbonne, elle les concentre sur les nouvelles technologies, l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation. outre-mer, cela ne représente pas grand-chose, du moins pas la locomotive de la croissance et du développement ! Or ces territoires ont encore besoin d’équipements structurants, tels que des routes, des conduites d’eau potable, des collèges et des lycées… Et je ne parle même pas du Plan Séisme Antilles : avec les crédits qu’on nous a alloués, il faudrait plus d’un millénaire pour le financer ! Aujourd’hui, nous avons un déficit de financement et nous n’avons pas de solution de remplacement : il ne reste que la dépense fiscale.

La défiscalisation est une réponse à ces énormes problèmes de financement. Certes, cela choque, puisque ce sont les plus aisés qui en profitent. Mais j’ose le dire, la défiscalisation n’est pas une forme d’évasion fiscale, même si certains l’interprètent ainsi. En fait, c’est un outil de financement de l’investissement productif ; or, il ne représente aujourd’hui que 885 millions d’euros, ce qui est en réalité dramatiquement insuffisant par rapport aux besoins.

J’ai cherché, avec Claude Bartolone, une solution pour sortir de cette situation. Le président de la République s’est engagé à maintenir l’attractivité fiscale de ces territoires, et à y conserver le dispositif existant en 2013 : il vous invite, dans le respect de l’autonomie des pouvoirs du Parlement, à souscrire à cet engagement. Le Premier ministre a également arbitré en ce sens. Nous devons néanmoins déjà réfléchir à une solution de remplacement. J’en ai discuté avec le rapporteur général du budget : il faut trouver une solution mixte et voir comment, sur la durée de la législature, on peut trouver une solution qui ne déséquilibre pas le financement de nos économies. L’État peut-il, aujourd’hui, financer directement les investissements outre-mer, actuellement pris en charge au titre des dépenses fiscales ? Non.

Le président de la République a écrit qu’il préservera l’attractivité fiscale des territoires ultramarins et que, pour cela, un différentiel d’attractivité sera maintenu. C’est pourquoi le dispositif existant est maintenu en 2013, parce qu’aucun dispositif de remplacement n’a pu être évalué. Je demande donc aux deux Commissions réunies ici de comprendre que nous sommes dans une phase de transition. Le président de la République sait combien la défiscalisation est mal vue, et par l’opinion publique, et par la gauche en particulier : d’un point de vue intellectuel, ce n’est pas notre « tasse de café », si vous me permettez une expression ultramarine. Mais nous n’avons pas encore trouvé une solution de remplacement.

C’est du reste pour trouver une solution de rechange que M. Serge Letchimy a été nommé parlementaire en mission. La Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, de même que les assemblées parlementaires, avec la mission d’évaluation et de contrôle, y travailleront également. La commission des Finances peut également réaliser sa propre évaluation. Il s’agit d’avoir une vision croisée sur l’efficacité des dépenses fiscales, sur leur utilité et sur leur nécessité, ainsi que sur le calendrier de sortie du dispositif.

Voilà l’engagement qui a été pris, voilà l’arbitrage qui a été rendu par le Premier ministre : je vous demande, à vous parlementaires, de nous accompagner dans cette démarche.

Il faut également rappeler que la défiscalisation est aussi une aide pour l’exploitant, qui reçoit deux tiers de l’avantage fiscal. C’est une aide à l’investissement alors que les exonérations de charges patronales sont une aide à l’exploitation. On n’a pas d’autre moyen de financer l’économie, et, au moment où je vous parle, même cette aide-là est en train de se tarir ! Malgré l’effort qui est fait avec ce budget, nous sommes encore loin des montants qui seraient nécessaires pour répondre aux besoins des territoires.

Imaginons que, demain, vous nous donniez 1,5 milliard d’euros de crédits budgétaires. Moi, ministre, je deviendrais l’imperator, et il me serait possible de les distribuer – suivant des critères peut-être administratifs, mais certainement politiques – sans tenir compte du dynamisme des territoires. Et je ne parle pas du nombre de postes de fonctionnaires qu’il faudrait créer pour gérer des centaines et des centaines de dossiers venant de douze territoires. À l’inverse, avec la défiscalisation, chaque territoire porte ses projets, ce qui induit de la créativité en provenance de la base, c’est-à-dire du porteur de projet lui-même.

Il faut savoir qu’en appliquant un plafond de 10 000 euros d’avantage fiscal – c’est le niveau de plafonnement des niches qui a été retenu dans le présent budget, sauf pour les investissements réalisés outre-mer –, l’investissement maximal, pour un investissement productif tel qu’il est défini par l’article 199 undecies B du code général des impôts, est de 59 000 euros pour un investissement indirect, c’est-à-dire le cas le plus fréquent, le taux de rétrocession à l’exploitant étant de 62,5 %. La réduction pour le contribuable est au maximum de 26 600 euros. Actuellement, le plafond outre-mer est à 30 600 euros, ce qui correspond à un investissement de 181 300 euros. Il faudrait donc demain, si on appliquait la réforme, trois fois plus d’investisseurs pour réaliser le même investissement. Un tel accroissement du nombre des investisseurs renchérirait le coût de la procédure, en allongerait les délais, sans que la réussite soit garantie. De plus, les monteurs de projet réunissant plus de cent investisseurs pour une même opération devront obtenir un agrément de l’Autorité des marchés financiers : c’est presque un métier différent. La rapidité et la relative simplicité de la procédure, qui ont fait son succès et qui ont permis la plupart des investissements outre-mer, seraient donc perdues.

Quant à l’investissement dans la construction des logements sociaux, investissement défiscalisé défini par l’article 199 undecies C du code général des impôts, le maximum d’investissement par contribuable serait, si l’on appliquait le plafond de 10 000 euros, de 57 200 euros, compte tenu d’une réduction d’impôts de 28 600 euros et d’un taux de rétrocession de 65 %. Avec l’actuel plafond, qui est de 40 000 euros, le montant maximal d’investissement est de 228 600 euros. Les investisseurs devraient donc être quatre fois plus nombreux pour réaliser le même investissement.

Ces exemples sont de plus calculés pour des contribuables dont l’ensemble des avantages fiscaux viendraient d’investissements outre-mer ; or ce n’est généralement pas le cas.

Les plafonds de 10 000 et de 18 000 euros vont, de plus, comprendre les salaires des personnes employées à domicile, dont une partie est défiscalisée. De nombreux contribuables ont pu réaliser des investissements patrimoniaux, mais aujourd’hui, vous ne pouvez plus construire une maison en secteur libre ou en secteur intermédiaire, comme j’ai moi-même pu le faire quand j’étais jeune. Le yacht, c’est fini : si vous le faites construire, vous ne pourrez plus en avoir l’usage ; après cinq ans, vous pourrez faire jouer le droit de préemption en faveur de l’exploitant – qui, lui, est soumis à une obligation de location – mais vous n’avez plus cet investissement patrimonial.

Je peux vous citer des dizaines d’entreprises et des dizaines d’emplois créés grâce à la défiscalisation, et qui n’ont pas coûté 750 000 euros, comme l’a prétendu M. François Lenglet sur France Télévisions ! La défiscalisation a été un outil de modernisation : sans elle, il n’y aurait pas eu la marina du Marin, en Martinique : elle serait à Sainte-Lucie, ou à Saint-Vincent-et-les-Grenadines ou à Saint Kitts ou à Antigua.

Depuis 1986, jamais nous n’avons trouvé la bonne façon permettant d’expliquer la défiscalisation des investissements outre-mer. À chaque fois, on nous reparle de yachts, de privilèges, de nomenklatura sous les cocotiers… Les sondages le montrent : l’image de la défiscalisation est catastrophique ; elle l’a été depuis le début, et personne n’a réussi à changer cet état de fait, pas plus la gauche que la droite ; même les monteurs en défiscalisation n’ont pas su rendre positive cette image. Pourtant, cet instrument est aujourd’hui indispensable. Il faut trouver les mécanismes qui pourront lui succéder : je vous invite à nous y aider.

M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, cette Commission a adopté à l’unanimité la proposition de loi de Serge Letchimy. Peut-être pouvons-nous aussi, en lien avec la commission des Lois et celle des Finances, travailler sur un texte proposant un nouveau mécanisme qui fasse, lui aussi, consensus, comme d’ailleurs le texte que vous avez déposé récemment.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Le budget de la mission « outre-mer » est en augmentation, et chacun ne peut que s’en féliciter. Une réflexion s’amorce sur les dépenses fiscales liées aux outre-mer : j’écoute donc les uns et les autres pour me forger ma propre opinion.

Peu de gens remettent en cause la différence de taux de TVA ou l’absence de TICPE en outre-mer. Le débat porte donc sur la défiscalisation. Les trois principales niches concernées représentent, vous l’avez dit, moins d’un milliard d’euros : c’est à la fois peu – la baisse de la TVA dans la restauration coûte 3 milliards par an – et beaucoup.

Le Gouvernement propose aujourd’hui un plafonnement global des niches en ramenant la part forfaitaire à 10 000 euros. Si l’on n’avait pas fait d’exception pour les investissements outre-mer, l’effet aurait effectivement pu être dévastateur pour le logement, et en particulier pour le logement social, ou pour les investissements productifs : le projet de loi de finances prévoit donc de ne pas appliquer le nouveau plafond aux niches qui concernent l’outre-mer. Cela me semble une bonne décision, et je ne crois pas que quiconque veuille la remettre en cause.

Reste que ce double plafond à 10 000 euros d’une part, 18 000 euros et 4 % de l’autre pour les seuls investissements outre-mer, change quelque peu la donne. En outre, le plafond qui s’applique aux investissements outre-mer ne sera plus partagé avec d’autres niches, comme celle des emplois à domicile. De plus, les 4 % s’appliqueront à un revenu fiscal de référence modifié, puisqu’il comprendra les revenus du travail mais aussi ceux du capital. D’une situation que l’on peut qualifier de légitime, on passera à une situation qui sera légèrement plus favorable. C’est peut-être cela qu’il nous conviendra d’examiner ensemble.

En principe, il serait bon, bien sûr, de convertir ces dépenses fiscales en crédits d’intervention. Toutefois, compte tenu de la « richesse » actuelle de l’État, ce n’est pas pensable aujourd’hui, et, sauf miracle, ne le sera pas plus demain.

Il faut donc travailler, sans attendre la veille de la présentation du prochain projet de loi de finances, à de nouveaux dispositifs plus simples que ceux des articles 199 undecies du code général des impôts – une part va à l’entreprise, une autre à l’investisseur, tout cela assorti d’agréments… Je sais, monsieur le ministre, que vous y êtes prêt, puisque nous en avons parlé. Nous pourrons ainsi tenter de faire diminuer progressivement la dépense fiscale, tout en trouvant des crédits d’intervention nouveaux, ou d’autres dispositifs plus lisibles, plus faciles à comprendre et à expliquer – plus faciles à contrôler aussi. En tout état de cause, c’est aujourd’hui extrêmement complexe !

Comme je l’ai dit, le dispositif sera demain légèrement plus favorable – un plafond de 18 000 euros et 4 % sur une assiette plus large – qu’il ne l’est aujourd’hui. Dans ces conditions, il serait à mon sens de bonne politique d’envoyer un signe. Nous pourrions modifier le taux de 4 %, mais je sais, monsieur le ministre, que vous n’y êtes pas favorable. Nous pourrions également modifier le plafond de 18 000 euros, ce qui serait peut-être plus acceptable pour vous.

Laissons place à la discussion parlementaire qui permettra, j’en suis sûr, d’arriver à une solution satisfaisante.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des Lois, remplace M. René Dosière à la présidence.

M. le ministre. Je salue votre ouverture d’esprit, monsieur le rapporteur général.

Nous n’ignorons pas la situation des finances publiques, comme nous n’ignorons pas que la question de la défiscalisation est une question très politique : le symbole est fort.

J’entends bien vos arguments sur le fait qu’avec les nouvelles règles – l’élargissement de l’assiette éligible –, la défiscalisation des investissements outre-mer devient plus favorable qu’elle ne l’était. Mais nous nous sommes donné une méthode, que nous voulons suivre. J’ai à de nombreuses reprises, vous ne l’ignorez pas, été sollicité par des journalistes pour faire apparaître des désaccords entre le Gouvernement et la majorité parlementaire : ne tombons pas dans ce piège et continuons à collaborer. Oui, pour le moment, je suis défavorable à ce que l’on joue sur le taux, parce que nous n’avons pas pu faire de simulations. Et je pourrais argumenter longuement sur les difficultés que cela pourrait créer…

Je m’engage, devant vous, à agir, et je pourrai le répéter devant la commission des Finances et ailleurs. Il faut commencer à travailler, vous avez raison, bien avant la discussion de la loi de finances pour 2014, voire peut-être avant le vote de la loi de finances de 2013, donc avant la fin du mois de décembre : dès à présent, il faut s’engager à procéder aux évaluations qui s’imposent. C’est la mission que m’ont confiée le président de la République et le Premier ministre : à cette fin, j’ai rencontré les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale pour leur expliquer notre position, et je verrai bientôt ceux du Sénat. Nous ne voulons pas modifier en 2013 les dispositions en vigueur, mais nous souhaitons lancer le chantier de l’évaluation dans les six mois qui viennent, en nous appuyant sur l’Inspection générale des finances, sur les commissions des Finances du Parlement, sur les délégations aux outre-mer... Je dispose déjà pour ma part de certains éléments. Cela nous permettra d’imaginer, ensemble, une possible sortie de la défiscalisation.

Je comprends bien tous les problèmes posés par la défiscalisation, termes d’image, mais aussi simplement de justice et d’égalité. Soyons toutefois conscients qu’il ne sera pas facile et qu’il faudra du temps pour trouver un mécanisme aussi efficace, ménageant le financement de nos économies ultramarines.

M. Patrice Verchère. J’associe à mes questions mon collègue Didier Quentin.

Monsieur le ministre, en 2010 et 2011, des évolutions symboliques ont eu lieu en Nouvelle-Calédonie. Où en sont les transferts de compétences, qui doivent être achevés en 2014 ? Un référendum d’autodétermination devrait avoir lieu entre 2014 et 2018 : quel est le calendrier ? À cet égard, avez-vous déjà réuni le comité des signataires ?

Après avoir repoussé massivement l’idée d’une autonomie lors d’un premier référendum, les électeurs de Guyane et de Martinique ont approuvé à une forte majorité, en janvier 2010, la refonte du département et de la région en une seule entité. Où en est-on de ce processus, alors même que le Parlement a voté les textes relatifs à ces évolutions, et alors que le Conseil constitutionnel a validé ces dispositions en juillet 2011 ? La métropole se doit de veiller attentivement à ces évolutions, qui pourraient servir d’exemples pour d’autres collectivités.

Le dispositif de défiscalisation « Girardin » permettant de bénéficier d’une réduction d’impôt en cas d’investissement immobilier outre-mer est épargné par le projet de loi de finances pour 2013. C’était un engagement de François Hollande. Toutefois, avec les sérieux coups de rabots portés aux niches fiscales, pensez-vous que cet engagement pourra être tenu sur la durée du quinquennat ?

Lors de la discussion de la récente loi sur la régulation économique outre-mer, plusieurs de mes collègues, Daniel Gibbes, Didier Quentin et Catherine Vautrin, ont regretté la précipitation dont vous faisiez preuve, car le bilan fiscal de la LODEOM n’avait pas été tiré. Selon vous, le rapport de M. Bartolone et M. Yanno avait rempli cette mission ; or il s’agissait d’un rapport d’application de la loi, et non de contrôle en opportunité. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP se permet de vous poser à nouveau la question : quelles véritables conclusions économiques et fiscales pouvons-nous tirer, pour l’avenir de nos outre-mer, de la LODEOM ?

C’est en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie que l’on constate les plus grands écarts de prix : il est dommage que le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer ne traite pas de la situation de ces deux collectivités.

À Mayotte, cent-unième département français depuis 2011, il a fallu achever l’état civil, et donc l’identification de la population mahoraise. Cette question est-elle aujourd’hui derrière nous, ou des progrès doivent-ils encore être faits ?

René Dosière et Didier Quentin ont maintes fois pointé l’enjeu crucial que constitue également pour Mayotte la lutte contre l’immigration clandestine, ce qui ne peut aller sans conclusion d’accords bilatéraux avec les Comores, mais pas non plus sans une politique judiciaire et pénitentiaire adaptée.

Mayotte voit en effet la persistance d’une forte immigration illégale – peut-être 50 000 à 60 000 personnes par an. Cela coûte à l’État, chaque année, 50 à 70 millions d’euros. À cet égard, où en est la construction du nouveau centre de rétention administrative de Mayotte ? Un renforcement des moyens nautiques et aériens des services de l’État est-il prévu ? À l’heure actuelle, un seul hélicoptère se trouve sur place, et il est actuellement indisponible pour un mois.

D’autre part, pouvez-vous nous donner des précisions sur l’action du groupe d’intervention régionale (GIR) de Mayotte, alors que celui-ci a défrayé récemment la chronique ? Ne serait-il pas utile de créer un service régional de police judiciaire dans le ressort de la cour d’appel de La Réunion ?

En matière de justice, l’état des prisons laisse pour le moins à désirer ; la maison d’arrêt de Majicavo connaît une très forte surpopulation. Un projet d’agrandissement était prévu pour 2014, afin de mettre en conformité le nouvel établissement avec les dispositions de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Ce projet est-il bien en cours ?

Afin d’assurer sur l’île la stabilité effective de la justice, envisagez-vous la construction d’une cité judiciaire, afin d’améliorer les conditions de travail des magistrats, et prévoyez-vous de mettre en place à Mayotte, à moyen terme, une cour d’appel en lieu et place de la chambre d’appel détachée de la cour d’appel de La Réunion ?

Une inspection du ministère de la Justice a été dépêchée pour mettre un terme à des dysfonctionnements au sein du tribunal de grande instance. Avez-vous déjà connaissance des conclusions préliminaires de cette mission ?

Sur le plan de l’éducation, quels sont les engagements de l’État en matière de construction de collèges et de lycées, alors que pas un seul euro n’a été fléché pour édifier des établissements scolaires du second degré ? Comment le Gouvernement entend-il mettre en œuvre la fiscalité de droit commun, initialement fixée en 2014, dans les collectivités locales mahoraises ?

Mme Éricka Bareigts. Je veux saluer l’effort du Gouvernement en faveur des collectivités ultramarines : malgré le contexte difficile, il tient parole et accompagne les outre-mer.

La crise internationale a rendu nos territoires plus fragiles et plus vulnérables encore, et ce que le reste de la France considère comme une situation d’urgence est notre lot quotidien depuis de nombreuses années.

Pour autant, nous ne voulons pas nous apitoyer sur notre sort. Nous avons déjà réalisé en soixante ans, à marche forcée, ce qui a souvent pris des siècles dans l’Hexagone. Ainsi, nous avons accompli des progrès immenses en matière de soins, d’éducation, de qualité de la vie. Cela dit, nous partions de pas-grand-chose, si ce n’est de rien. Il reste toutefois énormément à faire, comme le montrent tous les indicateurs socio-économiques.

Ce budget témoigne d’une vraie ambition pour l’outre-mer, une volonté véritable de briser le plafond de verre auquel nous continuons de nous heurter et qui empêche de faire évoluer les indicateurs. À périmètre constant, les crédits de paiement de la mission « Outre-mer » sont en hausse de 5 %. Cette mission est l’une des seules dont les crédits sont en augmentation : les outre-mer constituent donc bien l’une des grandes priorités du Gouvernement, à côté de l’enseignement, de la justice, de la sécurité et de l’emploi. Ainsi, les crédits consacrés à l’investissement outre-mer augmentent de plus de 40 % en autorisations d’engagement. De même, les exonérations fiscales sont maintenues, comme le président de la République s’y était engagé : c’est même l’un des deux seuls avantages fiscaux qui échappent aux efforts demandés.

Enfin, dans ce contexte de crise, nous nous réjouissons de l’augmentation de 2 % des transferts de l’État au budget de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM), alors que, dans le même temps, ses autres sources de subventions se tarissent. Je ne peux que saluer un effort qui permettra de financer non seulement la formation, mais aussi la continuité territoriale, malgré le recul des financements des autres partenaires.

Cette nouvelle approche des outre-mer consiste aussi à fixer les objectifs à atteindre. Par exemple, une insertion des jeunes dans l’emploi à 80 % en 2015 pour les bénéficiaires du service militaire adapté (SMA), et à 70 % pour ceux ayant bénéficié des services de la LADOM. Ou encore un taux de mobilité dans le parc de logements sociaux à hauteur de 9 %, soit une amélioration de 40 % par rapport aux résultats actuels.

Il s’agit de rendre plus efficace chaque euro public consacré aux DOM, comme le montrent les indicateurs sur le coût des passeports mobilité ou l’effet multiplicateur des subventions d’investissement du programme « Conditions de vie outre-mer ».

Nous avons compris l’urgence de rendre rapidement efficientes les politiques publiques sur nos territoires d’outre-mer. Votre premier budget leur donne déjà des signes très forts, monsieur le ministre : nous le voterons, car il répond aux attentes des populations ultramarines.

M. Jean-Paul Tuaiva. Monsieur le ministre, je voudrais d’abord faire observer que vous n’avez pas répondu à toutes les questions de M. Dosière, notamment sur la date des élections, sur l’emprunt octroyé par l’Agence française de développement (AFD), et sur le plan de relance pour la Polynésie française.

Monsieur le ministre, actuellement, un certain nombre de projets en cours d’achèvement sont remis en cause, notamment en raison de la baisse du taux du crédit d’impôt dont ils bénéficiaient. Par conséquent, le tourisme risque de subir des pertes d’emplois considérables, alors qu’il constitue la première ressource économique de la Polynésie. Si ce secteur nous a rapporté plus de 50 milliards CFP en 2004, soit 450 millions d’euros, ce montant est tombé à 36 milliards CFP aujourd’hui, environ 300 millions d’euros.

Nos communes détiennent de nouvelles compétences, notamment en matière de traitement des déchets, de potabilité de l’eau et d’assainissement. Or, alors que le fonds intercommunal de péréquation (FIP) est alimenté à hauteur de 17 % des recettes du territoire, la quote-part de l’État dans ce fonds est à peu près de 10 %, soit environ 9 millions d’euros sur une enveloppe de 100 millions par an. Il serait plus juste que l’État participe au moins à hauteur de 50 %, soit 50 millions d’euros. Les maires sont en effet très démunis, au point de tirer la sonnette d’alarme.

Pour illustrer la situation économique dans laquelle se trouve notre territoire, je me permettrai de rappeler quelques chiffres. Alors que, en 2006, notre PIB était estimé à 536 milliards CFP, soit 4,5 milliards d’euros, il n’était plus en 2011 que de 465 milliards CFP – 4 milliards d’euros –, soit une régression de plus de 13 %. Depuis 2008, nous avons perdu plus de 11 000 emplois et, depuis 2006, l’endettement a quasiment doublé. Quant à notre régime de solidarité, il enregistre aujourd’hui plus de 70 000 bénéficiaires, contre 35 000 en 2006, cette augmentation touchant la moitié des jeunes de moins de trente ans. Par ailleurs, tous les chefs d’entreprise de Polynésie rencontrent des difficultés à relancer leur activité par manque de trésorerie. Une enveloppe spécifique avait été mise en place en 2009 et en 2010 pour renforcer la trésorerie des entreprises.

En septembre dernier, le président de la République a fait des annonces sur la transition énergétique, mais il est important de savoir ce qu’il en sera pour l’outre-mer, en particulier pour la Polynésie.

En conclusion, monsieur le ministre, plus qu’un choc de compétitivité, c’est un choc économique et social dont a besoin la Polynésie.

Mme Annick Girardin. Dans un contexte budgétaire contraint, nous ne pouvons que nous féliciter de l’augmentation des crédits de ce budget – qui a souffert ces dernières années. C’est un signe fort adressé à l’outre-mer par le Gouvernement : il a pris conscience du retard pris par nos territoires en matière de logements, d’assainissement, de traitement des déchets – ces derniers sont encore brûlés à ciel ouvert à Saint-Pierre-et-Miquelon ! Le Gouvernement l’a compris : nous avons besoin d’un véritable plan Marshall. Malheureusement, un certain nombre de nos collègues choisissent ce moment pour remettre en cause la défiscalisation.

À ces collègues, je réponds que les sommes en jeu s’élèvent à 1 milliard d’euros – je rappelle à ce sujet que la baisse de la TVA sur la restauration coûte 3 milliards d’euros –, ce qui n’est pas sans conséquences en termes de retombées économiques pour les outre-mer. Il faut savoir que 60 % à 80 % des investissements réalisés outre-mer restent sur place au bénéfice des petites entreprises ! Et c’est bien parce qu’il y a des barrières à ne pas franchir et que Bercy procède à des contrôles que certains scandales ont pu être dénoncés.

Nous devons mener un combat pédagogique sur la défiscalisation. Faute de quoi nos électeurs ne nous comprendront plus lorsque nous les assureront de la volonté du Gouvernement d’aider leurs territoires. À nos collègues qui font partie de la délégation aux outre-mer, mais qui ne sont pas des élus ultramarins, je lance un appel : « Venez-nous aider dans ce combat, sinon cela n’a pas de sens de faire partie de la délégation ».

M. le ministre. Je remercie M. Letchimy, pour la présentation de cette mission, ainsi que l’ensemble des rapporteurs.

Je tiens également à remercier M. le président de la commission des Affaires économiques et Mme la rapporteure Ericka Bareigts pour le vote de la loi portant régulation économique outre-mer – sans oublier M. Letchimy qui intervenait au nom du groupe SRC sur ce texte. J’associe également à ces remerciements M. le président de la commission des Lois et M. Bernard Lesterlin, rapporteur pour avis de ce texte. C’est notamment grâce à eux qu’un texte de qualité a été adopté ce matin en commission mixte paritaire – et j’espère qu’il sera promulgué le plus rapidement possible. Bref, je remercie tous ceux qui ont œuvré pour que ce texte aboutisse.

En ce qui concerne la part dédiée à l’habitat indigne, je ne peux vous indiquer un montant, mais le Gouvernement sera très vigilant. J’attends la publication du décret. L’arrêté fixant le barème de l’aide financière pose difficulté car si les plafonds sont maintenus, le dispositif ne sera pas attractif et la loi perdra de son efficacité. Nous souhaitions un plafond d’aide rehaussé à 40 000 euros pour les personnes physiques et à 20 000 euros pour les personnes exerçant une activité commerciale – au lieu, respectivement, de 25 000 et 12 500 euros actuellement. L’opération devrait coûter, me dit-on, entre 20 et 25 millions d’euros sur la base d’une tranche opérationnelle de 400 logements en 2013. Une réunion interministérielle devrait nous permettre d’obtenir une réponse le plus tôt possible : je ne désespère pas de convaincre mes collègues de Bercy sur la nécessité de relever le défi du logement dans nos régions, où plus de 100 000 habitations doivent être construits. Avant ma nomination au ministère, je me suis battu avec vous sur ces bancs pour obtenir la sanctuarisation de la LBU. Ce sont les députés de La Réunion, et je les en remercie, qui ont appelé à l’urgence de ne pas toucher à la défiscalisation du logement social, dont l’efficacité a été démontrée, comme le mentionne le rapport Doligé-Patient. La sanctuarisation de la LBU fait donc partie de nos objectifs. En réunion interministérielle hier, il a été décidé que la loi dite Duflot comporterait un dispositif outre-mer. Ainsi, le principe est acquis qu’un dispositif Duflot remplacera le Scellier outre-mer et le Scellier intermédiaire.

Le « SMA 6 000 » ne sera effectif qu’en 2015 car nous n’avons pas pu intégrer dans le budget de fonctionnement toutes les formations que nous souhaitions. En revanche, en termes d’investissement, les autorisations d’engagement, même si elles sont en diminution, permettront de financer l’ensemble des engagements contractés. En outre, nous avons inscrit de nouvelles autorisations d’engagement pour financer des opérations de modernisation des infrastructures. J’ajoute qu’un programme géré par Bercy prévoit d’affecter une somme de 3,5 millions d’euros au SMA.

S’agissant du fonds exceptionnel d’investissement (FEI), Bercy nous proposait, sur la base de l’engagement du président de la République de 500 millions sur cinq ans, rien en 2013 et une accélération en 2014. J’ai préféré, et le Premier ministre a tranché dans ce sens, l’inscription de 50 millions dans ce budget. Certes, la loi de programmation ne traduit pas encore l’ensemble de cet effort, mais nous sommes d’accord sur le volontarisme qu’il faut y imprimer.

Ce scénario démontre le retour de l’État. Souvenez-vous : face aux émeutes sociales, aux grèves insurrectionnelles, l’État est resté l’arme au pied, inerte, en raison de contraintes juridiques qui ont empêché le déclenchement d’une action publique pour lutter contre la vie chère. Je ne veux pas que cette situation se reproduise, et j’espère que la belle loi votée en commission mixte paritaire donnera à l’État les moyens de ses ambitions.

S’agissant de l’aide au fret et à la rénovation hôtelière, 9,5 millions d’euros ont été inscrits. Cette somme est, hélas, conforme au niveau de consommation des crédits, car jamais les 17 millions inscrits depuis plusieurs années n’ont pu être consommés – 6 millions le seront cette année. Nous nous sommes donc donné une marge de manoeuvre. Il faudra, j’en conviens, alléger les procédures permettant d’obtenir cette aide.

J’aurai du mal à vous répondre sur la tarification du solaire photovoltaïque. Dans ce secteur dynamique, la défiscalisation, le crédit d’impôt pour les ménages et les entreprises, la tarification du raccordement au réseau public pendant vingt ans, toutes ces mesures ont été « cassées ». Certes, il convenait de corriger les effets d’aubaine de ces mesures, mais ce coup d’arrêt a fait perdre à nos territoires des milliers d’emplois. Nous avions demandé à l’époque au ministre de l’Économie et des finances, M. Baroin, la mise en place d’une commission ad hoc, dont le rapport n’a jamais été rendu public. Avant de changer un dispositif qui a prouvé son efficacité, prenons le temps de l’évaluation.

En ce qui concerne la loi sur la régulation économique, nous avons pris des engagements pour la production locale. Je viens d’annoncer à des fédérations d’entreprises et d’entrepreneurs que la prochaine étape sera la loi de modernisation agricole. J’espère également que nous pourrons mener ensemble la réforme de l’octroi de mer, pour rendre le dispositif plus efficace et moins inflationniste.

Monsieur le député Marie-Jeanne, Christiane Taubira serait mieux à même de vous répondre sur l’accès au droit et l’aide aux victimes. C’est vrai, il y a des difficultés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte s’agissant des conseils départementaux de l’accès au droit. Il faudra y remédier. Je ne vous cache pas que les groupements d’intérêt public (GIP) fonctionnent mal, certains partenaires membres de GIP gérant les conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) ne respectant pas toujours leurs engagements.

Il faudrait certainement s’adresser aux barreaux pour leur demander, notamment à Mayotte, pourquoi les avocats refusent l’aide juridictionnelle. C’est un vrai sujet. Je demanderai à mes services d’étudier cette question. L’absence d’avocats à Saint-Laurent-du-Maroni impose de trouver un dispositif incitatif, qu’il nous faudra sans doute élaborer en lien avec le barreau de la Guyane.

En ce qui concerne la carte judiciaire, les choses se passent plutôt bien – c’est le cas en Guadeloupe –, mais nous allons examiner le problème de l’allongement des délais qui résulte de l’absorption du tribunal d’instance du Lamentin par celui de Fort-de-France, en Martinique. Je ne vous cache pas que la révision dans la précipitation des différentes cartes – judiciaire, militaire, scolaire… –, placée sous le label « RGPP », a été une manière astucieuse de cacher le retrait de l’État ; chez moi, tout cela a été qualifié du joli nom de « développement endogène » .

Monsieur Dosière, pour la Nouvelle-Calédonie, les transferts de compétences sont opérés dans le respect des échéances, soit avant juillet 2013 – les derniers sont prévus dans la loi portant régulation économique outre-mer. Nous attendons que la Nouvelle-Calédonie demande à exercer de nouvelles compétences – je crois que c’est notamment le cas en matière d’enseignement supérieur.

Le comité des signataires abordera la question de la vie chère, à la demande de certains parlementaires et du président Harold Martin. Je serai présent en Nouvelle-Calédonie lors de sa réunion du 6 décembre, qui sera présidée par le Premier ministre.

Tous les transferts de compétences se feront, certes à marche forcée car un grand nombre d’ordonnances doivent être prises, mais les services sont très mobilisés sur ces questions.

S’agissant de la Polynésie, il faut donner à l’INSEE – qui reste compétent pour le recensement démographique et pour toutes les autres données statistiques – les moyens nécessaires pour aider l’institut statistique de la Polynésie. Lors de la discussion de la loi contre la vie chère, vous vous êtes heurtés à un défaut d’information, les comptes des entreprises n’étant pas publiés dans les outre-mer. Cette méconnaissance statistique de la réalité économique et sociale est un vrai problème, qui se pose d’ailleurs dans tous les outre-mer et qui devra être résolu. Moi-même, avant d’être ministre, j’avais passé des contrats avec l’INSEE pour avoir une meilleure connaissance des filières.

Le Premier ministre a tranché pour les élections territoriales : le premier tour aura lieu le dimanche 21 avril et le deuxième tour, le dimanche 5 mai 2013. Ces dates tiennent compte du calendrier des vacances scolaires, mais la loi organique est respectée.

Pour les besoins d’investissement en Polynésie française, nous avons débloqué 16 millions sur les 50 millions de la loi de finances initiale pour 2011. Le 29 octobre, nous rencontrerons le président Oscar Temaru et l’Assemblée pour, je l’espère, solenniser un accord de redressement. La situation économique est difficile, mais je ne veux pas montrer du doigt les responsables, même si les mesures qui ont été prises avant mon arrivée au ministère sont lourdes de conséquences. Nous avons décidé de reprendre le dialogue avec les autorités polynésiennes et de demander à l’AFD d’autoriser un nouveau prêt de 50 millions d’euros.

Je ne vous cache pas que la dotation globale pour le développement économique (DGDE), qui s’élève à 151 millions et dont la dernière tranche s’intitule « le troisième instrument » me pose problème ! L’État, en voulant gêner des élus, a créé la morosité et a été fauteur de crise. À Wallis-et-Futuna, l’électricité est six fois plus chère que dans l’Hexagone ! Il faut trouver une solution, car nous ne pouvons pas abandonner les 13 500 Français qui sont victimes de décisions politiques. Ce sera la même chose pour Saint-Martin. Il y aura un retour de l’État dans ces territoires.

Monsieur Fruteau, je partage votre avis, la défiscalisation n’est pas un cadeau, un outil d’évasion fiscale, elle est un outil de financement de l’investissement. Il faut mettre à profit cette période de transition pour évaluer le dispositif. J’espère que vos collègues de la commission des Finances le comprendront. Christian Eckert a raison : nous devons faire preuve de courage politique. Mais il nous faut aussi trouver une solution dans le sens des intérêts des territoires, où je ne veux pas voir le chômage et la déshérence augmenter davantage.

Monsieur Verchère, les textes relatifs aux évolutions institutionnelles de la Martinique et de la Guyane seront appliquées. J’ai d’ores et déjà écrit à l’ensemble des parlementaires et aux présidents des collectivités pour les informer que les municipales devraient être maintenues en 2014 et que les cantonales et les régionales devraient être repoussées en 2015, mais j’ai engagé une consultation pour connaître la position des uns et des autres.

M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis. Vous outrepassez vos droits !

M. le ministre. C’est le devoir du Gouvernement de consulter. Veut-on rester dans un calendrier national et respecter la loi telle qu’elle a été votée avec une autre majorité parlementaire ? Ou veut-on répondre à des demandes qui s’expriment ? Je ne déciderai pas seul. S’il y a un consensus, je le respecterai. Dans le cas contraire, l’État prendra ses responsabilités, et la majorité actuelle exercera un leadership éclairé.

Nous ne souhaitons pas toucher au dispositif Girardin, en tout cas pas pour 2013. Si ce devait être le cas, des compensations devraient être trouvées.

Le rapport sur la LODEOM était bien un rapport d’application, comme c’est le cas pour toutes les lois votées : six mois après l’adoption d’un texte, le rapporteur de ce texte et un membre de l’opposition rédigent un rapport d’application. Cela dit, la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer va être activée pour évaluer la LODEOM, qui, on le sait déjà, n’a pas été appliquée. Elle a été votée en 2009 après les grands mouvements sociaux, mais c’est seulement fin 2011 que certains décrets ont été pris, tandis que d’autres ne le sont toujours pas, non plus que certaines circulaires, sachant que celles qui l’ont été devraient être revues. Vous le voyez : un important travail reste à faire. Mais il fallait auparavant décider d’autres dispositifs, ce que nous avons fait dans la loi portant régulation économique outre-mer.

Les plus gros écarts de prix sont effectivement observés en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie mais, curieusement, les prix les plus élevés sont des prix administrés, ce qui prouve l’échec d’une économie totalement encadrée. Des leçons doivent en être tirées. C’est la raison pour laquelle, à condition que le Gouvernement et les élus néo-calédoniens le souhaitent, nous envisagerons peut-être la création une autorité indépendante de la concurrence, dans le cadre de la réunion du comité des signataires.

Mayotte devra définir une trajectoire de compétitivité. En effet, le 1er janvier 2014 verra l’application intégrale du code général des impôts et l’accès au statut de région ultrapériphérique de Mayotte qui bénéficiera, durant une période de cinq ans, de 450 à 500 millions en provenance de l’Europe, raison pour laquelle nous avons revu les horizons prévisionnels de programmation.

S’agissant de l’état civil, les choses se passent plutôt bien, mais il faut rester vigilant. Dans le cadre de la loi portant régulation économique outre-mer, nous avons pris l’engagement de tenir compte du défi migratoire au travers de l’extension à Mayotte de l’ordonnance relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers – sujet que connaît bien Bernard Lesterlin.

La construction d’un centre de rétention à Mayotte est confirmée. Les crédits sont prévus à cet effet.

La question de l’action du groupement d’intervention régional (GIR) de Mayotte et l’état des prisons sont des sujets portés par Mme la garde des Sceaux. La situation des établissements pénitentiaires dans nos régions est difficile et nécessite l’engagement de sommes considérables – mais c’est également le cas dans le secteur social, médico-social ou sanitaire.

Monsieur Tuaiva, je n’ai pas compris votre question sur les projets touristiques qui seraient en panne en raison de la remise en cause des cofinancements. Mais il est vrai qu’un certain nombre de points devront être revus dans le cadre de la rénovation hôtelière. En tout cas, je n’ignore pas la conjoncture compliquée à laquelle est confrontée la Polynésie, en particulier la question du désenclavement aérien.

M. Jean-Paul Tuaiva. Le montage financier a été basé sur l’année de référence, et l’aide fiscale est aujourd’hui remise en cause car les travaux ne sont pas achevés.

M. le ministre. Nous vous proposons un diagnostic de la doctrine administrative de Bercy, notamment du bureau des agréments. J’espère que les parlementaires pourront se saisir de ce sujet.

S’agissant du fonds intercommunal de péréquation (FIP), je ne suis pas sûr que vous pourrez obtenir 50 %, mais il est certain qu’il faut tenir compte de la situation financière difficile des communes polynésiennes. Nous n’ignorons pas les pertes d’emplois, la morosité, la situation du régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF). Nous étudions ces questions.

Je remercie Annick Girardin de ses propos sur la défiscalisation. J’aimerais qu’un plus grand nombre de parlementaires prennent conscience que ce dispositif est au service d’une réalité humaine. Mais si l’on arrive à trouver un autre financement, je serai le premier à applaudir des deux mains.

Enfin, je remercie Mme la rapporteure Ericka Bareigts qui a porté avec nous une belle loi. Ce faisant, le Gouvernement a tenté de répondre à l’urgence. Pour ma part, je m’efforce de faire au mieux avec la feuille de route qui m’a été assignée par le Premier ministre.

Mme Chantal Berthelot. Monsieur le ministre, vous avez modifié l’ordre des choses, et je reconnais là votre combativité. Certes, ce budget est en hausse, conformément aux engagements du président de la République et du Premier ministre. Mais permettez-moi de vous dire une chose : à situation inégale, réponse inégale. La réponse inégale consiste à prendre en compte les spécificités dont souffrent les outre-mer, où la vie de certaines populations est digne de celles de pays du tiers-monde. J’aimerais que la presse s’en fasse l’écho en venant constater chez nous les situations d’inégalité en termes d’accès à la santé, d’accès au droit, de scolarisation… Cela permettrait peut-être à certains journalistes de tempérer leur jugement sur la défiscalisation qui, pour l’instant, est une nécessité, même si elle ne correspond pas à nos valeurs.

Monsieur le ministre, la Guyane attend que vous vous atteliez à trois dossiers pour l’année 2013 : la réforme du code minier – il s’agira de fixer les conditions d’exploitation des mines de la Guyane, notamment celles d’hydrocarbures ; la loi d’orientation agricole – nous attendons des décisions claires sur le foncier ; le protocole APA (accès aux ressources et partage des avantages), obtenu grâce à l’accord de Nagoya et qui, selon la ministre Delphine Batho, devra être décliné en droit français, en espérant que le Gouvernement saura faire preuve de combativité, de clairvoyance et de courage politique.

M. Bernard Lesterlin. Monsieur le ministre, l’adoption en commission mixte paritaire ce matin du premier texte qui touche vraiment aux structures de l’économie des outre-mer est pour moi un signe de considération à l’égard de l’outre-mer après une décennie de désengagement de l’État au profit d’un hypothétique « développement endogène ». Même s’il ne fait pas de miracles, vous pouvez présenter ce budget la tête haute car il inverse la tendance. Je tenais à vous en féliciter.

En ce qui concerne le financement du logement social, nous allons nous mettre au travail. Mais je voudrais vous faire part de ma conviction : en cette matière, il serait totalement irresponsable, après des années de crise et l’état des besoins en matière de logement social, de reculer d’un cheveu en 2013 sur la défiscalisation. Soyons responsables jusqu’au bout, même si nous savons que d’autres solutions de financement devront être trouvées.

La jeunesse de notre pays est une priorité du président de la République, mais cette priorité est vitale pour nos outre-mer, pour lesquels nous devons faire preuve d’imagination, voire d’adaptation des dispositifs. J’évoquerai quelques pistes. Monsieur le ministre, ne faut-il pas changer de braquet pour le SMA, même dans la perspective du « SMA 6000 » ? L’introduction des emplois d’avenir – qui sont des emplois salariés – ne risque-t-elle de concurrencer, voire de tuer, le jeune service civique – un engagement citoyen indemnisé –, particulièrement adapté à l’outre-mer ? Une version adaptée des contrats de génération ne devrait-elle pas être imaginée, pour permettre à des jeunes ultramarins de profiter de l’expérience de leurs aînés et d’entrer dans la vie active ? Enfin, une version locale de la banque publique d’investissement (BPI) ne devrait-elle pas être mise en place afin d’aider les jeunes qui ont des projets à pouvoir démarrer leur propre activité avec un minimum de capital ?

Les membres de la délégation aux outre-mer sont tous déterminés à vous aider à avancer dans vos réflexions.

M. le ministre. Je remercie Mme Berthelot pour ses propos.

S’agissant de la formule « à situation inégale, réponse inégale », je rappelle que la Cour de justice des Communautés européennes – devenue depuis Cour de justice de l’Union européenne – considérait qu’il y a discrimination lorsque l’on traite de manière différente une situation identique ou que l’on traite de façon identique des situations différentes. C’est tout à fait cela ! La fiscalité de l’Île-de-France ne peut être appliquée à l’identique à Fort-de-France ou Mamoudzou car il convient de tenir compte des réalités territoriales. À situation différente, solution différente, c’est le fond de l’article 73 de la Constitution et de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

À ce jour, nous ne sommes pas encore tout à fait parvenus à savoir où placer le curseur. M. Letchimy y travaillera tout comme Mme Nathalie Infante, au sein de mon cabinet, dont la mission est de définir avec l’Espagne et le Portugal un Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) autres qu’agricole. Bonne nouvelle : hier soir, M. le ministre Cuvillier a pratiquement obtenu un POSEI pêche pour les régions ultrapériphériques (RUP).

Il conviendra également d’approfondir la question du POSEI bois – la filière bois étant particulièrement importante pour la Guyane – mais également celle du tourisme ou des énergies renouvelables. Tout cela sera difficile à réaliser puisqu’il faudra convaincre Bruxelles – Commission, Parlement et Conseil européens réunis.

Dans le cadre de la « division du travail » que nous avons définie, M. le ministre Le Foll portera la loi de modernisation agricole mais je me chargerai plus précisément du volet outre-mer. D’ici là, nous organiserons une belle concertation en amont avec vous, parlementaires mais aussi avec les élus des collectivités ainsi qu’avec les organisations socioprofessionnelles.

Mme la ministre Delphine Batho a annoncé le 11 juillet dernier devant la commission du Développement durable la mise en place d’un groupe de travail afin de réformer le code minier. Hier, en conseil des ministres, j’ai évoqué avec Mme la garde des Sceaux la possibilité d’y inclure des infractions nouvelles ; nos cabinets respectifs ont encore quelques différences quant à leur définition mais nous avançons.

J’ajoute que, en Guyane, nous avons un différend avec le conseil régional, lequel a introduit, avant notre arrivée au pouvoir, un recours visant à contester le schéma départemental de l’organisation minière (SDOM) élaboré par l’ancienne majorité en raison d’une concertation insuffisante. Nous aviserons mais, comme le président de la République s’y est engagé lors d’un déplacement en Guyane, une remise en cause est possible. Je rappelle aussi que des associations contestent les arrêtés préfectoraux pour les permis exclusifs de recherches. Tous ces éléments permettront d’alimenter la réflexion sur la réforme du code minier.

S’agissant de l’accord de Nagoya et du protocole APA, un problème de droit constitutionnel se pose puisque nous ne reconnaissons pas les communautés traditionnelles et les peuples premiers – d’où la difficulté que nous rencontrons pour ratifier la convention de l’Organisation internationale du travail (OIT). Sur le fond, le Gouvernement est d’accord mais nous devrons trouver une solution.

Je remercie M. Lesterlin de ses propos. J’en suis convaincu, si nous parvenons à mettre en œuvre de bonnes réformes rapidement, cela constituera un bon signal pour les outre-mer. Oui, aller vite et, je l’espère, faire bien constitue un bon signal. Merci d’avoir dit que l’on ne devait pas reculer d’un cheveu s’agissant du financement du logement social et que toute nouvelle solution doit tenir compte de l’urgence des besoins, de leur ampleur et de la nécessité de répondre aux attentes de nos compatriotes.

En ce qui concerne la jeunesse, nous pouvons en effet « changer de braquet ». J’ai fait du SMA une priorité, mais nous avons besoin de crédits supplémentaires même si nous avons veillé à ce qu’il soit doté au mieux. Il serait de bonne politique, même si cela coûterait cher, de le généraliser dans l’Hexagone. Certes, les établissements publics d’insertion de la défense (EPIDe) peuvent avoir leur utilité, mais le SMA, en ce qu’il permet aux jeunes d’acquérir un savoir-être et un savoir-faire, est formidable. J’ai vu le groupement SMA de Mayotte, je sais ce qui se fera demain dans celui de Saint-Martin. Avec un taux de 75 % à 76 % d’insertion, les jeunes qui sortent de cette structure sont très sollicités par les entreprises en raison des métiers et des valeurs qu’ils y apprennent.

Sans doute serait-il en effet utile de mieux articuler le service civique et les emplois d’avenir mais ce ne sont peut-être pas les mêmes segments ni les mêmes publics qui sont concernés. De plus, un problème de compatibilité et de concurrence peut se poser pour avoir insuffisamment pensé leur cohabitation.

M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, M. le président Urvoas et moi-même vous remercions très chaleureusement de vous être prêté sans restriction à cet exercice et d’avoir su répondre avec pédagogie.

Nous vous inviterons à revenir dans le cadre d’un certain nombre de chantiers que nous avons ouverts, notamment sur les différences de prix de l’électricité. Comme je m’y étais engagé, nous constituerons un groupe de travail. J’ai affirmé en conclusion de la commission mixte paritaire de ce matin que la commission des Affaires économiques installerait dans six mois une mission de contrôle et d’évaluation de l’application de la loi. En effet, ce texte qui sera probablement adopté à l’unanimité, introduit un certain nombre de dispositions dont il ne prévoit pas la sanction en cas de non-respect. Il conviendra donc peut-être d’y remédier.

Suivant l’avis favorable de son rapporteur pour avis, la commission des affaires économiques émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « outre-mer ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Délégation générale à l’outre-mer (DéGéOM) 

– M. Vincent Bouvier, préfet, délégué général à l’outre-mer

Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

– M. Pierre-Marie Abadie, directeur de l’énergie

– M. Antoine Pellion, chef du bureau de la production électrique

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)

– M. Jacques Ravaillaut, directeur de l’action territoriale

– M. Guy Fabre, directeur de l’action régionale sud

Électricité de France (EDF)

– M. Bernard Mahiou, directeur finances et développement, direction des systèmes énergétiques insulaires

– M. Gérard Trouvé, directeur des affaires publiques

Syndicat des énergies renouvelables (SER)

– M. Jean-Louis Bal, président

– M. Jérôme Billerey, président de la commission outre-mer

– M. Alexandre de Montesquiou, conseiller

Fédération des entreprises d’outre-mer (FEDEM)

– M. Jean-Pierre Philibert, président

– M. Alain Viennay, délégué général

– Mme Samia Badat Karam, directrice des affaires publiques

© Assemblée nationale

1 () loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer

2 () Rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, sous la direction de M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances, juin 2011

3 () Le dispositif applicable à Mayotte sera modifié dès son accession au statut de région ultrapériphérique (RUP) de l’Union européenne

4 () Il n’existe pas d’action 5

5 () loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer

6 () Rapport n° 245 de Mme Ericka Bareigts sur le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer déposé le 3 octobre 2012

7 () À ce titre, la Guyane pourrait faire exception, dans la mesure où un permis exclusif de recherches a été délivré. En effet, un consortium mené par Shell a annoncé avoir détecté un possible vaste champ pétrolifère au large des côtes guyanaises

8 () Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA)

9 () L’appel d’offres lancé le 11 juillet 2011 pour l’éolien offshore pour 3000 MW ne concerne pas l’outre-mer. Il est envisagé de lancer un appel d’offres offshore pour l’outre-mer, une fois que la technologie des éoliennes anticycloniques sera bien au point

10 () Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dit Grenelle II 

11 ()  Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral et loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne

12 () Le Conseil d’État a en cela confirmé la jurisprudence de la cour administrative d’appel de Nantes : arrêt du 28 janvier 2011

13 () L’ancienne Direction de la construction navale, transformée en société anonyme puis devenue DCNS suite à la fusion avec Thalès en 2007