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N
° 254

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2013 (n° 235),

TOME VI

ÉCONOMIE

Commerce extérieur

PAR M. Jean GLAVANY

Député

——

Voir le numéro 251 (annexe n° 21).

INTRODUCTION 5

I. DES RÉSULTATS TOUJOURS INQUIÉTANTS POUR LE COMMERCE EXTÉRIEUR FRANÇAIS 7

A. Une situation durablement dégradée 7

1. Une succession de déficits record 7

2. Des positions commerciales qui s’affaiblissent 10

a. L’effritement continu des parts de marché de la France 10

b. Des points forts qui se maintiennent plus ou moins, des points faibles qui s’aggravent 12

3. Des conséquences dommageables pour l’économie française 13

a. Une contribution souvent négative à la croissance et à l’emploi 13

b. À terme, la confiance dans la France menacée 15

B. L’insuffisance des explications conjoncturelles 17

1. Une dégradation qui ne s’explique que partiellement par la facture énergétique 17

2. Un commerce extérieur français qui profite insuffisamment des rebonds de l’activité mondiale 19

C. La compétitivité-prix, un enjeu à ne pas surestimer 19

D. Des causes structurelles récurrentes 23

1. Des exportateurs trop peu nombreux 23

a. Trois fois moins d’exportateurs qu’en Allemagne 23

b. Des échanges commerciaux très concentrés sur les plus grandes entreprises 24

c. Un taux de rotation élevé des exportateurs 25

2. Un commerce extérieur de plus en plus dépendant de quelques produits 27

3. Des exportations qui restent concentrées sur l’Europe 28

4. Des choix de localisation de production pénalisants pour notre commerce extérieur : l’exemple de l’automobile 30

5. L’insuffisance de l’effort de compétitivité hors-coûts 32

II. DES OPÉRATEURS ENCORE EN MAL DE COORDINATION 35

A. Ubifrance, un réseau dont les performances s’améliorent 35

1. Les résultats de la convention d’objectifs et de moyens 2009-2011 36

2. Les objectifs fixés pour 2012-2014 et les premiers résultats 37

3. L’évolution des moyens dévolus à Ubifrance 38

4. Le déploiement du réseau 39

B. Les dispositifs spécialisés de soutien financier à l’exportation 40

1. Oséo 40

a. Les instruments d’Oséo pour le financement du développement international 40

b. Les réalisations 41

2. La Coface 42

3. Le crédit d’impôt pour dépenses de prospection à l’exportation 44

C. Le rôle des chambres de commerce et d’industrie : CCI International 45

D. L’implication encore limitée des grandes entreprises 45

E. Les pôles de compétitivité 47

1. Les actions menées 47

2. Les résultats 48

F. Une coordination qui doit encore être améliorée 49

1. Les partenariats institutionnels 49

a. Les partenariats entre les opérateurs de l’État 49

b. Les partenariats entre l’ensemble des acteurs 50

2. Les réalisations et leurs limites 51

a. Une Coface qui semble rester quelque peu isolée 51

b. Les conventions régionales à l’export et les guichets uniques : un premier bilan contrasté 51

c. La Bourgogne, un exemple de guichet unique fonctionnel 52

CONCLUSION : QUELLE RÉFORME POUR LE DISPOSITIF DE SOUTIEN À L’EXPORTATION ? 55

A. Les enjeux 55

1. Mobiliser toutes les forces disponibles pour la guerre économique 55

2. Savoir faire le lien marché (pays)-entreprise 55

B. Les grands axes d’évolution 56

1. La nécessité de conforter un opérateur efficace, Ubifrance, et de mieux mobiliser le réseau consulaire 56

2. Des régions dont le rôle doit être avant tout stratégique 56

3. Quel périmètre et quelle organisation pour la Banque publique d’investissement ? 57

EXAMEN EN COMMISSION 59

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le commerce extérieur n’apparaît qu’incidemment dans la nomenclature budgétaire – ce qui est peut-être déjà en soi le signe d’une prise de conscience encore insuffisante, dans nos administrations, des enjeux qui s’y attachent. Tout au plus, dans cette nomenclature, découvre-t-on que l’action n° 7 du programme n° 134 « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie » s’intitule : « Développement international des entreprises ». Cette action devrait être dotée en 2013 de 104,2 millions d’euros, qui correspondent essentiellement au financement budgétaire de l’opérateur public Ubifrance.

Le présent rapport est pourtant exclusivement consacré au commerce extérieur, un enjeu dont le nouveau Gouvernement, au moins, a pris la mesure en constituant un ministère du commerce extérieur de plein exercice.

Il est vrai que la situation est difficile. C’est une véritable guerre économique que se livrent les principales puissances commerciales. C’est la raison pour laquelle il est essentiel que le soutien au commerce extérieur reste une politique de l’État et que ce dernier garantisse à moyen terme le niveau des moyens qu’il y consacre (à travers Ubifrance), comme le font d’ailleurs tous nos concurrents européens.

En 2011, le déficit du commerce extérieur de biens de la France a battu un nouveau record, à plus de 71 milliards d’euros, et il n’est pas attendu d’amélioration en 2012. Depuis 2004, notre commerce extérieur a constamment été déficitaire et le solde n’a pratiquement pas cessé de se dégrader.

Comme les excédents traditionnels sur les services et les revenus des investissements ne suffisent plus à compenser le déficit sur les biens, la balance des transactions courantes est également de plus en plus déficitaire. Or, sauf exception, un pays, a fortiori un pays membre d’une union monétaire, ne peut pas se permettre durablement des déficits croissants de sa balance courante. Le déficit extérieur, ce sont aussi, il faut en être conscient, des points de croissance et des emplois perdus.

L’analyse de l’évolution et des composantes de notre déficit commercial démontre qu’il ne peut être imputé à des facteurs conjoncturels tels que les variations des taux de change, le prix du pétrole ou les fluctuations économiques. C’est bien un déficit structurel qui se creuse, celui d’un pays dont la part dans les exportations mondiales s’effrite inexorablement. Il faut donc lui rechercher des causes structurelles ; parmi celles-ci, on peut notamment identifier le petit nombre des entreprises exportatrices françaises, la concentration des exportations sur quelques grands acteurs et quelques secteurs d’activité ou encore les choix de localisation de production désastreux de certains groupes.

La réussite d’un pays dans le commerce international dépend bien sûr des fondamentaux de sa compétitivité, qu’il s’agisse de la compétitivité-coûts, dont il ne faut pas surestimer l’incidence, ou de sa compétitivité-hors coûts. Cela renvoie à de très nombreux éléments des politiques publiques : fiscalité, effort de recherche, politique éducative, investissements d’infrastructures, etc. Toutefois, votre rapporteur n’a évidemment pas vocation à commenter l’ensemble de la politique du Gouvernement sous l’angle de sa contribution au commerce extérieur.

Mais le commerce extérieur, c’est aussi la somme des réussites et des échecs d’entreprises, qui exportent ou pourraient exporter, ainsi que des dispositifs publics conçus pour les soutenir dans cette démarche. Ces dispositifs, qui sont l’objet de la deuxième partie du présent rapport, manquent encore parfois d’efficacité et de coordination, même si un effort réel a été engagé depuis quelques années.

Aujourd’hui, le Gouvernement envisage de réformer le soutien public à l’exportation, en lien avec la création de la Banque publique d’investissement (BPI). Il nous appartient en effet de mobiliser toutes les forces disponibles pour ce qui constitue une véritable « guerre économique ». Cela implique de mobiliser au mieux ces grands acteurs que sont Ubifrance, opérateur spécialisé de l’État, les conseils régionaux, le réseau consulaire, la future BPI, mais aussi tous ceux qui peuvent apporter leur contribution, en particulier nos diplomates et nos concitoyens vivant à l’étranger.

I. DES RÉSULTATS TOUJOURS INQUIÉTANTS POUR LE COMMERCE EXTÉRIEUR FRANÇAIS

Le déficit commercial français a continué à augmenter en 2011 et ne devrait pas connaître en 2012 et 2013 d’amélioration marquée. Au-delà des variations conjoncturelles – fluctuations du cours du pétrole, croissance ou récession plus ou moins marquée dans telle ou telle zone, taux de change… –, la dégradation du commerce extérieur français depuis une décennie semble bien structurelle. Depuis 2006, où il était équilibré, le solde hors énergie (et hors matériel militaire) s’est dégradé de manière constante, le déficit atteignant 27 milliards d’euros en 2011. Pourtant, notre pays n’a jamais autant exporté ; mais il n’a jamais non plus autant importé.

Et effectivement, on ne peut que s’inquiéter de voir notre commerce extérieur dépendre d’un nombre d’entreprises exportatrices en baisse constante et de rares domaines d’excellence toujours plus menacés, tandis que le comportement de délocalisation de certaines entreprises finit par avoir un impact parfaitement mesurable et désastreux sur notre solde commercial (et naturellement sur l’emploi en même temps).

A. UNE SITUATION DURABLEMENT DÉGRADÉE

1. Une succession de déficits record

Depuis 2003, le solde commercial de la France n’a cessé de se dégrader, comme on peut le constater sur le graphique ci-dessous. Le déficit ne s’est réduit qu’une année, en 2009, dans un contexte de contraction simultanée des importations et des exportations provoquée par la violente crise économique qui a suivi la crise financière de 2008. Ensuite, ce déficit est reparti à la hausse pour culminer à plus de 71 milliards d’euros en 2011.

Les échanges de biens et le solde commercial

Le tableau ci-après permet d’appréhender la tendance pour 2012 – qui ne laisse pas augurer de franche amélioration au regard des résultats du premier semestre –, ainsi que les principales rubriques de notre commerce extérieur : produits énergétiques, industriels et agricoles/agroalimentaires.

Les soldes et taux de couverture par grandes catégories de biens

 

2010

2011

2012

(6 mois)

Solde de la balance commerciale (CAF-FAB (1)) hors matériel militaire

     

Données brutes en milliards d’euros

- 68,7

- 87,2

- 42,3

En % du PIB

- 3,5

- 4,4

- 4,2

Taux de couverture des importations par les exportations (en %)

85

82,8

83,8

Soldes des échanges de produits énergétiques (y compris produits pétroliers raffinés, CAF- FAB)

     

Données brutes en milliards d’euros

- 48

- 62,3

- 34,2

En % du PIB

- 2,5

- 3,1

- 3,4

Taux de couverture des importations par les exportations (en %)

28,3

28,4

26,5

Solde des échanges de produits industriels (hors IAA)

     

Données brutes en milliards d’euros

- 38,3

- 49,5

- 23

En % du PIB

- 2

- 2,5

- 2,3

Taux de couverture des importations par les exportations (en %)

89,5

87,5

88,8

Solde des échanges de produits agricoles et des IAA

     

Données brutes en milliards d’euros

8

11,5

5,2

En % du PIB

0,4

0,6

0,5

Taux de couverture des importations par les exportations (en %)

119,1

125,4

122,5

() Pour le commerce extérieur de la France, la valeur des échanges est prise en compte au passage de la frontière : pour les importations CAF (coût, assurance et fret compris jusqu'à notre frontière nationale), pour les exportations, FAB (franco à bord à notre frontière). Afin de ne pas biaiser le calcul du solde commercial et d'établir une symétrie dans l'évaluation des deux flux d’échanges, la valeur des importations peut être corrigée au moyen d’un coefficient dit « CAF/FAB » pour éliminer tous les frais liés à l’acheminement des marchandises depuis la frontière du pays partenaires ; on obtient ainsi une comptabilisation dites FAB/FAB, utilisée notamment dans le graphique page précédente.

Par ailleurs le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances permet d’envisager l’avenir proche. Pour 2012, il prévoit une stabilisation du solde des biens au niveau de – 71,3 milliards d’euros : le solde des produits manufacturés s’améliorerait (+ 6,7 milliards), en lien avec la décélération marquée des importations dans un contexte de très faible croissance, mais le solde énergétique se détériorerait d’autant (– 6,8 milliards). En 2013, sous l’hypothèse du maintien des prix du pétrole à leur niveau d’août 2012, le solde des biens s’améliorerait légèrement à un niveau de – 69,5 milliards d’euros.

Le déficit croissant de notre commerce extérieur de biens entraîne un déficit également croissant de la balance des transactions courantes, les excédents traditionnellement constatés sur les services et les revenus d’investissements ne suffisant pas à compenser ce déficit.

Balance des transactions courantes

(données corrigées des variations saisonnières, en milliards d’euros)

 

2009

2010

2011

1er semestre 2012

Biens

- 42,8

- 52,8

- 73,7

- 36,7

Services

18,5

15,4

24,3

13

Revenus

32,8

40,6

47

18,3

Transferts courants

- 33,2

- 33,8

- 36,6

- 18,2

Solde courant

- 24,7

- 30,5

- 39,2

- 23,6

Source : Banque de France (statistiques légèrement différentes de celles présentées supra).

Ainsi qu’on peut l’observer, la balance des transactions courantes s’est fortement dégradée en 2010, puis 2011, et le premier semestre 2012 n’est pas meilleur.

2. Des positions commerciales qui s’affaiblissent

a. L’effritement continu des parts de marché de la France

Les parts de marché de la France parmi les autres exportateurs sont en recul constant depuis 2001, comme on peut le voir sur le tableau ci-après, notre pays ayant, en une décennie, vu sa part du marché mondial à l’exportation reculer de 5,2 % à 3,2 %.

Parts du marché mondial en valeur pour les principaux exportateurs de biens

(en %)

 

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Chine

3,9

4,3

5,0

5,8

6,4

7,3

8,0

8,7

8,9

9,6

10,3

10,4

Etats-Unis

12,1

11,8

10,7

9,6

8,8

8,6

8,5

8,2

8,0

8,4

8,4

8,1

Allemagne

8,5

9,2

9,5

9,9

9,9

9,3

9,1

9,4

9,0

8,9

8,2

8,1

Japon

7,4

6,5

6,4

6,2

6,1

5,7

5,3

5,1

4,8

4,6

5,0

4,5

Pays-Bas

3,6

3,7

3,8

3,9

3,9

3,9

3,8

3,9

4,0

4,0

3,8

3,6

France

5,1

5,2

5,1

5,2

4,9

4,4

4,1

4,0

3,8

3,9

3,4

3,3

Corée

2,7

2,4

2,5

2,6

2,8

2,7

2,7

2,7

2,6

2,9

3,1

3,0

Italie

3,7

3,9

3,9

3,9

3,8

3,6

3,4

3,6

3,4

3,2

2,9

2,9

Russie

1,6

1,6

1,7

1,8

2,0

2,3

2,5

2,5

2,9

2,4

2,6

2,9

Belgique

2,9

3,1

3,3

3,4

3,3

3,2

3,0

3,1

2,9

3,0

2,7

2,6

Source : données OMC.

Le plus marquant sur ce tableau, c’est évidemment la montée en puissance de la Chine, passée depuis 2000 de 4 % environ du marché mondial à plus de 10 %. La progression de la Russie, bien que beaucoup moins forte, est également notable. Même si les autres n’apparaissent pas sur ce tableau, il faudrait aussi tenir compte de la poussée de l’ensemble des pays émergents dans le commerce mondial, qui accompagne leur développement économique rapide : il est normal que les pays plus anciennement développés voient leur part du commerce mondial (comme du PIB mondial) diminuer en conséquence.

Par ailleurs, quand on mesure les flux commerciaux en valeur, l’analyse de leur évolution peut être biaisée par les variations de taux de change : un pays dont la monnaie se déprécie (que cela résulte ou non d’une dévaluation volontaire) voit la valeur unitaire de ses exportations diminuer (gain de compétitivité-prix) et si cette diminution fait plus que contrebalancer la croissance en volume desdites exportations, leur valeur globale sera également en baisse (et vice-versa).

Le tableau ci-après présente donc l’évolution des parts de marché à l’exportation :

– mesurées en volume, pour neutraliser les effets de change ;

– en ne prenant en compte que les exportations des pays de l’OCDE, afin d’effectuer une comparaison entre pays comparables et réellement concurrents (la France et l’Allemagne ou l’Italie, par exemple, sont en concurrence sur de nombreux marchés ; en revanche, elles ne sont pas en concurrence avec les pays asiatiques sur les produits d’habillement d’entrée de gamme, car de toute façon, les différences de coûts et donc de prix sont trop importantes pour permettre une compétition).

Parts de marché relatives des membres de l’OCDE
(rapportées à la totalité des exportations de l’OCDE)

(exportations de biens et services, en %)

 

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

États-Unis

16,8

15,8

15,2

15,0

15,1

15,3

15,2

15,6

16,2

16,7

16,6

16,8

Allemagne

13,5

14,4

14,7

14,7

14,8

15,1

15,7

15,9

15,9

15,6

15,8

16,2

Japon

9,3

8,7

9,1

9,7

10,2

10,2

10,3

10,5

10,5

9,0

10,0

9,5

Corée du sud

4,5

4,4

4,8

5,3

5,9

6,0

6,1

6,5

6,8

7,6

7,8

8,0

France

7,9

8,1

8,0

7,8

7,4

7,2

7,0

6,7

6,5

6,5

6,4

6,3

Royaume-Uni

6,7

6,9

6,8

6,8

6,6

6,7

6,9

6,3

6,3

6,5

6,2

6,1

Pays-Bas

5,6

5,7

5,6

5,6

5,5

5,5

5,4

5,4

5,4

5,6

5,6

5,5

Italie

5,2

5,3

5,0

4,9

4,7

4,6

4,6

4,6

4,4

4,1

4,1

4,1

Belgique

3,8

3,9

3,9

3,8

3,7

3,6

3,5

3,5

3,4

3,5

3,4

3,4

Canada

4,9

4,7

4,7

4,5

4,3

4,1

3,8

3,6

3,4

3,3

3,2

3,1

Sources : données OCDE ; calculs DG Trésor.

Sur ce tableau, on voit que dans le partage des marchés d’exportation entre pays de l’OCDE, certains ont significativement amélioré leurs positions depuis une décennie, en premier lieu l’Allemagne, passée de 13,5 % à plus de 16 % depuis 2000. D’autres ont à peu près maintenu leurs positions, notamment les Etats-Unis – qui avec près de 17 % de part de marché en 2011, sont revenus à leur niveau des années 1990 et de 2000, après être tombés à 15 % en 2003 –, ou le Japon – qui, avec des fluctuations, conserve 9 à 10 % de part de marché. Mais la France, avec le Royaume-Uni, l’Italie et le Canada, a vu sa position s’éroder considérablement, tombant de 8 % de part du marché des exportations de l’OCDE au début des années 2000 à 6,3 % en 2011-2012.

Cette analyse montre bien que parmi les pays développés, qui ont des niveaux de vie et des coûts comparables et qui sont soumis à la même pression des pays émergents, la France se classe parmi les moins performants à l’exportation depuis une décennie, alors que, jusqu’en 2001, comme on le constate sur le tableau, elle était en mesure de maintenir voire légèrement améliorer sa position relative.

b. Des points forts qui se maintiennent plus ou moins, des points faibles qui s’aggravent

● Si on observe les soldes sectoriels du commerce extérieur français sur quelques années, on relève le maintien de la contribution positive de certains de nos points forts traditionnels :

– de 2007 à 2011, l’excédent global sur les produits agricoles et agroalimentaires s’est amélioré, passant (avec des fluctuations) de 8,9 milliards d’euros à 11,5 milliards, grâce au maintien d’excédents très élevés sur les boissons (9,5 milliards d’euros en 2011) et les produits laitiers et glaces (3,2 milliards d’euros en 2011), et au très haut niveau d’excédent atteint en 2011 sur les produits de la culture et de l’élevage (près de 5,2 milliards d’euros) ;

– sur la même période, l’excédent sur le secteur aéronautique et spatial, très fluctuant, a plutôt augmenté : 10,4 milliards d’euros en 2007, 12,6 milliards en 2009, mais 18,1 milliards en 2010 et 17,5 milliards en 2011 ;

– il faut également relever le maintien d’un haut niveau d’excédent sur les équipements pour automobiles, excédent qui a atteint 3,1 milliards d’euros en 2011 ;

– l’excédent sur les produits chimiques, parfums et cosmétiques est resté élevé (7,5 milliards d’euros en 2011) ;

– s’agissant enfin des services, l’excédent global s’est accru (passant de 14 milliards d’euros en 2007 à 24 milliards en 2011), malgré un certain repli tendanciel du solde touristique, grâce au dynamisme des services aux entreprises.

● Pour d’autres secteurs industriels qui, dans le passé, contribuaient très positivement au commerce extérieur français, on constate une érosion :

– l’excédent sur les produits pharmaceutiques, qui s’était maintenu aux alentours de 4 milliards d’euros par an jusqu’en 2010, est tombé à 1,7 milliard en 2011 ;

– l’excédent sur le matériel électrique a diminué de près de 3 milliards d’euros en 2008 à moins de 0,6 milliard en 2011

– enfin et surtout, mais on y reviendra, on est passé de 2007 à 2011 d’un quasi-équilibre à plus de 8 milliards d’euros de déficit sur le secteur de l’automobile.

● Enfin, la situation a continué à se dégrader dans des secteurs qui sont depuis longtemps des points faibles :

– notre déficit commercial est passé, de 2007 à 2011, de 13 milliards d’euros à 15 milliards pour les produits informatiques, électroniques et optiques, cet accroissement étant dû surtout aux produits de téléphonie ;

– il tend également à augmenter sur les appareils ménagers et les machines (industrielles et agricoles), deux secteurs qui ont généré chacun un déficit de plus de 3 milliards d’euros en 2011 ;

– il est passé de 10 milliards d’euros en 2007 à 12 milliards en 2011 sur l’ensemble textile, habillement, cuir et chaussures ;

– il a enfin augmenté sur des produits tels que les objets en plastique (plus de 3,3 milliards d’euros de déficit en 2011) et les meubles (4 milliards d’euros).

Sur ces secteurs qui constituent des points faibles de la France, on voit que la concurrence se fait certes souvent avec les pays émergents, mais pas toujours, si l’on pense par exemple au secteur des machines, point fort traditionnel de l’Allemagne.

3. Des conséquences dommageables pour l’économie française

L’accumulation de déficits commerciaux croissants a naturellement des conséquences dommageables sur l’économie française : à court terme, chaque fois que le déficit extérieur se creuse, cela signifie quelques dixièmes de points de croissance perdus, donc quelques milliers ou dizaines de milliers d’emplois perdus ; à plus long terme, un déséquilibre constant et élevé de sa balance courante peut nuire à la crédibilité d’un pays, surtout dans un contexte où les investisseurs doutent désormais ouvertement de la capacité de certains pays développés, européens en particulier, à tenir leurs engagements financiers.

a. Une contribution souvent négative à la croissance et à l’emploi

Le commerce extérieur est l’un des facteurs de la croissance des pays, aux côtés de la consommation des ménages, de l’investissement ou des variations de stocks des entreprises. Lorsque les exportations augmentent, c’est chaque fois un peu plus de richesse nationale qui est produite et des emplois créés (toutes choses égales par ailleurs) : lorsque les importations augmentent, c’est chaque fois un peu de la hausse de la consommation des ménages ou de l’investissement des entreprises qui est perdu pour le produit national, puisque cette consommation ou cet investissement se réalisera un peu plus avec des biens importés et un peu moins avec des produits nationaux.

Le tableau ci-après évalue la contribution, positive ou négative, de l’évolution des exportations, des importations et donc du solde extérieur à l’évolution annuelle du PIB depuis 2008.

Contributions du commerce extérieur à l’évolution du PIB en volume de la France, aux prix de l’année précédente

(en %)

 

2008

2009

2010

2011

2012
1er trim.

2012
2ème trim.

Contribution à la croissance du PIB en points du solde extérieur (biens et services),

- 0,3

- 0,5

-

-

- 0,1

- 0,5

dont :

– Contribution des exportations

- 0,1

- 3,3

2,3

1,3

-

0,1

– Contribution des importations

- 0,3

2,8

- 2,2

- 1,4

- 0,2

- 0,5

Source : Insee Comptes nationaux, données CVS-CJO pour T1 2012 et T2 2012.

Comme on le voit, le commerce extérieur a contribué négativement à la croissance en 2008 et 2009, puis a été neutre en 2010 et en 2011, avant de contribuer à nouveau négativement début 2012 :

– en 2009, dans le contexte d’une crise économique brutale, l’effondrement du commerce mondial a entraîné une contraction très vive des exportations françaises, donc une contribution très négative des exportations au PIB national, qui n’a été que partiellement balancée par la contribution « positive » due à la réduction des importations ;

– la reprise de l’activité en 2010 et en 2011 ayant entraîné un redémarrage des échanges, la demande mondiale adressée à la France a profité de ce dynamisme entraînant un rebond des exportations parallèlement à une augmentation des importations ; au total, ces deux années, la contribution du commerce extérieur à la croissance a été neutre ;

– au cours des deux premiers trimestres 2012, le commerce extérieur a encore contribué négativement à l’évolution du PIB, les importations s’étant plus accélérées que les exportations.

Cependant, sur l’ensemble de 2012, d’après les prévisions macroéconomiques présentées dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances, le commerce extérieur devrait contribuer positivement à la croissance, à hauteur de 0,3 point. En effet, le ralentissement de la demande, et donc des importations, serait plus marqué en France et en zone euro que dans le reste du monde, dont la croissance soutient nos exportations.

En 2013, d’après le même document, la croissance des importations (3,8 %) devrait être moindre que celle des exportations (4,8 %), ce qui signifierait une contribution positive (de 0,2 point) du commerce extérieur au PIB.

b. À terme, la confiance dans la France menacée

S’ils ne sont pas équilibrés par d’autres éléments de la balance courante (échanges de services, revenus des investissements à l’étranger, transferts de fonds par les expatriés…), des déficits commerciaux récurrents finissent par se traduire par un fort endettement (public, privé ou les deux) vis-à-vis de l’étranger.

Sauf à être le pays qui émet la première monnaie mondiale – cas des Etats-Unis –, une telle situation n’est pas indéfiniment tenable, a fortiori si l’on est membre d’une union monétaire. Des économistes qui analysent la crise de la zone euro ont mis en lumière, au-delà de la question du niveau des déficits publics et des dettes souveraines, l’incidence des déséquilibres récurrents des paiements courants dans la zone euro. La balance courante est d’ailleurs devenue l’un des dix indicateurs suivis par les institutions européennes dans le cadre de la procédure dite de prévention et de correction des déséquilibres macroéconomiques qui a été établie en 2011 (1) (parallèlement aux procédures de suivi des déficits et dettes publics excessifs).

Le graphique ci-après, sur lequel figurent les principaux pays de la zone euro, est très significatif. La dégradation progressive de la situation de la France durant les dix dernières années, parallèle à celle de l’Italie, y apparaît bien.

On y relève en outre la situation beaucoup plus déséquilibrée des quatre pays qui ont, depuis la crise financière, subi une forte hausse des taux d’intérêt afférents à leur dette publique et dû demander l’aide de leurs partenaires ou sont en passe de devoir le faire : respectivement, d’une part, la Grèce, le Portugal et l’Irlande ; d’autre part, l’Espagne. Ces quatre pays ont en commun (l’Irlande étant toutefois un peu moins concernée) d’avoir connu dès le début des années 2000 des déficits courants importants, qui se sont fortement alourdis dans les années précédant la crise (2004-2007).

Balance des transactions courantes de quelques pays de la zone euro, rapportée au PIB

(en moyenne sur trois ans, en % du PIB)

Source : élaboré à partir de données Eurostat.

Il ne s’agit évidemment pas d’imputer les difficultés très graves de financement rencontrées par ces pays à la seule dégradation de leur solde extérieur courant. Cette dernière, plus encore sans doute qu’un facteur explicatif, est un symptôme des déséquilibres multiples et variables (selon les cas : bulle immobilière, excès d’endettement privé, comportement irresponsable des banques, manque de compétitivité, déficits publics très élevés et récurrents, mauvaise administration…) qui les ont plongés dans la crise.

Par ailleurs, on doit le souligner, le niveau de déficit extérieur courant (rapporté au PIB) atteint de manière récurrente par des pays tels que l’Espagne, le Portugal et la Grèce est sans commune mesure avec le déficit français actuel, qui reste modéré.

Pour autant, nous devons être conscients qu’accepter un déséquilibre élevé et croissant de son solde extérieur présente un réel danger pour la crédibilité de tout pays, en particulier quand ce pays appartient à une union économique et monétaire, ce qui exclut le recours à la dévaluation et, du moins selon les règles actuellement applicables à la zone euro, la monétarisation de la dette.

En effet, l’accumulation de déficits courants conduit à devoir s’endetter de plus en plus à l’étranger, comme le montre le graphique ci-après, qui rend compte de la position extérieure nette des membres de la zone euro, résultante de leurs soldes courants cumulés.

Position extérieure de l’investissement net des membres de la zone euro en 2011

(en % du PIB)

Source : élaboré à partir de données Eurostat.

B. L’INSUFFISANCE DES EXPLICATIONS CONJONCTURELLES

Le commerce extérieur est naturellement très sensible aux fluctuations conjoncturelles. Cependant, l’évolution récente du commerce extérieur français ne peut s’expliquer par des éléments conjoncturels.

1. Une dégradation qui ne s’explique que partiellement par la facture énergétique

Le coût des importations d’hydrocarbures constitue un élément exogène qui pèse lourdement sur le solde commercial français, sans que les politiques publiques puissent y remédier, du moins à court terme (à moyen terme, il s’agit de poursuivre les politiques d’économie d’énergie et d’organiser la transition énergétique).

Comme on peut le constater sur le tableau ci-après, la France, comme les autres importateurs de produits pétroliers, a été confrontée ces dernières années à l’augmentation rapide, bien qu’avec des fluctuations, des cours du pétrole, le coût moyen du baril de « brent », exprimé en euros (la dépréciation relative de l’euro a eu aussi un impact), étant passé de 52 euros en 2006 à 80 en 2011.

Évolution des soldes énergie, hors énergie et du cours du baril de « brent » depuis 2006

Source : douanes.

Cependant, malgré cette tendance à l’augmentation du prix du pétrole, le solde énergétique de la France a depuis 2006 moins évolué que son solde hors énergie. Le graphique ci-après le fait bien apparaître : le solde hors énergie (en l’espèce également présenté hors matériel militaire) s’est régulièrement dégradé depuis 2006, passant de l’équilibre à un déficit de 27 milliards d’euros en 2007. Dans le même temps, le solde énergétique a été plus fluctuant et s’est finalement moins dégradé, même s’il a atteint en 2011 un maximum à 62 milliards d’euros, représentant la plus grande part du déficit global.

Évolution et décomposition du solde commercial

En milliards d’euros

La « facture énergétique », qui n’est pas une nouveauté pour la France, ne saurait donc être tenue pour responsable de la dégradation durable de son solde commercial depuis une décennie.

Il est toutefois à noter qu’au premier semestre de 2012, le déficit commercial hors énergie s’est élevé à 9,5 milliards d’euros « seulement », soit une amélioration de 4 milliards d’euros par rapport au premier semestre de 2011.

2. Un commerce extérieur français qui profite insuffisamment des rebonds de l’activité mondiale

Les difficultés du commerce extérieur français ne s’expliquent pas non plus par la crise économique mondiale survenue en 2008-2009 et la lente reprise, aujourd’hui menacée, qui a eu lieu depuis.

Le commerce mondial, après avoir connu en 2009 une très forte régression, a vécu un rebond très vif en 2010, avant de retrouver en 2011 un rythme de croissance plus modéré.

En 2009, les exportations de la France, comme celles de très nombreux pays, ont reculé. Mais, en 2010 et 2011, comme il ressort du tableau ci-après, elles n’ont que partiellement participé au rebond du commerce mondial : sur ces deux exercices, leur rythme d’augmentation a été très inférieur à celui du commerce mondial et des exportations de l’ensemble de l’Union européenne. Parmi les dix premiers exportateurs européens, recensés sur le tableau ci-après, la France a même pris la dernière place, en 2010 comme en 2011, pour le taux de croissance des exportations.

Variation annuelle des exportations de marchandises en valeur

(en %)

Variation annuelle

 

2010

2011

MONDE

21,8

19,5

Union européenne

12,2

17,1

Allemagne

12,4

16,9

Pays-Bas

15,3

15,1

France

8

13,9

Italie

9,9

17

Belgique

10,4

16,6

Royaume-Uni

15

16,6

Espagne

11,9

21,3

Pologne

17

17,3

Suède

21,2

18,1

Autriche

11,4

16,6

Source : données OMC, calculs DG Trésor.

C. LA COMPÉTITIVITÉ-PRIX, UN ENJEU À NE PAS SURESTIMER

Alors que le débat sur les facteurs de la compétitivité est engagé dans notre pays, il est intéressant d’observer rétroactivement comment les variations de la « compétitivité-prix » au cours des années les plus récentes se sont traduites dans le solde commercial.

La compétitivité-prix est la résultante de plusieurs facteurs : l’évolution des coûts (qui dépend elle-même de l’évolution des coûts des facteurs de production – inflation, évolution des salaires et des charges –, mais aussi de l’évolution de la productivité) ; l’évolution des taux de change ; l’effort de marge que font (ou non) les entreprises sur leurs prix à l’export.

Le graphique ci-après montre l’évolution de la compétitivité-prix de la France (et de ses principaux facteurs) depuis 2000 (base 100), en comparaison de l’ensemble de ses partenaires de l’OCDE.

Évolution comparée de la compétitivité-prix, la compétitivité-coût et l’effort de marge en France vis-à-vis des pays de l’OCDE

Comme on peut le constater, jusqu’en 2008, la compétitivité-prix de la France s’est régulièrement dégradée par rapport à ses concurrents de l’OCDE dans leur ensemble. La cause en a été principalement la force de l’euro durant cette période. De 2000 à 2008, en effet, le taux de change effectif réel de la France vis-à-vis de ses 42 principaux partenaires commerciaux s’est apprécié de 11,8 %. Cette hausse en termes réels s’explique par une forte appréciation (+ 18,7 %) de l’euro par rapport à son panier de devises de référence, qui n’a pas été que partiellement compensée par la moindre progression relative des prix à la consommation en France (les différentiels d’inflation étant intégrés dans le calcul du taux de change « effectif réel »). De ce fait notamment, la compétitivité-coût de la France, mesurée par rapport à ses partenaires de l’OCDE, a reculé de 15,5 % sur la période, tandis que la compétitivité-prix reculait de 7,4 %, la différence provenant d’un important effort de marge des entreprises exportatrices françaises.

Depuis 2008, nous assistons à une évolution inverse, dans un contexte de dépréciation progressive de l’euro par rapport aux autres grandes monnaies. De 2008 au premier semestre de 2012, le taux de change effectif réel de la France s’est déprécié de 8,2 %, du fait d’une dépréciation moyenne de l’euro de 6,3 % (l’euro ayant reculé de près de 12 % face au dollar, de 32 % face au yen et de 20 % face au yuan) et d’une inflation française un peu plus faible que la moyenne de l’OCDE. Grâce à ce contexte de change favorable, la compétitivité-coût de la France a progressé de 4,3 % depuis 2008 et sa compétitivité-prix de 6,5 %, l’écart s’expliquant encore par un effort de marge relativement plus important de la part des entreprises exportatrices françaises.

La compétitivité-prix de la France a retrouvé au premier semestre de 2012 un niveau proche de celui de 2000, même s’il reste légèrement inférieur. Au moins pour le moment, force est de constater que ce « retour à meilleur fortune » de notre compétitivité-prix, qui date maintenant de quelques années (2008), ne se traduit pas par une amélioration très perceptible de nos échanges.

Il est vrai que, dans la mesure où la compétitivité-prix a mieux évolué depuis une décennie que la compétitivité-coût, l’amélioration relative de la première rend aussi compte d’une moindre progression des marges à l’export par rapport aux principaux partenaires commerciaux de la France, en premier lieu l’Allemagne, où la hausse de ces marges a notamment permis d’investir davantage dans les facteurs hors-prix de la compétitivité.

Cependant, à court-moyen terme, le jugement paraît fondé : améliorer la compétitivité-prix n’est manifestement pas suffisant pour régler le problème du commerce extérieur français.

Cette analyse peut être confirmée par l’observation de l’évolution de certains flux commerciaux bilatéraux, notamment à l’intérieur de la zone euro. Si, par rapport aux pays extra-européens, les variations de compétitivité-prix sont d’abord liées aux fluctuations des taux de change, à l’intérieur de cette zone, la situation est différente : en l’absence de variations monétaires, on y constate des évolutions plus régulières, comme on le voit sur le graphique ci-après, relatif à la compétitivité-prix comparée des quatre principales économies de la zone.

Évolution comparée de la compétitivité-prix de la France et des principales économies de la zone euro

(base 100 en 2000)

Il apparaît que depuis dix ans, la position relative de la France s’est dégradée par rapport à l’Allemagne, où l’on a comprimé les salaires et multiplié les bas salaires – les coûts salariaux dans l’industrie restant toutefois voisins dans les deux pays –, mais s’est améliorée très nettement par rapport à ses voisins du sud, Espagne et Italie, du fait d’une inflation structurellement plus faible : en une décennie, dans la zone euro, la compétitivité-prix relative de l’Allemagne a ainsi progressé d’environ 10 %, mais aussi celle de la France, d’environ 5 %, tandis que l’Espagne et l’Italie ont vu la leur reculer d’environ 10 %. Ces évolutions sont significatives et ont été progressives et continues : si la compétitivité-prix était le déterminant essentiel des résultats commerciaux à moyen terme, l’évolution du commerce bilatéral de la France avec chacun de ces grands voisins devrait en rendre compte.

Or, cela ne semble pas être le cas, ainsi qu’il ressort du tableau ci-dessous : si notre solde commercial s’est fortement dégradé avec l’Allemagne en dix ans, comme l’évolution comparée des compétitivités-prix le laissait augurer, il a peu évolué avec l’Italie, malgré le gain relatif de compétitivité-prix de la France, et s’est même lourdement détérioré (passant d’un fort excédent à un quasi-équilibre) avec l’Espagne, malgré là-aussi un fort gain relatif de compétitivité-prix de la France. Sans doute la situation conjoncturelle espagnole, plus difficile qu’en France, explique-t-elle en partie la performance décevante du commerce français avec ce pays en 2011. Il n’empêche que l’impact de variations, même durables et significatives, de compétitivité-prix sur le commerce extérieur apparaît assez incertain.

Manifestement, le facteur « compétitivité-prix », s’il ne doit pas être négligé, ne doit pas non plus être surestimé.

Évolution du commerce bilatéral de la France avec les autres grandes économies
de la zone euro

 

2001

2011

Solde commercial (de la France avec…)
(milliards d’euros)

Taux de couverture : exportations françaises vers…/importations françaises de… (%)

Solde commercial (de la France avec…)

(milliards d’euros)

Taux de couverture : exportations françaises vers…/importations françaises de… (%)

Allemagne

- 9,8

84

- 16,6

81

Italie

- 1,8

94

- 2,5

93

Espagne

8,7

138

0,1

100

Source : élaboré à partir de données Eurostat et Trésor.

D. DES CAUSES STRUCTURELLES RÉCURRENTES

Les difficultés récurrentes et croissantes du commerce extérieur français résultent avant tout, selon toute vraisemblance, de facteurs également récurrents, sur lesquels on ne note malheureusement pas, jusqu’à présent, de réelles améliorations. Pour aller vite, on peut dire que l’effort d’exportation reste trop concentré sur quelques grandes entreprises, quelques secteurs d’excellence et quelques pays. Cette dépendance à quelques secteurs et entreprises crée une fragilité. Il y a quelques années, lorsque M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur le commerce extérieur, s’inquiétait de la fragilité de l’excédent que l’on constatait alors sur le commerce des automobiles, cette observation pouvait susciter de l’incrédulité ; pourtant, en quelques années, l’excédent automobile s’est mué en déficit croissant ; aucun secteur n’est à l’abri d’une telle évolution.

Par ailleurs, les choix de localisation de production de certains grands groupes français finissent par peser sur notre commerce extérieur.

1. Des exportateurs trop peu nombreux

a. Trois fois moins d’exportateurs qu’en Allemagne

Pour 2011, on estime à 117 170 le nombre d’entreprises exportatrices, soit une petite baisse (de 0,7 %) par rapport à 2010. Après le léger rebond observé en 2010, c’est donc la tendance à la baisse du nombre d’exportateurs qui s’impose à nouveau, dans la continuité de la décennie précédente. On compte donc près de 14 600 exportateurs de moins en 2011 qu’en 2000.

Évolution du nombre d’entreprises exportatrices et des montants exportés

(en milliards d’euros)

En comparaison, l’Allemagne aurait environ 350 000 entreprises exportatrices et l’Italie, pour une population très voisine de celle de la France, environ 180 000.

Si l’on se réfère à l’Allemagne, il est clair qu’un certain nombre de différences structurelles difficiles à réduire à court-moyen terme séparent nos tissus industriels : on trouve outre-Rhin beaucoup plus de « grosses PME » et entreprises de taille intermédiaire ; elles sont plus souvent restées indépendantes ; elles entretiennent avec leur banque, généralement locale, des relations dans la durée qui n’existent plus toujours en France. Dans notre pays, c’est trop rarement que les PME qui s’adressent à leur banque pour obtenir un crédit en vue d’une internationalisation soit l’obtiennent, soit, au minimum, sont renvoyées vers les guichets spécialisés de la Coface ou d’Oséo.

Néanmoins, le fossé entre les deux pays en termes de nombre d’exportateurs laisse penser qu’il existe à court terme des marges significatives pour amener des entreprises françaises à l’export par une politique d’accompagnement adaptée. Encore faut-il que les moyens de cette politique soient garantis dans la durée. Encore faut-il aussi que les chefs d’entreprise s’engagent plus nombreux dans la démarche d’exportation ; il nous faut un peu plus de volontarisme de la part des entreprises.

b. Des échanges commerciaux très concentrés sur les plus grandes entreprises

Corollaire logique du petit nombre relatif d’exportateurs, les échanges commerciaux de la France sont très concentrés sur les plus grands opérateurs. Certes, la grande majorité (95 %) des entreprises exportatrices comptent moins de 250 salariés (près des deux tiers d’entre elles sont même des très petites entreprises employant moins de 20 salariés), mais elles n’ont réalisé que 44 % des exportations françaises en 2011. À l’opposé, les entreprises de plus de 250 salariés ne représentent que 3 % des exportateurs, mais réalisent plus de la moitié des exportations. Les 1 000 premiers exportateurs français assurent même plus de 70 % du chiffre d’affaires à l’export.

Répartition du nombre d’entreprises exportatrices par taille en 2011

Taille
(effectifs salariés)

Nombre d’entreprises exportatrices

En %
du total

Montants exportés en 2011
(en millions d’euros)

En %
du total

Moins de 20 salariés

85 144

73

94 369

22

De 20 à 250 salariés

25 886

22

91 998

22

Plus de 250 salariés

3 443

3

236 496

56

Taille non renseignée

2 697

2

2 561

1

Total

117 170

100

425 424

100

Source : douanes.

De fait, les grands groupes français, très internationalisés, fournissent, avec les filiales de groupes étrangers implantés en France, l’essentiel des exportations françaises. Les PME indépendantes représentaient 85 % de l’ensemble des entreprises exportatrices en 2011, mais leur part dans le chiffre d’affaires à l’export ne dépasse pas 16 %. Ce poids est resté stable au cours des années 2000.

Structure par type d’entreprise de l’appareil exportateur français en 2011

c. Un taux de rotation élevé des exportateurs

Le niveau élevé du taux de rotation des entreprises qui exportent constitue une troisième caractéristique structurelle du commerce extérieur français. Ainsi qu’on le voit sur le tableau ci-après, tous les ans, à peu près un quart des exportateurs de l’année précédente cessent d’exporter et un nombre voisin d’entreprises qui n’avaient pas exporté l’année précédente se mettent à le faire. Le nombre des « sortants » étant régulièrement devenu un peu plus élevé que celui des « entrants », on comprend que le nombre total d’exportateurs soit en baisse tendancielle.

La rotation des exportateurs : entrants, sortants et primo-exportateurs

 

Nombre d’entreprises ayant cessé d’exporter (« sortants »)

Nombre de nouveaux exportateurs (« entrants »)

Taux de sortants (%)

Taux d’entrants (%)

Nombre de primo-exportateurs

Taux de primo-exportateurs (%)

Part des primo-exportateurs dans les entrants (%)

2008

33 646

31 334

28,2

26,2

21 129

17,7

67,4

2009

32 918

29 478

28,4

25,4

19 526

16,8

66,2

2010

29 335

31 897

24,7

26,9

20 380

17,2

63,9

2011

30 785

29 296

26,3

25

19 683

16,8

67,2

Source : Douane.

Champ : Comex, hors échanges de matériel militaire et or monétaire.

Ce niveau de renouvellement reflète la vulnérabilité des exportateurs occasionnels, qui s’essayent à l’international sans toujours transformer l’essai. Ainsi, en 2010, sur 100 exportateurs entrants, seulement la moitié sont encore présents l’année suivante.

La plupart des entreprises « sortantes » sont des primo-exportateurs. Le taux de maintien de ces exportateurs novices est très faible : seulement un tiers de primo-exportateurs exportent au-delà d’un an. Cette déperdition des primo-exportateurs est principalement le fait des entreprises indépendantes, les chances de maintien des entreprises adossées à un groupe étant plus fortes.

La taille des entreprises est, sans surprise, un autre élément explicatif important du maintien ou non à l’international. 87 % des « sortantes » en 2011 sont des entreprises de moins de 20 salariés.

Le nombre et le taux de sortie par classe d’effectifs

 

Nombre de sortantes en 2011

Nombre de sortantes en 2010

Structure 2011 (%)

Structure 2011 (%)

De 20 à 250 salariés

3 677

3 286

12

11

Moins de 20 salariés

26 707

25 714

87

88

Plus de 250 salariés

401

335

1

1

Total

30 785

29 335

100

100

Source : Douane.

Champ : Comex, hors échanges de matériel militaire et or monétaire.

Le niveau élevé de déperdition des PME et TPE qui, ayant exporté une ou deux années, y renoncent ensuite conduit nécessairement à s’interroger sur la pertinence des dispositifs publics de soutien à l’exportation : ces entreprises étaient-elles bien préparées ? Ont-elles bien été accompagnées ?

Cette situation rend peut-être également compte d’un certain opportunisme d’entreprises qui recherchent plus à faire un « coup » à l’exportation qu’à s’internationaliser durablement : peut-être les dispositifs publics de soutien devraient-ils favoriser les entreprises qui s’engagent pour une certaine durée en se structurant pour l’export. Il convient en tout état de cause de veiller à ce que ces dispositifs bénéficient de moyens garantis dans la durée, à commencer par Ubifrance.

2. Un commerce extérieur de plus en plus dépendant de quelques produits

Les résultats du commerce extérieur français sont de plus en plus concentrés sur quelques secteurs souvent assez étroits, ainsi qu’on peut l’observer sur le graphique ci-après : l’aéronautique et l’espace ; les boissons (notamment les vins) ; les produits cosmétiques ; les produits dits de la culture et de l’élevage (notamment les céréales)…

Les plus importants excédents de la France par produit (niveau détaillé) en 2011

(soldes CAF/FAB en milliards d’euros)

Source : douanes.

L’analyse comparative de la structure des exportations des principales économies européennes montre bien le très fort tropisme français sur l’aéronautique, qui représente jusqu’à 8 % de nos exportations contre 1 % à 3 % chez nos principaux partenaires, et, dans une moindre mesure, sur les produits agricoles et agroalimentaires, la chimie et la pharmacie.

Décomposition des exportations de biens des grands pays européens

(en 2011, en % du total)

Allemagne

Espagne

France

Italie

Royaume-Uni

Aéronautique

3

2

8

1

3

Agriculture, agroalimentaire

6

15

13

8

6

Automobile

17

17

9

7

9

Bois, meubles

5

4

4

6

3

Chimie hors pharmacie, plastiques

13

12

15

11

12

Divers

4

8

5

8

14

Energie

3

7

5

5

13

Equipement

34

15

23

30

24

Pharmacie

5

4

6

4

7

Sidérurgie

8

9

7

10

6

Textile, habillement, cuirs, chaussures

3

6

5

12

3

TOTAL

100

100

100

100

100

Source : Eurostat, calculs DG Trésor.

Or, la concentration sur quelques niches présente évidemment des risques.

Certains résultats sont, on le sait, très dépendants de facteurs contingents – il en est ainsi des exportations de céréales, qui dépendent des bonnes ou mauvaises récoltes des uns et des autres en fonction des évènements climatiques.

Mais même des positions de force qui paraissent plus structurelles, plus acquises, peuvent être rapidement remises en cause. Si l’on prend l’exemple de l’aéronautique, l’excédent qui y est constaté tient en premier lieu à la remarquable réussite d’Airbus sur le marché des avions de ligne. Or, cette réussite est à tout instant menacée : outre que le « match » avec Boeing reste incertain, comme le montrent les résultats d’Airbus en retrait en matière de commandes du début de l’année 2012 (2), de toute évidence, ce duopole sur le marché des moyens-longs courriers ne durera pas éternellement ; de nouveaux acteurs vont certainement émerger, qu’il s’agisse à terme du brésilien Embraer et du canadien Bombardier, spécialisés pour l’heure sur les avions régionaux, ou du chinois Comac. Par ailleurs, que ce soit pour obtenir des commandes ou pour des raisons d’intérêt propre, Airbus tend à localiser une part croissante de sa production hors d’Europe, notamment en Chine à Tianjin.

3. Des exportations qui restent concentrées sur l’Europe

Les exportations françaises restent largement concentrées sur l’Europe, cette concentration ne s’atténuant que lentement : l’Europe avait absorbé 69,9 % de nos exportations en 2009 ; ce taux a légèrement diminué à 68,4 % au premier semestre de 2012.

Dans le même temps, la part de l’Asie, zone de croissance s’il en est, dans les exportations françaises est passée de 9,7 % à 12 % ; celle de l’Afrique subsaharienne a stagné à 2 %, malgré les positions traditionnelles que nous y avons et alors que le continent connaît globalement – enfin ! – un réel décollage économique ; celle de l’Amérique latine, autre aire de croissance, a progressé de 1,5 % à un encore bien modeste 1,9 %.

S’il est naturel que les exportateurs français privilégient des marchés géographiquement proches, solvables, plus aisés à pénétrer compte tenu des proximités culturelles, linguistiques et juridiques, et de surcroît sans risque de change dans la zone euro, il est regrettable qu’ils se privent ainsi en partie de bénéficier de la forte croissance de certaines parties du monde.

Globalement, en 2011, les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) n’ont reçu que 6,6 % des exportations françaises, contre 11,4 % des exportations allemandes.

L’examen de la hiérarchie des principaux pays destinataires de nos exportations montre une assez grande stabilité sur la dernière décennie et le maintien de la prédominance de nos voisins européens, comme il apparaît sur le tableau ci-après.

Les vingt premiers clients de la France : évolution 2001-2011

 

2001

2011

Rang

 

Poids (%)

 

Poids (%)

1

Allemagne

15,5

Allemagne

16,5

2

Royaume-Uni

9,8

Italie

8,1

3

Espagne

9,6

Espagne

7,3

4

Italie

8,8

Belgique

7,2

5

États-Unis

8,6

Royaume-Uni

6,6

6

Belgique

7,3

États-Unis

5,6

7

Pays-Bas

3,8

Pays-Bas

4,3

8

Suisse

3,3

Chine

3,2

9

Japon

1,6

Suisse

3,1

10

Suède

1,5

Russie

1,8

11

Portugal

1,4

Turquie

1,6

12

Hong Kong

1,2

Pologne

1,6

13

Pologne

1

Japon

1,6

14

Algérie

1

Algérie

1,4

15

Chine

1

Suède

1,3

16

Autriche

1

Singapour

1,2

17

Canada

0,9

Hong Kong

1

18

Irlande

0,9

Maroc

1

19

Tunisie

0,8

Corée du sud

1

20

Brésil

0,8

Brésil

1

Source : douanes, calculs DG Trésor.

4. Des choix de localisation de production pénalisants pour notre commerce extérieur : l’exemple de l’automobile

Le débat sur ce qu’il est convenu d’appeler les « délocalisations » est devenu constant. Les termes en sont connus : il est clair que certaines entreprises qui s’implantent à l’étranger visent avant tout à y réaliser pour moins cher une production qui restera destinée au seul marché français ; il est non moins admis qu’il ne s’agit pas pour autant d’interdire aux entreprises de s’implanter à l’étranger, le développement de sites de production étant souvent la condition pour développer un courant durable d’affaires dans un nouveau marché. Si une entreprise développe une fabrication à l’étranger, ce doit être pour y gagner des marchés. L’incertitude porte donc sur la quantification des comportements plus ou moins « vertueux » des entreprises.

À cet égard, l’analyse des données relatives aux constructeurs automobiles permet d’isoler assez clairement un exemple de politique d’entreprise où l’implantation d’usines à l’étranger vise très largement à produire à moindre coût pour le marché français. Et l’on en voit les conséquences sur le solde commercial.

La balance commerciale du secteur « construction de véhicules automobiles » se détériore depuis le milieu de la décennie 2000 : on est ainsi passé d’un excédent de 10,5 milliards d’euros en 2004 à un déficit à partir de 2007, déficit qui a atteint 8,3 milliards d’euros en 2011. De 2001 à 2011, les exportations ont chuté de près de 23 %, alors que les importations augmentaient de près de 33 %.

Pendant cette période, le marché automobile français a été relativement stable aux alentours de 2,6 millions d’immatriculations annuelles, avec des fluctuations conjoncturelles. La part des constructeurs français dans ce marché a un peu baissé, comme on le voit sur le tableau ci-après, mais reste élevée, de sorte que les immatriculations de véhicules de constructeurs français en France ont finalement assez modérément reculé de 2001 à 2011 : elles ont diminué de 8 % en passant de 1,66 million à 1,53 million.

Évolution des immatriculations
et des parts de marché des constructeurs français

(véhicules neufs)

Source : CCFA.

On ne peut donc imputer la dégradation de notre solde commercial automobile à la seule pénétration des constructeurs étrangers, dont la croissance reste progressive, puisque de 2001 à 2011, elle n’est passée que de 38,1 % à 41,9 % du marché français.

Mais, sur la même période 2001-2011, la part du marché français occupée par les véhicules produits hors de France par PSA et le groupe Renault (y compris Dacia) est passée de 8,5 % à 30,3 % au moins ! Encore cette évaluation est-elle nécessairement en dessous de la réalité car, pour les modèles fabriqués à la fois en France et à l’étranger, il est présumé (faute de statistiques assez fines), ce qui est évidemment faux, que ceux vendus sur le territoire national sont en priorité des produits assemblés en France, seul l’éventuel complément à la production nationale étant apporté par les sites hors du territoire.

Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce que l’augmentation de la production de nos constructeurs depuis dix ans ait été réalisée exclusivement à l’étranger : ainsi que le montre le tableau ci-après, cette production à l’étranger a plus que doublé de 2001 à 2011, tandis que, sur le territoire national, elle a diminué dans le même temps de 41 %, tombant de 3,35 millions d’unités à 1,97 million.

Évolution de la production en France et hors de la France des constructeurs français

La délocalisation de la production automobile vers des pays à plus bas coûts est-elle inévitable ? Un pays et ses constructeurs au moins font exception, l’Allemagne. S’il est vrai, comme il ressort du tableau ci-après, que la production d’automobiles a diminué fortement dans la plupart des pays développés depuis une décennie, elle a revanche progressé de 14 % en Allemagne sur la même période (en nombre de véhicules produits, cette progression étant certainement plus élevée en termes de valeur compte tenu de la montée en gamme constante des constructeurs allemands). L’exemple des constructeurs allemands montre assurément qu’il est possible de concilier un développement mondial (avec l’implantation d’unités de production dans un très grand nombre de pays) et le maintien d’une base de production nationale très puissante.

Nombre de véhicules automobiles fabriqués par pays

 

2001

2011

Évolution (%)

Chine

2 069 069

18 418 876

790,2

USA

12 799 857

8 653 560

- 32,4

Japon

10 140 796

8 398 654

- 17,2

Allemagne

5 526 615

6 311 318

14,2

Corée du sud 

3 114 998

4 657 094

49,5

Espagne

3 032 874

2 353 682

- 22,4

France

3 348 361

2 294 889

- 31,5

Royaume Uni

1 813 894

1 463 999

- 19,3

Italie

1 738 315

790 348

- 54,5

Source : OICA.

5. L’insuffisance de l’effort de compétitivité hors-coûts

Le dernier élément structurel sur lequel il faut insister, c’est la nécessité de renforcer la compétitivité hors-coûts. La compétitivité des économies les plus développées, où les coûts de production sont nécessairement élevés, parce que le niveau de vie l’est plus qu’ailleurs, repose essentiellement sur des facteurs tels que la réputation, la qualité, l’innovation…

Notre pays a heureusement de réels atouts dans ces domaines : son image est attachée à un certain nombre de produits traditionnels, agroalimentaires ou industriels « de luxe », de très haute qualité ; il est également reconnu pour ses réussites technologiques dans quelques domaines ; ses salariés sont hautement qualifiés et parmi les plus productifs du monde ; ses infrastructures et ses services publics sont solides…

D’ailleurs, des intervenants étrangers dont les entreprises souhaitent pénétrer le marché français soulignent régulièrement combien ce marché est difficile et compétitif, ce qui démontre le niveau d’excellence atteint par de nombreuses entreprises françaises.

Néanmoins, au moins dans certains domaines où l’effort comparé des uns et des autres peut être mesuré, la France pourrait renforcer ses facteurs de compétitivité hors-coûts. C’est le cas notamment en matière d’innovation : dans la comparaison entre pays européens sur l’effort de recherche et développement des entreprises, la position de la France en termes de dépense rapportée au PIB est honorable, puisque supérieure à la moyenne de l’Union européenne, mais, à 1,38 %, très en deçà des niveaux d’effort, de l’ordre de 2 % ou plus, de pays tels que les pays scandinaves et l’Allemagne.

Dépenses de recherche et de développement exécutées par les entreprises dans les pays européens en 2010, en % du PIB

Source : élaboré à partir de données Eurostat.

Des obstacles au développement de nos exportations sont parfois aussi signalés dans des champs plus qualitatifs ou réglementaires.

Il est ainsi clair que, même si des progrès importants ont été enregistrés ces dernières années, la maîtrise des langues étrangères et plus généralement l’ouverture culturelle à l’étranger doivent encore être développées. Cela implique des moyens, un accompagnement spécifique, que l’État doit favoriser à l’aide d’Ubifrance.

De même, le fonctionnement et les règles de nos administrations peuvent certainement peuvent encore laisser à désirer. Il semble ainsi, des cas sont rapportés, que des visas soient parfois refusés à des acheteurs étrangers potentiels, ou encore que les administrations ne délivrent pas dans de bonnes conditions certains certificats dont les entreprises ont besoin. Plus généralement, en restreignant, comme l’ont fait les Gouvernements précédents, l’accès des jeunes en provenance de certains pays aux universités françaises, nous avons sans doute perdu des marchés potentiels à l’export, car un jeune qui a fait ses études dans un pays s’y sera créé des réseaux et sera naturellement amené à importer de ce pays des biens ou des services s’il se trouve ensuite en position de responsable d’achats.

II. DES OPÉRATEURS ENCORE EN MAL DE COORDINATION

Le dispositif français de soutien aux exportateurs a longtemps été marqué d’une part par une certaine dispersion des organismes qui s’en occupaient, d’autre part par une orientation préférentielle vers les grandes entreprises et les « grands contrats ». Un certain centralisme parisien et une tradition d’intervention des autorités politiques dans la recherche et la négociation de ces « grands contrats » expliquent sans doute cela.

Depuis une dizaine d’années, ce dispositif s’est réformé, avec des résultats incontestables. En particulier, l’État s’est enfin doté d’un opérateur efficace avec Ubifrance, dont le professionnalisme s’est nettement amélioré. Dans le contexte de la décentralisation, une plus grande implication des régions et du réseau des chambres de commerce et d’industrie a par ailleurs été recherchée, avec des résultats variables. Les acteurs qui gèrent des mécanismes de soutien financier à l’exportation, Oséo et la COFACE, ont également évolué.

Cependant, bien que les pouvoirs publics aient donné de fortes impulsions en ce sens, tous ces acteurs ne travaillent pas encore assez ensemble pour inciter nos PME à se lancer dans l’export et les soutenir dans cette démarche.

A. UBIFRANCE, UN RÉSEAU DONT LES PERFORMANCES S’AMÉLIORENT

« Ubifrance - Agence française pour le développement international des entreprises » est le bras armé de l’État pour sa politique de développement de l’export. Il s’agit d’un établissement public industriel et commercial qui a été créé par la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique, suite à la fusion de plusieurs organismes préexistants.

En application de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, Ubifrance a bénéficié du transfert d’une partie des moyens des « missions économiques », c’est-à-dire du réseau international du ministère de l’économie, ce qui lui permet de disposer d’implantations à l’étranger. Cette réforme a été mise en œuvre progressivement à partir de 2009 et sera achevée officiellement au 31 décembre 2012. Elle s’est traduite par le transfert à Ubifrance de moyens budgétaires évalués à près de 52 millions d’euros, dont près de 41 millions de masse salariale correspondant à 894 emplois. Deux réseaux internationaux aux missions distinctes coexistent donc désormais : celui des services économiques du Trésor, chargés des missions régaliennes (suivi de la situation économique et financière des pays, relations avec les autorités locales, appui aux grands contrats, négociations multilatérales…), et celui d’Ubifrance, orienté vers l’appui aux PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI).

La mission d’Ubifrance, telle que définie par la loi en 2003, est de « favoriser le développement international des entreprises françaises en réalisant ou coordonnant toutes actions d’information, de formation, de promotion, de coopération technique, industrielle et commerciale et de volontariat international ». En pratique, Ubifrance mène notamment des actions de prospection des marchés et d’accompagnement des entreprises à l’export, en offrant à ces dernières des prestations de conseil, d’aide à la mise en contact avec des clients potentiels et de communication. Ubifrance gère également le volontariat international en entreprise (VIE). Enfin, Ubifrance attribuait les aides SIDEX, supprimées en novembre 2011 : il s’agissait d’aides forfaitaires aux missions de première prospection à l’international des PME et TPE.

1. Les résultats de la convention d’objectifs et de moyens 2009-2011

Sur la période 2009-2011, les relations entre l’agence et l’État se sont inscrites dans le cadre d’une convention d’objectifs et de moyens (COM) qui posait plusieurs objectifs :

– porter à 20 000 le nombre d’accompagnements annuels d’entreprises sur les marchés extérieurs, tant au travers d’actions individuelles que d’opérations collectives (pavillons France sur les salons et missions d’entreprises) ;

– identifier et emmener à l’international 10 000 nouvelles entreprises non exportatrices ou très faiblement exportatrices dans le cadre d’un partenariat avec les chambres de commerce et d’industrie ;

– porter à 7 000 le nombre de jeunes en volontariat international en entreprise (VIE) en poste à l’étranger.

L’objectif fixé en termes d’accompagnements d’entreprises a été rempli : le nombre de ces mesures est passé de 13 100 en 2008 à 19 400 en 2011, après un pic à 21 850 en 2010. Cette progression a été principalement portée par l’activité directe de l’opérateur : les accompagnements individuels et collectifs réalisés en compte propre ont augmenté de 80 % en trois ans et représentent plus des deux tiers du total. L’effort a été particulièrement fort sur les accompagnements collectifs : le nombre d’opérations collectives organisées en propre par Ubifrance est passé de moins de 380 en 2008 à plus de 700 en 2011.

L’objectif a également été atteint pour ce qui est du nombre de VIE, passé de 6 323 fin décembre 2008 à 7 075 fin décembre 2011.

Pour ce qui est de l’accompagnement de nouveaux exportateurs, plus de 14 000 en auraient bénéficié en 2011.

Au cours de la dernière année de la COM, l’État a souhaité que l’agence augmente sa capacité opérationnelle propre et privilégie les accompagnements susceptibles de créer de la valeur-ajoutée pour les entreprises, en entraînant des retombées commerciales effectives. Cette décision s’est traduite par la signature d’un avenant par lequel l’agence s’engageait à :

– réaliser 14 000 accompagnements en compte propre (collectifs et individuels), objectif qui a été dépassé (15 021 prestations réalisées) ;

– amener 1 500 PME à développer des courants d’affaires dans des pays où elles n’exportaient pas encore, objectif également largement rempli (1 585 PME concernées en réalisation).

On relèvera toutefois une déception sur l’indicateur de « fidélisation » de la « clientèle » d’Ubifrance, avec un résultat chiffré en 2011 à 40,9 % pour un objectif de 56 %.

2. Les objectifs fixés pour 2012-2014 et les premiers résultats

Un contrat d’objectifs et de performance (COP) a été signé en septembre 2011 pour la période 2012-2014, succédant à la COM 2009-2011. À cet égard, il convient de relever le changement de terminologie opéré : les « moyens » disparaissant dans le contrat au bénéfice de la « performance », l’État a cessé de s’engager sur la continuité des moyens affectés à l’opérateur, ce qui nuit à sa capacité de gérer son développement à moyen terme – et a permis des coupes budgétaires sévères dès la loi de finances pour 2012 (voir infra).

L’accent est mis dans ce COP sur la qualité du service offert aux PME et ETI et la capacité de l’agence à détecter et accompagner des entreprises disposant d’un potentiel à l’exportation, avec notamment un objectif fixé en termes d’exportations effectives (et plus seulement en nombre d’entreprises accompagnées). Il s’agit donc, notamment :

– d’accompagner à l’international 17 000 PME et ETI différentes, à l’aide de 51 000 prestations d’accompagnement, dont au moins 80 % réalisées par Ubifrance en propre ;

– de développer 10 000 nouveaux courants d’affaires au bénéfice de 6 000 PME et ETI différentes ; ainsi, les accompagnements réalisés par l’agence devront permettre à plus d’une entreprise cliente sur trois de développer de nouveaux courants d’affaires sur les marchés prospectés.

Pour évaluer ses résultats en la matière, Ubifrance a fait appel à un institut de sondage, qui a interrogé les entreprises bénéficiaires de prestations au premier semestre de 2011 : un an après, 80 % de ces entreprises déclaraient avoir identifié un ou des contacts « à potentiel » nouveaux sur le marché visé, 32 % de ces entreprises déclaraient avoir développé un courant d’affaires nouveau et 28 % prévoyaient de le faire (soit 60 % d’entreprises auxquelles Ubifrance aurait donc apporté des retombées commerciales).

Le COP 2012-2014 devrait être amendé au cours du premier trimestre 2013 afin de renforcer les objectifs qualitatifs fixés à l’agence et dans le contexte de la politique définie par le nouveau Gouvernement. L’accent sera notamment mis sur l’accompagnement dans la durée des entreprises pour favoriser leur réussite à l’international.

3. L’évolution des moyens dévolus à Ubifrance

Ubifrance bénéficie à la fois de ressources budgétaires et de ressources propres (commerciales). La dotation budgétaire se compose d’une subvention pour charges de service public, destinée à couvrir les frais de personnel et de fonctionnement, et de crédits d’intervention, qui sont destinés au financement d’opérations collectives à l’étranger organisées au profit des PME et ETI.

Les tableaux qui suivent retracent, d’après les documents budgétaires, d’une part l’évolution du financement budgétaire d’Ubifrance, d’autre part l’évolution de son budget global intégrant les ressources propres.

Évolution du financement d’Ubifrance sur les crédits budgétaires de la mission « Économie »

(crédits de paiement, en millions d’euros)

 

2011 (réalisé)

2012 : PLF

2012 : LFI

2013 : PLF

Subvention pour charges de service public

77,15

79,37

79,02

81,6

Crédits destinés aux interventions

25,07

26,4

24,44

22,4

TOTAL

102,22

105,77

103,46

104

Source : projet annuel de performances de la mission « Économie » pour 2013.

Évolution du budget d’Ubifrance

(en millions d’euros)

Charges

Comptes 2010

Comptes 2011

Budget prévisionnel 2012

Produits

Comptes 2010

Comptes 2011

Budget prévisionnel 2012

Personnel

68,21

80,87

83,53

Subventions

90,38

102,22

99,4

Fonctionnement

33,65

35,38

34,5

Ressources propres

65,93

65,34

66,41

Interventions

59,97

51,05

47,78

       

TOTAL

161,83

167,3

165,81

TOTAL

156,31

167,56

165,81

Source : projets annuels de performances de la mission « Économie » pour 2012 et 2013.

S’agissant du financement budgétaire, il convient d’observer que les données de la loi de finances initiale pour 2012, déjà en deçà de ce qui avait été inscrit à l’origine dans le projet de loi de finances (suite à un amendement), ne correspondent pas à ce qui sera effectivement réalisé durant cet exercice, compte tenu des mesures de régulation budgétaire : ainsi, la subvention effective pour charges de service public doit-elle s’élever à seulement 75,8 millions d’euros, contre plus de 79 millions d’euros prévus en loi de finances initiale. Elle sera donc en recul par rapport à la réalisation de l’exercice 2011.

En 2013, cette subvention atteindrait 81,6 millions d’euros, ce qui représentera une forte progression, pour notamment prendre en compte une sous-évaluation de 1,6 million d’euros des charges des personnels transférés depuis les missions économiques.

Pour ce qui est des crédits d’intervention, là-aussi compte tenu de la régulation budgétaire, ils représenteraient, en 2012, 22,97 millions d’euros (à comparer aux 24,44 millions figurant en loi de finances initiale et même aux 26,4 millions inscrits à l’origine dans le projet de loi de finances pour 2012). En 2013, ils s’élèveraient à 22,4 millions. On assiste donc à une diminution significative de ces crédits en 2012, puis 2013.

Quant à l’analyse des budgets successifs d’Ubifrance, elle montre, dans un contexte de faible évolution des ressources budgétaires comme des ressources propres, une tendance à la diminution des moyens d’intervention, compte tenu de la nécessité de couvrir des charges de personnel en hausse.

Pour autant, des efforts de maîtrise de celles-ci ont été effectués : la direction d’Ubifrance revendique en trois ans une diminution de 10 % des effectifs cumulés du réseau Ubifrance-Trésor, ainsi qu’une réduction très forte (de 50 % en 2009 à 14 %) du taux d’expatriés parmi les personnels – les Français expatriés générant des charges salariales particulièrement fortes.

Par ailleurs, la mission d’Ubifrance étant de plus en plus centrée sur le conseil et l’accompagnement local, donc les moyens humains, plus utiles que la distribution d’aides financières aux entreprises, il est naturel que les charges de fonctionnement augmentent aux dépens de celles d’interventions. La progression obtenue en matière de nombre d’entreprises accompagnées à l’export démontre la pertinence de cet accent mis sur les moyens humains.

Le plafond d’emplois budgétaires de l’agence sera fixé à 1 393 en 2013, contre 1 418 en 2012 (et 1 383 en réalisation 2011).

Il est enfin à noter, sur cette question des moyens, qu’Ubifrance continue à appartenir au réseau diplomatique français et qu’en règle générale ses implantations sont localisées dans les locaux diplomatiques. Outre les économies que cela entraîne, cela apporte à l’opérateur un bénéfice immatériel, celui du prestige qui s’attache à notre diplomatie et notamment aux réceptions organisées dans les ambassades et animées par les ambassadeurs.

4. Le déploiement du réseau

Ubifrance n’a pas les moyens d’être présent dans tous les pays du monde. On décompte actuellement 80 bureaux dans 60 pays. La priorité est donnée aux implantations dans les marchés porteurs ou susceptibles de le devenir, les pays d’implantation représentant globalement 95 % des flux du commerce extérieur français. L’agence est naturellement présente dans les pays de l’OCDE et tous les grands pays émergents : elle est par exemple active en Russie, Chine, Inde, Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Afrique du sud, Argentine, Chili, Brésil, Mexique… En 2012, il est prévu des implantations nouvelles en Colombie, Libye, Côte d’Ivoire, Angola, au Cameroun, au Kenya, au Kazakhstan et aux Philippines. Il y a donc une volonté de s’intéresser à l’Afrique subsaharienne, qui connaît enfin, depuis quelques années, un développement économique réel (du moins certains pays).

La couverture d’un plus grand nombre de pays, dans un contexte budgétaire limité, tend à reposer sur des délégations de service public. Plusieurs ont récemment été effectuées, dans des pays tels que le Pérou, le Venezuela ou la République démocratique du Congo. Les délégataires sont les chambres de commerce et d’industrie françaises locales (CCIFE) ; c’est également le cas, depuis plus longtemps, au Maroc.

Si les moyens d’Ubifrance ne lui autorisent pas une présence universelle, il n’en reste pas moins que le recours à des opérateurs extérieurs limite les possibilités pour la puissance publique d’orienter les actions menées et de contrôler leurs résultats. Ce recours ne devrait donc être envisagé qu’à titre supplétif.

La question des relations avec le réseau des chambres de commerce et d’industrie, qui doivent être le relais territorial d’Ubifrance, appelle d’autres commentaires. On y reviendra infra lors de l’analyse des partenariats entre les opérateurs.

B. LES DISPOSITIFS SPÉCIALISÉS DE SOUTIEN FINANCIER À L’EXPORTATION

1. Oséo

Oséo est une entreprise publique (l’État et la Caisse des dépôts et consignations détiennent près de 90 % du capital) dotée d’une mission d’intérêt général de soutien au développement des PME. Issue de la fusion de diverses institutions préexistantes, elle dispose d’environ 1 000 collaborateurs répartis dans 37 directions régionales et a trois axes d’interventions : les aides à l’innovation (prenant la forme de subventions, prêts ou avances) ; la garantie de prêts bancaires ou d’apports en fonds propres aux PME, en s’appuyant notamment sur les fonds de garantie des régions ; le financement en partenariat (co-investissement) avec des banques classiques.

a. Les instruments d’Oséo pour le financement du développement international

Oséo propose plusieurs instruments qui peuvent servir au financement du développement international des entreprises.

 Les prêts

Trois de ces instruments prennent la forme de prêts avantageux : le prêt pour l’export, le contrat de développement participatif et le contrat de développement international. Ces prêts, qui comportent un différé de remboursement du capital et sont accordés sans sûretés ni cautions, ont pour objet de financer les dépenses immatérielles liées à une démarche à l’export.

Le prêt pour l’export, d’un montant limité, peut être délivré dès la création d’une entreprise. Oséo a cherché à continuer à développer son activité à l’export en 2011 en facilitant l’obtention de ce prêt :

– par le relèvement du plafond de ce prêt de 75 000 à 150 000 euros ;

– par l’accélération de la procédure d’obtention (qui pouvait atteindre huit mois) en réduisant le nombre d’autorisations administratives.

Le contrat de développement international, d’un montant un peu plus élevé (jusqu’à 300 000 euros), est destiné à des entreprises plus matures (trois ans d’existence au moins).

Enfin, le contrat de développement participatif vise des entreprises plus grandes : il peut atteindre 3 millions d’euros.

 Les garanties

Oséo offre un produit comparable à une garantie des risques export, la garantie de projets à l’international : destinée aux PME et ETI (moins de 460 millions d’euros de chiffre d’affaires), elle est susceptible de couvrir les apports en fonds propres à une filiale nouvelle (création ou rachat majoritaire) hors Union européenne.

Par ailleurs, Oséo peut aussi garantir à hauteur de 60 % des prêts bancaires et des lignes de cautions sur marchés à l’export (que l’entreprise doit fournir pour soumissionner aux marchés internationaux et en sécuriser les règlements ou la bonne exécution).

 Les aides à l’innovation collaborative

Collaborer avec des partenaires technologiques, européens ou internationaux, permet d’accéder à des marchés et à des compétences pour accélérer la mise au point d’innovations et réduire les coûts de développement. Oséo a développé des dispositifs à cette fin.

b. Les réalisations

Le tableau ci-après rend compte des réalisations en 2011 et au premier semestre de 2012 sur les différentes mesures d’Oséo. On relève notamment la montée en puissance des prêts pour l’export (produit créé en octobre 2008) : 173 mis en place en 2010, 430 en 2011, près de 500 prévus en 2012.

État des réalisations d’Oséo à l’international en 2011 et au premier semestre de 2012

* Les 2/3 des contrats de développement participatif sont liés à un contexte de développement à l’international de l’entreprise.

La prospection des entreprises susceptibles de bénéficier de ces mesures est assurée par environ 400 chargés d’affaires sur les territoires, qui rencontrent annuellement de 30 000 à 50 000 entreprises.

Oséo revendique également des relations serrées avec les réseaux bancaires, qui lui adressent des clients potentiels et avec qui sont montés régulièrement des dossiers de cofinancement.

La direction d’Oséo a conduit récemment une opération originale d’accompagnement à l’export en Chine : ayant sélectionné, à partir de propositions de ses directions régionales, 24 entreprises technologiques à potentiel, elle a fait réaliser avec l’aide d’Ubifrance un test préalable de la capacité de leur production à intéresser le marché chinois ; 11 entreprises retenues suite à ce test ont été accompagnées sur place ; 3 de ces entreprises, cinq mois plus tard, y avaient établi un courant d’affaires. Des opérations comparables ont été menées ou vont l’être au Chili et au Mexique.

2. La Coface

La Coface (Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur) est l’opérateur traditionnel pour les assurances destinées aux exportateurs.

Cependant, cette entreprise occupe une place paradoxale au sein de l’équipe de France de l’export, car elle a développé une activité purement privée qui est très lucrative et représente désormais l’essentiel des encours qu’elle garantit. Cette activité privée occupe aussi le plus grand nombre des 4 600 collaborateurs de la Coface, dont 250 seulement relèvent de la direction des garanties publiques selon son rapport d’activité pour 2011. Ce petit réseau est nécessairement assez peu présent sur les territoires : 6 directions interrégionales en France.

La Coface n’en continue pas moins à gérer pour le compte de l’État un ensemble de garanties publiques :

– l’assurance-crédit (exécution et paiement des contrats à l’export) ;

– l’assurance-prospection ;

– l’assurance-change ;

– l’assurance-investissement ;

– l’assurance-risque exportateur (couverture des cautions et préfinancements bancaires).

Les montants couverts dans le cadre de ces garanties publiques sont concentrés à près de 94 % sur l’assurance-crédit, dont, fin 2011, l’encours total s’établissait à 64,2 milliards d’euros, contre 59,5 milliards fin 2010. Cet encours est concentré sur les « grands contrats » : un tiers concerne Airbus et un quart les contrats militaires. Une telle situation ne peut qu’amener à s’interroger sur la crédibilité de l’action de proximité, vers les PME, que l’on attend en principe de la Coface.

L’assurance-prospection est la principale mesure orientée vers les PME et ETI (moins de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires), auxquelles elle apporte à la fois un relais de trésorerie (dans la phase de prospection, des indemnités sont versées à l’entreprise pour couvrir une partie de ses dépenses) et une assurance contre l’échec (lorsque les recettes résultant de la prospection sont insuffisantes, l’entreprise conserve tout ou partie des indemnités reçues).

Ce dispositif a fait l’objet de plusieurs réformes depuis 2008 ; en particulier, un nouveau produit a été créé en 2012 pour répondre aux besoins des primo-exportateurs (chiffre d’affaires à l’export inférieur à 200 000 euros et chiffre d’affaires global inférieur à 50 millions d’euros) : l’« assurance prospection premiers pas » (A3P), dont le montant maximal est de 30 000 euros et dont les modalités de distribution sont plus simples et plus souples (pas d’instruction lors de la prise en garantie, les vérifications étant réalisés ex post au moment du versement de l’indemnité ; pas de définition préalable d’un plan de prospection…). À ce jour, 848 demandes d’A3P ont été souscrites.

Le nombre d’entreprises bénéficiaires de l’assurance-prospection s’est fortement accru ces dernières années et est proche aujourd’hui de 8 900 (un objectif de 10 000 avait été fixé en février 2011 par le Gouvernement). 80 % des bénéficiaires ont un chiffre d’affaires inférieur à 8 millions d’euros.

Évolution des principales données relatives à la procédure d’assurance-prospection

 

Nombre total d’entreprises bénéficiaires, au 31 décembre

Montant des engagements de la Coface à ce titre (en millions d’euros)

Chiffre d’affaires à l’export déclaré par les entreprises bénéficiaires (en millions d’euros)

2000

5 321

111

1 622

2001

5 020

104

1 782

2002

4 420

82

1 278

2003

4 386

79

1 011

2004

4 299

70

785

2005

4 318

69

748

2006

4 505

76

681

2007

4 657

86

732

2008

5 214

105

729

2009

6 028

141

677

2010

6 724

157

601

2011

7 500

165

797

Selon la Coface, les effets sur les exportations sont significatifs. En 30 ans, la procédure aurait généré 45 milliards d’euros d’exportations, avec un effet de levier de seize euros d’exportation pour un euro dépensé.

Cependant ce dispositif structurellement déficitaire dont l’État couvre les pertes représente, rançon de son développement, un coût budgétaire croissant, qui a triplé depuis 2012 pour dépasser la centaine de millions d’euros. Ce constat rend légitime un réexamen des aides financières à l’export, afin notamment d’éviter que ne perdurent d’éventuels doublons entre ceux offerts par la Coface et par Oséo.

Évolution du coût budgétaire de la procédure d’assurance-prospection

(en millions d’euros)

 

Dépenses effectives

2008

36,1

2009

53,5

2010

71,7

2011

92,1

2012

101,3

3. Le crédit d’impôt pour dépenses de prospection à l’exportation

Il faut par ailleurs rappeler l’existence d’une dépense fiscale destinée à favoriser la prospection à l’exportation.

Ce dispositif est manifestement assez peu utilisé : il représenterait un coût budgétaire annuel de 13 millions d’euros, pour seulement 1 010 entreprises bénéficiaires en 2011.

Il prend la forme d’un crédit d’impôt et est réservé aux TPE-PME indépendantes (selon la définition européenne). Il permet de couvrir 50 % d’une liste de dépenses liées à la prospection commerciale en vue d’exporter, telles que la participation à des salons, le recours à un VIE ou encore le conseil d’un opérateur spécialisé.

Le bénéfice du crédit d’impôt est en outre subordonné au recrutement d’un collaborateur chargé de l’export ou d’un VIE et n’est accordé que durant les deux ans qui suivent ce recrutement, condition qui a le mérite de cibler les entreprises qui cherchent à s’engager durablement dans l’export ; il est plafonné sur cette période à 40 000 euros.

C. LE RÔLE DES CHAMBRES DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE : CCI INTERNATIONAL

Au cours de la précédente législature, il a été demandé au réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI) d’être en quelque sorte, sur les territoires, les relais de la politique nationale de l’export.

À cette fin, les CCI et les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger (CCIFE) ont constitué en 2010 l’association « CCI International ».

Par ailleurs, l’Association des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI) a été partie de la « charte nationale à l’exportation » signée avec l’ensemble des acteurs le 12 juillet 2011. Dans ce cadre, des objectifs quantitatifs et qualitatifs (notamment en termes de détection et d’accompagnement des entreprises, en particulier les primo-exportateurs) ont été fixés. Les CCI se sont notamment engagées à sensibiliser 20 000 PME/ETI chaque année et parmi elles, 3 000 primo-exportatrices et 2 000 PME/ETI à fort potentiel.

Le réseau des CCI revendique, entre autres :

– plus de 400 conseillers en développement international et l’équivalent de 600 emplois temps plein dédiés à l’international ;

– l’identification et l’accompagnement de 9 000 primo-exportateurs de 2009 à 2011 ;

– l’organisation de 925 évènements à l’international par an ;

– l’organisation de 565 journées d’information « pays ».

D. L’IMPLICATION ENCORE LIMITÉE DES GRANDES ENTREPRISES

L’une des forces des entreprises allemandes et italiennes est de savoir coopérer de manière très intense pour s’ouvrir des marchés extérieurs. À l’inverse, les entreprises françaises gardent une approche très individualiste.

Une enquête récente auprès des fournisseurs sur leurs relations avec leurs clients « grands comptes », commanditée par l’association « Pacte PME » (voir infra), révèle que c’est sur la diffusion d’informations sur les besoins éventuels des filiales internationales et plus généralement sur les opportunités à l’étranger que la satisfaction est la plus faible. 62 % des enquêtés ont estimé insatisfaisante ou peu satisfaisante la pratique de leurs clients grandes entreprises dans ce domaine.

Certaines grandes entreprises ont toutefois pris l’habitude de se faire accompagner par leurs fournisseurs dans leurs affaires à l’étranger, pour des motivations diverses, qui peuvent relever d’une démarche « citoyenne » ou d’un intérêt bien compris : il s’agit notamment d’entreprises qui négocient de « grands contrats » au niveau des États, avec souvent un fort contenu technologique (dans des domaines tels que l’exploitation pétrolière, les centrales nucléaires, l’aéronautique, l’armement…) ; être suivies par leurs fournisseurs est parfois une nécessité technique ; cela peut aussi répondre à une exigence des États avec qui elles contractent et qui demandent l’implantation d’entreprises diverses dans le cadre de leur développement.

Le « portage à l’export » consiste donc, pour un grand groupe, à apporter diverses prestations de soutien (mise à disposition de contacts, conseils divers…) à des PME. Son développement ne peut reposer sur la seule bonne volonté de quelques entreprises. L’extension de cette démarche à l’ensemble des grandes entreprises permettrait évidemment de toucher plus de PME. Par ailleurs, une grande entreprise seule n’est pas nécessairement en mesure de susciter par son soutien un courant d’affaires suffisant pour intéresser une PME à pénétrer un marché nouveau, quand le soutien collectif des grandes entreprises françaises présentes sur ce marché le pourrait.

Dans cette optique, une « charte du portage » a été signée le 5 mai 2011 par une vingtaine de grands groupes (Airbus, Alstom, Altran, Areva, Astrium, Bombardier, Cassidian, EDF, Eurocopter, GDF-Suez, MBDA, Onet, Total, Thales, SchneiderSafran, Siemens France, SNCF, Vinci). Ce document recense les bonnes pratiques permettant d’associer davantage les PME sous-traitantes françaises aux grands projets à l’exportation des groupes et est doté d’indicateurs de suivi de l’effectivité de l’action des grandes entreprises. L’engagement principal de ces dernières consiste à présenter, lors de chaque demande de soutien financier export auprès de l’État (crédit export COFACE principalement) d’un montant supérieur à 300 millions d’-euros, un « plan de portage » précisant les PME et ETI pressenties pour les accompagner à l’export.

Jusqu’à présent, quatre entreprises ont présenté un plan de portage pour deux projets. Ces projets étant récents, il est encore trop tôt pour en connaître la mise en œuvre.

Par ailleurs, l’association « Pacte PME international », réunissant des grands groupes, a été créée en 2009 avec pour mission d’appuyer le développement international des PME en mettant à leur disposition l’expérience et les réseaux de ces groupes. Les résultats n’étant pas au rendez-vous – seuls 350 portages ont été réalisés –, la structure a été fusionnée avec l’association « Pacte PME », à l’objectif plus général. Celle-ci regroupe 47 « grands comptes » (des grandes entreprises privées ou publiques, mais aussi des établissements publics, des collectivités territoriales, des administrations), 20 organisations professionnelles et 17 pôles de compétitivité. Elle revendique l’identification d’environ 500 PME fournisseuses de ses membres qui auraient un potentiel à l’export. Elle prône une démarche pragmatique, comprenant notamment la désignation, dans chacune des grandes entreprises ou administrations qui la composent, d’un responsable des « fournisseurs à potentiel », qui doit être placé auprès du directeur des achats afin de pouvoir agir effectivement.

« Pacte PME international » bénéficiait d’un financement budgétaire (0,19 million d’euros en 2011 et 0,185 million en 2012) sur les crédits de la mission « Économie », programme « Développement des entreprises et du tourisme ». La question de la reconduction de cette subvention est posée, compte tenu de la dissolution de l’association au bénéfice de « Pacte PME ».

Au-delà des grandes entreprises industrielles françaises, d’autres acteurs mériteraient sans doute d’être sollicités pour porter des PME à l’export : les groupes de la grande distribution, qui pourraient être suivis par certains de leurs fournisseurs dans leurs implantations à l’étranger, que l’on sait très nombreuses ; les filiales françaises des grandes entreprises étrangères.

Il reste beaucoup à faire pour que les entreprises françaises « chassent en meute » sur les marchés d’export.

E. LES PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ

Les pôles de compétitivité semblent constituer un vecteur intéressant d’internationalisation de nos PME, avec des résultats significatifs.

1. Les actions menées

● Les conventions DGCIS/Ubifrance

Le développement de partenariats industriels et technologiques internationaux est l’un des objectifs des pôles de compétitivité. Dans ce but, deux conventions successives ont été signées entre la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) et Ubifrance, respectivement pour les périodes 2009-2011 et 2012-2014. Ce dispositif privilégie clairement l’accès des PME et ETI aux marchés internationaux dans une logique de « chasse en meute ».

Entre 2009 et 2011, environ 80 opérations ont été soutenues dans ce cadre pour un coût budgétaire de 1,4 million d’euros. Ces opérations ont soutenu 877 acteurs économiques des pôles de compétitivité, dont 495 PME/ETI, 75 grandes entreprises et 95 laboratoires de recherche, soit 56 % de PME/ETI. Environ 160 accords de partenariats technologiques (110 accords technologiques, dont 80 par des PME) et industriels (50 accords industriels) ont été signés ou sont en cours de négociation suite aux missions mises en œuvre en 2009 et 2010. Pour 2011, on aurait 74 accords de partenariats technologiques signés ou en cours de signature et 29 accords commerciaux signés ou en cours de signature. 8 opérations se sont déroulées depuis le début de l’année 2012 (avec les pôles automobile aux États-Unis, les pôles mécanique au Brésil, les pôles biotechnologies aux États-Unis, les pôles énergie au Canada, les pôles aéronautique et les pôles photonique en Russie et les pôles agro-alimentaire en Corée du sud/Japon) ; elles ont permis d’accompagner 125 entités dont 78 PME/ETI, soit une participation de ces dernières à hauteur de 62 %, et de générer environ 500 rendez-vous d’affaires.

● Les autres actions

En dehors des conventions DGCIS/Ubifrance et d’après les statistiques transmises par les services du ministère du commerce extérieur, les efforts d’internationalisation des pôles de compétitivité apparaissent significatifs :

– ces pôles ont accompagné 1 433 entreprises à l’international en 2009 et 1 814 en 2010 dans des actions de promotion commerciale et de partenariat à l’étranger ;

– le nombre de collaborations formalisées par les pôles avec des « clusters » étrangers a connu une forte croissance sur la période 2008 à 2011. En effet, chaque pôle déclare avoir en moyenne 4,8 collaborations formalisées avec des clusters étrangers en 2011 (pour les deux tiers en Europe), contre 1,9 en 2008. Les pôles de compétitivité poursuivent à travers ces collaborations un double objectif : recueillir les bonnes pratiques en matière d’animation de filières régionales et aider leurs membres à formaliser de nouveaux partenariats technologiques ou commerciaux.

2. Les résultats

Les résultats obtenus, qu’ils tiennent à l’action des pôles ou au dynamisme intrinsèque des entreprises qui en sont membres, semblent substantiels :

– le taux d’exportation des PME ayant un établissement membre était de 25 % en 2010, contre 20 % en 2009 ;

– 41 % des PME membres de pôles ont réalisé en 2010 plus de 5 % de leur chiffre d’affaires à l’exportation, contre 23 % en 2009 ;

– enfin, les entreprises ayant au moins un établissement membre d’un pôle de compétitivité réalisent environ un tiers des exportations françaises (ce résultat étant cependant à relativiser car les plus grandes entreprises françaises ont quasiment toutes un établissement membre d’un pôle).

F. UNE COORDINATION QUI DOIT ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉE

L’action des gouvernements successifs a été tournée vers deux objectifs durant ces dernières années : d’une part, constituer un opérateur efficace pour le compte de l’État, avec la création et le renforcement d’Ubifrance ; d’autre part, intéresser d’autres collectivités du champ public à la politique de l’export – les régions, les chambres de commerce et d’industrie – et assurer la coordination de l’ensemble de ces acteurs.

Dans ce domaine de la coordination, de grandes ambitions ont été affichées, avec la mise en avant de formules telles que « l’équipe de France de l’export » ou le « guichet unique de l’export ».

Certaines initiatives n’ont pas débouché sur des réalisations concluantes. C’est ainsi qu’en décembre 2011 avait été nommé un commissaire général à l’internationalisation des PME et ETI, en la personne de M. Jean-Claude Volot, afin de faciliter et de suivre les mesures de coordination des acteurs. Il a remis sa démission le 30 août 2012 et n’a pas été remplacé.

Pour autant et avec des limites sur lesquelles on reviendra, une impulsion a clairement été donnée pour plus de coordination entre les acteurs de l’export. Cette impulsion a conduit à la mise en place de partenariats institutionnels.

1. Les partenariats institutionnels

Il convient de distinguer deux niveaux de partenariats, d’une part ceux entre les opérateurs de l’État ou agissant pour son compte, d’autre part ceux y associant les autres acteurs potentiels

a. Les partenariats entre les opérateurs de l’État

Après avoir développé diverses relations bilatérales entre eux, Ubifrance, Oséo et la Coface ont signé, en juin 2011, une convention afin de proposer aux entreprises une offre conjointe baptisée « Les clefs de l’export », regroupant les différents dispositifs publics de soutien financier. Un support commercial commun a été élaboré pour présenter ensemble les différentes mesures offertes par les partenaires.

Par ailleurs, des rencontres entre les personnels des trois opérateurs ont été organisées, ainsi que des formations croisées : par exemple, Oséo a mis en place un programme de formation de ses salariés à l’international qui fait intervenir des collaborateurs de la Coface et d’Ubifrance ; la Coface a de son côté organisé avec les collaborateurs d’Oséo et d’Ubifrance des rencontres qui se sont tenues à son siège ; enfin, le directeur des relations internationales d’Oséo a rencontré récemment les responsables régionaux des garanties publiques de la Coface…

Par une convention relative aux échanges d’informations du 6 juin 2011, les trois opérateurs ont également décidé d’établir une plateforme d’échanges de données et de mutualiser leurs fichiers d’entreprises, afin d’avoir une vision transversale des soutiens accordés, d’éviter des doublons dans le financement des entreprises et de gagner en efficacité pour l’instruction des dossiers.

Au niveau bilatéral, Ubifrance et Oséo sont en train de développer plusieurs coopérations pratiques en vue de rendre un meilleur service aux entreprises : ainsi Ubifrance prévient-il par internet Oséo des entreprises qui demandent ses services ; Oséo utilise les fichiers d’entreprises exportatrices d’Ubifrance pour procéder à des mailings de sensibilisation ; il y a des échanges de collaborateurs et même des opérations en commun. Oséo a par exemple mené récemment une opération originale d’accompagnement à l’export en Chine : ayant sélectionné, à partir de propositions de ses directions régionales, 24 entreprises technologiques à potentiel, l’opérateur a fait réaliser avec l’aide d’Ubifrance un test préalable de la capacité de leur production à intéresser le marché chinois ; 11 entreprises retenues suite à ce test ont été accompagnées sur place ; 3 de ces entreprises, cinq mois plus tard, y avaient établi un courant d’affaires. Des opérations comparables ont été menées ou vont l’être au Chili et au Mexique. Enfin, les deux opérateurs envisagent de mettre en place des administrateurs croisés dans leurs instances de direction respectives.

Cette collaboration étroite entre Ubifrance et Oséo a pour intérêt de valoriser au mieux les compétences et les outils de chaque opérateur, en évitant les doublons.

b. Les partenariats entre l’ensemble des acteurs

La Charte nationale de l’exportation a été signée en juillet 2011 par l’État, ses opérateurs (Ubifrance, Oséo et Coface), l’Association des régions de France, l’Association des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI), l’Union des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger (UCCIFE) et le Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France. Elle s’articule autour de trois orientations : mettre en place un guichet unique de l’export, spécialiser les acteurs en fonction de leur compétences et de leur cœur d’activité, établir des objectifs chiffrés communs et solidaires afin d’aboutir à développer des courants d’affaires à l’export.

Des objectifs quantitatifs et qualitatifs (notamment en termes de détection et d’accompagnement des entreprises) ont été fixés et devaient être déclinés au travers de conventions régionales de l’export. À ce jour, 18 de ces conventions ont été signées : Alsace, Aquitaine, Auvergne, Bourgogne, Centre, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Guyane, Ile-de-France, Lorraine, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie, Picardie, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Réunion et Rhône-Alpes. La Corse, la Basse-Normandie, le Limousin et les Pays-de-la-Loire pourraient également disposer de leur texte régional à l’automne 2012. Les négociations se poursuivent dans les quatre dernières régions (Bretagne, Guadeloupe, Languedoc-Roussillon et Martinique).

2. Les réalisations et leurs limites

a. Une Coface qui semble rester quelque peu isolée

Les relations d’Ubifrance et d’Oséo avec la Coface semblent rester moins développées que les coopérations bilatérales Ubifrance-Oséo.

Si l’on regarde la manière dont les dossiers d’assurance prospection, qui est le principal outil proposé par la Coface aux PME, sont apportés, on voit que 35 % remontent des réseaux de la Coface elle-même, pourtant peu présents sur le terrain, contre 21 % des « institutionnels régionaux », 10 % des banques, 5 % d’Ubifrance et 1 % d’Oséo. Dans une note transmise à votre rapporteur, la direction de la Coface observe elle-même que les partenariats qu’elle a engagés n’ont donné de résultats significatifs qu’avec les chambres de commerce et d’industrie et avec un seul réseau bancaire, celui du CIC. L’insuffisance de l’implication des banques classiques dans le soutien à l’export (s’agissant des PME) est ainsi confirmée. Mais il appartiendrait aussi à la Coface de démarcher plus activement les réseaux bancaires pour qu’ils renvoient leurs clients vers elle (ou vers Oséo, ou vers la future Banque publique d’investissement).

Il apparaît au demeurant que certains outils financiers proposés par Oséo et la Coface ont des objets proches, les garanties apportées par l’un pouvant ressembler, dans leur finalité, aux assurances gérées par l’autre, même s’il s’agit de dispositifs juridiquement différents. Il y a donc peut-être des formes de « doublons ».

Cela dit, les éléments recueillis auprès de personnes ayant des responsabilités sur les territoires montrent que la Coface est souvent bien intégrée à l’« équipe de France de l’export » et connue des entreprises locales. Les situations sont donc diverses.

b. Les conventions régionales à l’export et les guichets uniques : un premier bilan contrasté

Ubifrance, dépourvu de réseau local, a besoin de relais territoriaux pour toucher les PME et les ETI et atteindre ses objectifs d’accompagnement d’un plus grand nombre d’entreprises à l’exportation. De même, la direction d’Oséo souligne la nécessité d’avoir, sur le sol national, près des entreprises, plus d’accompagnateurs à l’international.

Or, le degré d’implication des CCI dans la mission d’internationalisation des PME et leur volonté de coopérer avec Ubifrance sont variables. Ainsi, durant la période 2009-2011, sur les 8 800 nouveaux exportateurs détectés par les CCI, seulement 3 500 ont-ils été dirigés vers Ubifrance, les 5 300 autres ayant été accompagnés par les CCI en France ou à l’étranger… Il semble en être de même pour les collaborations avec Oséo.

Avec les conseils régionaux, l’enjeu est d’éviter les doublons opérationnels, sachant que certaines régions ont créé leurs propres services spécialisés dans l’aide à l’export (par exemple ERAI – Entreprise Rhône-Alpes international, Centréco-Centrexport en région Centre, Sud de France Développement en Languedoc-Roussillon…). Ubifrance cherche à agir en complémentarité avec ces opérateurs régionaux, avec des réalisations variables. De même, Oséo travaille en bonne coordination avec les régions, notamment pour la mise en œuvre des fonds de garantie qu’elles ont généralement constitués, tout en observant que le ciblage « international » de ces fonds reste souvent limité (ou inexistant) et en relevant la longueur des procédures régionales d’attribution d’aides (du fait de l’obligation de faire voter ces aides en commission permanente).

Les guichets uniques se mettent progressivement en place, après de nouvelles négociations au niveau régional. Selon l’administration, on en dénombre aujourd’hui 12 (Alsace, Auvergne, Bourgogne, Centre, Champagne-Ardenne, Corse, Franche-Comté, Ile-de-France, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais, Poitou-Charentes, et Rhône-Alpes). La signature des conventions régionales de l’export n’a donc pas systématiquement signifié la création de guichets uniques : 12 guichets uniques effectifs, mis en place entre fin 2011 et l’été 2012, pour 18 conventions régionales signées.

Dans certaines régions signataires d’une convention, la mise en place du guichet unique pâtit d’une divergence réelle entre la région et la chambre commerciale et d’industrie de région. Ailleurs, il faut seulement donner du temps au temps. En Bretagne, la fusion entre le CCI international local et l’agence spécialisée du conseil régional, Bretagne international, est en bonne voie, de même que la signature d’une convention régionale. Préalablement, il a fallu fusionner les CCI territoriales.

Cela dit, selon les réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur, les premiers bilans quantitatifs disponibles sur les conventions régionales sont conformes aux objectifs contractualisés dans les régions où les premières de ces conventions ont été signées. Ainsi, par exemple, au terme du premier semestre de 2012, 221 PME ont-elles été sensibilisées en Auvergne, pour un objectif de 300 par an, dont 17 primo-exportateurs (objectif : 35 par an) et 45 PME à fort potentiel (objectif : 25 par an) ; en Nord-Pas-de-Calais, 613 entreprises ont été sensibilisées (objectif : 1 000 par an), dont 79 primo-exportateurs (objectif : 130 par an) et 73 PME à fort potentiel (objectif : 120 par an).

c. La Bourgogne, un exemple de guichet unique fonctionnel

D’après les éléments recueillis par votre rapporteur, la région Bourgogne a progressivement mis en place, de manière pragmatique, un guichet unique du soutien à l’export qui fonctionne de manière satisfaisante.

La prospection des entreprises susceptibles d’être intéressées par l’exportation repose sur plusieurs instruments : le réseau consulaire n’y suffisant pas, le conseil régional recourt à des retraités du commerce, dont il couvre les frais de déplacement, ainsi qu’aux organisations patronales locales.

L’accès au dispositif régional de soutien se fait à travers un site internet, « J’entreprends en Bourgogne », qui propose un volet « export ». L’« Équipe de Bourgogne de l’export », où sont présents l’ensemble des partenaires (conseil régional, État, réseau consulaire, Ubifrance, Oséo, Coface…), se réunit mensuellement et chaque entreprise se voit désigner un référent unique.

Le conseil régional consacre environ deux millions d’euros par an au soutien à l’export. Ses moyens humains directs dans ce domaine sont cependant limités : il finance ainsi deux VIE (à Santiago du Chili et à Singapour) et quelques partenariats traditionnels, notamment avec le Land de Rhénanie-Palatinat. Pour l’essentiel, le conseil régional intervient donc en finançant ou cofinançant des aides aux entreprises ou des prestations mises en œuvre par d’autres : prise en chargé d’embauches par les entreprises de VIE (50 % pendant deux ans) ou de cadres ou assistants à l’export (30 %) ; prestations de prospection à l’étranger ; opérations collectives (participation à des salons) gérées par le réseau consulaire…

Le statut de « chef de file » du conseil régional est donc assuré principalement par le fait qu’il apporte les financements, sans qu’il soit estimé nécessaire de disposer d’une agence régionale spécifique pour l’export. Un tel choix permet de mobiliser pleinement les compétences existantes et d’éviter les doublons.

CONCLUSION : QUELLE RÉFORME POUR LE DISPOSITIF DE SOUTIEN À L’EXPORTATION ?

La désignation d’une ministre de plein exercice pour le commerce extérieur rend compte de la priorité que le Gouvernement accorde à l’amélioration de notre solde commercial. Une réforme des dispositifs de soutien va être présentée. Aussi bien le diagnostic que les propositions, pour celles que l’on peut déjà connaître, peuvent faire consensus. Votre rapporteur voudrait souligner, en conclusion, les principaux enjeux de cette réforme et ce qui pourrait en être les grands axes.

A. LES ENJEUX

1. Mobiliser toutes les forces disponibles pour la guerre économique

On l’a vu, on a trop pris l’habitude, pour assurer l’équilibre du commerce extérieur français, de se reposer sur quelques grandes entreprises emblématiques, comme Airbus, ou quelques produits français bénéficiant d’une tradition de prestige. Or, cela ne suffit plus, et l’enjeu est maintenant de mobiliser tous les acteurs possibles pour l’export : l’ensemble des entreprises, même petites, qui ont un potentiel ; les grandes entreprises, qui n’ont pas encore suffisamment le réflexe de se faire accompagner à l’international par des PME (qu’il s’agisse ou non de leurs fournisseurs) pour « chasser en meute » ; l’ensemble des acteurs publics naturellement ; mais aussi nos compatriotes vivant à l’étranger, car nos concurrents savent parfaitement utiliser leurs diasporas respectives.

Quelques signes montrent à cet égard une évolution des mentalités et des pratiques. Nos diplomates, même « généralistes », semblent ainsi de plus en plus soucieux de promouvoir les entreprises françaises. Et c’est même le cas d’autres serviteurs de l’État que l’on attendrait moins dans ce rôle. Un cadre responsable de l’international dans le réseau consulaire en Bretagne a ainsi signalé que la Marine nationale avait accepté, dans le cadre d’une convention, de mettre les escales à l’étranger de ses navires basés en Bretagne au service des entreprises bretonnes : lors de ces escales, des réceptions prestigieuses sont données et cela peut être l’occasion de contacts fructueux ; cette pratique tout récente aurait déjà permis d’obtenir un important contrat au Koweït…

2. Savoir faire le lien marché (pays)-entreprise

Le deuxième enjeu touche directement à la performance du dispositif d’accompagnement à l’export : celui-ci doit, dans la continuité des efforts déjà engagés, parvenir à mettre en place un chaînage efficace prospection des marchés à l’export–identification des produits ou familles de produits porteurs par marché–identification, sollicitation et accompagnement des entreprises françaises capables de se positionner sur ces produits.

Cela implique de disposer d’un appareil solide de prospection des marchés extérieurs, de savoir faire des choix et dégager des priorités sectorielles, et de se donner les moyens de bien connaître le tissu des entreprises françaises. Dans cette optique, l’opérateur extérieur Ubifrance et les opérateurs territoriaux, régions et chambres de commerce et d’industrie, sont déterminants.

B. LES GRANDS AXES D’ÉVOLUTION

1. La nécessité de conforter un opérateur efficace, Ubifrance, et de mieux mobiliser le réseau consulaire

Ubifrance est devenu en quelques années un opérateur efficace au service des exportateurs français. Ses missions devraient être réexaminées début 2013, dans l’optique de renforcer la qualité des services offerts, notamment le suivi dans la durée des entreprises exportatrices, à l’occasion d’une révision du contrat d’objectifs et de performance 2012-2014.

Ubifrance doit s’engager sur des objectifs ambitieux et assortis d’outils de suivi exigeants. Mais, pour cela, l’opérateur a aussi besoin de la garantie de la continuité de ses moyens sur plusieurs années, que l’État doit lui apporter. La guerre économique dans laquelle nous sommes engagés se jouera nécessairement dans la durée.

Sur le champ de la prospection et de l’identification des entreprises à potentiel, le réseau consulaire est en première ligne. C’est traditionnellement un réseau très décentralisé, même si la régionalisation a apporté quelques progrès dans sa structuration, et réticent à se voir assigner des objectifs (a fortiori des méthodes de travail) par la puissance publique. Les pratiques et les performances ont donc jusqu’à présent été très contrastées. Cependant, il faut garder à l’esprit que les chambres consulaires sont des établissements publics administratifs largement financés par l’impôt : le Gouvernement et le Parlement sont légitimes à leur demander de contribuer aux politiques publiques. Le réseau consulaire doit mieux se mobiliser pour la cause du commerce extérieur.

2. Des régions dont le rôle doit être avant tout stratégique

Les régions ont pris des engagements dans le cadre de la déclaration commune signée le 12 septembre dernier en présence du Président de la République : mettre en place, d’ici le 31 mars 2013, des plans régionaux pour l’internationalisation des entreprises, associant l’ensemble des acteurs concernés (Banque publique d’investissement, CCI, pôles de compétitivité…) ; parvenir à une progression durable du nombre de PME et ETI exportatrices – soit + 10 000 exportateurs à l’horizon de trois ans ; mettre également l’accent sur l’accroissement du chiffre d’affaires à l’export des entreprises déjà exportatrices, notamment les ETI.

Les régions ont vocation à devenir les chefs de file des acteurs de l’exportation dans nos territoires. Toutefois, comme le montre l’exemple développé supra de la Bourgogne, une telle situation ne doit pas être perçue comme impliquant la création d’agences régionales spécialisées « export », a fortiori d’antennes à l’étranger. Dans un souci de bonne utilisation des fonds publics, mais aussi et surtout d’offre d’un service efficace et cohérent aux entreprises, il est essentiel que chaque acteur de l’équipe de France de l’export puisse être mobilisé sur tout dossier, en fonction de son métier propre et selon les besoins des exportateurs, cela en évitant la création de doublons.

Par ailleurs, le renforcement de la responsabilité des régions présente des risques qui se réalisent déjà parfois et qu’il faudra donc surveiller : des niveaux de soutien à l’exportation très différents entre régions peuvent créer des inégalités et des pertes d’efficacité (dans la mesure où ces soutiens sont souvent plus élevés dans les régions traditionnellement ouvertes à l’international, où pourtant ils peuvent apparaître un peu moins nécessaires). Ces différences entre les niveaux d’aide jouent aussi sur l’attractivité des territoires : il semble que parfois des entreprises localisent un établissement dans telle ou telle région pour y bénéficier d’une aide régionale particulièrement généreuse ; il est nécessaire de se prémunir, en matière de soutiens à l’export, des formes de concurrence entre collectivités que l’on observe parfois sur les aides pour l’implantation d’entreprises.

3. Quel périmètre et quelle organisation pour la Banque publique d’investissement ?

La future Banque publique d’investissement (BPI) devrait comporter un pilier consacré à l’export. Ce pilier prendra-t-il la forme d’une filiale autonome ? Intégrera-t-il l’activité de garanties publiques de la Coface ? Intégrera-t-il les produits d’Oséo ciblés sur l’export ? Au-delà de la mission d’offre de différents produits de financement, aura-t-il une mission de conseil à l’international, qui pourrait être assurée par des personnels d’Ubifrance et des services de l’État ?

Il appartiendra au législateur de choisir entre ces options en examinant le projet de loi créant la BPI. En tout état de cause, si la mise en place d’un service spécifique à l’international dans la BPI peut certainement être utile, il sera important de veiller à ce que ce ne soit pas l’occasion de recréer des doublons, des guichets de soutien à l’export qui seraient concurrents des « guichets uniques » dont la mise en place est aujourd’hui en cours, non sans difficultés comme on l’a vu.

Enfin, cette réforme institutionnelle devra être accompagnée d’une réforme des outils de financement à l’international, que le Gouvernement prépare. Certains dispositifs doivent sans doute faire l’objet d’un bilan, par exemple le crédit d’impôt pour dépenses de prospection. Au regard du très grand nombre d’entreprises dont l’effort d’exportation est intermittent, voire occasionnel, il sera également souhaitable de réviser les dispositifs existants afin qu’ils soient plus orientés vers la création de flux durables à l’export – on pourrait ainsi favoriser l’élaboration de plans d’internationalisation des entreprises, aider au recrutement durable de personnels affectés à l’export… Enfin, la question de l’opportunité de créer à nouveau un dispositif public de prêts directs à l’export devra être posée.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères entend, en commission élargie à l’ensemble des députés, Mmes Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme, et Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, de l'innovation et de l'économie numérique, ainsi que M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, au cours de sa séance du mercredi 31 octobre 2012.

M. le président Gilles Carrez. Nous sommes heureux d’accueillir Mmes Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme, et Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, de l'innovation et de l'économie numérique, et ainsi que M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, afin d’examiner en commission élargie les crédits de la mission « Économie », ainsi que les comptes spéciaux qui lui sont rattachés.

Je rappelle que cette procédure des commissions élargies, reconduite par décision de la conférence des présidents du 31 juillet dernier, vise à favoriser des échanges aussi interactifs que possible entre parlementaires et ministres. Les rapporteurs disposent chacun de cinq minutes, de même que les porte-parole des groupes, les autres députés qui souhaitent interroger le Gouvernement étant quant à eux invités à limiter leur propos à une durée de deux minutes. J’appelle chacun à faire preuve de la plus grande discipline : nous ne devons en effet entendre pas moins de douze rapporteurs !

Conformément à l’habitude, je donnerai d’abord la parole aux cinq rapporteurs spéciaux.

M. Jean-François Mancel, suppléant M. Éric Woerth, rapporteur spécial pour le tourisme. M. Éric Woerth, empêché, m’a prié de le remplacer. Je me contenterai de vous transmettre ses observations et questions sans prétendre égaler son éloquence !

Le tourisme était en 2012 le plus petit des programmes de la mission « Économie ». Dans le projet de loi de finances pour 2013, il a été intégré sous la forme d’une action au programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme ».

Le projet de loi de finances prévoit de porter les crédits de cette action Tourisme à 44,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 38,7 millions d’euros en crédits de paiement, ces derniers connaissant une baisse de plus de 13 %, qui fait suite à celle de 10 % constatée l’année dernière.

Les crédits directs consacrés au tourisme sont faibles. Leur utilisation doit par conséquent être optimale, grâce à la recherche de synergies. Des crédits mutualisés à hauteur de 41 millions d’euros correspondent essentiellement aux rémunérations des personnels de la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) en charge du tourisme. Ils ont fait l’objet d’évaluations fluctuantes selon les années et de peu de précisions dans le projet annuel de performances. Pourriez-vous, madame la ministre, nous donner les moyens de mieux retracer la part du tourisme dans ces actions mutualisées ?

La position de la France sur le marché mondial du tourisme est fragile. Si elle conserve sa place de première destination touristique au monde en nombre d’arrivées, avec 81,4 millions de touristes étrangers en 2011, 14 % d’entre eux ne font que traverser notre pays pour se rendre chez nos voisins. La France reste troisième en termes de recettes du tourisme international ; sa part dans le marché mondial a légèrement remonté en 2011, mais les rentrées ont moins progressé que celles de nos voisins espagnols, allemands ou suisses.

Atout France, l’unique opérateur de l’État dans ce secteur, bénéficie de 31,8 millions d’euros, soit de 82 % des crédits de l’action Tourisme. Cette subvention, en baisse de 6 % par rapport à l’année dernière, ne cesse de s’effriter alors que les missions de l’opérateur sont renforcées et que son objectif est de replacer la France au deuxième rang mondial en termes de recettes. En 2013, sur ces 31,8 millions d’euros, sept millions seulement pourront être consacrés à la promotion de la France à l’international.

Comment cette agence dédiée à la recherche de synergies entre acteurs publics et privés pourra-t-elle avoir un effet d’entraînement sur ses partenaires avec des moyens aussi faibles ? Une réflexion est-elle en cours sur les moyens de faire bénéficier cet opérateur de ressources propres ?

Les crédits pour 2013 ne comportent aucune enveloppe pour la participation de la France à l’exposition universelle de Milan en 2015. Or l’expérience de Shanghai montre que plus un engagement est tardif, plus il entraîne des coûts élevés. Quand sera prise la décision de participer ou non à cette exposition ? L’exposition de Yeosu terminée, que deviendra la Compagnie française pour l’exposition universelle de Shanghai, la COFRES ?

En zone rurale, 85 % des hôtels relèvent de l’hôtellerie indépendante, et 95 % en zone de montagne. Cette catégorie d’établissements est donc essentielle à la survie de nos territoires et contribue à faire de la France une grande destination de vacances et de loisirs. Or l’application de normes très contraignantes en matière de sécurité et d’accessibilité pourrait se solder par la disparition de 2 000 à 4 000 de ces hôtels en cinq ans, entraînant la perte de 15 000 à 20 000 emplois directs et d’autant d’emplois indirects. Quelles mesures le Gouvernement entend-t-il prendre pour aider la petite hôtellerie à s’adapter à ces exigences ?

Le tourisme procure un million d’emplois directs et un million d’emplois indirects ; or, sur ce total, 50 000 emplois ne sont pas pourvus. Les efforts de modernisation de l’offre touristique doivent aller de pair avec l’amélioration de la qualité des ressources humaines et du professionnalisme des acteurs de la filière. Que prévoyez-vous pour renforcer l’attractivité de ce secteur, en particulier auprès des jeunes ?

Le tourisme d’affaires recèle un potentiel de développement économique considérable. La région Île-de-France, qui dispose de la plus grande surface d’exposition d’Europe, génère plus de 300 millions d’euros de recettes en accueillant douze millions de visiteurs par an. Elle perd toutefois des parts de marché et régresse dans le classement international des villes de congrès. La capacité hôtelière de Paris est insuffisante, et la fermeture des commerces le dimanche constitue un frein aux dépenses des touristes étrangers. Comment le Gouvernement compte-t-il développer ce secteur ?

Eric Woerth tenait enfin à vous faire part de ses vives inquiétudes quant aux conséquences qu’aurait sur l’emploi une hausse de la TVA dans la restauration.

Mme Monique Rabin, rapporteure spéciale pour le commerce extérieur. Notre pays traverse une période de mutation technologique, sociale et environnementale sans précédent, avec les conséquences qu’on sait : chômage, désindustrialisation accélérée, etc. La dette publique ayant doublé en dix ans, nos contraintes budgétaires sont fortes. Un des indicateurs de la gravité de la situation est le déficit abyssal de notre balance commerciale : de 72 milliards d’euros en 2011 et probablement d’un niveau équivalent cette année et l’an prochain.

Comme Mme Nicole Bricq, je considère que le commerce extérieur est ou devrait être une grande cause nationale. Cette conviction n’est pas l’effet de l’enthousiasme que peut éprouver un rapporteur spécial pour son sujet, elle est dictée par le principe de réalité : un milliard de déficit commercial correspond en effet à la perte de 10 000 emplois dans notre pays.

Les crédits des actions 7, Développement international des entreprises, et 20, Financement des entreprises et attractivité du territoire, s’élèveront en 2013 à 104,3 millions d’euros, soit moins de 1 % des crédits de la mission « Économie ». Pour l’essentiel, ils sont destinés à financer les subventions pour charges de service public versées aux deux opérateurs de l’Etat, Ubifrance et l’Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII.

Ce montant peut paraître faible pour une cause nationale. Cependant, ces crédits restent globalement stables malgré le contexte budgétaire difficile ; en outre, le soutien au commerce extérieur de la France ne dépend pas uniquement des moyens alloués, c’est aussi et surtout une question de stratégie et de structuration.

Les résultats de notre commerce extérieur sont en grande partie déterminés par des facteurs exogènes, tels que le cours de l’euro ou le montant de la facture énergétique, sur lesquels nous n’avons que peu de prise, et on ne peut donc espérer les améliorer qu’au prix d’une action sur le temps long. Le Gouvernement s’est donc fixé un objectif précis, réfléchi et à notre portée : remettre à l’équilibre la balance commerciale hors énergie d’ici à cinq ans, ce qui représente un effort de vingt-six milliards d’euros.

Madame la ministre, votre action, que vous avez pris le temps de nous présenter en détail, s’articule autour de cinq axes forts sur lesquels nous souhaiterions des précisions.

Vous avez décidé de confier le pilotage aux régions, considérant qu’elles connaissent bien les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) de leurs territoires, qu’elles mesurent leurs savoir-faire et leur capacité d’innovation. Les régions ont répondu à votre appel et se sont engagées, le 12 septembre dernier, sur des objectifs chiffrés. Elles devront arrêter, si ce n’est déjà fait, des plans régionaux d’internationalisation qui seront inclus dans leurs schémas de développement économique. Cependant, le rôle qui leur est ainsi dévolu inquiète les tenants d’un État jacobin. Comment concevez-vous l’articulation entre leur action et celle, indispensable, de l’État ?

Le financement et le conseil seront confiés à la Banque publique d’investissement, la BPI, dont le volet international doit beaucoup à votre action. Nos produits de financement de l’export sont insuffisamment concurrentiels ; s’il faut se garder de comparaisons systématiques avec l’Allemagne, force est de constater que, dans ce pays, ils sont excellents et jouent un rôle déterminant dans la réussite des entreprises nationales. Quant à la mission plus qualitative de conseil, elle est tout aussi importante dans la durée, sinon plus, que cette mission de financement.

Vous avez également proposé de travailler sur le couple filières/pays. Afin de combler notre déficit, nous nous centrerons sur nos filières porteuses comme l’agroalimentaire, la « ville durable » et les transports – domaines dans lesquels nos entreprises publiques et privées ont un vrai savoir-faire –, mais également les écotechnologies et la santé. Ne croyez-vous pas que la bonne corrélation entre pays et filières est difficile à trouver ? N’aurions-nous pas intérêt à travailler à partir de la demande existant dans certains pays, plutôt qu’à partir de notre offre de produits et de services ?

Le rôle d’Ubifrance sera renforcé. Son budget est préservé en 2013, pour lui permettre de poursuivre sa restructuration. Avec les régions, cet opérateur constitue le pivot de votre stratégie, même si vous prenez également en compte les collaborations parfois fructueuses qui existent avec les chambres de commerce internationales et avec les comités de filières professionnelles.

Notre attractivité est l’affaire de l’AFII, dont le budget baisse de 7 % dans le cadre de l’effort de redressement national. Nous continuerons de soutenir l’action de cette agence car elle est stratégique pour notre économie. C’est l’AFII en effet qui attire les investissements étrangers sur notre territoire ; or ceux-ci sont à l’origine de 13 % des emplois salariés, de 20 % du chiffre d’affaires de l’économie française, et de 20 % des dépenses de recherche et développement. Une fois achevée la réorganisation d’Ubifrance et de ses missions, ne faudra-t-il pas consentir le même effort pour l’AFII et son réseau d’agences ?

Votre stratégie intègre une forte volonté de défendre les positions de la France à l’international, à travers les accords de libre-échange, l’exigence de réciprocité ou le respect des préoccupations environnementales et sociales. Notre pays ne peut évidemment travailler seul dans ce domaine, et je salue votre souhait de construire un véritable axe politique avec d’autres pays.

Au cours de la préparation de ce rapport, j’ai constaté l’énergie et les efforts que vous avez déployés en faveur de cette cause nationale. Vous agissez à la fois dans le temps politique court et sur le long terme. Mais, pour cette action de longue haleine, il faut que vous ayez le soutien de vos collègues de la culture, de l’éducation et de la formation professionnelle, ainsi que de l’intérieur et bien sûr de l’économie, pour faire de l’ouverture internationale une seconde nature de la France. Dans ce travail pour avoir raison des freins culturels à l’export, ne croyez-vous pas aussi qu’il serait utile d’organiser, dans dix-huit mois, une conférence nationale de l’export, afin de rendre lisible votre action, de faire le point sur votre stratégie, mais aussi de sensibiliser les autres acteurs touchés par l’internationalisation de l’économie ?

En conclusion, non seulement j’appelle à voter ce budget et à approuver la stratégie proposée mais, en tant que rapporteure spéciale, je m’investirai pleinement pour que le Parlement soit à vos côtés. Notre pays ne vit pas une crise, mais une mutation ; il a des atouts, et votre action portera ses fruits pour peu que nous agissions aussi sur le temps politique long. L’éducation, qui doit faire de nos jeunes des citoyens ouverts au monde, la formation professionnelle, les relations extérieures, l’innovation et la culture sont des secteurs à ne pas négliger pour réussir l’internationalisation de notre économie.

M. Alain Fauré, rapporteur spécial pour les statistiques et les études économiques, la stratégie économique et fiscale, et les accords monétaires internationaux. Le rapport que je présente porte sur deux programmes, le programme 220 relatif à l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, et le programme 305 relatif à la direction générale du Trésor, la DGT.

L’INSEE verra, en 2013, son plafond d’emplois augmenter de 693 agents en raison de l’intégration des enquêteurs, qui n’avaient jusqu’à présent qu’un statut de vacataires. Cette mesure, qui vise à mettre le statut des enquêteurs en conformité avec les règles de droit visant à résorber les emplois précaires dans la fonction publique, constitue pour les intéressés une avancée sociale que je salue. Si l’on fait abstraction de ce changement de périmètre, l’INSEE participe à l’effort général demandé aux administrations, avec une baisse de 106 emplois.

Depuis 2008, le principal chantier qui mobilise l’institut est celui de la création d’un pôle statistique à Metz, où il s’agissait de compenser le départ de plusieurs régiments décidé dans le cadre de la refonte de la carte militaire. Le gouvernement précédent avait donc annoncé le transfert à Metz de 625 emplois de l’INSEE.

Quatre ans plus tard, devant le peu d’enthousiasme des agents de l’INSEE pour être transférés en Lorraine, il n’y a que 87 emplois qui aient été réellement créés à Metz, dont 31 seulement concernent des agents volontaires pour cette mutation ; une soixantaine d’autres ont donc dû être recrutés localement en surnombre. La direction annonce que l’effectif de son site messin comptera 170 agents au 1er janvier 2013, mais dans la mesure où il n’a été possible de créer que 87 postes en quatre ans, on voit mal comment ce chiffre pourrait être doublé en deux mois.

Des sommes considérables ont pourtant été dépensées : 34,3 millions d’euros pour l’achat du bâtiment de l’ancienne gare impériale, 16 millions d’euros pour l’aménagement de ce bâtiment, 7 millions d’euros de mobilier et de bureautique, plusieurs millions d’euros pour la location d’un immeuble provisoire, sans compter le coût des indemnités versées aux agents qui ont accepté d’aller à Metz. Enfin, tous les personnels de l’INSEE, même ceux qui ne sont pas concernés par ce transfert, ont obtenu en contrepartie de cette opération une généreuse réforme de leur régime indemnitaire dont vous trouverez le détail et le coût dans le rapport spécial.

Nous en arrivons donc pour ce projet à un total d’environ 70 millions d’euros auxquels il conviendrait d’ajouter le coût des 60 recrutements en surnombre, que l’INSEE ne semble pas avoir chiffré. Même en se limitant à ce montant minimal de 70 millions d’euros, en le divisant par les 87 emplois créés, nous en arrivons à la somme exorbitante de 805 000 euros dépensés pour chaque emploi créé !

Le rapporteur spécial estime qu’il est grand temps de stopper cette opération, qui s’apparente à de la gabegie, et d’en revenir à des pratiques plus saines. La revente de l’ancienne gare impériale – inutile si le projet ne dépasse pas les 180 personnes – pourrait permettre de réduire les frais.

Quel est votre sentiment sur cette opération ? Entendez-vous y mettre un terme ?

Concernant le programme 305 qui concerne principalement la direction générale du Trésor, je souhaiterais tout d’abord vous faire part de mon étonnement quant au mystère et à l’opacité qui semblent entourer le coût et les revenus des fonctionnaires de ce programme. Sur les treize questions de mon questionnaire budgétaire adressées le 10 juillet à la DGT, j’ai eu le plus grand mal à obtenir, après le délai limite du 10 octobre, les réponses à deux questions relatives à l’évolution du régime indemnitaire et de la masse salariale depuis cinq ans. Le 25 octobre, après plusieurs relances, j’ai enfin eu les réponses à la question relative à l’évolution des crédits de rémunérations et de charges sociales depuis 2007. Ce comportement est surprenant de la part d’une administration chargée de suivre les orientations budgétaires de la Nation dans le cadre de notre débat démocratique.

Les éléments salariaux présentés dans le projet annuel de performance sont contradictoires et manquent de cohérence : les coûts d’entrée comme de sortie des hauts fonctionnaires flambent, enregistrant une hausse respectivement de 22 et de 7,5 % en un an, mais le coût moyen baisserait curieusement de 1,1 %. Les contacts téléphoniques que nous avons pris n’ont pas abouti ; on nous promet de vérifier les chiffres, mais l’opacité et la confusion que dénonçaient mes prédécesseurs n’ont visiblement pas disparu, et j’ai l’intention de proposer au bureau de la Commission des finances de demander une enquête de la Cour des comptes sur ce sujet.

Hors rémunérations, le principal poste de dépenses du programme concerne les remboursements que le Trésor effectue à la Banque de France pour les services publics qu’elle rend à l’Etat. Ce montant a été stabilisé à 317 millions d’euros, dont 221 millions pour la seule tenue du secrétariat des Commissions de surendettement. Je souhaite appeler l’attention sur le coût de ces commissions qui augmente d’année en année : le coût de traitement d’un seul dossier de surendettement s’élèvera en 2013 à 950 euros.

Le rapport spécial propose un certain nombre de pistes pour réduire le poids financier qui grève considérablement les finances publiques. Je souhaiterais vous interroger, monsieur le ministre délégué, sur le projet d’amélioration de la loi Lagarde. L’idéal serait d’instaurer un fichier positif qui recenserait, pour l’ensemble des foyers de France, l’encours des crédits à rembourser ; si ce n’est pas possible, il faudrait au moins rendre obligatoire pour les établissements bancaires, avant de proposer tout nouveau crédit, de s’assurer précisément de la situation financière des clients en consultant leurs défaillances de paiement sur l’année qui précède. Leur responsabilité pourrait ainsi être mise en jeu en cas d’abus manifeste. Envisagez-vous de proposer une amélioration de la loi Lagarde et le cas échéant, quelles en seraient les grandes lignes ?

M. le président Gilles Carrez. Je vous serais reconnaissant à tous de vous en tenir strictement au temps imparti.

M. Thomas Thévenoud, rapporteur spécial pour le développement des entreprises et du tourisme et pour les prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés. Le programme 134 participe bien sûr comme les autres à la nécessaire maîtrise de la dépense publique. Regroupant environ la moitié des crédits de la mission « Économie », il finance les instruments de soutien aux entreprises, notamment aux PME, des secteurs de l’industrie, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, ainsi que des instruments de protection du consommateur, et il assure la garantie d’une concurrence saine entre les acteurs. Ses crédits subissent une diminution importante, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, essentiellement due au transfert des aides à la Poste sur le programme « Presse ».

J’ai présenté hier devant la Commission des finances un rapport sur la TVA restauration ; quelle est la position du Gouvernement sur cette dépense fiscale de trois milliards d’euros par an ? Quel est le calendrier des rencontres organisées au ministère ? Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner des informations sur ce dossier ?

Le statut d’auto-entrepreneur, qui a beaucoup fluctué au cours des dernières années au gré des décisions législatives, devrait faire l’objet d’une mission d’information. Ce régime est mis en cause par certains acteurs économiques qui considèrent qu’il participe à l’évasion fiscale et sociale, notamment dans le bâtiment. Quel est votre diagnostic ?

Une autre mission est également en cours sur la question du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC. Le stock de dossiers est très important ; les traiter nécessiterait, selon Alain Fauré, Carole Delga et moi-même, une revalorisation des crédits du fonds. Quel avenir et quel mode de fonctionnement envisagez-vous ensuite pour celui-ci ?

Qu’en est-il du projet de rapprochement entre l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, et le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA ?

Le Médiateur du crédit sert-il encore à quelque chose maintenant que sont à l’œuvre dans nos territoires des commissaires du redressement productif chargés de travailler avec les entreprises et avec les services de l’État ?

Les crédits du Comité professionnel de la distribution de carburants, le CPDC, constituent un sujet modeste mais très important pour nos territoires ruraux. Au-delà de leur diminution, les exigences parfois excessives en matière de mise aux normes compromettent le maintien de stations-service dans nos campagnes, alors qu’en dépend souvent la survie des activités agricoles, artisanales et commerciales. Quelle solution peut-on trouver à ce problème ?

Je pense m’être tenu dans les limites du temps qui m’était accordé, monsieur le président Carrez !

M. Jean Glavany, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères pour le commerce extérieur. Je serai plus bref encore ! Peut-être, messieurs les présidents, pourrez-vous relayer mes propos auprès de la Conférence des présidents : il est inadmissible de travailler dans ces conditions. À quoi rime une telle réunion, où nous mêlons carottes, poireaux et cochons, où chaque rapporteur intervient cinq minutes avant d’attendre la réponse du Gouvernement pendant trois quarts d’heure ? On parle beaucoup de la revalorisation du travail parlementaire : ne devrions-nous par commencer par le revaloriser nous-mêmes ?

Mme Rabin ayant été exhaustive sur les crédits du commerce extérieur, je me limiterai à deux questions. Le ministère de l’économie et des finances dispose-t-il des outils nécessaires pour analyser de façon objective et précise les raisons de la perte de compétitivité de l’économie française, à l’origine du déficit abyssal de notre commerce extérieur dont hérite l’actuelle majorité ?

Selon quelles modalités la BPI intégrera-t-elle des organismes tels qu’OSÉO ou Ubifrance, qui sont des « marques » internationalement reconnues ? Comment, d’autre part, intégrer les régions, dont le soutien à l’exportation revêt des formes très variables : recours presque exclusif à des instruments nationaux ici, à des mécanismes de coordination ailleurs, ou création d’administrations parallèles autre part encore ?

M. le président Gilles Carrez. M. Glavany a raison : le regroupement de sujets aussi disparates n’est pas satisfaisant. Pour des missions telles que celle-ci, nous devrons donc nous affranchir du découpage de la LOLF pour examiner des ensembles de programmes cohérents.

M. le président François Brottes. Hier, lors de la Conférence des présidents, tous les présidents de Commission ont critiqué cette organisation, dont le président Bartolone a indiqué qu’elle serait revue l’an prochain. De fait, elle est aussi peu satisfaisante pour les rapporteurs, sommés de présenter en quelques minutes le fruit d’un travail de longue haleine, que pour les ministres, interpellés sur des sujets très disparates.

M. Damien Abad, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques pour la consommation. Les crédits consacrés à la concurrence et à la consommation au sein du programme 134 présenteront des évolutions contrastées en 2013.

Les moyens affectés à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) – via les actions 16, Régulation concurrentielle des marchés, 17, Protection économique du consommateur, et 18, Sécurité du consommateur – sont globalement stabilisés, les diminutions d’effectifs correspondant à des évolutions d’ores et déjà prises en compte. La première incertitude concerne le montant des subventions attribuées aux associations de défense des consommateurs, puisque les dépenses d’intervention de l’action 17 diminuent de 4,6 % : je n’ai pu obtenir de connaître le montant global et la répartition de ces crédits, comme je l’avais pourtant demandé dans mon questionnaire budgétaire – il m’a seulement été dit que la réponse était en cours de validation. Je vous remercie donc, monsieur le ministre délégué, de me fournir ces informations d’une importance capitale pour les principales associations que sont l’UFC-Que Choisir et la CLCV (Consommation, logement et cadre de vie), qui craignent des baisses pour l’exercice 2013 et pour les suivants.

Seconde source d’inquiétude : dans l’action 15, relative à la mise en œuvre du droit de la concurrence par l’Autorité de la concurrence, les dépenses de fonctionnement de celle-ci se trouvent amputées de 5 %. Il n’est pas question pour moi de remettre en cause la nécessité de réduire le train de vie de l’État et de ses démembrements, mais force est de constater qu’une telle mesure apparaît malvenue s’agissant d’une autorité unanimement saluée pour la qualité et pour l’efficacité de son travail, et qui est seule compétente pour se pencher sur des sujets d’importance nationale avec l’indépendance nécessaire. Cette autorité, également respectée en Europe, a un rôle pédagogique par les avis qu’elle rend et un pouvoir de sanction ; si son budget est de 20 millions d’euros, elle en rapporte à l’État, via les amendes qu’elle inflige, plus de 420 millions par an. J’ajoute qu’elle est un peu victime de son succès, puisque la loi sur la régulation économique outre-mer lui confie de nouvelles missions – dont un pouvoir d’injonction structurelle dans le secteur de la grande distribution –, sans lui donner les moyens de les accomplir.

Quel est l’avenir du magazine 60 millions de consommateurs ? Y a-t-il suffisamment d’espace en France pour deux publications du même ordre ?

Si le développement de la médiation est un progrès pour le règlement amiable des litiges entre professionnels et consommateurs, l’introduction dans notre droit d’une procédure d’action de groupe apparaît de nature à compléter ce dispositif. Différents mécanismes sont envisageables. À mes yeux, l’action de groupe ne doit pas simplement avoir une finalité juridique, mais d’abord et surtout une finalité économique. Les projets de texte vont-ils en ce sens ? Ce dossier est-il de votre responsabilité, monsieur le ministre délégué ?

Depuis les travaux conduits au sein du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), notamment depuis le rapport de Georges Pauget et Emmanuel Constans, il est incontestable que les offres bancaires et leur tarification ont beaucoup gagné en lisibilité et en souplesse. La mise à disposition d’une gamme de moyens de paiement alternatifs pour les personnes qui ne peuvent pas, ou ne veulent pas, disposer d’un chéquier est également un progrès important ; mais si l’autorégulation de la profession bancaire a donné certains résultats, les relations avec les usagers pourraient encore gagner en transparence et en sécurité, par exemple en matière de commissions d’intervention et de dates de valeur. Les facturations a posteriori d’une information préalable posent en particulier problème. Des décisions judiciaires sont intervenues en ce domaine, sans forcément changer les pratiques bancaires. Ne convient-il pas dès lors d’envisager des mesures législatives ?

Enfin, pour ce qui concerne la mobilité bancaire, le contrôle effectué par l’Autorité de contrôle prudentiel sur l’application de la norme professionnelle de la Fédération bancaire française (FBF) fait apparaître que les principaux services de base pour faciliter la mobilité ont été mis en œuvre par l’ensemble de la place. Le taux de mobilité bancaire peut bien entendu être analysé de manière différenciée ; mais on constate des variations, et non des moindres, entre les recommandations émises par le CCSF d’une part et la norme professionnelle de l’autre. Ainsi, la norme ne prévoit pas que la banque de départ avertisse son client sur les opérations en circulation, en particulier les chèques, sur le compte qu’il envisage de fermer. Elle ne mentionne pas non plus que, lors d’un transfert de compte, le client peut conserver l’emprunt souscrit dans la banque de départ ; or l’avis du CCSF précise que le remboursement de ce prêt peut s’effectuer sous forme de prélèvements automatiques à partir du compte dans la banque d’accueil. Certains dispositifs manquent donc de visibilité.

M. le président François Brottes. J’ai connu des temps où l’expression même d’« action de groupe » était proscrite : le fait que vous interrogiez le Gouvernement sur ce thème est donc plutôt un progrès…

Mme Michèle Bonneton, rapporteure pour avis de la Commission des affaires économiques pour les postes. Mon intervention portera sur la situation financière, économique et salariale de La Poste plus que sur son budget, dans la mesure où celui-ci est, à peu de choses près, maintenu à son niveau de 2012.

Dans un contexte économique difficile, La Poste reste une entreprise performante, avec un chiffre d’affaires et un résultat net qui s’élevaient respectivement, en 2011, à 21,3 milliards et 478 millions d’euros. Malgré ces bons résultats, la mise en œuvre des missions de service public confiées à l’entreprise n’est pas tout à fait satisfaisante, et les conditions de travail des postiers se dégradent.

La Poste, je le rappelle, est chargée de quatre grandes missions de service public : le service universel postal, l’aménagement du territoire, la distribution de la presse et l’accessibilité bancaire. Or les postiers ont d’abord reçu pour consigne de ne plus distribuer le courrier sur les voies privées, ce qui pénalise les personnes âgées à mobilité réduite et leur fait perdre le contact quotidien avec le facteur.

Autre problème : certaines prestations prévues dans le service universel sont devenues difficiles à obtenir, comme l’envoi en lettre prioritaire à J+1, souvent remplacé par les automates, à l’insu du client, par le timbre vert pour un envoi à J+2.

Le nombre de bureaux de poste de plein exercice est passé de 15 000 en 2004 à moins de 10 000 aujourd’hui. Les bureaux supprimés ont été transformés en agences postales communales ou en relais de poste commerçants, qui offrent une gamme de services, notamment financiers, plus restreinte. Souvent, les maires sont contraints d’accepter la transformation proposée par La Poste car, dans le cas contraire, les horaires d’ouverture du bureau diminuent de manière drastique et inadaptée aux besoins des usagers.

Le nouveau contrat de service public, qui sera signé d’ici à la fin de l’année avec La Poste, ouvrira-t-il la voie à des améliorations ? Le Gouvernement entend-il encourager la mutualisation des services publics en milieu rural en s’appuyant sur la présence postale territoriale, par exemple à travers des maisons de service public ? Pour valoriser au mieux le formidable réseau de bureaux dont elle dispose sur l’ensemble du territoire, l’entreprise prévoit-elle d’y installer de nouveaux services ?

Le coût des missions de service public confiées à La Poste s’élève à au moins 1,5 milliard d’euros, mais n’est compensé qu’à hauteur de 660 millions. Le service public et les postiers ne paient-ils pas le prix de cette sous-compensation ?

Enfin, le changement de statut de La Poste a entraîné une augmentation de son capital et une injection de 2,1 milliards d’euros. Comment ces fonds ont-ils été utilisés ? Ont-ils permis d’améliorer la qualité du service public ?

Selon le rapport Kaspar, qui concluait une mission lancée en février dernier, le bien-être au travail des postiers s’est fortement dégradé. Près de 80 000 postes ont en effet été supprimés depuis dix ans, de sorte qu’il n’y a plus suffisamment de personnel pour remplacer les postiers absents, que les facteurs sont contraints d’allonger leur tournée et qu’en zone rurale ou en périphérie des villes, les guichetiers exercent de plus en plus souvent dans plusieurs bureaux. Moins de postiers, c’est aussi, in fine, moins de bureaux de poste.

En outre, La Poste a adopté une logique productiviste qui menace de déshumaniser peu à peu le métier de postier. Les automates se substituent aux agents et, comme nous le disent les postiers, toutes les activités doivent être comptabilisées : or le contact humain ne « rentre pas dans les cases » !

Parler des postiers revient à parler du quotidien de plus de 200 000 personnes. Le Gouvernement a-t-il bien pris la mesure des retombées négatives de la « métiérisation » et de la dégradation des conditions de travail des postiers ?

Suite au rapport Kaspar, la direction de La Poste a annoncé 5 000 recrutements supplémentaires sur trois ans ; mais ce chiffre ne permettra pas de compenser les départs à la retraite. Pensez-vous qu’il soit suffisant ? Quelle sera la répartition de ces recrutements au sein du groupe ?

Enfin, alors que le nombre des emplois au sein de la maison-mère a diminué de 40 000 au cours des cinq dernières années, il a augmenté de près de 8 000 dans les filiales. Les syndicats ont parfois l’impression que La Poste organise en interne une concurrence sociale. La filialisation ne menace-t-elle pas l’unité du groupe ?

Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la Commission des affaires économiques pour les communications électroniques. Les crédits relatifs aux communications électroniques sont composés, pour l’essentiel, de la dotation de fonctionnement de l’Agence nationale des fréquences et du budget de l’ARCEP. Leur faible variation n’appelant pas de commentaires particuliers, je me concentrerai sur le contexte économique et sur la régulation du secteur des télécommunications.

L’année 2012 a été marquée par une intensification de la concurrence dans le secteur de la téléphonie mobile, avec, entre autres conséquences, un bouleversement des modèles économiques des opérateurs dits « historiques ». Le nouvel entrant a en effet commercialisé des offres à des prix très agressifs, uniquement via Internet et sans subvention de terminal. Contraints de revoir leur politique tarifaire, les opérateurs voient leurs marges baisser, ce qui les incite notamment à réduire leurs coûts. Deux d’entre eux ont annoncé des plans de départ volontaires, mais c’est l’ensemble de la filière qui semble souffrir de ce resserrement des coûts : sous-traitants, fournisseurs, secteur de la relation client et équipementiers – Alcatel-Lucent a récemment présenté un plan de suppression d’emplois d’ampleur en France.

L’attribution de la quatrième licence de téléphonie mobile ayant été effectuée sans étude d’impact préalable, il importe d’évaluer les conséquences qu’aura sur l’emploi et sur l’investissement la restructuration de ce marché. La création d’un observatoire des investissements répondra à ce besoin essentiel, dont dépend l’efficacité de la régulation.

Celle-ci doit en effet veiller à maintenir l’équilibre économique de la filière, afin de préserver les capacités d’investissement dans les réseaux à très haut débit, pour les fixes et les mobiles notamment. Elle doit également avoir pour objectif le maintien des emplois dans l’ensemble de la filière. Enfin, elle doit concourir au maintien de l’attractivité du territoire et éviter l’aggravation de la fracture numérique.

Les signes d’un ralentissement des investissements dans la fibre optique suscitent des inquiétudes, notamment dans les zones déjà touchées par cette fracture. Certains acteurs font ouvertement part de leurs doutes sur l’intérêt de déployer la fibre optique dans les zones moins denses : en tant que législateur, de telles positions doivent nous interpeller. Tout retard dans ce déploiement risque en effet de pénaliser l’innovation et la conversion numérique de la société, au détriment du tissu économique et social des territoires, sans parler de l’intérêt industriel pour l’ensemble de la filière, du génie civil à l’industrie de la fibre en passant par les équipementiers.

Dans ce contexte, les opérateurs peuvent aussi être incités à investir dans des équipements « low cost », favorisant ainsi un dumping social et environnemental qui pénalise fortement l’industrie française et européenne des télécommunications.

Ne faudrait-il pas, dans ces conditions, rééquilibrer les objectifs de régulation, actuellement focalisés sur l’intérêt du consommateur, en mettant davantage l’accent sur l’emploi et l’investissement ?

Pour ce faire, ne serait-il pas utile de créer aussi un observatoire de l’emploi de l’ensemble de la filière ? Quels seraient ses moyens de contrôle et de sanction, et quels sont ceux de l’Observatoire des investissements ? Les études sont en effet complexes, car elles dépendent des indicateurs pris en compte.

Enfin, comme on l’a récemment constaté lors d’une table ronde, la diversité des sous-traitants de la filière numérique semble mal connue des pouvoirs publics. Comment le Gouvernement envisage-t-il de mieux la prendre en compte dans le cadre de la régulation ?

M. Joël Giraud, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques pour le commerce extérieur. En ce temps de déficit record de notre balance commerciale, je salue la création d’un ministère de plein exercice pour le commerce extérieur, auquel le Premier ministre a fixé l’objectif très ambitieux d’un retour à l’équilibre – hors énergie – d’ici à cinq ans.

Cet objectif est d’autant plus ambitieux, d’ailleurs, que la rigueur budgétaire a imposé une réduction des moyens dont disposent certaines de nos principales structures d’aide à l’exportation : la croissance de leurs frais de fonctionnement est ainsi stoppée, et les crédits d’intervention d’Ubifrance subissent une baisse sensible.

Or le rétablissement de la situation de notre commerce extérieur constitue un défi majeur, non seulement pour le Gouvernement et pour nos entreprises, mais aussi pour l’économie française tout entière, nos déficits en ce domaine constituant un révélateur de nos difficultés d’ensemble. L’adaptation du réseau français d’aide aux échanges internationaux que vous avez engagée, madame la ministre, en confiant un rôle majeur aux régions et au volet international de la BPI, est donc impérative. De même, votre volonté de défendre fermement nos positions vis-à-vis de nos partenaires, notamment dans le cadre des négociations menées par l’Union européenne pour conclure des accords bilatéraux de libre-échange – avec Singapour, le Canada, le Japon, et peut-être les États-Unis dès 2013 –, devra être suivie d’effets concrets, en particulier pour ce qui est de la réciprocité des échanges et de l’accès loyal aux marchés publics des pays émergents.

Puisqu’il est trop tôt pour juger de l’efficacité de la stratégie engagée, je souhaite vous interroger sur trois points précis mais loin d’être mineurs.

Comptez-vous élaborer une législation qui réserverait aux PME européennes une part des marchés publics, sur le modèle du « Small business act » aux États-Unis, ou qui, du moins, leur donnerait une priorité ? Dans quelle mesure cette législation serait-elle compatible, d’une part avec le droit communautaire, et de l’autre avec les engagements internationaux pris par la France, au sein de l’OMC notamment ?

Disposez-vous – et, dans la négative, comptez-vous vous doter – d’un indicateur d’évaluation statistique de l’ensemble des délocalisations, ainsi que d’outils d’analyse de l’impact de ces dernières sur l’économie française, notamment en termes d’impôts, de modification du tissu industriel ou de nombre d’emplois perdus ? Quelles sont les perspectives d’harmonisation économique et fiscale, aussi bien entre les pays membres de l’Union qu’entre ceux-ci et leurs partenaires – notamment ceux avec lesquels l’Union a conclu des accords bilatéraux de libre-échange –, afin de limiter des délocalisations fiscales telles que celles des groupes Colgate-Palmolive et Unilever ?

Quelle importance accordez-vous aux coopérations décentralisées qui, conduites par les collectivités locales, sont soutenues financièrement par le ministère des affaires étrangères et par d’autres ministères ? Je préside moi-même aux destinées d’une telle coopération entre les Alpes et le Sichuan. Pouvez-vous nous donner une vision globale de ces coopérations et nous indiquer si leur développement sera encouragé par le Gouvernement, et, si oui, comment ?

Mme Anne Grommerch, rapporteure pour avis de la Commission des affaires économiques pour les entreprises. Dans un cadre budgétaire contraint, le programme 134, relatif au développement des entreprises et du tourisme, voit ses dotations baisser de 16,73 % par rapport au précédent exercice, en tenant compte des changements de périmètre et des nouvelles orientations budgétaires.

Les actions qui intéressent très directement les entreprises regroupent 53,7 % des crédits du programme, soit un peu plus de 446 millions d’euros en autorisations d’engagement. Or, si les dépenses de personnel augmentent de 1,24 % pour approcher de 149 millions d’euros, les dépenses d’investissement de ces cinq actions – un peu plus de 297 millions d’euros en autorisations d’engagement – diminuent, ce qui est regrettable pour la compétitivité et pour l’avenir de nos entreprises.

Au moins autant que de la baisse des crédits, nos entreprises souffrent de l’amoncellement des normes et du poids de la réglementation. Le Gouvernement doit vraiment poursuivre l’action menée depuis quelques années en faveur d’un allégement des procédures et d’une simplification administrative. Cet « impôt papier », pour reprendre une expression célèbre, pèse d’autant plus sur nos PME que celles-ci n’ont souvent ni la capacité d’analyse, ni le temps suffisant pour s’informer des dernières règles ; et, en tout état de cause, le temps qu’elles y consacreraient serait autant de temps perdu pour développer leur activité.

Même si cela peut se justifier au regard des orientations politiques de la nouvelle majorité, je trouve extrêmement dommageable que les crédits relatifs aux entreprises soient à ce point éparpillés. On n’en saisit pas la cohérence, ce qui ne facilite assurément pas le suivi et le contrôle parlementaires. Comment, par exemple, justifiez-vous d’avoir dissocié, pour la première fois, les crédits dédiés à Ubifrance et à l’AFII, alors que ces organismes participent tous deux à l’aide aux entreprises exportatrices et à la conquête de nouveaux marchés ? L’action 7 du programme 134 est désormais amputée des crédits dédiés à l’AFII, celle-ci relevant principalement de l’action 20 ; de surcroît, elle perçoit également des dotations importantes par le biais du programme 112 de la mission « Politique des territoires ». Enfin, l’action « Développement international de l’économie française » figure au sein du programme 305 de la mission « Économie ». Quelle est la logique d’une telle dispersion, alors que l’on cherche à renforcer le soutien aux entreprises à l’international ?

Lorsque vous étiez dans l’opposition, chers collègues de la majorité, vous déploriez la diminution constante des crédits affectés au FISAC, et vous aviez raison. Aujourd’hui, vous diminuez pourtant de 8,6 millions d’euros la dotation de ce fonds, qui passera de 40,9 millions en 2012 à 32,3 millions en 2013 : où est la cohérence ? Même si cela peut se justifier par un certain recentrage des compétences – sur lequel des précisions seraient d’ailleurs bienvenues –, le FISAC conserve une utilité évidente, tant pour le maintien du commerce en milieu rural que pour l’emploi dans notre pays, sans oublier qu’il contribue lui-même à financer d’autres organismes comme l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA). Celui-ci se voit d’ailleurs doté d’une subvention de 7,3 millions, le FISAC à lui seul ne bénéficiant par conséquent que de 25 millions d’euros. Avec des crédits passés de 100 millions d’euros dans le PLF pour 2009 à seulement 32,3 millions aujourd’hui, on est en droit de se demander si le Gouvernement souhaite que le FISAC continue d’exister. J’ai déposé, comme d’autres collègues de tous bords, un amendement tendant à préserver les moyens budgétaires de ce fonds. Comment le Gouvernement justifie-t-il cette nouvelle coupe budgétaire ? Compte tenu des moyens réduits dont il disposera, quelles sont les priorités que vous assignez au FISAC ?

Le pacte PME international, qui relève de l’action 7, se voit doté, quant à lui, de 200 000 euros. Créé en 2009, il vise à favoriser les opérations de portage à l’international des PME françaises par les grands groupes, qui ont en ce domaine davantage d’expérience et surtout de moyens. Que comptez-vous faire pour renforcer ce partenariat essentiel pour la conquête de nouveaux marchés ? Pensez-vous qu’en alourdissant la fiscalité sur les grandes entreprises de 10 milliards d’euros, vous faciliterez leur activité et, partant, renforcerez nos PME ?

Enfin, l’article 26 du projet de loi de finances réduit sensiblement les moyens dévolus aux chambres de commerce et d’industrie ainsi qu’aux chambres des métiers et de l’artisanat. Comment justifiez-vous une telle baisse alors que, dans le cadre de la loi du 23 juillet 2010, un consensus s’était dégagé pour renforcer les réseaux consulaires ?

M. Jean Grellier, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques pour l’industrie. L’action 3 du programme 134 se voit dotée en 2013 d’une budget de 214 millions d’euros en crédits de paiement, dont 92 millions consacrés aux programmes d’accompagnement des entreprises en croissance ou en difficulté. Je me suis efforcé, en auditionnant les acteurs, d’identifier les leviers d’un redressement productif sur le long terme.

S’agissant de la gouvernance, les préconisations de nombreux rapports sont souvent difficiles à mettre en œuvre. Comptez-vous définitivement ancrer la Conférence nationale de l’industrie dans le paysage français, monsieur le ministre délégué ? Souhaitez-vous mettre en place des conférences régionales de l’industrie, que j’appelle de mes vœux ? Elles auraient en effet toute légitimité pour évoquer les problèmes rencontrés par les industriels et les salariés sur le territoire, et pour définir une stratégie de filières tout en assurant la cohérence des actions de l’État, des conseils régionaux, des commissaires au redressement productif, de la Banque publique d’investissement et des autres acteurs.

L’industrie souffre auprès de nos concitoyens d’une image dégradée nourrie par des années de « mauvaises nouvelles ». Or, s’il est vrai que l’emploi industriel a diminué au cours des dernières années, certains secteurs industriels sont en expansion. L’image qui a été véhiculée d’une industrie totalement sinistrée n’est pas exacte. Monsieur le ministre, pourquoi ne pas lancer un plan de communication afin de promouvoir l’industrie et de mieux faire savoir aux salariés qui souhaiteraient se reconvertir, aux étudiants, aux élèves et à leurs parents, que de nombreux emplois qualifiés et stables seront à pourvoir dans les entreprises industrielles françaises ?

Le Gouvernement s’est engagé à faciliter le financement des PME-PMI. À cet égard, il convient de clarifier au plus vite le rôle que jouera la Banque publique d’investissement et de préciser les solutions de financement qu’elle apportera. Qu’est-ce qui la distinguera concrètement d’une banque ordinaire ?

Faire appliquer strictement les dispositions relatives aux délais de paiement aiderait également les petites entreprises sous-traitantes. Trop d’entre elles vivent encore sous la coupe des grands groupes qui constituent de la trésorerie sur leur dos, du fait de délais de paiement très longs.

D’une manière générale, les entreprises françaises ont du mal à vendre et à s’exporter, sans que, le plus souvent, le caractère innovant ou la technicité de leurs produits soient en cause. Pourquoi ne pas créer, sur le modèle du crédit d’impôt recherche, un « crédit d’impôt commerce » à l’intention des PME, pour les inciter à recruter des commerciaux afin de développer leur activité et leur chiffre d’affaires ?

Certains des acteurs que j’ai auditionnés appellent de leurs vœux la création d’un « fonds de croissance » au sein de la BPI qui interviendrait au capital d’entreprises prometteuses sélectionnées après présentation d’un business plan et d’un plan stratégique. Qu’en pensez-vous ?

Soutiendrez-vous l’Institut du mentorat entrepreneurial mis en place par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, dont il faut saluer la qualité et l’efficacité des programmes ? Peut-on envisager que de tels instituts se multiplient en région, sachant que des projets sont d’ores et déjà envisagés à Nantes-St Nazaire et dans le Pas-de-Calais ?

L’industrie française a pris du retard dans le renouvellement de son parc de machines-outils par rapport à ses homologues allemande et italienne. Une prime à la casse pour les machines industrielles doperait la compétitivité de nos entreprises en même temps qu’elle relancerait l’investissement, à condition que l’on développe au préalable une véritable offre française de machines-outils.

Une autre priorité serait d’instaurer un régime fiscal plus favorable pour les bénéfices industriels réinvestis que pour les bénéfices distribués sous forme de dividendes. C’est à cette condition que les entreprises s’engageront dans des stratégies de long terme de modernisation du parc productif et de développement des emplois sur notre territoire.

La formation professionnelle est une autre question essentielle. Le constat est unanime : certains secteurs industriels risquent de manquer de main-d’œuvre et dans de nombreuses branches, notre système de formation ne fournit plus les ressources humaines suffisantes. Lancerez-vous un plan suffisamment ambitieux pour préserver nos compétences et nos métiers industriels ? Pour ce qui est de la formation initiale, il faut revaloriser l’enseignement technique, et ce dès le collège. Quant à la formation continue, elle doit permettre aux salariés des secteurs en crise de se réorienter vers les secteurs porteurs. Aujourd’hui, les possibilités offertes sont limitées car on délaisse l’industrie.

Enfin, comme le proposent les partenaires sociaux, pourquoi ne pas ouvrir la possibilité aux grands groupes de mettre à disposition de PME certains de leurs salariés, notamment des cadres, dans une logique de gagnant-gagnant et une perspective de véritable coopération ?

M. le président François Brottes. Chacun aura compris que lorsque vous vous adressiez à M. le ministre, vous visiez M. Montebourg, ministre du redressement productif. C’est Mme la ministre déléguée Fleur Pellerin qui vous répondra aujourd’hui.

M. Éric Straumann, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques pour le tourisme. Madame la ministre chargée du tourisme, votre budget est marqué par une nouvelle diminution des crédits, qui touche en premier lieu Atout France, dont la subvention s’élèvera à 31,8 millions d’euros en 2013, en baisse de près de 8 % depuis la création de l’agence en 2009. L’honnêteté exige certes de reconnaître que le précédent gouvernement avait déjà réduit ses moyens. Mais en amplifiant cette baisse, ne craignez-vous pas que l’agence ne puisse plus assurer convenablement ses missions ? Je pense notamment à son rôle de fédératrice des différents acteurs, publics et privés, du tourisme, notamment lors des campagnes de promotion à l’international, investissement dont on connaît l’effet multiplicateur en termes de recettes.

Vous souhaitez, madame la ministre, revoir le mode de gouvernance de la filière touristique. Quelle place assignez-vous dans ce nouveau cadre à Atout France – dont les moyens ont été affaiblis ? Il est très difficile aujourd’hui de dresser un tableau d’ensemble des dépenses des collectivités territoriales en matière de tourisme, cette compétence étant partagée entre les différents échelons et exercée par chacune en concertation avec les autres, conformément aux dispositions du code du tourisme. Les économies qui résulteraient d’une meilleure coordination pourraient être redéployées et la dépense publique gagnerait ainsi en efficacité. Quels sont vos projets à cet égard, dans la perspective de la réforme territoriale annoncée pour l’an prochain ?

J’évoquerai au passage la question des différents labels, nationaux ou locaux, publics ou privés, qui, se développant à foison et n’étant plus vraiment identifiés, peuvent finir par manquer leur objectif. Soutenons les labels nationaux historiques qui ont fait leurs preuves sur le territoire national et que l’on est en train d’exporter en Europe et jusqu’en Chine. Et limitons les nouveaux labels et nouvelles certifications, tout en les identifiant mieux car ils peuvent néanmoins être un repère de fiabilité pour les touristes lors de leurs achats.

Vous avez également déclaré, madame la ministre, vouloir lutter contre la « fracture touristique », en encourageant l’accès de tous aux vacances. Cette mission est principalement dévolue aujourd’hui à l’Agence nationale pour les chèques vacances, qui célèbre cette année son vingtième anniversaire. L’ANCV ne reçoit aucune subvention directe mais le dispositif des chèques vacances bénéficie de deux avantages, la contribution employeur étant exonérée de taxe sur les salaires comme de charges sociales patronales. Quelle place souhaitez-vous voir jouer à l’ANCV dans la rénovation de l’offre d’équipements touristiques ? Selon quelles modalités ?

L’offre touristique française repose pour l’essentiel sur un important parc immobilier privé, qui requiert aujourd’hui beaucoup d’investissements afin de répondre aux exigences de plus en plus contraignantes en matière de normes – je pense notamment à la petite hôtellerie indépendante. Cette offre doit aussi être mieux identifiée, à travers les référentiels de classement qui ont été profondément remaniés par la loi du 22 juillet 2009. Elle doit enfin tenir compte de l’évolution des comportements des touristes et du développement de l’économie numérique. Beaucoup d’établissements sont aujourd’hui affiliés, quand ils n’en sont pas dépendants, à des centrales de réservation électroniques dont le siège social et le centre opérationnel se situent à l’étranger. Les transactions et les réservations effectuées sur le territoire national à partir de sites étrangers font l’objet de commissions élevées qui échappent à l’impôt français. Pourquoi ne pas réfléchir aux moyens d’organiser et de taxer intelligemment ce type de transactions ? On sait que la location des meublés, qui n’est pas toujours déclarée, passe également de plus en plus par Internet et échappe souvent à la taxe de séjour. Je profite de ce débat pour vous demander s’il ne serait pas opportun de revoir l’assiette et le mode de collecte de cette taxe, afin de dégager de nouvelles recettes au profit du tourisme et de ses acteurs.

Le dernier point de mon intervention concerne les questions liées à l’emploi dans le secteur touristique. À l’heure où on parle de revenir sur l’application du taux réduit de TVA dans la restauration – peut-être nous direz-vous l’état de votre réflexion sur le sujet –, je souhaite rappeler que plusieurs dizaines de milliers d’emplois demeurent non pourvus dans ce secteur. Or vous reconnaîtrez que, depuis 2009, la baisse de la TVA a au moins eu des effets positifs sur la revalorisation des métiers, sur les salaires et sur la couverture sociale dans le secteur de l’hôtellerie-restauration. L’incertitude dans laquelle vous placez aujourd’hui les professionnels risque de décourager l’investissement comme les embauches. Tout relèvement de la TVA toucherait de plein fouet les petits établissements en premier lieu.

De façon plus générale, qu’envisagez-vous pour valoriser les métiers du tourisme ?

M. le président Gilles Carrez. Pour organiser nos travaux sur l’ensemble de ces nombreux programmes et actions, je suggère, si vous en êtes d’accord, que nous commencions par le commerce extérieur puis le tourisme.

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Je remercie Monique Rabin, rapporteure spéciale, d’avoir soutenu la stratégie que j’ai eu l’honneur de présenter récemment. Je reviendrai devant les commissions compétentes pour la développer et présenter les priorités de notre action. Jean Glavany, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, a eu raison de poser d’emblée le problème de la compétitivité. C’est au cœur de l’actualité puisque le Gouvernement formulera des propositions en ce domaine à l’issue du séminaire du 6 novembre prochain. Anne Grommerch, rapporteure pour avis sur le programme « Entreprises », a elle aussi eu raison de soulever la question de l’attractivité de notre territoire au travers d’Ubifrance et de l’Agence française des investissements internationaux (AFII) – étant précisé que la première est de ma compétence, mais non la seconde. Il existe en effet un lien étroit entre attractivité du territoire et compétitivité à l’export. Je remercie enfin Joël Giraud, rapporteur pour avis sur le programme « Commerce extérieur » d’avoir abordé le sujet essentiel de la politique commerciale de l’Union européenne vis-à-vis des pays tiers.

Un mot tout d’abord des moyens. Comme vous le savez, des efforts ont été exigés de tous les ministères, le budget de l’État pour 2013 comportant dix milliards d’euros d’économies. La contribution de mon ministère à ces économies a été de 1 % sur ses 104,2 millions d’euros. Un rebasage a également eu lieu pour tenir compte de la dernière tranche de dévolution de compétences à Ubifrance – cela représente 1,6 millions d’euros. Le plafond d’emplois de cette agence pour 2013 a été fixé à 1 393, en diminution de 1,8 %,. Cette diminution s’effectuera de façon lissée, comme cela a toujours été le cas depuis plusieurs années. Dans le cadre contraint qui s’impose à l’ensemble des ministères, Ubifrance a vu ses missions préservées et est parfaitement capable de s’adapter. Une étude venant de m’être remise sur le sujet, je vous dirai un mot en avant-première de la mise en œuvre prochaine de couples pays-produits, l’objectif étant de coupler, par filière, l’offre commerciale française avec la demande des marchés extérieurs.

De la capacité d’adaptation d’Ubifrance, je ne donnerai que deux exemples. L’agence va ouvrir prochainement un bureau à Nairobi pour être présente sur le marché porteur de l’Afrique de l’Est, plutôt anglophone – je me rends au Kenya la semaine prochaine – et un autre en Birmanie, comme j’ai pu l’annoncer jeudi dernier à l’occasion du colloque qu’elle avait organisé au Sénat sur le thème « Asie du Sud-Est : des marchés à découvrir et à conquérir ».

S’il faut bien distinguer, monsieur Glavany, la compétitivité-coûts et la compétitivité-hors coûts, à l’exportation les deux forment un tout. Devant le déficit abyssal de notre commerce extérieur – 73 milliards d’euros fin 2011 –, on ne peut que s’interroger sur l’ensemble de la filière export, laquelle, ne le perdons jamais de vue, commence en France. Quel rôle jouent les régions ? Notre dispositif est-il assez lisible à l’étranger ? On s’interroge bien entendu aussi sur les causes structurelles de ce déficit.

À la fin des années 1990, date à laquelle s’est opéré le décrochage, les services aux entreprises étaient moins chers en France qu’en Allemagne. Aujourd’hui, l’Allemagne est plus compétitive, l’écart atteignant même 25 %. Or, les services aux entreprises sont essentiels à l’activité de l’industrie – cela représente 15 % de notre export. Il faut donc améliorer notre compétitivité-coûts et bien sûr favoriser l’investissement des entreprises. En effet, investir, c’est innover, et lorsqu’on innove, on exporte. Si cette vérité n’est peut-être pas d’évidence, tous les chiffres la confirment. Investissement, innovation et internationalisation, voilà la martingale pour réussir.

La France a des atouts. Encore faut-il qu’elle les mobilise. D’où l’intérêt de la future Banque publique d’investissement. D’où l’intérêt aussi de s’appuyer sur les régions qui ont d’ores et déjà toute légitimité à intervenir mais en auront encore davantage demain après la nouvelle étape de décentralisation. N’oublions pas qu’elles financent les pôles de compétitivité, qui sont globalement une réussite, et qu’elles disposent de financements pour les start-up et les PME innovantes – je compte d’ailleurs bien m’appuyer dessus. Les régions se sont également engagées à l’Élysée, en septembre dernier, à porter d’ici à trois ans dix mille entreprises supplémentaires à l’export. Comme je le leur ai demandé lorsque je les ai reçues le 18 septembre dernier, elles vont, de façon concertée, élaborer des plans export régionaux. Certaines d’entre elles n’en avaient pas encore. Elles les intégreront au nouveau schéma régional de développement économique et d’innovation que chacune d’entre elle devra également définir.

Comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, un milliard d’euros de plus à l’export, ce sont dix mille emplois de plus en France. On mesure ce qu’il est possible de faire lorsqu’on sait que le Premier ministre m’a fixé l’objectif de ramener notre commerce extérieur à l’équilibre – soit 26 milliards à gagner.

À l’issue du séminaire gouvernemental du 6 novembre sur la compétitivité, le Premier ministre présentera des propositions globales. Mon ministère apportera sa contribution et j’aurai moi aussi des propositions. Le fait que je partage avec mon collègue Pierre Moscovici le même conseiller pour ce qui a trait aux financements facilite notre travail commun. La BPI mobilisera 40 milliards d’euros à la fois pour apporter des fonds propres aux entreprises et pour leur accorder des crédits. Dans un premier temps, il n’y aura pas de fusion organique entre Ubifrance et la BPI. Celle-ci proposera l’ensemble des soutiens financiers distribués par OSÉO et la COFACE. Elle conseillera, d’autre part, les entreprises qui souhaitent exporter, en s’appuyant sur Ubifrance, pleinement mobilisée à cet effet – son directeur général en a reçu la mission. Comme le prévoit son futur contrat d’objectifs et de performance qui sera signé début 2013, Ubifrance sera chargée d’accompagner pendant trois ans 800 ETI déjà exportatrices et sur lesquelles nous nous appuierons au départ. Cet accompagnement est indispensable car il ne s’agit pas pour les entreprises d’exporter une fois, mais bien de s’installer dans la durée sur les marchés étrangers.

Ma mission porte à la fois sur le moyen terme, à horizon de cinq ans, et sur le long terme, à horizon de dix ans.

En sus d’Ubifrance, aux côtés des régions et de leurs opérateurs, nous pouvons nous appuyer sur les chambres de commerce et d’industrie et, bien sûr, sur les entreprises. Lors de mes déplacements sur le terrain, je constate une mobilisation générale. Je constate également des tentatives d’organisation, au succès desquelles la BPI aidera. Celle-ci sera une porte d’entrée, un guichet unique. Nous sommes prêts à mettre à disposition des régions ou de la BPI, selon les modalités d’organisation, une partie des agents des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) en tant que conseillers à l’export. En effet, je l’ai dit, la BPI devra non seulement distribuer des crédits et octroyer des garanties actuellement accordés par OSÉO et la COFACE, mais aussi apporter des conseils à l’export. Toutes les entreprises ne sont pas à même d’y aller seules et si on les y incite sans que le marché ait été préalablement bien analysé, elles risquent, déconfites, de ne surtout pas renouveler l’expérience. Elles ont besoin d’un accompagnement, dont pourraient se charger les personnels précités des DIRECCTE, mais aussi des personnels des Douanes, dont certains pourraient aussi être mis à disposition, et bien sûr de la vingtaine d’agents d’Ubifrance en régions qui pourraient être utilement mobilisés pour cette tâche.

J’en viens aux financements à l’export. En sus de ce que fera la BPI, sur les quatre milliards qui avaient été réservés en 2011 au titre des investissements d’avenir, 150 millions seront consacrés à aider les entreprises à l’export. La décision en sera prise avant la fin de l’année.

J’ai observé que nous perdions des marchés parce que nos financements n’étaient pas assez compétitifs. C’est le cas notamment de la garantie de refinancement de la COFACE qu’il conviendrait de porter à 100 % alors qu’elle n’est aujourd’hui que de 95 %. C’est aussi le cas de la garantie de change sur valeur résiduelle pour inciter au financement d’opérations en euros afin de pallier le manque de liquidités en dollars. C’est un gros problème notamment pour Airbus. Il faut pouvoir étendre à tous les types d’aéronefs – nous en avons les moyens – la garantie inconditionnelle qui existe aujourd’hui pour certains types d’avions. Le marché est considérable pour les avions destinés aux transports régionaux : il nous faut donc être compétitifs. L’ensemble de ces mesures devrait pouvoir être intégré dans le collectif de fin d’année.

Enfin, des pays comme l’Allemagne, mais aussi la Finlande, l’Italie, la Suède, sont avantagés par rapport à la France parce que leurs entreprises bénéficient d’un financeur direct. Ainsi la KfW (Kreditanstalt für Wiederaufbau) offre aux entreprises allemandes des financements à l’export très compétitifs. Il faut que nous mettions en œuvre un mécanisme semblable – contrairement aux mesures précédentes, cela ne pourra pas être fait avant la fin de l’année. Nous aurons besoin dans un premier temps de la Caisse des dépôts et peut-être dans un second temps de la BPI. Ce sujet relevant de ma compétence et de celle du ministre de l’économie et des finances, nous avons déjà commencé à travailler avec le directeur général de la Caisse des dépôts.

S’agissant de la lisibilité de notre présence à l’étranger, il est vrai qu’il existe une certaine confusion. Vous avez évoqué dans votre projet d’avis, monsieur Glavany, la concurrence qui peut exister entre Ubifrance et les structures des régions, citant notamment l’agence pour le développement économique de la région Rhône-Alpes à l’international, ERAI (Entreprise Rhône-Alpes International), fortement implantée à l’étranger. En Chine, le partage des responsabilités est clair et a été parfaitement négocié entre Ubifrance et ERAI.

Je regarde bien sûr ce que font les autres pays. La semaine dernière, au salon international de l’agroalimentaire, où je me suis rendue avec mon collègue Guillaume Garot, j’ai constaté que plusieurs pays très dynamiques à l’export avaient un pavillon unique, parfaitement repérable dans une telle manifestation. Il faut que dans les salons internationaux soit représentée une « maison France » réunissant tous les partenaires. Ainsi, dans le domaine de l’agroalimentaire, où interviennent aujourd’hui à la fois Ubifrance et la SOPEXA, il conviendrait dorénavant que les deux apparaissent ensemble sous le pavillon France. Nous sommes d’accord avec Guillaume Garot sur ce point, et les deux agences n’y sont pas opposées.

Monsieur Giraud, vous avez évoqué le sujet très important de la politique commerciale de l’Union européenne. Le multilatéralisme étant en panne, les accords de libre-échange se sont multipliés. La Commission européenne a fait montre de beaucoup d’allant sur le sujet mais plusieurs des accords conclus sont, hélas, quelque peu asymétriques. Je fais en ce moment le tour des capitales européennes – Berlin bien sûr, Varsovie, Rome, Madrid où j’étais lundi dernier – pour vérifier que mes homologues et leurs gouvernements défendent bien le principe de la réciprocité. Notre position n’est pas majoritaire pour l’heure. Mais nous n’avons pas renoncé à mener la bataille, bien au contraire. Car s’il est opportun d’ouvrir son marché, il importe que l’ouverture soit symétrique. C’est d’ailleurs pourquoi nous avions demandé à la Commission de mettre sous surveillance l’accord de libre-échange entre l’Union et la Corée, soupçonné de favoriser l’importation de véhicules coréens au détriment de nos constructeurs automobiles, alors même que ce secteur est en difficulté.

La réciprocité est une condition essentielle aux yeux de la France pour la signature d’un accord de libre-échange. L’Union européenne négocie ou s’apprête à négocier trois accords, qui seront structurants pour le commerce mondial : avec le Canada, le Japon et les États-Unis. Il faut que nous ayons des armes en poche lors de la négociation. J’aimerais en convaincre tous les États membres. La Commission a élaboré un projet de règlement sur la réciprocité dans l’accès aux marchés publics. Aujourd’hui, 90 % des marchés publics de l’Union sont ouverts aux pays tiers quand ceux du Canada, du Japon et des États-Unis le sont à peine à 30 %. Et je ne parle pas des marchés publics de l’Inde, de la Chine ou du Brésil qui, eux, ne le sont pas du tout ! Ce projet de règlement doit donc impérativement être adopté. Je plaide en ce sens auprès de la Commission bien sûr, mais aussi du Parlement européen et de l’ensemble des États membres. Le communiqué final des deux derniers conseils européens des chefs d’État et de gouvernement, de juin et octobre, demande d’ailleurs qu’on progresse sur ce règlement. Je compte sur les parlementaires nationaux pour m’aider à convaincre l’ensemble des partenaires.

Je termine par l’attractivité. Il existe, je l’ai dit, un lien étroit entre attractivité du territoire et compétitivité à l’export. La France a perdu la première place pour l’accueil d’investissements étrangers au profit de l’Allemagne. Mais elle conserve, on oublie souvent de le dire, la première place pour l’accueil de centres de production. Or, que des entreprises étrangères produisent en France, c’est de l’emploi, souvent de la haute technologie, et donc de l’export. Nous devons par conséquent tout faire pour conserver cette place afin de maintenir et de développer les emplois. Des entreprises étrangères extrêmement performantes continuent de choisir la France pour la qualité de ses infrastructures, de ses salariés, de ses établissements scolaires et de ses équipements culturels, en un mot pour l’environnement qu’elle offre. Ne perdons jamais de vue qu’une entreprise étrangère qui s’installe en France exporte depuis notre pays et que notre balance commerciale a donc tout à y gagner.

N’ayant déjà que trop parlé aujourd’hui, je reviendrai devant les commissions compétentes exposer tout cela plus en détail. On ne peut pas se fonder sur la situation de notre commerce extérieur pour dénoncer nos défauts de compétitivité et ne pas faire de l’exportation une priorité. Le commerce extérieur ne se réduit pas à un solde. Notre balance commerciale n’est rien de moins que le juge de paix de notre économie.

M. le président Gilles Carrez. Merci, madame la ministre, pour cette intervention très intéressante. Je m’abstiendrai de poser la question que j’avais prévu de poser, mais nous vous inviterons à venir à nouveau devant la Commission des finances, de façon à explorer à fond ces sujets essentiels.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Même s’il couvre des secteurs essentiels pour notre économie, le budget pour 2013 du ministère de l’artisanat, du commerce et du tourisme n’est pas moins concerné que les autres par les efforts de redressement de nos comptes publics, et est donc soumis lui aussi à la norme budgétaire fixée par le Premier ministre.

Cela étant, par rapport à cette norme, le bras armé de l’État pour le développement de notre politique touristique, Atout France, sur lequel plusieurs d’entre vous m’ont interrogée, voit ses crédits relativement préservés. Cette agence réalise un important travail de promotion : plus de 2 000 actions de communication chaque année, l’organisation à l’international de 450 événements professionnels ainsi que de 350 campagnes à destination du grand public, l’accueil en France de plus de 9 000 professionnels… C’est un excellent bilan, mais on peut encore mieux faire, sans même qu’il soit nécessaire de doter l’agence d’un budget équivalent à celui que certains de nos voisins et principaux concurrents consacrent à leur propre promotion touristique.

Tout d’abord, je souhaite poursuivre et développer le partenariat d’Atout France avec des acteurs publics et privés. L’agence accompagne en effet 1 100 partenaires – les collectivités locales, bien sûr, mais aussi des entreprises privées – dans leurs opérations de promotion touristique, en France et à l’étranger. Pour un euro qu’elle dépense, le partenaire en apporte en moyenne cinq : cet effet de levier est vertueux pour nos finances publiques, mais il est aussi une garantie de la qualité du projet présenté.

Je veillerai également à assurer une meilleure coordination entre les actions d’Atout France et celles des comités régionaux ou départementaux du tourisme. S’agissant en particulier des salons de portée internationale – et je rejoins Nicole Bricq sur ce point –, l’ensemble des collectivités locales doivent se réclamer de la « bannière France » et non se présenter de manière dispersée. Notre pays a en effet un rayonnement important en matière touristique, et nous devons mieux mettre en avant son image à l’étranger.

Enfin, il faut une meilleure adéquation entre la mission prioritaire d’Atout France et son organisation. Le président du nouveau conseil d’administration, que j’ai nommé le 17 octobre, devra porter une attention particulière à la recherche de synergies entre les différentes missions de l’agence, correspondant aux institutions dont elle est issue, ODIT France et Maison de la France. Je ne pense pas en effet que toutes les conséquences aient été tirées de la fusion.

Le nouveau président devra également faire des propositions en matière de stratégie, compte tenu des priorités que j’ai fixées en juillet lors de ma présentation du plan tourisme : je souhaite qu’Atout France joue un rôle moteur dans l’élaboration des futurs contrats de destination, qui permettront de mieux structurer la filière touristique. Je souhaite également examiner en détail la politique de promotion de la France, notamment la présence française à l’étranger. Il faut en particulier rechercher des synergies entre les bureaux d’Atout France, ceux d’Ubifrance, ceux de l’AFII et les ambassades. Le président devra dresser un état des lieux et faire les propositions nécessaires pour que ces évolutions puissent être mises en œuvre dès 2013.

Monsieur Mancel, le fait que le projet de budget ne comporte pas de crédits en vue de l’exposition universelle de 2015 à Milan ne signifie pas que notre pays n’entend pas participer à cet événement. Simplement, il est encore trop tôt pour se prononcer sur le montant nécessaire. Un financement spécifique sera prévu lorsque les modalités de notre participation auront été définies.

Plusieurs orateurs ont évoqué le nombre d’emplois non pourvus dans le secteur du tourisme, que les professionnels évaluent à 50 000. Ces métiers souffrent en effet d’un déficit d’image et doivent être revalorisés auprès des jeunes. Les formations, également, doivent être plus attractives et plus performantes. Je travaille donc avec Vincent Peillon sur les moyens de valoriser l’enseignement professionnel dans le secteur. Une attention particulière devra être portée à l’apprentissage de langues étrangères, sujet crucial.

Il faut par ailleurs mieux identifier les raisons pour lesquelles ces postes ne sont pas pourvus, ainsi que les types d’emplois plus particulièrement concernés. Du reste, les métiers du tourisme ne sont pas les seuls à mériter une meilleure considération ; c’est aussi le cas de ceux de l’artisanat, et notamment des métiers de bouche, vers lesquels se tourne un nombre insuffisant de jeunes. Nous allons donc analyser les besoins avant de sélectionner et de développer les formations adéquates, en les adaptant si nécessaire aux situations locales.

En ce qui concerne la réhabilitation de l’immobilier de loisir, un groupe de travail avait réuni des acteurs locaux, des élus, des parlementaires et des opérateurs privés. Ses travaux l’ont conduit à proposer à dix stations volontaires de tester une boîte à outils. Les causes du phénomène bien connu « lits froids, volets clos » étant multiples, la réponse ne peut pas être unique mais doit résulter de la combinaison de plusieurs mesures. Cette boîte à outils ne doit donc pas être un instrument imposé « d’en haut » sur une situation complexe, car dans ce cas elle ne répondrait pas aux besoins des professionnels. Les outils proposés doivent au contraire varier en fonction des problèmes qui se posent au niveau local.

Les instruments disponibles sont de trois ordres : les outils nécessaires à la gouvernance et à la stratégie, les outils de restructuration des biens physiquement hors marché ou vieillissants, et les outils de facilitation et d’incitation à la commercialisation des meublés de tourisme.

Cette dernière question, vous le savez, fait partie de mes priorités. Après une expertise approfondie de ces propositions, comportant nécessairement un important volet interministériel, je présenterai un plan cohérent de réhabilitation dans le but de remettre ces biens sur le marché en sorte qu’ils contribuent au développement touristique des stations.

Il est vrai que la mise aux normes a un coût élevé pour le secteur touristique, en particulier pour la petite hôtellerie familiale qui avait déjà dû se plier à la nouvelle réglementation sur le classement, assortie de normes de sécurité spécifiques. La succession de nouvelles normes inquiète de nombreux professionnels, qui hésitent à se lancer dans une réhabilitation faute de certitude sur la viabilité et la pérennité de leur entreprise. Marie-Arlette Carlotti a rendu public un rapport sur l’accessibilité qui comporte d’ailleurs des éléments économiques relatifs au tourisme. J’ai pour ma part demandé que des professionnels du secteur puissent être entendus dans le cadre de la mission d’évaluation en cours au Sénat, afin que soit pris en compte l’impact de ces normes sur les entreprises de tourisme et que des solutions adaptées soient trouvées.

Bien sûr, il ne s’agit pas de remettre en cause le droit pour les personnes handicapées à accéder aux hôtels ou à l’hébergement de plein air, mais un équilibre doit être trouvé. En tout état de cause, il convient d’accompagner les professionnels qui doivent réaliser des investissements.

S’agissant du tourisme d’affaires, je ne partage pas votre analyse, monsieur Mancel, même s’il est exact que ce secteur a une grande importance pour notre pays. Notre stratégie porte ses fruits, puisque Paris occupe en 2011 la deuxième place dans le classement de l’Association internationale des congrès et des conventions, derrière Vienne et devant Barcelone. Je reconnais toutefois la nécessité d’une action volontariste dans ce domaine. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’un comité « grands événements » a été constitué au sein d’Atout France pour coordonner notre politique en matière de grands événements sportifs ou culturels, de foires, de salons et de congrès.

J’en viens aux questions sur le taux de TVA dans la restauration. Je remercie M. Thévenoud pour le rapport qu’il a présenté hier devant la Commission des finances : cette utile contribution viendra en complément du bilan que je suis en train d’établir avec les organisations professionnelles signataires du contrat d’avenir. Quand une mesure coûte chaque année plus de 3 milliards d’euros au budget de l’État, il me semble légitime, monsieur Straumann, que les parlementaires et le Gouvernement procèdent à l’évaluation la plus précise possible de ses effets. Des groupes de travail ont donc été constitués, correspondant aux quatre engagements prioritaires fixés lors de la signature du contrat d’avenir. Des réunions supplémentaires ont toutefois dû être organisées en raison de la persistance d’une forte divergence entre les chiffres obtenus par mes services et ceux fournis par les professionnels. Un bilan sera effectué à la mi-novembre, en fonction duquel nous prendrons les décisions qui s’imposent.

Il ne servirait à rien de prendre des décisions hâtives au moment même où un bilan est dressé de manière contradictoire avec les professionnels. Mais si le gouvernement précédent avait pris la peine de rédiger un contrat – et surtout un avenant – clair, lisible et précis, nous n’en serions sans doute pas là. De même, je regrette qu’il ait négligé de procéder régulièrement à des évaluations ponctuelles, car nous aurions eu quelque chose sur quoi nous appuyer plutôt que de devoir construire entièrement ce bilan. Quoi qu’il en soit, nous travaillons sereinement avec les professionnels, et les décisions que nous prendrons seront conformes à la justice et à l’efficacité économique.

En ce qui concerne les auto-entrepreneurs, j’ai en effet confié à l’Inspection générale des affaires sociales et à l’Inspection générale des finances la mission de dresser un état des lieux objectif du dispositif afin d’en corriger les dérives. Contrairement à ce que j’ai pu entendre ici ou là, le Gouvernement ne veut en aucun cas casser ce régime, mais simplement le faire évoluer, l’adapter pour permettre à l’ensemble des professionnels, artisans comme auto-entrepreneurs, d’exercer leur activité dans des conditions équitables. Il souhaite également faire bénéficier les entrepreneurs relevant de ce régime, qui sont souvent dans une situation de précarité, d’une meilleure protection sociale et empêcher les pratiques frauduleuses telles que le recours au salariat déguisé ou la sous-déclaration de chiffre d’affaires. Le dialogue se poursuit avec l’ensemble des acteurs concernés ; les conclusions de cette mission nous seront rendues à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine.

Comme vous, monsieur Thévenoud, je suis préoccupé par la situation des distributeurs indépendants de carburant. Quand ils opèrent dans des zones rurales mal desservies, ils y sont des agents du lien social, particulièrement lorsqu’ils sont associés à un commerce multiservices. Les solutions proposées pour contenir la hausse des prix des carburants s’appliquent difficilement à ces petites entreprises dont les marges sont déjà faibles. Je souhaite engager une discussion avec Delphine Batho afin que leur existence et leur pérennité ne soient pas remises en cause par l’application en 2015 de nouvelles normes environnementales.

Le FISAC est indéniablement utile pour aider commerçants et artisans à moderniser leur activité. Le gouvernement précédent a tout à la fois diminué les crédits et augmenté les besoins de financement en élargissant les critères d’éligibilité, ce qui n’a pas manqué de provoquer une augmentation du nombre de dossiers. À mon arrivée à Bercy, 1 600 projets étaient ainsi en cours d’instruction. Aujourd’hui, 700 projets sont instruits, pour un montant de 35 millions d’euros. Le solde, 13 millions d’euros, est insuffisant pour financer le reste du stock.

Je ne suis pas sûre, cependant, que l’amendement auquel il a été fait allusion représente la meilleure solution. J’ai donc demandé un rapport détaillé au Contrôle général économique et financier – CGEFI – sur ce sujet. Lorsqu’il me sera remis, nous travaillerons avec mon collègue chargé du budget afin de résoudre, en gestion 2013, cette question importante pour les collectivités locales et pour les territoires.

Je souhaite en outre revoir entièrement les critères d’attribution des aides afin de rendre celles-ci plus efficaces et de les concentrer sur les territoires les plus fragiles ou sur les opérations ayant le meilleur effet de levier. Bien entendu, les parlementaires pourront être associés à cette réflexion et nous faire part de leurs propositions.

Le projet de loi de finances pour 2013 étend le champ du plafonnement des taxes affectées. Cette extension, qui a vocation à se poursuivre en 2014, concerne en effet les organismes consulaires, madame Grommerch. Elle conduit à faire passer le périmètre des ressources plafonnées de 3 milliards d’euros en 2012 à 4,5 milliards d’euros en 2013.

De nombreux opérateurs de l’État et autres organismes chargés de missions de service public sont financés, partiellement ou intégralement, par des impositions de toute nature. Celles-ci leur sont affectées directement, sans transiter par le budget de l’État. Ce mode de financement présente l’inconvénient de faire échapper les dépenses ainsi financées à l’effort partagé de maîtrise de la dépense, qui se traduit par la stabilisation en valeur des dépenses de l’État. Il aurait été inéquitable de concentrer les efforts de rationalisation de la dépense publique sur les seules administrations ; pour être juste, la répartition de l’effort de redressement doit tenir compte uniquement des priorités du Gouvernement et des économies potentielles. C’est la raison pour laquelle nous avons pris cette décision.

Monsieur Straumann, avec les contrats de destination et avec la structuration de la filière touristique, notre ambition est de faire mieux travailler ensemble les collectivités territoriales et les acteurs privés. La généralisation du contrat de destination sera l’outil de cette collaboration, mais nous aurons aussi à rénover le Conseil national du tourisme. Sa composition sera resserrée, pour être réduite à moins de 50 membres, et ses missions seront recentrées sur la production, non de rapports, mais de préconisations plus opérationnelles. Le plan de travail annuel sera élaboré par un comité directeur et soumis pour approbation au ministère.

Enfin, je souhaite que la mission sur l’économie numérique puisse examiner les questions relatives au tourisme, y compris dans leurs aspects communautaires, en vue de parvenir à la constitution d’un espace commun s’agissant des règles fiscales ou des règles de responsabilité des professionnels.

M. le président François Brottes. Je comprends que certains parlementaires s’impatientent en raison des difficultés d’organisation que nous avons déjà évoquées. Mais en aucun cas, on ne pourra reprocher aux membres du Gouvernement de prendre le temps de répondre convenablement à chacun des rapporteurs. Pour ma part, j’ai trop regretté par le passé le caractère lapidaire de certaines réponses pour venir me plaindre d’une telle précision. Si, demain, il en allait autrement, les mêmes qui se plaignent aujourd’hui de la longueur des débats reprocheraient alors aux ministres de ne pas avoir répondu à leurs questions !

Madame la ministre déléguée, il vous reste à satisfaire la curiosité de Mme Bonneton sur La Poste, de Mme Erhel sur les communications électroniques, de M. Grellier au sujet de l’industrie et de Mme Grommerch concernant les entreprises…

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Je m’efforcerai de leur fournir des réponses à la fois précises et synthétiques.

En préambule, je me dois toutefois de rappeler, au nom d’Arnaud Montebourg que je représente aujourd’hui, dans quel esprit nous concevons le redressement productif.

Le redressement productif – une expression d’inspiration rooseveltienne – passe par la mobilisation de l’ensemble des acteurs qui doivent contribuer au rebond économique de notre pays : le Comité interministériel de restructuration industrielle – CIRI –, la cellule ministérielle dédiée aux restructurations, la Médiation du crédit et la Médiation de la sous-traitance, les 22 commissaires au redressement productif, l’AFII – agence dont la tutelle est partagée entre le ministère de l’économie et des finances et celui du redressement productif –, la BPI… Tous ces acteurs sont mobilisés au service d’une unique mission, la reconquête de la compétitivité des entreprises françaises.

À côté de la compétitivité-coûts, dont il est beaucoup question en ce moment, nous devons faire un effort considérable sur la compétitivité-hors coûts, en misant sur la qualité des produits que nous fabriquons. L’excellence existe en France ; nous devons tout faire pour la promouvoir.

Pour y parvenir, il nous faut des moyens. Ceux du redressement productif sont inscrits aux programmes 192 – Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle – et 134 – Développement des entreprises et du tourisme. Des outils existent également au sein des programmes d’investissements d’avenir : ainsi les aides à la relocalisation industrielle, qui permettent de soutenir les projets de réindustrialisation des entreprises.

Le programme 134 comprend les crédits de fonctionnement de la DGCIS et des DIRECCTE, soit au total 1 600 agents répartis entre administration centrale et administration déconcentrée.

Des crédits sont également alloués à des actions de soutien à la modernisation économique et à la compétitivité – ce que l’on appelle les actions collectives – ainsi qu’à des aides destinées aux centres techniques industriels.

Enfin, figurent dans ce programme les crédits des structures qui permettent à l’État de réguler et d’organiser les marchés et l’activité économique, en particulier ceux de l’Association française de normalisation (AFNOR) ou de l’Agence nationale des fréquences, qui gère les fréquences radioélectriques dans le respect du cahier des charges édicté par l’ARCEP.

Sur le projet de fusion entre le CSA et l’ARCEP, monsieur Thévenoud, je serai brève, dans la mesure où la réflexion menée à la demande du Premier ministre par le ministre du redressement productif, la ministre de la culture et moi-même ne sera achevée qu’à la fin du mois de novembre. Les deux autorités ont rendu leurs avis, mais nous devons encore procéder à un certain nombre d’auditions de professionnels avant de remettre nos conclusions.

S’agissant du Médiateur du crédit, celui-ci est, comme son nom l’indique, chargé de conduire de façon indépendante des médiations entre les banques et leurs débiteurs lorsque ces derniers connaissent des difficultés. La médiation est un art difficile consistant à rechercher un accord négocié entre les différentes parties impliquées ; c’est donc un outil, non pas d’intervention, mais de rapprochement, de discussion. Cette mission s’articule avec celle des commissaires au redressement productif, qui ont pour rôle, au-delà des éventuelles difficultés de crédit, de mobiliser l’ensemble des moyens de l’État afin d’organiser le redressement des entreprises en difficulté dans les régions et de sauver le plus d’emplois possible. Le rôle du Médiateur du crédit est et restera extrêmement important, notamment dans un contexte où l’environnement prudentiel des banques est en pleine évolution : la prochaine entrée en vigueur des normes dites « Bâle III » risque en effet d’entraîner un resserrement du crédit aux entreprises, dont les PME et les PMI seront les premières victimes. Dans ces conditions, la fonction du médiateur ne peut qu’être maintenue par le Gouvernement.

Madame Bonneton, tous les points que vous avez évoqués à propos de la situation financière de La Poste – dégradation des services publics, développement de leur mutualisation, apparition de nouveaux services dans les bureaux de poste – seront évidemment abordés dans le cadre des négociations en cours entre mes services et La Poste sur le nouveau contrat de service public. L’amélioration de la qualité du service public postal, en particulier du service universel et du délai de distribution du courrier, est bien évidemment un de nos objectifs.

L’aménagement du territoire est également une priorité pour La Poste. Dans un souci d’une action plus dynamique dans ce domaine, nous souhaitons élargir le périmètre d’intervention du groupe, en y incluant notamment le numérique.

S’agissant du coût des missions de service public, vous avez signalé l’écart entre l’évaluation effectuée par le groupe et la compensation versée par l’État. Les contraintes budgétaires actuelles ne nous permettent pas de le réduire autant que nous le souhaiterions, mais une partie de ces coûts – notamment ceux du service universel et de la distribution de la presse – sont pris en charge grâce à la vente de produits par La Poste. D’autre part, le financement de l’aménagement du territoire dépend aussi des collectivités territoriales – ce sujet doit faire l’objet d’un arrêté d’ici à la fin de l’année.

Le changement de statut de La Poste et l’augmentation de son capital devaient permettre de financer le programme d’investissements défini dans le cadre du plan Ambition 2015. Ce plan a été revu pour tenir compte des recommandations du rapport Kaspar, qui a permis une première prise de conscience de la dégradation des conditions de travail au sein du groupe. Nous serons particulièrement attentifs à ce que ces préconisations soient respectées, mais le PDG Jean-Paul Bailly s’est engagé à les appliquer toutes dans les mois qui viennent. Les 5 000 recrutements supplémentaires prévus devraient l’y aider. C’est en tout cas au groupe, et non à l’État, qu’il appartient de répartir ces nouveaux agents en fonction de ses besoins, mais nous serons particulièrement attentifs à ce que ces recrutements servent à assurer l’exécution des missions de service public de la Poste.

Nous veillerons de même à ce que la filialisation ne se traduise pas par la mise en concurrence des différentes entités de La Poste et par un dumping social à l’intérieur du groupe. Nous accompagnerons, dans le cadre du nouveau contrat de service public, les mutations internes par lesquelles l’entreprise doit s’adapter à l’intensification de la concurrence, en faisant en sorte qu’elles ne nuisent ni aux employés, conformément aux préconisations du rapport Kaspar, ni au service rendu aux usagers.

Nous avons dit et redit, madame Erhel, que la régulation du secteur des télécommunications devait mieux prendre en compte l’emploi. On ne sait pas assez qu’il figure déjà au nombre des objectifs du régulateur, le fait n’ayant pas été suffisamment mis en exergue par le précédent gouvernement. Le comité stratégique de filière sera saisi du sujet, dans le cadre notamment de l’attribution de nouvelles fréquences pour le déploiement de la 4G. Les questions d’emploi et d’investissement seront au centre des négociations que nous conduirons avec les opérateurs sur l’accélération du calendrier de ce déploiement, ainsi que sur le plan de développement du très haut débit. Nous attendons des engagements très fermes de ces opérateurs en termes de créations d’emplois en Europe et en France.

Vous savez que l’ARCEP doit contrôler le respect par les opérateurs des obligations en matière d’investissements et de couverture qui sont la contrepartie de l’obtention de licences. Nous veillerons à ce qu’elle applique dans l’exercice de cette mission une nomenclature unique, afin que tous les opérateurs soient traités de la même manière et qu’on compare ce qui est comparable, puisque des critiques avaient été formulées quant au rythme de déploiement et d’investissement de certain opérateur qu’il est inutile de nommer ici.

Jointes au travail de l’ARCEP, les mesures de la couverture du territoire auxquelles procède l’Agence nationale des fréquences permettront au Gouvernement et à la représentation nationale d’avoir une vision plus claire, plus transparente et plus objective de ces investissements et du taux de couverture atteint par chaque opérateur. Comme vous le savez, les licences de téléphonie mobile sont accordées en contrepartie d’engagements chiffrés sur ce dernier point, et si nous tenons autant à ce que l’ensemble des opérateurs s’inscrive dans une logique d’investissement, c’est parce que ceux-ci ont une répercussion sur l’emploi. Nous souhaitons donc que la réalité de ces investissements soit contrôlée sans attendre les échéances de 2015.

Vous avez raison de parler de la filière des télécommunications dans son ensemble, qui inclut aussi les centres d’appel, les boutiques, le réseau de distribution ou les équipementiers. Les difficultés considérables dans lesquelles elle se débat s’expliquent par l’absence depuis des décennies d’une politique industrielle. Nous souhaitons que le comité stratégique de la filière engage une réflexion sur la concentration en Europe ou sur les moyens de renforcer les équipementiers européens dans le cadre d’une relance des investissements dans le domaine des télécommunications et du très haut débit.

Vous avez également raison de souligner que la répartition des crédits d’intervention entre les divers programmes et missions doit gagner en lisibilité. La réflexion engagée par Marylise Lebranchu sur la réforme de l’État abordera aussi la question de la rationalisation de l’action publique, via notamment une nouvelle présentation budgétaire des actions de développement économique et de soutien aux entreprises.

Les objectifs d’Ubifrance et de l’AFII ne sont pas les mêmes : Ubifrance doit accompagner les entreprises françaises qui investissent à l’étranger, alors que l’AFII a pour vocation d’attirer des investisseurs étrangers en France. À ce propos, je viens de lancer, au Massachusetts Institute of Technology de Boston, la campagne mondiale de l’AFII pour promouvoir l’attractivité de la France. Cette campagne se poursuivra en novembre au Canada, en Chine, en Inde et au Brésil. Le programme d’action de l’agence lui a permis d’identifier certains domaines stratégiques dans lesquelles les investisseurs étrangers devront être particulièrement sollicités. Avec Nicole Bricq et Pierre Moscovici, nous suivons très attentivement son action en faveur de l’attractivité de notre territoire, ainsi que celle de son réseau.

Monsieur Grellier, le ministère du redressement productif a la volonté de réactiver la conférence nationale de l’industrie, afin de promouvoir une logique de filières, élément essentiel de la politique que le Gouvernement entend mener pour favoriser la croissance. L’écosystème régional est déjà mobilisé dans le cadre des comités stratégiques de filière régionaux. L’objectif est de mieux structurer certaines filières, sur le modèle par exemple de la filière aérospatiale, qui a réussi à articuler les grands groupes et les PME autour d’Airbus. De fait, il existe encore trop peu de synergies entre ces deux types d’entreprises, que ce soit à l’export ou en matière d’innovation, sujet sur lequel les PME doivent pouvoir bénéficier des politiques de recherche et développement des grands groupes.

Cette stratégie de filière doit permettre de concentrer les moyens régionaux via un guichet unique : la Banque publique d’investissement qui, à la différence d’une banque ordinaire, aura pour vocation de mettre à la disposition des TPE, des PME et des ETI une palette d’outils extrêmement large : garanties, crédits, fonds propres, financement de l’innovation, aides à l’exportation. Elle jouera également un rôle de conseil, pour orienter les entrepreneurs vers ces différents outils en fonction de leurs besoins. Sa doctrine d’emploi sera en outre différente : tout en agissant en investisseur avisé – il n’est pas question de prendre des paris trop risqués avec l’argent du contribuable –, elle sera un investisseur plus patient, qui réalisera des placements plus longs, peut-être un peu plus risqués. Son objectif sera de pallier ce grave défaut du financement de l’économie française qu’est l’absence de profitabilité de l’industrie du capital-risque dans notre pays. Autre nouveauté importante, la BPI consacrera 500 millions d’euros à un fonds dédié à l’économie sociale et solidaire.

L’idée d’une campagne de promotion de l’industrie est une très bonne idée, susceptible de séduire Arnaud Montebourg. J’ai pu mesurer au cours de mes déplacements à quel point l’environnement des affaires français était méconnu à l’étranger. Cependant, la campagne de l’AFII devrait déjà contribuer à améliorer notre image sur ce point.

Faire respecter, tant par les collectivités publiques que par les entreprises privées, les dispositions législatives encadrant les délais de paiement sera une des missions du médiateur des relations interentreprises et du médiateur des marchés publics dont nous avons proposé la nomination au Premier ministre. Ces médiations pourront bénéficier du soutien de l’Observatoire des délais de paiement, instance qui n’est peut-être pas suffisamment connue. Une réflexion pourrait en outre être menée avec la DGCCRF et avec la direction générale des finances publiques pour trouver des modalités d’incitation au respect de cette réglementation, voire de sanction en cas d’infraction. On pourrait, par exemple, faire obligation aux entreprises de faire état dans leur rapport annuel des délais dans lesquels elles auront réglé leurs fournisseurs.

De nombreuses filières souffrent de l’insuffisance de personnel qualifié, d’ingénieurs par exemple. Avec Geneviève Fioraso, nous travaillons à identifier les secteurs dans lesquels l’offre de formation ne comble pas les besoins de l’industrie. La stratégie de filières et la conférence nationale de l’industrie devraient également contribuer à remédier à cette insuffisance.

Le mentorat a fait ses preuves à l’étranger. Je crois beaucoup à l’utilité de cette méthode pour aider les jeunes entrepreneurs à développer les ETI dont la France a besoin.

M. le président François Brottes. Avant de passer la parole à Benoît Hamon, j’ajouterai quelques questions à celles qui lui ont été posées : est-ce bien le rôle de La Poste de proposer du crédit revolving ? Votre politique permettra-t-elle d’éliminer le surendettement, dont les effets sont dramatiques ? L’action de groupe est-elle une chimère ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. L’INSEE, monsieur Fauré, est une des administrations qui ont été très abîmées par la politique menée ces cinq dernières années. Nous avons donc tenu à préserver ses moyens humains. Conformément à la demande des syndicats, nous allons mettre fin à la précarité du statut des 770 enquêteurs de l’Institut, qui étaient jusqu’ici des vacataires pigistes. Ils seront donc intégrés dans les effectifs de l’INSEE. Pour le reste, l’Institut perdra 77 équivalents temps plein travaillé (ETPT), alors qu’il en perdait 136 par an depuis 2009 mais, au total, grâce aux titularisations, ses effectifs passeront de 5 140 ETPT à 5 833 entre 2012 et 2013.

Sur les 1 500 emplois publics que Nicolas Sarkozy avait promis à Metz en compensation des emplois perdus du fait de la réforme de la carte militaire, 575 devaient provenir du transfert dans cette ville des effectifs de l’INSEE, dans l’objectif de créer un pôle statistique dans cette ville. Or à ce jour, comme vous l’avez dit, 87 postes seulement ont été effectivement transférés. Sur le plan social, les organisations syndicales ne sont pas favorables à ce transfert, et comme il n’y a pas de mobilité forcée, il est très difficile d’honorer l’engagement du précédent Président de la République. Le problème est aussi budgétaire, le coût de la rénovation de l’ancienne gare censée accueillir les futurs bureaux de l’INSEE étant extrêmement lourd, au point que nous devrons peut-être reconsidérer ce choix. Il faut cependant tenir compte, en sens contraire, de la contrainte politique, les élus réclamant que l’État respecte ses engagements. Pierre Moscovici doit se rendre à Metz à la fin de l’année pour trouver une solution susceptible de concilier ces trois exigences contradictoires.

Je sais, monsieur Fauré, que vous avez évoqué avec l’administration la question de la rémunération des agents du Trésor dans le cadre du programme 305. Le fait que certains travaillent à l’étranger peut expliquer les variations dans les coûts de sortie des agents qui vous ont été indiqués. Nous vous adresserons une réponse écrite sur ce point. En tout état de cause, l’administration du Trésor participera à l’effort commun puisque ses crédits de fonctionnement diminueront d’environ 5,8 %.

De même, la Banque de France doit, comme toutes les administrations, contribuer au redressement des finances publiques. Nous souhaitons qu’elle fasse passer le coût unitaire de traitement des dossiers de surendettement de 917 euros en 2012 à 896 euros en 2013. D’autres objectifs lui ont été fixés en matière de dématérialisation des échanges ou de gains de productivité sur les tâches à faible valeur ajoutée.

L’encadrement du crédit à la consommation assuré par la loi Lagarde a eu des effets incontestablement positifs. Des problèmes persistent cependant, dénoncés tant par le mouvement consumériste que par la DGCCRF : une offre de crédit renouvelable qui n’est que rarement accompagnée d’une offre alternative de crédit amortissable ; l’insuffisante formation des forces de vente ; l’existence des cartes « confuses », ces cartes de fidélité qui dissimulent un crédit renouvelable. Cette réserve d’argent peut constituer une tentation irrésistible pour faire face à des accidents de la vie, précipitant ainsi le surendettement.

Ces problèmes justifient que l’on débatte de la création d’un fichier positif, sachant que cette question divise au sein même du mouvement consumériste comme du monde bancaire. Force est cependant de constater que les acteurs les plus anciens du marché du crédit disposent d’ores et déjà de formes de fichiers positifs privés. Je sais que la Banque postale, qui souhaiterait entrer sur ce marché, attend pour ce faire un cadre législatif stabilisé.

Nous ne pensons pas que la fonction du médiateur du crédit soit redondante avec celle des commissaires au redressement productif. Il est vrai que ce médiateur, créé en 2008, a connu un « âge d’or », si je puis dire, du fait du durcissement des conditions d’accès au crédit des PME : depuis le premier trimestre 2009, il a aidé pas moins de 29 000 entreprises. Aujourd’hui, les entreprises sont moins nombreuses à déposer un dossier auprès de ses services, leurs difficultés étant plutôt liées à la dégradation de la situation macroéconomique. Cette médiation reste néanmoins suffisamment utile pour justifier la nomination prochaine d’un nouveau médiateur.

Il est certes légitime que les agences indépendantes concourent, elles aussi, au redressement des finances publiques. Nous considérons cependant que l’effort demandé à l’Autorité de la concurrence doit être modéré eu égard à l’importance de ses missions. C’est pourquoi son budget de fonctionnement hors rémunérations passe de 4,88 millions d’euros à 4,71 millions d’euros, soit une baisse de 1 %. Elle ne perdra en outre qu’un de ses 188 emplois actuels.

La DGCCRF a beaucoup souffert ces cinq dernières années, sous le double effet de la RGPP et de la réforme de l’administration territoriale de l’État, qui y ont brisé la chaîne de commandement. En vertu de la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, 60 % des personnels partant à la retraite n’ont pas été remplacés. Or le nombre des missions assurées par cette administration, en première ligne dans la protection des consommateurs, ne fait que s’accroître au rythme des nouvelles directives européennes. Aujourd’hui, la DGCCRF compte moins de neuf agents de terrain dans 30 % des départements et moins de douze dans 50 % d’entre eux. Elle a par conséquence dû réduire ses interventions. La polyvalence ayant ses limites, ses agents ne peuvent plus remplir tout à fait correctement leur mission. C’est la raison pour laquelle nous avons jugé indispensable de sanctuariser les moyens de cette direction. En outre, le projet de loi sur la consommation que je vous présenterai au printemps 2013 renforcera son pouvoir de sanction à l’égard des entreprises en infraction.

Soixante millions de consommateurs connaît depuis quelques années des difficultés de financement récurrentes et ses comptes accusent en 2012 un déficit de 600 000 euros. Ce magazine, auquel les Français sont attachés, a sans doute manqué le tournant de l’Internet. La rédaction proposera en décembre une nouvelle ligne éditoriale et un nouveau format. Pour notre part, nous réfléchissons aux moyens de pérenniser cette revue, non seulement pour préserver la concurrence dans ce secteur, mais également parce que la qualité de l’information qu’elle dispense aux consommateurs est unanimement reconnue.

Je souhaite que nous inscrivions les actions de groupe dans le droit de la consommation afin que les préjudices économiques de masse trouvent réparation et que les consommateurs soient mieux protégés. Cela étant, le sujet continue de faire débat…

Vous avez souligné les progrès accomplis en matière de mobilité bancaire ; celle-ci doit encore être améliorée car il est légitime qu’on ne soit pas captif de sa banque. Nous attendons beaucoup du chantier ouvert par la Commission européenne dans ce domaine. Quant aux frais bancaires, le projet de loi de réforme bancaire traitera de ce sujet, conformément aux engagements du Président de la République.

Trente pour cent des entreprises ne respectent pas la loi encadrant les délais de paiement. La DGCCRF doit avoir les moyens de faire cesser les infractions qui ont donné lieu à notification. Nous travaillons avec elle et avec la direction générale des finances publiques (DGFIP), dans le sillage des propositions de Pierre Moscovici, à améliorer le respect de cette réglementation par les entreprises du secteur privé comme par les entreprises publiques.

M. le président Gilles Carrez. La parole est maintenant aux orateurs des groupes politiques puis, dans la foulée, aux parlementaires que ces déjà longs échanges sur des sujets disparates n’auront pas découragés.

M. Daniel Fasquelle. Je regrette à mon tour que nous soyons amenés à traiter de sujets si nombreux et si importants au cours d’une seule réunion.

Lorsqu’on examine l’ensemble des crédits de la mission « Économie », on peut regretter qu’après une augmentation des impôts dénoncée par l’opposition et par de nombreux acteurs économiques, vienne une réduction des dépenses en faveur des entreprises : les crédits consacrés au commerce, à l’artisanat et aux services baissent de plus de 30 millions d’euros ; ceux qui sont destinés au développement international des entreprises diminuent de près de 14 millions d’euros. Alors que le débat porte sur un choc de compétitivité, ce budget va plutôt provoquer un choc « d’anti-compétitivité ».

M. Louis Gallois remettra son rapport sur la compétitivité dans quelques jours et sera auditionné à l'Assemblée nationale le 7 novembre. Dans l’hypothèse où ce rapport comporterait des propositions telles que l’instauration d’une TVA compétitivité comparable à celle que nous avions proposée et que vous avez malheureusement supprimée, une augmentation de la CSG ou encore une réforme du temps de travail revenant sur les 35 heures, en tiendrez-vous compte, mesdames et monsieur les ministres ? Ou bien ce rapport est-il déjà enterré avant même d’avoir été rendu public ?

Notre pays a besoin de réformes de structure. Or, si vous avez pour l’essentiel repris notre politique, c’est à l’exception justement de certaines mesures structurelles. Le vrai débat est le suivant : quels leviers utiliser pour améliorer la situation de notre économie et de nos entreprises et procurer ainsi des recettes supplémentaires au budget de l’État ?

Organisme réputé proche du parti socialiste auquel vous vous êtes souvent référés dans le passé, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime que les prévisions du Gouvernement ne sont pas réalistes : à l’effort de 30 milliards d’euros que vous avez voté, il faudra sans doute en ajouter un autre de 22 milliards en cours d’année, ce qui pourrait conduire à la disparition de 200 000 emplois. Considérez-vous que ce budget est sincère et qu’il repose sur des bases solides ? Ne serez-vous pas contraints de revoir votre copie ? Sur quelles recettes ou quelles dépenses – par exemple de la mission « Économie » – jouerez-vous alors pour trouver ces 22 milliards supplémentaires ?

S’agissant des crédits que nous examinons, je regrette la baisse de la dotation du FISAC. Ce n’est sans doute pas la première mais, sous la précédente législature, les députés ont adopté, en séance, un amendement obligeant le Gouvernement à rétablir les crédits de ce fonds. Nous n’hésiterons pas à nous mobiliser à nouveau. La situation n’est pas simple pour vous, madame la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, mais vous devez comprendre les attentes des élus de terrain : dans de nombreuses communes, y compris touristiques, le commerce est le moteur de l’activité et de nombreux emplois en dépendent. Ces collectivités ont besoin du soutien du FISAC pour maintenir leur attractivité.

Pour ce qui est des crédits destinés au commerce extérieur, la baisse de la dotation de l’AFII ne laisse pas de m’inquiéter.

En ce qui concerne les crédits consacrés au tourisme, je regrette qu’Atout France ne dispose pas de davantage de moyens. Vous n’êtes pas, madame la ministre, responsable de cette situation, que j’ai déjà signalée dans le passé. Nous devrions faire le maximum pour promouvoir la destination France à l’étranger. Le nombre de touristes va augmenter de façon exponentielle à l’échelle du globe et nous ne nous donnons pas les moyens de capter cette demande. La France, première destination touristique au monde, en accueille 80 millions par an. Nous pourrions passer à 100 millions et créer ainsi de très nombreux emplois sur notre territoire.

Enfin, vous commettriez une grave erreur en remettant en cause la baisse de la TVA sur la restauration. Je ne reviens pas sur les chiffres évoqués hier en Commission des finances. Les syndicats de professionnels et de salariés du secteur demandent, d’un commun accord, le maintien du taux actuel. Ils nous alertent tous sur les conséquences de son éventuel relèvement : baisse du pouvoir d’achat des salariés, remise en cause d’avantages sociaux, suppressions d’emplois.

M. Patrice Prat. À travers la mission « Économie », l’État cherche à promouvoir un environnement économique favorable à la croissance et au redressement industriel. Le Gouvernement nous propose un budget de responsabilité, de vérité et de justice. Tout en consentant un effort substantiel dans un contexte économique très difficile, il ne perd jamais de vue les objectifs premiers de la mission : soutenir fortement la compétitivité des entreprises, l’innovation, l’emploi et le développement des exportations dans les secteurs clé de notre économie – industrie, commerce, artisanat, services et tourisme.

J’insisterai, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, sur trois points cruciaux : la réorientation industrielle, le crédit d’impôt recherche et le soutien au commerce de proximité, aux services et à l’artisanat.

Premièrement, la réorientation industrielle est au cœur de notre engagement. La précédente majorité laisse un héritage désastreux : l’industrie s’effondre, des filières entières disparaissent, les licenciements se multiplient. Il nous faut impérativement sortir des schémas classiques, dépasser le dogme qui domine la pensée économique depuis vingt ans : nous serions entrés dans une phase post-industrielle fondée sur une financiarisation accrue de l’économie. Sans industrie, nous ne pourrons ni connaître le rebond attendu, ni développer une économie florissante.

Le Gouvernement propose de développer les aides à la réindustrialisation et instaure des dispositifs novateurs, tels que la future Banque publique d’investissement, qui répond à des nécessités premières : muscler notre économie dans les territoires, anticiper les mutations, favoriser l’entreprenariat. Près de 40 milliards d’euros seront ainsi injectés dans l’économie réelle.

Avec ce projet de loi de finances, nous faisons appel au patriotisme fiscal des grands groupes. En revanche, nous avons fait le choix – je le souligne à nouveau – de préserver les PME.

En outre, grâce au Fonds de compétitivité des entreprises, nous développerons des partenariats entre acteurs de la recherche publics et privés dans le cadre des pôles de compétitivité. Ubifrance – il faut s’en féliciter – disposera en 2013 de plus de 22 millions d’euros pour aider au développement international des PME. Mme la ministre du commerce extérieur a déjà évoqué les intentions du Gouvernement en la matière : je n’y reviendrai donc pas.

Deuxièmement, le crédit d’impôt recherche constitue un outil majeur au service de l’innovation, de la croissance et de l’emploi. La France accuse un retard important en matière d’innovation : elle ne figure qu’à la onzième place dans le tableau de bord de l’Union européenne, loin derrière l’Allemagne, troisième. Avec l’article 55 du projet de loi de finances pour 2013, le Gouvernement propose d’étendre le régime du crédit d’impôt recherche à certaines dépenses d’innovation réalisées par les PME en aval de la recherche et développement. Le groupe socialiste salue ce premier pas et encourage à poursuivre dans cette voie. De plus, le statut des jeunes entreprises innovantes sera renforcé, grâce à des exonérations de charges sociales et à un abattement d’impôt favorisant la recherche et l’innovation.

Troisièmement, vous héritez, madame la ministre du commerce, de l’artisanat et du tourisme, d’une gestion calamiteuse du FISAC par le précédent gouvernement. Sa dotation a baissé de manière drastique ces dernières années – de 35 % entre 2011 et 2012 –, alors que l’élargissement des critères d’éligibilité à partir de 2008 a provoqué une explosion du nombre de demandes. La situation actuelle est très préoccupante : les crédits ouverts ne suffisent plus à assurer le financement des opérations prévues.

De plus, avec sa circulaire d’avril 2012, votre prédécesseur, M. Lefebvre, a ajouté l’injustice au désordre. Ainsi des programmes engagés par des commerçants ou des collectivités territoriales sont-ils devenus subitement non éligibles, ce qui a provoqué des dysfonctionnements majeurs. Le besoin de financement du fonds est estimé à près de 80 millions d’euros. Madame la ministre, il y a urgence : pour répondre aux demandes des collectivités, il convient d’abonder de ce montant le budget du FISAC en 2013. Quelles initiatives comptez-vous prendre pour combler le retard accumulé ces dernières années ? Procéderez-vous à une révision des critères d’éligibilité au fonds ?

M. Arnaud Richard. On l’a dit, les crédits de cette mission déterminante ne sont pas à la hauteur des enjeux. Je souligne la qualité des exposés présentés par les douze rapporteurs. Je salue également la disponibilité des membres du Gouvernement et suis heureux d’entendre qu’ils tiennent compte des engagements pris par leurs prédécesseurs. Je ne trouve d’ailleurs ni grand changement ni innovation dans la politique menée, hormis le choc « d’anti-compétitivité » mis en évidence par M. Fasquelle. Le seul changement, c’est l’augmentation des impôts !

La mission « Économie » a pour objectif de promouvoir un environnement propice à une croissance durable et équilibrée. Les politiques conduites dans ce cadre visent à favoriser l’emploi, la compétitivité des entreprises et le développement des exportations, à garantir la protection et la sécurité des consommateurs et des citoyens, et à promouvoir le territoire français tant auprès des sociétés étrangères susceptibles de s’y implanter que des touristes potentiels. Ce sont là les leviers qui devraient permettre le redressement économique de notre pays.

À travers les crédits de cette mission, c’est donc l’ensemble de la stratégie économique du Gouvernement qu’il convient d’analyser. On ne peut, dès lors, que déplorer la baisse de plus de 2 % qui les affecte.

L’aggravation brutale du chômage, l’effondrement de notre balance commerciale et le creusement de la dette constituent les trois principaux symptômes du déclin de notre économie. Le groupe UDI estime que le Gouvernement est profondément dans l’erreur sur ces trois sujets majeurs, qui ne peuvent être traités séparément de la question de la compétitivité des entreprises. Or le Gouvernement n’a découvert que très récemment cette problématique, pourtant déterminante pour l’emploi et pour la survie de notre industrie et de nos PME. À l’instar d’autres groupes politiques, nous plaidons pour un véritable choc de compétitivité.

À cet égard, nous regrettons que vous soyez revenus sur l’instauration de la TVA compétitivité et ayez alourdi de 13 milliards d’euros les charges pesant sur les entreprises. Vous prenez là une décision idéologique qui intervient à contretemps, à l’heure où s’enchaînent les plans sociaux. Pour inverser la courbe du chômage, il convient, à notre sens, d’opérer un transfert massif des charges des entreprises vers la fiscalité. Nous proposons trois pistes à cette fin : augmenter la TVA de manière à peser sur les importations ; instaurer une taxe carbone aux frontières de l’Europe ; introduire une taxe sur les produits financiers.

L’approche de la remise du rapport Gallois, le 5 novembre, a suscité une véritable cacophonie gouvernementale, les ministres se contredisant les uns les autres, certains allant même jusqu’à remettre en cause les préconisations du rapport. D’un « choc », on est passé à une « trajectoire » pour finir par un « pacte » de compétitivité. Le Président de la République a d’ailleurs récemment déclaré que les recommandations du rapport avaient vocation à être mises en œuvre sur toute la durée du quinquennat.

Je relève les propos très intéressants de Mme la ministre du commerce extérieur. Notre déficit commercial – qui s’établit à 70 milliards d’euros – requiert toute notre attention, mais aussi notre imagination. Certes, ce mauvais chiffre est largement imputable à la facture énergétique de plus en plus élevée que nous avons à acquitter au même titre que nos partenaires européens, ainsi qu’à un euro fort qui nous prive de l’outil monétaire pour soutenir nos exportations. Cependant, ne nous leurrons pas : les causes de nos contre-performances commerciales sont également structurelles ; l’érosion de notre compétitivité est le principal handicap dont nous souffrons.

Il convient de ne pas décourager les entrepreneurs. Or vous avez abrogé la TVA emploi, refiscalisé les heures supplémentaires pour les entreprises de plus de vingt salariés, taxé les plus-values de cession, augmenté les prélèvements sociaux pour les travailleurs indépendants et les cotisations pour les auto-entrepreneurs. Le choc de compétitivité a bien lieu, mais à l’envers !

Les PME constituent le moteur de la croissance et de l’emploi. Elles font le succès de notre partenaire allemand, souvent cité en exemple. Le tissu industriel français, davantage dominé par des grands groupes, souffre au contraire de la faiblesse de ses entreprises petites et moyennes. L’UDI estime qu’un effort particulier doit être entrepris en leur faveur. Qu’en est-il, à ce égard, du plan annoncé pour cet automne ? La création de la Banque publique d’investissement est une bonne nouvelle. Elle devra s’appuyer sur le réseau territorial et le savoir-faire d’OSÉO, mais où en est-on exactement de ce projet ?

Pour ce qui est du FISAC, nous soutiendrons les amendements de M. Joël Giraud et de Mme Anne Grommerch. J’ai été heureux d’entendre le groupe socialiste soutenir une disposition analogue.

S’agissant, enfin, de la TVA sur la restauration, on peine à identifier la ligne du Gouvernement. Quoi qu’il en soit, nous vous mettons en garde contre un relèvement brutal du taux de TVA dans un secteur très fragilisé.

Mme Éva Sas. Le budget de la mission « Économie » appelle trois remarques de ma part.

La première concerne les filières d’avenir. Dans le programme « Développement des entreprises et du tourisme », les axes retenus par le ministère du redressement productif au titre de la compétitivité hors prix des PME sont les suivants : le développement de l’usage des technologies de l’information et de la communication ; la promotion du « design de création » ; la promotion de la normalisation ; la promotion de la métrologie dans les entreprises ; le soutien à la filière textile-habillement-cuir ; les actions en faveur du lean management et de la qualité. En outre, au titre du soutien aux filières industrielles, la priorité va notamment à l’accompagnement et à la structuration des grandes filières porteuses d’emplois et des secteurs d’avenir, en particulier des filières aéronautique et automobile. Je n’ai rien contre ces filières, mais je trouve singulier que les éco-activités, au premier rang desquelles le secteur des énergies renouvelables, ne soient pas évoquées une seule fois parmi les filières d’avenir.

Le secteur des énergies renouvelables représente, faut-il le rappeler, 367 400 emplois directs en Allemagne, dont 207 000 ont été créés en six ans. En France, ce chiffre est trois fois moins élevé : 94 500 selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Notre pays accuse un retard d’environ dix ans dans le développement des énergies renouvelables. Compte tenu des orientations affichées pour ce programme, il est à craindre que nous ne parvenions pas à le combler. Nous continuons à ignorer ce qui fera l’économie de demain.

Deuxièmement, il est beaucoup question de compétitivité. Or l’énergie est un facteur qui affecte très directement la compétitivité-coûts. Elle représente plus de 10 % de la valeur ajoutée dans certaines branches industrielles comme le papier, la chimie minérale, les fibres artificielles ou la métallurgie. Pensez-vous que les entreprises les plus consommatrices d’énergie vont résister longtemps à l’augmentation tendancielle de son coût ? N’est-il pas grand temps, pour améliorer la compétitivité, d’aider les entreprises qui s’engagent dans une démarche d’économies d’énergie ?

Troisièmement, dans le cadre de mon activité professionnelle, j’ai assisté de nombreux salariés touchés par des plans sociaux. Nombre de ces plans auraient pu être évités ou rendus moins brutaux si les évolutions économiques avaient été correctement anticipées. Permettez-moi donc d’exprimer ma déception devant le montant des crédits consacrés à cette anticipation : il s’établit, sauf erreur de ma part, à 2,4 millions d’euros dans le cadre des contrats de projets État-régions (CPER). L’anticipation des mutations économiques doit être au cœur de nos priorités : il convient non seulement d’y affecter des moyens, mais également d’inciter les entreprises à les prendre en compte, par exemple en modulant la contribution du Fonds national de revitalisation des territoires.

En résumé, le budget de la mission « Économie » présente, d’une part, des insuffisances en matière d’anticipation des mutations économiques et s’avère, d’autre part, à l’image d’ailleurs de l’ensemble du projet de loi de finances, non pas « anti-écologique » mais « a-écologique », dans la mesure où la préparation indispensable de notre économie aux enjeux environnementaux y reste, hélas, ignorée.

Mme Jeanine Dubié. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient les engagements pris par le Président de la République tels que les consacre ce budget pour 2013 : placer notre pays sur la voie du désendettement et, dans le même temps, favoriser l'investissement et la croissance.

Dans le cadre de la mission « Économie », le Gouvernement a donné la priorité à la compétitivité des PME, à l'innovation, à l'attractivité du territoire et au soutien aux exportations, notamment dans les secteurs de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Ceux-ci constituent en effet une part importante de l’économie française : par exemple, le tourisme représente à lui seul 7 % du PIB, 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 2 millions d'emplois. En faire une de nos priorités ne peut donc que contribuer à redresser notre économie.

Je salue l'action efficace et déterminée de madame la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme pour atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés : constituer, tout d’abord, une véritable filière de l'industrie touristique, tout en promouvant de nouveaux modes de gouvernance ; renforcer, ensuite, l'attractivité de l'offre touristique française en en améliorant la qualité, en réhabilitant les hébergements et en menant une politique volontariste en matière d'emploi ; lutter, enfin, contre les inégalités, en rendant effectif le droit aux vacances pour tous.

La gravité de la situation financière justifie que les efforts concernent toutes les dépenses d'intervention de l'État. Il s’agit de trouver 10 milliards d’euros d’économies. Ainsi, les crédits consacrés, d’une part, au tourisme et, d’autre part, au commerce et à l'artisanat diminuent respectivement de 11 et de 24 %.

Cependant, peu de fonds d'intervention, de programmes ou d'opérateurs de l'État sont touchés par une réduction des crédits aussi sévère que celle qu’a subie par le FISAC. Cette baisse a été constante, alors que les critères d’éligibilité au fonds ont été élargis. Or il est prévu qu’elle se poursuive à hauteur de 10 millions d'euros en 2013.

Dans les territoires ruraux, nous sommes régulièrement sollicités par les collectivités territoriales dont les demandes sont en souffrance, faute de crédits pour les honorer. Ainsi en va-t-il, dans mon département des Hautes-Pyrénées, de l'opération collective urbaine de requalification et de modernisation des espaces commerciaux à Tarbes. De surcroît, des collectivités plus fragiles, notamment de petites intercommunalités, sont également concernées : elles ont dû utiliser leur trésorerie pour avancer des fonds.

L'administration est aujourd’hui contrainte de pratiquer une forme de régulation budgétaire qui ne dit pas son nom, en laissant traîner les dossiers. Cette situation est inacceptable.

Le FISAC joue un rôle majeur dans nos territoires, en particulier ruraux, en soutenant le commerce et l'artisanat de proximité et en contribuant ainsi à leur vitalité et à leur l'attractivité. C’est pourquoi le groupe RRDP déposera un amendement visant à rétablir ses crédits.

La promotion d’une croissance durable et équilibrée et le redressement productif du pays passent également par le développement des technologies de l’information et de la communication et par l'aménagement numérique du territoire. Ces technologies sont porteuses de changements profonds qui concernent la vie quotidienne et professionnelle des Français, la compétitivité des entreprises et la modernisation de l'État. Elle sont devenues indispensables. Le Président de la République a pris l’engagement que la totalité du territoire serait couverte par les réseaux à très haut débit d'ici à 2022 pour que chacun y ait accès, où qu’il se trouve.

À cette fin, il convient que l'ARCEP rende des décisions de qualité dans des délais qui tiennent compte des contraintes économiques. Surtout, la feuille de route numérique annoncée par Mme la ministre déléguée chargée des PME, de l'innovation et de l'économie numérique, devra sécuriser les zones d'intervention des opérateurs et des collectivités territoriales, et instaurer un pilotage gouvernemental en matière de définition du bouquet technologique, de déploiement des réseaux et de financement. Nous ne pouvons que l'encourager dans cette voie, car il y a urgence !

En effet, le déploiement des réseaux de fibre optique à très haut débit se fait trop lentement et dans une certaine confusion, en particulier dans les territoires à faible densité de population. Les rôles respectifs des collectivités territoriales et des opérateurs privés ne sont pas définis de manière équilibrée. Il nous paraît indispensable de préciser le cadre d’intervention des unes et des autres, afin de sécuriser leurs projets d'investissement respectifs. Pouvez-vous, madame la ministre, préciser l'état d'avancement de la conversion du guichet A, destiné aux opérateurs privés, en un guichet de prêt aux collectivités territoriales déployant des réseaux de fibre optique ?

M. Jean-Luc Reitzer. Ma question concerne les conséquences des mesures prises récemment par le Gouvernement sur le tissu économique des régions frontalières.

La refiscalisation des heures supplémentaires est défavorable non seulement aux salariés, mais également aux petites entreprises, artisans et commerçants des régions frontalières : elle se traduira par des baisses de salaires allant de 3 à 7 % en fonction des situations. De plus, d’autres charges ont été fortement augmentées du fait, d’une part, du retour partiel à la retraite à 60 ans et, d’autre part, des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale. C’est un véritable raz-de-marée de mesures défavorables aux travailleurs indépendants, aux artisans et aux auto-entrepreneurs !

La circonscription dont je suis l’élu jouxte la Suisse, où le salaire moyen avoisine les 3 000 euros par mois. Dans nos régions frontalières, les petites entreprises, les artisans, les commerçants, mais aussi les administrations – en particulier les hôpitaux – craignent de voir leurs salariés les quitter pour la Suisse voisine. Auparavant, les heures supplémentaires défiscalisées leur permettaient de fidéliser leurs collaborateurs.

Dès lors, serait-il envisageable d’instaurer un régime dérogatoire consistant à défiscaliser les heures supplémentaires dans les zones frontalières ? Si ce n’est possible, quelles mesures pourrait-on prendre pour éviter la fuite de ces compétences ?

Si les pouvoirs publics ne font rien, la situation va devenir dramatique dans les départements concernés, c’est-à-dire non seulement le Haut-Rhin, mais également le Doubs – M. Moscovici devrait y être sensible –, l’Ain, la Savoie et la Haute-Savoie, qui couvrent 20 % de notre territoire et rassemblent près de 10 millions d’habitants.

M. Jean-Michel Couve. L’affirmation selon laquelle la baisse de la TVA dans la restauration coûterait trois milliards d’euros par an est erronée, ou trompeuse ! Il faudrait en premier lieu soustraire à ce montant 650 millions d’euros de primes à l’emploi supprimées. En second lieu, il faudrait prendre en compte toutes les avancées sociales dont ont bénéficié les 500 000 salariés de ce secteur et tous les investissements – extensions, rénovations, mises aux normes – générateurs de TVA et de marchés au bénéfice de prestataires et de fournisseurs eux-mêmes à l’origine de recettes nouvelles pour l’État. Enfin, il ne faudrait pas oublier les recettes tirées à partir de juin 2009 d’un regain de dynamisme de la restauration : avant cette baisse de TVA, on recensait 17 000 dépôts de bilan et quelque 20 000 suppressions d’emplois dans le secteur !

En tout état de cause, un retour au taux de 19,6 % constituerait un véritable choc pour la compétitivité de la restauration, un retour en arrière du point de vue social et un frein à la consommation, pour les classes moyennes en particulier. Enfin, cette mesure toucherait fortement l’hôtellerie indépendante qui, la plupart du temps, a aussi une activité de restauration.

Quant à ne remonter le taux qu’à 10 ou 12 %, ce serait s’obliger à étendre ce taux intermédiaire à bien d’autres secteurs : hôtellerie, travaux d’entretien, services à domicile, etc., ce qui serait fort malvenu dans la conjoncture actuelle.

Madame la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, pouvez-vous m’assurer que ces données, que vous connaissez d’ailleurs, seront bien prises en compte dans le bilan que vous avez demandé ?

Vous dites d’autre part vouloir réformer la gouvernance du tourisme. Suivant ce secteur depuis bien des années, j’ai constaté une inadéquation entre les charges importantes de la sous-direction du tourisme de la DGCIS et d’Atout France et les moyens financiers et humains qui leur sont alloués. Ne peut-on envisager un redéploiement de moyens, surtout humains, en provenance d’autres ministères aux effectifs pléthoriques ? Le tourisme est en effet une des principales ressources de notre économie.

M. Pascal Cherki. Madame la ministre du commerce extérieur, M. Michel Barnier, commissaire européen, a déclaré hier, dans une interview donnée à Radio Classique, que l’Europe s’était montrée naïve en matière de commerce : elle a « joué le jeu de l’économie ultralibérale », a-t-il dit, en croyant « que nous pouvions ouvrir toutes nos portes et toutes nos fenêtres sans que les autres fassent la même chose ». Vous annoncez que vous allez rencontrer tous vos homologues européens pour essayer de les convertir à une approche moins naïve. Vous demandez également notre soutien : vous aurez en tout cas celui de ceux qui luttent depuis des années contre une Europe de la « concurrence libre et non faussée » et de la dérégulation. Mais au-delà de vous, la France, en la personne du Président de la République ou du Premier ministre, va-t-elle prendre officiellement position en faveur d’un retour au juste échange ?

L’Espagne en est à son cinquième trimestre consécutif de contraction du PIB – la baisse atteint aujourd’hui 1,6 % en rythme annuel – du fait d’une réduction de la consommation qui s’explique à la fois par un taux de chômage de 25 % et par l’augmentation de la TVA et de l’impôt sur le revenu appliquée conformément aux recommandations de la troïka. En septembre, les ventes de détail ont chuté de 10,9 % ! Cette situation n’est pas que l’affaire des Espagnols : elle retentit aussi sur nos échanges bilatéraux. Nos exportations vers l’Espagne ont chuté de 4,3 % au cours des huit premiers mois de cette année tandis que nos importations en provenance de ce pays augmentaient, de sorte que le solde de ces échanges, auparavant à l’avantage de la France, est désormais au bénéfice de notre voisin, avec un excédent de 8 millions d’euros.

L’Union est aujourd’hui déchirée par une guerre commerciale interne. Estimez-vous que nous pouvons sortir d’une spirale infernale qui tire progressivement tous nos États vers le bas et défendre notre compétitivité tout en soutenant la demande intérieure et en préservant notre modèle social et les acquis des salariés ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Je me garderai d’entrer dans le débat sur le « choc de compétitivité » : nous aurons d’autres occasions d’échanger sur le sujet ! Un rapport est une contribution utile, mais reste un rapport et, pour nous en tout cas, il faut que ce soit le Gouvernement qui gouverne. Cela étant, nul ne songe à disqualifier les travaux de la commission Gallois. Mais permettez-moi aussi de trouver curieux que ceux qui nous accusent de matraquage fiscal défendent l’idée d’un transfert intégral des cotisations sociales vers la CSG ou vers la TVA : la charge en serait considérablement accrue pour les contribuables – de 30 milliards d’euros !

Les amendements visant à accroître les ressources du FISAC, dont nous venons de prendre connaissance, consistent, pour deux d’entre eux, à prélever 5 millions d’euros sur le programme 305 et la même somme sur le programme 220. Si cela semble peu sur les 357 millions de crédits figurant au premier, il faut savoir que, sur ce montant, 327,9 millions correspondent à des dépenses obligatoires – les remboursements à la Banque de France et aux instituts d’émission d’outre-mer. Il faudrait donc prendre les 5 millions sur les 29 millions de crédits de fonctionnement de la direction générale du Trésor, ce qui reviendrait à les amputer de 17 % ! Quant au programme 220, n’y figurent que les 49 millions d’euros destinés au fonctionnement de l’INSEE : diminuer ces crédits de 10 % après tout ce que cet institut a subi me semble tout aussi peu réaliste. En tout cas, le ministère de l’économie et des finances ne pourra pas donner son approbation à une telle proposition.

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Je sais gré à M. Prat d’avoir souligné le renforcement des missions d’Ubifrance : le prochain contrat d’objectifs et de performance en prendra acte au début de l’année prochaine.

Messieurs Fasquelle et Richard, je n’ai pas biaisé quand M. Glavany m’a interrogée sur les raisons de notre perte de compétitivité. Quant au rapport Gallois, il constituera un élément important de la réflexion gouvernementale, mais cela n’exclut pas une réflexion autonome. Le Premier ministre a, conformément à sa méthode habituelle, engagé un important travail de concertation au sein du Gouvernement. Nous en sommes à notre troisième réunion et le pôle économie que nous représentons a été sollicité aussi bien sur le diagnostic que sur les voies d’une amélioration de cette compétitivité.

Madame Sas, mon ministère dispose d’une étude que j’avais commandée à la direction générale du Trésor et qui me permet, en liaison avec mon collègue Arnaud Montebourg, de définir des priorités portant à la fois sur les filières et sur les pays cibles. Parmi ces filières, ou plutôt ces regroupements de filières, figure un ensemble où l’on trouve la « ville durable », la mobilité, les transports de proximité – l’offre française est de grande qualité en ce domaine et, de plus, émane du secteur public –, le secteur des énergies renouvelables, le traitement des déchets et de l’eau.

Rien ne servirait de courir après les marchés si nous n’avions pas une offre commerciale à proposer ! Cependant, si nous voulons obtenir des résultats d’ici cinq ans, il nous faut définir également des priorités en ce qui concerne les pays cibles. Quarante-sept ont été identifiés, couvrant 80 % de la demande mondiale. Ce qui est d’ailleurs intéressant à noter, c’est qu’ils se répartissent à parts à peu près égales entre pays de l’OCDE et pays émergents. À l’intérieur des premiers, ceux d’Europe constituent une cible prioritaire. Monsieur Cherki, nos échanges se faisant à 60 % au sein de celle-ci, la demande intérieure à l’Union européenne est tout aussi importante pour nous que la demande en provenance des pays tiers : il est dès lors évident qu’il faut éviter que le malade européen ne meure guéri ! Mais la demande extérieure à l’Union sera le fait, à 95 %, à la fois des grands pays émergents et des pays émergents de niveau intermédiaire, dits CIVETS (Colombie, Indonésie, Vietnam, Égypte, Turquie et Afrique du Sud). On ne peut donc les négliger, mais cela suppose d’avoir une offre commerciale bien structurée, faute de quoi nous nous condamnerions à l’échec.

Vous avez parlé de juste échange : je parlerai, de façon plus technocratique peut-être, de réciprocité. Je partage sur ce point les propos tenus hier par le commissaire au marché intérieur, Michel Barnier, qui a beaucoup insisté auprès du président de la Commission, M. Barroso, pour que, comme la France le demande, l’Europe défende ce principe dans toutes les négociations commerciales auxquelles elle est partie. J’ai pour ma part présenté au conseil des ministres du 12 septembre dernier les quatre principes en fonction desquels la France se déterminera sur les accords de libre échange qui lui seront proposés : elle considérera d’abord leur contribution à l’emploi, sur la base d’études d’impact appropriées ; elle demandera ensuite la réciprocité ; elle sera attentive au respect de critères sociaux et environnementaux exigeants ; enfin, elle veillera à l’existence d’une clause de surveillance : si par exemple des barrières tarifaires étaient progressivement rétablies, il faudrait que nous puissions demander une suspension de l’accord. C’est sur ces fondements que la France se prononcera par exemple lors du prochain conseil des ministres du commerce extérieur, le 29 novembre, sur le projet d’accord avec le Canada et sur l’engagement de négociations avec le Japon.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Au nom du Gouvernement, je remercie les orateurs des groupes SRC et RRDP pour leur soutien, et j’espère que nous continuerons à travailler ensemble sur les sujets relevant de mon ministère.

Étant donné l’importance du FISAC pour les territoires, les attentes des élus de terrain concernant cet outil sont légitimes ; parlementaires et maires de communes rurales m’interpellent d’ailleurs régulièrement sur cette question. Néanmoins, l’amendement que vous proposez ne permet pas de régler le problème des dossiers en attente. Lorsque nous aurons le rapport détaillé du Conseil général économique et financier, nous travaillerons en lien avec le ministre délégué chargé du budget afin de trouver une solution pour 2013. Nous procéderons également à une réforme : les crédits du FISAC étaient depuis plusieurs années trop souvent réservés aux projets d’aménagement urbain ; les recentrer sur les opérations utiles au développement nous permettrait d’être plus efficaces sur les territoires fragiles. Dans l’attente de cette évaluation, nous continuerons à prendre nos responsabilités en utilisant l’enveloppe actuelle.

Monsieur Fasquelle, le coût de la TVA sur la restauration n’est pas un sujet tabou ; il faut au contraire l’évaluer et vérifier si les engagements pris par les professionnels ont été tenus. Monsieur Couve, les questions que vous avez évoquées ont déjà fait l’objet de plusieurs débats lors des réunions des groupes de travail avec les professionnels. Le bilan de cette réflexion approfondie, menée avec sérieux, nous permettra ensuite de prendre les décisions qui s’imposent, dans un esprit de justice et d’efficacité économique.

Les dispositions du projet de loi de finances relatives aux auto-entrepreneurs et au régime des travailleurs indépendants sont également guidées par un souci de justice. Les cotisations des auto-entrepreneurs ne sont pas alignées, mais rapprochées de celles des travailleurs indépendants. Il s’agit de supprimer l’abattement pour frais professionnels des gérants majoritaires qui bénéficient déjà de la déduction des frais professionnels, de déplafonner les cotisations au-delà de 14 500 euros de revenu et de plafonner les dividendes versés en exonération de cotisations sociales. Ces mesures de justice permettent à l’ensemble du périmètre de mon ministère de contribuer à l’effort de redressement de nos comptes publics tout en préservant la capacité de nos entreprises à aller de l’avant et à se développer.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Monsieur Richard, le budget présenté par le Gouvernement ménage fortement les PME, l’effort fiscal demandé se concentrant surtout sur les grandes entreprises. Les dispositifs visant à drainer environ un milliard d’euros d’épargne vers les PME ont été préservés – je citerai les réductions d’impôt de solidarité sur la fortune et d’impôt sur le revenu consenties en cas de souscription au capital de PME, le fonds commun de placement dans l’innovation et le fonds commun de placement à risque. Le statut de « jeune entreprise innovante » sera non seulement maintenu, mais renforcé. Le crédit d’impôt recherche est étendu aux dépenses d’innovation, et l’accès des PME à ce dispositif est facilité. Il est donc outrancier d’affirmer que le budget présenté par le Gouvernement serait anti-PME.

Madame Sas, un fait illustre la préoccupation écologique du Gouvernement : le ministre du redressement productif et la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ont annoncé, aujourd’hui même, la sélection de vingt-quatre projets de recherche et développement portant sur les écotechnologies. Destinés à la prévention, à la mesure et à la résorption des pollutions locales de l’air, de l’eau et des sols, ces projets bénéficieront d’aides importantes de la part des pouvoirs publics. Cet exemple montre qu’il ne faut pas uniquement considérer le programme 134 du budget ; des aides financées par OSÉO et par l’ADEME, avec un soutien public, permettent également de promouvoir les green-techs. De manière plus générale, le Président de la République a, lors de la conférence environnementale, inscrit les transitions numérique et écologique parmi les priorités du quinquennat ; ce sera également l’une des priorités de la BPI. Soyez donc rassurée sur l’engagement du Gouvernement à mettre les écotechnologies et les green-techs au cœur de son action. La préoccupation n’est d’ailleurs pas uniquement écologique, mais également économique, les nouvelles technologies contribuant fortement aux économies d’énergie qui constituent la première ressource énergétique. Dans le domaine du numérique, les smart grids devraient ainsi nous permettre d’abaisser considérablement les consommations en responsabilisant les consommateurs.

S’agissant du très haut débit, la Caisse des dépôts et des consignations devait distribuer 1,9 milliard d’euros, à travers deux guichets : 900 millions de subventions et un milliard de prêts aux opérateurs. Comme le guichet de ces prêts, dit guichet A, a été peu sollicité par les opérateurs, à cause des taux insuffisamment intéressants, nous avons proposé, en concertation avec Jean-Pierre Jouyet, de reconvertir ces prêts en prêts aux collectivités locales ou aux opérateurs qui déploient des réseaux d’initiative publique. L’instruction est en cours ; l’opération ne posant pas de problèmes juridiques particuliers, elle devrait être rapidement menée à bien. De manière plus générale, les questions techniques relatives au déploiement du très haut débit seront soumises aux acteurs du secteur avant le mois de décembre. Nous mettons actuellement en place la task force chargée de piloter ce déploiement et de régler les problèmes d’ingénierie technique et financière afin de sécuriser les investissements des collectivités locales et des opérateurs. Ainsi sera honoré l’engagement du Président de la République d’assurer la couverture du territoire en très haut débit à l’horizon des dix ans.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Je m’aperçois que j’avais oublié de répondre à votre question, monsieur Reitzer. Il me paraît compliqué de défiscaliser les heures supplémentaires dans le cadre d’un régime dérogatoire réservé aux zones frontalières. Si l’on adoptait le critère de résidence, comme tous ne travaillent pas là où ils vivent, il y aurait des entreprises dont certains salariés bénéficieraient de cette défiscalisation et d’autres non, ce qui est difficilement praticable.

M. le président Gilles Carrez. Ce serait même anticonstitutionnel ! Il y aurait rupture d’égalité devant l’impôt.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est pourquoi j’ai pris soin de demander quelles autres solutions pouvaient être envisagées. Pour la cueillette des cerises ou des asperges, les Allemands peuvent faire venir des Polonais ou des Tchèques en leur appliquant le droit social de leurs pays d’origine. Les régions frontalières comme l’Alsace ou la Lorraine sont ainsi prises entre le marteau et l’enclume : d’une part, l’attractivité des salaires pratiqués dans la Confédération provoque une fuite des compétences ; d’autre part, des secteurs comme l’agriculture souffrent de l’absence d’égalité et de réciprocité dans le domaine du droit social. Que dois-je répondre aux artisans et aux commerçants qui voient partir leur main-d’œuvre, parce que les mesures que votre Gouvernement a prises ces derniers mois contribuent au déséquilibre des revenus entre les régions frontalières et les pays voisins ? Si la défiscalisation est exclue, il faut prendre d’autres dispositions pour les soutenir. D’autres collègues, y compris de votre majorité, vous feront la même réflexion, les régions concernées étant très nombreuses.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Vous savez comme moi que l’origine de cette situation réside dans l’absence d’harmonisation fiscale et sociale au sein de l’Union européenne. Tant que les régions et les pays européens se livreront une concurrence déloyale, les problèmes perdureront et ne pourront être réglés qu’unilatéralement et de manière provisoire. Je vous suggère donc de soutenir les efforts du Président de la République en faveur d’une harmonisation fiscale et sociale.

M. le président Gilles Carrez. Mesdames et monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses précises.

*

La commission des affaires étrangères procède au vote sur les crédits de la mission Économie (commerce extérieur) du projet de loi de finances pour 2013, au cours de sa séance du mercredi 7 novembre 2013.

Suivant les conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

© Assemblée nationale

1 () Règlement UE n°1176/2011 du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques.

2 ()  En 2011, Airbus avait engrangé 1 419 commandes nouvelles contre 805 seulement à Boeing, mais sur les neuf premiers mois de 2012, on ne décompte que 382 commandes d’Airbus contre 879 de Boeing.