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N° 255

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2013,

TOME V

TRAVAIL ET EMPLOI

EMPLOI

Par M. Jean-Patrick GILLE,

Député.

___

Voir les numéros : 235, 251 (annexe n° 47).

INTRODUCTION 5

I.– LA PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE 2013 7

A.– LE PROGRAMME 102 : « ACCÈS ET RETOUR À L’EMPLOI » 8

1.– Amélioration de l’efficacité du service public de l’emploi 8

a) Indemnisation des demandeurs d’emploi 8

b) Coordination du service public de l’emploi 10

2.– Amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail 10

B.– LE PROGRAMME 103 : « ACCOMPAGNEMENT DES MUTATIONS ÉCONOMIQUES ET DÉVELOPPEMENT DE L’EMPLOI » 12

1.– Anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques sur l’emploi 12

2.– Amélioration de l’insertion dans l’emploi par l’adaptation des qualifications et la reconnaissance des compétences 13

3.– Développement de l’emploi 15

II.– RENDRE EFFICACE LA COÛTEUSE CRÉATION DE PÔLE EMPLOI 19

A.– LE FINANCEMENT DE PÔLE EMPLOI 19

1.– Les modalités de financement de Pôle emploi : les enjeux de la comptabilité analytique 19

2.– Un effort budgétaire accru de l’État pour 2013 pour renforcer les moyens humains de l’opérateur 22

B.– UNE FUSION ONÉREUSE ET QUI N’A PAS TENU TOUTES SES PROMESSES 24

C.– LES CONDITIONS SINE QUA NON POUR QUE PÔLE EMPLOI PARVIENNE À REDRESSER LA BARRE 27

a) Une personnalisation accrue de l’accompagnement des demandeurs d’emploi 28

b) Le défi de la territorialisation 29

c) La gouvernance de Pôle emploi et son organisation interne 32

d) Une refonte indispensable de l’offre de formation 33

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

I.– AUDITION DES MINISTRES 37

II.– EXAMEN DES CRÉDITS 63

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 95

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 99

INTRODUCTION

La barre des trois millions de demandeurs d’emploi a été franchie en août dernier, soit une hausse de 9,2 % sur un an, portant le taux de chômage à 10,6 % de la population active, selon l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La part du chômage de longue durée ne cesse quant à elle d’augmenter (+ 9,4 % sur un an) : il concerne désormais près de 1,73 million de personnes.

Une vigilance particulière devra être apportée au problème du chômage de longue durée en 2013, puisque le nombre de demandeurs d’emploi de plus d’un an s’établit à 1 727 000 au mois d’août 2012, soit 38,4 % du total des demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi. Ce sont également 940 000 personnes qui vont arriver en fin de droits à l’assurance chômage en 2012.

Le Gouvernement s’engage résolument dans cette voie, avec le renforcement significatif, dès cette année, du nombre des contrats aidés : ce sont ainsi 80 000 emplois aidés supplémentaires qui ont été financés juste avant l’été, complétés par 40 000 contrats supplémentaires d’ici la fin de l’année 2012, comme l’a annoncé le ministre chargé du travail le 18 octobre dernier. Au total, les contrats aidés auront été renforcés de près d’un tiers par rapport à l’enveloppe initiale en 2012, et votre rapporteur pour avis ne peut que se réjouir de ce volontarisme.

Au-delà de la politique de traitement du chômage de longue durée, une politique de prévention doit également être menée : c’est la vocation des 100 000 emplois d’avenir qui seront ouverts en 2013 à destination des jeunes peu ou pas qualifiés ; rappelons que ces jeunes sont les plus durement touchés par le chômage. En effet, 22,7 % des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage et près de 30 % d’entre eux entrent dans la catégorie des chômeurs de longue durée. Si le présent projet de loi ne porte pas le financement de ce dispositif qui ne sera soumis qu’au début de l’année 2013 au Parlement, votre rapporteur pour avis rappelle d’ores et déjà que les contrats de génération contribueront également à répondre au double problème du chômage des jeunes et des seniors, le taux de chômage de longue durée des 55-64 ans avoisinant les 60 % de l’ensemble des demandeurs d’emploi de cette tranche d’âge.

Les emplois d’avenir et les contrats de génération constitueront les deux outils de référence de la politique de l’emploi du Gouvernement : ils répondent aux critères d’efficacité d’un volume important – 150 000 emplois d’avenir d’ici 2014, 500 000 contrats de génération sur toute la période du quinquennat –, d’un soutien financier fort de l’État – de 75 % du salaire au niveau du SMIC en moyenne pour les emplois d’avenir, par une baisse importante du coût du travail pour l’embauche d’un jeune et le maintien dans l’emploi d’un senior pour les contrats de génération –, et enfin, d’une durée suffisante, – en CDI ou en CDD de trois ans par défaut pour les emplois d’avenir, d’une durée de cinq ans probablement pour les contrats de génération.

La présente mission – et en particulier, ses deux programmes phares, 102 et 103 – traduit donc sur le plan budgétaire deux des priorités fixées par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013 : la jeunesse, avec la mise en place des emplois d’avenir, et l’emploi, par la consolidation des contrats aidés de droit commun, mais également avec le renforcement des moyens humains de Pôle emploi, par la création de 2 000 emplois supplémentaires pour 2013.

L’efficacité du service public de l’emploi est cruciale, et l’opérateur central qu’est Pôle emploi joue de ce point de vue un rôle primordial : c’est pourquoi il est apparu pertinent à votre rapporteur pour avis d’y consacrer la seconde partie de son rapport. Quatre ans après la fusion des Assédic et de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), nous disposons d’un peu plus de recul pour établir un premier bilan de la réforme et dresser les principaux axes de réflexion d’un plus vaste chantier auquel pourrait s’attaquer la représentation nationale, celui des défis que devra relever Pôle emploi dans les années à venir.

Votre rapporteur pour avis salue l’ampleur de l’effort déployé dans le contexte particulièrement difficile qui est le nôtre : le nécessaire redressement de nos finances publiques ne doit pas conduire à sacrifier la politique de l’emploi, qui a plus que jamais besoin d’être soutenue. Le plafond de la mission « Travail et emploi » est ainsi fixé à 10,12 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2013 (1), soit une augmentation, à périmètre constant, de 1,7 %, augmentation qui doit être soulignée à l’heure où les dépenses de l’État sont soumises à la norme du « zéro valeur ».

Si la programmation triennale des crédits de la mission sur la période 2013-2015 traduit ensuite une diminution, puisque 9,68 milliards d’euros sont prévus pour 2014 et 9,74 milliards d’euros pour 2015, celle-ci est à mettre au compte précisément du volontarisme du Gouvernement, qui prévoit de mobiliser l’ensemble des outils de la politique de l’emploi pour inverser la courbe du chômage d’ici la fin de l’année 2013.

I.– LA PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE 2013

Les programmes 102 et 103 réunissent l’ensemble des dispositifs financés par l’État en faveur de l’emploi, qu’il s’agisse des contrats aidés, de la subvention à Pôle emploi, du financement du régime de solidarité nationale d’indemnisation du chômage, ou encore de celui de la formation professionnelle et de l’alternance : dotés de 11,54 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 9,45 milliards d’euros en crédits de paiement, ils représentent près de 92 % des moyens au titre de la mission « Travail et emploi ».

Crédits des programmes 102 et 103 pour 2013

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2012

PLF 2013

Évolution (en %)

LFI 2012

PLF 2013

Évolution (en %)

Programme 102 : Accès et retour à l’emploi

5 421,99

7 810,67

+44,1 %

5 373,48

5 703,59

+6,1 %

Amélioration de l’efficacité du service public de l’emploi

2 469,15

2 589,3

+4,9 %

2 474,15

2 598,3

+5 %

Amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail

2 952,84

5 221,37

+76,8 %

2 899,33

3 105,29

+7,1 %

Programme 103 : Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

3 847,57

3 732,87

-3 %

3 907,07

3 750,31

-4 %

Anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques sur l’emploi

325,44

332,42

+2,1 %

384,94

368,24

-4,3 %

Amélioration de l’insertion dans l’emploi par l’adaptation des qualifications et la reconnaissance des compétences

3 181,54

3 073,77

-3,4 %

3 181,54

3 073,77

-3,4 %

Développement de l’emploi

340,59

326,69

-4,1 %

340,59

308,3

-9,5 %

Total

9 269,56

11 543,54

+24,5 %

9 280,55

9 453,9

+1,9 %

Total pour la mission

10 071,17

12 442,06

+23,5 %

10 103,19

10 315,37

+2,1 %

Part des crédits des programmes 102 et 103 dans le total des crédits de la mission

92 %

92,8 %

 

91,9 %

91,6 %

 

Source : projet annuel de performances.

A.– LE PROGRAMME 102 : « ACCÈS ET RETOUR À L’EMPLOI »

Le programme sera doté de 7,81 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 5,7 milliards d’euros en crédits de paiement. La progression des crédits, de l’ordre de 44 % en autorisations d’engagement et de 6 % en crédits de paiement, est essentiellement liée à la mise en place des emplois d’avenir et au renforcement des moyens humains de Pôle emploi.

1.– Amélioration de l’efficacité du service public de l’emploi

Les crédits au titre de cette action progressent de 5 % par rapport à 2012, en raison principalement de l’augmentation de 107 millions d’euros de la subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi, qui sera plus amplement traitée dans la seconda partie du présent rapport. Au total, 2,598 milliards d’euros sont prévus au titre de cette action pour 2013, dont 1,467 milliard d’euros à Pôle emploi et 1,13 milliard d’euros en crédits de paiement pour l’indemnisation des chômeurs au titre de la solidarité nationale.

a) Indemnisation des demandeurs d’emploi

Les dispositifs d’indemnisation des demandeurs d’emploi réunissent 1,067 milliard d’euros pour 2013, soit une progression de l’ordre de 1,6 % des crédits par rapport à 2012. Ils sont financés soit par le Fonds de solidarité comme c’est le cas pour l’allocation spécifique de solidarité (ASS), soit directement par l’État, leur versement étant alors assuré par Pôle emploi, comme par exemple pour l’allocation équivalent retraite (AER) depuis 2009.

● Au titre des allocations dispensées par le Fonds de solidarité, ce dernier bénéficiera d’une dotation budgétaire de 834,2 millions d’euros pour 2013, qui est calculée pour couvrir la différence entre les dépenses prévisionnelles du fonds et le produit de ses recettes, en l’occurrence la contribution exceptionnelle de solidarité de 1 % perçue sur le traitement des fonctionnaires (qui devrait générer 1,385 milliard d’euros en 2013) et le produit d’une fraction des droits tabacs, évalué à un peu moins de 150 millions d’euros pour 2013. L’ensemble de ces moyens devrait permettre au fonds de couvrir les charges qui lui incombent à hauteur de 2,369 milliards d’euros pour 2013, dont 2,11 milliards d’euros pour la seule allocation spécifique de solidarité (ASS) qui devrait concerner près de 380 000 personnes, et 129 millions d’euros pour l’allocation équivalent retraite (AER) des bénéficiaires entrés dans le dispositif avant 2009, soit environ 10 750 bénéficiaires.

● Les allocations directement financées par l’État devraient représenter une charge de 234,1 millions d’euros pour 2013.

S’agissant de l’allocation spécifique de solidarité (ASS), son coût total pour 2013 est estimé à 2,11 milliards d’euros, pour des effectifs légèrement inférieurs à 380 000 demandeurs d’emploi, contre 2,15 milliards d’euros en 2012 pour un peu de plus de 387 000 personnes. Il s’agit d’une prévision volontariste au regard de l’évolution du nombre des demandeurs d’emploi qui arriveront en fin de droits en 2013.

Votre rapporteur pour avis souhaiterait appeler l’attention sur le dispositif de l’allocation équivalent retraite (AER) / allocation transitoire de solidarité (ATS), dont l’encadré suivant récapitule la teneur.

L’ALLOCATION ÉQUIVALENT RETRAITE (AER)
ET L’ALLOCATION TRANSITOIRE DE SOLIDARITÉ (ATS)

Instaurée par la loi de finances pour 2002 afin de garantir un minimum de ressources aux demandeurs d’emploi qui ne peuvent percevoir leur pension de retraite faute d’avoir 60 ans, alors qu’ils ont validé 160 trimestres au titre de l’assurance vieillesse, l’allocation équivalent retraite (AER) a été supprimée au 1er janvier 2009, mais rétablie de manière exceptionnelle en raison de la détérioration du contexte économique en 2009 et 2010. Si l’AER est définitivement fermée depuis le 1er janvier 2011, un dispositif similaire, l’allocation transitoire de solidarité (ATS), a cependant été rouvert en 2011 pour un groupe fermé de demandeurs d’emploi, ceux nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1953, qui ont au moins 60 ans sans avoir atteint le nouvel âge légal de départ à la retraite et ont néanmoins réuni le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

Le coût global de l’AER, définitivement fermée depuis le 1er janvier 2011, est estimé à 229 millions d’euros pour 2013, dont 129 millions d’euros pour le Fonds de solidarité qui finance l’AER pour le stock des bénéficiaires antérieur à 2009 et 100 millions d’euros au titre des bénéficiaires entrés dans le dispositif en 2009 et 2010.

L’ATS, qui recouvre un public fermé, occasionnerait un coût de 10 millions d’euros en 2013.

Depuis le 1er janvier 2011, des demandeurs d’emploi âgés de moins de 60 ans arrivant en fin de droits, et qui ont néanmoins validé un nombre suffisant de trimestres pour bénéficier d’une retraite à taux plein, ne peuvent plus bénéficier d’une allocation. Cette situation, très préjudiciable, est résolue pour une partie des personnes concernées par le décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 relatif à l’âge d’ouverture du droit à pension de vieillesse (2), qui va permettre le départ anticipé de 110 000 personnes supplémentaires en 2013. Il ne règle néanmoins pas tous les cas. Si un rétablissement de l’AER n’apparaît pas souhaitable en raison d’une part, de son coût pour les finances publiques, – estimé à 500 millions d’euros par an pour un rétablissement dans ses conditions ex ante –, et d’autre part, de l’objectif général d’augmentation du taux d’activité des seniors, il conviendrait de réfléchir à des modalités spécifiques de prise en compte de la situation particulière des demandeurs d’emplois victimes des mesures d’âges.

b) Coordination du service public de l’emploi

Outre la subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi, pour un montant de 1 467 millions d’euros, cette sous-action recouvre le financement des maisons de l’emploi, qui devraient bénéficier pour 2013 d’une reconduction de leurs moyens à hauteur de 63 millions d’euros.

2.– Amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail

Cette action, qui regroupe les moyens dégagés par l’État en faveur des emplois aidés, de l’insertion professionnelle des jeunes, des personnes handicapées et du secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE), réunit 5,22 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3,11 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2013, soit une augmentation de près de 77 % des crédits en autorisations d’engagement et de plus de 7 % en crédits de paiement.

Près de 70 % des crédits de l’action recouvrent la participation de l’État aux contrats aidés, soit 4,28 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,17 milliards d’euros en crédits de paiement.

Le tableau suivant récapitule l’évolution des crédits d’intervention au titre de cette action en 2012 et pour 2013.

Financement par l’État des dispositifs en faveur de l’emploi
des personnes les plus éloignées du marché du travail

(en millions d’euros)

 

LFI 2012

PLF 2013

AE

CP

AE

CP

Sous-action 1 : Insertion dans l’emploi au moyen des contrats aidés

2 001,24

1 950,72

4 284,43

2 168,34

Sous-action 2 : Accompagnement des publics les plus en difficulté

798,08

798,08

819,56

819,56

Total

2 799,32

2 748,8

5 103,99

2 987,91

Source : projet annuel de performances.

Cette forte progression des crédits est essentiellement à mettre au compte de la mise en place des emplois d’avenir : ce nouveau dispositif, qui s’adresse aux jeunes sans qualification ou peu qualifiés et qui rencontrent des difficultés d’insertion professionnelle, bénéficiera de 2,32 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 466,64 millions d’euros en crédits de paiement pour 2013, pour le financement de 100 000 emplois d’avenir qui seront créés pour l’essentiel dans le secteur non marchand et qui seront assortis d’une prise en charge par l’État de la rémunération des jeunes concernés à hauteur en moyenne de 70 % du SMIC horaire brut.

En outre, des moyens supplémentaires sont dégagés pour consolider les contrats aidés classiques que sont les contrats uniques d’insertion (CUI), dans leur volet non marchand comme dans leur volet marchand : en effet, 340 000 nouveaux contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) sont prévus pour 2013, après le financement de 60 000 contrats supplémentaires par rapport aux 340 000  prévus dans la programmation initiale pour 2012, pour un coût total en 2013 estimé à 1,48 milliard d’euros en crédits de paiement. De même, les contrats initiative emploi (CIE), renforcés en 2012 avec 20 000 contrats supplémentaires ouverts pour une enveloppe initiale de 45 000 contrats, sont maintenus à un niveau élevé, puisque 50 000 nouveaux contrats seront financés en 2013, pour un montant total de 186,6 millions d’euros (3).

Enfin, comme on l’a déjà souligné, une ouverture exceptionnelle de 40 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi supplémentaires d’ici la fin 2012 a été annoncée par le ministre chargé du travail. Cette enveloppe complémentaire au titre de l’exercice 2012 sera financée par une ouverture de crédits par voie de décret d’avance.

Outre les contrats aidés, cette action finance également, pour un montant de 819,56 millions d’euros :

– et à la même hauteur que l’an passé, l’accompagnement renforcé des jeunes vers l’emploi, pour un montant global de 275,4 millions d’euros, dont 178,8 millions d’euros iront aux 458 missions locales et 8 permanences d’accueil, d’information et d’orientation (PAIO), acteurs majeurs de l’insertion professionnelle des jeunes dans les territoires, et 50 millions d’euros spécifiquement dédiés à l’allocation servie aux bénéficiaires du contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS). En outre, les écoles de la deuxième chance (E2C) verront leur dotation reconduite à hauteur de 24 millions d’euros, montant qui permettra le cofinancement à hauteur de 30 % de 12 000 places au sein de ces structures entièrement dédiées aux jeunes sortis du système scolaire sans diplôme ni qualification ;

– l’augmentation des moyens alloués aux mesures spécifiques en faveur de l’emploi des personnes handicapées, à hauteur de 336,87 millions d’euros, dont 289,86 millions d’euros dédiés au financement de l’aide au poste dans les entreprises adaptées (EA), avec 1 000 postes supplémentaires qui seront donc créés en 2013. Il s’agit au total d’une progression des crédits en faveur de ces dispositifs de près de 7,3 % par rapport à 2012 ;

– le soutien au secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE), qui mobilisera 197 millions d’euros en 2013, dont 140 millions d’euros dédiés au financement de l’aide au poste dans les entreprises d’insertion (EI), pour 14 500 postes financés en 2013, et les entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI) pour 483 postes financés. Votre rapporteur pour avis considère qu’une éventuelle révision du financement de ce secteur pourrait être envisagée au regard de la dimension potentiellement très porteuse de création d’emplois des structures concernées : une majoration de l’aide au poste, qui n’a pas été revalorisée depuis 2002, est souhaitée par les entreprises du secteur. Un financement de postes supplémentaires pourrait également être envisagé : de ce point de vue, une revalorisation de l’ordre de 10 millions d’euros de la dotation aux entreprises d’insertion permettrait le financement de 500 aides au poste supplémentaires et la revalorisation du montant de l’aide à hauteur d’environ 10 000 euros contre 9 681 euros actuellement.

B.– LE PROGRAMME 103 : « ACCOMPAGNEMENT DES MUTATIONS ÉCONOMIQUES ET DÉVELOPPEMENT DE L’EMPLOI »

Ce programme finance les divers outils de la politique d’accompagnement et de requalification des salariés fragilisés par les mutations économiques et les restructurations – à l’image du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) pour les licenciés économiques –, les dispositifs de développement des compétences et de formation professionnelle, qui recouvrent principalement l’apprentissage, le contrat de professionnalisation et les compétences transférées aux régions en matière de formation professionnelle, ainsi que des mesures de baisse du coût du travail pour certains territoires ou activités spécifiques et des outils spécifiques dédiés à la promotion de l’activité.

Le programme est doté de 3,73 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 3,75 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2013, soit une diminution respectivement de 3 % et de 4 % par rapport à 2012.

1.– Anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques sur l’emploi

Les outils d’accompagnement des salariés fragilisés par les mutations économiques et les restructurations seront dotés de 332,42 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 368,24 millions d’euros de crédits de paiement en 2013.

Parmi les dispositifs financés, on remarquera l’effort particulier réalisé pour 2013 sur les actions de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et sur les engagements de développement de l’emploi et des compétences (EDEC), dont les crédits sont multipliés par près de 2,5, passant de 25 millions d’euros en 2012 à 60 millions d’euros en crédits de paiement pour 2013.

Une forte diminution des crédits doit être constatée s’agissant du contrat de professionnalisation senior, avec 5 millions d’euros prévus pour 2013, contre 20 millions d’euros en 2012 : cette aide supplémentaire de 2 000 euros par contrat destinée aux entreprises qui embauchent un demandeur d’emploi âgé de plus de 45 ans en contrat de professionnalisation, et qui s’ajoute à l’aide de 2 000 euros du contrat de professionnalisation classique, n’a pas tenu ses promesses. Ainsi, alors que 10 000 contrats étaient prévus en 2012, seuls 2 500 le seront en 2013.

Les actions en faveur du reclassement des salariés seront quant à elles dotées de 224,2 millions d’euros en crédits de paiement pour 2013, soit une augmentation de 6,8 % par rapport à 2012 :

– On notera qu’un effort particulier est porté sur l’activité partielle, qui bénéficiera de 70 millions d’euros en 2013 contre 30 millions d’euros en 2012. En effet, la prise en charge par l’État de l’allocation servie au titre du chômage partiel a été revue à la hausse en 2012, ce qui explique en particulier la réévaluation de la prévision à ce titre pour 2013 ;

– Le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) sera quant à lui doté de 70 millions d’euros pour 2013 contre 87,2 millions d’euros en 2012, pour une hypothèse de flux annuel de 97 000 nouveaux entrants ; cette diminution est en réalité liée à la mobilisation complémentaire, à hauteur de 31,7 millions d’euros, des excédents de trésorerie accumulés au titre de la gestion de ce dispositif.

2.– Amélioration de l’insertion dans l’emploi par l’adaptation des qualifications et la reconnaissance des compétences

Cette action bénéficiera de 3,07 milliards d’euros pour 2013 : plus de 47 % des crédits assurent le financement de la compensation aux régions du coût des compétences qui leur ont été transférées en matière de formation professionnelle et d’apprentissage (1,45 milliard d’euros), tandis que plus de 40 % des crédits de cette action financent le développement de l’alternance – qu’il s’agisse de l’apprentissage ou des contrats de professionnalisation à destination des jeunes et des salariés de plus de 45 ans afin de renforcer la qualification et l’employabilité de ces publics –, à hauteur de 1,25 milliard d’euros.

La diminution de 250 millions d’euros de la dotation de décentralisation est liée à l’évolution des modalités de rattachement budgétaire d’une partie des crédits : en effet, les primes d’apprentissage sont désormais présentées pour partie sur le compte d’affectation spéciale « Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage ».

A contrario, plusieurs dispositifs vont bénéficier en 2013 d’une hausse des dotations budgétaires au titre de cette action par rapport à 2012, année où ils ont fait l’objet d’un financement par une ponction sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). Il s’agit :

– de la mise en œuvre par l’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) pour le compte de l’État, de la politique de certification, en l’occurrence de l’élaboration et de la délivrance des titres professionnels, pour un montant de 55,72 millions d’euros ;

– du financement des activités de service public de l’AFPA, à hauteur de 20,88 millions d’euros ;

– et du financement à hauteur de 185,5 millions d’euros de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle, qui avaient bénéficié en 2012 de 200 millions d’euros en provenance du FPSPP.

L’État se réengage donc résolument dans la politique de formation professionnelle : votre rapporteur pour avis se réjouit de cette décision de ne pas ponctionner le FPSPP, qui doit pouvoir garder ses marges de manœuvre pour le financement de ses propres actions de formation professionnelle et de la péréquation financières entre les OPCA et les OPACIF.

LE FONDS PARITAIRE DE SÉCURISATION DES PARCOURS PROFESSIONNELS (FPSPP)

Créé par la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) est alimenté par une fraction des contributions au titre de la formation professionnelle dues par les employeurs (4), afin de financer, principalement, des actions de formation professionnelle concourant à la qualification et à la requalification des salariés et des demandeurs d’emploi, sous forme d’appels à projets, et d’assurer la péréquation des fonds par des versements complémentaires aux organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) au titre de la professionnalisation et du congé individuel de formation (CIF).

Depuis sa création il y a donc trois ans, le fonds a collecté 2,1 milliards d’euros : il a consacré de l’ordre de un milliard d’euros à la péréquation et s’est engagé à hauteur de un milliard d’euros sur des appels à projets, dont 500 millions d’euros ont d’ores et déjà été versés.

Il a également fait l’objet d’une ponction par l’État à hauteur de 600 millions d’euros sur les exercices 2011 et 2012, pour financer la mise en œuvre des titres professionnels par l’AFPA ainsi que les missions de service public de cette dernière, la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle par l’agence de services et de paiement (ASP), et enfin, les conventions de reclassement personnalisé et l’aide à l’embauche des jeunes en contrat de professionnalisation mises en œuvre par Pôle emploi.

Le fonds a en outre été sollicité par l’État pour participer au co-financement de la rémunération de fin de formation (R2F) pour un montant de 240 millions d’euros et par les partenaires sociaux dans le cadre de l’accord national interprofessionnel (ANI Jeunes) du 7 avril 2011 pour l’accompagnement des jeunes demandeurs d’emploi par les missions locales (30 millions d’euros) et par Pôle emploi (30 millions d’euros).

Comme il a été indiqué, le Gouvernement met fin pour 2013 à la ponction du fonds qui, après deux années consécutives, pouvait craindre que cette pratique ne devienne habituelle. Il n’est en effet pas acceptable que l’État fasse littéralement « main basse » sur les fonds paritaires de la formation professionnelle. Si les excédents de trésorerie du fonds apparaissent toujours importants à l’été, c’est en raison du versement, exigé à fin juin, des contributions des OPCA : on peut d’ailleurs s’interroger sur la pertinence de cette périodicité, qui conduit à gonfler artificiellement la trésorerie du fonds au mois de juillet, tout en réduisant d’autant celle des organismes collecteurs. Une meilleure répartition dans l’année de ce versement pourrait être envisagée : ainsi, un versement trisannuel aurait l’avantage de lisser la trésorerie du fonds comme celle des OPCA.

LA SITUATION FINANCIÈRE TRÈS PRÉOCCUPANTE
DE L’ASSOCIATION POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES (AFPA)

L’impact du droit de la concurrence – avec notamment l’avis rendu par le Conseil de la concurrence le 18 juin 2008 – a profondément modifié l’environnement juridique de l’AFPA. Celle-ci s’est trouvée confrontée brutalement à la concurrence : en effet, en trois ans, de 2009 à 2011, l’AFPA est passée d’une situation de subvention à 75 % à une situation de mise en concurrence à hauteur de 75 % de son chiffre d’affaires. Ce bouleversement, qui a eu pour conséquence le passage d’un modèle de commande publique à un modèle d’appels d’offres, est allé de pair avec le transfert à Pôle emploi des personnels de l’AFPA en charge de l’orientation et avec la décentralisation de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi, prévue par la loi du 13 août 2004 et qui est devenue effective au 1er janvier 2009. Ces trois changements ont provoqué un véritable choc sur l’AFPA, qui a logiquement eu une traduction financière.

Le désengagement financier de l’État, conjugué à l’échec du transfert de propriété de son patrimoine à l’AFPA (censuré par le Conseil constitutionnel (5)), mais également au transfert à Pôle emploi des personnels de l’AFPA chargés de l’orientation, ainsi qu’au transfert à l’AGEFIPH des marchés de formation des personnes handicapées, a mis l’AFPA en grande difficulté. Dans ce contexte, elle a en effet vu son chiffre d’affaires diminuer de 20 % entre 2009 et 2012.

Confrontée à de graves problème de trésorerie à l’été, l’AFPA a bénéficié d’un soutien de l’État à hauteur de 80 millions d’euros pour lui permettre de rétablir sa situation jusqu’à la fin de l’année. Son déficit, de 55 millions d’euros en 2011, devrait toutefois atteindre près de 80 millions d’euros en 2012, obligeant ainsi l’association à mettre en place un véritable plan de refondation stratégique, dont la teneur ne sera connue qu’à la mi-novembre.

Très inquiet de la situation financière de l’AFPA, votre rapporteur pour avis a souhaité entendre ses principaux acteurs – la présidence, la direction générale ainsi que ses syndicats représentatifs – : il en appelle à une solution durable pour redonner à cet organisme toute la place qu’il mérite dans le champ de la formation professionnelle.

Si un accompagnement financier de l’État apparaît comme la seule solution à court terme, il convient surtout de donner les moyens à l’AFPA de retrouver un volume soutenu d’activité.

Plusieurs axes de réflexion peuvent être privilégiés : l’éventuelle exclusion de la formation qualifiante de premier niveau du champ concurrentiel en tant que service d’intérêt économique général (SIEG) ; la valorisation des formations longues et qualifiantes, qui sont plus naturellement dans le champ de l’AFPA ; la sanctuarisation, auprès de l’AFPA, de la formation des publics fragiles (détenus, travailleurs handicapés, etc.). Il faudra également veiller à ce que le futur acte III de la décentralisation ne débouche pas sur une rupture d’égalité dans l’accès à la formation professionnelle, et en particulier qu’il préserve la mobilité des stagiaires de la formation professionnelle sur le territoire national.

Votre rapporteur pour avis appelle le Gouvernement à apporter rapidement son soutien financier afin de sortir l’AFPA de l’ornière. Une refonte d’ensemble devra ensuite être opérée, qui doit permettre de sauver cet opérateur central dans le paysage de la formation professionnelle en France.

3.– Développement de l’emploi

Cette action bénéficiera de 326,69 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 308,3 millions d’euros en crédits de paiement. La baisse constatée, de l’ordre de 9,5 % des crédits de paiement pour 2013, est à mettre au compte de la diminution de 67 % de la dotation au titre de la compensation de l’exonération liée au régime social des micro-entreprises, en raison du relèvement des taux de cotisations intervenu pour ces activités.

L’action permet de financer des mesures de baisse du coût du travail pour certains territoires ou activités spécifiques ainsi que des outils spécifiques dédiés à la promotion de l’activité. Il s’agit en particulier :

– de la compensation aux organismes de sécurité sociale des exonérations de cotisations patronales applicables aux zones de revitalisation rurale (ZRR) et, de manière très marginale, aux correspondants locaux de presse, pour un montant total de 168,8 millions d’euros ;

– de l’aide à l’embauche des jeunes pour les très petites entreprises (TPE), mise en place pour six mois en janvier 2012 et gérée par Pôle emploi, pour un montant de 38,5 millions d’euros ;

– des aides spécifiques à la création et à la reprise d’entreprises, – en particulier le nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprise (NACRE), les garanties bancaires accordées par le fonds de cohésion sociale ainsi que la compensation de l’exonération liée au régime social spécifique des micro-entrepreneurs –, le tout à hauteur de 98,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 80,11 millions d’euros en crédits de paiement ;

– du développement de nouvelles formes d’emploi, entre autres des conventions pour la promotion de l’emploi (CPE) et des dispositifs locaux d’accompagnement (DLA), pour un total de 18,57 millions d’euros ;

– et enfin, du financement des dispositifs propres à l’outre-mer, en l’occurrence du projet initiative jeune (PIJ création) et des primes à la création d’emploi (PCE), pour un montant de 2,32 millions d’euros.

*

* *

Il s’agit au total d’un budget résolument tourné vers les publics les plus en difficulté, en particulier les jeunes aux niveaux de qualification faibles, les demandeurs d’emploi âgés et les personnes particulièrement vulnérables (personnes handicapées, titulaires du RSA, etc.) : on l’a vu au travers des nombreux dispositifs déployés par ces deux programmes. En cela, les priorités fixées par ce budget répondent bien aux principaux enjeux du marché de l’emploi, en particulier à la progression du taux de chômage et notamment de la part représentée par le chômage de longue durée : qu’il s’agisse des contrats aidés en général et surtout des emplois d’avenir, des aides au poste pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, des contrats de professionnalisation, les moyens financiers dégagés permettent clairement d’identifier la volonté politique d’endiguer le chômage, en particulier de longue durée.

Ce défi ne saurait être relevé sans un puissant accompagnement des demandeurs d’emploi, pour lequel Pôle emploi, opérateur central, est évidemment en première ligne. Un service public de l’emploi particulièrement solide est en effet plus que jamais nécessaire dans ce contexte, qu’il s’agisse de Pôle emploi, des missions locales, des Cap emploi, mais également de l’association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), qu’il faut impérativement parvenir à réintégrer comme un acteur central dans la politique de formation professionnelle, en particulier pour la formation des demandeurs d’emploi.

II.– RENDRE EFFICACE LA COÛTEUSE CRÉATION DE PÔLE EMPLOI

Avec l’augmentation de plus de 30 % du taux de chômage entre 2008 et 2012, le service public de l’emploi et particulièrement son opérateur central, Pôle emploi, ont été mis à rude épreuve, et cela au moment même où était opérée la fusion des Assédic et de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE).

Après une première période d’absorption du choc de la fusion dans un contexte économique en dégradation, Pôle emploi aborde désormais la deuxième phase de son existence, alors que le marché de l’emploi poursuit sa dégradation.

Votre rapporteur pour avis a souhaité apporter cette année un éclairage plus particulier sur cet opérateur et sur les principaux défis auxquels il devra faire face dans les années à venir. La présente partie, consacrée à Pôle emploi, ne saurait évidemment prétendre à l’exhaustivité : un travail de plus grande ampleur mérite d’être mené à travers la mise en place par la commission des affaires sociales d’une mission d’information. Votre rapporteur pour avis souhaite très humblement pouvoir poser quelques jalons qui permettront d’orienter les travaux de plus grande ampleur qui pourront être engagés sur ce sujet. Trois axes de réflexion se dégagent des auditions qu’il a menées : en premier lieu, aucun diagnostic de l’efficacité du service public de l’emploi ne peut être établi sans une analyse du budget de l’opérateur et des moyens humains qui lui sont consentis ; ensuite, un bilan de la fusion opérée en 2008 qui a donné naissance à Pôle emploi peut désormais être dressé, puisque nous disposons du recul nécessaire, cinq après celle-ci ; enfin, les attentes vis-à-vis de Pôle emploi sont grandes, et une réflexion doit être menée sur les moyens à mettre en œuvre afin d’améliorer sa performance et son efficacité.

A.– LE FINANCEMENT DE PÔLE EMPLOI

Conformément à son statut particulier, Pôle emploi bénéficie d’un financement de double provenance : à hauteur des deux tiers environ par l’Unédic et du tiers restant par l’État. Afin de bien comprendre les enjeux propres à Pôle emploi, il est indispensable de disposer d’une vision claire de son financement.

1.– Les modalités de financement de Pôle emploi : les enjeux de la comptabilité analytique

L’article L. 5312-7 du code du travail précise que le budget de Pôle emploi est constitué de quatre sections non fongibles, qui doivent chacune être présentées à l’équilibre :

– La section I « Assurance chômage » recouvre les dépenses d’indemnisation des demandeurs d’emploi au titre de l’assurance chômage pour le compte de l’Unédic, et retrace en recettes la contribution afférente de l’Unédic. Les dépenses d’assurance chômage représentent 28,28 milliards d’euros en 2012, dont 26,7 milliards d’euros au titre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE).

– La section II « Solidarité » recouvre les dépenses relatives aux allocations et aides versées aux demandeurs d’emploi au titre de la solidarité nationale et retrace en recettes la contribution de l’État et du Fonds de solidarité qui en assure l’équilibre. Les dépenses de solidarité représentent 2,66 milliards d’euros en 2012, dont 2,05 milliards d’euros pour la seule allocation spécifique de solidarité (ASS).

Ces deux sections sont donc gérées en compte de tiers et n’ont d’impact sur les comptes de Pôle emploi qu’à travers d’éventuels frais de gestion associés, qui sont alors enregistrés en section IV.

– La section III retrace les dépenses d’intervention relatives au placement, à l’orientation, à l’insertion professionnelle, à la formation et à l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

– La section IV comporte les dépenses relatives au fonctionnement et à l’investissement : elle porte donc le coût de la masse salariale, du fonctionnement courant de l’opérateur, ainsi que les charges financières, les charges exceptionnelles et les dépenses d’investissement de Pôle emploi.

Pôle emploi peut également créer toute autre section pour compte de tiers, ce qui a donné lieu en 2009 à la création, à la demande de l’État, d’une section V spécifique pour regrouper l’ensemble des mesures exceptionnelles dont la gestion a été confiée à l’opérateur dans le cadre du plan de relance : les dépenses à ce titre représentent 411,67 millions d’euros en 2012.

Les sections III et IV sont alimentées par la contribution versée à Pôle emploi par l’Unédic qui est, aux termes de la loi de 2008, au moins égale à 10 % des contributions chômage collectées auprès des employeurs et par une subvention de l’État votée chaque année en loi de finances, ainsi que, le cas échéant, par des subventions des collectivités territoriales ou d’autres organismes publics et par les produits reçus au titre de prestations pour services rendus, les produits financiers et les produits exceptionnels.

La comptabilité analytique est encore incomplète : en effet, si les dépenses des sections III et IV ne sont pas fongibles, les recettes en revanche sont globalisées, comme le notait déjà le Conseil économique, social et environnemental dans son rapport de 2011 (6). Le risque d’un arbitrage en faveur de la masse salariale et au détriment de l’accompagnement des demandeurs d’emploi existe donc, d’autant que, comme l’indique le tableau suivant, la masse salariale représente un peu moins de 3 milliards d’euros, soit plus de 60 % des charges de Pôle emploi, avec environ 45 400 équivalents temps plein (ETP) rémunérés par l’opérateur en 2012, dont moins de 5 000 agents de droit public.

Compte de résultat des sections III et IV de Pôle emploi pour 2012
(« Intervention » et « Fonctionnement et investissement »)

(en millions d’euros)

Produits

Charges

Contribution Unédic

3 024,87

Section III : Intervention

797,9

Subvention de l’État

1 360

Aides

455,56

Autres subventions

104,3

Aides à la mobilité

66,46

CRP/CTP/CSP

168

Aides au développement des compétences

381,92

Autres produits d’exploitation

54,41

Aides à l’embauche

7,18

Produits financiers

1,3

Prestations externalisées

341,3

Produits exceptionnels

20,07

Prestations sous-traitées

201,45

   

Prestations co-traitées

62

OPP

77,86

Autres

1,09

Section IV : Fonctionnement

3 994,2

Personnel

2 940,1

Masse salariale et charges de personnel

2 932,6

Provisions

7,5

Fonctionnement courant

1 054,09

Frais liés au personnel

76,59

Achats

42,73

Loyers et entretien immobilier

326,18

Loyers et entretien mobilier

76,22

Sous-traitance

213,57

Conseil, assistance et honoraires

43,51

Frais d’affranchissement et télécommunications

104,8

Frais de communication

13,78

Autres charges de gestion courante

57,58

Charges exceptionnelles

7,72

Dotation aux provisions et aux amortissements

91,41

Total

4 732,94

Total

4 792,13

Résultat prévisionnel (perte)

59,19

Résultat prévisionnel (bénéfice)

Équilibre du CR prévisionnel

4 792,13

Équilibre du CR prévisionnel

4 792,13

Source : Pôle emploi.

2.– Un effort budgétaire accru de l’État pour 2013 pour renforcer les moyens humains de l’opérateur

La poursuite de la dégradation du marché de l’emploi conduit aujourd’hui le Gouvernement à renforcer les moyens de Pôle emploi, qui est en première ligne dans la lutte contre le chômage : 2 000 emplois supplémentaires seront ainsi financés afin de renforcer les capacités de l’opérateur en 2013.

Ainsi, la subvention pour charges de service public versée par l’État à Pôle emploi progressera de 107 millions d’euros en 2013, pour s’établir à 1 467 millions d’euros au total. Il s’agit par cet effort supplémentaire de financer la pérennisation des 1 000 CDD recrutés en 2012 et de garantir le recrutement supplémentaire de 1 000 CDI pour 2013 : ces personnels supplémentaires doivent permettre de renforcer les moyens d’accompagnement des demandeurs d’emploi. L’État prend donc intégralement à sa charge le coût des effectifs supplémentaires consentis à l’opérateur : votre rapporteur pour avis tient à souligner ce point. Pôle emploi procédera en outre au redéploiement interne de 2 000 agents vers les activités d’accompagnement des demandeurs d’emploi. Il s’agit bien par ce biais de renforcer les moyens humains dédiés directement au suivi des demandeurs d’emploi, répondant en cela au constat de l’insuffisance des personnels chargés de l’accompagnement des demandeurs d’emploi au sein du service public de l’emploi français par rapport à certains de ses homologues européens : en effet, le service public français consacre à l’accompagnement 71 équivalents temps plein (ETP) pour 10 000 chômeurs, contre 113 au Royaume-Uni et 150 en Allemagne. Ce sont au total 20 000 emplois qui sont dédiés à l’accompagnement en France ; un agent étant chargé en moyenne du suivi de 200 demandeurs d’emploi (7). Au total, grâce à cette double mesure – renforcement des moyens humains et redéploiement des effectifs –, ce serait donc une progression de 30 % des effectifs consacrés à l’accompagnement qui devrait être opérée à l’horizon 2014.

La contribution de l’Unédic, qui est égale à 10 % des cotisations chômage recouvrées l’année n-2, devrait quant à elle s’établir à 3 138 millions d’euros pour 2013, soit une augmentation de 113 millions d’euros par rapport à 2012 : en effet, avec une progression de la masse salariale qui s’est établie à + 3,6 % en 2011, un surplus devrait donc encore être constaté en 2013. En revanche, à partir de 2014, on ne peut que craindre une diminution de cette contribution : en effet, l’augmentation de la masse salariale ne serait que de + 0,1 % en 2012 et de l’ordre de + 0,5 % en 2013. On a souvent pointé le problème du caractère procyclique de la contribution de l’Unédic à Pôle emploi : celle-ci diminue quand le chômage augmente et que les moyens de Pôle emploi devraient être renforcés pour accompagner l’afflux des demandeurs d’emploi. Cet élément doit néanmoins être relativisé, au regard du décalage de deux ans entre l’assiette des cotisations chômage prises en compte dans le calcul et la contribution de 10 % versée par l’Unédic à Pôle emploi. Votre rapporteur pour avis tient néanmoins à souligner que pour la première fois depuis la mise en place de Pôle emploi, le déficit prévisionnel de l’Unédic, de l’ordre de 4,1 milliards d’euros pour 2013, va être supérieur à sa contribution à Pôle emploi. L’endettement net total de l’Unédic devrait ainsi atteindre 17,7 milliards d’euros fin 2013.

Au total, l’opérateur devrait donc bénéficier de 220 millions d’euros supplémentaires en 2013 pour faire face à ses missions, avec un déficit qui atteint néanmoins 60 millions d’euros fin 2012.

Grâce à ces moyens supplémentaires, les effectifs de Pôle emploi atteindront 47 422 équivalents temps plein au total, dont 44 742 équivalents temps plein sous plafond.

La poursuite du renforcement des moyens humains de Pôle emploi devra être mise à l’étude : en effet, un alignement sur les capacités d’accompagnement de l’Allemagne ou du Royaume-Uni nécessiterait le recrutement de 20 000 équivalents temps plein supplémentaires, ce qui représenterait un coût de 1 milliard d’euros en termes de masse salariale (8). On notera toutefois que si le service public de l’emploi français est deux fois moins doté dans son ensemble que celui de l’Allemagne (62 056 équivalents temps plein en France contre 127 450 en Allemagne), ses effectifs sont en revanche supérieurs au service public de l’emploi britannique (53 844) : or, ce dernier consacre la moitié de ses effectifs à l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Certes, Pôle emploi ne constitue par le service public de l’emploi dans son ensemble : ses personnels représentent toutefois les trois quarts de l’ensemble des effectifs du service public de l’emploi français. La clé du problème ne réside pas seulement dans l’augmentation arithmétique des moyens humains, elle est également à chercher dans la répartition de ces effectifs et dans la recherche d’une meilleure efficacité du service rendu aux demandeurs d’emploi. En outre, la « force de frappe » de l’opérateur public de placement des demandeurs d’emploi tient également à ses capacités d’adaptation aux variations de la conjoncture : de ce point de vue, il est certain que Pôle emploi présente de plus fortes rigidités que ses homologues européens quant à ses effectifs, le nombre de ses salariés en CDD étant plafonné à 5 % de ses effectifs globaux par la convention collective qui lui est applicable.

Votre rapporteur pour avis se réjouit du renforcement des effectifs de Pôle emploi dans ce contexte de poursuite de dégradation du marché de l’emploi : il faut toutefois souligner que ce renforcement intervient après la suppression de 1 800 emplois en 2011. Il apparaît donc comme une nécessité pour permettre a minima à Pôle emploi de « redresser la barre ».

Si l’on se réfère aux exercices précédents, on constate toutefois que depuis sa création, le budget de Pôle emploi a sensiblement augmenté : il est en effet passé de 4 540 millions d’euros en 2009 à un peu mois de 5 milliards d’euros pour 2013. Malgré les moyens supplémentaires dégagés, l’opérateur n’a pas réussi à surmonter les difficultés qu’il a rencontrées, dont certaines sont clairement liées à la fusion, mais pour certaines d’entre elles, existaient déjà du temps de l’ANPE, en particulier des modalités d’organisation inefficaces.

B.– UNE FUSION ONÉREUSE ET QUI N’A PAS TENU TOUTES SES PROMESSES

La fusion de l’ANPE et du réseau opérationnel de l’assurance chômage a été opérée par la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi. Sans revenir sur les conditions de cette fusion et ses conséquences immédiates, qui ont été largement traitées par différents rapports qui leur ont été consacrées (9), force est de constater qu’avec le recul, cette réforme a représenté un coût non négligeable.

L’harmonisation salariale et sociale qui a été mise en œuvre pour fusionner, au sein de la nouvelle instance, des agents de droit public d’un côté et des salariés de droit privé bénéficiant d’un régime conventionnel plus favorable de l’autre, a conduit à l’adoption d’une nouvelle convention collective nationale (10), qui couvre désormais près de 90 % des agents : cette unification « par le haut » a représenté un coût estimé à 350 millions d’euros par la Cour des comptes (11) et à 205 millions d’euros selon le ministre chargé du travail au début du mois de janvier 2012 (12). En outre, le schéma cible d’implantation territoriale et de l’immobilier associé occasionnerait un coût estimé à 550 millions d’euros au total, étalé jusqu’à 2025.

Ce coût généré par la fusion ne saurait évidemment remettre en cause les économies permises par la réforme, qu’il s’agisse entre autres de la réduction à terme du parc immobilier ou encore de la rationalisation de la politique d’achat de la nouvelle structure. Il ne saurait surtout remettre en cause le principe même de la fusion et l’amélioration de la qualité du service ainsi fourni aux demandeurs d’emploi, par la création d’un guichet unique et d’un dossier unique pour chaque demandeur d’emploi, qui recouvre tant son accompagnement que son droit à indemnisation.

Il n’en demeure pas moins que les économies, de l’ordre de 400 millions d’euros, initialement attendues de la fusion, ont été plus qu’absorbées par le processus, il faut le dire amorcé dans la douleur, de la fusion de deux univers culturels bien différents avec toutes les difficultés que cela comporte sur le plan humain.

La première phase de mise en place de l’opérateur unique a également rencontré de nombreux obstacles, dont certains ont pu être levés, tandis que d’autres ont contraint à fixer de nouvelles orientations.

● L’objectif de la mise en place de sites mixtes dès l’été 2009 était clairement irréaliste ; la réunion des services des deux anciennes structures a néanmoins pu être réalisée assez rapidement, à l’échéance d’avril 2010, avec un réseau désormais stabilisé de 896 agences de proximité, dont 85 en zone urbaine sensible (ZUS), bien que la notion de site mixte recouvre des réalités parfois très différentes : équipes mixtes avec directeur unique, sur plusieurs sites ou sur site unique.

● Le choix a en effet été opéré de procéder à une fusion « maximaliste », à marche forcée, avec pour credo « à opérateur unique, métier unique ». Or, le principe du métier unique, prévu par la première convention tripartite du 2 avril 2009, a été abandonné neuf mois après la fusion : en effet, la mise en place d’un « référent unique », supposant de l’ensemble des agents une capacité à exercer indifféremment les métiers de l’indemnisation et du placement, s’est rapidement révélée inapplicable, en raison du degré de technicité exigé pour chacune de ces activités, en particulier au regard de la complexité des règles de calcul de l’indemnisation chômage. Un retour a été opéré vers une polyvalence plus modeste des agents, autour de quatre métiers : le « conseil clientèle », regroupant les agents qui disposent d’un socle de compétences pour réaliser les activités de base relatives à l’indemnisation et au placement ; les deux métiers antérieurs d’« intermédiation » et de « gestion des droits », et enfin, le métier de l’« intermédiation-gestion des droits », qui regroupe les agents véritablement polyvalents. Un bilan réalisé en juin 2012 montre que sur 15 495 agents chargés du suivi des demandeurs d’emploi, seulement un peu plus de 7 % d’entre eux, soit 1 092, pouvaient se prévaloir d’une double compétence.

● La fusion devait également s’accompagner de l’instauration d’un « entretien unique », destiné à faciliter les démarches des demandeurs d’emploi : dans un premier temps, les entretiens d’inscription pour le volet indemnisation et d’élaboration du projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) pour le volet placement ont été regroupés le même jour. Une seconde phase a été enclenchée en 2011 avec la mise en place de l’entretien d’inscription et de diagnostic (EID), qui doit permettre de réaliser l’ensemble de ces premières démarches lors d’un entretien unique, sur un site unique avec un interlocuteur unique. Toutefois, cet entretien n’est pas exempt de défauts : sa durée, de cinquante minutes, conçue pour permettre la réalisation d’un diagnostic efficace de la situation du demandeur d’emploi, ne permet pas toujours de lui exposer clairement ses droits à indemnisation. Il peut donc s’avérer contreproductif pour un demandeur d’emploi qui est amené, au terme des cinquante minutes, à signer son projet personnalisé, qui récapitule ses devoirs sans lui garantir clairement en contrepartie ses droits. On notera également que le conseiller qui réalise l’entretien n’est pas le conseiller référent qui sera chargé du suivi du demandeur d’emploi par la suite. Qui plus est, la difficulté à assurer les premières démarches de diagnostic pour l’accompagnement du demandeur d’emploi d’un côté, pour son indemnisation de l’autre, conjuguée à la complexité des règles de calcul des droits, conduit à un taux d’erreur de l’ordre de 20 % s’agissant de la première évaluation du niveau d’indemnisation du demandeur d’emploi. Enfin, les délais dans lesquels il est procédé à l’inscription du demandeur d’emploi, fixés à dix jours par la convention tripartite couvrant la période 2009-2012, sont en réalité largement dépassés, puisqu’ils avoisinent vingt-cinq à trente jours en moyenne.

● Le suivi mensuel personnalisé (SMP) de tout demandeur d’emploi inscrit depuis plus de quatre mois à Pôle emploi a été impossible à mettre en œuvre avec l’afflux de nouveaux demandeurs d’emploi constaté à partir de 2009 : dans les faits, les entretiens en face à face sont soit davantage espacés (tous les deux à trois mois), soit sont parfois réalisés par téléphone ou par courrier électronique. Néanmoins, si la fusion n’a pas arrangé les conditions de mise en œuvre du suivi des demandeurs d’emploi, l’échec du suivi mensuel personnalisé ne lui est pas entièrement imputable : il est surtout à mettre au compte de l’augmentation brutale du chômage constatée sur cette période.

● Si la fusion des deux métiers du placement et de l’indemnisation s’est finalement imposée rapidement au sein de la nouvelle instance, le transfert opéré en avril 2010 à Pôle emploi de plus de 900 personnels de l’AFPA chargés de l’orientation des demandeurs d’emploi, et principalement de psychologues, peut être considéré comme un échec : ces personnels chargés de délivrer la prestation d’orientation professionnelle spécialisée (POPS), intégrée à l’offre de services du nouvel opérateur, n’ont souvent pas réussi à trouver leur place au sein des agences auxquelles ils ont été rattachés. C’est un sentiment de gâchis qui prédomine donc parmi ces personnels, arrivés à Pôle emploi sous la forme d’une troisième vague, alors même que le nouvel opérateur était en pleine recherche de ses nouveaux repères. Qui plus est, le transfert de ces personnels à Pôle emploi s’est effectué sans aucune compensation financière : or, le coût relatif aux charges de ces personnels est estimé à 54 millions d’euros en 2010 et 70 millions d’euros en 2011.

● Enfin, on peut parler d’échec s’agissant de la mission d’accompagnement des employeurs confiée à Pôle emploi : depuis la fin du monopole de l’ex-ANPE au titre de la collecte des offres d’emploi, l’opérateur n’a pas su maintenir sa position. Alors que la première convention tripartite posait l’objectif d’une collecte de 4,5 millions d’offre d’emploi à l’horizon 2011, l’opérateur atteint un niveau de collecte très inférieur, de l’ordre de 3,3 millions d’offres en 2010 auprès de 470 000 entreprises, soit seulement 16,7 % du total des offres proposées. On rappellera en outre que de l’ordre de 30 millions de contrats de travail sont signés chaque année en France. Pôle emploi a perdu du terrain et perd donc ce faisant son rôle d’expert dans le placement aux yeux des employeurs. À ce titre, se pose notamment la question de savoir s’il ne faudrait pas rétablir une forme d’obligation de dépôt des offres à Pôle emploi.

Au total, et malgré les points noirs soulignés, plus personne ne songe aujourd’hui à revenir en arrière : la fusion est acquise, y compris pour les agents de Pôle emploi, et la nouvelle institution a réussi à se doter d’une forte identité propre ainsi qu’à relever le pari de la refonte du service public de l’emploi dans un contexte du marché de l’emploi pourtant particulièrement difficile et qui continue de l’être. Toutefois, les moyens importants qui ont été déployés pour accompagner la naissance du nouvel opérateur ont été entièrement absorbés par la fusion et le coût, largement supérieur aux prévisions, qu’elle a représenté. Or, aujourd’hui, le sentiment qui prédomine est que l’on n’a pas encore assisté aux gains d’efficience qui étaient initialement attendus de la fusion : au contraire, dans un premier temps, le service aux demandeurs d’emploi s’est même dégradé, avec la montée du chômage et la volonté d’imposer dans le même temps le métier unique.

Après les premiers errements liés à une volonté de fusionner à marche forcée et dans la précipitation, de nombreux objectifs ont été reconfigurés : Pôle emploi entre dans la deuxième phase de son existence, une phase de plus grande maturité. L’opérateur est sans nul doute mieux armé aujourd’hui pour faire face aux nombreux défis qui l’attendent encore.

C.– LES CONDITIONS SINE QUA NON POUR QUE PÔLE EMPLOI PARVIENNE À REDRESSER LA BARRE

Par une ordonnance en date du 11 septembre 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a condamné Pôle emploi pour méconnaissance de son obligation d’accompagnement et de suivi d’un demandeur d’emploi. Ce dernier n’avait en effet pu bénéficier que de trois entretiens en trois ans, dont un téléphonique, et son projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) n’avait jamais été actualisé pendant toute cette période. Si cette décision a été cassée par le Conseil d’État le 4 octobre 2012 au motif que la condition d’urgence n’était pas satisfaite, elle témoigne néanmoins du grand malaise qui s’est emparé de Pôle emploi au vu de ses difficultés à remplir ses missions fondamentales d’accompagnement et de suivi des demandeurs d’emploi.

Une réforme profonde des modalités d’organisation et de fonctionnement de Pôle emploi doit donc impérativement être mise en œuvre : elle est principalement portée par la nouvelle convention tripartite 2012-2014 signée le 11 janvier 2012 entre Pôle emploi, l’État et l’Unédic et par sa traduction interne à l’opérateur dans le cadre du plan stratégique « Pôle emploi 2015 : Réussir ensemble ». Ces deux documents portent les grandes orientations suivantes :

– une plus grande personnalisation de l’offre de services de Pôle emploi en direction des demandeurs d’emploi et des entreprises ;

– une plus forte territorialisation de son offre de services ;

– un renforcement du pilotage par la performance de l’opérateur.

Un certain nombre de pistes d’amélioration supplémentaires peuvent être esquissées : elles mériteront d’être plus amplement étudiées dans le cadre des travaux qui seront menés prochainement par la mission d’information que la commission des affaires sociales va mettre en place.

a) Une personnalisation accrue de l’accompagnement des demandeurs d’emploi

La nouvelle convention tripartite prévoit une véritable personnalisation du service aux demandeurs d’emploi, par la construction de parcours différenciés s’agissant de l’intensité et des modalités de leur accompagnement, en fonction de leurs profils et de leurs attentes. Si le principe d’un conseiller référent unique est bien maintenu – celui-ci étant désigné au plus tard le quatrième mois –, trois types de suivi sont désormais distingués :

– l’accompagnement renforcé au profit des demandeurs d’emploi les plus éloignés de l’emploi, avec un démarrage immédiat du suivi et une rencontre mensuelle avec un conseiller chargé d’un portefeuille de taille réduite, de 50 à 70 demandeurs d’emploi. Les 2 000 équivalents temps plein supplémentaires que Pôle emploi s’est engagé à redéployer progressivement en interne le seront précisément vers cette activité d’accompagnement renforcé destinée en priorité à la prévention du chômage de longue durée ;

– l’accompagnement guidé pour les demandeurs d’emploi nécessitant un accompagnement régulier, pour lesquels un suivi sera assuré à partir du quatrième mois, tandis qu’un bilan approfondi obligatoire sera réalisé neuf mois après l’inscription, afin de pouvoir ajuster le cas échéant les modalités de suivi et de prévenir le basculement dans le chômage de longue durée ;

– un suivi et un appui pour les demandeurs d’emploi qui sont considérés comme étant proches du marché du travail et donc plus « autonomes », qui consistera essentiellement pour le conseiller à assurer la transmission des offres d’emploi et à veiller à ce que le demandeur d’emploi accomplit bien des actes positifs de recherche d’emploi.

L’entretien d’inscription et de diagnostic (EID) sera d’une part allégé dans son volet administratif et renforcé dans sa dimension de diagnostic afin de pouvoir déterminer d’emblée le type de suivi adapté au profil du demandeur d’emploi. En effet, à ce stade, il ne satisfait pas les demandeurs d’emploi, comme on l’a vu. Les difficultés aujourd’hui rencontrées dans la mise en œuvre de cet entretien d’inscription et de diagnostic conduisent votre rapporteur pour avis à suggérer que le comité d’évaluation de Pôle emploi procède dans un délai raisonnable à une nouvelle évaluation de cet outil, une fois que les adaptations prévues par la convention tripartite 2012-2014 auront pu produire leurs effets.

Si le suivi mensuel personnalisé (SMP) n’avait en tout état de cause pas pu être mis en œuvre, son principe est aujourd’hui clairement abandonné au profit d’une logique de différenciation des demandeurs d’emploi. Les moyens dont dispose Pôle emploi ne lui permettent pas, en effet, d’assurer un suivi mensuel de chaque demandeur d’emploi ; qui plus est, sur un plan théorique, il n’est pas sûr que tout demandeur d’emploi doive nécessairement être suivi à un rythme mensuel. Il semble, en effet, plus pertinent de renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi les plus fragiles, a fortiori dans un contexte où le problème du chômage de longue durée devient de plus en plus aigu. Il convient en revanche de souligner que le principe d’une différenciation du suivi des demandeurs d’emploi ne saurait déboucher sur la remise en cause du principe de l’accompagnement universel propre au service public de l’emploi, ce qui serait évidemment inacceptable. Dans un contexte de chômage de masse, il faut néanmoins faire preuve de pragmatisme et la recherche d’une plus grande personnalisation de l’offre de services de Pôle emploi y contribue pleinement.

Avec le renforcement des moyens consacrés à l’accompagnement renforcé, on estime à 180 000 le nombre de demandeurs d’emploi qui pourront bénéficier de ce type de suivi spécifique : certes, ce nombre est bien insuffisant si on le compare à la proportion des demandeurs d’emploi en grande difficulté d’insertion professionnelle, qui est estimée à 30 à 35 % de l’ensemble. Il n’en demeure pas moins que la recherche d’une plus grande spécialisation du suivi des demandeurs d’emploi en fonction de leur profil – en particulier de leur âge et de la récurrence de leurs périodes de chômage – est souhaitable. Le nombre de demandeurs d’emploi en difficulté plaide bien pour un élargissement progressif de cette politique de différenciation des parcours.

Cette nouvelle politique d’accompagnement des demandeurs d’emploi pose de toute évidence un véritable défi managérial aux équipes de Pôle emploi : en effet, elle suppose une plus grande autonomie des conseillers dans le choix des outils de suivi qui seront déployés en fonction du profil du demandeur d’emploi. Elle répond également davantage à une logique de performance.

b) Le défi de la territorialisation

La territorialisation de l’action de Pôle emploi est aujourd’hui largement insuffisante. Votre rapporteur pour avis le constate localement : les agences de Pôle emploi donnent parfois l’impression de fonctionner en vase clos, sans une véritable action concertée localement avec les nombreux acteurs de terrain chargés d’œuvrer en faveur de l’emploi, qu’il s’agisse de l’administration à travers les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), des collectivités locales (conseils régionaux et généraux), des nombreux acteurs du service public de l’emploi local (missions locales, maisons de l’emploi, plan local pour l’insertion et l’emploi – PLIE –, Cap Emploi, OPCA, structures du secteur de l’insertion par l’activité économique
– IAE –, etc.), mais aussi tout simplement des entreprises implantées dans les territoires. Ainsi, les partenariats renforcés de Pôle emploi avec les réseaux spécialisés que sont les missions locales s’agissant des jeunes et les Cap emploi s’agissant des travailleurs handicapés, prennent la forme juridique d’une relation de cotraitance, alors même que dans les faits, celle-ci confine parfois à la sous-traitance.

Les réponses à apporter en matière d’emploi varient de toute évidence en fonction de la spécificité des territoires et des bassins d’emploi : il est donc indispensable que les agences de Pôle emploi adaptent leurs actions aux réalités du terrain et des acteurs mobilisables, dans le cadre d’une véritable démarche de déconcentration.

La convention tripartite du 11 janvier 2012 prend acte de l’insuffisante prise en compte actuelle de la dimension territoriale par Pôle emploi : celle-ci est d’ailleurs assez compréhensible, puisque la fusion a dans un premier temps requis une étape de « pilotage centralisateur ». Néanmoins, l’opérateur entre dans la deuxième phase de son existence et il serait incompréhensible que cette nouvelle phase ne coïncide pas avec un renforcement de son ancrage territorial.

Ainsi, il est prévu de donner une plus grande importance aux diagnostics territoriaux et locaux dressés par les managers, qui alimentent les diagnostics régionaux réalisés conjointement par Pôle emploi et par l’État, et qui sont eux-mêmes une source décisive d’élaboration des conventions annuelles régionales (CAR) négociées entre les directions régionales de Pôle emploi et les DIRECCTE, sous l’autorité des préfets. À cet égard, votre rapporteur pour avis souhaiterait que des travaux plus approfondis puissent évaluer la pertinence de l’existence de deux instances chargées au niveau territorial de la définition des objectifs en matière d’emploi : le conseil régional de l’emploi (CRE), piloté par le préfet de région d’un côté ; le comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle (CCREFP) de l’autre. Une suppression du premier devrait être envisagée.

La nouvelle convention tripartite prévoit également que le diagnostic régional est soumis pour avis aux instances paritaires régionales : votre rapporteur pour avis se réjouit de cette démarche de réactivation du paritarisme au niveau local, qui avait, tout le monde en convient, beaucoup perdu de son dynamisme depuis la mise en place de Pôle emploi.

Il ne s’agit aucunement de régionaliser Pôle emploi, mais bien de déconcentrer son organisation, ce qui passe également par une responsabilisation croissante des managers : une plus grande marge de manœuvre sera donc laissée aux directions régionales concernant les achats de formation mais également l’adaptation de la nature des aides à la mobilité et à la reprise d’emploi aux contextes territoriaux, tandis qu’un véritable droit de tirage local sera instauré pour le financement de dispositifs spécifiques et d’appels à projet locaux dans le cadre d’enveloppes mises à disposition par les directions régionales. Ce volet correspond à la transposition au niveau territorial de la démarche de différenciation de l’offre de services de Pôle emploi définie au niveau national.

Enfin, une meilleure articulation de Pôle emploi avec l’ensemble des autres acteurs du service public de l’emploi local (SPEL) doit être recherchée. La convention tripartite déclinée dans le plan stratégique prévoit ainsi notamment de renforcer la coopération avec les partenaires pour assurer une véritable complémentarité des offres de service sur le territoire : avec l’Éducation nationale à destination des jeunes sans diplôme, avec les conseils généraux s’agissant des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), mais également avec les régions et les OPCA pour constituer une offre sectorielle et territoriale de formation la plus complète possible ou encore par une implication plus forte de Pôle emploi au profit des territoires les plus fragilisés, qu’il s’agisse des zones rurales enclavées ou des zones urbaines sensibles (ZUS). Il faudra sans doute aller plus loin encore, en particulier en appliquant la logique de différenciation des publics concernés, ce qui contribuerait également à améliorer la lisibilité des actions conduites au plan local en faveur de l’emploi en fonction des catégories de demandeurs d’emploi : le partenariat avec les missions locales pour les jeunes, avec le réseau des Cap emploi pour les personnes handicapées, avec l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) s’agissant des cadres ou encore avec les structures du secteur de l’insertion par l’activité économique s’agissant des bénéficiaires du RSA, gagnerait à être clarifié, Pôle emploi devant également communiquer davantage sur ses partenariats, ce qui vaut également pour ses relations de sous-traitance avec les organismes privés de placement (OPP).

Le défi de la territorialisation de Pôle emploi va de pair, sur le plan matériel, avec la poursuite du schéma cible d’implantation immobilière de Pôle emploi sur le territoire national : adopté en septembre 2010, ce schéma national prévoit l’achèvement de l’unification des sites des deux anciennes entités pour offrir des locaux et des sites mieux adaptés aux besoins des usagers. À terme, Pôle emploi disposera de 896 agences « de proximité » (13) complétées par 44 « relais » et 100 « visio-guichets », de 30 unités spécialisées par public (25 agences dédiées aux cadres et 5 aux métiers du spectacle), de 142 agences multiservices spécialisées dans l’accompagnement renforcé et l’orientation, et enfin de 85 implantations en zones urbaines sensibles (ZUS). L’échéance du schéma cible immobilier, initialement fixée à 2014, a néanmoins été reportée en raison de la dégradation de la situation financière de Pôle emploi. Votre rapporteur pour avis souligne à cet égard que dans certains territoires, les agences de Pôle emploi ont été amenées à quitter les centres-villes où étaient autrefois implantées les agences de l’ex-ANPE : la fusion avec les Assédic a en effet nécessité des surfaces plus importantes pour chaque site mixte, le coût de l’immobilier se révélant dès lors parfois rédhibitoire dans les centres urbains. Le fait de trouver des agences de Pôle emploi dans des quartiers périphériques des villes ne semble toutefois pas optimal du point de vue de l’accessibilité des usagers.

c) La gouvernance de Pôle emploi et son organisation interne

Qualifié par la loi du 13 février 2008 qui l’a instauré d’« institution publique nationale », Pôle emploi exerce une mission et bénéficie de ressources qui le rattachent à la catégorie des établissements publics administratifs, aux termes du décret du 29 septembre 2008. Cependant, afin de simplifier sa gestion et de faciliter l’intégration des personnels issus des Assédic, organismes relevant du droit privé, la loi a prévu que Pôle emploi serait soumis aux règles de la comptabilité privée, que son personne serait régi par le droit du travail – sauf pour les personnels contractuels de droit public issus de l’ex-ANPE qui ont pu opter pour le maintien de leur statut, qui concerne 10 % de l’ensemble des effectifs – et que ses marchés seraient passés selon les règles de l’ordonnance du 6 juin 2005 et non du code des marchés publics. L’ensemble de ses biens immobiliers appartient à son domaine privé, même si l’État peut s’opposer à la cession de biens affectés au service public (14). Il s’agit donc d’un établissement public administratif d’un genre particulier, que d’aucuns ont pu qualifier de « monstre juridique ».

Du point de vue de sa gouvernance, le double financement de Pôle emploi a conduit à y associer les partenaires sociaux : ceux-ci disposent en effet de la majorité au conseil d’administration, l’État ne disposant que de cinq membres sur dix-huit au total (15). En premier lieu, cette répartition n’est pas sans poser des difficultés au regard du pouvoir important dont dispose l’État, qui fixe par exemple le plafond d’emplois de l’opérateur. En outre, la non représentation des personnels de Pôle emploi au conseil d’administration peut être discutée, de même que celle des associations de demandeurs d’emploi. Enfin, une meilleure association des collectivités territoriales à la gouvernance de l’institution devrait être envisagée : on ne peut en effet déplorer le manque d’articulation de Pôle emploi avec les acteurs du service public de l’emploi au plan local et son ancrage territorial insuffisant et se satisfaire de ce qu’un seul représentant des collectivités territoriales ne siège au conseil d’administration de l’opérateur. Il faudrait à tout le moins que les régions et les départements disposent chacun d’un représentant.

Du point de vue de son organisation et de son mode de fonctionnement interne, après la première phase de construction de l’identité du nouvel opérateur à la suite de la fusion de l’ex-ANPE et des Assédic, une deuxième phase de consolidation doit désormais être initiée : le plan stratégique « Pôle emploi 2015 » s’engage résolument dans cette voie, qui doit désormais être concrétisée. Il faut en effet parvenir à créer une véritable identité professionnelle commune à l’ensemble des agents : celle-ci passe immanquablement par la mise en place d’un référentiel des métiers comportant un socle commun de compétences, au nombre desquels doit figurer par exemple l’entretien d’inscription et de diagnostic. Il est indispensable que les trois métiers de l’indemnisation, de l’intermédiation et de l’orientation soient pleinement reconnus : en effet, on l’a dit, les personnels issus de l’AFPA n’ont pas véritablement trouvé leur place au sein de la nouvelle instance. Le malaise ressenti par ces personnels, porteur de risques psycho-sociaux, doit impérativement être dissipé. Votre rapporteur pour avis se réjouit également à ce titre qu’une négociation sur la nouvelle grille de classification soit prévue par la direction de Pôle emploi au plus tard au premier semestre 2013 : celle-ci permettra de hiérarchiser les emplois et de définir les niveaux de rémunération et les règles de passage associées.

La nouvelle convention tripartite instaure enfin un pilotage par les résultats de Pôle emploi, par opposition à des indicateurs de mesure de l’activité qui avaient prévalu jusqu’alors. Les nouveaux indicateurs mesurent la performance de Pôle emploi au regard des trois objectifs principaux fixés par la convention : les résultats atteints en termes de retour à l’emploi, la qualité du service rendu et l’efficience dans l’utilisation des moyens. Si cette démarche peut paraître déroutante aux agents de Pôle emploi, qui ont souvent l’impression que leurs moyens restent constants alors que le nombre des demandeurs d’emploi ne cesse de croître, il est néanmoins nécessaire que l’opérateur national chargé du suivi des demandeurs d’emploi « rende des comptes » à la société quant à son efficacité. Le contraire ne manquerait pas de générer une incompréhension de la part de nos compatriotes.

d) Une refonte indispensable de l’offre de formation

Les auditions menées par votre rapporteur pour avis l’ont conduit à identifier un point noir unanimement reconnu : celui de la formation des demandeurs d’emploi. « Maquis insondable », « illisibilité totale », « foisonnement excessif des dispositifs » : autant d’expressions qui traduisent le caractère totalement insatisfaisant de l’offre de formation telle qu’elle est aujourd’hui proposée aux demandeurs d’emploi dans notre pays. Cette situation est proprement intolérable, dans un contexte de chômage croissant et surtout, d’augmentation du chômage de longue durée pour lequel, on le sait, la formation est bien souvent un préalable nécessaire et incontournable qui conditionne le retour à l’emploi.

La principale difficulté, relevée par de multiples rapports consacrés à cette problématique (16), tient pour Pôle emploi à la multiplicité des financeurs de la formation professionnelle : en 2010, les régions finançaient 58 % des formations destinées aux demandeurs d’emploi, l’État 12,5 % et Pôle emploi 16 %, alors même qu’il est prescripteur sur la totalité de l’offre de formation et représente en moyenne plus de 60 % des prescriptions sur les programmes de formation des régions.

L’amélioration de l’action de Pôle emploi en matière de formation passe par :

– l’accroissement de l’offre de formation disponible, une meilleure adaptation de cette formation aux besoins et l’amélioration de la coordination de l’achat de formation avec les autres financeurs de cette politique, en particulier avec la politique de programmation et d’achat des conseils régionaux ;

– la capacité à prescrire les formations adaptées aux besoins des demandeurs d’emploi et par conséquent, la connaissance de l’ensemble des dispositifs de formation disponibles.

Sur le premier point, la politique d’achat de formation de Pôle emploi est aujourd’hui nationale, donc souvent inadaptée aux besoins spécifiques à chaque bassin d’emploi. Une définition des besoins en formation sur la base des résultats de l’enquête sur les besoins en main-d’œuvre (BMO) issues des directions régionales devrait présider à la politique d’achat de formation de l’opérateur. En outre, comme l’a constaté l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans une évaluation réalisée en décembre 2011, l’articulation de la politique d’achat de formation de Pôle emploi avec les autres financeurs reste très inégale selon les régions. De ce point de vue, la mise en place d’une véritable politique d’achat en commun avec les conseils régionaux, à travers des groupements de commande, pourrait permettre de créer une véritable cohérence, voire une stratégie régionale commune en faveur de l’accès des demandeurs d’emploi à la formation.

Sur le second point, la diversité de l’offre de formation sur un territoire donné et la multiplicité des acteurs concernés plaident pour la mise en place d’un outil commun d’information et de suivi de la prescription : votre rapporteur pour avis soutient évidemment le principe du déploiement d’un système d’information globalisé qui permettrait à l’ensemble des prescripteurs et des financeurs de connaître à la fois l’offre de formation et la prescription en ligne de formations aux demandeurs d’emploi.

En tout état de cause, le volet « formation » de l’activité de Pôle emploi semble aujourd’hui insuffisamment développé, et cela, alors même que les personnels chargés de l’orientation en provenance de l’AFPA ont été intégrés au nouvel opérateur. Leur association très étroite à la politique de formation de Pôle emploi doit à tout prix être recherchée. On notera à cet égard que la définition des missions d’orientation de Pôle emploi n’a toujours pas été clairement définie, quatre ans après la naissance de la nouvelle instance : il est impératif qu’elles le soient dans les délais les plus brefs.

*

* *

Après quatre années d’existence, Pôle emploi est à la croisée des chemins : après avoir connu une première phase difficile, avec une fusion qu’on a voulu trop rapidement et brutalement imposer aux deux entités préexistantes de types trop différents, Pôle emploi entre désormais dans une phase de stabilisation. La fusion fut douloureuse, plus coûteuse que prévu, et des erreurs ont sans doute été initialement commises ; toujours est-il qu’elle a fonctionné. Pôle emploi est désormais l’acteur unique de placement et d’indemnisation des demandeurs d’emploi qui avait été souhaité, et nul ne contestera qu’il détient d’ores et déjà une identité propre.

Si cette deuxième phase doit être une phase de consolidation, celle-ci ne se fera pas non plus sans difficulté : la détérioration continue du contexte macroéconomique, et en particulier du marché de l’emploi depuis sa mise en place en 2008, plaident aujourd’hui pour une profonde réforme de son mode de fonctionnement et cela, afin d’assurer un accompagnement satisfaisant des demandeurs d’emploi. D’importantes réorientations sont d’ores et déjà en œuvre, par le biais de la redéfinition des objectifs fixés à Pôle emploi par la nouvelle convention tripartite 2012-2014, traduite en interne dans le plan stratégique Pôle emploi 2015.

On ne peut néanmoins douter de ce que tous les moyens seront mis en œuvre par l’opérateur pour faire face à ses nouveaux défis : les auditions menées par votre rapporteur pour avis l’ont convaincu, s’il en était besoin, de la volonté inébranlable de l’ensemble des acteurs d’améliorer les capacités de Pôle emploi pour le mettre en mesure de répondre au mieux à ses objectifs. N’ayant pu aborder aussi largement qu’il l’aurait voulu les problématiques propres à Pôle emploi dans son rôle central de lutte contre le chômage, il souhaite que la mission d’information que la commission des affaires sociales va mettre en place puisse se saisir pleinement de ce sujet dont l’actualité ne se démentira pas en 2013.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.– AUDITION DES MINISTRES

La Commission des affaires sociales entend, lors de sa réunion du mardi 30 octobre 2012, M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage, sur les crédits pour 2013 de la mission « Travail et emploi ».

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues, nous recevons ce matin M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage.

Messieurs les ministres, dans un contexte budgétaire très contraint, votre budget 2013 est un bon budget, parfaitement cohérent avec les priorités affirmées par le Gouvernement en matière de politique de l'emploi et de lutte contre le chômage.

Cela se traduit notamment par l'inscription des crédits permettant la mise en place des emplois d'avenir. La loi que nous avons votée voilà quelques semaines vient d'être validée par le Conseil constitutionnel et a été promulguée le 26 octobre. Vous serez d'ailleurs cet après-midi à l'Hôtel de Matignon, aux côtés du Premier ministre, pour la cérémonie de signature des premières conventions d'engagements. Par ailleurs, le projet de budget prévoit le renforcement des moyens humains et financiers de Pôle emploi.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Dans le contexte très difficile que nous connaissons, la question du chômage est prégnante pour la conception et la mise en œuvre du projet de budget qui vous est soumis.

Celui-ci a d’abord pour objet de financer les premières mesures que le Gouvernement a décidé de prendre.

Il fait également preuve du sérieux budgétaire qui s’impose. Un bon budget n’est pas forcément un budget qui augmente : le fait que celui de la mission « Travail et emploi » soit l’un des seuls à le faire – dans une proportion de 4 % – ne se justifie que par l’augmentation des chiffres du chômage et je souhaiterais, à ce titre, le voir un jour diminuer. Nous participons, du reste, au nécessaire effort de maîtrise du déficit et de l’endettement, notamment en matière de personnel.

Certains outils de lutte contre le chômage, pour lesquels le Gouvernement et le Parlement n’ont pas encore pris de décisions, ne figurent pas encore dans ce projet de budget. C’est notamment le cas du contrat de génération, qui a d’abord fait l’objet d’une négociation, puis d’un débat sur le projet de loi qui vous sera soumis à cet effet, et dont la traduction budgétaire ne relève d’ailleurs pas nécessairement d’un projet de loi de finances. De même, la sécurisation de l’emploi, actuellement soumise à une négociation difficile, pourra se traduire notamment par une meilleure mobilisation du chômage partiel – ou, plus justement, de l’« activité partielle » – ou des droits à la formation.

J’en viens aux grandes priorités qu’exprime ce projet de budget.

La première est la mise en œuvre des politiques de contrats aidés et d’emplois d’avenir à un niveau suffisant pour avoir un effet sur le chômage et l’avenir des jeunes concernés.

Le Gouvernement souhaite que les contrats aidés soient aussi nombreux l’année prochaine que dans la loi de finances pour 2012. Les moyens prévus permettront de financer les 340 000 contrats non marchands et 50 000 contrats marchands ou contrats initiative-emploi (CIE) que nous entendons mettre en œuvre. Nous souhaitons aussi que ces crédits puissent être utilisés tout au long de l’année – et non pas seulement en début d’année, comme cela a été le cas cette année. Il faut également veiller à la qualité et à la durée de ces contrats. En effet, une période de six mois est souvent trop courte pour permettre l’insertion dans l’emploi et la durée souhaitable semble être de l’ordre de neuf mois, voire davantage pour certains des publics concernés.

S’agissant des emplois d’avenir, les crédits nécessaires ont donc été inscrits, tant en autorisations d’engagement, avec 2,320 milliards d’euros, qu’en crédits de paiement, avec 466 millions d’euros, dont 30 millions d’euros prévus pour l’accompagnement, notamment à l’intention des missions locales, ce qui devrait permettre une montée en puissance au cours de l’année prochaine. Il ne s’agit pas tant, je le rappelle, de garantir à chacun un certain quota que d’atteindre l’objectif de 100 000 emplois d’avenir l’année prochaine. Les publics visés sont en effet très délicats et il nous faut veiller à la qualité du contenu de ces emplois, qui doivent permettre l’insertion en prévoyant un accompagnement et une formation obligatoires de ces jeunes. La tâche est difficile et exigeante pour les employeurs potentiels, mais elle est nécessaire.

La deuxième grande préoccupation qu’exprime ce budget est la consolidation du service public de l’emploi, en renforçant notamment les moyens de Pôle emploi. Nous avons autorisé la création de 2 000 emplois supplémentaires sur des contrats à durée indéterminée. Les embauches sont en cours et seront pleinement réalisées au cours de l’année prochaine. Elles s’accompagnent des crédits supplémentaires correspondants. Ces embauches sont nécessaires pour faire face à l’accroissement du nombre des chômeurs et pour mieux les suivre, avec un accompagnement personnalisé de chacun d’entre eux dans chaque agence de Pôle emploi.

Les crédits des missions locales sont maintenus, et même augmentés des 30 millions d’euros que j’ai déjà évoqués au titre des emplois d’avenir. Les missions locales interviendront en effet pour le repérage des jeunes concernés et pour leur accompagnement, y compris chez les employeurs.

Nous maintenons également les crédits des maisons de l’emploi, réduits au cours des années précédentes, et les accompagnements financiers des demandeurs d’emploi en formation.

En troisième lieu, nous poursuivons – et amplifions parfois – le soutien aux personnes handicapées. Ce budget prévoit, en effet, l’accroissement des aides aux postes dans les entreprises adaptées, avec notamment la création de 1 000 places supplémentaires en 2013 pour les travailleurs handicapés. Comme j’ai pu le constater récemment en visitant une entreprise adaptée, ces postes permettent de faire travailler des personnes handicapées dans de bonnes conditions et dans un contexte normal, soumis aux contraintes de l’équilibre économique.

Nous reconduisons aussi les crédits destinés à l’insertion par l’activité économique, gelés depuis plusieurs années. Je comprends la revendication qui s’exprime pour que soit maintenu au moins le pouvoir de paiement de ces aides mais, compte tenu de la très grande complexité de ce domaine, l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ont été chargées conjointement de présenter rapidement un rapport permettant de refonder l’ensemble de ce dispositif. Les décisions en la matière devront être prises avec le Parlement. Aucune augmentation n’est donc prévue actuellement, mais il se peut qu’il faille y procéder au terme de ce processus.

Dans un contexte budgétaire contraint, l’allocation liée au contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) est également préservée, ainsi que les crédits destinés aux écoles de la deuxième chance, dont nous apprécions beaucoup le travail sur le terrain, et les capacités d’intervention du Fonds d’insertion professionnelle des jeunes (FIPJ).

Le quatrième axe du projet de budget qui vous est présenté consiste à accompagner – et, lorsque c’est possible, à anticiper – les restructurations industrielles et les mutations économiques. Il s’agit là de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), pour laquelle 60 millions de crédits budgétaires sont inscrits. Quant à savoir si ces crédits suffisent, nous verrons avec vous ce qu’il est possible de faire.

L’activité partielle se voit allouer 70 millions d’euros de crédits budgétaires. Je souligne à cet égard que les crédits inscrits à ce titre dans les budgets initiaux ne sont pas consommés, car ce dispositif est complexe et perçu comme trop aléatoire par les entreprises, qui doivent procéder à une avance. Un décret simplifiera prochainement le dispositif et j’espère que ces crédits pourront être effectivement utilisés. De fait, l’activité partielle signifie qu’il y a maintien dans l’emploi et maintien du lien avec l’entreprise, ce qui facilite le retour à l’emploi.

Quant au contrat de sécurisation professionnelle, il est pérennisé, avec des crédits prévisionnels d’un montant de 70 millions d’euros.

Le cinquième axe est le financement de l’adaptation des qualifications et la reconnaissance des compétences, la formation professionnelle et l’alternance. Les compensations d’exonérations de charges associées aux contrats d’apprentissage sont bien entendu financées.

La dotation globale de décentralisation est, en l’état actuel des choses et dans l’attente du projet à venir sur cette question, la contrepartie de la décentralisation. Ses crédits, d’un montant de 1,702 milliard d’euros, sont stables par rapport à 2011. Des réaffectations permettront de parvenir à cette somme sans ponctionner autoritairement le fonds paritaire, comme cela a pu être fait précédemment.

L’État finance également les savoirs de base. Quant à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), elle se voit dotée de 87 millions d’euros de crédits. Si nécessaire, compte tenu de sa situation extrêmement délicate, d’autres crédits pourraient être inscrits d’ici à la fin de l’année, au titre de l’année 2012, dans le cadre d’une loi de finances rectificative.

Je tiens enfin à souligner les efforts que s’impose mon ministère pour contribuer à la maîtrise et à la diminution du déficit du budget de l’État. Tandis que la masse salariale et les emplois n’augmentent pas, 141 suppressions de postes permettent la création de postes dans les secteurs prioritaires que sont l’éducation, la justice et la police. Nous demanderons que l’effort pèse davantage sur l’administration centrale que sur les administrations déconcentrées, car d’importants efforts ont déjà été faits sur les territoires au cours des dernières années, rendant parfois très difficile le travail de nos services. Je compterai les postes un à un pour m’assurer du respect de cette directive.

Les dépenses de fonctionnement diminuent de 5,4 millions d’euros, soit 3,7 %, par rapport à la loi de finances pour 2012. Ainsi, le dispositif des contrats d’autonomie, dont on déplore unanimement le coût très élevé pour une efficacité très faible, et dont l’action sera avantageusement suppléée par le dispositif des emplois d’avenir, ne sera pas reconduit.

Ce budget se caractérise donc, pour résumer, par le financement de nos grandes priorités, par la continuité – voire l’amplification – des actions qui le justifient et par une contribution au nécessaire effort de sérieux budgétaire et de maîtrise des déficits.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage.  La politique de l'apprentissage s'inscrit dans un tout. Toutes les voies de la formation doivent en effet être développées : l'apprentissage, qui doit certes progresser, ne doit pas se substituer aux autres types de formations. Chaque jeune doit trouver sa voie en fonction de ses aspirations et de ses compétences : l'offre doit donc être assez diversifiée pour répondre aux besoins de tous les parcours. J'y reviendrai plus en détail lors du débat en séance publique.

La création du compte d'affectation spéciale en faveur de l'apprentissage, en juillet 2011, avait notamment pour but d'améliorer la lisibilité des concours de l'État dans ce domaine. Ce compte est un outil de transparence vis-à-vis du Parlement, car le Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage (FNDMA) était précédemment un outil extrabudgétaire, qui échappait comme tel aux débats et au pouvoir d’amendement des parlementaires.

Dans le projet de loi de finances pour 2013, ce compte d’affectation spéciale totalise 825 millions d’euros de dépenses et 688 millions d’euros de recettes, auxquelles s'ajoute le report de plus de 160 millions d’euros d'excédents constatés fin 2011.

Les 688 millions d’euros de recettes prévues se répartissent en 453 millions d’euros au titre de la fraction du quota de la taxe d'apprentissage et 235 millions d’euros attendus de la contribution supplémentaire à l'apprentissage – ou « malus » – dont doivent s’acquitter les entreprises de 250 salariés et plus comptant dans leurs effectifs moins de 4 % de jeunes en alternance, à quoi s’ajoutent plus de 160 millions d’euros d'excédents de trésorerie constatés pour le passé.

Les 825 millions d’euros de dépenses correspondent à trois programmes.

Le programme 787, tout d’abord, intitulé « Péréquation entre régions et compensation au titre du transfert de versement de l’indemnité compensatrice forfaitaire », totalise 450 millions d’euros de dépenses. Il comporte une ligne de 200 millions d’euros destinée à assurer une péréquation entre les régions des sommes perçues au titre de la taxe d'apprentissage et une autre ligne, de 250 millions d’euros, qui représente une part du versement de l'indemnité compensatrice aux régions, désormais financée sur le compte d’affectation spéciale.

Le montant total de la compensation versée aux régions au titre du transfert de cette indemnité, soit 800 millions d’euros, garanti par la Constitution, n'est pas modifié par cette disposition.

En deuxième lieu, le programme 788 « Contractualisation pour le développement et la modernisation de l’apprentissage », qui constitue le support des contrats d'objectifs et de moyens signés entre l’État et les régions pour le développement de l’apprentissage, se voit doté de 360 millions d’euros. Il concerne la deuxième génération de contrats d'objectifs et de moyens – conclus en 2011 pour la période 2011-2015 avec un engagement de l'État de 1,7 milliard d’euros –, qui met l'accent sur le principe d'un financement paritaire, sur une utilisation plus efficiente des crédits grâce à une attribution et une gestion rénovées et sur une simplification du pilotage au moyen de priorités plus quantifiables, privilégiant les opérations d'investissement.

Enfin, le programme 789 « Incitations financières en direction des entreprises respectant les quotas en alternance », prévoit une aide de l'État – un « bonus » – aux entreprises de 250 salariés et plus dépassant le seuil de 4 % de salariés en alternance, avec 10 millions d’euros de crédits, et une action de communication et de promotion de l'apprentissage, dotée de 5 millions d’euros de crédits destinés essentiellement à la rémunération des développeurs de l’apprentissage, chargés de faire prendre conscience aux entreprises de l’intérêt que revêt pour elles l’intégration d’apprentis, en termes tant de compétences que de perspectives de reprise ultérieure.

La lisibilité des moyens affectés à l'apprentissage est renforcée par le regroupement sur le compte d'affectation spéciale de plusieurs financements différents contribuant aux mêmes types d'actions en faveur de l'apprentissage.

Dans le contexte d’un retour à l'équilibre des finances publiques, il faut se féliciter de ce que l'ensemble des moyens consacrés à l'apprentissage pour les régions ait été préservé, ce qui exprime la priorité attachée à l’insertion par l’apprentissage.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Messieurs les ministres, le projet de budget que vous nous présentez est courageux et ambitieux. Il se donne les moyens de son ambition en matière de justice et de lutte contre le chômage. La qualification des jeunes était une priorité du Président de la République, tout comme la formation des demandeurs d’emploi. Je me réjouis également qu’il consacre – à la différence des budgets des dernières années – des moyens à l’anticipation des mutations économiques.

Ce projet de budget prend également en compte l’évaluation des conditions de travail de nos concitoyens et la peur du déclassement social qui rend notre société anxiogène. Je me félicite donc qu’y figure un volet consacré à la pénibilité, laissée de côté dans la réforme des retraites.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis, sur la partie « Emploi ». La mission « Travail et emploi » porte deux des grandes priorités du Gouvernement : l'emploi et la jeunesse. Les crédits affichent une progression qui, dans un contexte particulièrement contraint, attestent d’une volonté de ne pas relâcher l'effort en faveur de l'emploi, de soutenir ceux qui sont les plus touchés par le chômage – les jeunes, les seniors, les chômeurs de longue durée et les travailleurs handicapés –, et de prendre en compte la situation des demandeurs d’emploi.

Trois éléments méritent d'être particulièrement soulignés.

Il s'agit d’abord des emplois d'avenir. Avec 100 000 emplois financés en 2013, ce dispositif, qui sera lancé ce soir à l’Hôtel Matignon, représente, un effort particulier visant le cœur du chômage des jeunes : le « stock » des 500 000 jeunes peu ou pas qualifiés.

Bien que, comme vous l’avez expliqué, les contrats de génération ne figurent pas dans ce budget, ils répondront également, pour le secteur marchand principalement, à cette double priorité que sont l’emploi des jeunes et le maintien dans l'emploi des seniors, eux aussi particulièrement vulnérables au chômage.

Une approche territoriale, par bassin d’emploi, est l’une de clés de la réussite de ces deux dispositifs, car elle permet d’assurer aux bénéficiaires
– demandeurs d’emploi et employeurs – un accompagnement de qualité.

Un pilotage stratégique au niveau régional est également très important. Il pourrait être amélioré en associant Pôle emploi et les associations régionales des missions locales membres du Comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP). Une fusion de ce dernier et du Comité régional pour l’emploi (CRE) permettrait de gagner en simplicité.

Je salue aussi l'effort que représente le financement par l’État de 2 000 postes supplémentaires pour Pôle emploi, à quoi s’ajoute la conversion de 2 000 personnels de cet organisme qui seront affectés à l’accompagnement direct. Je me félicite également du maintien du niveau de financement des missions locales, des écoles de la deuxième chance et des contrats d'insertion dans la vie sociale (CIVIS). Je ne doute pas que la perte subie par le Fonds pour l'insertion professionnelle des jeunes (FIPJ) pourra être rattrapée.

Je vous interrogerai maintenant, messieurs les ministres, sur quatre dossiers pénalisés par les budgets précédents.

On ne peut que se réjouir que vous mettiez fin à la ponction de 600 millions d’euros opérée précédemment par l’État – alors que la loi a prévu qu’il puisse au contraire l’abonder ! – sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), qui a collecté 2,1 milliards d’euros depuis sa création. Ce fonds, dont vous nous confirmez donc qu’il sera préservé, disposera de 500 millions d’euros supplémentaires produits par les 300 millions d’euros qui ne seront pas ponctionnés et par le passage de 10 à 13 % du taux de cotisation, rendu possible par le rétablissement de la confiance et qui rapportera 201 millions d’euros. Encouragerez-vous le fonds à travailler avec les régions et à créer avec elles des fonds régionaux ? Envisageriez-vous aussi d’abonder ultérieurement ce fonds destiné aux publics les plus en difficulté ?

L’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) se trouve dans une situation très difficile. Fragilisée, elle a vu son chiffre d’affaires diminuer de 20 % et a connu l’an dernier un déficit de 50 millions d’euros – on annonce un chiffre de 80 millions pour cette année. Le transfert à Pôle emploi des personnels qui assuraient l’orientation et l’échec du transfert de son patrimoine, qui continue à se dégrader, aggravent ses difficultés. Après nous avoir assurés tout à l’heure que l’État serait présent aux côtés de l’AFPA et avant même la présentation par son président, M. Yves Barou, de son plan de refondation stratégique le 15 novembre, pouvez-vous nous indiquer quelle est votre vision pour l’avenir de cet organisme ?

L'insertion par l'activité économique joue un rôle majeur en matière d'insertion professionnelle pour les publics en grande difficulté. Or, le montant de l'aide au poste est gelé depuis dix ans à 9 681 euros et 14 500 postes sont financés pour 140 millions d’euros. Je vous invite – et le ferai au besoin par voie d’amendement – à donner dès maintenant, sans attendre le rapport de la mission de l’IGF et de l’IGAS que vous évoquiez, un signe d’encouragement à ce réseau, tant pour ce qui concerne le montant de l’aide au poste que pour le libérer du numerus clausus qui prévaut aujourd’hui, car le dispositif a la capacité de créer de nouveaux postes.

Pour ce qui est de l'emploi des seniors, je m'inquiète, malgré la mise en place prochaine du contrat de génération, de la situation des demandeurs d'emploi âgés en fin de droits qui ne peuvent plus bénéficier du dispositif de l'allocation équivalent retraite (AER), supprimé le 1er janvier 2011 – même si la « queue de comète » de ce dispositif représente encore une dépense de 220 millions d’euros dans le projet de budget que vous nous présentez. Les personnes qui comptaient bénéficier de ce dispositif vivent sa suppression comme une injustice. L'allocation transitoire de solidarité (ATS) qui a été mise en place ne touche qu'un public fermé et je subodore que les 10 millions d’euros de crédits qui lui sont consacrés n’ont même pas été dépensés. Le décret du 2 juillet dernier, qui élargit les critères du départ anticipé pour carrières longues, règle-t-il la situation de ces demandeurs d'emploi âgés ? Je crains que ce ne soit le cas que pour l’ATS, ce qui laisse posée la question des autres publics. Il n’est certes pas question de rétablir l’AER dans sa forme la plus large, qui induirait un coût de l’ordre de 500 millions d’euros, mais il conviendrait de trouver une solution pour les demandeurs d’emploi âgés réduits à l’allocation spécifique de solidarité alors qu’ils ont réuni un nombre de trimestres de cotisation suffisant pour bénéficier d’une retraite à taux plein, mais n’ont pas encore atteint l’âge légal de départ à la retraite.

Nous souhaiterions disposer d'éléments sur les effectifs des personnes qui se trouvaient auparavant admises au bénéfice de l'AER et qui ne le sont plus aujourd'hui, ainsi que sur l'impact du décret du 2 juillet – qui prendra effet, je le rappelle, au 1er novembre.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis sur la partie « Travail ». Quelle définition pouvez-vous donner de la constitutionnalisation du dialogue social, dont le Président de la République a fait l’une de ses priorités ? En effet, l’accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail, qui fixait des contreparties de part et d’autres, a été mis à mal par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, qui a augmenté les cotisations sur les indemnités. Comment entendez-vous articuler le contrat et la loi dans ce cadre ?

Par ailleurs, les entretiens que j’ai eus avec la commission chargée de concevoir le Commissariat au dialogue social et à la prospective me laissent penser que cet organisme s’annonce davantage comme un « Commissariat au Plan bis » que comme un organisme réellement consacré au dialogue social. Il est temps que les partenaires sociaux puissent disposer d’une enceinte permettant d’entretenir un dialogue social permanent – j’ai d’ailleurs déposé durant la précédente législature une proposition de loi visant à créer un Conseil permanent du dialogue social, qui aurait pu être porté par le Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Nous arrivons, en outre, au terme de la réforme de la représentativité des syndicats. Celle-ci, qui reposait précédemment sur une présomption irréfragable, se fondera à partir de 2013 sur les résultats d’élections organisées dans les entreprise, puis par branche et au niveau interprofessionnel. Cette réforme aura de nombreuses conséquences, notamment sur tous les organismes paritaires, comme la sécurité sociale, l’Unédic ou le Conseil économique, social et environnemental. Comment l’appliquerez-vous dans ces organismes ?

La réforme de la représentativité patronale, dont le Premier ministre a annoncé qu’elle serait l’un de ses chantiers, est une réforme pour laquelle je plaide pour ma part depuis longtemps, au nom du parallélisme des formes entre les dispositifs applicables aux salariés et aux employeurs. Le chantier a certes été lancé, mais les organisations patronales elles-mêmes ne sont pas encore parvenues à un accord entre elles. Compte tenu du délai fixé à juin 2013, date désormais très proche, que ferez-vous si aucun accord n’est trouvé ?

Enfin, bien que la commission d’enquête sur le financement des organisations syndicales et professionnelles, dont notre ancien collègue Nicolas Perruchot était le rapporteur et dont j’étais membre, ait décidé – contre mon avis – de ne pas adopter son rapport, il existe un problème bien réel de transparence en la matière, notamment dans les comptes de certains comités d’entreprise. Envisagez-vous un projet de loi sur cette question ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis pour le compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ». Le maintien des moyens destinés à l’apprentissage montre votre volonté de poursuivre le développement de l’alternance comme étant une des voies de la réussite.

Pour avoir combattu les prélèvements opérés sur l’ancien Fonds unique de péréquation (FUP) – et que l’on avait pu croire pérennisés par la loi de 2009 agissant comme un cliquet anti-retour –, je me réjouis de la sanctuarisation des crédits du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), qui doit permettre d’honorer des engagements pluriannuels.

Je poserai quatre questions sur l’apprentissage, avant de formuler une proposition

Tout d’abord, devant la complexité du système de financement de l’apprentissage et le besoin de simplicité et de transparence qui se fait sentir, quelles sont vos intentions pour ce qui concerne les bénéficiaires et la répartition entre ceux-ci des sommes prélevées ?

En deuxième lieu, devant le nombre encore élevé des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage (OCTA) – on compte encore aujourd’hui 144, malgré une diminution en dix ans –, ne faudrait-il pas s’inspirer de la réforme de 2009 qui avait permis de réduire de 100 à 20 le nombre des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) ?

En troisième lieu, le montant du bonus de 400 euros accordé aux entreprises de plus de 250 salariés comptant au moins 4 % de salariés en alternance est peu incitatif et semble difficile à obtenir auprès de Pôle emploi. Ces sommes ne seraient-elles pas mieux employées autrement – et cela d’autant plus que les crédits de 10 millions d’euros actuellement alloués ne seront pas entièrement utilisés ?

En quatrième lieu, le rapprochement du site « Orientation pour tous » et du portail de l’apprentissage ne permettrait-il pas d’offrir aux jeunes un choix global et les passerelles nécessaires entre différents formations ?

Enfin, compte tenu du fait que de nombreuses ruptures de contrats s’expliquent par un manque d’accompagnement des jeunes – qui découvrent l’entreprise et constituent parfois des publics difficiles – je proposerai demain à la Commission un amendement visant à assurer un accompagnement renforcé des apprentis et des maîtres d’apprentissage. L’expérimentation pourrait être limitée dans le temps et pour ce qui est du nombre de sites concernés. Cette proposition pourrait-elle recevoir un accueil favorable du Gouvernement ?

M. le ministre délégué. J’observe que tous les rapporteurs pour avis se sont félicités que le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) ne subisse plus de ponctions et puisse ainsi retrouver la plénitude de ses moyens pour les missions auxquelles il est destiné. Ont ainsi pu être à nouveau budgétées, dans le cadre du programme 103, l’allocation de fin de formation pour 25 millions d’euros, l’AFPA pour 75 millions d’euros et la rémunération des stagiaires pour 200 millions d’euros. Le dialogue entre les partenaires sociaux sur la mobilisation du fonds est ainsi plus serein et plus confiant, y compris pour ce qui concerne le dispositif de rémunération de fin de formation pour les formations dont la durée dépasse celle que couvrent les allocations chômage. Ce bon climat explique que les partenaires sociaux aient accepté de porter de 10 % à 13 % le taux de cotisation pour l’abondement du fonds. La création de fonds régionaux n’est cependant pas envisagée. Nous souhaitons en revanche simplifier la contractualisation entre le fonds et les régions et souhaitons que des appels à projets permanents soient lancés dans le cadre du fonds en direction des régions, afin notamment de soutenir des projets d’accompagnement des mutations économiques. Dès lors que les partenaires régionaux valideront ces projets, le fonds les abondera financièrement en suivant une procédure plus rapide et plus simple.

En prenant ses fonctions, M. Sapin a trouvé l’AFPA au bord de la faillite et nous avons dû intervenir en urgence pour pallier le déficit de trésorerie et parer la menace de désengagement du pool bancaire. En août, nous avons apporté 20 millions d’euros à cet organisme pour honorer l’obligation incombant à l’État, propriétaire du bâti, de rembourser les travaux payés par l’AFPA. Je rappelle à ce propos qu’en adoptant un amendement au texte créant les emplois d’avenir, vous avez fourni le support législatif qui manquait pour permettre à l’État de payer des dettes liées à des prestations de l’AFPA : ce seront encore 20 millions d’euros cet automne.

L’État voulant privilégier une formation professionnelle accessible à tous sur tout le territoire national, sans aucune discrimination, et les régions désirant disposer d’un outil de proximité, il importe de pérenniser l’AFPA. Le nouveau président de celle-ci, M. Yves Barou, doit nous présenter courant novembre un plan de refondation organisé autour de trois axes clés : redresser les finances de l’association, développer son activité et transformer son modèle pédagogique.

La première piste consiste pour l’État à recapitaliser cette association pour lui donner la capacité d’emprunter à moyen terme et d’investir dans son avenir, ce qui pourrait se faire par la souscription de titres associatifs. La deuxième, à faire évoluer le statut du patrimoine utilisé par l’AFPA, qui pèse fortement sur l’équilibre de celle-ci, par exemple au moyen d’une dévolution de ses biens par bail emphytéotique administratif. La troisième, à maintenir le niveau de financement attribué par l’État à l’association – et, de fait, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit à cet effet des crédits d’un montant total de 87 millions d’euros.

Monsieur Cherpion, le système de financement de l’apprentissage est effectivement morcelé et hétérogène et il se peut qu’il génère des concurrences entre organismes collecteurs. Je souscris à l’idée que ces derniers sont sans doute trop nombreux – ils étaient 560 en 2003. Un nouveau recentrage des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage (OCTA) s’impose et peut-être certains OPCA pourraient-ils remplir aussi cette mission. En tout état de cause, il conviendra de rationaliser la collecte.

Pour ce qui est de la transparence du circuit de financement et d’affectation des moyens destinés au développement de l’apprentissage, l’augmentation du quota, qui passe de 53 % à 59 % d’ici à 2015, permettra un fléchage plus lisible de ces fonds auprès des centres de formation d’apprentis (CFA). Les modalités d’utilisation des fonds libres et du barème doivent cependant être mieux encadrées et ces fonds affectés en priorité aux centres de formation. Une implication plus forte des régions dans la répartition des fonds libres est sans doute souhaitable pour assurer une meilleure régulation et une meilleure transparence de son affectation. Nous travaillons déjà sur ces priorités.

Moins de six mois après son entrée en application, nous manquons encore de recul pour savoir si le « bonus » de 400 euros par emploi, instauré en mai 2012, a eu des effets. Sur la base des réponses aux questionnaires qui nous ont été retournées le 1er août, nous estimons que la consommation est plutôt de l’ordre de 3 millions d’euros. Cependant, de nombreux alternants entrent dans les entreprises au début de l’année scolaire et nous recevrons peut-être bientôt des retours d’entreprise plus nombreux, qui généreront le versement de bonus. Le caractère incitatif de ceux-ci devra être examiné avec les représentants des employeurs. L’élargissement de ce dispositif aux entreprises de moins de 250 salariés est une question qui reste à aborder. Pour ce qui est des quotas, la prise en charge de jeunes embauchés après un contrat en alternance nous semble être une piste de travail. Un principe analogue est du reste envisagé par les partenaires sociaux dans le cadre du contrat de génération.

Les clauses d’insertion dans les marchés publics pourraient également prendre en compte ce principe, comme cela avait été prévu de manière expérimentale dans la loi du 24 novembre 2011.

Il est vrai, par ailleurs, que l’orientation vers l’apprentissage est encore trop souvent considérée comme un échec relatif, alors que cette voie de formation est à parité de dignité avec les autres. Pour améliorer la formation et l’orientation, peut-être faudrait-il associer davantage les chambres consulaires au service public de l’orientation, afin que l’apprentissage puisse être mieux reconnu. Nous y travaillons dans le cadre de l’acte III de la décentralisation, qui traitera du service public de l’orientation, en plaçant clairement son pilotage au niveau des régions. C’est là un sujet important que nous abordons à l’échelle interministérielle avec le ministère de l’éducation nationale. Je ne sais si votre Commission sera saisie pour avis de l’acte III de la décentralisation. En tout état de cause, plus d’une dizaine d’articles devraient être consacrés au seul volet de la formation professionnelle et de l’apprentissage, et vous devriez pouvoir apporter un éclairage utile, au besoin par amendement.

Enfin, si je comprends bien, votre amendement viserait à faire progresser la qualité de l’apprentissage pour lui affecter des sommes permettant un meilleur encadrement, sous forme notamment du tutorat ou de maîtrise d’apprentissage, pour les apprentis un peu difficiles qu’on rencontre dans certaines structures. Je n’y suis pas défavorable pour ma part, si nous pouvons avoir la certitude qu’un cadre expérimental permet de mieux accompagner des jeunes qui pourraient avoir tendance à ne pas aller au bout de la formation.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, monsieur le ministre, d’avoir redit l’importance de l’apprentissage, qu’il convient de situer, vous l’avez dit, à « parité de dignité » avec les autres voies de formation.

Je précise, messieurs les ministres, que vous serez réinvités dans le cadre des discussions sur la décentralisation.

M. le ministre. Le Gouvernement attache une très grande importance au dialogue social – qui n’est pas une manière de différer les décisions, mais qui peut au contraire permettre de trouver des solutions et faire gagner du temps et de l’argent. Un dialogue social de qualité entre partenaires représentatifs est un élément essentiel des réformes qui doivent être menées dans tous les domaines, notamment dans celui du marché du travail et de la sécurisation de l’emploi. La négociation relative au contrat de génération a montré qu’il était possible, si l’on en avait la volonté et si l’on mobilisait les moyens budgétaires nécessaires, d’en assurer une bonne application par le dialogue entre partenaires sociaux. Pour ce qui concerne la sécurisation de l’emploi, le dialogue connaîtra inévitablement des phases de tension, mais il est la seule manière de réaliser des réformes durables.

La procédure de réforme de la représentativité est en cours pour les organisations de salariés : le dernier vote important, qui concerne les très petites entreprises, aura lieu fin novembre. Des campagnes d’information sur les enjeux et les modalités de ces élections – où l’on votera pour des étiquettes, et non pas pour des noms comme on a l’habitude de le faire en démocratie – seront menées pour encourager la participation de ces électeurs, qui n’ont jusqu’à présent voté que pour les élections prud’homales. Les données statistiques issues des grandes entreprises comme des petites permettront alors de connaître, au milieu de l’année prochaine, la représentativité réelle et indiscutable de l’ensemble des organisations syndicales.

Les modalités de représentation ne sont pas les mêmes partout. Dans le dialogue social à tous les niveaux – national, interprofessionnel, dans les entreprises ou dans les branches – la validation des accords suppose une grande précision. Il en va de même pour la représentation des organisations au sein de différents organismes, où il conviendra d’éviter les contestations juridiques susceptibles de se solder, comme cela a déjà été le cas, par des annulations pour manque de représentativité. Les modalités de nomination dans ces organismes n’ont pas toujours un caractère strictement automatique et contraignant, la représentativité pouvant avoir, selon les cas, un caractère plus indicatif.

La représentativité doit également être assurée pour les organisations patronales, mais la question est plus complexe que pour les élections syndicales et suppose des modalités différentes. De fait, appliquer aux entreprises le principe « une entreprise, une voix », calqué sur celui qui prévaut pour la représentation des salariés, favoriserait évidemment le monde de l’artisanat, mais ne rendrait pas compte de la diversité des entreprises. À l’inverse, proportionner le poids électoral au chiffre d’affaires donnerait aux très grandes entreprises une puissance qui ne refléterait pas la réalité française.

Au cours de la grande Conférence sociale, les organisations patronales – le MEDEF, la CGPME et l’UPA, toutes trois représentatives, mais estimant n’être pas représentées à leur juste proportion – ont pris devant le Président de la République l’engagement de formuler ensemble, avant l’été prochain, des propositions sur la représentativité tenant compte également des organisations qui ne sont aujourd’hui pas considérées comme représentatives – dans le monde agricole, avec la FNSEA, dans celui des professions libérales et, malgré d’excellents résultats aux élections prud’homales, dans celui de l’économie sociale et solidaire. Je fais confiance au sens de la responsabilité de ces organisations pour trouver une solution intégrant la complexité du monde des entreprises. Si elles n’y parvenaient pas, il nous faudrait recourir à la loi, mais je ne le souhaite pas, car le dialogue est bien préférable.

Nous devrions donc voir se dessiner à l’été prochain un paysage propre et net de la représentativité syndicale et patronale, ce qui est d’autant plus nécessaire que nous voulons donner au dialogue social une puissance juridique supérieure à celle que lui donne déjà la loi « Larcher ». Si la grande négociation sur la sécurisation de l’emploi aboutit, elle consacrera encore la nécessité et la force des accords, ce qui suppose que la représentativité des acteurs soit indiscutable.

L’aboutissement de ce processus est la constitutionnalisation du dialogue social. Il s’agit là d’un engagement pris par le Président de la République pendant la campagne électorale, qui a du reste pu donner lieu à débats, y compris dans le monde syndical. Ce qui fera l’objet de la constitutionnalisation n’est pas l’autonomie de l’accord entre partenaires sociaux, mais l’obligation de saisir ceux-ci pour engager une négociation préalable à toute discussion parlementaire – qu’elle soit d’origine gouvernementale ou parlementaire –, sans que soit cependant remis en cause, dans l’ordre juridique, le pouvoir souverain du Parlement.

La forme que revêtira la constitutionnalisation du dialogue social – dans le préambule de la Constitution ou sous la forme d’un dispositif particulier ? – devra être débattue avec les partenaires sociaux et au Parlement. Il reviendra au Président de la République de déterminer le moment opportun pour procéder à cette opération, en tenant compte des autres questions susceptibles de faire l’objet de réformes constitutionnelles.

Plus on croit au dialogue social et plus on crée d’obligations juridiques et de critères de représentativité, plus la transparence du financement des organisations syndicales doit être grande. La loi du 20 août 2008 fait déjà obligation à ces organisations, au niveau national, de publier leurs comptes, et c’est une bonne chose. Pour ce qui concerne les comptes des comités d’entreprise, le principe est acquis, mais les modalités restent à définir : faut-il imposer à ces organismes, quelle que soit leur taille, les mêmes obligations de transparence, comme la présence de commissaires aux comptes et la certification des comptes ? La grande Conférence sociale a prévu qu’une loi sur cette question serait débattue au Parlement en 2013.

J’en viens à l’insertion par l’activité économique (IAE), sujet difficile car il recouvre une réalité difficile pour les organismes d’insertion dont les aides sont en quelque sorte bloquées. Laissons l’IGF et l’IGAS faire leur travail de recensement et nous présenter leurs propositions sur ce dossier extrêmement complexe. Je compte sur elles pour simplifier les choses. Cela entraînera une modification des modalités de financement par simplification et renforcement des moyens. Le Gouvernement ne souhaite donc pas qu’il y ait en quelque sorte préemption des décisions au travers de ce projet de budget. Les discussions se poursuivront dans les semaines à venir.

Sur l’allocation équivalent retraite (AER), le problème est plus délicat encore tant est effroyable la situation de tous ceux et celles qui pensaient avoir droit à un dispositif leur permettant de les accompagner jusqu’à l’âge de la retraite, avec un niveau correct de rémunération et qui s’en sont vu brutalement privés. Certains peuvent ainsi se retrouver au revenu de solidarité active (RSA), allocation peu rémunératrice et extrêmement dévalorisante. Nous ne connaissons pas avec précision le nombre de personnes concernées. Disons que les chiffres peuvent être considérables et qu’il est rageant, du point de vue de l’action gouvernementale et de la mobilisation des fonds publics, de devoir mettre 900 millions ou un milliard d’euros dans des dispositifs dits passifs au lieu de les consacrer à d’autres mesures actives d’encouragement à l’emploi. Nous ne souhaitons donc pas revenir au rétablissement du dispositif existant même si cela serait légitime au regard des personnes concernées. Nous ignorons également quelles seront les conséquences du décret de juillet dernier. Il résoudra en tout cas un certain nombre des difficultés constatées.

Le Gouvernement préfère que ce sujet soit abordé dans le cadre des réflexions sur le financement pérenne des régimes de retraites. Les discussions commenceront au début de l’année 2013 avec les organisations syndicales et patronales. Cela fait partie de la feuille de route. Tous ces points – sécurisation de l’emploi, compétitivité, financement de la protection sociale – sont sur la table et feront l’objet de réponse en janvier ou février prochains. La grande Conférence sociale a prévu que les conclusions de la concertation devaient être remises à la mi-2013, anticipant les dates fixées dans la dernière loi de réforme des retraites. C’est dans ce cadre que sera abordée la douloureuse question de l’AER.

M. Michel Liebgott.  Le Gouvernement doit mettre en œuvre une politique à la fois de rattrapage et de rupture. Les crédits du budget du travail et de l’emploi ont connu en effet un véritable effondrement, passant de 16,8 milliards d’euros à 9,95 milliards entre 2002 et 2012. C’est dire l’ampleur de la tâche, monsieur le ministre ! Dès le mois de juillet, vous avez ainsi prévu 80 000 emplois aidés, mesure rendue nécessaire par la consommation anticipée par le précédent Gouvernement du stock prévu sur l’ensemble de l’année.

La politique conduite antérieurement a également engendré un million de chômeurs supplémentaires en cinq ans et a visé à repousser certains des plans sociaux annoncés aujourd’hui et qui ne feront que « plomber » davantage encore les chiffres de l’emploi.

Ajoutons à cela que le service de l’emploi était en quelque sorte à contre-emploi puisque la subvention de l’État versée à Pôle emploi a été gelée et qu’on a réduit le potentiel de cet organisme en supprimant 1 800 postes en 2011, alors même que le chômage explosait.

Voilà pourquoi nous devons nous inscrire à présent dans une politique de sincérité et de rupture. Même s’ils ne sont pas sanctuarisés, les crédits de votre budget sont donc en hausse en crédits de paiement et surtout en autorisations d’engagement et nous ne pouvons que nous en féliciter. Je souligne en outre que la politique de l’emploi passe par d’autres vecteurs : la reconquête industrielle, à travers la Banque publique d’investissement notamment, la mobilisation des ambassadeurs, pour redresser notre balance commerciale, le soutien du pouvoir d’achat – la suppression de la « TVA antisociale » a ainsi représenté 400 euros de plus pour 28 millions de familles.

Au titre des motifs de satisfaction, nous nous réjouissons du maintien des contrats aidés. Nous espérons que leur durée sera plus longue que par le passé : 8,7 mois nous semble un minimum. Nous nous félicitons également qu’un certain nombre de dispositifs soient maintenus : la sécurisation professionnelle, les écoles de la deuxième chance, la rémunération de fin de formation au profit des chômeurs. Je ne reviens pas sur les moyens supplémentaires affectés à Pôle emploi et la création des 2 000 postes. Nous espérons que les efforts de l’organisme seront surtout concentrés sur les publics en difficulté. Ce sont en effet les chômeurs de longue durée qui souffrent le plus aujourd’hui. Nous saluons les mesures portant sur le chômage partiel, système qui fonctionne bien chez nos voisins et notamment en Allemagne. Il faudra sans doute simplifier les dispositifs mais aussi les utiliser davantage. Je ne reviendrai pas non plus sur la fin du prélèvement sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) ou sur la reconduction des exonérations en faveur de l’apprentissage, qui fait consensus. Vous avez d’ores et déjà apporté des réponses pour sauver l’AFPA. Les chantiers en cours sur la décentralisation de la formation professionnelle et la sécurisation des parcours professionnels sont également très intéressants.

Comme d’autres ici, je suis préoccupé par l’AER, les organismes d’insertion et l’aide au poste. Je rappelle que celle-ci n’a pas été revalorisée depuis dix ans. Il ne sera pas facile de rattraper un tel retard.

Mme Véronique Louwagie.  Le marché du travail est structurellement préoccupant et ce n'est pas un euphémisme ! Les chiffres s'aggravent de mois en mois et les solutions que vous apportez ne paraissent pas à la hauteur de la situation. Même si votre budget est en hausse de 2,1 %, les crédits sont en baisse sur certains postes : les exonérations de charges pour les auto-entrepreneurs, puisque leur statut a été aligné sur le droit commun, les contrats d’autonomie qui étaient destinés prioritairement aux jeunes des cités, là où l'emploi fait cruellement défaut. Ce dispositif avait donné une chance à 44 000 jeunes depuis sa création.

Ce projet de loi de finances prévoit 500 millions d’euros en 2013 et 2,3 milliards en autorisations d’engagement pour les emplois d'avenir, termes qui ne correspondent pas à la réalité, puisqu'il s'agit de remettre au goût du jour une recette du passé, celle des emplois jeunes. Vous escomptez la création de 200 000 contrats d’emploi d'avenir et de génération pour quelque 3 millions de chômeurs. Le ratio est faible mais il semble satisfaire votre majorité. Tel n’est pas notre cas. Vous avez par ailleurs évoqué dans votre propos l’objectif d’atteindre 100 000 contrats d’emplois d’avenir fin 2013 avec quelque inquiétude cependant sur cette possibilité.

Le problème, c'est la compétitivité. Or, vous semblez ignorer l'appel des patrons lancé ce week-end, et il est à craindre que la montagne n'accouche d'une souris. Vous avez insisté sur l’importance du dialogue social : je regrette que celui-ci ne soit pas établi avec les entreprises et le monde du patronat. Le rapport Gallois apparaît fragilisé dans ses fondements et vous semblez minimiser le défi de la compétitivité.

Ce matin, le Premier ministre a déclaré, dans un grand quotidien, que le retour aux 39 heures payées 39 était un thème qui ferait débat. « Il n'y a pas de sujet tabou. Je ne suis pas dogmatique » a-t-il précisé. Vous avez immédiatement contredit ces propos en affirmant qu’il ne fallait pas supprimer les 35 heures. Vous avez ajouté : « Supprimer les 35 heures, c'est supprimer les heures supplémentaires, c'est donc travailler plus pour payer moins.»

Mais, monsieur le ministre, c'est déjà la réalité : vous avez rendu les heures supplémentaires moins attractives – 9 millions de salariés sont directement touchés – et augmenté massivement les charges patronales. Vous découragez les initiatives individuelles, pourtant indispensables à notre pays ! Nous avons pu le constater la semaine dernière encore dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 et des mesures concernant les charges des artisans et des commerçants.

Alors cette polémique sur les 35 heures constitue-t-elle un nouveau couac ou une volonté inédite de réformer en profondeur notre pays ?

La compétitivité dont vous parlez n'est pas pertinente. Votre compétitivité est hors coût : mais pour encourager l'innovation, il faut d'abord dégager des marges et donc baisser le coût du travail !

Vous ne répondez pas à l'exigence de renforcer l'attractivité de nos territoires. Or les mesures budgétaires, avec l'abrogation du prélèvement social libératoire, la limitation de déductibilité des intérêts d'emprunt, la taxation des indemnités de rupture conventionnelle se situent en dehors de toute réalité économique.

Vous nous donnez l'impression de naviguer sans cap. À titre d'exemple, vous avez évoqué la création de 40 000 nouveaux contrats aidés fin octobre après les 80 000 annoncés fin juin. Qu’en est-il ?

Pour rétablir la situation, il ne suffira pas d'aligner les mesures d'urgence. Comment voulez-vous soigner une plaie béante avec du sparadrap ?

Quand prendrez-vous, monsieur le ministre, des initiatives fortes en matière d'emploi ? Quand annoncerez-vous des réformes structurelles ?

Il convient également de souligner que le budget de l'apprentissage n'est pas réévalué, alors que ce dispositif est indispensable pour lutter contre le chômage. Un effort devrait être mis en œuvre prioritairement en direction des jeunes peu ou pas formés en ciblant leur niveau de formation.

Cela étant, il faut se féliciter de la hausse des crédits affectés aux maisons de l'emploi. Monsieur le ministre, vous avez déclaré, en vous rendant à la mission locale de Rennes le 18 septembre dernier, vouloir explorer le « marché caché » des offres d'emplois. Y aurait-il des gisements d'emploi qui n'auraient pas été explorés ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je rappellerai simplement que la loi sur la représentativité syndicale votée en août 2008 comporte un volet qui correspond à un sacré coup d’arrêt aux 35 heures.

M. Arnaud Richard.  Cette mission ne recouvre pas toute la politique de l’emploi conduite dans notre pays, et c’est heureux ! Allons-nous assister au retour des 39 heures payées 39 ? Monsieur le ministre, vous avez réitéré votre attachement aux 35 heures et cela a le mérite de la clarté. Le Gouvernement prépare-t-il pour autant un virage comparable à celui de 1983 ?

Du fait de la crise que nous connaissons, toutes les catégories d’emploi sont touchées et le nombre de demandeurs d’emploi n’a jamais été aussi élevé. Vous avez donné beaucoup d’importance à la Conférence sociale. Mais n’accordez-vous pas ainsi un privilège aux organisations syndicales au détriment de la représentation nationale ? Cela peut expliquer les incompréhensions qui sont apparues dans le débat sur les emplois d’avenir alors que vous évoquiez des dispositifs dont vous discutiez avec les partenaires sociaux et dont nous n’avions pas la moindre information. Contrat de génération, sécurisation de l’emploi, formation des jeunes et des adultes tout au long de la vie, revalorisation du SMIC, égalité professionnelle et qualité de vie au travail : la représentation nationale est trop éloignée de tous ces thèmes dont il est question en amont avec les partenaires sociaux. Je crains que cela n’ait des conséquences sur la qualité de nos débats dans l’hémicycle.

Sur la territorialisation du service public de l’emploi local, comment envisagez-vous la poursuite du dispositif pragmatique et opérationnel qui vise à impliquer les sous-préfets², en particulier en matière de mise en place des emplois d’avenir ?

On ne peut que se féliciter de la stabilisation des crédits destinés aux missions locales et aux maisons de l’emploi. Quid de l’opportunité d’évaluer l’action de ces dernières ? Si certaines sont extrêmement efficaces, d’autres ne jouent pas un rôle déterminant sur le terrain.

Il me semble nécessaire de redéployer les crédits de la formation dans le cadre de l’activité partielle, surtout vers un certain nombre de secteurs industriels. Peut-être pourrez-vous nous communiquer des informations sur ce point.

Sur les promesses de campagne en matière d’allocation équivalent retraite (AER), je comprends le sens de votre réponse même si notre groupe a toujours été extrêmement favorable au maintien de cette allocation.

Je salue par ailleurs le propos de Jean-Patrick Gille sur la fusion de l’ensemble des organismes relatifs à l’emploi ou à la formation par région. Quant à votre choix de préserver le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), je considère que c’est plutôt une bonne chose au regard de ce qui s’est passé dans les années précédentes.

S’agissant de la constitutionnalisation du dialogue social, je mesure mal comment les parlementaires seront par exemple capables, demain, de l’appliquer. Cela revient-il à mettre à mal leur droit d’amendement ?

Pour conclure, je reviendrai sur deux propositions du rapport de notre ancien collègue Nicolas Perruchot au nom de la commission d’enquête sur le financement des partenaires sociaux – qui n’existe pas mais que l’on peut trouver en ligne assez facilement. Comment envisagez-vous de renforcer les moyens des services de contrôle de la formation professionnelle ? Imaginez-vous de redéployer les moyens de contrôle de l’État ? Pourquoi ne pas prévoir dans le « jaune budgétaire » relatif à la fonction publique de récapituler les moyens financiers et humains mis, par l’État, à disposition des organisations syndicales et à l’activité syndicale ?

M. Christophe Cavard.  Au nom du groupe des Écologistes, je salue ce projet de budget qui prend en compte une réalité difficile en matière d’emploi. Chacun reconnaîtra que la majorité s’attaque au problème en augmentant les crédits de l’emploi et de la formation professionnelle dans un contexte budgétaire très contraint. Certes, tout ne passera pas par la puissance publique. Nous sommes d’accord pour dire que ce sont les entreprises qui créent des emplois. Chers collègues de l’opposition, au lieu de vous faire le relais des entrepreneurs, qui aujourd’hui menacent nos concitoyens de délocalisations ou de licenciements, et instaurent un rapport de force avec la majorité, peut-être devriez-vous nous aider à les convaincre qu’ils doivent, eux aussi, se mobiliser et jouer pleinement leur rôle.

S’agissant de l’accompagnement des personnes en recherche d’emploi, la création de 2 000 postes à Pôle emploi sera la bienvenue alors que le service public de l’emploi avait été totalement déstructuré. Peut-on avoir des informations plus précises sur les redéploiements internes qui y sont envisagés ? Sur le soutien aux missions locales, peut-être faudrait-il procéder à l’évaluation de la relation du service public avec un certain nombre de prestataires privés, puisque Pôle emploi fait également appel à ces derniers. Il faut évaluer l’efficacité de ces dispositifs pour éviter que ne perdure le système de la « lessiveuse » : on fait temporairement partir vers une prétendue formation des gens qui reviennent en fait très vite à Pôle emploi. Cela ne fait bouger que les statistiques.

Sur les emplois d’avenir, je rappellerai simplement que les comités stratégiques régionaux doivent se montrer très actifs alors que les dispositifs vont entrer en vigueur. Comment cela va-t-il concrètement se passer dans les territoires ?

Nous nous réjouissons que les 390 000 contrats aidés soient maintenus. Mais nous finissons l’année dans des conditions difficiles. Il faudra poser la question de la formation au sein des contrats aidés. Il faudra contractualiser de la meilleure façon possible avec les régions et les départements au regard des publics concernés.

Je me félicite de la création des 1 000 places supplémentaires en entreprises adaptées. Le public visé appréciera.

Je dirai pour conclure que l’emploi apporte la richesse dans les entreprises. C’est bien parce que les salariés travaillent que l’entreprise se développe. Des chefs d’entreprise sans salariés ne pourraient pas faire grand-chose.

M. Régis Juanico.  L’année dernière, nous avons présenté avec Michel Heinrich un rapport de suivi de notre mission au Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) sur la performance des politiques sociales en Europe et en particulier sur les mesures concernant le retour à l’emploi. Cela nous a donné l’occasion de délivrer un certain nombre de satisfecit notamment en matière de contrat aidé.

Le budget pour 2013 va, en effet, mettre fin à l’instabilité juridique et financière des contrats aidés et plus particulièrement au phénomène de stop and go. La loi sur les emplois d’avenir constitue également une avancée car, grâce à elle, les bénéficiaires de contrats aidés seront recontactés deux mois avant la fin de leur contrat par les deux opérateurs, Pôle emploi et les missions locales, afin de faire un bilan de préparation de sortie vers l’emploi. Cette disposition sera-t-elle élargie aux contrats uniques d’insertion ?

Concernant les moyens de Pôle emploi, 2 000 emplois sont en cours de recrutement et sont budgétés pour 2013 – la dotation est en augmentation de 8 %. Cela va dans le bon sens, d’autant qu’il s’agit de contrats à durée indéterminée. De même, 2 000 équivalents temps plein vont être redéployés d’ici à 2014 en matière notamment d’accompagnement renforcé qui ne mobilise à l’heure actuelle que 6 700 emplois. Nous avions indiqué dans notre rapport que la France comptait 215 équivalents temps plein pour 10 000 chômeurs contre 420 en Allemagne. Il était donc nécessaire de renforcer les moyens humains du service public de l’emploi. Face à la détérioration de la conjoncture économique et à l’augmentation massive du chômage, ne faut-il pas accélérer le rythme de recrutement et de redéploiement ?

Enfin, s’agissant de la mise en place de l’accompagnement renforcé destiné aux chômeurs les plus éloignés du marché du travail, nous avons évalué le nombre de bénéficiaires potentiels à 609 000. Comment seront-ils sélectionnés par Pôle emploi ?

M. Bernard Perrut.  Vous exprimez une volonté claire dans ce budget. Mais pourquoi, dans le même temps, ne prenez-vous pas d’autres mesures, pourtant indispensables, telles la baisse des charges ou d’autres dispositions visant à favoriser la compétitivité ?

Par ailleurs, quelle priorité accordez-vous aux travailleurs handicapés, qui méritent, eux aussi, d’être accompagnés ?

Enfin, les missions locales ont accueilli 942 102 jeunes au cours du premier semestre 2012. Auront-elles les moyens de prendre en charge tous ces jeunes dans le cadre des emplois d’avenir alors qu’elles fonctionnent déjà à flux tendu ? Quelle réponse entendez-vous apporter au Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui a émis il y a quelques semaines un avis sur l’emploi des jeunes comportant dix-huit mesures concrètes ? Il préconise notamment une meilleure coordination entre Pôle emploi et les missions locales. Il propose une adaptation des méthodes d’accompagnement afin d’aller au-devant des jeunes, et le renforcement des moyens, notamment humains, des missions locales. Pour conclure, entendez-vous soutenir toutes les expérimentations qui fleurissent dans notre pays, en particulier grâce aux missions locales – parrainage pour l’emploi, mobilité internationale des jeunes, et tout ce qui contribue au renforcement de l’apprentissage ?

M. Patrick Lebreton. En ma qualité de député ultra-marin, je veux vous dire, monsieur le ministre, ma satisfaction quant à votre action au cours des derniers mois : mise en œuvre des emplois d’avenir, choix du Gouvernement de faire des outre-mer des territoires prioritaires – 60 % de notre jeunesse est actuellement exclu du monde de l’emploi –, contrats de génération.

Votre projet de budget appelle cependant de ma part quelques observations en matière de contrats aidés et de dispositifs spécifiques aux outre-mer. En effet, la comparaison avec les crédits pour 2012 fait apparaître un différentiel important : - 8,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et
- 18,14 millions en crédits de paiement. Ces écarts sont notables surtout à l’île de La Réunion où de nombreuses collectivités n’ont pu assurer, dans des conditions normales, la dernière rentrée scolaire. Je rappelle que deux tiers de l’enveloppe annuelle avaient été consommés par l’ancien Gouvernement dans les quatre mois précédant l’élection présidentielle, ce qui a obligé l’actuel Gouvernement à agir. Je le sais, l’effort de l’État est bien supérieur à ce qu’on a connu jusqu’à l’an passé. J’aurais toutefois souhaité que vous nous précisiez les perspectives à plus long terme concernant ces dispositifs traditionnels d’emploi aidé. Envisagez-vous de les pérenniser ou souhaitez-vous, à moyen terme, consacrer la majeure part de vos crédits à la montée en charge des nouveaux dispositifs ?

Mme Kheira Bouziane. Monsieur le ministre, vous avez rappelé les choix ambitieux du Gouvernement. Vous avez également insisté sur la recherche de l’efficacité dans l’utilisation des moyens alloués pour atteindre nos objectifs. Sur le financement de l’apprentissage, l’architecture reste très verticale et sectorielle. N’y a-t-il pas là une piste de réflexion ? Peut-être faudrait-il réduire le nombre des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage (OCTA).

Ne convient-il pas de s’interroger également sur le financement de l’apprentissage, aujourd’hui assis sur la masse salariale ? Les financements en fonction de l’âge et de la formation ne sont-ils pas discriminants ?

Sur le malus, il ne faudrait pas que la mesure soit dissuasive.

Mme Monique Iborra. Je veux insister sur la cohérence politique que l’on retrouve dans la première partie du projet de loi de finances pour 2013, dans le projet de financement de la sécurité sociale et dans cette mission « Travail et emploi ». Certes, nos collègues de l’opposition peuvent ne pas approuver cette ligne politique. J’ai cependant noté le ton très modéré des deux rapporteurs, contrairement au vôtre, madame Louwagie. Je vous rappelle que cette mission n’a pas pour objectif de traiter l’ensemble des mesures relatives à la compétitivité. En outre, compétitivité et innovation technologique doivent obligatoirement s’accompagner d’innovation sociale. À cet égard, les propos du ministre concernant le dialogue social sont très importants. Il s’agit de reconstruire, de réparer et de proposer des mesures nouvelles sans renoncer aux économies.

Sur le programme 111, je veux souligner la stabilisation des crédits et la reconduction de ceux qui concernent le plan de santé au travail, et notamment les risques psychosociaux. N’oublions pas ce qui s’est passé ces dernières années.

Je tiens également à insister sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), dont je crois, contrairement à mes collègues, que les crédits ne sont pas optimisés. Cela reste peu transparent. Je ferai donc une suggestion : dès lors que nous aborderons le débat sur la décentralisation et le dialogue territorial, il faudra envisager une GPEC territoriale qui rendra cohérent sur les territoires ce type de démarche.

Sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), enfin, si l’on peut se réjouir que les ponctions réitérées n’aient plus lieu, et alors que la régionalisation semble impossible – les organisations syndicales n’y étant pas favorables –, il me semble important de rendre plus transparents les résultats de son action.

M. le ministre délégué. Vous avez tous insisté sur la nécessité, pour les différents partenaires, de mieux travailler ensemble sur les territoires. Jean-Patrick Gille a même dit que, pour tout ce qui concerne la formation professionnelle, la clé résidait dans les politiques territoriales. Il faut une meilleure adéquation entre les attentes du territoire et les réponses apportées par les partenaires, qu’ils soient d’État ou autres. S’agissant des comités de coordination régionaux de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP), attendons le printemps prochain et la discussion sur le texte relatif à la décentralisation. Vous aurez alors des réponses aux questions que vous vous posez. Le rôle de ces comités sera en effet accru, dans le cadre d’un pilotage territorial affiné. Peut-être certains outils disparaîtront-ils, tandis que d’autres seront confortés. Nous verrons ainsi s’il est pertinent de leur adjoindre des opérateurs qui n’en font pas partie pour l’instant – Pôle emploi, les missions locales. Le texte relatif aux emplois d’avenir incite précisément tous ces acteurs à travailler ensemble.

Mme Louwagie aurait souhaité encore plus de crédits en faveur de l’apprentissage. Certes. Mais, dans le contexte actuel, les maintenir, c’est déjà bien. En outre, tout n’est pas d’ordre budgétaire. Le contexte dans lequel nous appelons les gens à faire plus qu’ils n’ont fait, ensemble, est également très important. En ma qualité de ministre délégué, j’ai l’ambition que nous fassions mieux et plus que par le passé, notamment en matière d’apprentissage, alors même que celui-ci dépend beaucoup de l’état du marché du travail : plus on a l’espoir qu’il se développe, plus on fait l’effort d’accueillir dans l’entreprise des jeunes en formation. Sans lire dans le marc de café, j’ai le sentiment qu’à la fin de 2012, les chiffres pourraient être meilleurs qu’hier. Et notre objectif, y compris en 2013, est de faire mieux qu’en 2012. Il faut mobiliser tous les acteurs de la formation et du développement de l’apprentissage, sans en négliger aucun. Je pense aux organismes paritaires collectifs agréés (OPCA) dont le rôle est essentiel dans la réussite des emplois d’avenir. Je pense aux régions dont l’action va être renforcée avec la nouvelle phase de décentralisation. Il importe également – j’y mets beaucoup d’espoir à titre personnel – que les plans de formation dans les entreprises soient des documents plus discutés et plus contractuels qu’ils ne le sont aujourd’hui. Il faut s’assurer que c’est l’occasion d’un moment de dialogue entre employés et employeurs, pour vérifier si chacun fait son « job » en matière d’insertion dans l’entreprise des jeunes en formation. Aujourd’hui, le plan de formation n’est qu’un document présenté aux institutions représentatives du personnel. Il faudrait qu’il soit plus contractualisé et fasse le lien avec la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Sur les grilles de salaire des apprentis, nous ne prétendons pas qu’elles soient idéales. La rémunération est en effet fonction de l’âge et de l’ancienneté. Les partenaires sociaux et les chambres consulaires mènent actuellement une réflexion sur le sujet. Je note avec intérêt que certaines branches professionnelles ont, par accord, revalorisé les minima de la grille. Le débat est ouvert.

S’agissant du contrôle de la formation professionnelle, je rappelle qu’il est organisé à deux niveaux : national, avec une cellule au sein de la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), et territorial avec les DIRECCTE. Certes, on peut toujours espérer plus d’effectifs dans ces services. Mais il importe surtout de bien cibler les contrôles à effectuer en déterminant les situations à risque. Je dirai à titre d’exemple que nous sommes très vigilants sur toutes les dérives que l’on pourrait qualifier de sectaires de certains organismes de formation. Nous veillons enfin à la bonne utilisation des fonds de la formation par les entreprises avec l’aide de l’IGAS.

Sur le bonus/malus, nous n’avons même pas une année de recul. En tout cas, ce système ne vise pas à faire en sorte que certains se dédouanent de leurs responsabilités à l’égard de la jeunesse de France en se contentant de payer davantage. Nous verrons, à l’avenir, s’il convient de modifier le dispositif comme c’est le cas actuellement pour la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

M. le ministre. Je remercie tous ceux qui soutiennent ce projet de budget ou qui ont souligné ses aspects positifs. Je le répète, je ne le juge pas à l’aune de l’augmentation de ses crédits – 4 % par rapport à 2012. Ce n’est pas un élément de fierté : il est absolument nécessaire de mobiliser des moyens pour mener la bataille de l’emploi. Certains ont objecté que cela ne suffisait pas pour lutter contre le chômage. Oui, les politiques dites de l’emploi ne suffisent pas – c’est vrai aujourd’hui comme par le passé. Le contexte économique, la compétitivité interviennent également. Le débat est en cours et débouchera sur des décisions. Nous aurons, au plus tard au début de l’année prochaine, l’ensemble des éléments qui permettent à notre économie de mieux fonctionner.

Cela commence avec l’Europe. La situation est stabilisée avec la mise en œuvre des décisions qui ont été prises au Conseil européen de juin dernier. Pour la France, il y a la Banque publique d’investissement (BPI), les mécanismes de compétitivité – hors prix ou non. Évitons, à cet égard, les débats globalisants : toutes les entreprises françaises ne sont pas dans la même situation. Toutes réclament une baisse des charges. Mais faut-il baisser les cotisations pour tout le monde ? Ne l’oublions pas, celles-ci servent aussi à financer un certain nombre de dispositifs indispensables à la cohésion sociale, et donc au bon fonctionnement de notre économie. Le social et l’économique ne s’opposent pas.

Dans le domaine du droit du travail et de la sécurisation de l’emploi, au terme de la négociation et des débats qui se tiendront devant le Parlement, les orientations devant être traduites de manière législative, des décisions seront prises. Je rappelle qu’il n’y a pas un droit autonome fixé par les partenaires sociaux : il y a une modalité de préparation de la décision par la négociation. C’est mieux, c’est plus stable et plus efficace mais, au bout du compte, c’est le Parlement qui vote la loi, contrairement à ce qui se passe par exemple en Allemagne où des règles, quasiment de nature législative, sont fixées par les partenaires sociaux. C’est le cœur de l’articulation entre démocratie sociale et démocratie politique. Pour moi, la démocratie sociale fait partie de la démocratie mais elle ne résume pas la totalité du fonctionnement de la démocratie. Je le répète, c’est au Parlement que se vote la loi.

Au tout début de l’année prochaine, l’ensemble des décisions nécessaires à l’action des entreprises sera donc connu. Cela leur permettra d’agir dans un panorama stabilisé. Car s’il est vrai que beaucoup nous demandent de modifier les règles, tout aussi nombreux sont ceux qui dénoncent l’instabilité de celles-ci.

Voilà pourquoi il ne faut pas résumer la politique en faveur de l’emploi à la discussion du budget de l’emploi.

Sur les contrats aidés, nous les maintenons au même niveau. J’ai dû cependant en prévoir 40 000 supplémentaires en urgence du fait des modalités de gestion, pour le moins étranges, du précédent Gouvernement. Nous n’avons toujours pas récupéré le niveau du début de l’année. Cela explique sans doute la « baisse » du chômage constatée en début d’année 2012… Il est vrai que l’emploi aidé est une forme de drogue. Il faut se maintenir au bon niveau tout au long de l’année prochaine.

Sur l’outre-mer, la tendance est à supprimer les dispositifs propres à l’outre-mer. Il faut donc lire le dispositif global pour prendre en compte les crédits destinés à ces départements et territoires. Je vous indique simplement que la proportion de contrats aidés – et il en ira de même pour les emplois d’avenir – affectée à l’outre-mer est plus importante que ce que représente démographiquement l’outre-mer par rapport à l’ensemble français. Et c’est légitime compte tenu de la dégradation de la situation de l’emploi, notamment des jeunes, en outre-mer. À cet égard, La Réunion est sans doute le département qui connaît le plus de difficultés.

Je précise encore qu’il n’est pas question qu’il y ait une sorte de balance, avec une baisse de l’effort en termes d’emplois aidés et une augmentation de l’effort en termes d’emplois d’avenir. Tant que la situation de l’emploi sera aussi dégradée, nous maintiendrons le même effort sur les emplois aidés, tout en montant en puissance sur les emplois d’avenir. Le présent budget traduit parfaitement cette volonté.

S’agissant du service public de l’emploi, nous avons décidé d’attribuer 2 000 emplois supplémentaires à Pôle emploi. C’est, proportionnellement, un effort supérieur à celui qui sera fait, l’année prochaine, dans le domaine de la sécurité. Je le dis, non pour m’en réjouir, mais parce que c’était indispensable pour le bon fonctionnement de Pôle emploi. Cela étant, ce ne sera pas suffisant et des évolutions, au sein de l’organisme, seront absolument nécessaires. Des redéploiements doivent s’effectuer de manière à transformer les emplois administratifs en emplois d’accompagnement du chômeur. Cette réforme a été adoptée à l’unanimité par le conseil d’administration de Pôle emploi, qui comprend les organisations patronales et syndicales nationales. Il ne s’agit pas de fixer un chiffre par conseiller : il faudra ainsi consacrer beaucoup de temps à ceux qui sont extrêmement loin de l’emploi tandis que des jeunes, qui ont l’habitude d’Internet, n’auront pas besoin de se déplacer pour faire le point. Il faut différencier en fonction des situations. Cette différenciation, qui n’allait pas de soi, permettra d’apporter un meilleur service aux demandeurs d’emploi.

Sur les missions locales, oui, nous renforçons les moyens dans le cadre de la gestion des emplois d’avenir – 30 millions seront affectés pour des emplois ou le financement d’actions au sein de ces missions.

Sur le service public local de l’emploi, il n’est absolument pas question de l’écarter d’autant qu’il fonctionne parfois extrêmement bien autour des sous-préfets, qui gèrent des territoires petits et homogènes. Cela étant, il y a une très grande différence de qualité dans la mise en œuvre de ce service public. Compte tenu de la situation d’urgence que nous connaissons, nous nous appuierons sur les meilleurs.

Sur les publics, vous avez insisté sur les 1 000 emplois supplémentaires en faveur des personnes en situation de handicap. Le plan étant triennal, ce seront 1 000 postes créés chaque année dans les entreprises adaptées. Cela représente une augmentation de 9 % des crédits.

Sur l’insertion par l’activité économique (IAE), vous avez compris quelle était la préoccupation du Gouvernement. Du reste, en la matière, comme sur l’allocation équivalent retraite (AER) ou la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), les amendements sont libres. La Constitution prévoit cependant qu’ils doivent être gagés, ce qui n’est pas toujours facile, même lorsqu’un budget est en augmentation… Nous poursuivrons la discussion pour trouver le dispositif le plus efficace.

Sur l’aide au conseil et la gestion prévisionnelle, des efforts supplémentaires sont en effet nécessaires mais dans le cadre de l’équilibre que je viens de décrire.

Voilà, je pense avoir répondu aux interrogations des uns et des autres sans avoir cependant le sentiment d’avoir épuisé le débat qui, comme chacun le sait, doit être mené sans tabou.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, messieurs les ministres, pour votre disponibilité.

II.– EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits pour 2013 de la mission « Travail et emploi » sur le rapport de M. Jean-Patrick Gille sur les crédits relatifs à l’emploi, sur le rapport de M. Francis Vercamer sur les crédits relatifs au travail, et sur le rapport de M. Gérard Cherpion sur les crédits relatifs au compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ».

Mme la présidente Catherine Lemorton. Après avoir entendu, hier, les ministres, M. Sapin et M. Repentin, nous examinons ce matin, pour avis, les crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2013.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis, pour la partie « Emploi ». Nous connaissons les contraintes qui pèsent sur nos finances publiques, et il n’a pas été facile pour le Gouvernement de dégager les marges de manœuvre nécessaires pour faire progresser les crédits de cette mission, qui représentent plus de 10,3 milliards d’euros en crédits de paiement et 12,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement. Mais il est plus que jamais nécessaire de soutenir l’emploi dans le contexte actuel d’aggravation du chômage.

L’effort est conséquent ; il répond à deux des trois priorités fixées par le Gouvernement : l’emploi et la jeunesse. Cet effort est particulièrement visible dans ce budget. D’abord, 100 000 emplois d’avenir – qui s’adressent aux jeunes peu ou pas qualifiés et résidant dans des quartiers où le chômage est très important – seront financés en 2013 : ils ont été lancés hier à Matignon. Ensuite, les contrats de génération répondront, pour le secteur marchand, à cette double priorité : emploi des jeunes et maintien dans l’emploi des seniors, eux aussi particulièrement vulnérables dans un contexte de chômage important.

S’agissant de ces deux dispositifs, qui constitueront les outils phares de la politique de l’emploi en matière de contrats aidés, je tiens à insister à nouveau sur l’importance de la prise en compte de leur déploiement au niveau territorial. L’association étroite au plan local de l’ensemble des acteurs de la politique de l’emploi, qu’il s’agisse des agences de Pôle emploi, des missions locales, du réseau des Cap emploi ou des régions et des départements, sera l’une des conditions nécessaires de leur succès. C’est pourquoi je vous soumettrai tout à l’heure un amendement destiné à renforcer les dispositifs locaux d’accompagnement, qui accompagnent le tissu associatif et les acteurs de l’insertion par l’activité économique, en vue de la mise en œuvre des emplois d’avenir.

La priorité accordée à la jeunesse se manifeste aussi par le maintien des crédits pour les différents dispositifs en faveur des jeunes, ce qui est déjà presque une victoire en période de disette budgétaire. Missions locales, maisons de l’emploi, écoles de la deuxième chance, contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS), Établissement public d’insertion de la défense (EPIDE) et apprentissage voient ainsi leurs crédits maintenus. En revanche, les contrats d’autonomie – dont nous étions nombreux à souhaiter la disparition – sont supprimés ; le Fonds d’insertion professionnelle des jeunes (FIPJ) perd mystérieusement 1,4 million d’euros, que je vous proposerai de rétablir par amendement.

Les contrats aidés sont renforcés. Je tiens à rappeler que cette année le Gouvernement, constatant que l’essentiel des crédits prévus pour 2012 avait été consommé dès le premier semestre, a d’abord ouvert 80 000 emplois aidés supplémentaires à l’été – contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) et contrats initiative emploi (CIE) – avant d’annoncer, il y a une dizaine de jours, un renforcement supplémentaire : 40 000 contrats aidés de plus seront disponibles pour 2012. Il s’agit d’un effort sans précédent !

Je souligne aussi que les crédits alloués au financement de l’activité partielle atteignent 70 millions d’euros et que 1 000 postes adaptés supplémentaires, destinés aux travailleurs handicapés, seront ouverts.

Cet effort est encore visible dans le renforcement des moyens humains de Pôle emploi, puisque 2 000 emplois supplémentaires seront financés directement par l’État en 2013. Mais nous attendons, en contrepartie, que Pôle emploi redéploie 2 000 emplois qui existent déjà du back office vers le front office, c’est-à-dire vers l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

En outre, il est mis fin au prélèvement sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) qui, malgré les efforts conjoints de Gérard Cherpion et de moi-même, a été ponctionné, en deux ans, de 600 millions d’euros sur 2,1 milliards de collecte. Je me réjouis donc de cette prise de position du Gouvernement, car il était pour le moins dommage que ce fonds connaisse de graves difficultés financières deux ans seulement après sa création. Le fonds aura ainsi les moyens d’assurer ses missions : la péréquation des fonds des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) pour la professionnalisation, notamment les contrats de professionnalisation, et la formation professionnelle des salariés et des demandeurs d’emploi qui ont le moins accès à la formation. Il pourra donc soutenir les efforts de formation liés aux emplois d’avenir. Je proposerai aussi que la quote-part des OPCA au fonds paritaire fasse l’objet de trois versements au cours de l’année pour éviter de trop grandes variations de trésorerie au cours de l’année.

Je souhaite maintenant vous faire part de plusieurs préoccupations.

Nul n’ignore plus que l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) rencontre des difficultés financières très lourdes, qui menacent son existence. Nous attendons le plan de refondation stratégique que son président présentera le 15 novembre prochain. Nous ne doutons pas de la volonté du Gouvernement de porter secours à l’association ; il n’en demeure pas moins qu’une profonde réforme des modalités de son fonctionnement et de la gestion de son patrimoine immobilier et technique devra être envisagée pour lui permettre de retrouver une certaine compétitivité et de se repositionner comme l’opérateur public dont le cœur de métier est la qualification professionnelle des salariés et demandeurs d’emploi. Il serait aussi souhaitable que la représentation nationale soit associée au suivi du redressement de l’AFPA.

Le secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE) est un secteur clé pour l’insertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l’emploi, avec un potentiel de création d’emplois important. Composé essentiellement des entreprises d’insertion, il est confronté à des difficultés liées à l’augmentation importante des coûts réels dans les dernières années, alors que l’aide au poste n’a pas été revalorisée depuis 2002. Une mission commune de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) est en cours pour remettre à plat les modalités de financement des entreprises de ce secteur, comme le ministre nous l’a indiqué hier. Il me semble toutefois important de lui adresser dès maintenant un message fort. C’est pourquoi je vous proposerai tout à l’heure un amendement visant à renforcer de 10 millions d’euros les crédits de l’aide au poste.

Nous avons longuement évoqué hier l’allocation équivalent retraite (AER) et j’y reviendrai sous la forme d’un amendement.

La seconde partie de mon rapport sera consacrée aux moyens de Pôle emploi. Les nombreuses auditions que j’ai menées m’ont permis de constater que la fusion de l’ancienne Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et des Assedic s’est réalisée dans des conditions difficiles et pour un coût non négligeable – on peut estimer le surcoût à 300 millions d’euros par an –, sans apporter les gains d’efficacité attendus. Le budget de Pôle emploi, hors versement des indemnités chômage, avoisine les 5 milliards d’euros pour 2013, dont presque 3 milliards consacrés à la masse salariale.

Les économies attendues de la réforme ont été entièrement absorbées par la fusion, et en particulier par les conditions avantageuses dans lesquelles a été menée la fusion des anciens salariés des Assedic et des anciens agents de l’ANPE.

Cette fusion a, de plus, rendu nécessaire une politique immobilière de regroupement qui, c’est peu de le dire, n’a pas encore produit les effets escomptés. Les locaux choisis, qui doivent être grands, sont souvent excentrés, ce qui n’est pas une bonne chose.

Pôle emploi a donc connu une première phase de mise en place difficile, qui a coïncidé avec un fort afflux de demandeurs d’emploi en raison de la dégradation de la situation économique : les conditions de suivi des demandeurs d’emploi se sont dégradées, alors qu’elles devaient s’améliorer.

L’opérateur se trouve désormais à l’aube d’une deuxième phase, dont on peut souhaiter qu’elle soit celle de la maturité, avec le plan Pôle emploi 2015. Il est essentiel que la nouvelle instance puisse offrir un service d’accompagnement aux demandeurs d’emploi digne de ce nom, ce qui n’a pas toujours été le cas.

Des réformes profondes sont en cours et il faut espérer qu’elles portent leurs fruits. Ainsi, la nouvelle convention tripartite procède à de fortes réorientations de la stratégie d’accompagnement et de suivi des chômeurs, privilégiant désormais une approche différenciée des demandeurs d’emploi en fonction de leur profil, au lieu d’une approche unique et systématique, qui n’est pas efficace.

Une nouvelle démarche de pilotage par la performance vise à substituer aux indicateurs de mesure de l’activité de Pôle emploi de véritables indicateurs de performance, cette logique devant être déclinée au niveau de chaque agence, avec une marge de manœuvre plus importante laissée aux managers pour adapter les actions de Pôle emploi en fonction des spécificités des bassins d’emploi de leur ressort.

La territorialisation de l’action de Pôle emploi apparaît aujourd’hui très insuffisante : les agences ont tendance à fonctionner parfois en vase clos, sans coordination ni concertation suffisante avec l’ensemble des autres acteurs du terrain, qu’il s’agisse des acteurs du service public de l’emploi, comme les missions locales, le réseau des Cap emploi ou encore les maisons de l’emploi, des collectivités locales, et même des entreprises implantées sur les territoires. Sur ce point, la création de Pôle emploi a même constitué une régression ; des progrès sont indispensables.

Il convient également de simplifier des procédures et des outils excessivement complexes. Ainsi – j’ai évoqué hier cette question devant les ministres, qui n’ont pas désapprouvé –, le pilotage régional de la politique de l’emploi pourrait être amélioré par une fusion du conseil régional de l’emploi (CRE) et du comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle (CCREFP). De plus, les opérateurs pourraient être représentés dans cette nouvelle instance : ainsi, il n’y aurait qu’un seul comité, où financeurs et principaux opérateurs pourraient définir et mettre en œuvre une politique régionale.

L’application de la convention Unédic pour le calcul, notamment, des droits à indemnisation chômage des demandeurs d’emploi est, par ailleurs, beaucoup trop complexe : elle conduit à un taux d’erreur des premiers calculs d’indemnisation lors de l’entretien initial qui avoisine les 20 % ! Cette complexité prouve à elle seule à quel point le projet du « métier unique », qui a initialement prévalu lors de la fusion, était une erreur profonde ; mis en œuvre durant un an, il a conduit à de grandes difficultés, pour les demandeurs d’emploi comme pour les salariés de Pôle emploi.

De même, on constate que les agents de Pôle emploi n’ont souvent accès qu’à l’offre de formation proposée par Pôle emploi, alors qu’ils devraient disposer d’un outil global unique permettant de connaître l’ensemble de l’offre de formation proposée et de prescrire ainsi la formation qui sera la plus adaptée. Un projet en ce sens, « Dokelio », existe.

Comment envisager une totale polyvalence des agents, à qui l’on demanderait d’assurer à la fois l’accompagnement des demandeurs d’emploi, leur indemnisation et leur orientation dans les meilleures conditions ? Il faut y renoncer, même si l’existence d’un socle commun de compétences est souhaitable. Cela pose la question du maintien d’un entretien unique, tel qu’il est aujourd’hui matérialisé dans l’entretien d’inscription et de diagnostic (EID), qui ne satisfait pas les demandeurs d’emploi auxquels il est demandé, en cinquante petites minutes, d’exposer leur situation, avant de se voir proposer la signature du plan personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE), alors même qu’ils n’ont souvent qu’une idée très floue du niveau d’indemnisation dont ils vont pouvoir bénéficier – et cet entretien est mené par un conseiller qui ne sera pas celui qui les accompagnera par la suite !

Ces problèmes méritent d’être approfondis et je me réjouis que la Commission ait décidé de créer une mission d’information relative à Pôle emploi. L’enjeu est de taille : l’opérateur central du service public de l’emploi pèse environ 34 milliards d’euros (indemnisation du chômage comprise), avec une masse salariale de 3 milliards d’euros. La mission pourra aussi se pencher sur les rapports de Pôle emploi avec les opérateurs privés de placement.

Les moyens sont donc là et il s’agit d’améliorer l’efficacité de Pôle emploi par un renforcement de sa déconcentration, par un management laissant une plus grande autonomie aux directeurs d’agence sur le terrain et par un renforcement des effectifs et des moyens dédiés directement à l’accompagnement des demandeurs d’emploi et des employeurs.

Ce budget, nul ne peut le nier, est particulièrement volontariste. C’est pourquoi je vous appelle, mes chers collègues, à vous prononcer en faveur de l’adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi que de l’article 71 rattaché, qui supprime l’exonération de cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs d’entreprise instituée par la loi pour l’initiative économique de 2003.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis, pour la partie « Travail ». Pour la quatrième année consécutive, j’ai l’honneur d’être le rapporteur pour avis de notre commission pour les programmes 111 et 155 de la mission « Travail et emploi ».

Je ne peux que remarquer l’absence d’impulsion nouvelle donnée à ces deux programmes qui s’inscrivent dans la continuité des politiques menées par le précédent Gouvernement.

En termes de présentation budgétaire, j’observe que le nouveau Gouvernement ne m’a communiqué que l’évolution globale des crédits de la mission pour 2014 et 2015, alors que je disposais toujours précédemment de l’évolution prévisionnelle par programme. L’intérêt de la programmation pluriannuelle m’apparaît dès lors limité en termes d’anticipation économique : on ne connaît pas l’hypothèse de répartition des réductions annoncées entre les quatre programmes de la mission.

Sur le fond, je ne peux que me réjouir de la mise en œuvre progressive de certaines des préconisations que je formule depuis quatre ans. Par exemple, avec le déploiement du deuxième plan « Santé au travail », je constate que l’effort de recherche dans le domaine de la santé au travail a été poursuivi, que le calendrier de la réforme de la médecine du travail a été respecté, les nouvelles dispositions étant entrées en vigueur le 1er juillet 2012, et que les risques psychosociaux sont désormais intégrés à la politique publique de santé au travail.

En revanche, je ne peux que regretter le manque d’ambition du Gouvernement en ce qui concerne les conseils de prud’hommes. Comme je l’avais indiqué dans mon avis sur le projet de loi de finances pour 2011, plusieurs améliorations pourraient être apportées au système prud’homal, notamment la mise en place d’audiences foraines, pour rapprocher la justice des citoyens, et l’aménagement de la formation des conseillers. Les conventions entre l’État et les organismes agréés de formation prendront fin en 2013 : leur renégociation constituerait un cadre propice à l’organisation d’une concertation.

Je souhaite maintenant partager avec vous quelques réflexions sur le thème que j’ai choisi pour l’avis : le dialogue social. En 2013, le système français de relations collectives connaîtra deux inflexions majeures : l’achèvement de la réforme de la représentativité des organisations syndicales et le lancement de celle des organisations d’employeurs, pour laquelle je milite depuis plusieurs années. La constitutionnalisation du dialogue social, souhaitée par le Président de la République et le Premier ministre, doit également être pour nous un sujet de réflexion. Le ministre a apporté hier quelques précisions à ce sujet.

Depuis dix ans, le rôle dévolu aux partenaires sociaux en France a considérablement évolué : ceux-ci occupent désormais une place centrale dans l’élaboration du droit du travail. On constate, d’ailleurs, une grande vitalité du dialogue social en France. En 2011, quarante-six accords nationaux interprofessionnels, près de 2 000 textes de branche et 34 000 accords d’entreprise ont ainsi été signés. Ce haut niveau d’activité conventionnelle résulte de la mobilisation des partenaires sociaux, conscients non seulement de leur nouveau rôle, mais aussi de l’implication de l’État qui apporte, par différents dispositifs, son soutien à la négociation collective.

Toutefois, il me semble que l’architecture du dialogue social devrait être améliorée. Il serait d’abord nécessaire, me semble-t-il, de créer un Conseil permanent du dialogue social ; j’ai déposé une proposition de loi en ce sens au mois de juillet 2011. Il n’existe pas aujourd’hui d’instance d’organisation et de coordination du dialogue social au niveau national ; or je suis convaincu que la création d’une telle structure serait très utile, car elle permettrait aux partenaires sociaux de débattre au long cours, de manière plus apaisée. Le Commissariat au dialogue social et à la prospective, dont la mise en place a été annoncée lors de la grande conférence sociale, ne remplira vraisemblablement pas ce rôle : placé auprès du Premier ministre, il devrait plutôt produire un travail de prospective partagée, et ne serait pas un lieu de négociation.

Ensuite, les branches professionnelles doivent être restructurées. En 2012, le ministère du travail recense environ 700 conventions collectives en vigueur, dont la moitié a un champ d’application seulement régional ou local. Plus de 60 % des conventions couvrent moins de 5 000 salariés. Cette situation n’est pas satisfaisante : un regroupement des branches doit a minima être opéré. On pourrait, par exemple, s’appuyer sur le travail de restructuration qui a été accompli dans le secteur du spectacle.

Enfin, le renforcement du dialogue social territorial me semble fondamental. Il s’agit non pas de créer un niveau supplémentaire de normes, mais de permettre aux partenaires sociaux de concevoir des plans d’action sur des questions d’intérêt local et de définir des priorités à mettre en œuvre sur un territoire.

Au niveau national, l’implication des partenaires sociaux dans l’élaboration de la loi découle des procédures de consultation préalable instituées par la loi « Larcher » et par les protocoles des deux chambres du Parlement. Le bilan de l’utilisation de ces procédures apparaît positif, ce qui a conduit le Gouvernement à envisager la constitutionnalisation de ces principes et, de manière plus générale, du dialogue social.

À cet égard, de nombreuses interrogations subsistent. Tout d’abord, le législateur sera-t-il tenu par le contenu des accords conclus par les partenaires sociaux dans le cadre de la concertation préalable ? Cela semble difficile à double titre : au regard du droit d’amendement des parlementaires et de la rédaction parfois ambiguë des accords. La transposition législative de ces derniers peut donc impliquer un travail de réécriture. Mais la modification par le législateur des dispositions de l’accord peut, à terme, avoir des effets négatifs sur les conditions de négociation, qui pourraient se révéler moins loyales si une intervention politique était escomptée.

Ensuite, quelle attitude doit adopter le Gouvernement si une partie des organisations syndicales ne signe pas l’accord ? L’absence de reprise des dispositions négociées constituerait un désaveu pour les organisations signataires. Les personnes que j’ai auditionnées ont toutes rappelé la nécessité que le Parlement respecte l’équilibre global des accords conclus : quelle serait l’utilité d’une constitutionnalisation qui ne comporterait aucune contrainte de fond pour le législateur ?

Je propose donc de commencer par réfléchir à la possibilité de mettre en place un gel temporaire de l’initiative parlementaire et gouvernementale sur des dispositions en cours de renégociation par les partenaires sociaux. Ce gel offrirait aux organisations un cadre de discussion plus sécurisé, mais il suppose d’améliorer l’information entre les partenaires sociaux et les élus, en particulier sur les projets en cours de négociation.

En ce qui concerne l’évolution des règles de représentativité syndicale et patronale, je souhaite évoquer un instant avec vous la réforme de la représentativité des organisations d’employeurs. Je me réjouis du lancement de ce chantier, que j’appelle de mes vœux depuis longtemps : il me semble, en effet, qu’un parallélisme des formes est nécessaire pour renforcer la légitimité de ces organisations et tenir compte des évolutions de la structure économique de notre société.

Plusieurs options sont aujourd’hui en débat : l’élection, le décompte des membres ou un système mixte. Nous verrons ces prochains mois sur quelles règles se mettront d’accord les organisations patronales – si elles y arrivent, ce qui est loin d’être sûr !

J’appelle, par ailleurs, votre attention sur les importantes conséquences qu’entraînera la réforme de la représentativité des syndicats, qui s’achèvera l’an prochain. En particulier, comment sera opérée la nouvelle répartition des sièges dans les instances nationales, régionales et locales auxquelles participent les syndicats de salariés ? Ce problème se posera dans de très nombreuses structures, parfois de premier plan, telles que le Conseil économique, social et environnemental ou les caisses de sécurité sociale, ce qui aura des conséquences pour le financement des organisations syndicales. Le ministre, hier, semblait sceptique sur ces probables revendications : je serais étonné au contraire qu’elles n’émergent pas rapidement. La loi du 20 août 2008 n’a pas réglé cette question : elle s’est limitée à ôter leur capacité de négociation aux acteurs ayant perdu leur représentativité.

Enfin, j’ai consacré la dernière partie de mon avis au financement du dialogue social, une question sur laquelle je travaille depuis plusieurs années. J’ai été notamment membre de la commission d’enquête dont notre ancien collègue Nicolas Perruchot était le rapporteur, dont le rapport qui n’existe pas.

Le système de financement actuel des syndicats repose sur trois catégories de revenus – les cotisations, les ressources issues du paritarisme et les subventions publiques – dont le poids est très variable dans le budget des syndicats – vous trouverez des chiffres dans mon rapport.

Des progrès ont été accomplis en matière de transparence avec l’obligation de certification et de publication des comptes. Les organisations doivent, je le rappelle, soit publier leurs comptes sur le site du Journal officiel, lorsque leurs ressources sont supérieures ou égales à 230 000 euros, soit déposer leurs comptes auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) compétente, si elles choisissent de ne pas publier leurs comptes en ligne. À ce jour, 554 comptes ont été déposés sur le site du Journal officiel et dans les DIRECCTE : 365 pour les organisations d’employeurs et 189 pour les organisations syndicales salariées.

En concluant l’accord national interprofessionnel sur la modernisation du paritarisme et de son fonctionnement du 17 février 2012, les partenaires sociaux se sont aussi engagés dans une démarche de renforcement de l’encadrement et de la transparence du paritarisme de gestion. Cet accord instaure des principes de gouvernance clairs et rigoureux.

Cependant, si je me félicite de ces progrès, la question sensible des comptes des comités d’entreprise doit encore être traitée. Le dépôt d’un projet de loi a été annoncé par le Premier ministre : je l’attends de pied ferme.

La force du dialogue social réside dans sa légitimité : celle-ci est liée non seulement à la représentativité, mais aussi aux modalités de financement des acteurs du dialogue social – organisations d’employeurs et syndicats de salariés. J’insiste donc sur l’importance d’aller au terme de ces chantiers pour que le dialogue social s’affirme davantage, dans les années qui viennent, comme un vecteur essentiel de transformation des normes juridiques en lien avec les réalités vécues par les salariés et les employeurs au sein des branches professionnelles et des entreprises.

En conclusion, j’émets un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Travail et emploi ».

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis, pour le compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ». La Commission des affaires sociales consacre pour la première fois un avis budgétaire au compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage», créé en 2011. Les ministres ont présenté les crédits hier matin : je n’y reviens donc pas. Je voudrais, en revanche, partager avec vous les réflexions et les propositions auxquelles m’ont mené les nombreuses auditions que j’ai effectuées.

Il me semble, tout d’abord, nécessaire de réformer le financement de l’apprentissage, dont la structure apparaît trop éclatée et auquel concourent aujourd’hui des dispositifs de natures très différentes.

Il s’agit, en premier lieu, de la taxe d’apprentissage, dont le montant s’élevait en 2011 à 1,9 milliard d’euros. Le produit de cette taxe est divisé en deux fractions inégales.

Le « quota », représentant 53 % de la collecte en 2012, dont les fonds alimentent le compte d’affectation spéciale, pour 22 % de la collecte, et financent les centres de formation d’apprentis, pour 31 % de la collecte – le quota sera porté à 55 % en 2013, 57 % en 2014 et 59 % en 2015 ;

Le « hors quota », ou barème, représentant 47 % du produit de la taxe en 2012, qui est réservé aux premières formations technologiques et professionnelles.

À la taxe d’apprentissage sont assimilées deux autres contributions : la contribution au développement de l’apprentissage – 722 millions d’euros en 2011 – et la contribution supplémentaire à l’apprentissage – 235 millions prévus pour 2013.

Divers avantages fiscaux et sociaux ont été mis en place pour inciter les employeurs à recruter des apprentis : une exonération de cotisations sociales sur les salaires des apprentis, totale pour les entreprises artisanales et de moins de onze salariés, partielle pour les autres – 1,3 milliard d’euros en 2012 – ; l’indemnité compensatrice forfaitaire versée par les régions – 800 millions d’euros en 2012 – ; un crédit d’impôt pour les employeurs d’apprentis – 470 millions d’euros en 2012 – ; une exonération d’impôt sur le revenu de l’apprenti
– 285 millions d’euros en 2012.

À ces avantages pérennes se sont ajoutées trois mesures temporaires de soutien financier : le dispositif « zéro charges », pour 29 millions d’euros en 2009 et 2010 ; la prime à l’embauche d’un apprenti, pour 196 millions d’euros sur la même période ; enfin, la prime à l’embauche d’un alternant supplémentaire, pour 40 millions d’euros pour 2011 et 2012.

Cette brève présentation des montants et des dispositifs en jeu vous aura fait comprendre, mes chers collègues, toute la complexité du financement de l’apprentissage.

Trois pistes de réforme ont été évoquées lors des auditions.

Tout d’abord, il semble nécessaire de réduire le nombre d’organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage (OCTA). On en dénombre aujourd’hui 144, répartis entre 63 établissements consulaires, 55 OCTA nationaux et 26 OCTA régionaux. Bien que leur nombre ait déjà été fortement réduit – il en existait 563 en 2003 –, il semble encore trop élevé pour permettre une gestion optimale des financements et engendre une forte concurrence entre les structures. À titre de comparaison, il existe maintenant, la suite à la réforme de 2009, une vingtaine d’organismes collecteurs paritaires agréés (OPCA).

On constate, de plus, d’importants écarts de collecte entre les OCTA : trois organismes concentrent 30 % des montants, les dix plus importants réunissent 51 % de la taxe, alors que plus de cent OCTA gèrent moins de 10 millions d’euros, dont cinquante-six moins de 2 millions d’euros. Les frais de gestion varient également fortement selon les organismes : le coût moyen d’un dossier serait compris entre 10 et 2 655 euros. Pour l’ensemble des OCTA, les frais de gestion atteignent 30,3 millions d’euros.

Deux pistes de réforme des OCTA sont envisageables. La première consisterait à revoir leurs conditions d’agrément et à relever le seuil minimal obligatoire de collecte, à l’instar de ce qui a été accompli pour les OPCA. Ce seuil est actuellement fixé à 2 millions d’euros pour les OCTA à compétence nationale, et à 1 million d’euros pour les OCTA à vocation régionale. À titre de comparaison, il est de 100 millions d’euros pour les OPCA.

La seconde piste de réforme consisterait à rapprocher OPCA et OCTA, ce qui impliquerait une gestion paritaire des fonds de l’apprentissage, mais opérerait une véritable rationalisation du circuit de collecte. La branche de l’hôtellerie-restauration a déjà mis en œuvre un tel dispositif. Cette hypothèse semble particulièrement intéressante, car elle permettrait de constituer une politique globale de formation professionnelle et d’apprentissage.

Au-delà de la réduction du nombre d’OCTA, il me semble indispensable d’accroître la transparence sur l’affectation des fonds de l’apprentissage. Une meilleure information des financeurs et des bénéficiaires apparaît, pour le moins, nécessaire, afin de mettre en place les relations de coopération les plus efficaces possibles. Une réflexion sur la répartition des fonds devrait aussi être menée.

Enfin, pour ce qui concerne le financement de l’apprentissage, le bonus accordé aux entreprises de 250 salariés et plus qui comptent dans leur effectif plus de 4 % de jeunes en contrat d’alternance a fait l’objet de nombreuses critiques lors des auditions. Son montant serait trop faible pour être réellement incitatif, et son obtention auprès de Pôle emploi se révèlerait difficile en pratique.

Face à cette situation, ce dispositif pourrait être aménagé. Son assiette pourrait, tout d’abord, être élargie : les salariés embauchés après un contrat d’alternance dans l’entreprise pourraient être comptabilisés dans la part des effectifs ouvrant droit au bonus, au moins pendant un moment – peut-être deux à trois ans. De nombreuses personnes auditionnées ont, de manière plus générale, insisté sur la nécessité de revoir les modalités de calcul du quota des « alternants ». La liste des entreprises bénéficiaires pourrait également être étendue aux structures de moins de 250 salariés accomplissant des efforts particuliers en matière de recrutement de jeunes en alternance. Le montant de l’aide pourrait, enfin, être augmenté.

L’engagement fort pris par l’ancien Gouvernement en faveur de l’apprentissage s’est traduit par une hausse du nombre d’entrées dans cette formation en 2011. Les premiers effets positifs de la loi du 28 juillet 2011 se font sentir. Vous trouverez des éléments de bilan à cet égard dans mon rapport.

J’espère donc que le nouveau Gouvernement poursuivra les efforts entrepris pour développer cette formation d’excellence, mais, au vu de nos échanges d’hier matin, je n’en doute pas. Trois orientations doivent selon moi être suivies pour construire une politique ambitieuse de l’apprentissage : l’amélioration de l’orientation des jeunes, la valorisation de la voie de l’apprentissage et le développement des formations, par exemple dans les structures publiques.

De l’avis général des personnes auditionnées, l’orientation demeure l’un des principaux obstacles au développement de l’apprentissage, malgré les progrès accomplis depuis 2009. Je pense que celle-ci devrait être plus librement choisie par les jeunes, grâce à une information plus large et de qualité. Cela permettrait, sans doute, de réduire le nombre de « décrocheurs ».

La mise en place du service public de l’orientation doit être poursuivie. Je tiens à saluer, d’ailleurs, le travail remarquable accompli, dans un délai très court, par M. Jean-Robert Pitte, délégué interministériel à l’information et à l’orientation.

Un autre moyen de construire une politique forte en matière d’apprentissage réside dans la valorisation de cette voie. Il faut lutter contre la mauvaise image dont souffre cette filière et, surtout, mieux accompagner les apprentis et leurs maîtres d’apprentissage.

À cet égard, je souhaite présenter brièvement l’amendement que j’ai déposé et qui vise à mettre en place des dispositifs d’accompagnement renforcé des apprentis et de leurs maîtres d’apprentissage. Il s’agit de prévenir les ruptures de contrats, souvent dues au manque d’accompagnement tant des jeunes, qui découvrent l’entreprise, que des maîtres d’apprentissage, qui auraient besoin de référents pour les aider dans la formation de publics parfois difficiles.

La Fondation des orphelins apprentis d’Auteuil, que nous avons reçue, a mené, en Alsace, une expérimentation d’accompagnement, par des éducateurs spécialisés, d’apprentis et de maîtres d’apprentissage dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants. Cette expérimentation a donné de très bons résultats : tous les jeunes ont obtenu leur certificat d’aptitude professionnel (CAP) et le taux de rupture des contrats n’a pas dépassé 10 %. D’après les données transmises par la fondation, le coût de ce dispositif d’accompagnement renforcé s’élève à 15 200 euros pour vingt jeunes, soit 760 euros par jeune.

Mon amendement a donc pour objectif de déployer dans plusieurs régions un dispositif expérimental proche, qu’il faudra adapter selon les besoins des territoires. Son financement, à hauteur de 2 millions d’euros, permettrait d’en faire bénéficier environ 2 630 apprentis. Ce financement serait assuré par un transfert de crédits depuis l’action budgétaire relative aux contrats d’objectifs et de moyens pour le développement et la modernisation de l’apprentissage, dotée de 355 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2013.

Cet amendement a reçu un avis a priori favorable du Gouvernement lors de l’audition des ministres par la Commission hier matin.

Mêlant savoir être et savoir agir, la formation en apprentissage constitue une voie de réussite, qui ne m’apparaît pas devoir être une source de conflits partisans. Nous devons tous œuvrer à son développement, car je rappelle que l’apprentissage obtient des résultats exceptionnels en termes d’insertion professionnelle et permet non seulement à des jeunes qui se trouvent en difficulté dans le système scolaire d’obtenir un diplôme, mais aussi à des étudiants de bénéficier d’une première expérience professionnelle solide avant la fin de leur cursus universitaire.

Mme Monique Iborra. Le groupe SRC se réjouit de la hausse de plus de 4 % des crédits de la mission « Travail et emploi » qui avaient subi une baisse drastique sous la législature précédente, alors que la situation de l’emploi était très mauvaise. La rupture est nette.

Nous regrettons l’état dans lequel l’ancienne majorité nous laisse l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), qui est au bord du dépôt de bilan ; le Gouvernement a dû et devra encore intervenir pour la soutenir.

La rupture est visible également pour le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), qui ne subit plus de ponction, même s’il faudra encore examiner l’efficacité du service rendu et la façon dont le Parlement pourrait être associé à son travail.

Je regrette, monsieur Vercamer, que, malgré votre investissement en matière de dialogue social, vous vous prononciez contre l’adoption des crédits de la mission : lorsque l’on vous écoute, vous avez surtout souligné la continuité de ce budget avec ceux des années précédentes que vous avez votés. Je vois une contradiction dans votre attitude, mais sans doute s’agit-il d’une posture politique.

Les crédits alloués à l’activité partielle, qui avaient fortement diminué lors de la législature précédente, passent de 40 à 70 millions d’euros. Je note toutefois qu’une simplification de ce dispositif sera nécessaire.

Sur le dialogue territorial, je ne peux qu’approuver ce qui a été dit : il est beaucoup trop éclaté. Nous attendons avec impatience l’acte III de la décentralisation, qui pourra sans doute traiter de ce problème.

Vous avez parlé des conseils de prud’hommes, monsieur Vercamer, mais vous n’avez pas signalé la hausse des crédits destinés à la formation des salariés dans leurs fonctions syndicales.

La droite nous reproche souvent de ne pas prévoir suffisamment d’économies, mais vous n’avez pas parlé des importantes économies de personnel prévues dans le programme 155, qui perd 141 équivalents temps plein, soit 1,4 % de ses effectifs à périmètre constant, hors rattachement de la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP). Ces pertes d’effectifs, le ministre l’a confirmé hier, ne concernent que l’administration centrale et pas les DIRECCTE, dont l’application aveugle de la révision générale des politiques publiques avait fait considérablement diminuer l’efficacité. Aujourd’hui, sur le terrain, les services de l’État et les DIRECCTE sont largement handicapés.

Je me réjouis, car je le demandais depuis longtemps, que la Commission ait décidé la création d’une mission d’information consacrée à Pôle emploi. Cette mission devra également s’intéresser aux missions locales, et plus largement à l’ensemble du service public de l’emploi.

Sur l’apprentissage, monsieur Cherpion, vous êtes à la fois juge et partie. Vous demandez des améliorations, ce qui est bien normal, mais nous aurions préféré qu’elles figurent dès le début dans la loi qui porte votre nom.

Votre rapport me paraît présenter une grave lacune, car il ne mentionne pas, m’a-t-il semblé, la place des régions dans l’apprentissage. Or ce sont bien elles qui en sont responsables, qui décident des ouvertures et des fermetures de sections, et qui ont permis sa forte croissance.

Mme Véronique Louwagie. Le groupe UMP se réjouit que ce budget maintienne nombre de dispositifs existants : contrat unique d’insertion (CUI), contrat de sécurisation professionnelle, école de la deuxième chance, contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS)… Nous nous réjouissons également du maintien de l’aide aux postes adaptés ; les 1 000 postes supplémentaires prévus permettront de respecter un engagement pris par l’État en 2011 dans le cadre du pacte pour l’emploi en entreprises adaptées. Les exonérations de charge pour les toutes petites entreprises qui emploient des jeunes sont maintenues, ce qui est tout à fait louable. Il en va de même des maisons de l’emploi et des missions locales. Il est important de noter que cela s’inscrit dans la continuité d’une politique mise en place sous le Gouvernement précédent.

Nous regrettons, en revanche, l’arrêt trop brusque du contrat d’autonomie, qui avait pourtant permis d’aider 44 000 jeunes depuis sa création – il n’est pas certain que tous ceux qui étaient éligibles à ce contrat le seront aussi pour les emplois d’avenir qui sont mis en place aujourd’hui. Le Conseil économique, social et environnemental a récemment recommandé d’aider d’abord les jeunes des quartiers prioritaires, ce que permettait le contrat d’autonomie.

Nous regrettons également la décision, prise sans concertation avec le ministère chargé de l’artisanat, d’aligner le dispositif des auto-entrepreneurs sur celui des entrepreneurs individuels, et la fin des exonérations correspondantes. Le régime des auto-entrepreneurs perd ainsi une partie de son attrait.

Nous regrettons encore la diminution des crédits affectés à la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC), qui passent de 97 millions à 60 millions d’euros, et qui permettent pourtant d’aider nombre de petites et moyennes entreprises.

Nous déplorons également l’abrogation de l’exonération de cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs d’entreprise. Certes, ce dispositif n’a été utilisé que 1 500 fois l’an dernier, mais il représentait un signal en direction de la création ou de la reprise d’entreprises.

Vous prévoyez de nouvelles dépenses, notamment celles liées aux emplois d’avenir : pour 150 000 emplois, ils coûteront 2,3 milliards d’euros. Cela en vaudra-t-il vraiment la peine ? N’aurait-on pas pu faire mieux avec un dispositif moins coûteux ?

Ce budget ne traite pas, en revanche, des contrats de génération, pourtant censés être un dispositif phare de la mandature. Certes, ils ne sont pas encore créés, mais le seront sans doute en 2013 : quid alors de leur traduction budgétaire ?

Nous nous réjouissons de la réflexion menée par Gérard Cherpion sur l’accompagnement des maîtres d’apprentissage et des apprentis ; le nombre de ruptures anticipées doit en effet retenir notre attention. Nous voterons donc l’amendement qu’il a déposé.

Au total, l’augmentation des crédits de cette mission tient essentiellement aux emplois d’avenir, qui ne donneront pas nécessairement satisfaction en matière d’expérience et de formation. N’aurait-il pas été préférable de renforcer plutôt l’apprentissage ?

Où en est la réflexion sur la baisse du coût du travail et le financement de la protection sociale ? Nous persistons à penser que l’amélioration de la situation de l’emploi passe par une diminution du coût du travail, donc des charges sociales. À cet égard, nous regrettons que le Gouvernement soit revenu sur la « TVA sociale » ou « TVA compétitivité ».

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera pas ce budget qui ne contient pas de solutions, pas de propositions fortes pour créer un choc en faveur de l’emploi.

M. Arnaud Richard. Nous nous félicitons tous du nombre de contrats aidés, même s’il paraît difficile de s’en satisfaire dans un pays où la création d’emploi ne se fait que par l’entreprise. C’est déjà une bonne chose que d’avoir stabilisé leur nombre.

Le ministre a redit hier la nécessité de territorialiser ces politiques et souligné que le sous-préfet pouvait être un acteur de ce processus : je m’en réjouis.

On sait combien il est difficile pour les acteurs du service public de l’emploi d’aider les jeunes les plus éloignés de l’emploi. L’indicateur 3-5 du programme 102 le montre d’ailleurs. La suppression du contrat d’autonomie ne me choque pas, mais les missions locales auront-elles encore les moyens d’aller chercher ces jeunes pour les amener vers l’emploi ?

Cela a été dit, vous prolongez beaucoup de dispositifs mis en place lors de la législature précédente. Je constate une baisse des moyens accordés à l’Établissement public d’insertion de la défense (EPIDE). Comment l’expliquez-vous ?

M. Repentin disait hier que la formation professionnelle n’avait pas forcément besoin de plus de moyens, mais qu’il lui fallait une meilleure gouvernance. Or le Gouvernement ne semble pas fixer de cap.

Sur le dialogue social, nous n’avons pas plus de visibilité. Un travail de fond est indispensable, notamment pour restructurer les branches professionnelles. Je m’interroge, moi aussi, sur la territorialisation et la constitutionnalisation du dialogue social.

Traiterez-vous de l’apprentissage dans le cadre de la nouvelle réforme de la décentralisation ? Il faudrait simplifier les procédures et renforcer le statut et les moyens du maître d’apprentissage.

Ce budget s’inscrit pour partie dans la continuité de ce qui a été fait précédemment et certains efforts sont accomplis, pour autant le groupe UDI ne le votera pas.

M. Christophe Cavard. Ce budget est en hausse de plus de 4% : nous nous en réjouissons d’autant plus que la situation de l’emploi ne cesse de se dégrader, notamment pour les jeunes et les seniors.

Cela dit, les emplois aidés, subventionnés, ne remplacent pas les emplois classiques : ils permettent d’aider des publics fragiles. Je veux donc insister sur le fait que ces contrats doivent être systématiquement accompagnés d’une formation, sous l’égide de l’État et des collectivités territoriales – je pense aux régions et aux des départements.

Nous nous réjouissons du soutien apporté par le Gouvernement à l’AFPA.

Nous soutenons fortement, vous le savez, l’économie solidaire et les entreprises d’insertion. Le ministre a répondu, hier, sur le rapport de l’IGAS. Nous estimons toutefois qu’il serait bon de faire dès cette année un geste en faveur de ce secteur, peut-être en augmentant l’aide au poste.

Les augmentations d’effectifs prévues à Pôle emploi constituent une avancée incontestable. Il serait judicieux que la mission d’information se penche sur les rapports entre Pôle emploi et les différents prestataires privés ; ceux-ci font parfois du très bon travail, mais il serait bon que nous en sachions un peu plus sur ce sujet.

J’ai bien compris que la représentativité des organisations d’employeurs était le cheval de bataille de Francis Vercamer, mais le rapport demeure assez flou. Nous devons effectivement en débattre, de façon constructive. Il faudra aussi écouter les plus petites entreprises, et pas seulement celles qui ont de gros moyens et qui écrivent des tribunes dans la presse, mais qui ne détiennent pas forcément les bonnes solutions.

Enfin, nous croyons au rôle citoyen des entreprises et l’apprentissage doit être pour elles une manière de l’exercer.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi. Je ne surprendrai personne en disant que je me retrouve entièrement dans les propos de Monique Iborra.

Madame Louwagie, nous venons de fêter les trente ans des missions locales pour l’emploi : elles ont donc été soutenues par de nombreuses majorités successives. Elles seront fortement sollicitées pour la mise en œuvre des emplois d’avenir : 30 millions d’euros sont prévus pour assurer le travail de suivi.

Vous avez ressuscité le débat sur le contrat d’autonomie, et je m’en étonne un peu, car l’opposition d’alors n’était pas seule à s’y opposer : ils coûtaient extrêmement cher pour une efficacité discutable. Arnaud Richard, je m’en souviens, les avait proprement exécutés lors du débat en séance publique.

Monsieur Richard, nous voulons effectivement apporter des solutions notamment aux jeunes en zones urbaines sensibles (ZUS) – ces publics connaissent des taux de chômage de 40 %, voire 60 %. Les emplois d’avenir leur sont destinés en priorité, et les missions locales seront fortement mobilisées. Le ministère de la ville entend également expérimenter les « emplois francs » dans quatre agglomérations : en l’absence de consensus sur le bien-fondé de cette idée – contestée par certains, à droite comme à gauche – il me paraît judicieux d’en passer par une expérimentation.

Sur les emplois d’avenir aussi, certains sont critiques, sceptiques : donnons sa chance au produit !

Monsieur Cavard, sur la nécessité qu’une formation accompagne chaque emploi aidé, vous avez bien sûr raison. Les emplois d’avenir répondent à vos attentes en la matière. Il faut aussi noter qu’un suivi sera assuré pendant les trois années de durée de l’emploi d’avenir ; cela paraît évident, mais en réalité cela n’a jamais existé. Cela ne sera pas simple à mettre en œuvre, cela aura un coût qu’il faudra évaluer ; mais si cela fonctionne, peut-être pourra-t-on généraliser cette pratique à l’ensemble des contrats aidés. Par ailleurs, je ne doutais pas de votre soutien à nos propositions sur l’économie sociale et solidaire.

Je soutiendrai l’amendement proposé par Gérard Cherpion qui reprend des propositions que nous avions faites lors de la discussion de la loi portant son nom, notamment sur l’accompagnement et la médiation. Je suis moi-même président d’un centre de formation d’apprentis, et j’ai pu observer qu’un tout petit peu d’accompagnement permettait de faire chuter très rapidement le taux de rupture des contrats – même s’il est illusoire d’espérer que tous les contrats aillent à leur terme.

L’extension de l’apprentissage dans le secteur public serait en effet une excellente chose.

La baisse du budget de l’EPIDE m’avait, je l’avoue, échappé ; cela entre dans le cadre de la maîtrise des dépenses des opérateurs. Son financement relève de deux missions différentes et représente tout de même environ 90 millions d’euros pour 2 000 jeunes aidés environ, ce qui est beaucoup. Il faudra se pencher sur le sujet, d’autant que son précédent directeur a été limogé il y a peu, et qu’il semble aujourd’hui y avoir quelque flottement dans la gouvernance. L’EPIDE devra, à l’avenir, accueillir plus de jeunes pour un budget semblable.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis sur le travail. Je relève une incontestable continuité entre la politique d’hier et celle d’aujourd’hui. Dès lors, me dit-on, comment avoir approuvé hier ce que vous désapprouvez maintenant ? L’argument peut se retourner contre mes collègues socialistes qui désapprouvaient hier ce qu’ils approuvent aujourd’hui.

À périmètre constant, les programmes 111 et 155 sont tous deux en baisse, le premier de 2,1% et le deuxième de 3,7%. Quand un gouvernement affiche comme priorités nationales le dialogue social et sa constitutionnalisation, la santé au travail et la lutte pour l’emploi, présenter un budget en baisse dans les chapitres correspondants manque, pour le moins, de la cohérence la plus élémentaire. C’est la première raison qui me fait émettre un avis défavorable. La seconde tient à ce que, rapporteur pour avis de ce budget depuis déjà quatre ans, j’ai toujours disposé d’une évolution prévisionnelle des programmes à moyen terme, ce qui me paraît essentiel dans des domaines comme, par exemple, celui de la santé au travail. Or, cette année, le Gouvernement ne m’a communiqué que l’évolution annuelle de la mission « Travail et emploi ». Je ne sais donc pas comment va évoluer la politique gouvernementale dans les années à venir sur certains programmes. C’est pour ces raisons de principe que mon avis est défavorable en dépit de la relative continuité de l’action publique et de son utilité dans certains secteurs.

Voilà aussi plusieurs années que je réclame une réflexion sur la représentativité patronale. On m’a toujours répondu favorablement sur le principe, mais les partenaires sociaux n’ont jamais rien sollicité. Le Gouvernement souhaite maintenant qu’ils y travaillent. Je reconnais que le sujet est délicat : on ne peut pas davantage inscrire le principe d’une entreprise égale une voix que celui d’un salarié égale une voix. Comment en effet mettre à la même enseigne une entreprise artisanale et une entreprise de 200 000 salariés ? Il faut donc, pour que chacun trouve son juste poids dans la négociation, définir une formule intermédiaire, difficile à calibrer. La Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) a, pour cela, proposé des seuils, ce qui constitue une piste parmi d’autres : aux partenaires sociaux de déterminer entre eux le meilleur équilibre. Les auditions auxquelles j’ai procédé sur ce thème montrent de larges différences d’appréciation. L’accord sera donc probablement difficile à trouver et, si les partenaires sociaux n’y parviennent pas, nous devrons sans doute faire des propositions indépendantes des clivages politiques, mais inspirées par le bon sens.

L’idée de constitutionnalisation du dialogue social me rend perplexe. Ne relève-t-elle pas davantage de l’affichage que d’une bonne prise en compte de la réalité ? S’il s’agit seulement de constitutionnaliser les procédures de concertation, la loi les sécurise déjà. Et je note que le projet loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 n’a pas craint de remettre en cause un accord national interprofessionnel portant sur les indemnités de chômage versées aux signataires d’une rupture conventionnelle, qu’elle a taxées nonobstant la signature des parties. Prôner est bien, appliquer vaut mieux.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis sur l’apprentissage. Mon rapport porte sur un compte d’affectation spéciale donc sur une politique de l’État, mais j’ai naturellement mentionné le rôle des régions tout au long du rapport, en raison de l’importance de leurs interventions que je suis le premier à reconnaître. J’ai même établi un tableau récapitulatif de l’ensemble des dépenses qu’elles réalisent.

Je tiens aussi à préciser que le bonus accordé aux entreprises de 250 salariés et plus, dont le nombre de jeunes en contrat d’alternance est supérieur à 4%, était inscrit non pas dans la loi du 28 juillet 2011, mais dans la loi de finances rectificative du 6 juillet 2011.

Je partage ce qu’a dit Christophe Cavard sur l’importance de la sensibilisation des petites entreprises (PME et TPE). C’est d’ailleurs le rôle incombant aux développeurs de l’apprentissage, qui ont pu impliquer des entreprises qui, auparavant, n’avaient jamais pris d’apprentis ou bien en avaient conservé un désagréable souvenir. Le projet de budget maintient les crédits qui leurs sont destinés, ce qui va dans le sens que vous souhaitez.

Véronique Louwagie et Arnaud Richard ont tous deux réaffirmé leur soutien au développement de l’apprentissage comme une voie, parmi d’autres, d’excellence et de réussite professionnelle. Outre-mer, il existe un outil analogue, le service militaire adapté (SMA) , qui permet de former, en alternance, chaque année 3 000 jeunes. L’objectif du dispositif a été porté à 6 000.

M. Michel Liebgott. Nous apprécions que l’ancienne majorité devenue opposition considère que nous nous inscrivons dans la continuité de son action, mais cela ne vaut que pour des mesures de détail. L’essentiel de notre politique de l’emploi marque au contraire une rupture. D’abord, sur les emplois aidés : au stop and go du Gouvernement précédent, nous substituons de véritables emplois aidés, d’une durée suffisante pour produire des effets tangibles. C’est le cas notamment des emplois d’avenir, que l’UMP aurait été bien inspirée de voter à entendre ce qu’elle dit aujourd’hui. Le deuxième étage de la fusée emploi c’est le contrat de génération, dans le sillon d’un dialogue social qui faisait jusqu’ici défaut. Ce contrat concernera à la fois les jeunes et les seniors, dont les taux de chômage ont augmenté respectivement de 10 % et de 17 %, avec une aggravation préoccupante du chômage de longue durée (de plus d’un an) et de très longue durée (de trois ans et plus).

Une première mesure est intervenue, dans le décret du 2 juillet dernier, en faveur des carrières longues, pour faciliter les départs anticipés. Elle devrait concerner, en 2013, 110 000 personnes que la réforme des retraites avait oubliées. Le remplacement de l’allocation équivalent retraite (AER) par l’allocation transitoire de solidarité (ATS), combiné avec les âges de la retraite portés à 62 et 67 ans, fut à cet égard une véritable catastrophe. Nous y reviendrons.

M. Dominique Dord. Je trouve désobligeant de qualifier d’insuffisant le rapport pour avis de notre collègue Gérard Cherpion, comme l’a fait Monique Iborra.

Compte tenu de ce qui a été dit sur les changements de posture politique, selon que l’on appartient à la majorité ou à l’opposition, si j’étais vous, je voterais contre ce projet de budget. Car, après tout ce qui a été dit, et continue d’être dit chaque jour, sur la situation catastrophique de l’emploi, imputable à notre politique désastreuse, la nouvelle majorité ne change rien, ou si peu : les emplois d’avenir. En tant que maire, j’ai étudié ce nouveau dispositif, pour me rendre finalement compte qu’il était moins avantageux que les chantiers d’insertion, aidés à 90% par l’État pour les mêmes bénéficiaires, contre 75% pour les emplois d’avenir. Je ne vois donc pas quel intérêt il présente et je ne l’utiliserai probablement pas.

Nous sommes évidemment tous d’accord sur la nécessité d’améliorer le service rendu par Pôle emploi. Mais obliger les entreprises à déposer leurs offres auprès de cet organisme, comme le propose Jean-Patrick Gille dans son rapport, me paraît contradictoire avec le développement de l’autonomie locale qu’il prône.

Francis Vercamer voudrait, quant à lui, que l’initiative parlementaire soit gelée en cas de négociations entre les partenaires sociaux. On peut en approuver le principe, mais la mesure me paraît constitutionnellement impossible.

Enfin, Gérard Cherpion plaide en faveur d’une réforme du financement de la formation et de l’apprentissage. Voilà vingt ans qu’on dit la même chose !

Ce budget ne propose donc rien de bien neuf et, en tout cas, rien qui puisse répondre aux incantations de la majorité quand elle parle d’emploi.

Mme Kheira Bouziane. Le rapport de Gérard Cherpion sur l’apprentissage ne comporte rien sur la formation professionnelle, qui se situe pourtant au cœur de celui-ci et tient également sa place au sein de l’éducation nationale, qui compte de nombreux lycées professionnels où l’on apprend un métier.

Il faut donc parvenir à réunir tous les partenaires concernés par l’apprentissage et par la formation professionnelle.

Le rapport parle peu des freins à l’apprentissage, observés dans les entreprises, auprès des jeunes et dans leurs familles. Certains sont liés au sexe et d’autres aux comportements discriminatoires de certaines entreprises. Nous devons nous efforcer de les lever. Les missions locales s’y emploient déjà. Mais nous devons accentuer notre effort dans ce sens.

M. Jean-Pierre Door. Je me réjouis de la poursuite des contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE). Mais combien de temps encore va-t-on les maintenir ? Au-delà de 2013 ? Les collectivités locales doivent savoir si elles peuvent continuer de recourir à des emplois aidés, car elles en ont grand besoin et offrent généralement aux intéressés des sorties satisfaisantes.

L’ancien Gouvernement avait prévu, dans le cadre du grand emprunt, une ligne de crédits, de l’ordre de 500 millions d’euros, afin d’aider les investissements immobiliers des centres de formation d’apprentis (CFA). Qu’est-elle devenue ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je salue les priorités accordées à la jeunesse et au maintien dans l’emploi des seniors. Mais, en dépit du décret du 2 juillet 2012 relatif à l’âge d’ouverture du droit à pension de vieillesse, certaines situations demeurent irrésolues pour des personnes victimes des mesures d’âge et n’ayant pas encore 60 ans.

L’augmentation des moyens alloués au soutien de l’emploi des handicapés dans le cadre des entreprises adaptées porte sur 1 000 postes supplémentaires, ce qui représente un effort substantiel : actuellement 35 % seulement des handicapés ont un emploi, ce qui correspond à un taux de chômage deux fois plus élevé que celui du reste de la population.

On ne peut pas opposer, comme l’a fait notre collègue Dominique Dord, les différents types de contrats aidés. Il faut, au contraire, tabler sur leur complémentarité afin de mieux lutter contre le dramatique chômage des jeunes.

M. Jean-Claude Bouchet. Personne ne peut être en désaccord avec Jean-Patrick Gille lorsqu’il affirme que « la politique de l’emploi a plus que jamais besoin d’être soutenue ». Je note l’effort consenti en faveur des contrats aidés et des contrats d’avenir, dont les nombres s’accroissent respectivement de 40 000 et de 100 000 en 2013. J’approuve également les contrats de génération, ainsi que le renforcement de Pôle Emploi.

Mais demeure le problème de la compétitivité de notre économie. La remise en cause des exonérations de charges patronales risque d’accentuer encore notre handicap vis-à-vis de l’Allemagne, particulièrement dans le secteur agricole. Dès lors, les mesures en faveur de l’emploi risquent de se voir totalement effacées par l’absence de dispositions vigoureuses en faveur de la compétitivité et donc de la croissance.

On a beau prétendre ce budget volontariste, la réalité est qu’il n’aura aucune incidence sur le redressement économique de notre pays. Tout se passe comme si, au volant d’une voiture en panne, nous nous préoccupions de repeindre la carrosserie au lieu de réparer le moteur.

M. Michel Issindou. Progressant de 4 %, le budget du travail et de l’emploi va dans le bon sens en renforçant Pôle emploi, aujourd’hui insuffisamment efficace, comme en mettant en place les contrats de génération et les emplois d’avenir.

Reste toutefois le problème de la suppression de l’allocation équivalent retraite (AER) et de son remplacement par l’allocation transitoire de solidarité (ATS), souligné par Jean-Patrick Gille. Les demandeurs d’emploi comptant les annuités de cotisations nécessaires pour partir à la retraite ne peuvent bénéficier de celle-ci en raison du report de l’âge légal à 62 ans. En dépit du soutien à l’emploi des seniors, les personnes concernées ne peuvent évidemment retrouver un emploi. Ce qui les met dans une impasse et provoque des situations de détresse. Les résoudre coûterait environ 500 millions d’euros. C’est pourquoi le rapporteur pour avis a raison de préconiser une réflexion sur des modalités spécifiques de prise en charge. Ne pouvant nous contenter de la perspective d’une réforme des retraites en 2013, il nous faut alerter le Gouvernement afin de parvenir à une solution de remplacement permettant aux intéressés d’attendre dignement leur retraite.

M. Jonas Tahuaitu. La situation économique et sociale de la Polynésie française appelle des mesures d’urgence. Un état de fait ne doit pas devenir un fait accompli. Nous nous réjouissons donc, pour 2013, de la progression des crédits du travail et de l’emploi consacrés aux territoires ultramarins, de 4,5 % en autorisations d’engagement et de 5 % en crédits de paiement à périmètre constant.

Notre archipel compte aujourd’hui plus de personnes dépendantes des régimes de solidarité que de salariés. La dette sociale a ainsi augmenté de plus de 50 % depuis 2004.

Le taux de chômage de notre jeunesse est devenu insupportable dans nos régions d’outre-mer : il atteint 60 % des 15-24 ans en Martinique et à La Réunion, 53 % en Guadeloupe, 48 % en Guyane, contre 22,9 % dans l’hexagone.

La mission « Travail et emploi » revêt donc pour nous une importance toute particulière. Elle appelle néanmoins trois réserves. Le service militaire adapté (SMA) a prouvé son efficacité, mais le dispositif prévu pour 2013 est insuffisant. L’agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) est devenue l’unique opérateur des politiques de formation professionnelle et d’accès à l’emploi. Mais ses actions et ses objectifs demeurent flous. Enfin, la formation et l’orientation des jeunes restent très imprécises en Polynésie.

M. Gérard Sébaoun. Comme Francis Vercamer, je suis satisfait de la stabilité du budget de la santé et de la sécurité au travail, et je lui sais gré d’avoir mentionné les risques psychosociaux, dont la prise en compte me paraît essentielle en entreprise. Mais, depuis 2004 et la transposition de la directive européenne, la situation a peu évolué. On avait alors observé que les organisations, davantage que les responsables individuels, se situaient au centre des difficultés rencontrées par les salariés, et considéré le dialogue social comme facteur essentiel des progrès envisageables.

La loi du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail a amélioré les possibilités d’agir des services de santé au travail. Il n’en demeure pas moins qu’au sein des entreprises, des organisations délétères sont largement responsables de la souffrance au travail et mettent des travailleurs en difficulté, notamment par l’individualisation des tâches. Des formes collectives de défense, autrefois actives, ont maintenant disparu. Le rapport pour avis n’en parle pas. Mais les pistes de réflexion existent en la matière et devront être demain précisées.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Le programme 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi », montre la cohérence entre l’institution des emplois d’avenir et les grandes orientations du budget pour 2013.

Lors du débat parlementaire, nous fûmes nombreux à souligner que la réussite des emplois d’avenir passerait par l’accompagnement des structures employeuses, spécialement associatives, très fragilisées au cours des dernières années et souvent de petite taille.

Je salue donc l’importance accordée aux dispositifs locaux d’accompagnement (DLA), dont il faudra renforcer les crédits. Créés en 2002 par la Caisse des dépôts et consignations, gérés par l’Avise depuis 2003, ils ont fourni la preuve de leur efficacité et sont plébiscités par tous les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Les associations ayant eu recours à ce dispositif ont renforcé leur modèle économique et employé davantage de personnes.

Mme Sylviane Bulteau. Il ne faut pas opposer emploi public et emploi privé. Nous avons besoin des deux pour redresser notre économie. Il n’est pas vrai que seules les entreprises privées créent des emplois. Les associations et les services publics en créent aussi. Certaines personnes ne pouvant directement entrer dans une entreprise privée passent ainsi par des contrats aidés ou par des emplois d’avenir. Je suis donc affolée lorsque j’entends un élu de la République nous dire qu’il ne signera pas de contrats d’avenir dans sa commune, condamnant ainsi des jeunes en difficulté à ne jamais entrer dans le monde du travail.

Le débat sur l’apprentissage ressort une fois de plus des limbes. Les présidents de chambres de métiers et les employeurs expriment leur souci pour qu’il cesse d’être une voie de garage. Une refondation de l’école devrait aboutir à ce que moins d’élèves se trouvent en difficultés et à ce qu’ils puissent choisir plus librement l’apprentissage.

On ne va pas assez loin dans les actions en faveur des handicapés, alors que d’intéressantes expériences se développent en régions – je regrette qu’on ne les retrouve pas dans le rapport pour avis sur l’apprentissage.

Les personnes en difficulté ne demandent qu’à s’intégrer dans la société et dans le monde du travail. Il faut cesser de faire preuve de mépris à l’égard des associations et des services publics qui œuvrent à leur insertion.

Mme Chaynesse Khirouni. Nous avons déjà évoqué les différents dispositifs de soutien à l’emploi. La réussite des mesures correspondantes nécessite de veiller d’abord à l’implantation et à l’organisation des différents services de l’emploi, tels que Pôle Emploi, les DIRECCTE et les missions locales ; tous doivent être des services de proximité au plus près des besoins des demandeurs d’emploi.

Il faut de même s’assurer de la professionnalisation des équipes, au contact de personnes de plus en plus exclues de la formation et de l’emploi.

Il est enfin important que les différents dispositifs et services soient bien coordonnés sur nos territoires afin d’accompagner au mieux les demandeurs d’emploi.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi. Nous partageons bien des analyses, notamment s’agissant de la nécessaire territorialisation des dispositifs de soutien à l’emploi, encore trop peu déployée et n’entraînant pas forcément de coûts supplémentaires. Une gestion trop surplombante démobilise en effet les professionnels de terrain.

Dominique Dord a tort de considérer que les emplois d’avenir et les chantiers d’insertion sont des dispositifs concurrents. Les premiers relèvent certes de la même logique que les seconds, mais avec un dispositif considérablement renforcé, durant trois ans et comportant une formation obligatoire.

Les contrats de génération représenteront demain un autre progrès. Il en ira de même du soutien à l’activité partielle, trop peu répandue en France, notamment par comparaison avec l’Allemagne, et sur laquelle le ministre du travail a insisté hier.

La politique de formation des demandeurs d’emplois traduit une rupture totale avec les choix du Gouvernement précédent. Pendant sa campagne électorale, l’ancien Président de la République a semblé découvrir que seulement 10 % des demandeurs d’emploi étaient formés par le truchement de Pôle emploi, alors que ce sont les gouvernements auxquels il a participé ou qu’il a nommés qui ont mis à mal les politiques de formation des demandeurs d’emplois. Mentionnons à ce sujet la tentative de démantèlement de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), la ponction financière annuelle, de 300 millions d’euros, du dispositif de formation mis en place par un accord des partenaires sociaux, la création de Pôle emploi, qui ne fut guère une réussite, enfin la suppression de toute action de formation dès lors qu’elle ne s’appuyait pas sur un contrat de travail.

Tournant le dos à ce lourd bilan, nous souhaitons réactiver toute une série de dispositifs en faveur de la formation des demandeurs d’emploi, moyen essentiel de la lutte contre le chômage de longue durée.

Par provocation, je me suis interrogé, dans le rapport, sur le rétablissement d’une obligation de dépôt des offres d’emploi à Pôle emploi. Cela me permet de rappeler quelques chiffres éloquents : avec une masse salariale de 3 milliards d’euros, et près de 50 000 agents, Pôle emploi ne traiterait que 16 % du marché de l’emploi, ou 3 millions d’offres, dont 500 000 contrats aidés dont l’organisme a le monopole, quand on signe en France 30 millions de contrats de travail par an. Un effort de redressement s’impose donc.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis sur le travail. Les propos de Michel Liebgott ont dû dépasser sa pensée : il est faux de dire que l’ancien Gouvernement ne pratiquait aucun dialogue social. N’oublions pas la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, dite loi « Larcher ». Je constate par ailleurs que le Gouvernement actuel a fait adopter les emplois d’avenir sans aucune négociation sociale préalable et qu’il a modifié, par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, un accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail.

Geler l’initiative parlementaire pendant que des négociations sociales se déroulent permettrait d’éviter de modifier les règles du jeu au même moment. Peut-être faut-il donc réviser la Constitution à cette fin.

J’avais consacré, en 2010, mon rapport budgétaire sur l’organisation de la santé au travail et sur la médecine du travail. Ce rapport a conduit indirectement, par la voie d’une proposition de loi au Sénat, à l’adoption de la loi précitée du 20 juillet 2011. Mais il reste à la compléter, notamment sur les risques psychosociaux.

Personne n’oppose l’emploi public à l’emploi privé, madame Bulteau. Mais il est vrai qu’un trop grand nombre d’emplois aidés pourrait freiner les créations d’emploi par les entreprises privées, comme l’a dit Arnaud Richard.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis sur l’apprentissage. Il faut non pas opposer les systèmes mais, au contraire, bâtir d’étroits partenariats entre les différents modes de formation et favoriser les passerelles. En raison de financements différents, je ne me suis ici intéressé qu’au compte d’affectation spéciale créé par la loi de finances rectificative pour 2011.

Les freins au développement de l’apprentissage résultent, d’une part, de l’orientation, d’autre part, de l’accompagnement. Dans le cadre de cet avis budgétaire, à objectif limité, j’ai identifié des pistes d’amélioration, mais je n’ai pas arrêté de solutions définitives.

Un gros effort reste à accomplir pour l’apprentissage au sein des services publics. Mes auditions ont en effet permis de constater l’existence d’expériences encourageantes, notamment dans certaines communes.

Sylviane Bulteau a eu raison de dire que l’apprentissage devait procéder du choix des jeunes et de leurs parents plutôt que de contraintes éducatives. Mais il faut posséder un certain nombre de connaissances avant d’entrer dans le système.

Le dispositif interactif de valorisation des acquis (DIVA) et le dispositif académique de valorisation des acquis (DAVA) fonctionnent bien en région Lorraine, qui a consenti un effort important.

L’outre-mer, et la Polynésie en particulier, se heurtent à des problèmes généraux de formation et de développement des entreprises dans ce secteur. Il faudra leur apporter une réponse globale.

À l’origine, les emplois d’avenir ne comportaient pas de volet relatif à la formation. C’est au Parlement que celui-ci a été ajouté.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Vercamer, j’ai eu la chance d’assister hier, à Matignon, à la signature des six premiers emplois d’avenir. Les jeunes bénéficiaires, dont trois venaient de Marseille et trois de l’Essonne, se sont alors demandés pourquoi les employeurs privés ne leur accordaient pas la même confiance que l’État. C’était un témoignage intéressant.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis sur le travail. Mon propos n’était pas de critiquer le système. Je voulais simplement préciser qu’une association est une entreprise privée comme une autre. Ce que prône depuis toujours l’économie sociale et solidaire. Il s’agit donc bien d’emplois de droit privé, et je ne vois pas pourquoi les associations ne devraient pas passer par le dialogue social !

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 46 : État B – Mission « Travail et emploi »

La Commission est saisie de l’amendement AS 1 de M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi. Cet amendement vise à doter l’allocation équivalent retraite (AER) et l’allocation transitoire de solidarité (ATS), sur une même ligne budgétaire, de 20 millions d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement et de 10 millions d’euros supplémentaires en crédits de paiement.

L’AER a été supprimée au 1er janvier 2011, mais les bénéficiaires antérieurs qui continuent de la toucher représenteront encore une charge de 220 millions d’euros en 2013.

Le dispositif transitoire de l’ATS ne concerne que le public très restreint des demandeurs d’emploi nés entre 1951 et 1953 et âgés d’au moins 60 ans lors de leur arrivée en fin de droits au titre de l’assurance chômage. Il ne bénéficierait ainsi qu’à moins de 2 500 personnes, pour un coût initialement prévu de 10 millions d’euros, qui ne seront donc vraisemblablement pas entièrement consommés.

Il ne saurait être question de rétablir l’AER, dont le coût a pu atteindre 800 millions d’euros. Cela ne serait pas financièrement responsable, son coût serait aujourd’hui estimé à environ 500 millions, et irait à l’encontre de l’objectif global d’élévation du taux d’activité des seniors. Toutefois, certaines des personnes licenciées avant le 1er janvier 2009 pouvaient légitimement espérer bénéficier de ce dispositif en arrivant en fin de droits. Elles se retrouvent aujourd’hui flouées par sa suppression, n’ayant pas encore l’âge du départ à la retraite. Elles ne peuvent bénéficier, au mieux, en fonction de leur situation familiale, que de l’allocation de solidarité spécifique (ASS), à savoir quelque 450 euros par mois.

Le rétablissement d’un dispositif d’allocation équivalent retraite pour les seuls demandeurs d’emploi licenciés entre 2008 et 2009 n’aurait qu’un coût limité, mais difficile à estimer. Avec le décret du 2 juillet 2012 sur l’élargissement des conditions de départ anticipé en retraite pour les carrières longues, un certain nombre, voire une forte proportion, de bénéficiaires de l’ATS devrait pouvoir liquider leurs droits à pension. Ce qui laisse une marge au sein des 10 millions d’euros prévus pour 2013. Les crédits prévus pour le financement du décret précité laissent également quelques marges.

Mon amendement est gagé non sur les emplois en zones de revitalisation rurale (ZRR), comme je l’avais d’abord envisagé, mais sur le nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprise (NACRE). Il a surtout pour objet d’alerter le Gouvernement afin qu’il trouve une solution satisfaisante en faveur de personnes qui sont dans une situation particulièrement douloureuse.

Le problème majeur est évidemment celui des bornes et des mesures d’âges. Certes, nous en rediscuterons au cours de l’année qui vient, mais il nous faut d’abord régler la question des personnes échappant actuellement à tout dispositif de compensation.

M. Francis Vercamer. Je me suis opposé à la suppression de l’AER, alors décidée contre la position du groupe du Nouveau Centre. Nous allons donc voter cet amendement, qui répond aux besoins d’environ 40 000 personnes ayant cotisé le nombre d’années nécessaires pour bénéficier d’une retraite mais n’ayant pas atteint l’âge légal de celle-ci.

M. Denys Robiliard. Des personnes ont quitté leur emploi dans le cadre d’un plan social à l’occasion duquel on leur avait assuré qu’elles seraient rémunérées dans de bonnes conditions jusqu’à leur retraite. Le changement de dispositif les a privées de ce qu’on leur avait promis. L’amendement vise à remédier à cette situation. Il ne doit pas pour autant permettre un appel d’air en faveur de nouvelles mesures d’âge, qu’il faut combattre. Il reviendra sans doute au décret de bien le faire apparaître.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi. C’est bien le sens de mon amendement.

La Commission adopte l’amendement AS 1 à l’unanimité.

Puis elle examine l’amendement AS 2 de M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi. Le secteur de l’insertion et du travail temporaire d’insertion présente un fort potentiel de créations d’emplois, mais se heurte à des difficultés car l’aide au poste n’a pas été revalorisée depuis 2002. J’entends donc envoyer un signal positif aux entreprises concernées. À ce jour 14 500 postes sont aidés, à hauteur de 9 681 euros. Majorer la dotation de 10 millions d’euros permettrait donc de financer environ 15 000 postes, à hauteur de 10 000 euros.

Le ministre nous a parlé hier d’une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) destinée à améliorer les processus d’insertion et à reconsidérer leurs financements. L’adoption de cet amendement faciliterait des évolutions positives et contribuerait à mobiliser les réseaux de l’insertion en faveur de la réussite des emplois d’avenir.

Mme Monique Iborra. L’action des entreprises d’insertion par l’activité économique a été considérablement réorientée depuis leur création. Ces entreprises constituent normalement un sas devant permettre d’accéder à des emplois pérennes. Il faudra donc examiner avec soin les conclusions du rapport de l’IGAS.

M. Christophe Cavard. L’aide au poste est gelée depuis dix ans. Les emplois d’avenir n’ont pas pour objet de résoudre les difficultés que connaissent, de ce fait, les entreprises d’insertion. L’IGAS pourrait, selon le ministre, proposer une modification plus globale du soutien qui leur est apporté. Il nous revient toutefois de faire un geste en faveur de la revalorisation de l’aide au poste.

Mme Véronique Louwagie. Le premier amendement que nous avons adopté a déjà amputé de 10 millions d’euros les crédits du nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprise (NACRE). Et celui-ci vise à retirer encore 10 millions à un dispositif bénéficiant de 25 millions de crédits de paiement. Que restera-t-il au NACRE ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi. Votre remarque est pertinente et je comprends votre inquiétude. Nous touchons là aux limites et à la difficulté du droit d’amendement en matière de loi de finances. Je propose de voter sur un principe, après quoi il sera toujours possible de rediscuter du gage avec le Gouvernement. Mon intention n’est pas de m’attaquer au NACRE.

La Commission adopte l’amendement AS 2.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 3 de M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi. Cet amendement vise à ajouter 2 millions d’euros aux 10,4 millions de la dotation des dispositifs locaux d’accompagnement (DLA) qui apportent leur compétence et leur ingénierie aux associations et aux structures d’insertion par l’activité économique, déterminantes pour le démarrage des emplois d’avenir. Il convient de renforcer ainsi la dimension territoriale des instruments de l’insertion professionnelle et, plus généralement, de la politique de l’emploi.

M. Francis Vercamer. Cet amendement est le bienvenu. En effet, les associations éprouvent parfois du mal à trouver certains moyens de formation, notamment à la gestion, alors qu’on fait de plus en plus appel à elles dans l’approche territoriale de l’emploi. C’est pourquoi je me suis toujours opposé à la diminution de leurs crédits. Le groupe UDI votera cet amendement.

La Commission adopte l’amendement AS 3 à l’unanimité.

Puis elle examine l’amendement AS 4 de M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi. Le Fonds d’insertion professionnelle des jeunes (FIPJ) finance des actions complémentaires à l’accompagnement personnalisé et renforcé des jeunes confrontés à des difficultés d’insertion professionnelle ou d’accès à l’emploi. Il fournit ainsi des « coups de pouce » à la formation, à la qualification et à l’emploi, individuels et collectifs.

Alors que le projet de budget maintient les crédits de toute une série de dispositifs en faveur des jeunes, on relève curieusement la disparition de 1,4 million au détriment du FIPJ. Je propose donc de rétablir la dotation, qui se situait d’ailleurs à un niveau très supérieur il y a quelques années.

Mme Chaynesse Khirouni. Je préférerais que cet amendement ne soit pas gagé, comme les précédents, sur le dispositif NACRE d’accompagnement des demandeurs d’emploi créateurs d’entreprise, qui me semble important pour la réinsertion professionnelle.

Mme Véronique Louwagie. Le groupe UMP votera cet amendement, mais la réserve qui vient d’être formulée doit être prise en compte, car il ne reste déjà presque plus rien pour le dispositif NACRE. L’aide aux chômeurs créateurs d’entreprise, elle-même créatrice d’emplois, mérite également le soutien de l’État.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi. Je répète que mes amendements visent à alerter le Gouvernement sur certaines priorités de principe, quitte à réexaminer les gages avec lui. Il ne s’agit évidemment pas de s’attaquer au dispositif de soutien à la création d’entreprises, bien au contraire.

M. Michel Liebgott. On procédait de la même manière au cours de la précédente législature, en recourant aux mêmes types de gages, du fait de l’article 40 !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi. Dans la mesure où nous nous accordons tous sur le fond, ne nous divisons pas sur la question du gage.

La Commission adopte l’amendement AS 4 à l’unanimité.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » figurant à l’article 46, état B, ainsi modifiés.

Article 48 : État D – Mission « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage »

La Commission examine l’amendement AS 5 de M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis sur l’apprentissage.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis sur l’apprentissage. Cet amendement vise à mettre en place des dispositifs d’accompagnement renforcé des apprentis et de leurs maîtres d’apprentissage. Il s’agit de prévenir les ruptures de contrats, souvent dues à un manque d’accompagnement, tant des jeunes qui découvrent l’entreprise que des maîtres d’apprentissage qui auraient parfois besoin de référents pour les aider dans la formation de publics difficiles. À cet égard, la Fondation des apprentis orphelins d’Auteuil a mené une expérimentation d’accompagnement, par des éducateurs spécialisés, d’apprentis et de maîtres d’apprentissage, qui a permis d’obtenir un taux de rupture des contrats très faible
– seulement 10 % – et un taux de 100 % de réussite au CAP pour ceux qui ont continué. Ce dispositif a coûté 15 200 euros, soit environ 760 euros par jeune accompagné. Une ligne de crédits de 2 millions permettrait d’accompagner 2 630 apprentis.

Mme Monique Iborra. D’abord, les ruptures de contrats sont très majoritairement dues à un problème d’orientation. La loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie n’a rien amélioré à cet égard.

Ensuite, tous les employeurs d’apprentis bénéficient d’une prime et sont, en contrepartie, chargés d’organiser l’accompagnement. Il ne faudrait pas qu’au prétexte de la mise en place d’un tutorat, les entreprises se trouvent exonérées de toute responsabilité en matière de formation, consubstantielle à l’apprentissage.

M. Jean-Patrick Gille. Il est évident qu’un des bons moyens de développer l’apprentissage en France consiste à limiter le taux de rupture de contrats, très élevé dans certains secteurs.

En plus du problème d’orientation, se pose aussi souvent celui de l’incompréhension entre l’apprenti et son maître d’apprentissage, qui nécessiterait d’organiser une certaine mobilité. Les expérimentations « Hirsch », qui ont fait suite au livre vert de 2009 sur la mobilité des jeunes à des fins d’apprentissage, ont fait leurs preuves, mais n’ont pas été poursuivies. Il conviendrait d’en reprendre le fil et de développer une approche locale, par exemple en associant plus étroitement les CFA, les missions locales et les entreprises. Tisser de tels liens me paraît bien préférable à une succession de dispositifs nationaux.

Mme Kheira Bouziane. L’apprenti et son tuteur ont, l’un comme l’autre, besoin de reconnaissance et de formation. Mais les incitations financières destinées aux entreprises respectant les quotas en alternance ne me paraissent pas les plus efficaces a priori. Comment se traduiront-elles concrètement ? Les entreprises vont-elles embaucher des éducateurs spécialisés ?

M. René Falanga vient de publier Un parrain, ouvrage sur le parrainage dans les missions locales, mécanisme dont il démontre l’efficacité et l’absence de coût.

La rupture de contrat est souvent liée aux difficultés rencontrées par l’apprenti dans l’entreprise, où l’accueil n’est pas toujours optimal. Dans ce cas, l’entreprise ne l’aidera guère à trouver un autre maître d’apprentissage. Une entité extérieure me paraît donc préférable et les missions locales sont particulièrement bien placées pour cela.

M. Christophe Cavard. Nous ne connaissons pas suffisamment l’expérience menée en Alsace dans les hôtels, cafés et restaurants, dont parle Gérard Cherpion. Mais bien des questions subsistent.

Un éducateur spécialisé possède une qualification particulière qui peut se révéler insuffisamment ciblée. Le bénéfice de l’expérimentation se mesure-t-il en fonction du profil du jeune, pris individuellement, ou bien par filière ? De quelles autorités, nationales ou locales, dépend son élargissement ?

Je propose donc de retenir l’amendement sur le fond, mais d’en retravailler la forme d’ici à la séance publique.

Mme Véronique Louwagie. Les maîtres d’apprentissage jouent un rôle d’accompagnement très important. Mais leur position est parfois difficile en face de jeunes dont l’apprentissage constitue le premier contact avec le monde de l’entreprise. Certaines très petites entreprises ne comptent parfois pas d’autre salarié.

Les ruptures, ressenties comme un échec par l’apprenti, risquent de casser quelque chose dans la formation de celui-ci et dans sa relation à l’univers du travail salarié. On ne peut donc qu’approuver la volonté d’en réduire le nombre.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis sur l’apprentissage. Le ministre a donné hier son accord sur le principe de cet amendement puis a souhaité qu’il soit affiné par une déclinaison territoriale.

Madame Bouziane, les transferts de crédits d’un programme à l’autre à l’intérieur de la même mission renforcent les systèmes proposés et ne bénéficient donc pas spécialement aux entreprises respectant les quotas d’alternance.

La Commission adopte l’amendement AS 5.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption des crédits du compte spécial « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » figurant à l’article 48 état D ainsi modifiés.

Article non rattaché

Article 71 : Abrogation de l’exonération de cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs d’entreprise

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 71 sans modification.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AS 1 présenté par M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi

Article 46 - État B - Mission « Travail et emploi »

I. – Modifier ainsi les autorisations d’engagement : (en euros)

Programmes

+

-

Accès et retour à l'emploi

20 000 000

0

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

0

20 000 000

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0

0

– Dont titre 2

0

0

TOTAUX

20 000 000

20 000 000

SOLDE

0

II. – Modifier ainsi les crédits de paiement :

Programmes

+

-

Accès et retour à l'emploi

10 000 000

0

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

0

10 000 000

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0

0

– Dont titre 2

0

0

TOTAUX

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

Amendement n° AS 2 présenté par M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi

Article 46 - État B - Mission « Travail et emploi »

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement : (en euros)

Programmes

+

-

Accès et retour à l'emploi

10 000 000

0

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

0

10 000 000

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0

0

– Dont titre 2

0

0

TOTAUX

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

Amendement n° AS 3 présenté par M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi

Article 46 - État B - Mission « Travail et emploi »

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement : (en euros)

Programmes

+

-

Accès et retour à l'emploi

0

2 000 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

2 000 000

0

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0

0

– Dont titre 2

0

0

TOTAUX

2 000 000

2 000 000

SOLDE

0

Amendement n° AS 4 présenté par M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l’emploi

Article 46 - État B - Mission « Travail et emploi »

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement : (en euros)

Programmes

+

-

Accès et retour à l'emploi

1 400 000

0

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

0

1 400 000

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0

0

– Dont titre 2

0

0

TOTAUX

1 400 000

1 400 000

SOLDE

0

Amendement n° AS 5 présenté par M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis sur l’apprentissage

Article 48 - État D - Mission « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage »

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement : (en euros)

Programmes

+

-

Péréquation entre régions et compensation au titre du transfert du versement de l'indemnité compensatrice forfaitaire

0

0

Contractualisation pour le développement et la modernisation de l’apprentissage

0

2 000 000

Incitations financières en direction des entreprises respectant les quotas en alternance

2 000 000

0

TOTAUX

2 000 000

2 000 000

SOLDE

0

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) – M. Bertrand Martinot, délégué général, Mme Hélène Monasse, chef de mission marché du travail

Ø Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) – Mme Patricia Bouillaguet, directrice générale adjointe, directrice régionale Ile-de-France

Ø Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) – M. Vincent Destival, directeur général, et M. Michel Monier, directeur général adjoint

Ø Groupe Altédia – M. Pierre Beretti, président-directeur général

Ø Syndicats de Pôle emploi

- Confédération française démocratique du travail (CFDT) de Pôle emploi – M. Christian Fallet, délégué syndical central, M. Philippe Berhault

- Syndicat national unitaire –Fédération syndicale unitaire (SNU-FSU) de Pôle emploi – Mme Sylvette Uzan Chomat et M. Jean Charles Steyger, membres du bureau national

- Force ouvrière (FO) de Pôle emploi (SN FO PPPE) – M. Sébastien Socias, secrétaire général et M. Fabien Milon, membre de la délégation nationale

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – M. Benoît-Roger Vasselin, président de la commission des relations du travail, Mme Catherine Haquenne, chargée de mission à la direction des relations sociales, et Mme Ophélie Dujarric, chargée de mission à la direction des affaires publiques

Ø Pôle Emploi – M. Jean-Louis Walter, médiateur national

Ø Association pour l’emploi des cadres (APEC) – M. Jean-Marie Marx, directeur général

Ø Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) – M. Dominique Corona, secrétaire nationale chargé de l’emploi des jeunes, M. Dominique Nugues, secrétaire général du syndicat UNSA Pôle Emploi, et M. Jean-Cyril Le Goff, secrétaire général adjoint du syndicat UNSA Pôle Emploi

Ø Confédération générale du travail (CGT) – M. Maurad Rabhi, responsable du dossier emploi chômage, Mme Nathalie Deprouw, MM. Arnaud Miramon et Lionel Marie, membres de la direction confédérale

Ø Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Yves Razzoli, membre du bureau et Mme Audrey Iacino, conseillère technique

Ø Confédération française démocratique du travail (CFDT) – Mme Patricia Ferrand, secrétaire confédérale et M. Christian Janin, secrétaire confédéral

Ø Groupes ALPHA/SODIE – M. Pierre Ferracci, président du Groupe Alpha et Mme Estelle Sauvat, directrice générale du Groupe Sodie

Ø Mouvement national des chômeurs précaires – M. Pierre-Edouard Magnan, délégué national adjoint et Mme Zalie Mansoibou, administratrice

Ø M. Christian Charpy, Conseiller-Maître à la Cour des comptes et ancien directeur général de Pôle emploi

Ø Pôle Emploi – M. Jean Bassères, directeur général

Ø Syndicats de l’AFPA :

- Confédération générale du travail (CGT) : M. Jacques Coudsi et M. Christian Fillot

- Confédération démocratique du travail (CFDT) : M. Alain Guillemot et M. Jean-Louis Biagi

- Confédération générale du travail – Force ouvrière (CGT-FO) : M. Dominique Saint-Arailles

- Sud-Solidaires : M. François Duval et Mme Chantal Noël

- Confédération française de l'encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) : M. Bernard Collot

Ø Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) – M. Pierre Blanc, directeur général

Ø Comité National des Entreprises d’Insertion – M. Olivier Dupuis, secrétaire général et M. Rachid Cherfaoui, membre du bureau fédéral

Ø Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) – M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales

Ø Union des syndicats et groupements d’employeurs représentatifs dans l’économie sociale (USGERES) – M. Sébastien Darrigrand, délégué général

Ø Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) – M. Bernard Abeillé, directeur général

Ø Association AVISE – Mme Sandrine Aboubadra, responsable du « dispositif local d’accompagnement ».

© Assemblée nationale

1 () Conformément au projet de loi de programmation des finances publiques, les plafonds des missions du budget général sont présentées hors contribution directe de l’État au compte d’affectation spéciale « Pensions ». En tenant compte de cette contribution, les crédits de paiement de la mission s’établissent à 10,32 milliards d’euros pour 2013.

2 () Ce décret élargit l’ouverture du droit à départ anticipé en retraite aux personnes ayant commencé à travailler avant l’âge de vingt ans (contre dix-huit ans auparavant) ; il étend également la prise en compte de la durée cotisée jusqu’à deux trimestres au titre de la maternité et pour les périodes de chômage indemnisé ; enfin, il supprime la condition de durée cotisée (soit 172 à 174 trimestres) en plus du nombre d’années validées pour les personnes ayant commencé à travailler avant vingt ans.

3 () Les 80 000 contrats uniques d’insertion (CUI) supplémentaires ont été ouverts en gestion pour 2012 par la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, à hauteur de 536 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 188 millions d’euros en crédits de paiement.

4 () Les pourcentages de contributions affectés au FPSPP ont été fixés respectivement à 13 %, 10 % et 10 % pour les exercices 2010, 2011 et 2012. Ce taux devrait être porté à 13 % pour 2013.

5 () Décision n° 2010-67/86 QPC du 17 décembre 2010

6 () « Pôle emploi et la réforme du service public de l’emploi : bilan et recommandations », M. Daniel Jamme, Rapporteur au nom du Conseil économique, social et environnemental, juin 2011.

7 () Ces données ont été établies par l’inspection générale des finances dans son « Étude comparative des effectifs des services publics de l’emploi en France, en Allemagne et au Royaume-Uni », n° 2010-M-064-02, janvier 2011.

8 () Cette hypothèse est formulée par une étude de la direction générale du Trésor : « Comparaison France-Allemagne des systèmes de protection sociale », Documents de travail de la DG Trésor, n° 2012/02, août 2012.

9 () Rapport précité du Conseil économique, social et environnemental et rapport d’information n° 713 du Sénat, par M. Jean-Paul Alduy, rapporteur au nom de la mission commune d’information relative à Pôle emploi, juillet 2011.

10 () Convention collective nationale de Pôle emploi du 21 novembre 2009, agréée par les ministres concernés le 21 décembre 2009 et étendue par arrêté du 19 février 2010. Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2010.

11 () Référé n° 49730 de la Cour des comptes sur des observations dans la perspective d’une fusion de l’agence nationale pour l’emploi (ANPE) et de l’assurance-chômage (Unédic), 24 janvier 2008 : cette évaluation a certes été réalisée avant la fusion opérée par la loi du 13 février 2008.

12 () Réponse du ministre du travail, de l’emploi et de la santé du 3 janvier 2012 à la question écrite n° 37684 de M. Christian Vanneste du 16 décembre 2008, 13ème législature : http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-37684QE.htm.

13 () Ces agences de proximité doivent permettre, selon le schéma cible, à 98 % des demandeurs d’emploi d’être à moins de 30 kilomètres d’une agence et à 92 % des demandeurs d’emploi d’être à moins de 20 kilomètres d’une agence.

14 () Ces données sont extraites de l’étude annuelle du Conseil d’État : « Les agences : une nouvelle gestion publique ? », septembre 2012.

15 () Aux termes de l’article L. 5312-4 du code du travail, le conseil d’administration de Pôle emploi comprend cinq représentants de l’État, cinq représentants des employeurs, cinq représentants des salariés, deux personnalités qualifiées et un représentant des collectivités territoriales.

16 () Les problèmes liés au financement et à la prescription de formation aux demandeurs d’emploi ont été amplement traitées par le rapport public thématique de la Cour des comptes : « La formation professionnelle tout au long de la vie », 2008 ; par le rapport de M. Jean-Marie Marx consacré à « La formation professionnelle des demandeurs d’emploi », janvier 2010 ; et par le rapport de M. Gérard Larcher sur « La formation professionnelle : clé pour l’emploi et la compétitivité », avril 2012.