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N
° 254

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2013 (n° 235),

TOME I

ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT

Action de la France en Europe et dans le monde

Français à l’étranger et affaires consulaires

PAR M. Philippe BAUMEL

Député

——

Voir le numéro 251 (annexe n° 1).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. LA DIPLOMATIE GÉNÉRALE (PROGRAMME 105) : UNE AUGMENTATION SIGNIFICATIVE DES MOYENS AU REGARD DU CONTEXTE BUDGÉTAIRE 7

A. Une augmentation des crédits inscrite dans une tendance de moyen terme 7

B. L’ajustement obligatoire des principales dotations 9

1. Les dépenses obligatoires : les contributions internationales 9

2. Les dépenses de personnel 11

C. La contribution du programme à l’effort global de maîtrise des dépenses de l’État 13

1. Le fonctionnement de l’administration centrale 14

2. Les crédits de coopération de sécurité et de défense 14

3. Les charges immobilières 14

4. Les autres dépenses 15

D. Des priorités financées, notamment la sécurité des ambassades 15

E. La poursuite de l’adaptation du réseau 16

1. L’amélioration de la gestion 16

2. L’évolution du réseau 16

3. Le développement des colocalisations avec nos partenaires européens 16

II. LE RÉSEAU CONSULAIRE (PROGRAMME 151) : DES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC PRÉSERVÉES 19

A. L’augmentation des dépenses de personnel 19

B. Une offre de service public globalement maintenue 20

C. La poursuite de la modernisation du service 20

1. Le déploiement des visas biométriques 21

2. L’externalisation partielle de la gestion des visas 21

3. Le regroupement de l’activité « visa » dans certains postes 21

4. La mutualisation avec les partenaires européens 22

D. Les aides à la scolarité : vers une réforme des bourses 22

1. La suppression de la prise en charge des frais de scolarité des lycéens de nationalité française 22

2. Des moyens supplémentaires pour les bourses sur critères sociaux 24

3. La perspective d’une réforme des aides à la scolarité 24

EXAMEN EN COMMISSION 27

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La mission « Action extérieure de l’État » est dotée, dans le projet de loi de finances pour 2013, de 2,97 milliards d’euros. Cette mission comportera en 2013 trois programmes :

– le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » ;

– le programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires » ;

– le programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence ».

Le programme provisoire 332 « Présidence française du G8-G20 », qui existait en 2011 et 2012, est en effet supprimé pour 2013 – il était doté de 20 millions d’euros en 2012.

On doit signaler par ailleurs que le budget du ministère des affaires étrangères au sens large intègre le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement », ce qui le porte alors à près de 5 milliards d’euros.

S’agissant de la seule mission « Action extérieure de l’État », la programmation budgétaire (1) décidée par le Gouvernement précédent fixait à 2,89 milliards d’euros, pour 2013, le plafond de ses crédits de paiement. Le projet de budget qui nous est soumis propose finalement un total de 2,97 milliards d’euros pour ces crédits, conformément au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (2) déposé par le nouveau Gouvernement. On doit se féliciter de ce relèvement des moyens accordés à l’action extérieure de notre pays.

Le budget proposé pour celle-ci en 2013 prend en compte deux contraintes : tout d’abord, la nécessité de redresser les finances publiques, le ministère des affaires étrangères participant à l’effort général d’économie demandé sur les dépenses non prioritaires ; ensuite, la nécessité – propre à ce ministère – de couvrir des charges largement obligatoires et cependant assez difficiles à prévoir.

En effet, le budget de la mission « Action extérieure de l’État » est constitué par des dépenses de personnel, par nature peu flexibles à court terme, à hauteur de 30 %, voire 45 % si on y ajoute les subventions pour charges de service public aux opérateurs de l’État, qui correspondent essentiellement à des dépenses de même nature. Par ailleurs, les contributions aux organisations internationales et opérations de maintien de la paix de l’ONU, qui résultent d’engagements internationaux, représentent une autre fraction de 30 % de ce budget, dont les trois quarts correspondent donc à des dépenses sur lesquelles les choix budgétaires ont peu de prise à court terme.

De plus, le montant de ces dépenses « obligatoires » comporte une large part d’incertitude, du fait notamment des variations de taux de change qui se répercutent immédiatement sur le montant en euros des contributions internationales libellées dans d’autres devises et sur les rémunérations de nos diplomates expatriés.

Dans ce contexte budgétaire difficile, le projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2013 parvient toutefois, ce qui doit être salué, à financer quelques priorités, notamment le renforcement de la sécurité de nos ambassades, et à maintenir globalement les moyens de notre diplomatie.

Nous devons être conscients que l’influence de la France repose en grande partie sur l’efficacité et les moyens de sa diplomatie : pour peser dans les enceintes internationales, pour y exercer un leadership, il ne suffit pas de vouloir, il faut disposer d’analyses de qualité et être en mesure de formaliser rapidement des initiatives pertinentes ; cela demande des moyens, principalement humains.

Votre rapporteur rappelle enfin que le présent avis ne porte que sur les programmes 105 et 151 de la mission « Action extérieure de l’État », le programme 185 relevant du rapport que présente M. François Loncle.

I. LA DIPLOMATIE GÉNÉRALE (PROGRAMME 105) : UNE AUGMENTATION SIGNIFICATIVE DES MOYENS AU REGARD DU CONTEXTE BUDGÉTAIRE

Le programme 105 est en quelque sorte le programme « généraliste » du ministère des affaires étrangères : il réunit l’ensemble de ses moyens autres que ceux destinés aux affaires consulaires, à la coopération scientifique, technique et culturelle et à l’aide publique au développement. Ces moyens représentent près d’un tiers des crédits (aide publique au développement comprise) et plus de la moitié des emplois du ministère.

Ils sont pour l’essentiel consacrés :

– au fonctionnement du réseau diplomatique, constitué notamment de 163 ambassades bilatérales, 16 représentations permanentes et 4 antennes diplomatiques ;

– aux contributions que la France verse à 72 organisations internationales, au titre des opérations de maintien de la paix de l’ONU et de divers instruments internationaux (110 contributions au total) ;

– au fonctionnement de l’administration centrale du ministère, ainsi qu’à la coopération de sécurité et de défense et au centre de crise.

A. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS INSCRITE DANS UNE TENDANCE DE MOYEN TERME

Les crédits de paiement proposés pour 2013 au titre du programme 105 s’élèvent à 1,866 milliard d’euros, en hausse de 4,6 %, soit 82 millions d’euros, sur le projet de loi de finances initiale pour 2012. Quant aux autorisations d’engagement, elles s’élèvent à 1,857 milliard d’euros, en hausse de 4,2 %.

Ces évolutions gagnent à être placées dans une perspective de moyen terme. Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous :

– les crédits du programme 105 ont connu une croissance régulière jusqu’en 2011, sans cependant que les dotations de loi de finances initiale ne soient jamais suffisantes ; plusieurs exercices consécutifs, il a fallu les compléter en cours d’exécution, souvent à hauteur d’une centaine de millions d’euros ;

– l’exercice 2012 a marqué une rupture, avec une baisse des crédits du programme ;

– le retour, avec le présent projet de loi de finances, à une augmentation des dotations du programme s’inscrit dans une tendance forte de moyen terme.

Évolution des crédits du programme 105 en loi de finances initiale et en exécution

En millions d’euros

Les tendances de moyen terme que l’on voit sur ce graphique ont été commentées dans les rapports de la commission des finances sur les lois de règlement du budget successives. Ces commentaires mettent en lumière l’insuffisance chronique des dotations de loi de finances initiale jusqu’en 2011, le poids de dépenses obligatoires en augmentation et les difficultés de gestion qui en résultent pour le ministère des affaires étrangères.

Dans le rapport sur la loi de règlement du budget 2010, M. Jean François Mancel relevait ainsi : « l’écart entre les prévisions de la loi de finances initiale et l’exécution a tendance à s’accroître depuis 2008 (…). Les crédits de rémunérations sont insuffisants (…) et des abondements ont dû intervenir en gestion, les dépenses de contributions internationales obligatoires et d’opérations de maintien de la paix ont une nouvelle fois excédé les moyens ouverts par la loi de finances initiale (…). Cette situation s’explique largement par la part croissante des dépenses obligatoires et inéluctables au sein du budget du ministère (…). Les insuffisances de dotations en loi de finances initiale s’expliquent également par le caractère non réaliste du taux de change euro/dollar retenu pour la programmation triennale 2008-2011 ».

Dans le rapport sur la loi de règlement de 2011, M. Christian Eckert, après avoir constaté pour cet exercice une meilleure adéquation des crédits initiaux pour cet exercice, renvoyait aux observations de la Cour des comptes : « à périmètre constant, la dotation hors frais de rémunérations [du ministère des affaires étrangères] a augmenté de 5 %, ce qui conduit la Cour des comptes à relever que "le budget de la mission ne s’inscrit pas dans la norme de dépenses de l’État". La Cour salue toutefois les efforts du ministère qui, dans un exercice contraint, "sait redéployer ses crédits pour faire face à des dépenses imprévisibles (…) souvent au détriment de postes essentiels pour le cœur de sa mission, en particulier l’entretien et la maintenance de son parc immobilier à l’étranger" ».

Le projet de budget pour 2013 doit être analysé en gardant à l’esprit ces observations sur le poids de dépenses obligatoires difficilement maîtrisables et parfois en forte augmentation.

Les crédits proposés pour le programme 105 en 2013 sont ainsi largement contraints par des facteurs exogènes. Cependant, l’évolution de certaines dotations rend aussi compte, pour les unes de la nécessité de maîtriser les dépenses publiques, pour d’autres de la capacité du ministère à dégager pourtant, malgré ce contexte, des priorités.

B. L’AJUSTEMENT OBLIGATOIRE DES PRINCIPALES DOTATIONS

1. Les dépenses obligatoires : les contributions internationales

Les contributions aux organisations internationales, européennes et aux opérations de maintien de la paix – qui représentent plus de 70 % des crédits du programme 105 hors dépenses de personnel – passent de 840,9 millions d’euros en loi de finances pour 2012 à 883,5 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances. Ces contributions, étant définies par nos engagements internationaux, présentent généralement le caractère de dépenses obligatoires.

Cette augmentation est liée pour l’essentiel (37 millions d’euros) à la dépréciation relative de l’euro, plus des trois quarts du montant global de ces contributions étant libellé en devises. Les taux de change prévisionnels sur lesquels est bâti le budget 2013 sont de 1,32 dollar pour un euro, contre 1,40 pour le budget 2012, et de 1,43 franc suisse pour un euro. La révision du taux de change prévisionnel euro/dollar qui a été effectuée entraîne mécaniquement une revalorisation des montants inscrits en loi de finances, qui sont naturellement libellés en euros.

Hors effet de change, l’hypothèse retenue pour déterminer les contributions aux organisations internationales est celle d’une stabilisation en valeur de leurs budgets ordinaires sur la période triennale 2013-2015 ; le souci de maîtriser les budgets étant désormais commun dans ces organisations, il s’agit d’un objectif réaliste.

Par ailleurs, le Gouvernement espère obtenir d’ici fin 2012 une réduction de la quotepart française dans le financement de l’ONU. Actuellement (période 2010-2012), le France couvre 6,123 % du budget de l’organisation, fraction calculée à partir du revenu national brut mondial des différents pays avec diverses corrections ; cette clef de répartition est également valable pour la plupart des autres organisations « onusiennes » (UNESCO, OIT et OMS notamment) et détermine indirectement les quoteparts dans le financement des opérations de maintien de la paix (ces quoteparts étant majorées pour les membres du Conseil de sécurité, celle de la France s’élève en conséquence à 7,55 %). Dans sa résolution 64/248, l’Assemblée générale des Nations Unies a estimé qu’une méthode actualisée de répartition des quoteparts doit être adoptée avant la fin de l’année 2012 et prendre effet pour la période 2013-2015. Si les négociations n’aboutissent pas à une nouvelle méthodologie, l’actualisation du calcul selon la méthode appliquée pour 2010-2012 pourrait donner, pour 2013-2015, une participation française réduite à environ 5,6 %, ce qui représenterait, sur la seule contribution à l’ONU, une économie annuelle d’une dizaine de millions d’euros.

Quelques contributions sont d’ores et déjà revues à la baisse, pour un total d’économies de 13 millions d’euros, soit suite à des négociations, soit du fait de l’extinction en cours de certaines organisations : il en est ainsi de celles à l’Organisation du traité d’interdiction complète des essais nucléaires (OTIS) et aux tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda.

Le projet annuel de performances de la mission « Action extérieure de l’État » (le « bleu ») reconnaît toutefois les limites des prévisions budgétaires qu’il comprend : « le montant effectif des versements à opérer au titre des opérations de maintien de la paix de l’ONU et des contributions internationales risque néanmoins de différer du montant estimé lors de la préparation du projet de loi de finances, dans la mesure où plusieurs facteurs peuvent venir modifier leur coût en cours de gestion :

« – l’évolution de la situation internationale, notamment l’apparition de foyers de tension, peut amener le Conseil de sécurité des Nations unies à créer ou à étendre des opérations de maintien de la paix. Les budgets des OMP sont adoptés en juin de l’année pour une période couvrant la période juillet n – juin n+1. Ils sont susceptibles d’être modifiés en cours d’année, en cas de développements imprévus ;

« – les budgets des organisations peuvent également évoluer, indépendamment de notre volonté d’État membre, notamment pour prendre en compte des dépenses non budgétées initialement ou plus importantes que prévues.

« Le budget d’un certain nombre d’organisations ne sera voté que dans le courant du second semestre 2012. Le projet de loi de finances ne peut donc s’appuyer que sur une estimation la plus rigoureuse possible. De plus, dès janvier 2013, une modification des barèmes des quotes-parts à l’ONU dues par les États membres pourrait avoir une incidence sur le montant des appels à payer par la France ».

On observera en outre que depuis mai 2012, le taux de change effectif euro/dollar s’est toujours établi sous le niveau prévisionnel de 1,32 retenu dans le projet de budget, descendant même jusqu’à 1,21 dollar pour un euro au cœur de l’été, dans le contexte de la crise de la zone euro, avant de remonter aux alentours de 1,29. Quant au taux de change effectif avec le franc suisse, il a constamment été inférieur à 1,43 franc suisse pour un euro (taux retenu pour le projet de budget) depuis mai 2010 et est en ce mois d’octobre 2012 proche de 1,21.

Sous ces réserves, les principales contributions à des organisations internationales seraient les suivantes en 2013 :

– Organisation des nations unies (ONU) : 116,2 millions d’euros ;

– Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) : 33,3 millions d’euros ;

– Organisation mondiale de la santé (OMS) : 23,4 millions d’euros ;

– Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : 21,5 millions d’euros ;

– Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) : 16,6 millions d’euros ;

– Organisation internationale du travail (OIT) : 15,5 millions d’euros ;

– Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) : 15,4 millions d’euros ;

– Organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) : 12,4 millions d’euros.

S’agissant des opérations de maintien de la paix, les crédits prévisionnels s’élèvent à plus de 441 millions d’euros, contre 398 millions en 2012, soit 10,8 % d’augmentation. Outre l’effet de change, cela tient également à la création d’une nouvelle opération dans le Soudan du sud en 2012. Les trois plus grosses dotations iraient en 2013 aux missions au Darfour (90 millions d’euros), en République démocratique du Congo (82 millions d’euros) et au Soudan du Sud (60 millions d’euros).

2. Les dépenses de personnel

L’effectif budgétaire (plafond d’emplois) rattaché au programme 105 diminuera, de 2012 à 2013, de 67, passant de 8 235 à 8 168 (- 0,8 %), au titre du « schéma d’emplois ».

Pour l’ensemble du ministère, sur la période triennale 2013-2015, l’objectif est de 600 suppressions d’emplois, soit un effort de réduction d’environ 1,3 % par an. Il est à noter que de 2007 à 2012, les effectifs du ministère auront diminué de près de 1 500 postes, soit de près de 9 % (contre 14 % pour l’ensemble des effectifs civils de l’État).

Les dépenses de personnel (titre 2 au sens de la nomenclature budgétaire) inscrites sur le programme 105 augmentent de 5,9 %, à près de 588 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2013.

Sur ce total, la contribution au compte d’affectation spéciale « pensions » (versée par chaque administration en tant que cotisation « employeur » pour les pensions de ses agents) passerait, de la loi de finances initiale 2012 au projet pour 2013, de 98,7 millions d’euros à 105,8 millions. Cette évolution traduit l’augmentation des taux de contribution annoncée pour 2013 par une circulaire du 29 août 2012 (+ 8,3 % pour les pensions civiles et + 3,7 % pour les pensions militaires).

Pour les autres crédits de personnel, on passerait de 456,4 millions d’euros à 481,8 millions. Cette forte augmentation ne s’explique pas par des mesures d’emploi ou des mesures salariales, l’incidence de celles-ci étant faible selon le « bleu » :

– l’impact du « schéma d’emplois » pour 2013 (réductions d’effectifs) ne serait que de 2 millions d’euros en moindres dépenses ;

– celui des mesures catégorielles est chiffré à 1,2 million d’euros de dépenses supplémentaires ;

– celui des mesures pour les bas salaires, au bénéfice principalement des agents de droit local, serait de 1,8 million d’euros.

L’incidence du « glissement vieillesse technicité » (GVT), qui rend compte essentiellement des évolutions indiciaires liées à l’ancienneté, n’est de même évaluée qu’à 0,7 million d’euros.

En fait, l’évolution des crédits de rémunérations qui est proposée est justifiée principalement par un « rebasage », à hauteur de 32,5 millions d’euros, consécutifs aux décalages constatés au cours de l’exécution des budgets précédents. Ce rebasage rend surtout compte de l’effet « change-prix », qui se répercute sur les indemnités de résidence à l’étranger (IRE) des agents expatriés et sur les rémunérations des personnels de droit local, qui tiennent compte des variations de change et des différentiels d’inflation. Il faut savoir que ce type de rebasage se fait a posteriori : le budget d’une année étant construit à partir de l’exécution de l’année n-2, toutes les variations de change et de prix intervenant durant les années n-1 et n ne sont pas budgétées ; en l’espèce, le projet de budget pour 2013 est basé sur les dépenses effectives de 2011, indépendamment de ce qui a pu se passer depuis. Cela signifie que, par construction, l’adaptation de la masse de crédits finalement budgétée aux besoins n’est pas garantie. Pour information, le surcoût pour 2012 de la couverture « change-prix » par rapport à la loi de finances initiale pour cet exercice (basée sur les résultats d’exécution de 2010) est maintenant estimé à 31,3 millions d’euros (pour l’ensemble du ministère).

Compte tenu de ce rebasage pour 2013, on constate naturellement une augmentation importante du coût annuel moyen prévisionnel par emploi, comme on le voit sur le tableau ci-après : selon les catégories d’emplois, l’évolution de 2012 à 2013 varie entre 3,3 % et 9,8 %.

Cela dit, on peut remarquer sur ce tableau que, sur quelques années, les évolutions de ces coûts moyens ne sont pas nécessairement à la hausse et sont souvent erratiques (parfois même très erratiques). Sur cinq ans (2008-2013), la croissance annuelle moyenne de ces coûts (dernière colonne du tableau ci-après) ressort modérée, surtout pour les agents titulaires du réseau, dont le coût est le plus élevé : en moyenne + 1,1 % par an. Elle est plus vive pour d’autres catégories d’emplois, notamment les agents de droit local (+ 5,4 % par an), dont les rémunérations restent faibles.

En 2013, des mesures spécifiques pour les bas salaires bénéficieront à ces agents de droit local, dont la norme d’évolution de la masse salariale a été relevée à 3,5 % par an pour 2013-2015, contre 2,5 % dans la programmation triennale précédente.

Coût moyen annuel par catégorie d’emploi pour le programme 105

(hors prestations sociales, allocations diverses et contribution aux pensions)

(en euros)

 

LFI 2008

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2012

PLF 2013

2013/2012 (en %)

Évol. moyenne annuelle 2013/2008
(en %)

Titulaires et CDI : admin. centrale

43 239

45 598

45 179

45 613

45 735

48 380

5,8

2,3

Titulaires et CDI : réseau

115 535

115 357

107 932

110 301

118 309

122 190

3,3

1,1

CDD et volontaires internationaux

44 490

48 560

76 966

77 901

57 394

63 020

9,8

7,2

Militaires

87 310

89 293

95 572

101 716

101 538

106 807

5,2

4,1

Agents de droit local

14 706

15 362

17 774

18 383

18 092

19 151

5,9

5,4

Source : projets annuels de performance (« bleus »).

C. LA CONTRIBUTION DU PROGRAMME À L’EFFORT GLOBAL DE MAÎTRISE DES DÉPENSES DE L’ÉTAT

On rappelle que le cadrage budgétaire décidé par le Gouvernement pour la période 2013-2015 comprend une diminution de 7 % des dépenses de fonctionnement en 2013 par rapport à 2012 (puis 4 % sur chacun des deux exercices suivants, pour aboutir globalement à une baisse de 15 %). Un effort équivalent doit être appliqué aux dépenses d’intervention dites « pilotables » (subventions discrétionnaires).

1. Le fonctionnement de l’administration centrale

Si on en retire une dotation, non reconductible, de 7 millions d’euros destinée au financement du prochain sommet France-Afrique (qui se tient tous les trois ans), les crédits dits de « coordination de l’action diplomatique », c’est-à-dire de fonctionnement de l’administration centrale du ministère, seront réduits de 6,2 % par rapport à 2012 pour s’élever à 20,3 millions d’euros en 2013. Parmi ces crédits, ceux « d’état-major », qui couvrent les déplacements ministériels et les frais de l’hôtel du ministre, s’établiront à 8,47 millions d’euros, en baisse de 5,4 %. Les crédits de communication, de protocole (accueil de personnalités, conférences) et du centre de crise diminueront de 5 % à 7 %.

2. Les crédits de coopération de sécurité et de défense

Une réduction de 7 % sera également appliquée aux moyens affectés à la coopération de sécurité et de défense, prévus à hauteur de 32 millions d’euros en 2013. Le ministère devrait privilégier les projets relatifs aux grands enjeux sécuritaires (terrorisme, trafics, insécurité maritime…), ceux qui relèvent de l’influence (conseil de haut niveau, formation) et le soutien aux exportations. La priorité restera donnée aux actions de formation des élites et des cadres militaires, avec presque 22 millions d’euros en 2013, contre 23,8 millions en 2012 certes, mais 20,4 millions d’euros en 2011.

3. Les charges immobilières

Des économies seront enfin effectuées sur les coûts immobiliers, ceux imputés sur le programme 105 étant en baisse de 1 % en France, à 50,7 millions d’euros en crédits de paiement, et de 3,1 % dans le réseau, à 83,7 millions d’euros, grâce à la diminution du nombre des implantations.

Il convient cependant de rappeler qu’une grande partie des coûts immobiliers – tous ceux correspondant à des acquisitions ou constructions, mais aussi à des réhabilitations et à de l’entretien lourd – ne sont pas imputés sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », mais sur ceux du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », qui a été créé dans le cadre de la loi de finances pour 2006 et est alimenté par le produit des cessions de biens immobiliers.

Le ministère des affaires étrangères prend pleinement sa part de l’effort de rationalisation des implantations immobilières de l’État : les cessions de biens immobiliers affectés à notre diplomatie (et localisés essentiellement à l’étranger) se sont élevées à plus de 38 millions d’euros en 2010 et à plus de 122 millions en 2011. D’après les prévisions, les cessions réalisées ou programmées sur 2012 et 2013 excéderaient la centaine de millions d’euros.

Le financement des opérations immobilières par les produits de cessions posera à terme problème, au moins pour ce qui est des dépenses d’entretien, qui ont un caractère récurrent, car le patrimoine public susceptible d’être vendu n’est pas indéfiniment extensible… Pour 2013, selon l’annexe du projet annuel de performance afférent à ce compte d’affectation spéciale, près de 67 millions d’euros d’autorisations d’engagement nouvelles pourraient être alloués au ministère des affaires étrangères au titre de ses acquisitions, constructions et gros travaux.

4. Les autres dépenses

Par ailleurs, le transfert au ministère des transports de la subvention à la desserte aérienne de Strasbourg conduit, pour le ministère des affaires étrangères, à une économie de constatation de 2,3 millions d’euros en 2013 par rapport à 2012.

En revanche, les autres moyens de fonctionnement de l’administration centrale (frais de mission, fonctionnement courant, formation et action sociale, valise diplomatique, entretien et maintenance) seront reconduits en euros courants.

D. DES PRIORITÉS FINANCÉES, NOTAMMENT LA SÉCURITÉ DES AMBASSADES

Plusieurs lignes de crédits seront privilégiées sur le programme 105 en 2013 :

– alors que les représentations diplomatiques sont de plus en plus souvent attaquées dans certaines régions du monde, les moyens consacrés à la sécurité passive des ambassades augmenteront de 6 millions d’euros, à 32,7 millions d’euros, soit + 22,7 % ;

 les crédits dédiés aux systèmes d’information et de communication seront augmentés de 6 %, après une baisse de 10 % au cours de la période 2010-2011 ; il s’agit notamment de déployer sur la période 2013-2015 un nouveau portail diplomatique interministériel ;

– le fonctionnement courant des ambassades bénéficiera de 73 millions d’euros, soit 2,1 % de hausse, afin de tenir compte de divers facteurs de coût exogènes (détérioration des conditions de sécurité, hausse du coût de l’énergie et des services, évolution du taux de change, coût du transport aérien…). S’agissant de la seule problématique des taux de change, depuis octobre 2011, période à laquelle ont été retenus ceux utilisés pour la préparation du budget, la dépréciation de l’euro face au dollar représente 11 % ; or, pour les postes à l’étranger, le ministère évalue le coût d’une appréciation du dollar de 5 points à environ 3 millions d’euros.

E. LA POURSUITE DE L’ADAPTATION DU RÉSEAU

La France, avec 163 ambassades, 16 représentations diplomatiques, 92 consulats généraux et consulats, dispose du troisième réseau diplomatique mondial, après les États-Unis et la Chine. Le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France de 2008 a préconisé d’en maintenir l’universalité, qui constitue un avantage comparatif de notre diplomatie

1. L’amélioration de la gestion

La mise en cohérence des réseaux, des moyens et des instruments des différents acteurs de l’action extérieure, administrations et opérateurs, est un objectif prioritaire du ministère. La mise en place des services communs de gestion (SCG) dans plus d’une centaine d’ambassades en 2011 contribue à l’harmonisation des pratiques administratives à l’étranger, s’agissant notamment de la politique des achats, de la politique immobilière de l’État à l’étranger ou de la gestion des agents.

Le ministère mesure, parmi ses indicateurs, les « gains relatifs aux actions d’achat » : il s’agit d’une estimation des économies réalisées dans la passation et la gestion des marchés grâce à une gestion centralisée et mieux contrôlée. Ces gains représenteraient environ 2 millions d’euros par an.

2. L’évolution du réseau

Le nombre d'ambassades a continué d'augmenter depuis 2008, du fait notamment de l’accession à la souveraineté de nouveaux États. Les dernières ouvertures d’ambassades (Podgorica, Pristina, Bichkek, enfin Djouba au Soudan du Sud indépendant depuis 2011) résultent de transformations de structures existantes (consulats généraux, bureaux ou antennes diplomatiques).

Par ailleurs, l’adaptation du réseau se traduit également par un effort significatif de redéploiement des effectifs et des moyens des zones de présence traditionnelle vers les zones géographiques prioritaires, notamment les pays émergents.

3. Le développement des colocalisations avec nos partenaires européens

Enfin, le mouvement de « colocalisation » avec nos partenaires européens se poursuit, les colocalisations étant le regroupement de services diplomatiques, consulaires ou culturels de différents pays dans un même bâtiment à l’étranger.

C’est avec l’Allemagne que les projets sont les plus nombreux :

– à Dacca, au Bangladesh, l’objectif est de regrouper sur un site unique les services des deux ambassades et de partager des services communs. Le permis de construire a été déposé en mai 2012 et les travaux pourraient commencer début 2013 pour une durée d’environ 18 mois ;

– de même, à Koweït-City, un projet de construction d’une ambassade en colocalisation sur deux terrains mitoyens a reçu l’aval des autorités locales en mai 2010 ; la livraison du bâtiment est envisagée pour 2014-2015 ;

– à Pyong-Yang, l’Allemagne devrait prochainement accueillir un bureau français de coopération dans les locaux de son ambassade en Corée du Nord ;

– à Brazzaville, des bureaux au sein de l’ambassade de France viennent d’être mis à disposition de l’Allemagne pour l’ouverture d’une antenne diplomatique au Congo.

S’y ajoutent de nombreuses colocalisations de services culturels.

Avec le Royaume-Uni, il existe actuellement une colocalisation à Freetown (Sierra Leone) où un agent de l’antenne diplomatique est hébergé dans les locaux de l’ambassade britannique.

À Rio de Janeiro, le consulat honoraire de Finlande est installé dans les locaux de la Maison de France depuis 2009.

À Conakry, l’ambassade de France accueille depuis fin 2011 un fonctionnaire belge des affaires étrangères.

II. LE RÉSEAU CONSULAIRE (PROGRAMME 151) : DES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC PRÉSERVÉES

Le programme 151 finance un réseau de 233 consulats généraux, consulats et sections consulaires dans le monde.

Les 357 millions d’euros qu’il est proposé d’y inscrire pour 2013 correspondent essentiellement au financement de services publics au bénéfice des quelque 2 millions de Français résidant à l’étranger (dont 1,6 million sont inscrits au registre mondial des Français établis hors de France), des Français qui se déplacent à l’étranger et enfin des étrangers qui demandent la délivrance d’un visa. Ses missions comprennent la protection consulaire, divers services administratifs (état civil, délivrance de documents d’identité, élections, visas…), l’aide sociale aux Français de l’étranger les plus démunis, la coopération en matière d’adoption internationale. Chaque année, 190 000 passeports, 90 000 cartes nationales d’identité et plus de 2 millions de documents d’état civil sont établis ou délivrés à l’étranger. 2,2 millions de visas ont été demandés en 2011.

Le programme 151 comprend aussi les crédits de fonctionnement de l’Assemblée des Français de l’étranger et finance les bourses des enfants français scolarisés dans le réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).

Les crédits proposés pour 2013 sur ce programme sont en diminution de 11,4 millions d’euros, soit 3,1 %, sur la dotation de la loi de finances initiale pour 2012. Pour l’essentiel, cette évolution résulte d’une part d’économies de constatation, d’autre part de la décision de mettre fin à la prise en charge des frais de scolarité des élèves français des lycées français à l’étranger.

A. L’AUGMENTATION DES DÉPENSES DE PERSONNEL

L’effectif budgétaire (plafond d’emplois) afférent au programme 151 est proposé en augmentation en 2013 : il passerait de 3 361 à 3 390 (+ 0,9 %).

Les crédits de personnel devraient passer de 200,5 millions d’euros en 2012 à 212,5 millions, soit 6 % de hausse. Ceci n’est pas lié à l’augmentation du plafond d’emplois : celle-ci n’aura pas d’incidence financière significative en 2013, où les réductions d’effectifs antérieures (2012) entraîneront même une moindre dépense de 0,2 million d’euros.

La hausse des crédits de personnel du programme 151 s’explique en fait par les mêmes facteurs que celle des crédits du programme 105 : un « rebasage » de 12 millions d’euros lié principalement à l’effet « change-prix » et l’augmentation des taux de contribution au titre des pensions. L’incidence des autres mesures et évolutions spontanées est limitée : 1,2 million d’euros de charges supplémentaires pour le financement de mesures catégorielles ; 0,7 million supplémentaires pour le financement de mesures pour les bas salaires ; 0,3 million supplémentaires au titre du GVT.

B. UNE OFFRE DE SERVICE PUBLIC GLOBALEMENT MAINTENUE

Les moyens de fonctionnement permettant d’offrir aux Français de l’étranger et aux étrangers désireux de venir en France un service public de qualité sont globalement préservés, ce qui est à noter dans le contexte budgétaire présent, mais se justifie par la nécessité de répondre à une demande de prestations qui ne peut que s’accroître parallèlement à l’accroissement de la mobilité des personnes. C’est ainsi, outre l’augmentation des emplois mentionnée supra, que :

– les moyens de fonctionnement (hors personnel) des services devraient augmenter de 3,5 %, à 7,43 millions d’euros ;

 ceux de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) devraient être légèrement diminués (- 0,6 %), à 3,39 millions d’euros ;

– un effort sera fait sur les moyens de « téléadministration » (+ 0,35 million d’euros), pour accélérer la dématérialisation des services rendus.

Par ailleurs, les crédits d’aide sociale en faveur des Français de l’étranger seront stabilisés à leur niveau de 2012, soit 19,8 millions d’euros.

On note enfin une économie de constatation : 2012 étant une année d’élections nationales, 10,68 millions d’euros étaient prévus dans le budget pour leur financement en ce qui concerne les expatriés. En 2013, il est proposé d’inscrire seulement 2,18 millions d’euros pour la rubrique « élections », au titre des élections à l’AFE.

C. LA POURSUITE DE LA MODERNISATION DU SERVICE

Même si le réseau consulaire, devant faire face à la demande de prestations de service public qui lui est adressée, est largement exonéré de participer à l’effort de maîtrise des dépenses publiques, le ministère affiche toutefois son intention de réduire significativement, sur la période 2013-2015, certaines dotations : il en serait ainsi des dépenses de fonctionnement de l’Assemblée des Français de l’étranger (- 20 % sur trois ans), des crédits dédiés à l’entretien des cimetières civils français à l’étranger (- 13 %) ou de la dotation du Service central de l’état-civil (- 7 %).

Plusieurs modifications des implantations sont à noter en 2011 : la fermeture des consulats généraux à Anvers et Liège ; la transformation du consulat à Luxembourg en section consulaire d’ambassade ; la transformation du consulat à Cotonou (Bénin) en section consulaire d’ambassade ; la transformation du consulat général à Djibouti en section consulaire d’ambassade.

Plus généralement, ce réseau continue sa modernisation, notamment pour ce qui concerne sa principale activité « de flux », la gestion de plus de deux millions de demandes de visa par an.

1. Le déploiement des visas biométriques

La France délivre des visas biométriques dans 173 points sur les 193 que compte son réseau. La biométrie doit être introduite dans 3 postes supplémentaires durant ce mois d’octobre 2012. Le déploiement progressif du Visa information system (VIS) conduira à terme à une délivrance de visas biométriques généralisée à l’ensemble du réseau consulaire « Schengen ».

Le recueil des données biométriques s’effectue soit directement auprès du service des visas, soit, à titre expérimental depuis 2011, auprès d’un prestataire à Alger, Londres et Istanbul. Cette externalisation se poursuivra et sera étendue si cette expérimentation recueille un avis favorable de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). La décision est attendue avant la fin de l’année 2012.

2. L’externalisation partielle de la gestion des visas

Plus de soixante consulats ont externalisé tout ou partie des tâches administratives liées à la délivrance des visas (la mission régalienne d’attribuer ou non un visa restant naturellement de la seule compétence des services consulaires) : une trentaine ont externalisé la seule gestion des rendez-vous ; une autre trentaine ont également externalisé la collecte des dossiers. L’externalisation des postes délivrant plus de 10 000 visas par an a été privilégiée. La plupart des postes soumis à une forte demande ont aujourd’hui externalisé la collecte des dossiers, à l’exception de ceux du Maroc, d’Oran, d’Annaba et de Dakar. Les tâches confiées aux prestataires comprennent notamment la gestion des flux de demandeurs, leur accueil, la vérification de la présence des pièces justificatives, la collecte des frais de dossiers et, dans plus d’une vingtaine de postes, la saisie informatique des données concernant l’état civil des demandeurs.

Une expérimentation de délocalisation de la collecte des dossiers et du recueil de la biométrie par un prestataire est en cours à Izmir, où la France n’a pas de consulat. Des centres de collecte des dossiers sont également gérés par des prestataires à Ekaterinbourg et Shenyang, villes dans lesquelles les consulats français locaux ne sont pas habilités à délivrer des visas (ces dossiers sont traités respectivement à Moscou et Pékin).

3. Le regroupement de l’activité « visa » dans certains postes

En Europe, a été engagé un mouvement de regroupement de l’activité « visa » dans certains postes, désormais habilités à délivrer des visas en dehors du cadre de leur circonscription consulaire. Ce processus s’effectue principalement selon une logique nationale. Dans les pays où la France entretient plusieurs consulats, un seul est habilité à délivrer des visas sur passeports ordinaires : c’est le cas en Allemagne, en Espagne, en Grèce, en Italie, en Pologne, au Portugal et en Suisse. Certains postes ont également vu leurs compétences élargies, pour les visas, au-delà du pays accréditaire : ainsi de ceux de Vienne, compétent pour la Hongrie, la Slovaquie, la Slovénie et la République tchèque ; de Bruxelles, compétent pour les Pays-Bas et le Luxembourg ; de Skopje, compétent pour le Kosovo ; de Belgrade, compétent pour le Monténégro ; enfin de Stockholm, compétent pour l’Islande.

4. La mutualisation avec les partenaires européens

La mutualisation d’une partie de l’activité visa avec d’autres États « Schengen » se limite actuellement au partage de locaux confiés à un prestataire externalisé, dans vingt sites. Ainsi, douze de ces sites sont-ils partagés (entre autres) avec l’Italie, neuf avec l’Espagne et sept avec l’Allemagne.

D. LES AIDES À LA SCOLARITÉ : VERS UNE RÉFORME DES BOURSES

1. La suppression de la prise en charge des frais de scolarité des lycéens de nationalité française

Le nouveau Gouvernement a décidé de mettre fin à la prise en charge (« PEC ») des frais de scolarité des élèves français des lycées français à l’étranger. Cette décision a été actée par le Parlement à l’article 42 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 – lequel dispose également que « le Gouvernement remet au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2014, un rapport présentant les conséquences de la suppression de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger et sur les ajustements à apporter aux bourses sur critères sociaux ».

On le rappelle, la prise en charge financière par l’État – et ce sans condition de ressources – des « droits d’écolage » des élèves français scolarisés dans les établissements français à l’étranger avait été engagée en 2007, conformément aux engagements du président Nicolas Sarkozy. Mise en place à la rentrée scolaire 2007-2008, elle a d’abord concerné les élèves scolarisés en classe de terminale, puis a été étendue aux classes de première à la rentrée 2008-2009 et de seconde à la rentrée 2009-2010.

Très vite, cette mesure avait été vivement critiquée, y compris dans les rangs de la majorité d’alors (3). Les critiques portaient notamment sur son coût et son caractère injuste. Il n’est pas inutile de rappeler ces arguments, qui démontrent combien il était légitime de mettre fin à la PEC :

– même si l’enseignement public est gratuit en France, il n’était pas nécessairement juste de prendre en charge les frais de scolarité de familles certes françaises, mais résidant à l’étranger et donc ne contribuant que pas ou peu, par leurs impôts, au service public de l’Éducation nationale (à la différence des résidents) ;

– en tout état de cause, il existait avant et existe toujours des systèmes de bourse accessibles à l’étranger, sur critères de ressources ;

– il y avait d’évidents problèmes d’équité dans l’application d’une mesure ne profitant qu’à une petite minorité des élèves de nationalité française des établissements français à l’étranger (environ 8 000 sur 86 000) et compte tenu de la grande inégalité des frais de scolarité (et donc des prises en charge) selon les pays ;

– dans la mesure où les entreprises prévoient souvent une prise en charge des frais scolaires au bénéfice de leurs salariés expatriés, l’argent public, au lieu d’alléger les coûts des familles, s’est sans doute souvent substitué à des charges des entreprises ;

– sauf à ouvrir de nouveaux établissements ou de nouvelles classes, favoriser l’inscription des jeunes Français expatriés dans les lycées français a pu se faire aux dépens des possibilités d’y accueillir des jeunes locaux ou issus des autres communautés expatriées, nuisant ainsi à l’attractivité de l’enseignement français à l’étranger ;

– un éventuel problème de compatibilité avec le droit communautaire a été signalé (le principe de l’égalité de traitement entre citoyens communautaires ne permettant pas aux États membres de traiter différemment leurs nationaux et ceux de leurs partenaires européens) ;

– enfin et surtout, la PEC a constitué une mesure au coût élevé et en constante augmentation, la dépense étant passée (pour les établissements scolaires dits du « rythme nord » (4), c’est-à-dire la grande majorité) de 4,8 millions d’euros la première années (2007-2008) à 26 millions en 2009-2010 et 32 millions en 2010-2011, ce malgré des mesures de régulation prises au fil des ans, telles que le plafonnement général des frais pris en charge en fonction des tarifs appliqués en 2007-2008 ou 2008 ; la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des finances a même estimé que l’extension de la PEC à tous les niveaux d’enseignement – et non aux seuls lycées –, initialement prévue, aurait à terme représenté un coût annuel de 700 millions d’euros !

La suppression de la PEC dès la rentrée scolaire de septembre 2012 dans les établissements du « rythme nord » et début 2013 dans ceux du « rythme sud » permet de ne pas reconduire en 2013 la dotation de 31,9 millions d’euros inscrite à ce titre en loi de finances pour 2012.

2. Des moyens supplémentaires pour les bourses sur critères sociaux

Il est proposé d’inscrire en 2013 110,3 millions d’euros au titre du financement des bourses dans l’enseignement français à l’étranger, contre 93,6 millions en loi de finances pour 2012 (+ 17,8 %).

Cet effort conséquent s’inscrit dans la continuité d’une tendance de moyen terme. Les dépenses de bourses ont en effet connu en quelques années une évolution très forte : de 2007 à 2011, elles sont passées de 50,5 millions d’euros à 84 millions (+ 66 %). Si l’on analyse plus précisément les établissements du « rythme nord » (qui regroupent la grande majorité des élèves de l’enseignement français à l’étranger), on relève que de l’année scolaire 2007/2008 à l’année 2011/2012, le nombre de boursiers est passé de 19 000 à 23 000 (+ 21 %) et le montant moyen des bourses de 2 571 à 3 443 euros (+ 34 %) ; en conséquence, les deux effets se combinant, la dépense globale de bourses a augmenté de 62 % sur cette période pour ces établissements.

Cette évolution semble imputable à plusieurs facteurs cumulatifs :

– la politique de « vérité des coûts » dans l’enseignement français à l’étranger mise en œuvre à compter de l’année scolaire 2006/2007 a provoqué une augmentation sensible des frais de scolarité, donc potentiellement des difficultés des familles modestes ; la moyenne mondiale des frais de scolarité (dans les classes n’ouvrant pas droit à la PEC) a ainsi augmenté de 45 % sur la période 2007-2011 ;

– la crise économique a certainement joué ;

– l’instauration de la PEC a manifestement eu pour effet d’amener des familles qui ne le faisaient pas auparavant à solliciter des bourses, en particulier, quand la PEC a commencé à être restreinte : le plafonnement en 2011 des frais couverts par la PEC au niveau de 2007/2008 (mesure de régulation budgétaire qui a précédé la suppression de la PEC) a eu pour effet une augmentation de 17 % du nombre de boursiers dans les classes de lycée à la rentrée 2011/2012, contre une augmentation moyenne de 4 % dans les autres cycles (non concernés par la PEC). C’est là un autre effet pervers inflationniste de la PEC.

3. La perspective d’une réforme des aides à la scolarité

La suppression de la prise en charge des frais de scolarité dans les classes de lycée ne constitue que la première étape d’une réforme plus globale de des aides à la scolarité dans les établissements français à l’étranger, que le Gouvernement entend inscrire dans un objectif d’équité et de justice sociale.

Afin de laisser le temps nécessaire à la concertation, il est prévu que cette réforme n’entre en vigueur qu’à la rentrée de septembre 2013 dans les établissements du « rythme nord » et début 2014 dans ceux du « rythme sud ».

L’année 2013 constituera donc une période transitoire. De ce fait, des mesures d’accompagnement spécifiques ont été mises en place pour les familles qui connaîtraient des difficultés suite à la suppression de la PEC. Des instructions ont été adressées aux postes consulaires pour qu’ils identifient ces familles. En outre, l’AEFE a demandé :

– aux établissements en gestion directe d’accorder le cas échéant des facilités de paiement des droits de scolarité ;

– aux comités de gestion des établissements conventionnés d’être à l’écoute des familles et de faire remonter les éventuelles difficultés.

Au-delà, à partir de 2014, l’engagement d’un redéploiement intégral des moyens de la PEC, soit la dernière année une trentaine de millions d’euros, au bénéfice des bourses de l’enseignement français à l’étranger devra naturellement être respecté.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères a entendu, en commission élargie à l’ensemble des députés, M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, au cours de sa séance du mercredi 24 octobre 2012.

M. Jean Launay, président. Monsieur le ministre des affaires étrangères, je suis heureux de vous accueillir avec Élisabeth Guigou, présidente de la Commission des affaires étrangères et Patrick Bloche, président de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Gilles Carrez, président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, qui m’a demandé de présider cette séance à sa place.

Cette commission élargie est réunie pour vous entendre présenter les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.

M. Jérôme Lambert, rapporteur spécial. Le budget de l’action extérieure de l’État s’élèvera à 1 270 millions d’euros en 2013, ce qui représente une hausse de 2,3 % par rapport à 2012. Cependant, 184 postes seront supprimés tandis que 25 autres seront créés dans les consulats, postes qui seront autofinancés par la délivrance de visas.

Ce budget réaliste, qui s’inscrit dans l’effort de redressement des finances publiques, permettra de financer les priorités du ministère : les contributions internationales obligatoires, la préservation de l’enseignement du français à l’étranger, la stabilité des moyens alloués aux bourses et aux échanges scientifiques, ainsi que l’universalité du réseau diplomatique français dont la sécurité des postes les plus exposés continuera à être renforcée.

Ce budget s’inscrit à la suite de nombreuses années d’effort qui ont anticipé la RGPP, puisque le nombre d’agents du Quai d’Orsay a commencé à baisser dès 2006. En sept ans, ce ministère a perdu près de 1 500 emplois, soit 8,7 % de ses effectifs. C’est dire si, à la suite du changement de majorité, l’attente des fonctionnaires, ainsi que de ceux qui sont attentifs à la diplomatie française, est grande.

Monsieur le ministre, je vous poserai trois questions.

La première porte sur la répartition des moyens accordés à nos représentations diplomatiques.

La répartition des moyens financiers et humains entre nos représentations diplomatiques laisse parfois songeur. En analysant les effectifs de nos représentations par pays, je me suis rendu compte que la France compte des ambassades dites « au format d’exception » – ce sont les plus grandes – dans neuf pays différents. On ne s’étonnera pas de retrouver dans cette liste les États-Unis ou l’Allemagne. En revanche, on peut être plus surpris d’y compter des pays comme le Sénégal, le Maroc ou encore Madagascar.

Aucune trace, en revanche, de la Chine, de l’Inde, de la Russie, du Brésil, du Japon, de la Corée du Sud, qui sont les locomotives de la mondialisation et du développement du commerce international. Nos ambassades dans ces pays sont classées dans la deuxième catégorie, celle des Postes à missions élargies.

Ainsi, nos services disposent en Chine de 303 fonctionnaires et contractuels – ce qui n’est quand même pas rien –, soit 56 de moins qu’au Maroc, alors que notre pays importe 40 milliards d’euros de produits chinois par an, avec un déficit annuel de 30 milliards d’euros contre un commerce dix fois moindre avec le Maroc.

Et malgré nos 12 milliards d’euros d’importations russes – dont 6 milliards d’euros de déficit –, nous ne comptons que 222 agents dans ce pays contre 253 au Sénégal, pays avec lequel nous échangeons à peine quelques centaines de millions d’euros par an.

Dernier exemple : notre représentation en Corée du Sud ne compte que 51 personnes – agents de droit local compris – pour un commerce en pleine expansion, évalué à 6,4 milliards d’euros par an. Ce pays nous a déjà acheté des TGV, réceptionne en ce moment ses premiers Airbus A380 ; il produit sur son sol des hélicoptères sous licence d’Eurocopter, etc. En revanche, nos services diplomatiques disposent de quatre fois plus d’agents à Madagascar pour des échanges commerciaux qui ne sont évidemment pas comparables.

L’absolue nécessité de rééquilibrer le solde des échanges extérieurs de la France implique un redéploiement de nos moyens humains et matériels vers les marchés émergents et dynamiques, même si la proximité historique et culturelle avec des territoires qui étaient sous notre domination coloniale, ainsi peut-être que l’amicale pression de leurs dirigeants, rendent ce mouvement délicat, j’en conviens. Comptez-vous, monsieur le ministre, rééquilibrer la répartition des moyens de nos représentations ?

Ma deuxième question portera sur l’évolution des services fournis à nos compatriotes vivant dans l’étranger proche.

Les Français qui vivent à l’étranger sont de plus en plus nombreux : 1,6 million étaient officiellement inscrits dans nos consulats au 30 juin 2012, ce qui représente une augmentation de 6 % par rapport à 2011 ! C’est le signe d’une ouverture sur le monde et cela peut constituer une formidable opportunité pour l’ensemble de nos échanges, y compris économiques. En même temps, c’est aussi une charge pour nos consulats qui doivent leur fournir de nombreux services administratifs

Or, il faut savoir que les pays qui accueillent le plus grand nombre de nos compatriotes sont aussi nos voisins : la Suisse, la Belgique, le Royaume-Uni, l’Allemagne. C’est ainsi que j’ai appris que le consulat le plus important de notre réseau mondial était celui de Genève, où sont enregistrés 130 000 de nos concitoyens.

Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que pour certains de ces pays limitrophes, membres de l’espace Schengen et souvent francophones, votre ministère pourrait inciter nos compatriotes à s’adresser, pour les démarches les plus courantes, soit aux autorités locales, soit aux préfectures ou sous-préfectures les plus proches dans les départements limitrophes ? Pour reprendre l’exemple de Genève, la sous-préfecture de Saint-Julien-en-Genevois, dans le département de l’Ain, se trouve à seulement huit kilomètres du consulat ; les services préfectoraux de Lille ou de Valenciennes se trouvent à une heure de route de Bruxelles où sont immatriculés 110 000 Français. Je pourrais multiplier les exemples...

Réduire l’activité de ces consulats, si proches de nos frontières, permettrait de redéployer les personnels vers des pays plus éloignés et de mieux quadriller le territoire de certaines puissances émergentes où la présence consulaire française est encore trop éparse.

Ma dernière question portera sur la délivrance des visas.

Les touristes en provenance des pays émergents sont de plus en plus nombreux à vouloir voyager et c’est une chance pour notre pays qui est l’un des plus prisés sur le plan touristique. Ces flux de vacanciers représentent d’importantes rentrées de devises pour les transporteurs, les hôteliers et les restaurateurs.

Des visas sont demandés aux ressortissants de ces pays – je pense notamment à la Chine ou à la Russie, pays où la demande explose. À Moscou, par exemple, le consulat délivre près de 350 000 visas par an – 1 000 par jour – et la demande augmente de 20 % par an ; le cap des 400 000 pourrait être atteint cette année.

Des mesures ont été prises pour faciliter les démarches. Dans de nombreux pays, votre ministère recourt aux services de prestataires extérieurs pour le dépôt et l’instruction des dossiers et se réserve évidemment les tâches de vérification et de délivrance des visas. Cette organisation a réduit les files d’attentes.

Toutefois, devant la hausse continue de la demande, nous savons que les agences de voyage en Chine, en Russie, en Inde, font jouer la concurrence entre les consulats, puisqu’un visa délivré par un pays de l’espace Schengen permet l’accès à la quasi-totalité des pays européens. Or, lorsqu’un visa est délivré par un pays autre que la France, ce sont d’abord des droits de visa qui nous échappent, mais c’est aussi le risque de voir les touristes arriver en Europe par un autre point d’entrée ; le danger de les voir ainsi utiliser la compagnie aérienne d’un autre pays et de réduire la durée de leur séjour dans le nôtre existe.

D’où une double question :

Ne pensez-vous pas que certains pays de l’espace Schengen se livrent parfois à une forme de concurrence en matière de délivrance de visas de manière à attirer un maximum de touristes ? Certains éléments m’incitent à le penser et je vous demande si vous disposez des mêmes ? Des contrôles sont-ils réalisés ?

Quelles mesures comptez-vous prendre pour faciliter les démarches des touristes issus de pays émergents en matière de visas pour les inciter à visiter, en priorité, notre pays ?

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Les enjeux liés aux moyens affectés à notre diplomatie sont trop souvent sous-estimés. Or, disposer de diplomates compétents en nombre suffisant pour animer le troisième réseau du monde est la garantie de pouvoir peser dans les affaires internationales et d’être capable de présenter, dans les enceintes internationales, des initiatives crédibles et bien construites pour résoudre les crises et les grandes questions. Il s’agit d’un point d’appui indispensable pour le ministre qui donne l’impulsion politique. Avec des moyens modestes, le ministère des affaires étrangères joue un rôle essentiel. Toutes les administrations doivent contribuer au nécessaire effort de maîtrise des dépenses publiques. Les crédits du programme 105 financent l’action de notre diplomatie au sens le plus général – notamment, monsieur le ministre, votre administration centrale, les ambassades, les contributions aux organisations internationales – et sont en nette augmentation par rapport à la loi de finances initiale de 2012. Il convient cependant de souligner que cette évolution est surtout due à l’estimation du taux de change qui a été établie, l’euro s’étant déprécié par rapport au dollar depuis un an. Hors effet de change, les crédits de ce programme sont reconduits, ce qui est un résultat appréciable dans le contexte budgétaire présent puisque la plupart des ministères voient leurs moyens réduits. Vous avez réussi à dégager quelques financements supplémentaires pour vos priorités, en particulier la sécurité de nos ambassades. Il s’agit, en effet, d’une préoccupation importante après les attaques que celles-ci ont subies à la suite de la diffusion du film américain islamophobe.

La diplomatie économique constitue l’une des principales priorités de votre action et de celle du Gouvernement. Quels sont vos projets dans ce domaine ? Comment comptez-vous insuffler, dans les pratiques quotidiennes de notre diplomatie, le souci de la promotion de l’économie et des entreprises françaises ?

M. Philippe Baumel, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, pour l’action de la France en Europe et dans le monde et pour les Français à l’étranger et les affaires consulaires. Dans un contexte financier et budgétaire contraint appelant des efforts partagés, je souhaitais tout d’abord saluer un budget qui me paraît responsable et équilibré.

Tout en participant à l’action générale de réduction du déficit public – il faut noter les efforts importants consentis sur l’immobilier –, ce budget marque une rupture avec la précédente législature en redéfinissant des priorités pour l’action extérieure de l’Etat et un cap pour notre diplomatie.

Je note ainsi qu’en dépit d’une baisse de certains crédits, le programme 105 « Action extérieure de l’Etat en Europe et dans le monde » augmente cette année de 4,6 %, s’établissant dorénavant à l,7 milliard d’euros.

Nous pouvons nous féliciter de cette augmentation qui permettra de dégager les moyens nécessaires à la sécurisation de nos ambassades, des agents et des Français expatriés ainsi que de notre réseau consulaire, dans une période où, vous venez de le rappeler, madame la présidente, les représentations diplomatiques font l’objet d’attaques violentes ou de menaces.

Par ailleurs, j’observe que l’augmentation des crédits de ce programme permettra également de sécuriser nos moyens informatiques et les échanges d’informations au sein de notre réseau consulaire.

Je voudrais également saluer la création de 25 postes supplémentaires dans les services consulaires, afin de rendre un meilleur service aux Français de l’étranger ainsi qu’aux étrangers qui veulent se rendre en France.

Je voudrais, monsieur le ministre, vous solliciter sur plusieurs points afin que vous puissiez nous apporter des éclairages et des précisions.

La première interrogation porte sur nos contributions aux organisations internationales. Compte tenu de l’émergence de nouvelles économies, il semblerait que notre quote-part au financement de l’ONU doive baisser à partir de 2013. Dans quelle mesure le principe de cette baisse est-il acquis ? Est-elle anticipée dans le projet de budget ? Que pouvons-nous en attendre budgétairement, sachant que le calcul de la quote-part ONU détermine aussi les quotes-parts aux autres organisations onusiennes, comme l’UNESCO ou l’OMS, ainsi qu’aux opérations de maintien de la paix ?

Ma seconde série de questions concerne l’évolution de l’effectif des agents du ministère. Il est prévu que celui-ci perde 184 équivalents temps plein, malgré la création de 25 emplois dans le secteur des visas.

Comment allez-vous répartir cet effort – je pense à l’équilibre entre l’administration centrale et les réseaux, mais aussi à celui entre les différentes catégories de personnels, titulaires, contractuels à durée indéterminée, contractuels à durée déterminée et agents de droit local ? Peut-on s’attendre, dans les années à venir, à d’autres diminutions du nombre des personnels ou à sa stabilisation ?

Dans le prolongement de la question des effectifs, je souhaiterais évoquer la gestion des visas dans le réseau consulaire. Il semblerait que la situation se détende depuis quelques semaines pour les procédures de délivrance. Cependant, je voudrais vous interroger sur l’externalisation des tâches administratives liées à la délivrance des visas, politique qui a été développée activement ces dernières années et qui concerne maintenant une soixantaine de postes. Allez-vous poursuivre ce mouvement ? Quels en sont les limites et les risques – je pense notamment aux affaires de trafics de visas dont on entend parfois parler ? Est-il exclu d’étendre cette mesure à d’autres pays ?

Plus généralement, que pouvez-vous nous dire, dans le respect de la solidarité gouvernementale – puisqu’il s’agit d’un sujet interministériel –, de l’évolution de la politique nationale des visas ? Dans quel sens voudriez-vous la voir réformée dans les mois ou les années à venir ?

Je voudrais également vous interroger sur la politique immobilière du ministère. Le financement de la politique immobilière de l’État repose maintenant sur le produit de la cession des biens dont il peut se passer. La contribution du ministère des affaires étrangères est considérable s’agissant de ces cessions : 38 millions d’euros en 2010, 122 millions en 2011, au moins une centaine de millions encore en 2012 et 2013. En contrepartie, les moyens affectés au ministère pour sa politique immobilière sont-ils satisfaisants ? Et je pense non seulement aux acquisitions et constructions nouvelles, mais aussi aux opérations d’entretien dont le financement a fait l’objet de critiques.

Un mot, enfin, sur les aides à la scolarité. Je crois que la suppression de la PEC, c’est-à-dire la prise en charge des frais de scolarité des élèves français des lycées français à l’étranger, est un choix incontestable. Pouvez-vous nous donner des éléments, monsieur le ministre, sur cette réforme ? En particulier, quelles sont les échéances et quel montant avez-vous provisionné, dans le budget 2013, pour appliquer cette réforme dès la rentrée scolaire de septembre prochain ?

Les crédits des bourses scolaires sont annoncés comme augmentant de 16,7 millions d’euros, c’est le coût de la mise en œuvre, dès la rentrée 2013, de la réforme sur les bourses scolaires. L’engagement de M. François Hollande lors de la campagne électorale était clair, il s’agissait de retrouver l’enveloppe de la prise en charge très injuste mise en place par M. Nicolas Sarkozy. Pourtant, et cela malgré la hausse substantielle annoncée, les crédits qui seront disponibles en 2013 semblent ne pas couvrir tous les besoins. Au-delà, le nouveau système risque de mettre en cause la couverture à 100 % des élèves issus des milieux les plus modestes. Ainsi, outre la hausse des crédits prévue, peut-on envisager un dispositif « tampon » pour pallier les difficultés qui risquent de se faire jour à la rentrée 2013 et pour permettre d’apporter des réponses adaptées aux situations les plus délicates ?

Pour approfondir par la suite cette réforme des bourses scolaires, est-il envisagé que les associations de Français de l’étranger, les députés, les sénateurs, les représentants – au sens large – des Français de l’étranger puissent, en lien avec vos services, réfléchir à un dispositif plus équitable qui calculerait la participation des familles aux frais de scolarité de façon beaucoup plus adaptée qu’aujourd’hui, c’est-à-dire en fonction de leurs revenus ?

M. François Loncle, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, pour la diplomatie culturelle et d’influence. Je voudrais faire deux remarques préliminaires qui nous permettraient, pour l’exercice 2014, d’aborder le débat budgétaire avec un peu plus d’efficacité et de sérénité. Je souhaite, d’une part, que soient améliorées les conditions de préparation de ces rapports, notamment en terme de temps disponible ; d’autre part, que ne soient pas asséchés davantage les moyens de l’Assemblée nationale et, en particulier, ceux des commissions. Je le dis d’autant plus volontiers que j’adresse mes compliments et mes remerciements aux fonctionnaires du Quai d’Orsay, qui nous ont fait parvenir les informations que nous attendions dans des délais parfaitement raisonnables, et aux administrateurs de la Commission des affaires étrangères qui ont accompli un excellent travail. Faire un travail approfondi, c’est disposer d’un délai raisonnable qui permette la réalisation d’investigations sur le terrain.

Sur le fond, le budget du ministère des affaires étrangères est responsable et il contribue à l’effort de redressement des finances publiques.

Le programme 185 est conforme à ce que l’on pouvait attendre dans une période contrainte, mais il préserve les grandes priorités de la diplomatie culturelle et d’influence. Il accorde notamment une grande importance à l’éducation qui est une priorité du Gouvernement.

Cependant, il convient de regretter la baisse des moyens des instituts culturels, de 15 % entre 2012 et 2015 – moins 7 % en 2013, moins 4 % en 2014, ainsi qu’en 2015. Cette diminution pourrait être compréhensible, voire admissible, si ce n’est qu’elle poursuit une tendance lourde qui a commencé non pas en 2006, cher Jérôme Lambert, mais en 1994 et n’a cessé depuis lors – hormis en 1998 et 1999. Je souhaite que les efforts d’économie portent plus sur l’Institut français à Paris que sur les centres culturels de notre réseau. Il n’y a pas de diplomatie d’influence sans action culturelle forte.

D’autres puissances manifestent un esprit de conquête. Ainsi, la Chine dispose, au sein du réseau Confucius, de 358 instituts culturels dans le monde.

J’ai comparé l’action culturelle et éducative de différents pays que l’on pourrait qualifier de concurrents : l’Espagne avec les instituts Cervantes, l’Allemagne avec les instituts Goethe et la Grande-Bretagne avec le British Council. J’ai bien entendu placé notre analyse dans le cadre de la réforme de 2010 qui tend à rendre le réseau français plus cohérent, plus visible et plus efficace. A mi-parcours de cette réforme, il convient de s’interroger sur ses effets qui ne me semblent pas a priori négatifs. Je note cependant une inquiétude du réseau des alliances françaises.

Ma première question concerne le réseau scolaire.

La France possède le premier réseau scolaire étranger – 485 établissements implantés dans 130 pays accueillent 306 000 élèves dont près de deux tiers d’étrangers. Quelles sont les perspectives de développement des filières bilingues francophones et des sections européennes ? La France envisage-t-elle d’intensifier le recours aux technologies de l’information et de la communication via le Centre national d’enseignement à distance – le CNED – et TV5Monde ?

Ma deuxième interrogation a trait à l’attractivité universitaire de la France.

Sur le marché international du savoir et de la formation, la France accuse un retard certain. Elle subit la concurrence non seulement des États-Unis, mais aussi de la Grande-Bretagne où les frais universitaires sont pourtant très élevés, de l’Allemagne, de l’Australie et de la Chine. Or, il s’agit d’un enjeu essentiel. Le budget répond en partie à ce défi en augmentant légèrement les crédits de mobilité des étudiants étrangers, en maintenant les programmes de bourses d’excellence et en stabilisant le volume dévolu aux missions d’experts et aux échanges scientifiques. Comment améliorer encore notre politique d’attribution de bourses pour les étudiants étrangers, le nombre total de bourses ayant diminué d’un quart depuis 2005 ?

Ma troisième question concerne l’unification du réseau.

La loi de 2010 prévoit à terme la possibilité du rattachement de l’ensemble du réseau culturel à l’Institut français. Où en est-on ? Comment sera financée cette opération dans la mesure où le changement de statut des personnels devrait induire une augmentation des charges ?

Il me restait deux questions sur les alliances françaises – j’ai soulevé l’inquiétude que ce sujet m’inspirait – et sur les centres culturels communs. Il existe déjà quelques structures communes à plusieurs pays, dont le nôtre, situées à Ramallah, à Glasgow ou à Palerme. Ne faut-il pas amplifier ce mouvement qui est intéressant, même si sa généralisation est impossible ?

M. Jean Launay, président. Je vous remercie, monsieur le rapporteur pour avis, et transmettrai au président de la Commission des finances vos remarques relatives aux moyens de la commission.

M. le président Patrick Bloche. Je remercie et félicite tout particulièrement les membres de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation pour leur présence ce soir. Nous n’en sommes en effet qu’à la troisième réunion de commission de la journée ! Notre présence est cependant cohérente tant les enjeux culturels et éducatifs sont au cœur de notre diplomatie d’influence. C’est d’ailleurs une caractéristique séculaire. Nous sommes donc très directement concernés par les crédits du programme 185.

Dans un contexte de contrainte budgétaire, je me réjouis tout particulièrement du fait que les crédits consacrés à l’AEFE de même que les bourses de mobilité des étudiants en France ou encore les échanges d’expertise et échanges scientifiques aient été préservés.

Concernant l’AEFE, il est logique que l’effort accompli sur le territoire national se poursuive aussi au niveau international – ce que traduit notamment la stabilisation des emplois expatriés et résidents.

Conformément aux engagements du Président de la République, l’action 2, relative à l’aide à la scolarité versée aux élèves du réseau de l’enseignement français à l’étranger, ne comporte plus que les crédits destinés aux bourses scolaires. Nous nous réjouissons de l’augmentation de leur volume et du souci de mixité sociale qui les caractérise.

Notre commission a désigné Mme Claudine Schmid comme rapporteure pour avis sur ce budget : au-delà de l’examen des crédits, elle a centré ses travaux sur la valorisation à l’étranger du modèle français de l’enseignement supérieur. Je la félicite de cet excellent choix et m’exprime avec nostalgie, ayant été pendant de très longues années à sa place.

Enfin, j’informe les membres de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation que nous examinerons l’avis de notre rapporteure et que nous nous prononcerons sur les crédits correspondants non pas à l’issue de la présente séance de commission élargie, mais lors de notre réunion du mardi 6 novembre prochain.

Mme Claudine Schmid, rapporteure pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour la diplomatie culturelle et d’influence. Je conçois que le budget de notre mission d’influence soit difficile à établir tant l’influence est peu aisée à quantifier. Cependant, certaines lignes sont plus comptables que d’autres et c’est sur trois d’entre elles que je souhaiterais avoir des précisions :les bourses du gouvernement français aux étudiants étrangers, Campus France et la réaffectation des crédits de la prise en charge. Je terminerai par une question plus générale sur le projet « Erasmus pour tous ».

L’un des axes stratégique de l’orientation du programme 185 réside dans la mise en œuvre d’une politique d’attractivité de qualité à l’attention des élites étrangères. L’annexe au PLF pour 2013 mentionne qu’un effort particulier sera poursuivi en faveur de la politique française d’allocation de bourses. Conformément aux recommandations émises depuis plusieurs années, la gestion des bourses accordées par la France aux étudiants étrangers est désormais confiée à un opérateur unique issu de la fusion d’Egide et du CNOUS. Qu’en est-il de la modernisation et de la simplification du dispositif d’octroi, également attendues ? Il semble qu’une réflexion soit en cours entre votre ministère et celui de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pourriez-vous nous indiquer plus précisément quelles hypothèses de travail ont été retenues et quelles orientations semblent se dégager ?

Ma deuxième interrogation porte sur l’établissement public à caractère industriel et commercial Campus France opérateur, dont la mise en place a eu lieu le 1er mai 2012 et qui a repris, depuis le 1er septembre dernier, les activités internationales du CNOUS. Conformément à la loi du 27 juillet 2010, une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens est en cours d’élaboration entre l’établissement et l’État. Pourriez-vous d’ores et déjà nous indiquer quelles sont les grandes lignes de ce texte et l’échéance à laquelle il sera soumis aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ?

Ma troisième question porte sur le programme 151 et a trait à l’accès des élèves français au réseau de l’Agence de l’enseignement français à l’étranger. La dotation allouée à la prise en charge n’a pas été entièrement reversée au budget de l’action 2 de ce programme auquel manquent 15 millions d’euros. Où cette somme a-t-elle été réaffectée ?

Enfin, de quelle manière la politique d’attractivité menée par votre ministère au sein de l’espace méditerranéen s’articule-t-elle avec les programmes de la Commission européenne, et notamment le nouveau programme « Erasmus pour tous » qui entrera en vigueur en 2014 et sera éventuellement ouvert à des étudiants non européens, comme le programme Eramus a été ouvert aujourd’hui aux étudiants syriens ?

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Je vous remercie, mesdames, messieurs les députés, pour l’analyse remarquable qui a été faite de ce budget et les questions posées qui sont extrêmement pertinentes.

S’agissant de la répartition de nos moyens diplomatiques, M. Jérôme Lambert a pris des exemples frappants. Par contraste, il a notamment cité Madagascar, pays en grande difficulté pour lequel nous avons certes beaucoup d’amitié et où la France est traditionnellement très présente, mais qui, sauf évolution imprévue, ne présente pas la même importance que la Chine. Il a cité les échanges commerciaux à l’appui de son raisonnement. Si ce n’est pas le seul critère à prendre en compte, je partage cependant sa remarque quant à la nécessité d’un rééquilibrage. J’ai d’ailleurs confié cette tâche à Yves Édouard Saint-Geours, ancien ambassadeur au Brésil, désormais directeur de l’administration, et lui ai demandé de me faire des propositions ambitieuses d’ici à la fin de l’année. Dès l’année prochaine, nous pourrons discuter de ces propositions avec les organisations et avec vous-mêmes, si vous le souhaitez.

La deuxième observation de Jérôme Lambert concerne essentiellement les consulats dont il nous faudra en effet réexaminer la distribution et le rôle – tâche que j’ai confiée à M. Daniel Lequertier. Il devra, lui aussi, me fournir un rapport à la fin de l’année sur le sujet.

Une troisième question portait sur la délivrance des visas. J’ai moi-même été saisi en plein été d’un télégramme dans lequel notre représentant à Shanghai m’expliquait son obligation de refuser plusieurs milliers de demandes de visa, compte tenu des postes qui lui avaient été affectés. Il m’a notamment fourni un exemple chiffré en multipliant la dépense touristique moyenne d’un Chinois par le nombre de visas refusés : ce chiffre était considérable. Nous avons donc obtenu des créations d’emplois pour le traitement de ces demandes, mais cela me paraît encore insuffisant. Peut-être faudra-t-il recourir à d’autres méthodes. Cependant, le visa étant un document officiel, il ne peut être délivré de manière bâclée. J’ai demandé la création d’un groupe de travail commun aux ministères des affaires étrangères et de l’intérieur afin que des décisions soient prises très rapidement dans ce domaine. Le Président de la République a d’ailleurs souhaité l’instauration de procédures accélérées pour les chercheurs, les étudiants et les créateurs. J’espère donc que nous aurons significativement progressé en la matière lorsque je me présenterai à nouveau devant vous l’an prochain. Il est certes normal d’avoir une politique de contrôle de l’immigration, mais il faut être sensible à certaines données économiques, éducatives et culturelles. Je vous rejoins totalement, monsieur Lambert.

À l’instar des autres intervenants, la présidente Élisabeth Guigou a eu la gentillesse de porter une appréciation positive sur ce budget. Il est en effet normal que dans un contexte contraint, le ministère des affaires étrangères participe à l’effort général. Les arbitrages rendus à cet égard me paraissent d’ailleurs raisonnables puisqu’ils tiennent compte des efforts budgétaires importants déjà consentis par le ministère des affaires étrangères au cours des dernières années et du fait qu’ il se trouvait en conséquence dans une situation fort difficile en matière d’emplois. En outre, certaines priorités doivent se voir accorder un traitement particulier. Les organisations syndicales elles-mêmes ont bien compris dans quel esprit nous avons élaboré ce budget.

La situation extérieure de notre pays étant difficile et compte tenu de mon expérience en la matière, j’ai souhaité que la diplomatie économique soit au centre de notre programme d’action. Celui-ci s’enrichira d’ailleurs au fur et à mesure que de nouvelles idées jailliront. Je souhaiterais cependant vous en fournir quelques exemples requérant non pas des moyens supplémentaires, mais plutôt une organisation différente.

Si le territoire métropolitain est doté d’une série d’agences et de services chargés de développer notre commerce extérieur, à l’étranger, c’est à l’ambassadeur qu’il revient de jouer ce rôle. Or, si celui-ci a juridiquement la tutelle sur ses services, nous lui fournirons les moyens humains de réunir auprès de lui un petit conseil d’entrepreneurs et d’autres personnalités pouvant l’aider sur le plan économique. Une certaine coordination sera ainsi assurée.

En métropole, j’ai été surpris de constater que nous ne disposons d’aucune direction des entreprises au sein du ministère. Cela dit, les entrepreneurs tiennent des propos très positifs sur les ambassadeurs, sans doute parce que ceux-ci les accueillent très bien. Une direction spécialisée verra donc le jour au mois de novembre et si son titulaire est issu du Quai d’Orsay, il a cependant passé dix années dans le secteur privé. Je renforcerai en outre cette direction pour que l’interface avec les entreprises soit mieux prise en compte.

La question des normes élaborée aux différents niveaux est tout aussi importante, car elle détermine le sort de nos entreprises. Ces dernières devraient donc pouvoir s’exprimer en amont sur les problèmes que posent ces normes. Il faudra également tenir compte de cette dimension économique dans la formation de nos diplomates et dans les éléments de promotion. Ainsi les stages en entreprise seront-ils plus systématiques dans le corps diplomatique. De même, nous allons organiser au ministère, lors du premier semestre de l’année prochaine, une journée portes ouvertes pour les entreprises. Enfin, nos ambassadeurs accueillent excellemment les entreprises, mais aucun effort systématique n’est fait pour favoriser les investissements étrangers en France, qui permettraient pourtant de développer l’emploi dans notre pays.

La diplomatie économique est un donc un sillon indispensable que nous allons tracer, mais c’est plus une question d’organisation, d’état d’esprit, que de crédits. Et tant les milieux économiques que le personnel diplomatique ont bien accueilli la création d’une nouvelle direction en la matière.

Je remercie Philippe Baumel pour ses réflexions et ses questions. S’agissant de la révision du barème des quotes-parts au budget de l’ONU, l’Union européenne contribue à ce budget dans une proportion de 39 % alors qu’elle ne pèse que pour 30 % dans l’ONU. Le maintien des méthodes actuelles de calcul ne serait pas nécessairement défavorable à la France étant donné la diminution de notre part du PIB dans la richesse mondiale : en effet, si l’on reprenait ce critère, notre taux de contribution passerait de 6,123 % à 5,593 %, soit une économie de 10 millions d’euros. Il nous semble néanmoins nécessaire d’aller plus loin pour que soit mieux prise en compte la place des grands pays émergents. La révision des barèmes relève de la responsabilité à l’égard du système des Nations unies, et les pays émergents devraient accepter cette responsabilité. Certains États plaident pour un plafonnement des hausses de contribution et d’autres ont formulé des propositions différentes. Quant à nous, nous préférerions une révision de la méthode visant à un meilleur partage du fardeau du financement de l’ONU.

En effet, le barème des quotes-parts à l’ONU est fondé sur le principe de la « capacité de payer », principe qui est corrigé par des considérations sociales telles que le PIB par tête et, pour les pays en développement, le niveau d’endettement. Or cette méthode favorise considérablement les grands pays émergents que sont l’Inde, la Chine, le Brésil et l’Indonésie. De fait, les ajustements censés alléger la charge des pays aux plus faibles revenus sont reportés sur les pays développés, mais pas sur les pays émergents. Or, comme les Etats-Unis bénéficient du plafond des cotisations fixé à 22 % du budget, c’est l’Union européenne qui paie l’essentiel de cette compensation. La France et l’Union européenne doivent donc convaincre les pays émergents de prendre davantage leur part, et les États du Sud du caractère inéquitable de la méthodologie en vigueur. Pour autant, si le système est injuste, en changer exige un gros travail.

Quant aux effectifs, en 2013, les emplois du ministère s’élèvent à 14 798, soit 185 emplois de moins qu’en 2012. Cela correspond à une diminution d’1,5 %, au lieu des 2,5 % prévus par le cadrage. Ces emplois correspondent à 6 000 titulaires, 3 000 contractuels, 5 000 recrutés locaux et 700 militaires. La masse salariale est de 1,092 milliard d’euros, dont 168 millions de pensions et de retraites.

Sa progression, de 2,9 %, est principalement liée à l’effet change-prix et à la progression des cotisations patronales. Les suppressions d’emplois devraient se répartir ainsi : 35 ETP en administration centrale, 14 dans le réseau consulaire et 135 dans le réseau culturel et de coopération. La répartition par catégorie d’emplois serait la suivante : 44 titulaires, dont 9 à l’étranger, 105 contractuels et volontaires internationaux, 40 agents de recrutement local et 5 militaires. Plus de la moitié des suppressions concernerait ainsi des postes de contractuels, ce qui est lié d’une part à la réforme du réseau culturel en cours et, d’autre part, à la suppression d’emplois nécessaires au bon déroulement des élections.

Vingt-cinq ETP sont créés dans le secteur des visas, domaine où il y a beaucoup à faire et qui est une dimension très importante de notre diplomatie.

Des mesures particulières sont prévues pour les 5 000 agents de recrutement local, dont nous parlons peu mais qui jouent un rôle important. Au lieu d’une progression de 2,5 % de la masse salariale, nous avons obtenu une augmentation de 3,5 %. Il faut notamment faire face au renforcement de la protection sociale, à la rénovation des grilles et à une meilleure prise en charge du coût de la vie.

Vous m’avez également interrogé, monsieur Baumel, sur le financement de notre politique immobilière en France et à l’étranger. Depuis 2010, le ministère des affaires étrangères ne dispose plus de crédits d’investissement inscrits à son budget. Les opérations immobilières en France et à l’étranger sont donc financées quasi exclusivement par les produits de cession recueillis par un compte d’affectation spéciale – CAS. Le ministère bénéficie d’un retour de 65 % pour les cessions en France, et – par dérogation jusqu’en 2014 – de 100 % pour les cessions réalisées à l’étranger. Pour certaines opérations d’entretien lourd, d’autres ressources – très limitées – peuvent être mobilisées. Il existe un programme interministériel d’entretien des bâtiments de l’État, mais il ne représente que 3,5 millions de dotations annuelles. En loi de finances initiale 2012, 1,5 million a été inscrit pour l’entretien lourd à l’étranger.

Depuis 2006, une politique de rationalisation immobilière et de cession d’actifs a été engagée en France et à l’étranger. Des immeubles ont été vendus à Paris ; les implantations du ministère se concentrent désormais sur trois sites, auxquels s’ajoute le bâtiment des archives diplomatiques de La Courneuve. Compte tenu de la crise, nous avons peu vendu à l’étranger, mais le montant net des recettes du CAS a tout de même représenté près de 100 millions en 2011. Des encaissements de l’ordre de 70 millions sont attendus en 2012. La reprise de ce programme de cessions a permis de lancer plusieurs opérations de reconstruction et de constructions nouvelles à Port-au-Prince, Tripoli, Bangkok ou Djakarta, de mise en sécurité à Kaboul, Bagdad et dans les pays du Sahel, ou de rénovation lourde à Washington et à Moscou.

La volonté de réformer la gestion du parc immobilier de l’État nous conduit à une certaine rationalisation de nos implantations, à l’étranger comme en France. Des locations sont envisagées là où cette solution se révèle plus économique que l’acquisition. En cas de cession, nous procédons systématiquement à une étude d’impact et à une étude des solutions de remplacement.

Les relocalisations exigent des engagements financiers importants. Nous allons poursuivre ce programme, en restant attentifs au marché immobilier, afin de procéder aux cessions au moment le plus opportun. Compte tenu de la conjoncture, j’ai notamment décidé de céder l’immeuble de la rue Huysmans, dans le sixième arrondissement de Paris. Je vous informe également qu’un peu plus de 2 000 mètres carrés sont disponibles dans le bâtiment du ministère situé côté pair de la rue de l’Université, dans le prolongement de l’entrée de l’Hôtel de Lassay. Ce bâtiment abritait autrefois les archives. Le précédent gouvernement avait prévu des crédits pour sa réaffectation, mais ceux-ci ont finalement été prélevés au profit d’une autre opération. Le bâtiment étant contigu à l’Assemblée nationale, je me suis rapproché de la questure et de la présidence : nous pourrions envisager une location ou un bail emphytéotique aux termes duquel l’Assemblée effectuerait les travaux et occuperait une partie du bâtiment, tandis que l’autre resterait occupée par le ministère. La questure et M. Bartolone sont saisis de cette proposition, qui recevra, je l’espère, une suite favorable.

J’en viens à la question des bourses scolaires et de la PEC. Le Président de la République avait pris l’engagement de supprimer la PEC, considérée comme injuste, et de redéployer les moyens correspondants vers les bourses scolaires. Cet engagement a été tenu. Des mesures exceptionnelles ont néanmoins été mises en place à la rentrée 2012 pour soutenir les familles que la suppression de la PEC mettrait en difficulté. Les consulats ont reçu pour mission de les contacter afin qu’elles puissent déposer une demande de bourse lors des secondes commissions locales. Nous travaillons avec l’AEFE à la mise en place d’un nouveau système d’aide à la scolarité plus équitable et plus lisible, qui puisse bénéficier à un plus grand nombre tout en restant soutenable pour notre budget – ce qui n’était pas le cas du précédent. Des réflexions ont été présentées à la Commission nationale des bourses les 10 et 22 octobre, et une nouvelle réunion se tiendra le 29 octobre. Le principe de la réforme est de se fonder sur la notion de quotient, qui prend en compte le revenu des familles et leur composition une fois retirés les frais de scolarité. Il n’y a plus de points de charge. Ce système était injuste, puisque quel que soit son montant, le logement constituait un point de charge qui n’était pas pondéré, ouvrant ainsi la quotité maximale à des familles qui n’en avaient pas nécessairement besoin. Désormais, seules les familles qui en ont le plus besoin bénéficieront de bourses à 100 %. Mais le débat porte moins sur le principe que sur les montants inscrits au budget et la réaffectation des économies réalisées. Plusieurs d’entre vous s’interrogent ainsi sur le rythme et les modalités du redéploiement des moyens de la PEC vers les bourses. La dotation inscrite au PLF tient compte du fait que nous appliquons la réforme à la rentrée 2013 pour le rythme nord, et que nous n’avons donc pas besoin de la totalité des crédits dès 2013. En commençant le dernier quadrimestre, nous avons besoin d’un tiers des crédits. Si nous consommions la totalité des crédits en 2013, les besoins pour 2014 et 2015 s’établiraient bien au-delà de la dotation consolidée, qui s’élève à 125,5 millions d’euros. Outre que ce n’est pas nécessaire, nous aboutirions à une explosion sur le plan budgétaire.

Un mot sur le rôle des commissions locales. Il est difficile – voire impossible – de concevoir un modèle mathématique permettant de prendre toutes les situations en considération. Les commissions locales sont composées de représentants des communautés françaises ; elles connaissent parfaitement les situations individuelles. Il est pertinent d’avoir un cadre, mais il faut pouvoir l’adapter aux cas particuliers.

Plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, je me suis engagé à ne pas faire d’économies sur ce dispositif. Celui-ci doit néanmoins être soutenable sur le plan budgétaire, et seul le rythme nord est pour le moment concerné. J’ai cru comprendre qu’un amendement vise à faire un certain nombre de choses dès 2013. Je propose d’expérimenter ce dont je vous ai parlé en 2013. Nous aurons ainsi à la fois une certaine souplesse et un dispositif transitoire pour les familles perdant des quotités de bourse, les commissions locales ayant la faculté d’ajuster le dispositif. En gestion 2013, des marges d’ajustement vont s’ajouter à ces mesures. Sans compter les crédits de rémunération, nous disposons d’une réserve légale d’environ 9 millions d’euros. Nous pourrons donc faire face aux cas spécifiques. La réforme entrera pleinement en application pour le PLF 2014. Entre-temps, la Commission nationale des bourses du printemps nous aura permis de tirer le bilan de l’application des nouveaux paramètres, fondée sur les situations réelles. Nous procéderons alors aux ajustements nécessaires. J’ai demandé à Mme Conway d’engager une réflexion sur la problématique des frais de scolarité. Vous y serez associés au moment de l’élaboration du nouveau plan de développement de l’enseignement du français à l’étranger. Au total, nous ne ferons pas d’économies sur les bourses, mais nous ne nous engagerons pas dans un système qui nous conduirait à inscrire une somme bien supérieure à celle que nous pouvons engager. Ce système pragmatique devrait nous permettre de répondre aux situations difficiles que vous évoquiez.

M. Loncle a principalement évoqué le programme 185. Tout en qualifiant ce budget de responsable, il regrette la diminution des crédits culturels, notamment en comparaison des moyens qu’y consacrent certains pays d’Europe ou la Chine. Il a également soulevé les questions du réseau scolaire, de l’attractivité universitaire de la France et de l’unification du réseau culturel autour de l’Institut français.

S’agissant des crédits culturels, la norme de réduction pour le budget triennal était de 7 % dès 2013. Le programme 185 est présenté en quasi-stabilité, puisque les crédits ne diminuent que de 0,33 %. Certes, une hausse est toujours préférable, mais cela ne serait pas nécessairement cohérent. Nous avons intégré plusieurs données : la sauvegarde des crédits de l’AEFE, le maintien de nos instruments de mobilité étudiante, et la diminution du cadrage des crédits culturels. Nous avons cherché à voir où nous pouvions agir sans nuire à nos capacités d’intervention. Or, c’est le réseau culturel qui dispose des capacités de financement alternatives les plus manifestes : ses performances d’autofinancement sont de 62 % pour les interventions, et il lève 140 millions d’euros de cofinancements. Il faut bien sûr s’en féliciter, mais compte tenu de l’évolution des mentalités et des pratiques, c’est le domaine où il est le moins malaisé de trouver des financements.

Les crédits de fonctionnement de nos instituts diminuent de 3,7 % – au lieu de 7 % – pour tenir compte de la fusion opérée et du transfert d’emplois qui en découle. S’agissant des interventions, une norme de réduction de 7 % a été appliquée. Cela concerne les instituts français, même si la baisse est modulée en fonction du contexte local. Contrairement à ce que j’ai cru entendre, la situation de l’Institut français n’est pas facile. J’ai reçu son président l’autre jour ; il m’a fait part de ses inquiétudes sur ses capacités d’intervention. Des mesures de gestion doivent donc être prises. Nous avons également décidé de renforcer ce qui était prévu pour les programmations culturelles. En intégrant les 3 500 agents qui travaillent dans les établissements à autonomie financière, la baisse des effectifs s’établit à 0,8 %.

Un mot de l’expérimentation du rattachement du réseau culturel à l’Institut français conduite dans douze pays depuis le 1er janvier. Concrètement, il y a un bureau local de l’Institut français, dont le directeur est en même temps le conseiller de coopération du poste et est ordonnateur secondaire. Les 42 agents de droit local des anciens services de coopération et d’action culturelle – SCAC – bénéficient de conditions de rémunération et de travail proches de ce qu’elles étaient précédemment. Le périmètre des missions des bureaux locaux est le même que celui des SCAC et des établissements culturels dotés de l’autonomie financière – EAF –, qui ont été fusionnés – culture, langue, attractivité. En revanche, l’Institut français n’est pas compétent en matière de coopération universitaire et scientifique, dont les crédits demeurent gérés par le ministère, ce qui peut être source de complexité.

Lorsque cette expérimentation a été décidée, il s’agissait d’éclairer la décision à prendre sur l’opportunité et les modalités d’un éventuel rattachement de l’ensemble du réseau à l’Institut français. La question posée est celle de la plus-value qu’apporterait ce rattachement par rapport à l’organisation actuelle, qui est aussi en cours de réforme. J’ai confié à M. Sellal, secrétaire général du ministère, le soin de conduire une étude sur l’opportunité et la faisabilité d’un éventuel rattachement du réseau culturel français à l’Institut français, ses coûts éventuels et les garanties de protection diplomatique. Cette étude permettra de nourrir notre réflexion et celle du Parlement. Le ministère devra également rendre compte de cette expérimentation par un rapport annuel. Le deuxième doit être rendu avant le 31 mars 2013.

Je crois vous avoir répondu en ce qui concerne l’attractivité.

Je rends hommage aux Alliances françaises, qui constituent un réseau dynamique s’autofinançant à hauteur de 185 millions d’euros. Il faut cependant rappeler que ce réseau est soutenu par le ministère, via une subvention de 8 millions d’euros et 321 ETP dans 445 Alliances. Après des débuts incertains, le dialogue entre l’Institut et l’Alliance fonctionne bien. Enfin, il a été mis fin aux doublons.

Mme Schmid m’a interrogé sur Campus France, établissement public industriel et commercial mis en place depuis le 1er septembre. La rentrée 2012 s’est bien passée. Le contrat d’objectifs et de moyens sera présenté au Parlement avant la fin de l’année. Campus France a repris les conventions passées avec les États étrangers, à l’exception de la Libye. L’administration a pris la bonne décision d’octroyer une bourse sociale aux étudiants syriens depuis l’interruption des paiements par leur gouvernement. La mobilité étudiante en Méditerranée est assurée par les programmes européens et les programmes français de bourses. D’autres initiatives existent, comme l’Office méditerranéen de la jeunesse, lancé par la France et ses partenaires du sud.

M. Jean Launay, président. Nous vous remercions, monsieur le ministre, pour vos réponses, qui étaient particulièrement attendues en ce qui concerne les frais de scolarité. L’élection de représentants des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale a sans doute contribué à attirer l’attention sur ce sujet.

M. Pouria Amirshahi. Ce budget s’inscrit dans un contexte particulier. Outre l’héritage, cette année est marquée par les contraintes qui pèsent sur nos finances publiques et par la concertation. En effet, on ne « chamboule » pas une administration comme le Quai d’Orsay en quatre mois : les engagements qui ont été pris sur chacun des chantiers évoqués par les uns et les autres méritent une concertation approfondie. François Loncle a notamment rappelé la nécessité de respecter le temps du travail législatif, afin que le Parlement puisse être associé à tous ces chantiers.

L’augmentation de 1,5 % du budget est plutôt une bonne nouvelle. Dans le contexte mondial actuel, on peut se réjouir de la préservation des moyens de votre administration. Il y aura sans doute des inconnues qui feront bouger les lignes – peut-être pas de crédits, mais en tout cas d’appréciation. Je pense au Sahel, dont nous avons parlé tout à l’heure en Commission des affaires étrangères, à la situation en Syrie, et à bien d’autres paramètres qui nous conduiront à évoquer de nouveau notre capacité d’intervention à l’extérieur, même si ces sujets concernent aussi le ministère de la défense.

Permettez-moi de mettre en perspective les chantiers qui ont été évoqués, afin que nous puissions nous y préparer au mieux, dans un rapport sain et un dialogue constructif avec le Gouvernement.

Trois donnes sont à mes yeux importantes. En premier lieu, les printemps arabes ont des conséquences capitales, en particulier sur le bassin méditerranéen. Il faut distinguer, d’une part, les bouleversements que constituent les mouvements de société et les révolutions politiques en phase de construction, et d’autre part, au Machrek, les zones plus conflictuelles. En deuxième lieu, des évolutions se font jour en Afrique de l’Ouest. Je parle ici non pas du Sahel, mais du déplacement présidentiel à Dakar, qui accompagne un processus d’intégration économique régionale, de consolidation de la paix et de développement de la démocratie déterminant pour notre pays. Beaucoup de nos ressortissants sont issus de ces pays, et nous avons nous-mêmes un intérêt évident à maintenir des relations diplomatiques, culturelles et économiques renforcées avec eux. Je pense, en troisième lieu, aux pays émergents, dont Jérôme Lambert a parlé tout à l’heure. Ces évolutions posent des questions stratégiques qui exigeront, le moment venu, des engagements budgétaires.

En ce qui concerne le bassin méditerranéen, nous devons « mettre en musique » la « Méditerranée de projet » évoquée par le Président de la République lors de la vingtième Conférence des ambassadeurs. Celle-ci ne saurait rester un vain mot. Elle doit se construire autour de quelques idées structurantes telles que des industries communes dans le domaine énergétique, en particulier celui des énergies renouvelables, et le domaine culturel, voire des partenariats stratégiques industriels et commerciaux nouveaux, qui donnent tout leur sens à ce que vous avez appelé la diplomatie économique, mais qui ont des incidences concrètes sur la façon dont nous façonnons ce nouveau paysage avec nos partenaires méditerranéens.

La diplomatie culturelle a évidemment toute son importance et c’est bien pourquoi nous devons maintenir et défendre ce réseau. La défense de la francophonie prend en ce moment de l’histoire une dimension particulière. Bien entendu, il s’agit non pas seulement de défendre la langue française dans les instances internationales face à l’anglais dominant, mais de faire de la langue française – patrimoine commun que nous avons en partage et non illustration d’une quelconque arrogance – le vecteur de ces coopérations. Ainsi, les Marocains déploient déjà une stratégie économique en Afrique sub-saharienne, zone d’influence française traditionnelle dans laquelle nous avons aussi des intérêts évidents. Il nous incombe de construire des stratégies de convergence avec tous nos partenaires d’Afrique de l’Ouest.

S’engager dans ces nouveaux partenariats stratégiques suppose aussi une révision de notre doctrine en matière de visas Si nous voulons donner du sens à la nouvelle ambition française à l’étranger - dont je suis heureux qu’elle ait été plusieurs fois affirmée ces derniers mois –, nous devons, en partenariat avec les pays francophones et les pays émergents, garantir la mobilité des chefs d’entreprise, des scientifiques, des chercheurs et des artistes qui, tous, contribuent à renforcer la position internationale de la France et à favoriser un dialogue fécond et pérenne entre des sociétés qui tendront sinon à se replier sur elles-mêmes. Ce repli est lourd de dangers ; il convient donc de changer radicalement de cap et nous aurons sans nul doute l’occasion d’en débattre à nouveau.

Nous nous devons aussi de prendre en compte les Français de l’étranger. Une nouvelle donne se dessine : les Français établis hors de France étaient certes connus de l’administration, mais l’on s’avise que les 2,5 millions de personnes qui composent la diaspora française constituent une force extraordinaire pour notre pays. Nos compatriotes expatriés doivent bénéficier d’un accompagnement tout au long de leur vie, et en particulier d’une aide sociale quand elle est nécessaire, notamment pour les retraités. Quelles sont les perspectives à cet égard au sein de la Caisse des Français de l’étranger ? Quant à la révision du système des bourses, elle doit permettre aux familles expatriées des classes modestes et des classes moyennes de faire face à des frais de scolarité grandissants. Enfin, si la qualité des services consulaires se traduit pour partie par la dématérialisation, il faudra tenir compte des différences dans l’accès à l’Internet à haut débit selon les pays considérés : chacun conviendra que la dématérialisation ne peut se faire exactement de la même manière selon que l’on est à New York ou à Dakar.

Je ne conclurai pas sans évoquer le personnel consulaire, dont le travail est remarquable. Son effectif est pour les deux tiers – soit quelque 5 200 personnes – constitué de salariés sous contrat de droit local. Si ceux d’entre eux qui sont Français ne peuvent prétendre à une titularisation, sauf par voie de concours, ils pourraient néanmoins voir leur statut amélioré par des droits à formation et à congés et par la prise en compte de leur ancienneté. Nous reconnaîtrions ainsi qu’ils assistent utilement nos compatriotes dans leurs démarches d’état civil et qu’ils aident les ressortissants des pays d’accueil lesquels, pour beaucoup, voient dans nos consulats la première vitrine de la France.

M. Thierry Mariani. Le groupe UMP considère que notre poids politique diplomatique et moral – en résumé, notre influence –, est directement lié aux moyens de notre politique extérieure. Or, nous pouvons aujourd’hui nous interroger sur la politique internationale qui sera mise en œuvre pendant les cinq années à venir, car la politique menée depuis quelques mois est inquiétante. En défiant Angela Merkel, François Hollande a mis à mal le couple franco-allemand pourtant est essentiel à la pérennité de l’Europe. Notre politique illisible en Syrie et au Mali, où nous sommes incapables de mobiliser la communauté internationale, ne renforce pas non plus le rôle de la France. Alors que la capacité d’un État à s’ouvrir au monde a toujours été un ressort essentiel de son rayonnement, vous nous annoncez une diminution de 15 % sur trois ans des dépenses sur les crédits de coopération, de sécurité et de défense, et des dépenses de communication, de protocole et de l’état-major. Vous comprendrez donc aisément, monsieur le ministre, que le groupe UMP votera contre ce budget.

Votre politique est inquiétante, aussi, à l’égard des Français de l’étranger. Quelle que soit la manière dont vous présentez les choses, 15 millions d’euros manquent pour les bourses allouées aux étudiants français à l’étranger. Comme il l’avait annoncé, le Gouvernement a supprimé la prise en charge des frais de scolarité – soit. Mais la gauche avait aussi annoncé que le montant ainsi récupéré serait intégralement affecté aux bourses. Mes collègues s’en souviennent certainement, ayant par trois fois interrogé le ministre à ce sujet lors de l’examen de la loi de finances rectificative, je me suis finalement entendu répondre que le budget global de la mission serait maintenu à l’identique et que les crédits dégagés seraient consacrés aux bourses. Je constate aujourd’hui qu’en dépit des promesses ministérielles, la moitié des crédits précédemment consacrés à la prise en charge des frais de scolarité manquent à l’appel. La Commission des bourses, dont je suis membre, répartit les sommes qui lui sont allouées ; elle ne peut faire qu’avec ce qu’elle a ! Les craintes que j’avais exprimées en séance plénière étaient, hélas, fondées.

Vous avez indiqué, monsieur le ministre, vouloir faire de la diplomatie économique une priorité. Sur ce plan, on ne peut que vous soutenir, mais comment cela se traduira-t-il en pratique ? Il est bon de créer une direction spécialisée au Quai d’Orsay mais, pour m’occuper depuis dix ans des Français de l’étranger au sein de mon mouvement politique, je pense qu’il faudrait en profiter pour revoir la répartition des conseillers économiques dans nos ambassades et la rendre plus cohérente. Pour ne donner qu’un exemple, est-il raisonnable qu’une seule personne soit chargée du développement économique pour l’ensemble des pays du Sud Caucase ? Comment peut-elle couvrir à elle seule une région à la fois si étendue et d’une telle importance stratégique ? Vous nous trouverez à vos côtés si vous révisez la carte de ce réseau.

J’approuve sans réserves les propos de M. Jérôme Lambert relatifs au redéploiement des moyens. Si l’on mesure les moyens diplomatiques consacrés à la Russie, à l’Inde et à la Chine d’une part et, d’autre part, ceux que nous allouons à des pays auxquels un attachement réel nous lie mais qui n’ont pas le même poids économique – tels le Sénégal, le Maroc ou Madagascar – on réalise la nécessité d’un redéploiement.

J’aimerais aussi savoir, monsieur le ministre, si vous envisagez la fermeture de postes diplomatiques au cours des cinq ans à venir. J’espère qu’il n’en sera rien, mais les craintes sont vives. Je sais par exemple, pour m’être rendu récemment en Moldavie et en Bélarus, que l’inquiétude règne dans ces représentations diplomatiques à l’annonce de baisses d’effectif. Pouvez-vous nous rassurer ?

Je tiens enfin à rendre hommage à l’ensemble de notre corps diplomatique, qui accomplit en général un travail remarquable, ne compte pas ses heures et fait preuve d’un dévouement sans faille pour pallier, parfois, un certain manque de moyens. J’associe à cet hommage le réseau culturel et en particulier celui de l’Alliance française, qui doit continuer d’être encouragé dans son effort exemplaire en faveur du rayonnement de la France.

M. Philippe Folliot. Au nom du groupe UDI, je rends à mon tour un hommage appuyé à tous nos diplomates et à tous nos agents qui, de par le monde, oeuvrent avec constance au rayonnement de notre pays et de la langue française.

Nous ne devons cesser de soutenir le réseau des établissements scolaires français à l’étranger qui, comme les Français de l’étranger eux-mêmes, sont des vecteurs majeurs d’image et d’influence pour notre pays ; les élites de nombreux pays ont fait leurs classes dans ces établissements.

Vous avez, monsieur le ministre, décidé de supprimer la prise en charge des frais de scolarité des élèves français à l’étranger . Nous nous en félicitons. Le groupe centriste, par la voix de M. François Rochebloine, s’était élevé contre cette mesure au coût élevé lorsqu’elle avait été instituée. Le dispositif sera désormais plus sélectif car fondé sur l’attribution de bourses ; certes, une petite perte en ligne peut être constatée à ce sujet, mais l’honnêteté commande de reconnaître que ce budget a été élaboré dans un contexte particulièrement contraint.

J’insisterai sur les points qui nous importent particulièrement. En premier lieu, je reprends à mon compte ce qui a été dit sur l’importance cruciale pour notre pays, et par leur nombre et par la qualité de leur investissement personnel, des Français installés à l’étranger. Comme je l’ai constaté moi-même à Madagascar, quelques-uns se trouvent dans un situation difficile, qui mériterait un accompagnement social. Quels moyens comptez-vous allouer à cette fin ?

Si l’on souhaite renforcer l’attractivité de notre pays, la diplomatie économique doit jouer dans les deux sens : nos industriels doivent pouvoir travailler à l’étranger, et nos partenaires économiques étrangers doivent pouvoir venir en France dans de bonnes conditions. Or les difficultés en ce domaine sont parfois réelles. Que comptez-vous faire à ce sujet ?

Je reviens un instant sur les établissements français à l’étranger et sur les investissements qu’ils supposent. Il est choquant que les règlements communautaires interdisent à l’Union européenne – qui intervient en tant que telle dans nombre de pays, avec des moyens évidemment infiniment supérieurs aux nôtres pour l’aide au développement – de financer la rénovation ou la construction de nouveaux établissements scolaires, qu’il s’agisse de l’Alliance française, du British Council ou du Goethe-Institut. Interviendrez-vous, monsieur le ministre, pour que le budget européen serve aussi à renforcer l’influence des pays membres de l’Union par le biais de l’excellence éducative ?

Dans un autre domaine, je puis vous proposer une solution simple pour résoudre le problème que vous avez évoqué des visas à Shanghai. Les interventions de l’Agence française de développement sont multiples dans les pays émergents, la Chine en particulier. Ainsi près de 35 millions d’euros ont-ils été versés à ce pays au titre du développement des capacités de « carbone rural » dans les provinces du Yunnan et du Sichuan. Au regard de la situation des droits de l’homme en Chine, de la puissance économique de ce pays et de l’arrogance dont les Chinois font preuve en Afrique, cette intervention française est-elle si nécessaire ?

Nous devons en revanche poursuivre les contrats de désendettement et de développement, éléments moteur pour de nombreux pays africains.

Pour ce qui est du redéploiement des moyens, je ne partage pas entièrement l’idée selon laquelle il faudrait comprimer notre représentation diplomatique dans les pays avec lesquels nous avons des liens historiques. Les affaires communautaires n’étant plus vraiment des affaires étrangères, il conviendrait plutôt de réduire les effectifs dans les pays membres de l’Union européenne et de redéployer les ressources ainsi dégagées dans les pays émergents ; peut-être nos postes de Londres, Berlin et Rome sont-ils surdimensionnés par rapport à ceux de Moscou, Shanghai et Rio, qui seraient sous-dimensionnés.

Le temps me manque pour évoquer les financements innovants destinés aux travaux concernant nos représentations diplomatiques, mais le nouveau bâtiment de notre ambassade au Japon est un exemple très intéressant de ce qui peut être fait.

Mme Isabelle Attard. Je prends la parole au nom du groupe écologiste, mais c’est aussi en ma qualité d’ancienne expatriée de longue durée que je joins ma voix à celle de Philippe Folliot pour féliciter les services de l’État à l’étranger, qui facilitent l’installation, l’insertion professionnelle et les opérations électorales, car voter depuis l’étranger n’est pas toujours une mince affaire.

Le budget du ministère des affaires étrangères, qui recouvre la mission « Action extérieure de l’État » et une partie de la mission « Aide publique au développement », s’élève à 4,9 milliards d’euros en 2013, en diminution de 2,7 % par rapport aux crédits 2012 reconstitués sur la base du périmètre 2013. Ce budget respecte les priorités du Président de la République et du Gouvernement contribuant à défendre les intérêts de la France et des Français dans un cadre budgétaire très contraint, crise oblige.

Dans ce cadre, nous nous réjouissons des priorités affichées : l’augmentation des moyens consacrés à l’enseignement du français à l’étranger et à la préservation d’instruments d’attractivité fondamentaux comme les bourses d’études et les missions d’expertises ; la préservation des crédits d’aide sociale pour les familles et les Français de l’étranger en difficulté ; la réforme du système d’aide à la scolarité, dans un souci affirmé de justice sociale – et nous serons avec vous si vous étendez le système de bourses à un plus grand nombre de familles modestes ou de classes moyennes

Nous avons toutefois relevé certaines injonctions contradictoires dans les objectifs et indicateurs de performance du programme 105. Ainsi, dans l’objectif 2 « Renforcer la sécurité internationale et la sécurité des Français », il est indiqué avec justesse au paragraphe 2.2 de l’axe 2 que, dans le domaine nucléaire, il s’agit de « renforcer les moyens internationaux de lutte contre la prolifération et son financement (...) en aidant les pays à mettre en place des législations nationales permettant de lutter efficacement contre la prolifération ». Mais la dernière phrase du même paragraphe énonce qu’il s’agit également de « promouvoir le développement responsable de l’énergie nucléaire civile, dans le respect des plus hauts standards de sûreté, de sécurité, de respect de l’environnement et de non-prolifération ».

Or, il n’est plus à démontrer que l’incitation au développement du nucléaire civil dans le monde accentue le risque de prolifération – l’Iran est un cas emblématique. Au 1er avril 2012, 436 réacteurs de puissance fonctionnaient dans 28 pays, et 61 sont en construction. Le danger nucléaire n’a jamais été aussi grand. Si le message politique que la France entend adresser au monde est celui de la paix et de la justice, nous devons plutôt montrer l’exemple et ne pas continuer indéfiniment à promouvoir le développement de l’énergie nucléaire civile, qu’il soit ou non responsable ou présumé « respectueux de l’environnement », alors qu’il est acquis que le nucléaire « propre » n’existe pas.

Les écologistes que nous sommes sont particulièrement attachés à la dimension européenne, notamment en matière d’action extérieure de la France. Dans un contexte budgétaire français extrêmement contraignant, les économies d’échelle et la rationalisation des dépenses sont nécessaires. Aussi, eu égard au développement du Service européen d’action extérieure, nous souhaiterions vous entendre préciser les perspectives de rationalisation du réseau diplomatique français. Au delà de l’évaluation du progrès des intérêts français au sein des instances européennes, notamment par le nombre de Français dans l’encadrement de l’Union européenne et par l’usage du français dans ses institutions, il nous apparaît nécessaire de penser davantage « européen » en matière d’action extérieure. Dans cet esprit, nous continuons de défendre l’idée d’un siège européen, à terme, au Conseil de sécurité de l’ONU.

Nous nous interrogeons aussi sur la place des femmes au sein du réseau diplomatique français, particulièrement aux postes les plus élevés. Combien de Françaises sont ambassadeurs et non femmes d’ambassadeurs ? Quels instruments sont prévus pour favoriser la parité dans une diplomatie qui a longtemps été chasse gardée pour les hommes ?

M. Jerôme Lambert voit dans les départs de Français à l’étranger un signe d’ouverture. J’espère que ces départs n’ont pas lieu pour d’autres raisons, et il serait intéressant de savoir ce qui les motive. Je sais, par exemple, que beaucoup de nos compatriotes s’établissent dans les pays scandinaves, et notamment en Suède, parce que les conditions de vie des personnes souffrant de handicaps y sont bien meilleures qu’en France.

Enfin, je ne suis pas persuadée que les difficultés d’obtention de visas fassent véritablement obstacle au développement du tourisme en France. Je pense en revanche que nous augmenterions l’attrait de notre pays si nous renforcions notre capacité collective à parler l’anglais.

Mme Annick Girardin. Comme tous les ministères non prioritaires, le ministère des affaires étrangères devra, en 2013, réduire de manière substantielle ses dépenses de fonctionnement et d’intervention, les crédits de ses trois programmes, hors politiques prioritaires, baissant de 7 %. Comme l’a souligné François Loncle, on ne peut que s’inquiéter des conséquences de ces coupes budgétaires pour le rayonnement de la culture et de la langue françaises, et donc pour l’influence de la diplomatie française. Déjà, le réseau diplomatique français n’est plus que le troisième au monde, la Chine lui ayant ravi la deuxième place.

Notre inquiétude pour l’avenir de notre réseau diplomatique et culturel à l’étranger est d’autant plus grande que la diminution de ses moyens est renouvelée depuis de trop nombreuses années. Plus que tout autre peut-être, le ministère des affaires étrangères a subi des réformes profondes et des coupes budgétaires depuis le milieu des années 90 ; celles-ci ne sont pas sans impact sur l’efficacité et le rôle de notre diplomatie, en dépit du travail et de la grande disponibilité de nos agents.

En particulier, on ne peut que regretter la diminution des subventions allouées à notre réseau culturel. Ainsi, les subventions à l’Institut français et aux Alliances françaises baisseront de 7 % pour la seule année 2013. Dès lors, comment s’étonner que l’usage de la langue française soit en recul dans le monde ? Et ce, alors que d’autres pays consolident leur propre réseau culturel à l’étranger et renforcent leur diplomatie culturelle et d’influence.

Le projet de loi de finances pour 2013 met certes en avant la possibilité, pour ces organismes, de trouver des financements complémentaires pour compenser ces pertes de recettes. Mais en cette période de crise économique mondiale, cette hypothèse est contestable. Alors que la France diminue fortement son soutien aux organismes qui concourent à son rayonnement, il n’y a pas lieu de croire que d’autres se substitueront à l’État. De plus, contrairement à ce que laisse transparaître le texte, on ne peut imaginer que la capacité de ces organismes à trouver des financements autonomes soit identique : elle dépend assurément de la nature de leurs activités et de leur situation géographique.

Au sein de la mission « Action extérieure de la France », les réductions de dépenses sont appliquées de manière différenciée. Si cela suppose de plus grands efforts dans certains secteurs, cela permet d’en favoriser d’autres, et plusieurs priorités essentielles ont ainsi été définies par le ministère : la sécurité internationale et la sécurité des Français à l’étranger, la construction européenne, la diplomatie économique.

On se réjouira également que l’enseignement français à l’étranger soit préservé ; la cohérence avec les priorités du Gouvernement en faveur de l’éducation est ainsi respectée. Dans ce domaine, la stabilisation des emplois expatriés et résidents est assurée, malgré l’évolution de la masse salariale. De même, la dotation consacrée aux bourses de mobilité des étudiants étrangers reste stable. L’enseignement français à l’étranger, qui contribue fortement à l’attractivité de la France et de la langue française, doit être considéré comme un domaine prioritaire au même titre que l’éducation en France,

Le groupe RRDP votera ce budget.

M. François Asensi. Vous avez, monsieur le ministre, amplement répondu aux questions posées, mais quelques interrogations demeurent. Le budget du ministère progresse, ce qui est une bonne chose dans le présent contexte, et certaines mesures sont positives. Ainsi de la suppression de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français à l’étranger, dont le groupe GDR avait souligné l’injustice l’an dernier puisque la mesure conduisait en réalité à aider ceux de nos compatriotes expatriés qui disposaient des revenus les plus élevés et qui pouvaient déjà accompagner la scolarité de leurs enfants. Il est bon, aussi, que soit examinée au cas par cas la situation des familles en difficulté. Nous nous félicitons encore de l’augmentation de 2 millions d’euros des crédits affectés à l’action « Attractivité et recherche » et de l’accroissement du budget alloué à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

Il reste que votre département ministériel a souffert au cours des dernières années, la RGPP ayant tranché de manière un peu aveugle dans les moyens de notre diplomatie. MM. Juppé et Védrine avaient du reste publié dans Le Monde une excellente tribune commune pour alerter les pouvoirs publics et le Parlement sur le risque d’un ministère « en friche ». Las, les effets de la RGPP sont encore bien présents, avec la disparition de 185 ETP et, si le budget triennal est exécuté, la suppression de 450 emplois d’ici à 2015.

Notre groupe a consulté plusieurs organisations syndicales qui s’inquiètent du risque de fermeture de plusieurs consulats et ambassades ; selon certains, leur disparition serait d’ores et déjà planifiée. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?

Concernant la diplomatie culturelle d’influence, force est de constater des reculs de crédits dans divers domaines, ce que nous ne pouvons que déplorer.

J’en viens à la diplomatie économique. Si, partout dans le monde, nos diplomates doivent bien connaître les questions économiques et de commerce, il ne saurait être question, monsieur le ministre, de les transformer en commis voyageurs ou en représentants de commerce – professions d’ailleurs très honorables –, car la force de la culture doit continuer de l’emporter sur le primat des marchands. Cela participe du discours universel porté par la France et il est essentiel que nous conservions un rayonnement culturel important partout dans le monde.

En conclusion, nous ne voterons pas contre ce budget, mais nous nous abstiendrons.

M. Philip Cordery. Ma question porte sur l’organisation du système éducatif à l’étranger, tellement essentielle pour les Français de l’étranger. D’emblée, je me félicite de la rupture avec la politique de la majorité précédente. Nous sortons enfin d’un système des plus injustes, fondé sur la gratuité de la scolarité au lycée mais pas avant. Il fallait donc avoir eu les moyens d’assumer tous les frais de scolarité jusque-là. La contrepartie de la prise en charge sans conditions de ressource aura été une hausse drastique des frais de scolarité, très lourde pour les familles modestes. On voit bien qui bénéficiait de l’ancien dispositif et qui en pâtissait.

La réforme est donc bienvenue et elle confirme la priorité donnée à l’éducation par le Gouvernement actuel, y compris à l’étranger. Au sein de la Commission nationale des bourses, nous sommes en train d’élaborer un nouveau système, conforme à l’engagement du Président de la République de supprimer la prise en charge et de reverser aux boursiers les montants correspondants. Il est donc mis fin à la prime aux trains de vie élevés et nous avançons dans la voie de la justice. Monsieur le ministre, j’appelle cependant votre attention sur le fait que ce ne sont pas les familles les plus modestes qui doivent être le plus frappées par la réforme. Pour elles, en deçà d’un seuil de prise en charge de 35 à 40 %, de graves problèmes sociaux seraient en effet à redouter.

C’est pourquoi nous avons déposé un amendement tendant à mettre en évidence l’intérêt pour les familles de bénéficier des crédits précédemment alloués à la PEC et je vous remercie, monsieur le ministre, pour les précisions que vous avez apportées à ce sujet à notre collègue rapporteur Philippe Baumel. La moitié des crédits de la PEC se trouve allouée sur un quadrimestre et j’ai bien noté que vous aviez parlé d’une réserve de 9 millions d’euros pour faire face aux difficultés de certaines familles.

J’ai aussi noté – et sans doute est-ce le plus important – le rendez-vous que vous nous avez fixé en 2013 pour préparer 2014, première année pleine du nouveau système. Vous pouvez compter sur notre présence et sur notre vigilance. Le reversement progressif aux familles des crédits de la PEC est socialement juste et il constitue une marque de respect à l’endroit des Français de l’étranger. Il nous faudra aborder la question cruciale de la hausse des frais de scolarité, qui doit être réglée par une nouvelle politique immobilière et de pensions civiles, par la diversification des solutions éducatives à l’étranger et par l’instauration d’une véritable progressivité des montants dus en fonction du revenu. Si certaines familles ne peuvent pas payer, d’autres peuvent payer plus et il y a là une piste de réflexion qui ne doit pas être négligée.

Merci, monsieur le ministre, de nous confirmer votre détermination à régler le problème des frais de scolarité. Au vu de vos réponses, je ne doute pas que nous serons amenés à retirer notre amendement.

M. Nicolas Dhuicq. La puissance de la France dépend de sa défense, de sa culture et de son économie. Au moment où sévit une guerre économique sans merci, je suis frappé par le fait que tout chef d’entreprise américain qui part à l’étranger est formé par la CIA, voire par l’agence nationale de sécurité, la NSA. Or vous avez évoqué le projet d’accélérer les possibilités d’entrée sur notre territoire d’étudiants chinois. Permettez-moi de m’en inquiéter compte tenu des pillages de brevet opérés par cette puissance internationale. En matière d’intelligence et de guerre économiques, malgré les efforts entrepris au cours des dernières années, nous continuons d’accuser un certain retard. Dès lors, votre budget en général et le programme 105 en particulier comportent-ils des crédits en faveur de l’intelligence économique, à la fois pour recueillir des renseignements et pour faire en sorte que nos chefs d’entreprise et nos ressortissants extérieurs n’en livrent pas ?

M. Pascal Cherki. À la suite de plusieurs de mes collègues, je souhaite m’inquiéter des réductions de crédit assez conséquentes auxquelles nous sommes contraints au détriment des instituts français et des établissements de coopération culturelle. Cela concerne 7 500 artistes et 2 500 projets dans 134 pays. Si vous avez déclaré à juste titre, monsieur le ministre, que leurs capacités d’autofinancement pouvaient justifier que leur soit demandé un effort plus important qu’à d’autres départements de votre ministère, j’appelle cependant l’attention sur le fait que la crise économique majeure qui frappe l’Europe entraîne une diminution sensible des cofinancements privés. Ce qui était vrai hier ne le sera pas forcément demain et je souhaite que cette politique soit évaluée de manière objective, à partir des informations transmises par les ambassades.

J’en profite pour rappeler la force de notre réseau culturel : plus de 1 000 centres culturels à l’étranger, dont 226 instituts français et 400 alliances françaises, dont l’une des fonctions principales est de promouvoir la diffusion de la langue française. Il s’agit bien entendu d’un enjeu essentiel et je voudrais prendre l’exemple très concret du Portugal.

Sur une population de 10 millions d’habitants, 220 000 portugais parlent le français, qui est la deuxième langue parlée dans le pays. Malgré l’inclusion dans la péninsule ibérique, seulement 75 000 personnes étudient l’espagnol et l’allemand n’est appris que par 6 000 personnes. Compte tenu de la crise actuelle, le taux d’engagement du Portugal dans son budget éducatif ne dépasse pas 3,8 % du PIB, ce qui constitue l’un des plus bas niveaux de l’Union européenne. Il y a donc une politique de regroupement des classes de langues vivantes qui porte un risque de perte d’influence du français et le gouvernement portugais a beau jeu de nous faire observer que la France elle-même a réduit son effort. Nous héritons d’une situation défavorable, puisque, en cinq ans, nous sommes passés de cinq attachés de coopération culturelle présents au Portugal à un et les crédits ont diminué de plus de 40 %. Le résultat de cette politique ne s’est pas fait attendre puisque le nombre de personnes apprenant le français au Portugal a cruellement chuté.

Parallèlement, en France, aucun poste au CAPES ou à l’agrégation de portugais n’est ouvert depuis deux ans et je n’ai pas connaissance qu’il soit prévu que cela change en 2013. Or, après l’anglais et l’espagnol et devant le français, le portugais est devenu la troisième langue européenne parlée dans le monde, avec 234 millions de locuteurs. L’enjeu est encore renforcé par l’émergence du Brésil et par l’accord de coopération orthographique signé par tous les pays lusophones.

Dans ces conditions, si la France ne reprend pas rapidement la main, nous risquons de perdre un acquis qui pourrait devenir déterminant. D’où ma proposition que le Gouvernement suscite une rencontre de haut niveau sur cette question ou, à défaut, qu’un accord de coopération linguistique entre la France et le Portugal – auquel je sais que travaillent déjà vos services – puisse aboutir. Il en va des intérêts bien compris de nos deux pays.

M. Hervé Féron. Dans le contexte actuel de maîtrise des finances publiques, le maintien des outils d’influence de la France partout dans le monde constitue une véritable gageure. Le Gouvernement en est du reste parfaitement conscient, et c’est pourquoi il a tenu à limiter la contraction des crédits.

La dotation du programme 185 ne diminue, à périmètre constant, que de 1 % et atteint 747 millions d’euros, grâce notamment à la stabilité de la dotation de l’AEFE qui représente 57 % du programme. Les moyens alloués aux différents acteurs que sont les instituts français, les alliances françaises et les établissements à autonomie financière sont ajustés dans la limite de la baisse de 7 % des crédits de fonctionnement décidée par le Gouvernement. Toutefois, les crédits culturels exceptionnels de 14 millions d’euros dévolus au siège de l’institut français depuis 2011 sont maintenus, et les baisses de dotation résultant de la dynamique engagée par le précédent Gouvernement sont atténuées par des cofinancements ou par des autofinancements à progression rapide. Il s’agit de recettes propres, de mécénat, de partenariats avec les collectivités territoriales ou de fonds européens.

Au-delà, la rationalisation des modalités d’intervention du programme 185 doit se poursuivre. L’enjeu est de passer d’une culture de type associatif à une culture d’EPIC, laquelle requiert des règles rigoureuses de gestion, dans le respect des capacités d’influence. Par ailleurs, la mise en réseau des mécènes constitue une hypothèse de réflexion que nous souhaitons vous soumettre. Le mécénat est désormais très impliqué dans notre réseau culturel à l’étranger. En effet, on a pu constater que là où s’implantaient des instituts français, des EPIC associés ou des lycées français, les entreprises s’installaient avec une plus grande facilité compte tenu du dynamisme et du creuset que représente le réseau français. Une mise en réseau formalisée des mécènes permettrait à ces derniers d’intervenir avec une plus grande lisibilité dans les différentes zones du monde et contribuerait au poids stratégique comme au rayonnement de notre pays.

S’agissant de l’action 4 « Attractivité et recherche », dont on a peut-être trop peu parlé ce soir mais pour laquelle le niveau des bourses a été maintenu, j’ai plaisir à remarquer que la France est le quatrième pays d’accueil des étudiants internationaux et je me réjouis de l’abrogation, par la circulaire du 31 mai 2012, de la « circulaire Guéant », un an après sa diffusion. Se trouve ainsi réaffirmée l’importance accordée à la possibilité de compléter une formation en France par une première expérience professionnelle dans notre pays. Cela valorise l’apport intellectuel, économique et scientifique des étudiants étrangers et je ne puis que m’en féliciter.

S’agissant de l’enseignement du français à l’étranger, le maintien de la subvention de l’AEFE à hauteur de 425 millions d’euros, dont 5,5 millions supplémentaires destinés à compenser la part patronale de contribution aux pensions civiles des personnels, constitue, dans les circonstances actuelles, un motif de satisfaction et marque la volonté du Gouvernement de faire de l’éducation une priorité. Toutefois, l’AEFE fait face à une forte demande de scolarisation et elle est confrontée à des charges récurrentes, liées notamment à la rénovation du parc immobilier.

Pendant cinq ans, on a distribué de l’argent sans conditions de ressource sur la prise en charge au détriment d’autres lignes budgétaires de l’AEFE et je me réjouis, au travers de l’action 2 du programme 151, de la suppression de la prise en charge des frais de scolarité. Je ne reviens pas sur les effets pervers de cette mesure décidée par le président Sarkozy. Ils sont en effet largement développés dans le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle à laquelle j’avais participé. Entré en vigueur à la rentrée, le dispositif que vous avez retenu constitue la première pierre d’une réforme plus large et plus juste de l’aide à la scolarité, qui devra être conduite dès 2013. Le redéploiement budgétaire n’a pas encore été affecté aux bourses dans son intégralité alors que l’augmentation des droits d’écolage découlant de la PEC le justifierait. Mais vous venez de nous donner, monsieur le ministre, des informations rassurantes à ce sujet : souplesse, rôle des commissions locales, réserve de 9 millions d’euros éventuellement mobilisable, ajustement dans le projet de loi de finances pour 2014. Soyez sûr que les députés des Français de l’étranger sont très sensibles au fait d’être associés à cette réflexion.

Enfin, nous aurons beaucoup à nous dire à propos de l’AEFE pour que ce bel outil puisse être promis à l’avenir qu’il mérite. En 2009, j’avais consacré un rapport à l’AEFE dans lequel je ne faisais pas que soulever les incohérences et les dégâts collatéraux de la PEC puisque je proposais, entre autre, que soient développées des initiatives alternatives pour l’enseignement en français, comme pour l’enseignement du français à l’étranger. J’avais donné l’exemple du programme d’enseignement bilingue de consolidation du français langue maternelle – FLAM – qui ne coûtait que 300 000 euros à l’AEFE.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Je remercie M. Amirshahi de son appréciation générale et, pour répondre aussi à M. Folliot, je souhaite vous livrer quelques éléments sur l’aide sociale. Il y a 205 comités consulaires, qui ont versé des aides mensuelles à 5 077 bénéficiaires. Ce chiffre est en augmentation constante et il a été décidé de ne plus verser d’allocations non contributives au sein de l’Union européenne, mais de demander aux Français de s’adresser aux systèmes locaux. Nous avons cependant mis en place une prestation adaptée, conforme à la législation européenne. Le montant de la caisse des Français de l’étranger est maintenu à hauteur de 498 000 euros. Au-delà de ces chiffres, qui sont malheureusement un peu « secs », tout le monde s’accorde sur la nécessité de maintenir des crédits d’aide sociale car, si les situations sont d’une grande diversité, certains de nos compatriotes installés à l’étranger vivent dans des conditions extrêmement difficiles. Il est conforme à la tradition française et aux orientations qui sont les nôtres de maintenir l’aide sociale.

M. Mariani s’est montré assez sévère sur les orientations de notre politique étrangère, mais il a eu l’amabilité d’être assez rapide ! Au reste, j’attribue à son sens de l’humour bien connu ses propos sur le dossier très grave du Mali, lorsqu’il déclare qu’au Mali, la France s’est montrée particulièrement incapable de mobiliser la communauté internationale.

S’agissant des 15 millions « disparus » qu’il a évoqués, je vous ai déjà expliqué le mécanisme. J’y reviens car le sujet est d’importance. Lorsqu’on aura fait la sommation sur trois ans, puisque le budget court sur trois exercices, l’ensemble des fonds anciennement destinés à la PEC sera reversé aux bourses. Rien ne reviendra dans les caisses de l’Etat, la totalité étant redistribuée. Je constate que M. Mariani m’approuve du regard et je l’en remercie.

Comme d’autres orateurs, vous avez souhaité que soit mieux réparti le réseau économique et je partage votre point de vue.

S’agissant d’éventuelles fermetures de postes diplomatiques, ambassades et consulats, il faut distinguer l’uniformité du réseau et son exhaustivité. Nous n’avons pas de projet arrêté, mais un poste qui ne compte plus que trois ou quatre agents ne peut pas fonctionner. Par conséquent, des adaptations sont nécessaires et, pour des raisons technologiques, la fonction des consulats va évoluer dans certains cas. La Moldavie et le Belarus ont été cités mais ils ne sont pas concernés. Cela dit, il peut y avoir ici ou là, et je l’assumerai tout à fait, tel ou tel poste trop petit pour rester ouvert et dont il faudra répartir ailleurs les missions. C’est une exigence de bonne gestion. Le réseau doit être uniforme, mais cela ne passe pas forcément par notre présence dans 193 pays.

J’ai été sensible aux hommages que nombre d’entre vous ont bien voulu rendre aux personnels du ministère, qu’ils travaillent en France ou à l’étranger. Ils en seront touchés et je vous en remercie, car ce sont des gens biens.

M. Folliot a abordé toute une série de sujets. Il a notamment émis l’idée – qui ne s’est pas réalisée pour le moment mais pourquoi pas ? – que l’Union européenne puisse contribuer davantage et il a cité le cas de l’AFD et de la Chine. C’est une remarque que j’ai faite à M. Pascal Canfin, qui suit particulièrement ces questions auprès de moi. Je lui ai demandé – et il comprendra le style diplomatique que j’utilise – de veiller à ce que les prêts pour le développement soient réservés aux pays qui se trouvent réellement en situation de développement plutôt qu’à ceux qui ont déjà émergé. Je ne sache pas que l’on puisse comparer la situation financière de la Chine à celle du Pérou ou de la Bolivie. Les décisions nécessaires seront prises, dans le respect des travaux de l’AFD. Comme vous, j’avais été frappé par certaines situations.

Je constate avec plaisir que vous êtes tous favorables au redéploiement et je souhaite que vous mettiez le même enthousiasme à le soutenir lorsqu’il sera opéré, sur la base des conclusions de M. le directeur Saint-Geours. Au reste, je partage tout à fait le point de vue de M. Folliot sur la nécessité de certains redéploiements au sein de l’Union européenne. Nous vivons en effet sur des schémas anciens et les postes n’ont pas tous la même vocation.

En revanche, il n’est pas exact de dire que la Russie manque de personnel ; la Chine, certainement, l’Inde, peut-être.

Je remercie Mme Attard de son appréciation générale. S’agissant du siège européen unique au Conseil de sécurité des Nations Unies, je ne rouvrirai pas le débat qui a eu lieu au cours de la campagne présidentielle. Nous sommes bien entendu favorables à l’intégration solidaire européenne, mais si – ce qu’à Dieu ne plaise ! – la France perdait son statut de membre permanent au Conseil de sécurité, cela changerait tout de même pas mal de choses. Nous proposons une réforme pour permettre à l’Allemagne de disposer d’un siège permanent, de sorte que les trois principaux pays européens soient représentés. Il conviendrait aussi que le Japon puisse siéger de façon permanente et vous connaissez notre position à ce sujet. En tout état de cause, il est essentiel que la France conserve son influence et il ne pourrait y avoir de siège unique pour l’Union européenne que si celle-ci était capable de conduire une vraie politique extérieure commune. Or on en est loin !

À votre question sur la place des femmes dans le réseau diplomatique, je répondrai par deux chiffres : il y a 15 % de femmes parmi les ambassadeurs – une proportion qu’il faut améliorer – ; et, depuis le mois de juin 2012, j’ai obtenu du nouveau Gouvernement, je vous l’apprends sans doute, que 40 % des nouveaux ambassadeurs soient des femmes. Il faut que ce mouvement continue, bien que ce ne soit pas toujours facile. Selon les règles en vigueur au Quai d’Orsay, ne peut être nommée qu’une personne ayant exercé des fonctions d’encadrement. D’ailleurs, depuis mon arrivée, deux nominations décidées antérieurement ont été annulées pour ce motif. Et si la personne vient de l’extérieur, les problèmes sont autres. Cela veut dire qu’il faut augmenter le vivier en amont. Nous nous sommes donc fixé comme objectif – un objectif qui mériterait d’être mieux connu – d’arriver d’ici à 2018 à 40 % des nominations au stade inférieur, pour pouvoir ensuite progresser petit à petit. Pour arriver au résultat, il m’a fallu tordre la réalité et je dois continuer pour nommer davantage de femmes. Encore faut-il que je le puisse.

Madame Attard, vous avez une conception très extrême du développement du tourisme. Vous avez invité nos compatriotes à parler anglais. C’est très bien, même si le défenseur du français que je suis souffre toujours de voir tel ou tel représentant de la France, y compris devant des assemblées francophones, s’exprimer en anglais – mal, en général. Le ridicule atteint alors des sommets. Je souhaite que l’apprentissage des langues se développe, mais les touristes ont besoin de visas. Les deux sont nécessaires.

Je remercie Mme Girardin pour ses propos équilibrés et pour son soutien.

M. Asensi a dressé un bilan contrasté de mon action et je lui ai répondu par avance à propos des ambassades et des consulats. S’agissant de la diplomatie économique et la culture, je suis d’accord avec lui. Il faut mettre l’accent sur l’économie – qui n’est pas forcément synonyme de marché. La France est un tout, c’est à la fois la culture, l’économie, les droits de la personne, le rayonnement de la langue… Je vous invite volontiers au Quai d’Orsay, où vous trouverez au rez-de-chaussée de ce beau bâtiment aux murs recouverts de tapisseries et décorés de tableaux, une réplique de la fusée Ariane dans la première salle, un modèle réduit d’Airbus dans la deuxième salle, et un modèle de la voiture Zoé dans la troisième. Il faut que nos visiteurs sachent que la France et sa diplomatie, c’est aussi bien la culture, les écrivains, les créateurs, que l’industrie, l’économie, l’innovation,… La symbolique que nous utilisons doit se traduire dans le réel.

M. Cordery a tenu, comme toujours, des propos très pertinents. Oui, nous suivrons la question des frais de scolarité qui est très compliquée. Il a bien expliqué les enjeux de la suppression de la PEC. Je le remercie de ses commentaires et me réjouis qu’il ait bien voulu retirer son amendement au bénéfice des explications que j’ai données et aux engagements que j’ai pris.

Monsieur Dhuicq, les crédits correspondant à l’intelligence économique figurent dans le budget de la défense et dans celui de l’intérieur. Je conviens tout à fait qu’il faille se méfier des contrefaçons et du pillage, mais je n’en déduis pas pour autant que nous devrions cesser d’accueillir des étudiants chinois. Nous devons continuer, mais avec discernement. Notre gouvernement voit dans l’afflux d’étudiants étrangers, qu’ils soient chinois ou autres, une richesse. Outre l’ouverture qu’ils nous procurent, ils peuvent devenir d’excellents ambassadeurs.

M. Cherki m’a demandé de suivre particulièrement la question du français au Portugal. Je vais le faire. Ses statistiques sont justes, mais elles doivent s’apprécier en termes dynamiques. Le français est une langue d’avenir. On estime aujourd’hui à 220 millions le nombre de locuteurs francophones mais, grâce à l’Afrique, ils devraient être plus de 700 millions dans une trentaine d’années. Je ne crois pas que, d’ici là, le rattrapage du Brésil soit d’une telle ampleur. Cela étant, vous avez raison, il faut être présent, au Portugal et chez les lusophones. En tout cas, la francophonie a de l’avenir et il faut absolument la défendre.

M. Féron a parlé avec compétence, comme il sait le faire, des bourses de recherche, des moyens culturels, des ressources de l’AEFE, et nous serons très attentifs à ce qu’il nous a dit.

*

A l’issue de la commission élargie, la commission des affaires étrangères procède au vote sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’Etat » du projet de loi de finances pour 2013.

Suivant les conclusions des rapporteurs pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

© Assemblée nationale

1 () Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

2 () Ce projet de loi mentionne un plafond de 2,83 milliards d’euros pour la mission « Action extérieure de l’État » en 2013, mais ce montant s’entend hors contribution de la mission au financement des pensions de ses agents et correspond bien, une fois réintégrée cette contribution, aux 2,97 milliards susmentionnés.

3 () Voir par exemple : le rapport d’étape et le rapport final de la mission d’information de la commission des affaires étrangères sur le rayonnement de la France par l’enseignement et la culture, AN n° 2215, janvier 2010, et n° 2506, juillet 2010 ; le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des finances, AN n° 2693, juillet 2010, établi par MM. Jean-François Mancel, Hervé Féron et André Schneider ; les avis budgétaires successifs de M. François Rochebloine, pour la commission des affaires étrangères ; le rapport au Président de la République de Mmes Geneviève Colot et Sophie Joissains, « Prise en charge des frais de scolarité des Français de l’étranger », rapport au Président de la République, novembre 2010.

4 () C’est-à-dire ceux de l’hémisphère nord, dont l’année scolaire est sensiblement la même qu’en France métropolitaine, alors que dans l’hémisphère sud les « grandes vacances » trouvent place durant l’été austral.