Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF


N
° 256

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI
de finances pour 2013 (n° 235)

TOME VI

DÉFENSE

PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES :

AIR

PAR M. Serge GROUARD

Député

——

Voir le numéro : 251 (annexe 11).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : LES MOYENS POUR LA PRÉPARATION ET L’EMPLOI DES FORCES AÉRIENNES 9

I. LES GRANDES ORIENTATIONS POUR 2013 11

A. Présentation globale des crédits 11

1. Le programme 178 « Préparation et emploi des forces », action 4 « Préparation des forces aériennes » 11

a. Les dépenses de personnel (titre 2) 12

b. Les dépenses de fonctionnement (titre 3) 12

c. Les dépenses d’investissement 13

2. La sous-action 95 « Soutien Expérimentation Air » de l’action 11 « Préparation et conduite des opérations d’armement » du programme 146 « Équipement des forces » 13

B. Évolution des effectifs 14

C. Évolution des structures 17

II. LE FONCTIONNEMENT COURANT DE L’ACTIVITÉ DES FORCES 19

A. Les crédits de fonctionnement et le carburant 19

1. Les crédits de fonctionnement courant 19

2. Les dotations en carburants 19

B. Des heures d’entraînement pourvues au plus juste 20

III. L’ENTRETIEN DES ÉQUIPEMENTS 23

A. Les crédits d’entretien programmé des matériels 23

B. La SIMMAD et le SIAé 24

1. La structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) 24

2. Le service industriel aéronautique (SIAé) 26

C. Les taux de disponibilité 28

DEUXIÈME PARTIE : LE BILAN DE L’OPÉRATION HARMATTAN EN LIBYE POUR L’ARMÉE DE L’AIR 33

I. L’ARMÉE DE L’AIR FRANÇAISE A FAIT PREUVE AVEC BRIO DE L’ÉTENDUE DE SES CAPACITÉS 35

A. Le cadre juridique de l’intervention a privilégié le recours aux forces aériennes, parmi lesquelles l’armée de l’air française a joué un rôle prépondérant 35

1. La résolution 1973 du conseil de sécurité de l’ONU a déterminé les conditions juridiques de l’engagement français 35

a. La résolution 1973 impose une zone d’exclusion aérienne et un embargo 35

b. La résolution 1973 confie une mission de protection des populations 35

2. La France a su prendre toute sa place au sein de structures de commandement évolutives 35

a. Le commandement a été initialement national 36

b. Le commandement des opérations s’est ensuite fait un temps sous mandat américain 36

c. Le contrôle de l’opération s’est finalement déroulé sous mandat de l’OTAN 36

3. L’armée de l’air a mobilisé des moyens conséquents 36

a. De nombreux moyens de l’armée de l’air ont concouru à l’opération Harmattan 37

b. Des munitions variées ont été utilisées en grande quantité 39

4. L’armée de l’air a pris avec succès une part significative dans l’accomplissement des missions fixées par la résolution 1973 40

a. L’armée de l’air a fait respecter la zone d’exclusion aérienne dans la région de Benghazi 40

b. L’armée de l’air française a assuré la protection des populations 40

c. Des missions permanentes ont par ailleurs été assurées par l’armée de l’air au profit des forces aériennes engagées 41

d. L’armée de l’air française a pris une part déterminante dans l’accomplissement de ces missions 41

B. L’ensemble des savoir-faire opérationnels et des capacités conventionnelles de l’armée de l’air ont été employés dans le cadre de cette opération, dans des conditions réelles qui ont confirmé ses atouts 43

1. L’armée de l’air a fait la preuve de sa capacité à entrer en premier sur un théâtre 43

a. L’armée de l’air a su se faire une appréciation autonome de la situation 43

b. L’armée de l’air possède une capacité de commandement et de contrôle nationale suffisante 43

2. La nécessité d’une projection stratégique efficace a été confirmée 44

a. Le rôle crucial du transport logistique et des avions ravitailleurs a été mis en évidence 44

b. Le Commandement du transport aérien européen (EATC) a démontré son utilité 44

3. Les bases aériennes se sont révélées être un vrai outil de combat 45

4. La polyvalence et l’excellence du Rafale ont été mis en lumière 45

5. L’excellence des hommes et des femmes de l’armée de l’air a fait ses preuves 46

II. CERTAINES INSUFFISANCES CAPACITAIRES DOIVENT NÉANMOINS ÊTRE RAPIDEMENT CORRIGÉES SOUS PEINE DE PERDRE EN CRÉDIBILITÉ À L’AVENIR 47

A. L’opération Harmattan a mis en évidence certaines lacunes et insuffisances capacitaires de l’armée de l’air 47

1. Les conditions d’intervention sur le théâtre libyen étaient favorables 47

2. Les boucles décisionnelles n’ont pas toujours été optimales 47

3. La suppression des défenses aériennes ennemies a été assumée en grande partie par les États-Unis 48

4. La flotte française d’avions ravitailleurs en vol est vieillissante et sous dimensionnée 48

5. Certaines spécialités se sont révélées sous-dimensionnées 48

6. Le renseignement pourrait encore être amélioré 49

7. L’opération Harmattan a révélé une carence de la France en matière de drones 49

8. La synergie interarmée pourrait être améliorée 50

B. Il convient de remédier à ces lacunes dans les meilleurs délais pour maintenir l’armée de l’air à un haut niveau de compétence et d’efficacité 50

1. Le projet de loi de finances pour 2013 apporte certes quelques réponses qui tiennent compte du retour d’expérience de l’opération Harmattan 50

a. Le projet de loi répond à certains besoins de l’armée de l’air en termes de renseignement et de surveillance 50

b. Le système de commandement et de conduite des opérations aériennes continue d’être perfectionné 50

c. La réalisation du contrat MRTT est aujourd’hui lancée 51

d. Le programme A400M est désormais bien engagé 51

e. La livraison de nouveaux Rafale se poursuit 52

2. Le Rapporteur appelle toutefois l’attention sur le caractère critique de la situation de l’armée de l’air 52

a. Le report de programmes d’équipements pourrait s’avérer à terme préjudiciable à notre capacité opérationnelle 52

b. Le succès de l’opération Harmattan ne doit pas nous démobiliser mais nous inciter au contraire à appréhender avec courage les défis de demain 53

TRAVAUX DE LA COMMISSION 55

I. AUDITION DU GÉNÉRAL DENIS MERCIER, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE L’ARMÉE DE L’AIR 55

II. EXAMEN DES CRÉDITS 69

ANNEXE : Liste des personnes auditionnées par le Rapporteur 73

INTRODUCTION

Le bureau de la commission de la défense nationale a souhaité, depuis le début de la XIVème législature, que les avis budgétaires présentés par ses rapporteurs sur le projet de loi de finances se différencient plus nettement des rapports spéciaux de la commission des finances.

En conséquence, les questions financières, qui relèvent plus par nature du champ de compétence de la commission des finances, feront l’objet d’un bref développement dans le présent avis, tandis que le Rapporteur pourra user de toute la latitude qui lui est laissée pour exposer un thème qui lui tient particulièrement à cœur, dans le cadre de la démarche de contrôle et d’évaluation dévolue à la commission de la défense.

Partageant pleinement la philosophie de cette initiative qui, dans l’esprit de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances permet aux parlementaires de mieux suivre les conditions dans lesquelles les services de l’État et les établissements publics qui en dépendent assument et assurent l’exécution des fonctions qui leur incombent, le Rapporteur a choisi cette année d’axer sa réflexion sur le bilan de l’opération Harmattan en Libye pour l’armée de l’air.

Après avoir procédé à un nombre important d’auditions extrêmement enrichissantes dont la liste figure en annexe, le Rapporteur est en mesure d’établir deux constats.

En premier lieu, l’opération Harmattan a été l’occasion pour l’armée de l’air française d’user de l’ensemble de ses savoir-faire opérationnels et de ses capacités conventionnelles dans des conditions de réussite qui méritent l’admiration.

En second lieu, le réel succès de l’opération Harmattan ne doit pas nous démobiliser mais nous inciter au contraire à aller de l’avant, en regardant avec courage les défis qui nous attendent pour asseoir la crédibilité de notre force aérienne.

Le Rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2012, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Il se félicite que, à cette date, toutes les réponses lui étaient parvenues, soit un taux de 100 %.

PREMIÈRE PARTIE : LES MOYENS POUR LA PRÉPARATION
ET L’EMPLOI DES FORCES AÉRIENNES

Il convient de souligner que, comme les deux autres avis sur les forces terrestres et maritimes, le découpage actuel de l’avis « Préparation et emploi des forces : Air » ne recouvre pas la nomenclature budgétaire. La commission de la défense nationale et des forces armées a en effet choisi de consacrer un avis spécifique à chaque armée, à la différence d’un cadre budgétaire davantage imprégné par une logique d’« interarmisation ».

Le Rapporteur souscrit pleinement à ce choix dans la mesure où il reste convaincu que si l’interarmisation est certes grandissante, les armées demeurent chacune très attachées à leur identité et à leurs modes de fonctionnement, comme le prouve notamment le fait qu’existent toujours des états-majors pour les trois armées. Lors de son audition en date du 16 octobre 2012 devant la commission de la défense nationale et des forces armées, le chef d’état-major de l’armée de l’air, le Général Denis Mercier, a d’ailleurs fait état de problèmes d’identité que font remonter les nombreux aviateurs qui travaillent dans des structures interarmées et indiqué qu’il proposerait prochainement la mise en place de « bases aériennes virtuelles », dans lesquelles les aviateurs pourront se retrouver au sein d’espaces numériques participatifs.

Le présent avis budgétaire « Préparation et emploi des forces : Air » se présente donc comme un avis budgétaire transversal qui permet in fine d’analyser de façon globale la situation budgétaire de l’armée de l’air. Cette formule offre l’avantage de mettre en exergue certaines situations propres à cette armée. Elle permet également au Rapporteur d’aller directement sur le terrain rencontrer les forces aériennes et lui donne l’opportunité d’entendre toutes les catégories de militaires qui y concourent.

Un tel découpage du programme 178 « Préparation et emploi des forces » (22,4 milliards d’euros en crédits de paiement en 2013) de la mission « Défense », qui regroupe près de la moitié des crédits et plus des trois quarts des ressources humaines du ministère de la Défense, permet en outre un meilleur suivi des crédits.

I. LES GRANDES ORIENTATIONS POUR 2013

A. PRÉSENTATION GLOBALE DES CRÉDITS

Le périmètre budgétaire de l'armée de l'air porte sur deux programmes de la mission « Défense » : le programme 178 « Préparation et emploi des forces », plus particulièrement le budget opérationnel de programme (BOP) « Air », et le programme 146 « Équipement des forces », s'agissant du BOP « Spécifique Air ». Ce périmètre englobe la totalité de l'action 4 « Préparation des forces aériennes » pour le programme 178 et l'action 11/sous-action 95 « Soutien-expérimentation Air » pour le programme 146 « Équipement des forces ».

Le présent avis sur l’armée de l’air se concentre principalement sur deux agrégats : le programme 178 « Préparation et emploi des forces », action 4 « Préparation des forces aériennes » d’une part et, d’autre part, le programme 146 « Équipement des forces », action 11 « Préparation et conduite des opérations d’armement », sous action 95 « Soutien Expérimentation Air ». L’analyse budgétaire des crédits affectés aux actions et sous-actions du programme 146 « Équipement des forces » concernant l’armée de l’air est plus spécifiquement traitée dans l’avis dédié à ce programme (1). Le Rapporteur a néanmoins choisi de passer en revue les forces et faiblesses de nos forces aériennes à l’occasion de la partie thématique qu’il consacre au bilan de l’opération Harmattan en Libye pour l’armée de l’air (cf. deuxième partie).

1. Le programme 178 « Préparation et emploi des forces », action 4 « Préparation des forces aériennes »

Les crédits de l’action n° 4 « Préparation des forces aériennes » du programme 178, dont la finalité est de maintenir l’aptitude de l’armée de l’air à assurer les missions qui lui sont confiées, représentent environ 20,6 % des crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces ».

PRÉPARATION DES FORCES AÉRIENNES

(en millions d’euros)

 

Titre 2

Hors titre 2

Total

FDC* et ADP**
attendus en 2013

Autorisations d’engagement

2 556

2 204

4 760

23

Crédits de paiement

2 556

1 801

4 356

23

* FDC : Fonds de concours

** ADP : Attribution de produits

Source : Projet annuel de performances pour 2013.

On rappellera que dans la nomenclature budgétaire, le titre 2 désigne les rémunérations et charges sociales (RCS), le titre 3 les dépenses de fonctionnement et le titre 5 celles d’investissement.

Ainsi, les crédits inscrits dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2013 pour l’action 4 du programme 178 s’élèvent globalement à 4,76 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE), soit une hausse de 5,7 % par rapport aux AE ouverts en loi de finances initiale (LFI) pour 2012 (4,51 milliards d’euros) et à 4,36 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 0,8 % par rapport aux crédits de paiement (CP) ouverts en LFI pour 2012.

Lorsqu’on procède à une analyse des crédits par titre, on remarque les éléments suivants :

a. Les dépenses de personnel (titre 2)

Les crédits de titre 2 représentent 2,56 milliards d’euros en AE et CP (soit une diminution de 1,6 % par rapport à 2012).

Les crédits relatifs aux rémunérations et charges sociales restent relativement stables par rapport à l’année précédente, en très faible diminution, et ce malgré la poursuite de la déflation des effectifs (cf. infra). La Cour des comptes, dans son rapport thématique de juillet 2012 sur le bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire 2009-2014, explique cette évolution paradoxale par, d’une part, le fait que la faible diminution des dépenses de rémunération dites « dépenses socles » (2)est due à des mesures statutaires de revalorisation de la condition des militaires, et d’autre part par le fait que la diminution de ces dépenses socles est contrebalancée par la progression, sur la même période, des « dépenses hors socles » (3), parmi lesquelles les pécules et indemnités de départ pour les personnels civils et militaires occupent une forte proportion.

b. Les dépenses de fonctionnement (titre 3)

Les crédits de titre 3 représentent 2,15 milliards d’euros en AE (soit une augmentation de 16,4 % par rapport à 2012) et 1,75 milliard d’euros en CP (soit une augmentation de 0,9 % par rapport à 2012).

Parmi ces dépenses de fonctionnement, figurent principalement :

– les crédits des activités opérationnelles qui s’élèvent à 438 millions d’euros (dont 323,26 millions d’euros pour le carburant) en AE et CP. Ces ressources nécessaires à l’activité tiennent compte, d’une part, de la déflation du volume de personnel de l’armée de l’air (dont l’impact est direct sur les coûts d’alimentation et sur les activités d’entraînement) et d’autre part de l'évolution du nombre des heures de vol pour 2013 ;

– les crédits du fonctionnement et des activités spécifiques, qui s’élèvent à 38 millions d’euros en AE et CP. Ces crédits tiennent compte de la déflation du volume de personnel de l’armée de l’air, dont l’impact est direct sur les coûts de formation et d’instruction ;

– les crédits d’entretien programmé des matériels (EPM) et dissuasion, qui s’élèvent à 1,65 milliard d’euros en AE (dont 436 millions d’euros d’AE pluri-annuelles) et 1,24 milliard d’euros en CP. Parmi ces crédits, il convient de mentionner les crédits d’EPM des flottes aéronautiques, y compris Rafale, (1,61 milliard d’euros d’AE et 1,16 milliard d’euros de CP) qui concernent l’entretien du parc des aéronefs de l’armée de l’air, les crédits d’EPM des munitions et missiles (25 millions d’euros) d’AE et 63 millions d’euros de CP), qui concernent l’entretien des missiles air-air et des systèmes sol-air ainsi que les crédits d’EPM des matériels terrestres (16,9 millions d’euros en AE et 16,6 millions d’euros en CP) ;

– les crédits d’entretien programmé du personnel (EPP), qui s’élèvent à 18,1 millions d’euros en AE et 17,8 millions d’euros en CP et qui concernent l’acquisition des matériels suivants (prévisions 2013) : matériels de soutien opérationnel : 4,2 millions d’euros, habillement et protection des individus : 8,1 millions d’euros, et habillement du combattant : 5,9 millions d’euros ;

– les crédits des équipements d’accompagnement (EAC) qui s’élèvent à 6,6 millions d’euros en AE et 11,9 millions d’euros en CP. Cette opération stratégique regroupe trois activités : les armements et munitions aéronautiques (2,4 millions d’euros d’AE et 7,8 millions d’euros de CP), les armements et munitions non aéronautiques (1,8 million d’euros d’AE et 1,8 million d’euros de CP) et l’entraînement des forces (2,4 millions d’euros d’AE et 2,3 millions d’euros de CP).

c. Les dépenses d’investissement

Les crédits de titre 5 représentent 51,6 millions d’euros en AE (soit une diminution de 28,5 % par rapport à 2012) et 52,7 millions d’euros en CP (soit une diminution de 32,2 % par rapport à 2012). Ces crédits correspondant à une partie des dépenses d’investissement de l’armée de l’air sont en très forte baisse par rapport à 2012. Ils correspondent principalement à :

– des crédits d’entretien programmé des matériels qui concernent le démantèlement des matériels terrestres et aéronautiques, ainsi que le démantèlement des munitions et missiles (1,7 million d’euros d’AE et 3,8 millions d’euros de CP) ;

– des crédits des équipements d’accompagnement, parmi lesquels figurent des matériels aéronautiques d’environnement : (9,2 millions d’euros d’AE et 9 millions d’euros de CP) qui sont les opérations relatives aux matériels terrestres concourant directement à l’activité aérienne telles que les moyens de mise en œuvre (groupes électrogènes, véhicules spécifiques, tracteurs d’aéronefs), moyens de maintenance (groupes hydrauliques, passerelles) et matériels dotés (remorques, outillages spécifiques) ; des matériels informatiques air destinés notamment à l’intranet sécurisé des bases aériennes (7,7 millions d’euros d’AE et 7,6 millions d’euros de CP) ; des crédits associés à l’acquisition et au renouvellement de produits dans le domaine NRBC (2,6 millions d’euros d’AE et 2,5 millions d’euros de CP) ; des crédits liés à l’acquisition de matériels terrestres, hors matériels aéronautiques, (13,5 millions d’euros d’AE et 13,2 millions d’euros de CP) et des crédits concernant l’acquisition et le renouvellement de matériels de télécommunications, radio et hertziens (5,1 millions d’euros en AE et 5 millions d’euros en CP).

2. La sous-action 95 « Soutien Expérimentation Air » de l’action 11 « Préparation et conduite des opérations d’armement » du programme 146 « Équipement des forces »

Cette sous-action couvre les travaux d’expérimentation et d’évaluation technique des armements et équipements de l’armée de l’air.

En 2013, les principales expérimentations concerneront la préparation de la livraison du premier A400M, notamment sur les aspects formations du personnel naviguant et non naviguant ; la poursuite des travaux sur la rénovation SDCA (4); la préparation des capacités opérationnelles du système SAMP-T (5) ; la poursuite des travaux liés à l’acquisition de nouveaux radars dans le cadre du programme SCCOA4 (6) ; la poursuite des travaux sur le radar de surveillance de l’espace aérien guyanais ; la poursuite des travaux de développement de l’ACCS (7)de l’OTAN en France et à l’étranger et la réalisation de tirs d’armements air-sol sur champs de tir de la Direction générale pour l’armement (DGA).

B. ÉVOLUTION DES EFFECTIFS

La comptabilité des effectifs de l’armée de l’air est complexe. Elle suppose en effet d’agréger les emplois, dits équivalents temps plein travaillés (ETPT) du budget opérationnel de programme (BOP) de l’armée de l’air avec ceux relevant également de l’armée de l’air, sans pour autant y être retracés (hors BOP « Air »), à l’exemple des membres du personnel du Service Industriel de l'Aéronautique (SIAé), de la Direction Interarmées des Réseaux d'Infrastructure et des Systèmes d'Information de la défense (DIRISI) ou de ceux en poste dans des formations interarmées.

L’armée de l’air a une cible de réduction de 15 900 personnels militaires et civils sur une période s’étalant de 2008 à 2015, dont 15 210 sur son BOP. Elle met donc en œuvre une politique des ressources humaines pour atteindre son format fixé à 50 000 effectifs militaires et civils à l’horizon 2015.

Les années 2008-2013 s’inscrivent ainsi dans la mise en œuvre des déflations programmées dans le cadre de la réforme globale du ministère de la défense et du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Sur la période 2008-2010, l’armée de l’air a supprimé en moyenne 1 464 postes de militaires par an, dont 1 224 au titre du BOP « Air » et 240 hors BOP « Air ». Le Rapporteur se félicite que les objectifs ministériels assignés soient respectés. Au vu des éléments prospectifs, il devrait en être de même pour 2012. Les économies sont principalement réalisées dans les fonctions de soutien général et dans les domaines du maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique, de la protection et de l’infrastructure.

Le tableau suivant synthétise l’évolution des emplois civils militaires de l’armée de l’air sur son BOP, par catégories, entre 2011 et 2013.

ÉVOLUTION DU PLAFOND MINISTÉRIEL DES EMPLOIS AUTORISÉS
(PMEA) DU BOP « AIR »

(en ETPT)

 

PMEA 2011

PMEA 2012

EMRP 2012 *

PMEA 2013

Officiers

6 016

5 632

5817**

5 527,0

Sous-officiers

24 651

22 214

23298

21 051,5

MDRE(1)

13 231

11 189

11367

10 643,0

Volontaires

695,5

620

391

392,0

Total militaires

44 593,5

39 655

40873

37 613,5

Civils Cat A

472

562

671

539,5

Civils Cat B

813,5

648

741

694,5

Civils Cat C

1 384

802

1001

858,0

Ouvriers d'état

3 830

3441

3123

3 168,5

Total civils

6 499,5

5 453

5545

5 260,5

Total

51 093

45 108

46417

42 874

         

* Effectif moyen réalisé prévisionnel (EMRP) – prévisions estimées à la date 30 juin 2012. L’EMRP apparait légèrement supérieur au plafond d’emplois en raison des transferts non encore réalisés en totalité à la date du 30 juin.

(1 MDRE : militaires du rang engagés.

Source : Ministère de la défense

La déflation est considérable sur un seul exercice. Le total des effectifs passe ainsi de plus de 51 000 ETPT à environ 45 100. Cette diminution s’explique essentiellement par les économies réalisées au titre de la réforme globale du ministère (- 1 882 ETPT).

Parallèlement, les effectifs ont cru en dehors du BOP « Air », ce qu’illustre le tableau ci-après.

ÉVOLUTION DU PLAFOND MINISTÉRIEL DES EMPLOIS AUTORISÉS (PMEA)
DES AVIATEURS HORS BOP « AIR »

(en ETPT)

 

PMEA 2011

PMEA 2012

EMRP* 2012

Officiers

1 418,5

1 622

1 447,08

Sous-officiers

5 331

6 706,5

5 371,83

MDRE

1 728

3 441,5

2 459,83

Volontaires

37

92

32,5

TOTAL

8 514,50

11 862

9 311,25

* EMRP : Effectif moyen réalisé prévisionnel – valeurs 30 juin 2012

Source : Ministère de la défense

Ces effectifs désignent essentiellement ceux du SIAé.

Dans l’ensemble, les mesures de déflation ont permis de dégager des économies substantielles, évaluées à près de 542 millions d’euros sur la période 2009-2013, une fois défalqués les coûts des mesures de revalorisation de grilles indiciaires ainsi que les mesures d’incitations au départ et hors pensions. Le tableau ci-après en fournit le détail.

ÉVOLUTION DES ÉCONOMIES PERMISES APRÈS LES RÉDUCTIONS D’FFECTIFS

(en millions d’euros)

 

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2012

PLF 2013

Total

Économie d’effectifs (transferts et divers inclus)

-117,96

-105,36

-125,83

-234,06

-66,02

-649,23

Dont mesures de déflation des effectifs

-34,14

-46,15

-59,81

-55,46

-57.48

-253,04

Dont transferts inter-programmes

+0,09

-4,96

-5,45

-17,92

-0,923

--29.16

Dont transferts intra-programme

-82,96

-53,50

-60,29

-160,39

-5,73

-363.02

Dont divers

-0,95

-0,80

-0,29

-0,29

-1,89

-5,97

Mesures catégorielles

+14,70

+18,13

+13,28

+10,32

+8,43

+64,86

Plan d’accompagnement des restructurations

+26,32

-1,61

+16,23

-0,18

-1,02

-39,74

Solde des mesures d’ajustement

-4,97

-7,63

+11,70

+2,00

+1,49

+2,59

Bilan des économies titre 2 (hors CAS « Pensions »)

-81,91

-96,53

-84,64

-221,92

-37.92

-542,13

Bilan des économies titre 2 (avec CAS « Pensions »)

-92,63

-143,71

-115,12

-280,46

-38,716

-670,64

CAS « Pensions » : compte d’affectation spéciale « Pensions »

Source : Ministère de la défense

Ces économies doivent être analysées avec une certaine prudence. En effet, une externalisation permet par exemple un transfert de charge du titre 2 (rémunération et charges sociales) vers le titre 3 (dépenses de fonctionnement) sans qu’il en résulte nécessairement une réelle économie globale. En outre, la montée en puissance des structures interarmées absorbe des personnels, qui quittent formellement le titre 2 de l’armée de l’air, sans que les effectifs globaux du ministère de la défense soient réduits pour autant. Enfin, la réforme des retraites pourrait également perturber les schémas de déflation en maintenant en poste les personnels pendant quelques années supplémentaires.

Ce contexte difficile de diminution des effectifs ne doit pas faire oublier de légitimes motifs de satisfaction. En particulier, le taux de féminisation des effectifs de l’armée de l’air continue la progression enregistrée depuis la mise en œuvre de la professionnalisation, même si celle-ci reste plus forte pour les premiers échelons hiérarchiques. Il convient à cet égard de souligner que toutes les spécialités, y compris celles de pilote de chasse et de fusiller commando, sont désormais ouvertes aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Ce taux est passé, toutes catégories confondues, de 17,5 % en 2003 à 21,7 % en 2012, avec une prévision de 21,8 % en 2013, même s’il faut regretter que ce taux demeure plus fort au niveau des premiers échelons hiérarchiques.

La cible de déflation pour le BOP « Air » est fixée à - 1 654 ETP en 2012 et à -1 545 ETP pour l’exercice 2013. La cible de déflation pour l’armée de l’air s’élève à - 2 090 ETP (dont - 436 postes hors BOP « Air ») en 2012 et est estimée pour 2013 - 2 037 ETP (dont - 402 postes hors BOP « Air »).

S’agissant des effectifs, le Rapporteur se félicite tout particulièrement que l’ancien chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Jean-Paul Paloméros, ait décidé, en se fondant sur les erreurs de paiement enregistrées par l’armée de terre, de reporter en mars 2013 le raccordement, qui devait initialement intervenir au mois de septembre 2012, de son système d’informations de ressources humaines (SIRH) Orchestra au Logiciel unique à vocation interarmées de la solde (Louvois), qui permet de calculer le traitement des militaires sur la base de données personnelles.

C. ÉVOLUTION DES STRUCTURES

L’armée de l’air continue de prendre toute sa part dans la réorganisation de la carte militaire.

Dans le cadre de la réorganisation des implantations et des adaptations capacitaires, l’armée de l’air a désormais réalisé, à compter de l’été 2012, l’ensemble des fermetures prévues et annoncées. Ainsi, entre 2009 et 2012, 8 bases ont été fermées en métropole et 4 outre-mer.

CALENDRIER DE FERMETURE DES BASES

2009

Base aérienne 101 de Toulouse (31)

2010

Base aérienne 132 de Colmar (68)

2011

Base aérienne 112 de Reims (51)

 

Base aérienne 921 de Taverny (95)

 

Base aérienne de Dakar-Ouakam (Sénégal)

2012

Base aérienne 217 de Brétigny-sur-Orge (91)

 

Base aérienne 103 de Cambrai (59)

 

Base aérienne 128 de Metz (57)

 

Base aérienne 943 de Nice (06)

 

Base aérienne 190 de Tahiti-Faa’a (Polynésie française)

 

Base aérienne 181 de Saint-Denis de la Réunion (La Réunion)

 

Base aérienne 365 du Lamentin (Martinique)

Source : Ministère de la défense

Rien n’exclut toutefois que la révision en cours du Livre blanc entraîne de nouvelles fermetures. Le Rapporteur appelle toutefois l’attention sur la nécessité de préserver un maillage cohérent, juste et suffisant. En effet, lieu de stationnement de mise en œuvre et d’emploi des moyens, la base aérienne reste tournée en permanence vers l’exécution de missions opérationnelles.

Parmi les 29 bases aériennes, 18 sont dotées d’une plateforme aéronautique et 4 sont des bases plate-forme école (Salon de Provence, Cognac, Tours, Cazaux).

L’armée de l’air dispose également en 2012 de 4 implantations permanentes hors métropole : Al Dhafra (Émirats Arabes Unis), Djibouti (République de Djibouti), Cayenne (Guyane) et Nouméa (Nouvelle-Calédonie).

L’armée de l’air continue de participer au processus de mutualisation interarmées qui s’est concrétisé, depuis 2009, par la mise en place de bases de défense (BdD). Les BdD ne sont pas des bases à proprement parler, mais plutôt des circonscriptions administratives de défense regroupant les fonctions de soutien des implantations relevant des armées de l’air, de terre et de la marine dans un rayon ou pour un nombre d’hommes donnés. Les 60 BdD (51 en métropole et 9 outre-mer et à l’étranger) sont des structures interarmées. Néanmoins, la notion d’armée de référence a été introduite lors de la création du dispositif pour tenir compte du « centre de gravité » des formations intégrée dans le périmètre de la BdD. Le commandement de certaines d'entre elles est ainsi assuré par un commandant de base aérienne.

Ainsi, les BdD de Bordeaux-Merignac, Bourges-Avord, Cazaux, Creil, Dijon, Epinay - Luxeuil, Evreux, Istres-Salon de Provence, Mont de Marsan, Nancy, Orléans-Bricy, Rochefort-Cognac, Saint-Dizier-Chaumont, Tours et Ventiseri-Solenzara ont l’armée de l’air pour armée de référence.

Le Rapporteur constate qu’il est extrêmement difficile d’obtenir un chiffrage des économies réalisées d’une part au moyen de la fermeture de bases aériennes, d’autre part au moyen de la mutualisation du soutien à travers la mise en place des bases de défense. D’après les éléments d’information recueillis auprès du ministère de la défense, les gains les plus significatifs concernent les effectifs. Ainsi, sur les 54 000 suppressions de postes demandées à la mission Défense, 10 000 seraient réalisés grâce à la réforme des BdD, soit près de 20 % de l’objectif de déflation entre 2008 et 2015 mais le ministère de la défense reconnaît qu’« il s’avère délicat de déterminer la part « Air » des économies générées par la création des bases de défense ».

II. LE FONCTIONNEMENT COURANT DE L’ACTIVITÉ DES FORCES

Les crédits de fonctionnement permettent l’activité quotidienne de l’armée de l’air et notamment l’entraînement des pilotes.

A. LES CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT ET LE CARBURANT

1. Les crédits de fonctionnement courant

Les crédits de fonctionnement courant de l’armée de l’air financent les dépenses d’assistance en escale, les redevances aéronautiques, les déplacements des personnels, les activités opérationnelles (entraînements et exercices), l'alimentation des personnels militaires, les dépenses de formation et d’entraînement ainsi que les frais liés aux mutations.

Le tableau ci-après illustre leur évolution entre 2012 et 2013.

CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT COURANT

(en millions d’euros)

 

LFI

2012 AE

LFI

2012 CP

PLF 2013 AE

PLF 2013

CP

Fonctionnement hors carburants opérationnels

183

183

153

153

Carburants opérationnels

324

324

323

323

Total pour l'action 4

507

507

476

476

Source : Ministère de la défense

Par rapport à la LFI 2012, le montant des crédits de paiement pour le fonctionnement est en diminution de 6 %, en raison de transferts et de l'objectif de réduction des dépenses de fonctionnement.

2. Les dotations en carburants

En ce qui concerne la dotation en carburant, le PLF 2013 prend acte du renchérissement du coût des hydrocarbures. Le tableau ci-après illustre l’évolution de la dotation depuis 2008, en forte augmentation malgré la réduction de format de l’armée de l’air.

CRÉDITS DE CARBURANT

(en millions d’euros)

 

LFI 2008

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2012

PLF 2013

Carburants opérationnels

221

266

244

254

324

323

Carburants non opérationnels (1)

17

16

14

0,08

0,08

0,00

Total carburants

227

281

258

254

324

323

(1) Le transfert des dépenses consacrées aux carburants non opérationnels vers les bases de défense explique la diminution de la dotation pour 2011 et 2012. En 2013, l’ensemble des crédits concernant les carburants non opérationnels de l'action 4 sont désormais positionnés sur l'action 5, sous-action 82.

Source : Ministère de la défense

Pour 2012, la dotation a été construite sur l’hypothèse d’une consommation de 442 700 m3 de carburéacteur, pour un coût de 691,50 euros le m3 avec une parité d’un euro pour 1,4 dollar. En application de la clause de sauvegarde prévue par la loi de programmation militaire (LPM) 2009-2014 et conformément à la lettre-plafond du Premier ministre sur le PLF 2012, le poste des carburants opérationnels a fait l'objet d'une redotation de 100 millions d’euros (pour les trois armées) en construction budgétaire au regard de la hausse durable des cours des produits pétroliers. La persistance de la tendance haussière du cours des produits pétroliers pourrait nécessiter un nouveau recours à la clause de sauvegarde de la LPM, en fin de gestion 2012.

Pour 2013, la dotation correspond à un volume en nette diminution, établi à 361 600 m3 de carburéacteur. Ce volume est cohérent avec la réduction d’activité consécutive à l’indisponibilité de certains matériels aéronautiques. L’hypothèse de construction budgétaire s'appuie sur un tarif de cession du carburéacteur de 691,50 euros le m3. La croissance des crédits alloués au carburant opérationnel traduit donc une meilleure prise en compte des cours du pétrole, qui masque la diminution des volumes alloués à l’armée de l’air.

B. DES HEURES D’ENTRAÎNEMENT POURVUES AU PLUS JUSTE

Le tableau ci-dessous présente l’évolution des heures d’entraînement moyennes des pilotes des différentes flottes, réalisées ou prévues entre 2009 et 2013. Il mentionne, pour mémoire, les objectifs inscrits en programmation 2009-2014.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DES HEURES D’ENTRAÎNEMENT

(en heures)

 

Objectif LPM 2009-2014

2010 Réalisation

2011 Prévision PAP 2011

2011 Réalisation (RAP-2011)

2012 Prévision actualisée (PAP 2013)

2013 Prévision

Heures de vol par pilote de chasse

180

170

180

190

165

160

Heures de vol par pilote de transport

400

287

300

310

265

260

Heures de vol par pilote d’hélicoptère

200

170

200

190

200

195

Source : Ministère de la défense

L’insuffisance d’activité des équipages « chasse », due au manque de disponibilité des matériels, a pour conséquence un allongement de la phase de régénération des équipages (difficultés de formation pour les jeunes équipages en unité de combat et d’entretien de compétence pour les équipages expérimentés).

Le faible niveau d’activité individuelle des équipages de transport tactique en 2012 s’explique par un format et une disponibilité de la flotte restés insuffisants, malgré la livraison des nouveaux CASA. En 2013, l’arrivée des premiers A400M amorcera le début du redressement de la situation de la flotte transport. Toutefois, le budget consacré à l’entretien programmé des matériels, malgré sa progression, ne permettra pas d’assurer le niveau d’activité initialement prévu pour le reste de la flotte de transport tactique.

Dans ce contexte, les équipages de la flotte d’hélicoptères devraient parvenir à préserver leur niveau d’activité individuelle en 2012 et 2013.

Le Rapporteur appelle l’attention sur le fait que la Cour des comptes, dans son rapport thématique de juillet 2012 sur le bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire 2009-2014, indique que « l’armée de l’air connaît un déficit d’heures de vol, posant problème pour le maintien de certaines compétences ». La Cour met clairement en évidence que le niveau d’entraînement des forces est en deçà des objectifs de la loi de programmation militaire, avec par exemple 287 heures de vols pour les pilotes de transport de l’armée de l’air pour un objectif de 400 heures pour la réalisation de 2010, sachant que les progrès enregistrés en 2011 sont demeurés faibles. Elle souligne que « cette dégradation est dommageable pour le maintien de certains savoir-faire et y remédier doit être regardé comme une priorité pour l’affectation des ressources budgétaires au niveau de l’ensemble du ministère ».

III. L’ENTRETIEN DES ÉQUIPEMENTS

Les crédits d’entretien des matériels permettent d’optimiser les flottes dont dispose l’armée de l’air. Le Rapporteur regrette que ces crédits, plus souples d’emploi que les crédits d’équipement, aient trop souvent par le passé servi de variable d’ajustement.

Pour mener à bien cette mission d’entretien des équipements, la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de défense (SIMMAD) et le service industriel de l’aéronautique (SIAé) jouent un rôle de premier plan.

A. LES CRÉDITS D’ENTRETIEN PROGRAMMÉ DES MATÉRIELS

Les crédits budgétaires de l’armée de l’air inscrits pour 2013 sur l’action « Préparation des forces aériennes » au titre de l’entretien programmé des matériels (EPM) et de la dissuasion s’élèvent à 1,25 milliard d’euros en crédits de paiements.

On rappellera que le coût global du maintien en condition opérationnelle (MCO) est essentiellement constitué des dépenses d’entretien programmé des matériels (EPM) et de rémunérations et charges sociales (RCS) du personnel affecté à la maintenance, le reste correspondant à des dépenses de fonctionnement et de soutien initial (financé par le programme 146). Dans le milieu aéronautique, l’EPM représente environ 59 % de la dépense, et les RCS 34 %.

VENTILATION DES CRÉDITS D’EPM DE L’ARMÉE DE L’AIR

(en millions d’euros)

Prog

Action

S/Action

Titre

Rubrique

AE LFI 2011

AE LFI 2012

AE PLF 2013

178

4

70

3

EPM flottes aéronautiques –dissuasion

105

106

103

178

4

70

3

EPM flottes aéronautiques –
hors dissuasion

1 018(1)

1 084(2)

1 114(3)

178

4

70

3

EPM munitions et missiles

57

16 (4)

54(5)

178

4

73

3

EPM SIC

 

72

99

178

4

73

3

EPM matériels terrestres

 

10

17

178

4

70

5

Démantèlement milieu aérien

 

1

2

Total

1 179

1 290

1 388

(1) Hors provision de 410 millions d’euros pour contrats pluriannuels et remboursement d’une partie des contrats pluriannuels 2009 et 2010 soit - 91,6 millions d’euros - (1 336,21 millions d’euros au total).

(2) Hors provision de 181 millions d’euros pour contrats pluriannuels et remboursement d’une partie des contrats pluriannuels 2009, 2010 et 2011 soit - 137,5 millions d’euros

(3) Hors provision de 436,2 millions d’euros pour contrats pluriannuels et remboursement d’une partie des contrats pluriannuels 2009, 2010 et 2011 soit -168,2 millions d’euros

(4) Hors provision de 153 millions d’euros pour contrats pluriannuels

(5) Hors remboursement de 28,8 millions d’euros d’une partie des contrats pluriannuels 2012

Source : Ministère de la défense

L’enveloppe consacrée à la dissuasion est stable par rapport à l’enveloppe 2012.

Hors dissuasion, les priorités portent une nouvelle fois sur les avions de combat, avec une prévision d'engagement de 697 millions d’euros (dont 362 millions d’euros pour la flotte Rafale), mais aussi sur les avions tactiques avec 144 millions d’euros.

L’évolution du coût de l’EPM des avions ravitailleurs reste de l’ordre de 4 à 5 % par an (pour un flux annuel moyen de 58 millions d’euros en 2010 à 54 millions d’euros en 2011). Cette valeur est supérieure à l’augmentation moyenne des coûts constatés dans le milieu aéronautique, ce qui s’explique principalement par l’ancienneté de la flotte (l’âge moyen des aéronefs est de 47 ans). Ainsi, les montants des engagements 2010 et 2011 ont été respectivement de 58,1 millions d’euros et de 53,3 millions d’euros.

Le MCO des drones Harfang a fait l’objet d’un contrat notifié en octobre 2009 (vecteur supplémentaire, augmentation des heures de vols, soutien en OPEX). La première tranche a été financée par le programme 146 (35 millions d’euros). La deuxième tranche a été notifiée sur le programme 178 en octobre 2010 pour un montant de 26 millions d’euros. Les tranches suivantes seront imputées sur le programme 178 pour un flux d’environ 26 millions d’euros par an.

Le coût de l’EPM de la flotte de transport logistique a évolué à la hausse compte tenu du retard de l’A400M. Pour pallier le décalage des livraisons, il a été décidé de prolonger la vie des C160 et d’acquérir des CASA CN235, avec pour conséquences de :

– financer les nouveaux CASA sur le programme 146 (le soutien basculera sur le programme 178 en 2013) ;

– revoir à la hausse le nombre de visites d’entretien C160 (10 grandes visites supplémentaires entre 2011 et 2013) ;

– augmenter les engagements sur l'ensemble des marchés contenant des prestations C160.

Le surcoût de l’EPM en OPEX pour l’année 2011, compensé par le décret d’avance OPEX, s’est élevé à 102 millions d’euros, dont 74 millions d’euros pour la seule opération Harmattan.

B. LA SIMMAD ET LE SIAÉ

Les structures d’entretien programmé des matériels ont évolué au cours des années 2000 et reposent aujourd’hui essentiellement sur la SIMMAD et le SIAé.

1. La structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD)

L’organisation de l’armée de l’air en matière de soutien des forces aériennes repose essentiellement sur la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (SIMMAD).

La SIMMAD élabore et conduit le maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques des armées en fonction du besoin opérationnel exprimé par celles-ci. Les matériels soutenus sont retracés dans le tableau ci-après.

MATÉRIELS SOUTENUS PAR LA SIMMAD

(en nombre et années)

Familles aéronefs

Dotation Force

Âge moyen du parc

Avions de chasse
(Rafale, Mirage 2000, Mirage F1)

237

Rafale : 4,59

Mirage 2000 : 19,11

Mirage F1 : 28,50

Avions de transport tactique
(C130, C160 AG – NG, C160 G, Casa)

83

C130 : 25,59

C160 : 35,18

Casa : 12,58

Avions de transport stratégique
(A310, A340)

5

A310 : 25,16

A340 : 17,35

Avions à usage gouvernemental
(A330, Falcon 7X, Falcon 50, Falcon 900)

9

A330 : 13,9

Falcon 7X : 2,70

Falcon 50 : 30,94

Falcon 900 : 26,00

Avions de support opérationnel
(K/C135, E3F)

18

K/C 135 : 49,26

E3F : 21,70

Avions de transport de personnel
(DHC6, TBM 700)

21

DHC6 : 37,58

TBM 700 : 16,78

Avions école
(Xingu, Alphajet, Extra 300)

122

XINGU : 29,35

Alphajet : 30,44

Extra 300 : 4,29

Hélicoptères de protection sauvegarde, école
(Fennec)

41

FENNEC : 21,25

Hélicoptères de manœuvre ou moyens
(Puma, Super Puma, Cougar, EC725)

39

PUMA : 34,82

SUPER PUMA : 25,13

COUGAR : 20,49

EC725 : 6,02

Source : Ministère de la défense

Pour réaliser cette mission, la SIMMAD dispose d’un effectif de 1 422 personnes issues des différentes forces armées et de la DGA, comme l’illustre le tableau ci-après.

EFFECTIFS AUTORISÉS AU 1ER SEPTEMBRE 2012

(en ETPT)

 

Officiers

S/Officiers

MTA*

Civils

Total

 

Niveau 1

Niveau 2

Niveau 3

AIR

165

584

42

3

17

44

855

MARINE

50

204

3

1

12

19

289

TERRE

34

51

/

14

39

17

155

GENDARMERIE

1

2

/

/

/

/

3

DGA

13

/

/

40

35

32

120

TOTAL

263

841

45

58

103

112

1 422

* MTA : militaire technicien de l’air

Source : Ministère de la défense

Les effectifs mentionnés ci-dessus intègrent les unités de la SIMMAD à Paris et Mérignac ainsi que les unités rattachées. Celles-ci regroupent les équipes techniques interarmées, des unités de gestion du maintien de la navigabilité, des cellules logistiques auprès des industriels et des services spécialisés dans les achats. Au total, les effectifs se répartissent sur une trentaine d’implantations.

Le tableau ci-après illustre l’évolution des crédits budgétaires de la SIMMAD.

CRÉDITS DE LA SIMMAD

(en millions d’euros)

Armée

Crédits

LFI 2012

PLF 2013

Terre

AE

258

416

CP

223

282

Marine

AE

384

693

CP

397

434

Air

AE

1 280

1 636

CP

1 163

1 230

Source : Ministère de la défense

Il convient de souligner que le report de charges, c'est-à-dire les factures qui auraient dû être payées avant la clôture de la gestion, continue de s’accumuler pour passer à 213 millions d’euros en 2011. Toutefois, l’apport de ressources supplémentaires pour couvrir les surcoûts OPEX au titre du MCO a permis de contenir ce report de charges à un niveau soutenable.

2. Le service industriel aéronautique (SIAé)

Le service industriel de l'aéronautique (SIAé) est un service de soutien relevant de l’armée de l’air, à vocation interarmées. Créé le 1er janvier 2008, il a pour mission de contribuer, en réalisant la maintenance des matériels aériens et les rénovations nécessaires, à la disponibilité des moyens aériens des forces. Il est garant de l’autonomie d’action de l’État en matière de MCO aéronautique.

Depuis le 1er janvier 2011 avec la création de l’AIA Bretagne, il est composé d'une direction centrale et de cinq ateliers industriels de l'aéronautique (AIA) :

– AIA Ambérieu : maintenance et fabrication de matériels d’environnement aéronautique ;

– AIA Bordeaux : maintenance des moteurs ;

– AIA Clermont-Ferrand et Cuers-Pierrefeu : maintenance des cellules et des équipements, chantiers de rénovation ;

– AIA Bretagne : maintenance des aéronefs marine (cellules, équipements et moteurs).

Le fonctionnement du SIAé repose sur un compte de commerce. Son activité est donc parfaitement identifiable et guidée par un impératif de rentabilité. La SIMMAD est son principal client, celle-ci adressant chaque année au SIAé une commande recouvrant l’ensemble des prestations confiées au service au profit des matériels aéronautiques des armées. En prévision, elle lui aura notifié pour 553 millions d’euros de contrats en 2012. Suit la DGA, avec 40 millions d’euros de commandes en 2012. L’armée de l’air en est logiquement la principale bénéficiaire. Le tableau ci-après en illustre la répartition, selon les hypothèses de juillet 2012.

ORIGINE ET BÉNÉFICIAIRES DES COMMANDES ATTENDUES EN 2012

(en millions d’euros)

Bénéficiaires

SIMMAD

DGA

Autres

Total

Air

364

10

0,8

374

Marine

158

25

0,4

184

Terre

26

5

0,4

31

DGA

3

   

3

Autres services

3

   

3

Total clients budgétaires

553

40

1,6

594

Commandes clients non budgétaires

     

6

Total prises de commande

     

600

Source : Ministère de la défense

Pour 2013, son carnet de commande s’élève à 604 millions d’euros. Il se répartira comme suit :

ORIGINES ET BÉNÉFICIAIRES DES COMMANDES ATTENDUES EN 2013

(en millions d’euros)

Bénéficiaires

SIMMAD

DGA

Autres

Total

Air

345

10

 

355

Marine

165

25

 

190

Terre

36

5

 

41

DGA

2

   

2

Autres services

3

 

2

5

Total clients budgétaires

552

40

2

594

Commandes clients non budgétaires

     

10

Total prises de commande

     

604

Source : Ministère de la défense

S’agissant des effectifs, l’année 2011 a été marquée par l’adossement « marine » avec un transfert de l’activité MCO des 4 bases aéronautiques navales vers l’AIA de Bretagne et l’AIA de Cuers Pierrefeu. L’objectif de déflation fixé dans le cadre de la réforme globale du ministère a conduit à planifier 723 suppressions de postes de 2008 à 2015. Le plafond maximum des effectifs autorisés était de 5004 postes en loi de finances 2012 et sera ramené à 4 946 en LFI 2013.

Compte tenu de sa charge, le SIAé vise à ce que ses effectifs effectivement réalisés soient au plus près des plafonds autorisés.

EFFECTIFS SIAé

(en ETPT)

 

Effectifs prévus au 31/12/2012

Niveau 1 et officiers

547

Niveau 2 et sous-officiers

1 508

Niveau 3 et militaires du rang

605

Ouvriers

2 232

Gendarmes de l’air

21

Total

4 913

Source : Ministère de la défense

Le SIAé est un outil privilégié pour obtenir des sources d’économies pour la Défense. En effet, les améliorations des opérations de maintenance permettant d’obtenir des gains financiers s’articulent autour des axes suivants :

– optimisation des programmes de maintenance des aéronefs ;

– évolution des limites de fonctionnement des moteurs ;

– développement des solutions de réparation ;

– optimisation du processus industriel et définition au juste niveau des besoins en volants et rechanges ;

– optimisation de la fin de vie des flottes d'aéronef ;

– rationalisation par regroupement d’activités sur les sites.

Le Rapporteur appelle l’attention sur le caractère quelque peu aberrant d’exiger du SIAé, dans une logique purement malthusianiste, qu’il contribue aux diminutions d’effectifs alors même que son adossement à un compte de commerce devrait au contraire rapprocher son fonctionnement de celui d’une entreprise. Lors des auditions qu’il a menées, le Rapporteur a ainsi été convaincu de l’urgence de sortir le SIAé des objectifs de réductions d’effectifs.

C. LES TAUX DE DISPONIBILITÉ

Le taux de disponibilité technique (DT) des flottes correspond à la proportion d’une flotte volant effectivement sur un an. Un écart significatif par rapport à 100 % peut ainsi révéler des problèmes de vieillissement, d’entretien ou un manque de crédits de MCO.

Depuis 2009, cet indicateur a été complété par le taux de disponibilité technique opérationnelle (DTO), qui exprime le rapport entre le nombre d’aéronefs disponibles constaté et le nombre d’aéronefs disponibles nécessaire à la réalisation de l’activité aérienne prévue, c'est-à-dire l’aptitude à réaliser le contrat opérationnel de l’armée de l’air. Ainsi, un DTO de 100 % indique que la flotte en question remplit entièrement les objectifs qui lui ont été assignés au contrat, tandis qu’un taux inférieur à 100 % met en évidence un déficit capacitaire.

TAUX DE DISPONIBILITÉ GLOBALE (HORS DRONES) DES AÉRONEFS
DE L’ARMÉE DE L’AIR (OPEX INCLUS)

Type d'aéronef

Aéronefs

Taux de disponibilité DT

DTO

 

Dates d'entrée en service

   

2009

2010

2011

1er sem. 2012

2009

2010

2011

1er sem. 20121

Prévision 2013

Le plus ancien

le plus récent

nbre

d’aéronefs m

en service e

2012

Avions de chasse

Rafale

52 %

52 %

49 %

45 %

97 %

97 %

97%

-

è

oct-99

mai 12

4

 

M 2000 B

48 %

58 %

68 %

38 %

129 %

126 %

113%

-

ì

nov-83

déc-94

0

 

M 2000 C RDI

59 %

66 %

72 %

45 %

99 %

94 %

103%

-

ì

déc-82

juil-95

0

 

M 2000-5F

53 %

56 %

50 %

40 %

89 %

92 %

86%

-

ì

juil-87

juil-90

0

 

M 2000 D

41 %

43 %

54 %

36 %

83 %

87 %

106%

-

ì

mars-93

févr-02

0

 

M 2000 N

62 %

63 %

56 %

42 %

106 %

111 %

108%

-

ì

mars-86

mai-93

0

 

Mirage F1 B

62 %

51 %

51 %

33 %

99 %

108 %

91%

-

è

nov-80

févr-83

0

 

Mirage F1CR

45 %

57 %

57 %

26 %

94 %

108 %

91%

-

è

déc-82

mai-87

0

 

Mirage F1 CT

58 %

48 %

68 %

46 %

81 %

71 %

118%

-

è

déc-77

déc-83

0

 

TOTAL

52 %

55 %

56 %

38 %

96 %

98 %

101%

-

     

0

Avions Ecole

Alphajet

66 %

58 %

57 %

40 %

97 %

90 %

94%

-

è

déc-78

mai-85

0

 

Xingu

58 %

52 %

51 %

36 %

90 %

81 %

80%

-

è

mai-82

nov-83

0

 

TOTAL

66 %

57 %

56 %

40 %

96 %

88 %

94%

-

     

0

Avions de transport stratégique

A 340

98 %

100 %

99 %

98 %

94 %

101 %

98%

-

è

juin-06

avr-07

0

 

A 310

92 %

98 %

93 %

70 %

102 %

88 %

87%

-

ì

mars-87

janv-88

0

 

TOTAL

94 %

99 %

96 %

81 %

99 %

94 %

92%

-

       

Avions de transport de personnel

TBM 700

69 %

70 %

70 %

55 %

86 %

83 %

86%

-

è

mai-92

févr-98

0

 

DHC6

64 %

75 %

66 %

43 %

82 %

86 %

67%

-

ì

avr-70

juin-82

0

 

TOTAL

68 %

71 %

69 %

52 %

84 %

84 %

81%

-

       

Avions à usage gouvernemental

Falcon 900

96 %

100 %

97 %

63 %

113 %

82 %

105%

-

è

mars-86

janv-87

0

 

Falcon 50

98 %

99 %

92 %

90 %

98 %

113 %

74%

-

(retrait)

janv-80

mars-81

0

 

Falcon 7X

-

100 %

88 %

89 %

-

127 %

91%

-

è

juil-09

mai-10

0

 

Falcon 2000 A 319

-

-

-

99 %

-

-

-

-

è

Dec-11

Juin-12

1

   

98 %

100 %

-

-

112 %

99 %

-

-

(retiré)

oct-01

avr-02

0

 

A 330

-

-

98 %

80 %

-

-

108%

-

è

nov-10

nov-10

0

 

TOTAL

98 %

100 %

93 %

83 %

105 %

104 %

93%

-

       

Avions de support opérationnel

E3F

84 %

81 %

74 %

53 %

105 %

86 %

89%

-

î

sept-90

mars-91

0

 

KC 135 - 135-FR

65 %

61 %

62 %

54 %

71 %

69 %

74%

-

è

mars-62

déc-63

0

 

TOTAL

69 %

65 %

64 %

54 %

79 %

73 %

77%

-

     

0

Avions de transport tactique

C 130

58 %

65 %

72 %

38 %

69 %

72 %

75%

-

ì

juin-65

sept-89

0

 

C 160 AG-NG

52 %

54 %

56 %

45 %

79 %

83 %

87%

-

è

juin-65

nov-84

0

 

C 160 G

63 %

45 %

44 %

59 %

88 %

85 %

68%

-

è

janv-89

juin-89

0

 

Casa

75 %

72 %

67 %

48 %

108 %

96 %

88%

-

è

déc-90

mars-08

0

 

TOTAL

58 %

59 %

60 %

45 %

84 %

85 %

85%

-

     

0

Hélicoptères de manœuvre ou

moyens

Puma

57 %

51 %

56 %

45 %

89 %

84 %

91%

-

ì

nov-74

déc-82

0

 

Super Puma

63 %

64 %

62 %

52 %

98 %

98 %

103%

-

ì

juil-84

mai-93

0

 

Cougar

79 %

57 %

47 %

26 %

84 %

65 %

66%

-

î

nov-91

mai-92

0

 

Caracal

59 %

57 %

68 %

43 %

89 %

80 %

91%

-

ì

juil-05

déc-05

0

 

TOTAL

59 %

55 %

59 %

44 %

91 %

84 %

92%

-

     

0

Hélicoptères légers

Fennec

69 %

62 %

64 %

49 %

98%

86 %

88%

-

î

févr-88

mars-94

0

TOTAL ARMÉE DE L’AIR

59 %

58 %

59 %

43 %

95 %

91 %

94%

-

       

Source : SIMMAD


Cependant, l’indicateur s’est révélé de moins en moins pertinent : le niveau d’activité aérienne prévue, réduit du fait des difficultés de l’entretien programmé des matériels, n’était plus suffisant pour honorer de manière satisfaisante la préparation opérationnelle et les contrats opérationnels.

Ainsi, en 2011, la DTO chasse présentait un ratio de 101 % : ce ratio traduisait essentiellement une activité aérienne réalisée supérieure (opérations en Libye) à la prévision d’activité qui a nécessité un niveau de disponibilité technique supérieur. Pour autant, cette activité n’aurait pas permis de satisfaire le contrat opérationnel le plus dimensionnant et la préparation opérationnelle nominale des équipages.

À compter de l’année 2012, le calcul de la DTO présente désormais le rapport entre la réalisation de la disponibilité technique ramenée à un besoin de disponibilité issu du contrat opérationnel.

Le tableau suivant présente les valeurs suivant l’ancienne et la nouvelle définition adoptée.

DISPONIBILITÉ TECHNIQUE

(en %)

Famille d'aéronefs

DTO ancienne définition

DTO nouvelle définition

2009

2010

2011

1er semestre 2012

1er semestre 2012

Avions de chasse

96 %

98 %

101 %

97 %

69 %

Avions de transport tactique

84 %

85 %

85 %

79 %

52 %

Avions de transport stratégique

99 %

94 %

94 %

95 %

45 %

Avions à usage gouvernemental

105 %

104 %

93 %

101 %

97 %

Avions de support opérationnel (drones inclus)

79 %

73 %

82 %

96 %

70 %

Hélicoptères de manœuvre ou moyens

91 %

84 %

91 %

78 %

76 %

Hélicoptères légers

98 %

86 %

88 %

88 %

72 %

Total armée de l'air

93 %

91 %

94 %

90 %

66 %

Source : Ministère de la défense

Ces données ne permettent toutefois pas de mettre en évidence l’écart qui existe entre le taux de disponibilité des appareils demeurant sur le territoire national et celui en OPEX, qui doit naturellement être maximisé. Le tableau ci-dessous met en évidence les taux de disponibilité OPEX.

TAUX DE DISPONIBILITÉ (HORS DRONES) DES AÉRONEFS DE L’ARMÉE DE L’AIR EN OPEX

(en %)

Famille d’aéronefs

Type

d’aéronefs

2009

2010

2011

1er sem 2012

Nbre moyen

Taux de disponibilité

Nbre moyen

Taux de disponibilité

Nbre moyen

Taux de disponibilité

Nbre moyen

Taux de disponibilité

Avions de chasse

Rafale

2,6

98 %

-

-

5,0

94 %

-

-

Mirage 2000C

-

-

1,4

8 7 %

4,0

92 %

-

-

Mirage 2000D

2,7

91 %

1,9

96 %

6,6

94 %

2,6

88 %

Mirage F1 CR

5,6

89 %

4,1

90 %

3,2

93 %

1,7

87 %

Mirage F1 CT

2,4

84 %

0,1

97 %

0,4

92 %

1,8

88 %

M2000-5

-

-

-

-

1,2

96 %

-

-

TOTAL

13,2

90 %

7,6

91 %

20,5

93 %

6,2

88 %

Avions de transport tactique

C130

0,5

67 %

0,1

75 %

0,1

86 %

-

-

C160

4,9

63 %

3,2

80 %

3,3

84 %

3,0

73 %

CN 235 Casa

1,7

87 %

1,1

92 %

0,9

95 %

-

-

TOTAL

7,1

68 %

4,4

82 %

4,3

86 %

3,0

73 %

Hélicoptères de manœuvre ou moyens

Puma

-

-

-

-

0,5

95 %

-

-

Caracal

0,9

89 %

0,8

86 %

2,0

90 %

0,8

77 %

TOTAL

0,9

89 %

0,8

86 %

2,5

91 %

0,8

77 %

Hélicoptères légers

Fennec

1,7

87 %

0,8

80 %

1,1

99 %

0,9

92 %

Source : Ministère de la défense

Le taux de disponibilité des drones est également très satisfaisant, même si l’analyse doit être relativisée par le faible nombre de drones en activité.

TAUX DE DISPONIBILITÉ DES DRONES DE L’ARMÉE DE L’AIR EN OPEX

(en %)

Type d’aéronef

Taux de disponibilité

 

Dates d'entrée en service

2009

2010

2011

1er sem. 2012

Prévision 2013

Le plus ancien

Le plus récent

Nbre d’aéronefs mis en service en 2012

SIDM/Harfang

55 %

53 %

80 %*

82 %*

è

nov-08

sept-10

0

* Pour 2011 et 2012, le taux de disponibilité est celui du système complet, incluant les vecteurs aériens et les stations sol. Pour les années précédentes, le taux correspond à la disponibilité du vecteur aérien seul.

Source : Ministère de la défense

Les bons résultats en matière de taux de disponibilité enregistrés pour le soutien des OPEX ne doivent pas occulter le résultat plus contrasté lorsque l’on se limite au théâtre national.

TAUX DE DISPONIBILITÉ (HORS DRONES)
DES AÉRONEFS DE L’ARMÉE DE L’AIR SUR LE THÉÂTRE NATIONAL

Famille d'aéronefs

Type d’aéronefs

Taux de disponibilité DT

2009

2010

2011

1er sem. 2012

Avions de chasse

Rafale

48 %

52 %

45 %

45 %

Mirage 2000 B

48 %

58 %

68 %

38 %

Mirage 2000 C RDI

59 %

65 %

69 %

45 %

Mirage 2000-5F

53 %

56 %

47 %

40 %

Mirage 2000 D

39 %

41 %

49 %

34 %

Mirage 2000 N

62 %

63 %

56 %

42 %

Mirage F1 B

62 %

51 %

51 %

33 %

Mirage F1CR

36 %

49 %

47 %

21 %

Mirage F1 CT

49 %

47 %

66 %

28 %

TOTAL

50 %

54 %

53 %

39 %

Avions école

Alphajet

66 %

58 %

57 %

40 %

Xingu

58 %

52 %

51 %

36 %

TOTAL

66 %

57 %

56 %

40 %

Avions de transport stratégique

A 310

92 %

98 %

93 %

70 %

A 340

98 %

100 %

99 %

98 %

TOTAL

94 %

99 %

96 %

81 %

Avions de transport de personnel

TBM 700

69 %

70 %

70 %

55 %

DHC6

64 %

75 %

66 %

43 %

TOTAL

68 %

71 %

69 %

52 %

Avions à usage gouvernemental

Falcon 900

96 %

100 %

97 %

63 %

Falcon 50

98%

99 %

92 %

90 %

Falcon 7X

-

100 %

88 %

89 %

Falcon 2000

-

-

-

99 %

A 319

98 %

100 %

-

-

A 330

-

-

98 %

80 %

TOTAL

98 %

100 %

93 %

83 %

Avions de support opérationnel

KC 135 - C135-FR

65 %

61 %

62 %

54 %

E3F

84 %

81 %

74 %

53 %

TOTAL

69 %

65 %

64 %

54 %

Avions de transport tactique

C 130

58 %

64 %

71 %

38 %

C 160 AG-NG

50 %

51 %

53 %

42 %

C 160 G

63 %

45 %

44 %

59 %

CN 235 Casa

73 %

71 %

65 %

47 %

TOTAL

57 %

57 %

58 %

43 %

Hélicoptères de manœuvre ou moyens

Puma

57 %

51 %

55 %

45 %

Super Puma

63 %

64 %

62 %

52 %

Cougar

79 %

57 %

47 %

26 %

Caracal

53 %

57 %

54 %

37 %

TOTAL

59 %

54 %

52 %

43 %

Hélicoptères légers

Fennec

68 %

62 %

63 %

48 %

TOTAL ARMÉE DE L’AIR

59 %

57 %

57 %

42 %

Source : Ministère de la défense

Le taux de disponibilité moyen de l’armée de l’air s’établit ainsi à 42 % pour l’année 2001-2012.

DEUXIÈME PARTIE : LE BILAN DE L’OPÉRATION HARMATTAN EN LIBYE POUR L’ARMÉE DE L’AIR

L’opération Harmattan (8), nom donné à la participation militaire française aux opérations multinationales pour protéger la population libyenne contre les attaques des forces du colonel Kadhafi, a été lancée le 19 mars 2011, sur ordre du Président de la République, par le chef d’état-major des armées.

Elle constitue le volet national de ce qui deviendra par la suite l’opération Unified Protector de l’OTAN, et qui ne prendra fin que le 31 octobre 2011, après 7 mois d’engagements intenses et 11 jours après le décès du colonel Kadhafi.

Cette opération constitue un succès indéniable et un motif légitime de fierté pour l’armée de l’air française, qui, sans enregistrer la moindre perte, a parallèlement continué à assurer une posture permanente de sûreté et de dissuasion, tout en poursuivant également son action sur d’autres théâtres d’opération, comme en Afghanistan par exemple.

Le Rapporteur est pleinement conscient que l’armée de l’air n’a pas l’apanage de la puissance aérienne et que les composantes aériennes de la marine, avec notamment l’engagement de Rafale Marine, tout comme celles de l’armée de terre, avec le rôle important des hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT), ont également pris toute leur part dans le succès de l’opération Harmattan. Il n’en demeure pas moins qu’il lui revient, comme Rapporteur de l’avis « Préparation et emploi des forces : Air », de mettre l’armée de l’air à l’honneur au sein de cette opération interarmées, en analysant avec clairvoyance la part décisive qui lui incombe dans ce succès, tout en dégageant les axes de progrès possibles qui découlent tant du travail exemplaire de retour d’expérience engagé par nos forces (9) que des nombreuses et enrichissantes auditions qu’il a menées.

À l’heure cruciale de la prochaine révision du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et à la veille d’une nouvelle loi de programmation militaire qui déterminera largement le format futur de l’armée de l’air, il convient aujourd’hui de tirer lucidement les leçons de cet engagement de l’armée de l’air française qui a fait preuve avec brio de l’étendue de ses capacités tout en examinant parallèlement les améliorations à apporter pour continuer à disposer à l’avenir d’une armée de l’air performante, endurante et crédible.

I. L’ARMÉE DE L’AIR FRANÇAISE A FAIT PREUVE AVEC BRIO DE L’ÉTENDUE DE SES CAPACITÉS

A. LE CADRE JURIDIQUE DE L’INTERVENTION A PRIVILÉGIÉ LE RECOURS AUX FORCES AÉRIENNES, PARMI LESQUELLES L’ARMÉE DE L’AIR FRANÇAISE A JOUÉ UN RÔLE PRÉPONDÉRANT

1. La résolution 1973 du conseil de sécurité de l’ONU a déterminé les conditions juridiques de l’engagement français

La résolution 1973 du conseil de sécurité de l’ONU, adoptée tard dans la soirée du 17 mars 2011, élargit le champ des sanctions à l’encontre de la Libye et ouvre la voie à l’engagement de moyens militaires pour protéger la population.

Elle exclut dès l’origine tout déploiement de forces terrestres et privilégie donc le recours à des actions militaires depuis les airs ou la mer pour, d’une part, imposer une zone d’exclusion aérienne (No Fly Zone) à l’exception de vols humanitaires ou d’évacuation et, d’autre part, défendre les populations menacées.

a. La résolution 1973 impose une zone d’exclusion aérienne et un embargo

Elle indique que le conseil de sécurité « décide d’interdire tous vols dans l’espace aérien de la Jamahiriya arabe libyenne afin d’aider à protéger les civils (et) décide également que l’interdiction imposée (…) ne s’appliquera pas aux vols dont le seul objectif est d’ordre humanitaire ».

Dans ce cadre elle autorise les États membres qui le souhaitent à « prendre au besoin toutes mesures nécessaires pour faire respecter l’interdiction de vol imposée au paragraphe 6 ». La résolution demande par ailleurs aux États de faire respecter, y compris dans les espaces internationaux, un strict embargo sur les armes et les mercenaires.

b. La résolution 1973 confie une mission de protection des populations

Elle autorise « les États membres qui ont adressé au Secrétaire général une notification à cet effet, et [qui] agissent à titre national ou dans le cadre d’organismes ou d’arrangements régionaux et en coopération avec le Secrétaire général, à prendre toutes mesures nécessaires, nonobstant le paragraphe 9 de la résolution 1970 (10) (2011), pour protéger les populations et zones civiles menacées d’attaque en Jamahiriya arabe libyenne, y compris Benghazi, tout en excluant le déploiement d’une force d’occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n’importe quelle partie du territoire libyen ».

2. La France a su prendre toute sa place au sein de structures de commandement évolutives

Les changements enregistrés dans la chaîne de commandement au cours de l’intervention en Libye n’ont pas posé de problèmes particuliers à l’armée de l’air.

a. Le commandement a été initialement national

Les moyens de l’armée de l’air ont tout d’abord été engagés sous commandement national, comme l’autorisait d’ailleurs explicitement la résolution 1973, avec une coordination minimale entre les nations.

Ce commandement national a été assuré, pour la France, au Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), sous l’autorité du chef d’état-major des armées, après décision présidentielle. Du 19 au 23 mars, l’établissement des règles d’engagement s’est fait sur proposition du JFACC (Joint Force Air Component Command) permanent de l’armée de l’air, structure permettant à celle-ci de planifier et conduire des opérations aériennes dans un cadre interarmées et multinational, qui a ensuite assuré l’élaboration des ordres (Air Task Order ou ATO), des documents de gestion de l’espace aérien (Airspace Coordination Order) et la conduite des opérations en temps réel depuis ses installations du Centre national des opérations aériennes (CNOA) de Lyon Mont-Verdun.

b. Le commandement des opérations s’est ensuite fait un temps sous mandat américain

Ensuite, les moyens sont passés, du 24 au 31 mars, sous le commandement du 603ème Air Operations Center (AOC) de Ramstein (Allemagne), unité américaine de l’USAFE (US Air Force in Europe) qui possède des moyens permettant la planification et la conduite d’une opération d’envergure.

c. Le contrôle de l’opération s’est finalement déroulé sous mandat de l’OTAN

L’OTAN a enfin pris le contrôle de l’opération à compter du 1er avril 2011, en s’appuyant en Italie sur un échelon opératif à Naples (11) et en déployant au sein du Centre de coordination des opérations aériennes (CAOC) de la base de Poggio Renatico (à environ 40 km de Bologne) un échelon tactique rassemblant l’ensemble des moyens nécessaires à la conduite de l’opération. Menée par l’OTAN, celle-ci a alors pris le nom d’Unified Protector (mission protecteur unifié).

De l’avis des militaires auditionnés par le Rapporteur, le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'Alliance atlantique a été de nature à favoriser une meilleure insertion de la France dans le dispositif de l’OTAN, dans un climat de confiance partagée.

3. L’armée de l’air a mobilisé des moyens conséquents

De nombreux aéronefs et des systèmes d’armes performants ont été mis en œuvre par l’armée de l’air tout au long de l’intervention militaire en Libye pour dissuader, protéger, renseigner et frapper vite et fort lorsque cela s’est avéré nécessaire. La puissance aérienne a ainsi permis un emploi mesuré de la force au travers d’une large palette d’effets.

L’ensemble des flottes de l’armée de l’air a été mobilisé, y compris l’utilisation, dans un cadre conventionnel, de deux escadrons de combat à vocation nucléaire appartenant aux forces aériennes stratégiques (FAS) qui ont fait la preuve de la crédibilité de la composante aéroportée de notre dissuasion nucléaire.

a. De nombreux moyens de l’armée de l’air ont concouru à l’opération Harmattan

● Système de détection et de commandement aéroporté (en anglais : Awacs (12)

Un Awacs de l’armée de l’air française a réalisé au moins une sortie par jour durant toute l’opération, réalisant au final 222 sorties et 2 405 heures de vol.

● Avions ravitailleurs

Les ravitailleurs (C135Fr et KC135R) ont totalisé 405 sorties et 3 151 heures de vol. Il convient toutefois de souligner que 70 % des missions de ravitaillement en vol de la coalition ont été effectuées par des ravitailleurs américains (cf. infra).

● Avions de recueil de renseignement électromagnétique C160G

Les avions de recueil de renseignement électromagnétique C160G ont réalisé tout au long de l’opération Harmattan 36 sorties et 252 heures de vol. Ces sorties se sont concentrées au début de l’opération (phase précédant le 19 mars essentiellement) et en fin d’opération, pour permettre une analyse dynamique des évolutions du théâtre d’opération.

● Hélicoptères Caracal et Puma

Un « plot » de Combat Search and Rescue (13) (CSAR) a été maintenu en permanence sur les bâtiments de la marine nationale, du 23 mars au 17 juillet 2011 sur le porte-avions Charles de Gaulle, puis sur des bâtiments de projection et de commandement (BPC Mistral puis Tonnerre) jusqu’au 25 octobre. Il était destiné à une éventuelle manœuvre de récupération par les commandos de l’air du CPA-20 des aviateurs ayant dû s’éjecter en territoire hostile.

Au total, 2 Caracal et 1 Puma ont ainsi été engagés. Ces hélicoptères ont également participé à des missions de protection de la zone d’évolution du BPC contre des menaces asymétriques « fast boat » (14) lors des missions du groupement aéromobile (GAM), appelé HSG en anglais - Helicopter Strike Group -, de l’armée de terre durant lesquelles le BPC devait se rapprocher beaucoup des côtes. Ce plot CSAR a réalisé 354 sorties pour 549 heures de vol.

● Rafale

Il y a eu jusqu’à 10 Rafale déployés à Solenzara (temporairement 11 lors des changements d’avions, pour au maximum 16 équipages), du 22 mars au 10 juillet 2011, puis 5 redéployés sur la base de Sigonella, pour 9 puis 8 équipages, sur cette base marine localisée en Sicile et sous co-gestion Italie-États-Unis. En pratique, le nombre de Rafale redéployés a été fixé par les contraintes d’accueil de la plateforme de Sigonella, qui comptait une surface de parking très limitée.

Les missions impliquant des tirs de missiles de croisière SCALP ont été réalisées depuis la métropole (Saint-Dizier), impliquant 2 avions et un « spare » (avion de remplacement). Dès le début de l’opération, les Rafale ont été relayés à la permanence opérationnelle par des Mirage 2000C. Les Rafale impliqués étaient soit monoplace ou biplace venant des Forces aériennes stratégiques (FAS).

Au total, l’ensemble de la flotte Rafale a effectué 1 010 sorties pour 4 538 heures de vol, dont 27 % effectuées de nuit, 45,5 % en mission offensive (air-air, attaque au sol, anti-forces, …) et 54,5 % en mission de reconnaissance image (nacelle Reco-NG(15)) .

● Mirage 2000-5

Déployés initialement sur la base de Solenzara à l’issue des missions du 19 mars 2011 (6 avions), les Mirage 2000-5 ont été les premiers à être redéployés sur la base crétoise de la Sude (16) dès le 24 mars (3 avions) pour assurer des vols en formation avec les Mirage 2000 du Qatar, en patrouilles mixtes.

Les missions réalisées par les Mirage 2000-5 ont été exclusivement des missions de supériorité aérienne (tenue de CAP - Combat Air Patrol) participant ainsi à l’imposition de la zone d’exclusion aérienne. Les avions ont quitté définitivement la base de la Sude le 15 juillet 2011. Les Mirage 2000-5 totalisent 354 sorties, effectuées en 1 122 heures de vol, de jour uniquement.

● Mirage 2000D

S’agissant des Mirage 2000D, il y a eu un déploiement initial sur la base de Solenzara des 5 avions engagés puis jusqu’à 9 dans les frappes grâce aux armements guidés laser et GBU49 (laser + GPS). Les avions engagés dans les missions SCALP ont opéré depuis Nancy (2+1 avions impliqués). Le dispositif a ensuite été redéployé sur la base de la Sude (Crète, Grèce) le 18 avril 2011 (6 avions). Jusqu’à 8 Mirage 2000D (pour 21 équipages au plus fort de l’activité) ont été déployés sur la base de la Sude pour compenser l’arrêt de l’activité du porte-avions Charles de Gaulle.

Au total, 1 062 sorties de Mirage 2000D ont été réalisées, pour 5 202 heures de vol, dont une part très importante de nuit (37 %). L’ensemble de ces missions étaient des missions air-sol offensive (de type Air interdiction, frappe dans la profondeur, dynamic targeting ou dynamic deliberate targetingcf. ci-dessous).

● Mirage F1

L’armée de l’air a déployé également sur la base de Solenzara avant le 19 mars (campagne de recueil électromagnétique avec le pod ASTAC) un module de 3 avions Mirage F1CR, ensuite renforcé à 6 appareils (ASTAC + frappes GBU12 en patrouille avec M2000D) puis enfin 3 Mirage F1CR en configuration Presto (recueil image) pour des missions de reconnaissance. Le dispositif a été redéployé sur la base de la Sude le 10 août (4 avions : 2 MF1CR / 2 MF1CT pour 8 équipages) jusqu’au 25 octobre 2011. Au total, 399 sorties ont été réalisées pour 1 728 heures de vol.

Les missions de ces appareils ont été pour moitié des missions d’attaque au sol en collaboration avec les Mirage 2000D et pour moitié des missions de renseignement (nacelle ASTAC ou PRESTO).

● Mirage 2000N

Les Mirage 2000N ont été engagés dès le mois d’avril sur la base de la Sude (4 avions pour 10 équipages). Ne possédant pas de capacité autonome de détection d’objectif et étant dépourvu de moyens de communication cryptée, ils ont volé en patrouille mixte avec les Mirage 2000D jusqu’à la fin de l’opération. 625 sorties ont été réalisées pour un total de 3 160 heures de vol. 100 % des missions ont été des missions d’attaque au sol effectuées en coopération avec les Mirage 2000D.

● Drone Harfang

Un système Harfang a été déployé sur la base de Sigonella en Sicile et a réalisé un vol tous les 3 jours en moyenne. Le premier vol opérationnel a été réalisé le 23 août, après 3 semaines de montage. Au total, 22 sorties opérationnelles et deux vols locaux (essais) ont été réalisés pour un total de 316 heures de vol. Par ailleurs, 148 heures de transmission vidéo ont été réalisées pour 193 objectifs reconnus sur 225 ciblés (86 %) lorsque les missions ont été réalisées. De plus, 16 missions programmées par le centre de coordination des opérations aériennes ont dû être annulées, dont 75 % pour raisons météorologiques (temps orageux ou forts vents en altitude).

b. Des munitions variées ont été utilisées en grande quantité

L’armée de l’air française a tiré au total 831 munitions, soit 66,5 % du total des munitions tirées par les avions de combat français. La totalité de ces munitions tirées était des munitions de précision guidées vers l’objectif :

– soit grâce à un faisceau laser (GBU12, GBU16, GBU22, BDU22 – inerte-, GBU24) ;

– soit grâce aux informations GPS (SBU38 HAMMER ou AASM décamétrique) (tir sur coordonnées) ;

– soit grâce à une combinaison de ces deux modes (GBU49) ;

– soit grâce à un système de guidage infrarouge renforcé du GPS (SBU64 ou AASM (17) métrique).

Des conditions météorologiques favorables ont permis de privilégier l’armement guidé laser simple. Ainsi plus de 70 % des munitions tirées ont été des armes à guidage laser seul.

De nombreux objectifs ont parfois été détectés par les avions de combat ou les drones mais engagés par d’autres vecteurs, en raison d’armement mieux adapté en fonction des risques de dommages collatéraux, d’autorisation de tir tardive ne permettant pas à la patrouille ayant effectué le travail d’identification de procéder au tir, ou de la nécessité d’aller ravitailler donnant lieu à une passation de consigne avec une patrouille étrangère pour assurer une frappe dans les délais les plus brefs pour des cibles souvent très mobiles.

Les résultats de tir français sont conformes, voire légèrement supérieurs, à ceux de l’ensemble de la coalition. En effet, le taux d’échec ne dépasse pas 15 % et quasiment aucun dommage collatéral n’a été enregistré.

L’expérience a montré l’utilité de munitions très peu létales pour un emploi en zone urbaine ou péri-urbaine, afin d’éviter tout dommage collatéral, comme le missile britannique Brimstone par exemple, construit par le consortium franco-britannico-italien MBDA. Dans cette optique, il pourrait être utile de pouvoir régler à l’avenir certains paramètres de létalité des armements en cours de mission. En effet, la France a pâti d’une gamme d’armement insuffisamment diversifiée et du manque d’un armement adapté au tir à proximité immédiate d’installations civiles.

4. L’armée de l’air a pris avec succès une part significative dans l’accomplissement des missions fixées par la résolution 1973

L’armée de l’air a su parfaitement répondre à la demande des autorités politiques. La très forte mobilisation de l’ensemble des composantes de l’armée de l’air a permis aux forces aériennes françaises d’atteindre les objectifs stratégiques fixés. Dès la fin du samedi 19 mars 2011, début des opérations aériennes, l’armée de l’air comptabilisait déjà plus de 135 heures de vol, dont près de 90 pour les avions de combat, et avait déjà détruit de nombreux véhicules blindés des forces du colonel Kadhafi.

a. L’armée de l’air a fait respecter la zone d’exclusion aérienne dans la région de Benghazi

Dès le premier jour, 4 avions Rafale ont réalisé, au-dessus des abords de Benghazi, une mission de défense aérienne (dite Combat Air Patrol – CAP) pour empêcher les vols des appareils du colonel Kadhafi. Ces missions de défense aérienne, dans lesquelles l’avion français de détection et de commandement aéroporté Awacs a pris toute sa place, ont ensuite été assurées dans le Nord-Est du théâtre, depuis la base de la Sude en Crète, par des Rafale, au cours de missions à vocation air-sol ou par des couples de Mirage français et de Mirage quatari.

L’imposition d’une zone d’exclusion aérienne a également rendu nécessaire de conquérir une totale liberté de mouvement pour les aéronefs de la coalition afin d’être en mesure de procéder aux délicates missions d’interception et d’identification des aéronefs suspects. Des attaques air-sol menées par des Rafale et des Mirage 2000D ont ainsi été menées contre les installations de la défense aérienne libyenne, qu’il s’agisse de leur potentiel en avions de combat, de bases aériennes, de centre radar, de centres de commandement ou de systèmes de défense sol-air fixes ou mobiles.

Dans tous les cas, ces actions ont nécessité une parfaite connaissance du théâtre, acquise grâce aux avions de recueil de renseignement électromagnétique C160G Gabriel, aux chasseurs effectuant des missions de reconnaissance (Mirage F1CR et Rafale) et au croisement des informations recueillies avec les moyens des autres composantes, terrestres ou navales, ou des autres nations.

b. L’armée de l’air française a assuré la protection des populations

Cette mission a donné lieu à plusieurs types de missions aériennes :

– des missions de reconnaissance, afin de déterminer les positions des belligérants et identifier les zones où la population pouvait être menacée et les centres de commandement et de contrôle. Ces missions ont été réalisées grâce à une large combinaison de moyens : satellites (moyens interarmées), Mirage F1CR équipé de Pod (18) Presto, Rafale équipé de nacelle Reco-NG, avion C160 ISR (Intelligence – Surveillance – Reconnaissance) du Commandement des opérations spéciales (COS), avion de recueil de renseignement électromagnétique C160G Gabriel et drone Harfang ;

– des missions de frappes dans la profondeur, visant à limiter les capacités de soutien des forces pro-Kadhafi, afin de limiter leurs capacités de nuisance envers la population ;

– des missions dites de Dynamic targeting (DT) visant à trouver, identifier et neutraliser les éléments des forces Pro-Kadhafi menaçant la population ;

– des missions dites de Deliberate dynamic targeting (DDT), visant à frapper les centres de commandement mobiles de ces mêmes forces.

Ces trois derniers types de mission ont été principalement effectués par les Rafale, Mirage 2000D, Mirage 2000N et Mirage F1CR déployés sur la base de Solenzara (Corse) puis sur la base de Sigonella (Italie, Sicile) et de la Sude (Grèce, Crète).

Par ailleurs, des missions de largage humanitaire ont également été effectuées par des avions de transport tactique français, essentiellement dans le sud de Tripoli.

c. Des missions permanentes ont par ailleurs été assurées par l’armée de l’air au profit des forces aériennes engagées

Ces missions permanentes étaient de plusieurs ordres :

– missions de surveillance et de contrôle des opérations assurées par les Awacs de la France, du Royaume-Uni, de l’OTAN et des États-Unis ;

– missions de ravitaillement en vol (C135) ;

– mission de recherche et de sauvetage au combat (1 plot CSAR de 2 hélicoptères CARACAL déployé en permanence sur les bâtiments de la marine nationale). Il s’agit d’une capacité clef dont seule la France et les États-Unis disposaient dans la coalition ;

– missions de soutien logistiques, avec acheminement vers les bases de théâtre déployées.

d. L’armée de l’air française a pris une part déterminante dans l’accomplissement de ces missions

Hors activité de transport, l’armée de l’air française a réalisé 4 500 sorties pour un total de 22 400 heures de vol, conférant à la France un rôle majeur au sein de la coalition.

Répartition des missions pour l’armée de l’air

Mission de frappes air-sol (OCA(1) : 52 % (OUP (2) 35 %)

Missions de reconnaissance : 18% (OUP 14 %)

Mission de suppression des défenses sol-air : 0 % (OUP 7 %)

Mission de supériorité aérienne (DCA (3) : 9 % (OUP 13 %)

Mission de contrôle (AWACS , JSTAR, ..) : 5 % (OUP 5 %)

Missions de ravitaillement en vol : 9 % (OUP 23 %)

() Offensive counter air.

(2)  Operation unified protector sous mandat OTAN, du 1er mai au 31 octobre 2011.

(3)  Defensive counter air.

Source : État-major de l’armée de l’air

On constate ainsi une surreprésentation de la France dans les missions de frappes air-sol (OCA) et dans celles de renseignement qui témoigne de son fort engagement dans l’intervention militaire. La France a ainsi été (armée de l’air et marine confondue) le premier contributeur en termes de missions d’OCA (35 % du total) ou de renseignement.

Si on examine les missions autres que le ravitaillement en vol (effectué à 70 % par les forces américaines, faisant des États-Unis le premier contributeur avec 27 % des sorties à son actif, mais dont 60 % sont des missions de ravitaillement en vol), la France a été le premier contributeur à l’opération menée sous mandat de l’OTAN.

Globalement, la France constitue donc le deuxième contributeur de l’opération sous mandat de l’OTAN, avec 21 % des sorties à son actif au total et 14,2 % pour la seule armée de l’air.

Exemple de la journée du 24 avril (encore sous mandat américain), pendant la période la plus dense des opérations avec les contributions les plus fortes

Dispositif américain : 42 avions de combat basés à Aviono (Italie), 14 ravitailleurs basés à Moron (Espagne), plus moyens ISR (19)importants localisés sur les bases de la Sude et de Sigonella (drones HALE (20)et MALE (21), RC135, Compass Call, EJ8 Jstar…).

Dispositif anglais : 4 Typhoon, 8 Tornado et 3 tankers + moyens ISR sur la base de la Soude (1 Sentinel) (+ Apaches sur équivalent BPC)

Dispositif français :

Air : 11 Rafale, 4 Mirage F1CR, 6 Mirage 2000D, 4 Mirage 2000-5 + 3 Mirage 2000D en alerte à Nancy + 1 plot CSAR sur le porte-avion Charles de Gaulle + 1 E3F AWACS + 5 C135FR

Marine : porte-avion Charles de Gaulle avec 8 Rafale, 6 Super Étendard modernisés (SEM), 2E2C Hawkeye

Autres pays de l’OTAN : maximum 8 avions de combat (Norvège, Italie), minimum 4 (Belgique, Espagne, Turquie) avec quelques moyens ISR (drones Predator italiens par exemple) + 1 ou 2 ravitailleurs pour les nations équipées (Canada, Espagne, Turquie).

Source : État-major de l’armée de l’air

En définitive, l’armée de l’air a ainsi effectué un peu plus de 65 % des sorties françaises.

B. L’ENSEMBLE DES SAVOIR-FAIRE OPÉRATIONNELS ET DES CAPACITÉS CONVENTIONNELLES DE L’ARMÉE DE L’AIR ONT ÉTÉ EMPLOYÉS DANS LE CADRE DE CETTE OPÉRATION, DANS DES CONDITIONS RÉELLES QUI ONT CONFIRMÉ SES ATOUTS

L’opération Harmattan a permis de mettre en avant plusieurs capacités clefs de l’armée de l’air française qui confirme sa force, son efficacité et sa compétence. Elle a su faire la preuve de grandes qualités de réactivité, d’allonge, de flexibilité, de fugacité et d’anticipation.

1. L’armée de l’air a fait la preuve de sa capacité à entrer en premier sur un théâtre

Le 19 mars 2011, l’armée de l’air française est entrée seule en premier dans le ciel libyen, démontrant à la fois une forte réactivité et une capacité d’agir de façon autonome et prouvant par là qu’elle est bien une des premières armées de l’air au monde. Ce n’est qu’ensuite, dans la nuit, que les Américains et Britanniques sont entrés en action pour frapper les systèmes de défense aérienne, les bases aériennes et les systèmes de commandement et de communication du colonel Kadhafi.

a. L’armée de l’air a su se faire une appréciation autonome de la situation

Au cours de l’opération Harmattan, la France, et tout spécialement l’armée de l’air, a été le deuxième contributeur de la coalition dans les missions ISR (22).

En particulier, le Rafale équipé du pod de reconnaissance de nouvelle génération (Reco NG) a permis d’obtenir une imagerie de grande qualité tout en restant au-dessus des eaux internationales. Par ailleurs, le recueil du renseignement d’origine électromagnétique a pu être assuré par l’avion AWACS, avec sa capacité ESM (Electronic Support Measures), par le Transall C160 Gabriel, avion de guerre électronique qui sert à la reconnaissance photographique et au renseignement d’origine électromagnétique, par le Mirage F1CR équipé du pod ASTAC (23) et par le drone Harfang qui a été déployé depuis la base de Sigonella en Italie durant les deux derniers mois du conflit.

Ces capacités de renseignement de l’armée de l’air, qui sont au cœur de la fonction connaissance-anticipation mise en exergue par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, ont permis à la France de reconstituer une partie significative de l’ordre de bataille libyen.

b. L’armée de l’air possède une capacité de commandement et de contrôle nationale suffisante

L’opération Harmattan a démontré l’utilité de pouvoir planifier et diriger les opérations de façon autonome à partir du Centre national des opérations aériennes (CNOA).

La France a ainsi montré sa capacité de diriger toutes ses opérations aériennes depuis la base aérienne 942 de Lyon-Mont-Verdun, qui est chargée de la synthèse permanente de la situation aérienne générale, de la programmation et de la conduite des opérations aériennes. Il s’agit là d’une capacité essentielle que très peu de pays à l’exception des États-Unis et du Royaume-Uni possèdent à un tel niveau de qualité. Ce système de commandement et de contrôle efficace s’est appuyé sur des réseaux de portée mondiale, à haute performance, sécurisés et interopérables avec les autres armées et nos alliés.

Il convient de se féliciter que ce centre soit bientôt équipé d’un « Combined Air Operation Center » (CAOC), c'est-à-dire d’un centre de commandement respectant les normes de l’OTAN.

2. La nécessité d’une projection stratégique efficace a été confirmée

a. Le rôle crucial du transport logistique et des avions ravitailleurs a été mis en évidence

Dès le 22 février 2011, avant même le lancement de l’opération Harmattan, un Airbus A340 et un Airbus A310 de l’armée de l’air se sont envolés vers Tripoli pour prendre en charge 388 ressortissants, dont plus de 300 Français, pour les rapatrier en France.

Par ailleurs, les C135 FR du groupe de ravitaillement en vol d’Istres ont assuré quotidiennement entre deux et six vols, totalisant 3 220 heures de vol en sept mois d’opération. Le Rapporteur appelle toutefois l’attention sur le fait que près de 70 % des missions de ravitaillement en vol des avions de la coalition engagés au-dessus de la Libye ont été assurés par les États-Unis et que toute rupture capacitaire en matière de transport stratégique serait de nature à remettre en cause toute projection de forces et même la dissuasion aéroportée.

De façon générale, le Rapporteur constate que la réussite de l’opération Harmattan a reposé sur une projection stratégique efficace et sur un effort logistique sans précédent. Les auditions qu’il a menées lui ont permis de constater que les équipages des unités de combat ont été impressionnés par la qualité de la manœuvre logistique et l’ampleur du travail accompli par les unités de transport.

b. Le Commandement du transport aérien européen (EATC) a démontré son utilité

L’EATC (European Air Transport Command – commandement du transport aérien européen), basé à Eindhoven, aux Pays-Bas, rassemble quatre nations (Allemagne, France, Belgique et Pays-Bas) qui ont décidé de mettre en commun un certain nombre de moyens de transport aérien. La plus grande partie de l’aviation de transport française opère ainsi désormais sous l’autorité de ce centre européen.

Le Rapporteur se félicite que l’opération Harmattan ait été l’occasion de mettre en évidence l’apport irremplaçable de cette structure qui pourra prochainement s’enrichir de la livraison des premiers avions A400M et qui constitue une vraie réussite européenne en matière de défense.

Au cours de l’opération Harmattan, l’EATC a assuré, au total, le transport de 12 400 passagers et de 3 500 tonnes de fret et comptabilisé 3 850 heures de vol pour les opérations menées au-dessus de la Libye. Jusqu’à 18 % des missions logistiques nécessaires ont effectuées par l’EATC, ce qui a permis de combler en partie une certaine faiblesse de la capacité de transport française, qui a nécessité de recourir à l’affrètement d’avions cargo civils pour le redéploiement des flottes de combat vers les bases de Sigonella (Italie) et de la Sude (Crète).

3. Les bases aériennes se sont révélées être un vrai outil de combat

Dès le 19 mars 2011, l’armée de l’air a mobilisé ses huit bases de Nancy, Saint-Dizier, Dijon, Evreux, Orléans, Avord, Istres et Solenzara. Les aéronefs de l’armée de l’air ont décollé des bases aériennes d’Avord, de Nancy, de Saint-Dizier, de Dijon et d’Istres ou de la base aérienne avancée de Solenzara en Corse. Au cours de sa montée en puissance, le dispositif français a accueilli sur la base aérienne de Solenzara des avions de combat de retour de mission. Les bases d’Evreux et d’Orléans ont quant à elles davantage été impliquées dans les manœuvres logistiques qui ont permis la montée en puissance des unités aériennes.

L’une des leçons positives de l’intervention en Libye a ainsi été de constater que l’organisation des bases aériennes, lieux de stationnement et de mise en œuvre de nos forces et terrains de préparation opérationnelle, a prouvé toute son efficacité et a consacré ces bases comme un véritable outil de défense et de sécurité essentiel pour notre pays. À cette occasion, l’armée de l’air a fait également la preuve de sa maîtrise des redéploiements rapides sur des bases de circonstances (Solenzara, la Sude et Sigonella).

Le Rapporteur attache en conséquence une attention particulière au maintien d’un nombre suffisant de bases aériennes, sur le territoire national, mais également hors de l’Hexagone, comme à Al Dhafra (Émirats Arabes Unis) ou Djibouti par exemple, pour préserver à l’avenir les exigences de réactivité et de souplesse d'emploi de l’arme aérienne.

4. La polyvalence et l’excellence du Rafale ont été mis en lumière

Tout au long de l’opération Harmattan, le Rafale a démontré la pertinence du choix initial français de disposer d’un avion polyvalent. En effet, dès la première semaine d’intervention en Lybie, celui-ci a eu l’occasion de réaliser la quasi-totalité des missions dévolues à l’arme aérienne :

– mission de supériorité aérienne (mission opérationnelle consistant à pénétrer sur le territoire libyen ou réaffectation à une mission air-air alors qu’il effectue une mission d’attaque au sol par exemple) ;

– de renseignement, grâce à la nacelle de reconnaissance de nouvelle génération (Pod RECO NG) ;

– d’action anti-forces contre les éléments pro-Kadhafi menaçant la ville de Benghazi (mission de SCAR (24)) ;

– d’action visant à diminuer le potentiel militaire et le soutien des forces pro-Kadhafi (utilisation de l’AASM – armement air-sol modulaire – qui est une munition capable de se guider avec précision vers sa cible, dont la charge délivrée peut être variable et qui confère au Rafale une capacité de frappe multi-cibles par tous les temps, de jour comme de nuit, tout en restant à distance de sécurité des défenses antiaériennes adverses. Il permet des frappes de précision métrique autour du point désigné, limitant ainsi le risque de dommages collatéraux) ;

– d’attaque dans la profondeur du dispositif adverse avec les missiles de croisière SCALP (système de croisière conventionnel à longue portée). Le système de propulsion de ce missile et son système de guidage et de navigation lui permettent d’être tiré à de très longues distances. Il est également avionné sur Mirage 2000D. Pendant les sept mois de l’opération Harmattan, 15 missiles SCALP auront été tirés au cours de trois raids.

Les performances exceptionnelles démontrées par le Rafale en situation de guerre permettent d’envisager avec optimisme les perspectives d’exportations de cet avion de combat unique au monde.

5. L’excellence des hommes et des femmes de l’armée de l’air a fait ses preuves

Si la polyvalence du Rafale a permis de planifier des missions opérationnelles très différentes à partir de la même flotte, elle a également permis d’effectuer rapidement des changements complets de mission en vol. Cette possibilité repose sur les compétences et le savoir-faire des pilotes, que l’armée de l’air développe au moyen du maintien d’un entraînement diversifié. L’opération Harmattan a ainsi confirmé que la force d'une armée, aussi technologique soit elle, réside avant tout dans ses hommes et ses femmes et dans leur préparation opérationnelle.

Le Rapporteur se félicite que l’armée de l’air ait su, au cours des dernières années et grâce à une formation exigeante délivrée dans des écoles et des centres reconnus, maintenir la capacité de ses équipages à effectuer des missions de haute intensité, ce qui lui a permis d’entrer en premier sur le territoire libyen.

Plus largement, il convient de saluer l’ensemble des femmes et des hommes de l’armée de l’air, qui, tout au long de l’opération Harmattan, ont su faire preuve avec abnégation de leurs grandes compétences et de leur forte motivation à répondre au mieux aux exigences de la mission qui leur était confiée. Le rôle des logisticiens et des mécaniciens dans la chaîne de soutien, qui ont su dans des délais très brefs assembler les munitions et changer la configuration des avions doit tout particulièrement être souligné. La réussite de l’ensemble de ces hommes et femmes de l’armée de l’air, qui ont montré sur le terrain l’étendue de leurs qualités militaires, de leur force morale et de leur professionnalisme, concrétise des années de préparation opérationnelle.

Il est primordial de préserver cette ressource humaine irremplaçable et de s’assurer de sa motivation pour préserver la transmission des savoirs et éviter toute fuite de compétences en gardant à l’esprit l’hommage que Churchill rendait à son armée de l’air : « jamais un aussi grand nombre de personnes n’auront dû leur salut à un si petit nombre ».

II. CERTAINES INSUFFISANCES CAPACITAIRES DOIVENT NÉANMOINS ÊTRE RAPIDEMENT CORRIGÉES SOUS PEINE DE PERDRE EN CRÉDIBILITÉ À L’AVENIR

A. L’OPÉRATION HARMATTAN A MIS EN ÉVIDENCE CERTAINES LACUNES ET INSUFFISANCES CAPACITAIRES DE L’ARMÉE DE L’AIR

Malgré des conditions d’intervention plutôt favorables, le retour d’expérience de l’opération Harmattan met en évidence certaines faiblesses structurelles de l’armée de l’air française et des axes de progression possible.

1. Les conditions d’intervention sur le théâtre libyen étaient favorables

Si l’opération Harmattan constitue un réel succès pour l’armée de l’air, il convient de ne pas oublier que le théâtre libyen comportait des spécificités telles qu’il faut rester prudent sur la capacité à reproduire le même modèle.

Ÿ La menace aérienne adverse était relativement faible

À la différence de nombreuses puissances moyennes qui ont cherché à se doter d’une composante aérienne significative, la Libye n’était pas dotée d’une flotte aérienne de combat moderne qui aurait alors nécessité des efforts beaucoup plus conséquents pour parvenir à la maîtrise du ciel.

Ÿ Les systèmes sol-air des forces libyennes étaient pour la plupart anciens

Contrairement à certains pays, comme la Syrie par exemple, qui ont accumulés des moyens de défense sol-air modernes et performants dans une logique de stratégie de déni d’accès à l’espace aérien de leur pays, les systèmes sol-air de la Libye dataient déjà pour la plupart d’entre eux des années 80-90. Le fait que certains systèmes sol-air libyens n’aient pas été mis en marche depuis plusieurs années a ainsi conduit à les considérer comme obsolètes.

Ÿ Le théâtre d’opération et les bases projetées restaient à une distance assez faible de la métropole

La faisabilité des missions opérationnelles de l’armée de l’air comme les manœuvres logistiques de soutien des forces déployées ont été grandement facilitées par la proximité du théâtre d’opération.

2. Les boucles décisionnelles n’ont pas toujours été optimales

La complexité du théâtre d’opération et la volonté de ne pas provoquer de dommages collatéraux qui auraient eu des conséquences catastrophiques en termes d’image expliquent la mise en place au début de l’opération d’un processus français de décision très centralisé. Initialement, toutes les informations convergeaient en effet vers le Centre de planification et de conduite des opérations interarmées (CPCO) qui seul autorisait ou non l’ouverture du feu.

Ce processus très sûr s’est révélé en revanche parfois peu efficace dans la mesure où il aboutissait à un effet d’engorgement et donnait lieu à des délais d’attente des autorisations incompatibles avec l’évolution de la situation sur le terrain, ce qui fait que la France n’a pas toujours pu peser dans les décisions d’engagement des objectifs issus du processus de ciblage de la coalition à la hauteur des moyens considérables qu’elle a engagés sur le terrain.

3. La suppression des défenses aériennes ennemies a été assumée en grande partie par les États-Unis

La supériorité aérienne a été acquise par la neutralisation, dans les premières 24 heures, de la majeure partie des capacités du système aérien libyen par des missions de SEAD (25) (suppression des défenses sol-air).

Elle s’est faite par des frappes destinées à détruire le système intégré de défense antiaérienne (IADS) libyen au moyen d’opérations de suppression des défenses antiaériennes ennemies (brouillage et destruction des radars et des sites de batteries antiaériennes) et des frappes sur les aérodromes et les centres de commandement et de contrôle de cet IADS.

Force est de constater que seule la puissance de feu de précision à distance de sécurité offerte par les missiles de croisière de l’US Navy et les bombardiers de l’USAF, complétés par une capacité exclusive en matière de guerre électronique offensive, ont permis « d’enfoncer la porte » (kick down the door) du théâtre libyen et de réaliser la phase d’établissement de la supériorité aérienne.

4. La flotte française d’avions ravitailleurs en vol est vieillissante et sous dimensionnée

Les C135 FR du groupe de ravitaillement en vol d’Istres ont assuré entre deux et six vols par jours tout au long de l’opération, totalisant 3 220 heures de vol tout au long de l’opération.

Il n’en demeure pas moins que cette flotte, qui date de plus de quarante-huit ans, est désormais vieillissante et sous dimensionnée. Elle a dû en conséquence être renforcée par le soutien des États-Unis qui ont assuré près de 70 % des missions de ravitaillement en vol des avions de la coalition engagés dans l’intervention libyenne.

Le Rapporteur appelle l’attention sur le caractère préoccupant d’une telle situation, dans la mesure où toute rupture capacitaire de la flotte des C135 FR serait susceptible de remettre en cause une projection ultérieure de nos forces aériennes et fragiliserait également dangereusement la dissuasion française aéroportée. Cette insuffisance capacitaire rend d’autant plus urgent la mise en œuvre du projet d’avion multi-rôles de ravitaillement en vol et de transport (MRTT) qui a pour vocation de remplacer les C135 FR.

5. Certaines spécialités se sont révélées sous-dimensionnées

Pour certaines spécialités critiques, comme les armuriers par exemple, les effectifs dimensionnés au temps de paix n’ont pas toujours été en mesure de répondre dans les meilleures conditions au besoin du temps de guerre.

Certaines spécialités du monde du renseignement, qu’il s’agisse d’interprétateurs image, d’officier renseignement ou de spécialistes de guerre électronique, se sont également avérées sous dimensionnées durant l’opération. La capacité d’analyse résultant des interprètes image a ainsi limité le renseignement français en deçà des capacités des systèmes de recueil.

6. Le renseignement pourrait encore être amélioré

Si la transmission des données entre le Rafale porteur de la nacelle Reco-NG et le porte-avions Charles de Gaulle ou la station au sol de Solenzara a donné satisfaction, cet équipement ne présente pas encore une capacité de ciblage haute résolution en temps réel. Il apparaît donc nécessaire d’améliorer la façon d’exploiter les capacités de transmission du Pod Reco NG. Dans ce domaine, la qualité des capteurs doit encore progresser.

Les capteurs des appareils de combat, même de dernière génération (Damoclès sur Rafale), se sont avérés d’une définition insuffisante pour assurer l’identification des cibles aux altitudes usuelles de travail, imposant ainsi aux équipages français de travailler « au plancher », c’est-à-dire à l’altitude la plus basse autorisée, et augmentant les risques encourus par l’aéronef et l’équipage. Sur ce plan aucun progrès n’est attendu au mieux avant 2018 et l’arrivée du PDL NG (26).

L’intervention en Libye a mis en outre en évidence l’absence de capacité des avions de combat, à la différence des drones, à pouvoir envoyer à grande distance une image fixe ou une courte séquence vidéo extraite du pod laser, possibilité qui permettrait pourtant de grandement faciliter la prise de décision par le centre de conduite des opérations quand la situation est complexe. En particulier, la France ne dispose pas de gros porteurs équipés de radar SAR/MTI pour détecter, pister et transmettre en temps réel des cibles mobiles de faible signature électromagnétique.

Par ailleurs, pour maîtriser l’espace aérien et pénétrer les défenses sol-air, il faudrait posséder une meilleure capacité à mener une campagne de renseignement et couvrir le théâtre observé sur une profondeur suffisante en disposant d’un nombre de capteur adapté. Dans ce domaine, les capacités actuelles de l’armée de l’air sont apparues tout juste suffisantes.

Le Rapporteur regrette également que l’échange d’information entre les nations soit resté limité, les officiers français ne pouvant bien souvent pas avoir accès directement aux données détenues par la communauté dite « 5-eyes » (27). Plus fondamentalement, l’opération Harmattan a mis en évidence le besoin de l’armée de l’air de se doter dans les meilleurs délais d’un drone MALE qui correspond à un véritable besoin opérationnel.

7. L’opération Harmattan a révélé une carence de la France en matière de drones

Au cours de l’opération Harmattan, l’armée de l’air ne disposait que de quatre drones Harfang. Le Harfang a été projeté au profit de l’opération Harmattan de fin août à octobre 2011, totalisant 24 missions pour plus de 315 heures de vol.

Le système Harfang a réalisé un large spectre de missions de surveillance, de reconnaissance et d’appui aux opérations, de jour et de nuit grâce à son système automatique de décollage et d’atterrissage et son capteur infrarouge. Toutefois, la majorité des missions de drone MALE (Moyenne altitude longue endurance) a ainsi été réalisée par des Predator américains. Par ailleurs, la France n’est toujours pas dotée d’un vecteur rapide, endurant et disposant d’une capacité de tir.

Les déploiements de drones en Libye ont ainsi confirmé la nécessité de se doter d’une capacité de drones MALE, permettant l’analyse et l’identification sur la durée et facilitant les décisions tout en limitant les effets collatéraux. Ce retour d’expérience a permis de mettre en évidence plusieurs faiblesses telles que la résolution des caméras, la vitesse de vol et la taille de la flotte au détriment des zones surveillées et des adaptations de mission en vol, et l’emport d’armement. Il semble bien que le recours à des drones de la classe 5 tonnes au lieu d’une tonne soit ainsi à rechercher.

8. La synergie interarmée pourrait être améliorée

Si la coopération drones – avions de combat a bien fonctionné au cours de l’intervention, la synergie entre les vecteurs de l’armée de l’air, les hélicoptères de combat de l’armée de terre (ALAT) et les moyens de la marine nationale est restée encore trop limitée, alors qu’elle est pourtant le facteur d’une efficacité militaire renforcée.

Le Rapporteur estime en conséquence que des efforts devraient être faits en matière d’organisation d’entraînement commun.

B. IL CONVIENT DE REMÉDIER À CES LACUNES DANS LES MEILLEURS DÉLAIS POUR MAINTENIR L’ARMÉE DE L’AIR À UN HAUT NIVEAU DE COMPÉTENCE ET D’EFFICACITÉ

1. Le projet de loi de finances pour 2013 apporte certes quelques réponses qui tiennent compte du retour d’expérience de l’opération Harmattan

Le Rapporteur estime que le projet de loi de finances pour 2013 ne répond pas pleinement aux défis mis en évidence par le retour d’expérience de l’opération Harmattan. Il n’en demeure pas moins qu’il comporte toutefois quelques commandes et livraisons de nouveaux matériels qui constituent autant d’avancées qu’il convient de souligner.

a. Le projet de loi répond à certains besoins de l’armée de l’air en termes de renseignement et de surveillance

Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit ainsi par exemple la rénovation des avions de recueil de renseignement électromagnétique C 160 Gabriel, qui permettra de maintenir et d’améliorer les capacités des systèmes, avec une livraison prévue d’un deuxième avion rénové en juillet 2013.

Il permet également la poursuite des travaux de rénovation sur les avions SDCA (Système de détection et de commandement aéroporté), qui sont des avions de type Awacs, permettant la livraison en 2014 du premier avion SDCA rénové à mi-vie.

b. Le système de commandement et de conduite des opérations aériennes continue d’être perfectionné

Concernant le commandement et le contrôle, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit la livraison aux normes OTAN du centre de commandement, de détection et de contrôle des opérations aériennes. Cette évolution permettra de diriger, depuis Lyon, toutes les opérations aériennes menées sur le territoire et à l’extérieur du territoire national. Le Rapporteur se félicite par ailleurs de l’ouverture à venir, sur le site de Mont Verdun près de Lyon, de l’unité « Cosmos », qui opèrera en lien avec le Centre national des études spatiales (CNES) et sera dotée de moyens de surveillance de l’espace.

Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2013 poursuit les travaux liés à l’acquisition de nouveaux radars dans le cadre du programme SCCOA (Système de commandement et de conduites des opérations aérospatiales). Ce système permet d’assurer les missions de surveillance et de contrôle de l’espace aérien, de coordination de la défense sol-air, de préparation et de conduite des opérations aériennes. Il comprend un ensemble de capteurs (radars), de centres d’opérations et de moyens de transmissions formant un réseau fortement automatisé et interopérable avec les alliés. L’étape 3 et la première phase de l’étape 4 des évolutions du SCCOA sont ainsi désormais en cours de réalisation.

c. La réalisation du contrat MRTT est aujourd’hui lancée

Les MRTT (Multi-Role Transport Tanker – avion multirôle de ravitaillement en vol et de transport) seront amenés à l’avenir à jouer un rôle déterminant au sein des forces aériennes, dans la mesure où ils devront être capables de participer à la mise en œuvre de la composante aérienne de dissuasion, de ravitailler en vol les avions de combat de type Rafale ainsi que les avions lourds (Awacs, A400M, …) et d’assurer le transport inter-théâtre, l’acheminement et le soutien logistique des forces ainsi que le transport médicalisé.

Le lancement, la réalisation du programme MRTT et la notification du contrat d’acquisition sont planifiés en 2013, pour un début de livraison en 2017. Le principe d’une acquisition patrimoniale des avions a ainsi été décidé en Conseil ministériel d’investissement de la défense (CMI) en décembre 2011.

Des besoins nouveaux, relatifs notamment aux capacités de communication ont été identifiés et confirmés lors de l’opération Harmattan. Un contrat de définition et de levée de risques, notifié fin 2011, doit permettre d’identifier les façons de les prendre en compte au titre du programme MRTT.

Il convient de souligner que le ministre de la défense, M. Jean-Yves Le Drian, a annoncé tout récemment, lors d’une visite à l’usine de Madrid, le 22 octobre 2012, le passage d’une commande de 14 avions ravitailleurs MRTT à Airbus Military, filiale d’EADS, à partir de 2013. Le Rapporteur se félicite de cette prise en compte du programme MRTT qui vise à remédier aux capacités limitées d’emport de carburant des avions actuels qui imposent de lourdes contraintes dans l’organisation des opérations.

d. Le programme A400M est désormais bien engagé

Le programme A400M, avion de transport quadri-moteurs, est aujourd’hui en phase de développement et de production. Les essais en vol ont débuté le 11 décembre 2009 et se poursuivent avec cinq prototypes totalisant plus de 3 800 heures de vol. La production en série des avions a été relancée en février 2011 et les deux premiers avions français sont en cours d’assemblage final.

Les capacités de l’A400M lui permettront de transporter 25 tonnes sur 3 700 km ou 17 tonnes sur 5 500 km, sachant qu’il peut également transporter 116 combattants équipés.

Au cours des derniers mois, quelques incidents sur le moteur ont conduit Airbus Military à suspendre sa campagne d’essais en vue de la certification civile et à annoncer, fin août 2012, un retard de quelques mois dans la livraison des premiers appareils. La livraison du premier avion à la France est annoncée au 2ème trimestre 2012, 8 avions étant prévus au total d’ici fin 2014 et 35 d’ici fin 2020.

Le Rapporteur se félicite que la commande d’un simulateur de vol pour le centre de formation d’Orléans a été effectuée en juin 2011, ainsi qu’une commande d’un simulateur pour le soutier en fin d’année 2011. Les premières commandes relatives au système de soutien (documentation, rechanges à long délai d’approvisionnement…) ont été lancées fin 2011. Le premier contrat concernant la formation sur Orléans a été signé en mai 2012.

e. La livraison de nouveaux Rafale se poursuit

Le Rafale, opérationnel au sein de l’armée de l’air depuis 2006, est appelé à devenir à terme l’avion de combat principal de l’armée de l’air. Le projet de loi de finances pour 2013 confirme la livraison de 11 nouveaux Rafale polyvalents (air et marine). Ainsi, le scénario actuel est celui d’une livraison de 11 Rafale par an jusqu’en 2017.

2. Le Rapporteur appelle toutefois l’attention sur le caractère critique de la situation de l’armée de l’air

a. Le report de programmes d’équipements pourrait s’avérer à terme préjudiciable à notre capacité opérationnelle

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, a présenté le projet de loi de finances pour 2013 comme un « budget de transition », destiné à ne pas préempter les choix stratégiques qui seront opérés dans le cadre du futur Livre blanc.

Le Rapporteur prend acte du fait qu’il s’agit d’un budget d’attente, mais il lui apparaît de son devoir d’alerter sur le fait que nous approchons aujourd’hui d’un seuil qui pourrait devenir très vite critique et nous conduire à un véritable décrochage stratégique et technologique majeur. N’oublions pas, comme le disait le maréchal Montgomery qui eut également à combattre en Libye, que « si nous perdons la guerre dans le ciel, nous perdons la guerre. Et nous la perdons vite » !

Il appelle notamment l’attention sur certaines faiblesses majeures du projet de loi de finances pour 2013.

● Le nouveau report de la rénovation de la flotte de Mirage 2000D est regrettable

S’agissant des moyens capacitaires, le Rapporteur regrette par exemple que la rénovation de la flotte de Mirage 2000D soit encore une fois différée. Le Mirage 2000, dont l’opération Harmattan a confirmé l’importance dans les opérations modernes et le rôle déterminant pour intégrer le Quatar dans la coalition, comporte en effet encore un potentiel de vie élevé, qui lui permettrait de continuer à effectuer à des coûts réduits une part importante des missions assumées en commun avec le Rafale.

Ce report met en outre directement en cause le dimensionnement de notre armée de l’air. Sans le financement de la modernisation de la flotte des Mirage 2000D, les capacités de projection de puissance de l’armée de l’air ne reposeront plus, à l’horizon 2020, que sur 120 Rafale.

● Le retard pris en matière de drones devient préoccupant

De la même façon, le Rapporteur regrette les retards pris par la France en matière de drones. Plusieurs réunions se sont certes tenues entre la Direction générale de l’armement (DGA) et l’industrie dans l’objectif d’identifier des solutions techniques de nature à répondre au mieux aux besoins des forces, tout en restant compatibles avec les échéances calendaires et les contraintes budgétaires.

Le Rapporteur prend acte que le ministre de la défense a demandé à réexaminer le dossier des drones MALE mais souhaite que celui-ci puisse rapidement faire connaître ses orientations, notamment en ce qui concerne les perspectives éventuelles de coopération avec le Royaume-Uni et l’Allemagne. La France doit en effet se doter d’une véritable composante de drones endurants pour rester une puissance aérienne de premier plan, sous peine de décrochage capacitaire.

Il encourage également de ses vœux la poursuite du programme Neuron, premier démonstrateur technologique européen d’avion de combat sans pilote (UCAV (28), présenté en janvier 2012 aux services officiels des différents gouvernements participant au programme, (France, Suède, Italie, Espagne, Grèce et Suisse). Lancé à l’initiative du ministère français de la Défense en 2003, ce programme Neuron poursuit le double objectif de développer les technologies critiques et stratégiques pour la conception des avions de combat de demain tout en validant un modèle de coopération européenne innovant et performant, qui optimise les compétences respectives des industriels participants.

b. Le succès de l’opération Harmattan ne doit pas nous démobiliser mais nous inciter au contraire à appréhender avec courage les défis de demain

Quoi qu’il en soit, il convient plus que jamais de maintenir une certaine vigilance sur le plan de l’effort militaire. Certains secteurs clefs pour l’avenir semblent en effet dangereusement négligés, qu’il s’agisse par exemple des investissements massifs sur les technologies numériques, sur les recherches en matière de furtivité ou sur les techniques d’ingénierie-système.

Il n’est également pas souhaitable de compter demain uniquement sur une logique de coopération européenne qui pourrait revenir en définitive à se contenter d’agréger des faiblesses. C’est au contraire en privilégiant des investissements massifs dans des filières clefs pour l’avenir que la France sera en mesure de prendre des positions dominantes et capable d’entraîner ses alliés.

Le Rapporteur ne souhaite donc pas se reposer sur le réel succès enregistré par l’armée de l’air lors de l’opération Harmattan, comme d’aucuns ont pu se satisfaire, à une autre époque, du succès de nos opérations extérieures au XIXe siècle en Algérie, en Cochinchine ou au Mexique, ou même de la victoire de 1918. L’histoire nous a malheureusement montré ce qu’il peut en coûter de différer, en période de crise économique, des choix militaires pourtant cruciaux pour l’avenir.

Comme Paul Reynaud l’affirmait déjà à la Chambre des députés lors de la séance du 15 mars 1935 lorsqu’il dénonçait les illusions de l’attentisme français dans le domaine de l’outil militaire et défendait le projet visionnaire du général de Gaulle d’un corps cuirassé, l’armée doit en effet se tenir prête à faire face « à des périls et à des besoins nouveaux ». Il nous faut donc nous garder de préparer la prochaine guerre à la seule lumière de l’opération Harmattan.

Le succès de celle-ci ne doit pas nous démobiliser mais nous inciter au contraire à aller de l’avant, en regardant avec courage les défis qui nous attendent, sachant que la puissance aérienne exige toujours des années d’anticipation et de préparation. Le Rapporteur se félicite à ce sujet de ne pas être seul à partager un tel constat. Il a été particulièrement sensible à l’analyse extrêmement lucide de la situation développée par les différents chefs d’état-major lors de leurs auditions respectives par la commission de la défense nationale et des forces armées.

Lors de son audition en date du 10 octobre 2012, l’amiral Guillaud, chef d’état-major des armées, a ainsi par exemple déclaré que « disposer d’un éventail capacitaire large et ne pas baisser la garde sont des enjeux du présent, parce que l’action militaire s’impose souvent sans préavis, mais aussi des enjeux d’avenir, parce que la capacité d’intervention ne se décrète pas : elle se construit sur la durée et s’entretient au jour le jour, dans le temps long des ressources humaines et des programmes. C’est aussi une affaire de crédibilité, qui se construit également dans la durée ».

De la même façon, le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air, a indiqué, lors de son audition devant la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale en date du 16 octobre 2012, qu’il convenait de « veiller à ne pas occulter l’avenir au seul regard du court terme. Toute rupture irréversible aurait des conséquences à moyen et long terme qui pourraient obérer durablement notre capacité à nous rénover » et a souligné que « toute mesure irréversible prise pour gérer le court terme pourrait de façon irrémédiable compromettre l’avenir ».

La puissance aérienne française, outil d’influence stratégique incontournable, est le reflet de la volonté de la Nation. Or, nous sommes aujourd’hui vraisemblablement à la croisée des chemins. « Entre la catastrophe et nous, il n’y a que la barrière de nos volontés » (29)avait coutume de dire Paul Reynaud. Il nous revient donc d’exercer notre vigilance lors de la préparation de la prochaine loi de programmation si nous voulons que l’armée de l’air reste l’armée de premier plan qu’elle est aujourd’hui, comme elle vient de le démontrer avec l’opération Harmattan.

En tous cas, nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas !

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU GÉNÉRAL DENIS MERCIER, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE L’ARMÉE DE L’AIR

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air, sur le projet de loi de finances pour 2013 (n° 235), au cours de sa réunion du mardi 16 octobre 2012.

Mme Patricia Adam, Présidente. Je remercie le Général Mercier, nouveau chef d’état-major de l’armée de l’air, de bien vouloir venir devant notre commission s’exprimer à l’occasion du projet de loi de finances pour 2013, en attente des grandes décisions qui découleront du Livre blanc et de la loi de programmation militaire (LPM). À titre d’introduction, je voudrais vous demander de réagir au dernier rapport thématique de la Cour des comptes de juillet 2012, consacré au bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire, qui formulait un certain nombre d’observations sur cette dernière, en particulier sur les contrats opérationnels conventionnels, dont certain objectifs lui semblaient hors d’atteinte pour l’armée de l’air. J’appelle par ailleurs l’attention de mes collègues sur votre proposition de suivre, la semaine prochaine, une belle démonstration d’un exercice aérien européen.

M. le général Denis Mercier. Je vous propose en effet de venir visiter, le 23 octobre prochain, une base aérienne de théatre. Du 15 au 25 octobre 2012, trois exercices majeurs, organisés par le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), vont avoir lieu simultanément à Vouziers, dans les Ardennes. Le scénario va entraîner les forces au commandement et à la conduite des opérations aériennes (AIREX), à partir d’une base aérienne projetable (BAPEX), lors d’une simulation de crise internationale menant à des opérations d’évacuation de ressortissants (VOLCANEX). Nous pourrions accueillir à cette occasion les membres de la commission de la défense qui le souhaiteraient lors d’une journée de démonstration sur le site de cet exercice européen majeur qui illustre bien une des épines dorsales de notre capacité aérienne : le commandement et le contrôle.

C’est avec fierté et plaisir que je m’exprime devant vous pour la première fois en tant que chef d’état-major de l’armée de l’air.

Alors que je viens de prendre mes fonctions depuis un mois, les aviateurs sont au centre de mes préoccupations. Ils mènent les opérations dans lesquelles l’armée de l’air est engagée, sur le territoire national et sur les théâtres extérieurs, tandis qu’ils mettent en œuvre une des réformes les plus importantes que nous ayons jamais conduite. Leurs attentes sont fortes et légitimes. En tant que chef d’état-major de l’armée de l’air, mon objectif principal consiste à les accompagner dans l’aboutissement de la transformation engagée, en leur donnant une direction pour l’avenir, un projet cohérent de la politique qui sera déterminée par le Livre blanc. Un projet qui permette de maintenir le niveau opérationnel pour faire face aux nombreux engagements qui nous attendent et donner un sens aux efforts consentis par ces hommes et ces femmes qui continuent de démontrer au quotidien une motivation profonde pour servir notre défense, notre Nation et ses valeurs.

Je suis convaincu que malgré la conjoncture actuelle, aussi difficile soit-elle du point de vue économique, nous pouvons aller de l’avant et construire une armée de l’air fière de son passé et de son histoire, capable de regarder l’avenir avec confiance.

Je suis conscient qu’au-delà d’une vision à moyen terme, il nous faut prendre en compte la situation actuelle et le défi budgétaire que notre pays doit relever. La difficulté de l’exercice réside dans cette adéquation entre préparer le futur et gérer le présent. Nous devons veiller à ne pas occulter l’avenir au seul regard du court terme. Toute rupture irréversible aurait des conséquences à moyen et long terme qui pourraient obérer durablement notre capacité à nous rénover.

Au service de la Nation et de la volonté politique de nos dirigeants, l’armée de l’air possède une expertise unique. Elle est capable d’intervenir à plusieurs milliers de kilomètres sur une zone de crise, par la voie des airs, immédiatement et en toute autonomie à partir de notre territoire national. L’opération Harmattan, l’année dernière, a fait la démonstration de quatre capacités clés dont je considère qu’elles forment le socle de ce domaine d’excellence.

Première d’entre elles, la capacité permanente, armée sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre à assurer la planification, le commandement et le contrôle des opérations aériennes.

Alimentée par le renseignement, cette capacité représente le véritable « cerveau » qui coordonne et conduit nos opérations aériennes. En Libye, les évacuations de ressortissants menées dès le 22 février, les missions de reconnaissance pré-crise, ou les frappes des premiers jours, ont été dirigées à partir du centre national des opérations aériennes (CNOA) de Lyon Mont Verdun. Maintenu en alerte par une activité quotidienne, due notamment à la surveillance des espaces aériens nationaux, ce centre présente des aptitudes de permanence, d’anticipation, de déclenchement d’alerte, de conduite d’intervention et de gestion de crise ouvertes à l’interarmées, l’international et l’interministériel.

Reliées en permanence à ce centre, nos bases aériennes forment la « colonne vertébrale » de l’armée de l’air. Nos avions de chasse ont frappé à Benghazi en décollant de Nancy, Dijon ou Saint Dizier. L’opération Harmattan a prouvé qu’elles étaient un véritable outil de combat, apte à basculer instantanément du temps de paix au temps de crise. Organisées en pôles de compétences, pouvant accueillir des organismes interarmées ou interministériels, elles sont disponibles en permanence au service des autorités étatiques pour tout cas de crise. Prépositionnées loin du territoire métropolitain, comme à Al Dhafra à Djibouti ou à Cayenne, elles offrent également des possibilités uniques pour déployer des dispositifs importants.

Deuxième capacité clef liée à la première: l’aptitude à recueillir du renseignement avant et pendant une opération.

Notre pays a pu intervenir en premier le 19 mars 2011, de façon autonome, parce qu’une importante campagne de surveillance, de recueil et d’exploitation de l’information avait été menée auparavant. « Yeux et oreilles » de notre dispositif, les satellites, AWACS, Transall Gabriel et avions de chasse ont offert une complémentarité de moyens permettant de reconstituer une grande partie de l’ordre de bataille ennemi. Si on ne voit pas, on ne sait pas, on n’agit pas.

Ce flux d’informations, pouvant être recueilli en temps réel, est le véritable nerf de nos engagements sur le territoire national ou sur les théâtres extérieurs. Cette capacité, cœur de la fonction connaissance-anticipation, se fonde sur des moyens pouvant être utilisés discrètement, la plupart du temps dans les espaces internationaux.

Elle se complète par l’aptitude à recueillir sur un théâtre d’opérations, une fois acquise la maîtrise des espaces aériens, un renseignement continu par une présence permanente que seuls les drones peuvent nous offrir.

Troisième capacité clé : la projection stratégique, nos « jambes ».

C’est elle qui nous donne l’élongation pour agir vite et loin. Nos avions de transport, de ravitaillement, sont la clé de voûte de cette projection. Ils peuvent agir dans tout le spectre des opérations : de l’évacuation de ressortissants au déploiement de moyens de combat en passant par l’assistance à des populations sinistrées. Ce sont eux qui sont allés chercher nos ressortissants au Japon après l’accident de Fukushima, alors que les compagnies civiles avaient suspendu leur desserte.

La réussite des opérations libyennes a reposé sur un effort logistique sans précédent permettant d’acheminer les munitions, les hommes et les matériels vers les bases d’où s’élançaient nos avions de combat. Preuve s’il le fallait que le soutien, à tous les niveaux, est une mission opérationnelle, notre infrastructure, nos systèmes d’information et de communication (SIC), notre soutien vie, ont permis le déploiement des avions de combat sur des bases aériennes où l’empreinte humaine était minimisée. À Souda, en Grèce, le ratio était de 20 aviateurs pour un avion. Cette capacité de projection sous faible préavis offre en plus une réversibilité de l’action toute aussi rapide. Le retour d’Afghanistan de nos drones, en mars dernier, et de nos Mirage 2000D, en juillet, en témoigne.

Sur ce dernier théâtre, nous avons la responsabilité, depuis le 1er octobre, de commander l’aéroport international de Kaboul. C’est une vraie mission centrée sur la gestion des flux de matériels entrant et sortant et qui met en œuvre toutes les capacités d’une base aérienne. Une mission lointaine, opérationnelle, complexe mais stimulante. Elle illustre notre capacité à gérer, dans n’importe quelles circonstances, des plates-formes aéroportuaires, le cœur de notre métier.

Enfin quatrième capacité clef : la formation.

Véritable « sang » qui irrigue l’ensemble de nos composantes et nos spécialités, indispensable pour l’acquisition des compétences des aviateurs, elle agit à tous les niveaux. Pour s’imprégner de nos valeurs, pour maîtriser les équipements les plus avancés qui nous sont confiés. Elle s’exprime au quotidien, sur notre territoire ou à l’étranger, lorsque nos hommes et nos femmes s’entraînent et participent à des exercices. Cet ensemble a garanti le succès de nos équipages lors de la mission du 19 mars 2011. Ils ont concrétisé ce jour-là des années de préparation opérationnelle.

La formation repose sur nos centres, à l’excellence reconnue, tournés vers l’interarmées, l’interministériel et l’international. Ouverts vers la jeunesse de notre pays, ils peuvent être le creuset d’échanges bénéfiques et offrent des perspectives de coopération européennes étendues.

Ces quatre capacités nous permettent d’agir loin mais aussi de coopérer avec d’autres partenaires : pays amis, industriels ou autres ministères. Elles sont aussi au cœur des missions régaliennes de protection dont l’armée de l’air a la charge.

De protection de nos intérêts vitaux d’abord, avec la mise en œuvre de la composante aéroportée de la dissuasion. Ininterrompue depuis 1964, elle repose aujourd’hui sur la triade, pour partie modernisée et adaptée à la stricte suffisance, Rafale, Boeing C135, ASMP-A.

De protection de notre espace aérien ensuite, avec la posture de sûreté aérienne conduite par le Centre national des opérations aériennes (CNOA), permanente, en liaison directe avec le premier ministre.

De protection de nos concitoyens enfin, avec les missions de sauvegarde et d’assistance, missions interministérielles assurées en métropole et dans les DOM-COM. Depuis le début de l’année, 27 opérations de recherche et sauvetage réalisées, 31 personnes sauvées. En engageant régulièrement des moyens, comme l’AWACS E3F, dans la lutte contre les trafics (pirates ou narcotrafiquants), l’armée de l’air contribue activement à tous les types d’engagement.

Vous le constatez : l’armée de l’air est aujourd’hui un outil crédible au service de notre pays, reconnu au niveau international. Le projet de loi de finances 2013 prévoit la livraison et la commande de nouveaux matériels qui s’inscrivent dans ces capacités socles et peuvent apporter une véritable rupture en offrant des possibilités opérationnelles nouvelles et des perspectives d’utilisation génératrices de gains de fonctionnement importants. J’insiste sur ce point qui doit à mes yeux être pris en compte dans le Livre blanc et la future loi de programmation militaire : comment les capacités nouvelles peuvent augmenter nos aptitudes opérationnelles en diminuant les coûts de fonctionnement. Ce que je pourrais résumer de la façon suivante: comment investir pour gagner de l’argent !

Concernant le commandement et le contrôle, le projet de loi de finances 2013 prévoit la livraison aux normes OTAN du centre de commandement, de détection et de contrôle des opérations aériennes. Cette évolution du CNOA permettra de diriger, depuis Lyon, toutes les opérations aériennes menées sur le territoire et à l’extérieur du territoire national. Nous maintiendrons une composante déployable, mais minimum, le but recherché étant d’opérer chaque fois que possible depuis le territoire national. Au standard OTAN, le personnel qui y sera affecté n’aura pas besoin de formation spécifique additionnelle pour être engagé dans une opération de l’Alliance. Le CNOA est déjà une structure ouverte qui offre la possibilité de planifier et conduire des opérations aériennes avec des partenaires européens. Cette évolution permettra de diminuer le nombre de centres de contrôle en France par une automatisation accrue des moyens. Il pourrait enfin servir d’épine dorsale à un dispositif plus large de gestion de crise, en agrégeant des cellules interministérielles, évolution que j’appelle de mes vœux et qui est source de réelles synergies entre défense et sécurité.

Dans le domaine du renseignement, la commande d’un premier système de drone intermédiaire MALE et la livraison d’un Transall C160 Gabriel rénové constituent des avancées significatives. Nous avons acquis de véritables compétences opérationnelles avec le Harfang mais son cœur informatique date du début des années 90. Tous nos principaux alliés européens sont résolument engagés dans l’acquisition de systèmes modernes. Il y a de véritables gisements de coopérations à exploiter avec eux dans des domaines aussi variés que la formation, le soutien, les normes ou même l’emploi.

Nous devons aussi réfléchir à de nouvelles voies dans l’utilisation de ces drones. Conçus pour surveiller de larges zones sur de longues périodes, ils peuvent apporter une aide précieuse à des autorités civiles pour l’évaluation permanente de la situation et la coordination des moyens. À titre d’exemple, l’administration américaine des douanes et des frontières dispose de sept drones MALE. La surveillance des espaces, qu’ils soient aériens, maritimes ou terrestres, sera de plus en plus assurée par des drones qui pourront être opérés à partir d’un centre unique, même s’ils sont engagés hors de nos frontières.

S’agissant de la projection stratégique, nous allons entrer dans une nouvelle ère. Une ère où la rapidité et la capacité de transport des nouveaux vecteurs nous imposent d’imaginer de nouveaux concepts d’emploi plus dynamiques.

L’arrivée des premiers A400M est inscrite dans le projet de loi de finances 2013, marquant une étape importante. Le déficit de notre capacité de transport est critique : le maintien des compétences de nos équipages est de plus en plus difficile et nos capacités sont fragilisées. Si l’A400M devait encore avoir du retard, notre capacité à assurer l’évacuation de nos ressortissants en cas de crise serait remise en cause. L’A400M va démultiplier nos possibilités : il permettra, par exemple, de transporter quatre fois plus de charges qu’un Transall vers Dakar ou N’Djamena en deux fois moins de temps.

La commande des premiers avions ravitailleurs Multi role transporter (MRTT), inscrite dans le projet de loi de finances 2013, ouvre aussi un nouvel horizon à notre capacité de transport stratégique. Les MRTT remplaceront, à l’horizon 2017, nos Boeing C135 dont l’âge avancé fait peser un risque permanent de rupture capacitaire et nous contraint beaucoup en termes de maintenance. Mais ils remplaceront aussi les trois Airbus A310 et les 2 A340 dont ils reprendront la totalité des missions de transport de personnel et d’équipements ; 14 appareils en remplaceront 19. Pilier de notre projection de forces et de puissance, un MRTT sera capable d’amener 4 Rafale et 20 tonnes à 5 000 km, là où un C135 n’amène que 2 avions et 7 tonnes. Vecteur polyvalent, il pourra transporter près de 300 passagers à 5 000 km, là où un C135 n’en transporte que 55.

À partir du territoire national, s’appuyant sur des pôles « (hub) » judicieusement positionnés, A400M et MRTT, parfaitement complémentaires, offriront une capacité d’intervention immédiate et inégalée vers n’importe quel point du globe. Ils pourront servir à d’autres coopérations dans des zones d’intérêt et leur long rayon d’action laisse imaginer l’emport de moyens de reconnaissance banalisés dans l’avenir. Utilisable dans une vaste panoplie de missions, le MRTT pourra par exemple atteindre l’Asie, à coût réduit car c’est un appareil qui est opéré aujourd’hui par la grande majorité des compagnies aériennes.

A400M et MRTT permettront d’assurer des lignes régulières vers les DOM-COM et de mutualiser des capacités de transport avec d’autres ministères qui se tournent aujourd’hui vers des affrètements coûteux et de mieux réagir aux surprises stratégiques. Ils permettront donc de revoir nos principes de prépositionnement de forces et ou d’équipements.

Tous deux offriront des perspectives de coopérations européennes très fortes. En nous adossant au commandement européen du transport aérien, l’EATC, qui a montré sa pertinence lors d’Harmattan, nous pouvons envisager de créer une véritable escadre européenne dont l’A400M sera le fer de lance.

Le projet de loi de finances 2013 confirme la livraison de neuf nouveaux Rafale polyvalents. Je me réjouis de la livraison de ces appareils. Cependant, il m’appartient de m’assurer que nos équipages disposent de suffisamment d’heures de vol pour maintenir leur niveau de qualification et de garantir la formation des plus jeunes. Une capacité de combat bien entraînée et crédible est essentielle au début de chaque opération car elle conditionne la maîtrise des espaces aériens, condition nécessaire pour assurer une liberté de mouvement dans les espaces terrestres et maritimes. Cette capacité d’entrée en premier doit être crédible car il n’y a pas de combat asymétrique dans les espaces aériens où c’est le plus fort qui impose sa loi. Cependant, contrairement à ce que nous avons pratiqué jusqu’ici, il nous faut dimensionner cette capacité initiale et réfléchir à d’autres voies pour l’entraînement et l’équipement du reste de la flotte de combat destiné à assurer, dans une deuxième phase des opérations, l’aptitude à durer et à régénérer le potentiel. Différents niveaux d’entraînements, accroissement de la simulation, utilisation de flottes de complément, ou de flottes à la polyvalence plus limitée, capacité à remonter en puissance sont parmi les pistes que nous explorons dans un souci de maintien de nos aptitudes opérationnelles à coût maîtrisé.

Cependant, la vision à moyen et long terme ne doit pas occulter la gestion du présent. Les efforts budgétaires du court terme pourraient nous imposer des choix aux conséquences irréversibles pour l’avenir. C’est pourquoi j’exprime trois inquiétudes principales.

La première concerne le maintien de l’activité aérienne pour nos équipages. Elle est essentielle pour garder des compétences, préserver un niveau suffisant de sécurité aérienne et garantir le moral de nos aviateurs. Nous sommes confrontés à la difficulté de contenir les coûts de maintien en condition opérationnelle (MCO). En 2012, l’écart entre les ressources disponibles et les besoins d’entretien programmé des matériels aéronautiques de l’armée de l’air a atteint 300 millions d’euros.

Cela se traduit par une pression de plus en plus forte sur la formation et l’entraînement des forces et en conséquence une érosion du capital des savoir-faire opérationnels. Malgré les efforts que je salue du ministère sur le domaine, en 2013, le déficit d’activité sera d’environ 20 % par rapport au besoin nominal d’entraînement des équipages. C’est acceptable dans un budget d’attente, mais nous approchons d’un seuil qui pourrait devenir critique. Notre cohérence repose sur notre capacité à trouver le bon équilibre entre notre format et les ressources dédiés à l’entretien programmé de nos matériels.

Ma deuxième préoccupation concerne les hommes et les femmes de l’armée de l’air. Ils consentent depuis de nombreuses années de lourds efforts à des réformes exigeantes. Nous avons fermé douze de nos bases aériennes en quatre ans. À raison de 4 000 départs pour environ 2 000 recrutements annuels, nous conduisons une réduction de format de 25 %, sur le principe du « non-remplacement d’un départ sur deux ». Cette politique s’est accompagnée d’une maîtrise de notre masse salariale pour laquelle nous avons conduit une politique rigoureuse en matière d’avancement et d’attribution de primes. Nous avons encore des défis à relever pour mener cette réforme à son terme.

Nous devons anticiper la remontée du recrutement. Nous devrons trouver la bonne formule pour permettre une remontée progressive et réaliste du recrutement tout en amenant à son terme la déflation prévue des effectifs. Car nous avons toujours un besoin essentiel de recruter dans les bonnes compétences.

Je suis également attentif à la perspective, en 2013, d’une réduction significative des tableaux d’avancement qui risque de fragiliser le moral des aviateurs, notamment dans les catégories de personnel qui portent la réforme. Au lieu d’un effort ponctuel peu bénéfique, il me semble nécessaire d’inscrire notre action dans une logique globale et pluriannuelle de révision des avancements prenant en compte l’allongement des carrières.

Je suis enfin très à l’écoute des problèmes d’identité que me font remonter les nombreux aviateurs qui sont dans les structures interarmées. C’est une vraie demande de leur part et nous développons un plan d’action spécifique qui proposera, par exemple, la mise en place de « bases aériennes virtuelles » dans lesquelles les aviateurs pourront se retrouver au sein d’espaces numériques participatifs.

Ma dernière crainte concerne la construction budgétaire. Les trajectoires financières actuellement envisagées nous amènent à court terme sous le seuil des engagements déjà passés. En poursuivant dans cette direction, nous serons amenés à annuler certaines commandes, avec des pénalités à la clé, et nous serons dans l’impossibilité de procéder aux nouvelles acquisitions, celles qui nous permettront de mettre en place des modes de fonctionnement source d’économies.

Les drones, les MRTT, qui n’entrent pas encore dans la construction budgétaire, sont en position de vulnérabilité.

La phase 2 de la quatrième étape du système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) n’est pas prévue dans le projet de loi de finances 2013. Ses reports successifs fragilisent notamment nos capacités de détection sur le territoire national.

Le report de nombreux programmes d’équipement, décidés en amont des travaux du projet de loi de finances, pourrait aussi s’avérer préjudiciable à notre capacité opérationnelle. C’est le cas par exemple de ceux liés aux obsolescences du missile Aster30, du pod RECO NG, du simulateur Mirage 2000C, de la mise aux normes civiles des hélicoptères Puma et Fennec, de la rénovation des C130 et de la flotte de Mirage 2000D. Sur ce dernier point, je souligne que le Mirage 2000D au potentiel de vie encore élevé nous permettrait de disposer d’un avion, dont il nous faut déterminer le niveau de rénovation et le format, capable d’effectuer à moindre coût une large gamme de nos missions en complément du Rafale.

Il existe un véritable risque de perte de capacités opérationnelles, mais aussi de capacités industrielles nationales dont les conséquences pourraient être irréversibles. Je milite pour l’étude de solutions de court terme qui permettent de conserver la réversibilité nécessaire à la préparation d’un avenir qui pourra être différent de celui d’aujourd’hui. Un avenir qui sera porté par le personnel s’il n’est pas tourné vers une simple diminution des formats mais bien vers un véritable projet.

Après un mois passé à la tête de l’armée de l’air, je vous ai présenté ma vision de l’armée de l’air au regard des moyens que la Nation lui consacre. Je vous ai fait aussi part de mes inquiétudes. Notre outil est remarquable. Il est résolument tourné vers l’avenir. Il repose sur un équilibre complexe et fragile. Le projet de loi de finances 2013 est un projet de transition sur lequel nous devons être vigilants dans son application. Toute mesure irréversible prise pour gérer le court terme pourrait de façon irrémédiable compromettre l’avenir. Il doit nous permettre par ailleurs de lancer les programmes indispensables à notre capacité opérationnelle.

Notre richesse repose sur des aviateurs remarquables, à la motivation exemplaire qui sont engagés sur de nombreux théâtres d’opérations. Des citoyens français, fiers de leur engagement au service de leur pays dont ils portent haut les couleurs. Nous leur devons des moyens et des conditions de travail à la hauteur des efforts qu’ils consentent depuis de nombreuses années.

Je vous remercie de votre attention. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

Mme la Présidente. Je relève en effet les changements importants que l’armée de l’air a connus à la suite du Livre blanc et de la LPM. Vous avez raison d’insister sur la question de la formation des jeunes aviateurs et sur la nécessité d’assurer la relève. À ce titre, il est intéressant d’étudier le coût des heures de vols pour l’entraînement pour en diversifier les supports.

M. Serge Grouard, rapporteur. Je tiens à féliciter les personnels militaires pour l’excellence de leur travail dans le cadre de l’opération Harmattan, une opération complexe qui a duré de longs mois. Nous pouvons en être fiers.

Vous avez évoqué le risque de ruptures capacitaires potentiellement irréversibles concernant les personnels, la formation, mais également les systèmes d’armes. Qu’en est-il des capacités de maîtrise aérienne s’agissant de la défense sol-air de moyenne et longue portées ?

En ce qui concerne la sécurité aérienne, qu’en est-il de nos systèmes de détection et d’acquisition de l’information ? Quels seraient vos besoins ?

Enfin, la situation internationale pourrait demeurer dangereuse durablement. Pourriez-vous nous éclairer sur nos capacités à remonter en puissance rapidement ? À rebours de la tendance que nous avons naturellement à raisonner de façon quantitative pour les seuls équipements militaires, le nombre de pilotes ne compte-t-il pas davantage que celui de nos avions ?

M. le général Mercier. Les opérations en Libye étaient interarmées. Elles ont bien illustré un type d’opérations aériennes que l’on retrouvera à l’avenir. On occulte trop souvent les phases de transport logistique et de reconnaissance pré-crise. Cette dernière permet précisément de pénétrer les défenses sol-air. Si nous devions intervenir sur d’autres théâtres, ce travail serait indispensable : il faudrait connaître parfaitement les systèmes d’armes de grande qualité qui pourraient nous être opposés. C’est une des raisons de notre attachement au programme de capacité de renseignement électromagnétique spatiale (Ceres).

Lorsque nous avons commencé les opérations en Libye, nous ne connaissions que 60 % de l’ordre de bataille adverse. Je note qu’au niveau européen nous ne disposons pas des capacités permettant de supprimer les défenses par missiles à détection électromagnétique. C’est une capacité dont seuls les Américains disposent. Le Rafale est cependant capable, grâce à son système de détection électromagnétique et du missile A2SM, qui peut être tiré à plusieurs dizaines de km de distance, de disposer d’une certaine capacité de destruction des batteries de missiles sol-air.

La maîtrise de l’espace aérien suppose des combats symétriques donnant une prime à l’armée disposant de la force la plus importante. À cet égard, disposer de la capacité d’entrer en premier est fondamental. Il faut donc concentrer nos efforts pour conserver une partie de notre flotte de combat particulièrement bien équipée et entraînée pour cette mission spécifique. Nous allons devoir mettre fin à une conception maximaliste de l’entraînement au profit d’un entraînement différencié, sachant qu’il nous faut pouvoir entrer en premier et ensuite tenir dans la durée en assurant les « missions de deuxième jour ». Mais nous pouvons repenser l’entraînement des pilotes sur l’ensemble du spectre d’intervention.

S’agissant du théâtre national, 10 à 15 000 avions survolent chaque année le territoire national. Notre mission est d’identifier chacun d’entre eux au titre de la surveillance générale et d’assurer une surveillance particulière de certains points sensibles, tels les centrales nucléaires. Cela suppose de rénover tous nos radars, touchés par l’obsolescence. Les effets du décalage de SCCOA IV ont pu être atténués dans la région sud-est grâce au maintien de la mise à niveau du radar de Nice et à l’acquisition d’un radar mobile.

M. Nicolas Dhuicq. L’armée de l’air a été engagée dans toutes les opérations interarmées et interalliées. Dans le cadre de l’Europe de la défense, que pensez-vous du projet d’escadre européenne ?

N’êtes-vous pas inquiet sur le maintien des compétences des opérateurs de ravitailleurs en vol (ORV), communément appelés « boomers » ? Ils courent de grands risques, surtout si des missiles S300 ou S400 sont tirés par des artilleurs russes.

M. Daniel Boisserie. Vous placez beaucoup d’espoirs dans l’Europe de la défense. Les faibles efforts consentis par nos voisins dans leur défense ne risquent-ils pas de vous décevoir ? Comment voyez-vous l’avenir de la base de Luxeuil ? Une opération sous mandat des Nations unies devrait être engagée dans le Sahel. Dans quelle mesure l’armée de l’air sera-t-elle concernée ? Comment s’y prépare-t-elle ?

M. le général Denis Mercier. Je vais répondre à la fois sur les capacités et l’Europe de la défense. Il y a, aujourd’hui, une réalité, le commandement du transport aérien européen (EATC). C’est une bourse d’échanges, qui fonctionne très bien. Les unités stationnées à Orléans reçoivent directement leurs ordres du commandement basé à Eindhoven – dirigé aujourd’hui par un Français, le général Valentin. Cela signifie que nos troupes françaises peuvent être, par exemple, transportées au Tchad par des avions belges. Il s’agit là d’une réelle avancée.

L’aéronautique se prête particulièrement à des coopérations européennes, comme en témoigne le projet A400M – les difficultés rencontrées sur ce programme provenaient de son caractère innovant, pas de sa dimension européenne.

Le dossier sur lequel il faudrait maintenant avancer est celui des normes et de la navigabilité, car cela permettrait de se diriger vers un véritable soutien commun. Nous travaillons sur ce sujet avec les Britanniques pour que nous puissions échanger les pièces de rechange de nos avions. Cela serait possible pour les seules missions logistiques qui répondent à des normes civiles. Cela ne l’est pas pour une flotte tactique car les dommages causés par les combats ou le vieillissement ne sont pas pris en compte de la même manière. Nous aimerions associer les Allemands à notre réflexion mais ils ont une utilisation moindre de leurs avions tactiques.

Si nous aboutissons sur ce dossier, nous pourrons avoir un véritable usage commun des A400M et des MRTT. Il s’agit là d’une approche « par le bas », mais qui est porteuse d’une véritable ambition européenne. Nous pourrions aussi aller vers un ciel unique militaire européen, à l’image de ce qui existe déjà pour le ciel unique civil.

Concernant l’idée d’escadre européenne, il y aussi une véritable volonté d’avancer, sur des bases pragmatiques privilégiant les questions de souveraineté nationale. On ne peut pas tout mutualiser, notamment ce qui concerne notre dissuasion, mais nous pouvons partager un certain nombre de choses. Notre formation des pilotes de chasse est, par exemple, franco-belge. Nous avons des pays qui souhaitent former leurs pilotes en France. Il ne serait pas question de les envoyer en formation dans un autre pays d’Europe. Mais les opportunités de mutualisation européennes sont nombreuses dans le domaine de la formation.

Sur les Boeing C135, je dirais que ce que nous faisons ressemble parfois à de l’acharnement thérapeutique ! Il s’agit d’avions de 48 ans d’âge.

Monsieur Boisserie, la base aérienne de Luxeuil accueille aujourd’hui un escadron de Mirage 2000-5 et un escadron de défense sol air. Mais il est évident qu’à l’avenir, si nous devions réduire notre format, les bases les moins denses seraient les plus fragiles.

S’agissant du Sahel, l’armée de l’air serait prête à répondre à n’importe quelles missions qui pourraient lui être confiées pour soutenir les forces africaines, grâce notamment à nos moyens prépositionnés à N’Djamena..

M. Philippe Nauche. Vous avez dressé, mon général, un bilan positif du fonctionnement de l’EATC. Comment jugez-vous l’initiative de transport aérien portée par l’OTAN, avec trois gros porteurs et une dizaine de pays associés ?

Quel est votre avis sur les drones de moyenne altitude longue endurance (MALE) ? Comment les utiliser ? Comment voyez-vous le futur et le partage entre les avions de combat et les drones ?

M. Philippe Vitel. Je voudrais vous interroger sur les forces de présence. Le Livre blanc de 2008 avait préconisé une implantation sur « l’arc de crise ». Nous disposons désormais d’une implantation à Abou Dhabi, qui comprenait, l’année dernière, 712 militaires des trois armées. Quel est le format actuel ? Quelles activités opérationnelles y menez-vous ? Quel est le retour d’expérience de cette présence ?

M. le général Denis Mercier. L’initiative de l’OTAN dans le transport aérien part du constat qu’il y a un réel déficit capacitaire européen dans ce domaine. Comment le combler ?

L’initiative sur les ravitailleurs en vol avait pour but de proposer aux Européens qui le souhaitaient la mise à disposition d’un groupement (pool) de ravitailleurs américains, avec un système d’abonnement. Nous ne souhaitons pas du tout entrer dans ce jeu de financement commun des capacités de l’OTAN et préférons une approche européenne de mutualisation des efforts.

Nous préférerions bâtir un modèle, avec l’aide de l’agence européenne de défense (AED), sur le même schéma que l’EATC, avec un emploi européen.

Les drones MALE sont appelés à jouer un rôle considérable. Il n’était par exemple pas prévu que nous déployons le drone Harfang sur des théâtres d’opération mais nous l’avons utilisé en Afghanistan puis en Libye car il nous est indispensable. Les États-Unis en produisent aujourd’hui cinq par mois.

Quelle est ma vision de l’avenir ? Sans doute aurait-il été plus approprié d’interroger le ministre sur ce sujet. Ce que je vois, c’est que des pays comme l’Inde ou la Libye auront besoin de ces drones MALE pour contrôler leurs frontières et que ce besoin est partout croissant. Est-ce que l’Europe peut rester à l’écart de ce marché ?

Les drones MALE ne sont pas des drones de combat, le cœur de leur système est la communication satellite. Ce ne sont ainsi pas les industries de défense traditionnelles qui s’impliquent dans ce secteur : aux Etats-Unis, les drones MALE ne sont pas construits par Lockheed Martin mais par General Atomic.

Je pense que dans le futur, vers 2030-2035, nous aurons un mix des drones de combats et des avions de chasse. Mais aujourd’hui, nous ne savons pas encore quel usage précis nous aurons de ces drones de combat. Cela dépendra des évolutions technologiques. Nous réfléchissons déjà à tout cela, avec les Américains.

Monsieur Vitel, l’armée de l’air dispose à Abou Dhabi de 145 militaires, sur un total de 700 à 800, de 6 Rafale et d’un ravitailleur. Le gros avantage de cette base est naturellement sa position géographique, dans une zone où la France a de nombreux intérêts.

Elle offre aussi une capacité d’entraînement très importante pour nos pilotes, avec d’excellentes conditions de vol, des champs de tir. Nous y envoyons très souvent nos avions.

Enfin, nous avons pu mesurer les fruits de notre présence sur place lors des opérations en Libye, où les avions qataris et émiratis nous ont suivis. Nous n’aurions pas pu mener ces opérations si nous n’avions pas une totale confiance mutuelle avec nos partenaires, que nous côtoyons, grâce à nos bases, tous les jours.

M. Guy Chambefort. La base de Varennes-sur-Allier a déjà fait l’objet d’une restructuration, et ses personnels civils sont dans l’incertitude. Où en sont vos réflexions sur l’avenir de cette base ?

M. Alain Chrétien. Le 3 octobre dernier, un Mirage 2000-5 s’est abîmé près de la base 116, et son pilote taïwanais est mort dans l’accident. Quelles informations pouvez-vous nous communiquer sur les circonstances de cet accident ?

M. le général Denis Mercier. La base de Varennes-sur-Allier, comme celle de Romorantin, a une vocation essentiellement logistique. Ces bases « mono-mission » sont plus fragiles que les autres. Mais en tout état de cause, leur avenir dépendra du format de l’armée de l’air qui sera défini par le Livre blanc.

S’agissant de la perte récente d’un mirage 2000-5 et de son pilote, la présence de parlementaires aux obsèques a été particulièrement bien accueillie. Plusieurs enquêtes ont été lancées : l’une par le procureur, une autre par le Bureau enquêtes accident défense et une troisième par moi-même. Il s’agit d’une enquête visant à établir si l’accident résulte d’un problème de commandement de la mission. Seule la troisième enquête est achevée : elle a conclu que le cadre d’emploi du pilote n’appelle aucune réserve et que l’unité est bien commandée. Dans l’attente des conclusions du procureur, c’est la seule sur laquelle je peux me prononcer.

M. Philippe Folliot. L’A400M est très attendu, notamment dans les unités parachutistes. Les trois premières livraisons doivent avoir lieu en 2013, et les quatre suivantes en 2014. Qu’est-ce qui a été prévu en matière de formation de leurs pilotes ? Est-ce qu’il est envisageable d’accélérer le rythme de livraison, par exemple si de bonnes nouvelles concernant l’exportation du Rafale dégageaient des marges de manœuvre ?

M. Christophe Guilloteau. Connaissant le site du Centre national des opérations aériennes (CNOA) de Mont Verdun – situé sur la base aérienne 942 de Lyon – et le rôle qu’il a joué dans l’opération Harmattan, je suis étonné de ce que l’on n’en parle pas plus. Je note avec satisfaction que, plus que d’autres, vous mettez l’accent sur les questions de renseignement. En la matière, vous semble-t-il que nos moyens aient atteint un niveau de juste suffisance ?

M. Francis Hillmeyer. Vous nous dites que le volume d’heures de formation des pilotes a baissé de 20 %. Si la tendance se poursuit, n’est-ce pas inquiétant ?

M. le général Denis Mercier. L’A400M constitue ce que l’on peut appeler une « capacité socle », c'est-à-dire qu’il sera commun à toutes les armées. Les retards dans sa livraison nous coûtent cher, ne serait-ce qu’en maintien des compétences.

Pour autant, il est difficile d’accélérer le rythme de livraison de cet équipement, du fait du caractère multilatéral du programme : nos partenaires connaissent les mêmes problèmes que nous.

L’A400M connaîtra plusieurs standards. Le premier sera adapté aux opérations de parachutistes et au transport logistique. Nous l’accepterons si la soute est totalement opérationnelle en mai prochain, ce en quoi j’ai confiance. Les standards suivants évolueront vers des fonctions plus tactiques.

Pour conserver nos savoir-faire, et aussi permettre à l’armée de terre de continuer à s’entraîner, nous avons dû commander huit avions de transport tactique léger CASA.

Le rythme de livraison de l’A400M tel qu’il est prévu est assez intensif jusqu’en 2025, et nous en aurons reçu déjà une trentaine vers 2017-2018, lorsque la flotte à laquelle il doit succéder sera retirée du service.

Quant au Rafale, je crois que si nous ne l’avons pas encore exporté, c’est parce qu’il est en avance sur sa génération – quoi que sa conception ait commencé dans les années 1970. Le seul véritable avion de sa catégorie est l’avion de combat JSF (Joint Strike Fighter), qui ne dépasse le Rafale qu’en furtivité.

Si nous avions des marges de manœuvre, je préférerais les employer à moderniser nos Mirage 2000 et à acquérir des capacités socles.

S’agissant du site de Mont Verdun, près de Lyon, on en parlera ! Ses capacités permettent de diriger toutes les opérations, y compris en Afrique. C’est un centre très complet ; Nous ouvrirons bientôt une unité « cosmos », dotée de moyens de surveillance de l’espace, qui travaillera en lien avec le Centre National des Etudes spatiales (CNES).

Pour ce qui est du renseignement en général, on peut mieux faire : il y a des capacités satellitaires sur lesquelles nous devons continuer à investir. Mais il faut souligner que les différents moyens de renseignement dont nous disposons, et dont nous avons su exploiter la complémentarité – par exemple en Libye – nous offrent déjà une solide capacité de connaissance. C’est d’ailleurs ces acquis qui nous ont permis de participer en nature au programme Alliance ground surveillance (AGS) de surveillance terrestre promu par les Américains dans le cadre de l’OTAN.

Nous avons néanmoins besoin de moyens de renseignement électro-magnétique (ROEM) et de drones MALE.

Il nous faut aussi imaginer de nouvelles solutions capacitaires. On pourrait ainsi mettre à profit la grande capacité d’élongation de l’A400M et du MRTT, en les équipant de  « pods » banalisés de renseignement, voire en s’en servant de relais pour des informations collectés par un Rafale, dont le pod de reconnaissance de nouvelle génération est très efficace. Ainsi, on peut se passer de vecteur dédié, ce qui génère des économies. On peut aussi réfléchir à des moyens que l’on pourrait qualifier de « jetables », c'est-à-dire prévus pour durer cinq ou six ans, et de ce fait moins chers à acquérir.

Quant à la formation des équipages, cette question nous renvoie au problème général de sous-dotation du maintien en condition opérationnelle (MCO) dans la dernière loi de programmation militaire. Le coût des factures a augmenté de 3 % par an, alors que nos ressources sont stables en valeur. Les années 2012-2013 marqueront un tournant crucial.

Aujourd’hui, le volume horaire de formation de nos pilotes est inférieur aux objectifs fixés : 160 heures au lieu de 180 pour les pilotes de chasse – et encore, certains ne volent que 120 heures. Le différentiel est encore plus marqué pour les pilotes d’avions de transport, qui devraient voler 400 heures par an, et qui n’en effectuent en moyenne que 250. Cette situation peut créer un vrai problème de compétences ; c’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons demandé et obtenu l’acquisition de huit CASA. Certes, la simulation permet de pallier une partie du problème, mais elle ne remplacera pas le vol.

Notre outil de formation est lui-même en cours de rénovation, tant à Salon de Provence qu’à Cognac. Nous tendons ainsi à former nos pilotes sur des avions dont les coûts de fonctionnement sont moins élevés que ceux des Rafale ou des Alpha-jet. Des investissements avisés permettent ainsi des économies substantielles.

Mme la Présidente. Je vous remercie.

II. EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Serge Grouard, les crédits relatifs à : « Préparation et emploi des forces : air » de la mission « Défense » pour 2013, au cours de sa réunion du mardi 30 octobre 2012.

Un débat suit l’exposé du Rapporteur pour avis.

M. Philippe Vitel. Je voudrais vous interroger sur le nombre de pilotes car on entend parfois dire que nous aurions plus d’avions que de pilotes : est-ce qu’il existe réellement une pénurie au niveau du recrutement ?

M. le Rapporteur pour avis. Nous n’avons pas, aujourd’hui, moins de pilotes que d’avions en situation de disponibilité opérationnelle. Jusqu’à présent, nous avons été confrontés à des missions longues et de faible intensité ou à des missions courtes mais de forte intensité, comme l’opération Harmattan par exemple, sans que nous ayons à déplorer de points bloquants pour notre capacité d’engagement.

Si nous étions confrontés à une opération de forte intensité sur un temps long, nous devrions certainement gérer différemment les ressources humaines dans leur ensemble pour être capables de soutenir l’effort dans la durée.

M. Philippe Vitel. Pour l’opération Harmattan, l’usage du porte-avions a permis de réduire les temps de vol de l’aéronautique navale. Le recrutement est lié aux moyens financiers qui sont alloués à la formation des pilotes : y a-t-il des motifs de s’inquiéter sur ce sujet ?

M. le Rapporteur pour avis. La formation de nos pilotes est aujourd’hui excellente et ceux-ci disposent d’une capacité opérationnelle, sur des équipements de haute technologie comme le Rafale ou l’A400M. Mais il faut demeurer attentif. Il est important que le triptyque recrutement-formation-entraînement soit cohérent.

Mme la Présidente. Le coût de l’entraînement est lié au coût de l’heure de vol. En volant sur des équipements moins onéreux, on peut faire baisser significativement le coût de la formation et de l’entraînement. Grâce à la réorganisation du centre de Dax, le coût des heures de vol sur hélicoptères a été justement réduit en volant sur des équipements moins onéreux. Je pense donc qu’il y a certainement d’autres gains de productivité de ce type à faire. Comme cela est-il appliqué dans l’armée de l’air ?

M. le Rapporteur pour avis. Je ne dispose pas de beaucoup d’éléments sur ce sujet. Il est important de répondre au mieux à la question des heures d’entraînement, sans pour autant nous exposer au risque de nous retrouver avec une armée de l’air à deux vitesses. C’est pourquoi il est indispensable selon moi d’engager la rénovation des Mirages 2000-D. Les heures d’entraînement actuellement réalisées, que je rappelle dans le rapport, sont toutes inférieures aux seuils fixés par la loi de programmation militaire, sauf pour les pilotes d’hélicoptères.

M. Nicolas Dhuicq. Il y a quelques années, la flotte de F15-C avait été bloquée au sol à cause de problèmes structurels communs à tous ces aéronefs. Je me réjouis donc que la France dispose de deux flottes d’avions bien distincts. Mais je m’inquiète aussi du report de la rénovation de nos Mirage 2000-D car cela remet en cause notre capacité future à disposer de deux types d’avions.

Depuis la disparition du Martel, nous ne disposons plus de système de défense anti-aérien sur notre territoire, ce que je regrette. Notre armée ressemble un peu à celle du Second Empire : elle a de bons équipements mais elle est mal organisée.

Je voterai donc contre ce budget.

M. le Rapporteur pour avis. Je partage votre analyse sur la nécessité de rénover au plus vite nos Mirage 2000-D pour qu’ils puissent rester en service après 2020.

M. Christophe Guilloteau. Je me réjouis que vous ayez analysé l’opération Harmattan et le rôle important qu’a su y jouer la France. Ma question porte sur les avions A400M : connaissez-vous le calendrier des livraisons ?

M. le Rapporteur pour avis. Le premier sera livré en mai-juin 2012, le deuxième à la rentrée, le troisième à la fin de l’année. Un quatrième sera livré à la Turquie en cours d’année.

M. Joaquim Pueyo. Je voudrais faire observer que ce budget n’est pas un budget de rupture et que, malgré les contraintes budgétaires que nous connaissons, plusieurs programmes d’équipement sont lancés.

Je voudrais savoir si les travaux prévus sur la base aérienne d’Orléans ont été entrepris pour préparer l’arrivée des A400M.

M. le Rapporteur pour avis. Les travaux sont effectivement en cours : la partie logistique est terminée et ce qui concerne la formation est en voie d’achèvement. Tout sera prêt lorsque les avions seront livrés.

M. Alain Marty. Vous avez souligné la qualité des pilotes de l’armée de l’air qui sont intervenus au cours de l’opération Harmattan. Je voudrais que l’on n’oublie pas de saluer les pilotes d’hélicoptère de l’armée de terre qui ont accompli 70 % des tirs vers le sol !

M. le Rapporteur pour avis. Si j’ai concentré mon analyse sur le rôle de l’armée de l’air dans cette opération, je n’oublie pas celui joué par l’armée de terre et la marine. C’est bien entendu l’ensemble de nos forces qu’il faut saluer.

M. Nicolas Bays. Je voudrais savoir si nous connaissons l’impact qu’aurait la vente de nos Rafale à l’Inde sur leur chaîne de production : est-ce que l’on serait obligé de revoir à la baisse la livraison annuelle de 11 Rafales à l’armée française ?

Vous avez exprimé votre inquiétude au sujet du recrutement des pilotes. Est-ce que vous connaissez l’impact de la révision générale des politiques publiques (RGPP) sur les autres corps de métier de l’armée de l’air, à commencer par celui des mécaniciens, dont le rôle est tout aussi indispensable ?

M. le Rapporteur pour avis. Nous souhaitons évidemment tous que ce marché avec l’Inde se conclue. Il est probable que cela changera effectivement la donne pour l’industriel. Mais le besoin opérationnel de l’armée de l’air restera le même. Celle-ci dispose d’un calendrier très précis du retrait de ses appareils, lié à la montée en puissance des livraisons de Rafales. Si ces livraisons étaient remises en cause, cela obligerait à maintenir en service des avions dont le retrait est prévu et conduirait donc à prévoir leur rénovation. Mais aujourd’hui, je ne crois pas qu’un tel plan existe.

Concernant la préservation des métiers, l’effort global qui est demandé à l’armée de l’air ne peut pas être réparti de manière homothétique sur tous les corps de métiers. Lorsque nous arrivons, comme c’est le cas aujourd’hui, à l’étiage, la question du maintien de certains savoir-faire se pose effectivement.

Mme la Présidente. La question du succès des Rafale à l’exportation a été soulevée lors de la rédaction du Livre blanc de 2008 et je pense qu’une réponse précise, avec des simulations en termes d’impact sur la chaîne de production, y a été apportée. Il faudrait s’y référer.

*

* *

Après avoir entendu les conclusions du Rapporteur pour avis préconisant l’abstention, la Commission émet un avis favorable sur les crédits relatifs à « Préparation et emploi des forces – Air » de la mission « Défense ».

ANNEXE :
Liste des personnes auditionnées par le Rapporteur

Ø Général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air

Ø M. le général de corps aérien Michel Pinaud, directeur central de la structure interarmées de maintenance des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD) ;

Ø M. Antoine Bouvier, président de MBDA, M. Pierre Muller, directeur business development et commerce France, et le vice amiral d’escadre Jean-Pierre Tiffou, conseiller défense du président ;

Ø M. l’ingénieur général hors classe Patrick Dufour, directeur central du service industriel de l'aéronautique (SIAé) ;

Ø M. Philippe Bottrie, directeur des Affaires publiques France d’EADS, M. Philippe Tilly, conseiller défense Air du président d’EADS, et M. C.Gautier, directeur du programme A400M chez AIRBUS Military ;

Ø M. Marc Ventre, directeur général délégué en charge des opérations de SAFRAN, et le major général Baudouin Albanel, conseiller militaire ;

Ø M. Pierre-Eric Pommelet, PDG de Thales Systèmes Aéroportés et Senior Vice président, directeur général de la division Systèmes de mission de défense du groupe Thales, M. Bernard Libat, conseiller militaire Air, et Mme Isabelle Caputo, directeur chargé des relations parlementaires ;

Ø M. Charles Edelstenne, président de Dassault Aviation, et M. Bruno Giorgianni, conseiller pour les relations politiques et institutionnelles ;

Ø M. l’ingénieur général de l’armement (IGA) Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement ;

Ø Lieutenant-colonel Rullière, commandant d’un escadron de Rafale pendant l’opération Harmattan, actuellement responsable du retour d’expérience à l’état-major de l’armée de l’air ;

Ø Colonel Pellissier, commandant de la base déployée à Souda pendant l’opération Harmattan, actuellement chef du bureau Plans de l’état-major de l’armée de l’air ;

Ø Général de brigade aérienne Soulet, sous-chef Emploi et Soutien de l’état-major de l’armée de l’air (pendant l’opération Harmattan et actuellement)

Ø Général de corps aérien Caspar-Fille-Lambie, commandant de la défense aérienne et des opérations aériennes

© Assemblée nationale

1 () Cf. l’avis « Équipement des forces – Dissuasion » de M. Jean-Jacques Bridey.

2 () Dépenses récurrentes de personnel liées à l’évolution des effectifs et à l’évolution des rémunérations récurrentes.

3 () Dépenses de personnel non récurrentes comme l’indemnisation au titre du chômage et de l’amiante, les différentes mesures d’incitation au départ volontaire dans le cadre des restructurations.

4 () Système de Détection et de Commandement Aéroporté.

5 () Système sol-air moyenne portée – terrestre.

6 () Système de commandement et de conduite des opérations aériennes.

7 () Système de commandement et de contrôle aérien (Air Command and Control System).

8 () Harmattan désigne un puissant vent du désert.

9 () Au sein de l’armée, le « retour d’expérience », dit RETEX, a été menée par une équipe de 8 ETP (équivalent temps plein) dont 2 au niveau de l’état-major de l’armée de l’air, chargée de s’occuper des grands enseignements en matière de doctrine, de moyens et d’organisation et d’assurer la communication externe. Elle a proposé au major général des armées un plan d’actions classifié à visée interne.

10 () Ce paragraphe concerne l’embargo sur les armes à destination de la « Jamahiriya libyenne ».

11 () Le CJTF OUP (Command Joint Task Force for the Operation Unified Protector – Commandement des forces interarmées pour l’opération Unified Protector).

12 () Airborne warning and control system.

13 () Recherche et sauvetage au combat.

14 () Bateau rapide.

15 ()  Reconnaissance – nouvelle génération. Il s’agit d’une grosse « nacelle » de 5 mètres de long et d’un poids d’environ une tonne, qui, fixée sous l’appareil, permet des prises de vue numériques d’une très grande qualité.

16 ()  À seulement 45 minutes des côtes libyennes, la base de la Sude permet aux avions de mener des missions d’exclusion aérienne de plus de deux heures sans avoir besoin de ravitaillement en vol.

17 () Armement air-sol modulable. L’AASM est une munition capable de se guider avec précision vers sa cible.

18 () Pod : nacelle en français ; située sous l’appareil, elle permet de remplir différente fonctions : désignation laser, écoute, photographie, etc.

19 () Intelligence Surveillance et Reconnaissance.

20 () Haute Altitude Longue Endurance.

21 () Moyenne Altitude Longue Endurance.

22 () Intelligence Surveillance Reconnaissance.

23 () Nacelle permettant le recueil et l’analyse post mission d’émissions électromagnétiques. Elle confère la capacité de caractériser un ordre de bataille par la perception et la localisation des radars adverses (systèmes aéroportés, systèmes sol-air, etc…).

24 () Surveillance Combat And Reconnaissance - Opérations offensives et de reconnaissance armée.

25 () Suppression of Ennemy Air Defense.

26 () Pod de désignation laser de nouvelle génération.

27 () Cinq nations ayant des échanges d’information à très haut niveau de manière permanente et dans de grandes proportions (Etats-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande).

28 () Unmanned combat air vehicle » (véhicules aériens non habités de combat).

29 () Extrait de la déclaration faite par Paul Reynaud au Sénat, 21 décembre 1938.