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N
° 256

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI
de finances pour 2013 (n° 235)

TOME II

DÉFENSE

ENVIRONNEMENT ET PROSPECTIVE DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE

PAR M. Jean-Yves LE DÉAUT

Député

——

Voir le numéro : 251 (annexe 10).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 144 « ENVIRONNEMENT ET PROSPECTIVE DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE » 9

I. LA RECHERCHE ET L’EXPLOITATION DU RENSEIGNEMENT INTÉRESSANT LA SÉCURITÉ DE LA FRANCE 11

A. Le renseignement extérieur 11

B. Le renseignement de sécurité et de défense 12

II. LA PROSPECTIVE DE DÉFENSE 12

A. L’analyse stratégique 12

B. La prospective des systèmes de forces 12

C. Les études amont 13

D. La gestion des moyens et les subventions 13

III. LES RELATIONS INTERNATIONALES 15

A. Le soutien aux exportations 15

B. La « diplomatie » de défense 15

DEUXIÈME PARTIE : LA PRÉPARATION DE L’AVENIR : QUEL FINANCEMENT POUR QUELLE « RECHERCHE & TECHNOLOGIE » ? 17

I. UN EFFORT DE RECHERCHE AMONT ENCORE SOUTENU, MAIS PAS TOUJOURS SUFFISANT ET PARFOIS MAL PILOTÉ 17

A. Un effort de recherche encore soutenu, mais à la limite de la « juste suffisance » 19

1. Un effort encore soutenu en matière d’études amont, élément-clé d’une démarche stratégique cohérente 19

a. Les études amont, un élément-clé de la démarche stratégique française 19

i. Des études techniques qui préparent nos futurs équipements 19

ii. La place des études amont et de la R&T dans la démarche stratégique française 20

b. Un effort financier soutenu, dans un contexte budgétaire contraint 20

i. Un effort budgétaire conséquent et croissant 20

ii. Un effort supérieur à celui que consentent nos partenaires européens 22

2. Un effort de recherche toujours inférieur aux objectifs fixés par le Livre blanc, et parfois insuffisant au regard des besoins 22

a. Des crédits toujours inférieurs à l’objectif défini dans le cadre des travaux du Livre blanc et de la loi de programmation militaire 22

b. Un effort de recherche déjà insuffisant au regard des besoins présents et futurs des armées 23

i. Des lacunes d’ores et déjà visibles dans l’éventail des technologies françaises 23

ii. Une croissance tendancielle des besoins 24

B. Des insuffisances liées non seulement aux contraintes financières, mais aussi à des défauts de pilotage de notre politique de recherche militaire 25

1. Un cadre budgétaire très contraint depuis 2009 25

a. Les contraintes pesant sur le budget de la défense, et leurs conséquences sur le niveau global des crédits consacrés aux études amont 25

b. Des contraintes dans la répartition des crédits d’études de défense 26

2. Un pilotage des études de défense parfois insuffisant, tant au niveau national que dans le cadre des coopérations internationales 27

a. Un pilotage national parfois inconstant : le cas des drones 27

b. Un bilan parfois décevant des projets menés en coopération internationale 31

II. L’INDISPENSABLE RENFORCEMENT DE L’EFFORT D’ÉTUDES ET DE RECHERCHE EN MATIÈRE DE DÉFENSE 35

A. Le maintien du rang technologique de la France, un enjeu majeur d’indépendance et de sécurité nationale 35

1. Un développement technologique indispensable pour parer des menaces croissantes et traiter les nouvelles formes de conflictualité 35

a. Des menaces de plus en plus diverses : de nouveaux espaces de conflictualité, dont la maîtrise suppose des capacités technologiques de pointe 35

i. De nouvelles zones géographiques de conflictualité, où le format de nos forces classiques ne nous permet pas d’entretenir une présence continue 35

ii. De nouveaux espaces de conflictualité 36

b. Des menaces de plus en plus imprévisibles, qui appellent des adaptations rapides de nos systèmes de forces 37

i. Des menaces qui surviennent et se renouvellent de plus en plus rapidement 37

ii. Des technologies de défense à adapter rapidement 37

2. Un développement technologique indispensable pour conserver une capacité d’autonomie stratégique 38

a. La maîtrise des technologies et des capacités industrielles militaires critiques, une composante indispensable de notre autonomie stratégique 38

b. Les retombées sur l’ensemble de l’économie française du soutien public aux technologies de défense 40

B. Structurer un écosystème de R&T performant, pour acquérir les technologies de rupture nécessaires à notre outil de défense 41

1. Pour une gouvernance plus efficace et plus ouverte 41

a. Pour un pilotage de la R&T de défense mieux intégré à la démarche stratégique 41

b. Pour un développement pragmatique des coopérations internationales en matière d’études de défense 42

c. Pour une gouvernance plus transparente de nos choix scientifiques et technologiques de défense 43

2. Développer un écosystème performant de R&T de défense 44

a. Créer un continuum entre les administrations, le monde académique, les « grands » industriels et les PME de la Défense, dans une logique d’écosystème 44

b. Mobiliser les outils existants pour structurer un écosystème de R&T de défense 46

3. Investir dans les domaines susceptibles de conduire à des ruptures technologiques 48

a. Ne pas restreindre le champ des études amont pour des raisons budgétaires, mais intégrer la contrainte financière dans les phases ultérieures des programmes 48

b. Des ruptures technologiques à préparer 49

4. Maintenir un effort financier soutenu 53

TRAVAUX DE LA COMMISSION 55

I. AUDITION DE MICHEL MIRAILLET, DIRECTEUR CHARGÉ DES AFFAIRES STRATÉGIQUES DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE 55

II. EXAMEN DES CRÉDITS 69

ANNEXES 71

ANNEXE 1 : La place des études amont et de la R&T dans les documents qui établissent la démarche stratégique française 71

ANNEXE 2 : Les enjeux du « cloud souverain » 73

ANNEXE 3 : Les principaux domaines d’études amont pour 2013 74

ANNEXE 4 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur 76

INTRODUCTION

Si le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » ne représente que 5 % des crédits de la mission « Défense », il n’en tient pas moins une place stratégique dans notre politique de défense, dans la mesure où il rassemble des crédits dont l’objet est, en quelque sorte, la préparation de l’avenir.

En effet, quatre activités principales sont financées par ce programme : le renseignement, la recherche, le soutien aux exportations et la diplomatie de défense.

Le projet de loi de finances pour 2013 marque un effort très conséquent en faveur de ces politiques : les crédits de paiement augmenteront ainsi de 6,7 % pour l’ensemble du programme, cette croissance atteignant même 11,7 % pour les « études amont ». Cet effort traduit la priorité accordée par le Gouvernement à l’investissement dans l’avenir de notre outil de défense.

Très conscient, en tant que Premier vice-président de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, du rôle essentiel que va jouer le dynamisme de l’innovation dans le retour de la croissance, le Rapporteur consacre une large part du présent avis à une analyse approfondie de l’effort consenti par l’État pour soutenir la « recherche et technologie » (R&T) de défense, et notamment les études amont – c’est-à-dire les recherches appliquées qui ont pour objet de développer les technologies dont seront issues les armes de demain, à horizon de dix, quinze ou vingt ans.

Il en ressort notamment que si la France, contrairement à certains de ses partenaires, n’a pas fait de ces investissements la variable d’ajustement de ses budgets militaires, l’effort en la matière mérite d’être poursuivi. Mais – et c’est le propre de la recherche scientifique – il ne suffit pas d’investir plus, encore faut-il investir de manière avisée. C’est pourquoi le Rapporteur formule une série de recommandations relatives à l’orientation des recherches ainsi qu’à l’organisation et à la gouvernance de notre écosystème de R&T.

PREMIÈRE PARTIE :
ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 144 « ENVIRONNEMENT ET PROSPECTIVE DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE »

Comme le soulignait dès 2005 le rapport du comité interministériel d’audit des programmes (CIAP), soulignant la cohérence du périmètre du programme 144 : « ce programme correspond à la stratégie de préparation de l’avenir et consiste à situer l’action du ministère dans le temps et dans l’espace ».

Les crédits demandés pour 2013 au titre du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » s’élèvent à 1,98 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1,9 milliard d’euros en crédits de paiement, ce qui représente 5 % des crédits de la mission « Défense ». Ce programme a vocation à regrouper l’ensemble des actions qui visent à éclairer le ministère de la défense sur son environnement stratégique afin d’élaborer et de conduire la politique de défense de notre pays. Les dotations proposées pour 2013 correspondent à une augmentation de ses crédits de 2,7 % en autorisations d’engagement et de 6,2 % en crédits de paiement.

Pour l’exercice 2012, le programme 144 était ventilé en six actions : l’action 01 « Analyse stratégique » ; l’action 02 « Prospective des systèmes de force » ; l’action 03 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » ; l’action 04 « Maîtrise des capacités technologiques et industrielles » ; l’action 05 « Soutien aux exportations » ; et l’action 06 « Diplomatie de défense ». Pour l’exercice 2013, le projet de loi propose une simplification de l’architecture du programme, qui ne comporte plus que trois actions de poids financier inégal :

– l’action 03 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France », qui rassemble 37,2 % des crédits du programme ;

– l’action 07 « Prospective de défense », qui concentre 56,2 % des crédits ;

– l’action 08 « Relations internationales », qui comprend pour sa part 6,6 % des crédits du programme.

L’intitulé et le périmètre de l’action 03 demeurent inchangés, tandis que l’action 07 regroupe désormais trois anciennes actions devenues des sous-actions : l’ancienne action 01 « Analyse stratégique » devient la sous-action 01, l’ancienne action 02 « Prospective des systèmes de forces » devient la sous-action 02, l’ancienne action 04 « Maîtrise des capacités technologiques et industrielles » est désormais ventilée en deux nouvelles sous-actions : « Études amonts » et « Gestion des moyens et subventions ». Par ailleurs, l’action 08 « Relations internationales » rassemble les crédits auparavant inscrits aux anciennes actions 05 « Soutien aux exportations » et 06 « Diplomatie de défense ».

Le tableau ci-après présente l’évolution des crédits du programme ainsi que les modifications de la nomenclature budgétaire en son sein.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 144 « ENVIRONNEMENT ET PROSPECTIVE DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE »

(en millions d’euros)

Nomenclature du PLF 2013

Nomenclature de la LF 2012

2013

2012

évolution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

03 Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France

03 Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France

739

695

689

675

7,1 %

3 %

03-31 Renseignement extérieur

03-31 Renseignement extérieur

645

600

592

578

9,0 %

3,8 %

03-32 Renseignement de sécurité et de défense

03-32 Renseignement de sécurité de défense

95

95

97

97

-2,1 %

-2,1 %

07 Prospective de défense

 

1 117

1 084

1 095

994

2 %

9,1 %

07-01 Analyse stratégique

01 Analyse stratégique

8

5

5

5

60,0 %

0 %

07-02 Prospective des systèmes de forces

02 Prospective des systèmes de forces

33

33

33

33

0 %

0 %

07-03 Études amont

04-41 Études amont *

736

707

733

633

0,4 %

11,7 %

07-04 Gestion des moyens et subventions

04-44 Soutien et subventions *

339

340

324

323

4,6 %

5,3 %

08 Relations internationales

 

130

130

120

119

8,3 %

9,2 %

08-01 Soutien aux exportations

05 Soutien aux exportations

15

15

19

19

-21,1 %

-21,1 %

08-02 Diplomatie de défense

06 Diplomatie de défense

115

115

101

100

13,9 %

15 %

Total

 

1 987

1 909

1 902

1 789

4,5 %

6,7 %

* Sous-actions rattachées à l’action 04 « Maîtrise des capacités technologiques et industrielles » (supprimée)

AE : autorisations d’engagement ; CP : crédits de paiement

Source : projet annuel de performances pour 2013 relatif à la mission « Défense »

I. LA RECHERCHE ET L’EXPLOITATION DU RENSEIGNEMENT INTÉRESSANT LA SÉCURITÉ DE LA FRANCE

Avec 37,2 % des crédits du programme 144, l’action 03 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » finance les opérations de recherche et d’exploitation du renseignement, érigées en priorité au titre de la fonction « connaissance et anticipation » par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié en 2008. Elle comporte notamment les crédits de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et ceux de la direction de la protection et de la sécurité de défense (DPSD), chargées respectivement de missions de renseignement à l’extérieur du pays et pour la protection des personnels et matériels militaires.

Pour 2013, les autorisations d’engagement au titre de cette action s’élèvent à 739 millions d’euros et les crédits de paiement à 695 millions d’euros, soit respectivement 7,1 % et 2,9 % de plus qu’en 2012. L’action 03 est composée de deux sous-actions : « Renseignement extérieur » et « Renseignement de sécurité et de défense ».

A. LE RENSEIGNEMENT EXTÉRIEUR

La sous-action 03-31 « Renseignement extérieur » comprend les crédits de la DGSE, qui a pour mission d’apporter une aide à la décision Gouvernementale et de contribuer à la lutte contre les menaces pesant sur la sécurité nationale ; elle a ainsi une double mission de renseignement et d’action à l’étranger. Elle assure également l’analyse, la synthèse et la diffusion des renseignements qu’elle recueille. Les autorisations d’engagement pour le renseignement extérieur s’élevaient à 592 millions d’euros en 2012 et il est proposé de les porter à 645 millions d’euros au titre de l’année 2013. Les crédits de paiement s’élevaient à 578 millions d’euros en 2012 et atteindront 600 millions d’euros en 2013.

Hors titre 2, cette sous-action comprend trois opérations stratégiques. La première, intitulée « Activités opérationnelles », concerne les crédits de fonctionnement qui sont directement liés à l’activité de la DGSE. Il s’agit notamment des capacités de projection du personnel de la DGSE, des dépenses nécessaires au fonctionnement des bâtiments et des installations techniques. Avec 18 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, la dotation allouée à cette opération est constante.

La seconde opération stratégique, intitulée « Fonctionnement et activités spécifiques », comprend les dépenses liées au fonctionnement courant, à la mobilité des personnels, à la « compensatrice » SNCF, au soutien des personnels (frais de formation, d’habillement etc.) et au soutien des structures (frais d’entretien, de télécommunications etc.). La dotation de cette opération s’élève à 22 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, c’est-à-dire 0,7 million d’euros de plus qu’en 2012.

L’opération stratégique « Renseignement » s’entend de la programmation des investissements et des dépenses opérationnelles de la DGSE ; les autorisations d’engagement s’élèvent à 217,82 millions d’euros et les crédits de paiement à 173,33 millions d’euros pour l’année 2013.

B. LE RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE

La sous-action « Renseignement de sécurité et de défense » comprend les crédits de la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), dont la mission consiste à assurer la sécurité du personnel, des informations, des matériels et des installations sensibles. La DPSD est ainsi chargée, en quelque sorte, de « renseigner pour protéger ». À ce titre, elle est présente sur l’ensemble du territoire national ainsi qu’outre-mer et dans les pays étrangers où les forces françaises sont engagées. Son champ d’action comprend les forces armées, les établissements relevant du ministère de la défense et les entreprises titulaires de marchés intéressant la défense. Sa dotation pour 2013 s’élève à 95 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit 2,1 % de moins qu’en 2012.

II. LA PROSPECTIVE DE DÉFENSE

L’action 07 « Prospective de défense » concentre 56,2 % des crédits du programme 144. Ces moyens sont destinés à financer des travaux d’analyse prospective, qui contribuent aux activités relevant de la fonction stratégique « connaissance et anticipation » définie par le Livre blanc. Pour plus de lisibilité, l’architecture des actions menées dans le cadre du programme 144 a été remaniée. Cette action comprend quatre sous-actions. Pour l’année 2013, les autorisations d’engagement s’élèvent à 1,11 milliard d’euros et les crédits de paiement à 1,08 milliard d’euros, soit, à périmètre constant, 9,2 % de hausse des crédits de paiement et 8,3 % de hausse des autorisations d’engagement.

A. L’ANALYSE STRATÉGIQUE

La sous-action 07-01 « Analyse stratégique » a pour objet d’éclairer le ministre de la défense sur l’évolution du contexte stratégique en menant une analyse prospective de l’évolution de l’environnement international. Il s’agit notamment de répertorier les risques et les menaces qui peuvent affecter la sécurité de la France et plus largement de l’Union européenne. Cette analyse est menée dans un cadre collégial associant la délégation aux affaires stratégiques (DAS) du ministère de la défense, la direction générale de l’armement (DGA) et le secrétariat général pour l’administration (SGA) et l’état-major des armées.

Les crédits alloués à cette sous-action financent notamment des études prospectives et stratégiques (EPS), des programmes de financement de post-doctorats et le programme « personnalités d’avenir défense », dans le cadre duquel le ministère invite et accueille en France des personnalités étrangères avec lesquelles il juge utile de nouer des liens. Pour 2013, les autorisations d’engagement s’élèvent à 8 millions d’euros – au lieu de 5 millions d’euros en 2012 – et les crédits de paiement à 5 millions d’euros, comme en 2012. La hausse des autorisations d’engagement porte principalement sur les EPS.

B. LA PROSPECTIVE DES SYSTÈMES DE FORCES

La sous-action 07-02 « Prospective des systèmes de forces » vise à éclairer les choix des autorités dans l’évolution de notre outil de défense. Elle contribue aussi à la construction européenne en matière de sécurité et de défense, dans la mesure où elle comprend la dotation annuelle de la France à l’Agence européenne de défense (4,5 millions d’euros). Outre les dépenses de fonctionnement du service d’architecture des systèmes de forces de la DGA, cette action finance notamment l’établissement d’un plan prospectif – le « plan prospectif à 30 ans », ou « PP30 » – et la réalisation d’études à caractère opérationnel ou technico-opérationnel (EOTO), qui ont pour objet d’identifier les besoins opérationnels, de préciser les concepts à retenir en matière d’évolution des équipements et de leurs doctrines d’emploi, puis d’orienter et d’exploiter des études de défense (cf. infra).

Il est proposé de fixer la dotation de cette sous-action pour 2013 au même niveau qu’en 2012, soit 33 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

C. LES ÉTUDES AMONT

La sous-action 07-03 « Études amont » a pour objet de financer des recherches et des études de nature technique visant à amener des technologies nouvelles à un degré de maturité suffisant pour qu’elles puissent faire l’objet de programmes d’armement (cf. infra).

Au titre de l’année 2013, elle est dotée de 736 millions d’euros en autorisations d’engagement – soit un niveau à peu près égal à celui fixé pour 2012 – et 707 millions d’euros en crédits de paiement, ce montant correspondant à une croissance de 11,7 % par rapport à l’exercice 2012.

Le Rapporteur se félicite que dans un contexte budgétaire contraint, le Gouvernement n’ait pas utilisé les crédits de ces études – indispensables à la préparation de l’avenir de nos équipements militaires –, comme variable d’ajustement.

D. LA GESTION DES MOYENS ET LES SUBVENTIONS

La sous-action 07-04 « Gestion des moyens et subventions » qui regroupe les moyens de fonctionnement et d’intervention de la DGA, ainsi que des subventions destinées à l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), aux écoles sous tutelle de la DGA, l’Institut Saint Louis et à des organismes qui contribuent à la recherche dans des domaines scientifiques, techniques et technico-opérationnels. Ces crédits financent également les mesures prises par la défense en faveur des PME-PMI stratégiques du secteur.

Il est proposé d’en fixer le montant à 339 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 340 millions d’euros en crédits de paiement pour 2013, ce qui correspond respectivement à une croissance de 4,6 % et de 5,3 % par rapport aux montants fixés pour l’exercice 2012.

III. LES RELATIONS INTERNATIONALES

L’action 08 « Relations internationales » regroupe les anciennes actions 05 « Soutien aux exportations » et action 06 « Diplomatie de défense » de la nomenclature budgétaire précédente. Ces deux anciennes actions deviennent des sous-actions de l’action 08 et conservent leurs intitulés. Cette action comprend 6,6 % des crédits du programme 144. Au titre de l’année 2013, elle est dotée de 130 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 129 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 8,3 % en autorisations d’engagement et de 9,2 % en crédits de paiement.

A. LE SOUTIEN AUX EXPORTATIONS

La sous-action 08-01 « Soutien aux exportations » vise à contribuer à la vitalité de l’industrie de défense. Elle est dotée de 15 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour l’année 2013, soit 21 % de moins qu’en 2012. Cette baisse s’explique par une réduction des crédits du titre 2 rattachés à cette sous-action, mais ces crédits voient leur réduction plus que compensée par l’augmentation de ceux de la sous-action 07-04 avec lesquels ils sont mutualisés au sein du même budget opérationnel de programme (BOP) 55 C.

B. LA « DIPLOMATIE » DE DÉFENSE

La sous-action 08-02 « Diplomatie de défense » a pour objet de contribuer à la conception et à la conduite de la diplomatie de défense dans le cadre de la politique extérieure de la France, et de financer les activités de contrôle des transferts de biens et de technologies. Ainsi, les crédits de cette sous-action couvrent notamment les dépenses nécessaires au fonctionnement et aux activités de postes permanents à l’étranger, installés au sein de 87 ambassades de France, ainsi qu’une aide de 24,5 millions d’euros versée par la France au Gouvernement de la République de Djibouti.

Pour 2013, cette sous-action est dotée de 115 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit près de 15 % de plus qu’en 2012.

DEUXIÈME PARTIE :
LA PRÉPARATION DE L’AVENIR : QUEL FINANCEMENT
POUR QUELLE « RECHERCHE & TECHNOLOGIE » ?

Le Rapporteur a fait le choix de consacrer une partie du présent avis à un examen approfondi du financement des études de défense, portant en particulier sur les études amont.

En effet, ces études – qui ont pour objet de développer les technologies dont seront issues les armes de demain, à horizon de dix, quinze ou vingt ans – sont indispensables au maintien des atouts technologiques de la France. Et pourtant, parce que le développement de technologies à si long terme ne semble pas toujours présenter un caractère d’urgence lors des discussions budgétaires annuelles, la tentation est toujours grande d’utiliser ces crédits d’investissement comme « variable d’ajustement », surtout lorsque les finances de l’État subissent de fortes contraintes.

Le Rapporteur a donc jugé utile de dresser un bilan de l’effort consenti par l’État pour préparer les technologies qui serviront demain à sa défense. Mais cet examen ne saurait se limiter à une évaluation strictement budgétaire de la question : il ne suffit pas d’investir assez, encore faut-il investir de façon avisée, ce qui suppose une gouvernance adaptée et des choix judicieux.

I. UN EFFORT DE RECHERCHE AMONT ENCORE SOUTENU, MAIS PAS TOUJOURS SUFFISANT ET PARFOIS MAL PILOTÉ

Parmi les programmes de recherche menés en matière de défense, on distingue différentes catégories d’études :

– les études prospectives et stratégiques (EPS) pilotées par la délégation aux affaires stratégiques (DAS) du ministère de la défense, qui visent à éclairer l’analyse des situations géopolitiques ;

– les études à caractère opérationnel ou technico-opérationnel (EOTO) pilotées par l’état-major des armées (EMA), qui évaluent le potentiel opérationnel de nouvelles technologies pour préciser l’expression des besoins opérationnels, consolider les concepts utilisés dans les réflexions sur les équipements, et affiner les doctrines d’emploi de ceux-ci ;

– les études amont (EA) pilotées par la direction générale de l’armement (DGA), qui sont des recherches et des études appliquées, de nature technique, rattachées à un besoin opérationnel prévisible.

Certaines EOTO précèdent les études amont lorsqu’un nouveau concept doit être précisé pour mieux cerner les technologies à développer ; d’autres peuvent leur succéder s’il s’agit d’évaluer le potentiel opérationnel d’une nouvelle technologie. Quant aux études amont, leur but est de déboucher, à plus ou moins long terme, sur une application dans les programmes d’armement ; mais même lorsqu’aucune application militaire n’est identifiée, elles participent à la construction de la base industrielle et technologique de défense (BITD) nécessaire aux futurs programmes, et si l’on constate – car c’est le lot de la recherche –, qu’une technologie ne peut pas avoir d’application militaire, un tel résultat permet de réduire les risques technologiques, contribuant ainsi à la maîtrise des futurs programmes.

L’effort de recherche consenti par la France dans le domaine de la défense est mesuré au moyen de quatre agrégats (cf. le schéma ci-après) :

– l’agrégat « études amont », qui comprend, outre les crédits consacrés à ces études (1), des bourses de thèse en science humaine ;

– l’agrégat « recherche et technologie » (R&T), qui inclut l’agrégat « études amont » et y ajoute : les subventions pour charges de service public versées à l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) – établissement public chargé de développer, d’orienter, de coordonner et de promouvoir les recherches dans le domaine aérospatial – et aux écoles placées sous la tutelle de la direction générale de l’armement (2) (DGA), la subvention versée à l’Institut recherche franco-allemand Saint-Louis, des subventions d’études versées à divers organismes de recherche, ainsi que les aides aux PME-PMI stratégiques pour la Défense (3) ;

– l’agrégat « études de défense », qui intègre l’agrégat R&T et comprend aussi les EPS (4), les EOTO (5), les crédits de recherche de la direction des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) (6) ainsi que des crédits de recherche duale (7) destinés notamment au Centre national des études spatiales (CNES) et au CEA ;

– l’agrégat « recherche et développement », qui rassemble l’agrégat « études de défense » et les crédits du programme 146 « Équipement des forces » consacrés aux développements des matériels.

AGRÉGATS REPRÉSENTATIFS
DE L’EFFORT DE RECHERCHE EN MATIÈRE DE DÉFENSE

(Montants proposés pour 2013)

Source: données financières fournies par l’état-major des armées

Le Rapporteur a choisi de consacrer la plus large partie de ses travaux aux études amont, au motif que ce sont celles qui procèdent le plus d’une logique d’investissement de long terme dans les technologies de défense. Néanmoins, la frontière n’étant pas, dans cette optique, strictement imperméable entre cet agrégat et les autres, il convient de les analyser comme un ensemble cohérent.

A. UN EFFORT DE RECHERCHE ENCORE SOUTENU, MAIS À LA LIMITE DE LA « JUSTE SUFFISANCE »

1. Un effort encore soutenu en matière d’études amont, élément-clé d’une démarche stratégique cohérente

a. Les études amont, un élément-clé de la démarche stratégique française

i. Des études techniques qui préparent nos futurs équipements

Les études amont sont des recherches et études appliquées, de nature technique, rattachées à la satisfaction d’un besoin opérationnel prévisible. Il s’agit de garantir que la base industrielle et technologique de défense (BITD) française – ou européenne, le cas échéant – maîtrise les technologies nécessaires à la défense nationale. Dans ce but, les études amont visent à porter les technologies nouvelles à un niveau de maturité suffisant pour qu’elles puissent faire l’objet d’un programme d’armement. En d’autres termes, elles tendent à lever les risques techniques qui s’attachent à ces technologies. Elles sont lancées au stade d’initialisation des futurs programmes d’armement, voire en amont de ce stade pour des applications à plus long terme – comme, par exemple, les études sur les drones de combat.

Comme les décrit le projet annuel de performances relatif à la mission « Défense » annexé au présent projet de loi, ces études ont pour objectif « de disposer de “briques technologiques matures” en cohérence avec les futurs systèmes d’armes ». C’est pourquoi elles sont structurées par systèmes de forces – c’est-à-dire par grands ensembles cohérents et fédérateurs de moyens humains et techniques réunis pour un même effet opérationnel – : « dissuasion », « connaissance et maîtrise de l’information », « engagement et combat », « projection, mobilité et soutien » et, de façon transverse, « études technologiques de base » (cf. l’annexe n° 3). L’encadré ci-après présente les principaux thèmes des études amont qu’il est envisagé de financer en 2013.

Les thèmes d’études amont envisagés pour l’année 2013

D’après les renseignements fournis au Rapporteur par M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques, l’année 2013 sera une année de transition, dans l’attente de nouvelles orientations qui seront définies pour les études amont en cohérence avec les conclusions du nouveau Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale. Pour l’essentiel, les actions en cours seront poursuivies en 2013, avec notamment le maintien de l’effort sur la préparation du renouvellement des différents systèmes de la force de dissuasion et le maintien des montants alloués depuis 2011 aux dispositifs de soutien à l’innovation.

L’effort de R&T dans le domaine de la sécurité des systèmes d’information sera accentué. Les études concernant les drones MALE resteront suspendues dans l’attente de décisions en cours d’instruction sur le sujet.

S’agissant du milieu terrestre, la majorité de l’effort continuera en 2013 à porter sur les études relatives aux munitions et à la protection des forces en opérations. Dans le domaine naval, les programmes de démonstration d’architectures innovantes et intégrées pour les capteurs et émetteurs des bâtiments de surface seront poursuivis, ainsi que les études sur les évolutions des systèmes de combat. Dans le domaine de l’aviation de combat, l’année 2013 sera marquée par les vols du démonstrateur NEURON et la consolidation de la coopération franco-britannique dans le cadre de la préparation du programme de démonstration du système de combat aérien futur.

ii. La place des études amont et de la R&T dans la démarche stratégique française

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié en 2008 fixe le principe d’une maîtrise nationale des technologies nécessaires aux domaines de souveraineté (cf. l’annexe n° 1). Cette priorité accordée à la maîtrise des technologies de défense irrigue l’ensemble de la démarche stratégique française :

– le rapport annexé à la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 fixe certains objectifs de dépenses en matière d’études de défense (cf. infra) ;

– les évolutions technologiques constituent l’un des sept domaines d’étude de notre principal outil de prospective géostratégique à trente ans, le rapport Horizons stratégiques ;

– le plan prospectif à 30 ans (PP30) vise à établit un lien entre les besoins technologiques et capacitaires, la programmation des études et des recherches, ainsi que la planification des programmes d’armement ;

– le document de politique et d’objectifs scientifiques (POS) établi par la mission pour la recherche et l’innovation scientifique (MRIS) de la DGA recense les thèmes de recherche à traiter ;

– le plan stratégique de recherche et technologies (R&T) élaboré par la DGA définit les grands équilibres de la R&T en vue de la planification des études amont, en suivant à la fois une démarche dite « top-down » (c’est-à-dire partant des plans d’équipement pour en déduire les développements technologiques nécessaires au préalable) et « bottom-up » (identifiant les voies de recherche prometteuses mais dépourvues d’application militaire précise à ce stade) ;

– en matière spatiale, un groupe de travail sur les orientations stratégiques de politique spatiale de défense (GOSPS) analyse les besoins capacitaires à l’horizon 2020 et propose des axes de recherche.

Ainsi, en 2009, la programmation des études amont a été profondément réorientée de façon à prendre en compte les objectifs définis par le Livre blanc de 2008 et déclinés dans la loi de programmation militaire 2009-2014. L’accent a été mis sur les secteurs industriels dits « de souveraineté » – notamment la sécurité des systèmes d’information et la dissuasion (missiles balistiques, sous-marins nucléaires lanceurs d’engins – SNLE, conception d’aéronef de combat, sous-marins nucléaires d’attaque – SNA) – et sur des projets de nature à renforcer l’interdépendance européenne, en matière d’aéronautique de combat, de missiles et de munitions.

b. Un effort financier soutenu, dans un contexte budgétaire contraint

i. Un effort budgétaire conséquent et croissant

Il est prévu qu’en 2013, les études amont bénéficient de 752 millions d’euros de dotation en crédits de paiement, y compris 45 millions d’euros issus du compte d’affectation spéciale (CAS) « Optimisation de l’usage du spectre hertzien ». L’agrégat R&T s’établirait ainsi à 902 millions d’euros, et l’agrégat « études de défense » à 1,735 milliard d’euros. Ces montants sont les plus hauts atteints depuis 2007 (cf. le tableau ci-après), et il faut rappeler qu’en 2000, le niveau de ces crédits s’établissait aux alentours de 400 millions d’euros seulement.

ÉVOLUTION DES AGRÉGATS DE RECHERCHE EN MATIÈRE DE DÉFENSE

(en millions d’euros courants)

 

LFI 2007

LFI 2008

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2012

PLF 2013

Études amont

637,1

644,6

660,1

653,2

645,2

633,0

752,0

R&T

795,2

805,4

821,0

814,7

800,5

780,3

902,0

Études de défense

1 451,4

1 476,7

1 571,3

1 620,1

1 647,9

1 649,5

1 735,0

dont recherche CEA

436,2

448,6

527,4

585,5

626,6

647,8

614,9

dont EPS

3,7

3,7

3,9

3,5

4,2

4,5

4,7

dont EOTO

18,3

19,0

19,0

18,5

16,7

20,0

20,0

dont recherche duale

198,0

200,0

200,0

200,0

196,9

196,9

193,0

Développements

2 013,5

2 136,3

2 253,1

1 948,5

1 629,6

1 800,0

1 550,0

Total R&D

3 464,9

3 613,0

3 824,3

3 568,6

3 277,5

3 449,5

3 284,0

Source : état-major des armées

À cet égard, le Rapporteur se félicite de l’effort important consenti en faveur des études amont dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013 : les crédits de paiement qui leurs sont dédiés, hors ressources du CAS « Optimisation de l’usage du spectre herzien », passent en effet de 633 millions d’euros en 2012 à 707 millions d’euros en 2013, soit une progression de 11,7 %. Cette hausse importante témoigne du fait que malgré un contexte budgétaire particulièrement contraint, le Gouvernement a fait le choix de ne pas hypothéquer l’avenir de nos systèmes de forces.

ÉVOLUTIONS DE L’AGRÉGAT « ÉTUDES DE DÉFENSE », DE L’AGRÉGAT « ÉTUDES AMONT » ET DE CE DERNIER RAPPORTÉ AUX CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT

(en millions d’euros et en %)

Source : état-major des armées

Surtout, si l’on rapporte la dotation des études amont aux crédits d’équipement, le ratio obtenu est relativement stable depuis treize ans, s’établissant autour de 4 %, comme le montre le graphique précédent. Ce résultat peut être vu comme indiquant que l’effort consenti en matière de recherche n’a pas été sous-dimensionné dans notre politique d’équipement.

ii. Un effort supérieur à celui que consentent nos partenaires européens

Il ressort des comparaisons faites par l’Agence européenne de défense (AED) que la France est le pays qui investit le plus dans la recherche de défense, que l’on considère l’agrégat R&T ou l’agrégat R&D, et que l’on prenne les dépenses concernées en valeur absolue ou en part des budgets nationaux de défense (cf. le tableau ci-après).

DÉPENSES COMPARÉES DE R&T ET DE R&D DE QUATRE PUISSANCES EUROPÉENNES

(en milliards d’euros courants)

 

2008

2009

2010

France

Budget de la défense

45,30

39,20

39,240

R&T

Montant

0,84

0,90

0,82

Part du budget

1,84 %

2,31 %

2,09 %

R&D

Montant

3,28

3,70

3,58

Part du budget

7,24 %

9,44 %

9,12 %

Royaume-Uni

Budget de la défense

42,00

39,60

43,4

R&T

Montant

0,65

0,53

 

Part du budget

1,5 %

1,3 %

 

R&D

Montant

3,21

2,77

2,90

Part du budget

7,6 %

7 %

6,7 %

Allemagne

Budget de la défense

31,73

36,10*

33,49

R&T

Montant

0,47

0,41

0,39

Part du budget

1,5 %

1,1 %

1,2 %

R&D

Montant

1,18

1,08

1,45

Part du budget

3,7 %

3 %

4,3 %

Italie **

Budget de la défense

22,63

21,95

21,64

R&T

Montant

0,06

   

Part du budget

0,2 %

   

R&D

Montant

0,25

0,14

0,06

Part du budget

1,1 %

0,6 %

0,3 %

* Cette augmentation nominale du budget de la défense en 2009 est due à l’intégration des dépenses de pension, jusqu’alors comptabilisées séparément.

** Selon plusieurs personnes entendues par le Rapporteur, la recherche italienne bénéficierait d’autres subventions, dont la somme peut être évaluée à près d’un milliard d’euros, mais dont l’organisation manque de transparence.

Source : Agence européenne de défense

2. Un effort de recherche toujours inférieur aux objectifs fixés par le Livre blanc, et parfois insuffisant au regard des besoins

a. Des crédits toujours inférieurs à l’objectif défini dans le cadre des travaux du Livre blanc et de la loi de programmation militaire

Ni le Livre blanc élaboré en 2008, ni la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, ne fixent d’objectif quantifié de dépenses en matière d’études amont. Néanmoins, une large part des parties prenantes aux travaux d’élaboration de ce document et de cette loi s’est accordée à juger pertinent et raisonnable de porter ces dépenses à un niveau d’environ un milliard d’euros par an. Ce montant correspond à une analyse des besoins partagée par la DGA et les principaux industriels concernés.

Or, loin d’accroître la dotation des études amont pour atteindre cet objectif, les lois de finances successives pour les années 2009 à 2012 l’ont réduite. Elle n’atteignait en 2012 que 633 millions d’euros en crédits de paiement, niveau dont plusieurs interlocuteurs du Rapporteur ont jugé qu’il constituait un étiage strictement minimal à court terme, voire insuffisant s’il devait être maintenu plusieurs années de suite. Si la hausse de 11,7 % des crédits de paiement du programme 144 consacrés aux études amont prévue par le projet de loi de finances pour 2013 permet d’amorcer un redressement, la dotation des études amont n’atteint toujours pas les objectifs fixés en 2008 et 2009 pour les cinq ans qui suivaient.

b. Un effort de recherche déjà insuffisant au regard des besoins présents et futurs des armées

Il ressort des travaux du Rapporteur que sans effort significatif de financement des études amont, les lacunes qui apparaissent dans la R&T française ne pourront que s’aggraver, du fait notamment de la croissance spontanée des besoins de recherche en matière de technologies militaires.

i. Des lacunes d’ores et déjà visibles dans l’éventail des technologies françaises

Les auditions du Rapporteur tendent à montrer que si la R&T française couvre un éventail de domaines encore très large, elle n’a pas progressé autant qu’il aurait été souhaitable dans plusieurs domaines, parmi lesquels – sans prétendre à l’exhaustivité – on peut citer :

– les hélicoptères de transport lourd ;

– les armements à létalité réduite ;

– les dispositifs de brouillage offensif pour avions de combat : M. Jean-Pierre Devaux, directeur de la stratégie de la DGA, a indiqué au Rapporteur que cette technologie avait fait l’objet d’études menées en coopération avec d’autres pays européens, mais que ces recherches avaient été abandonnées ; de ce fait, la France dispose de briques technologiques en la matière, mais elle ne pourrait mettre en œuvre un programme d’armement qu’après des délais assez longs de maturation technologique ;

– les systèmes de communication satellitaire : disposer de technologies permettant de couvrir une plus grande surface au sol avec des débits et une fiabilité plus importants qu’aujourd’hui serait particulièrement utile pour toute éventuelle opération dans des zones étendues (par exemple, en Afrique sub-saharienne) ;

– les capteurs optroniques (c’est-à-dire associant des capteurs optiques et des dispositifs électroniques) ;

– les moyens (au sol ou en orbite) de surveillance de l’espace : selon M. Yannick d’Escatha, président du CNES, le retard pris par les Européens dans la mise au point de ces technologies est tel, qu’ils ne détectent aujourd’hui que des objets d’un diamètre au moins égal à un mètre, alors que les Américains peuvent surveiller des objets de dix centimètres. Ce retard est d’autant plus regrettable que ces technologies sont indispensables pour protéger nos satellites des risques de collision avec d’autres satellites, des débris, voire des satellites « butineurs » – c’est-à-dire espions ou destructeurs. Le Rapporteur souligne d’ailleurs qu’il y a un décalage étonnant entre les performances technologiques des Européens en matière de lanceurs spatiaux, et leur retard technologique en matière de surveillance de l’espace.

Certes, comme l’a fait valoir au Rapporteur le général Jean-Robert Morizot, sous-chef d’état-major des armées (EMA) chargé des plans, une lacune dans les programmes de recherche ne se traduit pas nécessairement par une lacune capacitaire : il reste toujours la possibilité d’acquérir des équipements « sur étagère ». Cette logique peut d’ailleurs rejoindre la stratégie d’acquisition définie par le Livre blanc de 2008 dite des « trois cercles », qui prévoit que la France conservera la maîtrise nationale des technologies nécessaires à l’exercice de sa souveraineté en toute indépendance, se concentrera sur les coopérations européennes pour la majorité de ses acquisitions, et se fournira sur les marchés mondiaux pour les équipements moins chers et ne présentant pas de risques en matière de sécurité d’approvisionnement.

Mais pour le Rapporteur, les technologies évoquées supra ne peuvent pas toutes être vues comme dénuées d’intérêt stratégique. De plus, comme l’a souligné devant le Rapporteur M. Jean-Pierre Devaux, directeur de la stratégie de la DGA, le maintien des technologies de défense françaises à un niveau de pointe constitue une condition sine qua non de réussite de nos exportations : à titre d’exemple, il serait selon lui très difficile d’exporter des frégates sans système de « mature intégrée » – c’est-à-dire regroupant tous les capteurs et émetteurs dans un mât unique. C’est pourquoi la DGA veille à ce que les programmes qu’elle pilote intègrent les spécifications technologiques correspondant non seulement aux besoins de nos armées, mais aussi à ceux de nos « clients ».

Ainsi, les lacunes qui apparaissent dans l’éventail des technologies françaises – ou européennes – de défense ont des conséquences sur l’efficacité opérationnelle des armées ainsi que sur notre potentiel d’exportation.

ii. Une croissance tendancielle des besoins

M. François Heisbourg, président de l’International Institute for Strategic Studies et conseiller spécial du président de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), a démontré devant le Rapporteur que l’évolution des besoins de crédits en matière d’études amont – et de R&T de défense en général – se caractérise par une croissance tendancielle.

Cette progression spontanée des besoins en crédits de recherche résulte du progrès scientifique, particulièrement rapide dans certains domaines, à l’image des technologies de l’information et de la communication. Comme l’a exposé M. François Heisbourg, le progrès scientifique a une double conséquence en matière de technologies de défense :

– suivant un phénomène connu sous le nom de « loi de Moore » (8), la puissance de calcul d’un microprocesseur double tous les dix-huit mois, à coût constant. Il en résulte une baisse tendancielle des coûts et des barrières d’entrée, qui permet à un nombre croissant d’États de se doter de technologies de défense auparavant réservées aux principales puissances, contribuant ainsi à la diversification des menaces ;

– parallèlement, selon la « loi d’Augustine » (9), chaque nouvelle génération d’un système d’armes coûte le double de la précédente.

De plus, le caractère imprévisible du contexte géostratégique doit conduire, selon M. François Heisbourg, à ne pas figer les choix technologiques. Suivant cette logique, les études amont et la R&T doivent être adaptées aux « nouveaux espaces de conflictualité », comme le terrorisme dans les années 2000 et la cybercriminalité aujourd’hui.

Ainsi, le rythme soutenu du progrès scientifique dans un contexte géostratégique incertain rend nécessaire un effort toujours plus soutenu de recherche en matière de défense.

B. DES INSUFFISANCES LIÉES NON SEULEMENT AUX CONTRAINTES FINANCIÈRES, MAIS AUSSI À DES DÉFAUTS DE PILOTAGE DE NOTRE POLITIQUE DE RECHERCHE MILITAIRE

Les causes des lacunes qui apparaissent – ou risquent d’apparaître – dans notre éventail de technologies de défense sont à rechercher, évidemment, dans l’insuffisance des crédits de recherche, mais pas uniquement : l’efficacité du pilotage administratif des études amont et de la R&T joue un rôle non négligeable dans l’efficacité de la recherche de défense.

1. Un cadre budgétaire très contraint depuis 2009

a. Les contraintes pesant sur le budget de la défense, et leurs conséquences sur le niveau global des crédits consacrés aux études amont

Comme la Cour des comptes l’a souligné dans un récent rapport sur le bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire (10), mi-2012, la crise des finances publiques rend les objectifs de dépenses fixés pour la mission « Défense » par la loi de programmation militaire 2009-2014 « non soutenables budgétairement ». Suivant cette programmation, les crédits de la mission « Défense » devaient rester stables en volume jusqu’à l’exercice 2011 compris, puis connaître une croissance de 1 % en volume en 2012 et 2013. Or, dans le cadre de la stratégie générale de retour à l’équilibre des comptes publics, le présent projet de loi ainsi que l’article 10 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 prévoient une légère érosion des crédits de paiement de cette mission pour la période 2012-2015, comme le montre le tableau ci-dessous.

ÉVOLUTION PROPOSÉE DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE LA MISSION « DÉFENSE »
SUR LA PÉRIODE 2013-2015

(en milliards d’euros)

 

LFI 2012*

2013

écart 2013/2012

2014

écart 2014/2013

2015

écart

2015/2014

Défense

30,35

30,15

-0,66 %

30,15

0

30,15

0

* montant présenté au format de la maquette budgétaire retenue pour la programmation 2013-2015 et retraité des modifications de périmètre et de transferts prévus par le projet de loi de finances pour 2013

Source : Article 10 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

Mécaniquement, ce contexte a rendu impossible l’atteinte de l’objectif d’un milliard d’euros par an pour le financement des études amont. Devant le Rapporteur, le général Jean-Robert Morizot a fait valoir que sauf à accroître à due concurrence les crédits de la mission « Défense », ce que ne prévoit pas la programmation pluriannuelle des finances publiques, porter les dépenses d’études amont à ce niveau supposerait de réaliser 300 millions d’euros d’économies supplémentaires dans les autres dépenses du ministère, ce qui représente les frais d’entretien de 10 000 soldats environ. Comme le souligne un récent rapport d’information du Sénat sur les capacités industrielles militaires critiques (11), « le statut encore enviable de la France est menacé par la crise financière et budgétaire et par le coût des investissements à consentir pour conserver notre rang […]. Il nous faudrait dépenser plus pour faire autant, alors que nous sommes condamnés à faire mieux avec moins ». Si c’est pour l’industrie de défense dans son ensemble que les sénateurs font ce constat, le Rapporteur souligne que cette situation, et le risque qu’elle fait peser pour le maintien du rang technologique de la France, vaut aussi pour la recherche.

b. Des contraintes dans la répartition des crédits d’études de défense

La répartition des crédits dédiés aux études amont – et, plus largement, aux études de défense – entre systèmes de forces et entre programmes de recherche est déterminée dans une grande mesure par les cycles de renouvellement de certains systèmes d’armes.

On observe ainsi que la part des études relatives à la dissuasion connaît une croissance soutenue depuis 2008 (cf. le tableau ci-après). Comme l’a fait valoir au Rapporteur le chef de la division des forces nucléaires à l’état-major des armées, le volume d’études amont consacré aux forces nucléaires obéit à des logiques de cycle de renouvellement des composantes : s’il était relativement bas ces dernières années, c’est parce que la génération actuelle d’armes en était au stade du développement et de la fabrication, alors qu’il faut aujourd’hui rassembler les analyses, études et briques technologiques qui permettront de lancer les programmes de renouvellement de ces composantes. Selon lui, les crédits d’études amont relatives à la dissuasion devraient osciller entre 150 et 200 millions d’euros par an pendant une dizaine d’années, pour revenir ensuite au niveau d’avant 2008. En 2013 et 2014, l’augmentation de ces crédits servira notamment à financer des travaux préliminaires d’architecture et de technologies préparatoires à la future génération de sous-marins lanceurs d’engins (SNLE) et aux évolutions du missile M51.

Le Rapporteur se félicite néanmoins du fait que, selon les indications que lui a fournies le cabinet du ministre de la défense, l’augmentation des crédits consacrés aux études amont en 2013 bénéficiera non seulement au secteur de la dissuasion, mais aussi aux études portant sur les équipements conventionnels.

CRÉDITS CONSACRÉS AUX ÉTUDES RELEVANT DU SYSTÈME DE FORCES « DISSUASION »

(crédits de paiement, en millions d’euros)

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013*

Sur le programme 144

40

63

80

159

147

130

194

dont études amont pilotées par la DGA

37

60

77

154

144

127

191

dont EOTO

3

3

3

3

3

3

3

dont études amont pilotées par le CEA

-

-

-

-

-

4

2

Part des études « dissuasion » dans l’enveloppe des études amont

6 %

10 %

12 %

24 %

23 %

21 %

27 %

Sur le programme 146

(études conduites par le CEA)

77

79

94

101

107

109

106

Total

177

142

174

258

254

239

300

* projet de loi de finances pour 2013

Source : état-major des armées

De même, l’agrégat « études de défense » comprend les subventions versées à l’ONERA, à l’Institut Saint-Louis, aux écoles placées sous la tutelle du ministère de la défense, au CEA et au CNES. Ces crédits étant indispensables au fonctionnement et à l’activité de ces organismes, la capacité effective d’arbitrage du ministère de la défense dans leur allocation est limitée.

2. Un pilotage des études de défense parfois insuffisant, tant au niveau national que dans le cadre des coopérations internationales

Comme le note le rapport précité du Sénat, « les résultats ne tiennent pas seulement à l’importance des crédits consacrés. […] La pertinence des orientations données, la recherche d’effets de levier et la mise en place de coopérations fructueuses – a fortiori quand les budgets décroissent, concourent également au succès de la politique menée »

a. Un pilotage national parfois inconstant : le cas des drones

Le pilotage des études menées en amont du développement d’un nouvel équipement – notamment les études à caractère opérationnel ou technico-opérationnel (EOTO) et les études amont – a parfois manqué de cohérence.

 La procédure d’orientation et de programmation des études de défense par l’État fait intervenir plusieurs entités, notamment la DAS, l’état-major des armées (EMA) et la direction générale de l’armement (DGA), dont le poids respectif dans la formation des choix publics – qui semble avoir été variable au fil du temps – peut conduire à surpondérer ou à sous-pondérer certains enjeux dans la formation des arbitrages.

Les organismes susceptibles de contribuer à l’orientation des recherches et des technologies en matière de défense sont nombreux. À l’instar du rapport précité du Sénat, on peut citer les suivants étant comme étant les principaux : l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (Assemblée nationale et Sénat), l’Académie des sciences, l’Académie des technologies, le Conseil scientifique de la défense – créé en 1998 avec pour mission d’étudier l’intérêt à long terme des découvertes scientifiques et technologiques –, le Conseil d’analyse stratégique placé auprès du ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, le Conseil économique de la défense, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), la direction interministérielle à l’intelligence économique (D2IE), la direction générale à la compétitivité de l’industrie et des services (DGCIS) – qui élabore régulièrement une étude prospective à cinq ou dix ans intitulée « Technologies clés » –, ou encore le High Level Expert Group de la Commission européenne et l’Agence européenne de défense.

Par ailleurs, le PP30 élaboré par le ministère de la défense constitue l’instrument principal d’identification des besoins technologiques des forces et d’orientation des études amont et des EOTO : il cible les technologies susceptibles de conférer une supériorité à nos forces armées, constituant ainsi, selon les représentants de l’état-major des armées entendus par le Rapporteur, « un guide pour la recherche de défense ».

Faisant fond sur ce document et sur les réflexions des organismes précités, les travaux d’orientation et de programmation des études de défense – notamment des EOTO et des études amont – sont organisés selon les règles suivantes :

1°) Un programme annuel des EOTO (PETO) est élaboré pour l’année N au cours de l’année N – 1 par un « comité des EOTO » placé sous la présidence du chef d’état-major des armées. Ce programme est établi par système de forces, en fonction des prévisions budgétaires. Il est rédigé conjointement par les officiers de cohérence opérationnelle (OCO) des divisions « cohérence capacitaire » et « forces nucléaires » de l’EMA, les architectes de système de forces (ASF) de la direction de la stratégie de la DGA, ainsi que les bureaux « plans » des états-majors d’armée. La DAS est représentée au sein du comité des EOTO.

2°) S’agissant des études amont, leur orientation et leur programmation suivent une procédure définie par une instruction ministérielle de 2001, qui d’après l’EMA devrait être modifiée à la fin de l’année 2012 afin de tenir compte de la création du Comité ministériel d’investissement (CMI). Cette instance, placée sous la présidence du ministre de la défense, a en effet été créée en 2009 en vue de garantir la maîtrise et l’optimisation capacitaire, industrielle, technologique et financière des opérations d’investissement. C’est en son sein que le ministre valide les principaux projets d’investissement.

L’orientation et la programmation des études amont se déroulent en trois étapes :

– une « directive ministérielle d’orientation des études amont » (DOEA), approuvée par le ministre en CMI, définit une orientation à donner à ces études. Cette directive a une portée pluriannuelle : la première à avoir été approuvée en CMI, le 14 septembre 2009, portait sur une période de douze ans ; elle a fait l’objet d’une mise à jour en avril 2011, qui couvre les années 2011 à 2014. Cette dimension pluriannuelle offre aux organismes d’études une visibilité de long ou de moyen terme nécessaire à la bonne conduite des projets d’études ;

– pour tenir compte des crédits alloués chaque année aux études amont par la loi de finances, la DGA établit un document d’orientation des études amont, examiné par un « Comité d’orientation et d’évaluation des études amont » (COE) au sein duquel sont représentés les principaux organismes du ministère de la défense ;

– la décision de lancement des études est ensuite prise par le ministre en CMI.

Ainsi, cette procédure fait intervenir plusieurs entités du ministère de la défense :

– le directeur chargé des affaires stratégiques est le responsable du programme 144, et la DAS est représentée au sein du comité d’orientation et d’évaluation des études amont ;

– la DGA élabore la stratégie du ministère en matière scientifique, industrielle et technologique ; elle s’assure de la capacité de la BITD nationale ou européenne à répondre aux besoins. Elle prépare les décisions ministérielles et leurs directives d’application. Responsable du budget opérationnel de programme (BOP) pour les études amont, elle assure la programmation de ces études, en contrôle l’exécution et en évalue les résultats ;

– l’état-major des armées est associé à l’élaboration du document d’orientation des études amont et s’assure de la prise en compte des besoins capacitaires. Il s’appuie sur les états-majors d’armée pour mener à bien ces activités, notamment pour assurer leur cohérence organique.

En cas de différence de vues entre ces organismes, c’est donc au ministre qu’il revient de procéder aux arbitrages nécessaires, en CMI.

 Toutefois, il ressort des travaux du Rapporteur que cette procédure d’orientation et de programmation des études amont ne permet pas toujours de dégager une orientation claire et constante à donner aux études conduisant aux programmes d’armement.

Ainsi, lors de son audition, M. François Heisbourg a estimé que dans le processus de formation des décisions d’investissement, l’influence relative de la DGA avait eu tendance à décroître depuis plusieurs années, notamment au profit de celle de l’EMA, face auquel elle serait en position de « junior partner ». Selon lui, la DGA n’est en effet pas aussi « proactive » qu’elle l’était il y a trente ans : sa réorganisation, opérée en 1992-1993, lui aurait fait perdre certaines compétences utiles pour apporter à l’EMA un éclairage scientifique et technologique de pointe dans la formulation de ses besoins d’équipement.

Sans remettre aucunement en cause l’efficacité de la DGA dans l’accomplissement de sa mission, M. François Heisbourg observe en effet que l’État a eu parfois la tentation de faire évoluer la fonction de celle-ci d’un rôle de maître d’ouvrage doté d’une forte identité industrielle à un simple rôle d’acheteur avisé, ce qui, selon M. Heisbourg, n’est pas pertinent pour un pays disposant d’une BITD encore forte.

Pour M. François Heisbourg, cette perte d’influence de la DGA peut expliquer que, jusqu’à ce que le Livre blanc de 2008 mette l’accent sur la fonction stratégique « connaissance et anticipation », les arbitrages budgétaires aient souvent été plus favorables aux « effecteurs » (c’est-à-dire aux hommes et aux systèmes d’armes) qu’aux « capteurs » (c’est-à-dire, principalement, aux moyens d’observation). Cette situation est selon lui regrettable, car l’évolution technologique a pour effet d’accroître les besoins des forces en moyens de connaissance, plutôt qu’en moyens d’action opérationnelle.

L’évolution des crédits consacrés au domaine spatial paraît illustrer cette tendance à privilégier les « effecteurs » plutôt que les « capteurs ». Les représentants d’EADS ont ainsi indiqué au Rapporteur que durant les deux années passées, les crédits de R&T contractualisés par la DGA avec les industriels de ce secteur avaient subi de fortes baisses. M. François Heisbourg a d’ailleurs souligné devant le Rapporteur que le secteur spatial était le seul domaine dont les dotations ont diminué entre 2002 et 2009, alors que le budget de la défense était en phase de croissance. S’agissant plus particulièrement des études amont, le Rapporteur relève que les crédits d’études amont dans le secteur spatial auront diminué de près de 80 % entre 2009 et 2012, passant de 66,54 millions d’euros à 13,8 millions d’euros. Certes, cette baisse correspond au cycle d’avancement de certains programmes – avec la fin des démonstrateurs Essaim (12) et l’avancement des études sur les démonstrateurs ELINT (« electronic intelligence ») (13) –, mais elle n’en pose pas moins de difficultés pour le maintien du volume d’activité des bureaux d’études concernés, et in fine pour le maintien de leurs compétences.

Pour le Rapporteur, la marque la plus emblématique des dysfonctionnements de cette organisation réside dans le considérable retard pris par la France dans l’équipement de nos forces en drones d’observation de moyenne altitude et de longue endurance (MALE). Le constat est à la fois simple et grave : la France ne possède toujours ni capacité suffisante ni filière industrielle crédible en la matière, alors que ses forces ont cruellement manqué de drones d’observation en opérations extérieures, en particulier lors de l’embuscade d’Uzbin (Afghanistan) les 18 et 19 août 2008.

La politique du ministère de la défense en matière de drones est marquée depuis plus de quinze ans par d’étonnantes vicissitudes. En 2001, a été lancé un programme d’équipement en système intérimaire de drones MALE SIDM-Harfang, développé par EADS en cotraitance avec la société israélienne IAI, qui en a fourni la plateforme. Il s’agissait alors d’acquérir quelques vecteurs expérimentaux, afin de développer les savoir-faire de l’armée de l’air en attendant la livraison du drone EuroMALE, développé en coopération avec l’Allemagne et l’Espagne.

Le programme EuroMALE a toutefois été abandonné, du fait de trop grandes difficultés dans la coopération internationale. Dans le même temps, le développement du Harfang subissait un retard de cinq ans : il n’a pu être livré à nos forces qu’en septembre 2008, c’est-à-dire à la date initialement prévue pour son retrait. En parallèle, EADS développait un drone MALE dénommé Talarion – d’abord en lien avec Dassault Aviation, puis seul –, mais celui-ci ne trouvant pas d’acheteur du fait de son coût élevé, EADS a mis un terme à son développement en 2012.

Selon la plupart des observateurs, le retard pris par la France dans l’équipement des forces en drones et dans la consolidation d’une filière industrielle s’explique avant tout par le scepticisme et les réticences de l’état-major des armées vis-à-vis de cette technologie jusqu’en 2008-2009. Certes, le rapport précité du Sénat souligne le rôle des industriels, qui, depuis quinze ans, « se déchirent pour franciser des équipements étrangers (Sagem avec le Hunter, EADS avec le Héron 1, Dassault avec le Héron TP) ». Toutefois, pour le Rapporteur, la responsabilité de ce grave retard technologique incombe largement à l’État : il appartenait à « l’État stratège » de lancer à temps les études amont, puis les projets de développement et les programmes d’armement nécessaires. Il lui fallait fixer un cap et s’y tenir.

Résultat de ce défaut de pilotage industriel, nos systèmes de forces présentent aujourd’hui une grave lacune capacitaire en matière de drones MALE « de deuxième génération ». Elles ne disposent en effet que des Harfang, drones de première génération dont l’efficacité en opération extérieure est jugée insuffisante (14) ; ils devaient être retirés du service en 2015, mais selon les informations fournies au Rapporteur par le cabinet du ministre de la défense, ce terme sera repoussé de deux ans. La France et le Royaume-Uni coopèrent en vue de développer ensemble un drone MALE de troisième génération, le Telemos, mais celui-ci ne sera pas disponible avant 2020. Faute de filière industrielle nationale ou européenne, le ministère de la défense n’a que deux options pour équiper nos forces :

– soit acquérir sur étagère, auprès de la société américaine General Atomics (qui ne compte pas depuis longtemps parmi les grands industriels mondiaux de l’aéronautique), un matériel dénommé Reaper ;

– soit acquérir un équipement développé par Dassault Aviation sur la base du drone Héron TP, fabriqué par la société israélienne IAI.

Le 20 juillet 2011, le ministre de la défense avait pris en CMI la décision d’acquérir le matériel proposé par Dassault Aviation. Cette décision a été remise en cause, et si aucun arbitrage n’a officiellement été rendu pour l’heure, la plupart des personnes entendues par le Rapporteur estiment que le choix du Gouvernement se portera désormais sur le Reaper. Les raisons invoquées sont autant d’ordre technologique, que financier : le Reaper serait moins cher à l’achat, et ses performances seraient supérieures à celles de son concurrent. Le cabinet du ministre de la défense estime en effet que le projet proposé par Dassault Aviation présentait des risques non négligeables de dérapages calendaires et financiers.

Cependant, pour le Rapporteur, il ne faudrait pas que les considérations budgétaires, pour légitimes qu’elles soient, occultent la dimension technologique et industrielle de la question. Si, comme le prévoient les accords de Lancaster House signés en 2010, le Gouvernement entend véritablement susciter la création d’une filière franco-britannique de conception et de production de drones MALE capable de fournir un équipement de troisième génération à nos forces vers 2023, pour prendre la relève des drones MALE de seconde génération, il faut s’assurer que le matériel acquis puisse être « francisé » ou « européanisé » par nos industriels. Il ressort toutefois des travaux du Rapporteur que l’idée de développer un vecteur de drone MALE de conception et de fabrication européenne semble être moins fermement soutenue aujourd’hui qu’en 2010, tant par les industriels que par les Gouvernements.

Selon M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques, on pourrait imaginer d’équiper le Reaper de matériels d’optronique et de dispositifs de liaison au sol de conception française. Cette hypothèse est sous-tendue par l’idée que dans un drone, l’élément qui revêt le plus de valeur n’est pas le vecteur, mais la « charge utile », c’est-à-dire l’équipement d’observation et de liaison satellitaires. Leur valeur est même double : non seulement il s’agit en soi-même de technologies très avancées, susceptibles de contribuer à enrichir notre capital technologique de défense, mais surtout, installer des équipements français ou européens de communication satellitaire permettrait de ne pas dépendre pour le fonctionnement de ces drones des outils aérospatiaux américains. La question revêt donc un véritable enjeu d’indépendance.

Le Rapporteur souligne que l’idée de « franciser » ou « européaniser » la charge utile du Reaper suppose que son fournisseur soit autorisé par son Gouvernement à transmettre à nos industriels d’importantes données technologiques. Or les industriels américains n’ont pas la réputation d’accepter aisément ce qui peut s’apparenter à un transfert de technologie, et selon les informations fournies au rapporteur, ils n’ont pas fourni au Royaume-Uni les codes internes de ces drones. Si le Gouvernement retenait l’idée d’acquérir des drones Reaper dans l’intention d’en modifier la charge utile, le Rapporteur suggère que la France mène sur ce point des négociations communes avec d’autres États européens susceptibles d’acquérir le même matériel – par exemple, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Ainsi, dans la négociation avec les États-Unis, le rapport de force pourrait-il être plus favorable à nos intérêts. Et au moins, en cas de succès, aura-t-on limité les pertes en potentiel technologique de défense, et fait progresser l’Europe de la défense.

Le Rapporteur souligne qu’en tout état de cause, l’acquisition d’un matériel de deuxième génération ne doit ni retarder ni remettre en cause le lancement des études nécessaires au lancement du programme Telemos.

b. Un bilan parfois décevant des projets menés en coopération internationale

● Les coopérations internationales en matière d’armement sont souvent présentées comme une réponse à un double problème :

– l’insuffisance des moyens que chaque État, seul, peut consacrer au développement des nouvelles technologies de défense ;

– le volume des marchés nationaux, qui n’atteignent pas la taille critique suffisante pour amortir les coûts de R&D d’un système d’armes.

Dans cette double optique, les contraintes pesant sur les budgets de défense des Européens depuis le début des années 1990 – et plus encore depuis 2008 – ont renouvelé leur intérêt pour le développement en commun des équipements militaires dont ils ont besoin. L’objectif n° 1 présenté par le projet annuel de performances consiste d’ailleurs à « renforcer une démarche prospective européenne en matière de sécurité et de défense », étant précisé que « la prospective des systèmes de forces regroupe les activités destinées à identifier les besoins, à orienter et à exploiter les études de défense » et qu’en matière de R&T, « l’Europe de l’armement s’appuie sur le lancement de programmes multinationaux pour la préparation desquels les partenaires européens ont réalisé ensemble des études et des démonstrateurs ».

● En 2011, près de 18 % de nos crédits de R&T finançaient des coopérations internationales, essentiellement européennes, soit dans un cadre bilatéral – notamment avec le Royaume-Uni –, soit en format multilatéral, notamment à travers l’Agence européenne de défense (AED). La DGA a ainsi conclu 45 accords de R&T par an en moyenne, représentant 110 millions d’euros de paiements à l’industrie au titre des études conduites en coopération ; elle pilote actuellement 165 accords de coopération, pour une contribution française de 620 millions d’euros. Toutefois, si le volume des études menées en coopération a crû jusqu’en 2009, il s’est ralenti depuis, ce que la DAS explique par la baisse des budgets de défense de nos partenaires européens, particulièrement sévère pour leurs crédits de R&T.

Les principales coopérations

– drone de combat NEURON avec l’Espagne, la Grèce, l’Italie, la Suède et la Suisse (participation française : 250 millions d’euros) ;

– référentiel européen sécurisé de radio logicielle ESSOR, dans le cadre de l’AED (participation française : 40 millions d’euros) ;

– innovation technologique en partenariat avec le Royaume-Uni sur les matériaux et les composants pour missiles (participation française : 21 millions d’euros) ;

– qualification du canon et des munitions télescopées de 40 mm avec le Royaume-Uni (participation française : 20 millions d’euros) ;

– système d’imagerie hyperspectrale aéroporté SYSIPHE avec la Norvège (participation française : 17 millions d’euros) ;

– système de prévention des collisions aériennes pour les drones MIDCAS, dans le cadre de l’AED (participation française : 15 millions d’euros) ;

– protection des forces, dans le cadre de l’AED (participation française : 12 millions d’euros) ;

– démonstrateur de leurre actif décalé ACCOLADE avec le Royaume-Uni (participation française : 11 millions d’euros) ;

– composants pour circuits intégrés en arséniure de gallium (GaAs) et nitrure de gallium (GaN) avec l’Allemagne (participation française : 8 millions d’euros).

● Certains programmes d’armement menés en coopération ont été de grands succès, à l’image des programmes de missiles Air/Air Météor ; par ailleurs, sans coopération, d’autres équipements n’auraient tout simplement pas été développés par les industriels européens, comme l’avion de transport A400M. Néanmoins, la coopération internationale a souvent présenté des résultats décevants. Dans leur rapport précité, les sénateurs reconnaissent que « la coopération européenne dans les industries de défense regorge d’exemples de programmes dont les délais ont été plus longs et les coûts plus chers que s’ils avaient été menés nationalement, qui ont connu des dérapages de prix et ont débouché sur des produits moins cohérents voire si différents que tout partage des coûts de maintenance en est impossible », citant les exemples de l’avion de chasse Eurofighter, des frégates Horizon et de l’hélicoptère de transport NH-90.

● Pour l’ensemble des acteurs entendus par le Rapporteur, les causes de ces dysfonctionnements sont à rechercher le plus souvent dans les insuffisances du pilotage de ces projets inhérentes à leur caractère intergouvernemental. Les maîtres d’œuvre doivent en effet composer avec les exigences des États participants, que celles-ci tiennent aux besoins de leurs forces – avec, souvent, des différences de spécifications ou des décalages des calendriers d’équipement – ou à leurs ambitions propres de politique industrielle, lorsqu’ils s’attachent à garantir à leurs industriels nationaux un « juste retour » des fonds investis, voire à permettre à ces industriels d’acquérir des technologies qu’ils ne possédaient pas. M. Charles Edelstenne, président-directeur général de Dassault Aviation, a souligné devant le Rapporteur les surcoûts et les retards qu’induisait le plus souvent cette « distribution des rôles en fonction des incompétences, en non des compétences ».

À cet égard, il faut relever que le bilan de l’AED semble, pour l’heure, limité. Les représentants de l’EMA comme ceux de la DGA ont indiqué au Rapporteur que la France soutenait autant que possible l’Agence dans ses trois principaux domaines d’action : conforter la BITD européenne, favoriser la convergence des besoins opérationnels et soutenir la R&T. Toutefois, si elle a pris de nombreuses initiatives – par exemple en matière de ravitaillement en vol et de formation des pilotes de transport –, la France ne trouve que peu de relais auprès des autres Européens. De même, la portée de l’initiative de Pooling and Sharing (mutualisation) initiée par l’AED en 2010 est jugée limitée. Pour le général Gratien Maire, sous-chef d’état-major chargé des relations internationales, « même combiné avec l’exercice similaire conduit à l’OTAN (Smart Defence), les résultats ne sont pas à la hauteur des enjeux liés aux lacunes capacitaires européennes, ni à la contraction des budgets de défense et aux besoins de préservation de la BITD européenne, dans le contexte d’une pression industrielle américaine grandissante ». Il ajoute que beaucoup de projets présentés par les États membres étaient principalement motivés par la recherche de débouchés immédiats pour leurs industriels nationaux, plutôt que par le souci de développer des partenariats « gagnant-gagnant » de moyen ou de long terme.

S’agissant du processus de Smart Defence, le général Maire le juge « plus structuré et plus crédible » que l’initiative Pooling and Sharing, tout en soulignant qu’en raison d’une conjoncture défavorable aux coopérations, il ne produit pas non plus les résultats escomptés. Il est à noter que la France poursuit des stratégies de coopérations différentes au sein de l’AED et au sein de l’OTAN, où elle ne place des projets qui n’en sont qu’à un bas niveau de maturité technologique afin de réserver aux industries européennes les financements destinés aux études technologiques plus appliquées.

II. L’INDISPENSABLE RENFORCEMENT DE L’EFFORT D’ÉTUDES ET DE RECHERCHE EN MATIÈRE DE DÉFENSE

A. LE MAINTIEN DU RANG TECHNOLOGIQUE DE LA FRANCE, UN ENJEU MAJEUR D’INDÉPENDANCE ET DE SÉCURITÉ NATIONALE

Loin de voir les dangers se dissiper ou s’éloigner, le contexte géopolitique actuel est marqué par une diversification des formes de conflictualité, qui appelle une adaptation permanente de notre outil de défense. Pour le Rapporteur, un pays occidental qui, comme la France, s’attache à conserver une capacité d’autonomie stratégique complète ne pourra se prémunir contre ces menaces qu’en investissant dans des technologies de défense avancées. Le maintien du rang technologique de la France en matière de défense semble donc constituer un enjeu de tout premier plan dans l’adaptation de notre outil de défense aux menaces actuelles.

1. Un développement technologique indispensable pour parer des menaces croissantes et traiter les nouvelles formes de conflictualité

On pourrait caractériser les menaces actuelles comme étant à la fois de plus en plus diverses dans leurs formes, et de plus en plus rapides à se renouveler. Ces deux tendances appellent une adaptation de notre outil de défense qui passe par le développement d’outils technologiques de pointe.

Cette nécessité est d’autant plus forte que, comme M. Michel Miraillet l’a souligné devant le Rapporteur, les conditions d’engagement de nos forces ont considérablement évolué depuis quelques années. En effet, outre le fait que les sociétés occidentales acceptent de moins en moins de voir leurs soldats « payer le prix du sang », il ne serait plus concevable aujourd’hui que, pour éliminer un groupe menaçant – voire terroriste – en territoire étranger, nos forces interviennent unilatéralement à l’arme lourde, relayées le cas échéant au sol par une opération de forces spéciales.

a. Des menaces de plus en plus diverses : de nouveaux espaces de conflictualité, dont la maîtrise suppose des capacités technologiques de pointe

La diversification des menaces semble prendre deux formes :

– de nouvelles zones géographiques de rivalités et de tensions apparaissent : on pourrait parler à ce propose de diversification « horizontale » des menaces ;

– les affrontements tendent à se développer dans de nouveaux champs, y compris immatériels, qu’ouvrent les changements technologiques et sociétaux : on pourrait qualifier cette forme de diversification des menaces de « verticale ».

i. De nouvelles zones géographiques de conflictualité, où le format de nos forces classiques ne nous permet pas d’entretenir une présence continue

Comme le montre le rapport Horizons stratégiques susmentionné, l’environnement géopolitique d’aujourd’hui est marqué par le déplacement du centre de gravité stratégique mondial vers un pôle asiatique. « Plus volatile et plus complexe » qu’hier, il est « générateur d’instabilité et potentiellement dangereux », et voit un « accroissement des « rivalités de puissance », voire des confrontations entre pôles ». Le rapport identifie plusieurs enjeux de tensions : les problèmes croissants d’accès aux ressources naturelles ; les déséquilibres démographiques ; les premiers effets du changement climatique (avec, par exemple, l’ouverture de voies navigables en Arctique) ; l’accroissement des inégalités dans la répartition de la richesse ; les possibles crises systémiques, notamment économiques ; l’augmentation des dépenses militaires ; et les « crises de prolifération ».

Les intérêts français sont en jeu dans cette recomposition, et ce pour plusieurs raisons : d’abord, parce que la France doit préserver son territoire – y compris sa zone économique exclusive, la deuxième du monde par son étendue – ; ensuite, parce que le réarmement ouvre des débouchés commerciaux à ses industries de défense ; enfin, parce qu’avec le déplacement du centre de gravité de la stratégie de défense américaine de l’Europe vers l’Asie, les Européens ne pourront plus se dispenser longtemps de consentir les efforts nécessaires à leur défense. À ce sujet, M. François Heisbourg a fait observer au Rapporteur que les États-Unis étaient restés relativement en retrait lors de l’intervention en Libye en 2011 (soutenant « from behind »), et ce pour la première fois depuis soixante ans dans le cadre d’une opération de l’OTAN.

Or, comme M. Michel Mirallet l’a souligné devant le Rapporteur, pour vendre des armements à des pays étrangers, il faut entretenir une présence dans leur zone géographique ; or, faute de disposer de forces classiques en format suffisant, une telle présence ne peut être concrétisée que par une coopération dans des domaines moins consommateurs de ressources, comme le renseignement ou la technologie. De même, la surveillance de notre zone maritime ne peut reposer sur les seules forces classiques dont nous disposons – quatre bâtiments en tout et pour tout en Nouvelle-Calédonie.

En outre, pour le directeur des affaires stratégiques, la notion d’« arc de crise » (de Dakar à Kandahar), souvent retenue comme centrale dans l’analyse géostratégique sous-tendant le Livre blanc de 2008, reste valable ; les changements en cours dans le monde arabe et les tensions autour du programme nucléaire iranien en confirment d’ailleurs la pertinence. Quant aux tensions naissantes entre la Chine et les pays voisins, ainsi que la situation nord-coréenne, elles pourraient même plaider pour une extension de cet arc vers l’Est.

ii. De nouveaux espaces de conflictualité

Devant le Rapporteur, M. François Heisbourg a souligné l’importance stratégique des « nouveaux espaces de conflictualité » tels le milieu aérospatial et les systèmes d’information. Cette analyse rejoint celle du rapport Horizons stratégiques de la DAS, selon lequel la violence collective pourrait s’étendre dans les trente prochaines années à « de nouveaux champs, y compris immatériels, au gré des innovations technologiques et des évolutions sociétales » ; la conflictualité « intégrera un certain nombre de composantes aujourd’hui non militaires (média, cyber) ». La DAS en tire des conclusions pour nos systèmes de forces et notre politique de sécurité nationale, montrant « dans cette perspective, la capacité d’un adversaire asymétrique à dépasser un certain seuil de sophistication dans ses modes d’action et en matière d’armement devrait se traduire en particulier par un durcissement des engagements militaires au regard des engagements actuels ».

M. Michel Miraillet met aussi en avant une tendance à la prolifération nucléaire, qu’il décrit comme étant à la fois « horizontale » – un nombre croissant d’États cherchent à se doter d’armes nucléaires et de vecteurs balistiques – et « verticale » – le développement d’armes nucléaires tactiques par certains États faisant craindre une rupture du tabou sur l’emploi de l’arme nucléaire. Face à cette menace, le développement de capacités de défense antimissile et de dissuasion constitue un enjeu de défense de premier plan.

Le rapport Horizons stratégiques montre en outre que « le cyberespace constituera de plus en plus un espace d’affrontement à part entière », du fait de la « dépendance » des sociétés modernes aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), source d’une « nouvelle vulnérabilité, qui sera de plus en plus exploitée ». Cette menace est d’autant plus sérieuse que les attaques cybernétiques sont relativement faciles et peu coûteuses à mettre en œuvre tout en permettant des agressions à la fois discrètes, non-létales, et fortement perturbatrices.

De plus, pour la DAS, « le contrôle de l’espace extra-atmosphérique constituera de plus en plus un enjeu de pouvoir et potentiellement de confrontation ». Il sera ainsi « un enjeu de puissance » dans la mesure où il apporte « une couverture stratégique mondiale » en « permettant d’atteindre les composantes essentielles d’un État ou d’une organisation ».

Enfin, plus généralement, la DAS souligne le risque d’une réduction progressive de la supériorité technologique occidentale, et juge que « même s’il est inéluctable que le différentiel se réduise progressivement, il sera indispensable de maintenir aussi longtemps que possible un avantage comparatif en notre faveur nous permettant, pour le moins dans des domaines dûment ciblés, de garantir une marge certaine de supériorité opérationnelle et de garder la liberté d’action indispensable ». Elle en conclut qu’« à cet égard, le maintien d’un investissement soutenu dans la R&D devra s’accompagner d’une réorientation des efforts dans les segments garantissant la supériorité opérationnelle de demain ».

Le Rapporteur estime que ces menaces appellent un effort supplémentaire de R&D dans des secteurs de pointe, comme la cyberdéfense, les moyens d’observation, la défense antimissile, l’espace ou la dissuasion nucléaire.

Le risque d’une réduction progressive

b. Des menaces de plus en plus imprévisibles, qui appellent des adaptations rapides de nos systèmes de forces

i. Des menaces qui surviennent et se renouvellent de plus en plus rapidement

Lors de son audition, M. François Heisbourg a insisté sur la rapidité du progrès scientifique et technologique, qu’illustre la « loi de Moore » (cf. supra). Cette dynamique, qui s’est vérifiée en informatique ainsi que dans d’autres champs technologiques, a pour effet de baisser les « barrières d’entrée » pour les acteurs stratégiques.

À titre d’exemple, au début des années 1980, seuls les États-Unis possédaient les moyens de se doter de systèmes d’interception électromagnétique depuis l’espace ; mais au tournant des années 2000, cette technologie était devenue suffisamment abordable pour que la France s’en dote, avec le satellite ESSAIM. De même, M. Michel Miraillet a souligné devant le Rapporteur la rapidité avec laquelle certains États, comme l’Iran, ont su développer des technologies balistiques complexes, peut-être avec l’aide d’autres États désignés par le rapport Horizons stratégiques comme les « parias en réseau », parce qu’ils sont en rupture avec la communauté internationale. Ainsi, de nouveaux acteurs géopolitiques menaçants peuvent émerger rapidement.

ii. Des technologies de défense à adapter rapidement

Pour le Rapporteur, la rapidité avec laquelle les menaces émergent et se renouvellent, au gré du progrès scientifique, doivent nous inciter à ne pas figer nos choix technologiques de défense.

Lors de son audition, M. Daniel Verwaerde, directeur des applications militaires du CEA, a d’ailleurs indiqué au Rapporteur que le Commissariat ne cherchait plus, comme dans le passé, à produire des générations d’armes et d’équipements figées pour plusieurs dizaines d’années, mais à adapter nos armes au fur et à mesure de l’évolution de leurs possibles conditions d’emploi.

Les représentants de la DGA entendus par le Rapporteur ont indiqué que dans le même souci de réactivité, la direction cherchait à réduire les délais d’études. À cette fin, elle a mis en œuvre des actions de communication et, surtout, elle procède à des opérations d’expérimentation réactive (OER). Il s’agit de « boucles courtes » d’études, menées par des équipes associant d’emblée chercheurs, expérimentateurs, développeurs et usagers finaux ; cette procédure a été employée notamment pour pourvoir à la protection des véhicules militaires contre les engins explosifs improvisés.

2. Un développement technologique indispensable pour conserver une capacité d’autonomie stratégique

a. La maîtrise des technologies et des capacités industrielles militaires critiques, une composante indispensable de notre autonomie stratégique

Conformément aux principes traditionnels de notre stratégie de défense, le Livre blanc de 2008 place le concept d’« autonomie stratégique » – que l’on peut assimiler à l’idée d’indépendance nationale – au cœur de notre politique de défense. Il en tire les conséquences suivantes quant aux technologies militaires : « la France conservera la maîtrise nationale des technologies et des capacités de concevoir, fabriquer et soutenir les équipements nécessaires aux domaines de souveraineté pour lesquels elle estime ne pas pouvoir envisager un partage ou une mutualisation compte tenu de ses choix politiques ».

Comme l’analyse le rapport précité du Sénat, l’autonomie stratégique peut être vue comme l’addition de trois composantes :

– l’autonomie d’appréciation, qui consiste à ne pas dépendre du renseignement fourni par un autre État ;

– l’autonomie de décision, consistant pour un État à former souverainement ses choix, à l’abri de tout chantage ;

– l’autonomie d’action, c’est-à-dire la capacité pour un État de planifier et de mener seul des opérations militaires, sans le soutien ni l’aval d’autres puissances.

● Chacune de ces composantes de l’autonomie stratégique suppose de maîtriser des technologies que l’on peut qualifier de « critiques » en ce qu’elles peuvent être déterminantes dans l’affirmation de l’indépendance militaire. Ainsi, l’autonomie d’action suppose des moyens d’engagement et de combat conférant un avantage sur l’adversaire, avantage qu’un pays comme la France, disposant de forces en format relativement limité, trouvera principalement dans la supériorité technologique.

De même, l’autonomie de décision repose, s’agissant de la France, sur sa force de dissuasion ; or, pour que celle-ci reste crédible, il est indispensable de maîtriser les technologies permettant de renouveler nos armes – comme la simulation – et d’assurer leur pénétration, malgré les nouveaux moyens de détection et d’interception – faute de quoi notre outil de dissuasion deviendrait, selon l’expression du directeur des applications militaires du CEA, une « nouvelle ligne Maginot ».

L’autonomie d’appréciation suppose quant à elle des moyens de connaissance et d’anticipation reposant sur des technologies sophistiquées, comme les satellites, les radars, les drones et les procédés de cryptographie.

Certains événements illustrent bien l’importance qu’il y a à disposer de moyens autonomes d’appréciation des situations. M. Denis Maugars, président-directeur général de l’ONERA a indiqué au Rapporteur qu’avant que la France ne dispose de radars de surveillance de l’espace lui permettant d’établir son propre catalogue d’objets en orbite basse, les catalogues fournis par les États-Unis et la Russie omettaient certains satellites, et donnaient pour d’autres une position fausse. De même, les Américains rendaient publique la position de nos satellites de reconnaissance Helios, mais ont cessé de le faire dès que nos moyens d’observation nous ont permis de détecter la position des leurs.

M. François Heisbourg a évoqué un autre cas emblématique : lorsque M. Massoud Barzani a opéré un retournement d’alliance en 1996 afin d’obtenir l’appui du président Hussein contre un autre groupe kurde, les États-Unis auraient cherché à faire croire à une invasion du Kurdistan irakien par une colonne blindée irakienne, et demandé à leurs alliés de participer à une opération de bombardement des zones concernées ; mais la France a pu s’appuyer sur les images fournies par Helios pour prendre des décisions plus adaptées à la réalité des faits.

● La maîtrise des technologies militaires critiques suppose d’entretenir une base industrielle et technologique de défense (BITD) performante.

Certes, un trou capacitaire ne peut généralement pas être imputable uniquement à un défaut de travaux de R&T, dès lors que l’on peut acquérir des équipements sur étagère. Le Rapporteur estime toutefois que s’agissant d’équipements critiques, la maîtrise des technologies et la possession de capacités industrielles en France ou en Europe constitue un enjeu à part entière d’autonomie stratégique. En effet, tout ne s’acquiert pas sur étagère, et rien ne garantit que certains composants étrangers, notamment informatiques, respectent et garantissent la confidentialité – M. Michel Miraillet a cité devant le Rapporteur le cas de certains routeurs fabriqués en Chine.

Dès lors, entretenir une BITD performante est indispensable pour garantir la maîtrise des technologies critiques dans le futur. Le directeur chargé des affaires stratégiques a d’ailleurs souligné devant le Rapporteur que soutenir les études amont vise non seulement à préparer les programmes d’armement de demain et à contribuer à la construction d’une Europe de la défense, mais aussi, dans une perspective de long terme, à « pouvoir disposer dans le futur d’industriels compétents » et à « faire de la France un moteur de l’innovation, de la maîtrise de technologies clés, de l’anticipation des ruptures technologiques ».

Il importe donc que l’État puisse soutenir l’activité des bureaux d’études français et européens, afin d’entretenir les compétences. En effet, selon les termes (15) de M. Michel Miraillet, « une capacité industrielle est un ensemble cohérent qui réunit des infrastructures, des moyens matériels, et surtout des équipes de personnels maîtrisant des technologies de pointe et des savoir-faire industriels parfois uniques. Cet ensemble [] est le résultat d’un effort d’investissement continu inscrit dans la durée, soumis à la règle qui veut que le décrochage technologique est rapide alors que la remise à niveau est longue et onéreuse ». Le Rapporteur relève d’ailleurs que les industriels qu’il a entendus lui ont fait part de leurs inquiétudes pour le maintien de l’activité de leurs laboratoires et de leurs bureaux d’études : les équipements dont le développement a mobilisé leurs infrastructures de R&D pendant les années 1990 ou 2000 – comme le Rafale ou l’A400M – étant appelés à rester en service pendant plusieurs décennies, les études en vue de leur renouvellement ne seront lancées qu’à moyen terme.

Cette inquiétude est d’autant plus grande qu’ils observent un regain d’agressivité commerciale de leurs concurrents américains, motivé notamment par les réductions prévues du budget de la défense aux États-Unis. Le directeur chargé des affaires stratégiques ajoute que la baisse des budgets de défense aux États-Unis et en Europe comporte un risque majeur pour notre autonomie stratégique : voir l’OTAN se transformer en une sorte d’« agence de défense » dotée de matériel essentiellement américain – on peut craindre que les projets de Smart Defence et de défense anti-missile balistique n’aillent dans ce sens – à laquelle « s’abonneraient » des Européens qui, ainsi, externaliseraient leur défense. Pour le Rapporteur, ce risque est loin d’être nul, et la France doit y être d’autant plus vigilante qu’elle n’a plus au sein de l’OTAN la position particulière qui était la sienne avant 2009.

b. Les retombées sur l’ensemble de l’économie française du soutien public aux technologies de défense

Les industries de défense constituent un atout majeur pour la politique de réindustrialisation de la France. En effet, ce secteur rassemble 4 000 sociétés, et compte 165 000 emplois directs et indirects, réputés faiblement délocalisables.

Surtout, nos industries de défense consacrent à la R&D une part importante de leur chiffre d’affaires : 14 % en moyenne, selon le Conseil des industries de défense (CIDEF). Notre BITD contribue ainsi au progrès technologique et à l’innovation, qui se diffusent au secteur civil. M. Charles Edelstenne a cité devant le Rapporteur plusieurs exemples de filières industrielles fondées sur des technologies militaires : l’aéronautique civile, qui bénéficie des retombées technologiques de l’aéronautique de combat, ou encore les systèmes informatiques embarqués, issus des logiciels développés pour les avions militaires. Même si, en Europe, on observe la tendance inverse – le progrès scientifique et technologique civil précédant souvent la R&T militaire –, cette dynamique duale reste bénéfique pour l’ensemble de l’économie, les applications militaires offrant au secteur civil des perspectives de débouchés industriels dont le développement est soutenu sur le long terme par l’État.

L’intensité de l’effort de R&T et de R&D des industries de défense contribue donc à la compétitivité hors coût de notre économie, ainsi qu’à nos exportations : d’après le CIDEF, le secteur exporte 40 % de sa production, ce qui génère un excédent commercial de 2,5 milliards d’euros par an en moyenne.

En outre, selon des études confidentielles mentionnées par le rapport précité du Sénat, pour un euro investi dans une capacité industrielle militaire critique, l’État bénéficie de 1,6 euro de retombées finales ; une étude portant spécifiquement sur la filière de développement des missiles montrerait que la contribution économique de cette filière (605 millions d’euros, dont 331 millions d’euros à l’export) est largement supérieure aux dépenses de R&D nécessaires (350 millions d’euros), dont une partie seulement est financée par le budget de la défense (200 millions d’euros). Les sénateurs soulignent que « la France devant de toutes les façons acquérir des missiles, le fait de les produire sur son territoire génère d’importantes retombées économiques en termes d’emplois, de fiscalité, de charges sociales ». Ils en concluent, à juste titre aux yeux du Rapporteur, qu’il n’y aura pas de réindustrialisation de notre pays sans prise en compte de l’industrie de défense.

Ainsi, pour faire face aux nouvelles menaces et conserver notre autonomie stratégique, il est indispensable d’investir dans des technologies de défense

B. STRUCTURER UN ÉCOSYSTÈME DE R&T PERFORMANT, POUR ACQUÉRIR LES TECHNOLOGIES DE RUPTURE NÉCESSAIRES À NOTRE OUTIL DE DÉFENSE

Si l’État doit composer avec les contraintes budgétaires que l’on connaît, il n’en a pas moins la responsabilité de doter notre outil de défense des technologies nécessaires pour faire face aux menaces actuelles, dans un cadre cohérent avec nos ambitions de défense. Pour cela, le Rapporteur tire de ses travaux la conviction que l’action de « l’État-stratège » en faveur du développement des technologies de défense doit s’inscrire dans le cadre plus global de la structuration d’un écosystème de R&T intégré, complet et performant.

1. Pour une gouvernance plus efficace et plus ouverte

La gouvernance de notre système de R&T de défense gagnerait à être renforcée, suivant un double objectif de transparence accrue et d’intégration plus poussée à notre démarche stratégique globale.

a. Pour un pilotage de la R&T de défense mieux intégré à la démarche stratégique

Compte tenu de l’importance des questions technologiques dans la réponse aux nouvelles menaces géostratégiques, il est souhaitable que la réflexion technologique tienne une place accrue dans l’articulation des différentes étapes de la définition de notre démarche stratégique, décrite supra. Dans leur rapport précité sur les capacités industrielles militaires critiques, les sénateurs recommandent d’ailleurs d’associer la DGA et les laboratoires de recherche aux travaux de prospective opérationnelle menés par l’état-major des armées sur la base de la prospective géostratégique de la DAS. Pour le Rapporteur, une telle association permettrait notamment d’éviter le biais mis en évidence par M. François Heisbourg en faveur des « effecteurs » plutôt que des « capteurs » dans l’expression des besoins des forces armées.

Les sénateurs suggèrent aussi qu’elle pourrait contribuer à ce que la prospective opérationnelle ne doit pas être seulement centrée sur la notion de « menace », mais aussi sur celle d’opportunités. Ils citent en exemple la tendance au réarmement mondial (notamment sous l’impulsion de la Chine et de l’Inde), s’interrogeant sur le point de savoir s’il doit être considéré uniquement comme un risque, ou également comme une opportunité, si l’on le voit comme l’ouverture de nouveaux marchés pour nos industries de défense. Si la France a l’ambition de rester un des acteurs majeurs du marché mondial de l’armement, une telle approche n’est pas sans conséquence sur notre politique de développement des technologies de défense.

C’est ainsi dès les premières phases de la démarche stratégique française que les questions technologiques doivent être prises en compte. Mais pour garantir que les orientations fixées par les différents documents de planification stratégique soient respectées, et non écartées au gré d’arbitrages budgétaires de court terme, il faut une architecture administrative d’arbitrage et de suivi suffisamment robuste. Dans leur rapport précité, les sénateurs disent avoir « le sentiment que nombre de décisions récentes en matière d’équipements ont été prises à la va-vite, pour en finir avec des atermoiements qui n’auraient que trop duré » ; notant que la création du comité ministériel d’investissement (CMI) « semblerait ne pas avoir apporté tous les résultats escomptés », ils plaident en faveur de la création « d’une instance de dialogue et d’arbitrage adaptée, [permettant à l’État] d’orienter et d’accompagner la stratégie d’acquisition, en la passant au crible des objectifs poursuivis ». Si, dans leurs vues, une telle instance permettrait notamment de résoudre des conflits entre stratégie d’acquisition et stratégie industrielle de défense, le Rapporteur considère qu’elle pourrait aussi veiller à ce que les besoins technologiques exprimés dans les documents de prospective opérationnelle soient mieux pris en compte. Elle pourrait ainsi contribuer à renforcer le poids de l’expertise technologique de la DGA dans les décisions de lancement de programmes d’études et d’équipement.

b. Pour un développement pragmatique des coopérations internationales en matière d’études de défense

S’il est évident que la France ne peut pas concevoir, développer et fabriquer seule l’ensemble des équipements de son outil de défense – évidence qui sous-tend la stratégie dite des « trois cercles » du Livre blanc –, il n’en demeure pas moins que l’option consistant à mener un programme d’armement en coopération ne se révèle pas toujours efficace. Les coopérations doivent être choisies avec soin, et développées avec pragmatisme.

Militaires, responsables administratifs et industriels entendus par le Rapporteur s’accordent à dire que les coopérations bilatérales – par exemple avec le Royaume-Uni dans le cadre des accords de Lancaster House (cf. l’encadré ci-après) – donnent des résultats plus satisfaisants que les coopérations multilatérales. Les responsables de l’EMA décrivent le pilotage de certains projets, tel celui de l’A400M, comme une véritable « débauche d’énergie ».

La R&T dans le traité de Lancaster House

Le traité signé en novembre 2010 a marqué un renforcement sans précédent de la coopération de défense franco-britannique. Le Royaume-Uni est notre premier partenaire dans la coopération en matière de R&T. Dix domaines prioritaires ont été identifiés (dont l’aéronautique de combat, les missiles, les capteurs, etc.), sur lesquelles des feuilles de route détaillées ont été établies et se traduiront en projets communs.

Les deux pays ont planifié la construction en commun et le partage entre eux des installations radiographiques et hydrodynamiques nécessaires aux études qu’ils doivent conduire en vue du renouvellement de leurs SNLE.

Ils ont également mis en place avec succès un programme commun de doctorants : il s’agit là d’un outil important de soutien à l’innovation en matière de défense.

Enfin, ils établissent actuellement une vision des enjeux technologiques à l’horizon 2020-2025, qui leur permettra de synchroniser leurs investissements de R&T sur le long terme.

Source : état-major des armées

Pour eux, il est également essentiel de « tenir compte de l’existant » en procédant avant toute coopération à un alignement des besoins exprimés, c’est-à-dire des doctrines, des concepts opérationnels et des échéances d’acquisition.

Surtout, une coopération internationale a plus de chances de succès lorsqu’elle est pilotée par une maîtrise d’œuvre robuste. Ainsi, le président du CNES a jugé devant le Rapporteur que les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du programme de système européen de positionnement Galileo étaient largement imputables à une conduite de programme défaillante par l’Union européenne et l’Agence spatiale européenne.

Par ailleurs, l’interférence dans la conduite des projets multilatéraux d’exigences Gouvernementales motivées par des considérations de politique industrielle – notamment en matière de « juste retour » – est moins fréquente si l’initiative de la coopération provient des industriels eux-mêmes, et non des États – comme c’est le cas, selon M. Charles Edelstenne, pour le programme d’études et de développement du drone NEURON.

C’est donc par souci de pragmatisme que les autorités françaises privilégient, selon l’expression du général Morizot, « une politique des petits pas » : commencer à deux, puis une fois la coopération consolidée, ouvrir celle-ci progressivement vers des partenaires pouvant apporter une plus-value (industrielle ou technologique), puis vers des clients potentiels.

Enfin, le Rapporteur souligne que les impératifs de souveraineté ne font pas systématiquement obstacle à la coopération. La coopération franco-britannique en matière de dissuasion en offre un exemple : les limites de cette coopération tiennent plus aux accords liant le Royaume-Uni aux États-Unis (notamment les accords de Nassau signés en 1963) qu’à la nécessité de préserver des secrets nationaux. Ainsi, les deux pays ont décidé de construire et d’exploiter conjointement des installations radiographiques et hydrodynamiques sur deux sites – l’un au sein de la direction des applications militaires du CEA à Valduc, l’autre sur le site de l’Atomic Weapons Establishment (AWE) d’Aldermaston –, tout en fixant des règles de fonctionnement garantissant la pleine souveraineté des deux pays dans le secteur nucléaire militaire. Ces installations seront exploitées conjointement, mais les programmes expérimentaux seront réalisés en toute indépendance. Selon l’état-major des armées, chacun des deux États ayant initialement prévu de développer en propre ce type d’installations, leur coopération permettra pour la France une économie de 200 millions d’euros pour la période 2015-2020. L’indépendance de notre force de dissuasion est d’autant mieux assurée que cette coopération porte sur la phase d’études et de recherche des programmes d’équipement, et non sur les développements plus opérationnels.

c. Pour une gouvernance plus transparente de nos choix scientifiques et technologiques de défense

Le Rapporteur a le sentiment que la France va peut-être trop loin dans la culture de la classification des documents intéressant la défense nationale. Sans méconnaître qu’il y a des informations qui ne sauraient être divulguées sans risque, il en est d’autres qui pourraient être rendues publiques sans dommages pour la sécurité nationale. Au contraire, il peut même se trouver dans l’intérêt bien compris de l’État de rendre publics certains documents de planification stratégique et prospective.

On relèvera par exemple que certaines puissances, comme les États-Unis, publient une liste des technologies militaires critiques (Military Technologies Critical List). Le rapport précité du Sénat souligne lui aussi « l’impératif de transparence » dans la démarche stratégique française. Le Rapporteur souligne toutefois que sans accès à certaines données classifiées, il est vain d’essayer d’apprécier l’adéquation du format des armées ou de la nature de leurs équipements aux menaces anticipées. Notamment, la classification d’une large part des documents de prospective opérationnelle et d’orientation des recherches technologiques rend tout contrôle parlementaire illusoire.

Le Rapporteur juge nécessaire que les choix scientifiques et technologiques qui ont une influence déterminante sur la capacité de notre outil de défense à répondre aux menaces de demain fassent l’objet d’un contrôle parlementaire approfondi. Il relève d’ailleurs qu’un équilibre a pu être trouvé dans le domaine du renseignement entre les impératifs de protection des informations sensibles d’une part, et de contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement – y compris en matière de défense – d’autre part. En effet, la loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007 a créé une Délégation parlementaire au renseignement composée de quatre députés et de quatre sénateurs de différents groupes politiques, qui a pour mission de suivre l’activité et les moyens de nos services de renseignement. À cet effet, elle procède à des auditions régulières, dans des conditions garantissant le respect du « secret-défense ». Une formule semblable pourrait être trouvée pour renforcer le contrôle parlementaire des activités de recherche militaire, par exemple autour de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Plus généralement, le Rapporteur estime que le renforcement du rôle du Parlement dans la définition et le contrôle de notre politique de défense constitue une tendance lourde à l’œuvre dans nos politiques de défense depuis une vingtaine d’années, ou plus précisément depuis que le président François Mitterrand a choisi, au début des années 1990, de soumettre au débat public la question de suspendre ou non les essais nucléaires. Un renforcement du rôle du Parlement dans l’évaluation des choix d’investissements d’avenir de la Défense irait dans ce sens.

2. Développer un écosystème performant de R&T de défense

Le caractère dual de la R&T incite à rechercher des synergies entre le ministère de la défense, ses partenaires institutionnels et les opérateurs civils de recherche, qu’ils soient académiques ou industriels. Il ressort des travaux du Rapporteur que pour consolider cette infrastructure de R&T de défense, il est souhaitable de mettre en œuvre une politique volontariste visant à constituer un véritable « écosystème de recherche », associant le monde académique, les administrations publiques, les « grands » groupes industriels ainsi que les PME-PMI ayant une activité dans le secteur de la défense.

À cette fin, il apparaît nécessaire de disposer d’une bonne connaissance de la cartographie des compétences disponibles, mais également de diversifier les partenaires de la Défense en s’appuyant sur les meilleurs d’entre eux, dans une démarche sélective. Il semble aussi nécessaire qu’une véritable culture de défense pénètre les meilleures formations, afin de toucher les futurs cadres de notre pays.

a. Créer un continuum entre les administrations, le monde académique, les « grands » industriels et les PME de la Défense, dans une logique d’écosystème

● Le Rapporteur souligne l’importance d’un resserrement des liens entre le ministère de la défense, les industries de défense et le monde académique. Plusieurs initiatives ont été prises en ce sens :

– la DGA a mis en place en juillet 2011 un « club des partenaires académiques de recherche de la défense », qui a pour objet de regrouper les établissements d’enseignement supérieur (pôles de recherche et d’enseignement supérieur, universités et écoles) afin d’organiser leur coopération dans les domaines scientifiques intéressant la Défense. Le premier membre de ce club a été l’université Pierre et Marie Curie (Paris VI), rejointe par l’École normale supérieure, l’École polytechnique et plusieurs universités, la dernière adhérente en date étant l’Université européenne de Bretagne ;

– la DGA coopère avec l’agence nationale de la recherche (ANR) depuis la création de celle-ci, et cette coopération a été renforcée en 2009 avec une forte augmentation du nombre de programmes que le ministère de la défense cofinance, à hauteur de 20 millions d’euros par an selon la DGA ;

– le financement de thèses constitue un autre mode de partenariat privilégié, le nombre de thèses financées ou cofinancées par la DGA s’élevant en 2011 à 454 ;

– la mise en place du « réseau des instituts Carnot » a permis de développer des partenariats d’études entre les établissements de recherche publics – 34 d’entre eux ont été labellisés dans ce cadre –, les industriels (grands groupes comme PME) et les collectivités territoriales. Ce réseau a pour objet de favoriser les transferts de technologies ; c’est pourquoi il rassemble les chercheurs publics qui réalisent au moins 50 % de leurs programmes de recherche en lien avec des industriels.

Toutefois, comme M. Michel Miraillet l’a souligné devant le Rapporteur, le monde académique français reste moins ouvert aux problématiques de défense que ne le sont, par exemple, les universités américaines ou britanniques. Ce cloisonnement entre l’Université et la Défense tiendrait pour l’essentiel à des réticences de nature culturelle. Pour le Rapporteur, les Assises nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui se tiendront en novembre 2012, devraient constituer une occasion de rapprocher ces secteurs.

● La structuration d’un écosystème de R&T de défense passe également par une association plus harmonieuse des PME et des grands groupes industriels du secteur.

Les membres du Comité Richelieu, qui représente les PME du secteur, ont exposé au Rapporteur les difficultés que rencontrent aujourd’hui ces entreprises, notamment dans leurs rapports avec les grands groupes. Les principales difficultés sont les suivantes :

– les contraintes pesant sur les commandes d’équipements militaires de l’État pèsent d’autant plus sur leur chiffre d’affaires, que les groupes dont ils sont les sous-traitants cherchent à réduire leurs coûts d’approvisionnement ;

– les PME ont plus de difficulté que les grands groupes à développer leurs exportations, tant parce qu’il est difficile de vendre à l’étranger un produit que leur pays d’origine n’a pas acheté (les acheteurs étrangers demandent à leurs fournisseurs potentiels des « références nationales »), que parce que, dans certains cas, une proximité géographique avec leur donneur d’ordres est indispensable ;

– fréquemment, les grands groupes qui exportent leurs matériels s’accordent avec leurs clients étrangers sur des clauses dites d’« offset », qui les engagent à produire localement une partie de l’équipement et à opérer des transferts de technologies. En application de ces clauses, ils ont souvent recours aux PME locales, mais celles-ci ne disposant pas toujours des technologies développées par leurs sous-traitants français habituels, ils font inscrire dans leurs contrats de sous-traitance des clauses de transferts de droits de propriété intellectuelle qui leur permettent de s’approprier les technologies développées par les PME françaises – celles-ci n’étant généralement pas en position de force dans la négociation de ces clauses.

Plusieurs mesures ont été prises en vue de soutenir les PME de défense. Outre un effort d’accélération des délais de paiement de l’État, on relèvera notamment :

– le dispositif RAPID (régime d’appui aux PME pour l’innovation duale) mis en place en 2009 au bénéfice des PME puis étendu en 2011 aux entreprises de taille intermédiaire (ETI). Ce dispositif soutient des projets technologiques innovants et présentant des applications militaires ainsi que des retombées sur les marchés civils. Il vise à accroître l’effort de recherche et d’innovation des PME et des ETI dans les technologies duales avec les objectifs d’intégrer ces technologies dans les programmes d’armement et de renforcer leur compétitivité. Il est doté de 40 millions d’euros par an ;

– le programme ASTRID (accompagnement spécifique des travaux de recherches et d’innovation défense), financé par la DGA et mis en œuvre par l’ANR, qui permet aux PME de bénéficier d’aides (dont le montant peut atteindre 300 000 euros) en soutien de projets innovants à caractère fortement exploratoire, de nature duale.

Pour aller plus loin, le Rapporteur estime que les pistes suivantes, suggérées par les représentants des PME de défense, mériteraient d’être mises à l’étude :

– favoriser l’accès des PME à la commande publique, au moins dans les marchés de gré à gré. Rappelant qu’une disposition législative réservant un quota des crédits publics au PME risquerait de voir sa conformité au droit européen contestée, M. Laurent Collet-Billon, directeur général de l’armement, a indiqué lors de son audition par la Commission que dans le cadre d’un « plan PME » en préparation, le ministre de la défense envisageait de prendre une mesure en ce sens par voie d’instruction ministérielle. Le Rapporteur juge légitime le principe d’un Small Business Act à la française – on parle aussi de « Smart Business Act » pour désigner le même principe d’accès privilégié des PME aux marchés publics. Une telle mesure serait bienvenue, quelle qu’en soit la forme juridique ;

– renforcer les outils de stimulation de l’effort de R&T des PME, en favorisant leur accès aux programmes d’études amont, et en élargissant le champ du dispositif RAPID aux recherches ayant des retombées strictement militaires, et pas obligatoirement duales ;

– favoriser le recours aux sous-traitants français dans les contrats internationaux d’armement et généraliser la pratique de certains groupes consistant à se doter d’un médiateur chargé des relations avec les PME ;

– promouvoir les PME françaises à l’occasion des salons internationaux et faciliter l’obtention par les PME de « références nationales », soit en dédiant une enveloppe annuelle à l’achat par l’État d’un nombre limité de produits innovants, soit en fournissant aux PME exportatrices des lettres de recommandations de la DGA ;

– favoriser la participation des PME de défense aux grands salons d’armement.

b. Mobiliser les outils existants pour structurer un écosystème de R&T de défense

L’État dispose d’ores et déjà d’instruments qui permettraient de structurer un écosystème performant de R&T de défense.

Le Rapporteur relève notamment que les programmes d’investissement d’avenir (PIA) ont peu bénéficié au secteur de la défense, alors même que celui-ci constitue l’un des pôles d’excellence de l’industrie et de la R&T française. Il serait utile que les crédits restant à attribuer au titre des PIA puissent bénéficier aussi aux industries de défense.

Par ailleurs, depuis 2005, le ministère de la défense est fortement impliqué dans la politique interministérielle de développement des « pôles de compétitivité », en lien avec d’autres ministères et en partenariat étroit avec les collectivités territoriales. Il est ainsi le deuxième contributeur au fonds unique interministériel (FUI), doté de 200 millions d’euros par an, qui soutient les projets de R&D des pôles associant au moins deux entreprises et un laboratoire de recherche. Dans ce cadre, la DGA participe à l’expertise interministérielle et suit le déroulement des projets sélectionnés de manière collégiale. Le Rapporteur juge ce cadre propice à l’approfondissement des partenariats entre les administrations, les laboratoires de recherche et les industriels actifs dans le secteur de la défense.

Surtout, le Rapporteur souligne le rôle que peuvent jouer les instituts de recherche technologiques (IRT), créés dans le cadre de la mise en œuvre des PIA, pour contribuer à la structuration de notre écosystème de R&T de défense. Les IRT rassemblent en effet les acteurs industriels et les organismes publics de recherche autour d’une thématique technologique donnée, « dans une logique de co-investissements publics-privés » aux termes de la convention passée le 27 juillet 2010 entre l’État et l’ANR (cf. encadré ci-après). Certains instituts ont ainsi des domaines de compétence intéressant directement la recherche duale, à l’image de l’IRT « aéronautique espace et systèmes embarqués » (AESE) de Toulouse. Il est toutefois regrettable qu’initialement, le cahier des charges des IRT ait privilégié un ancrage régional de ces partenariats. Si ce principe se justifie par un légitime souci de privilégier la proximité géographique entre les partenaires, catalyseur d’une intégration plus poussée des programmes de coopération, il n’en a pas moins retardé le développement de liens pourtant fructueux, par exemple entre l’IRT Jules Vernes à Nantes et l’IRT « matériaux, métallurgie, procédés » (M2P) de Metz, qui étudient tous deux les matériaux innovants.

Les instituts de recherche technologiques (IRT)

La constitution de campus d’innovation technologique de dimension mondiale est un volet majeur du plan d’investissements d’avenir (dit aussi « grand emprunt ») lancé en 2010.

Le développement en France d’écosystèmes compétitifs en matière d’innovation constitue un axe prioritaire des investissements d’avenir. En complément des financements prévus pour les initiatives d’excellence, la création de 4 à 6 instituts de recherche technologique IRT de rang mondial au cœur de campus d’innovation technologique vise à renforcer les écosystèmes constitués par les pôles de compétitivité.

Ces IRT seront des plates-formes interdisciplinaires rassemblant les compétences de l’industrie et de la recherche publique dans une logique de co-investissement public-privé et de collaboration étroite entre tous les acteurs.

De manière à favoriser et vérifier l’existence d’une collaboration effective et durable avec les pôles de compétitivité à visibilité internationale, les IRT sont labellisés par un de ces pôles, conjointement, le cas échéant, à d’autres pôles de compétitivité.

Les critères à remplir par les IRT seront les suivants :

– viser une position dans le peloton de tête mondial dans leur champ, avec une finalité de développement industriel et/ou de services ;

– obtenir des cofinancements privés significatifs (industriels, fédérations professionnelles, fondations, etc.) ; les financements de l’IRT par l’État ne dépassent pas 50 % des dépenses cumulées non actualisées sur les dix premières années du projet ; des financements complémentaires peuvent être apportés par d’autres partenaires publics, tout en maintenant un niveau de cofinancements privés significatif ;

– permettre que l’ensemble du processus d’innovation soit couvert, y compris la démonstration, le prototypage industriel et l’ingénierie de formation ;

– mobiliser sur un même lieu physique une taille critique suffisante de moyens et de compétences d’excellence pour notamment disposer d’une visibilité internationale.

Les candidatures seront évaluées par un jury international constitué notamment d’experts reconnus dans les domaines scientifiques, technologiques et économiques.

Source : Convention passée le 27 juillet 2010 entre l’État et l’ANR

Pour le Rapporteur, l’allocation des moyens consacrés par les pouvoirs publics aux pôles de compétitivité et aux IRT pourrait aussi utilement être guidée par un souci de rééquilibrage territorial des infrastructures de R&T en matière de défense. En effet, les autorités militaires favorisaient traditionnellement l’implantation des industries d’armement en retrait des frontières de l’Est – principale zone de menaces jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale –, les régions frontalières bénéficiant en revanche de l’activité induite par le stationnement d’un grand nombre de régiments. Or les profondes restructurations opérées depuis vingt ans, et particulièrement le nouveau plan de stationnement des forces établi en 2008, ont fait perdre à ces régions une large part de leur activité militaire, ce qui est d’autant plus regrettable que le tissu économique et social y est plus empreint qu’ailleurs par la culture de défense. Un rééquilibrage est donc souhaitable.

Enfin, le dispositif de crédit d’impôt recherche (CIR) est plébiscité par l’ensemble des industriels, selon lesquels il aurait eu le triple avantage de rendre la recherche française plus compétitive, de permettre le lancement de projets qui n’auraient pas vu le jour sans cette incitation, et de favoriser les liens entre l’industrie et le monde académique – l’assiette du crédit d’impôt est en effet doublée pour les projets de recherche menés en coopération avec les laboratoires publics. M. Marko Erman, senior vice-président de Thales en charge de la R&T, fait ainsi valoir que le CIR « permet de maintenir sur notre territoire des emplois à très forte valeur ajoutée, malgré la vive concurrence des zones « low cost » et « dollar » ». Pour le Rapporteur, le CIR constitue en tout état de cause un utile instrument de stimulation et d’orientation de la recherche : à l’instar de ce qui a été fait pour favoriser la recherche en lien avec les universités, il est possible d’en moduler l’assiette, le taux ou les conditions d’éligibilité afin de piloter plus efficacement la recherche en matière de défense. Il pourrait notamment être adapté de façon à favoriser l’emploi de doctorants et de docteurs, ainsi que certaines bonnes pratiques dans les relations des grands groupes avec les PME.

3. Investir dans les domaines susceptibles de conduire à des ruptures technologiques

Sans prétendre dresser une liste exhaustive des technologies de rupture sur lesquelles il importe de faire porter l’effort public d’études de défense, le Rapporteur tire de ses travaux la conviction que certains domaines méritent une attention particulière dans la programmation de ces études, ne serait-ce que pour éviter les retards technologiques dont nous payons aujourd’hui le prix – par exemple en matière de drones MALE.

a. Ne pas restreindre le champ des études amont pour des raisons budgétaires, mais intégrer la contrainte financière dans les phases ultérieures des programmes

● Pour le Rapporteur, une des caractéristiques de la recherche tient à ce qu’elle ne confère jamais autant d’avantages à celui qui la mène que lorsqu’elle permet de déboucher sur une véritable découverte, c’est-à-dire lorsqu’elle n’est pas déterminée par un objectif précis d’applications futures. Ce principe vaut pour la recherche civile comme pour la recherche militaire ; appliqué aux études de défense, il a deux conséquences :

– le progrès scientifique doit être suivi avec attention, et soutenu. Si la Défense était autrefois à la source de l’innovation technologique (par exemple en matière aéronautique, aérospatiale ou nucléaire), elle doit chercher aujourd’hui à tirer parti des innovations civiles. Exploiter le potentiel dual de ces avancées scientifiques et technologiques civiles permet à la fois d’enrichir les technologies militaires et d’en réduire les coûts. Comme M. Yannick d’Escatha l’a fait valoir au Rapporteur, en matière de lanceurs aérospatiaux, c’est ainsi la R&T civile qui finance largement les programmes de la Défense ;

– la programmation des études amont doit couvrir le spectre le plus large possible de recherches, en réservant une part suffisante des crédits pour des projets que l’on pourrait qualifier d’« exploratoires », dans le sens où leurs éventuelles applications militaires ne sont pas encore définies avec précision lors de leur lancement.

● Il ne s’agit cependant pas d’ignorer la contrainte financière pesant sur les crédits consacrés aux études de défense. De ce point de vue, le Rapporteur retient avec intérêt l’idée, développée devant lui par M. Yannick d’Escatha, selon laquelle une fois les principaux choix technologiques établis, les spécifications d’un programme peuvent être adaptées en fonction de la contrainte financière, comme tel a été le cas pour le programme de satellite de renseignement d’origine électromagnétique Ceres (16). Pour le président du CNES, adopter cette démarche dite de « design to cost » (17) constitue un changement de paradigme important, mais utile : mieux vaut pour la France disposer de matériels moins perfectionnés que de ne pas en disposer du tout.

b. Des ruptures technologiques à préparer

● Les dernières années ont vu des ruptures technologiques notables, notamment dans les grands domaines de recherche suivants :

– la numérisation des opérations, qui a permis le développement d’outils de partage d’informations en temps réel et de renforcement du travail collaboratif en réseau ;

– les techniques de protection des plateformes, avec des progrès significatifs en matière de furtivité (grâce à la réduction des signatures électromagnétiques), de nouveaux matériaux, et de protection actives (grâce à l’emploi de contre-mesures électroniques pour échapper aux capteurs des armes guidées, voire pour les dévier ou les détruire) ;

– les technologies spatiales, qui ont connu des avancées significatives en matière de télécommunications, de renseignement d’origine image (ROIM) ou d’origine électromagnétique (ROEM).

● Certains programmes d’études en cours semblent pouvoir déboucher sur des technologies dont la possession sera d’une importance primordiale pour notre outil de défense. Le Rapporteur souligne donc l’intérêt qu’il y a à assurer leur financement, malgré les contraintes pesant sur le budget de la défense.

Tel est le cas par exemple du programme Ceres : ce programme ayant déjà pris plusieurs années de retard, tout nouveau report dans son calendrier de réalisation aurait pour conséquence de créer une grave lacune capacitaire en matière de ROEM, car le démonstrateur Elisa, dont Ceres doit prendre le relais, ne sera plus opérationnel après 2016. De même, la rénovation et la modernisation du radar GRAVES (Grand Réseau Adapté à la VEille Spatiale) de détection de satellites évoluant en orbite terrestre basse constituent une nécessité : du fait de la tendance à la réduction du volume des satellites, ce radar risque de perdre une large part de son utilité si sa précision n’est pas accrue. Or, selon le président du CNES, les opérations de modernisation de cet équipement ne sont pas très coûteuses – une trentaine de millions d’euros – au regard de son importance dans notre dispositif de connaissance et d’anticipation ; il importe donc que ce financement soit prévu par la prochaine loi de programmation militaire.

Par ailleurs, puisque la France a fait le choix de reprendre au sein de l’OTAN une place de droit commun, et d’entériner le « nouveau concept stratégique » de l’Alliance lors du sommet de Lisbonne en novembre 2010, elle participera au système de défense antimissile balistique (DAMB, dit aussi « bouclier antimissile ») de l’OTAN. Or, les États-Unis apportant l’architecture de base de ce système, l’essentiel des contributions industrielles sont aujourd’hui américaines. Dès lors, la contribution capacitaire des Européens peut se faire soit en espèces, soit en nature, et dans ce dernier cas, par achat de matériels américains ou par développement de matériels européens. Cette troisième hypothèse est la seule à offrir un potentiel conséquent de développement pour la BITD européenne : le Rapporteur juge donc indispensable de développer des programmes français de détection et d’alerte rapide depuis l’espace ou depuis le sol.

En outre, comme le Rapporteur l’a indiqué plus haut, il faut donner (enfin) à notre stratégie de développement des drones un cap clair, et s’y tenir. De ce point de vue, il est primordial que le programme Telemos de drone MALE de troisième génération, mené en coopération avec le Royaume-Uni, ne fasse pas l’objet de reports calendaires au prétexte que l’on aura acquis sur étagère des drones de deuxième génération. S’agissant des programmes menant au développement d’avions de combat inhabités (ou Unmanned Combat Air Vehicle, UCAV), deux principaux projets sont aujourd’hui menés en parallèle : d’une part, le NEURON développé par Dassault pour une mise en service possible dans cinq ans et, d’autre part, le programme d’UCAV lancé dans le cadre des accords de Lancaster House pour une mise en service à l’horizon 2025. Le Rapporteur s’interroge sur l’opportunité d’un développement parallèle de deux équipements concurrents ; comme le notent les sénateurs dans leur rapport précité, « l’Europe ne peut plus se payer le luxe de recommencer les erreurs du combat fratricide Eurofighter / Rafale ». Une politique cohérente doit être établie, qu’il s’agisse de privilégier un des projets ou de faire converger les deux.

De même, le Rapporteur estime que la France devrait continuer à investir dans les systèmes de calcul à haute performance. L’excellence des chercheurs français en mathématiques a conféré à notre pays un avantage compétitif certain en la matière, et le soutien de l’État a permis de relancer dans le courant des années 2000 la R&T de Bull, dont les supercalculateurs ont atteint un niveau de performance qui les place à un niveau d’excellence mondialement reconnu. Or ces équipements sont indispensables au développement de nouvelles technologies de défense, notamment en matière de dissuasion. Il convient donc de poursuivre l’effort de R&T en la matière.

Surtout, il semble au Rapporteur que si le Livre blanc de 2008 a pu être vu comme celui de la réponse à la menace terroriste, le Livre blanc de 2012 doit être celui de la prise en compte de la cyberdéfense. Comme l’a dit M. François Heisbourg lors de son audition, le futur Livre blanc doit établir clairement le principe suivant lequel le cyber-espace constitue un enjeu de défense à part entière. Les travaux qu’il a menés donnent au Rapporteur le sentiment que les Français ont mis trop de temps à prendre conscience de l’enjeu majeur de défense que constitue la sécurité des systèmes informatiques – qu’ils soient ou non connectés à internet. Un effort vigoureux doit être consenti afin de rattraper notre retard.

Mettre l’accent sur la cyberdéfense est d’ailleurs d’autant plus important qu’en la matière, les menaces sont susceptibles de provenir d’un grand nombre d’acteurs, du fait de la baisse tendancielle du niveau technologique des barrières d’entrée dans le secteur – ce que M. François Heisbourg illustre en évoquant la « loi de Moore » (cf. supra). Outre que ce Livre blanc et la loi de programmation militaire qui en déclinera les orientations devront planifier le développement des technologies de rupture en matière informatique évoquées précédemment, ils devront aussi consolider nos outils existants en la matière.

La création en 2009 de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), rattachée au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), a permis de substantielles avancées (cf. encadré ci-après) ; les représentants de la DGA ont d’ailleurs fait valoir au Rapporteur que les crédits alloués à ce secteur devraient connaître une croissance forte, passant de 12 millions d’euros en 2012 à 30 millions d’euros en 2014. Toutefois, cet investissement reste très inférieur à celui que consent le Royaume-Uni, qui a prévu de dépenser 670 millions de livres sur quatre ans dans ce domaine – et ce, au sein d’un budget de la défense en forte réduction. Le Rapporteur estime en outre que des synergies pourraient utilement être exploitées entre l’ANSSI et l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), établissement public de recherche appliquée en sciences informatiques et en mathématiques : si la première devrait voir son effectif monter à 350 personnes fin 2013, le second compte déjà 4 200 chercheurs.

Le Rapporteur souligne également l’importance de mener à son terme notre projet Andromède de « cloud souverain » – c’est-à-dire de dispositif français sécurisé de stockage et de gestion de données sur internet (cf. l’annexe n° 2).

L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI)

L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) est un service à compétence nationale rattaché au Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), autorité chargée d’assister le Premier ministre dans l’exercice de ses responsabilités en matière de défense et de sécurité nationale.

Sa création par le décret n° 2009-834 du 7 juillet 2009 est l’une des suites données aux recommandations du Livre blanc de 2008, qui invitait l’État à se doter d’une capacité de prévention et de réaction aux attaques informatiques, et à en faire une priorité majeure de son dispositif de sécurité nationale, en particulier dans le domaine de la défense des systèmes d’information. Dans le domaine de la prévention, il proposait un recours accru à des produits et à des réseaux de haut niveau de sécurité, et la mise en place d’un réservoir de compétences au profit des administrations et des opérateurs d’infrastructures vitales.

L’ANSSI a été créée pour mettre en place et développer ces capacités. Elle est l’autorité nationale en matière de sécurité et de défense des systèmes d’information. Elle a pour principales missions d’assurer la sécurité des systèmes d’information de l’État et de veiller à celle des « opérateurs nationaux d’importance vitale », de détecter précocement les attaques informatiques, de coordonner les actions de défense des systèmes d’information, de concevoir et déployer les réseaux sécurisés répondant aux besoins des plus hautes autorités de l’État et aux besoins interministériels, et de créer les conditions d’un environnement de confiance et de sécurité propice au développement de la société de l’information.

Source : Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information

● Sans prétendre à l’exhaustivité, le Rapporteur a le sentiment que les domaines de recherche suivants peuvent, à plus long terme, ouvrir la voie à des ruptures technologiques nécessaires à l’adaptation de notre outil de défense :

– les nanotechnologies et les nanosciences, que le rapport précité du Sénat présente comme le « socle du processus de convergence » de toutes les technologies de défense, susceptible de déboucher sur des avancées significatives dans l’industrie civile ainsi que sur « des écarts capacitaires significatifs pour les moyens de défense » dans la mesure où elles permettent de miniaturiser les outils existants, de réduire leur coût et de permettre « la dissémination sur le terrain de fonctions intelligentes ». Le Rapporteur souligne aussi qu’associées aux recherches portant sur les nouveaux matériaux, ces technologies peuvent avoir des applications militaires intéressantes, par exemple en renforçant la résistance des équipements aux balles, ou leur furtivité ;

– les biotechnologies, qui, comme le soulignait déjà le Rapporteur dans un rapport fait en 2005 au nom de l’OPECST (18), offrent face au risque bioterroriste des possibilités de détection rapide d’agents pathogènes, de diagnostic des infections, voire, à terme, de traitement de celles-ci. Ce rapport de 2005 mettait en lumière les retards pris par la France en la matière. Or, entre-temps, les progrès de la biologie moléculaire n’ont rendu que plus aisé le détournement des techniques scientifiques à des fins terroristes : cette menace, dont certains doutaient en 2005, ne doit pas être négligée. S’y préparer suppose notamment de se doter de moyens de détection rapide des risques ;

– les lasers, dont M. Daniel Verwaerde a estimé devant le Rapporteur qu’ils pouvaient ouvrir la voie à une nouvelle physique de la matière, avec diverses applications militaires envisageables, par exemple pour développer des armes à effets dirigés. Les lasers accordables – c’est-à-dire ceux dont on pourra maîtriser la fréquence – ouvrent notamment la voie à des applications militaires variées dans le domaine de l’observation ;

– les sciences cognitives et les systèmes de traitement de l’information, qui permettent d’enrichir et d’automatiser l’analyse d’informations recueillies par des moyens d’observation. L’état-major des armées souligne l’intérêt que présentent pour nos forces les technologies dites de « réalité virtuelle » – qui permettent de reconstituer en trois dimensions un théâtre d’opération – ainsi que les technologies de positionnement (aujourd’hui par GPS) des forces alliées et ennemies (ou « Blue and Red Force Tracking »). Lors de sa visite des laboratoires de Thalès à Palaiseau, le Rapporteur a pu constater les progrès faits dans le développement de tels systèmes ;

– la robotique et l’automatisation des fonctions, qui pourront permettre de développer des vecteurs (« capteurs » comme « effecteurs ») évitant d’exposer des soldats à des situations de danger. Pour l’état-major des armées, des recherches dans ce domaine pourraient permettre de développer des robots d’appui aux missions dites « 3D » (pour dirty, dull and dangerous : missions en milieu contaminé, missions de routine et missions dangereuses), ou des drones d’observation, des avions de combat et des chars non habités ;

– les nouvelles sources d’énergie : la recherche sur les énergies renouvelables et les accumulateurs d’électricité pourrait permettre de développer des technologies facilitant les mouvements des fantassins, notamment pour éviter que le poids d’un équipement de type Félin (19), aujourd’hui assez handicapant, ne limite leurs mouvements ou ne ralentisse leur rythme d’avancée. Elle pourrait aussi connaître des applications en matière aéronautique et aérospatiale, en offrant une plus grande autonomie aux équipements ;

– les techniques de propulsion, qui peuvent augmenter la vitesse des missiles. Selon M. Denis Maugars, président-directeur général de l’ONERA, il est envisageable aujourd’hui de propulser un missile à Mach 7 ou Mach 8 (soit 9 878,4 km/h) ;

– les technologies de cyberdéfense. Pour le Rapporteur, les systèmes d’information constituent un enjeu de défense de premier plan. En quelque sorte, il s’agit de passer de la cybersécurité à la cyberdéfense : une véritable politique de cyberdéfense suppose non seulement un renforcement des mesures de protection de nos données – le Rapporteur note, à ce propos, que tant le CEA que le CNES reconnaissent avoir fait l’objet de nombreuses tentatives de piratage informatique –, mais aussi un développement des moyens offensifs de guerre électronique. De ce point de vue, il est souhaitable que la France se dote rapidement d’un laboratoire de haute sécurité dédié à la cyberdéfense, en lien avec le laboratoire créé à Nancy par l’INRIA ;

– les nouveaux matériaux, qui ouvrent des voies intéressantes, notamment, pour la réalisation de munitions pénétrantes, la protection du combattant et des engins légers (avec par exemple des armures liquides), ainsi que pour la furtivité électromagnétique, optique et acoustique ;

– les nouvelles technologies de détection active pour l’observation au travers d’obstacles (notamment pour le combat en milieu urbain) et l’identification des substances au travers des parois ou des vêtements ;

– avec les progrès rapides de l’imagerie hyperspectrale, les usages militaires de l’optronique pourraient connaître des progrès significatifs, qui pourraient permettre de ne plus avoir à mettre en œuvre un dispositif de refroidissement sur les capteurs infrarouges.

4. Maintenir un effort financier soutenu

Avec la publication d’un nouveau Livre blanc et la discussion d’une nouvelle loi de programmation militaire, les années 2012 et 2013 pourraient voir une inflexion significative dans l’orientation de notre politique de défense. Le Rapporteur considère que les questions technologiques devront tenir une place de premier rang dans les réflexions stratégiques qui précéderont la publication de ces documents.

À cette fin, il juge souhaitable que ces instruments structurants de notre politique de défense à moyen terme fixent des objectifs quantifiés d’investissement dans les études amont et, plus largement, dans la R&T de défense. Comme M. François Heisbourg l’a souligné devant le Rapporteur, il faut également veiller à ce que les intentions formulées par le Livre blanc en la matière ne soient pas revues à la baisse dans la loi de programmation militaire.

Si le redressement de l’enveloppe des études amont proposé par le présent projet de loi est bienvenu, le montant ainsi atteint n’en constitue pas moins un niveau d’investissement minimal pour une puissance qui, comme la France, a pour ambition de maintenir son rang technologique afin de continuer à exercer sa souveraineté de façon indépendante.

C’est pourquoi le Rapporteur recommande que le prochain Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, ainsi que la prochaine loi de programmation militaire, fixent comme principe que les dépenses en matière d’études amont soient portées à un niveau équivalent à 5 % au moins des dépenses d’équipement.

*

* *

Le Rapporteur tire ainsi de ses travaux sur notre système de R&T de défense trois séries de conclusions :

– la gouvernance de ce système doit être à la fois plus robuste et plus transparente. Plus robuste, parce que l’État doit se fixer un cap stratégique clair et s’y tenir, sans sacrifier la préparation des armes de demain aux difficultés budgétaires d’aujourd’hui. Plus transparente, parce qu’un contrôle parlementaire de notre R&T de défense mieux organisé aurait peut-être permis d’éviter les vicissitudes qui marquent la gestion de certains projets, par exemple en matière de drones ;

– pour consolider nos infrastructures de R&T de défense, nous devons mener une politique volontariste visant à constituer un véritable « écosystème de recherche » qui associe le monde académique, les administrations, les organismes de recherche publics, les « grands » groupes industriels ainsi que les PME. Plusieurs outils existants peuvent être mobilisés au service d’une telle politique – comme les pôles de compétitivité ou les IRT –, mais des outils nouveaux sont également nécessaires : le Rapporteur plaide notamment en faveur d’un Small Business Act à la française et d’un soutien spécifique au titre des programmes d’investissement d’avenir ;

– dans l’orientation des domaines de R&T à soutenir, il faut à la fois couvrir un large champ de technologies prometteuses – susceptibles de permettre des découvertes et donc de véritables ruptures technologiques –, et consentir un effort suffisant dans les champs déjà identifiés mais dans lesquels il faut éviter que ne se creusent des retards technologiques ; s’il ne fallait citer qu’un seul domaine à ce titre, le Rapporteur insisterait sur l’idée que le prochain Livre blanc doit être celui de qui nous fera passer de la cybersécurité à la cyberdéfense.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MICHEL MIRAILLET, DIRECTEUR CHARGÉ DES AFFAIRES STRATÉGIQUES DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques du ministère de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2013 (n° 235), au cours de sa réunion du mardi 23 octobre 2012.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous recevons aujourd’hui M. Michel Miraillet, directeur chargé de la Délégation aux affaires stratégiques (DAS) du ministère de la défense, et à ce titre, responsable du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », qui comprend notamment les crédits du renseignement et de la recherche. Les questions dont il a la charge occupent une bonne place dans les discussions en cours au sein de la commission chargée de l’élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques du ministère de la défense. C’est pour moi la sixième occasion de rendre compte de la situation du programme 144, qui supporte l’essentiel de la fonction stratégique « connaissance et anticipation », mise en avant par le Livre blanc sur la défense de 2008. Il s’agit d’un programme à part au sein du ministère : non seulement c’est le plus petit, mais, bien qu’il recouvre les crédits des études amont de la Direction générale de l’armement (DGA) et ceux de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), son responsable n’a pas d’autorité organique sur ces institutions.

En fait, je joue un rôle de tiers facilitateur entre les différents responsables de budgets opérationnels de programme (BOP). Cette fonction n’exclut toutefois, pas une participation pleine et entière aux processus de réforme ministérielle. C’est ainsi que les dernières années ont vu la réforme de la diplomatie de défense et que nous poursuivons, en liaison avec la DGA, l’effort pour diminuer le report de charge sur les études amont, maintenu cette année en deçà même de ce que nous avions programmé. Nous accompagnons en outre la montée en puissance de la DGSE, en facilitant ses opérations d’investissement grâce à la souplesse de gestion de l’ensemble du programme. Par exemple, si son directeur a besoin d’une avance de 30 millions d’euros, je peux la lui fournir en prélevant la somme sur une autre masse financière. Cette souplesse, autorisée par la loi organique sur les lois de finances, permet à chaque responsable de budget opérationnel d’atteindre ses objectifs particuliers.

Enfin, dans le même esprit, l’année 2012 a été marquée par la participation active du programme à l’effort de rationalisation de la tutelle sur nos cinq opérateurs, effort que le dernier rapport de l’Inspection générale des finances sur le sujet nous incite à poursuivre.

Le programme 144 recouvre un effectif de près de 8 800 personnes, réparties dans l’ensemble du ministère, entre l’état-major des armées (EMA), la DGA, le réseau des postes permanents à l’étranger et les services de renseignement – du moins la DGSE et la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) –, la Direction du renseignement militaire (DRM) demeurant, elle, au sein du programme 178, ce dont on peut d’ailleurs s’étonner.

Le programme 144 représente environ 1 910 millions d’euros, soit environ 5 % des crédits de paiement de la loi de finances initiale pour 2013 au titre de la mission « Défense », et une part notable des efforts consentis au profit de la recherche en matière de défense.

J’évoquerai d’abord la gestion du budget pour 2012. S’agissant des effectifs, les cibles de gestion fixées à l’ensemble du programme sont respectées en volume, de même que leur déclinaison au niveau de chacun des quatre budgets opérationnels de programme. Ainsi, pour une cible en effectif moyen réalisé prévisionnel (EMRP) de 8 697 équivalents temps plein travaillé (ETPT), le niveau d’occupation des emplois s’élevait à la fin de juillet à 8 680 ETPT. Certains employeurs du programme dépassent néanmoins les limites assignées, mais dans de faibles proportions et surtout en matière d’emploi de cadres civils. L’augmentation du nombre d’agents civils de catégorie A, techniques et administratifs, reste en effet, en 2012, la marque du programme. Cette priorité se concrétisera par une croissance de 5,6 % des emplois destinés aux personnels de ce niveau.

Ce renforcement des moyens concerne plus particulièrement les deux services de renseignements, la DPSD et la DGSE, qui accompagnent ainsi la modernisation de la conduite de leurs missions et leurs ambitions en termes d’amélioration de la productivité. De façon plus crue, il s’agit notamment de remplacer, au sein de la DPSD, des sous-officiers par des officiers brevetés, au moment où la réforme du contrôle de l’exportation d’armements va conduire à exiger plus de réactivité de la part de l’ancienne Sécurité militaire.

S’agissant des deux autres budgets opérationnels de programme, ceux de l’EMA et de la DGA, le maintien, voire le léger développement prévisionnel de l’encadrement supérieur civil atteste de l’effort général réalisé en faveur des secteurs à fort enjeu pour l’avenir – les études amont pour le BOP « DGA » et la pérennisation de la diplomatie militaire bilatérale.

Sur le plan budgétaire, et après les efforts de contrôle des coûts de personnel conduits par les quatre employeurs du programme, la dépense en masse salariale tend à être contenue. Toutefois, certains éléments empêchent d’acquérir une visibilité complète de la consommation, sur l’année, des crédits de rémunération. On peut citer la réalisation effective des économies catégorielles décidées par le ministère à l’été dernier ; le rétablissement complet au profit du BOP « DGA » du programme des crédits correspondant aux avances faites à ses écoles ; l’apurement sur l’actuel exercice 2012 des erreurs d’imputation de dépenses faites au détriment du programme.

Le déficit d’environ 2 % de la ressource initiale, sur lequel le programme établit ses prévisions pour l’année 2012, peut cependant être considéré comme une hypothèse probable. Nous mettons en œuvre les mesures nécessaires pour en limiter le niveau.

S’agissant des autres titres, le programme devrait engager cette année environ 1 331 millions d’euros et payer 1 266 millions d’euros, hors consommation de la réserve qui représente à ce jour 69,66 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 62,82 millions d’euros de crédits de paiement.

Comme les années précédentes, s’agissant des paiements, l’enjeu de la fin de gestion 2012 réside dans la levée de la réserve organique et dans l’autorisation donnée ou non de consommer les reports de crédits 2011 afin de limiter le report de charges à la fin de l’année. Une levée de la réserve complète associée à une autorisation de consommer les reports donnerait une capacité de paiement de quelque 1 401 millions d’euros.

Le programme 144 va par ailleurs disposer des ressources du compte d’affectation spéciale « Fréquences », pour un montant de 50 millions d’euros. Elles sont, comme vous le savez, affectées aux études amont.

Il convient de souligner que la non-levée de la réserve de précaution aurait des incidences sur la soutenabilité de ces études, dont les paiements s’échelonnent tout au long de l’année, affectant ainsi l’objectif de stabilisation de leur périmètre budgétaire à hauteur de 700 millions d’euros par an.

Quoi qu’il en soit, le programme prend à son niveau les mesures nécessaires et mobilise tous les acteurs concernés afin de consommer la totalité de la ressource, se fixant pour objectif de contenir le montant des reports de crédits pour 2013 dans les limites autorisées par la loi organique.

J’en viens maintenant au projet de loi de finances pour 2013. Le détail des demandes de crédits exprimées par le programme 144 figure dans le programme annuel de performance (PAP) qui vient d’être déposé sur le bureau des assemblées. Je vous présenterai la synthèse des points les plus marquants du prochain exercice.

Pour le titre 2, le programme 144 a pour perspective, en 2013 comme cette année, une croissance en effectifs comme en ressource budgétaire, et reste à cet égard une originalité au sein du ministère de la défense.

Pour les effectifs, le schéma d’emplois du plafond ministériel d’emplois autorisés (PMEA) présente en 2013 une variation à la hausse de 60 ETPT, après avoir bénéficié d’une augmentation de 88 ETPT en 2012.

Cette croissance est la conséquence du solde positif des créations et des économies d’emplois dans la composante « renseignement », mais aussi de la stabilisation des périmètres des BOP « EMA » et « DGA », les mesures de déflation étant compensées par les transferts d’emplois entrants dont bénéficient ces deux entités.

Par ailleurs, la politique de ressources humaines mise en œuvre l’année prochaine au niveau du programme ne subit pas d’inflexion majeure sur le plan qualitatif. Elle reste prioritairement axée, d’une part, sur l’ouverture des emplois d’encadrement et de haute technicité – pour les militaires comme pour les civils – requis par les besoins fonctionnels des quatre BOP et, d’autre part, sur la préservation d’un rapport de deux tiers à un tiers entre civils et militaires.

En conséquence de ce développement des effectifs, qualitatif et quantitatif, la dotation en masse salariale croît de manière substantielle. Le socle financier passe d’une dotation de 597 millions d’euros à 633 millions d’euros, soit une augmentation de 6,07 %. Cette variation à la hausse de 36 millions d’euros recouvre en particulier les crédits correspondant aux 600 créations de postes en faveur des services de renseignement prévues par le Livre blanc de 2008 – un effort non négligeable dans le contexte actuel.

Examinées au niveau de chacun des budgets opérationnels de programme, les enveloppes de rémunération évoluent différemment. Elles s’inscrivent cependant en cohérence avec le reformatage physique, à la hausse ou à la baisse, qui les concernera en 2013.

Pour les autres titres, la nomenclature du programme 144 est simplifiée sans que son périmètre varie pour autant. Il se compose dorénavant de trois actions : l’action 3, « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France », dont le périmètre est inchangé ; l’action 7, « Prospective de défense » ; et l’action 8, « Diplomatie de défense ».

L’action 7 regroupe trois anciennes actions : « Analyse stratégique, Prospective des systèmes de force » et « Maintien des capacités technologiques et industrielles », elle-même divisée en deux sous-actions, la sous-action 73, « Études amont », et la sous-action 74, « Soutien et subvention ».

Hors titre 2, les crédits du programme connaissent une augmentation, à périmètre identique, de 2,72 % en autorisations d’engagement (AE) et de 6,17 % en crédits de paiement (CP). Cette tendance est la conséquence du maintien à un niveau élevé des études amont menées sous l’égide de la DGA. Les crédits consacrés à ces dernières augmentent de 11,65 % en CP pour atteindre un montant de 706,8 millions d’euros.

Les crédits de l’action 3 ne connaissent quant à eux qu’une augmentation de 1,2 % en CP. Le titre 2 de la DGSE augmente donc sans entraîner de hausse proportionnelle des crédits hors titre 2. C’est dire les efforts accomplis pour rechercher des économies de structure.

Enfin, l’action 8, « Diplomatie de défense », voit augmenter le soutien aux exportations de 5,17 % en CP, notamment à cause de l’organisation en 2013 du salon du Bourget. Le budget de la diplomatie de défense poursuit sa décroissance, due à la réorganisation des postes permanents à l’étranger. Il s’élève à 36,78 millions d’euros en CP, soit 3,18 % de moins qu’en 2012, l’accroissement optique apparaissant dans le PAP résultant d’opérations de gestion.

Je vais maintenant vous présenter l’évolution de chacune des actions du programme.

L’action 3, « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France », voit donc son budget augmenter de 1,2 % en CP pour atteindre 226 millions d’euros de crédits de paiement, qui se répartissent en 214 millions d’euros pour la DGSE et 12 millions d’euros pour la DPSD.

Pour ce qui concerne la sous-action 31 intéressant la DGSE, les 84 millions d’euros de crédits de paiement du titre 5 serviront, d’une part, à l’acquisition de matériels opérationnels dédiés au traitement et à l’exploitation du renseignement obtenu, ainsi qu’au soutien, au support et à la logistique des opérations et, d’autre part, à la construction, à la modernisation et à l’adaptation des locaux abritant les matériels techniques de recueil et de traitement de l’information.

Conformément aux décisions gouvernementales, la DGSE a poursuivi la rationalisation de ses dépenses de fonctionnement, ce qui se traduit par la baisse des dotations concernées. Cette diminution est toutefois atténuée par l’augmentation des effectifs qui, mécaniquement, entraîne celle des dépenses de fonctionnement – surfaces d’accueil, entretien, formation, recrutement. Le recentrage des fonds spéciaux sur leur usage spécifique se poursuit.

Les moyens alloués à la DPSD, retracés dans la sous-action 32, restent stables, l’augmentation étant limitée à 0,42 %. Cette stabilité traduit également la volonté de procéder à des économies de fonctionnement.

Les crédits d’investissement de la DPSD s’élèveront en 2013 à 2,25 millions d’euros afin de maintenir la performance du système d’information et de sécurité à un haut niveau et de former spécifiquement le personnel aux métiers de cette direction.

L’action 7, « Prospective de défense », la plus importante en volume du programme 144, comprend quatre sous-actions. La sous-action 71 rassemble les crédits consacrés par le ministère de la Défense à l’analyse stratégique : 5,11 millions d’euros en crédits de paiement et 8,11 millions en autorisations d’engagement. Les augmentations seront donc, respectivement, de 4 % et de plus de 50 %, cette dernière s’expliquant par le souci de nouer des partenariats de long terme avec les acteurs de la recherche stratégique, sous la forme par exemple de contrats pluriannuels.

Les subventions aux publications stratégiques sont destinées à renforcer la visibilité de la pensée stratégique française. La délégation aux affaires stratégiques (DAS) assure la diffusion des études prospectives et stratégiques, à travers des conventions de publication avec des éditeurs européens pour des publications anglophones ou francophones, ou à travers des actions venant au soutien des positions françaises – organisation d’événements informels et d’échanges de vues ou participation à des rencontres où la présence de représentants français apparaît souhaitable, etc.

Le programme 144 assure également le financement des programmes « Personnalités d’avenir défense » et « Post-doctorats », pour un montant total de 150 000 euros.

Le premier a pour objectif de sensibiliser de futures élites étrangères aux positions françaises en matière de sécurité et de défense et de créer des contacts entre ces jeunes cadres et les correspondants français partageant les mêmes centres d’intérêt. Ces personnalités sont accueillies en petites délégations ou individuellement pour un séjour d’étude d’une durée d’une semaine. Le programme prend en charge toutes les dépenses afférentes à ce séjour.

Quant au programme « Financement des post-doctorats », il vise à favoriser l’émergence, au sein de la communauté universitaire, de pôles d’excellence en identifiant et en soutenant chaque année une dizaine de jeunes chercheurs dont la qualité et les thèmes de recherche présentent un intérêt manifeste pour notre sécurité et pour notre défense.

La sous-action 72, « Prospective des systèmes de force », regroupe les crédits consacrés aux études opérationnelles et technico-opérationnelles (EOTO) qu’il est prévu d’engager en 2013, conformément aux orientations qui ressortent du plan prospectif à trente ans. Ces études, pilotées par l’état-major des armées, visent à consolider les concepts, l’expression des besoins militaires, la préparation des opérations d’armement et les doctrines d’emploi liées à la mise en œuvre des équipements ; elles évaluent le potentiel opérationnel, actuel et futur, de nouvelles technologies.

Le budget 2013 des EOTO, d’un montant de 24,6 millions d’euros, est stable par rapport à celui voté en loi de finances pour 2012. Le recentrage sur les études de plus grande ampleur et la recherche corrélative d’une réduction des « micro-études » restent au rang des objectifs d’efficience visés par le programme.

La sous-action 73 regroupe les crédits consacrés aux études amont qui sont conduites par la Direction générale de l’armement (DGA), en coopération étroite avec l’état-major des armées. Ces études représenteront en 2013 54,4 % des autorisations d’engagement du programme 144, hors titre 2, et 55,4 % des crédits de paiement, soit respectivement 736 millions d’euros en AE et 706 millions d’euros en CP. C’est dire leur importance dans le programme dont j’ai la responsabilité.

Rappelons que ces études sont des recherches et des études appliquées, de nature technique, rattachées à un besoin opérationnel prévisible ; elles sont définies comme un ensemble de travaux qui contribuent à maîtriser la base industrielle et technologique de défense et de sécurité et la base étatique nécessaire à la réalisation des opérations d’acquisition ou de maintien à niveau d’équipements, notamment par la levée de risques préalablement à leur lancement.

En 2013, les crédits prévus pour les études amont sont stables en ce qui concerne les autorisations d’engagement et en nette augmentation pour ce qui est des crédits de paiement puisque ceux-ci progressent de près de 12 %. Cela situe l’importance accordée à ces études dans une période de forte contrainte budgétaire.

Dans le projet annuel de performances, ces crédits sont divisés en deux opérations stratégiques : d’une part, la prospective et la préparation de l’avenir, pour un montant de 491 millions d’euros d’AE et de 515 millions d’euros de CP, et, d’autre part, la dissuasion, pour un montant de 245 millions d’euros d’AE et de 191 millions d’euros de CP.

Au total, l’enveloppe disponible se stabilise autour de 700 millions d’euros, ce qui traduit une remontée de ces crédits depuis le début des années 2000, date à laquelle les crédits d’études amont avaient atteint leur plus bas niveau – environ 400 millions d’euros de crédits de paiement. L’objectif fixé par la loi de programmation militaire était d’éviter un décrochage technologique vis-à-vis de nos principaux partenaires.

À partir de 2004-2005, la forte croissance de l’engagement des autorisations d’engagement a entraîné de lourds reports de charges, les crédits de paiement n’ayant pas suivi au même rythme. Durant ces dernières années, le responsable du programme, en liaison avec la DGA et la Direction des affaires financières, s’est efforcé de limiter ce report d’un exercice sur l’autre pour améliorer l’exécution des paiements et renforcer l’effet multiplicateur des crédits dévolus aux études amont. Pour l’année 2012, un plafond de 90 millions d’euros de reports avait été fixé. Les reports devraient finalement être limités à quelque 85 millions d’euros. Ce résultat a été obtenu par un « refroidissement » progressif des engagements, qui permet un meilleur pilotage de ce budget.

Dans le domaine des ressources, il faut noter que les recettes issues du compte d’affectation spéciale « Fréquences » – soit, en 2013, environ 45 millions d’euros – sont affectées aux études amont.

Je rappellerai pour finir sur ce point que les études amont sont incluses dans un agrégat plus large appelé « Recherche et développement », comprenant notamment la recherche duale portée par le programme 191 « Recherche duale » de la mission « Recherche » ainsi que la recherche menée par le CEA au titre du programme 146 « Équipement des forces ».

La sous-action 74 est complémentaire de la précédente car elle rassemble les crédits consacrés aux subventions à des opérateurs qui participent eux aussi à l’effort de recherche de défense : il s’agit des écoles de la DGA, de l’École polytechnique, de l’École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA), de l’École nationale supérieure des ingénieurs des études et techniques d’armement (ENSIETA), de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE), ainsi que de la part « défense » de la subvention de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) et de la subvention à l’Institut Saint Louis.

Les sous-actions 73 et 74 forment d’ailleurs l’agrégat « Recherche et technologie », qui représente environ 2 % du budget de la défense français. À titre de comparaison, les Britanniques y consacrent environ 1,5 % de leur budget, les Allemands un peu plus d’1 %. Quant aux États-Unis, en 2010, ils dépensaient pour cet agrégat 10,1 milliards d’euros, contre 0,82 milliard d’euros en France.

Pour les subventions versées aux opérateurs de l’État relevant du programme, les crédits sont stables par rapport à 2012, soit un montant d’environ 270 millions d’euros. Comme je le rappelais en préambule, nous accentuons notre effort pour rationaliser la tutelle de ces opérateurs, en liaison avec les autres programmes de la mission « Défense ». Nous sommes conscients des efforts à consentir pour que ces opérateurs participent pleinement aux efforts de maîtrise financière accomplis par l’État – y compris l’École polytechnique, qui a parfois du mal à l’accepter, au point de faire intervenir ses anciens élèves pour tenter de faire revenir le chef du programme sur ses décisions…

L’action 8, « Relations internationales », regroupe les crédits consacrés au soutien aux exportations d’armements et à la diplomatie de défense. En crédits de paiement, cette action est en recul de près de 2 %. Elle représente 43,7 millions d’euros.

La sous-action 81, relative au soutien aux exportations, enregistre une augmentation de plus de 5 %, hors titre 2, pour s’établir à 6,9 millions d’euros environ. Cette augmentation est essentiellement provoquée, comme je l’ai dit, par la tenue en 2013 du salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget – de beaucoup plus onéreux que les salons Eurosatory et Euronaval. Cependant, par rapport à 2011, dernière année où s’est tenu ce salon, l’économie est de 200 000 euros.

La sous-action 82 « Diplomatie de défense » est, pour sa part, en repli de près de 3 % grâce à la poursuite de la réorganisation du réseau. Ses dépenses s’établiront en 2013 à 36,8 millions d’euros.

Les 30,29 millions d’euros de crédits d’intervention relevant de la diplomatie de défense comprennent les versements au titre du Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes, dit PMG 8 et la contribution à la République de Djibouti. Par convention signée le 16 mars 2009, l’État a en effet délégué au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) la mission de gérer les actions de coopération bilatérales et multilatérales entreprises dans le cadre du PMG8, adopté lors du sommet de Kananaskis de juin 2002, ainsi que les fonds versés à cette fin. En mai 2011, le sommet du G8 de Deauville a décidé de prolonger ce partenariat au-delà de 2012. La part des crédits relevant du ministère de la défense et des anciens combattants s’élève à 5 742 000 euros.

La France est par ailleurs redevable d’une contribution annuelle forfaitaire de 30 millions d’euros au gouvernement de la République de Djibouti, en compensation de l’implantation des forces françaises sur son territoire. Cette contribution relève de la convention bilatérale du 3 août 2003, dont les dispositions financières ont été confirmées dans le nouveau traité de coopération en matière de défense, signé le 21 décembre 2011 entre la France et Djibouti, et qui entrera en vigueur à l’issue de sa double ratification. Sur ces 30 millions d’euros, 24,55 millions d’euros relèvent en 2013 du programme 144.

Pour conclure cette intervention, je me permettrai de signaler trois aspects, que je considère comme positifs, du pilotage du programme 144 par la Délégation aux affaires stratégiques (DAS) et son équipe de six personnes – à comparer aux 32 personnes qui gèrent les quelque 3 milliards d’euros du programme 212 « Soutien de la politique de défense ».

Tout d’abord, la coordination a été renforcée entre tous les acteurs de la fonction « prospective », comme le demandait le Livre blanc de 2008.

Ensuite, ce programme, concentré autour d’une seule priorité, permet de sanctuariser des crédits – comme ceux de la DGSE ou des études amont –, alors que dans un programme regroupant plusieurs priorités, le risque est d’être conduit à prélever des crédits sur une action au détriment d’une autre.

Enfin, le programme permet d’articuler entre elles les différentes études menées au sein du ministère de la Défense. C’est parce que nous connaissons notre environnement international et que nous bénéficions des informations transmises par les utilisateurs de nos capacités militaires que nous sommes à même de programmer au mieux les études amont, qui débouchent elles-mêmes sur les programmes d’armement.

Mme la présidente Patricia Adam. Serait-il possible d’obtenir la liste des études que vous financez en partie ou en totalité ?

M. Michel Miraillet. Elle est d’ores et déjà disponible sur le site Internet de la DAS, à l’exception des études classées « confidentiel défense » ou « secret défense ».

Les autres études sont publiques. Depuis six ans, je me suis attaché au principe de suppression des subventions au profit du recours généralisé aux appels d’offres ou – pour les études d’un montant inférieur à 4 000 euros – des marchés de gré à gré. Les bénéficiaires principaux sont un nombre limité d’institutions, ce qui correspond au paysage de la recherche stratégique française : il s’agit pour l’essentiel de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), du Centre d’études et de recherches internationales (CERI) et, dans une moindre mesure, de l’Institut français des relations internationales (IFRI).

M. Christophe Guilloteau. Le « cyber » relève-t-il de vos compétences ? Si tel est le cas, quelles dispositions sont prises pour circonscrire le danger ?

Les éventuelles dépenses liées aux accords de défense conclus avec d’autres pays que Djibouti relèvent-elles également du budget de la Délégation aux affaires stratégiques (DAS) ?

M. Michel Miraillet. Non, l’accord avec Djibouti est le seul dans ce cas, pour des raisons historiques.

M. Christophe Guilloteau. À cause de l’hôpital d’instruction des armées ?

M. Michel Miraillet. Pas seulement. La contribution est liée à la présence de nos trois armées et, en particulier, à l’utilisation de l’aéroport et du port de Djibouti. Deux facilités où la présence de nos partenaires américains ou européens dans le cadre de la lutte contre la piraterie ont vu s’accroître une certaine concurrence.

Quant au « cyber », il se retrouve partout : il est le thème de certaines études commandées à des instituts, mais est aussi au cœur des activités de la DGA ou de nos services, notamment pour ce qui concerne la sécurisation des systèmes informatiques du ministère de la Défense. Le domaine reste surtout de la compétence de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI), rattachée au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et dirigée par Patrick Pailloux. En termes budgétaires, je n’ai donc affaire à la cyberdéfense que de manière indirecte.

M. Philippe Folliot. Avant tout, je souhaiterais que vous fassiez savoir aux hommes et femmes de l’ombre qui travaillent dans les services de sécurité extérieure que la représentation nationale est consciente du caractère éminemment stratégique de leur action, ainsi que de la difficulté de leurs missions. Nous avons une pensée particulière pour notre agent retenu en Somalie.

Comment a évolué, selon vous, la qualité du recrutement au sein de la DGSE ? Vous pouvez espérer recruter les meilleurs des meilleurs, mais y parvenez-vous toujours ?

Combien de personnes sont accueillies chaque année au titre du programme « personnalités d’avenir » ? Nous savons que les pays anglo-saxons, en particulier les États-Unis, sont passés maîtres dans ce type de relations. Il me paraît important d’encourager les liens entre notre pays et les personnalités francophiles – à défaut d’être francophones.

M. Michel Miraillet. Je suis reconnaissant des propos que vous avez tenus au sujet des personnels des services et je ne manquerai pas de les rapporter à leur directeur général.

À ma connaissance, celui-ci, je crois, se félicite de la qualité de son personnel, dont le recrutement obéit en effet à de fortes exigences, qu’il s’agisse des qualifications ou des garanties de sécurité.

Je le répète, créer 150 emplois à temps plein chaque année pendant quatre ans témoigne, dans les conditions budgétaires actuelles, d’une volonté très forte, et le service en est tout à fait reconnaissant. C’est notamment l’une des raisons pour laquelle la DGSE est aujourd’hui l’un des principaux soutiens de l’intégrité du programme 144. Mais il revient à son responsable de gérer comme il l’entend ses effectifs et sa masse salariale. Ainsi, s’il souhaite recruter un spécialiste de la cyberdéfense, à qui on ne peut proposer un traitement de fonctionnaire ordinaire, il devra sans doute procéder à la fusion de plusieurs ETPT. Mais une telle décision relève de sa seule responsabilité ; pour ma part, je ne fais que mettre des moyens à sa disposition.

M. Philippe Nauche. À propos de la sous-action 71, consacrée aux analyses stratégiques, vous avez évoqué une augmentation de 50 % en autorisations d’engagement, contre 4 % seulement en crédits de paiement. À quoi doit-elle servir ?

S’agissant des études amont, vous avez insisté fortement sur la seule recherche appliquée. Votre programme comporte-t-il également une part de recherche fondamentale ? Avec qui avez-vous noué des partenariats ?

La DGSE a bénéficié d’une augmentation importante de ses effectifs – 600 équivalents temps plein supplémentaires. D’un point de vue quantitatif, ses besoins sont donc satisfaits. Qu’en est-il de ses besoins qualitatifs ? Je me rappelle par exemple qu’il y a quatre ans, d’importants manques avaient été identifiés en termes de maîtrise des langues étrangères. Ces problèmes sont-ils derrière nous ? D’autres sont-ils apparus ?

M. Michel Miraillet. Le directeur général ne m’a rapporté aucune difficulté tenant à la qualité de ses ressources humaines même s’il est sans doute toujours possible de faire mieux en la matière, par exemple en nous assurant la collaboration d’un plus grand nombre de spécialistes de langues rares. Et si le service - mais c’est à lui qu’il vous faut vous adresser - a pu par le passé rencontrer d’éventuels problèmes de recrutement sur telle ou telle qualification, ceux-ci n’ont jamais été insurmontables comme le prouve notamment la qualité du travail effectué par les services en Afghanistan, en Somalie ou en Libye. Ils œuvrent certes dans l’ombre, comme le rappelait M. Folliot, mais ils œuvrent efficacement.

Notre programme d’invitations est un peu à l’image de celui qui est mis en place au sein du ministère des Affaires étrangères. Doté de 150 000 euros, il ne nous permet de faire venir en France une quinzaine de personnes chaque année de toutes origines, de collaborateurs de membres éminents du Congrès des États-Unis, des personnalités de pays membres de l’OTAN, des leaders d’opinion, tous intéressés par les affaires de défense. Nous sommes à même de les accueillir pendant trois ou quatre jours dans de très bonnes conditions et sur la base d’un programme sur mesure. La force de ce programme réside en effet en ce que tout le monde joue le jeu, des cabinets ministériels à la Présidence de la République. Les conseillers de la Présidence, quelle qu’elle ait été, ont d’ailleurs toujours tenu à le perpétuer. Au bout de trois ou quatre ans, nous disposons d’un petit portefeuille d’une soixantaine de personnes dont certaines se sont révélées rapidement, des paris réussis à la faveur d’une formation ultérieure sur des postes de première importance. Bien entendu, cela suppose de maintenir les contacts et requiert à toutes les phases le soutien de nos postes diplomatiques – mais, pour le moment en tout cas, celui-ci nous semble plutôt acquis.

L’augmentation de la dotation de l’action 71 va en grande partie au système Osiris, base de données dédiée à l’étude des relations Sud-Sud, que nous avons mise en place avec la Compagnie européenne d’intelligence stratégique (CEIS). Son accès n’est évidemment pas public mais, si vous êtes intéressés, je serai heureux de vous accueillir pour une démonstration. En partenariat avec la CEIS, la DAS utilise ainsi depuis trois ans un certain nombre de capteurs pour le traitement automatisé de 250 à 300 médias des pays du Sud, ce qui nous permet de disposer de données, d’histogrammes et de référentiels facilitant l’analyse des relations internationales – par exemple entre l’Argentine et l’Inde ou la Chine. Nous parvenons ainsi à définir un certain nombre de tendances lourdes et ces résultats, qui peuvent être très étonnants, constituent autant d’aides à la décision. Les services de renseignements sont évidemment les plus gros consommateurs mais il est tout à fait symptomatique que le ministère des Affaires étrangères s’intéresse désormais de près à cet outil. Le développement de cette base de données coûte assez cher mais l’investissement vaut la peine : nous n’avons pas encore pris toute la mesure de ce que nous pouvons en attendre !

La recherche amont n’a rien à voir avec la recherche fondamentale : elle relève tout entière de la recherche appliquée. Dans le domaine nucléaire, elle porte par exemple sur la pénétration des têtes, sur les matériaux ou sur des améliorations techniques. Le maintien d’une enveloppe de 700 millions exigeant déjà un effort de tous les instants, il est difficile de sortir de ce cadre.

M. Nicolas Dhuicq. Le ministre de la défense tient beaucoup à la relance d’un processus de défense européenne et le projet « Weimar Plus » pourrait constituer une contribution cruciale à cet égard. Où en est-il ? Une déclaration franco-allemande était annoncée pour cet automne…

M. Michel Miraillet. Nous ne sommes qu’au début de l’automne : les arbres sont encore verts !

Le ministre de la défense, conformément aux choix faits par le Président de la République, a souhaité que l’Europe de la défense soit relancée alors que l’idée tendait à disparaître des priorités gouvernementales depuis la présidence française de l’Union européenne. Les leçons tirées du conflit libyen, la réforme des structures de commandement de l’OTAN et les bénéfices que nous avons pu en retirer nous conduisent à réaffirmer notre plein engagement dans l’Alliance mais, en même temps, nous avons la conviction qu’aucune initiative en faveur de cette Europe de la défense n’est à attendre de nos principaux partenaires et qu’il nous appartient donc de prendre de nouvelles initiatives. Dans cet esprit et s’agissant de Weimar plus, la France devrait réunir le 15 novembre prochain à Paris les ministres des affaires étrangères et de la défense des 5 pays. Il est probable qu’un texte dont la nature reste encore à définir sera publié à cette occasion afin de relancer notre ambition commune.

Pourquoi « Weimar plus » ? Le format a connu une actualité particulière dans le contexte d’une opposition entre d’une part, le ministre des Affaires étrangères britannique et, d’autre part les ministres français, allemand et polonais sur le dossier du quartier général opérationnel (OHQ). Cette structure, qui était un moyen d’appuyer la présidence polonaise de l’Union, nous avons pensé que lui adjoindre les Espagnols et les Italiens était un bon moyen d’afficher une masse critique susceptible de rallier sur la question de la relance de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) d’autres nations européennes, comme la Suède ou la Finlande. Ces deux derniers pays, comme l’Italie étant aujourd’hui des promoteurs fervents de la relance européenne même s’il ne faut pas se faire d’illusion sur les moyens que tous ces partenaires peuvent aujourd’hui consacrer à un tel projet. Quant aux Britanniques, dont les réticences vous sont bien connues, c’est une politique de transparence qui est suivie à leur égard.

Le schéma « Weimar plus » tiendra le temps qu’il tiendra, mais il pourrait permettre d’agréger d’autres nations comme la Finlande et la Suède qui est fondamentalement intéressée au développement des opérations européennes. L’objectif est de créer une « masse centrale ». Même si, je le répète, nous ne nourrissons pas de faux espoirs sur la volonté de certains de vos partenaires.

Les initiatives trouvent également une illustration dans le domaine des capacités. J’en veux pour exemple le lancement avec les Allemands et les Néerlandais d’une initiative portant sur l’acquisition et l’emploi de ravitailleurs

M. Michel Voisin. Pourriez-vous faire le point sur la situation au Mali et sur le rôle d’Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ?

M. Michel Miraillet. La situation au Mali se dégrade depuis plusieurs années. Nous savons depuis trois ans combien le système Amadou Toumani Touré, dit ATT, était fragile, marqué par une incapacité de fait ou une volonté de ne pas prendre en compte la question Touareg au Nord. Cette fragilité s’est trouvée accentuée dans le même temps par la progression du narcotrafic dans cette région où la Guinée-Bissau, par exemple, n’est rien d’autre aujourd’hui qu’un porte-avions du cartel de la drogue sud-américain. Plus généralement, ces trafics traversent l’Afrique de part en part, à tel point que la consommation de stupéfiants est en train de changer la physionomie de certaines sociétés : selon un haut responsable de la lutte contre la drogue des Nations unies, plus de 2,5 millions de personnes en seraient aujourd’hui totalement dépendantes dans la seule Afrique de l’ouest ! Le Sahel et le Mali n’ont pas échappé à cette situation. Cette économie de la drogue a pourri le système ATT, les systèmes politiques finançant in fine la nébuleuse islamiste.

À cela s’ajoute le problème pluriséculaire de l’irrédentisme touareg, auquel Lyautey s’était déjà heurté. Le nord du Mali est touareg, le sud est noir, les deux n’ont jamais fait que coexister. Alors que se sont durablement installés les mouvements islamistes comme AQMI et le MUJAO (Mouvement pour l’unicité du jihad en Afrique de l’ouest) ainsi qu’Ansar Eddine, le MLNA Touareg (Mouvement de libération national de l’Azawad), apparu suite à la chute de Kadhafi, l’État malien est en situation de désagrégation potentielle. La situation humanitaire également s’est considérablement dégradée dans le nord du Sahel. Le président du Commissariat international de la Croix-Rouge (CICR), M. Peter Maurer, a fait part de son inquiétude face à l’afflux de plus de 100 000 réfugiés en Mauritanie et de 60 000 autres au Niger : la pression que font peser sur ces deux pays des mouvements de populations d’une telle ampleur devient insupportable. L’urgence est donc de le stabiliser. Le régime de transition, hérité du coup mené par le capitaine Sanogo, manque certes de légitimité démocratique.

AQMI, Ansar Eddine et le MUJAO ne regroupent qu’entre 600 et 800 personnes ; l’ensemble de ces mouvements ne dépasse peut-être guère les 2 000 individus mais la situation en matière de droits de l’homme est inquiétante dans les villes qu’ils contrôlent.

La question du rétablissement de l’État malien se pose. Une conférence a été organisée ce week-end à Bamako, à laquelle participaient la plupart des donateurs des grandes organisations internationales. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), les Nations unies, l’Union européenne, la France, les États-Unis ont exprimé leur soutien aux efforts en cours. Sans doute le soutien à l’État malien passe-t-il par l’envoi d’une mission militaire de la CEDEAO, même si l’on peut légitimement se demander si elle est à même de déployer cinq ou six régiments – tels qu’ils sont composés en Afrique. Quoi qu’il en soit, un certain nombre d’engagements ont été pris.

La situation est donc complexe mais il faut agir très vite pour que le déploiement de cette force intervienne dans les meilleurs délais. La conférence de génération de force se tiendra au début du mois de novembre, après quoi il appartiendra à l’Union européenne, à la France et aux États-Unis d’examiner les moyens d’aider la CEDEAO et ses contingents à se rendre sur place afin de stabiliser la ligne de front. Nous verrons alors si les efforts que nous conduisons et ceux que nous souhaitons voir réaliser par l’Union européenne, notamment à travers l’initiative Weimar Plus, permettent de mener des actions de soutien de type EUTM (European Union Training Mission, mission d’entraînement de l’Union européenne) afin que les forces engagées puissent dans un second temps remonter vers le nord. Certes, nous savons fort bien que les tribus du fleuve ne prendront pas facilement cette direction et que l’idée de combattre les Touaregs suscite chez elles quelque angoisse, mais il est au moins une chose dont nous pouvons être sûrs, c’est que le temps ne joue pas en notre faveur. Je le répète donc : nous devons agir vite.

Il faut également faire très attention aux critiques que l’on entend ici ou là à propos du recours à la CEDEAO, dont les troupes n’auraient pas le niveau requis. Il est beaucoup trop tôt pour formuler le moindre jugement. Nous évaluons aujourd’hui la qualité des unités qui pourraient être envoyées au Mali et il appartiendra à la CEDEAO de présenter un concept d’opération crédible susceptible d’emporter l’aval du Conseil de sécurité.

J’ai essayé de vous brosser très rapidement le tableau d’une réalité protéiforme, mais qui exige une réaction de la communauté internationale, particulièrement de l’Union européenne et de l’Union africaine. Il est de ce point de vue intéressant de noter l’évolution de l’Afrique du Sud ou de l’Algérie, cette dernière en venant, à force d’être isolée, à considérer qu’une opération militaire est inévitable.

S’agissant des opérations à mener, des personnalités françaises de haut niveau ont clairement spécifié qu’il s’agissait pour nous d’accompagner la formation des forces de la CEDEAO car c’est notre engagement qui entraînera nos partenaires européens à agir avec nous. Avant-hier, Mme Merkel a fait passer dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung un message très positif quant à l’engagement de l’Allemagne à participer à une mission d’entraînement. Je peux vous assurer qu’il y a quinze jours, nous n’en étions pas là.

Mme Daphna Poznanski-Benhamou. Vous soutenez des forums de dialogue stratégique avec un certain nombre de pays étrangers. Lesquels ? Quel est le coût de ces opérations et de quels programmes sont-elles issues ?

M. Michel Miraillet. Nous entretenons 42 dialogues dits stratégiques de toutes matières dont les niveaux et les interlocuteurs diffèrent grandement : on peut distinguer les dialogues officiels, avec des institutions étatiques – c’est le Track I – et ceux qui sont menés, dans le cadre du Track II, avec des instituts de recherche tels que, chez nous, la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) ou l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et, aux États-Unis, le Center for Strategic and International Studies (CSIS). D’anciens fonctionnaires ou des fonctionnaires en activité ainsi que des chercheurs qualifiés participent à ces forums. Au niveau officiel, des dialogues stratégiques existent également avec des directeurs politiques « Défense » et « Affaires étrangères », par exemple, avec les États-Unis ou le Brésil.

S’agissant, des "Track II", et pour vous donner quelques exemples, nous entretenons des relations suivies avec le CSIS américain dans le cadre d’un remarquable exercice sur les politiques nucléaires de défense et les proliférations. Avec Israël, Singapour, le Brésil ou l’Inde, nos dialogues sont intenses mais là encore reflètent, s’agissant des enceintes, les particularités des organisations. Notre dialogue stratégique avec Israël juxtapose ainsi les directeurs stratégiques des ministères de la défense, mais aussi un exercice annuel avec l’Institute for National Security Studies (INSS), l’ancien Jaffee Center, largement composé de hauts représentants du renseignement militaire israélien ainsi que de chercheurs renommés. Ces contacts sont précieux pour évaluer les positions de nos partenaires.

Récemment, nos rapports se sont intensifiés avec les pays d’Asie du sud-est, ainsi qu’avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Comparativement à ce qu’elles étaient vers 1995, nos discussions avec ces deux derniers pays sont d’une proximité et d’une qualité que peu soupçonnent, s’agissant par exemple de l’analyse du dossier afghan, de la place de l’Inde, dans les futures architectures de sécurité, de l’évolution du « vortex » pakistanais, de l’OTAN et de l’évolution du partenaire américain.

Ces dialogues font partie intégrante du travail de ma délégation. Nous subventionnons naturellement certains Track II pour des montants limités (entre 20 000 et 30 000 euros).

J’ajoute que, dans certains de ces exercices, participent des représentants de la cellule diplomatique de la Présidence de la République, du Quai d’Orsay et du ministère de la défense au sens large – en y comprenant donc la DAS, l’état-major des armées et la DGSE. Ces rendez-vous, réguliers sans être pour autant institutionnalisés, constituent ainsi un outil politico-militaire tout à fait bénéfique à l’ensemble de nos institutions respectives.

M. Jean-Jacques Candelier. Quelle est aujourd’hui la situation politique et économique en Côte d’Ivoire et en Libye, pays dans lesquels nous sommes récemment intervenus ? Quel niveau de démocratie ont-ils atteint ?

M. Michel Miraillet. La Libye en est encore à la phase révolutionnaire. Ce processus durera des années avant que la situation ne se stabilise, d’une manière ou d’une autre. Nous soutenons à Tripoli un gouvernement qui fait de son mieux, mais qui demeure encore sous la surveillance de milices, les rapports de pouvoir demeurant souvent délicats à percevoir. Nous ne sommes peut-être pas au bout de certaines violences.

Du point de vue économique, la Libye commence à retrouver le niveau de ses exportations de pétrole d’avant la révolution. Elle constitue indéniablement un marché difficile mais prometteur à condition que nous maintenions d’autres investissements sur ce pays, malgré la frustration que peut générer l’ampleur de processus de stabilisation du pays.

D’autre part, ce pays constituant une voie de passage de l’Afrique centrale et subsaharienne vers l’Italie et la Grèce, il est une voie de migrations d’autant plus importante, d’autant que ses frontières ne sont pas aujourd’hui surveillées. Les autorités libyennes ont aujourd’hui à cœur de faire face à leurs responsabilités et réfléchissent à des programmes de surveillance, qui pourraient être mis en place avec l’assistance de la plupart des pays européens, dont la France.

La situation est insatisfaisante, c’est indéniable, pour nos yeux européens. Il est donc plus que jamais nécessaire de nous investir fortement auprès des autorités de Tripoli, au sens large, en nous gardant de vouloir imposer des solutions, compte tenu de la sensibilité nationale locale. La France a sur ce point un capital initial qu’il nous faut exploiter.

En Côte d’Ivoire, nous avons, à la demande des Nations unies, aidé à rétablir l’ordre et l’autorité du président élu. Il serait aujourd’hui prématuré de parler de stabilisation définitive, mais il nous appartient d’œuvrer à la reconstruction de la République de Côte d’Ivoire (RCI), dans toute la mesure du possible. La fragilité de la situation et de la réconciliation nationale ne peut être niée, mais il appartient désormais aux Ivoiriens de faire leur choix. Nous verrons si la Côte d’Ivoire sera en mesure de participer à la force de la CEDEAO au Mali, je n’en suis pas sûr. L’urgence est aujourd’hui dans ce pays à la reprise de l’activité économique et à la réconciliation.

Mme la présidente Patricia Adam. Je vous remercie.

II. EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission examine pour avis, sur le rapport de Jean-Yves Le Déaut, les crédits du programme : « Environnement et prospective de la politique de défense », de la mission « Défense » pour 2013, au cours de sa réunion du mardi 30 octobre 2012.

Un débat suit l’exposé du Rapporteur pour avis.

M. Nicolas Dhuicq. En quelque sorte les Américains mettent en œuvre le communisme de guerre, en entretenant une porosité permanente entre les domaines civil et militaire. Notre effort de recherche en faveur des nanotechnologies est-il suffisant pour les besoins de la défense ?

M. le Rapporteur pour avis. Nous devons promouvoir les liens entre recherches civile et militaire, tout en intégrant la problématique de la confidentialité des données. Dans le domaine des nanotechnologies, notre pays est particulièrement bien équipé. J’ai visité les installations de Thales et ai relevé leurs capacités remarquables : ils peuvent par exemple suivre les mouvements d’une personne, y compris dans une foule.

M. Philippe Folliot. Depuis la fin des essais nucléaires, la crédibilité de notre dissuasion repose sur la simulation. L’efficacité de ce procédé fait débat. Pourriez-vous nous donner votre sentiment sur ce point ?

M. le Rapporteur pour avis. Les crédits de recherche alloués aux études nucléaires, qui reposent entre autres sur la simulation, sont de 190 millions d’euros sur l’enveloppe de 750 millions d’euros consacrée aux études amont. Ces montants ont vocation à croître.

La France est la dernière à avoir conduit des essais nucléaires. Nos capacités de simulation se fondent les résultats tirés d’essais encore proches. Si l’on ajoute à cette donnée la qualité de nos installations, je pense par exemple au laser mégajoule, nous disposons d’une capacité de simulation de qualité supérieure à celle des États-Unis, dont les derniers essais sont plus éloignés dans le temps. Techniquement, nous disposons d’armes dites robustes, en ce sens qu’elles sont construites avec des marges d’erreur supérieures à celles des Américains. On pourrait même voir leurs déclarations sur la fin des armes atomiques comme révélatrices du fait qu’ils sont conscients des limites technologiques de leur arsenal, voire comme une tentative pour déstabiliser notre système.

C’est en tenant compte de ces éléments qu’il faut aborder la question de la fiabilité de la simulation. Rien n’indique qu’elle le sera encore dans 50 ans, mais, si cela ne devait ne pas être le cas, la difficulté concernerait toutes les puissances dotées.

M. Eduardo Rihan Cypel. Vous avez souligné à raison l’importance de la cyber sécurité pour l’avenir. Dans quelle mesure existe-t-il des synergies entre civil et militaire dans ce domaine ? Notre effort de recherche est-il suffisamment dual ?

M. le Rapporteur pour avis. Nous disposons d’un Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), qui est de très bon niveau. En parallèle, la DGA va construire un laboratoire de haute sécurité. Les rapports entre civils et militaires sont bons, mais je ne dispose que de peu d’informations sur ce point et compte donc m’y intéresser davantage au cours des prochains mois. Cependant, j’observe que le Royaume-Uni investit cinq fois plus que nous dans ce domaine.

M. Alain Chrétien. Comment expliquer la diminution des crédits affectés au soutien à l’exportation, et particulier celle baisse d’un tiers des effectifs ?

M. le Rapporteur pour avis. Cette baisse n’est qu’apparente. Il s’agit en effet d’un simple transfert de crédits de personnels entre deux lignes budgétaires du programme 144 qui alimentent le même budget opérationnel de programme, le BOP de la DGA. Je précise au passage que les crédits de personnel de ce BOP progresseront d’une dizaine de millions d’euros en 2013.

M. Nicolas Bays. La France envisage l’acquisition de drones MALE Reaper sur étagère. Si les États-Unis ont refusé leur européanisation aux Britanniques, la France pourra-t-elle l’obtenir ? Je rappelle qu’il existe une solution alternative à travers la francisation du Heron TP, réalisable en quelques mois.

M. Jean-David Ciot. Si nous nous engageons dans un achat de drones sur étagère, disposerons-nous de moyens suffisants pour financer la R&D sur les drones de demain ?

M. le Rapporteur pour avis. S’agissant du système israélien, nous avons des échos selon lesquelles l’offre Heron TP serait loin de pouvoir aboutir. Pour moi, acheter le Reaper sans le franciser ne représenterait pas une solution d’avenir.

M. Nicolas Bays. Les exigences posées envers Dassault-Israël aerospace industries (IAI) semblent plus fortes que pour le projet américain.

M. le Rapporteur pour avis. Les discussions sont en cours. Ce dont nous sommes sûrs, c’est de la très grande utilité de cet outil.

*

* *

Conformément aux conclusions du Rapporteur pour avis, la Commission émet un avis favorable sur les crédits du programme « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense ».

ANNEXES

ANNEXE 1 :
La place des études amont et de la R&T dans les documents qui établissent la démarche stratégique française

 La délégation aux affaires stratégiques (DAS) du ministère de la défense élabore tous les trois ans un rapport de prospective géostratégique à l’horizon des 30 prochaines années, intitulé Horizons stratégiques – nouvelle dénomination du rapport de prospective géostratégique et géopolitique à 30 ans (PGG30). Il s’articule autour de 7 domaines d’étude (relations internationales ; conflictualité et opérations militaires ; économie ; démographie et migrations internationales ; ressources et environnement ; santé ; évolutions technologiques et sociétales). Il vise notamment à identifier, sur la base d’une méthodologie prospective spécifique, les risques et menaces à l’horizon des 30 ans (0-30 ans) de nature à déstabiliser l’environnement politique international et à impacter, directement ou indirectement, les intérêts stratégiques français. Les occurrences de ruptures potentielles (politiques, technologiques, capacitaires, etc.) se déclinent notamment en « conséquences pour la Défense » directement exploitées par le Plan prospectif à 30 ans (PP30).

● Le plan prospectif à 30 ans (PP30), élaboré par le collège des officiers de cohérence opérationnelle et architectes de système de force (OCO-ASF), associant la direction générale de l’armement (DGA) et l’état-major des armées (EMA), constitue un document d’aide à la décision, dont les analyses sont en lien avec les thèmes du Livre blanc, visant à identifier les besoins technologiques et capacitaires et à orienter les études et recherches de défense. Il s’intègre dans le processus conduisant à la planification et à la programmation. Le PP30 constitue à ce titre un complément de réflexion au Livre blanc qui aide à établir le lien entre des finalités stratégiques de haut niveau et des décisions d’études et de lancement de programmes qui visent leur réalisation concrète. Le PP30 constitue également un instrument de dialogue privilégié avec les organismes du ministère impliqués dans la préparation du futur. Dans sa forme non protégée, il permet aussi le dialogue avec une sélection de partenaires étatiques et industriels européens des domaines de la défense et de la sécurité. Il reste un document d’expression libre et non contraignant, qui n’engage pas le ministère de la défense, et qui ne peut être opposé aux choix futurs des décideurs.

● Les documents de prospective opérationnelle de l’état-major des armées (EMA) : le document cadre des situations opérationnelles à 15 ans de l’EMA fixe les hypothèses pour la prospective opérationnelle à court et moyen terme, dans la lignée des grandes orientations stratégiques fixées par le Livre blanc et le chapitre « dimension militaire » du rapport Horizons stratégiques. D’autres documents en matière de prospective opérationnelle, classifiés, à l’image de l’Atlas des menaces, concourent à l’élaboration des contrats opérationnels.

● Le document de politique et d’objectifs scientifiques (POS) est un document édité tous les deux ans par la Mission pour la recherche et l’innovation scientifique (MRIS) de la DGA et vise à répartir les sujets de recherche par domaine scientifique (mathématiques, électromagnétisme, sciences du vivant, etc.) selon une démarche de type bottom-up qui identifie les thématiques à traiter par leur intérêt général d’un point de vue de recherche. Cette approche permet notamment d’identifier et exploiter des synergies entre la recherche civile et la recherche militaire.

● Le plan stratégique de recherche et technologies (R&T) élaboré par la DGA s’inscrit dans les orientations du Livre blanc et établit, sur la base notamment des travaux préparatoires de la loi de programmation militaire, les grands équilibres de la R&T déterminant le processus de planification des études amont du ministère de la défense. Ce choix s’opère selon deux volets, l’un capacitaire permettant, à partir des plans d’équipements, de déterminer les démonstrateurs, les levées de risques et les développements technologiques à effectuer avant le lancement effectif des programmes, l’autre devant permettre d’identifier les pistes technologiques prometteuses devant être accompagnées, sans qu’une échéance d’application ne soit forcément précisée.

● Le rapport du groupe de travail sur les orientations stratégiques de politique spatiale de défense (GOSPS) précise les enjeux capacitaires à l’horizon 2020 et propose des axes d’efforts prioritaires, confirmés a posteriori par le Livre blanc.

● Le plan de développement des capacités (CDP) est un instrument de planification à l’horizon 2025, approuvé par le Conseil de l’Union européenne. Combinant priorités capacitaires de court et de long termes, lacunes opérationnelles et programmes d’armement en cours, il vise à élaborer des priorités capacitaires au niveau européen et à orienter les planifications nationales. Une première série d’actions prioritaires a été élaborée en 2008, une seconde en 2011. En matière de cohérence entre les travaux nationaux et européens, des éléments d’étude du PP30 ont été fournis par la France pour contribuer à l’élaboration du CDP – facteurs géostratégiques, missions de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et tâches militaires génériques, évolution des sciences et technologies, menaces émergentes, etc.. Les objectifs initiaux du CDP pour les capacités militaires européennes, et du PP30 pour les capacités militaires françaises, sont ainsi relativement proches : il s’agissait d’anticiper les besoins capacitaires résultant des formes probables de conflits futurs, et d’en déduire dans leurs grandes lignes des prévisions d’acquisition d’équipements.

● La Long Term Vision (LTV) est élaborée conjointement par l’Agence européenne de défense (AED) et l’Institut d’études et de sécurité et a été endossée – et non adoptée formellement – par les États membres. Ce document de nature stratégique vise à identifier les principales menaces et priorités d’action de l’Union européenne – sans pour autant définir en tant que tel des intérêts européens. Il ne décline pas les priorités d’action en instruments et moyens dont a besoin l’UE pour répondre aux menaces identifiées, et, par conséquent, produit donc une dimension moins programmatique qu’un Livre blanc.

Source : ministère de la défense

ANNEXE 2 : Les enjeux du « cloud (20) souverain »

Si les réseaux informatiques du ministère de la défense sont censés être déconnectés physiquement les uns des autres et décorrélés d’internet, ce n’est pas le cas de tous ceux de l’ensemble des organismes – autres administrations, établissements publics, laboratoires de recherche, sociétés privées – dont l’activité a un lien avec la Défense.

Le risque d’un piratage de données intéressant la Défense nationale est d’autant plus grand que, comme l’a regretté M. Michel Miraillet devant le Rapporteur, certains interlocuteurs du ministère accordent parfois une attention limitée à la sécurité des informations sensibles.

Or la plupart des systèmes de stockage en ligne existant aujourd’hui appartiennent à des sociétés américaines, et les acteurs émergents dans ce secteur sont pour certains chinois. C’est cela qui fait dire à M. Daniel Verwaerde que l’on pourrait même voir le cloud comme un instrument inventé par les Américains et les Chinois en partie à des fins d’espionnage.

De plus, comme le souligne le rapport précité du Sénat, le statut juridique des informations stockées en ligne est parfois problématique : dans certains États américains, l’hébergeur est propriétaire de ces données et en tout état de cause, la législation fédérale permet au Gouvernement américain d’accéder à toute donnée stockée par une société de droit américain en cas de risque lié au terrorisme.

On peut également s’interroger sur la confidentialité de certaines données en cas de rachat d’une société de stockage de données par un acteur asiatique ou moyen-oriental. C’est pourquoi la France a lancé en 2009 un projet de système souverain de stockage de données en ligne, dénommé Andromède, dont la réalisation a été confiée à Thalès et Orange pour 350 millions d’euros. Pour le Rapporteur, il est important que ce programme soit mené à son terme, et que l’outil informatique qui en résultera soit largement utilisé par les administrations et les acteurs de la Défense.

ANNEXE 3 : Les principaux domaines d’études amont pour 2013

Commandement et maîtrise de l’information

Un effort sur les technologies adaptées à l’interception et à la localisation en guerre électronique des émissions électromagnétiques est maintenu, avec notamment la poursuite des évaluations technico-opérationnelles du démonstrateur spatial ELISA, mis en orbite en 2012. Des actions sont en outre lancées dans le domaine du traitement des images. À ce titre, le projet annuel de performances cite les priorités suivantes :

– préparation des programmes de drones et de géographie numérique GEODE 4D ;

– construction des capacités de lutte informatique défensive et de sécurité des systèmes d’information ;

– définition de nouvelles architectures pour la maîtrise de l’information.

Engagement et combat

Les essais en vol du démonstrateur de plateforme d’UCAV NEURON sont poursuivis en 2013, de même que les études d’intégration système d’UCAVs en environnement opérationnel. La première phase du programme de démonstration du système de combat aérien futur, lancée en 2012 en coopération avec le Royaume-Uni, sera conduite.

Dans le domaine naval, les premières études visant à définir des architectures innovantes et intégrées pour les capteurs et émetteurs des bâtiments de surface seront réalisées.

Les travaux portant sur l’amélioration des capacités du radar RBE2 à antenne active, ainsi que sur les architectures et briques technologiques pour les futures générations de radars aéroportés, terrestres ou navals, sont poursuivis.

Le projet annuel de performances cite également :

– la préparation des évolutions RAFALE face aux nouvelles menaces, notamment dans les domaines de la détection et de la protection, et les technologies de souveraineté nécessaires à la composante nucléaire aéroportée actuelle et future ;

– les améliorations des systèmes de lutte sous-marine, de direction de combat, et de guerre électronique sur bâtiments de surface ;

– la cohérence du système de combat terrestre au travers de la préparation du programme SCORPION et des évolutions du TIGRE ;

– la précision accrue des frappes ;

– une meilleure maîtrise des effets des armes pour, à la fois, réduire les risques de dommages collatéraux et maximiser l’emploi des forces.

Projection, mobilité et soutien

Les principaux travaux portent sur l’amélioration des capacités de survie des plateformes aéronautiques (systèmes d’autoprotection, résistance au crash, aide au pilotage et à la navigation), sur leur intégration dans les réseaux de communication militaires, et sur les premières études relatives à l’hélicoptère interarmées léger.

Protection et sauvegarde

Un effort important est poursuivi en matière de détection électromagnétique et de risque nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC). Le projet annuel de performances cite également d’autres enjeux :

– l’amélioration de la protection des forces déployées sur les théâtres d’opérations face aux menaces type engins explosifs, roquettes, obus de mortiers et intrusion ;

– la protection contre les menaces conventionnelles et la mise en œuvre d’une « posture permanente de sûreté ». L’alerte avancée et les travaux de radar très longue portée participent également au suivi de la prolifération balistique ;

– l’amélioration de la protection de l’homme ;

– l’amélioration des capacités des missiles anti-aériens ;

– la préparation de la contribution française à la défense antimissile balistique de l’OTAN.

Études technologiques de base

Une part significative de ces études est consacrée aux études générales de matériaux énergétiques pour la propulsion des missiles, notamment en lien avec la recherche civile et la recherche académique, l’accent étant mis sur le financement des projets innovants des PME.

Parmi les principales compétences techniques à maintenir, le projet annuel de performances cite :

– l’analyse des moyens de maintien dans la durée des équipements à longue durée de vie ;

– les explosifs composites pour les têtes militaires et les poudres pour armes ;

– les matériaux et composants, tant en matière strictement militaire que sous l’angle des méthodes de gestion des risques liés à l’utilisation de matériaux et composants civils dans des conditions militaires, par exemple sur l’environnement ;

– les études sur l’exercice de l’autorité technique, la lutte contre la prolifération, le contrôle des exportations, la connaissance de la menace, le développement d’outils et de méthodes pour l’ingénierie, la maîtrise de l’évaluation des performances des systèmes, l’entretien des compétences d’expertise internes et externes et les technologies de souveraineté.

Dissuasion

Les études amont du domaine « dissuasion » concernent les thèmes prioritaires suivants :

– assurer la fiabilité dès la conception des systèmes complexes intégrant des technologies le plus souvent non duales ;

– maintenir le niveau de fiabilité et de robustesse des systèmes de transmission des informations stratégiques ;

– assurer la préparation du renouvellement de la composante océanique de la dissuasion à l’horizon de la fin de vie des sous-marins lanceurs d’engins (SNLE) en service ;

– assurer le maintien du niveau d’invulnérabilité des SNLE en service ;

– améliorer les performances des missiles balistiques (portée, précision et capacités de pénétration) ;

– améliorer les performances des missiles stratégiques aéroportés (allonge, précision et capacités de pénétration) ;

– concourir au maintien des compétences des secteurs industriels critiques participant à la conception et à la réalisation des systèmes stratégiques.

Source : Projet annuel de performances relatif à la mission « Défense », annexé au présent projet de loi.

ANNEXE 4 :

Liste des personnes auditionnées par le Rapporteur

Ø Cabinet du ministre de la défenseM. Jean-Claude Mallet, conseiller auprès du ministre, M. Paul Serre, conseiller pour les questions économiques, financières et budgétaires, M. Sébastien Dessillons, conseiller pour les affaires industrielles, et Mme Christine Mounau-Guy, conseillère parlementaire

Ø Délégation aux affaires stratégiques (DAS) – M. Michel Miraillet, directeur

Ø Direction générale de l’armement (DGA) – M. Jean-Pierre Devaux, ingénieur général de l’armement, directeur de la stratégie, M. Christophe Pezron, chef de service des recherches et techno de défense et de sécurité, et M. François Cote, Ingénieur général de l’armement, directeur des plans, des programmes et du budget

Ø État-major des armées – général de corps aérien Jean-Robert Morizot, sous-chef d’État-major « plans », général Gratien Maire, sous-chef d’état-major « relations internationales », contre-amiral Lozier, chef de la division « forces nucléaires » du pôle « opérations »

Ø Commissariat à l’énergie atomique – M. Daniel Verwaerde, directeur des applications militaires

Ø Centre national des études spatiales (CNES) – M. Yannick d’Escatha, président, M. Thierry Duquesne, directeur de la stratégie et des programmes, Général Henry de Roquefeuil, conseiller militaire du Président, M. Laurent Germain, directeur financier, M. Pierre Trefouret, directeur de la communication, de l’éducation et des affaires publiques, et M. Brice Lamotte, chargé des relations avec le Parlement

Ø Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) – M. Denis Maugars, président, et M. Jacques Lafaye, chargé de mission

Ø M. François Heisbourg, président de l’International Institute for Strategic Studies et conseiller spécial du président de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS)

Ø Unité mixte de physique constituée entre Thales et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) – M. Erick Lansard, directeur, et ses collaborateurs présents sur le site lors de la visite du Rapporteur

Ø Dassault Aviation – M. Charles Edelstenne, président-directeur général, et M. Bruno Giorgianni, conseiller chargé des relations politiques et institutionnelles

Ø EADS – M. Philippe Bottrie, directeur affaires publiques France, M. Bertrand de Cordoue, directeur adjoint des affaires publiques France, chargé des questions Défense, M. Jean Perrot, directeur relations institutionnelles R&T, et Mme Annick Perrimond-du Breuil, directeur relations avec le Parlement

Ø Thalès – M. Marko Erman, senior vice-président chargé de la R&T, M. Jean-Bernard Paul, directeur général adjoint en charge des études amont, M. Erick Lansard, Directeur de la recherche et de la technologie pour la France et Mme Isabelle Caputo, directrice des relations parlementaires et politiques

Ø Comité Richelieu – M. Philippe Berna, président, MM. Philippe Bouquet, Thierry Gaiffe et Denis Bachelot, délégué général

Ø M. Pascal Perez, directeur du cabinet de conseil Formules économiques locales

© Assemblée nationale

1 () Crédits auxquels est consacrée la sous-action 07-03 « Études amont » de l’action 07 « Prospective de défense » du programme 144.

2 () École polytechnique, Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace – issu de la réunion de l’École nationale supérieure de l’aéronautique et de l’espace (SupAéro) et de l’École nationale supérieure d’ingénieurs de constructions aéronautiques (ENSICA) –, École nationale supérieure de techniques avancées, École nationale supérieure des ingénieurs des études et techniques d’armement.

3 () L’ensemble de ces subventions représente la majeure partie des crédits de la sous-action 07-04 « Gestion des moyens et subventions » de l’action 07 du programme 144

4 () Crédits relevant de la sous-action 07-01 « Analyse stratégique » de l’action 07 du programme 144.

5 () Crédits relevant de la sous-action 07-02 « Prospective des systèmes de forces » de l’action 07 du programme 144.

6 () Crédits relevant de l’action 06 « Dissuasion » du programme 146 « Équipement des forces ».

7 () Crédits relevant du programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) » de la mission « Recherche »

8 () Du nom de Gordon Earle Moore, cofondateur de la société Intel.

9 () Du nom de Norman Ralph Augustine, homme d’affaires américain ayant pour spécialité le secteur spatial et ancien sous-secrétaire d’État aux armées (1975-1977).

10 () Cour des comptes, « Le bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire », rapport public thématique, juillet 2012.

11 () Sénat, « Les capacités industrielles militaires critiques », rapport d’information n° 634 (2011-2012) de MM. Daniel Reiner, Yves Pozzo di Borgo, Jacques Gautier, Alain Gournac, Gérard Larcher, Rachel Mazuir, Jean-Claude Peyronnet et Gilbert Roger, 4 juillet 2012.

12 () Ensemble de microsatellites d’écoute électronique lancés afin de valider la capacité à caractériser et à cartographier les émetteurs de communication militaires à partir de l’espace.

13 () Démonstrateur technologique spatial d’écoute des systèmes radars.

14 () Cf. les déclarations en ce sens de M. Gérard Longuet, ministre de la défense, devant la Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale lors de son audition du 3 mai 2011.

15 () Propos reproduits dans le rapport précité du Sénat sur les capacités industrielles militaires critiques.

16 () Le projet Ceres (« capacité de renseignement électromagnétique spatiale ») prévoit le lancement de trois satellites destinés à détecter, localiser et caractériser depuis l’espace les signaux envoyés par les systèmes électromagnétiques adverses, comme les émetteurs de télécommunications et les radars.

17 () Conçu en fonction du coût.

18 () « La place des biotechnologies en France et en Europe », rapport n° 2046 fait au nom de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques par M. Jean-Yves Le Déaut, député.

19 () « Fantassin à équipements et liaisons intégrés », système de combat individuel destiné aux fantassins français.

20 () Cloud : système de stockage et de gestion de données en ligne.