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N
° 258

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2013 (n° 235),

TOME XI

OUTRE-MER

COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER, NOUVELLE CALÉDONIE ET TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES

PAR M. René DOSIÈRE,

Député.

Voir le numéro : 251 (annexe 34).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2012 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, seules 92 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur pour avis qui regrette que les prescriptions de la loi organique n’aient pas été pleinement respectées, malgré la disponibilité des services du ministère des Outre-mer.

Il déplore en revanche la publication tardive du document de politique transversale relatif à l’outre-mer. L’absence de ce document de synthèse prive les députés, et notamment les membres de la commission des Lois, d’éléments indispensables à l’analyse de l’évolution de l’ensemble des crédits dédiés aux outre-mer.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2013 EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 6

A. Les outre-mer : une priorité budgétaire forte dans le cadre de la maîtrise des finances publiques 6

1. Une mission « Outre-mer » avec des crédits en augmentation 6

2. Un effort budgétaire global de l’État en faveur des outre-mer s’élevant à près de 17 milliards d’euros 7

B. Une évolution difficile à mesurer des crédits en faveur des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie 8

SECONDE PARTIE : LES ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES DANS LES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER ET EN NOUVELLE-CALÉDONIE 11

A. La Nouvelle-Calédonie : préparer la consultation sur l’autodétermination dans un climat politique apaisé 11

1. Une situation institutionnelle marquée par des rivalités politiques locales 11

2. La poursuite des transferts de compétences 14

3. La perspective de la consultation sur l’autodétermination 16

B. La Polynésie française : sortir de l’impasse budgétaire et financière dans un contexte d’instabilité politique 18

1. Un développement économique à bout de souffle 19

2. Une situation budgétaire en péril 20

3. Une instabilité décisionnelle et politique chronique 23

C. Les autres collectivités de l’article 74 de la Constitution : des statuts particuliers adaptés au contexte local 26

1. Les îles Wallis-et-Futuna 26

2. Saint-Pierre-et-Miquelon 27

3. Les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin 28

4. Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) 30

EXAMEN EN COMMISSION 33

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 63

ANNEXE 65

Mesdames, Messieurs,

Les récents mouvements sociaux de protestation contre la vie chère, qui ont émaillé la vie locale de nos outre-mer (1), nous rappellent combien il est indispensable de soutenir et de conforter le développement de nos départements et collectivités d’outre-mer.

Tel est l’objet de la mission « Outre-mer », qui a vocation à contribuer à l’amélioration des conditions de vie et au développement des départements et collectivités d’outre-mer. Elle regroupe, dans cette perspective, des crédits relatifs aux dispositifs spécifiques aux territoires ultramarins, destinés à financer notamment la création d’emplois, l’amélioration de l’habitat social et le développement d’équipements structurants.

Alors que le budget de l’État engage, en 2013, une trajectoire courageuse de retour à l’équilibre de nos finances publiques, permettant ainsi de ramener le déficit public de 4,5 à 3 % du produit intérieur brut, votre rapporteur pour avis constate avec satisfaction que, dans un contexte budgétaire aussi contraint, les crédits relatifs aux outre-mer aient été consolidés et confortés.

En effet, si l’objectif pris par le Gouvernement de ramener le déficit public à 3 % du produit intérieur brut à l’horizon 2013 est intangible, il ne saurait se faire au détriment des départements et collectivités d’outre-mer. Tel est le pari réussi du présent projet de loi de finances pour 2013.

Analysant l’évolution des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2013, votre rapporteur pour avis se félicite que l’augmentation des crédits alloués assure pleinement le financement des politiques prioritaires de soutien à l’économie ultramarine, qu’il s’agisse de l’emploi ou du logement (I).

L’examen du budget de la mission « Outre-mer » est également l’occasion pour votre rapporteur pour avis de faire un bilan des réformes institutionnelles et des perspectives d’évolution à moyen terme dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie (II).

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2013 EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Alors que le redressement de nos finances publiques amorce une nouvelle étape décisive, le budget de la mission « Outre-mer » pour 2013 apparaît d’emblée comme un budget à la fois ambitieux et responsable, permettant ainsi à l’État de soutenir efficacement le développement économique des collectivités ultramarines dans le respect des 30 engagements du président de la République en faveur des outre-mer.

Priorité a été donnée cette année à la relance de la production, de l’investissement public et de l’emploi, à la réinsertion professionnelle des jeunes, à la réhabilitation de l’habitat insalubre, au développement de l’offre de logement social et à la lutte contre la vie chère (A). L’évolution des crédits en faveur des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie demeure toutefois plus contrastée (B).

A. LES OUTRE-MER : UNE PRIORITÉ BUDGÉTAIRE FORTE DANS LE CADRE DE LA MAÎTRISE DES FINANCES PUBLIQUES

1. Une mission « Outre-mer » avec des crédits en augmentation

Dotée, en 2013, de 2,19 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 2,04 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), la mission « Outre-mer » comprend deux programmes :

—  le programme « Emploi outre-mer », qui finance divers dispositifs de soutien à l’emploi outre-mer, comme les exonérations de cotisations patronales propres aux départements et collectivités d’outre-mer, les aides à la formation professionnelle ou le service militaire adapté. Il représente, en 2013, 64 % des AE (1,41 milliard d’euros) et 69 % des CP (1,4 milliard d’euros) de la mission « Outre-mer » ;

—  et le programme « Conditions de vie outre-mer », qui finance le développement économique, social et culturel des collectivités ultramarines, afin de rapprocher leur situation de celle de la métropole. Il représente, en 2013, 36 % des AE (0,79 milliard d’euros) et 31 % des CP (0,65 milliard d’euros) de la mission « Outre-mer ».

Comme l’indique le tableau figurant ci-dessous, les crédits de la mission « Outre-mer » augmentent, en 2013, de 3,3 % en AE et de 3,6 % en CP.

CRÉDITS DE LA MISSION « OUTRE-MER » EN 2012 ET 2013

(en milliards d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2012

PLF 2013

Ouverts en LFI pour 2012

PLF 2013

Mission « Outre-mer »

2,12

2,19

1,97

2,04

+ 3,3 %

+ 3,6 %

- dont programme
« Emploi outre-mer »

1,31

1,41

1,34

1,4

+ 7,6 %

+ 4,5 %

- dont programme
« Conditions de vie outre-mer »

0,81

0,79

0,63

0,65

- 2,5 %

+ 3,2 %

À l’aune du contexte budgétaire actuel particulièrement contraint, votre rapporteur pour avis voit dans cette hausse le signe de la volonté intangible du Gouvernement, que le Parlement soutiendra, d’apporter des réponses adaptées aux enjeux auxquels sont confrontés les départements et collectivités d’outre-mer.

Le budget triennal 2013-2015, période au cours de laquelle les crédits de paiement de la mission « Outre-mer » progresseront de 7 %, témoigne de la durabilité de l’action résolue qui s’engage dans le présent projet de loi de finances pour 2013.

CRÉDITS DE LA MISSION « OUTRE-MER »
DANS LE CADRE DE LA PROGRAMMATION 2013-2015

(en milliards d’euros)

2013

2014

2015

Crédits de paiement

Évolution 2012/2013

Crédits de paiement

Évolution 2013/2014

Crédits de paiement

Évolution 2014/2015

2

+ 3,6 %

2,07

+ 3,5 %

2,14

+ 3,4 %

Il convient toutefois de souligner que la mission « Outre-mer » ne représente qu’une petite partie – de l’ordre de 16 % – des crédits consacrés par l’État aux départements et collectivités d’outre-mer.

2. Un effort budgétaire global de l’État en faveur des outre-mer s’élevant à près de 17 milliards d’euros

Il convient en effet de distinguer trois niveaux de dépenses publiques à destination de l’outre-mer :

—  le premier niveau est la mission « Outre-mer » proprement dite, dont les crédits relèvent directement du ministère des Outre-mer et qui est dotée de 2,19 milliards d’euros en AE et de 2,04 milliards d’euros en CP pour 2013 ;

—  les crédits consacrés par l’État à la politique transversale de l’outre-mer en constituent le deuxième niveau. Ils regroupent des crédits de 91 programmes relevant de 27 missions. L’effort budgétaire global de l’État au titre de la politique transversale de l’outre-mer s’élève ainsi en 2013 à 13,79 milliards d’euros en AE et à 13,74 milliards d’euros en CP.

S’agissant de la répartition de ces crédits, il apparaît que les principales missions contributrices sont les missions « Enseignement scolaire », « Outre-mer » et « Relations avec les collectivités territoriales » qui représentent respectivement 32,9 %, 15,9 % et 14,7 % de l’effort global de l’État en faveur de l’outre-mer. Les missions « Défense » et « Sécurité » représentent chacune près de 6,5 % de cet effort ;

—  il convient enfin d’ajouter le coût des exonérations fiscales en faveur de l’outre-mer – 3,19 milliards d’euros en 2013 – pour obtenir l’effort budgétaire global de l’État à destination de l’outre-mer, qui s’élève en 2013 à 16,98 milliards d’euros en AE et à 16,83 milliards d’euros en CP.

B. UNE ÉVOLUTION DIFFICILE À MESURER DES CRÉDITS EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

La répartition des autorisations d’engagement par territoire, contenue dans le document de politique transversale, fait l’objet du tableau ci-après. Ce tableau met en évidence des taux d’évolution variables d’un territoire à l’autre.

RÉPARTITION DES CRÉDITS DE L’ÉTAT PAR TERRITOIRE (autorisations d’engagement)

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Évolution

Territoire

2011

2012

2013

Évolution 2011/2012

Évolution 2012/2013

Saint-Martin

34

40

38

18,4 %

- 3,5 %

Saint-Barthélemy

1,9

1,9

1,8

2,7 %

- 5,8 %

Nouvelle-Calédonie

1 187

1 208

1 218

1,8 %

0,9 %

Polynésie française

1 344

1 252

1 227

- 6,9 %

- 2 %

Wallis-et-Futuna

105

102

105

- 2,5 %

2,6 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

83

87

74

4 %

- 14 %

T.A.A.F.

45

49

46

10,5 %

- 3,4 %

Ensemble
des territoires

2 800

2 740

2 710

- 2,14 %

- 1,09 %

Source : document de politique transversale

Si le montant des crédits à destination des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie s’inscrit, en 2013, en baisse de 1 % par rapport à 2012, alors que les crédits de la mission « Outre-mer » sont appelés à augmenter dans le même temps, votre rapporteur pour avis souligne que cette baisse n’est en réalité qu’« optique », puisqu’elle s’explique par le fait que cinq programmes relevant des missions « Santé » et « Solidarité, insertion et égalité des chances » n’ont pas restitué à temps leurs contributions budgétaires pour le présent projet de loi de finances pour 2013.

Alors même que le document de politique transversale relatif à l’outre-mer a été publié trop tardivement, ce document de synthèse est en outre incomplet sur ce point, privant votre rapporteur pour avis ainsi que les députés d’éléments indispensables à l’analyse de l’évolution de l’ensemble des crédits dédiés aux collectivités ultramarines.

Il n’en demeure pas moins qu’avec un budget en hausse (cf. supra), la mission « Outre-mer » garantira, en 2013, le respect des engagements pris par le président de la République et le Gouvernement dans des domaines d’intervention prioritaires, comme l’investissement public, l’emploi et l’insertion professionnelle des jeunes, le logement social et l’amélioration de l’habitat.

SECONDE PARTIE : LES ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES DANS LES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER ET EN NOUVELLE-CALÉDONIE

S’agissant plus particulièrement des questions institutionnelles dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, votre rapporteur pour avis s’est penché sur la préparation de la consultation sur l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, laquelle interviendra après 2014 (A).

Il a également souhaité revenir sur les récentes réformes destinées à améliorer le fonctionnement et la stabilité des institutions de la Polynésie française, en proie à un fort ralentissement économique et à une situation budgétaire particulièrement dégradée (B).

Enfin, votre rapporteur pour avis s’est attaché à analyser les questions institutionnelles qui se posent aujourd’hui dans les autres collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution (C).

A. LA NOUVELLE-CALÉDONIE : PRÉPARER LA CONSULTATION SUR L’AUTODÉTERMINATION DANS UN CLIMAT POLITIQUE APAISÉ

La Nouvelle-Calédonie, située à 19 000 kilomètres de Paris, se compose de nombreuses îles, regroupées en 33 communes et trois provinces, la Province Nord (dont le siège est à Koné), la Province Sud (Nouméa) et la Province des îles Loyauté (Lifou). La population compte environ 246 000 habitants, dont les deux tiers se trouvent dans la Province Sud.

La stabilisation institutionnelle permise par l’Accord de Nouméa du 5 mai 1998, en dépit des rivalités politiques locales récentes (1) devrait permettre de préparer les prochaines étapes, que sont notamment les transferts de compétences (2) et la consultation de la population sur l’accession à la pleine souveraineté, qui devrait être organisée après 2014 (3).

1. Une situation institutionnelle marquée par des rivalités politiques locales

Au sein de la République, la Nouvelle-Calédonie est une collectivité territoriale sui generis dont les particularités, consécutives à l’Accord de Nouméa du 5 mai 1998, ont nécessité une modification de la Constitution. Le titre XIII, avec ses deux articles 76 et 77, est entièrement consacré à la Nouvelle-Calédonie. Il en résulte que ce territoire dispose d’un droit constitutionnel spécifique :

—  le congrès de Nouvelle-Calédonie dispose, dans un certain nombre de domaines, du pouvoir législatif, puisque les « lois du pays » sont directement soumises au Conseil constitutionnel avant promulgation ;

—  les compétences de l’État qui sont transférées à la Calédonie le sont de manière définitive ;

—  des dispositions particulières concernent le régime électoral aux élections provinciales, le droit de vote étant réservé aux personnes installées sur le territoire à la date de l’Accord de Nouméa, ce qui fonde la citoyenneté calédonienne ;

—  d’autres dispositions particulières concernent l’emploi local, avec une priorité d’emploi aux citoyens calédoniens ;

—  le statut civil coutumier, et plus généralement la culture kanak, fait l’objet d’une protection particulière.

Enfin, dans le respect de l’esprit de l’Accord de Nouméa, la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, que votre rapporteur pour avis a eu l’honneur de rapporter, a mis en place sur ce territoire des institutions originales : un « congrès », assemblée délibérante devant laquelle est responsable l’exécutif local dénommé « gouvernement » (2), mais aussi un « sénat coutumier », un conseil économique et social, des provinces et des communes.

Parmi les principes qui ont présidé à la création de ces institutions spécifiques, figurent ceux de collégialité et de proportionnalité du gouvernement. Ce dernier, élu à la représentation proportionnelle par le congrès, se doit de représenter toutes les communautés et tous les partis pour diriger cette collectivité sui generis.

Or, un différend sur une question revêtant une charge symbolique très forte, à savoir le choix d’un drapeau commun pour la Nouvelle-Calédonie, a conduit à une crise politique locale, rendue possible par le détournement du mécanisme prévu par l’article 121 du statut organique de la Nouvelle-Calédonie, prévu au départ pour préserver la collégialité du gouvernement.

En effet, le point 1.5 de l’Accord de Nouméa prévoit que « des signes identitaires du pays, nom, drapeau, hymne, devise, graphismes des billets de banque, devront être recherchés en commun, pour exprimer l’identité kanak et le futur partagé entre tous ». Pour rechercher ces signes identitaires communs, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a mis en place, en 2007, un comité de pilotage composé de représentants des partis politiques, de syndicalistes, de coutumiers, de représentants des églises, d’associations et des communautés culturelles de Nouvelle-Calédonie. Le 18 août 2010, le Congrès a finalement voté à une large majorité la devise (3), l’hymne (4) et les propositions relatives au graphisme des billets de banque (5).

S’agissant du choix du drapeau, les choses se sont avérées plus difficiles. M. Pierre Frogier, alors président de l’assemblée de la province Sud, a proposé au début du mois de février 2010 d’associer le drapeau tricolore au drapeau du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS). Cette initiative a été reprise par le XIIIe Comité des signataires (6), lequel a recommandé, lors de sa réunion du 24 juin 2010, que les deux drapeaux flottent côte-à-côte « dans la perspective des prochains Jeux du Pacifique et dans l’esprit de la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou ». De même, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a émis, le 13 juillet 2010, le vœu « que soient arborés, ensemble, en Nouvelle-Calédonie, le drapeau dont la description est annexée et le drapeau national ».

Cependant, ce choix de deux drapeaux flottant côte à côte n’a pas fait l’unanimité au sein de la classe politique calédonienne, certains élus considérant que cette solution ne répondait pas à l’objectif initial d’un drapeau commun. Le 17 février 2011, les trois membres du gouvernement élus sur la liste du groupe Union Calédonienne-FLNKS ont démissionné, afin de provoquer la chute du gouvernement.

À la suite de cet épisode, le Congrès a tenté à plusieurs reprises de constituer un nouvel exécutif. Toutefois, ces tentatives se sont toutes soldées par la démission des représentants du groupe Calédonie Ensemble, en vue de faire chuter le gouvernement et de bloquer les institutions jusqu’à obtenir la dissolution du congrès et l’organisation de nouvelles élections.

Cette crise politique locale n’a pu être réglée que par le dialogue et l’appel au Parlement pour trouver une solution pratique au sein de la loi organique qui constitue le statut de la Nouvelle-Calédonie depuis 1999. Dans cette perspective, la loi organique n° 2011-870 du 25 juillet 2011 est venue modifier l’article 121 de la loi statutaire, dans le but de renforcer la stabilité du gouvernement de la collectivité.

Cette loi, dans le respect de l’Accord de Nouméa, combine le respect de deux principes. Le premier est d’éviter que les démissions collectives répétées ne conduisent à la démission d’office du gouvernement, en fixant un délai de dix-huit mois, pendant lequel le gouvernement ne peut plus être considéré comme démissionnaire. Le second est de permettre aux groupes démissionnaires qui se trouvent, de ce fait, privés de la représentation dont ils disposaient au sein du gouvernement, de déposer à tout moment une nouvelle liste et de restaurer ainsi leur présence au gouvernement – le gouvernement étant réputé complet, tant que cette faculté n’est pas exercée (7). Cette réforme a permis, en définitive, de préserver la collégialité, qui est le fondement de l’équilibre défini par l’Accord de Nouméa.

À l’occasion des élections législatives récentes, les candidats du groupe Calédonie Ensemble ont pris l’avantage sur ceux du Rassemblement UMP, obtenant les deux sièges de député. Cette « redistribution des cartes » au sein du camp loyaliste entraîne une incertitude sur la durée de vie de l’actuel gouvernement.

Votre rapporteur pour avis souhaite vivement que les tensions politiques locales, aussi légitimes soient-elles, ne ralentissent pas la mise en application de l’Accord de Nouméa, qu’il s’agisse des transferts de compétences ou de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Il rappelle que, jusqu’à présent, les forces politiques métropolitaines ont manifesté un consensus quasi général sur le dossier néo-calédonien, et cela quelle que soit l’orientation politique des gouvernements qui se sont succédé depuis l’Accord de Nouméa. Afin de maintenir ce consensus, il souhaite que la représentation nationale ait un rôle plus actif dans l’élaboration des perspectives de « l’après Nouméa ».

2. La poursuite des transferts de compétences

Compromis historique dont les orientations ont, depuis la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998 (8), acquis valeur constitutionnelle en application de l’article 77 de notre texte fondamental, l’Accord de Nouméa (9) prévoyait qu’une autonomie croissante serait accordée à la Nouvelle-Calédonie en plusieurs phases avant que la question d’une « accession à la pleine souveraineté » puisse être posée à partir de 2014. Le transfert de compétences en plusieurs étapes de l’État à la Nouvelle-Calédonie est donc la condition sine qua non pour que la question de l’indépendance de ce territoire puisse être posée.

Dans cette perspective, la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie a préparé le transfert à cette collectivité de compétences de l’État, dont l’octroi était prévu pendant l’« étape intermédiaire » mentionné dans cet accord. Elle a notamment précisé le calendrier et les modalités, tant administratives que financières, du transfert des nouvelles compétences que la Nouvelle-Calédonie sera appelée à exercer en certaines matières.

La loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009, tout en préservant les singularités institutionnelles de la Nouvelle-Calédonie, telles qu’elles résultent de l’Accord de Nouméa, a modifié la loi organique précitée du 19 mars 1999 afin, notamment, d’adapter le calendrier de transfert de certaines compétences et d’aménager les modalités de compensation financière ainsi que les conditions de mise à disposition de personnels de l’État auprès de la Nouvelle-Calédonie.

Cette loi organique a notamment allongé le délai dans lequel les compétences en matière d’enseignement primaire et secondaire, de droit civil, de droit commercial, de sécurité civile, d’état civil ainsi que de transport maritime et aérien, pouvaient être demandées par le congrès de la Nouvelle-Calédonie et ce, afin de bien préparer ces échéances importantes.

Le calendrier des transferts de compétences a été respecté : le transfert des compétences en matière d’enseignement public et privé du second degré, d’enseignement primaire privé et de circulation aérienne et maritime intérieure est en voie de réalisation, le congrès du territoire ayant adopté, à la majorité des trois cinquièmes, les lois du pays (10) qui en précisent l’échéancier et les modalités suivantes :

—  transfert au 1er janvier 2011 pour la circulation maritime ;

—  transfert au 1er janvier 2012 pour l’enseignement et la santé scolaire ;

—  transfert au 1er janvier 2013 pour la circulation aérienne.

CALENDRIER DES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES À LA NOUVELLE-CALÉDONIE

2011

1er janvier

Sécurité de la navigation dans les eaux territoriales

1er juillet

Police et réglementation de la circulation maritime d’un point à l’autre de la Nouvelle-Calédonie et de la sauvegarde de la vie humaine en mer

2012

1er janvier

Enseignement public et privé du second degré

Enseignement privé primaire

Santé scolaire

2013

1er janvier

Police et sécurité de la circulation aérienne intérieure

À compter du 1er juillet…

État civil, droit civil et commercial

2014

1er janvier

Sécurité civile

… et au plus tard le 14 mai

État civil, droit civil et commercial

La seconde étape devait être marquée par le vote, selon la même procédure, avant le 31 décembre 2011, du transfert des compétences en matière d’état civil, de droit civil et commercial et de sécurité civile. Il aura toutefois fallu attendre janvier 2012 pour que le congrès, à la majorité des trois cinquièmes, adopte deux lois du pays (11) précisant l’échéancier et les modalités du transfert de ces compétences.

Alors que le transfert de la sécurité civile à la Nouvelle-Calédonie sera effectif au 1er janvier 2014, les compétences en matière d’état civil, de droit civil et de règles concernant le droit commercial seront transférées entre le 1er juillet 2013 et le 14 mai 2014, sous réserve :

—  d’une part, de l’actualisation des dispositions du code civil et du code commercial applicables à la Nouvelle-Calédonie et,

—  d’autre part, de l’extension et l’adaptation des dispositions législatives nationales non étendues à cette collectivité ou qui y sont partiellement applicables.

Afin que le transfert des compétences en matière de droit civil, de règles concernant l’état civil et de droit commercial respecte le calendrier, tel qu’il a été fixé par le congrès, le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer, actuellement en cours de discussion au Parlement, habilite le Gouvernement, en application de l’article 38 de la Constitution, à étendre et à adapter en Nouvelle-Calédonie, les dispositions législatives concernées.

Le transfert de l’ensemble de ces compétences revêt une importance particulière, puisqu’il conditionne notamment la consultation de la population sur l’autodétermination, comme le rappelle le relevé de conclusions du IXe Comité des signataires : « les transferts de compétences qui doivent intervenir jusqu’en 2014 sont d’une ampleur sans précédent. Ce sont des matières fondamentales qui concernent directement la vie quotidienne des Calédoniens. Elles sont par ailleurs techniquement complexes et demandent un travail législatif et réglementaire important. Il est de la responsabilité commune de l’État et de la Nouvelle-Calédonie de veiller à ce qu’ils aient lieu dans les meilleures conditions possibles ».

Votre rapporteur pour avis partage ce constat. La Nouvelle-Calédonie se trouve actuellement dans une période déterminante pour assurer le succès des transferts de compétences et l’État, en tant que garant du respect de l’Accord de Nouméa, doit lui apporter tout son soutien.

3. La perspective de la consultation sur l’autodétermination

L’Accord de Nouméa du 5 mai 1998 prévoit qu’« au cours du quatrième mandat – de cinq ans – du Congrès, une consultation électorale sera organisée. La date de cette consultation sera déterminée par le Congrès, au cours de ce mandat, à la majorité qualifiée des trois cinquièmes. Si le Congrès n’a pas fixé cette date avant la fin de l’avant-dernière année de ce quatrième mandat, la consultation sera organisée, à une date fixée par l’État, dans la dernière année du mandat. La consultation portera sur le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité ».

L’article 217 de la loi organique du 19 mars 1999 précise les modalités d’organisation de cette consultation.

Article 217 de la loi organique n° 99 209 du 19 mars 1999
relative à la Nouvelle-Calédonie

« La consultation est organisée au cours du mandat du congrès qui commencera en 2014 ; elle ne peut toutefois intervenir au cours des six derniers mois précédant l’expiration de ce mandat. Sa date est fixée par une délibération du congrès adoptée à la majorité des trois cinquièmes de ses membres. Si, à l’expiration de l’avant-dernière année du mandat du congrès commençant en 2014, celui-ci n’a pas fixé la date de la consultation, elle est organisée à une date fixée par le Gouvernement de la République, dans les conditions prévues au II de l’article 216, dans la dernière année du mandat.

« Si la majorité des suffrages exprimés conclut au rejet de l’accession à la pleine souveraineté, une deuxième consultation sur la même question peut être organisée à la demande écrite du tiers des membres du congrès, adressée au haut-commissaire et déposée à partir du sixième mois suivant le scrutin. La nouvelle consultation a lieu dans les dix-huit mois suivant la saisine du haut-commissaire à une date fixée dans les conditions prévues au II de l’article 216.

« Aucune demande de deuxième consultation ne peut être déposée dans les six mois précédant le renouvellement général du congrès. Elle ne peut en outre intervenir au cours de la même période. »

En effet, après mai 2014, le congrès du territoire devra décider, à la majorité des trois cinquièmes, d’une date de consultation, qui devra intervenir au cours du même mandat – soit avant 2019 – sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. Si cette loi du pays n’est pas votée en mai 2018, cette date, ainsi que les modalités de la consultation, seront fixées par décret en conseil des ministres.

La consultation sur l’autodétermination qui doit intervenir après 2014 fait actuellement l’objet d’une préparation que votre rapporteur pour avis tient à saluer, tout en soulignant la nécessité d’y associer la représentation nationale.

Ainsi, lors du VIIIe Comité des signataires de l’Accord de Nouméa, qui s’est tenu à Paris le 24 juin 2010, les signataires sont tombés d’accord sur le fait qu’un travail approfondi de préparation – et non de négociation – devait être mené dans la durée, indépendamment de toute échéance électorale. C’est dans cette perspective qu’ils ont mis en place un comité de pilotage sur l’avenir institutionnel ayant « pour tâche d’approfondir les éléments de discussion dans la perspective de la consultation prévue après 2014 ». Ce comité de pilotage a été installé par le haut-commissaire le 21 octobre 2010 et ses membres ont approuvé le principe d’un groupe d’experts chargé d’animer leur travail de réflexion.

Réuni le 8 juillet 2011, le IXe Comité des signataires a fait droit à cette demande, en approuvant la création d’une mission de réflexion sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, composée de M. Jean Courtial, conseiller d’État, chef de la mission, et de M. Ferdinand Melin-Soucramanien, professeur agrégé de droit public à l’université Montesquieu Bordeaux IV, référent de la mission sur les questions institutionnelles.

Conformément au souhait des signataires, la mission a vocation à préparer et alimenter les travaux du comité de pilotage sur l’avenir institutionnel, en collectant et synthétisant toute l’information pertinente disponible, qu’il s’agisse aussi bien des principes que des expériences étrangères comparables.

La mission n’a pas pour objet de faire des propositions de solution aux responsables politiques, mais seulement de les accompagner dans l’élaboration du choix qui sera soumis aux électeurs à l’issue du processus ouvert par l’Accord de Nouméa, en leur transmettant à cette fin toutes informations utiles, en leur proposant des pistes de réflexion et en élaborant avec eux des bases de discussion sur les questions intéressant l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.

Sur la base de ce mandat, la mission a adopté un programme de travail en deux temps. Elle a ainsi décidé, entre octobre 2011 et novembre 2012, de se consacrer à la collecte et à l’examen de l’information portant tant sur les questions de principe que sur les expériences concrètes ainsi qu’à la clarification des débats à venir. Sur la base de cette réflexion, elle s’attachera plus particulièrement, à compter de 2013, à définir des pistes de réflexion et des bases de discussion à l’attention du comité de pilotage, qui se trouvera alors à la veille d’une nouvelle étape de la mise en œuvre de l’Accord de Nouméa.

Votre rapporteur pour avis reste convaincu que la sortie après 2014 de l’Accord de Nouméa doit se préparer avec beaucoup d’anticipation et de pédagogie. En effet, si le spectre des évolutions possibles reste à ce jour très largement ouvert, l’approche de l’échéance implique de réfléchir dès aujourd’hui aux solutions les plus réalistes et les plus conformes aux aspirations profondes de la population de la Nouvelle-Calédonie, à qui il reviendra en dernier ressort de choisir. C’est au Gouvernement, au Parlement et à l’ensemble des responsables politiques calédoniens qu’il revient d’éclairer au mieux l’expression démocratique de ce choix.

B. LA POLYNÉSIE FRANÇAISE : SORTIR DE L’IMPASSE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE DANS UN CONTEXTE D’INSTABILITÉ POLITIQUE

Au-delà des perspectives institutionnelles de la Nouvelle-Calédonie, votre rapporteur pour avis a souhaité revenir sur les récentes réformes destinées à améliorer le fonctionnement et la stabilité des institutions de la Polynésie française (3), collectivité actuellement en proie à un fort ralentissement économique (1) et à une situation budgétaire particulièrement dégradée (2).

1. Un développement économique à bout de souffle

Si la crise financière de 2008 n’a pas épargné la Polynésie française, la dégradation de son économie remonte en réalité au début des années 2000. La crise actuelle n’a eu en quelque sorte pour effet que de révéler au grand jour l’essoufflement du modèle économique de ce territoire.

Avant de présenter plus en détail l’économie de ce territoire, votre rapporteur pour avis tient à souligner combien les données statistiques disponibles sont rares et insuffisamment actualisées dans ce domaine. En effet, les derniers chiffres définitifs connus pour le produit intérieur brut et le chômage remontent respectivement à 2006 et 2007. Alors même que l’économie polynésienne souffre particulièrement du ralentissement économique mondial (cf. infra), les autorités politiques locales et nationales ne disposent pas des outils statistiques adéquats pour mener une politique économique et sociale adaptée à la conjoncture. Afin de remédier à cette situation, votre rapporteur pour avis souhaite la mise en place rapide d’une mission d’assistance sur place, conduite par l’Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE), en vue d’accroître l’indépendance et l’expertise de l’institut statistique de la Polynésie française.

L’absence de données statistiques actualisées n’interdit toutefois pas de porter une première appréciation générale sur la situation économique de la Polynésie française. Ainsi, dans son rapport 2011 sur la Polynésie française, l’Institut d’émission outre-mer (IEOM) souligne que « l’économie de la Polynésie Française poursuit sa dégradation en liaison avec la contraction de la commande publique et de la demande extérieure ». Dans sa dernière note de conjoncture (12), il estime que « l’ensemble des secteurs de l’économie polynésienne subissent une dégradation forte de leur activité, à l’exception des secteurs de l’industrie et de l’hôtellerie. Pour le troisième trimestre de l’année 2012, aucune reprise d’activité n’est envisagée. Seul le secteur touristique semble échapper à cette tendance globale ».

Cependant, comme le soulignait, en juin 2010, la mission d’assistance à la Polynésie française, « la crise de l’économie polynésienne ne date pas de la crise financière de 2008, mais se prépare depuis le début de la décennie » précédente. En effet, la croissance économique a été nulle en moyenne au cours de la décennie 2000.

Les quelques indicateurs économiques récents mettent en évidence la spirale infernale qui atteint la Polynésie : depuis 4 à 5 ans, près de 10 000 emplois salariés du secteur marchand ont disparu, soit un sur six. La consommation des ménages diminue : les importations de biens d’équipement ont baissé de 21 % entre le 2e trimestre 2010 et le 2e trimestre 2012, les immatriculations de voitures neuves ont chuté de 30 % en 2011 et les crédits à la consommation sont en net repli. De leur côté, les entreprises, confrontées à un faible niveau d’activité et à une absence de visibilité à moyen terme, réduisent leurs investissements en particulier dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

Cette chute de l’activité économique a des conséquences immédiates sur le niveau des recettes de la collectivité, qui reposent essentiellement sur les impôts indirects et les taxes à l’importation : entre 2007 et fin 2012, la collectivité territoriale a perdu 172 millions d’euros (20,6 milliards de FCFP) soit un cinquième de ses recettes de fonctionnement (13).

Il en résulte une dégradation régulière des conditions de vie des Polynésiens : le niveau de vie moyen s’établit aujourd’hui à un niveau proche de celui constaté à la fin de 1980. Un ménage sur cinq, représentant 28 % de la population, dispose d’un revenu inférieur au seuil de pauvreté (405 euros, soit 48 600 FCFP par mois et par unité de consommation) (14). À défaut de la mesurer avec précision, tous les observateurs constatent un accroissement considérable – et rapide – de la pauvreté.

Le taux de chômage atteint vraisemblablement 25 % de la population active, soit un niveau équivalent à celui des départements d’outre-mer. Mais la Polynésie française ne connait ni garantie de ressources minimum (revenu minimum d’insertion ou revenu de solidarité active), ni indemnisation du chômage comme s’en glorifiait l’ancien président du gouvernement de la Polynésie, M. Gaston Flosse. Le meilleur moyen de limiter le chômage consistait à développer les emplois publics dans le cadre d’un « clientélisme » traditionnel et partagé.

Les difficultés financières de la collectivité – et des communes – rendent aléatoire la poursuite de cette pratique, même si la tentation d’y recourir est toujours présente dans certains esprits, malgré les préconisations du « rapport Bolliet » reprises, partiellement, dans le plan de redressement adopté le 18 août 2011 par l’assemblée de la Polynésie française.

2. Une situation budgétaire en péril

À la fin de l’année 2009, la Polynésie française dont la situation budgétaire et financière s’était très dégradée a rencontré de graves difficultés de trésorerie, conduisant son président d’alors (M. Tong Sang) à solliciter de l’État la mise en place d’une mission interministérielle d’assistance, conduite par Mme Anne Bolliet, inspectrice générale des finances pour identifier les marges de manœuvre et formuler des recommandations tant sur le budget de la collectivité que sur la caisse de prévoyance sociale. Remis en septembre 2010, ce rapport a abouti à un plan de redressement adopté le 18 août 2011 par l’assemblée de Polynésie. Des comités de suivi ont été mis en place pour évaluer l’état d’avancement de ce plan de redressement.

Comme le montre le tableau figurant ci-dessous, l’analyse de la composition et des dépenses et des recettes de fonctionnement de la collectivité est préoccupante. Jusqu’en 2007, les équilibres financiers et budgétaires de la Polynésie reposaient pour l’essentiel sur croissance des prélèvements fiscaux plus élevée que celles des dépenses courantes, les excédents ainsi dégagés permettant d’alimenter les capacités d’autofinancement.

Or, le dynamisme du produit fiscal est étroitement corrélé au dynamisme de la croissance économique. À partir de la crise financière de 2008, les produits fiscaux, notamment indirects, ont commencé à diminuer fortement, plongeant la Polynésie française dans une grave crise financière, alors que les dépenses courantes (15) ont, elles, continué à augmenter.

La section de fonctionnement est confrontée depuis lors à un véritable effet de ciseaux entre la rigidité des dépenses en constante progression – un peu plus de de 6 % entre 2005 et 2010 – et des recettes en forte baisse – près de 10 % entre 2005 et le budget primitif 2012 –, conduisant mécaniquement à une réduction des excédents.

RÉPARTITION PAR NATURE DE DÉPENSES DU BUDGET DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

(en millions d’euros)

 

CA 2005

CA 2006

CA 2007

CA 2008

CA 2009

CA 2010

BP 2011

BP 2012

Évolution 2005-2012

Dépenses de fonctionnement

798,18

823,18

859,78

887,61

829,97

848,25

827,47

805,26

+ 0,9 %

Recettes de fonctionnement

976,70

983,97

960,21

940,96

889,86

944,12

905,82

881,04

- 9,8 %

Épargne brute

178,52

160,79

100,43

53,35

59,88

95,88

133,44

75,78

- 57,6 %

Épargne nette

112,23

95,81

43,35

- 7,57

- 2,93

32,08

50,48

6,7

- 94 %

Source : comptes administratifs (CA) de 2005 à 2009 et budgets prévisionnels (BP) 2011 et 2012.

L’effet de ciseaux constaté sur l’évolution des dépenses et recettes de fonctionnement s’est traduit par une dégradation des ratios d’épargne brute en baisse de près de 60 % entre 2005 et 2012. L’épargne brute dégagée sur le budget de fonctionnement a même été insuffisante pour rembourser ses dettes antérieures, si bien que la collectivité a dû emprunter pour financer le remboursement du capital de sa dette.

L’endettement a mécaniquement progressé de plus de 50 % entre 2005 et 2010. Or, la dégradation de la notation de la Polynésie française, passant de BBB+ à BBB-, et  l’absence durable de rétablissement financier rendent particulièrement difficile le financement des investissements. Si la situation est apparemment moins tendue dans les budgets 2010 et 2011, c’est principalement en raison de la comptabilisation de produits exceptionnels et non pérennes.

Les rapports de la mission d’assistance à la Polynésie française et de la chambre territoriale des comptes ont notamment montré qu’une partie des dépenses de personnel était la conséquence du rôle d’amortisseur social que joue la collectivité en l’absence de prestations chômage et de minimas sociaux et, que la multitude de démembrements de la collectivité – établissements publics, sociétés d’économies mixtes, etc. – n’était pas un gage d’efficacité dans la conduite des politiques publiques.

En outre, la mission d’assistance a mis en évidence que, depuis un certain nombre d’années, les budgets et comptes de la collectivité n’étaient pas sincères et cela dans des proportions importantes, chiffrées en 2009 par le payeur de la Polynésie à hauteur de 20 % du budget de fonctionnement. Ce chiffre élevé résulte de l’absence quasi-totale d’amortissements, d’une méconnaissance de la valeur des immobilisations et d’une absence de provisions. Malgré cette absence de sincérité, les hauts commissaires successifs n’ont pas saisi la chambre territoriale des comptes. Le rétablissement de la sincérité des comptes est un objectif majeur du plan de redressement, dont l’application est rendue délicate par les difficultés de trésorerie de la collectivité.

À cela s’ajoute une dégradation des comptes sociaux : l’assurance maladie et le régime des retraites des salariés gérés par la caisse de prévoyance sociale (CPS) sont en déficit. Le régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF), qui offre une couverture sociale aux personnes et à leurs ayants droit sans régime d’assurance, connait de grandes difficultés financières par suite de l’augmentation considérable de ses ressortissants (+ 41% entre 2005 et 2011) et de la diminution de la participation financière de l’État depuis 2003. Le budget 2012 a été voté en déficit.

Enfin, le nouveau centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF) est dans une situation catastrophique : il est incapable d’équilibrer son budget et de faire face au règlement de ses fournisseurs depuis la livraison de ses locaux en 2011 (26 millions d’euros d’impayés à mi-septembre 2012).

Comme l’indique le rapport 2011 de l’IEDOM sur la Polynésie française, « financièrement le pays connait des tensions de trésorerie quasi permanentes l’obligeant à hiérarchiser ses dépenses au profit de celles qui sont obligatoires (salaires, annuités d’emprunts) au détriment du paiement des fournisseurs mais aussi du soutien de l’économie par le biais de la commande publique ».

Afin de restaurer durablement les marges de manœuvres budgétaires et financières de la collectivité, l’État et la Polynésie française ont signé le 30 avril 2011 un protocole, aux termes duquel la collectivité s’engage à mettre en place une stratégie de redressement budgétaire à court et moyen termes, stratégie qui conditionne le versement d’un prêt de l’agence française de développement, d’un montant de 41,9 millions d’euros.

Dans cette perspective et dans le prolongement des recommandations formulées par la mission d’assistance, le gouvernement polynésien s’est engagé à mettre en œuvre un certain nombre de mesures d’économie visant à lui permettre de dégager des excédents sur son budget de fonctionnement pour assurer le financement de ses investissements.

La Polynésie a notamment manifesté son intention de mettre en place un gel des effectifs, de ne pas remplacer les départs à la retraite, de réduire le nombre de ministres et de membres de cabinets et de se séparer des actifs non essentiels au fonctionnement de la collectivité. Celle-ci a, dans le même temps, pris l’engagement d’optimiser ses recettes fiscales et d’améliorer la clarté et la sincérité de ses comptes. Ces différents engagements, pris par la collectivité en vue d’assainir durablement ses comptes, sont formalisés dans le plan de redressement, adopté par une délibération de l’assemblée de la Polynésie française en date du 18 août 2011.

3. Une instabilité décisionnelle et politique chronique

Si l’économie et les équilibres budgétaires de la Polynésie française restent fortement perturbés, c’est notamment en raison de l’instabilité institutionnelle chronique, à laquelle le législateur a récemment tenté d’apporter des réponses.

À la suite de la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie, les institutions de la Polynésie française ont en effet connu une instabilité politique chronique, que la loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française n’a pas réussi à enrayer. Les conséquences d’une telle situation dépassent largement le cadre de la vie politique, pour affecter la situation générale de ce pays d’outre-mer, confronté à une paralysie du pouvoir politique.

En effet, ce ne sont pas moins de onze présidents qui se sont succédé, depuis 2004 à la tête de la Polynésie française. L’assemblée de la Polynésie française n’a cessé, depuis les dernières élections de janvier et février 2008, de connaître des recompositions, à la faveur de jeux d’alliances qu’entretiennent la forte segmentation des partis politiques et la recherche, par les élus, du meilleur moyen pour servir leurs intérêts locaux.

Or, toutes ces recompositions successives n’ont pas permis de fournir un cadre stable pour la conduite de politiques publiques efficaces et ont même fait naître une situation économique et sociale préoccupante. Cette instabilité politique chronique de la collectivité a conduit le Gouvernement à réfléchir à une modification de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

Dans cette perspective, une mission a été confiée à M. Jacques Barthélemy, conseiller d’État, en vue de procéder à une concertation avec les élus sur la réforme du mode de scrutin des représentants de l’Assemblée de Polynésie française et l’amélioration du fonctionnement institutionnel de la collectivité (16).

Ces propositions ont inspiré nombre des dispositions figurant dans la loi organique n° 2011-918 du 1er août 2011 relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française.

L’objectif de ce texte est double. Il entend, en premier lieu, mettre fin à l’instabilité chronique des institutions polynésienne en modifiant, à cette fin, le régime électoral applicable. La loi organique du 1er août 2011 a ainsi institué une circonscription électorale unique, composée de huit sections, en assurant la représentation effective des archipels les moins peuplés et les plus éloignés, avec un mode de scrutin de liste à deux tours et assorti de conditions de domiciliation et d’imposition précises. Dans cette perspective, M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer, a annoncé, lors de son audition commune par votre Commission et celle des Affaires économiques, que les prochaines élections se tiendront les 29 avril et 5 mai 2013.

Ce texte entend en second lieu, rénover le statut de la collectivité d’outre-mer, afin de réduire les dépenses publiques et de rendre plus efficientes les relations entre l’exécutif et l’assemblée délibérante.

Ainsi, en vue d’accroître la stabilité des institutions, la loi organique du 1er août 2011 a encadré la mise en cause de la responsabilité du gouvernement en renforçant les conditions de dépôt et d’adoption d’une motion de défiance : la motion devra désormais être déposée par un tiers des membres de l’assemblée et adoptée par une majorité qualifiée des trois cinquièmes des membres. En outre, la loi limite à deux mandats successifs le nombre de mandats que peut exercer le président de la Polynésie française.

Si le renforcement des conditions d’adoption d’une motion de défiance a permis d’asseoir la stabilité politique du gouvernement polynésien, il n’en subsiste pas moins une instabilité décisionnelle permanente, les majorités à l’assemblée de Polynésie fluctuant suivant la nature des textes.

Lorsqu’une majorité adopte, dans le cadre des « lois du pays » des mesures de redressement, la minorité ne manque pas de déférer ces textes au Conseil d’État. Or, ce recours suspend la promulgation de la délibération adoptée, ce qui a des conséquences importantes, le Conseil d’État ne respectant pas le délai de trois mois qui lui est fixé pour rendre sa décision. Le caractère suspensif de la procédure ainsi que la longueur des délais de jugement par le Conseil d’État entraînent un « manque à gagner » pour les comptes sociaux ou un frein aux réformes administratives.

À titre d’exemples, on citera le recours contre la loi du pays du 19 mai 2011 relative au régime de retraite des travailleurs salariés qui occasionne une perte de recettes pour la caisse de prévoyance sociale de 25 millions d’euros à la date de septembre 2012. Par ailleurs, le recours contre la loi du pays du 2 décembre 2011 relative aux personnels des entités dont la Polynésie reprend les missions constitue un frein dans la mise en œuvre des réformes administratives. Il conviendrait de réexaminer les conditions de recours devant le Conseil d’État.

D’autres mesures concernent le fonctionnement des institutions de la Polynésie française en vue d’y rénover la vie politique et de rationaliser la dépense publique locale. Dans cette perspective, la loi organique précitée du 1er août 2011 a fixé à dix le nombre maximal de membres du gouvernement polynésien, dont les indemnités ont par ailleurs été limitées sur le modèle actuellement applicable aux parlementaires.

La période électorale d’ici les prochaines élections territoriales, lesquelles se dérouleront selon le nouveau mode de scrutin de la loi organique du 1er août 2011, n’est évidemment pas de nature à donner aux investisseurs une visibilité propice au redémarrage économique. C’est donc dans un contexte financier, économique et politique difficile que le gouvernement de M. Oscar Temaru doit conduire le redressement de la Polynésie française. Votre rapporteur souhaite, dans ces conditions, que le Gouvernement de la République soutienne et encourage les efforts des responsables polynésiens.

Il ressort des auditions menées par votre rapporteur pour avis qu’en dépit du plan de redressement adopté le 18 août 2011, les tensions sur la trésorerie de la Polynésie persistent de manière significative. C’est dans cette perspective qu’une dotation d’ajustement exceptionnelle de 50 millions d’euros a été mise en place en 2011. Si une première enveloppe de 16 millions d’euros a d’ores et déjà été allouée à la collectivité en juillet 2012, le versement du solde devrait intervenir avant la fin l’année, conformément à la décision prise lors du dernier comité de suivi le 29 octobre 2012. Votre rapporteur pour avis souhaite que l’instabilité qui a trop souvent caractérisé la vie politique polynésienne ne compromette pas le redressement durable de la collectivité.

C. LES AUTRES COLLECTIVITÉS DE L’ARTICLE 74 DE LA CONSTITUTION : DES STATUTS PARTICULIERS ADAPTÉS AU CONTEXTE LOCAL

Enfin, votre rapporteur pour avis s’est attaché à analyser les questions institutionnelles et plus largement économiques qui se posent aujourd’hui dans les autres collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution, à savoir les îles Wallis-et-Futuna (1), Saint-Pierre-et-Miquelon (2), Saint-Barthélemy et Saint-Martin (3), ainsi que les Terres australes et antarctiques françaises (4).

1. Les îles Wallis-et-Futuna

Située dans le Pacifique Sud, Wallis-et-Futuna est la collectivité d’outre-mer la plus éloignée de la métropole, à 22 000 kilomètres de Paris et à 2 100 kilomètres de la Nouvelle-Calédonie. Elle est constituée de deux archipels principaux, Wallis et l’archipel de Horn, avec l’île de Futuna. Elle compte environ 15 000 habitants.

L’organisation de cette collectivité présente des originalités directement héritées de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961. En effet, cette loi, toujours en vigueur et qui n’a été modifiée qu’à la marge depuis cette date, a conféré aux îles Wallis-et-Futuna le statut de territoire d’outre-mer (TOM). Or, en supprimant cette catégorie de territoire, la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a érigé, dans le même temps, ces îles en collectivité d’outre-mer (COM), régies par l’article 74 de la Constitution. La loi précitée du 29 juillet 1961 n’a toutefois jamais été modifiée pour tirer les conséquences, sur le plan statutaire, de cette évolution constitutionnelle.

Comme dans le reste du Pacifique, ne sont applicables dans les îles Wallis-et-Futuna, régies par le principe de spécialité législative, que les seules dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin, à l’exception des lois de souveraineté. L’État reste compétent dans un nombre limité de matières, qui vont de la sécurité et de la justice, à l’enseignement et l’état civil.

L’exécutif de la collectivité est aujourd’hui assuré par le représentant de l’État en la personne du préfet, administrateur supérieur, qui est également le chef du territoire. À ce titre, il dirige les services publics territoriaux, représente la collectivité en justice et ordonne son budget.

Aux côtés de l’administrateur supérieur, l’assemblée territoriale, organe délibérant de la collectivité, ne dispose que d’un nombre limité d’attributions, qui concernent principalement le domaine économique et le statut civil coutumier. Ses délibérations ne deviennent effectives qu’après approbation par l’administrateur supérieur. Elle n’est, en outre, pas compétente en matière de sanctions fiscales ou pénales.

Sur le plan administratif, les îles Wallis-et-Futuna sont divisées en trois circonscriptions, dont le découpage perpétue les trois royaumes d’Uvéa, d’Alo et de Sigave. Disposant de la personnalité morale, ces circonscriptions disposent d’un budget autonome et de compétences relativement comparables à celles d’une commune métropolitaine. Elles ne disposent cependant d’aucune ressource fiscale propre et restent dépendantes des dotations versées par l’État. Elles sont chacune dotées d’un conseil de circonscription, présidé par un roi élu – le Lavelua d’Uvéa, le Tu’i Agaifo d’Alo et le Tu’i Sigave. Ces trois chefs coutumiers exercent une fonction consultative auprès de l’administrateur supérieur, qu’ils assistent en qualité de vice-présidents de droit au sein du conseil territorial.

La grande stabilité de cet équilibre institutionnel doit beaucoup à la place que reconnaît la loi précitée du 29 juillet 1961 au pouvoir coutumier. Si la mise en place d’un nouveau statut est, en tout état de cause, rendue nécessaire par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (cf. supra), elle devra veiller à préserver l’originalité de ce modèle institutionnel. L’actualisation du statut de la collectivité de Wallis-et-Futuna doit notamment être l’occasion d’engager une réflexion sur les modalités suivant lesquelles l’exercice par l’État de l’exécutif de la collectivité pourrait être transféré aux élus locaux.

2. Saint-Pierre-et-Miquelon

Seule collectivité territoriale française de l’Atlantique Nord, Saint-Pierre-et-Miquelon, à l’entrée du golfe du Saint-Laurent, regroupe deux îles principales –à savoir Saint-Pierre et Miquelon (17) – et quelques îlots. Elle compte à ce jour environ 6 500 habitants.

Collectivité d’outre-mer au sens de l’article 74 de la Constitution depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer a doté Saint-Pierre-et-Miquelon d’un statut spécifique.

La collectivité est formée de deux communes, Saint-Pierre et Miquelon-Langlade, soumises au régime communal de droit commun. L’assemblée délibérante unique de la collectivité est le conseil territorial, dont les règles d’organisation et de fonctionnement reprennent largement les dispositions du droit départemental de la métropole. Les compétences du président du conseil territorial sont toutefois limitées, dans la mesure où il ne dispose pas de services propres, les services déconcentrés de l’État fonctionnant pour son compte, sous l’autorité du préfet. Le conseil territorial est, en outre, assisté d’un conseil économique, social et culturel à vocation consultative.

Depuis 1985, le statut de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon prévoit un régime d’identité législative, avec deux exceptions : le conseil territorial exerce des compétences de nature législative en matière fiscale et douanière ainsi qu’en matière de construction, d’urbanisme et de logement. Depuis 1993, le conseil territorial est également compétent en matière d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques, du fond de la mer, de son sous-sol et des eaux sous-jacentes.

Au-delà des seules questions institutionnelles, Saint-Pierre-et-Miquelon est une collectivité enclavée, confrontée à de nombreux défis, notamment sur le plan économique. La reprise économique peine à s’y affirmer dans un contexte de perspectives de croissance mondiale atone. De manière plus structurelle, le tourisme réalise de moins bonnes performances avec une fréquentation en retrait et la situation de l’industrie de la pêche s’est dégradée à la suite de la mise en liquidation judiciaire, en mai 2011, de la principale usine de transformation des produits de la mer, SPM Seafoods International. La déprime du secteur de la pêche, pourtant seul secteur présent à l’exportation, conjuguée à la hausse des prix de l’énergie, qui a lourdement impactée la valeur des importations, a, en outre, contribué à dégrader la balance commerciale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Dans cette perspective, votre rapporteur pour avis se réjouit de l’approbation, en décembre 2009, d’un nouveau schéma de développement stratégique pour la période 2010-2030 lequel met notamment l’accent sur deux axes de développement pour l’archipel : l’insertion dans l’environnement régional (18) et la diversification de l’économie marchande. Le renouvellement du contrat de développement avec l’État, lequel arrive à expiration en 2013, doit également être l’occasion de réorienter les politiques publiques des prochaines années vers le renforcement de la capacité d’accueil en matière touristique et la restructuration de la filière pêche et aquaculture.

3. Les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin

Le 7 décembre 2003, les électeurs de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy consultés, en application de l’article 72-4 de la Constitution, sur l’abandon du rattachement au département et à la région de Guadeloupe au profit du statut de collectivité d’outre-mer, ont approuvé ce projet à une très large majorité. Tirant les conséquences de ce vote, la loi organique précitée du 21 février 2007 a érigé ces deux communes anciennement guadeloupéennes en collectivités d’outre-mer, dotées de l’autonomie, au sens de l’article 74 de la Constitution.

Régies par le principe d’identité législative, les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin bénéficient du régime de l’applicabilité de plein droit des dispositions législatives ou réglementaires, sauf dans les domaines relevant de leurs compétences, à savoir la fiscalité, l’urbanisme, la voirie, la desserte maritime, le tourisme, l’accès au travail et l’entrée et séjour des étrangers. Pour Saint-Barthélemy seulement s’y ajoutent des domaines aussi importants que l’énergie, l’environnement, l’exploitation des ressources naturelles et les droits de douanes.

La loi organique précitée du 21 février 2007 a complété ce dispositif par un mécanisme d’habilitation permanente à prendre des actes dans le domaine du droit pénal, de la police et de la sécurité maritime selon une procédure particulière qui conserve à l’État, en matière pénale, un pouvoir de blocage par décret motivé.

D’un point de vue institutionnel, les collectivités uniques de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin se sont substituées, sur ces territoires, aux communes, au département et à la région de Guadeloupe. Le citoyen n’y dispose que de deux référents dotés de la personnalité morale de droit public : l’État et la collectivité d’outre-mer. Le conseil territorial est l’assemblée délibérante de ces deux collectivités, tandis qu’un conseil exécutif assiste le président de la collectivité. Il convient également de mentionner que des conseils de quartiers ont été institués à Saint-Martin.

Si les deux schémas institutionnels convergent très fortement, Saint-Barthélemy et Saint-Martin présentent en revanche des évolutions économiques et budgétaires divergentes.

La collectivité de Saint-Martin connaît, de longue date, des difficultés financières, liées notamment à un fonctionnement défectueux relevé par la chambre régionale des comptes. La modification statutaire de la collectivité, en particulier l’accession à l’autonomie fiscale a entraîné de grandes difficultés dans le recouvrement des impositions, qui ont conduit l’État à accorder à la collectivité des avances de trésorerie. En outre, les services de l’État – direction générale des finances publiques et direction générale des douanes et des droits indirects – contribuent à la mission d’assiette, de contrôle et de recouvrement des divers impôts. Une convention tripartite avec la collectivité sur ces questions est en cours de finalisation. Votre rapporteur souhaite qu’elle ne tarde pas, le budget primitif 2012 de la collectivité ayant été voté en déficit de 22 millions d’euros.

L’attractivité retrouvée des Caraïbes et du marché de la croisière a toutefois permis, côté français, un rebond d’activité, qui a cependant bien plus profité à la partie néerlandaise et peine à se diffuser à l’ensemble des secteurs de la partie française. En outre, dans une économie historiquement très dépendante de la commande publique, les contraintes actuelles qui pèsent sur les finances publiques de la collectivité de Saint-Martin en limitent profondément le volume d’activité.

Dans cette perspective, votre rapporteur pour avis invite au renforcement durable de la coopération entre les deux parties – française et néerlandaise – de l’île, coopération qui conditionne l’amélioration de la situation économique de la collectivité. Sint-Maarten dispose en effet d’atouts importants à l’origine d’une situation financière confortable. Sa très large autonomie, l’utilisation du dollar, son port en eau profonde et son aéroport international, par lequel transite la majorité du fret de l’île, se révèlent ainsi comme autant d’avantages comparatifs.

La collectivité de Saint-Barthélemy ne connaît pas les mêmes difficultés. Le tourisme comme le secteur du bâtiment et des travaux publics montrent tous deux un dynamisme certain. En outre, le niveau de chômage est particulièrement faible. Il en résulte une situation financière favorable pour Saint-Barthélemy, laquelle a enregistré à nouveau un solde financier positif, lui permettant ainsi de maintenir un niveau d’endettement nul.

Votre rapporteur pour avis se montre confiant dans la capacité de Saint-Barthélemy à développer davantage ses échanges commerciaux extérieurs, notamment avec les États-Unis. Il insiste néanmoins sur la nécessité de diversifier l’économie de l’île pour la préserver, à l’avenir, des aléas de la fréquentation touristique, particulièrement sensible à la conjoncture économique mondiale.

Il souligne enfin, pour la regretter, qu’une des premières décisions fiscales de la nouvelle collectivité a consisté à supprimer l’impôt sur le revenu des personnes physiques.

4. Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)

Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sont formées d’un ensemble d’îles et d’archipels inhabités, très éloignés les uns des autres, et répartis en quatre districts administratifs : l’archipel de Crozet, l’archipel de Kerguelen, l’archipel d’Amsterdam et les Terres antarctiques. Le territoire représente une zone économique exclusive de 1,9 million de km², permettant à la France de se placer au deuxième rang mondial après les États-Unis.

Rattachées à Madagascar en 1924, les TAAF ont été qualifiées de territoire d’outre-mer par la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton. La Constitution du 4 octobre 1958 a clarifié la nature de leur statut. En effet, le dernier alinéa de l’article 72-3 confie désormais l’élaboration du statut des TAAF au seul législateur ordinaire – et non au législateur organique, comme pour les collectivités d’outre-mer de l’article 74. Il convient à cet égard de rappeler que la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 conserve expressément la terminologie de territoire d’outre-mer s’agissant des TAAF.

Ces territoires, où la France assure une présence scientifique continue, sont dépourvus de population permanente. En conséquence, leur organisation institutionnelle est profondément simplifiée. Les TAAF sont placés sous l’autorité d’un préfet, administrateur supérieur, installé dans le département de la Réunion, lequel est à la fois chef du territoire et représentant de l’État. Il est représenté dans chacun des quatre districts constitutifs des TAAF par un chef de district. En outre, l’administrateur supérieur est assisté d’un conseil consultatif composé de parlementaires, de hauts fonctionnaires et de personnalités qualifiées, dont l’avis est obligatoirement requis en matière fiscale, budgétaire et environnementale.

Le budget des TAAF est alimenté par des ressources propres, parmi lesquelles figurent les taxes de mouillage et les droits de pêche. Il reste cependant très dépendant des dotations de l’État. Dans cette perspective, votre rapporteur pour avis insiste sur la nécessité de conforter le niveau de la dotation de l’État aux TAAF, sans laquelle le territoire n’est pas à même d’asseoir, d’une part, la souveraineté française sur les zones économiques exclusives et de financer, d’autre part, les recherches scientifiques de première importance, notamment sur les questions relatives à la biodiversité ou à la préservation de l’environnement et de la faune marine.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du jeudi 26 octobre 2012, la Commission a procédé à l’audition, commune avec la commission des Affaires économiques, de M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer, sur les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2013.

M. le président François Brottes. La commission des Affaires économiques et la commission des Lois sont aujourd’hui conjointement saisies pour avis sur les crédits de la mission « Outre-mer ».

Je salue la présence de M. le rapporteur général de la commission des Finances, Christian Eckert, que je remercie de participer à nos travaux.

M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques pour la mission « Outre-mer ». Le budget que nous examinons aujourd’hui s’élève à 2,04 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de l’ordre de 5 % par rapport à l’année dernière.

Au-delà de cette seule mission, l’effort global de l’État s’élève à plus de 15 milliards d’euros, dont 13 milliards de crédits budgétaires et 2,5 à 3 milliards de dépenses fiscales.

Je salue ainsi, monsieur le ministre, le respect de vos engagements et de ceux du président de la République.

Je me félicite en particulier de la décision extrêmement importante prise par le Gouvernement visant à exonérer les outre-mer de l’abaissement global du plafonnement des mécanismes de défiscalisation. Ces derniers, en effet, accompagnent un effort financier très important face à une situation dont nous savons combien elle est exceptionnellement grave. M. Patrick Ollier, ancien président de la commission des Affaires économiques, a lui-même salué cette initiative en commission des Finances.

Nous sommes d’autant plus attentifs à cette évolution que, on l’ignore trop souvent, l’outre-mer a largement participé durant les dix dernières années à l’effort national en faveur de la maîtrise des dépenses publiques. Nous avons ainsi accepté des « rabotages » ou des réductions de dépenses de 700 à 800 millions, peut-être plus.

J’ajoute que l’excellent document de politique transversale étant arrivé seulement hier soir, il a été très difficile de l’utiliser. Je sais que le Parlement et le Gouvernement ont beaucoup de travail, mais ce point me semble très important à signaler.

Les programmes 138 « Emploi outre-mer » et 123 « Conditions de vie outre-mer » sont respectivement dotés de 1,4 milliard et 645 millions en CP, en hausse de 54 millions si l’on fait abstraction de la dotation nouvelle liée aux charges de fonctionnement du ministère, désormais de plein exercice, et de 44 millions si l’on intègre les conséquences du transfert au ministère de la Santé de la dotation de financement de l’Agence de santé de Wallis-et-Futuna.

Le Gouvernement a décidé de concentrer ses efforts dans quatre domaines principaux.

Premièrement, le logement, et en particulier le logement social, avec une augmentation globale de l’action « Logement » de 11 millions environ en crédits de paiement. Considérant que la relance par le BTP est fondamentale pour dynamiser le développement des outre-mer, je salue cette décision face à un problème récurrent.

Deuxièmement, l’emploi, avec une augmentation de la compensation des exonérations de charges de l’ordre de 40 millions d’euros.

Troisièmement, la formation et l’insertion professionnelle des jeunes, dont les crédits sont maintenus via le service militaire adapté (SMA).

Quatrièmement, le plan de rattrapage en équipements structurants, traduit notamment par une dotation de 50 millions du Fonds exceptionnel d’investissement.

Au-delà de ces constats, monsieur le ministre, je souhaite vous poser quelques questions.

Quelle est la part de l’action 1 du programme 123 consacrée au logement dédiée à la rénovation de l’habitat indigne dans les CP annoncés, lesquels accusent une baisse d’environ 2 millions d’euros ? Quelle est, par ailleurs, la traduction budgétaire de la loi du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne ? Je sais que des décrets et des circulaires sont à la signature mais quelle stratégie et quels moyens financiers comptez-vous déployer ?

M. le président François Brottes. Il s’agit de la « loi Letchimy ».

M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques pour la mission « Outre-mer ». En effet !

S’agissant toujours de l’action « Logement », quelle est l’articulation entre les procédures de défiscalisation en matière de production de logements sociaux et la ligne budgétaire unique (LBU) ? Il y a un vrai problème quant aux mécanismes d’autorisation, qui polluent la dynamique de construction de logements. Ainsi, en Martinique, la production de logements est passée de 1 800 à 200 au cours des dernières années, avant de remonter à 600, alors que les besoins se situent entre 1 500 et 2 000.

S’agissant de la formation des jeunes, en particulier des jeunes en difficulté, le précédent Gouvernement avait annoncé le doublement des effectifs du SMA pour 2013. Or, ce délai n’a cessé de changer puisqu’il est désormais question de 2016 voire au-delà. Dès lors que l’actuel Gouvernement n’a pas remis en cause le « SMA 6 000 », quel est donc le calendrier retenu ?

Par ailleurs, nous avons constaté une baisse très significative du financement des contrats aidés en outre-mer au titre de la mission « Travail et emploi ». Nous interrogerons certes M. le ministre du Travail, mais je souhaiterais d’ores et déjà connaître votre position sachant que près de 64 % de nos jeunes âgés de moins de 25 ans sont en inactivité.

En ce qui concerne les équipements structurants, le président de la République a prévu un programme d’investissement de 500 millions d’euros sur cinq ans. Vous avez programmé 50 millions mais en multipliant cette somme par cinq, le compte n’y est pas. Pouvons-nous espérer une montée en puissance du financement d’ici à deux ou trois ans ?

À ce sujet, l’article 8 du projet relatif à la régulation économique outre-mer exonère certaines collectivités territoriales de l’obligation de cofinancement de projets structurants. Nous pouvons dès lors nous interroger sur le sens de la dotation du Fonds exceptionnel d’investissement : s’agit-il de prendre acte de l’absence de participations futures des collectivités ou faut-il convenir du renforcement de la dotation du fonds exceptionnel d’investissement ?

La LODEOM (loi pour le développement économique des outre-mer) avait introduit deux dispositifs novateurs pour nos entreprises : l’aide au fret et l’aide à la rénovation hôtelière. Or, les crédits de paiement qui leur sont consacrés baissent de plusieurs 27 millions d’euros alors que nous avons grand besoin de continuité territoriale et économique mais aussi de rénovation du parc hôtelier – d’autant plus que les fonds européens dédiés sont pratiquement taris.

Permettez-moi d’aborder un sujet qui ne concerne pas directement la mission « Outre-mer » : un moratoire concernant notamment la tarification de l’énergie solaire a été décidé. Or, malgré la mise en place de la commission « Baroin », nous ne disposons toujours pas de tarification et nombre de projets structurants – hors l’appel d’offres qui a été lancé – ou individuels sont bloqués.

Pour en revenir à la mission « Outre-mer », l’augmentation de ce budget traduit la très forte volonté du Gouvernement de soutenir les outre-mer dans cette période délicate. Je sais que les discussions sont difficiles, que les enjeux nationaux, européens et mondiaux nous obligent à réaliser des efforts mais je rappelle que, dans nos régions, le taux de chômage est deux voire trois fois supérieur à celui de l’Hexagone et que, à l’inverse, le PIB par habitant y est environ 40 % plus bas.

Le président de la République a manifesté sa volonté de poursuivre une politique d’investissement et de solidarité tout en favorisant une mutation économique profonde afin de relancer la production locale. La discussion du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer en atteste. Aussi, je formule un avis favorable à l’adoption de ces crédits et j’invite nos collègues à en faire de même.

M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis de la commission des Lois, pour les « Départements d’outre-mer ». Je concentrerai mon intervention sur des questions qui intéressent plus particulièrement la commission des Lois.

Permettez-moi tout d’abord d’exprimer un regret profond et sincère : en application de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient me parvenir au plus tard le 10 octobre 2012 ; or, à cette date, 64 % seulement des réponses m’étaient parvenues. Je regrette que les prescriptions de la loi organique n’aient pas été pleinement respectées, me privant ainsi d’éléments d’analyse indispensables à la rédaction de mon rapport.

J’en viens maintenant au thème auquel je me suis consacré dans le cadre de ce budget 2013 pour les départements d’outre-mer. Dans une société démocratique fondée sur le respect de la loi, l’accès à la justice, et plus largement au droit, est l’une des conditions de l’effectivité du pacte social et, de ce point de vue, que certains n’aient pas de droits ou ne soient pas en mesure de les faire respecter est, dans les deux cas, un échec pour la société tout entière.

Dans le cadre de mon avis sur les crédits pour 2013 relatifs aux départements d’outre-mer, j’ai souhaité étudier les conditions dans lesquelles les justiciables vivant dans les départements de Guyane, de Martinique, de Guadeloupe, de La Réunion et de Mayotte accèdent à la justice et au droit.

S’agissant des crédits consacrés à l’accès au droit et à la justice dans ces territoires, je constate avec plaisir qu’ils devraient progresser de 3,8 % en 2013, puis de 3 % en moyenne annuelle entre 2014 et 2017. Sur la longue période, l’évolution de ces crédits est encore plus significative. En effet, ils ont bondi de 10 % depuis 2007 et ce, en dépit d’un reflux en 2011 et 2012. Je veux voir, dans cette augmentation constante et significative, l’attention particulière portée par les autorités publiques à la question de l’accès au droit et à la justice dans les départements d’outre-mer.

Si je salue cette évolution positive, je souhaite toutefois, monsieur le ministre, attirer votre attention sur plusieurs problèmes spécifiques à ces territoires, qui tendent parfois à faire des justiciables d’outre-mer des justiciables de second rang, ce dont personne autour de cette table ne peut se satisfaire.

En premier lieu, le réseau de l’accès au droit – maison de la justice et du droit et points d’accès au droit – repose aujourd’hui principalement sur des associations locales. Or, il ressort de mes travaux que le tissu associatif local pour l’accès au droit et à la justice ainsi que pour l’aide aux victimes est aujourd’hui insuffisamment structuré dans les départements d’outre-mer pour répondre de manière satisfaisante à l’ensemble des besoins des justiciables. C’est notamment le cas en Guyane, en Martinique et à Mayotte. En outre, ces associations font face, actuellement, à de graves difficultés de financement qui compromettent d’autant la pérennité de l’accès au droit.

Pouvez-vous nous indiquer les initiatives qui pourraient être engagées en partenariat avec le ministère de la Justice pour susciter de nouvelles initiatives associatives au plan local, pour sécuriser le financement des associations aujourd’hui les plus en difficulté et, enfin, pour accroître la formation et la professionnalisation des associations déjà bien implantées sur ces territoires ? Malgré leur bonne volonté, ces personnes ne doivent pas s’instituer en juges ou en procureurs, comme cela arrive assez souvent – je suis bien placé pour le dire. Afin d’éviter cela, nous avons besoin d’une formation adéquate. Il s’agit de régler les problèmes, pas de sanctionner systématiquement et s’ériger en juge particulier.

S’agissant ensuite de l’accès à la justice, je voudrais évoquer avec vous la question de la réforme de la carte judiciaire, qui s’est traduite en Martinique par le rattachement, à compter du 1er janvier 2010, du tribunal d’instance du Lamentin ainsi que du greffe détaché de La Trinité au tribunal d’instance de Fort-de-France. Il ressort de mes travaux que l’absorption du tribunal d’instance du Lamentin par celui de Fort-de-France soulève de sérieux problèmes. En effet, cette juridiction présentait, avant la réforme de la carte judiciaire, un niveau d’activité important qui a eu pour effet sur les juridictions concernées d’affaiblir le taux de couverture des affaires entrantes et d’allonger considérablement des délais de traitement déjà élevés – près de douze mois, contre neuf au maximum en 2009. Le regroupement ne facilite pas forcément le traitement des dossiers. Dans le même temps, la Martinique a été marquée, ces cinq dernières années, par une diminution de ses effectifs de magistrats et de greffiers, lesquels ont respectivement baissé de près de 40 % et 30 %.

La situation reste à ce jour très préoccupante, comme en témoigne le courrier adressé le 20 septembre 2012 à Mme Christiane Taubira, ministre de la Justice, garde des Sceaux, par plusieurs organisations syndicales dont les représentants « expriment leur ras-le-bol quant au sous-effectif » qui affecte le tribunal d’instance de Fort-de-France. Ils déplorent notamment les dysfonctionnements touchant cette juridiction, « le manque de moyens, humains principalement, dégradant considérablement les conditions de travail des personnels de justice et ne leur permettant pas de répondre à leurs missions de service public ».

Dans cette perspective, pouvez-vous nous indiquer quelles mesures sont envisagées, en lien avec le ministère de la Justice, pour répondre à l’urgence de la situation du tribunal d’instance de Fort-de-France et ainsi remédier aux dysfonctionnements induits par la réforme de la carte judiciaire ?

Si les ressorts des autres cours d’appel des départements d’outre-mer ont bénéficié ces dernières années, à l’inverse de la Martinique, d’une augmentation de leurs effectifs de magistrats comme de greffiers, ils n’en sont pas moins confrontés, pour plusieurs d’entre eux, à un manque d’attractivité qui laisse encore aujourd’hui vacants nombre d’emplois dans ces territoires. C’est notamment le cas en Guyane, dans les Antilles et à Mayotte.

Pourriez-vous nous indiquer quelles sont les mesures incitatives envisagées – financières, mais pas seulement – en partenariat avec le ministère de la Justice en vue de favoriser les prises durables de postes de magistrats et de greffiers dans les départements d’outre-mer ?

Enfin, je souhaiterais évoquer la question de l’accès aux avocats, qui reste encore parfois difficile dans les départements d’outre-mer, en raison de leur trop faible nombre ou de leur inégale répartition sur l’ensemble de ces territoires. C’est notamment le cas à Mayotte, département dans lequel les avocats, moins nombreux que les magistrats, n’hésitent pas parfois à refuser les missions d’aide juridictionnelle. Je ne dénonce pas, je constate seulement.

La situation est également complexe en Guyane où l’accès au droit s’arrête dans les faits à Kourou, faute d’avocats présents en nombre suffisant dans le reste du département. Les avocats sont en effet très majoritairement présents à Cayenne, réputée plus attractive, alors que Saint-Laurent-du-Maroni n’en compte qu’un seul. Les déplacements d’avocats entre ces deux villes restent de surcroît coûteux et difficiles compte tenu de l’étendue du territoire guyanais. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer selon quelles modalités vous comptez, avec l’appui du ministère de la Justice et des barreaux, inciter de nouveaux avocats à s’installer dans les régions réputées les moins attractives ?

S’agissant plus particulièrement de Mayotte, quelles sont les mesures envisagées pour mettre fin au refus de certains avocats de prendre en charge des mesures d’aide juridictionnelle, qui, je le rappelle, s’adressent aux publics les plus démunis et donc les plus vulnérables ?

Monsieur le ministre, je vous remercie d’avance pour vos réponses.

Mon propos sur l’accès à la justice et au droit se veut le plus objectif possible. Même si ses conclusions peuvent choquer tel ou tel, je me devais de dire la vérité.

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des Lois pour les « Collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes antarctiques françaises ». Je m’associe aux commentaires positifs sur ce budget d’ensemble en faveur de l’outre-mer.

Je souhaite vous poser cinq questions, monsieur le ministre.

J’ai bien noté combien M. Serge Letchimy se réjouissait que ce budget ne touche pas à la défiscalisation outre-mer. Mais un certain nombre de parlementaires métropolitains, qui ont bien suivi le débat budgétaire, notamment l’argumentation de notre rapporteur général, se demandent pour quelles raisons, dans un contexte économique difficile, l’outre-mer se trouve en quelque sorte sanctuarisé. Je considère en tout cas que la situation de l’outre-mer est insuffisamment connue de nos concitoyens de métropole. Il serait donc bienvenu que vous expliquiez la raison de cette exception et s’il en sera différemment à l’avenir.

En Nouvelle-Calédonie, des transferts de compétences sont actuellement en cours en matière d’état civil, de droit civil et de droit commercial ainsi que de sécurité civile. Ces transferts devaient être initialement réalisés avant 2011. Où en est-on ? Quels retards ont-ils été pris ? À quels transferts envisagez-vous de procéder prochainement ?

La Polynésie connaît une situation économique particulièrement difficile, résultant pour partie de la crise économique mondiale. Nous disposons en l’occurrence d’éléments statistiques fort peu fiables et très anciens, puisque les derniers comptes administratifs définitifs connus datent de 2006. Comment, dans ces conditions, suivre l’évolution d’une situation qui s’aggrave presque chaque jour un peu plus ? Envisagez-vous de demander à l’INSEE d’aider l’Institut de statistique de la Polynésie française afin que nous puissions disposer de données permettant à cette collectivité de mieux traiter les problèmes auxquels elle est confrontée ?

Des élections territoriales doivent se dérouler en 2013 en Polynésie. Certains, localement, souhaiteraient qu’elles aient lieu très vite, d’autres voudraient les reporter. Le Gouvernement a-t-il fixé une date ?

Enfin, la Polynésie a urgemment besoin d’investissements afin de relancer l’économie locale. Son gouvernement a signé avec l’État un protocole portant sur un prêt d’investissement de près de 42 millions accordé par l’Agence française de développement. Une première partie, de 25 millions, ayant été versée en juin 2011, qu’en est-il des 17 millions restants ? Au-delà, n’envisagez-vous pas de donner à la Polynésie les moyens de lancer de nouveaux investissements ?

M. Jean-Claude Fruteau, président de la délégation aux outre-mer. C’est toujours avec plaisir que je reviens en commission des Affaires économiques – première commission dans laquelle j’ai siégé –, pour évoquer les questions liées aux outre-mer, que ce soit en mon nom personnel ou en celui de notre toute jeune délégation.

Il m’est doux de répéter un certain nombre de choses tant je fus autrefois dans la déploration : désormais, l’outre-mer est redevenu une priorité du Gouvernement, ce qui n’était plus le cas depuis longtemps. Le président de la République, durant la campagne électorale, avait pris des engagements qui sont aujourd’hui tenus.

Le budget que nous examinons et que nous nous apprêtons à voter – fait extraordinaire – augmente de 5 % pour 2013 et continuera d’augmenter durant trois ans. Au nom de l’ensemble des outre-mer, je ne me lasse décidément pas de le répéter : oui, ce Gouvernement a pris la mesure des problèmes extraordinaires qui s’y posent et de la nécessité de les résoudre. Nous avons récemment voté le projet de loi relatif à la régulation économique pour l’outre-mer. C’est la première fois qu’une loi spécifiquement dédiée aux outre-mer est votée dans les quatre premiers mois d’une législature, la fameuse LODEOM ayant, quant à elle, été adoptée deux ans et demi après l’arrivée au pouvoir de la précédente majorité et, hélas, quelques émeutes. Monsieur le ministre, c’est à votre honneur et à celui du Gouvernement d’avoir fait voter le projet de loi relatif à la régulation économique pour l’outre-mer. Elle comporte des mesures courageuses et importantes qui ne manqueront pas de produire leurs effets.

Par ailleurs, j’ai peur qu’à Paris, à l’Assemblée nationale ou au Sénat, d’aucuns se demandent pourquoi – M. Dosière s’en est fait l’écho – l’outre-mer est ainsi privilégié.

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des Lois pour les « Collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes antarctiques françaises ». Je m’en suis tenu, quant à moi, à la question de la défiscalisation.

M. Jean-Claude Fruteau, président de la délégation aux outre-mer. Il est vrai que ce budget compte parmi les rares qui augmentent et dans de telles proportions. Néanmoins, ces mesures spécifiques ne constituent pas un privilège : les sociétés et les économies ultramarines sont dans une situation sans équivalent. Le taux de chômage y est deux fois plus élevé que dans l’Hexagone et le PIB par habitant y est, quant à lui, deux fois moindre. À La Réunion, 64 % des jeunes sont au chômage et ce taux est sensiblement identique dans les autres outre-mer. C’est un département français qui détient donc le record absolu de l’ensemble de l’Union européenne ! Il en est de même s’agissant des bidonvilles et de l’habitat indigne qui l’un et l’autre demeurent, malgré la loi Letchimy. Nous nous préoccupons, aujourd’hui, de réunir toutes les conditions afin que cela change.

Certains collègues sont donc parfois légitimement surpris, choqués ou irrités par les avantages dont bénéficient les outre-mer. Si le président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement ont choisi de maintenir pour 2013 le dispositif de la défiscalisation outre-mer, c’est que c’est le seul dispositif qui conforte l’investissement productif dans des économies très fragiles, dont les entreprises sont petites et se caractérisent par une insuffisance structurelle de fonds propres.

Il en est de même de la défiscalisation en matière de logement social. Je n’étais pas moi-même très enthousiaste, car je pensais qu’il restait beaucoup d’obstacles à franchir. Toutefois, ces obstacles ont été franchis grâce au travail en commun des acteurs locaux. C’est ainsi que, peu à peu, le nombre de logements sociaux a augmenté. À La Réunion, deux tiers des constructions de logements sociaux dépendent de la défiscalisation contre un tiers de la LBU – laquelle augmente, d’ailleurs, et c’est très bien.

Remettre en cause ce dispositif sans y avoir suffisamment réfléchi, sans l’avoir analysé ni évalué et, surtout, sans avoir trouvé un dispositif alternatif serait particulièrement dramatique car cela briserait l’effort réalisé ces dernières années. Quoiqu’idéologiquement je ne sois pas un partisan de la défiscalisation, elle existe et a fait ses preuves. N’y touchons donc pas d’une manière hasardeuse, au détour de l’examen d’un projet de loi de finances.

M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer. Le budget de la mission « outre-mer » est un budget de combat, comme dirait le Premier ministre. Il est en rupture par rapport à ceux qui ont été votés depuis une dizaine d’années, ne serait-ce que parce qu’il se situe au niveau des budgets des années 1999 à 2001. Lorsque Christian Paul a quitté ce qui correspondait alors au ministère des outre-mer, le budget s’élevait à environ 1,9 milliard d’euros. Aujourd’hui, il est d’un peu plus de deux milliards, en augmentation de 5 %. Les deux programmes qui composent la mission « Outre-mer » sont ainsi confortés. Cette trajectoire budgétaire est plus conforme aux attentes des outre-mer et à leurs besoins.

Par ailleurs, comme l’a dit le président Jean-Claude Fruteau, que je remercie, ce budget témoigne de la considération de l’actuelle majorité à l’endroit des outre-mer. Le président de la République et le Gouvernement ont ainsi fait preuve de célérité en inscrivant dans le calendrier parlementaire, dès le début de la nouvelle législature, le vote du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer.

De surcroît, le président de la République s’est solennellement engagé par écrit à respecter les 30 engagements qu’il a pris concernant les outre-mer. Nous avons commencé aussi scrupuleusement que possible un travail en ce sens en tenant compte de la conjoncture et des difficultés de nos finances publiques.

Si un effort significatif est réalisé en matière de sincérité budgétaire, une incertitude demeure dans le débat budgétaire en cours, quant à la légitimité et l’efficacité des dépenses fiscales.

Pourquoi la mission « Outre-mer » est-elle donc financièrement épargnée ? Pourquoi les outre-mer semblent un peu privilégiés ou du moins connaître une situation quelque peu dérogatoire par rapport à l’effort national de redressement des finances publiques ?

J’aurais tendance à répondre que nous avons commencé à consentir l’effort de redressement des finances publiques avant les autres : depuis dix ans, que ce soit en termes de crédits d’intervention ou en termes de dépenses fiscales et sociales, tous les dispositifs ont évolué « en sifflet ».

La défiscalisation, c’est un problème compliqué. On en voit beaucoup de caricatures – ce fut encore le cas très récemment sur France Télévisions : un journaliste avait mal lu, et trop vite, les rapports de la Cour des comptes et de l’Inspection générale des finances. Ce sont toujours les mêmes images qui reviennent : dix-sept ou dix-huit ans après, impossible d’échapper au « Merci Béré », le yacht que s’était acheté Jacques Séguéla lorsque Michel Bérégovoy était ministre des Finances ! Alors, oui, il faut moraliser ce dispositif. Il est vrai que, idéologiquement et culturellement, la gauche est contre la défiscalisation, mais, pour le moment, nous n’avons pas de solution de rechange !

Il y a deux ans à peine, Claude Bartolone et moi-même avions bien déposé un amendement visant à substituer aux dépenses fiscales outre-mer des crédits budgétaires mais, faute d’argent, il était impossible de mettre en œuvre un tel dispositif dont le coût serait de 3,56 milliards d’euros. La situation n’a guère changé.

De manière détaillée, la moitié de cette somme correspond à la différence des taux de TVA – 19,6 % en métropole, 8,5 % outre-mer. Certes, il y a un écart, mais mener une bonne politique fiscale, sage et efficace, consiste-t-il à répéter servilement à Mamoudzou, à Fort-de-France ou ailleurs dans les outre-mer ce qui se fait en Île-de-France, l’une des régions européennes les plus riches ? N’est-il pas nécessaire de prendre en compte la situation si particulière des outre-mer ? Et à cet égard, la situation particulière de la Guyane justifie l’absence de TVA dans ce territoire.

Il ne faut pas non plus oublier que les outre-mer sont comptablement considérés comme des territoires d’exportation : ce qui y est envoyé depuis la métropole entre dans le calcul de la balance commerciale. Nous appartenons, selon la sixième directive du 17 mai 1977 au territoire douanier européen, même si tout le monde l’oublie. Il est normal, compte tenu de la situation des économies ultramarines, qu’il y ait une différenciation, ce que permettent l’article 73 de la Constitution et l’article 349 du traité instituant la Communauté européenne.

De même, outre-mer, on ne paye pas la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), l’ancienne taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Mais on oublie qu’il y a la taxe spéciale de consommation (TSC), qui représente un montant très élevé ! Et comment pourrait-on la supprimer, quand ce sont les régions, dotées de l’autonomie fiscale, qui en déterminent les taux ?

En fait, ce qui provoque dans l’Hexagone une certaine amertume, voire une opposition, c’est le dispositif incitatif à l’investissement productif. Mais il faut savoir que cette incitation est de moins en moins forte : elle est passée de 2,8 milliards d’euros il y a quelques années, à 1,5 milliard il y a trois ans, puis à 1,123 milliard en 2011 et 885 millions seulement cette année. De plus, la défiscalisation du logement intermédiaire et du logement libre, supprimée par la droite, va disparaître : de 355 millions en 2011, elle passera à 265 millions cette année. Les mécanismes les plus décriés sont ceux que l’on appelle le « Girardin industriel » et le « Girardin hôtelier », du nom de Brigitte Girardin, ancienne ministre de l’outre-mer : de 1,2 milliard d’euros en 2010, le « Girardin industriel » est tombé à 700 millions en 2011 puis à 410 millions d’euros aujourd’hui. Or, pour financer la seule usine de Koniambo, dans le nord de la Nouvelle-Calédonie, 330 millions ont été demandés au ministère des Finances – je ne sais pas ce qui a finalement été décidé. C’est une proportion considérable par rapport aux 410 millions d’euros disponibles pour douze territoires d’outre-mer : que reste-t-il pour les autres ? Sur ce sujet, j’ai demandé au ministre délégué au Budget, M. Jérôme Cahuzac, un examen de la doctrine administrative de Bercy, qui délivre les agréments lorsque les montants dépassent un certain chiffre.

En tout cas, depuis dix ans, le dispositif incitatif concernant l’investissement productif – mécanisme créé par le ministre Bernard Pons – est « en sifflet ».

Il faut surtout expliquer en quoi la situation des outre-mer commande une action particulière. On a évoqué les revenus médians de moitié inférieurs, le chômage, les difficultés sociales de tous ordres, mais, au-delà, il faut constater que, depuis dix ans, l’État n’est plus tout à fait là – malgré quelques opérations, par exemple de rénovation urbaine. Le document de politique transversale chiffre l’effort financier de l’État outre-mer à 13 milliards environ, mais ce montant comprend, par exemple, les salaires des enseignants, des policiers et des gendarmes – calcul que l’on ne fait pas pour la région Rhône-Alpes ou pour l’Île-de-France. Cette enveloppe comprend les dépenses fiscales, mais celles-ci se substituent à d’autres financements qui seraient nécessaires !

L’État est trop absent, tellement absent qu’il a été condamné plusieurs fois par l’Europe à d’importantes astreintes, notamment pour ne pas avoir réalisé certains équipements structurants: c’est par exemple le cas pour le traitement des déchets, l’absence de création des centres de stockage ultime… Et il a fallu prendre des mesures spécifiques, comme cela a été le cas pour la Corse, pour que l’État puisse financer certains équipements à 100 %. Certes, avec ce budget, l’État est de retour, mais ce n’est encore qu’un début.

Quant aux collectivités locales, elles sont en première ligne et n’ont plus aucune marge de manœuvre fiscale – elles ne peuvent plus augmenter l’impôt. La commande publique est en état de léthargie.

Les banques, elles, ne sont plus là du tout. Elles ne prennent plus aucun risque : elles financent les fonctionnaires, et c’est tout. Comme président de région, les banques m’ont souvent demandé de garantir des prêts consentis à des entreprises ! Je subis aujourd’hui un véritable chantage à l’emploi parce que j’ai osé les forcer à harmoniser les tarifs de douze prestations bancaires de base ; les banques estiment, en effet, que c’est un trop grand effort pour elles. Quant à l’épargne locale, elle est dirigée vers les polices d’assurance et les obligations d’État.

L’Europe dispose de financements, mais avec la stratégie de Lisbonne, elle les concentre sur les nouvelles technologies, l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation. Outre-mer, cela ne représente pas grand-chose, du moins pas la locomotive de la croissance et du développement ! Or ces territoires ont encore besoin d’équipements structurants, tels que des routes, des conduites d’eau potable, des collèges et des lycées… Et je ne parle même pas du Plan Séisme Antilles : avec les crédits qu’on nous a alloués, il faudrait plus d’un millénaire pour le financer ! Aujourd’hui, nous avons un déficit de financement et nous n’avons pas de solution de remplacement : il ne reste que la dépense fiscale.

La défiscalisation est une réponse à ces énormes problèmes de financement. Certes, cela choque, puisque ce sont les plus aisés qui en profitent. Mais j’ose le dire, la défiscalisation n’est pas une forme d’évasion fiscale, même si certains l’interprètent ainsi. En fait, c’est un outil de financement de l’investissement productif ; or, il ne représente aujourd’hui que 885 millions d’euros, ce qui est en réalité dramatiquement insuffisant par rapport aux besoins.

J’ai cherché, avec Claude Bartolone, une solution pour sortir de cette situation. Le président de la République s’est engagé à maintenir l’attractivité fiscale de ces territoires, et à y conserver le dispositif existant en 2013 : il vous invite, dans le respect de l’autonomie des pouvoirs du Parlement, à souscrire à cet engagement. Le Premier ministre a également arbitré en ce sens. Nous devons néanmoins déjà réfléchir à une solution de remplacement. J’en ai discuté avec le rapporteur général du budget : il faut trouver une solution mixte et voir comment, sur la durée de la législature, on peut trouver une solution qui ne déséquilibre pas le financement de nos économies. L’État peut-il, aujourd’hui, financer directement les investissements outre-mer, actuellement pris en charge au titre des dépenses fiscales ? Non.

Le président de la République a écrit qu’il préservera l’attractivité fiscale des territoires ultramarins et que, pour cela, un différentiel d’attractivité sera maintenu. C’est pourquoi le dispositif existant est maintenu en 2013, parce qu’aucun dispositif de remplacement n’a pu être évalué. Je demande donc aux deux Commissions réunies ici de comprendre que nous sommes dans une phase de transition. Le président de la République sait combien la défiscalisation est mal vue, et par l’opinion publique, et par la gauche en particulier : d’un point de vue intellectuel, ce n’est pas notre « tasse de café », si vous me permettez une expression ultramarine. Mais nous n’avons pas encore trouvé une solution de remplacement.

C’est du reste pour trouver une solution de rechange que M. Serge Letchimy a été nommé parlementaire en mission. La Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, de même que les assemblées parlementaires, avec la mission d’évaluation et de contrôle, y travailleront également. La commission des Finances peut également réaliser sa propre évaluation. Il s’agit d’avoir une vision croisée sur l’efficacité des dépenses fiscales, sur leur utilité et sur leur nécessité, ainsi que sur le calendrier de sortie du dispositif.

Voilà l’engagement qui a été pris, voilà l’arbitrage qui a été rendu par le Premier ministre : je vous demande, à vous parlementaires, de nous accompagner dans cette démarche.

Il faut également rappeler que la défiscalisation est aussi une aide pour l’exploitant, qui reçoit deux tiers de l’avantage fiscal. C’est une aide à l’investissement alors que les exonérations de charges patronales sont une aide à l’exploitation. On n’a pas d’autre moyen de financer l’économie, et, au moment où je vous parle, même cette aide-là est en train de se tarir ! Malgré l’effort qui est fait avec ce budget, nous sommes encore loin des montants qui seraient nécessaires pour répondre aux besoins des territoires.

Imaginons que, demain, vous nous donniez 1,5 milliard d’euros de crédits budgétaires. Moi, ministre, je deviendrais l’imperator, et il me serait possible de les distribuer – suivant des critères peut-être administratifs, mais certainement politiques – sans tenir compte du dynamisme des territoires. Et je ne parle pas du nombre de postes de fonctionnaires qu’il faudrait créer pour gérer des centaines et des centaines de dossiers venant de douze territoires. À l’inverse, avec la défiscalisation, chaque territoire porte ses projets, ce qui induit de la créativité en provenance de la base, c’est-à-dire du porteur de projet lui-même.

Il faut savoir qu’en appliquant un plafond de 10 000 euros d’avantage fiscal – c’est le niveau de plafonnement des niches qui a été retenu dans le présent budget, sauf pour les investissements réalisés outre-mer –, l’investissement maximal, pour un investissement productif tel qu’il est défini par l’article 199 undecies B du code général des impôts, est de 59 000 euros pour un investissement indirect, c’est-à-dire le cas le plus fréquent, le taux de rétrocession à l’exploitant étant de 62,5 %. La réduction pour le contribuable est au maximum de 26 600 euros. Actuellement, le plafond outre-mer est à 30 600 euros, ce qui correspond à un investissement de 181 300 euros. Il faudrait donc demain, si on appliquait la réforme, trois fois plus d’investisseurs pour réaliser le même investissement. Un tel accroissement du nombre des investisseurs renchérirait le coût de la procédure, en allongerait les délais, sans que la réussite soit garantie. De plus, les monteurs de projet réunissant plus de cent investisseurs pour une même opération devront obtenir un agrément de l’Autorité des marchés financiers : c’est presque un métier différent. La rapidité et la relative simplicité de la procédure, qui ont fait son succès et qui ont permis la plupart des investissements outre-mer, seraient donc perdues.

Quant à l’investissement dans la construction des logements sociaux, investissement défiscalisé défini par l’article 199 undecies C du code général des impôts, le maximum d’investissement par contribuable serait, si l’on appliquait le plafond de 10 000 euros, de 57 200 euros, compte tenu d’une réduction d’impôts de 28 600 euros et d’un taux de rétrocession de 65 %. Avec l’actuel plafond, qui est de 40 000 euros, le montant maximal d’investissement est de 228 600 euros. Les investisseurs devraient donc être quatre fois plus nombreux pour réaliser le même investissement.

Ces exemples sont de plus calculés pour des contribuables dont l’ensemble des avantages fiscaux viendraient d’investissements outre-mer ; or ce n’est généralement pas le cas.

Les plafonds de 10 000 et de 18 000 euros vont, de plus, comprendre les salaires des personnes employées à domicile, dont une partie est défiscalisée. De nombreux contribuables ont pu réaliser des investissements patrimoniaux, mais aujourd’hui, vous ne pouvez plus construire une maison en secteur libre ou en secteur intermédiaire, comme j’ai moi-même pu le faire quand j’étais jeune. Le yacht, c’est fini : si vous le faites construire, vous ne pourrez plus en avoir l’usage ; après cinq ans, vous pourrez faire jouer le droit de préemption en faveur de l’exploitant – qui, lui, est soumis à une obligation de location – mais vous n’avez plus cet investissement patrimonial.

Je peux vous citer des dizaines d’entreprises et des dizaines d’emplois créés grâce à la défiscalisation, et qui n’ont pas coûté 750 000 euros, comme l’a prétendu M. François Lenglet sur France Télévisions ! La défiscalisation a été un outil de modernisation : sans elle, il n’y aurait pas eu la marina du Marin, en Martinique : elle serait à Sainte-Lucie, ou à Saint-Vincent-et-les-Grenadines ou à Saint Kitts ou à Antigua.

Depuis 1986, jamais nous n’avons trouvé la bonne façon permettant d’expliquer la défiscalisation des investissements outre-mer. À chaque fois, on nous reparle de yachts, de privilèges, de nomenklatura sous les cocotiers… Les sondages le montrent : l’image de la défiscalisation est catastrophique ; elle l’a été depuis le début, et personne n’a réussi à changer cet état de fait, pas plus la gauche que la droite ; même les monteurs en défiscalisation n’ont pas su rendre positive cette image. Pourtant, cet instrument est aujourd’hui indispensable. Il faut trouver les mécanismes qui pourront lui succéder : je vous invite à nous y aider.

M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, cette Commission a adopté à l’unanimité la proposition de loi de Serge Letchimy. Peut-être pouvons-nous aussi, en lien avec la commission des Lois et celle des Finances, travailler sur un texte proposant un nouveau mécanisme qui fasse, lui aussi, consensus, comme d’ailleurs le texte que vous avez déposé récemment.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Le budget de la mission « outre-mer » est en augmentation, et chacun ne peut que s’en féliciter. Une réflexion s’amorce sur les dépenses fiscales liées aux outre-mer : j’écoute donc les uns et les autres pour me forger ma propre opinion.

Peu de gens remettent en cause la différence de taux de TVA ou l’absence de TICPE en outre-mer. Le débat porte donc sur la défiscalisation. Les trois principales niches concernées représentent, vous l’avez dit, moins d’un milliard d’euros : c’est à la fois peu – la baisse de la TVA dans la restauration coûte 3 milliards par an – et beaucoup.

Le Gouvernement propose aujourd’hui un plafonnement global des niches en ramenant la part forfaitaire à 10 000 euros. Si l’on n’avait pas fait d’exception pour les investissements outre-mer, l’effet aurait effectivement pu être dévastateur pour le logement, et en particulier pour le logement social, ou pour les investissements productifs : le projet de loi de finances prévoit donc de ne pas appliquer le nouveau plafond aux niches qui concernent l’outre-mer. Cela me semble une bonne décision, et je ne crois pas que quiconque veuille la remettre en cause.

Reste que ce double plafond à 10 000 euros d’une part, 18 000 euros et 4 % de l’autre pour les seuls investissements outre-mer, change quelque peu la donne. En outre, le plafond qui s’applique aux investissements outre-mer ne sera plus partagé avec d’autres niches, comme celle des emplois à domicile. De plus, les 4 % s’appliqueront à un revenu fiscal de référence modifié, puisqu’il comprendra les revenus du travail mais aussi ceux du capital. D’une situation que l’on peut qualifier de légitime, on passera à une situation qui sera légèrement plus favorable. C’est peut-être cela qu’il nous conviendra d’examiner ensemble.

En principe, il serait bon, bien sûr, de convertir ces dépenses fiscales en crédits d’intervention. Toutefois, compte tenu de la « richesse » actuelle de l’État, ce n’est pas pensable aujourd’hui, et, sauf miracle, ne le sera pas plus demain.

Il faut donc travailler, sans attendre la veille de la présentation du prochain projet de loi de finances, à de nouveaux dispositifs plus simples que ceux des articles 199 undecies du code général des impôts – une part va à l’entreprise, une autre à l’investisseur, tout cela assorti d’agréments… Je sais, monsieur le ministre, que vous y êtes prêt, puisque nous en avons parlé. Nous pourrons ainsi tenter de faire diminuer progressivement la dépense fiscale, tout en trouvant des crédits d’intervention nouveaux, ou d’autres dispositifs plus lisibles, plus faciles à comprendre et à expliquer – plus faciles à contrôler aussi. En tout état de cause, c’est aujourd’hui extrêmement complexe !

Comme je l’ai dit, le dispositif sera demain légèrement plus favorable – un plafond de 18 000 euros et 4 % sur une assiette plus large – qu’il ne l’est aujourd’hui. Dans ces conditions, il serait à mon sens de bonne politique d’envoyer un signe. Nous pourrions modifier le taux de 4 %, mais je sais, monsieur le ministre, que vous n’y êtes pas favorable. Nous pourrions également modifier le plafond de 18 000 euros, ce qui serait peut-être plus acceptable pour vous.

Laissons place à la discussion parlementaire qui permettra, j’en suis sûr, d’arriver à une solution satisfaisante.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des Lois, remplace M. René Dosière à la présidence.

M. le ministre. Je salue votre ouverture d’esprit, monsieur le rapporteur général.

Nous n’ignorons pas la situation des finances publiques, comme nous n’ignorons pas que la question de la défiscalisation est une question très politique : le symbole est fort.

J’entends bien vos arguments sur le fait qu’avec les nouvelles règles – l’élargissement de l’assiette éligible –, la défiscalisation des investissements outre-mer devient plus favorable qu’elle ne l’était. Mais nous nous sommes donné une méthode, que nous voulons suivre. J’ai à de nombreuses reprises, vous ne l’ignorez pas, été sollicité par des journalistes pour faire apparaître des désaccords entre le Gouvernement et la majorité parlementaire : ne tombons pas dans ce piège et continuons à collaborer. Oui, pour le moment, je suis défavorable à ce que l’on joue sur le taux, parce que nous n’avons pas pu faire de simulations. Et je pourrais argumenter longuement sur les difficultés que cela pourrait créer…

Je m’engage, devant vous, à agir, et je pourrai le répéter devant la commission des Finances et ailleurs. Il faut commencer à travailler, vous avez raison, bien avant la discussion de la loi de finances pour 2014, voire peut-être avant le vote de la loi de finances de 2013, donc avant la fin du mois de décembre : dès à présent, il faut s’engager à procéder aux évaluations qui s’imposent. C’est la mission que m’ont confiée le président de la République et le Premier ministre : à cette fin, j’ai rencontré les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale pour leur expliquer notre position, et je verrai bientôt ceux du Sénat. Nous ne voulons pas modifier en 2013 les dispositions en vigueur, mais nous souhaitons lancer le chantier de l’évaluation dans les six mois qui viennent, en nous appuyant sur l’Inspection générale des finances, sur les commissions des Finances du Parlement, sur les délégations aux outre-mer... Je dispose déjà pour ma part de certains éléments. Cela nous permettra d’imaginer, ensemble, une possible sortie de la défiscalisation.

Je comprends bien tous les problèmes posés par la défiscalisation, termes d’image, mais aussi simplement de justice et d’égalité. Soyons toutefois conscients qu’il ne sera pas facile et qu’il faudra du temps pour trouver un mécanisme aussi efficace, ménageant le financement de nos économies ultramarines.

M. Patrice Verchère. J’associe à mes questions mon collègue Didier Quentin.

Monsieur le ministre, en 2010 et 2011, des évolutions symboliques ont eu lieu en Nouvelle-Calédonie. Où en sont les transferts de compétences, qui doivent être achevés en 2014 ? Un référendum d’autodétermination devrait avoir lieu entre 2014 et 2018 : quel est le calendrier ? À cet égard, avez-vous déjà réuni le comité des signataires ?

Après avoir repoussé massivement l’idée d’une autonomie lors d’un premier référendum, les électeurs de Guyane et de Martinique ont approuvé à une forte majorité, en janvier 2010, la refonte du département et de la région en une seule entité. Où en est-on de ce processus, alors même que le Parlement a voté les textes relatifs à ces évolutions, et alors que le Conseil constitutionnel a validé ces dispositions en juillet 2011 ? La métropole se doit de veiller attentivement à ces évolutions, qui pourraient servir d’exemples pour d’autres collectivités.

Le dispositif de défiscalisation « Girardin » permettant de bénéficier d’une réduction d’impôt en cas d’investissement immobilier outre-mer est épargné par le projet de loi de finances pour 2013. C’était un engagement de François Hollande. Toutefois, avec les sérieux coups de rabots portés aux niches fiscales, pensez-vous que cet engagement pourra être tenu sur la durée du quinquennat ?

Lors de la discussion de la récente loi sur la régulation économique outre-mer, plusieurs de mes collègues, Daniel Gibbes, Didier Quentin et Catherine Vautrin, ont regretté la précipitation dont vous faisiez preuve, car le bilan fiscal de la LODEOM n’avait pas été tiré. Selon vous, le rapport de M. Bartolone et M. Yanno avait rempli cette mission ; or il s’agissait d’un rapport d’application de la loi, et non de contrôle en opportunité. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP se permet de vous poser à nouveau la question : quelles véritables conclusions économiques et fiscales pouvons-nous tirer, pour l’avenir de nos outre-mer, de la LODEOM ?

C’est en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie que l’on constate les plus grands écarts de prix : il est dommage que le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer ne traite pas de la situation de ces deux collectivités.

À Mayotte, cent-unième département français depuis 2011, il a fallu achever l’état civil, et donc l’identification de la population mahoraise. Cette question est-elle aujourd’hui derrière nous, ou des progrès doivent-ils encore être faits ?

René Dosière et Didier Quentin ont maintes fois pointé l’enjeu crucial que constitue également pour Mayotte la lutte contre l’immigration clandestine, ce qui ne peut aller sans conclusion d’accords bilatéraux avec les Comores, mais pas non plus sans une politique judiciaire et pénitentiaire adaptée.

Mayotte voit en effet la persistance d’une forte immigration illégale – peut-être 50 000 à 60 000 personnes par an. Cela coûte à l’État, chaque année, 50 à 70 millions d’euros. À cet égard, où en est la construction du nouveau centre de rétention administrative de Mayotte ? Un renforcement des moyens nautiques et aériens des services de l’État est-il prévu ? À l’heure actuelle, un seul hélicoptère se trouve sur place, et il est actuellement indisponible pour un mois.

D’autre part, pouvez-vous nous donner des précisions sur l’action du groupe d’intervention régionale (GIR) de Mayotte, alors que celui-ci a défrayé récemment la chronique ? Ne serait-il pas utile de créer un service régional de police judiciaire dans le ressort de la cour d’appel de La Réunion ?

En matière de justice, l’état des prisons laisse pour le moins à désirer ; la maison d’arrêt de Majicavo connaît une très forte surpopulation. Un projet d’agrandissement était prévu pour 2014, afin de mettre en conformité le nouvel établissement avec les dispositions de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Ce projet est-il bien en cours ?

Afin d’assurer sur l’île la stabilité effective de la justice, envisagez-vous la construction d’une cité judiciaire, afin d’améliorer les conditions de travail des magistrats, et prévoyez-vous de mettre en place à Mayotte, à moyen terme, une cour d’appel en lieu et place de la chambre d’appel détachée de la cour d’appel de La Réunion ?

Une inspection du ministère de la Justice a été dépêchée pour mettre un terme à des dysfonctionnements au sein du tribunal de grande instance. Avez-vous déjà connaissance des conclusions préliminaires de cette mission ?

Sur le plan de l’éducation, quels sont les engagements de l’État en matière de construction de collèges et de lycées, alors que pas un seul euro n’a été fléché pour édifier des établissements scolaires du second degré ? Comment le Gouvernement entend-il mettre en œuvre la fiscalité de droit commun, initialement fixée en 2014, dans les collectivités locales mahoraises ?

Mme Éricka Bareigts. Je veux saluer l’effort du Gouvernement en faveur des collectivités ultramarines : malgré le contexte difficile, il tient parole et accompagne les outre-mer.

La crise internationale a rendu nos territoires plus fragiles et plus vulnérables encore, et ce que le reste de la France considère comme une situation d’urgence est notre lot quotidien depuis de nombreuses années.

Pour autant, nous ne voulons pas nous apitoyer sur notre sort. Nous avons déjà réalisé en soixante ans, à marche forcée, ce qui a souvent pris des siècles dans l’Hexagone. Ainsi, nous avons accompli des progrès immenses en matière de soins, d’éducation, de qualité de la vie. Cela dit, nous partions de pas-grand-chose, si ce n’est de rien. Il reste toutefois énormément à faire, comme le montrent tous les indicateurs socio-économiques.

Ce budget témoigne d’une vraie ambition pour l’outre-mer, une volonté véritable de briser le plafond de verre auquel nous continuons de nous heurter et qui empêche de faire évoluer les indicateurs. À périmètre constant, les crédits de paiement de la mission « Outre-mer » sont en hausse de 5 %. Cette mission est l’une des seules dont les crédits sont en augmentation : les outre-mer constituent donc bien l’une des grandes priorités du Gouvernement, à côté de l’enseignement, de la justice, de la sécurité et de l’emploi. Ainsi, les crédits consacrés à l’investissement outre-mer augmentent de plus de 40 % en autorisations d’engagement. De même, les exonérations fiscales sont maintenues, comme le président de la République s’y était engagé : c’est même l’un des deux seuls avantages fiscaux qui échappent aux efforts demandés.

Enfin, dans ce contexte de crise, nous nous réjouissons de l’augmentation de 2 % des transferts de l’État au budget de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM), alors que, dans le même temps, ses autres sources de subventions se tarissent. Je ne peux que saluer un effort qui permettra de financer non seulement la formation, mais aussi la continuité territoriale, malgré le recul des financements des autres partenaires.

Cette nouvelle approche des outre-mer consiste aussi à fixer les objectifs à atteindre. Par exemple, une insertion des jeunes dans l’emploi à 80 % en 2015 pour les bénéficiaires du service militaire adapté (SMA), et à 70 % pour ceux ayant bénéficié des services de la LADOM. Ou encore un taux de mobilité dans le parc de logements sociaux à hauteur de 9 %, soit une amélioration de 40 % par rapport aux résultats actuels.

Il s’agit de rendre plus efficace chaque euro public consacré aux DOM, comme le montrent les indicateurs sur le coût des passeports mobilité ou l’effet multiplicateur des subventions d’investissement du programme « Conditions de vie outre-mer ».

Nous avons compris l’urgence de rendre rapidement efficientes les politiques publiques sur nos territoires d’outre-mer. Votre premier budget leur donne déjà des signes très forts, monsieur le ministre : nous le voterons, car il répond aux attentes des populations ultramarines.

M. Jean-Paul Tuaiva. Monsieur le ministre, je voudrais d’abord faire observer que vous n’avez pas répondu à toutes les questions de M. Dosière, notamment sur la date des élections, sur l’emprunt octroyé par l’Agence française de développement (AFD), et sur le plan de relance pour la Polynésie française.

Monsieur le ministre, actuellement, un certain nombre de projets en cours d’achèvement sont remis en cause, notamment en raison de la baisse du taux du crédit d’impôt dont ils bénéficiaient. Par conséquent, le tourisme risque de subir des pertes d’emplois considérables, alors qu’il constitue la première ressource économique de la Polynésie. Si ce secteur nous a rapporté plus de 50 milliards CFP en 2004, soit 450 millions d’euros, ce montant est tombé à 36 milliards CFP aujourd’hui, environ 300 millions d’euros.

Nos communes détiennent de nouvelles compétences, notamment en matière de traitement des déchets, de potabilité de l’eau et d’assainissement. Or, alors que le fonds intercommunal de péréquation (FIP) est alimenté à hauteur de 17 % des recettes du territoire, la quote-part de l’État dans ce fonds est à peu près de 10 %, soit environ 9 millions d’euros sur une enveloppe de 100 millions par an. Il serait plus juste que l’État participe au moins à hauteur de 50 %, soit 50 millions d’euros. Les maires sont en effet très démunis, au point de tirer la sonnette d’alarme.

Pour illustrer la situation économique dans laquelle se trouve notre territoire, je me permettrai de rappeler quelques chiffres. Alors que, en 2006, notre PIB était estimé à 536 milliards CFP, soit 4,5 milliards d’euros, il n’était plus en 2011 que de 465 milliards CFP – 4 milliards d’euros –, soit une régression de plus de 13 %. Depuis 2008, nous avons perdu plus de 11 000 emplois et, depuis 2006, l’endettement a quasiment doublé. Quant à notre régime de solidarité, il enregistre aujourd’hui plus de 70 000 bénéficiaires, contre 35 000 en 2006, cette augmentation touchant la moitié des jeunes de moins de trente ans. Par ailleurs, tous les chefs d’entreprise de Polynésie rencontrent des difficultés à relancer leur activité par manque de trésorerie. Une enveloppe spécifique avait été mise en place en 2009 et en 2010 pour renforcer la trésorerie des entreprises.

En septembre dernier, le président de la République a fait des annonces sur la transition énergétique, mais il est important de savoir ce qu’il en sera pour l’outre-mer, en particulier pour la Polynésie.

En conclusion, monsieur le ministre, plus qu’un choc de compétitivité, c’est un choc économique et social dont a besoin la Polynésie.

Mme Annick Girardin. Dans un contexte budgétaire contraint, nous ne pouvons que nous féliciter de l’augmentation des crédits de ce budget – qui a souffert ces dernières années. C’est un signe fort adressé à l’outre-mer par le Gouvernement : il a pris conscience du retard pris par nos territoires en matière de logements, d’assainissement, de traitement des déchets – ces derniers sont encore brûlés à ciel ouvert à Saint-Pierre-et-Miquelon ! Le Gouvernement l’a compris : nous avons besoin d’un véritable plan Marshall. Malheureusement, un certain nombre de nos collègues choisissent ce moment pour remettre en cause la défiscalisation.

À ces collègues, je réponds que les sommes en jeu s’élèvent à 1 milliard d’euros – je rappelle à ce sujet que la baisse de la TVA sur la restauration coûte 3 milliards d’euros –, ce qui n’est pas sans conséquences en termes de retombées économiques pour les outre-mer. Il faut savoir que 60 % à 80 % des investissements réalisés outre-mer restent sur place au bénéfice des petites entreprises ! Et c’est bien parce qu’il y a des barrières à ne pas franchir et que Bercy procède à des contrôles que certains scandales ont pu être dénoncés.

Nous devons mener un combat pédagogique sur la défiscalisation. Faute de quoi nos électeurs ne nous comprendront plus lorsque nous les assureront de la volonté du Gouvernement d’aider leurs territoires. À nos collègues qui font partie de la délégation aux outre-mer, mais qui ne sont pas des élus ultramarins, je lance un appel : « Venez-nous aider dans ce combat, sinon cela n’a pas de sens de faire partie de la délégation ».

M. le ministre. Je remercie M. Letchimy, pour la présentation de cette mission, ainsi que l’ensemble des rapporteurs.

Je tiens également à remercier M. le président de la commission des Affaires économiques et Mme la rapporteure Ericka Bareigts pour le vote de la loi portant régulation économique outre-mer – sans oublier M. Letchimy qui intervenait au nom du groupe SRC sur ce texte. J’associe également à ces remerciements M. le président de la commission des Lois et M. Bernard Lesterlin, rapporteur pour avis de ce texte. C’est notamment grâce à eux qu’un texte de qualité a été adopté ce matin en commission mixte paritaire – et j’espère qu’il sera promulgué le plus rapidement possible. Bref, je remercie tous ceux qui ont œuvré pour que ce texte aboutisse.

En ce qui concerne la part dédiée à l’habitat indigne, je ne peux vous indiquer un montant, mais le Gouvernement sera très vigilant. J’attends la publication du décret. L’arrêté fixant le barème de l’aide financière pose difficulté car si les plafonds sont maintenus, le dispositif ne sera pas attractif et la loi perdra de son efficacité. Nous souhaitions un plafond d’aide rehaussé à 40 000 euros pour les personnes physiques et à 20 000 euros pour les personnes exerçant une activité commerciale – au lieu, respectivement, de 25 000 et 12 500 euros actuellement. L’opération devrait coûter, me dit-on, entre 20 et 25 millions d’euros sur la base d’une tranche opérationnelle de 400 logements en 2013. Une réunion interministérielle devrait nous permettre d’obtenir une réponse le plus tôt possible : je ne désespère pas de convaincre mes collègues de Bercy sur la nécessité de relever le défi du logement dans nos régions, où plus de 100 000 habitations doivent être construites. Avant ma nomination au ministère, je me suis battu avec vous sur ces bancs pour obtenir la sanctuarisation de la LBU. Ce sont les députés de La Réunion, et je les en remercie, qui ont appelé à l’urgence de ne pas toucher à la défiscalisation du logement social, dont l’efficacité a été démontrée, comme le mentionne le rapport Doligé-Patient. La sanctuarisation de la LBU fait donc partie de nos objectifs. En réunion interministérielle hier, il a été décidé que la loi dite Duflot comporterait un dispositif outre-mer. Ainsi, le principe est acquis qu’un dispositif Duflot remplacera le Scellier outre-mer et le Scellier intermédiaire.

Le « SMA 6 000 » ne sera effectif qu’en 2015 car nous n’avons pas pu intégrer dans le budget de fonctionnement toutes les formations que nous souhaitions. En revanche, en termes d’investissement, les autorisations d’engagement, même si elles sont en diminution, permettront de financer l’ensemble des engagements contractés. En outre, nous avons inscrit de nouvelles autorisations d’engagement pour financer des opérations de modernisation des infrastructures. J’ajoute qu’un programme géré par Bercy prévoit d’affecter une somme de 3,5 millions d’euros au SMA.

S’agissant du fonds exceptionnel d’investissement (FEI), Bercy nous proposait, sur la base de l’engagement du président de la République de 500 millions sur cinq ans, rien en 2013 et une accélération en 2014. J’ai préféré, et le Premier ministre a tranché dans ce sens, l’inscription de 50 millions dans ce budget. Certes, la loi de programmation ne traduit pas encore l’ensemble de cet effort, mais nous sommes d’accord sur le volontarisme qu’il faut y imprimer.

Ce scénario démontre le retour de l’État. Souvenez-vous : face aux émeutes sociales, aux grèves insurrectionnelles, l’État est resté l’arme au pied, inerte, en raison de contraintes juridiques qui ont empêché le déclenchement d’une action publique pour lutter contre la vie chère. Je ne veux pas que cette situation se reproduise, et j’espère que la belle loi votée en commission mixte paritaire donnera à l’État les moyens de ses ambitions.

S’agissant de l’aide au fret et à la rénovation hôtelière, 9,5 millions d’euros ont été inscrits. Cette somme est, hélas, conforme au niveau de consommation des crédits, car jamais les 17 millions inscrits depuis plusieurs années n’ont pu être consommés – 6 millions le seront cette année. Nous nous sommes donc donné une marge de manœuvre. Il faudra, j’en conviens, alléger les procédures permettant d’obtenir cette aide.

J’aurai du mal à vous répondre sur la tarification du solaire photovoltaïque. Dans ce secteur dynamique, la défiscalisation, le crédit d’impôt pour les ménages et les entreprises, la tarification du raccordement au réseau public pendant vingt ans, toutes ces mesures ont été « cassées ». Certes, il convenait de corriger les effets d’aubaine de ces mesures, mais ce coup d’arrêt a fait perdre à nos territoires des milliers d’emplois. Nous avions demandé à l’époque au ministre de l’Économie et des finances, M. Baroin, la mise en place d’une commission ad hoc, dont le rapport n’a jamais été rendu public. Avant de changer un dispositif qui a prouvé son efficacité, prenons le temps de l’évaluation.

En ce qui concerne la loi sur la régulation économique, nous avons pris des engagements pour la production locale. Je viens d’annoncer à des fédérations d’entreprises et d’entrepreneurs que la prochaine étape sera la loi de modernisation agricole. J’espère également que nous pourrons mener ensemble la réforme de l’octroi de mer, pour rendre le dispositif plus efficace et moins inflationniste.

Monsieur le député Marie-Jeanne, Christiane Taubira serait mieux à même de vous répondre sur l’accès au droit et l’aide aux victimes. C’est vrai, il y a des difficultés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte s’agissant des conseils départementaux de l’accès au droit. Il faudra y remédier. Je ne vous cache pas que les groupements d’intérêt public (GIP) fonctionnent mal, certains partenaires membres de GIP gérant les conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) ne respectant pas toujours leurs engagements.

Il faudrait certainement s’adresser aux barreaux pour leur demander, notamment à Mayotte, pourquoi les avocats refusent l’aide juridictionnelle. C’est un vrai sujet. Je demanderai à mes services d’étudier cette question. L’absence d’avocats à Saint-Laurent-du-Maroni impose de trouver un dispositif incitatif, qu’il nous faudra sans doute élaborer en lien avec le barreau de la Guyane.

En ce qui concerne la carte judiciaire, les choses se passent plutôt bien – c’est le cas en Guadeloupe –, mais nous allons examiner le problème de l’allongement des délais qui résulte de l’absorption du tribunal d’instance du Lamentin par celui de Fort-de-France, en Martinique. Je ne vous cache pas que la révision dans la précipitation des différentes cartes – judiciaire, militaire, scolaire… –, placée sous le label « RGPP », a été une manière astucieuse de cacher le retrait de l’État ; chez moi, tout cela a été qualifié du joli nom de « développement endogène ».

Monsieur Dosière, pour la Nouvelle-Calédonie, les transferts de compétences sont opérés dans le respect des échéances, soit avant juillet 2013 – les derniers sont prévus dans la loi portant régulation économique outre-mer. Nous attendons que la Nouvelle-Calédonie demande à exercer de nouvelles compétences – je crois que c’est notamment le cas en matière d’enseignement supérieur.

Le comité des signataires abordera la question de la vie chère, à la demande de certains parlementaires et du président Harold Martin. Je serai présent en Nouvelle-Calédonie lors de sa réunion du 6 décembre, qui sera présidée par le Premier ministre.

Tous les transferts de compétences se feront, certes à marche forcée car un grand nombre d’ordonnances doivent être prises, mais les services sont très mobilisés sur ces questions.

S’agissant de la Polynésie, il faut donner à l’INSEE – qui reste compétent pour le recensement démographique et pour toutes les autres données statistiques – les moyens nécessaires pour aider l’institut statistique de la Polynésie. Lors de la discussion de la loi contre la vie chère, vous vous êtes heurtés à un défaut d’information, les comptes des entreprises n’étant pas publiés dans les outre-mer. Cette méconnaissance statistique de la réalité économique et sociale est un vrai problème, qui se pose d’ailleurs dans tous les outre-mer et qui devra être résolu. Moi-même, avant d’être ministre, j’avais passé des contrats avec l’INSEE pour avoir une meilleure connaissance des filières.

Le Premier ministre a tranché pour les élections territoriales : le premier tour aura lieu le dimanche 21 avril et le deuxième tour, le dimanche 5 mai 2013. Ces dates tiennent compte du calendrier des vacances scolaires, mais la loi organique est respectée.

Pour les besoins d’investissement en Polynésie française, nous avons débloqué 16 millions sur les 50 millions de la loi de finances initiale pour 2011. Le 29 octobre, nous rencontrerons le président Oscar Temaru et l’Assemblée pour, je l’espère, solenniser un accord de redressement. La situation économique est difficile, mais je ne veux pas montrer du doigt les responsables, même si les mesures qui ont été prises avant mon arrivée au ministère sont lourdes de conséquences. Nous avons décidé de reprendre le dialogue avec les autorités polynésiennes et de demander à l’AFD d’autoriser un nouveau prêt de 50 millions d’euros.

Je ne vous cache pas que la dotation globale pour le développement économique (DGDE), qui s’élève à 151 millions et dont la dernière tranche s’intitule « le troisième instrument » me pose problème ! L’État, en voulant gêner des élus, a créé la morosité et a été fauteur de crise. À Wallis-et-Futuna, l’électricité est six fois plus chère que dans l’Hexagone ! Il faut trouver une solution, car nous ne pouvons pas abandonner les 13 500 Français qui sont victimes de décisions politiques. Ce sera la même chose pour Saint-Martin. Il y aura un retour de l’État dans ces territoires.

Monsieur Fruteau, je partage votre avis, la défiscalisation n’est pas un cadeau, un outil d’évasion fiscale, elle est un outil de financement de l’investissement. Il faut mettre à profit cette période de transition pour évaluer le dispositif. J’espère que vos collègues de la commission des Finances le comprendront. Christian Eckert a raison : nous devons faire preuve de courage politique. Mais il nous faut aussi trouver une solution dans le sens des intérêts des territoires, où je ne veux pas voir le chômage et la déshérence augmenter davantage.

Monsieur Verchère, les textes relatifs aux évolutions institutionnelles de la Martinique et de la Guyane seront appliqués. J’ai d’ores et déjà écrit à l’ensemble des parlementaires et aux présidents des collectivités pour les informer que les municipales devraient être maintenues en 2014 et que les cantonales et les régionales devraient être repoussées en 2015, mais j’ai engagé une consultation pour connaître la position des uns et des autres.

M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis. Vous outrepassez vos droits !

M. le ministre. C’est le devoir du Gouvernement de consulter. Veut-on rester dans un calendrier national et respecter la loi telle qu’elle a été votée avec une autre majorité parlementaire ? Ou veut-on répondre à des demandes qui s’expriment ? Je ne déciderai pas seul. S’il y a un consensus, je le respecterai. Dans le cas contraire, l’État prendra ses responsabilités, et la majorité actuelle exercera un leadership éclairé.

Nous ne souhaitons pas toucher au dispositif Girardin, en tout cas pas pour 2013. Si ce devait être le cas, des compensations devraient être trouvées.

Le rapport sur la LODEOM était bien un rapport d’application, comme c’est le cas pour toutes les lois votées : six mois après l’adoption d’un texte, le rapporteur de ce texte et un membre de l’opposition rédigent un rapport d’application. Cela dit, la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer va être activée pour évaluer la LODEOM, qui, on le sait déjà, n’a pas été appliquée. Elle a été votée en 2009 après les grands mouvements sociaux, mais c’est seulement fin 2011 que certains décrets ont été pris, tandis que d’autres ne le sont toujours pas, non plus que certaines circulaires, sachant que celles qui l’ont été devraient être revues. Vous le voyez : un important travail reste à faire. Mais il fallait auparavant décider d’autres dispositifs, ce que nous avons fait dans la loi portant régulation économique outre-mer.

Les plus gros écarts de prix sont effectivement observés en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie mais, curieusement, les prix les plus élevés sont des prix administrés, ce qui prouve l’échec d’une économie totalement encadrée. Des leçons doivent en être tirées. C’est la raison pour laquelle, à condition que le Gouvernement et les élus néo-calédoniens le souhaitent, nous envisagerons peut-être la création une autorité indépendante de la concurrence, dans le cadre de la réunion du comité des signataires.

Mayotte devra définir une trajectoire de compétitivité. En effet, le 1er janvier 2014 verra l’application intégrale du code général des impôts et l’accès au statut de région ultrapériphérique de Mayotte qui bénéficiera, durant une période de cinq ans, de 450 à 500 millions en provenance de l’Europe, raison pour laquelle nous avons revu les horizons prévisionnels de programmation.

S’agissant de l’état civil, les choses se passent plutôt bien, mais il faut rester vigilant. Dans le cadre de la loi portant régulation économique outre-mer, nous avons pris l’engagement de tenir compte du défi migratoire au travers de l’extension à Mayotte de l’ordonnance relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers – sujet que connaît bien Bernard Lesterlin.

La construction d’un centre de rétention à Mayotte est confirmée. Les crédits sont prévus à cet effet.

La question de l’action du groupement d’intervention régional (GIR) de Mayotte et l’état des prisons sont des sujets portés par Mme la garde des Sceaux. La situation des établissements pénitentiaires dans nos régions est difficile et nécessite l’engagement de sommes considérables – mais c’est également le cas dans le secteur social, médico-social ou sanitaire.

Monsieur Tuaiva, je n’ai pas compris votre question sur les projets touristiques qui seraient en panne en raison de la remise en cause des cofinancements. Mais il est vrai qu’un certain nombre de points devront être revus dans le cadre de la rénovation hôtelière. En tout cas, je n’ignore pas la conjoncture compliquée à laquelle est confrontée la Polynésie, en particulier la question du désenclavement aérien.

M. Jean-Paul Tuaiva. Le montage financier a été basé sur l’année de référence, et l’aide fiscale est aujourd’hui remise en cause car les travaux ne sont pas achevés.

M. le ministre. Nous vous proposons un diagnostic de la doctrine administrative de Bercy, notamment du bureau des agréments. J’espère que les parlementaires pourront se saisir de ce sujet.

S’agissant du fonds intercommunal de péréquation (FIP), je ne suis pas sûr que vous pourrez obtenir 50 %, mais il est certain qu’il faut tenir compte de la situation financière difficile des communes polynésiennes. Nous n’ignorons pas les pertes d’emplois, la morosité, la situation du régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF). Nous étudions ces questions.

Je remercie Annick Girardin de ses propos sur la défiscalisation. J’aimerais qu’un plus grand nombre de parlementaires prennent conscience que ce dispositif est au service d’une réalité humaine. Mais si l’on arrive à trouver un autre financement, je serai le premier à applaudir des deux mains.

Enfin, je remercie Mme la rapporteure Ericka Bareigts qui a porté avec nous une belle loi. Ce faisant, le Gouvernement a tenté de répondre à l’urgence. Pour ma part, je m’efforce de faire au mieux avec la feuille de route qui m’a été assignée par le Premier ministre.

Mme Chantal Berthelot. Monsieur le ministre, vous avez modifié l’ordre des choses, et je reconnais là votre combativité. Certes, ce budget est en hausse, conformément aux engagements du président de la République et du Premier ministre. Mais permettez-moi de vous dire une chose : à situation inégale, réponse inégale. La réponse inégale consiste à prendre en compte les spécificités dont souffrent les outre-mer, où la vie de certaines populations est digne de celles de pays du tiers-monde. J’aimerais que la presse s’en fasse l’écho en venant constater chez nous les situations d’inégalité en termes d’accès à la santé, d’accès au droit, de scolarisation… Cela permettrait peut-être à certains journalistes de tempérer leur jugement sur la défiscalisation qui, pour l’instant, est une nécessité, même si elle ne correspond pas à nos valeurs.

Monsieur le ministre, la Guyane attend que vous vous atteliez à trois dossiers pour l’année 2013 : la réforme du code minier – il s’agira de fixer les conditions d’exploitation des mines de la Guyane, notamment celles d’hydrocarbures ; la loi d’orientation agricole – nous attendons des décisions claires sur le foncier ; le protocole APA (accès aux ressources et partage des avantages), obtenu grâce à l’accord de Nagoya et qui, selon la ministre Delphine Batho, devra être décliné en droit français, en espérant que le Gouvernement saura faire preuve de combativité, de clairvoyance et de courage politique.

M. Bernard Lesterlin. Monsieur le ministre, l’adoption en commission mixte paritaire ce matin du premier texte qui touche vraiment aux structures de l’économie des outre-mer est pour moi un signe de considération à l’égard de l’outre-mer après une décennie de désengagement de l’État au profit d’un hypothétique « développement endogène ». Même s’il ne fait pas de miracles, vous pouvez présenter ce budget la tête haute car il inverse la tendance. Je tenais à vous en féliciter.

En ce qui concerne le financement du logement social, nous allons nous mettre au travail. Mais je voudrais vous faire part de ma conviction : en cette matière, il serait totalement irresponsable, après des années de crise et l’état des besoins en matière de logement social, de reculer d’un cheveu en 2013 sur la défiscalisation. Soyons responsables jusqu’au bout, même si nous savons que d’autres solutions de financement devront être trouvées.

La jeunesse de notre pays est une priorité du président de la République, mais cette priorité est vitale pour nos outre-mer, pour lesquels nous devons faire preuve d’imagination, voire d’adaptation des dispositifs. J’évoquerai quelques pistes. Monsieur le ministre, ne faut-il pas changer de braquet pour le SMA, même dans la perspective du « SMA 6000 » ? L’introduction des emplois d’avenir – qui sont des emplois salariés – ne risque-t-elle de concurrencer, voire de tuer, le jeune service civique – un engagement citoyen indemnisé –, particulièrement adapté à l’outre-mer ? Une version adaptée des contrats de génération ne devrait-elle pas être imaginée, pour permettre à des jeunes ultramarins de profiter de l’expérience de leurs aînés et d’entrer dans la vie active ? Enfin, une version locale de la banque publique d’investissement (BPI) ne devrait-elle pas être mise en place afin d’aider les jeunes qui ont des projets à pouvoir démarrer leur propre activité avec un minimum de capital ?

Les membres de la délégation aux outre-mer sont tous déterminés à vous aider à avancer dans vos réflexions.

M. le ministre. Je remercie Mme Berthelot pour ses propos.

S’agissant de la formule « à situation inégale, réponse inégale », je rappelle que la Cour de justice des Communautés européennes – devenue depuis Cour de justice de l’Union européenne – considérait qu’il y a discrimination lorsque l’on traite de manière différente une situation identique ou que l’on traite de façon identique des situations différentes. C’est tout à fait cela ! La fiscalité de l’Île-de-France ne peut être appliquée à l’identique à Fort-de-France ou Mamoudzou car il convient de tenir compte des réalités territoriales. À situation différente, solution différente, c’est le fond de l’article 73 de la Constitution et de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

À ce jour, nous ne sommes pas encore tout à fait parvenus à savoir où placer le curseur. M. Letchimy y travaillera tout comme Mme Nathalie Infante, au sein de mon cabinet, dont la mission est de définir avec l’Espagne et le Portugal un Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) autres qu’agricole. Bonne nouvelle : hier soir, M. le ministre Cuvillier a pratiquement obtenu un POSEI pêche pour les régions ultrapériphériques (RUP).

Il conviendra également d’approfondir la question du POSEI bois – la filière bois étant particulièrement importante pour la Guyane – mais également celle du tourisme ou des énergies renouvelables. Tout cela sera difficile à réaliser puisqu’il faudra convaincre Bruxelles – Commission, Parlement et Conseil européens réunis.

Dans le cadre de la « division du travail » que nous avons définie, M. le ministre Le Foll portera la loi de modernisation agricole mais je me chargerai plus précisément du volet outre-mer. D’ici là, nous organiserons une belle concertation en amont avec vous, parlementaires mais aussi avec les élus des collectivités ainsi qu’avec les organisations socioprofessionnelles.

Mme la ministre Delphine Batho a annoncé le 11 juillet dernier devant la commission du Développement durable la mise en place d’un groupe de travail afin de réformer le code minier. Hier, en conseil des ministres, j’ai évoqué avec Mme la garde des Sceaux la possibilité d’y inclure des infractions nouvelles ; nos cabinets respectifs ont encore quelques différences quant à leur définition mais nous avançons.

J’ajoute que, en Guyane, nous avons un différend avec le conseil régional, lequel a introduit, avant notre arrivée au pouvoir, un recours visant à contester le schéma départemental de l’organisation minière (SDOM) élaboré par l’ancienne majorité en raison d’une concertation insuffisante. Nous aviserons mais, comme le président de la République s’y est engagé lors d’un déplacement en Guyane, une remise en cause est possible. Je rappelle aussi que des associations contestent les arrêtés préfectoraux pour les permis exclusifs de recherche. Tous ces éléments permettront d’alimenter la réflexion sur la réforme du code minier.

S’agissant de l’accord de Nagoya et du protocole APA, un problème de droit constitutionnel se pose puisque nous ne reconnaissons pas les communautés traditionnelles et les peuples premiers – d’où la difficulté que nous rencontrons pour ratifier la convention de l’Organisation internationale du travail (OIT). Sur le fond, le Gouvernement est d’accord mais nous devrons trouver une solution.

Je remercie M. Lesterlin de ses propos. J’en suis convaincu, si nous parvenons à mettre en œuvre de bonnes réformes rapidement, cela constituera un bon signal pour les outre-mer. Oui, aller vite et, je l’espère, faire bien constitue un bon signal. Merci d’avoir dit que l’on ne devait pas reculer d’un cheveu s’agissant du financement du logement social et que toute nouvelle solution doit tenir compte de l’urgence des besoins, de leur ampleur et de la nécessité de répondre aux attentes de nos compatriotes.

En ce qui concerne la jeunesse, nous pouvons en effet « changer de braquet ». J’ai fait du SMA une priorité, mais nous avons besoin de crédits supplémentaires même si nous avons veillé à ce qu’il soit doté au mieux. Il serait de bonne politique, même si cela coûterait cher, de le généraliser dans l’Hexagone. Certes, les établissements publics d’insertion de la défense (EPIDe) peuvent avoir leur utilité, mais le SMA, en ce qu’il permet aux jeunes d’acquérir un savoir-être et un savoir-faire, est formidable. J’ai vu le groupement SMA de Mayotte, je sais ce qui se fera demain dans celui de Saint-Martin. Avec un taux de 75 % à 76 % d’insertion, les jeunes qui sortent de cette structure sont très sollicités par les entreprises en raison des métiers et des valeurs qu’ils y apprennent.

Sans doute serait-il en effet utile de mieux articuler le service civique et les emplois d’avenir mais ce ne sont peut-être pas les mêmes segments ni les mêmes publics qui sont concernés. De plus, un problème de compatibilité et de concurrence peut se poser pour avoir insuffisamment pensé leur cohabitation.

M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, M. le président Urvoas et moi-même vous remercions très chaleureusement de vous être prêté sans restriction à cet exercice et d’avoir su répondre avec pédagogie.

Nous vous inviterons à revenir dans le cadre d’un certain nombre de chantiers que nous avons ouverts, notamment sur les différences de prix de l’électricité. Comme je m’y étais engagé, nous constituerons un groupe de travail. J’ai affirmé en conclusion de la commission mixte paritaire de ce matin que la commission des Affaires économiques installerait dans six mois une mission de contrôle et d’évaluation de l’application de la loi. En effet, ce texte qui sera probablement adopté à l’unanimité, introduit un certain nombre de dispositions dont il ne prévoit pas la sanction en cas de non-respect. Il conviendra donc peut-être d’y remédier.

*

* *

Après le départ du ministre, la Commission examine les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2013.

Suivant l’avis de ses deux rapporteurs pour avis, la commission des Lois émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2013.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

• Ministère des Outre-mer

—  M. Claude GIRAULT, délégué général adjoint à l’outre-mer,

—  M. Rodolphe JUY-BIRMANN, chef du service des affaires juridiques et institutionnelles.

• Inspection générale des finances

—  Mme Anne BOLLIET, inspectrice générale des finances, chef de la mission d’assistance à la Polynésie française.

ANNEXE : COMPOSITION DU GOUVERNEMENT, DU CONGRÈS ET DES ASSEMBLÉES DES PROVINCES DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

La délibération n° 133 du 12 mai 2011 du congrès de la Nouvelle-Calédonie a fixé à 11 le nombre de membres du gouvernement calédonien. La répartition des sièges entre les différentes formations politiques est la suivante :

RÉPARTITION DES SIÈGES AU GOUVERNEMENT AU 30 OCTOBRE 2012

Harold MARTIN, président, et M. Gilbert TYUIENON, vice-président.

Liste Rassemblement-UMP, Avenir Ensemble – 4 sièges

Harold MARTIN

Sonia BACKES

Jean-Claude BRIAULT

Sylvie ROBINEAU

Liste Calédonie Ensemble – 3 sièges

Philippe GOMES

Philippe DUNOYER

Hélène IEKAWE

Liste Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) – 3 sièges

Gilbert TYUIENON

Anthony LECREN

Georges MANDAOUE

Liste Union nationale pour l’indépendance (UNI) – 1 siège

Déwé GORODEY

Le congrès de la Nouvelle-Calédonie est une assemblée délibérante, composée d’élus issus des trois provinces formant la Nouvelle-Calédonie : 7 membres de l’assemblée de la Province des Îles Loyauté, 15 membres de l’assemblée de la Province Nord et 32 membres de l’assemblée de la Province Sud. Il comprend au total 54 membres, dont la répartition entre les partis politiques est la suivante :

RÉPARTITION DES SIÈGES AU CONGRÈS AU 30 OCTOBRE 2012

M. Gérard POADJA, président

Rassemblement-UMP

13 sièges

Union nationale pour l’indépendance (UNI)

6 sièges

Calédonie Ensemble

11 sièges

Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS)

6 sièges

L’avenir Ensemble

3 sièges

Union Calédonienne

5 sièges

Le Mouvement de la diversité

2 sièges

Parti travailliste

4 sièges

Rassemblement pour la Calédonie

1 siège

Dynamique autochtone

1 siège

Union pour un destin Calédonien

1 siège

Union nationale pour le renouveau

1 siège

Nombre total de sièges pour les formations loyalistes

31 sièges

Nombre total de sièges pour les formations indépendantistes

23 sièges

L’assemblée de la Province des Îles Loyauté est composée de 14 conseillers provinciaux élus pour une durée de cinq ans, dont 7 sont membres du congrès de la Nouvelle-Calédonie. Seules les formations indépendantistes sont actuellement représentées à l’assemblée de la Province des Îles Loyauté.

RÉPARTITION DES SIÈGES À L’ASSEMBLÉE DE LA PROVINCE DES ÎLES LOYAUTÉ

M. Néko HNEPEUNE, président

Union Calédonienne (UC)

6 sièges

Parti travailliste

4 sièges

Union nationale pour le renouveau (UNR)

2 sièges

Dynamique autochtone - Libération kanak socialiste (LKS)

2 sièges

Nombre total de sièges

14 sièges

L’assemblée de la province du Nord est composée de 22 conseillers provinciaux élus pour une durée de cinq ans, dont 15 sont membres du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

RÉPARTITION DES SIÈGES À L’ASSEMBLÉE DE LA PROVINCE DU NORD

M. Paul NÉAOUTYINE, président

Rassemblement-UMP

1 siège

Union nationale pour l’indépendance (UNI)

9 sièges

Une province pour tous

1 siège

Union Calédonienne (UC)

8 sièges

Parti travailliste

3 sièges

Nombre total de sièges pour les formations loyalistes

2 sièges

Nombre total de sièges pour les formations indépendantistes

20 sièges

L’assemblée de la province du Sud est composée de 40 conseillers provinciaux élus pour une durée de cinq ans, dont 32 sont membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie.

RÉPARTITION DES SIÈGES À L’ASSEMBLÉE DE LA PROVINCE DU SUD

M. Cynthia LIGEARD, présidente

Rassemblement-UMP

15 sièges

Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS)

4 sièges

Calédonie Ensemble

11 sièges

L’avenir Ensemble

7 sièges

Union pour un destin Calédonien

2 sièges

Rassemblement pour la Calédonie

1 siège

Nombre total de sièges pour les formations loyalistes

36 sièges

Nombre total de sièges pour les formations indépendantistes

4 sièges

© Assemblée nationale

1 () Ce fut le cas dans l’ensemble des départements d’outre-mer en 2009, puis à La Réunion en 2010 et à Mayotte en 2011.

2 () Cf. annexe sur la composition du gouvernement, du congrès et des assemblées des provinces de la Nouvelle-Calédonie.

3 () La devise de la Nouvelle-Calédonie est « Terre de parole - Terre de partage ».

4 () L’hymne de la Nouvelle-Calédonie est « Soyons unis, devenons frères ».

5 () S’agissant des billets de banques, plusieurs modèles ont été retenus, après avis du représentant de l’Institut d’émission de l’outre-mer (IEOM).

6 () Présidé par le Premier ministre, le Comité des signataires prévu au point 6.5 de l’Accord de Nouméa veille au suivi de l’application de l’accord et participe à la préparation des textes nécessaires pour leur mise en œuvre. Il rassemble les différents signataires historiques de l’accord du 5 mai 1998.

7 () La procédure de mise en place d’un nouveau gouvernement de la Nouvelle-Calédonie comporte trois étapes prévues par la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : la détermination du nombre des membres du gouvernement par délibération du congrès (article 109), l’élection du gouvernement par le congrès au scrutin proportionnel de liste (article 110), l’élection du président et du vice-président par le gouvernement (article 115).

    Les groupes politiques représentés au sein du congrès sont tous amenés à présenter une liste de candidats pour l’élection des membres du gouvernement et à être présents au sein de ce gouvernement. Lorsqu’un membre du gouvernement cesse d’exercer ses fonctions, le candidat suivant de la liste sur laquelle celui-ci a été élu le remplace.

 Dans sa rédaction antérieure à la loi organique n° 2011-870 du 25 juillet 2011, l’article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 prévoyait que si le remplacement par un suivant de liste ne pouvait intervenir, le gouvernement était démissionnaire d’office. La démission collective de l’ensemble des membres d’une liste de candidats, en interdisant le remplacement par le suivant de liste et donc la représentation gouvernementale de celle-ci, entraînait la démission d’office du gouvernement. Cette pratique a été quasi systématique entre février et avril 2011, en vue de renverser le gouvernement, alors que l’article 121 avait été initialement conçu pour garantir la représentation gouvernementale de tous les groupes politiques présents au congrès.

Dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2011-870 du 25 juillet 2011, l’article 121 de la loi organique statutaire prévoit désormais que, si les membres démissionnaires d’une liste de candidats ne peuvent être remplacés, le gouvernement peut continuer de fonctionner en leur absence, en effectif inférieur à celui prévu par le congrès et sans représentants du groupe ayant provoqué la démission, en étant réputé être au complet.

8 () Loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie.

9 () Accord politique signé à Nouméa le 5 mai 1998 par le Gouvernement français et les représentants des principales forces politiques de l’île (FLNKS et RPCR).

10 () Lois du pays n° 2009-9, 2009-10 et 2009-11 du 28 décembre 2009.

11 () Loi du pays n° 2012-1 et n° 2012-2 du 20 janvier 2012.

12 () Note expresse tendances conjoncturelles, « La conjoncture économique en Polynésie française au 2e trimestre 2012 », n° 73, septembre 2012.

13 () La Polynésie est l’un des rares territoires français où n’existe pas d’impôt sur le revenu.

14 () Note d’étape la mission interministérielle d’assistance à la Polynésie française, juin 2010, p. 3.

15 () Ces charges sont principalement composées pour près de moitié de dépenses de transfert (fonds intercommunal de péréquation, établissements publics locaux, société d’économie mixte…) et pour près d’un tiers de dépenses de personnel. Ces dépenses sont particulièrement rigides à la baisse.

16 () Rapport de mission sur la réforme du mode de scrutin et la stabilité nécessaire des institutions polynésiennes.

17 () L’île de Miquelon est principalement constituée de la Grande Miquelon et de Langlade reliées par un isthme.

18 () De ce point de vue, la question de la délimitation du plateau continental entre le Canada et Saint-Pierre-et-Miquelon est évidemment stratégique. Voir rapport d’information (n° 1312) de M. Louis Guédon et Mme Annick Girardin, députés, au nom de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, 10 décembre 2008, XIIIe législature.