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N
° 254

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2013 (n° 235),

TOME VII

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

PAR M. Jean-Pierre DUFAU

Député

——

Voir le numéro 251 (annexe n° 31).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. UN EFFORT DE SINCERITÉ BUDGÉTAIRE DANS UN CONTEXTE CONTRAINT 7

A. La garantie du droit d’asile 7

1. Un rebasage des crédits bienvenu face à la hausse de la demande 7

a. Une augmentation constante de la demande d’asile depuis 2007 7

b. Un effort accru de sincérité budgétaire 9

2. Un dispositif encore sous tension 11

a. Une hausse limitée du nombre de places en CADA 11

b. Le traitement des demandes d’asile 13

B. La maîtrise des flux migratoires 15

1. L’immigration irrégulière 15

a. Une lutte multiforme 15

b. Les retours forcés 17

c. L’aide au retour 20

2. L’immigration régulière 21

a. Une situation évolutive 21

b. Vers une plus grande sécurisation des parcours 22

C. L’intégration et l’accès à la nationalité francaise 23

1. L’intégration 23

a. Les actions en faveur de l’intégration 23

b. Une situation contrastée 25

2. L’accès à la nationalité française 26

a. Une diminution très nette des naturalisations 26

b. De nouvelles orientations 27

II. UNE DIMENSION DE PLUS EN PLUS EUROPEENNE 29

A. L’exemple de la Grèce 29

1. Un pays aux avant-postes 29

a. La Grèce, principale porte d’entrée de l’immigration clandestine en Europe 29

b. Des difficultés structurelles en matière d’asile 29

2. Le soutien européen 30

a. Le plan d’action pour la Grèce 30

b. L’appui de l’Union européenne 31

B. La mise en place d’une solidarité au sein de l’Union 32

1. Au plan financier 32

a. Le fonds européen pour les frontières extérieures 32

b. Le fonds européen pour le retour 33

c. Le fonds européen pour les réfugiés 33

d. Le fonds européen d’intégration 34

2. Au plan opérationnel 35

a. FRONTEX 35

b. Le Bureau européen d’appui en matière d’asile 35

C. Les principales perspectives de développement dans le périmètre de la mission 37

1. Une approche globale de la question des migrations et de la mobilité 37

a. Une politique équilibrée, reposant sur quatre piliers d’importance égale 37

b. Des partenariats 38

2. Un régime d’asile européen commun 38

a. Les questions en suspens 39

b. Un cadre commun pour une solidarité réelle et concrète 40

3. Les systèmes d’information 41

a. Les visas 41

b. Eurosur 41

c. L’initiative « Frontières intelligentes » 42

CONCLUSION 45

EXAMEN EN COMMISSION 47

ANNEXE 79

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Les moyens de la mission « Immigration, asile et intégration » devraient connaître en 2013 une nouvelle augmentation dans un contexte pourtant marqué par un effort de réduction des dépenses. Au total, les crédits devraient s’élever à 662,55 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 670,91 millions d’euros en crédits de paiement (CP), soit une progression de 4,9 % en AE et de 6,2 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2012.

Cette évolution globale recouvre toutefois des situations très contrastées : le programme 303 « Immigration et asile », qui concentre 90 % des crédits de la mission, voit ses moyens augmenter de 7,9 % en AE et de 8 % en CP ; en revanche, le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » devrait faire l’objet d’une diminution de crédits de 16,3 % en autorisations d’engagement et de 7,6 % en crédits de paiement.

Au sein du programme 303, seuls les crédits de l’action 2 « Garantie de l’exercice du droit d’asile » devraient augmenter en 2013. Cette revalorisation se justifie par la hausse importante de la demande d’asile en France et correspond à une volonté de plus grande sincérité dans la présentation d’une dépense structurellement sous-évaluée. Les crédits dédiés à la lutte contre l’immigration irrégulière devraient, en revanche, diminuer en lien avec les échéanciers de paiement des opérations immobilières réalisées dans les CRA et les économies attendues de l’optimisation de la gestion de ces structures. S’agissant de l’action 4 « Soutien », la diminution de 60 % des moyens correspond en réalité au transfert des crédits de personnel vers le programme 216 « conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ».

Dans le cadre du programme 104, la réduction des moyens alloués aux actions nationales d’accueil des étrangers primo-arrivants et de formation linguistique, ainsi qu’aux actions d’intégration des réfugiés et des étrangers en situation régulière, vise à respecter l’impératif de redressement des finances publiques. La subvention pour charges de service public destinée à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) est ainsi revue à la baisse dans le cadre de l’effort de maîtrise des dépenses de fonctionnement demandé aux opérateurs de l’Etat. Quant à l’évolution des crédits de l’action 14, relative à la naturalisation et à l’accès à la nationalité, elle résulte de la signature d’un nouveau bail pour le site de Rezé, au titre duquel des autorisations d’engagement ont été inscrites en 2012 pour une période de neuf ans.

Afin de préparer cet avis, votre rapporteur a effectué deux déplacements, retracés en annexe : l’un dans les Pyrénées-Atlantiques pour visiter le centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) de Bayonne et le centre de rétention administrative (CRA) de Hendaye ; l’autre en Grèce, à Athènes et à la frontière gréco-turque, dans la région d’Orestiada, pour faire le point sur la situation de ce pays qui est devenu la principale porte d’entrée de l’immigration clandestine en Europe et qui connaît de graves difficultés en matière de droit d’asile et de lutte contre l’immigration clandestine. A l’occasion du présent avis budgétaire, votre rapporteur a souhaité attirer l’attention de la Représentation nationale sur cette délicate question.

Il lui a également semblé qu’il ne pouvait pas se prononcer sur la mission « Immigration, asile et intégration », au nom de la commission des affaires étrangères, sans la resituer dans son cadre européen, auquel il consacre la deuxième partie du rapport. Le développement d’un espace de liberté, de sécurité et de justice, qui est l’un des principaux objectifs de l’Union européenne, a nécessairement un impact sur la manière dont les politiques nationales sont conçues et mises en œuvre. Au demeurant, les programmes de la mission bénéficient de rattachements de crédits en provenance de fonds européens.

I. UN EFFORT DE SINCERITÉ BUDGÉTAIRE DANS UN CONTEXTE CONTRAINT

A. LA GARANTIE DU DROIT D’ASILE

1. Un rebasage des crédits bienvenu face à la hausse de la demande

a. Une augmentation constante de la demande d’asile depuis 2007

Entre 2007 et 2011, la demande d’asile a connu une hausse spectaculaire de plus de 61 % (+19,9 % en 2008, +11,9 % en 2009, +10 % en 2010 et +8,7 % en 2011). En 2011, le nombre total des demandes enregistrées s’est établi à 57 337, mineurs accompagnants et réexamens compris. Cette tendance s’est ralentie au cours des huit premiers mois de 2012, puisque l’augmentation des demandes s’est limitée à 1 %, mais la hausse pourrait s’accentuer à la fin de l’année, notamment en raison du retrait du Kosovo et de l’Albanie de la liste des « pays d’origine sûrs ».

Cette évolution doit être replacée dans un contexte pluriannuel, présenté dans le graphique ci-dessous. Loin d’être linéaire, la demande d’asile fluctue dans le temps, avec des phases de hausse et de baisse très prononcées. D’autres inflexions pourraient donc se produire.

(Source : rapport d’activité de l’OFPRA pour 2011)

La secrétaire générale de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), Mme Agnès Fontana, a rappelé que plusieurs facteurs devaient être pris en compte pour expliquer de telles variations. Tout d’abord, la demande d’asile adressée à la France varie naturellement en fonction de l’évolution des situations de crise au plan mondial. L’année 2011 a notamment été marquée par les répercussions de la crise électorale en Côte d’Ivoire et par la dégradation de la situation en République démocratique du Congo. A cela s’ajouterait un phénomène de « vases communicants » entre la demande d’asile et les autres voies d’immigration, la première ayant tendance à augmenter lorsque les autres se rétrécissent. Les motifs politiques et économiques seraient ainsi fréquemment liés, comme on a pu le constater chez les demandeurs d’asile en provenance du Bangladesh, devenu le premier pays d’origine en 2011.

Le tableau ci-dessous retrace l’évolution des principaux flux de demandeurs d’asile depuis 2010.

Toutes données hors mineurs accompagnants.

Au plan mondial, la France reste au deuxième rang des pays industrialisés destinataires de la demande d’asile, derrière les Etats-Unis (74 000 demandes en 2011). Au sein de l’Union européenne, notre pays demeure au premier rang, devant l’Allemagne et la Suède, mais le rythme de progression de la demande d’asile en Allemagne a rattrapé celui de la France depuis le mois d’août 2011. Plus généralement, la tendance à la hausse constatée en France se retrouve chez la plupart de nos voisins européens.

Source : homologues respectifs et IGC

France, Allemagne, Royaume Uni : 1ères ddes + mineurs accompagnants

Irlande, Pays Bas, Espagne, Suède, Suisse : 1ères demandes (hors mineurs acc)

Belgique : 1ères DA + réex (hors mineurs acc)

Espagne : données 9 mois

Les écarts peuvent s’expliquer par diverses raisons : les différences entre les législations et les pratiques nationales, en l’absence d’harmonisation complète au sein de l’Union, comme en témoigne aujourd’hui l’afflux de réfugiés syriens en Allemagne et en Suède, la présence de diasporas déjà installées ou encore l’organisation des réseaux de passeurs. On observe en particulier une influence rapide et directe des modifications apportées à la liste des « pays d’origine sûrs » : l’inscription du Kosovo le 18 mars 2011 a entraîné une baisse de la demande d’asile kosovare dès le 1er juillet ; à l’inverse, l’annulation par le Conseil d’Etat de l’inscription de l’Arménie sur la même liste s’est traduite par une augmentation de 100 % de la demande d’asile en provenance de ce pays.

Au 31 décembre 2011, la population placée sous la protection de l'OFPRA était estimée à 168 887 personnes, hors mineurs accompagnants, dont 158 511 réfugiés, 10 376 personnes placées sous protection subsidiaire et 1 180 apatrides.

Nb. : Toutes données hors mineurs accompagnants, personnes sous protection subsidiaire incluses depuis le 1er janvier 2004.

b. Un effort accru de sincérité budgétaire

Face à l’augmentation constante de la demande d’asile depuis 2007, les crédits inscrits en loi de finances initiale se sont révélés très insuffisants, notamment en ce qui concerne l’hébergement d’urgence proposé aux demandeurs ne pouvant pas entrer dans le dispositif de droit commun, c’est-à-dire les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA).

en M€

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Dispositif

LFI
2008

Conso
2008

LFI
2009

Conso
2009

LFI
2010

Conso
2010

LFI 2011

Conso 2011

LFI 2012

Prév 2012

PLF 2013

Hébergement d'urgence – déconcentré

25,6

44,1

20,2

62,9

21,1

100,6

27,0

122,0

80,4

124,0

114,8

Hébergement d'urgence – national

9,7

9,0

9,8

9,9

8,9

11,6

13,0

12,4

10,5

14,5

10,2

Total HU

35,3

53,1

30,0

72,8

30,0

112,1

40,0

134,3

90,9

138,5

125,0

Il en a été de même pour l’allocation temporaire d’attente (ATA), versée aux demandeurs d’asile ayant accepté l’offre de prise en charge mais ne pouvant pas être hébergés en CADA. Le tableau ci-dessous illustre l’ampleur de la sous-budgétisation dans ce domaine.

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Montant total (LFI) 

53,9 M€

(**)

64,5 M€

(***)

56 M€

(***)

79 M€

(***)

87,6 M€

(***)

124,7 M€

(***)

Dont publics bénéficiant d’une protection internationale (*)

LFI

38 M€

28 M€

30 M€

52,3 M€

54 M€

89,7 M€

Exécution

47,1 M€

48,0 M€

68,4 M€

105,0 M€

157,8 M€

162,3 M€

(prévision)

(**) Total des montants inscrits aux programmes 102 (15,97 M€) et 104 (38 M€) en LFI, au titre de l’allocation d’insertion et de l’ATA.

(***) Total des montants inscrits aux programmes 102 et 303 en LFI au titre de l’ATA.

(Source : ministère de l’intérieur)

Après un premier effort de rebasage réalisé en 2012, la revalorisation des dotations en lien avec l’accueil des demandeurs d’asile conduit à l’inscription de 89 millions d’euros de crédits, répartis de la manière suivante : 34 millions d’euros supplémentaires pour la dotation consacrée à l’hébergement d’urgence, 50 millions d’euros pour le financement de l’ATA et 5 millions d’euros pour les crédits relatifs aux CADA. L’augmentation de cette dernière dotation devrait permettre la création de 1 000 places supplémentaires sur laquelle votre rapporteur reviendra.

Malgré cet effort de sincérité d’autant plus louable qu’il s’inscrit dans un contexte budgétaire très tendu, des incertitudes demeurent quant à la dynamique de la demande d’asile en 2013 et quant aux conséquences de l’extension probable de l’ATA aux demandeurs d’asile faisant l’objet de la procédure « Dublin », qui permet de requérir un autre État membre aux fins de prendre ou de reprendre en charge un demandeur d’asile, dans le prolongement d’un arrêt rendu le 27 septembre dernier par la Cour de justice de l’Union européenne.

Votre rapporteur se félicite de cette décision, qui rappelle l’obligation d’appliquer les normes minimales d’accueil définies au plan européen aux demandeurs d’asile dès l’introduction de la demande et jusqu’au transfert effectif du demandeur par l’État requérant, car elle va dans le sens d’une plus grande égalité de traitement. On peut toutefois s’interroger sur son coût, qui aurait pu être budgété dès la loi de finances initiale.

2. Un dispositif encore sous tension

La hausse importante et continue de la demande d’asile en France a deux conséquences principales : elle contribue à allonger les listes d’attente pour l’admission en CADA, tout en conduisant à une augmentation des dépenses au titre de l’ATA et de l’hébergement d’urgence ; elle se traduit également par un accroissement des délais d’instruction des dossiers de demande d’asile par l’Office français de protection des réfugiés (OFPRA) et par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

a. Une hausse limitée du nombre de places en CADA

L’augmentation de 1 000 places prévue pour 2013 devrait porter la capacité des CADA à 22 689 places, auxquelles il faut ajouter 246 places dans des centres de transit et 33 autres places au sein du centre d’accueil et d’orientation des mineurs isolés demandeurs d’asile (CAOMIDA). Il faut noter que l’effort prévu pour 2013 s’inscrit dans le prolongement des évolutions enregistrées entre 2001 et 2010 : en 9 ans, le nombre de places a quadruplé, passant de 5 282 en 2001 à 21 410 en 2010.

Il est regrettable que cet effort ait été interrompu au cours des deux dernières années, car la majeure partie des demandeurs d’asile reste en dehors du dispositif.

 

2010

2 011

2012

 

(31 déc.)

(31déc.) 

(30 juin)

Nombre de demandeurs d’asile en cours de procédure

54 381

53 153

51 934

Nombre de demandeurs d’asile hébergés en CADA

17 076

16 166

16 380

% de demandeurs éligibles à un hébergement en CADA effectivement hébergés en CADA

31,40%

30,41%

31,54%

Nombre de demandeurs d’asile hébergés dans une structure d’urgence (programme 303) - Déclaratif

Env.

16 300

Env.

19 500

Env.

18 615 au 31 mars

Nombre de demandeurs d’asile hébergés dans une structure d’urgence (programme 177) - Déclaratif

n.d.

n.d.

n.d.

% de demandeurs d’asile hébergés dans un dispositif financé par l’Etat/demandeurs d’asile en cours de procédure

61%

67%

67%

% de demandeurs d’asile n’ayant pas obtenu un hébergement ou ne l’ayant pas sollicité

39%

33%

33%

(Source : ministère de l’intérieur)

Malgré l’évolution prévue pour 2013, qu’il faut saluer à sa juste mesure dans le contexte actuel des finances publiques, le dispositif de droit commun restera dans l’incapacité d’accueillir la majorité des demandeurs d’asile éligibles, alors que les CADA sont unanimement reconnus comme étant les structures les plus adaptées pour accueillir de manière stable les demandeurs d’asile pendant l’instruction de leur dossier et pour les accompagner efficacement au plan administratif et social.

L’indicateur 1.1 du programme 303 ne prévoit ainsi qu’une amélioration minime de la part des demandeurs d’asiles éligibles effectivement accueillis en CADA.

Votre rapporteur espère que l’effort prévu en 2013 n’est que la première étape d’une réorientation du dispositif d’accueil en faveur des CADA, réclamée à juste par la plupart des associations. D’après les estimations de France terre d’asile, les crédits actuellement consacrés à l’hébergement d’urgence et au versement de l’ATA suffiraient pour accueillir tous les demandeurs d’asile dans des CADA, avec un accompagnement bien meilleur, à condition que le délai de traitement des demandes soit réduit à un an.

Même s’il comprend les difficultés liées aux investissements nécessaires et au caractère en partie cyclique de la demande d’asile à moyen terme, votre rapporteur considère qu’une réflexion devrait être engagée sur une augmentation des capacités d’accueil en CADA dans une perspective pluriannuelle. Même si la demande d’asile venait à fléchir dans les années à venir, les nouvelles places pourraient être mises à la disposition d’autres publics en situation de fragilité, l’offre étant très loin d’être excédentaire dans ce domaine.

Le nombre de places physiquement disponibles est naturellement le facteur le plus déterminant pour l’évolution des capacités d’accueil en CADA, mais le taux d’hébergement dépend aussi des taux d’occupation et de rotation. Des efforts ont donc été engagés pour assurer une meilleure répartition au sein du dispositif et pour renforcer sa fluidité.

Hors Ile-de-France et Rhône-Alpes, 30 % des places vacantes de chaque région doivent ainsi être mis à disposition au niveau national afin de permettre une péréquation en faveur des régions les plus en tension. De plus, l’instauration d’un seul point d’entrée par région pour les primo-arrivants, hormis en Ile-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur, a permis de réorienter une partie des flux dirigés sur les départements chefs-lieux de région vers d’autres départements moins sollicités.

En parallèle, des efforts ont été engagés pour réduire le taux de présence indue. Les bénéficiaires d’une protection internationale peuvent rester en CADA pour une durée de 3 mois, renouvelable une fois, après notification de la décision. Un travail d’accompagnement est alors réalisé pour faciliter l’ouverture des droits sociaux et l’accès au logement. Quant aux déboutés, leur présence en CADA est considérée comme indue après un délai d’un mois suivant la notification de la décision. Ils bénéficient d’une information sur le dispositif d’aide au retour volontaire mis en œuvre par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Les CADA les orientent généralement vers un hébergement d’urgence de droit commun ou vers des associations caritatives.

Au 31 décembre 2011, 10,9 % des personnes hébergées en CADA étaient des réfugiés ou des bénéficiaires de la protection subsidiaire, dont 2,8 % en présence indue ; par ailleurs, 12,1 % des personnes hébergées étaient des déboutés du droit d’asile, dont 7 % en présence indue. Malgré les efforts réalisés, le taux global de présence indue a tendance à augmenter depuis septembre 2010.

 

mars-10

juin-10

sept-10

déc-10

mars-11

juin-11

sept-11

dec-11

mars-12

juin-12

Taux de présence indue des réfugiés (%)

3,0

3,0

2,4

2,4

2,0

2,3

2,3

2,8

2,1

2,5

Taux de présence indue des déboutés (%)

5,4

5,4

4,9

5,4

6,2

7,5

7,1

7,0

8,0

8,5

(Source : ministère de l’intérieur)

Il semblerait que les efforts engagés pour fluidifier le dispositif aient atteint leur limite, puisque l’indicateur de performance 1.2 du programme 303 pour 2013 n’envisage aucune amélioration de la situation. D’autres voies devraient donc être explorées pour améliorer les capacités d’accueil.

b. Le traitement des demandes d’asile

La question du délai de traitement des demandes d’asile doit être appréhendée au regard de l’ensemble des enjeux.

– Au plan humain, il est indigne de laisser dans une longue attente des personnes se sentant menacées dans leur pays au point de venir chercher refuge sur le territoire de République. Pour le débouté, il est encore plus douloureux de se voir signifier l’obligation de quitter la France quand il y a séjourné pendant une longue période, au cours de laquelle il a non seulement espéré rester, mais aussi tissé des liens humains.

– Au plan financier, la longueur des procédures augmente le coût pour la collectivité, tenue de prendre en charge les demandeurs d’asile pendant la durée de traitement de leur dossier par l’OFPRA, puis par la CNDA en cas de recours. La diminution des délais de traitement permettrait de réduire la durée d’occupation moyenne des places en CADA ainsi que le montant des crédits alloués au financement de l’hébergement d’urgence et de l’ATA.

Face à la hausse de la demande d’asile, un important effort a été engagé à l’OFPRA en ce qui concerne les effectifs : le nombre d’agents instructeurs est ainsi passé de 106 ETP en 2007 à 162 en 2012. Le projet de loi de finances pour 2013 permettra le recrutement de dix agents contractuels supplémentaires sur la période 2013-2015. Un renforcement de la productivité a également été recherché grâce à la numérisation des dossiers, qui permet d’augmenter l’activité au sein de l’OFPRA et de transmettre les dossiers à la CNDA dans de meilleures conditions. A cela s’ajoutent un développement, encore limité, de la visioconférence et des efforts pour améliorer la qualité des décisions rendues, en particulier grâce au suivi de la jurisprudence de la CNDA.

Le renforcement des moyens de l’OFPRA en 2011 a permis de prendre 4 600 décisions supplémentaires, mais cela n’a pas suffi pour rattraper le retard de l’année précédente et pour faire face à la hausse de la demande d’asile – il aurait fallu 7 600 décisions supplémentaires pour réduire le nombre de dossiers en instance. Le délai de traitement des dossiers, qui avait augmenté entre 2010 et 2011, devrait toutefois passer de 174 à 150 jours en 2012, puis à 125 jours en 2013, avec une cible de 100 jours en 2015.

En ce qui concerne la CNDA, qui relève du programme 165 de la mission « Conseil et contrôle de l’Etat », le délai prévisible moyen de jugement est passé d’environ 15 mois en 2010 à 9 mois et 5 jours en 2011, malgré une hausse de 16,5 % des recours, elle-même liée à la progression du taux de recours contre les décisions de refus de l’OFPRA, à la réduction des décisions d’emblée favorables (10,8 % des demandes d’asile contre 13,5 % en 2010) et à l’augmentation du nombre de dossiers traités par l’Office. En 2012, la Cour ne devrait pas être en mesure d’atteindre l’objectif de 6 mois qui lui a été fixé, du fait d’une grève des avocats qui a affecté son activité, mais le délai prévisible moyen de jugement devrait tout même se réduire encore – il pourrait s’établir à 8 mois.

Ces bons résultats ont été obtenus grâce à la mise en œuvre du plan d’action décidé par les pouvoirs publics en 2010, qui s’est traduit par la création de 50 emplois en 2011, dont 40 de rapporteurs. A cela s’est ajoutée une réorganisation interne de la juridiction reposant sur une rationalisation du système d’enrôlement et sur le développement de la dématérialisation – depuis 2011, les recours, les pièces et les mémoires peuvent être adressés par voie numérique. Six mois après le lancement de ce processus, un tiers des recours était déjà reçu sous format dématérialisé.

Pour 2013, le délai prévisible moyen de jugement devrait être ramené à 7 mois, avec un délai de 6 mois comme cible pour 2015. Dans l’immédiat, la concentration des dossiers dans un nombre très limité de cabinets d’avocats constituerait un goulet d’étranglement empêchant une réduction plus importante du délai de jugement.

Votre rapporteur estime que cette difficulté temporaire ne doit pas empêcher de poursuivre et d’amplifier les efforts, aussi bien à l’OFPRA qu’à la CNDA, afin de se rapprocher autant que possible des délais incompressibles, dans l’intérêt des demandeurs d’asile eux-mêmes comme dans celui de l’Etat, qui consacre des moyens budgétaires considérables pour leur prise en charge. C’est un investissement à la fois humainement souhaitable et financièrement rentable.

B. LA MAÎTRISE DES FLUX MIGRATOIRES

1. L’immigration irrégulière

a. Une lutte multiforme

Bien qu’il soit impossible, par définition, de connaître le nombre de personnes séjournant irrégulièrement sur le territoire français, plusieurs indicateurs en lien avec l’activité des services de l’Etat permettent de dégager des tendances.

L’index 69 de l’état 4 001 recense ainsi les infractions aux conditions générales d’entrée et de séjour des étrangers. Au cours de l’année 2011, 86 976 personnes ont été mises en cause à ce titre, ce qui représente une hausse de 2,1 % par rapport à l’année 2010.

 

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

1er semestre 2012

Mis en cause index 069

82 814

90 362

103 556

111 692

96 109

85 137

86 976

41 531

(Source : MI – DCPJ – DCPAF)

Quant au nombre d’interpellations d’étrangers en situation irrégulière, on observe une stabilisation depuis 2010, malgré une hausse très nette des interpellations de ressortissants tunisiens en 2011.

Nombre d’interpellations d’étrangers en situation irrégulière

 

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

6 premiers mois 2012

Nombre d'interpellations

63 681

67 130

69 879

82 557

77 413

58 010

59 533

27 351

(Source : MI – DCPAF)

Classement des interpellations par nationalités (dix premières nationalités)

2008

2009

2010

Afghane

15 374

Afghane

20 767

Afghane

7 231

Erythréenne

11 352

Erythréenne

5 329

Marocaine

4 746

Irakienne

10 766

Marocaine

5 255

Soudanaise

4 294

Marocaine

4 916

Irakienne

4 783

Algérienne

3 648

Algérienne

4 205

Vietnamienne

4 609

Tunisienne

3 232

Indienne

3 560

Tunisienne

4 132

Irakienne

3 136

Tunisienne

3 453

Algérienne

4 016

Iranienne

3 038

Iranienne

2796

Iranienne

2 834

Erythréenne

2 853

Palestinienne

2237

Indienne

2 707

Vietnamienne

2 742

Turque

2010

Palestinienne

2 035

Palestinienne

2 245

2011

1er semestre 2012

Tunisienne

11 806

Tunisienne

5 486

Afghane

4 844

Marocaine

2 446

Marocaine

4 533

Algérienne

1 631

Erythréenne

3 672

Afghane

1 556

Iranienne

3 217

Iranienne

908

Algérienne

3 143

Erythréenne

901

Irakienne

1 606

Albanaise

841

Soudanaise

1 541

Pakistanaise

804

Albanaise

1 493

Roumaine

792

Palestinienne

1 470

Turque

615

La lutte contre le travail illégal a également fait l’objet d’un nombre d’opérations croissant – 831 en 2007, 1 220 en 2008, 1 367 en 2009, 1 501 en 2010 et 1 393 en 2011. Dans ce cadre, 21 575 personnes ont été contrôlées et des procès-verbaux ont été établis à l’encontre de 436 employeurs d’étrangers sans titre en 2011. Après une baisse en 2010, le nombre total des personnes mises en cause pour emploi d’étrangers sans titre en métropole et outre-mer a progressé de 2,04 % en 2011, avec 3 040 personnes mises en cause. La part des étrangers parmi les mis en cause se stabilise à environ 50 %.

Au cours de l’année 2011, 181 filières d’immigration irrégulière ont été démantelées, contre 183 en 2010 et 145 en 2009. Dans la majorité des cas, elles sont impliquées dans des activités de fraude documentaire (contrefaçon, falsification ou obtention indue) : sur les 97 filières démantelées au cours du premier semestre 2012, seul un tiers consistait en un passage simple.

La priorité accordée à la lutte contre les filières se traduit notamment par le choix du premier indicateur du projet annuel de performances dans le domaine de la lutte contre l’immigration irrégulière. Il s’agit du nombre d’interpellations de trafiquants et de facilitateurs, recensés par l’index 70 de l’état statistique 4001 (aide à l’entrée irrégulière, à la circulation et au séjour irréguliers des étrangers).

Le second indicateur de performances, relatif au nombre de reconduites effectives à la frontière, ne comporte plus d’objectifs chiffrés en 2013, mais son suivi permettra d’assurer la bonne information du Parlement sur les résultats obtenus.

b. Les retours forcés

Depuis le début de l’année 2012, le cadre juridique a connu deux évolutions principales :

– la circulaire du 6 juillet 2012 a précisé que les familles comprenant des enfants mineurs se verront désormais appliquer la procédure d’assignation à résidence de préférence à un placement en rétention dans le cadre de la mise en œuvre des procédures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière ;

– par deux arrêts du 5 juillet 2012, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a confirmé qu’un étranger ne peut pas être placé en garde à vue au seul motif de l’irrégularité de son séjour en France, par application de la directive de 2008 dite « retour », telle qu'elle a été interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans ses arrêts « El Dridi » et « Achughbabian ».

Sauf infraction punie d’une peine d’emprisonnement, notamment faux, usage de faux et usurpation d’identité, justifiant le placement en garde à vue, la durée de rétention se limite désormais à quatre heures dans le cadre de la vérification d’identité. Il a été indiqué à votre rapporteur, lors de sa visite du centre de rétention administrative de Hendaye, que ce délai était insuffisant pour examiner la situation de l’étranger au regard du droit au séjour, notamment la nuit, et pour en tirer les conséquences nécessaires. Afin de garantir l’efficacité des mesures d’éloignement, un nouveau cadre procédural approprié et proportionné devrait venir combler ce vide avant la fin de l’année.

Un projet de loi déposé au Sénat le 28 septembre dernier tend ainsi à créer une nouvelle procédure permettant de vérifier la situation d’un étranger qui n’est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France. Il pourrait être retenu, sous le contrôle du procureur de la République, pendant une durée maximale de seize heures, aux fins de l’examen du droit de circulation ou de séjour et, le cas échéant, de la notification d’une éventuelle décision administrative.

Sur les 94 104 éloignements prononcés en 2011, 32 912 ont été exécutés. Au premier semestre 2012, 20 293 reconduites ont été effectives sur un total de 47 124 mesures prononcées.

 

2010

2011

1er semestre 2012

 

prononcées

exécutées

prononcées

exécutées

prononcées

exécutées

Interdictions

du territoire

1 683

1 201

1 500

1 033

783

535

OQTF

39 083

5 383

59 998

10 016

42 299

9 905

APRF

32 519

9 370

24 441

5 980

224

574

Arrêtés

d'expulsion

212

164

195

170

171

82

Décisions de

Réadmissions

10 849

3 504

7 970

5 728

3 647

3 174

Départs

volontaires

//

8 4 04

//

9 985

//

5 478

Totaux

84 346

28 026

94 104

32 912

47 124

20 283


(Source MI – DCPAF)

Les deux principales causes de non-exécution des procédures d’éloignement demeurent la non-délivrance des laissez-passer consulaires (LPC) et les décisions défavorables des juges des libertés et de la détention lors des demandes de prolongation de la rétention administrative. Le taux de délivrance des LPC est resté stable en 2011 – 32,72 % contre 32,75 % en 2010 –, mais une amélioration s’est esquissée au premier semestre 2012, puisque le taux est remonté à 37,33%.

Plusieurs mesures ont été mises en œuvre afin d’améliorer le taux d’exécution :

– la mise en place progressive de « pôles interservices éloignement » qui permettent d’assurer systématiquement la représentation de l’Etat devant les juridictions administratives et judiciaires et de réduire les délais de traitement des dossiers grâce à une centralisation de la gestion matérielle ;

– un plan d’action visant à améliorer le taux de délivrance des LPC par 8 pays jugés prioritaires – le Mali, le Sénégal, le Pakistan, la République démocratique du Congo, la République du Congo, la Mauritanie, l’Angola et le Bangladesh ; un premier train de mesures de rétorsion, consistant en une réduction du contingent de carburant détaxé alloué à ces pays, a conduit à une amélioration des résultats ;

– la désignation d’interlocuteurs uniques pour assurer un suivi précis des réponses adressées par certains consulats aux demandes de délivrance de laissez-passer consulaires.

Comme le montre le tableau ci-dessous, la répartition par nationalités des étrangers ayant fait l’objet d’une mesure d’éloignement est globalement stable.

1er semestre 2011

1er semestre 2012

Nationalité

Nombre de mesures d'éloignement exécutées

Nationalité

Nombre de mesures d'éloignement exécutées

Roumaine

4 040

Roumaine

5 684

Tunisienne

2 342

Tunisienne

2 861

Marocaine

1 117

Marocaine

1387

Algerienne

886

Algerienne

1 122

Bulgare

674

Bulgare

1 048

Chinoise

462

Moldave

692

Turque

408

Chinoise

521

Indienne

244

Albanaise

397

Russe

240

Turque

368

Bresilienne

234

Egyptienne

353

Afghane

203

Indienne

315

Kosovar

195

Kosovar

307

Egyptienne

189

Pakistanaise

294

Senegalaise

183

Bresilienne

293

Moldave

166

Russe

248

Pakistanaise

157

Senegalaise

241

Ukrainienne

136

Afghane

235

Irakienne

127

Ukrainienne

207

Albanaise

127

Bangladaise

205

Malienne

120

Camerounaise

152

Le coût unitaire de l’éloignement d’un étranger en situation irrégulière est difficile à évaluer. Les réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur font ainsi appel à trois approches différentes :

– si l’on rapporte le coût total de cette politique au nombre de personnes effectivement reconduites et non prises en charge par l’OFII, on aboutit à un coût moyen unitaire global de 12 645 euros ;

– si l’on additionne le coût moyen par phase – 651 euros pour l’interpellation et la garde à vue, 3 380 euros pour la rétention en CRA et 2 268 euros au titre de la reconduite –, on obtient un total de 6 299 euros ;

– une autre approche consiste à calculer le coût unitaire en fonction des trajectoires individuelles, celle d’une personne interpellée, puis placée en CRA pendant 10 jours et reconduite avec escorte s’élevant à 8 600 euros.

Quelle que soit la méthode retenue, le coût du retour forcé est supérieur à celui du retour volontaire. En 2011, la mise en œuvre des aides au retour a ainsi coûté 20,8 millions d’euros, dont 9,4 millions d’euros pour le transport et 11,4 millions d’euros au titre des aides financières, pour un coût moyen de 1 600 euros.

c. L’aide au retour

– L’aide au retour volontaire (ARV) a été versée à 4 726 personnes en 2011. Elle concerne des étrangers visés par une obligation de quitter le territoire français ou un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. L’aide financière s’élève à 2 000 euros par adulte seul et à 3 500 euros par couple, avec 1 000 euros par enfant mineur jusqu’au troisième enfant inclus et 500 euros à partir du quatrième enfant.

– L’aide au retour humanitaire (ARH) a bénéficié à plus de 10 000 personnes en 2011, ce qui représente 2/3 tiers des retours organisés. Elle concerne des étrangers non visés par une mesure d’éloignement. L’aide financière versée est de 300 euros par adulte et de 100 euros par mineur.

– L’aide au retour sans assistance financière a bénéficié à 506 personnes en 2011. Comme pour l’ensemble des aides au retour, l’OFII apporte une assistance matérielle à la préparation du voyage, incluant notamment son financement et son organisation.

En 2011, les principaux bénéficiaires de l’ARV étaient des ressortissants russes, suivis par des Chinois, des Kosovars, des Moldaves, des Algériens, des Egyptiens et des Afghans. Quant à l’ARH, les Roumains ont été les principaux bénéficiaires, puis les Bulgares, les Tunisiens, les Macédoniens, les Serbes et les Bosniens.

Afin de mieux adapter le dispositif aux publics concernés, votre rapporteur s’interroge sur la possibilité d’une modulation des aides en fonction des caractéristiques du pays de retour, de la situation personnelle de l’étranger et de son projet de réinsertion. Une réflexion sur l’efficacité du dispositif paraît s’imposer, certaines personnes revenant en France quelques semaines après leur retour dans leur pays d’origine. Une harmonisation au plan européen serait également bienvenue afin d’éviter de trop grande distorsions. Votre rapporteur se félicite donc qu’un groupe de travail ait été mis en place sur ce sujet.

2. L’immigration régulière

a. Une situation évolutive

L’immigration légale tend à se stabiliser en 2011, avec environ 190 000 nouvelles entrées de ressortissants de pays tiers. Depuis 2007, de nouveaux équilibres s’instaurent entre les quatre principaux motifs d’établissement sur le territoire national :

– l’immigration familiale reste de loin le premier motif d’immigration, mais sa proportion passe d’environ 50 à 40 % du total ;

– l’immigration estudiantine continue à croître de manière soutenue puisqu’elle représente désormais 32 % de l’immigration globale contre 26,3 % en 2007 ;

– la part de l’immigration professionnelle, après avoir connu une forte augmentation entre 2006 et 2009, se stabilise à environ 12,7 % des entrées ;

– les premiers titres de séjour délivrés pour motif humanitaire, dont le nombre avait augmenté de 11% entre 2006 et 2009, représentent désormais 8,3 % du total.

Tous motifs confondus, la liste des principaux pays d’origine reste quasiment inchangée depuis 2008, l’Algérie et le Maroc étant chacun à l’origine de 25 000 entrées par an et la Tunisie d’environ 12 000. La part de la Chine reste également stable, au 3e rang, avec environ 15 000 entrées par an. Suivent les Etats-Unis (10 000 entrées), puis la Turquie et la Roumanie, avec chacune environ 6 000 entrées.

En ce qui concerne l’immigration professionnelle, le nombre total des titres délivrés a augmenté en 2011 malgré la décision d’un plus grand encadrement en raison du contexte économique. Il a été indiqué à votre rapporteur que la mesure effective des variations sur les titres pourrait être décalée dans le temps, la délivrance des titres de séjours professionnels intervenant plusieurs mois après celle des autorisations de travail.

Conformément aux engagements du Président de la République, un débat devrait être organisé chaque année, au Parlement, sur l’immigration professionnelle, après concertation avec les partenaires sociaux. Selon les éléments portés à la connaissance de votre rapporteur, ce débat devrait être précédé d’une déclaration du Gouvernement, mais il ne devrait pas déboucher sur le vote d’une loi d’orientation ou de programmation.

S’agissant des étudiants étrangers, le nombre de titres délivrés pour motifs d’études ou de stages, hors renouvellement, a continué à augmenter régulièrement : il est passé de 47 836 en 2007 à 65 257 en 2011 (chiffre provisoire). Les principaux pays d’origine sont la Chine, Hong-Kong inclus (10 014 entrées en 2011), le Maroc (6 920 entrées), les Etats-Unis (5 528 entrées) et l’Algérie (4 171 entrées).

Il faut également noter que la circulaire du 31 mai 2011 relative à la maîtrise de l’immigration professionnelle et celle du 12 janvier 2012 relative à l’accès au marché du travail des diplômés étrangers de niveau au moins équivalent au master ont été abrogées, et qu’une nouvelle circulaire a assoupli les conditions requises pour une première expérience professionnelle en France après l’obtention d’un diplôme.

Quant à l’immigration familiale, 14 139 ressortissants étrangers sont entrés en France en tant que membres d’une famille étrangère en 2011, contre 52 904 en qualité de membres de famille de Français et 15 402 au titre des liens personnels et familiaux. La première voie d’admission au séjour dans ce domaine n’est donc plus le regroupement familial.

b. Vers une plus grande sécurisation des parcours

Plusieurs titres pluriannuels permettent déjà à certaines catégories d’étrangers d’éviter d’avoir à faire renouveler leur autorisation de séjour chaque année. Exception faite de la carte de séjour « retraité » et surtout de la carte de résident de longue durée, accessible au-delà de cinq années de présence légale régulière et sous condition de ressources, de logement, d’assurance maladie et d’intégration dans la société française, ces titres sont destinés à des étrangers employés en France, souvent de haut niveau, ou en cours d’études universitaires.

Hormis la carte de résident, ils restent peu utilisés :

– la carte « compétences et talents » a été délivrée à 293 ressortissants étrangers en 2011, contre 321 en 2010 ;

– 2 854 étrangers ont bénéficié de la carte de séjour « salarié en mission » en 2011 ;

– la carte de séjour « saisonnier » a été délivrée à environ 1 000 personnes, hors renouvellement, en 2010 comme en 2011.

Fin 2011, le stock des titres en cours de validité se constituait de 169 493 récépissés et autorisations provisoires de séjour, de 464 787 titres d’une durée de validité inférieure ou égale à un an et de 1 772 274 titres d’une durée de validité supérieure à un an. Plus de 25 % des étrangers titulaires d’un titre de séjour ne bénéficient donc pas d’une situation stable.

Afin de sécuriser davantage les parcours et de favoriser l’intégration des étrangers en situation régulière, le Premier ministre a annoncé que le Gouvernement entendait créer un nouveau titre de séjour pluriannuel destiné aux étrangers réunissant toutes les conditions pour séjourner légalement sur le territoire national. L’objectif ne serait pas d’attirer des compétences, mais de simplifier les procédures. A cet égard, votre rapporteur ne saurait trop insister sur la nécessité de mettre fin aux files d’attente très longues qui se forment devant les préfectures, souvent en pleine nuit. Il convient de sortir d’une logique contreproductive qui est à la fois peu humaine pour les étrangers en situation régulière et très lourde pour l’administration.

C. L’INTÉGRATION ET L’ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANCAISE

1. L’intégration

Les crédits prévus pour 2013 en faveur de l’intégration des immigrés en situation régulière devraient connaître une baisse de 8 % et ceux destinés à l’intégration des réfugiés une quasi-stabilisation – ils devraient se réduire de seulement 2 %. La subvention pour charges de service public de l’OFII serait ainsi ramenée de 13,34 millions d’euros en 2012 à 11,60 millions en 2013. De même, le plafond des taxes perçues par l’OFII sera abaissé et les effectifs sont appelés à continuer leur réduction. Il a été indiqué à votre rapporteur que cet effort devrait s’accroître encore en 2014 et 2015. L’OFII devra donc évoluer, se réformer, voire supprimer certaines de ses missions dans le cadre de son prochain contrat d’objectif et de performance (COP).

Votre rapporteur prend acte avec intérêt de la décision prise par le Gouvernement d’engager une mission de réflexion sur la politique d’intégration dans son ensemble. Cette mission a été confiée à M. Thierry Tuot, qui devrait rendre son rapport au mois de novembre. Même si votre rapporteur n’a pas pu prendre connaissance de sa lettre de mission, il a été indiqué, en réponse à son questionnaire budgétaire, qu’il devrait « analyser la politique d’intégration, son organisation, ses moyens, ses acteurs, proposer de nouveaux concepts et axes d’action et rechercher les méthodes et moyens de restaurer les ambitions de l’Etat en la matière ».

a. Les actions en faveur de l’intégration

– Le dispositif d’intégration repose, en premier lieu, sur des prestations d’accueil pour les primo-arrivants. Le contrat d’accueil et d’intégration (CAI) offre ainsi une formation linguistique de 400 heures au maximum, une formation civique d’une journée, une formation « vivre en France » et une évaluation des compétences professionnelles pour faciliter l’accès à l’emploi. En 2011, 102 254 CAI ont été signés. Au total, 715 000 personnes en ont bénéficié depuis 2003.

Si le niveau linguistique constaté est insuffisant, plusieurs parcours peuvent être proposés : un parcours conduisant à l’obtention du DILF, sanctionnant un niveau A1.1, pour les personnes peu ou jamais scolarisées ; un parcours conduisant à l’obtention du DELF A1 pour les personnes scolarisées jusqu’au niveau secondaire ; un parcours facultatif conduisant également au DELF A1 pour les personnes francophones en situation d’analphabétisme.

Votre rapporteur s’interroge en particulier sur les objectifs visés. Le niveau A1.1 est inférieur au premier niveau de compétence linguistique – A1 – défini par le Conseil de l’Europe, qui correspond lui-même à la sortie de la maternelle. Ces deux niveaux ne permettent manifestement ni d’accéder à l’emploi, ni de participer à la vie sociale, ni de comprendre la plupart des démarches administratives.

– A ces prestations d’accueil s’ajoute un dispositif spécifique de préparation du parcours d’intégration en cas de regroupement familial : une évaluation des connaissances de la langue et des valeurs de la République est organisée dans le pays de demande de visa, ainsi qu’une formation d’une durée maximale de deux mois si l’évaluation en établit le besoin.

Hors Union européenne, l’OFII est représenté à ce titre au Maroc, en Tunisie, en Turquie, au Mali, au Sénégal, au Cameroun et au Canada. Dans d’autres pays, des conventionnements ont été signés avec certains organismes, généralement des instituts culturels ou des alliances françaises. Cependant, il n’existe aucun organisme support dans les pays de faible migration vers la France, et l’OFII indique ne pas être en mesure de couvrir tous les besoins. On peut donc s’interroger sur la pérennisation de cette action et sur les possibilités de redéploiement au profit d’autres missions.

– Parmi les dispositifs mis en place au plan déconcentré pour favoriser l’intégration des étrangers en situation régulière, votre rapporteur souhaite appeler l’attention sur l’opération « Ouvrir l’école aux parents », qui permet de proposer aux parents d’élèves des formations dans les établissements scolaires fréquentés par leurs enfants. Ces formations tendent à améliorer la connaissance de l’institution scolaire et des modalités d’exercice de la parentalité, à favoriser l’apprentissage de la langue française et à présenter les principes, les valeurs et les usages de la société française. L’évaluation des premières années d’expérimentation de ce dispositif a permis de constater qu’il correspondait à des attentes réelles chez les parents et au sein de l’institution scolaire. En 2011-2012, l’opération couvrait 64 départements, pour un coût de 2,4 millions d’euros. Votre rapporteur accueille avec satisfaction le maintien des crédits destinés à ce dispositif innovant, mais regrette que son extension ne puisse pas être envisagée pour 2013.

– S’agissant des actions d’intégration en faveur des réfugiés, votre rapporteur se félicite que le montant des crédits alloués en 2013 permette de préserver les 28 centres provisoires d’hébergement (CPH), qui seront dotés de 12,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Ce dispositif s’adresse aux bénéficiaires d’une protection internationale présentant des difficultés d’insertion et nécessitant une prise en charge administrative et sociale. A cela s’ajoutent 2,16 millions d’euros pour le versement d’aides et de secours à des réfugiés et pour le financement d’actions tendant à aider ces publics à accéder à l’emploi et au logement.

b. Une situation contrastée

Le Haut conseil à l’intégration (HCI) a dressé un bilan mitigé dans un rapport d’avril 2011 intitulé « La France sait-elle encore intégrer les immigrés », qui fait le bilan des politiques d’intégration menées en France depuis 1989.

Le premier constat du HCI est que l’intégration à la française, définie comme un processus d’accompagnement et d’incorporation dans la société, qui concerne les 5 millions d’immigrés (1) installés régulièrement en France et leurs 6,5 millions de descendants directs, n’est pas l’échec souvent décrit. Le constat, étayé sur des données statistiques, est le suivant :

– les enfants d’immigrés sont en moyenne plus diplômés que leurs parents, même s’ils ont souvent connu plus de difficultés scolaires que le reste de la population ;

– les écarts qualitatifs se sont réduits en matière de logement et le taux d’accession à la propriété a augmenté depuis les années 1990 (39 % en 2011, contre 33 % en 1992 et 59 % aujourd’hui en moyenne nationale) ;

– les mariages mixtes sont majoritaires chez les descendants d’immigrés (pour 65 % d’entre eux) ;

– une minorité d’immigrés ou de descendants d’immigrés n’a pas le sentiment d’être français (36 % des immigrés, 10 % des descendants de deux parents immigrés et 3 % des descendants de couples mixtes).

Selon le Haut conseil à l’intégration, la situation paraît cependant préoccupante à plusieurs égards :

– on observe, tout d’abord, une très forte concentration des immigrés et de leurs descendants dans certains quartiers, souvent dans un habitat social dégradé, ce qui constitue un obstacle à l’intégration et un facteur de repli communautaire ;

– à cela s’ajoutent des faiblesses dans l’intégration par l’école et le travail, comme le montrent la persistance d’un écart important entre enfants d’immigrés et de non-immigrés en matière de retard scolaire, ainsi qu’une différence très nette en matière de taux d’emploi ;

– le HCI note aussi des difficultés concernant la situation des femmes et le respect du principe de laïcité.

Ce constat doit conduire à améliorer et à renforcer sensiblement la politique d’intégration, qui est essentielle pour notre cohésion sociale. Comme le HCI l’indiquait dans son premier rapport, en 1991, il s’agit de « donner à chacun, quelle que soit son origine, la possibilité de vivre dans cette société dont il a accepté les règles et dont il devient un élément constituant ». L’intégration ne saurait être un processus à sens unique : elle exige aussi une volonté et un effort de celui qui accueille.

Pour bien s’intégrer dans notre société, encore faut-il avoir les moyens de la connaître et d’y participer. Des efforts plus soutenus sont donc nécessaires en matière d’éducation, de formation linguistique, d’accompagnement social et administratif, mais aussi d’emploi. Votre rapporteur attend beaucoup de la réflexion en cours sur la politique d’intégration, mais il espère aussi que ce re-paramétrage s’accompagnera de moyens budgétaires à la hauteur des enjeux.

2. L’accès à la nationalité française

La naturalisation, c’est-à-dire l’accès à la nationalité française par décision de l’autorité publique, a pour vocation de couronner un parcours d’intégration réussi, se caractérisant par une bonne insertion professionnelle, par la maîtrise de la langue française et par l’adhésion aux principes et aux valeurs de la République.

Votre rapporteur se réjouit que le Gouvernement ait décidé de réduire, à droit constant, les obstacles récemment dressés contre l’accès à la nationalité française d’étrangers installés depuis longtemps sur le territoire de la République et parfaitement intégrés.

a. Une diminution très nette des naturalisations

Depuis 2011, l’acquisition de la nationalité française par naturalisation et réintégration s’est considérablement amoindrie : environ 95 000 personnes y accédaient par cette voie en 2010, contre seulement 65 000 en 2011 et 25 000 au cours des six premiers mois de l’année 2012.

Dans le même temps, l’acquisition de la nationalité française par déclaration, au titre du mariage avec un conjoint français, est restée stable : elle concernait environ 22 000 personnes en 2010, 21 500 en 2011 et environ 10 000 au cours du premier semestre 2012.

La réduction de 30 % du nombre des naturalisations entre 2010 et 2011, puis de 25 % supplémentaires au cours des six premiers mois de l’année 2012, ne résulte pas d’une évolution des demandes. Elle s’explique, pour l’essentiel, par un durcissement des instructions données pour l’instruction des dossiers, sans la moindre transparence.

b. De nouvelles orientations

L’objectif fixé par le projet annuel de performances du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » est désormais « de faciliter et de simplifier les procédures de naturalisation ». A cet effet, la circulaire du 16 octobre 2012 a déjà introduit des critères moins pénalisants :

– l’appréciation de l’insertion professionnelle ne doit pas porter sur la situation du postulant au moment de sa demande, mais sur l’ensemble de sa carrière professionnelle, le fait d’être en CDD ou en contrat d’intérim ne devant pas constituer un obstacle ;

– les postulants de moins de 25 ans résidant en France depuis au moins 10 ans et y ayant suivi une scolarité continue d’au moins 5 ans bénéficient désormais d’une présomption d’assimilation à la communauté française ;

– les périodes passées en séjour irrégulier ne constitueront plus un motif de refus systématique des demandes ;

 s’agissant des jeunes diplômés embauchés en CDI ou des étudiants et professionnels de haut niveau, la circulaire demande que la situation de chacun soit appréciée sans que la nature du titre de séjour constitue en soi un obstacle à la naturalisation ;

– il est précisé que l’entretien d’assimilation, destiné à mesurer le degré de connaissance de l’histoire, de la culture et de la société françaises, ainsi que l’adhésion aux principes et valeurs essentiels de la République, ne doit pas prendre l’aspect d’un questionnaire et que le niveau de connaissance doit être apprécié au regard des études effectuées ou du suivi de cours financés par l’Etat.

Une circulaire-cadre à caractère général devrait ensuite intervenir à l’issue d’une concertation et à la lumière des conclusions qui seront rendues par une mission d’inspection sur la déconcentration des décisions de rejet.

La déconcentration de la procédure d’instruction des dossiers de demande de naturalisation

Jusqu’au décret n° 2010-725 du 29 juin 2010, le pouvoir de décision de l’autorité préfectorale en matière de naturalisation se limitait au prononcé du classement sans suite des demandes ; le préfet n’était amené, pour le reste, qu’à émettre un avis sur la suite à donner à la demande.

En vertu du décret du 29 juin 2010, il appartient désormais au préfet :

– soit d’opposer une décision défavorable au postulant qui ne satisfait pas aux conditions légales pour être naturalisé ou dont la naturalisation n’apparaît pas opportune ;

– soit de proposer d’accueillir la demande, les décisions de naturalisation restant prises au niveau national par décret du Premier ministre, sur rapport du ministre en charge des naturalisations.

Le ministre de l’intérieur a annoncé que la nouvelle circulaire permettrait de remettre à plat les critères de naturalisation et leurs conditions d’appréciation, afin de les rendre plus justes et plus transparents.

Aucun objectif chiffré n’a été fixé, mais les prévisions concernant l’indicateur 2.1 (« améliorer l’efficacité du traitement des dossiers de naturalisation ») du projet annuel de performances du programme 104 reposent notamment sur « la perspective d’un redressement du nombre des naturalisations à l’étiage des années antérieures à 2011 ».

II. UnE DIMENSION DE PLUS EN PLUS EUROPEeNNE

Dans le cadre de la préparation de cet avis budgétaire, votre rapporteur s’est rendu en Grèce, pays qui connaît aujourd’hui de graves difficultés en matière d’immigration et d’asile. Son exemple montre à quel point ces questions ne peuvent plus être envisagées dans le seul cadre national, du fait de leur dimension transfrontalière et de la valeur ajoutée d’une action européenne efficace dans ce domaine.

Après avoir présenté le constat qu’il a pu dresser sur les besoins de la Grèce et sur l’aide européenne dont elle bénéficie, votre rapporteur reviendra sur le développement de la solidarité financière et opérationnelle au sein de l’Union, avant d’esquisser les principales évolutions qui pourraient avoir une incidence sur la mission « Immigration, asile et intégration ».

A. L’EXEMPLE DE LA GRÈCE

1. Un pays aux avant-postes

a. La Grèce, principale porte d’entrée de l’immigration clandestine en Europe

D’après les interpellations réalisées en 2011, plus de 80 % des clandestins entrant dans l’espace Schengen passeraient par la frontière terrestre gréco-turque. Cette route migratoire se serait substituée à celle passant par les Canaries, par les enclaves espagnoles au Maroc et par Lampedusa. Pour la période comprise entre avril et juin 2012, le dernier rapport trimestriel de l’agence FRONTEX fait état d’une augmentation d’un tiers du nombre de clandestins détectés en Grèce, alors qu’on enregistrait dans le même temps une décrue dans l’ensemble de l’Union européenne. La frontière terrestre gréco-turque était alors la plus exposée, suivie par la frontière entre la Grèce et l’Albanie.

Il semblerait que la Turquie joue un rôle important dans la pression migratoire à la frontière grecque pour diverses raisons : la politique de libéralisation des visas engagée vis-à-vis des pays musulmans, les pratiques tarifaires de la Turkish Airlines qui relie les principales capitales du Maghreb, du Proche-Orient, d’Asie centrale et du sous-continent indien à Istanbul pour un très faible coût, la quasi-absence de surveillance de la frontière avec la Grèce, de même que le non-respect de l’accord gréco-turc de réadmission signé en 2003.

b. Des difficultés structurelles en matière d’asile

Du fait de la pression qu’elle subit au plan migratoire, la Grèce a rencontré de très grandes difficultés à se conformer aux normes minimales européennes en matière d'accueil des demandeurs d'asile et d'examen de leurs demandes à divers titres – des places d’accueil très peu nombreuses, un taux de décisions favorables presque nul et un traitement des demandes du ressort de la police.

Le 21 janvier 2011, la Cour européenne des droits de l’homme a d’ailleurs condamné la Grèce « en raison des défaillances dans l'examen par les autorités grecques de la demande d'asile [d’un] requérant et du risque encouru par celui-ci d'être refoulé directement ou indirectement vers son pays d'origine, sans un examen sérieux du bien-fondé de sa demande d'asile et sans avoir eu accès à un recours effectif » (arrêt MSS c/Grèce et Belgique).

Par une circulaire du 1er avril 2011, toujours en application, le ministre de l’intérieur en a tiré les conséquences en considérant que cet arrêt faisait obstacle au renvoi vers la Grèce des demandeurs d’asile en application du règlement communautaire « Dublin ».

2. Le soutien européen

a. Le plan d’action pour la Grèce

Afin de sortir de sa situation de crise, la Grèce a élaboré en août 2010 un plan d’action national en matière d’asile et de gestion des migrations qui repose notamment sur le renforcement et l’amélioration des capacités d’accueil des demandeurs, sur la réforme des procédures et la création d’un nouveau service de l’asile, sur la création de centres pour l’accueil, l’identification et le filtrage des étrangers en situation irrégulière et sur le renforcement des politiques de retour.

Dans le domaine de la lutte contre l’immigration illégale, un regain d’activité a eu lieu cet été avec le lancement de l’opération « Xenios Zeus » qui a vu une multiplication des contrôles en zone urbaine, le déploiement de patrouilles terrestres et fluviales, ainsi que l’envoi d’un contingent de 2 000 policiers à la frontière de l’Evros. Par ailleurs, les travaux de clôture des 12,5 kilomètres de la partie traversable à pied de la frontière avec la Turquie se sont poursuivis. Votre rapporteur a aussi pu constater le développement d’une coopération concrète sur le terrain avec les autorités turques dans la région d’Oriestada. Ces opérations auraient porté leurs fruits, puisque le nombre de passages quotidiens serait tombé de 400 à 20 par jour.

En 2011, un nouveau système a été conçu dans le domaine de l’asile, faisant appel à un service de premier accueil, à un service de l’asile proprement dit et à une autorité de recours indépendante. Sa mise en place se serait heurtée à l’interdiction de recruter émise par la Troïka, mais il semble que le problème soit en voie de résolution, notamment par voie de redéploiements internes. Un grand nombre de dossiers – plus de 50 000 – reste toutefois en souffrance pour le moment.

S’agissant des retours volontaires, une évolution a eu lieu, mais elle doit être mise en regard de l’afflux massif des migrants en 2011 et au début de l’année 2012. La mise en œuvre des retours achopperait sur des difficultés rencontrées avec les consulats de certains pays, notamment le Bengladesh, le Pakistan, l’Afghanistan, le Maroc et l’Algérie, qui ne délivreraient pas les laissez-passer nécessaires. La Grèce manquerait également de moyens financiers pour répondre à toutes les demandes potentielles.

b. L’appui de l’Union européenne

Comme M. Stéphane Fratacci, secrétaire général à l’immigration et à l’intégration, l’a indiqué à votre rapporteur, le suivi du plan national d’action de la Grèce pour la réforme du droit d’asile et la gestion des migrations fait l’objet d’un suivi très régulier. Le conseil mixte associant l’Union européenne, la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et la Suisse devait ainsi être informé de l’évolution de la situation en marge de la session du conseil européen Justice et affaires intérieures des 25 et 26 octobre 2012.

Afin d’aider la Grèce à mettre en œuvre rapidement son plan d’action, le Fonds européen pour les frontières extérieures fournit une aide substantielle pour l’amélioration de la gestion des frontières, notamment grâce à la mise en place de centres de filtrage et de rétention dans la région de l’Evros. Au total, la Grèce a reçu 119 millions d’euros pour la période 2007-2011 et devrait recevoir au moins 45 millions d’euros supplémentaires en 2012.

Par ailleurs, l’agence FRONTEX a déployé plusieurs opérations en Grèce, d’abord aux frontières maritimes, puis aux frontières terrestres avec l’opération « Poséidon Land », qui a succédé à l’opération d’intervention rapide à la frontière « RABIT », déployée entre novembre 2010 et mars 2011. L’opération maritime « Poseidon Sea » a récemment vu un renforcement de ses moyens de surveillance en réponse à un déplacement des flux de la frontière terrestre vers la frontière maritime avec la Turquie. L’agence a également apporté son assistance à la Grèce dans le cadre du projet « Attica » visant à aider la police hellénique à renforcer ses capacités en matière de procédures de retour.

Dans le domaine de l’asile, la Grèce a officiellement sollicité l’aide du Bureau européen d’appui en matière d’asile pour le déploiement d’équipes communes. Un plan opérationnel fixant les modalités de déploiement a été signé le 1er avril 2011 par le ministre grec en charge de l’immigration et de l’asile et par le directeur exécutif du Bureau d’appui. Ce plan, établi pour une durée de deux ans, identifie les domaines prioritaires d’intervention, à court et moyen termes, et fournit un cadre pour les actions de soutien à l’établissement du nouveau régime d’asile. Il concerne prioritairement le renforcement des ressources humaines et le développement du système d’asile en matière organisationnelle, institutionnelle et juridique.

En juin 2012, le Bureau d’appui a indiqué que 28 experts avaient assisté les autorités grecques dans tous les secteurs de l’asile, en particulier la formation des personnels et l’amélioration des orientations pratiques, des standards d’accueil et des statistiques. En outre, le Bureau d’appui a formé des officiers de protection du nouveau service de l’asile sur les premiers modules du « Curriculum européen ». A cela s’ajoute une participation active du HCR pour aider à traiter rapidement le stock de demandes.

B. LA MISE EN PLACE D’UNE SOLIDARITÉ AU SEIN DE L’UNION

En application du principe de subsidiarité, la gestion des flux migratoires demeure du ressort de chacun des Etats-membres. La construction d’un espace de libre circulation des personnes exige toutefois un partage des responsabilités entre les Etats-membres.

Conformément à l’article 80 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les politiques relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration et leur mise en œuvre « sont régies par le principe de solidarité et de partage équitable de responsabilités entre les États membres, y compris sur le plan financier ».

Plusieurs instruments, dont bénéficie notamment la France, ont ainsi été mis en place au plan financier comme au plan opérationnel en vue d’assurer une telle solidarité dans le périmètre de la mission « Immigration, asile et intégration ».

1. Au plan financier

Le programme-cadre « Solidarité et gestion des flux migratoires » 2007-2013 tend à assurer un partage équitable des responsabilités incombant aux Etats-membres dans le cadre de la gestion des frontières extérieures de l’Union et de la mise en œuvre des politiques communes d’asile et d’immigration.

Ce programme regroupe quatre instruments financiers : le fonds européen pour les frontières extérieures (FFE), le fonds européen pour le retour (FR), le fonds européen pour les réfugiés (FER) et le fonds européen d’intégration (FEI).

a. Le fonds européen pour les frontières extérieures

Le FFE a pour objectif de soutenir :

– la mise en place d’une organisation administrative efficace, reposant notamment sur des systèmes d’échange d’informations, de collecte de statistiques, de coordination entre les garde-frontières et des mécanismes de contrôle, de surveillance et d’enregistrement des personnes franchissant les frontières ;

– la gestion des flux de personnes, en particulier grâce à une consultation efficace des systèmes d’information européens et à une plus grande collaboration contre la fraude documentaire ;

– la mise en œuvre uniforme de la législation de l’Union européenne, notamment par l’emploi de technologies de pointe en matière de surveillance des frontières extérieures ;

– l’amélioration de l’activité des services consulaires, par exemple avec le recours au réseau des officiers de liaison dans le domaine de l’immigration.

En 2013, les crédits du FFE rattachés au programme 303, à hauteur de 3,6 millions d’euros, devraient notamment permettre de financer des travaux d’investissement dans le centre de rétention administrative de Coquelles et des dépenses relatives aux systèmes d’information.

b. Le fonds européen pour le retour

L’objet du FR est de soutenir les efforts des Etats-membres pour améliorer la gestion des retours suivant trois objectifs spécifiques :

– l’instauration d’une gestion intégrée des retours, volontaires ou forcés ;

– le renforcement de la coopération entre les Etats-membres dans le cadre des vols de retour conjoints ;

– l’application efficace et uniforme de normes communes, résultant notamment de la directive « Retour ».

Les crédits rattachés en 2013 sont évalués à 2,8 millions d’euros pour le programme 303 : 1,6 million d’euros pour l’action 3 « Lutte contre l’immigration irrégulière », qui serviront notamment à la mise en œuvre d’un programme annuel de vols groupés communautaires, et 1,2 million d’euros pour l’action 4 « Soutien », la majeure partie de ces crédits concernant les systèmes d’information.

c. Le fonds européen pour les réfugiés

Créé en 2007, le FER vise à soutenir et à encourager les efforts des États-membres pour accueillir des réfugiés et des personnes déplacées. Il apporte un cofinancement à des projets ayant trait à l’accueil des demandeurs d’asile, à l’intégration des réfugiés, à la réinstallation ou encore au soutien des structures en charge de l’examen des demandes d’asile.

En 2013, 3,1 millions d’euros devraient aller au cofinancement d’actions spécifiques d’intégration des réfugiés, axées notamment sur l’accès à l’emploi et au logement au titre du programme 104, et 6,8 millions d’euros pourraient servir à cofinancer des structures d’accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile, ainsi que des projets concernant des mineurs ou des personnes particulièrement vulnérables. A cela devraient s’ajouter des crédits d’assistance technique à hauteur d’environ 500 000 euros.

d. Le fonds européen d’intégration

Bien que la définition et la mise en œuvre de la politique d’intégration demeurent du ressort national, tous les États membres de l'Union ont intérêt à ce que chacun d'eux applique des stratégies d'intégration efficaces. Il est donc apparu nécessaire que l’Union établisse un cadre pour le suivi, l’évaluation comparative et l’échange de bonnes pratiques et qu’elle crée des incitations financières à l’aide des instruments financiers européens.

Le fonds européen d’intégration des ressortissants de pays tiers, doté de 825 millions d’euros pour la période 2007-2013, intervient ainsi en complément des actions nationales, régionales et locales, principalement pour la mise en œuvre des principes de base communs de la politique d'intégration des immigrants dans l'Union européenne, adoptés par le Conseil justice et affaires intérieures en 2004.

Pour 2013, la prévision de rattachement de crédits au titre du FEI s’élève à 11,8 millions d’euros : 10,8 millions d’euros pour des actions d’intégration dans le cadre du programme 104, et 1 million d’euros pour la poursuite d’une enquête longitudinale sur l’intégration des étrangers primo-arrivants, l’organisation de rencontres européennes sur l’intégration et la mise en place d’actions d’assistance technique dans le cadre du programme 303.

Les propositions de la Commission européenne

Pour le budget 2013, la Commission a proposé une forte progression des dotations prévues pour les politiques de solidarité et de gestion des flux migratoires : les moyens disponibles augmenteraient de 14,1 % en engagements et de 18 % en paiement, pour s’établir respectivement à 910 et 489 millions d’euros.

– Les crédits d’engagement du Fonds pour les frontières extérieures s’élèveraient à 415 millions d’euros, soit 19 % de plus qu’en 2012.

– Les ressources du Fonds européen pour le retour seraient portées à 186 millions d’euros, ce qui représente une hausse de 14 %.

– Doté de 123 millions d’euros, le Fonds européen pour les réfugiés verrait ses crédits augmenter de 8,7 %.

– La dotation du Fonds européen d’intégration augmenterait de 9,2 % et s’établirait à 187 millions d’euros.

En ce qui concerne le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020, la Commission a proposé de ramener à deux le nombre des fonds disponibles : un fonds pour l’asile et les migrations qui soutiendrait les actions relatives à l’asile, la migration légale, l’intégration et le retour, à hauteur de 3,4 milliards d’euros ; un instrument de soutien financier dans le domaine des frontières extérieures et des visas, doté de 3,5 milliards d’euros, dans le cadre du Fonds pour la sécurité intérieure.

Afin de simplifier les mécanismes d’octroi des crédits et de réduire la charge administrative, chaque Etat serait tenu d’établir, pour chaque fonds, un programme national unique pluriannuel, fixant des objectifs et des résultats à atteindre, sans recensement exhaustif des actions. Un mécanisme d’urgence serait par ailleurs créé pour remédier au manque de flexibilité et de réactivité dans le fonctionnement des fonds actuels.

2. Au plan opérationnel

a. FRONTEX

L’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (FRONTEX) a été créée en 2004. Ses principales missions sont les suivantes :

– fournir des analyses de risque dans le domaine de l’immigration irrégulière ;

– sur cette base, organiser des opérations conjointes aux frontières extérieures ;

– participer à la formation des garde-frontières nationaux et suivre les évolutions technologiques en matière de contrôle ;

– coordonner ou organiser les vols groupés de retour à l’échelle européenne.

La révision du règlement FRONTEX, en 2011, a notablement renforcé les capacités opérationnelles de l’agence, qui peut désormais recueillir et traiter des données personnelles relatives aux passeurs et aux filières en lien avec EUROPOL, acheter ou louer par crédit-bail ses propres équipements et déployer des équipes de garde-frontières auxquelles les Etats-membres doivent contribuer en fournissant un nombre approprié d’agents qualifiés.

Les opérations conjointes coordonnées par FRONTEX consistent à envoyer des renforts policiers dans les principaux aéroports européens soumis à une pression migratoire irrégulière, à déployer des experts aux points de passage sensibles sur les frontières terrestres ou des moyens nautiques et aériens là où les migrants affluent.

Aux frontières maritimes méridionales, FRONTEX a également mis en place, en 2007, un réseau européen de patrouilles côtières (EPN), afin d’instaurer une coordination permanente. Des études concernant la France, l’Italie, la Slovénie, Malte, la Grèce, Chypre et le Portugal ont montré que plus de cinquante autorités séparées intervenaient dans la surveillance des frontières maritimes extérieures sud.

Après abondement versé au deuxième semestre, le budget total de FRONTEX s’est élevé à plus de 118 millions d’euros en 2011. Pour 2012, l’agence dispose d’un budget initial d’un peu plus de 84 millions d’euros. Elle emploie 305 agents, dont 82 experts nationaux détachés, mis à disposition par les Etats-membres pour une durée maximale de quatre ans.

b. Le Bureau européen d’appui en matière d’asile

Le Bureau d’appui, qui siège à Malte, est opérationnel depuis le 19 juin 2011, même s’il dépend encore de l’aide de la Commission européenne, l’ensemble de son personnel n’ayant pas encore été recruté. Son conseil d’administration est présidé par M. Stéphane Fratacci, secrétaire général à l’immigration et à l’intégration du ministère français de l’intérieur.

Constitué sous la forme d’une agence de régulation dénuée de toute compétence décisionnelle, directe ou indirecte, en matière de traitement des demandes individuelles d’asile, le bureau est chargé de trois fonctions principales : faciliter, coordonner et renforcer la coopération pratique ; apporter un appui opérationnel aux Etats soumis à des pressions particulières en matière d’asile ; contribuer à la mise en œuvre du régime d’asile européen commun (RAEC), sur lequel votre rapporteur reviendra par la suite.

Dans le domaine de la coopération pratique, le Bureau d’appui soutient la collecte et le partage d’informations sur les pays d’origine, notamment grâce à l’élaboration d’un méthodologie, d’un format et d’un portail communs ; il favorise la convergence des critères d’appréciation ; il organise des formations pour les membres des administrations et des juridictions nationales ; il peut aussi coopérer avec les autorités compétentes des pays tiers sur des aspects techniques, notamment en vue de les inciter et de les aider à renforcer leurs propres régimes d’asile et d’accueil.

En matière de coopération opérationnelle, le Bureau d’appui est chargé de coordonner et de soutenir les actions communes visant à aider les Etats-membres soumis à des pressions particulières, se caractérisant par l’arrivée soudaine d’un grand nombre de ressortissants de pays tiers, susceptibles de nécessiter une protection internationale : il a pour mission d’analyser la situation en s’appuyant notamment sur un système d’alerte précoce, puis de coordonner l’assistance opérationnelle et technique nécessaire, y compris par le déploiement d’équipes d’appui composées d’experts.

Afin de contribuer à la mise en œuvre du régime d’asile européen commun, le Bureau d’appui favorise et coordonne les échanges d’information sur l’application des instruments pertinents en matière d’asile au sein de l’Union ; il peut constituer des bases de données factuelles, juridiques et jurisprudentielles, sans stockage de données à caractère personnel ; il est en particulier chargé de réunir des informations sur le traitement des demandes de protection internationale par les administrations et autorités nationales ainsi que sur le droit national et les évolutions juridiques en matière d’asile ; il établit chaque année un rapport sur la situation en matière d’asile dans l’Union.

Le programme de travail du Bureau d’appui pour l’année 2013 repose sur les priorités suivantes : apporter un soutien opérationnel d’urgence au système d’asile grec ; mettre sur pied un mécanisme d’alerte et de gestion de crise sur mesure ; analyser les tendances de l’asile et les risques ; poursuivre le développement d’une formation commune ; assurer un niveau commun d’information sur les pays d’origine, lesquels feront l’objet de rapports réguliers.

C. LES PRINCIPALES PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT DANS LE PÉRIMÈTRE DE LA MISSION

Dans le prolongement des conclusions du Conseil européen des 23 et 24 juin 2011, qui a non seulement invité à une réflexion sur la gouvernance de l’espace Schengen (2), mais aussi fixé des « orientations en vue de développer la politique migratoire de l'UE », la Commission a présenté ses principales priorités :

– l’achèvement du régime commun d’asile avant la fin de l’année 2012 ;

– le renforcement de la gestion des frontières extérieures ;

– la promotion de la coopération avec les pays tiers dans le cadre de dialogues sur les migrations, la mobilité et la sécurité.

Ces priorités ont été réaffirmées dans le cadre d’un plan d’action face à la pression migratoire adopté par le comité mixte réunissant l’Union européenne, la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et la Suisse, en marge de la session du Conseil Justice et affaires intérieures des 26 et 27 avril 2012.

1. Une approche globale de la question des migrations et de la mobilité

Comme l’indiquait la Commission européenne dans une communication du 18 novembre 2011, « le printemps arabe et les évènements qui se sont déroulés en 2011 dans le sud de la Méditerranée ont confirmé la nécessité pour l’Union européenne de se doter d’une politique cohérente et globale en matière de migrations ». Elle a donc proposé de relancer l’approche globale de la question des migrations et de la mobilité adoptée en 2005.

a. Une politique équilibrée, reposant sur quatre piliers d’importance égale

Le premier pilier identifié par la Commission est l’organisation de l’immigration légale et de la mobilité des ressortissants de pays tiers dans des domaines aussi divers que l’éducation et la formation, le commerce et les affaires, les échanges culturels, le tourisme ou les visites rendues aux membres des familles résidant à l’étranger. Une bonne gouvernance devrait apporter une plus-value dans la vie quotidienne de millions de personnes et répondre aux besoins de main d’œuvre de l’Union, tout en permettant de faire face aux défis démographiques de moyen et long termes.

La prévention et la réduction de l’immigration clandestine et de la traite des êtres humains constituent le second pilier de l’approche globale des migrations et de la mobilité. C’est une priorité pour assurer la sécurité des migrations, favoriser l’intégration des immigrés en situation régulière et lutter contre la corruption et la criminalité qui vont de pair avec l’immigration clandestine.

La Commission a également recommandé d’intensifier la coopération avec les pays tiers pour améliorer leurs régimes d’asile, offrir une meilleure protection internationale aux demandeurs d’asile et aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et développer des programmes de protection régionaux.

La maximisation de l’impact des migrations et de la mobilité sur le développement est le quatrième pilier thématique de l’approche globale : il s’agit notamment d’améliorer les services d’envoi de fonds, de faciliter la contribution des diasporas au développement et de limiter la fuite des cerveaux.

b. Des partenariats

Au plan régional, la priorité doit naturellement aller au voisinage immédiat de l’Union ainsi qu’aux pays d’origine et de transit présentant un intérêt stratégique, notamment dans le cadre du partenariat Afrique-UE sur les migrations, la mobilité et l’emploi et dans celui du processus de Rabat pour le voisinage méridional.

Au plan bilatéral, la politique migratoire extérieure de l’Union peut s’appuyer sur de nombreux instruments : les accords visant à faciliter la délivrance des visas, les accords de réadmission, mais aussi les partenariats stratégiques ou les accords d’association. Les partenariats pour la mobilité (PPM) sont toutefois le cadre privilégié pour instaurer un dialogue d’ensemble sur les migrations, la mobilité et la sécurité.

Le Conseil européen a rappelé, lors de sa réunion des 23 et 24 juin 2011, que « ces partenariats seront différenciés en fonction de la situation de chaque pays partenaire, sur la base d’un accord séparé avec chacun d’eux ; ils seront subordonnés aux efforts et aux progrès réalisés dans tous les domaines (migrations, réadmission, mobilité et sécurité) et prévoiront un mécanisme de contrôle efficace ».

Le Conseil et la Commission ont décidé d’engager des dialogues sur la migration, la mobilité et la sécurité avec le Maroc et la Tunisie, avec l’objectif de signer des PPM avant la fin de l’année. M. Herman Van Rompuy a indiqué, le 2 octobre dernier, à l’issue d’une rencontre avec le président du Gouvernement de la Tunisie, que l’Union était prête un signer un partenariat pour la mobilité avec ce pays, qui serait le premier dans la région. L’Egypte a également été identifiée comme un partenaire prioritaire pour un dialogue sur la mobilité lorsque les conditions politiques le permettront.

2. Un régime d’asile européen commun

Des progrès ont déjà été accomplis grâce à l’adoption de normes minimales communes, mais de grandes disparités subsistent pour l’octroi d’une protection internationale et pour les formes que celle-ci revêt. Le Pacte européen sur l’immigration et l’asile de 2008 a fixé l’échéance à 2012 pour l’instauration d’un régime d’asile européen commun (RAEC), mais il ne paraît pas certain à votre rapporteur qu’elle puisse être respectée pour l’ensemble des textes en discussion.

a. Les questions en suspens

Le 13 décembre 2011, une directive « Qualification » a été adoptée concernant les normes minimales relatives aux conditions de la protection internationale et à son contenu. Sa transposition doit avoir lieu avant le 21 décembre 2013. Même si les États-membres conservent la possibilité d’appliquer des conditions plus favorables que les normes énoncées dans la directive, celle-ci devrait contribuer à limiter le mouvement secondaire des demandeurs de protection internationale résultant des différences entre les cadres juridiques nationaux.

Quant à la refonte de la directive « Accueil », la Commission européenne estimait, dans son rapport de 2007 sur l’application de la directive en vigueur, que « l'important pouvoir discrétionnaire laissé par la directive dans différents domaines, notamment en ce qui concerne l'accès à l'emploi et aux soins de santé, le niveau et la forme des conditions matérielles d'accueil, le droit à la libre circulation et les besoins des personnes vulnérables, va à l'encontre de l'objectif consistant à faire en sorte que des règles identiques soient appliquées en matière de conditions d'accueil ». Un accord politique avec le Parlement européen aurait été trouvé et devrait être adopté lors du conseil Justice et affaires intérieures des 25 et 26 octobre 2012.

La révision de la directive « Procédures » de 2005 a fait l’objet de discussions très vives. La Commission a souhaité renforcer les garanties procédurales lors du traitement des demandes en première instance, en application du principe de « frontloading » qui consiste à allouer des ressources importantes dès le début de la procédure pour garantir la qualité des décisions et ainsi limiter les risques d’annulation par les instances de recours. La secrétaire générale de l’OFPRA, Mme Agnès Fontana, a appelé l’attention de votre rapporteur sur le risque d’alourdissement de la procédure et d’allongement des délais de traitement qui pourrait en résulter.

Un travail est également en cours sur la révision du règlement « Dublin II » qui établit les critères et les mécanismes déterminant l’Etat-membre responsable du traitement de la demande d’asile. Les principales modifications pourraient être l’introduction d’une clause de sauvegarde en cas de preuves substantielles tendant à montrer qu’un Etat connaît des défaillances systémiques quant à sa procédure d’asile ou les conditions d’accueil, et la création d’un mécanisme d'alerte rapide visant à évaluer le fonctionnement pratique des systèmes d'asile nationaux, afin de prévenir les crises et d’aider les Etats-membres qui en ont besoin.

b. Un cadre commun pour une solidarité réelle et concrète

Comme votre rapporteur a déjà eu l’occasion de l’indiquer, la solidarité en matière d’asile a été consacrée par l’article 80 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et elle a d’emblée été reconnue comme un élément essentiel du régime d’asile européen commun (RAEC).

Dans ses conclusions du 8 mars 2012, le Conseil justice et affaires intérieures a esquissé les grandes lignes d'« un cadre commun pour une solidarité réelle et concrète à l’égard des Etats-membres dont le régime d’asile est soumis à des pressions particulièrement fortes ». Après avoir rappelé le principe de responsabilité qui impose aux Etats de veiller eux-mêmes à ce que des régimes d’asile justes et efficaces soient mis en place, le Conseil a défini une « boîte à outils » composée de plusieurs instruments dont les uns existent déjà et dont les autres sont à créer.

Tout d’abord, le mécanisme d’alerte rapide, de préparation et de gestion des crises précité doit permettre d’empêcher les crises et d’y réagir rapidement. Afin de déceler aussi rapidement que possible les situations susceptibles de déboucher sur des pressions particulièrement fortes, le BEA a été invité à élaborer des outils appropriés. Une fois que des données objectives auront démontré la nécessité d’une action préventive et, le cas échéant, d’une gestion active de la crise, des « mesures de solidarité » devraient pouvoir être mises en œuvre à la demande.

Face aux situations d’urgence, le Conseil JAI a aussi rappelé que le BEA et FRONTEX devaient s’efforcer de mettre en œuvre leur mandat dans toute la mesure du possible afin d’exploiter au maximum leurs potentialités. Le Conseil a demandé aux Etats membres de fournir des experts à la réserve d’intervention du BEA et de faire preuve de solidarité en allant au-delà sur une base bilatérale, en concertation avec le BEA. Quant à l’agence FRONTEX, il a été rappelé qu’elle peut être amenée à déployer, à la demande, des équipes européennes de garde-frontières dans un Etat membre pour une durée déterminée.

En matière de solidarité financière, le Conseil justice et affaires intérieures a précisé que les discussions relatives au Fonds pour l’asile et la migration et au Fonds pour la sécurité intérieure, déjà évoquées par votre rapporteur, devraient permettre d’apporter des financements d’urgence à court terme aux Etats en difficulté, grâce à un assouplissement des procédures budgétaires.

Le Conseil a également insisté sur la possibilité de recourir à la directive du 20 juillet 2001 relative à la protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées en provenance d’un pays ou d’une région déterminés, afin de soulager les systèmes d’asile. Cette directive, adoptée à la suite de la crise du Kosovo, permet d’accorder une protection exceptionnelle immédiate et temporaire, prorogeable jusqu’à deux ans au total, notamment si un système d’asile est dans l’incapacité de traiter correctement un afflux massif de personnes déplacées « sans effets contraires à son bon fonctionnement ». L'existence d'un tel phénomène est constatée par une décision du Conseil adoptée à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission.

Dans ses conclusions du 8 mars dernier, le Conseil JAI a aussi demandé d’évaluer les possibilités offertes par la répartition volontaire des bénéficiaires d’une protection internationale à la lumière du projet pilote EUREMA qui a pris fin à l’été 2011 – 227 bénéficiaires d’une protection internationale de Malte ont été répartis dans six autres Etats-membres. Comme le notait la Commission dans sa communication du 2 décembre 2011 sur le renforcement de la solidarité au sein de l’Union européenne dans le domaine de l’asile, l’idée de répartir les demandeurs au sein de l’Union ne fait pas l’unanimité, eu égard au rapport coût-efficacité de cette pratique par rapport aux autres formes de solidarité et à son impact sur les demandeurs eux-mêmes ; en revanche, il existerait un consensus autour de l’utilité et de l’opportunité d’une répartition des bénéficiaires au sein de l’Union.

Les autres éléments passés en revue – le traitement conjoint des demandes d’asile, la solidarité en matière de retour et le renforcement de la coopération avec les principaux pays de transit ou d’origine – paraissent à votre rapporteur plus éloignés de l’élaboration d’une véritable solidarité en matière d’asile.

3. Les systèmes d’information

a. Les visas

La création du système d’information sur les visas (VIS) a plusieurs objectifs : contribuer à améliorer leur délivrance au plan communautaire, notamment en luttant contre le « visa-shopping » qui consiste à déposer des demandes dans plusieurs pays pour optimiser ses chances, améliorer la sécurité intérieure, mais aussi renforcer la lutte contre le terrorisme. Dans ce but, le VIS permet la collecte, le stockage et le transfert des données relatives à toutes les demandes de visas au sein de l’Union européenne.

Son déploiement a commencé en Afrique du Nord, le 11 octobre 2011, puis une deuxième région (Israël, Jordanie, Liban et Syrie) a été reliée au VIS en mai 2012. Une troisième région, comprenant notamment la péninsule arabique, devrait ensuite être concernée à partir d’octobre 2012. Ce calendrier impose à la France de dégager les moyens nécessaires aux développements informatiques correspondants. Un bilan de l’expérimentation de l’externalisation de la biométrie devrait également être réalisé en vue de sa généralisation en parallèle du déploiement du VIS.

b. Eurosur

Le développement d’un système européen de surveillance des frontières (Eurosur), dont le Conseil européen des 23 et 24 juillet 2011 a fait une priorité, a pour objectif d’améliorer le contrôle des frontières extérieures de l’espace Schengen.

La proposition de règlement du 12 décembre 2011 de la Commission tend ainsi à instaurer un mécanisme permettant aux autorités nationales d’échanger des informations opérationnelles et de coopérer afin de :

– réduire les pertes de vies humaines en mer ;

– limiter le nombre d’immigrants entrant clandestinement dans l’Union ;

– renforcer la sécurité intérieure en luttant contre la criminalité transfrontalière, notamment la traite des êtres humains et le trafic de drogue.

La proposition de la Commission s’appuie sur l’article 77 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en vertu duquel le Parlement européen et le Conseil adoptent « toute mesure nécessaire pour l’établissement progressif d’un système intégré de gestion des frontières extérieures ».

Afin d’améliorer la connaissance qu’ont les Etats membres et FRONTEX de la situation aux frontières extérieures et de renforcer leur capacité de réaction, la Commission a proposé de constituer une sorte de « système des systèmes » reposant sur :

– la création d’un cadre opérationnel commun définissant clairement les responsabilités et les compétences de FRONTEX et des centres de coordination qui devraient être créés dans chaque Etat-membre.

– un réseau de communication entre ces centres et FRONTEX afin d’échanger des informations sensibles, non classifiées ou classifiées.

Le partage d’informations devrait s’effectuer grâce à la constitution de tableaux de situation nationaux, d’un tableau de situation européen et d’un tableau commun du renseignement en amont des frontières, ces tableaux étant constitués de plusieurs « couches » (événements, opérations et analyses). Sauf cas exceptionnel, ils ne devraient pas contenir de données à caractère personnel, mais plutôt des informations relatives à des incidents et différents « objets », tels que la détection et le suivi de navires.

La Commission propose également de mettre à contribution, dans toute la mesure du possible, les informations, capacités et systèmes disponibles dans d’autres cadres au niveau européen, notamment Europol, le centre satellitaire de l’Union, l’agence européenne pour la sécurité maritime et l’agence européenne de contrôle des pêches.

c. L’initiative « Frontières intelligentes »

Dans une communication du 25 octobre 2011, la Commission a proposé de poursuivre la modernisation des systèmes en utilisant davantage les nouvelles technologies pour fluidifier et accélérer le franchissement des frontières extérieures, traversées chaque année par 700 millions de citoyens européens et de ressortissants de pays tiers, tout en renforçant le niveau de sécurité.

L’amélioration des procédures de vérification reposerait sur les deux éléments suivants :

– un système d’entrées et de sorties permettant d’enregistrer dans une base de données électronique la date et le point d’entrée, ainsi que la durée du court séjour autorisé, en remplacement du système actuel d’apposition de cachets sur les passeports ;

– un programme d’enregistrement destiné à simplifier les vérifications aux frontières pour certaines catégories de voyageurs réguliers, qui pourraient entrer dans l’UE, à l’issue d’une procédure d’examen préalable, en franchissant des barrières automatiques.

CONCLUSION

Votre rapporteur accueille favorablement la priorité donnée, dans ce projet de budget, à la garantie du droit d’asile. C’est toutefois un chantier qu’il sera nécessaire de poursuivre.

Tout d’abord, la revalorisation des dotations prévues pour le financement de l’allocation temporaire d’attente et pour l’hébergement d’urgence permettra une plus grande sincérité budgétaire, elle-même gage d’une meilleure gestion des crédits disponibles. Il conviendra d’y prêter la plus grande attention.

La création de 1 000 places supplémentaires en centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) constitue aussi une évolution très positive, mais encore insuffisante. Pour votre rapporteur, il ne doit s’agir que du premier acte d’un rééquilibrage en faveur du dispositif de droit commun, bien plus adapté pour assurer l’accompagnement nécessaire des demandeurs d’asile.

Votre rapporteur note également les inflexions annoncées dans les autres champs couverts par la présente mission : la création d’un nouveau titre de séjour pluriannuel, qui devrait permettre de mieux sécuriser les parcours, le retour à la normale en matière de naturalisation, ainsi que la réflexion engagée sur la politique d’intégration.

Celle-ci doit impérativement être redéfinie pour gagner en efficacité, mais elle doit aussi continuer à faire l’objet d’une priorité au plan budgétaire, afin de garantir durablement la cohésion et la solidarité des différentes composantes qui font la richesse de la société française.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteur est favorable à l’adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2013.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères a entendu, en commission élargie à l’ensemble des députés, M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur, au cours de sa séance du jeudi 25 octobre 2012.

M. Pierre-Alain Muet, président. Monsieur le ministre, je suis heureux de vous accueillir au nom de la Commission des finances, avec Mme Élisabeth Guigou, présidente de la Commission des affaires étrangères, et M. Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission des lois. Le président Gilles Carrez, retenu, m’a prié de bien vouloir l’excuser auprès de vous.

Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2013.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je me réjouis pour ma part que la Commission des affaires étrangères ait l’occasion de dialoguer avec le ministre de l’intérieur, dont les compétences excèdent largement le cadre de l’hexagone. L’immigration est loin de se réduire à une question intérieure, ce qui explique que notre commission s’y intéresse de près : elle est une dimension de notre relation avec un très grand nombre d’États et fait l’objet d’une politique européenne très avancée.

Si je regrette beaucoup que notre rapporteur pour avis, M. Jean-Pierre Dufau, ait eu un empêchement majeur, je ne doute pas que Mme Seybah Dagoma le suppléera brillamment malgré le bref temps de parole qui lui est imparti.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous avons beaucoup travaillé avec le ministre de l’intérieur ces derniers jours. Hier soir, nous examinions ici même les crédits de l’administration générale et territoriale de l’État. M. Valls fut un parlementaire assidu, il est aujourd’hui un ministre disponible, et nous lui en sommes reconnaissants.

Attentifs à ce que la majorité et l’opposition puissent s’exprimer, nous avons désigné deux rapporteurs pour avis issus l’un du groupe SRC, l’autre du groupe UMP, ce qui devrait garantir la tonicité de nos échanges.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Le courage, disait Jaurès, c’est de ne pas faire écho aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. Il faut saluer ce budget de responsabilité, de vérité, de fermeté et de dignité, qui traduit des efforts substantiels dans un contexte d’austérité et de difficultés financières en Europe, et mobilise des moyens à la mesure des besoins, pour un traitement plus digne des demandeurs d’asile.

Fixées à 662,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 670,9 millions d’euros en crédits de paiement, les dotations de la mission progressent respectivement de 11,6 et 13 %, ce qui représente 69 et 77 millions supplémentaires. Dans le détail, la plupart des actions des deux programmes de la mission, comme son principal opérateur, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, appliquent en réalité les instructions d’économie du Premier ministre en réduisant sensiblement les prévisions de dépenses.

Le renforcement budgétaire des crédits dédiés à la garantie du droit d’asile en est d’autant plus significatif. Il ne s’agit pas seulement de fixer à un niveau plus conforme aux consommations constatées en 2011 les dotations destinées à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile et l’allocation temporaire d’attente qu’ils perçoivent quand ils ne peuvent accéder aux centres d’accueil, les CADA – dépenses systématiquement et fortement sous-évaluées ces dernières années. Cet effort budgétaire traduit aussi le choix d’améliorer l’efficacité et la qualité de l’accueil offert par la France aux demandeurs d’asile, d’une part, en renforçant les moyens de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides pour lui permettre de traiter les demandes dans des délais plus raisonnables que ces dernières années ; d’autre part, en créant 1 000 nouvelles places en CADA, structures qui offrent la prise en charge et l’accompagnement les plus conformes à notre devoir de solidarité internationale.

Les autres migrants ne sont pas pour autant négligés. Grâce à des réformes successives des taxes sur les titres de séjour qui lui sont affectées, l’OFII dispose de moyens consolidés. Il lui est demandé de poursuivre ses efforts de rationalisation des dispositifs dont il est chargé et d’économie sur ses dépenses de fonctionnement, mais son haut niveau d’intervention en faveur des migrants en situation régulière devrait être préservé. En 2012, près de 106 millions d’euros sont consacrés aux actions d’accueil et de formation des primo-arrivants, aux procédures d’immigration familiale et professionnelle et à l’accueil des demandeurs d’asile assurés par l’OFII.

J’évoquerai enfin, même si ces dépenses ne relèvent pas de la mission, les efforts du ministère pour développer la capacité des services préfectoraux à encadrer les multiples démarches exigées des étrangers dans des conditions plus respectueuses des individus, et bien que leurs missions soient nettement plus lourdes qu’auparavant.

En dépit de ces progrès, des questions demeurent sur l’évolution de certaines dépenses, dont celles relatives à l’allocation temporaire d’attente – ATA –, comme sur certains arbitrages non encore rendus.

Tout d’abord, ce projet de budget renforce substantiellement les crédits alloués à l’hébergement d’urgence et à l’allocation temporaire d’attente auxquels peuvent prétendre les demandeurs d’asile n’ayant pas accès aux CADA. Ne serait-il pas plus efficace du point de vue budgétaire, et plus digne, d’accroître encore les capacités d’accueil des CADA, ce qui devrait réduire les dépenses alternatives d’hébergement d’urgence et d’ATA ? À enveloppe budgétaire constante, ne peut-on imaginer un transfert de crédits entre ces différents dispositifs ?

Ensuite, le développement, l’entretien et le fonctionnement des centres de rétention administrative devraient représenter un budget d’environ 44,9 millions d’euros. Les prévisions sont certes en retrait de 3 millions par rapport aux crédits votés pour 2012. Mais, compte tenu du taux moyen d’occupation des centres, qui ne dépasse pas 57,7 % sur l’ensemble du territoire métropolitain, voire 30 % sur certains sites, ne serait-il pas opportun, voire plus rentable, de fermer les centres les moins utilisés ?

Question annexe : le premier marché de l’accompagnement juridique des retenus arrive à son terme le 31 décembre 2012. Les modalités et les conditions de sa reconduite ne sont pas décidées, si bien que les associations concernées ne peuvent définir sérieusement leurs organisations et leurs budgets pour 2013.

Par ailleurs, en 2011, près d’un tiers des personnes faisant l’objet d’une décision d’éloignement du territoire ont regagné leur pays dans le cadre d’un retour aidé. Ils sont encore 9 130 étrangers à bénéficier des aides au retour volontaire. Toutefois, il apparaît que 52 % des bénéficiaires en 2011 et 58 % au premier semestre 2012 sont des ressortissants communautaires qui pourront de plein droit revenir en France. On peut dès lors s’interroger sur la légitimité d’une aide qui ne favorise en rien un retour durable dans le pays d’origine. Ces fonds ne seraient-ils pas mieux employés au service des véritables dispositifs de réinsertion ou de développement solidaire ?

Tout le monde s’accorde sur la nécessité de réduire les délais de traitement des demandes d’asile que l’afflux massif de ces derniers années a fait dériver, retardant la reconnaissance des situations justifiant une protection et pesant lourdement sur les dépenses de prise en charge des demandeurs. Cependant, la diminution des délais d’instruction n’est pas une fin en soi. Comment l’État veille-t-il à ce que l’accélération des procédures devant l’OFPRA ne nuise pas à la qualité du traitement des demandes d’asile, et notamment à ce que les objectifs de productivité demandés aux officiers de protection ne compromettent pas la qualité des entretiens ?

Enfin, monsieur le ministre, pourquoi la construction du nouveau CRA de Mayotte, budgétée depuis plusieurs années, n’a-t-elle pas encore débuté ?

Mme Seybah Dagoma, suppléant M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères. Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » devraient augmenter de 4,9 % en autorisations d’engagement et de 6,2 % en crédits de paiement, ce qui représente un effort réel dans le contexte actuel de réduction des dépenses publiques. Reste que la hausse globale des moyens recouvre des évolutions très disparates. En réalité, seuls les crédits relatifs à l’exercice du droit d’asile sont en progression.

Ma première question concerne le programme « Intégration et accès à la nationalité française ». Les crédits consacrés à l’intégration des étrangers en situation régulière vont baisser de 8 % et ceux affectés à l’intégration des réfugiés vont diminuer de 2 %. Un récent rapport du Haut Conseil à l’intégration dressait pourtant un bilan peu flatteur de l’action menée dans ce domaine. L’on peut regretter que l’intégration ne soit pas une priorité budgétaire cette année. Le Premier ministre a pourtant annoncé récemment que le Gouvernement entendait redéfinir la politique d’intégration, qui a cessé depuis trop longtemps d’être efficace. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur le cadre et les grands axes de cette réflexion ?

En ce qui concerne les étrangers en situation régulière, un nouveau titre pluriannuel devrait être créé afin de sécuriser les parcours. Même si le projet de loi ne devrait être présenté qu’en 2013, pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Il existe d’autres titres de séjour pluriannuels ; quel pourrait donc être le nouveau public concerné ?

S’agissant du traitement des demandes des étrangers, je m’interroge sur les conditions d’accueil dans les préfectures. L’exemple le plus criant est assurément celui de Bobigny où, chaque jour, plusieurs centaines de personnes attendent pendant des heures pour déposer une demande de titre de séjour, de naturalisation ou de renouvellement. Au-delà des moyens humains à déployer, ne pourrait-on concevoir un système de prise de rendez-vous et/ou de gestion de dossier totalement ou partiellement dématérialisé ? Plus généralement, est-il envisagé d’améliorer les conditions d’accueil des demandeurs, notamment en Île-de-France ?

En ce qui concerne l’asile, la revalorisation des dotations vise à mieux respecter le principe de sincérité budgétaire, singulièrement malmené ces dernières années. La parlementaire que je suis est sensible à cet effort, qui est aussi un geste de responsabilité. Cela étant, je m’interroge sur les conséquences de l’arrêt rendu le 27 septembre dernier par la Cour de justice de l’Union européenne, qui rappelle qu’« un État membre, saisi d’une demande d’asile, est tenu d’octroyer les conditions minimales d’accueil des demandeurs d’asile, même à un demandeur d’asile pour lequel il décide de requérir un autre État membre pour le prendre en charge ou le reprendre en charge en tant qu’État membre responsable de la demande ». Ne faudrait-il pas ajuster en conséquence, dès à présent, les crédits destinés à l’allocation temporaire d’attente ?

En outre, seules 1 000 places supplémentaires devraient être créées en CADA, ce qui paraît bien peu au regard de la demande globale d’asile – 56 400 demandes en 2011 –, à rapporter aux 21 400 places aujourd’hui disponibles en CADA. Ces structures sont pourtant unanimement reconnues comme les plus propres à accompagner les demandeurs d’asile dans de bonnes conditions. À moyen terme, avez-vous prévu un rééquilibrage en faveur du dispositif de droit commun ? Du strict point de vue budgétaire, France terre d’asile estime qu’une place dans le dispositif d’urgence coûte plus cher qu’une place en CADA – 26,17 euros par jour pour l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile et 11,17 euros par jour pour l’ATA, contre 24 euros en CADA –, pour un service moindre puisque l’accompagnement fait défaut. Si l’opération est rentable, l’investissement dans la production de places de CADA serait ainsi bénéfique à la fois pour les demandeurs d’asile, mieux accueillis grâce à la création annuelle de 140 à 210 postes de travailleurs sociaux à temps plein, et pour les finances publiques.

De même, l’effort de réduction des délais de traitement des demandes d’asile est non seulement une nécessité humaine – l’on ne devrait pas faire attendre si longtemps des personnes déjà très fragilisées –, mais aussi un impératif budgétaire, car il permettrait de réduire la durée de prise en charge par l’État. Un effort a été engagé, mais l’on est encore loin des délais incompressibles. Après 2013, comment comptez-vous tendre vers un délai raisonnable de six mois au total ?

Enfin, le dispositif de rétention est formaté à 1 816 places en 2013, pour un coût par jour de 39,68 euros qui correspond au seul fonctionnement hôtelier des centres de rétention, hors coûts d’entretien, d’éloignement, de prise en charge sanitaire et d’accompagnement juridique. Or, de l’aveu même des associations intervenant en rétention, ces places ne sont pas toutes occupées. Ne pourrait-on donc fermer un nombre significatif de places sans nuire à la capacité de l’État à éloigner les personnes dont la présence est jugée indésirable sur le territoire ?

Je m’interroge en revanche sur la baisse de 0,8 million d’euros que subit l’accompagnement social dans les CRA par rapport à la LFI 2012. Assuré par les associations, qui peinent déjà à accomplir leur mission, cet accompagnement est indispensable pour garantir les droits des personnes retenues. Comment expliquer cette baisse ?

M. Patrick Mennucci, rapporteur pour avis de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour l’immigration, l’intégration et l’accès à la nationalité française. Vous l’avez rappelé vous-même à plusieurs reprises, monsieur le ministre : l’accès à la nationalité française est la conclusion logique d’un parcours d’intégration réussi. Or, les naturalisations ont connu en 2011 une chute brutale, de près de 30 %, qui s’est poursuivie au premier semestre 2012. J’ai voulu en analyser les causes afin de formuler des recommandations que je souhaite vous soumettre.

Il apparaît, à la lumière des quinze auditions et déplacements que j’ai effectués pour préparer mon rapport, que cette chute résulte non pas d’une baisse des demandes ou d’une diminution des décisions rendues – lesquelles sont restées stables, aux alentours de 100 000 par an –, mais bien d’une hausse du taux de décisions négatives sans précédent sous la Ve République. Remarquablement stable de 2000 à 2008, où il oscillait entre 20 et 29 %, ce taux a connu une véritable explosion en 2011, passant à plus de 53 %. Alors qu’un peu plus de deux demandes sur dix étaient rejetées au cours de la décennie 2000, plus de cinq sur dix l’ont été en 2011 et au premier semestre 2012.

Cette hausse du taux de décisions défavorables n’est pas la conséquence d’une modification des critères de naturalisation fixés par la loi ou les textes réglementaires. Les nouvelles modalités d’évaluation de la connaissance du français par un test, prévues par la loi du 16 juin 2011, ne sont en effet applicables qu’aux demandes introduites depuis le 1er janvier 2012, dont aucune ou presque n’avait déjà fait l’objet d’une décision au 30 juin 2012.

La chute du nombre de naturalisations provient en réalité d’un durcissement de l’appréciation des critères de naturalisation par l’administration. Or c’est dans l’opacité la plus complète que la « doctrine ministérielle » a été modifiée, sans aucun débat public, par le biais d’instructions confidentielles adressées aux préfectures sous la forme de fiches « blanches » sans en-tête ni signataires, pudiquement appelées « fiches pédagogiques ».

En attestent les documents – non signés – que je me suis procurés non sans peine auprès de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Le premier, mystérieusement intitulé « Liste des secrétaires généraux de préfecture. Naturalisation », indique notamment qu’il doit être tenu compte de l’irrégularité du séjour quelle que soit l’époque où elle a été constatée. Ainsi des personnes qui ont été en situation irrégulière en 1966 ont-elles vu leur demande rejetée pour ce motif : un crime peut être prescrit, mais pour ceux qui ont voulu venir sur notre sol, il n’y a aucune prescription ! Le second document, le plus dévastateur sans doute, exige implicitement des requérants qu’ils soient employés en CDI. J’ai dans ma circonscription un grutier tunisien qui travaille volontairement depuis vingt ans dans des boîtes d’intérim, car il y est mieux payé que dans les grosses entreprises du BTP : il n’a pas le droit de demander à devenir français ! Telles sont les instructions que M. Guéant a données aux fonctionnaires préfectoraux, au mépris de la légalité républicaine.

Dans certains cas, elles sont venues de simples courriers électroniques de l’une des directions du ministère de l’intérieur. À plusieurs reprises dans notre histoire, le droit de la nationalité a figuré dans la Constitution. De la Constitution à un simple courriel : l’évolution est préoccupante lorsqu’il s’agit de déterminer qui appartient ou non à la communauté nationale. C’est une simple fiche du 16 juin 2011 qui a conduit les préfectures à exiger des postulants qu’ils soient titulaires d’un CDI et c’est encore par courrier électronique qu’il a été demandé aux préfets de ne pas tenir compte de l’antériorité du séjour irrégulier.

Les effets de ce durcissement ont sans doute été amplifiés par la déconcentration des procédures de naturalisation opérée le 1er juillet 2010. Avant cette date, dans près d’un cas sur deux, les avis défavorables des préfets n’étaient pas suivis par l’administration centrale. Depuis, les préfets sont devenus décisionnaires, et seule une décision négative sur cinq fait l’objet d’un recours : au total, 2 % de leurs décisions négatives sont infirmées, ce qui conduit à une hausse mécanique du taux de rejet.

Voici donc mes recommandations. Il faut refonder l’accès à la nationalité française sur des critères clairs, justes et transparents. Vous avez d’ailleurs suggéré vous-même cette orientation la semaine dernière, monsieur le ministre. Les critères ne doivent plus pouvoir être modifiés en catimini, dans le secret des bureaux : ils doivent être inscrits dans une circulaire accessible à tous. Quant au fond, il faut mettre un terme au durcissement de l’appréciation des critères relatifs à l’insertion professionnelle et la régularité du séjour. Je me félicite que cette première série de recommandations ait été prise en considération dans votre circulaire du 16 octobre 2012.

Il faudrait ensuite sinon revenir sur le principe de la déconcentration des procédures, du moins en modifier les modalités. Deux pistes sont envisageables. L’une consisterait à confier la préparation des décisions favorables – et non plus des décisions négatives – aux préfets, les autres continuant à faire l’objet d’une instruction par l’administration centrale. C’était l’une des propositions de la Commission de la nationalité présidée par M. Marceau Long en 1988. L’autre option consisterait à mutualiser les moyens des préfectures en créant des plateformes interdépartementales, sur le modèle de ce qui a été fait pour l’accueil des demandeurs d’asile. Je sais que vous attendez les conclusions d’une mission de l’Inspection générale de l’administration sur ce sujet, conduite par M. Fitoussi, mais pourriez-vous indiquer vos premières orientations en la matière ?

Il faudrait également, comme l’a dit Seybah Dagoma, améliorer les conditions d’accueil des demandeurs en préfecture, souvent peu satisfaisantes, les conditions de déroulement de l’entretien et de délivrance des dossiers. À la préfecture des Bouches-du-Rhône, l’entretien a lieu à travers une glace au moyen d’un hygiaphone ! Il conviendrait d’informatiser le retrait et la constitution des dossiers ainsi que la prise de rendez-vous, pour faciliter le travail des préfectures.

Il est enfin nécessaire de renforcer le contrôle parlementaire de la politique de la nationalité, pour éviter un nouveau bouleversement radical non soumis à débat. Je suggère donc que chaque année, le Gouvernement communique, dans son rapport au Parlement sur la politique d’immigration et d’intégration, l’évolution du taux de décisions défavorables et des motifs sur lesquels elles se fondent.

J’espère, monsieur le ministre, que vous donnerez suite à quelques-unes de ces recommandations.

M. Guy Geoffroy, suppléant M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour l’asile. J’ai d’autant plus volontiers accepté de remplacer ce soir Éric Ciotti que je partage ses analyses et ses interrogations.

Je salue tout d’abord le fait que le ministère de l’intérieur ait conservé l’asile parmi ses compétences. Certains, en particulier dans le secteur associatif, s’en désolent, allant jusqu’à déplorer le double langage de la nouvelle majorité, qui critiquait ce choix lorsqu’elle était dans l’opposition, avant de s’apercevoir qu’il n’était pas si mauvais que cela. Je pourrais rejoindre les esprits cyniques en disant qu’il faut que tout change pour que rien ne change. Je préfère, avec mon collègue Ciotti, me réjouir pour notre pays que vous n’ayez pas remis en cause une excellente réforme.

La réduction des délais de traitement des demandes, à laquelle nous avons souhaité consacrer ce premier avis budgétaire sur l’asile, est une question cruciale, comme l’a bien montré notre rapporteur spécial. Les demandeurs ont le droit d’obtenir une décision rapide. Celle-ci aurait en outre l’intérêt d’éviter une dépense en desserrant la contrainte pesant sur le dispositif d’hébergement des demandeurs, qui est saturé. Selon vos services, une réduction d’un mois du délai d’examen permettrait d’économiser quelque 20 millions d’euros. Ne l’oublions pas au moment de nous prononcer sur l’opportunité de nouveaux recrutements à l’OFPRA ou à la Cour nationale du droit d’asile : ces recrutements sont coûteux, mais génèrent des économies plus importantes encore.

Ma première question porte sur l’engagement du président de la République, lorsqu’il était candidat, de ramener à six mois le délai d’examen des demandes d’asile, engagement souscrit dans une lettre du 25 avril 2012 adressée à France terre d’asile et précisé lors du débat télévisé de l’entre-deux tours. Ce délai de six mois doit sans aucun doute être interprété comme incluant le délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile. En effet, le délai d’instruction par l’OFPRA était déjà inférieur à six mois en 2011 : il serait absurde que M. Hollande se soit engagé à rallonger le délai d’examen des demandes d’asile ! Lors du débat de l’entre-deux tours, celui-ci a d’ailleurs fait clairement référence au délai d’un an et demi qu’il souhaitait réduire à six mois et qui correspond au délai de traitement par l’OFPRA et par la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA.

C’est donc avec une grande surprise que nous avons appris, en lisant une des réponses adressées par vos services, monsieur le ministre, que l’engagement présidentiel devait être entendu « recours non inclus ». Pourriez-vous rectifier officiellement ce qui est certainement une erreur d’interprétation ? Il ne s’agit pas d’un point purement technique : non seulement pour les trois quarts des demandeurs, c’est-à-dire pour plus de 40 000 personnes par an, le délai d’instruction s’entend recours inclus, mais plus d’un réfugié sur deux s’est vu reconnaître ce statut par la Cour, et non par l’OFPRA.

Ma deuxième question porte sur les moyens que vous entendez affecter à la réduction des délais. Sans esprit de polémique, je rappellerai en effet que la précédente majorité a considérablement renforcé les effectifs de l’OFPRA et de la CNDA. Le nombre d’officiers de protection instructeurs de l’Office a ainsi été porté de 106 à 162 entre 2007 et 2012, tandis que celui des rapporteurs de la Cour nationale du droit d’asile a quasiment doublé en deux ans : de 70 fin 2009, il est passé à 135 fin 2011. Ces renforts ont permis, dans un contexte difficile, marqué par une hausse considérable de la demande d’asile déjà soulignée par les orateurs précédents – plus 61 % entre 2007 et 2011 –, d’accroître de 47 % le nombre de décisions rendues par l’OFPRA au cours de cette même période, et de réduire de six mois les délais de jugement de la Cour en 2011.

On pouvait s’attendre, compte tenu de l’engagement ambitieux pris par le Président de la République, à ce que vous poursuiviez et même amplifiiez ces efforts. Je crains pourtant, à la lecture de ce projet de loi de finances, qu’il n’en soit rien. La Cour ne bénéficiera ainsi d’aucun renfort en 2013, au prétexte que les avocats ne pourraient pas suivre. Et à l’OFPRA, seuls dix officiers supplémentaires seront recrutés, quand le précédent gouvernement en avait recruté cinquante ! Compte tenu du nombre de dossiers traités par agent, il en faudrait trois fois plus pour résorber les stocks, ce qui est indispensable pour réduire les délais.

Pourquoi ne dotez-vous par l’OFPRA et la Cour des moyens nécessaires, sachant que la réduction des délais est génératrice d’économies considérables en termes d’hébergement et que ces recrutements seraient donc – la formule est peu appropriée, je le reconnais – économiquement rentables ?

Ma dernière question porte sur la vacance du poste de directeur général de l’OFPRA – l’ancien directeur général, M. Jean-François Cordet, ayant été nommé préfet de la région Picardie le 1er août dernier. Quels sont ses motifs ? Traduit-elle un désintérêt de ce Gouvernement pour les questions d’asile ? Le Gouvernement estime-t-il la fonction inutile, ou cherche-t-il ainsi à réduire les dépenses publiques ? Il serait très préoccupant de laisser ce poste stratégique vacant, au risque de plonger l’OFPRA dans des difficultés que nous ne pourrions plus résoudre.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Les cinq dernières années, les demandeurs d’asile et les immigrés ont été considérés comme quantité, mais aussi comme qualité négligeable. Cela n’a que trop duré. Le budget consacré au programme « Immigration et asile » a donc été établi à la mesure des enjeux qui s’imposent et des engagements que la France a pris, notamment en ratifiant la convention de Genève qui régit le droit d’asile.

Avant tout, rappelons qu’un demandeur d’asile est, a priori, en situation d’urgence tant psychologique que sociale, n’ayant eu d’autre choix que de quitter sa terre pour se réfugier en France. Rappelons que la France se devrait d’être un modèle en matière d’accueil, autant par son histoire que par les accords internationaux qu’elle a ratifiés. Rappelons que la dernière législature n’a permis de traiter ni avec efficacité, ni avec humanité, ni avec responsabilité la situation administrative, sanitaire et sociale des demandeurs d’asile. Elle n’a pas non plus permis de se justifier d’un succès quelconque en matière d’immigration.

Je ne prendrai qu’un exemple, celui du logement des demandeurs d’asile. Plutôt que de recourir systématiquement à l’allocation temporaire d’attente et à l’hébergement d’urgence, il aurait été bien plus simple de construire régulièrement le nombre de places nécessaires pour héberger les demandeurs d’asile en centre d’accueil. Il n’en a pas été ainsi, et nous héritons aujourd’hui d’une situation intenable.

En favorisant un accompagnement global des demandeurs d’asile, tant du point de vue de l’hébergement que du point de vue administratif, nous améliorons la clarté et l’efficacité du dispositif, nous garantissons un meilleur suivi des demandeurs d’asile et nous nous dotons d’un projet d’accueil et de régulation à long terme.

Tout d’abord, l’Office français pour les réfugiés et les apatrides, chargé d’instruire les dossiers des demandeurs d’asile, verra ses effectifs augmenter de dix équivalents temps plein. Cet effort permettra de diminuer le délai de traitement des dossiers et de maximiser la hausse prévue du nombre de places disponibles en hébergement pérenne.

Ensuite, la création de 1 000 nouvelles places en centre d’accueil des demandeurs d’asile nous permettra d’atteindre un taux de 45 % de demandeurs en cours de procédure hébergés à l’horizon 2015. Pourquoi seulement 45 % ? Parce que le nombre de places restera insuffisant : les demandeurs d’asile paient l’absence d’investissements réalisés au cours des dernières années. Il nous faudra donc soutenir le mouvement tout au long de la législature. En ce domaine, nous sommes limités non par notre propre volonté, mais par l’absence de volonté des dirigeants d’hier. Compte tenu du délai d’instruction des dossiers et de l’augmentation de la demande, la nécessité de réévaluer les crédits consacrés à l’hébergement d’urgence n’échappera à personne.

Par ailleurs, la dotation globale de 120 millions d’euros pour soutenir l’activité d’Adoma – une association œuvrant au niveau national en faveur du logement d’urgence –, ainsi que d’autres dispositifs à gestion déconcentrée donneront aux préfets une capacité plus importante en termes de pilotage ou de financement de projets. Mais ne pourrait-on pas utiliser ces crédits supplémentaires pour financer de nouvelles places en CADA ou en CPH – les centres provisoires d’hébergement, qui logent les demandeurs une fois qu’ils ont obtenu le statut de réfugié –, c’est-à-dire pour favoriser l’hébergement pérenne ? Il nous appartient d’y réfléchir.

L’enveloppe couvrant l’allocation temporaire d’attente (ATA) est portée à 370 millions d’euros, et 230 millions seront consacrés aux actions de prise en charge médico-psychologique et sociale. Cette dotation répond à des situations urgentes de fragilité physique et morale.

L’augmentation du budget lié aux demandeurs d’asile ne sert pas uniquement à compenser le déficit d’engagement de la législature précédente. Ces moyens sont au service d’un projet ; ils s’inscrivent dans une perspective politique globale d’accompagnement. Dans cet esprit, le volet financier consacré à l’asile et à l’immigration traduit en actes une volonté politique très forte, attentive aux personnes et soucieuse d’humanité. Le choix de faciliter l’accès à la naturalisation, annoncé par le ministre, symbolise ce changement.

Mais il nous faut continuer nos efforts. Les actions d’intégration des étrangers en situation régulière doivent se poursuivre, notamment en matière d’accès à l’emploi, d’enseignement de la langue française et de formation. Or la réduction des crédits ne risque-t-elle pas de les remettre en cause ? De la même manière, accueillir des personnes en préfecture à six heures du matin n’est pas une bonne chose.

Mes chers collègues, le Gouvernement ne considère pas celui qui fuit ses terres comme un opportuniste, ni comme une variable d’ajustement électorale ou budgétaire. Nous pouvons être fiers de cette posture politique ferme, rigoureuse et raisonnée, qui ne sombre ni dans l’angélisme, ni dans la démagogie, ni dans la stigmatisation. Chacun le sait, c’est à la mesure du sort réservé aux plus fragiles que se juge le souci de justice sociale d’un gouvernement. Le nôtre répond une fois de plus présent ; nous pouvons en être fiers.

M. Guillaume Larrivé. En m’exprimant au nom de l’UMP, je tiens à souligner d’abord combien le défi de l’immigration est difficile à aborder. Il ne s’agit pas d’un dossier comme les autres, qu’il suffirait de traiter par des règles juridiques et des crédits budgétaires ; nous parlons de personnes, d’hommes et de femmes qui souhaitent quitter leur pays pour rejoindre le nôtre.

J’ai la conviction que nous devons aborder ces questions de manière paisible, en gardant à l’esprit trois principes d’action.

Le premier est que la France, comme tout pays au monde, a le droit de choisir qui elle souhaite accueillir sur son territoire. Le mot de frontière n’est pas un tabou, et il est légitime que l’État fixe des règles pour définir qui peut entrer en France et qui peut s’y installer. Il est tout autant légitime que l’État fasse respecter ces règles. Nous n’avons pas à nous excuser de faire appliquer la loi de la République, ni d’éloigner, y compris par la contrainte, les clandestins qui refusent de retourner volontairement dans leur pays.

Le deuxième principe est que nous devons réduire les flux d’immigration vers la France compte tenu de nos capacités d’accueil. La crise économique et financière qu’affronte notre pays rend en effet nécessaire une diminution du nombre de personnes accueillies en France.

Troisième principe : les personnes étrangères qui séjournent durablement à l’intérieur de nos frontières, qui maîtrisent notre langue, qui connaissent et aiment notre pays, qui travaillent, qui respectent nos lois et nos valeurs ont vocation à rejoindre la communauté nationale. La France est une nation qui sait accueillir en son sein les personnes qui réussissent leur parcours d’intégration et, plus encore – comme le dit explicitement le code civil –, leur assimilation.

C’est au regard de ces trois principes que nous avons attentivement examiné votre budget, traduction d’une politique. Je souhaite vous faire part d’un point d’accord – avec vous, monsieur le ministre, mais pas avec le groupe socialiste – et de trois points de désaccord, qui nous conduiront à ne pas voter les crédits de cette mission.

Le point d’accord porte globalement sur la politique d’asile. Oui, la France doit rester fidèle à sa tradition d’accueil des combattants de la liberté ; oui, nous devons continuer à diminuer les délais d’examen des demandes, devant l’OFPRA comme devant la Cour nationale du droit d’asile ; oui, nous devons réussir à bâtir une véritable politique européenne de l’asile. Vous vous y employez d’ailleurs avec votre collègue allemand au sein du conseil « justice et affaires intérieures » – JAI –, vous inscrivant ainsi pleinement dans la continuité de la conférence sur l’asile organisée par Brice Hortefeux en septembre 2008, pendant la présidence française de l’Union européenne.

Mais – et c’est le premier désaccord majeur – vous n’assumez pas clairement la nécessité de reconduire dans leur pays les étrangers en situation irrégulière, si besoin en utilisant la contrainte. Si plus de 225 000 clandestins ont été raccompagnés chez eux entre 2002 et 2011, c’est parce que les ministres successifs ont assumé le fait de demander aux préfets, aux policiers et aux gendarmes d’intervenir pour les expulser. Au contraire, vous avez choisi de ne plus assigner à chaque préfet un objectif chiffré de reconduite à la frontière. De même, les documents budgétaires ne comportent aucun objectif national.

Je ne sous-estime pas les difficultés pratiques et juridiques entraînées par la jurisprudence récente de la Cour de cassation, qui a compliqué la tâche de l’administration. Il est urgent de modifier la procédure d’éloignement – et nous en débattrons bientôt en examinant un projet de loi –, mais il est aussi urgent de réaffirmer une volonté politique de lutte contre l’immigration irrégulière, qui fait aujourd’hui défaut. Notre collègue Grandguillaume veut fermer des centres de rétention administrative ; nous pensons au contraire qu’il faut les remplir.

Le Gouvernement envoie plusieurs messages d’ouverture à l’intention des clandestins. Cet été, la ministre de la santé a fait voter une réforme de l’aide médicale d’État destinée à rendre totalement gratuits les soins qui leur sont prodigués ; vous proposez quant à vous de supprimer le délit d’aide au séjour irrégulier ; et le ministre du budget a accepté, lundi soir – peut-être dans un moment d’égarement –, une forte diminution de la taxe prélevée sur les cartes de séjour de régularisation : celle-ci passe de 110 à 50 euros. Telle est, au-delà des discours, la réalité.

Le deuxième point de désaccord concerne les naturalisations. Vous avez décidé – par une simple circulaire, une méthode qui diffère peu des courriers électroniques de M. Guéant – de supprimer un certain nombre de contrôles qui permettaient aux agents de l’État de s’assurer de l’assimilation des personnes souhaitant devenir françaises. Vous êtes même allé jusqu’à donner instruction aux préfets d’accepter des demandes de naturalisation présentées par des étrangers entrés illégalement en France. Cela traduit une conception curieuse de l’assimilation dans la communauté nationale.

Enfin, le troisième désaccord porte sur la dimension internationale de la politique d’immigration. Je regrette que le budget du ministère chargé de l’immigration, contrairement à ce qui avait été engagé lors du quinquennat du président Sarkozy, ne comporte plus aucun crédit relatif à l’aide publique au développement : ils ont tous été transférés au Quai d’Orsay. C’est, je le crains, la fin de la politique de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire, qui consistait à négocier des traités avec les pays d’origine. La France en avait signé treize, notamment avec les pays d’Afrique subsaharienne. Il s’agissait à la fois de limiter l’exode de compétences que subissent ces pays et de réduire en retour l’immigration en France. Interpellé à ce sujet, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, a eu cette réponse édifiante, publiée au Journal officiel : « La politique d’aide au développement n’a certainement pas pour objet la lutte contre l’immigration irrégulière ».

Tout cela prouve que le Gouvernement défait méthodiquement ce que la précédente majorité avait entrepris dans le but de réduire les flux migratoires. C’est, nous le pensons, un choix dangereux pour la France.

M. Arnaud Richard. Monsieur le ministre, le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » est potentiellement le plus clivant qui soit, et ce n’est que par défaut que vous échappez à ce danger. Ainsi, s’agissant des demandeurs d’asile, je ne vois rien de nouveau dans le projet de loi de finances, alors que la France est l’un des premiers pays d’accueil en Europe. Vous ne faites que suivre le rythme, incontestablement soutenu en raison de l’actualité internationale et des engagements pris par notre pays. Vous vous contentez de gérer le flux.

Non seulement les taux de progression des crédits ne varient pas entre 2012 et 2013, mais on peut relever des termes identiques d’un document budgétaire à l’autre, comme dans cet exemple : « des efforts sensibles ont été réalisés, au cours des dernières années, dans la prise en charge des CADA »… Le texte conclut d’ailleurs, et c’est tant mieux, à la nécessité de maintenir cet effort.

Nous partageons bien évidemment vos préoccupations en matière de réduction des délais de traitement des demandes : c’était également celles de vos prédécesseurs. Le rapport montre d’ailleurs l’efficacité de la convention liant l’État et l’OFPRA.

S’agissant des logements des demandeurs d’asile, vous êtes paradoxalement moins généreux que vos prédécesseurs : l’abondement annuel, qui était de 51 millions d’euros en 2011-2012, tombera à 34 millions d’euros en 2012-2013.

En bref, la France reste un pays ouvert au monde, mais vous ne faites que vous inscrire dans une continuité.

En matière d’immigration irrégulière, nous partageons les principes républicains que sont l’application rigoureuse des objectifs de lutte contre l’immigration clandestine et la maîtrise des flux migratoires adaptée au contexte économique de notre pays, tout en veillant à garantir en toutes circonstances la dignité humaine, notamment dans les centres de rétention. Or même si ce dossier ne se résume pas à un tableau statistique, nous sommes étonnés de ne vous voir afficher aucun objectif de résultat, au prétexte de la difficulté d’évaluer la pression migratoire. S’agit-il d’un flagrant délit de cachotterie ? Cette façon de camoufler sous de bons sentiments votre incapacité à assumer une politique est décevante et dommageable pour le pacte républicain.

Ce qui ne fait aucun doute, en revanche, c’est la baisse substantielle de l’effort financier consenti : les crédits consacrés à la lutte contre l’immigration irrégulière refluent à 76 millions d’euros, après avoir atteint 85 millions d’euros en crédits de paiement en 2012. Le risque est donc majeur de ne pas maîtriser un problème très difficile. Vous devez assumer cette charge et ne pas vous contenter de stigmatiser vos prédécesseurs.

Finalement, monsieur le ministre, ce que vous nous proposez n’est pas vraiment nouveau, dès lors que vos actes politiques sont contraints par les circonstances.

Pour finir, les décisions prises aujourd’hui au Conseil européen sont déterminantes pour la politique d’asile dans notre pays. Elles vont dans le bon sens. La question sensible de l’asile, qui pollue toute la politique du logement, et notamment du logement social, doit être examinée avec beaucoup d’attention et en adoptant une attitude républicaine. C’est ce que nous espérions déjà, avec Mme Danièle Hoffman-Rispal, lorsque nous avons travaillé, juste avant les élections, sur l’hébergement d’urgence. À cet égard, la qualité de nos débats de ce soir me donne beaucoup d’espoir.

M. Marc Dolez. Le groupe GDR regrette le choix du Gouvernement de continuer à attribuer l’ensemble des compétences en matière d’immigration, dont l’asile et l’intégration, au seul ministère de l’intérieur, alors qu’elles étaient réparties sur plusieurs ministères avant 2007. Nous souhaitons en tout cas qu’une telle décision ne traduise pas la persistance d’une conception sécuritaire de l’immigration, que nous réprouvons.

Les crédits du programme « Immigration et asile » sont en augmentation, mais nous regrettons que, pour la troisième année consécutive, les dispositifs d’urgence se voient dotés d’une part nettement supérieure à celle de l’hébergement pérenne. Nous ne comprenons pas cette logique tendant à octroyer plus de crédits aux dispositifs d’urgence, plus coûteux et moins efficaces, au détriment des dispositifs pérennes, et notamment des CADA, pourtant seuls garants de la stabilité de l’accompagnement, de la dignité et de la justice tout au long de la procédure d’asile. À cet égard, les 1 000 places dont la création est prévue cette année semblent bien dérisoires quand les associations – en particulier France terre d’asile – estiment qu’il en faudrait entre 5 000 et 10 000 de plus. Nous sommes donc soucieux de constater qu’en 2013, le dispositif d’hébergement d’urgence disposera d’une capacité d’accueil identique au dispositif pérenne, institutionnalisant ainsi l’inégalité de traitement entre demandeurs d’asile.

S’agissant de la lutte contre l’immigration irrégulière, nous prenons acte avec satisfaction de la volonté exprimée par le Gouvernement de mettre un terme à la politique du chiffre. Monsieur le ministre, vous avez annoncé en juillet l’élaboration d’une circulaire adressée aux préfets et destinée à préciser les critères à prendre en compte pour régulariser les étrangers en situation irrégulière. Pouvez-vous confirmer qu’elle sera élaborée avec les associations concernées, en particulier celles qui sont regroupées au sein de la Plateforme 12 ? Dans quel délai sera-t-elle publiée ?

Malgré la diminution du nombre de personnes placées en rétention administrative, les conditions de rétention demeurent intolérables à nos yeux. Votre circulaire du 6 juillet constitue certes une avancée, mais elle n’est pas pleinement satisfaisante, car elle n’interdit pas la rétention des enfants accompagnés de leurs parents – elle se contente de préciser que cette pratique doit devenir exceptionnelle. Par ailleurs, elle ne dit rien de la rétention administrative des enfants étrangers isolés.

Concernant le programme « Intégration et accès à la nationalité française », la diminution des crédits qui lui sont consacrés nous paraît contre-productive et inquiétante, alors que les besoins ne cessent de croître. Cela étant, nous sommes satisfaits de la volonté du Gouvernement de revenir sur la très forte réduction du nombre de naturalisations mises en œuvre depuis 2010. En particulier, la circulaire que vous avez publiée la semaine dernière pour modifier les conditions de naturalisation va dans le bon sens.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. M. Richard a raison : ces questions sont difficiles, compliquées, non seulement parce qu’elles ont été utilisées sur le plan politique depuis des années – notre pays n’est d’ailleurs pas le seul à connaître un tel phénomène –, mais aussi parce que le rapport à l’autre, à l’étranger, est un problème très ancien dans notre société. Il faut essayer d’appréhender ce problème avec justesse, dans le respect des personnes, sans stigmatiser, avec la volonté de respecter les droits, mais sans faire preuve de naïveté. Nous savons en effet ce que peut coûter à une société le fait qu’une crise économique se conjugue avec une crise identitaire et culturelle. Cela peut conduire à des incompréhensions, des rejets, des mouvements de fond qui emporteraient tous les républicains. J’appelle donc à tenir un discours de responsabilité, qui doit se traduire par des actes.

Certes, nous sommes ici pour discuter d’un budget, mais derrière les chiffres, il y a des politiques, et aussi des mots. Or les mots, dans une société en crise, peuvent compter : ils peuvent aviver les tensions ou, au contraire, les apaiser en faisant appel à l’intelligence de nos concitoyens. Il est donc de notre responsabilité d’informer et de faire œuvre de pédagogie. En disant cela, je ne cherche à donner aucune leçon.

M. Grandguillaume a, avec raison, placé son discours sous l’égide de Jean Jaurès et des notions de responsabilité, de vérité, de fermeté et de justice. C’est bien la démarche que nous essayons d’adopter.

La difficulté de ce budget, c’est qu’il touche à des questions très différentes, même si elles ne sont pas sans lien entre elles. Le choix a été fait par le Président de la République et le Premier ministre de conserver une cohérence à la politique migratoire, sous la responsabilité du ministre de l’intérieur. Je l’ai dit hier à propos de la mission « Sécurité » : il n’est pas nécessaire de défaire à tout prix ce qui a été fait, ou d’opérer systématiquement des ruptures pour être efficace, pour améliorer une politique ou faire en sorte qu’elle corresponde aux valeurs que nous jugeons essentielles. Défaire, c’est prendre le risque de perdre du temps et de faire passer des messages contradictoires, à l’intérieur comme à l’extérieur de notre pays. Nous ne voulions pas prendre cette responsabilité. C’est aussi une question de cohérence.

Monsieur Dolez, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire aux associations, je n’admets pas que le ministère de l’intérieur soit perçu uniquement comme celui de la police et de la répression. La police et la gendarmerie assument, certes, l’ordre républicain, car sans cet ordre il n’y a ni progrès social, ni droits, ni possibilité de vie commune. Qui, sinon les policiers et les gendarmes, pourrait assurer la régulation des flux migratoires ? Voulez-vous que ce soient les élus, les associations, les gardes champêtres, les curés ? Soyons sérieux ! C’est aux forces de l’ordre d’assumer pleinement ces responsabilités. Mais le ministère de l’intérieur c’est aussi le ministère des droits, et c’est sous le régime de la loi et de la Constitution qu’agissent ses fonctionnaires. Je le dis avec fermeté, car j’en ai assez de cette vision répressive du ministère de l’intérieur. Cette position fait l’objet d’un débat au sein de la gauche, mais pour ma part, je l’assume.

M. Marc Dolez. Vous avez un héritage aussi !

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. C’est un autre héritage que je revendique. Vous le savez bien, monsieur Dolez, ceux qui ont gouverné à gauche depuis 1981 n’ont jamais failli quand il s’est agi de maintenir l’ordre. Mais l’héritage ne fait pas non plus des policiers et des gendarmes des sarkozystes en puissance. Il y a une continuité – et je l’assume – dans le choix de garder la politique migratoire et d’asile, et celle d’intégration et de naturalisation sous la responsabilité des préfets. Ces derniers sont des hauts fonctionnaires qui ont souvent été maltraités ; et s’ils assument une ligne politique, c’est au nom de l’intérêt général et de l’État de droit.

Il s’agit de débats compliqués, et beaucoup de questions techniques ont été soulevées.

Monsieur Larrivé, vous dites que la France a le droit de choisir qui elle doit accueillir sur son territoire. Ayant d’autres références, je préférerais, pour ma part, citer – en entier – la fameuse phrase de Michel Rocard, mais d’une certaine manière, je pourrais faire écho à votre remarque : oui, la France en a le droit, dans le respect de la loi républicaine et des conventions européennes et internationales qui régissent l’immigration et le droit d’asile. La loi républicaine doit être claire, et s’appliquer de manière égale pour tous, dans la dignité et le respect des personnes.

Je constate que vous êtes d’accord avec moi quand je suis moi-même d’accord avec mes prédécesseurs, mais en désaccord quand j’introduis un changement. Vous m’accusez de ne pas assumer les reconduites à la frontière, mais je vous mets en garde contre ce qui n’est qu’un procès d’intention. Le Président de la République a promis de lutter avec fermeté et rigueur contre l’immigration clandestine, s’attaquant avant tout à ceux qui l’organisent. Dans le cadre de cette politique de lutte contre l’immigration irrégulière, j’effectue des reconduites à la frontière ; je procède et je procéderai à des éloignements dans le respect du droit. Je ne fais pas de course au chiffre, mais le nombre de reconduites à la frontière réalisées en 2012 sera supérieur à celui de 2011. Le débat serait plutôt de savoir qui on reconduit ; en l’occurrence, il s’agit souvent de populations européennes, ce qui a également permis d’augmenter ce chiffre.

C’est non pas depuis le 15 mai, comme vous l’affirmez, mais depuis le mois de mars que les éloignements sont en diminution. Étant au pouvoir, vous aviez en effet refusé d’appliquer les recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne sur la suppression des gardes à vue des étrangers en situation irrégulière. Les juges, eux, ont commencé à appliquer cette décision par anticipation, avant même notre arrivée au pouvoir, et encore plus quand un premier avis de la Cour de cassation l’a confirmée début juillet. Un texte de loi créant un mécanisme de retenue pour vérification du droit de séjour est en cours d’examen au Sénat ; mais ce mécanisme aurait dû être anticipé avant, son absence étant l’une des raisons de la baisse des reconduites à la frontière.

À l’aide de ce nouveau mécanisme – qui doit encore être débattu et voté par le Parlement – ce Gouvernement et le ministre de l’intérieur que je suis ont la volonté de mener une politique humaine, juste, respectueuse du droit, mais très ferme concernant les reconduites à la frontière. Il n’y aura pas non plus de régularisations massives des sans-papiers ; nous préparons actuellement une circulaire allant dans ce sens et aurons aussi l’occasion d’en débattre. Cette politique est celle du Président de la République et du Premier ministre, et je l’applique sans réserve. Ces sujets ont été tellement exploités depuis quelques années que la confusion pointe dès que le débat ne respecte pas la bonne foi, les chiffres. J’espère avoir clarifié ce qu’est le fond de notre politique dans ce domaine.

J’en viens aux questions des rapporteurs. La situation relative à l’hébergement des demandeurs d’asile, qu’ont évoquée M. Grandguillaume et Mme Dagoma, n’est pas satisfaisante. Des efforts ont été faits dans le passé, notamment en matière de création de places dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, les CADA. La politique d’asile n’est pas une variable d’ajustement de la politique d’immigration, même si cette dernière doit parfois s’occuper des déboutés du droit d’asile. Je n’ai pas pu me rendre au conseil « Justice et affaires intérieures », au Luxembourg, mais nous avions anticipé ses décisions avec mon homologue allemand à l’occasion de notre rencontre à Berlin il y a deux jours. Le droit d’asile est aujourd’hui détourné par certains ressortissants des pays qui ont récemment bénéficié d’une libéralisation du régime des visas, ce qui engendre des difficultés importantes. M. Grandguillaume connaît parfaitement le sujet puisque dans tout l’est de la France, les villes, les structures de l’État et les associations font face à un afflux de demandes d’asile.

Cependant, la sous-dotation structurelle des crédits d’hébergement d’urgence place les préfets dans une situation très difficile. L’absence de visibilité sur les crédits les empêche de passer des contrats avec les structures d’hébergement dans de bonnes conditions. Pour le budget 2013, j’ai obtenu deux arbitrages importants : d’une part, la création de 1 000 places supplémentaires en CADA, bon début lorsque l’on sait qu’aucune place nouvelle n’avait été ouverte depuis plus de deux ans, alors que le nombre de demandeurs d’asile a augmenté de près de 25 % durant la même période ; d’autre part, un rebasage des crédits d’hébergement d’urgence de 35 millions d’euros qui permet enfin d’ajuster la dotation à la réalité de la dépense. Si la demande d’asile n’augmente pas de façon imprévue – l’hypothèse inverse n’est malheureusement pas à exclure –, nous pourrions sortir de l’insincérité budgétaire qui complique la gestion des dispositifs au plan local.

La diminution des délais d’examen des demandes d’asile est la priorité du Président de la République, que je mets en œuvre. Début 2013, des effectifs supplémentaires seront pour cela recrutés à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. Dans ces conditions, la durée de séjour en CADA devrait être réduite, ce qui entraînera un turn-over plus important et donc une capacité d’accueil accrue en CADA, au-delà des 1 000 places créées. J’ai bien entendu les remarques formulées sur les coûts respectifs des deux systèmes et l’avantage économique de l’hébergement en CADA – au demeurant pas toujours vérifié car il dépend de la composition de la famille du demandeur d’asile hébergé, et notamment de la présence ou non de mineurs. Je suis prêt à examiner en cours d’année, en fonction de la situation en CADA et de l’hébergement d’urgence, avec ma collègue Cécile Duflot, une éventuelle substitution de crédits entre les deux dispositifs, à coût constant, au bénéfice de création de places supplémentaires en CADA. Cette évolution devra être validée au niveau interministériel, en association avec le Parlement.

Une autre question concerne l’utilité de conserver tous les centres de rétention administrative. Le taux d’occupation des CRA est de 52,5 % sur les neuf premiers mois de l’année 2012, en très légère augmentation par rapport à la même période de 2011 ; il était de 46 % pour le seul mois de septembre. Ces taux – liés aux décisions de la Cour de cassation sur la garde à vue – peuvent conduire à s’interroger sur le maintien du nombre de places qui s’élève aujourd’hui à 1 672. Je ne suis pas fermé à cette réflexion, mais il faut tenir compte des éléments plus qualitatifs : certains CRA peuvent être ponctuellement indisponibles, suite à des dégradations, comme actuellement à Bobigny, à des destructions, comme dans le passé à Vincennes, ou à des travaux. La capacité d’accueil en CRA doit donc toujours prévoir une marge pour faire face à des besoins imprévus. Au-delà de la simple capacité d’hébergement, il faut aussi prendre en considération le maillage territorial. Pour que les procédures d’éloignement se déroulent dans des conditions satisfaisantes et respectueuses des droits, les CRA ne doivent pas être trop éloignés des lieux d’interpellation. Il ne faudrait pas que, comme cela a pu se faire dans le passé, faute de CRA à proximité ou disponible, les retenus soient mélangés aux gardés à vue dans des commissariats de police. Enfin, et avant toute décision de fermeture de CRA, il importe d’avoir stabilisé la réflexion sur l’articulation entre rétention et assignation à résidence, tout en tenant compte de la décision de la Cour de cassation, de la nouvelle loi à venir, et des évolutions européennes en matière de rétention qu’il nous faudrait anticiper – je compte, mesdames, messieurs les députés, sur vos conseils et sur votre travail à cet égard.

S’agissant du marché de l’assistance juridique évoqué par M. Grandguillaume, en vigueur depuis 2010, décomposé en huit lots et confié à cinq associations, il arrive à son terme à la fin de cette année. Les modalités de poursuite de cette action sont en cours d’examen et, avant de lancer un nouveau marché pluriannuel, je souhaite que la réflexion menée par nos services sur l’articulation entre rétention et assignation à résidence soit stabilisée.

Lorsque je me suis rendu en Roumanie en septembre dernier, en compagnie de Bernard Cazeneuve et de Dominique Raimbourg, tous mes interlocuteurs – ministres comme associations et ONG proches des populations roms – m’ont dit que notre système d’aide au retour humanitaire, qui coûte chaque année environ 3 millions d’euros, était inadapté, voire idiot, et qu’il avait un effet incitatif au départ pour les populations qui viennent en France. Nous sommes en train d’évaluer cette question ; je souhaite qu’elle soit traitée dans le cadre du groupe de travail mis en place au niveau européen à notre demande et accepté par la commissaire Viviane Reding, qui réunit les pays d’accueil comme les pays d’origine. S’il nous faut décider rapidement des orientations à adopter, nous devons nous garder de toute rupture brutale, car cette aide permet aussi les reconduites à la frontière et en y mettant fin, même pour de bonnes raisons, nous risquons de mettre en péril leur déroulement. Dans ce domaine délicat, il nous faudra nous appuyer sur les expériences et les possibilités disponibles ; je ne fais pour ma part qu’indiquer la direction que nous devrons prendre.

M. Alain Christnacht est revenu il y a quelques semaines d’une longue mission à Mayotte et aux Comores que le ministre des affaires étrangères et moi-même lui avions confiée. Le contexte local est celui d’une grande misère ; votre collègue Bernard Lesterlin qui connaît parfaitement le sujet peut témoigner du nombre de morts par noyade entre les Comores et Mayotte. Le CRA de Mayotte ne répond pas, en l’état, aux exigences en termes de conditions d’accueil, et son relogement est pour moi une priorité. Des travaux d’aménagement et de rénovation des locaux actuels, pour un coût de 400 000 euros, permettront avant la fin de l’année de doter le centre de trois salles dédiées respectivement aux femmes, aux familles et aux hommes, et de réaménager le poste de garde. Un nouveau CRA de 136 places, conforme aux normes d’espace et d’équipement, pourvu d’une zone d’attente de douze places et de locaux dédiés à la police aux frontières, la PAF, sera livré en 2015. Le projet est évalué à 25 millions d’euros. Le marché a été notifié le 18 septembre dernier et le début du chantier est prévu pour le printemps 2013.

L’accélération des procédures de traitement des demandes d’asile à l’OPFRA est un engagement du président de la République. Comme l’ont rappelé M. Geoffroy et Mme Chapdelaine, j’ai obtenu un renforcement des effectifs de l’Office, 10 officiers de protection devant être recrutés dès le début de l’année prochaine – chiffre non négligeable dans un contexte financier difficile. Ces mesures doivent permettre de diminuer le délai d’examen des dossiers à l’OFPRA, qui se situe déjà légèrement en dessous de six mois, alors qu’il était passé de 100 jours en 2008 à plus de 180 jours en 2011. Mais l’obtention de résultats dépend aussi de l’évolution de la demande d’asile, difficile à prévoir.

Il est vrai, monsieur Geoffroy, que le Président de la République a souhaité faire diminuer de manière significative les délais de traitement des demandes d’asile, l’objectif étant de passer de dix-huit à six mois. Mais ces délais ne dépendent pas uniquement de l’OFPRA ; le travail de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, prend également beaucoup de temps. Le président Sauvé, avec lequel je me suis entretenu, est conscient de l’effort que chacun doit faire, mais l’objectif de réduire le délai à neuf ou huit mois me paraît plus raisonnable que celui de six mois. Ce serait déjà un progrès important, étant donné la complexité de certains dossiers.

Madame Dagoma, les crédits du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » diminueront en effet de 7,5 % en 2013, passant de 71,6 millions à 66,2 millions d’euros. Cette diminution est conforme à la norme d’évolution des crédits d’intervention décidée par le Premier ministre. Néanmoins, en tenant compte de la hausse des fonds de concours européens, la baisse des crédits est limitée à 3,5 %. Cette évolution ne traduit pas un désintérêt pour la politique d’intégration des étrangers sur notre territoire, mais rend nécessaire un recentrage sur les priorités. L’essentiel de la politique d’intégration est porté par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, dont le budget atteint 188 millions d’euros en 2012, soit près du triple des crédits du programme 104. La baisse de ces derniers affecte la subvention de l’État à l’OFII, principalement financé par les taxes, et à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration pour laquelle le ministère n’est qu’un contributeur parmi d’autres. Le budget de l’OFII pour 2013 préserve cependant les actions relatives à l’apprentissage du français à leur niveau de 2012. Les actions d’intégration des étrangers en situation régulière diminuant pour leur part de 3,2 millions d’euros, je souhaite les réorienter vers les étrangers arrivés récemment, pour financer en priorité l’apprentissage de la langue et l’accompagnement des familles primo-arrivantes vers une meilleure connaissance de l’école. Enfin, j’ai tenu à ce que les actions d’intégration des réfugiés soient sanctuarisées.

Nous pourrons revenir dans un autre contexte sur les grands axes de la politique du Gouvernement en matière d’intégration ; je me contente de signaler que le Premier ministre a confié au conseiller d’État Thierry Tuot une mission de réflexion sur la notion d’intégration et sur le portage administratif de la politique qui y est attachée. Nous aurons également l’occasion de reparler du projet de loi qui devrait être déposé au premier semestre 2013, visant à créer un titre de séjour pluriannuel susceptible de donner davantage de stabilité et de visibilité à ses titulaires.

Dans son arrêt du 27 septembre, la CJUE a considéré que les conditions d’accueil devaient être ouvertes aux demandeurs d’asile dont le dossier a vocation à être traité par un autre État membre en vertu du règlement de Dublin. Cela implique un hébergement d’urgence jusqu’au transfert effectif des demandeurs, alors que cet hébergement leur est ouvert actuellement jusqu’au mois suivant la décision d’admission, et l’ouverture de droits à l’allocation temporaire d’attente. Comme vous l’avez noté, l’impact financier sur les dépenses d’ATA de cette décision, intervenue après les arbitrages budgétaires, n’a pas été intégré dans le projet de loi de finances pour 2013 ; la France devra néanmoins respecter ses obligations. Une mission d’inspection doit se pencher très prochainement sur les modalités de gestion de l’ATA pour en identifier les marges d’amélioration, dans le respect des obligations légales de versement.

Monsieur Mennucci, nous avons décidé de modifier le dispositif d’accès à la nationalité française. Comme vous l’avez rappelé, ces dernières années, l’accès à la nationalité française a été entravé, ce qui s’est traduit par une baisse significative des naturalisations. La volonté du Gouvernement est de changer la donne, pour refaire de l’accès à la nationalité un moteur puissant de l’intégration.

Il ne s’agit pas d’ouvrir un grand débat sur la nationalité. Au cours de la législature précédente, j’ai présidé une mission sur la nationalité dont M. Goasguen était le rapporteur, et notre première audition fut celle de Pierre Mazeau. Cet ancien président du Conseil constitutionnel avait également été un parlementaire éminent, président de la Commission des lois à l’époque de la Commission Marceau Long que vous avez évoquée. C’est fort de toute sa sagesse qu’il nous a alors conjurés de ne plus toucher au droit de la nationalité. Ce type de débat – comme celui sur l’identité nationale, il y a deux ans – déchire la société française, et nous n’en ouvrirons pas de nouveau. Un cadre juridique existe, auquel Mme Guigou a beaucoup contribué comme garde des sceaux ; son application est assurée par des circulaires, comme celle que j’ai récemment signée – et vous en conviendrez, monsieur Larrivé, il y a quand même une différence entre une circulaire signée d’un ministre et un mail non signé.

Tout cela implique un travail important qui ne peut pas s’accomplir en quelques semaines. Une mission d’inspection qui examine en ce moment l’ensemble du dispositif pour me faire des propositions d’évolution, y compris d’évaluation organisationnelle, me remettra son rapport à la mi-novembre ; vous-mêmes, parlementaires, effectuez également un travail de qualité sur ces questions. Mais nous avons souhaité parer à l’urgence en revenant sur les critères les plus discriminants – le temps de présence sur le territoire national, l’âge, la détention d’un CDI – à l’origine de près de 70 % des refus de naturalisation. Soyez rassurés, avec les nouveaux critères, les futurs naturalisés seront de bons Français, et non des « Français au rabais » comme certains l’ont prétendu. Qui peut douter un seul instant de la volonté de ces personnes de s’intégrer dans notre société et d’être des citoyens faisant vivre nos valeurs ? Il s’agit de respecter les droits et les devoirs de chacun : si le Premier ministre a décidé l’abandon du QCM, nous maintenons le niveau d’exigence de maîtrise de la langue française, à laquelle je suis très attentif, ainsi que le principe d’une attestation, qui devient gratuite. Au total, je souhaite mener un travail ambitieux en matière de naturalisation, sans engager de polémique, mais en essayant de corriger le dispositif pour le rendre juste, transparent et efficace.

Vous avez évoqué la création de plateformes interdépartementales pour l’examen des dossiers de naturalisation. Je n’exclus pas de proposer en effet la mise en place d’une nouvelle organisation qui contribuerait à rendre le dispositif plus juste et plus transparent, qui simplifierait le traitement des dossiers tout en restant réaliste et compatible avec les moyens dont disposent les préfectures. Le cas échéant, j’examinerai la proposition de création de ce type de plateformes fondé sur le principe de la professionnalisation et de la mutualisation des pratiques des agents des préfectures. Toutefois, une telle mutualisation peut parfois soulever des problèmes s’agissant notamment des demandeurs d’asile, comme M. Grandguillaume le sait fort bien. Quoi qu’il en soit, nous tirerons tous les leçons de l’examen que nous nous apprêtons à réaliser.

Les conditions d’accueil des étrangers en préfecture, monsieur Grandguillaume, madame Dagoma, doivent en effet être satisfaisantes tant sur le plan du confort que de la discrétion. Il faut prendre sans tarder des mesures concrètes en ce sens. Cela constitue d’autant plus une priorité que la situation demeure inacceptable dans nombre de départements. Les personnes concernées attendent trop longtemps, elles sont parfois refoulées, des trafics se développent même pour accéder à la préfecture. C’est inacceptable ! Lorsque j’habitais en face de la préfecture de l’Essonne, j’ai été témoin de pareilles situations dont sont victimes, je le rappelle, des étrangers en situation régulière.

Les contraintes auxquelles nous sommes confrontés sont connues. La demande d’accueil s’est stabilisée depuis quelques années à un point haut avec près de 800 000 titres délivrés par an et 4,5 millions de réceptions aux guichets. Le nombre des étrangers accueillis augmentera toutefois puisque la biométrisation des titres oblige ces derniers à se déplacer en personne au guichet pour prendre leurs empreintes. Autre conséquence : le transfert en préfecture et en sous-préfecture de l’accueil réalisé jusqu’ici par les mairies ou les universités. C’est dans ce contexte que j’ai demandé là aussi à l’Inspection générale de l’administration de remettre un rapport faisant un point objectif de la situation et proposant des pistes d’amélioration.

S’agissant de la communication au Parlement des taux de décisions défavorables et des motifs sur lesquels elles se fondent, comprenez-moi, monsieur Mennucci : en mettant immédiatement fin aux critères les plus discriminants, je ne souhaite pas entrer dans une politique du chiffre ; je veux redonner à la France, sous l’autorité du Président de la République, des raisons d’être fière de son histoire et de ses valeurs. La chute du nombre de naturalisations que nous connaissons et sur laquelle vous avez insisté résulte d’une politique de repli. C’est précisément cela que nous voulons changer. Je veillerai à l’application de la première circulaire que j’ai envoyée aux préfets comme à celle de la circulaire cadre qui sera élaborée au début de l’année prochaine.

L’indicateur du nombre de refus n’est à cet égard pas suffisant. Il convient d’en analyser les motifs, travail forcément lourd et compliqué. Je me suis prononcé en faveur de la transparence du dispositif et, là encore, j’examinerai avec beaucoup d’attention votre proposition.

Messieurs Geoffroy et Ciotti, j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer les questions de l’intégration des politiques d’immigration dans le périmètre du ministère de l’intérieur, du délai d’examen des dossiers à l’OFPRA et à la Cour nationale du droit d’asile, ainsi que des moyens déployés.

S’agissant de la vacance du poste de directeur général de l’OFPRA, Laurent Fabius et moi-même proposerons dans quelques jours aux Commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat le nom d’un candidat que nous avons choisi pour que vous l’auditionniez. Il est en effet très important que l’OFPRA ait un directeur et il n’est pas question de réaliser des économies sur ce type de poste. Compte tenu des enjeux à venir, nous voulions choisir quelqu’un qui ait un profil d’organisateur et de diplomate. Je ne peux que vous assurer de ses grandes capacités.

Monsieur Dolez, le Président de la République, au cours de la campagne électorale, s’est engagé à fixer plus précisément les critères ouvrant droit à la délivrance d’un titre de séjour. En effet, d’aucuns peuvent avoir le sentiment que la politique menée est arbitraire en constatant les différences existant à ce propos d’un département à l’autre. J’ai donc demandé à mon cabinet et aux services du ministère d’engager la rédaction d’une circulaire en concertation avec les organisations syndicales et le milieu associatif - dont j’ai reçu personnellement les représentants - afin de clarifier les éléments d’appréciation à prendre en compte lors de l’examen par l’autorité administrative compétente.

Les catégories visées par la circulaire seront les parents d’enfants scolarisés, les jeunes majeurs et les étrangers pouvant faire valoir des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, notamment en raison de leur insertion professionnelle. La circulaire précisera les modalités d’appréciation de la durée de séjour mais, à ce stade, nous ne sommes pas encore entrés dans le détail. Il conviendra, ensuite, que le demandeur prouve son insertion dans la société française ainsi qu’une maîtrise orale minimale de notre langue et manifeste son respect des valeurs de la République. Les parents d’enfants scolarisés devront quant à eux prouver qu’ils assurent effectivement la charge qui leur incombe dans le suivi de la scolarité de leurs enfants. Comme vous le savez, l’engagement des parents auprès des enfants dans le cadre de la vie scolaire pendant plusieurs années constitue une preuve satisfaisante d’intégration sociale.

Pour les étrangers qui feront état de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires, il sera tenu compte de leurs capacités à s’insérer professionnellement, en application de l’un des articles du CESEDA. Le champ de l’admission exceptionnelle au séjour par le travail sera quant à lui ouvert à tous les métiers, la procédure de régularisation par le travail n’étant plus limitée aux titulaires d’un contrat de travail dont le métier est listé par arrêté ministériel. Pour les jeunes mineurs devenus majeurs, la circulaire soulignera sans doute l’importance de prendre en considération non seulement les liens personnels et familiaux tissés en France, mais aussi le parcours de réussite scolaire et universitaire.

La circulaire sera publiée dans le courant du mois de novembre et consacrera l’engagement de François Hollande de formuler des règles claires et appliquées de façon égale pour tous et partout. En fixant des critères, elle permettra de régulariser beaucoup d’étrangers, comme c’est déjà le cas du reste – 30 000 sont régularisés tous les ans –, mais il y aura aussi des reconduites à la frontière. Cela signifie donc qu’il n’y aura pas de régularisation massive. Je l’ai déjà dit : cette politique ne se traduira pas par des évolutions sensibles en termes de chiffres, s’agissant tant des régularisations que des reconduites à la frontière. Telle est la volonté du Gouvernement. Personne ne peut en douter : nous serons extrêmement fermes. Nous sommes, en effet, dans une situation économique et sociale où il faut être très prudent. Nous ne pouvons pas nous permettre de promouvoir des politiques qui ne seraient ni acceptables ni acceptées par nos compatriotes.

M. Pierre-Alain Muet, président. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour ces réponses détaillées et complètes.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je vous remercie également, monsieur le ministre, pour la clarté et la précision de vos réponses qui montrent que vous avez une ligne et tenez un cap, ce qui est évidemment essentiel. Je partage les orientations dont vous venez de faire état, lesquelles illustrent une certaine continuité non seulement avec la politique de gouvernements dont j’ai jadis fait partie, mais aussi avec certaines politiques menées, ce qui est une bonne chose.

Les politiques dont vous avez la charge ont une dimension européenne importante, que ce soit en matière d’immigration ou d’asile. De ce point de vue-là, la qualité des politiques européennes mises en œuvre s’est accrue, de même que les processus d’intégration, mais la pression à laquelle nous sommes confrontés s’est aussi accentuée.

La principale porte d’entrée de l’immigration clandestine se situe à la frontière gréco-turque. La Grèce, pour toutes sortes de raison, éprouve les plus grandes difficultés à contrôler cette frontière extérieure de l’Union européenne. Le système européen hérité de Schengen et d’autres traités repose sur la liberté de circulation à l’intérieur de l’espace européen, ainsi que sur un contrôle vigilant des frontières extérieures. Comment évaluez-vous le mécanisme européen de responsabilité et de solidarité auquel chaque État membre est soumis, lequel se manifeste à travers les fonds de concours intégrés dans cette mission budgétaire ? Est-il équitablement partagé ?

L’Europe ayant l’intention de développer un partenariat avec les pays d’immigration, notamment suite au printemps arabe, quelles sont vos priorités en la matière ?

Les politiques européennes du droit d’asile devraient être communes. De nouvelles intentions ont été formulées en ce sens et un calendrier a semble-t-il été fixé pour qu’un « paquet » de directives et de règlements nouveaux créant un tel régime commun soit adopté avant la fin de cette année. Ce calendrier vous paraît-il raisonnable ? Là encore, quels axes prioritaires entendez-vous développer ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’intérêt des questions que je souhaitais vous poser, monsieur le ministre, est un peu obéré par la précision et l’étendue de vos réponses. Je me contenterai donc de vous demander d’approfondir certaines de celles que vous avez apportées.

Vous avez en mémoire les polémiques et les difficultés qui se sont fait jour lorsque le gouvernement précédent a quasiment fermé l’accès aux CRA. Comment jugez-vous le travail des cinq associations qui interviennent en matière d’accompagnement social, d’aide à l’information et d’exercice des droits des personnes retenues ? Qu’en est-il des définitions des modalités de l’appel d’offres ? Dans quelles conditions envisagez-vous la mise en œuvre des dispositifs d’assignation à résidence actuellement à l’étude ?

Le rapport du Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) de M. Arnaud Bernard et Mme Hoffman-Rispal qui avait été rédigé parallèlement à celui de la Cour des Comptes montre, s’agissant des problèmes de logement, d’hébergement d’urgence et de CADA, que nous sommes confrontés à un véritable goulot d’étranglement. La lente augmentation des places, y compris pour des raisons techniques, génère une véritable embolie. Entre les personnes qui peuvent bénéficier des logements d’urgence mais qui n’en trouvent pas et celles qui, faute d’avoir obtenu le statut de demandeur d’asile, ne sortent pas très rapidement des CADA, on mesure l’ampleur des difficultés. Conséquence encore plus grave d’une telle situation : les offres d’hébergement d’urgence sur les territoires, indépendamment du statut des réfugiés et des demandeurs d’asile, sont réduites à la portion congrue. Dans certains départements, après le mois de novembre, on n’en dénombre même plus aucune. Comment faire pour éviter d’avoir a gérer dans l’urgence de telles situations ? Alors que des familles vont de squat en squat, que l’on confond des personnes qui ont des papiers avec celles qui n’en ont pas et que l’offre de logement est totalement fermée, les difficultés rencontrées sont grandes. Une réflexion soutenue sur les enjeux du logement ne pourrait-elle pas être menée conjointement par les ministères du logement, de la cohésion sociale et de l’intérieur ? Je me permets de rappeler que la situation actuelle se traduit par un coût d’hébergement de 1 million d’euros par jour, soit 365 millions d’euros par an : c’est une somme supérieure à l’investissement en faveur de l’aide à la pierre réalisé par le précédent gouvernement !

Enfin, ne pourrait-on pas résoudre le problème des CADA en nouant des partenariats avec Adoma, dont je tiens à souligner les difficultés, en réformant la démarche de cette institution ? Une révision des stratégies d’abandon de patrimoine que nous avons connues ces dernières années pourrait sans doute être aussi engagée afin de proposer des offres nouvelles.

Je suis très satisfait du contenu de la circulaire que vous venez d’annoncer, monsieur le ministre. Les conditions dans lesquelles les décisions interviennent seront enfin mises à plat et leur légitimité, qu’il s’agisse de reconduites à la frontière ou d’informer les demandeurs de la nature des décisions appliquées, en sera confortée.

M. Philippe Goujon. Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, monsieur le ministre. Comme vos prédécesseurs, vous essayez d’associer fermeté et humanité dans un domaine particulièrement difficile. Je crains, toutefois, que cet équilibre ne soit rompu.

En effet, j’ai du mal à croire que, comme vous le dites, vous parviendrez à maintenir un haut niveau de reconduites à la frontière d’étrangers clandestins – 33 000 en 2011 alors que l’objectif du précédent gouvernement était d’atteindre 40 000 en 2012. Aujourd’hui, à Paris, les interpellations d’étrangers sans papier ont chuté de 50 %. Le taux d’occupation des CRA, quant à lui, a baissé de 65 % au mois de mars 2012, de 57 % au mois d’avril, de 55 % au mois de mai, de 48 % au mois de juin, de 41 % au mois de juillet et d’environ 35 %, dit-on, au mois de septembre. La situation n’est donc pas tout à fait la même que sous la précédente majorité. Il y a quelques semaines, on nous a indiqué qu’au CRA du Mesnil-Amelot, le plus grand de France, seules 90 places sur 240 étaient occupées.

Nous sommes très inquiets, car vous ne fixez aucun objectif chiffré. Nous voulons bien vous croire et ne pas vous faire de procès d’intention quand vous dites que le taux de reconduites à la frontière sera supérieur cette année, mais vous ne fixez aucun objectif chiffré pour des raisons de fond.

Vous augmentez de 24 % les crédits de prise en charge de demandeurs d’asile, mais pas ceux consacrés aux reconduites à la frontière. Vous prônez la fermeté dans vos discours, je vous en donne acte de façon républicaine, mais vous assouplissez les critères de régularisation au risque de provoquer une vague massive d’immigration, comme nous l’avons connue sous le Gouvernement Jospin avec les 80 000 régularisations de 1998. Si votre circulaire rassure nos collègues de gauche, elle nous inquiète en revanche au plus haut point.

Favoriser l’intégration ne me semble pas compatible avec l’ouverture tous azimuts des naturalisations – même si la formule est un peu forte – auxquelles vous procédez en abaissant le niveau d’exigence de connaissances de notre langue, de notre culture, de notre histoire, en abandonnant la condition d’insertion professionnelle durable – suppression du critère de CDI –, en divisant par deux la durée de présence en France, etc. Peut-être ne s’agit-il d’ailleurs là, si je me reporte à des journaux du matin, que de compenser le report du droit de vote des étrangers aux calendes grecques…

Vous voulez inciter les ressortissants des pays d’Europe de l’Est, en particulier les Roms, à repartir dans leur pays en démantelant leurs campements – je constate ce soir encore que les choses vont dans le bon sens puisqu’un charter a été affrété à Lille pour organiser le retour, il est vrai volontaire, de 179 Roms roumains. À la fin du mois de septembre, le nombre d’expulsions sera de 7 000, mais il n’en reste pas moins que vous ouvrez le droit au logement et à l’emploi à cette population alors que nous battons des records de chômage. De plus, quels types de logements pourront-ils être mis à sa disposition ?

Vous savez également que la délinquance des ressortissants de l’Europe de l’est, concentrée sur des faits de vols et de mendicité agressive, n’a cessé de croître. Ǎ Paris, elle est en hausse de 78 % et était en 2011, pour 60 %, le fait de mineurs. Il y a bien trouble grave à l’ordre public. Le chiffre est terrible : un déferrement sur dix à la justice, à Paris, concerne désormais un migrant roumain. Certains d’entre eux sont interpellés vingt, trente, cinquante fois en flagrant délit et la justice peine à les dissuader de récidiver. Leur présence a même suscité récemment l’exaspération des Marseillais – je parle sous le contrôle de M. Mennucci. Quels moyens comptez-vous donc mettre en œuvre pour lutter contre cette délinquance de masse alors que le seul geste significatif auquel nous avons récemment assisté à Paris est la suppression des arrêtés anti-mendicité sans qu’ils aient été remplacés par un autre dispositif ?

Pouvez-vous donner de plus amples informations sur les résultats de votre déplacement en Roumanie dans le but – et nous sommes d’accord avec vous si tel est bien le cas – de développer efficacement l’aide au retour et de réintégrer cette population dans son pays d’origine en liaison avec l’Union européenne ?

Enfin, je note que l’aide au développement ne figure plus dans les crédits de votre ministère.

M. Patrick Mennucci, rapporteur pour avis de la Commission des lois. Des collègues ont souligné que les questions relatives à la naturalisation relevaient désormais du seul ministère de l’intérieur. Je m’en suis également fait la remarque, mais je me suis forgé une conviction suite aux différentes auditions auxquelles j’ai assisté. Peu importe, en fait, le ministère qui a la main en la matière : le problème, ce sont les orientations politiques défendues. Il serait possible, par exemple, d’imaginer une Chancellerie extrêmement sévère et un ministère de l’intérieur qui agirait comme il le fait aujourd’hui. Poser la question de cette manière, c’est donner le sentiment que notre conception du ministère de l’intérieur s’inscrit non pas dans celle que nous avons de l’action gouvernementale, mais dans ce qui se dit ou dans l’image que l’on peut avoir de la police. Je crois, quant à moi, que la politique change les choses. Ce qui compte, c’est la façon dont on applique une politique et non le ministère auquel on appartient. Prétendre qu’il en est autrement peut même être blessant. Je le dis d’autant plus volontiers que, je le répète, j’ai pu partager le point de vue qui a été exprimé avant d’examiner la façon dont les choses se sont passées et de comprendre, grâce à Manuel Valls et aux directives qui ont été prises, que ce n’est pas tant la question du ministère qui importe que celle de l’orientation politique.

M. Marc Dolez. Je ne voulais ni irriter M. le ministre ni blesser M. Mennucci, mais nous aurions préféré revenir à la répartition des compétences d’avant 2007. De plus, comme je l’ai dit au ministre, le Gouvernement ne doit pas confirmer la conception sécuritaire de l’immigration qui était celle du précédent Gouvernement. Mais j’ai cru comprendre, en l’écoutant, qu’il ne la confirmerait pas.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. La situation à la frontière de la Grèce et de la Turquie est en effet préoccupante, même si la Grèce, avec le soutien de l’Union européenne, a commencé à assumer ses responsabilités dans une situation très difficile. Nous cherchons à obtenir de l’aide de la part de la Turquie. Ce pays a ainsi signé une convention de coopération technique avec la Grèce sous l’égide de l’agence Frontex, laquelle est évidemment soutenue par la France. La situation demeure néanmoins très fragile et la pression migratoire est très forte à la frontière gréco-turque, comme dans l’ensemble des Balkans. Nous travaillons aussi avec la Roumanie et la Bulgarie afin de les aider à renforcer leurs frontières. Des missions ont lieu ; la Commission européenne émet des avis ; les accords de Schengen soulèvent de nombreux débats qui se poursuivront dans les mois à venir. Nous sommes allés trop vite en intégrant la Roumanie et la Bulgarie, d’où les incontestables défis et problèmes auxquels nous sommes confrontés.

S’agissant des directives relatives à l’asile, le calendrier prévu pour la fin de l’année 2012 est réaliste pour une partie des textes en discussion. Il est plus incertain pour la directive procédure, qui nécessitera deux mois supplémentaires de travail à la Commission, au Parlement et au Conseil JAI, mais l’idée est de la boucler pour le début de l’année 2013.

Certes, les débats sur le nouveau système d’asile européen ont parfois été complexes, car les visions de la Commission et du Parlement, d’un côté, et du Conseil JAI, de l’autre, n’ont pas toujours été semblables. Mais il est clair qu’une adaptation des règles est nécessaire. Ce sera le cas pour l’OFPRA, avec l’entretien en présence d’une tierce personne, et pour l’agence européenne chargée de l’asile, mise en place depuis deux ans, qui aura un rôle d’appui.

La responsabilité et la solidarité seront au cœur de ces nouveaux dispositifs avec les deux pôles du système européen, le projet pilote de réinstallation des réfugiés présents à Malte et les fonds européens. Le plan d’action pour la Grèce en est l’illustration avec la réforme indispensable du système d’asile dans ce pays.

La responsabilité et la solidarité impliquent également d’assumer la reprise des demandeurs d’asile dans les pays d’entrée, conformément au règlement de Dublin. C’est aussi mettre en place un système d’alerte précoce pour éviter que ne se reproduise la situation de la Grèce : il s’agit de déclencher très tôt un programme d’appui lorsque la situation d’un État membre devient critique par rapport à ses obligations.

Monsieur Goujon, monsieur Larrivé, cette politique ne s’inscrit pas toujours dans la continuité de mes prédécesseurs, mais il était important de faire passer le message, au premier Conseil JAI, que la France ne sortirait pas et ne menaçait pas de sortir de Schengen. Il est inutile de créer des tensions avec les pays européens, même si les discussions avec eux sont franches : si nous voulons être efficaces nous avons besoin, dans cet espace défini par Schengen, de rapports de confiance consolidés.

Monsieur Le Bouillonnec, le marché de l’assistance juridique arrive à son terme. À la demande des associations titulaires du marché, j’ai donné mon accord pour que ne soit pas republié tout de suite un marché pluriannuel. L’articulation entre rétention et assignation à résidence doit être clarifiée, et pas seulement pour les familles. Je vais m’y employer. Le travail réalisé par la Cimade, l’Ordre de Malte, le Forum des réfugiés, l’ASSFAM et France Terre d’asile est de qualité. Je ne stigmatiserai pas le rôle de ces associations, qui est très important. Je tiens à maintenir avec elles un dialogue de grande qualité, même si nous pouvons diverger sur certains sujets, ne poursuivant pas les mêmes objectifs. Je n’ai pas d’a priori, car écarter telle ou telle serait contraire à l’idée de ce marché.

Vous avez raison de souligner le problème de rotation dans les CADA. Les réfugiés doivent pouvoir accéder au logement social, d’où l’effort du Gouvernement en la matière. Les déboutés, eux, doivent être reconduits quand ils doivent l’être.

Avec le ministère en charge du logement, nous menons un important travail de coordination sur l’hébergement d’urgence. Il sera long, et je ne vous cache pas mon inquiétude au regard des sommes engagées. Je mesure le défi à relever.

Nous aurons à faire face à de vrais problèmes avec l’arrivée de populations en provenance de Macédoine, d’Albanie ou de Serbie. Il nous faudra les traiter à un moment difficile pour le pays, mais je ne doute pas que le dialogue fructueux avec le Parlement nous y aidera.

Monsieur Goujon, s’agissant de la naturalisation, le niveau d’exigence de maîtrise de la langue française est maintenu. Nous ne bradons pas la nationalité française, mais nous voulons un dispositif transparent, juste et efficace. Accueillir de nouveaux Français dans de bonnes conditions est un défi pour notre pays. Sur ce sujet, nous devrions nous retrouver.

Je vous rappelle que, lors de la mission sur la nationalité, votre collègue Claude Goasguen, qui en était le rapporteur, avait mis en cause la double nationalité avant de revenir sur cette position, et avait même émis l’idée du droit de vote pour les résidents étrangers pour mettre en cause les procédures de naturalisation. Avec une certaine cohérence, François Fillon a demandé au Président de la République de renoncer au projet sur le droit de vote des étrangers et d’examiner la possibilité d’intégrer davantage par la nationalité, autrement dit par la naturalisation. L’idée de faire baisser le nombre de naturalisations me paraît totalement contraire au projet national : ne faisons pas de ce sujet un débat entre nous.

Le taux d’occupation des CRA remonte. En juin 2011, il était de 26 %, contre 48 % pour le même mois en 2012. Il est passé de 31 % en juillet 2011 à 41 % en juillet 2012. Certes, alors qu’il était de 48 % en août 2011 et de 57% en septembre 2011, il est retombé à 39 % en août 2012 et à 45,90 % en septembre de cette année, mais je vous ai expliqué pourquoi en évoquant les conséquences de la décision de la Cour de justice et de la Cour de cassation. Monsieur Goujon, je vous propose que nous nous retrouvions à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine pour évaluer les résultats du nouveau texte de loi sur la rétention.

La double politique du chiffre pour le travail des forces de l’ordre, d’un côté, et les reconduites à la frontière, de l’autre, crée des tensions et engendre l’inefficacité. J’ai donné des consignes claires aux préfets sur les reconduites à la frontière ; elles seront poursuivies. Mais je vous le dis franchement : nous enfermer dans un chiffre nous amènera à reconduire de plus en plus de Bulgares et de Roumains. Donc, pas de laxisme, pas de naïveté, mais fermeté et justice !

S’agissant de la Roumanie, monsieur Goujon, je connais les chiffres de la délinquance en Ile-de-France, notamment à Paris, et je partage votre analyse. Lors de la réunion interministérielle sur ces questions, le Premier ministre a réaffirmé que la lutte contre le crime et la délinquance était une priorité. D’ailleurs, le travail de notre police avec nos amis roumains, mis en œuvre par le précédent gouvernement, a donné d’excellents résultats. Je me suis rendu en Roumanie avec Bernard Cazeneuve, ministre chargé des affaires européennes, et le préfet de police qui a confirmé les accords avec le gouvernement roumain. Nous ne pouvons pas admettre la délinquance et l’exploitation des mineurs – mendicité, prostitution. Ces dernières heures encore, plusieurs réseaux ont été démantelés. Il y a quelques semaines, le journal Marianne a consacré un article édifiant à des réseaux dits étrangers – tchétchènes, géorgiens, roumains, bulgares – qui participent à l’organisation de la délinquance et de la criminalité. Il faut les combattre, en lien avec ces pays.

Ce que je retiens de ce déplacement en Roumanie, dans un contexte politique très particulier, c’est une volonté d’agir ensemble. Nous avons signé avec les autorités roumaines l’accord OFII, qui permet le financement de 80 microprojets pour les Roumains qui quittent la France pour retourner en Roumanie. J’ai évoqué le groupe de travail européen. Nous devons également mener un important travail avec les villes qui souhaitent appliquer la circulaire, signée par plusieurs ministres, sur les villages d’insertion et les parcours d’insertion à travers le logement, l’école, le travail. Je le dis de la manière la plus claire : ces populations ont vocation à retourner en Roumanie et à y rester. Il appartient au gouvernement roumain de faire des efforts très importants. Un grand nombre de villes se lancent dans des projets, et nous devons les aider. Si toutes les associations ne sont pas d’accord sur les villages et les parcours d’insertion, essayons néanmoins d’organiser ce débat de la manière la plus respectueuse qui soit.

Enfin, dans le cadre du projet de loi, un transfert a été opéré vers le budget du ministère des affaires étrangères, plus particulièrement du développement. Pascal Canfin m’a assuré que les obligations juridiques créées par ces accords, notamment pour le volet développement solidaire, seraient tenues. Pour l’avenir, en cas de besoin ponctuel, le ministère de l’intérieur pourra faire valoir ses priorités et proposer éventuellement la signature de nouveaux accords.

En conclusion, mesdames, messieurs, j’essaie de donner de la cohérence à une politique dans un domaine passionnant, difficile, mais que j’assume avec beaucoup d’engagement.

*

A l’issue de la commission élargie, la commission des affaires étrangères procède au vote sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2013.

Suivant les conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

ANNEXE

Liste des personnalités rencontrées par le rapporteur

1) En Grèce (du 26 au 28 septembre 2012)

S. Exc. M. Jean Loup Kuhn-Delforge, ambassadeur de France en Grèce

M. Alexandre Morois, premier conseiller

M. Dimitri Zoulas, attaché de sécurité intérieure

M. Prokopis Pavlopoulos, député Nouvelle Démocratie, ancien ministre de l’intérieur

Mme Maria Diamantopoulou, directrice des affaires juridiques internes – Schengen, au ministère des affaires étrangères

M. Alexandros Soukoulis, directeur du bureau de la surveillance frontalière au ministère de l’Ordre public et de la protection du citoyen, M. Dimitrios Galatoulas, directeur du bureau de l’asile politique, M. Menelaos Kostaris, directeur du bureau de l’immigration et des mesures administratives, Mme Arhontoula Tourlomoussi, adjointe au bureau de l’asile politique et directrice pour les sujets de la convention Schengen, Mme Maria Stavropoulou, directrice du nouveau service de l’asile, M. Panayotis Nikas et Mme Loukia Kotroni (Service du premier accueil)

M. Angélos Syrigos, secrétaire général de la population et la cohésion sociale au ministère de l’Intérieur, M. Konstantinos Kintis, directeur général de la politique migratoire et de l'intégration sociale, et leurs collaborateurs

M. Daniel Esdras, directeur de l’organisation internationale pour les migrations (OIM) en Grèce

M. Willem de Jonge, directeur général de Médecins sans Frontières (Grèce), M. Christos Christou, président et Mme Ioanna Kotsioni

M. Christophe Le Rigoleur, consul général de France à Thessalonique et directeur de l’Institut français de Thessalonique

M. Olivier Renaux, officier de liaison à Thessalonique

M. Georges Salamangas, directeur de la police d’Orestiada

2) Dans les Pyrénées-Atlantiques (8 octobre 2012)

a) sous-préfecture de Bayonne :

M. Benoit Delage, secrétaire général de la préfecture

M. Pierre Larroque-Laborde, chef du bureau des étrangers

Mme Emmanuelle Rivoire, directrice adjointe à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII)

M. Nicolas Afchain, directeur territorial de l’OFII

b) centre d’accueil pour les demandeurs d’asile de Bayonne :

M. Jean-Daniel Elichiry, directeur de l’association Atherbea

M. Jean-Jacques Rechou, chef de service CADA

c) centre de rétention administrative (CRA) de Hendaye

M. Jean-Philippe Nahon, directeur départemental de la police aux frontières

Capitaine Olivier Darriet, chef du CRA

M. Georges de Benito, bénévole de la CIMADE

3) A Paris

 M. Jean-Luc Frizol, secrétaire général de l’OFII, accompagné de Mme Yolande Muller, directrice générale adjointe

Mme Martine Denis-Linton, présidente de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et Mme Agnès Fontana, secrétaire générale de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)

M. Stéphane Fratacci, secrétaire général à l’immigration et à l’intégration, accompagné de M. François Lucas, directeur de l'immigration, Mme Brigitte Frénais-Chamaillard, chef du service de l'asile, Mme Sylvie Moreau, chef de service, adjointe au directeur de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté, M. Rémy-Charles Marion, chef du service des affaires générales et des finances, M. Hugues Besancenot, sous-directeur de la lutte contre les fraudes, des contrôles et de l'éloignement, et Mme Julia Capel-Dunn, chef du département des réfugiés et de l'accueil des demandeurs d'asile

© Assemblée nationale

1 () L’INSEE définit les immigrés comme les personnes nées étrangères à l’étranger et résidant durablement en France, qu’elles soient restées étrangères ou soient devenues françaises par acquisition de la nationalité.

2 () Que votre rapporteur n’examinera pas dans le cadre de cet avis budgétaire.