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N
° 251

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2013 (n° 235),

PAR M. Christian ECKERT,

Rapporteur Général,

Député

——

ANNEXE N° 31

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

Rapporteur spécial : M. Laurent GRANDGUILLAUME

Député

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INTRODUCTION 5

I.– LES SERVICES PRÉFECTORAUX : DES ACTEURS DÉTERMINANTS DANS LA GESTION DES BESOINS LIÉS AUX FLUX MIGRATOIRES 7

A.– L’ENJEU DE L’AMÉLIORATION DE L’ACCUEIL DES PUBLICS ÉTRANGERS 7

1.– Un alourdissement des tâches qui nuit à la fluidité du traitement des besoins 7

a) Des flux croissants pour les préfectures devenues « points d’entrée » de la demande d’asile 7

b) Le goulot d’étranglement de l’admission provisoire au séjour des demandeurs d’asile. 8

c) La réinternalisation de l’accueil des demandes de titres de séjour 9

2.– Les remèdes apportés 9

a) Le renforcement des effectifs 9

b) La rationalisation et la simplification des procédures 11

c) L’opportunité d’alléger certaines contraintes réglementaires ? 13

B.– LES PROMESSES DE L’ORGANISATION RÉGIONALE DES DISPOSITIFS D’HÉBERGEMENT 13

C.– L’ÉQUILIBRE À TROUVER ENTRE DÉCONCENTRATION ET ÉGALITÉ DE TRAITEMENT 15

a) Avantages et dérives de la déconcentration du traitement des demandes de naturalisation 15

b) Maintenir un pilotage national et trouver le bon échelon de traitement 17

II.– DES DOTATIONS QUI ESSAIENT DE CONJUGUER SINCÉRITÉ DES PRÉVISIONS ET CONTRAINTES BUDGÉTAIRES 18

A.– UN BUDGET EN PROGRESSION DANS UN CONTEXTE D’AUSTÉRITÉ 18

1.– Un nouveau rebasage des dotations de la mission 18

2.– Une politique interministérielle globalement renforcée 19

3.– Des efforts d’économie maintenus 22

4.– Des fonds européens, essentiels à l’équilibrage budgétaire des acteurs mais encore difficiles à mobiliser 24

B.– PROGRAMME 303 IMMIGRATION ET ASILE : DES DOTATIONS QUI RESTENT SOUS TENSION 26

1.– Garantie de l’exercice du droit d’asile : des prévisions incertaines malgré un important renforcement des moyens 26

a) Une demande d’asile qui devrait rester conséquente 27

b) Des moyens supplémentaires pour réduire la pression 28

c) La poursuite des travaux de rationalisation des dépenses 33

d) Les perspectives restent cependant incertaines, notamment s’agissant de l’ATA 37

2.– Circulation des étrangers et politique des visas : conjuguer simplification et sécurité 39

3.– Lutte contre l’immigration irrégulière : des priorités révisées. De nouvelles contraintes ? 41

a) La lutte contre les filières d’immigration clandestine est la première priorité 41

b) Les éloignements du territoire ne répondent plus à des objectifs chiffrés mais restent légitimes 42

c) Des encouragements au retour volontaire à repenser 43

d) La rétention administrative 45

4.– Soutien : le transfert des dépenses de personnel de la mission 48

C.– PROGRAMME 104 INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ : DES CRÉDITS QUI POURSUIVENT LEUR RÉGRESSION 48

1.– Actions nationales d’accueil des étrangers primo arrivants et de formation linguistique : une subvention réduite, peu représentative de l’ampleur prise par l’OFII 48

2.– Actions d’intégration des étrangers en situation régulière : des interventions victimes de l’austérité budgétaire 52

3.– Actions 14 Naturalisation et accès à la nationalité et 15 Actions d’intégration des réfugiés : des dotations stabilisées en légère baisse 53

COMPTE RENDU DE LA COMMISSION ÉLARGIE DU 25 OCTOBRE 2012 A 21 HEURES 57

EXAMEN EN COMMISSION 83

ANNEXE : LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 85

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Au 10 octobre 2012, 100 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial.

INTRODUCTION

Le budget 2013 « Immigration, asile et intégration » est un budget de fermeté, de responsabilité, de sincérité et de dignité pour mobiliser des moyens plus en rapport avec la réalité des besoins et qui contribueront, en outre, à un traitement plus digne des demandeurs d’asile.

La mission Immigration, asile et intégration regroupe les moyens de l’État pour maîtriser, organiser et accompagner par la politique d’intégration l’immigration légale, lutter contre l’immigration irrégulière et garantir l’exercice du droit d’asile. Elle se compose de deux programmes budgétaires : le 303 Immigration et asile et le 104 Intégration et accès à la nationalité.

Dans un contexte financier particulièrement contraint, le budget de cette mission augmente de 13 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2012 afin de mettre un terme à la sous-budgétisation insincère de ces dernières années. 670,9 millions d’euros en crédits de paiement sont ainsi demandés pour 2013 contre 593, 5 millions d’euros votés pour 2012.

Fixées à 662,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 670,9 millions d’euros en crédits de paiement, les dotations de la mission vont progresser de, respectivement, 69 et 77 millions d’euros. La plupart des crédits nouveaux sont consacrés à garantir l’exercice du droit d’asile. La France a une tradition historique d’accueil des demandeurs d’asile. Le droit d’asile est à la fois une exigence constitutionnelle et un engagement international. Afin de garantir le droit d’asile et les conditions matériels d’accueil des demandeurs d’asile, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit la création de 1 000 places supplémentaires dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile ainsi que le recrutement de 10 nouveaux agents contractuels pour l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Parallèlement, répondant aux directives d’économies du Premier ministre, la plupart des autres actions de la mission, comme son principal opérateur, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, voient leurs prévisions de dépenses sensiblement diminuer.

Le renforcement budgétaire des crédits dédiés à la garantie du droit d’asile en est d’autant plus significatif : portées à près de 597 millions d’euros en autorisations d’engagement et 605 millions d’euros en crédits de paiement, les dépenses augmenteront de 22,6 %, en hausse d’environ 82 millions d’euros par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2012.

Le budget 2013 fixe à un niveau plus cohérent avec les consommations constatées en 2011 les dotations allouées à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile et à l’allocation temporaire d’attente qu’ils reçoivent quand ils ne peuvent accéder aux centres d’accueil des demandeurs d’asile. Dépenses systématiquement et fortement sous-évaluées ces cinq dernières années.

Les autres migrants ne sont pas négligés pour autant : grâce à des réformes successives des taxes sur les titres de séjour qui lui sont affectées, l’OFII dispose de moyens consolidés. Il lui est demandé de poursuivre ses efforts de rationalisation des dispositifs dont il a la charge et d’économies sur ses dépenses de fonctionnement, mais son haut niveau d’intervention en faveur des migrants en situation régulière devrait être préservé. En 2012, ce sont près de 106 millions d’euros qui sont consacrés aux actions d’accueil et de formation des primo-arrivants, aux procédures d’immigration familiale et professionnelle et à l’accueil des demandeurs d’asile assurés par l’OFII.

Le budget 2013 « Immigration, asile et intégration » est donc un budget de vérité.

Comme le disait Jean Jaurès, « le courage c’est de dire la vérité et de lutter contre la loi du mensonge triomphant qui passe ».

I.– LES SERVICES PRÉFECTORAUX : DES ACTEURS DÉTERMINANTS DANS LA GESTION DES BESOINS LIÉS AUX FLUX MIGRATOIRES

Dans le cadre de ses pouvoirs de contrôle, le Rapporteur spécial s’est attaché à examiner l’adaptation des moyens des préfectures à la gestion des besoins suscités par les flux migratoires.

Ces services ont en effet fait l’objet d’importantes réformes ou restructurations ces dernières années, notamment dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP). Leurs missions sont désormais multiples :

– délivrance des cartes de séjour ;

– enregistrement des premières demandes d’asile, délivrance de l’autorisation provisoire de séjour et du récépissé constatant le dépôt d’une demande d’asile ;

– péréquation interdépartementale des places dans le dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile ; organisation et financement de l’hébergement d’urgence qui leur est dédié (hors dispositif Adoma) ;

– instruction et décision en matière de naturalisation ;

– prise des décisions de refus de séjour, reconduite à la frontière… ;

– appui logistique et juridique à la mise en œuvre de ces décisions via les pôles interservices éloignement ;

– enfin, organisation de la mise en œuvre des crédits à gestion déconcentrée dédiés à l’intégration des étrangers en situation régulière.

A.– L’ENJEU DE L’AMÉLIORATION DE L’ACCUEIL DES PUBLICS ÉTRANGERS

1.– Un alourdissement des tâches qui nuit à la fluidité du traitement des besoins

a) Des flux croissants pour les préfectures devenues « points d’entrée » de la demande d’asile

Sous l’impulsion de la RGPP, la régionalisation de l’admission (initiale) au séjour des demandeurs d’asile, expérimentée à compter de 2006, a été étendue depuis le 1er mai 2010 à toutes les régions de métropole, à l’exception de l’Île-de-France, de l’Alsace et de la Corse.

Cette réforme donne compétence au préfet du département chef-lieu de région pour traiter les premières demandes d’asile ou les demandes de réexamen, ce qui en fait l’unique « point d’entrée » de la région.

En parallèle, le premier accueil et l’accompagnement des demandeurs d’asile ont été réorganisés autour de plates-formes uniques, en nombre plus réduit. Depuis le 1er janvier 2010, la mise en œuvre de ces missions est placée sous la responsabilité de l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration), qui assure le pilotage des plates-formes d’accueil et la coordination du dispositif national d’accueil (DNA).

Du côté des préfectures, cette réorganisation favorise une plus grande spécialisation des agents des services des étrangers dans l’application du règlement Dublin II et permet une économie dans le déploiement des bornes Eurodac (1). Elle optimise a fortiori les quelques appareils régénérateurs d’empreintes, très efficaces mais onéreux, qu’il a été nécessaire d’installer en réponse à un phénomène croissant de fraude à l’identité par mutilation.

Mais cette réorganisation a en même temps concentré les flux sur un plus petit nombre de préfectures qui n’étaient pas toujours dimensionnées pour faire face à une demande d’asile par ailleurs croissante.

Non seulement elle a eu pour conséquence d’allonger les temps d’attente des publics étrangers, mais elle a aussi pesé sur les délais de traitement des autres demandes : en matière de titres de séjour par exemple, la délivrance d’un titre long séjour peut prendre six mois, quatre pour les autres.

b) Le goulot d’étranglement de l’admission provisoire au séjour des demandeurs d’asile.

Avant de bénéficier d’une prise en charge (accompagnement, hébergement et/ou allocation temporaire d’attente), la procédure impose aux étrangers concernés de solliciter en préfecture son admission provisoire au séjour au titre de l’asile (APS - sauf s’ils ne sollicitent que le statut d’apatrides). C’est l’occasion également de prendre leurs empreintes digitales sur une borne biométrique afin de déterminer, via le logiciel Eurodac, si, pour arriver en France, ils ont transité par un autre État – ils s’inscrivent alors dans la procédure Dublin II – ou s’ils ont déjà déposé une demande d’asile.

Dans ces derniers cas, la préfecture ne donne pas d’APS mais doit remettre une décision écrite indiquant les motifs pour lesquels l’APS n’est pas délivrée ainsi que le formulaire de demande d’asile, demande qu’elle transmet à l’OFPRA pour une instruction en procédure prioritaire.

L’APS est censée être délivrée dans les 15 jours de dépôt du dossier complet de demande d’admission au séjour – avec le formulaire de demande d’asile. Dans les 21 jours de sa délivrance, les demandeurs doivent faire enregistrer leur dossier auprès de l’OFPRA puis revenir à la préfecture avec la lettre d’enregistrement. La préfecture doit ensuite leur remettre, dans les 3 jours suivant le mois de validité de l’APS, un « récépissé constatant le dépôt d’une demande d’asile », qu’il faut faire renouveler tous les 3 mois jusqu’à la fin de la procédure.

Cependant, le Rapporteur spécial a constaté que, face à l’importance des flux et à leur croissance exponentielle sur certains territoires, le premier rendez-vous pour prendre les empreintes, donner la liste des pièces à fournir et remettre le formulaire peut prendre plusieurs semaines à partir du moment où les candidats à l’asile se manifestent. Ces délais posent un problème humain évident pour des étrangers généralement sans statut, qui ne pourront bénéficier d’un accès en centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) ou de l’allocation temporaire qu’à partir de l’enregistrement de leur dossier. Ils ont aussi un impact non négligeable sur les dépenses de l’asile car si ces « candidats » ne peuvent prétendre à une place en CADA, les organismes prévoient souvent une aide d’urgence, voire un hébergement provisoire quand il s’agit de familles. Ces délais allongent de fait la durée et le coût de prise en charge de ces publics.

c) La réinternalisation de l’accueil des demandes de titres de séjour

L’obligation européenne d’introduire la biométrie dans les titres de séjour étrangers (TSE) nécessite le déploiement d’une nouvelle application informatique, AGDREF 2, dans les préfectures. Parallèlement, cette réforme oblige à ramener en préfecture l’accueil des étrangers jusqu’alors effectué dans certaines mairies.

Ces différents éléments auront pour conséquence de générer une charge de travail supplémentaire, et donc d’accroître le temps de traitement des demandes.

2.– Les remèdes apportés

a) Le renforcement des effectifs

S’agissant au moins de la délivrance des titres de séjour, les préfets se sont attachés à mieux répartir les charges entre les préfectures et les sous-préfectures. En fonction des contraintes locales, le préfet peut décider du dispositif souhaité dans son département afin d’optimiser les conditions d’accueil de l’usager. Cette organisation est, la plupart du temps, sans incidence pour l’usager car il dépose en général son dossier de demande de titre de séjour à la sous-préfecture de son lieu de résidence qui transmet le dossier en préfecture. L’usager est ensuite convoqué pour retirer le titre, une fois disponible au guichet. Le traitement en « back office » de la demande de titre est transparent pour l’usager.

Mais plus globalement, les effectifs affectés aux services aux étrangers (programme 307 Administration territoriale de la mission Administration générale et territoriale de l’État) ont augmenté sur la période 2008-2012 d’une moyenne annuelle de + 3 %.

ETPT NATIONAUX VENTILÉS SUR LA SOUS-MISSION ANAPREF « ÉTRANGERS » DE 2008 À 2012 (1)

 

ETPT 2008*

ETPT 2009

ETPT 2010

ETPT 2011

ETPT prévisionnels 2012

AM350 Étrangers

2 366,0

2 433,5

2 497,0

2 551,3

2 666,3

AM351 Naturalisations

n.d.

432,5

473,3

468,0

468,8

AM352 Éloignement

n.d.

275,1

263,9

273,8

287,8

AM353 Séjours

n.d.

1 356,9

1 378,5

1 433,9

1 514,1

AM354 Asile

n.d.

162,3

175,6

177,7

195,9

AM355 Contentieux

n.d.

206,7

205,8

197,9

199,7

Source : BGP2-Anapref. L’ANAPREF est l’outil de comptabilité analytique des préfectures. Leurs missions sont déclinées par grands domaines d’interventions (sous-missions), eux-mêmes déclinées par catégories d’actions.

Périmètre : effectifs sous plafond d’emplois du programme 307 – France métropolitaine, DOM, St Pierre-et-Miquelon ; les autres COM ainsi que Mayotte ne sont pas comptabilisés. (1) État prévisionnel pour l’exercice 2012.

En outre, des renforts « AGDREF 2 » ont été inscrits en LFI 2012, avant même la mise en œuvre effective de la réforme. L’objectif était d’éviter les désagréments des files d’attente et de préparer au mieux la transition en limitant les stocks de dossiers en attente et en anticipant la formation pour faciliter le déploiement de la nouvelle application. 110 autorisations de recrutements ont été obtenues (par minoration des effectifs d’autres postes en préfecture) ; elles ont été réparties entre les régions en fonction des besoins. 50 ETP ont notamment été orientés vers les préfectures d’Île-de-France, ce qui permettra d’y stabiliser les effectifs en 2012.

De fait, par dérogation aux directives d’économie du Premier ministre, le niveau des effectifs des services des étrangers en préfecture devrait être préservé en 2013, voire renforcé dans certains cas par redéploiement interne.

À noter la situation particulière de la sous-direction en charge des étrangers à la Préfecture de police de Paris : chargée des migrants installés dans la capitale (attirant également des résidents des départements adjacents qui se prétendent installés à Paris pour bénéficier de délais plus rapides), elle est logiquement confrontée aux flux migratoires les plus importants de France (14 % des demandes de titres de séjour par exemple). Mais son personnel étant composé pour l’essentiel de fonctionnaires mis à la disposition par la Ville de Paris, la Préfecture de police se retrouve finalement mieux dotée en ce domaine que les autres préfectures de région par une municipalité soucieuse de lui assurer les moyens de gérer les flux avec fluidité.

b) La rationalisation et la simplification des procédures

Dans une certaine mesure, il existe autant d’exigences procédurales et réglementaires que de titres de séjour. Pour accompagner les agents des préfectures dans leur mise en œuvre, le Secrétariat général à l’immigration et à l’intégration (SGII), qui pilote les politiques de l’immigration au sein du ministère de l’Intérieur, a notamment élaboré un « guide de l’agent d’accueil des ressortissants étrangers en préfecture » composé de fiches métiers sur chaque cas de figure et chaque étape. Le SGII travaille plus globalement à développer des outils de partage et de convergence (voir infra). Malgré tout, les décisions à prendre ne peuvent se déduire simplement de quelques éléments. Au surplus, les étrangers demandent que la spécificité de leur situation propre soit prise en compte dans l’appréciation de leur dossier. Les services préfectoraux doivent apprécier au cas par cas les règles de droit, ce qui logiquement exige du temps.

D’un point de vue plus fonctionnel, des mesures de simplification et d’allégement des missions des préfectures ont été mises en œuvre pour améliorer les conditions d’accueil et d’information des usagers des « services étrangers » :

– depuis 2004 la détention d’un titre de séjour a été rendue facultative pour les ressortissants communautaires qui représentent 40 % de la population étrangère en France ;

– l’institution en 2009 du visa de long séjour valant titre de séjour (VLS/TS), étendu en juin 2011, permet à son titulaire de ne se présenter en préfecture qu’au bout de la première année de séjour, et non dans les deux mois de son arrivée. Il économise une année de cartes de séjour pour les porteurs qui en bénéficient, soit plus de 200 000 réceptions au guichet par an.

– la circulaire du SGII/DIMM du 5 janvier 2012 a apporté des orientations qui permettent de réduire la charge de travail : institution d’un récépissé de quatre mois au lieu de trois, invitation à limiter la délivrance de récépissés pour un titre en primo-délivrance etc.

Des mesures d’ordre général ont également été prises. Ainsi, sous l’impulsion de la Direction de la modernisation et de l’administration territoriale (DMAT), les services préfectoraux ont :

– modernisé les sites internet des préfectures permettant aux usagers de consulter la rubrique « étrangers » et de télécharger les formulaires de listes de pièces nécessaires au dépôt d’un dossier complet pour une première demande ou un renouvellement de titre de séjour ;

– permis, en fonction de l’organisation retenue par le préfet du département, une prise de rendez-vous téléphonique ou en ligne (10 préfectures ont mis en place ce système. 18 préfectures sont en cours d’étude pour l’organisation de la prise de rendez-vous par internet), organisé un système de pré-accueil lorsque les conditions matérielles le permettent afin d’éviter une attente inutile des usagers ;

– permis dans certains cas l’externalisation du lieu de dépôt du dossier de demande de titre de séjour, notamment pour les étudiants au sein des universités ou de certaines grandes écoles.

L’amélioration de la qualité de l’accueil des usagers en préfecture est un objectif fort donné par le Ministre de l’intérieur.

Des groupes de travail ont été constitués. De nouvelles expérimentations sont menées ; elles feront l’objet d’une évaluation avant d’envisager la généralisation de bonnes pratiques ayant montré leur efficacité :

– procédure de pré-accueil pour une meilleure orientation des usagers (en Pyrénées-Atlantiques et à Bobigny) ;

– amélioration des procédures de réponses aux questions sur l’état d’avancement de leur dossier sans déplacement en préfecture (Bobigny) ;

– séquençage dans la journée des démarches en fonction de leur nature pour fluidifier les flux (Val de Marne…) ;

– mise en place de guichets dédiés sur certains créneaux horaires pour certains titres de séjour (Val de Marne).

Ces évolutions s’inscrivent dans la démarche qualité développée plus globalement au sein des préfectures. Les approches liées au label Marianne et à Qualipref visent à améliorer la qualité du service rendu à l’usager, y compris étranger, en lui offrant un accompagnement dans sa globalité depuis la formulation de son besoin jusqu’à l’obtention d’une réponse. L’objectif est d’atteindre 75 % de préfectures certifiées ou labellisées avant la fin 2012 et 100 % à l’été 2013, ce qui demande de la part de tous les sites un investissement important.

L’effort porte notamment sur le site internet avec le développement de l’Internet Départemental de l’État, l’accueil téléphonique avec pour 15 préfectures un partenariat avec le 39-39, une meilleure prise en compte des réclamations, des courriers-courriels. Cette démarche est aussi à l’origine de travaux de restructuration des halls d’accueil et a favorisé le développement des téléprocédures qui limitent la venue sur site ou permettent une gestion des flux optimisés. De plus, la DMAT a décidé de financer des travaux liés à la qualité (signalétique, gestionnaire de files d’attente) ainsi que tous les audits pour un montant accordé de 268 000 euros. L’amélioration serait perceptible puisque le réseau préfectoral s’est classé premier dans le dernier baromètre DGME (2).

Le nouveau référentiel Qualipref apporte un focus particulier sur le public étranger en créant un module dédié.

La DMAT encourage par ailleurs la simplification des processus eux-mêmes, par la généralisation progressive de la démarche d’amélioration des process LEAN. Elle a pour but d’améliorer la qualité du service rendu aux usagers, notamment par la réduction des délais de délivrance des titres. Elle a débuté en 2009, exclusivement sur la délivrance de titres aux étrangers, pour être ensuite élargie à d’autres activités. Aujourd’hui, 70 ateliers LEAN ont été lancés sur les titres étrangers contre 32 pour les permis de conduire et 23 sur les Cartes Nationales d’Identité. 37 départements ont engagé un chantier LEAN Naturalisation, soit 67 % des préfectures les plus concernées. À l’aune de l’investissement dans l’amélioration des processus, les étrangers apparaissent comme une priorité.

Des effets sont déjà perceptibles :

– une procédure LEAN de traitement des demandes de naturalisation met 136 jours à aboutir au lieu de 158 jours ; le traitement des stocks a pris 145 jours plutôt que 191 ;

– en matière de primo-délivrance de titre de séjour, une procédure LEAN prend 94 jours au lieu de 100.

c) L’opportunité d’alléger certaines contraintes réglementaires ?

Le Rapporteur spécial relève que la période de renouvellement du récépissé constatant le dépôt d’une demande d’asile est plus courte (3 mois) que celle désormais en vigueur (4 mois) dans les cas de demande d’un premier titre par des immigrés irréguliers ou pendant l’éventuelle période transitoire entre la fin de validité d’un titre et son renouvellement. Cette fréquence accentue la charge des services préfectoraux.

Le SGII la justifie au regard des objectifs de délai d’instruction impartis à l’OFPRA. Cependant, selon les estimations du projet annuel de performance, les trois mois visés ne seront vraisemblablement pas atteints avant 2015. Il ne serait donc pas inenvisageable d’augmenter temporairement la période de renouvellement du récépissé. De fait, certaines préfectures espacent déjà leurs rendez-vous au-delà des 3 mois réglementaires.

B.– LES PROMESSES DE L’ORGANISATION RÉGIONALE DES DISPOSITIFS D’HÉBERGEMENT

Les préfets de région et leurs secrétaires généraux aux affaires régionales (SGAR) sont chargés de la programmation des financements délégués, de la tarification et du contrôle des centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA), mais aussi de la mise en œuvre de la péréquation interdépartementale des places dans ces dispositifs.

Il s’agit de désengorger les sites les plus sollicités en répartissant mieux les flux sur l’ensemble du territoire d’une même région. En effet, certains des départements disposant d'un point d'entrée et d'une plate-forme ont vu se concentrer les flux de la demande d’asile s’adressant à leur région au point de saturer leurs dispositifs de premier accueil et d’hébergement – et souvent sans obtenir le relais des autres départements moins chargés. Le Rapporteur spécial a pu lui-même constater la difficulté à mobiliser les départements au-delà du « point d’entrée ».

Une répartition nationale s’opère à la marge entre les places que les CADA doivent laisser à la disposition du SGII (en principe 30 % des places vacantes de chaque région, hors Île-de-France et Rhône-Alpes) et l’existence d’un réseau d’hébergements d’urgence géré par Adoma et coordonné par l’OFII au niveau central. Le SGII peut ainsi orienter les flux excédentaires de demandeurs d’asile considérés comme prioritaires pour un hébergement vers des places qui se libèrent dans une autre région que celle de leur enregistrement. Mais ces places sont aussi durablement occupées. En 2011, les admissions « nationales » ne représentaient plus que 7,3 % de l’ensemble des admissions contre 8,7 % en 2010.

La circulaire n° NOR IOCL1113932C du 24 mai 2011 relative au pilotage du dispositif d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile avait donc préconisé d’étendre la « régionalisation » au pilotage de leur prise en charge sociale. Il était attendu que les préfets de région (ou, a minima et le cas échéant, les préfets des départements où se trouve une seconde plate-forme d’accueil) impulsent des mécanismes de mutualisation de l’ensemble des capacités d’hébergement de leur territoire, s’agissant à la fois des places de CADA et des places d’hébergement d’urgence dédiés (HUDA). À ce titre, chaque département devrait disposer d’au moins un service de domiciliation agréé, même s’il n’est pas « point d’entrée ».

Bien que tous les territoires soient loin d’être aussi coordonnés, plusieurs SGAR ont instauré des « commissions d’orientation », « instances d’admission concertée » et autres réunions périodiques avec l’ensemble des acteurs de terrain, dans certains cas mensuelles, pour faire le point sur l’évolution des besoins et des capacités et répartir les cas prioritaires.

Cette mutualisation est censée être facilitée par le déploiement, sur l’ensemble du territoire métropolitain, de l’application informatique de l’OFII, DN@, permettant aux différents acteurs de disposer, en temps réel, des caractéristiques de l’offre et de la demande d’hébergement en CADA. Dans les faits, la limitation du logiciel aux seuls flux en CADA s’opposait à une véritable coordination des différentes solutions de prise en charge des demandeurs d’asile. Pour corriger ces insuffisances, depuis 2012, il est expérimenté dans trois régions une extension du DN@ à leurs structures d’hébergement. En tout état de cause, le renforcement du suivi par le ministère des mécanismes de solidarité nationale a permis d’augmenter fortement la proportion des admissions nationales au premier semestre 2012 puisqu'elles sont montées à 18,4 % de l'ensemble des admissions.

Parallèlement, le développement, sous l’impulsion du ministère en charge du logement, des services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) sur l’ensemble des départements, dans l’objectif de réorganiser le dispositif d’hébergement d’urgence de droit commun (ouvert à tous) et de le rendre plus efficace, est susceptible d’entraîner dans son processus les structures dédiées aux demandeurs d’asile. De fait, ces dispositifs se partagent déjà certains publics comme de nombreux opérateurs. En janvier 2011, leurs gestionnaires ont été invités à collaborer à ces SIAO par une circulaire conjointe des deux ministres. Visant à centraliser les informations sur les structures existantes comme sur les personnes accueillies dans chacune, les SIAO devraient permettre de mieux orienter ces dernières vers les structures adaptées, mais aussi de réguler l’occupation des places sur l’ensemble de leur territoire. Toutefois, cette mutualisation ne s’effectue encore qu’au seul niveau des départements où ils seront constitués.

Le Rapporteur spécial insiste lui-même sur la nécessité d’une mutualisation effective des capacités d’accueil des demandeurs d’asile aussi bien au niveau national qu’au sein d’une même région. Une péréquation plus poussée entre département d’une même région serait sans doute opportune.

Néanmoins, devant le constat de la saturation générale et durable des CADA, il lui apparaît tout aussi indispensable d’augmenter leurs capacités pour améliorer sensiblement la prise en charge des demandeurs d’asile en termes d’accueil comme d’accompagnement. À ce titre, le Rapporteur spécial salue l’initiative du ministère de l’Intérieur de créer 1 000 nouvelles places en 2013 (voir partie II.B.1).

C.– L’ÉQUILIBRE À TROUVER ENTRE DÉCONCENTRATION ET ÉGALITÉ DE TRAITEMENT

Le traitement local des procédures permet de rapprocher les services des usagers ; il s’impose quand, au niveau national, cela représenterait plusieurs dizaines, voire centaines de milliers de démarches, qui au surplus exigent des demandeurs de se déplacer. Mais cette déconcentration démultiplie les interprétations de règles complexes et sensibles et peut soulever à ce titre un problème d’égalité de traitement.

Le ministère de l’Intérieur a notamment entrepris d’élaborer une nouvelle directive pour harmoniser et objectiver les conditions pour obtenir un titre de séjour. Mais au-delà d’une marge d’appréciation inévitable face à des situations individuelles qui ne se ressemblent jamais, il est apparu par exemple que les exigences documentaires n’étaient pas homogènes d’un territoire à l’autre.

La nouvelle organisation du traitement des demandes d’accès à la nationalité française a également suscité nombre d’interrogations.

a) Avantages et dérives de la déconcentration du traitement des demandes de naturalisation

Deux catégories d'accès à la nationalité sont gérées par le ministère de l’Intérieur : les naturalisations par décret et les déclarations à raison du mariage.

Après une expérimentation menée dans 21 départements sur les six premiers mois de 2010, il a été décidé de déconcentrer aux préfectures, à partir du 1er juillet 2010, certaines procédures d’instruction et de décision en matière de naturalisation. Ainsi, les naturalisations sont toujours prises au niveau national mais sur proposition des préfets, le ministère s’assurant de leur recevabilité. Les décisions défavorables (d’irrecevabilité, d’ajournement ou de rejet) sont également prises par les préfets puis transmises à l’administration centrale, garante de l’homogénéité de la politique des naturalisations.

Cette réforme offre l’avantage d’une plus grande proximité des demandeurs. Elle a surtout permis de simplifier la procédure et de réduire nettement les délais de traitement des dossiers. Ainsi, en 2010, le délai moyen s’élevait à 331 jours. En 2012, il descendrait à 265 jours.

Mais l’on peut se demander si leur accélération ne s’est pas accompagnée d’un certain durcissement de l’instruction : certains dénoncent en effet une chute des naturalisations. De fait, on constate à compter de la mi 2011 une diminution sensible du nombre de décisions favorables à l’octroi par décret de la nationalité française.

ACQUISITIONS PAR DÉCRET DE LA NATIONALITÉ FRANÇAISE DE 2007 À 2012

Année

Demandes

Acquisitions par décret

Décisions défavorables

Taux de décisions favorables/décisions prises dans l’année

Taux de décisions favorables/nombre de demandes de l’année précédente

2007

72 973

47 318

19 394

70,93 %

-

2008

77 889

63 042

22 409

73,78 %

86,4 %

2009

93 308

63 513

30 548

67,52 %

81,5 %

2010

81 616

65 305

36 281

64,29 %

69,9 %

2011

72 221

46 479

52 855

46,79 %

56,9 %

1er sem. 2012

26 445

17 873

22 151 (1)

44,66 %

49,5 %

Source : SGII.

(1) Ou infirmés au niveau central.

Cette évolution reflète certes un ralentissement des demandes, mais elle révèle aussi une baisse de la proportion des décisions favorables. En outre, ces moyennes cachent de grandes disparités entre les préfectures. Sont-elles le résultat d’instructions moins expertes, de directives plus exigeantes ? Elles traduisent à tout le moins une moindre cohérence sur l’ensemble du territoire.

Autre source d’interrogation récurrente pour le Parlement : si le rapport annuel de performance présentait le taux de réformation pour irrecevabilité des propositions (favorables) – très faible au demeurant –, il n’y avait aucun indicateur montrant l’existence d’un contrôle central de la légitimité des rejets.

En réaction au durcissement des conditions d’accès à la nationalité opéré depuis deux ans par le précédent gouvernement, le ministre de l’Intérieur a publié, le 18 octobre dernier, une nouvelle circulaire qui prévoit d’assouplir, dans les limites de la loi, certains critères (situation professionnelle, durée de séjour minimale en situation régulière…), prône une interprétation moins restrictive dans des cas sensibles (jeunes diplômés ayant fait leur cursus en France et jeunes de moins de 25 ans résidant en France depuis au moins dix ans et ayant suivi une scolarité continue d’au moins cinq ans) ou encore exempte les personnes de plus de 65 ans de fournir une évaluation de leur français – sans remettre en cause le niveau souhaitable pour tout autre candidat.

Mais la question de la cohérence territoriale du traitement des demandes de naturalisation reste encore en suspens.

b) Maintenir un pilotage national et trouver le bon échelon de traitement

Sur tous ses champs de compétences, le SGII travaille à développer des outils de partage et de convergence. Outre le guide de l’agent chargé de l’accueil des ressortissants étrangers, il a également déployé plusieurs applications informatiques partagées avec d’autres pays ou d’autres opérateurs pour suivre les populations étrangères, voire qualifier les grandes lignes d’un dossier (telle serait l’ambition du progiciel AGDREF2). Il reste disponible aux questions qui remontent sur l’application du droit des étrangers dans son ensemble, met à jour régulièrement des fiches techniques dont la consultation est en hausse. Il forme les chefs de bureaux au droit des étrangers, organise des sessions interrégionales d’animation du réseau pour faire le point avec les responsables locaux sur les grandes problématiques dans une approche adaptée à leurs territoires, ou des réunions tests pour faire réagir quelques acteurs à de nouveaux outils...

S’agissant du traitement des demandes de naturalisation : le SGII dit avoir pris acte de la bonne assimilation par les préfectures de la procédure (attestée par un taux de réformation des décisions favorables d’à peine 0,6 % en 2011) ; il s’attache désormais à suivre le niveau de qualité juridique des décisions de refus à partir, entre autres, des réponses de l’administration centrale aux recours administratifs préalables à l’encontre de ces décisions. Un nouvel indicateur est affiché à cet effet dans le projet annuel de performances pour 2013. En 2011, le taux de réformation des décisions de refus s’élevait à une moyenne de 10 %.

Enfin, il aurait entrepris de travailler au redressement de ces résultats avec les services préfectoraux chez lesquels il a constaté un écart trop important.

Le SGII réfléchit par ailleurs à un éventuel repositionnement territorial de la prise en charge de ces dossiers : les préfectures du département de résidence des demandeurs continueraient à les recevoir et les accompagner dans la constitution du dossier. Mais l’instruction de la demande pourrait remonter aux préfectures de région pour gagner en expertise grâce à la reconcentration de cette mission et faciliter le pilotage national.

En tout état de cause, le ministre de l’Intérieur annonce une prochaine circulaire début 2013 qui dépendra, notamment, des conclusions d’une mission de l’inspection générale sur la régionalisation de l’examen des demandes de naturalisation.

II.– DES DOTATIONS QUI ESSAIENT DE CONJUGUER SINCÉRITÉ DES PRÉVISIONS ET CONTRAINTES BUDGÉTAIRES

A.– UN BUDGET EN PROGRESSION DANS UN CONTEXTE D’AUSTÉRITÉ

1.– Un nouveau rebasage des dotations de la mission

Le présent projet de loi de finances (PLF) propose de doter (3) la mission Immigration, asile et intégration de 662,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 670,9 millions d’euros en crédits de paiement. Cela traduirait une progression totale de 11,6 et 13 % (près de 69 millions supplémentaires en autorisations d’engagement et plus de 77 millions en crédits de paiement) par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale (LFI) pour 2012.

Il s’agit d’un effort budgétaire notable par son importance et parce qu’il s’inscrit à contre-courant des consignes de réduction des dépenses données par le Premier ministre.

Il vise surtout à tenir compte de la réalité des dépenses liées à la garantie de l’exercice du droit d’asile (action 2 du programme 303 Immigration et asile) qui ont été structurellement sous-évaluées pendant des années, comme la Commission des Finances et la Cour des comptes l’ont souligné à plusieurs reprises. De fait, en dépit d’une meilleure valorisation des dotations correspondantes ces dernières années, et d’efforts d’économie sur les autres actions de la mission, il fut systématiquement nécessaire de les abonder fortement en cours d’exercice.

Les dépenses d’hébergement d’urgence et d’allocation temporaire d’attente (ATA) dont peuvent bénéficier ceux qui n’ont pas accès aux centres d’accueil des demandeurs d’asile, en particulier, ont toujours largement débordé leurs estimations sur les dix dernières années. Le quasi-quadruplement des places en CADA entre 2001 et 2007 et la décélération parallèle de la demande d’asile avaient cependant fini par réduire l’écart. Mais la reprise d’une croissance accélérée de cette demande d’asile à compter de 2008 (+ 61 % entre 2007 et 2011) a de nouveau creusé le différentiel.

MONTANTS DES CRÉDITS D’HÉBERGEMENT D’URGENCE (NATIONAUX ET DÉCONCENTRÉS)

ET DE L’ALLOCATION TEMPORAIRE D’ATTENTE DU PROGRAMME 303

 

Hébergement d’urgence

Allocation temporaire d’attente

Année

LFI

Exécution

LFI

Exécution

2007

40 369 782

57 160 338

38 000 000

47 100 000

2008

35 300 000

53 090 762

28 000 000

48 000 000

2009

30 000 000

72 426 979

30 000 000

68 400 000

2010

30 000 000

110 130 000

52 300 000

105 000 000

2011

40 000 000

134 310 000

54 000 000

157 830 000

En 2011, il a encore été nécessaire d’ouvrir 50 millions de nouveaux crédits en loi de finances rectificative. Le solde des dépenses d’hébergement d’urgence avait été couvert en priorité en mobilisant toutes les ressources de trésorerie du secrétariat général, mais au prix notamment d’un retard dans le remboursement des avances par Pôle emploi de l’ATA.

À périmètre équivalent, c’est-à-dire en retirant les dépenses de personnels, transférées à compter de 2013 sur le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur de la mission Administration générale et territoriale de l’État, le rebasage proposé pour 2013 réduirait l’écart entre le total des dépenses constatées sur la mission en 2011 et les dotations pour 2013 à 26,5 millions d’euros en autorisations d’engagement (mais à seulement 19 millions si l’on gomme l’avance exceptionnelle de neuf ans de loyers engagée en 2011 pour la sous-direction de l’accès à la nationalité française) et 17,1 millions en crédits de paiement.

Au regard des économies attendues de diverses mesures (voir infra), ce sont des proportions qui pourraient être surmontables. Il demeure néanmoins plusieurs fortes incertitudes qui laissent craindre une nouvelle sous-dotation (voir partie II.B.1).

2.– Une politique interministérielle globalement renforcée

La présente mission ne représente en fait que 14,7 % des moyens consacrés aux différents champs de la politique française de l’immigration et de l’intégration. Le renforcement de ses dotations représenterait toutefois 31,2 % des autorisations d’engagement et 40,8 % des crédits de paiement supplémentaires alloués à l’ensemble de cette politique.

Un document de politique transversale (DPT) consacré à ces actions est transmis chaque année au Parlement en annexe au projet de loi de finances. Au moins neuf ministères participent à la mise en œuvre de cette politique, via 17 différents programmes (dont les 303 et 104) au sein du budget général de l’État. Les crédits progresseraient de plus de 220,9 millions d'euros en autorisations d’engagement et 189,6 en crédits de paiement par rapport aux dotations votées en LFI pour 2012.

Il faut également y ajouter, sans que l’on soit en mesure de les évaluer précisément, les coûts induits par la prise en charge d’une partie des demandeurs d’asile dans le dispositif d’hébergement d’urgence de droit commun, ainsi que par l’hébergement et l’accompagnement dont les réfugiés peuvent bénéficier de la part des dispositifs généralistes (toutes actions relevant du programme 177 de la mission Égalité des territoires, logement et ville). En effet, le principe est désormais posé que les structures et aides financées par la présente mission n’assurent plus qu’une prise en charge transitoire des réfugiés.

ÉVALUATION DES CRÉDITS CONSACRÉS À LA POLITIQUE TRANSVERSALE (4)

(en euros)

 

Exécution 2011

LFI 2012

PLF 2013

Numéro et intitulé du programme ou de l’action

AE

CP

AE

CP

AE

CP

151

Français à l’étranger et affaires consulaires

44 201 037

44 210 079

41 990 094

41 990 094

45 379 858

45 379 858

03

Instruction des demandes de visa

44 201 037

44 210 079

41 990 094

41 990 094

45 379 858

45 379 858

307

Administration territoriale

134 523 609

134 523 609

140 482 642

140 482 642

141 490 346

141 490 346

02

Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité, délivrance de titres (libelle modifié)

134 523 609

134 523 609

140 482 642

140 482 642

141 490 346

141 490 346

216

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

0

0

38 384 823

38 384 823

37 150 804

37 150 804

08

Immigration, asile et intégration

0

0

38 384 823

38 384 823

37 150 804

37 150 804

165

Conseil d’État et autres juridictions administratives

24 296 096

25 323 049

26 416 260

29 239 921

64 245 799

34 994 075

07

Cour nationale du droit d’asile

24 296 096

25 323 049

26 416 260

29 239 921

64 245 799

34 994 075

224

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

4 455 482

4 415 220

4 377 840

4 475 015

4 824 955

4 824 955

02

Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle (libellé modifié)

2 603 482

2 563 220

2 595 840

2 693 015

4 824 955

4 824 955

04

Actions en faveur de l’accès à la culture (ancien)

1 852 000

1 852 000

1 782 000

1 782 000

0

0

147

Politique de la ville (libellé modifié)

64 338 402

34 338 402

62 720 497

62 720 497

60 305 000

60 305 000

01

Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville

31 015 492

61 015 492

59 307 997

59 307 997

58 677 500

58 677 500

03

Stratégie, ressources et évaluation

2 484 362

2 484 362

2 800 000

2 800 000

1 277 500

1 277 500

04

Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie

838 548

838 548

612 500

612 500

350 000

350 000

140

Enseignement scolaire public du premier degré

60 002 766

60 002 766

59 739 941

59 739 941

62 696 202

62 696 202

03

Besoins éducatifs particuliers

60 002 766

60 002 766

59 739 941

59 739 941

62 696 202

62 696 202

141

Enseignement scolaire public du second degré

32 580 021

32 580 021

33 965 671

33 965 671

35 211 615

35 211 615

06

Besoins éducatifs particuliers

32 580 021

32 580 021

33 965 671

33 965 671

35 211 615

35 211 615

104

Intégration et accès à la nationalité française

78 135 440

77 433 856

89 927 369

83 127 369

79 642 679

80 206 179

11

Actions nationales d’accueil des étrangers primo arrivants et de formation linguistique

18 309 199

18 309 199

17 247 265

17 247 265

14 715 159

14 715 159

12

Actions d’intégration des étrangers en situation régulière

40 237 985

39 643 304

46 398 997

46 398 997

46 254 597

46 254 597

14

Naturalisation et accès à la nationalité

1 788 972

1 753 581

8 650 000

1 850 000

1 136 500

1 700 000

15

Actions d’intégration des réfugiés

17 799 304

17 727 772

17 631 107

17 631 107

17 536 423

17 536 423

303

Immigration et asile

646 655 618

646 332 095

530 214 623

536 914 623

612 088 813

619 888 813

01

Circulation des étrangers et politique des visas

1 790 727

1 751 170

2 554 000

2 554 000

1 500 000

1 500 000

02

Garantie de l’exercice du droit d’asile

530 221 927

528 641 708

414 439 685

414 439 685

507 996 442

507 996 442

03

Lutte contre l’immigration irrégulière

61 719 782

61 039 071

84 033 330

88 733 330

71 552 018

78 046 018

04

Soutien

52 923 182

54 900 146

29 187 608

31 187 608

31 040 353

32 346 353

101

Accès au droit et à la justice

8 991 328

8 991 328

9 529 408

9 529 408

12 663 510

12 663 510

01

Aide juridictionnelle

8 991 328

8 991 328

9 529 408

9 529 408

12 663 510

12 663 510

150

Formations supérieures et recherche universitaire

1 846 240 648

1 846 240 648

1 911 188 441

1 911 188 441

1 963 232 284

1 963 232 284

183

Protection maladie

625 483 406

626 185 932

588 000 000

588 000 000

588 000 000

588 000 000

02

Aide médicale de l’État

625 483 406

626 185 932

588 000 000

588 000 000

588 000 000

588 000 000

152

Gendarmerie nationale

37 626 539

37 899 008

34 380 831

34 226 495

35 707 619

35 553 283

01

Ordre et sécurité publics

20 632 380

20 778 583

16 755 644

16 682 186

17 410 034

17 336 576

03

Missions de police judiciaire et concours à la justice

15 090 625

15 197 558

15 570 902

15 502 638

16 179 022

16 110 758

04

Commandement, ressources humaines et logistique

1 903 534

1 922 867

2 054 285

2 041 671

2 118 563

2 105 949

176

Police nationale

688 996 421

688 477 971

693 526 264

693 214 513

741 052 690

734 052 202

04

Police des étrangers et sûreté des transports internationaux

688 996 421

688 477 971

693 526 264

693 214 513

741 052 690

734 052 202

124

Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociale, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

8 068 120

8 068 120

6 345 163

6 345 163

7 080 023

7 080 023

03

Gestion des politiques sociales (ancien)

8 068 120

8 068 120

6 345 163

6 345 163

7 080 023

7 080 023

155

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

14 416 913

12 365 742

11 734 311

11 820 684

13 032 592

12 199 534

02

Gestion des effectifs du programme « accès et retour à l’emploi » (libellé modifié)

6 040 776

6 040 775

5 683 001

5 683 002

6 040 775

6 040 776

04

Gestion des effectifs du programme « amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail »

2 659 751

2 659 751

2 860 326

2 860 326

2 905 757

2 905 757

05

Soutien

5 716 386

3 665 216

3 190 984

3 277 356

4 086 060

3 253 001

Total

4 319 020 846

4 317 387 846

4 282 924 178

4 285 365 300

4 503 804 789

4 474 928 683

Source : Secrétariat général à l’immigration et à l’intégration – Document de politique transversale pour 2013.

On relèvera que le renforcement budgétaire le plus conséquent concerne les crédits de l’action Police des étrangers et sûreté des transports internationaux au sein du programme 176 Police nationale (+ 47,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et + 40,8 en crédits de paiement par rapport à la LFI 2012) de la mission Sécurité. Ils couvrent notamment les dépenses des personnels participant à la lutte contre l’immigration clandestine, aux reconduites à la frontière et à la rétention administrative.

3.– Des efforts d’économie maintenus

La progression globale de la mission cache en fait une diminution nette des dotations de la plupart des actions par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2012 (voir tableau page suivante).

Tel est particulièrement le cas du programme 104 Intégration et accès à la nationalité dont toutes les actions supportent une réduction plus ou moins importante des crédits demandés. Au total, l’ensemble des autorisations d’engagement régressent de 16,3 % (– 12,8 millions d'euros) et les crédits de paiement de 7,6 % (– 5,4 millions d'euros). Toutefois, si l’on fait abstraction de l’avance de loyers réglée en 2012 par la sous-direction de l’accès à la nationalité française (action 14 du programme), le différentiel d’autorisations d’engagement n’est plus que de – 6 millions. En chiffres absolus, les efforts les plus importants portent sur les actions d’intégration des étrangers en situation régulière (action 12 : – 3,2 millions), dépenses d’intervention non obligatoires qui sont à l’évidence la variable d’ajustement budgétaire, puis sur la subvention versée à l’Office français de l’immigration et de l’intégration par l’action 11 du programme (– 1,7 million).

À l’instar des autres opérateurs de l’État, il lui est en effet demandé de substantielles économies sur ses dépenses de personnel et de fonctionnement.

A contrario, les dotations pour le programme 303 Immigration et asile progresseraient de 15,9 %, soit + 81,7 millions d'euros en autorisations d’engagement et 82,8 millions en crédits de paiement. Mais cette hausse recouvre des évolutions contrastées : l’action 1 Circulation des étrangers et politique des visas perd 41,3 % de ses dotations ; cependant pour l’essentiel, le million d’euros concerné correspond à des prévisions d’investissements en informatique qui sont désormais réunis au sein de l’action 4 Soutien. Celle-ci voit ses crédits augmenter de 7,4 % (hors dépenses de personnel transférées à compter de 2013 sur une autre mission). Ce taux est ramené à 3,1 % (+ 0,7 million) si l’on considère le transfert de charges entre les actions 1 et 4.

Plus notable est la nouvelle baisse des dotations pour l’action 3 Lutte contre l’immigration irrégulière (de 13,8 % ou – 11,1 millions d'euros en autorisations d’engagement et de 11 % ou – 9,3 millions en crédits de paiement), et ce malgré, le lancement en 2013 de la construction du nouveau centre de rétention administrative de Mayotte. On peut se demander si ces prévisions ne sous-estiment pas de nouvelles dépenses (voir infra) mais en tout état de cause, le projet annuel de performances attend de notables économies des mesures de rationalisation des coûts de la rétention et des reconduites à la frontière engagées ces dernières années.

Un objectif que le Secrétariat général à l’immigration et à l’intégration (SGII) entend maintenir s’agissant des dispositifs de prise en charge des demandeurs d’asile financés par l’action 2 du programme 303.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

(en euros)

Programme / Action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Consommées

en 2011 (1)

Ouvertes
en LFI
pour 2012

Demandées pour 2013

Évolution
(en %)

Consommés

en 2011 (1)

Ouverts
en LFI
pour 2012

Demandés pour 2013

Évolution
(en %)

303. Immigration et asile

610 945 255

515 184 581

596 910 000

+ 15,9

610 621 732

521 884 581

604 710 000

+ 15,9

Circulation des étrangers et politique des visas

1 790 727

2 554 000

1 500 000

- 41,3

1 751 170

2 554 000

1 500 000

– 41,3

Garantie de l’exercice du droit d’asile

530 221 927

408 910 000

501 130 000

+ 22,6

528 641 708

408 910 000

501 130 000

+ 22,6

Lutte contre l’immigration irrégulière

61 719 782

80 708 700

69 560 000

– 13,8

61 039 071

85 408 700

76 054 000

– 11

Soutien (2)

17 212 819

23 011 881

24 720 000

+ 7,4

19 189 783

25 011 881

26 026 000

+ 4,1

104. Intégration et accès à la nationalité française

78 135 440

78 438 040

65 636 500

– 16,3

77 433 856

71 638 040

66 200 000

– 7,6

Actions nationales d’accueil des étrangers primo arrivants et formation linguistique

17 904 125

13 341 715

11 600 000

– 13,1

17 904 125

13 341 715

11 600 000

– 13,1

Actions d’intégration des étrangers en situation régulière

40 528 087

41 786 325

38 540 000

– 7,8

39 933 428

41 786 325

38 540 000

– 7,8

Naturalisation et accès à la nationalité

1 738 924

8 650 000

1 136 500

– 86,9

1 703 532

1 850 000

1 700 000

– 8,1

Actions d’intégration des réfugiés

17 964 305

14 660 000

14 360 000

– 2

17 982 772

14 660 000

14 360 000

– 2

TOTAL MISSION

689 080 695

593 622 621

662 546 500

+ 11,6

688 055 588

593 522 621

670 910 000

+ 13

Sources : Rapport annuel de performances 2011 et projet annuel de performances 2013.

(1) Données India Lolf après retraitement de certaines erreurs d’imputation.

(2) Hors dépenses de personnel, transférées à compter de 2013 sur le programme 216.

En poursuivant ses stratégies d’optimisation des moyens consacrés à ces dépenses « de guichet », le Secrétariat général espère réussir à mieux les maîtriser. Enfin, le substantiel renfort budgétaire que le ministère sollicite pour l’action 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile (+ 22,6 % ou + 92,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement) ne se contente pas de suivre une demande d’asile encore croissante, mais vise aussi à se donner les capacités d’endiguer les dépenses induites.

En agissant sur ces différents plans, le Secrétariat général escompte participer à terme à la réduction des dépenses de fonctionnement de l’État et de ses opérateurs ainsi que des dépenses d’intervention. Il programme ainsi une diminution des dotations de la mission de l’ordre de 5 % sur la période 2014-2015.

4.– Des fonds européens, essentiels à l’équilibrage budgétaire des acteurs mais encore difficiles à mobiliser

La mission et son principal opérateur, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), bénéficient traditionnellement d’apports de quatre fonds européens pour cofinancer, selon leurs finalités, des actions d’intégration, des systèmes d’information partagés entre États membres de la communauté européenne, des structures d’accueil ou de rétention, des vols de retour groupés, des études… Dans le cadre des programmes européens ouverts sur la période 2007-2013, ces contributions pourraient progresser de 2,5 millions pour atteindre un total de 29,2 millions d'euros en 2013.

En matière d’intégration, ces fonds européens constituent des leviers financiers importants pour entreprendre de nouvelles expérimentations ou donner plus d’ampleur à certaines actions. L’obtention d’un Fonds européen d’intégration (FEI) peut également attirer d’autres financeurs rassurés par la stabilité de projet qu’elle semble offrir. Les crédits mobilisés à ce titre représenteraient en 2013 l’équivalent de 21 % des dotations du programme 104.

Les fonds européens sont souvent aussi des compléments budgétaires vitaux, notamment pour les associations qui assurent la prise en charge des demandeurs d’asile. Face à la croissance de ces flux depuis 2008, leurs budgets sont sous tension. Un versement inférieur aux prévisions ou un retard trop important ont mis certaines d’entre elles en risque de cessation de paiement. De telles crises ont pu mettre en évidence des faiblesses dans leur gestion. Il n’en reste pas moins que le haut niveau des conditions d’éligibilité et des exigences de justification, a posteriori et sur pièces, de la moindre dépense imposé par les autorités européennes entraîne des délais de paiement, pouvant aller jusqu’à trois ans, et une complexité pour monter et liquider un dossier qui ont été mal anticipés par les associations. La réglementation du fond européen pour les réfugiés (FER), notamment, s’est sensiblement durcie par rapport à la programmation 2005-2007. Aujourd’hui encore, la plupart jugent les procédures difficiles à respecter et très lourdes à gérer, au point que certaines associations envisageraient de renoncer à faire appel aux fonds européens.

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES RATTACHEMENTS DE FONDS DE CONCOURS EN 2013

(en euros)

Intitulé

PLF 2013

Programme n° 303 : "Immigration et asile"

15 178 813

Action n° 02 : Garantie de l'exercice du droit d'asile

6 866 442

Fonds européen pour les réfugiés (FER)

6 866 442

Action n° 03 : Lutte contre l'immigration irrégulière

1 992 018

Fonds pour les frontières extérieures (FFE)

371 907

Fonds pour le retour (FR)

1 620 111

Action n° 04 : Soutien

6 320 353

Fonds pour les frontières extérieures (FFE)

3 290 671

Fonds européen d'intégration (FEI)

950 681

Fonds européen pour les réfugiés (FER)

526 340

Fonds pour le retour (FR)

1 252 661

Réseau européen des migrations (REM)

300 000

Programme n° 104 : Intégration et accès à la nationalité française

14 006 179

Action n° 11 : Accueil, intégration des étrangers primo-arrivants et apprentissage de la langue française

3 115 159

Fonds européen d'intégration (FEI)

3 115 159

Action n° 12 : Autres Actions d'intégration des étrangers en situation régulière

7 714 597

Fonds européen d'intégration (FEI)

7 714 597

Action n° 15 : Intégration des réfugiés

3 176 423

Fonds européen pour les réfugiés (FER)

3 176 423

TOTAL MISSION

29 184 992

Source : SGII.

Interrogé par le Rapporteur spécial, le SGII défend l’intérêt de solliciter ces financements auxquels la France contribue. Elle est d’autant plus légitime à le faire qu’elle est le premier pays européen d’accueil de la demande d’asile. Le Secrétariat général défend par ailleurs la pertinence d’une procédure qui, en demandant des comptes aux porteurs de projet, met l’accent sur la transparence et le contrôle et oblige les associations à s’interroger sur l’organisation de leurs coûts. À l’occasion, cela peut révéler des coûts sous-estimés qui justifieront un supplément de financement.

Cependant, conscient des difficultés rencontrées par les associations, le SGII s’est doté depuis plus d’un an d’une cellule transversale d’appui qui a notamment organisé des séances d’explications et de formation au bénéfice des porteurs de projet, en sus du rôle de ses services dans la programmation nationale des actions concernées, le suivi de leur mise en œuvre et le contrôle comptable de l’utilisation des fonds. Il a également édité un guide du porteur de projet.

Le SGII réfléchit en outre au modus operandi qui s’appliquera aux nouveaux instruments financiers définis par la Commission européenne pour la période 2014-2020. Il est en effet prévu que les nouveaux fonds soient réduits à deux dans le champ de la mission Immigration, asile et intégration (5), que leur gestion se fonde sur une approche plus ciblée sur les résultats, mais surtout qu’ils fassent l’objet d’une programmation non plus annuelle, mais sur 7 ans (révisable à mi-parcours ou en cas de besoin).

Le Secrétariat général pense s’inspirer de l’actuelle procédure mise en œuvre pour le fonds européen d’intégration : à partir d’un programme d’actions défini au niveau national, il lance des appels à projets en rappelant les rigoureuses exigences de justification et en proposant des grilles de compte rendu. Le SGII réfléchit aussi à associer les collectivités locales dans le montage et le suivi des dossiers des associations.

Quoi qu’il en soit, l’enjeu est de taille puisqu’en l’état actuel des négociations sur les perspectives financières des fonds, et selon les modalités de calcul proposées par la Commission européenne, le montant de base des enveloppes s’élèverait pour la France, pour la totalité de la période 2014-2020, à 264 millions d'euros au titre du fonds Asile et migration et à 83 millions pour le second.

B.– PROGRAMME 303 IMMIGRATION ET ASILE : DES DOTATIONS QUI RESTENT SOUS TENSION

Avec des dotations renforcées et un programme 104 en recul, le programme 303 représenterait en 2013 plus de 90 % des moyens de la mission Immigration, asile et intégration.

Portées à 596,9 millions d'euros en autorisations d’engagement et 604,7 millions en crédits de paiement, ses crédits progresseraient respectivement de + 81,7 et + 82,7 millions d’euros par rapport à la LFI pour 2012. Un tel rebasage réduirait l’écart avec la consommation de 2011 à seulement – 14 millions d'euros en autorisations d’engagement et – 5,9 millions en crédits de paiement. Un niveau de réalisme encore jamais atteint par les prévisions budgétaires sur cette mission. Il demeure toutefois des incertitudes fortes sur certains déterminants de la dépense (en matière d’asile comme de rétention administrative), et sans doute encore une dose non négligeable d’optimisme quant à la capacité d’endiguer la pression de la demande d’asile, principale source de dépenses de la mission.

1.– Garantie de l’exercice du droit d’asile : des prévisions incertaines malgré un important renforcement des moyens

Le projet de loi de finances propose d’inscrire sur l’action 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile 501,1 millions d'euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, soit une hausse de 22,6 % par rapport aux crédits ouverts en 2012. Avec cette nouvelle augmentation, l’action mobiliserait à elle seule près de 84 % du budget du programme et les trois-quarts de la mission.

D’un point de vue opérationnel, ce renforcement des crédits devrait contribuer à améliorer la qualité du traitement et de la prise en charge de la demande d’asile. D’un point de vue budgétaire, il répond au double objectif de remettre les dotations à un niveau cohérent avec leur consommation réelle et de renforcer les dispositifs susceptibles de diminuer la pression des besoins. De nouveaux moyens, temporaires ou durables, seraient ainsi mobilisés à différents niveaux pour réduire la durée et les coûts de la prise en charge des demandeurs d’asile.

Toutefois, si l’effort budgétaire concédé par le Gouvernement est conséquent (92,2 millions d’euros supplémentaires), le projet de budget reste en-deçà de la consommation 2011 de 29 millions en autorisations d’engagement et de 27,5 millions en crédits de paiement. Or, il est difficile d’évaluer l’ampleur des économies réalisables face à une demande d’asile qui reste soutenue. En outre, la mise en place de nouvelles contraintes dans le traitement de la demande d’asile et la possible extension de sa prise en charge à de nouveaux bénéficiaires ne manqueront de peser sur les dépenses futures sans que le projet de budget ne les anticipe.

a) Une demande d’asile qui devrait rester conséquente

Après une période de réduction entre 2003 et 2007, la demande d’asile adressée à la France n’a cessé de croître depuis 2008, progressant de 61 % entre 2007 et 2011.

En 2011, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), qui traite les demandes de protection internationale en première instance, a enregistré 57 337 premières demandes ou réexamens (mineurs accompagnants et apatrides compris). Si les premières demandes ont progressé à un rythme inférieur à celui des dernières années (de 9,6 %) entre 2010 et 2011, elles représentaient toujours 70 % de la demande globale. A contrario, les demandes de réexamen augmentaient à nouveau en 2011 (+ 10,7 %), alors que la croissance des mineurs accompagnants s’est ralentie (+ 4,8 %).

En 2012, le rythme de croissance de la demande semble marquer un palier. En effet, la demande de protection internationale globale du 1er semestre 2012 est inférieure de 4 % à celle de la même période de 2011. Néanmoins, en tendance, elle reste à un niveau supérieur à celle de 2010 et semblerait repartir au second semestre.

Depuis 2007, les deux principaux continents de provenance des demandeurs d’asile sont l’Europe et l’Afrique. Ces deux continents représentent entre 65 % et 75 % des demandes entre 2007 et 2012. Toutefois, c’est le nombre de demandeurs en provenance du continent américain, d’Haïti notamment (+ 22 %), qui connaît la plus forte progression en 2011.

Le Kosovo qui était à la 1ère place en 2010 se retrouve en 2011 à la 7ème place avec une baisse de 44 % de la demande. Mais l’annulation de son inscription sur la liste des pays sûrs en mars 2012 pourrait relancer ce flux. En 2011, c’est le Bangladesh qui occupe la première place avec 3 462 demandes et une progression de 13,1 % par rapport à l’année précédente. Enfin, on relèvera la très forte croissance des Arméniens, troisième pays de provenance en 2011, dont les demandes ont plus que doublé par rapport à 2010.

En 2011, la France reste le premier pays destinataire de demandeurs d'asile en Europe et au deuxième rang des pays industrialisés après les États-Unis (qui ont totalisé 60 586 demandes). Elle est talonnée par l'Allemagne (avec 45 741 premières demandes et mineurs accompagnants, en progression de 10,7 %). D’autres partenaires européens continuent à voir leur demande d'asile augmenter : la Belgique (+ 27,8 % avec 25 479 premières demandes) et le Royaume-Uni (+ 13,2 % avec 25 000 demandes).

Avec l’Allemagne et la Belgique, mais également le Luxembourg, l’Autriche et les Pays-Bas, la France vient d’écrire à la Commission européenne pour exprimer leurs inquiétudes face au nombre important de citoyens originaires des pays des Balkans occidentaux, exemptés de visa, qui arrivent depuis plusieurs mois sur leur territoire en demandant l’asile. Ils espèrent qu’un accord pourra être trouvé pour activer la clause de sauvegarde prévue dans les accords avec les cinq pays concernés (la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie, la Serbie, le Monténégro et l’ancienne république yougoslave de Macédoine) qui permet de réintroduire des visas. La Commission européenne reconnaît être « préoccupée » par certains citoyens profitant de cette exemption de visa pour présenter des demandes d’asile « non fondées » qui surchargent les États membres qui les reçoivent et « causent un préjudice aux vrais demandeurs d’asile. »

b) Des moyens supplémentaires pour réduire la pression

Avec un rythme de croissance de la demande d’asile s’accentuant chaque année, les moyens pour prendre en charge et traiter cette demande ne pouvaient suivre au même niveau. Les délais d’instruction, notamment, se sont allongés jusqu’à représenter près de deux ans au lieu des six mois souhaitables. En conséquence des retards accumulés autant que des flux, les besoins de prise en charge se sont alourdis alors que le taux de rotation dans les CADA se détériorait malgré le quadruplement de leurs capacités d’accueil depuis dix ans.

Cette situation a un impact humain lourd puisqu’il retarde la reconnaissance du statut de réfugié pour ceux qui pensent de bonne foi pouvoir y prétendre et rend plus difficile l’obligation de quitter le territoire pour ceux dont le rejet de la demande a été confirmé mais qui, en deux ans, ont commencé à s’installer dans le pays. Elle a également un coût financier élevé, en faisant exploser les dépenses d’allocation et d’hébergement d’urgence.

Le projet de budget pour 2013 envisage donc de mobiliser de nouveaux moyens pour, à la fois, accélérer la réduction des délais d’instruction des demandes d’asile et améliorer la qualité de la prise en charge des demandeurs en créant de nouvelles places dans un dispositif national d’accueil (DNA) stabilisé depuis 2010.

Les 272 centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA), qui constituent le cœur du dispositif, assurent l’hébergement ainsi qu’un accompagnement social et administratif des demandeurs d'asile en cours de procédure devant l’OFPRA. Or, conformément à la définition des prestations par le nouveau référentiel de l’accueil des demandeurs d’asile, cet accompagnement ne peut être assuré ni par les structures d’hébergement d’urgence dédiées ou généralistes, ni par les plateformes de premier accueil même si ces dernières prennent en charge la traduction des formulaires à remplir par les demandeurs et des documents qu’ils fournissent. En tout état de cause, une prestation de cette nature hors les CADA ne sera pas (plus) financée par les crédits de la mission.

1 000 places supplémentaires devraient être créées au sein des CADA, portant leurs capacités à 22 410 places. Avec deux centres de transit (246 places) et un centre d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés demandeurs d’asile (CAOMIDA d’une capacité d’accueil de 33 places), la capacité totale d’accueil du DNA s’élèverait donc à 22 689 places.

À cette fin, les dotations demandées pour le DNA augmenteraient de près de 5 millions par rapport aux crédits votés en LFI pour 2012.

Ce faisant, le développement de ces nouvelles capacités réduira les besoins en allocation temporaire d’attente (ATA), voire en hébergement d’urgence en améliorant la rotation dans les CADA.

Mais les plus grands espoirs du ministère pour endiguer les dépenses de l’asile, et les réduire à terme, réside dans le renforcement des opérateurs chargés de l’examen des dossiers de demande d’asile, en premier lieu l’OFPRA. En effet, le ministère estime que tout mois de délai supplémentaire pèse, au niveau actuel des flux, environ 15 millions en frais cumulés d’hébergement et d’allocation.

Face à la hausse des demandes, l’Office a bien réussi à accroître son activité depuis 2008 : le nombre de ses décisions a augmenté de 15 % entre 2007 et 2008, + 10,4 % supplémentaires entre 2009 et 2010, grâce à d’importants progrès de productivité autant quantitatifs que qualitatifs. Toutefois, cet effort restait en deçà de l’accélération des enregistrements de nouvelles premières demandes, plus longues à traiter que les réexamens. En outre, l’adoption de nouvelles directives européennes dans le champ de l’asile (audition des premières demandes, établissement de procès-verbal d’entretien, assistance d’un tiers aux entretiens avec utilisation obligatoire d’un interprète, recours systématique à l’information sur les pays d’origine, meilleure information du demandeur d’asile…) a conduit à un nouvel alourdissement de la charge de l’instruction.

Il a donc été décidé en 2010 de renforcer les équipes d’instruction autant du côté de l’OFPRA que de celui de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) qui examine les recours des déboutés.

30 officiers de protection supplémentaires ont ainsi été recrutés en 2011, notamment pour déstocker des dossiers en attente parfois depuis plusieurs années. Leurs emplois ont été pérennisés en LFI 2012 et ont été complétés par le recrutement de 7 autres officiers de protection, ainsi que de 8 emplois vacataires en appui. Au total, l’OFPRA atteint un effectif de 162 officiers instructeurs en 2012.

Il faut néanmoins observer que les renforts octroyés à l’Office n’ont pas eu d’effets immédiats. Il faut en effet compter une période de formation de 3 mois pour un nouvel agent recruté afin de lui apprendre le métier d’officier de protection instructeur. Puis une période de 3 mois supplémentaires lui est nécessaire avant de pouvoir atteindre l’objectif de productivité individuelle fixé par le COM, soit 2 décisions par jour et par agent. En outre, le personnel a connu une certaine rotation imposant d’autres recrutements qui ont également pesé sur le nombre moyen de dossiers traités par agent dans l’année (375 au lieu de 390 en 2010). Sur ce point, la revalorisation du régime indemnitaire des agents sur celui des personnels du ministère de l’Intérieur, actée fin 2011, devrait contribuer à fidéliser les officiers de protection.

Aussi, malgré ces renforts, le nombre des dossiers en instance n’a cessé de croître :

ÉVOLUTION DES PREMIÈRES DEMANDES EN INSTANCE DEVANT L'OFPRA

 

Total des stocks

au 31 décembre 2007

8 248

Au 31 décembre 2008

10 991

Au 31 décembre 2009

14 852

Au 31 décembre 2010

18 800

Au 31 décembre 2011

22 474

Au 1er juillet 2012

22 775

Le seuil incompressible étant estimé à 2,5 mois d’activité ou 8 000 dossiers, le stock réel est de 14 500 en progression

par rapport au niveau atteint à la même période en 2011

Source : SGII

En dernière analyse, ces efforts apparaissent payants :

– le délai moyen de traitement a sensiblement diminué : après avoir atteint un pic à 174 jours en 2011 (sous l’effet du travail de « rajeunissement » des stocks anciens), il serait redescendu à 150 jours en 2012. L’objectif serait d’atteindre 100 jours en 2015. En tout état de cause, l’Office tient le délai légal de 15 jours pour le traitement des procédures prioritaires ;

– l’âge médian du stock s’est stabilisé pour la première fois depuis plusieurs années : il est passé à 137 jours fin août 2012, les dossiers en instance ayant une ancienneté supérieure ou égale à 2 mois et demi ne représentant plus que 67 % du stock ;

– l’Office a encore accru sa productivité de 12,9 % sur les six premiers mois de 2012 avec 29 172 décisions. Ce rythme permet d’envisager la réalisation en fin d’année des objectifs fixés pour 2012 par l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens de l’opérateur de 60 000 dossiers à traiter dans l’année ;

– surtout, le rythme de traitement des dossiers semble désormais suivre celui des flux de demandes (si leur croissance ne s’accélère pas à nouveau).

Toutefois, l’accumulation de nouveaux retards justifie un nouvel effort budgétaire en 2013 afin d’accélérer le déstockage et la réduction des délais. L’Office est donc autorisé à bénéficier d’un renfort provisoire de 10 officiers de protection supplémentaires en 2013, portant son plafond d’emplois à 465 ETPT – quand les autres opérateurs de l’État sont soumis à des obligations de réduction de leurs effectifs. À cet effet, la subvention pour charges de service public serait revalorisée de 2,75 millions d’euros, passant à un montant de 37,1 millions.

L’OFPRA observe cependant que cette subvention ne pourra suffire pour procéder à ces nouveaux recrutements alors que son budget fonctionnel subit un renchérissement sur lequel il a peu de maîtrise malgré ses efforts de compression. Outre les répercussions des précédents renforts sur ses dépenses de personnel, l’augmentation de son activité emporte aussi l’augmentation des frais postaux et de télécommunications (+ 10 % – conséquence également du développement de la visioconférence), ainsi que ceux de l’interprétariat.

Indispensable à l’instruction de la demande d’asile, l’activité d’interprétariat ne cesse de progresser en fonction des flux, du taux de convocation des demandeurs d’asile et des procédures d’instruction (115 langues couvertes par 650 interprètes intervenant pour 82 % des auditions).

Ce poste de dépenses fait l’objet de mises en concurrence régulières depuis 2003. Dans le cadre d’un groupement de commandes avec la CNDA, les marchés d’interprétariat et de traduction sont des marchés à bons de commandes, organisés par lots de langue(s). À l’issue d’une procédure de renouvellement organisée fin 2011, ils sont entrés en vigueur le 1er juin 2012. Ils font apparaître une hausse tarifaire (+ 50 % environ) liée tant à l’effet prix sur le montant des prestations qu’à l’accroissement de l’activité sur un marché très étroit. En 2011, le coût total a atteint 2,36 millions d’euros. Pour 2012, ce coût est estimé à 3,2 millions. Au stade du budget initial 2012, bien qu’évaluée à 0,5 million, une provision pour l’impact des nouveaux marchés, a été inscrite à hauteur de 0,27 million à la demande des autorités de tutelle.

Dans ce contexte, l’OFPRA évaluerait plutôt ses besoins pour 2013 à 39,1 millions d’euros. Interpellé par le Rapporteur spécial, le SGII répond qu’il lui demandera de retravailler ses processus afin de les alléger sans dégrader la qualité de son travail. Il l’incite à s’informer sur la façon dont procèdent d’autres pays européens qui garantissent par ailleurs un haut niveau de qualité. Le Secrétariat général envisage aussi de solliciter sur 2 ou 3 ans une aide financière supplémentaire du fonds européen pour les réfugiés afin d’aider son opérateur à boucler son budget.

Tout aussi déterminant pour les dépenses d’asile est la capacité du juge des recours déposés contre les décisions de l’OFPRA, la Cour nationale du droit d’asile, à réduire ses propres délais d’examen. En effet, si les demandeurs d’asile déboutés ne peuvent plus prétendre à un accueil en CADA ni même dans les dispositifs d’hébergement d’urgence dédiés, ils continuent de percevoir l’allocation temporaire d’attente (ATA) jusqu’au jugement de la Cour.

La dotation nécessaire à son fonctionnement a été transférée en 2009 sur le programme 165 Conseil d’État et autres juridictions administratives de la mission Conseil et contrôle de l’État qui fait l’objet du rapport spécial de M. Philippe Vigier.

L’augmentation de la demande d’asile depuis 2008, doublée par l’accroissement de l’activité de l’OFPRA, se répercute mécaniquement sur le contentieux de l’asile : de 21 636 recours en 2008, le nombre de saisines de la Cour est monté à 31 983 en 2011, ce qui a représenté une progression de 16,5 % par rapport à 2010. La diminution du nombre de protections accordées par l’Office (10,8 % des demandes d’asile contre 13,5 % en 2010) n’est sans doute pas non plus étrangère à cette hausse exceptionnelle du nombre des recours.

Selon les tendances du début de l’année, 33 981 recours seraient attendus en 2012.

Pour autant, la Cour a réussi à juger 34 595 affaires en 2011, soit 44,6 % de plus qu’en 2010. Les délais moyens de jugement, qui avoisinaient 15 mois en 2010 ont été réduits à 9 mois et 5 jours en 2011, soit six mois de moins en l’espace d’une année.

C’est la conséquence de la mise en œuvre d’un plan d’action volontariste décidé par les pouvoirs publics en 2010 et fortement accentué en 2011. Ce plan s’est traduit par la création de 50 emplois en 2011, dont 40 de rapporteurs, qui sont venus renforcer la capacité d’instruction et de jugement de la juridiction, sans que le temps consacré à l’examen individuel des recours ait été dégradé. Le nombre des rapporteurs, en charge de l’instruction des recours, aura quasiment doublé en deux ans : 70 rapporteurs fin 2009, 135 fin 2011. Les moyens nouveaux attribués à la CNDA se sont accompagnés d’une profonde réorganisation interne de la juridiction visant à optimiser l’élaboration des rôles, et d’une politique de dématérialisation des documents.

Au premier semestre 2012, la Cour a même atteint un délai moyen de 8 mois et 21 jours. Pourtant la grève de l’assistance par les avocats des requérants aux audiences de la Cour, en mai 2012, lui a fait perdre environ un mois de délai de jugement, puisque près de 2 800 affaires qui étaient instruites et enrôlées pendant cette période n’ont pu être jugées. Mais la CNDA espère corriger ce retard dans les prochains mois.

Nonobstant cette marge de progrès, il n’est pas certain que la Cour puisse aller beaucoup plus loin, ou à un rythme plus ralenti. Elle espère ainsi gagner un délai de 7 à 6 mois et demi. Pour descendre à 6 mois, il faudrait résoudre le goulot d’étranglement que représente un panel d’avocats spécialisés trop étroit. Quoi qu’il en soit, considérant avoir atteint ses capacités d’audience, elle refuse de nouveaux renforts au niveau de l’instruction.

La loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité pourrait tout de même ouvrir quelques nouvelles perspectives par la possibilité offerte à la Cour d’organiser des audiences en visioconférence, tant pour les requérants domiciliés outre-mer que pour les requérants résidant en métropole - ces derniers pouvant toutefois refuser d’être entendus par ce moyen de communication. Le décret d’application a été pris le 6 avril 2012. L’enjeu réside surtout du côté de l’outre-mer, qui n’a pas fait l’objet d’audiences depuis parfois plus de deux ans.

Dans l’attente de la définition des caractéristiques techniques et du choix des matériels, la Cour a décidé, comme elle l’a fait en 2011 et début 2012 en Martinique et en Guyane, d’organiser à l’automne 2012 deux nouveaux déplacements outre-mer, l’un à nouveau en Guyane, l’autre à Mayotte, pour traiter le stock d’affaires ultra marines non encore jugées. Le traitement en flux de ces dossiers par visioconférence débuterait en 2013, au terme d’une expérimentation.

c) La poursuite des travaux de rationalisation des dépenses

Parallèlement à la régionalisation de l’admission au séjour des demandeurs d’asile, le premier accueil et l’accompagnement de ces publics ont été réorganisés ces dernières années autour de plates-formes uniques en place dans chaque département « point d'entrée ».

La mise en œuvre de ces missions est placée sous la responsabilité de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) depuis le 1er janvier 2010. Il assure la coordination, le financement et le contrôle de gestion du réseau des 24 plates-formes associatives maintenues en activité. Ses directions territoriales gèrent directement 11 structures couvrant 26 % du flux métropolitain. Il assure en gestion conjointe avec des opérateurs extérieurs 18,5 % du flux. Le pilotage de la gestion des 55,7 % restants est délégué à des opérateurs associatifs.

Pour 2012, les notifications initiales aux plates-formes associatives s’élèvent à 11,4 millions d’euros, dont 55,7 % versés par l’Office et 36,8 % par le Fonds européen pour les réfugiés. La part des collectivités locales s’établit à 5,3 %. Mais la contribution de l’OFII devra être revalorisée au cours de l’année afin de tenir compte d’une part des ajustements de moyens indispensables à certaines plates-formes confrontées à des hausses exponentielles du flux de l’asile, et d’autre part du financement de services de domiciliation dans de nouveaux départements recevant un flux conséquent de demandeurs d’asile.

Même après cette première réorganisation, le dispositif reste très hétérogène en termes de fonctionnement, de contenu des prestations et de financement de celles-ci. Un audit des plates-formes de premier accueil des demandeurs d’asile avait été commandité par l’Office à un cabinet extérieur, à partir duquel le SGII et l’OFII ont travaillé à la redéfinition des missions afin d’homogénéiser les pratiques sur le territoire et la gamme des prestations offertes. Ce cahier des charges opposable (ou référentiel) doit servir de base à une rénovation des modalités de contractualisation avec les opérateurs. Le recours à une procédure d’appel d’offres ou de projets est en cours d’expertise.

De leur côté, chargés de suivre le financement et le contrôle des CADA, ainsi que le financement et l’organisation des modalités d’accueil et d’hébergement d’urgence (hors structures Adoma), les préfets de départements ont également instruction de favoriser la rationalisation de ces dépenses.

– S’agissant des CADA, l’accroissement de la fluidité du dispositif constitue une priorité systématiquement rappelée aux préfets depuis 2006 et fait l’objet de bilans trimestriels : des objectifs cibles de performance leur sont assignés concernant la sortie des personnes n’ayant plus vocation à y rester (6) ; leur réalisation fait l’objet d’un suivi régulier.

Si la durée moyenne de séjour en CADA a eu plutôt tendance à s’allonger (de 18,2 mois en 2007 à 19,5 mois depuis 2010), corrélativement à l’allongement de l’instruction des dossiers, la réforme a tout de même accéléré les mouvements d’entrées et de sortie : en 2011 les CADA ont organisé la sortie de 12 979 personnes, soit une augmentation de plus de 10 %.

La progression est de 24 % au premier semestre 2012 par rapport à au premier semestre 2011 avec la réduction des délais d’instruction. Dans le même temps, les entrées en CADA ont augmenté de 15 %.

Pour autant, en raison des difficultés de sorties vers d’autres dispositifs, le taux de présence indue (hors délais de tolérance) s’établira sans doute encore à environ 10 % en 2012, comme en 2011, cependant que seuls 40 % des demandeurs d’asile remplissant les conditions d’accès sont accueillis dans ces structures (en très léger progrès par rapport à 2011 avec 38 %). Le taux baisse à 28,5 % si l’on considère le flux métropolitain des premières demandes d'asile.

Développer une péréquation territoriale est bien évidemment le deuxième axe de leur stratégie pour optimiser l’utilisation des CADA (voir Partie I.B).

– Il a été entrepris parallèlement d’améliorer l’allocation et l’utilisation des budgets dédiés aux CADA, structures dont l’hétérogénéité entraîne des différences de coûts en fonction des publics accueillis (personnes isolées, couples ou parents seuls avec enfants), de leur organisation (résidences ou ensemble de logements) et de leur capacité d’accueil.

Le déploiement du système informatique SICC a permis d’organiser un contrôle de gestion sur leurs prestations. D’autre part, après une phase d’expérimentation, un référentiel de coûts est mis en oeuvre depuis 2012, sur la base duquel sont désormais définis avec plus d’objectivité et de transparence les projets de budget et les dotations versées aux structures.

Si les dotations allouées au DNA devraient progresser, le coût unitaire moyen d’une place en CADA enregistre, pour sa part, une nouvelle baisse de près de 2 %, passant de 25,13 euros par jour en 2011, à 24,44 en 2012 et à 24 euros en 2013. Il comprend l’hébergement, l’allocation mensuelle de subsistance et l’accompagnement social et administratif. Cependant grâce à la grille d’allocation qu’offre le référentiel des coûts, la répartition des crédits tient compte de la diversité des situations des centres et des populations accueillies.

– S’agissant des places d’hébergement d’urgence (7) mobilisables en cas d’insuffisances du DNA, une circulaire du 24 mai 2011 enjoignait aux préfets de rationaliser ce recours en tenant compte de l’enveloppe prévisionnelle de crédits, et de s’engager dans une démarche de contractualisation avec les opérateurs locaux (notamment hôteliers).

La contractualisation doit en effet amener les parties prenantes à travailler, de manière plus poussée et concertée, leurs anticipations quant aux évolutions des flux de demandeurs d’asile et des dépenses qui pourront être financées, tout en assurant aux opérateurs une meilleure visibilité sur leur action de l’année et les moyens qui leur seront donnés.

L’hébergement d’urgence financé par le programme 303 est constitué :

– d’un dispositif national, géré par Adoma, destiné à héberger et offrir un accompagnement administratif aux demandeurs d’asile arrivant en Île-de-France (soit plus de 45 % des demandeurs) ou dans les autres régions accueillant une part importante du flux national ;

– et d’un dispositif à gestion déconcentrée. Une enveloppe annuelle de crédits est mise à la disposition des préfets pour financer, via des associations, des hébergements en hôtel ou en structures collectives.

Mais l’ampleur des besoins dépend directement des capacités et des modalités de fonctionnement et de gestion de l’ensemble du dispositif local et national d’hébergement. En cas d’insuffisance, les demandeurs d’asile peuvent s’adresser au dispositif d’hébergement généraliste. Cependant, ce dernier, lui-même très sollicité, ne peut et ne devrait représenter qu’une alternative limitée, la spécialisation du programme 303 sur l’ensemble de la prise en charge des demandeurs d’asile et le souci de leur faire bénéficier d’un certain accompagnement étant les principales justifications de l’existence d’un dispositif dédié.

Comme cela a été dit précédemment, chaque année depuis plusieurs exercices, les dotations allouées à l’hébergement d’urgence durent être fortement abondées. Le projet de budget pour 2013 devrait les renforcer substantiellement puisqu’en demandant 125 millions d'euros, les crédits dépasseraient ceux votés en LFI pour 2012 de 34,1 millions d'euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Le coût unitaire journalier moyen n’est pas modifié : il reste fixé à 15,51 euros depuis 2010 pour les structures Adoma, auquel s’ajoute une enveloppe forfaitaire de 5 % pour les premiers secours ; et à 15 euros pour les autres dispositifs.

En revanche, les prévisions du nombre de places ainsi financées sont nettement revues à la hausse par rapport à celles de 2012. Elles seraient même plus larges que les capacités mobilisées en 2011 : 2 160 places au lieu de 1 786 dans le dispositif à gestion nationale et 20 760 places « déconcentrées » au lieu d’un peu plus de 19 000.

Certes, soumis à un cadre budgétaire plus serré, les crédits demandés seraient en retrait de 9,3 millions par rapport aux consommations de l’exercice 2011. Mais de telles projections paraissent, dans l’absolu, raisonnablement réalistes au regard de l’élargissement des capacités du DNA et des économies que l’on peut espérer de la réduction des délais de traitement de la demande d’asile. Les mesures de renforcement des moyens d’instruction commencent à produire leur effet. Ressortant à 16 mois en 2011, les délais sont descendus à près de 14 mois et il n’est pas improbable qu’ils atteignent 12 mois dès 2013.

Si ce n’est que sur le terrain, les opérateurs associatifs ne sont pas toujours en mesure de se suffire d’un tarif à 15 euros par nuit. Ils supportent parfois des tarifs hôteliers très supérieurs. Dans une enveloppe financière contrainte, les volumes mobilisables en sont diminués d’autant. On peut cependant espérer que la contractualisation pluriannuelle les amènera à une meilleure anticipation et une démarche active de négociation qui réduira ces écarts.

En outre, il ne faut pas se leurrer : la diminution des dépenses d’hébergement d’urgence en faveur des demandeurs d’asile procède d’un certain artifice qui consiste à reporter cette charge sur le dispositif d’hébergement généraliste au prétexte que les déboutés ne seraient plus des demandeurs d’asile au sens strict du terme alors qu’ils ont un droit de recours, qu’ils continuent à percevoir l’ATA jusqu’au jugement de leur recours – et d’autant que dans plus de 19 % des cas ils obtiennent l’annulation de la décision de l’OFPRA.

d) Les perspectives restent cependant incertaines, notamment s’agissant de l’ATA

Outre la difficulté à anticiper l’ampleur à venir d’un facteur exogène comme la demande d’asile, certains déterminants de la dépense pourraient encore évoluer négativement et venir peser sur les futures consommations.

D’une part, le SGII n’est pas en mesure d’évaluer l’impact sur la charge de travail de l’OFPRA des nouvelles exigences portées par la directive européenne Procédures dont la transposition est en cours d’élaboration.

Il est encore plus difficile d’anticiper les répercussions que pourrait emporter la récente condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (le 2 février 2012) pour le « caractère automatique » du classement en procédure prioritaire « lié à un motif d’ordre procédural, et sans relation ni avec les circonstances de l’espèce, ni avec la teneur de la demande et son fondement ».

D’autre part, le Rapporteur spécial s’interroge sur les prévisions concernant l’allocation temporaire d’attente (ATA).

Malgré un important rebasage en 2013 (+ 50 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2012) les portant à 140 millions d'euros, ces dotations restent inférieures de près de 18 millions à la consommation constatée en 2011 (bien qu’intégrant une revalorisation du montant de l’allocation). Plus précisément, elles se fondent sur des hypothèses de décroissance du nombre de bénéficiaires, plus réalistes que les précédents exercices, mais encore très optimistes : 33 000 en moyenne au lieu des 37 000 allocataires décomptés par mois en 2011. On peut se demander si les gains attendus (sur le nombre de bénéficiaires et la durée de leur prise en charge) des plans d’action volontaristes développés depuis deux ans pour réduire le temps de traitement des demandes d’asile et améliorer la rotation dans les CADA permettront une réduction des flux d’au moins 12 %. Au 30 juin 2012, on décomptait encore 35 200 bénéficiaires étrangers de l’ATA.

Mais une évolution plus lourde pourrait bouleverser ces anticipations en imposant un nouvel élargissement des catégories de bénéficiaires de l’ATA.

Cette allocation est versée aux demandeurs d’asile pendant toute la durée d’instruction de leur demande dès lors qu’ils n’ont pas accès aux CADA - qu’ils viennent de pays d’origine sûrs, qu’ils soient déboutés en procédure de recours devant la CNDA ou qu’aucune place en CADA ne soit disponible alors qu’ils ont accepté l’offre de prise en charge. À l’inverse, le refus de cette prise en charge entraîne la perte des droits à l’allocation.

Un arrêt du Conseil d’État du 7 avril 2011 avait étendu son bénéfice aux demandeurs d’asile en procédure prioritaire comme à ceux qui ont déposé une demande de réexamen, au moins pendant la période où l’OFPRA étudie leur dossier.

Or, en septembre dernier, sur une question préjudicielle du Conseil d’État, la Cour de justice de l’Union européenne vient de considérer qu’un État « doit garantir les conditions d’accueil matérielles nécessaires pour bénéficier d’un niveau de vie digne » à tout demandeur d’asile arrivé sur son territoire même s’il prévoit de le transférer vers un autre pays de l’Union dans le cadre de la procédure « Dublin II », et ce, jusqu’à son transfert effectif. L’ATA pourrait donc être encore étendue, ce qui entraînerait une dépense supplémentaire de l’ordre de 18 à 20 millions selon les projections du ministère. Mais au-delà de cet élargissement, celui-ci craint que cela n’attire des flux plus conséquents de demandeurs d’asile « extérieurs » vers un système français un peu plus généreux.

A contrario, le SGII étudie actuellement des pistes d’amélioration de la gestion de l’ATA dont il espère dégager quelques millions d’économies.

En effet, dans un souci d’efficacité, la gestion de cette prestation financière (y compris les décisions d’attribution et de rejet) a été confiée depuis 2009 à Pôle emploi, qui dispose d’un réseau plus dense et plus rodé. Mais si l’ouverture des droits s’effectue assez rapidement et de manière contrôlée, leur clôture n’est pas aussi sécurisée. Les circonstances emportant l’arrêt de l’allocation sont parfois signalées avec retard.

2.– Circulation des étrangers et politique des visas : conjuguer simplification et sécurité

Conjointement avec le ministère des Affaires étrangères et européennes, le SGII anime le réseau des services des visas des postes diplomatiques et consulaires français qui ont traité plus de 2,4 millions de demandes de visa en 2011.

Le projet de loi de finances propose de doter cette action de 1,5 million d'euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, en retrait d’1 million par rapport aux dotations ouvertes pour 2012. Le différentiel correspond aux investissements informatiques désormais réunis au sein de l’action Soutien du programme 303, dont le développement se poursuit, s’agissant notamment du recueil des données biométriques.

Au 1er juillet 2012, 173 consulats (soit 90 % du réseau des consulats habilités à délivrer des visas) disposent d'un équipement opérationnel permettant le recueil des données biométriques. Ces déploiements ont permis de passer de plus de 300 000 visas biométriques délivrés en 2007 à 987 955 en 2011. À ce jour, près de six millions de demandes de visa (visas de court séjour et visas nationaux) sont enregistrées dans la base nationale VISABIO.

Ces dernières années, l’action a bénéficié de quelques-unes des mesures de simplification des procédures et de rationalisation des coûts les plus visibles :

– l’externalisation d’une partie des tâches de recueil des demandes de visa dans les principaux postes consulaires.

Elle présente l’avantage d’améliorer l’accueil des demandeurs (suppression des files d’attente, locaux adaptés, constitution plus rapide des dossiers) et de permettre aux services consulaires de se consacrer à l’examen des dossiers. Ils sont ainsi mieux à même de lutter contre les fraudes.

L’enjeu est aujourd’hui d’externaliser également le recueil des données biométriques (par l’interface BioNet) pour continuer à faire face à l’augmentation de la demande dans les postes les plus fortement exposés, comme la Chine, la Russie ou l’Inde, sans recrutement d’ETP supplémentaires. Une expérimentation a été menée dans les consulats d’Alger, de Londres et d’Istanbul qui traitent à eux trois 300 000 demandes annuelles (15 % de la demande mondiale). La généralisation de la démarche est en cours de validation ;

– la mise en place du visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS), en particulier pour les étudiants, qui allège les démarches pour plus de 100 000 personnes par an.

L’évolution des titres de séjour de 2007 à 2011 fait apparaître de nouveaux seuils d’équilibre entre les différentes catégories d’étrangers. L’immigration légale tend à se stabiliser autour de 190 000 nouvelles entrées de ressortissants de pays extra communautaires chaque année.

La part de l'immigration professionnelle, après avoir fortement augmenté entre 2006 et 2009 puis diminué entre 2009 et 2010, est remontée en 2011 pour se stabiliser à environ 12,7 % de l'immigration globale (25 773 titres délivrés).

Notons que la liste de 150 métiers applicables aux ressortissants des nouveaux États membres de l'Union européenne (Roumanie et Bulgarie) sera prochainement élargie, conformément à la circulaire interministérielle du 26 août 2012, avant l’ouverture totale du marché du travail aux ressortissants de ces deux pays à l’issue de la période transitoire.

La part de l'immigration familiale est en légère diminution entre 2007 et 2011, passant de 48,3 % de l'immigration globale à 40,9 % mais reste de loin le premier motif d’immigration (avec plus de 82 000 titres). Les deux-cinquièmes entrent en tant que membres d’une famille de français.

L'immigration estudiantine connaît une croissance soutenue depuis 2007. Elle représentait 26,3 % de l'immigration globale en 2007 ; elle atteint 32,1 % en 2011 (64 555 titres). On relèvera que la délivrance de cartes de séjour à titre professionnel à des étudiants étrangers au terme de leurs études a continué à augmenter en 2011 (7 188), par rapport à 2010 (6 186), ce qui témoigne de l’impact limité des mesures prises un temps pour maîtriser ces flux.

Une nouvelle circulaire a été établie conjointement par le ministre de l’Intérieur, le ministre du Travail de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ainsi que par la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, en date du 31 mai 2012, et après concertation avec les organisations étudiantes. Cette instruction assouplit les conditions requises pour effectuer une première expérience professionnelle en France après l’obtention du diplôme et bénéficie tant aux titulaires d’un master qu'aux étudiants relevant du régime de changement de statut de droit commun. Par ailleurs, tous les dossiers déposés et rejetés sous l’empire des deux circulaires abrogées peuvent bénéficier, si les étudiants concernés le souhaitent, d’une procédure de réexamen, durant laquelle les intéressés conservent le droit au séjour et au travail.

Il n’en reste pas moins que le ministère de l’Intérieur considère que « l’accueil des étudiants étrangers, facteur essentiel pour assurer le rayonnement de l’enseignement supérieur et l’influence de la France à l’étranger, doit faire l’objet d’une réflexion attentive. Un intérêt tout particulier est porté au niveau d’études et à l’adéquation des disciplines choisies avec les besoins des pays d’origine comme de la France, ce qui peut se traduire par l’élaboration de formes innovantes de migrations circulaires. » (cf. projet annuel de performances).

Enfin, le nombre de premiers titres de séjour délivrés pour motif humanitaire a marqué une inflexion en 2010 et 2011, après avoir enregistré une hausse constante entre 2006 et 2009 (+ 11 % en quatre ans). Les bénéficiaires de ce titre de séjour représentaient 8,3 % de l'immigration globale en 2011 (autour de 17 000 titres). Ces titres de séjour sont liés, en partie, au contexte international sur lequel la politique migratoire française n'a pas de prise.

3.– Lutte contre l’immigration irrégulière : des priorités révisées. De nouvelles contraintes ?

La dotation demandée pour 2013 s’élève à 69,6 millions d'euros en autorisations d’engagement et 76,1 millions en crédits de paiement, ce qui représente une nouvelle diminution des crédits de respectivement 13,8 % (- 11,1 millions) et 11 % (– 9,3 millions) par rapport aux crédits ouverts en 2012. Bien que supportant les plus importants efforts d’économies de la mission Immigration, asile et intégration, cette action reste son deuxième poste budgétaire.

Le projet annuel de performances rappelle que la lutte contre l’immigration irrégulière est indissociable de la politique menée au bénéfice de l’immigration légale. « Tout étranger qui entre et séjourne en France de manière illégale doit savoir que la loi sera appliquée. » Ce qui peut se traduire par des non-admissions au séjour ou des retours dans les pays d’origine ou tout État de son choix où il serait admissible.

Néanmoins, l’ordre des priorités évolue.

a) La lutte contre les filières d’immigration clandestine est la première priorité

Désormais l’accent est mis sur la lutte contre les filières d’immigration irrégulière qui exploitent la misère humaine.

Dans le même temps, pour corriger certaines dérives passées, le prochain projet de loi sur l’immigration doit supprimer le « délit de solidarité » dont certains défenseurs des étrangers ont parfois été victimes, en amendant le dispositif qui autorise la poursuite et la punition de « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger en France » (article L. 622-1 du CESEDA) pour exempter les personnes agissant sans but lucratif.

Nonobstant cette mesure, l’objectif posé pour 2013 par l’indicateur 3.2 Nombre d’interpellations de trafiquants et de facilitateurs est renforcé par rapport au chiffre actualisé pour 2012 : 7 000 au lieu de 6 500.

En revanche, le « nombre de personnes mises en cause pour infraction à la législation relative à l’entrée et au séjour des étrangers », à savoir les étrangers interpellés pour séjour irrégulier, n’est plus affiché dans le projet de budget.

Enfin, l’indicateur 3.1 Nombre de mesures de reconduites effectives à la frontière n’apparaît plus dans le projet annuel de performances que pour informer le Parlement sur les mesures réalisées les exercices précédents.

La lutte contre l’immigration irrégulière s’accompagne également d’un investissement dans les dispositifs destinés à corriger les fragilités des titres et à permettre les contrôles sur le territoire ou aux frontières, comme les applications AGDREF, ELOI, EURODAC et VISABIO. La France contribue enfin au contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne, essentiellement dans le cadre des opérations coordonnées par l’agence européenne FRONTEX.

b) Les éloignements du territoire ne répondent plus à des objectifs chiffrés mais restent légitimes

Si le ministre de l’Intérieur ne pose plus d’objectif chiffré quant à l’organisation des retours, volontaires ou contraints, des étrangers en situation irrégulière, ces actions demeurent un axe important de « la gestion maîtrisée des flux migratoires ».

Après une forte hausse jusqu’en 2008, le nombre d'interpellations d'étrangers en situation irrégulière a sensiblement décru à compter de 2009 - en dépit d’un afflux accru de ressortissants tunisiens en 2011.

NOMBRE D’INTERPELLATIONS D’ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE

 

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

6 premiers mois 2012

Nombre d'interpellations

63 681

67 130

69 879

82 557

77 413

58 010

59 533

27 351

Source : MI-DCPAF.

Dans le même temps, le taux d’exécution des décisions d’éloignement prononcées reste faible, même s’il est remonté en 2011 (à près de 35 %) et semble s’être accéléré au premier semestre 2012.

NOMBRE DES DÉCISIONS D’ÉLOIGNEMENT PRONONCÉES ET EXÉCUTÉES

 

2010

2011

1er semestre 2012

prononcées

exécutées

prononcées

exécutées

prononcées

exécutées

Interdictions du territoire

1 683

1 201

1 500

1 033

783

535

OQTF *

39 083

5 383

59 998

10 016

42 299

9 905

APRF **

32 519

9 370

24 441

5 980

224

574

Arrêtés d'expulsion

212

164

195

170

171

82

Décisions de réadmission

10 849

3 504

7 970

5 728

3 647

3 174

Départs volontaires

8 404

9 985

5 478

Totaux

84 346

28 026

94 104

32 912

47 124

20 283

Source : MI-DCPAF.

* Obligation de quitter le territoire français.

** Arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.

Les mesures exécutées peuvent avoir été prononcées durant la même période ou durant une période antérieure.

Depuis l’année 2005, les éloignements réalisés depuis la métropole sont tout de même passés de 19 841 mesures exécutées à 32 912 pour 2011.

S’agissant de la mise en œuvre de ces retours, le SGII s’est attaché depuis 2009 à rationaliser les frais de transport par une plus grande utilisation des aéronefs de type Beechcraft et par la passation d’un nouveau marché de la billetterie. Il fait l’hypothèse pour 2013 d’une forte réduction du coût moyen à 690,28 euros par éloignement (au lieu des 1 359 euros envisagés par les prévisions 2012) en partant du constat que les éloignements les plus fréquents se font vers des destinations peu ou pas lointaines.

Mais c’est plus encore la suppression (ou le transfert ?) de certains frais imputés en 2012 sur ces dotations (entretien des radars à Mayotte par exemple) qui explique la forte baisse des crédits demandés à 24,2 millions, soit une diminution de près de 8 millions d'euros.

Il y faut ajouter 500 000 euros pour le financement des accords de coopération policière.

c) Des encouragements au retour volontaire à repenser

Les États membres de la Communauté européenne ont le devoir de prendre des mesures favorisant un retour volontaire des étrangers en situation irrégulière.

Les premiers dispositifs d’aide au retour volontaire ont été mis en place dans les années quatre-vingt-dix pour faciliter le retour d’étrangers invités à quitter le territoire français et, par la suite, d’étrangers en situation de dénuement. Ces programmes, à l’époque faiblement incitatifs, ont connu une application limitée à environ 1 200 étrangers par an, dans un contexte marqué par une forte hausse de la demande d’asile.

Cette situation a perduré jusqu’à la mise en place, en septembre 2005, d’un nouveau programme, avec des aides financières fortement réévaluées. Elles ont permis une augmentation importante des aides au retour. Les prestations financières comme l’organisation du retour sont gérées et financées par l’OFII.

Les étrangers en situation irrégulière peuvent ainsi bénéficier d’une aide au retour volontaire (ARV) de 2 000 euros pour un adulte seul, 3 500 euros par couple, 1 000 euros par enfant mineur jusqu’au 3ème inclus et 500 euros à partir du 4ème enfant.

Les étrangers présents en France depuis plus de trois mois en situation de dénuement ou de grande précarité – y compris s’ils sont ressortissants des pays de l’Union européenne – ou ceux qui n’entrent pas dans le champ d’application de l’ARV peuvent recevoir quant à eux une prestation de 300 euros par adulte et de 100 euros par enfant mineur (montants qui ont été presque doublés en 2007) au titre de l’aide au retour humanitaire (ARH).

Pour renforcer encore leur attractivité, il a été décidé à compter de 2010 de verser le pécule en une fois, le jour du départ – sauf risque de retour en France du bénéficiaire (8).

Un troisième dispositif, l’aide au retour sans aide financière (AR), s’adresse aux étrangers présents sur le territoire métropolitain depuis moins de trois mois et dont la situation de dénuement ou de grande précarité justifie une prise en charge de leur frais de transport par l’OFII.

L’Office a par ailleurs été enjoint d’organiser une information systématique des bénéficiaires potentiels (demandeurs d’asile et retenus administratifs).

Pour limiter les risques d’abus, les empreintes biométriques des étrangers percevant l’aide au retour font l’objet d’un traitement automatisé (progiciel OSCAR) depuis octobre 2010, pour garantir qu’ils ne la reçoivent qu’une fois.

Intégralement assurées par l’OFII, ces dépenses n’affectent pas le budget de la mission.

NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES DES AIDES AU RETOUR VOLONTAIRE

(nombre de retours effectués)

 

2010

2011

2011/2010

ARV

4 016

4 726

+ 18 %

ARH

9 761

+ 9 %

AR

277

TOTAUX

14 054

15 840

 

Total des coûts annuels (1)

21,7

20,8

 

Source : SGII

(1) en millions d’euros

Sur le premier semestre 2012, 9 130 étrangers de pays tiers ou communautaires ont regagné leur pays dans le cadre d’un retour aidé. Le montant de ces dépenses s’est élevé à 9,3 millions d’euros, dont 4,3 millions de frais de transport et 5 millions de pécules.

En 2011, comme au premier semestre 2012, les ressortissants roumains en ont été les principaux bénéficiaires (avec 7 444 retours l’an dernier et 4 629 sur les six premiers mois de 2012), ainsi que les ressortissants bulgares qui ont représenté 1 461 puis 710 retours.

Or, le Rapporteur spécial conteste la légitimité du versement d’une aide au retour humanitaire aux ressortissants communautaires qui peuvent rapidement revenir en France de plein droit. Étant donné leur statut et leur proximité géographique, cette aide ne favorise en rien le retour durable de ces populations dans leur pays d’origine.

Il considère que ces fonds pourraient être mieux employés, à renforcer notamment les vrais dispositifs de réinsertion ou les actions développées dans le cadre des accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire.

En complément des aides au retour volontaire, l’OFII propose ainsi des aides à la réinsertion économique au bénéfice des migrants (même en situation régulière) qui regagnent leur pays pour y créer un projet économique.

Celles-ci prévoient un accompagnement personnalisé des porteurs de projets, incluant :

– l’appui d’un opérateur technique local pour l’étude, la mise en œuvre et le suivi de leur projet économique pendant la première année d’activité ;

– selon les besoins, une formation en lien avec leur projet ;

– une aide financière au démarrage de leur projet plafonnée à 7 000 euros. Ce plafond peut être porté à 20 000 euros dans les pays signataires avec la France d’un accord bilatéral relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire, sous réserve que l’apport personnel représente au moins 50 % du coût total du projet et que l’activité crée cinq emplois.

Il s’agit autant d’offrir aux immigrés de meilleures perspectives socio-économiques que de les impliquer dans le développement de leur pays d’origine et de favoriser les projets porteurs de croissance dans les régions d’émigration. Les premières expériences donnent des résultats intéressants dès lors qu’elles ont bénéficié d’un véritable suivi sur place.

En 2011, le montant des aides validées a représenté un engagement financier de 2,6 millions d'euros, accompagnement compris, pour 373 projets ; les paiements effectués se sont élevés à 1,4 million.

d) La rétention administrative

Les dotations allouées à la rétention administrative seraient elles aussi révisées à la baisse (environ – 3 millions) - bien que dans une moindre mesure que les frais d’éloignement -, pour atteindre un total d’environ 44,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Cependant, les évolutions par grands postes de dépenses sont diverses.

– Les frais liés à la prise en charge sanitaire des personnes retenues, objet de conventions passées avec des établissements publics hospitaliers, seraient revalorisés de 0,7 million avec des prévisions à 7,5 millions.

– Les crédits consacrés à l’accompagnement social et juridique des retenus diminueraient peu (– 0,8 million) pour se stabiliser à 6 millions d’euros.

Cette assistance est confiée à plusieurs associations (l’ASSFAM, la CIMADE, France Terre d’asile, Forum réfugiés et l’Ordre de Malte dans les CRA ; la Croix-rouge dans la ZAPI de Roissy) avec lesquelles l’État a passé des conventions. Le marché d’aide aux droits des étrangers retenus arrive à échéance au 31 décembre 2012. Cependant, le dimensionnement des besoins à venir restant incertain, il n’est pas encore envisagé de relancer une procédure. Le marché actuel fera vraisemblablement l’objet d’une prolongation par avenant pour une année supplémentaire.

– Les dotations allouées au développement et à l’entretien des centres de rétention administrative (5,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 11,6 en crédits de paiement) augmenteraient par comparaison aux inscriptions pour 2012 ; elles traduiraient surtout une accélération des projets arrêtés pour les prochaines années : travaux sur la zone d’attente pour personnes en instance (ZAPI) de Roissy, restructuration du CRA de Coquelles, mise en conformité des sites… et le lancement fin 2012 de la construction du nouveau centre de Mayotte pour laquelle est prévu un budget total (mais au titre du seul programme 303) de 7,5 millions d’euros en crédits de paiement. La progression par rapport aux autorisations d’engagement consommées en 2011 serait de 66 %.

– Les meilleures perspectives d’économies en 2013 résideraient dans les gains de gestion obtenus grâce aux travaux de rationalisation des coûts de fonctionnement des centres de rétention administrative (CRA) entrepris depuis quelques années.

Les crédits demandés pour 2013 s’élèveraient à 26,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, en retrait de 4,1 millions par rapport à la LFI 2012. On peut relever qu’ils resteraient à un montant supérieur aux dépenses constatées en 2011 sur ce poste. Mais la moindre consommation de 2011 a été moins le résultat des efforts d’économies que de la fermeture de plusieurs sites cette année-là. Au 30 juin 2012, les CRA présentaient une capacité totale de 1 816 places répartis sur 29 sites en métropole et en outre-mer.

Le projet annuel de performances pour 2013 retient cette capacité pour calculer ses prévisions de dépenses, en lui appliquant un tarif journalier révisé à la baisse (39,68 euros au lieu de 40,26 en 2012) – un tarif qui n’intègre que les dépenses de restauration, de blanchisserie et autres contrats de maintenance, et non le coût des personnels de police affectés à l’encadrement de ces centres ou aux escortes des retenus entre les centres et les lieux d’audience.

Par cette révision à la baisse, le ministère tire les conséquences des efforts engagés à tous les niveaux pour rationaliser et réduire les coûts du fonctionnement des CRA. Ces travaux pourraient passer une nouvelle étape d’ici début 2013 avec la rédaction de cahiers des charges nationaux pour les principaux achats.

L’achèvement fin 2011 du transfert à la police des frontières de l’intégralité du parc (9) a bien évidemment facilité la démarche d’analyse des charges et des coûts, puis l’harmonisation des méthodes de gestion et d’organisation des structures.

Sans douter de l’impact budgétaire que l’on peut espérer de ces diverses mesures, le Rapporteur spécial s’interroge cependant sur les répercussions de deux évolutions essentielles du droit applicable à l’immigration irrégulière et à la rétention administrative :

– l’interdiction, par la Cour de cassation en juillet dernier, de la garde à vue du seul fait d’un séjour irrégulier. Ce temps était utilisé pour vérifier la situation d’un étranger. Une prochaine loi sur l’immigration pourrait définir une alternative. Mais on peut se demander si cette jurisprudence n’entraînera pas une diminution des flux de retenus ;

– l’interdiction de la rétention administrative pour les familles comportant des enfants mineurs susceptibles d’être éloignées du territoire par une circulaire du 6 juillet 2012 qui a été prise en application d’un des principes de la directive européenne 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 (directive « retour »). Le ministère n’est pas en mesure d’évaluer le coût que représentera à l’avenir leur assignation à résidence, notamment si ces familles doivent être logées à l’hôtel.

Ces deux évolutions pourraient avoir un impact direct contraire sur les dépenses de rétention, la première, dans un premier temps au moins, à la baisse, la seconde à la hausse (les dispositifs individualisés étant généralement plus chers que du collectif).

Dans les deux cas, elles pourraient réduire l’occupation des CRA en-dessous du taux moyen d’occupation actuel qui n’est pourtant que de 57,7 % en métropole. Sur quelques sites (hors DOM), ce taux descend même aux environs de 30 %. Dans ces conditions, on peut s’interroger sur l’opportunité de maintenir en activité autant de structures, qui sont toutes sources de dépenses incompressibles (en personnels, entretien et marchés divers) même sous-occupées.

Le SGII répond que certains de ces sites sont pleinement utilisés et que plus on concentre les localisations, plus on augmente les frais de transport et d’escortes.

Le Rapporteur spécial considère néanmoins que la mise en sommeil de certaines structures pourrait être une intéressante piste d’économies.

4.– Soutien : le transfert des dépenses de personnel de la mission

Les dépenses de personnels des programmes 104 et 303 sont désormais transférées au programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur de la mission Administration générale et territoriale de l’État. Elles s’élevaient à 38,2 millions en 2012.

L’action 4 regroupe les moyens de fonctionnement des services, les loyers des immeubles qu’ils occupent à Paris, les frais d’étude et de documentation, et surtout les crédits relatifs à la mise en œuvre du schéma directeur informatique de la mission.

Le présent projet de loi de finances propose, pour couvrir l’ensemble de ces frais, des dotations de 24,7 millions d'euros en autorisations d’engagement et 26 millions en crédits de paiement. À périmètre équivalent, elles progressent de 1,7 million en autorisations d’engagement et de 1 million en crédits de paiement par rapport aux montants ouverts pour 2012. Pour 1 million, cette hausse correspond à l’intégration des dotations d’investissement informatique auparavant inscrites à l’action 1 Circulation des étrangers et politiques des visas du programme 303.

Plus généralement le renforcement des crédits demandés devrait être affecté au fonctionnement et à la poursuite du développement de systèmes d’information à tous les niveaux des missions. Ceux-ci mobiliseront au total 15,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 16,8 millions en crédits de paiement.

Les autres prévisions seraient stabilisées.

C.– PROGRAMME 104 INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ : DES CRÉDITS QUI POURSUIVENT LEUR RÉGRESSION

1.– Actions nationales d’accueil des étrangers primo arrivants et de formation linguistique : une subvention réduite, peu représentative de l’ampleur prise par l’OFII

La dotation de l’action 11 correspond intégralement à la subvention pour charges de service public versée au principal opérateur du programme 104, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), au titre de sa contribution à l’accueil des primo arrivants et à l’intégration des migrants.

Bien que les missions de l’office se soient démultipliées depuis sa création en mars 2009, et malgré la croissance du nombre de contrats d’accueil et d’intégration signés, il est proposé de réduire cette dotation de 13,3 à 11,6 millions d'euros en 2013, avec l’injonction pour l’OFII de poursuivre la réduction de ses charges de fonctionnement.

Il lui est plus particulièrement demandé de diminuer ses effectifs en 2013, après des objectifs déjà en réduction en 2011 et 2012. Pourtant, si l’Office a maîtrisé sa masse salariale en 2011, il n’avait pas su respecter son plafond d’emplois annuel, le dépassant de 15 ETP (850 ETP au lieu de 835). Cet excédent a fait l’objet d’un rappel à l’ordre de la Direction du Budget.

Pour atteindre le plafond 2012 (820 ETP), l’Office devrait donc réduire ses effectifs de 30 emplois. Enfin, descendre aux objectifs de 2013 (805 ETP) représenterait un effort total de – 45 emplois. On peut s’interroger sur le réalisme d’une telle contrainte. Le SGII considère que l’opérateur recèle des marges de progrès, observant notamment que l’Office « fait plus faire qu’il ne fait ».

Quant à ses moyens budgétaires, ceux-ci sont plus conséquents que ne le fait penser le niveau de la subvention versée par le budget de l’État. En effet, si l’opérateur reçoit également une dotation nationale du programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement (10) (un minimum de 2 millions en 2013 au titre des aides à la réinstallation des migrants dans leur pays d’origine), des contributions, directes ou par l’intermédiaire du ministère, de divers fonds de concours européens (le total prévisionnel pour 2012 s’élèverait à 10,9 millions d’euros contre 6,9 en 2011), et quelques autres recettes, l’essentiel de ses ressources (près de 81 % en 2011) sont constituées de taxes et contributions affectées payées par les migrants sur leurs titres de séjours ou par leurs employeurs.

Face aux dépenses croissantes supportées par l’Office, il a été nécessaire de renforcer ses ressources propres. Les lois de finances pour 2009 et 2011 et un décret de 2010 ont ainsi successivement réformé et revalorisé ces taxes et contributions. Leur produit est alors passé d’un montant de 128,8 millions en 2010 à 141,3 millions en 2011.

Depuis octobre 2010, un portail informatique permet le paiement dématérialisé des droits à l’OFII grâce à l’achat de timbres électroniques par les titulaires de VLS-TS. Par ailleurs, la LFI pour 2012 a chargé les services de l’État d’en assurer le recouvrement. Cela devait, entre autres, simplifier les fonctions comptables de l’opérateur.

La LFI pour 2012 a de nouveau fait évoluer les taxes affectées, mais en plafonnant le versement de leur produit à l’OFII à un maximum annuel de 161 millions d’euros. Le présent projet de loi de finances (article 26) pourrait ramener ce plafond à 150 millions (soit un peu au-delà des recettes constatées en 2011), l’excédent revenant au budget de l’État.

Dans son article 29, le projet de loi de finances pour 2013 entend réformer à son tour les taxes sur les titres délivrés aux étrangers, mais dans un souci cette fois de les moduler plus équitablement. Il s’agirait notamment d’alléger les montants demandés aux primo-arrivants de droit commun.

Dans un même souci d’équité, le Rapporteur spécial propose par amendement de diminuer de 110 à 50 euros la part du droit de visa de régularisation acquittée lors de la demande de titre de séjour, pour qu’elle ne représente pas une entrave à cette demande, et de réduire à un tarif moins excessif (de 304 à 180 euros) le droit de visa de régularisation réglé en cas de demande de renouvellement tardive.

En tout état de cause, ces nouvelles conditions financières ont permis à l’opérateur de retrouver un équilibre budgétaire et de fonds de roulement à flux de dépenses constantes, avec 172,6 millions d'euros de recettes exécutées en 2011, un niveau cohérent avec les consommations réalisées en 2011 pour un total de 174,7 millions d'euros ou 167,4 hors investissements.

Le budget prévisionnel pour 2012 pourrait toutefois s’avérer tendu avec un cadrage à 179,7 millions d'euros (173,1 millions hors investissements).

ÉVOLUTION DU BUDGET DE L’OFII ENTRE 2010 (EXÉCUTÉ) ET 2012 (PRÉVISIONNEL)

(en euros)

Dépenses

2010

2011

2012

Personnel et assimilés

48 399 764

47 400 000

46 200 000

Fonctionnement

13 987 709

14 027 228

14 337 500

Autres dépenses (dotations aux amortissements…)

8 407 222

8 174 909

6 600 000

Dépenses d’intervention :

     

Réinsertion et co-développement

24 908 609

26 558 244

26 000 000

CAI & hors CAI

50 481 992

59 710 512

67 400 000

Asile

6 210 289

6 406 269

7 136 000

Autres dépenses d'intervention

5 540 867

5 129 283

5 400 000

S/total intervention

87 141 757

97 834 308

105 936 000

Investissement

5 820 446

7 215 886

6 605 000

TOTAL

163 756 898

174 652 332

179 678 500

Source : SGII-OFII

Selon le budget primitif pour 2012 les dépenses d’intervention représenteraient 61,2 % des prévisions hors investissement. Cette part était à moins de 60 % en 2011. Son évolution reflète autant la réduction des autres catégories de dépenses que l’augmentation des interventions en valeur absolue.

– La première mission de l’Office est de mettre en œuvre l’ensemble des actions d’accueil et de formation conduites en faveur des étrangers primo-arrivants pendant les cinq premières années de leur séjour en France : accueillir le migrant à son arrivée pour le soumettre à des tests, mais aussi à une visite médicale et à un entretien individuel permettant de définir les formations dont il pourrait avoir besoin. Un contrat d’accueil et d’intégration (CAI) est ensuite proposé aux primo-arrivants pour structurer, si nécessaire, leur « parcours d’intégration ».

102 254 contrats ont été signés en 2011 contre 101 355 en 2010. Ainsi, près de 715 000 personnes en ont bénéficié depuis 2003.

Ce contrat offre, selon les besoins, un apprentissage du français, des formations civiques et des sessions d’information sur la vie en France, ainsi qu’un bilan de compétences professionnelles. S’agissant de celui-ci, 60 035 ont été programmés l’an dernier.

La formation linguistique n’a concerné que 23,8 % des signataires ; mais ils représentent tout de même 24 358 personnes bénéficiant d’une formation gratuite avec l’objectif de passer un diplôme initial de langue française (DILF) ou, à un niveau au-dessus, le diplôme élémentaire en langue française (DELF). Les indicateurs de performance montrent que le taux de réussite s’améliore encore pour atteindre 64,8 % d’une même cohorte. Pour aller plus loin, il est prévu que le DILF soit progressivement remplacé par les nouvelles attestations en « Français langue d’intégration ». Ce label a été créé en 2011 pour mieux professionnaliser l’enseignement du français aux migrants adultes. Mais les progrès futurs dépendront aussi du niveau initial de formation des bénéficiaires.

L’OFII suit également le contrat d’accueil et d’intégration pour la famille qui propose aux conjoints de français et aux bénéficiaires d’un regroupement familial des tests sur leur connaissance de la langue française et des formations le cas échéant, les deux organisés dans leur pays d’origine. Le dispositif est opérationnel dans 48 pays. En 2011, 8 158 personnes ont bénéficié de ces formations ; 1 900 ménages ont signé le contrat familial.

L’ensemble des actions relatives au CAI a consommé plus de 43 millions d'euros en 2011. Avec la formation linguistique « hors CAI » qui a concerné 20 187 personnes, ce sont 57 millions qui ont été consacrés aux actions d’intégration.

– D’autre part, en lien avec les gestionnaires du programme 303, l’OFII pilote ou gère directement les plateformes du premier accueil des demandeurs d’asile, et organise la gestion du dispositif national d’accueil (DNA).

Ces plateformes ont pour mission d’informer, orienter et accompagner tout au long de la procédure les primo-arrivants demandant l’asile, mais aussi de leur trouver un hébergement (d’urgence ou dédié) en attendant leur entrée en CADA.

Comme cela a été exposé précédemment, l’OFII et le SGII ont entrepris de réorganiser ces plateformes et d’en rationaliser la gestion comme celle du DNA.

– L’Office propose et gère également les aides au retour et à la réinsertion dans le pays d’origine des migrants ; et remplit une mission d’accompagnement social auprès des retenus des CRA (information, conseil, achat d’objets de première nécessité, récupération des bagages et des salaires).

– L’OFII gère enfin les procédures de l’immigration professionnelle et familiale :

. il est l’interlocuteur des entreprises souhaitant embaucher des salariés étrangers ;

. il est le guichet unique pour les titres « Compétences et talents », « Salarié en mission », les jeunes professionnels et les salariés arrivant dans les métiers en tension ;

. et il a la charge de valider les visas de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) des étrangers bénéficiaires à l’occasion de la visite d’accueil, de la visite médicale ou de la signature du CAI.

En 2011, les consulats de France ont émis 105 930 visas de long séjour valant titre de séjour (11). De son côté, l'OFII a enregistré 94 250 demandes de validation et a effectivement validé 100 383 visas.

2.– Actions d’intégration des étrangers en situation régulière : des interventions victimes de l’austérité budgétaire

Représentant près de 59 % des crédits du programme 104 (mais seulement 5,8 % de la mission), ces dotations financent, via des subventions, des actions très diverses visant à renforcer l’intégration des étrangers en situation régulière et à encourager la promotion sociale et professionnelle des immigrés.

Elles englobent aussi la subvention, de 2,6 millions d’euros, versée à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (12). Créée en 2006, elle associe un site à Paris et un réseau de partenaires institutionnels, associatifs, scientifiques et autres pour contribuer à faire évoluer les représentations sur l’immigration.

L’essentiel correspond à des dépenses d’intervention « non obligatoires » qui poursuivent leur régression entamée depuis 2011 pour contrebalancer notamment la dérive des dépenses de l’asile. La totalité des crédits de l’action serait ainsi ramenée de 41,8 millions d’euros à 38,5 millions en autorisations d’engagement et crédits de paiement (– 7,8 %).

En 2013, ce sont les activités nationales d’intégration qui connaissent la plus forte baisse : ramenées à 5,4 millions d’euros, elles perdent un tiers de leurs précédentes dotations (– 2,4 millions).

Les activités déconcentrées de promotion sociale et professionnelle des immigrés, désormais définies dans le cadre d’une trentaine de programmes régionaux d'intégration des personnes immigrées (PRIPI) réactualisés en 2011, bénéficieraient toutefois de dotations en légère hausse, à 19,5 millions d'euros. L’apprentissage du français étant la première priorité du programme 104, cette nouvelle génération de PRIPI met un accent particulier sur les formations linguistiques, dont le dispositif « Ouvrir l’école aux parents ». Développé depuis 2009 avec le ministère de l’Éducation nationale, il associe aujourd’hui 322 établissements dans 64 départements. Les mesures en faveur des personnes immigrées âgées constituent un autre de leurs axes emblématiques.

Enfin, les dotations consacrées au plan de traitement des foyers de travailleurs migrants (FTM) ainsi qu’au financement de l’aide transitoire au logement (ATL) versée aux résidents ne pouvant percevoir une APL (aide personnalisée au logement) continueraient à diminuer à 11,04 millions d'euros (- 0,96 million), quoique dans une moindre mesure qu’en 2012.

De fait, le plan de rénovation des FTM avançant, les travaux ralentissent et le nombre des bénéficiaires de l’ALT diminue. En outre, ces actions sont cofinancées par d’autres intervenants, dont Action logement, l’ANRU et les collectivités territoriales. Elles devraient par ailleurs être complétées par une contribution du Fonds européen d’intégration renforcée à 7,7 millions d’euros.

3.– Actions 14 Naturalisation et accès à la nationalité et 15 Actions d’intégration des réfugiés : des dotations stabilisées en légère baisse

– La première action recouvre la dotation globale de fonctionnement de la sous-direction de l’accès à la nationalité française délocalisée dans la banlieue de Nantes. Depuis la déconcentration vers les préfectures du traitement des demandes de naturalisation (Partie I.C), celle-ci est devenue une administration d’état-major pilotant le dispositif général, mais ne gérant plus que les recours hiérarchiques et contentieux, la vérification de la recevabilité des propositions des préfets et l’élaboration des décrets.

En 2011, 77 059 étrangers ont sollicité une naturalisation par décret et 22 999 à raison de leur mariage avec un conjoint français. La première catégorie connaît une progression quasi continue depuis 2003 ; pour la seconde, les effectifs avaient commencé par diminuer jusqu’en 2007 pour remonter ensuite.

Enfin, 87 937 personnes sont devenues françaises selon l’une ou l’autre procédure, marquant une nette diminution du nombre comme de la proportion des décisions favorables comme cela a été souligné précédemment. Sur ces constats, la sous-direction a modifié cette année son approche du pilotage du réseau : prenant acte de la bonne assimilation par les préfectures de la procédure (attestée par l’excellent taux de réformation des décisions favorables de 0,6 % en 2011), elle s’attache désormais à suivre le niveau de qualité juridique des décisions de refus à partir des réponses de l’administration centrale aux recours administratifs préalables à l’encontre de ces décisions. Un nouvel indicateur est affiché à cet effet dans le projet annuel de performances.

On relèvera que le travail de remise à niveau devrait entraîner une certaine dégradation de la durée moyenne de traitement d’une demande qui s’était fortement réduite grâce à la déconcentration.

La réforme a conduit à une réduction progressive des effectifs de la sous-direction : passant de 156 ETPT en 2009 à 126 à la fin 2012, elle se poursuivra en 2013 avec – 10 ETPT en fin d’année.

Quant à la mise en œuvre du dispositif défini par la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (distribution de la charte des droits et devoirs du citoyen, tenue d’entretiens sur l’assimilation des candidats à la naturalisation, évaluation du niveau de connaissance des postulants en histoire, culture et société français), elle ne semble pas avoir de réel impact budgétaire.

Après un exercice 2012 marqué par l’avance de neuf ans de loyers pour les nouveaux locaux du service, les dotations demandées reviennent donc à un niveau normal, voire en légère baisse si l’on fait abstraction de cette dépense exceptionnelle : les autorisations d’engagement s’établiraient à 1,1 million d'euros et les crédits de paiement à 1,7 million.

– L’accompagnement des réfugiés :

Au 31 décembre 2011, la population placée sous la protection de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est estimée à 168 887 personnes (hors mineurs accompagnants), dont 10 376 personnes placées sous protection subsidiaire et 1 180 apatrides.

Ce chiffre reflète une hausse des effectifs de 67,5 % par rapport à 2003 où l’on comptabilisait 100 838 réfugiés statutaires et de 29 % par rapport à 2007. Il faut néanmoins préciser que, depuis 2009, les enfants mineurs de réfugiés sont intégrés dans l’estimation à compter de leur majorité.

Le taux global d’admission au statut de réfugié a, quant à lui, baissé entre 2009 et 2011, passant de 29,4 % à 25,2 %.

NOMBRE D'ÉTRANGERS PLACÉS SOUS LA PROTECTION DE L'OFPRA

Estimation
au 31 décembre

2007*

%

2011

%

Évolution en %
2011 / 2007

Europe

37 178

23,8

49 157

29,1

+ 32,2

Asie

54 616

41,7

64 878

38,4

+ 18,8

Afrique

34 215

26,1

48 976

29

+ 43,1

Amériques

3 969

3

4 696

2,8

+ 18,3

Apatrides

948

0,7

1 180

0,7

-

TOTAL

130 926

100

168 887

100

+ 29

Source : SGII

Toutes données hors mineurs accompagnants, personnes sous protection subsidiaire (6 092) incluses depuis le 1er janvier 2004.

Concernant l'origine géographique des réfugiés en France, l'Asie reste le premier continent de provenance des réfugiés (38 % du total), suivi de l'Europe et de l'Afrique (29 %).

28 centres provisoires d’hébergement (CPH) ont pour mission principale de préparer l’insertion des réfugiés admis en France au titre de la convention de Genève. Leur capacité d’accueil totale reste stable à 1 083 places, la prise en charge des réfugiés par les dispositifs de droit commun étant privilégiée. L’accueil en CPH est donc a priori réservé aux réfugiés souffrant de difficultés particulières d’insertion (les personnes ayant subi des traumatismes particulièrement graves notamment).

Le dispositif est également maintenu pour faciliter la sortie des réfugiés des centres d’accueil des demandeurs d’asile. Cependant, au 31 décembre 2011, le taux d’occupation des CPH était de 113,1 % et la durée moyenne de séjour s’établissait à 10 mois. Il n’y a donc eu que 1 300 entrées dans les centres en 2011, soit seulement 26,8 % des réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire sortis des CADA cette même année.

L’hétérogénéité des structures induit une grande variabilité des coûts. Une étude analytique des sources de dépenses des CPH vient d’être lancée. Elle pourra amener une redéfinition des missions des centres, ainsi que des dotations qui leur sont allouées.

L’estimation du coût journalier moyen d’une place est d’ores et déjà minimisée, passant de 31,53 euros en 2012 à 30,86 euros en 2013. Les crédits alloués au fonctionnement des CPH (au sens large : hébergement, accompagnement administratif pour l’ouverture des droits sociaux, accompagnement social pour faciliter l’accès au logement, à l’emploi etc.) seraient alors diminués de 300 000 euros, pour être amenés à un montant global de 12,2 millions d'euros.

En complément, un certain nombre de dispositifs alternatifs se sont développés au cours des dernières années, avec notamment le programme Reloref et le dispositif provisoire d’hébergement des réfugiés statutaires (DPHRS) de l’association France Terre d’Asile, la méthode Accelair et le CADA-IR de l’association Forum réfugiés, ou les actions retenues dans le cadre d’appels à projet nationaux ou du fonds européen pour les réfugiés.

Pour financer ces dispositifs favorisant leur promotion sociale et professionnelle, ainsi que l’ensemble des aides et secours distribués par des associations, le SGII maintient une dotation à 2,16 millions d’euros en 2013, comme en 2012.

Au total, les crédits de l’action seraient fixés à un niveau légèrement inférieur à celui de 2012, à 14,3 millions d'euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Ils pourraient être complétés par un transfert de 3,2 millions d’euros en provenance du Fonds européen pour les réfugiés.

Il faut enfin rappeler que les réfugiés peuvent, par ailleurs, bénéficier des prestations associées à la signature du contrat d’accueil et d’intégration et qu’ils ont accès au revenu de solidarité active (RSA).

COMPTE RENDU DE LA COMMISSION ÉLARGIE
DU 25 OCTOBRE 2012 A 21 HEURES

(Application de l’article 120 du Règlement)

M. Pierre-Alain Muet, président. Monsieur le ministre, je suis heureux de vous accueillir au nom de la Commission des finances, avec Mme Élisabeth Guigou, présidente de la Commission des affaires étrangères, et M. Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission des lois. Le président Gilles Carrez, retenu, m’a prié de bien vouloir l’excuser auprès de vous.

Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2013.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je me réjouis pour ma part que la Commission des affaires étrangères ait l’occasion de dialoguer avec le ministre de l’intérieur, dont les compétences excèdent largement le cadre de l’hexagone. L’immigration est loin de se réduire à une question intérieure, ce qui explique que notre commission s’y intéresse de près : elle est une dimension de notre relation avec un très grand nombre d’États et fait l’objet d’une politique européenne très avancée.

Si je regrette beaucoup que notre rapporteur pour avis, M. Jean-Pierre Dufau, ait eu un empêchement majeur, je ne doute pas que Mme Seybah Dagoma le suppléera brillamment malgré le bref temps de parole qui lui est imparti.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous avons beaucoup travaillé avec le ministre de l’intérieur ces derniers jours. Hier soir, nous examinions ici même les crédits de l’administration générale et territoriale de l’État. M. Valls fut un parlementaire assidu, il est aujourd’hui un ministre disponible, et nous lui en sommes reconnaissants.

Attentifs à ce que la majorité et l’opposition puissent s’exprimer, nous avons désigné deux rapporteurs pour avis issus l’un du groupe SRC, l’autre du groupe UMP, ce qui devrait garantir la tonicité de nos échanges.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Le courage, disait Jaurès, c’est de ne pas faire écho aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. Il faut saluer ce budget de responsabilité, de vérité, de fermeté et de dignité, qui traduit des efforts substantiels dans un contexte d’austérité et de difficultés financières en Europe, et mobilise des moyens à la mesure des besoins, pour un traitement plus digne des demandeurs d’asile.

Fixées à 662,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 670,9 millions d’euros en crédits de paiement, les dotations de la mission progressent respectivement de 11,6 et 13 %, ce qui représente 69 et 77 millions supplémentaires. Dans le détail, la plupart des actions des deux programmes de la mission, comme son principal opérateur, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, appliquent en réalité les instructions d’économie du Premier ministre en réduisant sensiblement les prévisions de dépenses.

Le renforcement budgétaire des crédits dédiés à la garantie du droit d’asile en est d’autant plus significatif. Il ne s’agit pas seulement de fixer à un niveau plus conforme aux consommations constatées en 2011 les dotations destinées à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile et l’allocation temporaire d’attente qu’ils perçoivent quand ils ne peuvent accéder aux centres d’accueil, les CADA – dépenses systématiquement et fortement sous-évaluées ces dernières années. Cet effort budgétaire traduit aussi le choix d’améliorer l’efficacité et la qualité de l’accueil offert par la France aux demandeurs d’asile, d’une part, en renforçant les moyens de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides pour lui permettre de traiter les demandes dans des délais plus raisonnables que ces dernières années ; d’autre part, en créant 1 000 nouvelles places en CADA, structures qui offrent la prise en charge et l’accompagnement les plus conformes à notre devoir de solidarité internationale.

Les autres migrants ne sont pas pour autant négligés. Grâce à des réformes successives des taxes sur les titres de séjour qui lui sont affectées, l’OFII dispose de moyens consolidés. Il lui est demandé de poursuivre ses efforts de rationalisation des dispositifs dont il est chargé et d’économie sur ses dépenses de fonctionnement, mais son haut niveau d’intervention en faveur des migrants en situation régulière devrait être préservé. En 2012, près de 106 millions d’euros sont consacrés aux actions d’accueil et de formation des primo-arrivants, aux procédures d’immigration familiale et professionnelle et à l’accueil des demandeurs d’asile assurés par l’OFII.

J’évoquerai enfin, même si ces dépenses ne relèvent pas de la mission, les efforts du ministère pour développer la capacité des services préfectoraux à encadrer les multiples démarches exigées des étrangers dans des conditions plus respectueuses des individus, et bien que leurs missions soient nettement plus lourdes qu’auparavant.

En dépit de ces progrès, des questions demeurent sur l’évolution de certaines dépenses, dont celles relatives à l’allocation temporaire d’attente – ATA –, comme sur certains arbitrages non encore rendus.

Tout d’abord, ce projet de budget renforce substantiellement les crédits alloués à l’hébergement d’urgence et à l’allocation temporaire d’attente auxquels peuvent prétendre les demandeurs d’asile n’ayant pas accès aux CADA. Ne serait-il pas plus efficace du point de vue budgétaire, et plus digne, d’accroître encore les capacités d’accueil des CADA, ce qui devrait réduire les dépenses alternatives d’hébergement d’urgence et d’ATA ? À enveloppe budgétaire constante, ne peut-on imaginer un transfert de crédits entre ces différents dispositifs ?

Ensuite, le développement, l’entretien et le fonctionnement des centres de rétention administrative devraient représenter un budget d’environ 44,9 millions d’euros. Les prévisions sont certes en retrait de 3 millions par rapport aux crédits votés pour 2012. Mais, compte tenu du taux moyen d’occupation des centres, qui ne dépasse pas 57,7 % sur l’ensemble du territoire métropolitain, voire 30 % sur certains sites, ne serait-il pas opportun, voire plus rentable, de fermer les centres les moins utilisés ?

Question annexe : le premier marché de l’accompagnement juridique des retenus arrive à son terme le 31 décembre 2012. Les modalités et les conditions de sa reconduite ne sont pas décidées, si bien que les associations concernées ne peuvent définir sérieusement leurs organisations et leurs budgets pour 2013.

Par ailleurs, en 2011, près d’un tiers des personnes faisant l’objet d’une décision d’éloignement du territoire ont regagné leur pays dans le cadre d’un retour aidé. Ils sont encore 9 130 étrangers à bénéficier des aides au retour volontaire. Toutefois, il apparaît que 52 % des bénéficiaires en 2011 et 58 % au premier semestre 2012 sont des ressortissants communautaires qui pourront de plein droit revenir en France. On peut dès lors s’interroger sur la légitimité d’une aide qui ne favorise en rien un retour durable dans le pays d’origine. Ces fonds ne seraient-ils pas mieux employés au service des véritables dispositifs de réinsertion ou de développement solidaire ?

Tout le monde s’accorde sur la nécessité de réduire les délais de traitement des demandes d’asile que l’afflux massif de ces dernières années a fait dériver, retardant la reconnaissance des situations justifiant une protection et pesant lourdement sur les dépenses de prise en charge des demandeurs. Cependant, la diminution des délais d’instruction n’est pas une fin en soi. Comment l’État veille-t-il à ce que l’accélération des procédures devant l’OFPRA ne nuise pas à la qualité du traitement des demandes d’asile, et notamment à ce que les objectifs de productivité demandés aux officiers de protection ne compromettent pas la qualité des entretiens ?

Enfin, Monsieur le ministre, pourquoi la construction du nouveau CRA de Mayotte, budgétée depuis plusieurs années, n’a-t-elle pas encore débuté ?

Mme Seybah Dagoma, suppléant M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères. Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » devraient augmenter de 4,9 % en autorisations d’engagement et de 6,2 % en crédits de paiement, ce qui représente un effort réel dans le contexte actuel de réduction des dépenses publiques. Reste que la hausse globale des moyens recouvre des évolutions très disparates. En réalité, seuls les crédits relatifs à l’exercice du droit d’asile sont en progression.

Ma première question concerne le programme « Intégration et accès à la nationalité française ». Les crédits consacrés à l’intégration des étrangers en situation régulière vont baisser de 8 % et ceux affectés à l’intégration des réfugiés vont diminuer de 2 %. Un récent rapport du Haut Conseil à l’intégration dressait pourtant un bilan peu flatteur de l’action menée dans ce domaine. L’on peut regretter que l’intégration ne soit pas une priorité budgétaire cette année. Le Premier ministre a pourtant annoncé récemment que le Gouvernement entendait redéfinir la politique d’intégration, qui a cessé depuis trop longtemps d’être efficace. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur le cadre et les grands axes de cette réflexion ?

En ce qui concerne les étrangers en situation régulière, un nouveau titre pluriannuel devrait être créé afin de sécuriser les parcours. Même si le projet de loi ne devrait être présenté qu’en 2013, pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Il existe d’autres titres de séjour pluriannuels ; quel pourrait donc être le nouveau public concerné ?

S’agissant du traitement des demandes des étrangers, je m’interroge sur les conditions d’accueil dans les préfectures. L’exemple le plus criant est assurément celui de Bobigny où, chaque jour, plusieurs centaines de personnes attendent pendant des heures pour déposer une demande de titre de séjour, de naturalisation ou de renouvellement. Au-delà des moyens humains à déployer, ne pourrait-on concevoir un système de prise de rendez-vous et/ou de gestion de dossier totalement ou partiellement dématérialisé ? Plus généralement, est-il envisagé d’améliorer les conditions d’accueil des demandeurs, notamment en Île-de-France ?

En ce qui concerne l’asile, la revalorisation des dotations vise à mieux respecter le principe de sincérité budgétaire, singulièrement malmené ces dernières années. La parlementaire que je suis est sensible à cet effort, qui est aussi un geste de responsabilité. Cela étant, je m’interroge sur les conséquences de l’arrêt rendu le 27 septembre dernier par la Cour de justice de l’Union européenne, qui rappelle qu’« un État membre, saisi d’une demande d’asile, est tenu d’octroyer les conditions minimales d’accueil des demandeurs d’asile, même à un demandeur d’asile pour lequel il décide de requérir un autre État membre pour le prendre en charge ou le reprendre en charge en tant qu’État membre responsable de la demande ». Ne faudrait-il pas ajuster en conséquence, dès à présent, les crédits destinés à l’allocation temporaire d’attente ?

En outre, seules 1 000 places supplémentaires devraient être créées en CADA, ce qui paraît bien peu au regard de la demande globale d’asile – 56 400 demandes en 2011 –, à rapporter aux 21 400 places aujourd’hui disponibles en CADA. Ces structures sont pourtant unanimement reconnues comme les plus propres à accompagner les demandeurs d’asile dans de bonnes conditions. À moyen terme, avez-vous prévu un rééquilibrage en faveur du dispositif de droit commun ? Du strict point de vue budgétaire, France terre d’asile estime qu’une place dans le dispositif d’urgence coûte plus cher qu’une place en CADA - 26,17 euros par jour pour l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile et 11,17 euros par jour pour l’ATA, contre 24 euros en CADA –, pour un service moindre puisque l’accompagnement fait défaut. Si l’opération est rentable, l’investissement dans la production de places de CADA serait ainsi bénéfique à la fois pour les demandeurs d’asile, mieux accueillis grâce à la création annuelle de 140 à 210 postes de travailleurs sociaux à temps plein, et pour les finances publiques.

De même, l’effort de réduction des délais de traitement des demandes d’asile est non seulement une nécessité humaine – l’on ne devrait pas faire attendre si longtemps des personnes déjà très fragilisées –, mais aussi un impératif budgétaire, car il permettrait de réduire la durée de prise en charge par l’État. Un effort a été engagé, mais l’on est encore loin des délais incompressibles. Après 2013, comment comptez-vous tendre vers un délai raisonnable de six mois au total ?

Enfin, le dispositif de rétention est formaté à 1 816 places en 2013, pour un coût par jour de 39,68 euros qui correspond au seul fonctionnement hôtelier des centres de rétention, hors coûts d’entretien, d’éloignement, de prise en charge sanitaire et d’accompagnement juridique. Or, de l’aveu même des associations intervenant en rétention, ces places ne sont pas toutes occupées. Ne pourrait-on donc fermer un nombre significatif de places sans nuire à la capacité de l’État à éloigner les personnes dont la présence est jugée indésirable sur le territoire ?

Je m’interroge en revanche sur la baisse de 0,8 million d’euros que subit l’accompagnement social dans les CRA par rapport à la LFI 2012. Assuré par les associations, qui peinent déjà à accomplir leur mission, cet accompagnement est indispensable pour garantir les droits des personnes retenues. Comment expliquer cette baisse ?

M. Patrick Mennucci, rapporteur pour avis de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour l’immigration, l’intégration et l’accès à la nationalité française. Vous l’avez rappelé vous-même à plusieurs reprises, monsieur le ministre : l’accès à la nationalité française est la conclusion logique d’un parcours d’intégration réussi. Or, les naturalisations ont connu en 2011 une chute brutale, de près de 30 %, qui s’est poursuivie au premier semestre 2012. J’ai voulu en analyser les causes afin de formuler des recommandations que je souhaite vous soumettre.

Il apparaît, à la lumière des quinze auditions et déplacements que j’ai effectués pour préparer mon rapport, que cette chute résulte non pas d’une baisse des demandes ou d’une diminution des décisions rendues – lesquelles sont restées stables, aux alentours de 100 000 par an –, mais bien d’une hausse du taux de décisions négatives sans précédent sous la Ve République. Remarquablement stable de 2000 à 2008, où il oscillait entre 20 et 29 %, ce taux a connu une véritable explosion en 2011, passant à plus de 53 %. Alors qu’un peu plus de deux demandes sur dix étaient rejetées au cours de la décennie 2000, plus de cinq sur dix l’ont été en 2011 et au premier semestre 2012.

Cette hausse du taux de décisions défavorables n’est pas la conséquence d’une modification des critères de naturalisation fixés par la loi ou les textes réglementaires. Les nouvelles modalités d’évaluation de la connaissance du français par un test, prévues par la loi du 16 juin 2011, ne sont en effet applicables qu’aux demandes introduites depuis le 1er janvier 2012, dont aucune ou presque n’avait déjà fait l’objet d’une décision au 30 juin 2012.

La chute du nombre de naturalisations provient en réalité d’un durcissement de l’appréciation des critères de naturalisation par l’administration. Or c’est dans l’opacité la plus complète que la « doctrine ministérielle » a été modifiée, sans aucun débat public, par le biais d’instructions confidentielles adressées aux préfectures sous la forme de fiches « blanches » sans en-tête ni signataires, pudiquement appelées « fiches pédagogiques ».

En attestent les documents – non signés – que je me suis procurés non sans peine auprès de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Le premier, mystérieusement intitulé « Liste des secrétaires généraux de préfecture. Naturalisation », indique notamment qu’il doit être tenu compte de l’irrégularité du séjour quelle que soit l’époque où elle a été constatée. Ainsi des personnes qui ont été en situation irrégulière en 1966 ont-elles vu leur demande rejetée pour ce motif : un crime peut être prescrit, mais pour ceux qui ont voulu venir sur notre sol, il n’y a aucune prescription ! Le second document, le plus dévastateur sans doute, exige implicitement des requérants qu’ils soient employés en CDI. J’ai dans ma circonscription un grutier tunisien qui travaille volontairement depuis vingt ans dans des boîtes d’intérim, car il y est mieux payé que dans les grosses entreprises du BTP : il n’a pas le droit de demander à devenir français ! Telles sont les instructions que M. Guéant a données aux fonctionnaires préfectoraux, au mépris de la légalité républicaine.

Dans certains cas, elles sont venues de simples courriers électroniques de l’une des directions du ministère de l’intérieur. À plusieurs reprises dans notre histoire, le droit de la nationalité a figuré dans la Constitution. De la Constitution à un simple courriel : l’évolution est préoccupante lorsqu’il s’agit de déterminer qui appartient ou non à la communauté nationale. C’est une simple fiche du 16 juin 2011 qui a conduit les préfectures à exiger des postulants qu’ils soient titulaires d’un CDI et c’est encore par courrier électronique qu’il a été demandé aux préfets de ne pas tenir compte de l’antériorité du séjour irrégulier.

Les effets de ce durcissement ont sans doute été amplifiés par la déconcentration des procédures de naturalisation opérée le 1er juillet 2010. Avant cette date, dans près d’un cas sur deux, les avis défavorables des préfets n’étaient pas suivis par l’administration centrale. Depuis, les préfets sont devenus décisionnaires, et seule une décision négative sur cinq fait l’objet d’un recours : au total, 2 % de leurs décisions négatives sont infirmées, ce qui conduit à une hausse mécanique du taux de rejet.

Voici donc mes recommandations. Il faut refonder l’accès à la nationalité française sur des critères clairs, justes et transparents. Vous avez d’ailleurs suggéré vous-même cette orientation la semaine dernière, monsieur le ministre. Les critères ne doivent plus pouvoir être modifiés en catimini, dans le secret des bureaux : ils doivent être inscrits dans une circulaire accessible à tous. Quant au fond, il faut mettre un terme au durcissement de l’appréciation des critères relatifs à l’insertion professionnelle et la régularité du séjour. Je me félicite que cette première série de recommandations ait été prise en considération dans votre circulaire du 16 octobre 2012.

Il faudrait ensuite sinon revenir sur le principe de la déconcentration des procédures, du moins en modifier les modalités. Deux pistes sont envisageables. L’une consisterait à confier la préparation des décisions favorables – et non plus des décisions négatives – aux préfets, les autres continuant à faire l’objet d’une instruction par l’administration centrale. C’était l’une des propositions de la Commission de la nationalité présidée par M. Marceau Long en 1988. L’autre option consisterait à mutualiser les moyens des préfectures en créant des plateformes interdépartementales, sur le modèle de ce qui a été fait pour l’accueil des demandeurs d’asile. Je sais que vous attendez les conclusions d’une mission de l’Inspection générale de l’administration sur ce sujet, conduite par M. Fitoussi, mais pourriez-vous indiquer vos premières orientations en la matière ?

Il faudrait également, comme l’a dit Seybah Dagoma, améliorer les conditions d’accueil des demandeurs en préfecture, souvent peu satisfaisantes, les conditions de déroulement de l’entretien et de délivrance des dossiers. À la préfecture des Bouches-du-Rhône, l’entretien a lieu à travers une glace au moyen d’un hygiaphone ! Il conviendrait d’informatiser le retrait et la constitution des dossiers ainsi que la prise de rendez-vous, pour faciliter le travail des préfectures.

Il est enfin nécessaire de renforcer le contrôle parlementaire de la politique de la nationalité, pour éviter un nouveau bouleversement radical non soumis à débat. Je suggère donc que chaque année, le Gouvernement communique, dans son rapport au Parlement sur la politique d’immigration et d’intégration, l’évolution du taux de décisions défavorables et des motifs sur lesquels elles se fondent.

J’espère, monsieur le ministre, que vous donnerez suite à quelques-unes de ces recommandations.

M. Guy Geoffroy, suppléant M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour l’asile. J’ai d’autant plus volontiers accepté de remplacer ce soir Éric Ciotti que je partage ses analyses et ses interrogations.

Je salue tout d’abord le fait que le ministère de l’intérieur ait conservé l’asile parmi ses compétences. Certains, en particulier dans le secteur associatif, s’en désolent, allant jusqu’à déplorer le double langage de la nouvelle majorité, qui critiquait ce choix lorsqu’elle était dans l’opposition, avant de s’apercevoir qu’il n’était pas si mauvais que cela. Je pourrais rejoindre les esprits cyniques en disant qu’il faut que tout change pour que rien ne change. Je préfère, avec mon collègue Ciotti, me réjouir pour notre pays que vous n’ayez pas remis en cause une excellente réforme.

La réduction des délais de traitement des demandes, à laquelle nous avons souhaité consacrer ce premier avis budgétaire sur l’asile, est une question cruciale, comme l’a bien montré notre rapporteur spécial. Les demandeurs ont le droit d’obtenir une décision rapide. Celle-ci aurait en outre l’intérêt d’éviter une dépense en desserrant la contrainte pesant sur le dispositif d’hébergement des demandeurs, qui est saturé. Selon vos services, une réduction d’un mois du délai d’examen permettrait d’économiser quelque 20 millions d’euros. Ne l’oublions pas au moment de nous prononcer sur l’opportunité de nouveaux recrutements à l’OFPRA ou à la Cour nationale du droit d’asile : ces recrutements sont coûteux, mais génèrent des économies plus importantes encore.

Ma première question porte sur l’engagement du président de la République, lorsqu’il était candidat, de ramener à six mois le délai d’examen des demandes d’asile, engagement souscrit dans une lettre du 25 avril 2012 adressée à France terre d’asile et précisé lors du débat télévisé de l’entre-deux tours. Ce délai de six mois doit sans aucun doute être interprété comme incluant le délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile. En effet, le délai d’instruction par l’OFPRA était déjà inférieur à six mois en 2011 : il serait absurde que M. Hollande se soit engagé à rallonger le délai d’examen des demandes d’asile ! Lors du débat de l’entre-deux tours, celui-ci a d’ailleurs fait clairement référence au délai d’un an et demi qu’il souhaitait réduire à six mois et qui correspond au délai de traitement par l’OFPRA et par la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA.

C’est donc avec une grande surprise que nous avons appris, en lisant une des réponses adressées par vos services, monsieur le ministre, que l’engagement présidentiel devait être entendu « recours non inclus ». Pourriez-vous rectifier officiellement ce qui est certainement une erreur d’interprétation ? Il ne s’agit pas d’un point purement technique : non seulement pour les trois quarts des demandeurs, c’est-à-dire pour plus de 40 000 personnes par an, le délai d’instruction s’entend recours inclus, mais plus d’un réfugié sur deux s’est vu reconnaître ce statut par la Cour, et non par l’OFPRA.

Ma deuxième question porte sur les moyens que vous entendez affecter à la réduction des délais. Sans esprit de polémique, je rappellerai en effet que la précédente majorité a considérablement renforcé les effectifs de l’OFPRA et de la CNDA. Le nombre d’officiers de protection instructeurs de l’Office a ainsi été porté de 106 à 162 entre 2007 et 2012, tandis que celui des rapporteurs de la Cour nationale du droit d’asile a quasiment doublé en deux ans : de 70 fin 2009, il est passé à 135 fin 2011. Ces renforts ont permis, dans un contexte difficile, marqué par une hausse considérable de la demande d’asile déjà soulignée par les orateurs précédents – plus 61 % entre 2007 et 2011 –, d’accroître de 47 % le nombre de décisions rendues par l’OFPRA au cours de cette même période, et de réduire de six mois les délais de jugement de la Cour en 2011.

On pouvait s’attendre, compte tenu de l’engagement ambitieux pris par le Président de la République, à ce que vous poursuiviez et même amplifiiez ces efforts. Je crains pourtant, à la lecture de ce projet de loi de finances, qu’il n’en soit rien. La Cour ne bénéficiera ainsi d’aucun renfort en 2013, au prétexte que les avocats ne pourraient pas suivre. Et à l’OFPRA, seuls dix officiers supplémentaires seront recrutés, quand le précédent gouvernement en avait recruté cinquante ! Compte tenu du nombre de dossiers traités par agent, il en faudrait trois fois plus pour résorber les stocks, ce qui est indispensable pour réduire les délais.

Pourquoi ne dotez-vous par l’OFPRA et la Cour des moyens nécessaires, sachant que la réduction des délais est génératrice d’économies considérables en termes d’hébergement et que ces recrutements seraient donc – la formule est peu appropriée, je le reconnais – économiquement rentables ?

Ma dernière question porte sur la vacance du poste de directeur général de l’OFPRA – l’ancien directeur général, M. Jean-François Cordet, ayant été nommé préfet de la région Picardie le 1er août dernier. Quels sont ses motifs ? Traduit-elle un désintérêt de ce Gouvernement pour les questions d’asile ? Le Gouvernement estime-t-il la fonction inutile, ou cherche-t-il ainsi à réduire les dépenses publiques ? Il serait très préoccupant de laisser ce poste stratégique vacant, au risque de plonger l’OFPRA dans des difficultés que nous ne pourrions plus résoudre.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Les cinq dernières années, les demandeurs d’asile et les immigrés ont été considérés comme quantité, mais aussi comme qualité négligeable. Cela n’a que trop duré. Le budget consacré au programme « Immigration et asile » a donc été établi à la mesure des enjeux qui s’imposent et des engagements que la France a pris, notamment en ratifiant la convention de Genève qui régit le droit d’asile.

Avant tout, rappelons qu’un demandeur d’asile est, a priori, en situation d’urgence tant psychologique que sociale, n’ayant eu d’autre choix que de quitter sa terre pour se réfugier en France. Rappelons que la France se devrait d’être un modèle en matière d’accueil, autant par son histoire que par les accords internationaux qu’elle a ratifiés. Rappelons que la dernière législature n’a permis de traiter ni avec efficacité, ni avec humanité, ni avec responsabilité la situation administrative, sanitaire et sociale des demandeurs d’asile. Elle n’a pas non plus permis de se justifier d’un succès quelconque en matière d’immigration.

Je ne prendrai qu’un exemple, celui du logement des demandeurs d’asile. Plutôt que de recourir systématiquement à l’allocation temporaire d’attente et à l’hébergement d’urgence, il aurait été bien plus simple de construire régulièrement le nombre de places nécessaires pour héberger les demandeurs d’asile en centre d’accueil. Il n’en a pas été ainsi, et nous héritons aujourd’hui d’une situation intenable.

En favorisant un accompagnement global des demandeurs d’asile, tant du point de vue de l’hébergement que du point de vue administratif, nous améliorons la clarté et l’efficacité du dispositif, nous garantissons un meilleur suivi des demandeurs d’asile et nous nous dotons d’un projet d’accueil et de régulation à long terme.

Tout d’abord, l’Office français pour les réfugiés et les apatrides, chargé d’instruire les dossiers des demandeurs d’asile, verra ses effectifs augmenter de dix équivalents temps plein. Cet effort permettra de diminuer le délai de traitement des dossiers et de maximiser la hausse prévue du nombre de places disponibles en hébergement pérenne.

Ensuite, la création de 1 000 nouvelles places en centre d’accueil des demandeurs d’asile nous permettra d’atteindre un taux de 45 % de demandeurs en cours de procédure hébergés à l’horizon 2015. Pourquoi seulement 45 % ? Parce que le nombre de places restera insuffisant : les demandeurs d’asile paient l’absence d’investissements réalisés au cours des dernières années. Il nous faudra donc soutenir le mouvement tout au long de la législature. En ce domaine, nous sommes limités non par notre propre volonté, mais par l’absence de volonté des dirigeants d’hier. Compte tenu du délai d’instruction des dossiers et de l’augmentation de la demande, la nécessité de réévaluer les crédits consacrés à l’hébergement d’urgence n’échappera à personne.

Par ailleurs, la dotation globale de 120 millions d’euros pour soutenir l’activité d’Adoma – une association œuvrant au niveau national en faveur du logement d’urgence –, ainsi que d’autres dispositifs à gestion déconcentrée donneront aux préfets une capacité plus importante en termes de pilotage ou de financement de projets. Mais ne pourrait-on pas utiliser ces crédits supplémentaires pour financer de nouvelles places en CADA ou en CPH – les centres provisoires d’hébergement, qui logent les demandeurs une fois qu’ils ont obtenu le statut de réfugié –, c’est-à-dire pour favoriser l’hébergement pérenne ? Il nous appartient d’y réfléchir.

L’enveloppe couvrant l’allocation temporaire d’attente (ATA) est portée à 370 millions d’euros, et 230 millions seront consacrés aux actions de prise en charge médico-psychologique et sociale. Cette dotation répond à des situations urgentes de fragilité physique et morale.

L’augmentation du budget lié aux demandeurs d’asile ne sert pas uniquement à compenser le déficit d’engagement de la législature précédente. Ces moyens sont au service d’un projet ; ils s’inscrivent dans une perspective politique globale d’accompagnement. Dans cet esprit, le volet financier consacré à l’asile et à l’immigration traduit en actes une volonté politique très forte, attentive aux personnes et soucieuse d’humanité. Le choix de faciliter l’accès à la naturalisation, annoncé par le ministre, symbolise ce changement.

Mais il nous faut continuer nos efforts. Les actions d’intégration des étrangers en situation régulière doivent se poursuivre, notamment en matière d’accès à l’emploi, d’enseignement de la langue française et de formation. Or la réduction des crédits ne risque-t-elle pas de les remettre en cause ? De la même manière, accueillir des personnes en préfecture à six heures du matin n’est pas une bonne chose.

Mes chers collègues, le Gouvernement ne considère pas celui qui fuit ses terres comme un opportuniste, ni comme une variable d’ajustement électorale ou budgétaire. Nous pouvons être fiers de cette posture politique ferme, rigoureuse et raisonnée, qui ne sombre ni dans l’angélisme, ni dans la démagogie, ni dans la stigmatisation. Chacun le sait, c’est à la mesure du sort réservé aux plus fragiles que se juge le souci de justice sociale d’un gouvernement. Le nôtre répond une fois de plus présent ; nous pouvons en être fiers.

M. Guillaume Larrivé. En m’exprimant au nom de l’UMP, je tiens à souligner d’abord combien le défi de l’immigration est difficile à aborder. Il ne s’agit pas d’un dossier comme les autres, qu’il suffirait de traiter par des règles juridiques et des crédits budgétaires ; nous parlons de personnes, d’hommes et de femmes qui souhaitent quitter leur pays pour rejoindre le nôtre.

J’ai la conviction que nous devons aborder ces questions de manière paisible, en gardant à l’esprit trois principes d’action.

Le premier est que la France, comme tout pays au monde, a le droit de choisir qui elle souhaite accueillir sur son territoire. Le mot de frontière n’est pas un tabou, et il est légitime que l’État fixe des règles pour définir qui peut entrer en France et qui peut s’y installer. Il est tout autant légitime que l’État fasse respecter ces règles. Nous n’avons pas à nous excuser de faire appliquer la loi de la République, ni d’éloigner, y compris par la contrainte, les clandestins qui refusent de retourner volontairement dans leur pays.

Le deuxième principe est que nous devons réduire les flux d’immigration vers la France compte tenu de nos capacités d’accueil. La crise économique et financière qu’affronte notre pays rend en effet nécessaire une diminution du nombre de personnes accueillies en France.

Troisième principe : les personnes étrangères qui séjournent durablement à l’intérieur de nos frontières, qui maîtrisent notre langue, qui connaissent et aiment notre pays, qui travaillent, qui respectent nos lois et nos valeurs ont vocation à rejoindre la communauté nationale. La France est une nation qui sait accueillir en son sein les personnes qui réussissent leur parcours d’intégration et, plus encore – comme le dit explicitement le code civil –, leur assimilation.

C’est au regard de ces trois principes que nous avons attentivement examiné votre budget, traduction d’une politique. Je souhaite vous faire part d’un point d’accord – avec vous, monsieur le ministre, mais pas avec le groupe socialiste – et de trois points de désaccord, qui nous conduiront à ne pas voter les crédits de cette mission.

Le point d’accord porte globalement sur la politique d’asile. Oui, la France doit rester fidèle à sa tradition d’accueil des combattants de la liberté ; oui, nous devons continuer à diminuer les délais d’examen des demandes, devant l’OFPRA comme devant la Cour nationale du droit d’asile ; oui, nous devons réussir à bâtir une véritable politique européenne de l’asile. Vous vous y employez d’ailleurs avec votre collègue allemand au sein du conseil « justice et affaires intérieures » – JAI –, vous inscrivant ainsi pleinement dans la continuité de la conférence sur l’asile organisée par Brice Hortefeux en septembre 2008, pendant la présidence française de l’Union européenne.

Mais – et c’est le premier désaccord majeur – vous n’assumez pas clairement la nécessité de reconduire dans leur pays les étrangers en situation irrégulière, si besoin en utilisant la contrainte. Si plus de 225 000 clandestins ont été raccompagnés chez eux entre 2002 et 2011, c’est parce que les ministres successifs ont assumé le fait de demander aux préfets, aux policiers et aux gendarmes d’intervenir pour les expulser. Au contraire, vous avez choisi de ne plus assigner à chaque préfet un objectif chiffré de reconduite à la frontière. De même, les documents budgétaires ne comportent aucun objectif national.

Je ne sous-estime pas les difficultés pratiques et juridiques entraînées par la jurisprudence récente de la Cour de cassation, qui a compliqué la tâche de l’administration. Il est urgent de modifier la procédure d’éloignement – et nous en débattrons bientôt en examinant un projet de loi –, mais il est aussi urgent de réaffirmer une volonté politique de lutte contre l’immigration irrégulière, qui fait aujourd’hui défaut. Notre collègue Grandguillaume veut fermer des centres de rétention administrative ; nous pensons au contraire qu’il faut les remplir.

Le Gouvernement envoie plusieurs messages d’ouverture à l’intention des clandestins. Cet été, la ministre de la santé a fait voter une réforme de l’aide médicale d’État destinée à rendre totalement gratuits les soins qui leur sont prodigués ; vous proposez quant à vous de supprimer le délit d’aide au séjour irrégulier ; et le ministre du budget a accepté, lundi soir – peut-être dans un moment d’égarement –, une forte diminution de la taxe prélevée sur les cartes de séjour de régularisation : celle-ci passe de 110 à 50 euros. Telle est, au-delà des discours, la réalité.

Le deuxième point de désaccord concerne les naturalisations. Vous avez décidé – par une simple circulaire, une méthode qui diffère peu des courriers électroniques de M. Guéant – de supprimer un certain nombre de contrôles qui permettaient aux agents de l’État de s’assurer de l’assimilation des personnes souhaitant devenir françaises. Vous êtes même allé jusqu’à donner instruction aux préfets d’accepter des demandes de naturalisation présentées par des étrangers entrés illégalement en France. Cela traduit une conception curieuse de l’assimilation dans la communauté nationale.

Enfin, le troisième désaccord porte sur la dimension internationale de la politique d’immigration. Je regrette que le budget du ministère chargé de l’immigration, contrairement à ce qui avait été engagé lors du quinquennat du président Sarkozy, ne comporte plus aucun crédit relatif à l’aide publique au développement : ils ont tous été transférés au Quai d’Orsay. C’est, je le crains, la fin de la politique de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire, qui consistait à négocier des traités avec les pays d’origine. La France en avait signé treize, notamment avec les pays d’Afrique subsaharienne. Il s’agissait à la fois de limiter l’exode de compétences que subissent ces pays et de réduire en retour l’immigration en France. Interpellé à ce sujet, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, a eu cette réponse édifiante, publiée au Journal officiel : « La politique d’aide au développement n’a certainement pas pour objet la lutte contre l’immigration irrégulière ».

Tout cela prouve que le Gouvernement défait méthodiquement ce que la précédente majorité avait entrepris dans le but de réduire les flux migratoires. C’est, nous le pensons, un choix dangereux pour la France.

M. Arnaud Richard. Monsieur le ministre, le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » est potentiellement le plus clivant qui soit, et ce n’est que par défaut que vous échappez à ce danger. Ainsi, s’agissant des demandeurs d’asile, je ne vois rien de nouveau dans le projet de loi de finances, alors que la France est l’un des premiers pays d’accueil en Europe. Vous ne faites que suivre le rythme, incontestablement soutenu en raison de l’actualité internationale et des engagements pris par notre pays. Vous vous contentez de gérer le flux.

Non seulement les taux de progression des crédits ne varient pas entre 2012 et 2013, mais on peut relever des termes identiques d’un document budgétaire à l’autre, comme dans cet exemple : « des efforts sensibles ont été réalisés, au cours des dernières années, dans la prise en charge des CADA »… Le texte conclut d’ailleurs, et c’est tant mieux, à la nécessité de maintenir cet effort.

Nous partageons bien évidemment vos préoccupations en matière de réduction des délais de traitement des demandes : c’était également celles de vos prédécesseurs. Le rapport montre d’ailleurs l’efficacité de la convention liant l’État et l’OFPRA.

S’agissant des logements des demandeurs d’asile, vous êtes paradoxalement moins généreux que vos prédécesseurs : l’abondement annuel, qui était de 51 millions d’euros en 2011-2012, tombera à 34 millions d’euros en 2012-2013.

En bref, la France reste un pays ouvert au monde, mais vous ne faites que vous inscrire dans une continuité.

En matière d’immigration irrégulière, nous partageons les principes républicains que sont l’application rigoureuse des objectifs de lutte contre l’immigration clandestine et la maîtrise des flux migratoires adaptée au contexte économique de notre pays, tout en veillant à garantir en toutes circonstances la dignité humaine, notamment dans les centres de rétention. Or même si ce dossier ne se résume pas à un tableau statistique, nous sommes étonnés de ne vous voir afficher aucun objectif de résultat, au prétexte de la difficulté d’évaluer la pression migratoire. S’agit-il d’un flagrant délit de cachotterie ? Cette façon de camoufler sous de bons sentiments votre incapacité à assumer une politique est décevante et dommageable pour le pacte républicain.

Ce qui ne fait aucun doute, en revanche, c’est la baisse substantielle de l’effort financier consenti : les crédits consacrés à la lutte contre l’immigration irrégulière refluent à 76 millions d’euros, après avoir atteint 85 millions d’euros en crédits de paiement en 2012. Le risque est donc majeur de ne pas maîtriser un problème très difficile. Vous devez assumer cette charge et ne pas vous contenter de stigmatiser vos prédécesseurs.

Finalement, monsieur le ministre, ce que vous nous proposez n’est pas vraiment nouveau, dès lors que vos actes politiques sont contraints par les circonstances.

Pour finir, les décisions prises aujourd’hui au Conseil européen sont déterminantes pour la politique d’asile dans notre pays. Elles vont dans le bon sens. La question sensible de l’asile, qui pollue toute la politique du logement, et notamment du logement social, doit être examinée avec beaucoup d’attention et en adoptant une attitude républicaine. C’est ce que nous espérions déjà, avec Mme Danièle Hoffman-Rispal, lorsque nous avons travaillé, juste avant les élections, sur l’hébergement d’urgence. À cet égard, la qualité de nos débats de ce soir me donne beaucoup d’espoir.

M. Marc Dolez. Le groupe GDR regrette le choix du Gouvernement de continuer à attribuer l’ensemble des compétences en matière d’immigration, dont l’asile et l’intégration, au seul ministère de l’intérieur, alors qu’elles étaient réparties sur plusieurs ministères avant 2007. Nous souhaitons en tout cas qu’une telle décision ne traduise pas la persistance d’une conception sécuritaire de l’immigration, que nous réprouvons.

Les crédits du programme « Immigration et asile » sont en augmentation, mais nous regrettons que, pour la troisième année consécutive, les dispositifs d’urgence se voient dotés d’une part nettement supérieure à celle de l’hébergement pérenne. Nous ne comprenons pas cette logique tendant à octroyer plus de crédits aux dispositifs d’urgence, plus coûteux et moins efficaces, au détriment des dispositifs pérennes, et notamment des CADA, pourtant seuls garants de la stabilité de l’accompagnement, de la dignité et de la justice tout au long de la procédure d’asile. À cet égard, les 1 000 places dont la création est prévue cette année semblent bien dérisoires quand les associations – en particulier France terre d’asile – estiment qu’il en faudrait entre 5 000 et 10 000 de plus. Nous sommes donc soucieux de constater qu’en 2013, le dispositif d’hébergement d’urgence disposera d’une capacité d’accueil identique au dispositif pérenne, institutionnalisant ainsi l’inégalité de traitement entre demandeurs d’asile.

S’agissant de la lutte contre l’immigration irrégulière, nous prenons acte avec satisfaction de la volonté exprimée par le Gouvernement de mettre un terme à la politique du chiffre. Monsieur le ministre, vous avez annoncé en juillet l’élaboration d’une circulaire adressée aux préfets et destinée à préciser les critères à prendre en compte pour régulariser les étrangers en situation irrégulière. Pouvez-vous confirmer qu’elle sera élaborée avec les associations concernées, en particulier celles qui sont regroupées au sein de la Plateforme 12 ? Dans quel délai sera-t-elle publiée ?

Malgré la diminution du nombre de personnes placées en rétention administrative, les conditions de rétention demeurent intolérables à nos yeux. Votre circulaire du 6 juillet constitue certes une avancée, mais elle n’est pas pleinement satisfaisante, car elle n’interdit pas la rétention des enfants accompagnés de leurs parents – elle se contente de préciser que cette pratique doit devenir exceptionnelle. Par ailleurs, elle ne dit rien de la rétention administrative des enfants étrangers isolés.

Concernant le programme « Intégration et accès à la nationalité française », la diminution des crédits qui lui sont consacrés nous paraît contre-productive et inquiétante, alors que les besoins ne cessent de croître. Cela étant, nous sommes satisfaits de la volonté du Gouvernement de revenir sur la très forte réduction du nombre de naturalisations mises en œuvre depuis 2010. En particulier, la circulaire que vous avez publiée la semaine dernière pour modifier les conditions de naturalisation va dans le bon sens.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. M. Richard a raison : ces questions sont difficiles, compliquées, non seulement parce qu’elles ont été utilisées sur le plan politique depuis des années – notre pays n’est d’ailleurs pas le seul à connaître un tel phénomène –, mais aussi parce que le rapport à l’autre, à l’étranger, est un problème très ancien dans notre société. Il faut essayer d’appréhender ce problème avec justesse, dans le respect des personnes, sans stigmatiser, avec la volonté de respecter les droits, mais sans faire preuve de naïveté. Nous savons en effet ce que peut coûter à une société le fait qu’une crise économique se conjugue avec une crise identitaire et culturelle. Cela peut conduire à des incompréhensions, des rejets, des mouvements de fond qui emporteraient tous les républicains. J’appelle donc à tenir un discours de responsabilité, qui doit se traduire par des actes.

Certes, nous sommes ici pour discuter d’un budget, mais derrière les chiffres, il y a des politiques, et aussi des mots. Or les mots, dans une société en crise, peuvent compter : ils peuvent aviver les tensions ou, au contraire, les apaiser en faisant appel à l’intelligence de nos concitoyens. Il est donc de notre responsabilité d’informer et de faire œuvre de pédagogie. En disant cela, je ne cherche à donner aucune leçon.

M. Grandguillaume a, avec raison, placé son discours sous l’égide de Jean Jaurès et des notions de responsabilité, de vérité, de fermeté et de justice. C’est bien la démarche que nous essayons d’adopter.

La difficulté de ce budget, c’est qu’il touche à des questions très différentes, même si elles ne sont pas sans lien entre elles. Le choix a été fait par le Président de la République et le Premier ministre de conserver une cohérence à la politique migratoire, sous la responsabilité du ministre de l’intérieur. Je l’ai dit hier à propos de la mission « Sécurité » : il n’est pas nécessaire de défaire à tout prix ce qui a été fait, ou d’opérer systématiquement des ruptures pour être efficace, pour améliorer une politique ou faire en sorte qu’elle corresponde aux valeurs que nous jugeons essentielles. Défaire, c’est prendre le risque de perdre du temps et de faire passer des messages contradictoires, à l’intérieur comme à l’extérieur de notre pays. Nous ne voulions pas prendre cette responsabilité. C’est aussi une question de cohérence.

Monsieur Dolez, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire aux associations, je n’admets pas que le ministère de l’intérieur soit perçu uniquement comme celui de la police et de la répression. La police et la gendarmerie assument, certes, l’ordre républicain, car sans cet ordre il n’y a ni progrès social, ni droits, ni possibilité de vie commune. Qui, sinon les policiers et les gendarmes, pourrait assurer la régulation des flux migratoires ? Voulez-vous que ce soient les élus, les associations, les gardes champêtres, les curés ? Soyons sérieux ! C’est aux forces de l’ordre d’assumer pleinement ces responsabilités. Mais le ministère de l’intérieur c’est aussi le ministère des droits, et c’est sous le régime de la loi et de la Constitution qu’agissent ses fonctionnaires. Je le dis avec fermeté, car j’en ai assez de cette vision répressive du ministère de l’intérieur. Cette position fait l’objet d’un débat au sein de la gauche, mais pour ma part, je l’assume.

M. Marc Dolez. Vous avez un héritage aussi !

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. C’est un autre héritage que je revendique. Vous le savez bien, monsieur Dolez, ceux qui ont gouverné à gauche depuis 1981 n’ont jamais failli quand il s’est agi de maintenir l’ordre. Mais l’héritage ne fait pas non plus des policiers et des gendarmes des sarkozystes en puissance. Il y a une continuité – et je l’assume – dans le choix de garder la politique migratoire et d’asile, et celle d’intégration et de naturalisation sous la responsabilité des préfets. Ces derniers sont des hauts fonctionnaires qui ont souvent été maltraités ; et s’ils assument une ligne politique, c’est au nom de l’intérêt général et de l’État de droit.

Il s’agit de débats compliqués, et beaucoup de questions techniques ont été soulevées.

Monsieur Larrivé, vous dites que la France a le droit de choisir qui elle doit accueillir sur son territoire. Ayant d’autres références, je préférerais, pour ma part, citer – en entier – la fameuse phrase de Michel Rocard, mais d’une certaine manière, je pourrais faire écho à votre remarque : oui, la France en a le droit, dans le respect de la loi républicaine et des conventions européennes et internationales qui régissent l’immigration et le droit d’asile. La loi républicaine doit être claire, et s’appliquer de manière égale pour tous, dans la dignité et le respect des personnes.

Je constate que vous êtes d’accord avec moi quand je suis moi-même d’accord avec mes prédécesseurs, mais en désaccord quand j’introduis un changement. Vous m’accusez de ne pas assumer les reconduites à la frontière, mais je vous mets en garde contre ce qui n’est qu’un procès d’intention. Le Président de la République a promis de lutter avec fermeté et rigueur contre l’immigration clandestine, s’attaquant avant tout à ceux qui l’organisent. Dans le cadre de cette politique de lutte contre l’immigration irrégulière, j’effectue des reconduites à la frontière ; je procède et je procéderai à des éloignements dans le respect du droit. Je ne fais pas de course au chiffre, mais le nombre de reconduites à la frontière réalisées en 2012 sera supérieur à celui de 2011. Le débat serait plutôt de savoir qui on reconduit ; en l’occurrence, il s’agit souvent de populations européennes, ce qui a également permis d’augmenter ce chiffre.

C’est non pas depuis le 15 mai, comme vous l’affirmez, mais depuis le mois de mars que les éloignements sont en diminution. Étant au pouvoir, vous aviez en effet refusé d’appliquer les recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne sur la suppression des gardes à vue des étrangers en situation irrégulière. Les juges, eux, ont commencé à appliquer cette décision par anticipation, avant même notre arrivée au pouvoir, et encore plus quand un premier avis de la Cour de cassation l’a confirmée début juillet. Un texte de loi créant un mécanisme de retenue pour vérification du droit de séjour est en cours d’examen au Sénat ; mais ce mécanisme aurait dû être anticipé avant, son absence étant l’une des raisons de la baisse des reconduites à la frontière.

À l’aide de ce nouveau mécanisme – qui doit encore être débattu et voté par le Parlement – ce Gouvernement et le ministre de l’intérieur que je suis ont la volonté de mener une politique humaine, juste, respectueuse du droit, mais très ferme concernant les reconduites à la frontière. Il n’y aura pas non plus de régularisations massives des sans-papiers ; nous préparons actuellement une circulaire allant dans ce sens et aurons aussi l’occasion d’en débattre. Cette politique est celle du Président de la République et du Premier ministre, et je l’applique sans réserve. Ces sujets ont été tellement exploités depuis quelques années que la confusion pointe dès que le débat ne respecte pas la bonne foi, les chiffres. J’espère avoir clarifié ce qu’est le fond de notre politique dans ce domaine.

J’en viens aux questions des rapporteurs. La situation relative à l’hébergement des demandeurs d’asile, qu’ont évoquée M. Grandguillaume et Mme Dagoma, n’est pas satisfaisante. Des efforts ont été faits dans le passé, notamment en matière de création de places dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, les CADA. La politique d’asile n’est pas une variable d’ajustement de la politique d’immigration, même si cette dernière doit parfois s’occuper des déboutés du droit d’asile. Je n’ai pas pu me rendre au conseil « Justice et affaires intérieures », au Luxembourg, mais nous avions anticipé ses décisions avec mon homologue allemand à l’occasion de notre rencontre à Berlin il y a deux jours. Le droit d’asile est aujourd’hui détourné par certains ressortissants des pays qui ont récemment bénéficié d’une libéralisation du régime des visas, ce qui engendre des difficultés importantes. M. Grandguillaume connaît parfaitement le sujet puisque dans tout l’est de la France, les villes, les structures de l’État et les associations font face à un afflux de demandes d’asile.

Cependant, la sous-dotation structurelle des crédits d’hébergement d’urgence place les préfets dans une situation très difficile. L’absence de visibilité sur les crédits les empêche de passer des contrats avec les structures d’hébergement dans de bonnes conditions. Pour le budget 2013, j’ai obtenu deux arbitrages importants : d’une part, la création de 1 000 places supplémentaires en CADA, bon début lorsque l’on sait qu’aucune place nouvelle n’avait été ouverte depuis plus de deux ans, alors que le nombre de demandeurs d’asile a augmenté de près de 25 % durant la même période ; d’autre part, un rebasage des crédits d’hébergement d’urgence de 35 millions d’euros qui permet enfin d’ajuster la dotation à la réalité de la dépense. Si la demande d’asile n’augmente pas de façon imprévue – l’hypothèse inverse n’est malheureusement pas à exclure –, nous pourrions sortir de l’insincérité budgétaire qui complique la gestion des dispositifs au plan local.

La diminution des délais d’examen des demandes d’asile est la priorité du Président de la République, que je mets en œuvre. Début 2013, des effectifs supplémentaires seront pour cela recrutés à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. Dans ces conditions, la durée de séjour en CADA devrait être réduite, ce qui entraînera un turn-over plus important et donc une capacité d’accueil accrue en CADA, au-delà des 1 000 places créées. J’ai bien entendu les remarques formulées sur les coûts respectifs des deux systèmes et l’avantage économique de l’hébergement en CADA – au demeurant pas toujours vérifié car il dépend de la composition de la famille du demandeur d’asile hébergé, et notamment de la présence ou non de mineurs. Je suis prêt à examiner en cours d’année, en fonction de la situation en CADA et de l’hébergement d’urgence, avec ma collègue Cécile Duflot, une éventuelle substitution de crédits entre les deux dispositifs, à coût constant, au bénéfice de création de places supplémentaires en CADA. Cette évolution devra être validée au niveau interministériel, en association avec le Parlement.

Une autre question concerne l’utilité de conserver tous les centres de rétention administrative. Le taux d’occupation des CRA est de 52,5 % sur les neuf premiers mois de l’année 2012, en très légère augmentation par rapport à la même période de 2011 ; il était de 46 % pour le seul mois de septembre. Ces taux – liés aux décisions de la Cour de cassation sur la garde à vue – peuvent conduire à s’interroger sur le maintien du nombre de places qui s’élève aujourd’hui à 1 672. Je ne suis pas fermé à cette réflexion, mais il faut tenir compte des éléments plus qualitatifs : certains CRA peuvent être ponctuellement indisponibles, suite à des dégradations, comme actuellement à Bobigny, à des destructions, comme dans le passé à Vincennes, ou à des travaux. La capacité d’accueil en CRA doit donc toujours prévoir une marge pour faire face à des besoins imprévus. Au-delà de la simple capacité d’hébergement, il faut aussi prendre en considération le maillage territorial. Pour que les procédures d’éloignement se déroulent dans des conditions satisfaisantes et respectueuses des droits, les CRA ne doivent pas être trop éloignés des lieux d’interpellation. Il ne faudrait pas que, comme cela a pu se faire dans le passé, faute de CRA à proximité ou disponible, les retenus soient mélangés aux gardés à vue dans des commissariats de police. Enfin, et avant toute décision de fermeture de CRA, il importe d’avoir stabilisé la réflexion sur l’articulation entre rétention et assignation à résidence, tout en tenant compte de la décision de la Cour de cassation, de la nouvelle loi à venir, et des évolutions européennes en matière de rétention qu’il nous faudrait anticiper – je compte, mesdames, messieurs les députés, sur vos conseils et sur votre travail à cet égard.

S’agissant du marché de l’assistance juridique évoqué par M. Grandguillaume, en vigueur depuis 2010, décomposé en huit lots et confié à cinq associations, il arrive à son terme à la fin de cette année. Les modalités de poursuite de cette action sont en cours d’examen et, avant de lancer un nouveau marché pluriannuel, je souhaite que la réflexion menée par nos services sur l’articulation entre rétention et assignation à résidence soit stabilisée.

Lorsque je me suis rendu en Roumanie en septembre dernier, en compagnie de Bernard Cazeneuve et de Dominique Raimbourg, tous mes interlocuteurs – ministres comme associations et ONG proches des populations roms – m’ont dit que notre système d’aide au retour humanitaire, qui coûte chaque année environ 3 millions d’euros, était inadapté, voire idiot, et qu’il avait un effet incitatif au départ pour les populations qui viennent en France. Nous sommes en train d’évaluer cette question ; je souhaite qu’elle soit traitée dans le cadre du groupe de travail mis en place au niveau européen à notre demande et accepté par la commissaire Viviane Reding, qui réunit les pays d’accueil comme les pays d’origine. S’il nous faut décider rapidement des orientations à adopter, nous devons nous garder de toute rupture brutale, car cette aide permet aussi les reconduites à la frontière et en y mettant fin, même pour de bonnes raisons, nous risquons de mettre en péril leur déroulement. Dans ce domaine délicat, il nous faudra nous appuyer sur les expériences et les possibilités disponibles ; je ne fais pour ma part qu’indiquer la direction que nous devrons prendre.

M. Alain Christnacht est revenu il y a quelques semaines d’une longue mission à Mayotte et aux Comores que le ministre des affaires étrangères et moi-même lui avions confiée. Le contexte local est celui d’une grande misère ; votre collègue Bernard Lesterlin qui connaît parfaitement le sujet peut témoigner du nombre de morts par noyade entre les Comores et Mayotte. Le CRA de Mayotte ne répond pas, en l’état, aux exigences en termes de conditions d’accueil, et son relogement est pour moi une priorité. Des travaux d’aménagement et de rénovation des locaux actuels, pour un coût de 400 000 euros, permettront avant la fin de l’année de doter le centre de trois salles dédiées respectivement aux femmes, aux familles et aux hommes, et de réaménager le poste de garde. Un nouveau CRA de 136 places, conforme aux normes d’espace et d’équipement, pourvu d’une zone d’attente de douze places et de locaux dédiés à la police aux frontières, la PAF, sera livré en 2015. Le projet est évalué à 25 millions d’euros. Le marché a été notifié le 18 septembre dernier et le début du chantier est prévu pour le printemps 2013.

L’accélération des procédures de traitement des demandes d’asile à l’OPFRA est un engagement du président de la République. Comme l’ont rappelé M. Geoffroy et Mme Chapdelaine, j’ai obtenu un renforcement des effectifs de l’Office, 10 officiers de protection devant être recrutés dès le début de l’année prochaine – chiffre non négligeable dans un contexte financier difficile. Ces mesures doivent permettre de diminuer le délai d’examen des dossiers à l’OFPRA, qui se situe déjà légèrement en dessous de six mois, alors qu’il était passé de 100 jours en 2008 à plus de 180 jours en 2011. Mais l’obtention de résultats dépend aussi de l’évolution de la demande d’asile, difficile à prévoir.

Il est vrai, Monsieur Geoffroy, que le Président de la République a souhaité faire diminuer de manière significative les délais de traitement des demandes d’asile, l’objectif étant de passer de dix-huit à six mois. Mais ces délais ne dépendent pas uniquement de l’OFPRA ; le travail de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, prend également beaucoup de temps. Le président Sauvé, avec lequel je me suis entretenu, est conscient de l’effort que chacun doit faire, mais l’objectif de réduire le délai à neuf ou huit mois me paraît plus raisonnable que celui de six mois. Ce serait déjà un progrès important, étant donné la complexité de certains dossiers.

Madame Dagoma, les crédits du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » diminueront en effet de 7,5 % en 2013, passant de 71,6 millions à 66,2 millions d’euros. Cette diminution est conforme à la norme d’évolution des crédits d’intervention décidée par le Premier ministre. Néanmoins, en tenant compte de la hausse des fonds de concours européens, la baisse des crédits est limitée à 3,5 %. Cette évolution ne traduit pas un désintérêt pour la politique d’intégration des étrangers sur notre territoire, mais rend nécessaire un recentrage sur les priorités. L’essentiel de la politique d’intégration est porté par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, dont le budget atteint 188 millions d’euros en 2012, soit près du triple des crédits du programme 104. La baisse de ces derniers affecte la subvention de l’État à l’OFII, principalement financé par les taxes, et à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration pour laquelle le ministère n’est qu’un contributeur parmi d’autres. Le budget de l’OFII pour 2013 préserve cependant les actions relatives à l’apprentissage du français à leur niveau de 2012. Les actions d’intégration des étrangers en situation régulière diminuant pour leur part de 3,2 millions d’euros, je souhaite les réorienter vers les étrangers arrivés récemment, pour financer en priorité l’apprentissage de la langue et l’accompagnement des familles primo-arrivantes vers une meilleure connaissance de l’école. Enfin, j’ai tenu à ce que les actions d’intégration des réfugiés soient sanctuarisées.

Nous pourrons revenir dans un autre contexte sur les grands axes de la politique du Gouvernement en matière d’intégration ; je me contente de signaler que le Premier ministre a confié au conseiller d’État Thierry Tuot une mission de réflexion sur la notion d’intégration et sur le portage administratif de la politique qui y est attachée. Nous aurons également l’occasion de reparler du projet de loi qui devrait être déposé au premier semestre 2013, visant à créer un titre de séjour pluriannuel susceptible de donner davantage de stabilité et de visibilité à ses titulaires.

Dans son arrêt du 27 septembre, la CJUE a considéré que les conditions d’accueil devaient être ouvertes aux demandeurs d’asile dont le dossier a vocation à être traité par un autre État membre en vertu du règlement de Dublin. Cela implique un hébergement d’urgence jusqu’au transfert effectif des demandeurs, alors que cet hébergement leur est ouvert actuellement jusqu’au mois suivant la décision d’admission, et l’ouverture de droits à l’allocation temporaire d’attente. Comme vous l’avez noté, l’impact financier sur les dépenses d’ATA de cette décision, intervenue après les arbitrages budgétaires, n’a pas été intégré dans le projet de loi de finances pour 2013 ; la France devra néanmoins respecter ses obligations. Une mission d’inspection doit se pencher très prochainement sur les modalités de gestion de l’ATA pour en identifier les marges d’amélioration, dans le respect des obligations légales de versement.

Monsieur Mennucci, nous avons décidé de modifier le dispositif d’accès à la nationalité française. Comme vous l’avez rappelé, ces dernières années, l’accès à la nationalité française a été entravé, ce qui s’est traduit par une baisse significative des naturalisations. La volonté du Gouvernement est de changer la donne, pour refaire de l’accès à la nationalité un moteur puissant de l’intégration.

Il ne s’agit pas d’ouvrir un grand débat sur la nationalité. Au cours de la législature précédente, j’ai présidé une mission sur la nationalité dont M. Goasguen était le rapporteur, et notre première audition fut celle de Pierre Mazeau. Cet ancien président du Conseil constitutionnel avait également été un parlementaire éminent, président de la Commission des lois à l’époque de la Commission Marceau Long que vous avez évoquée. C’est fort de toute sa sagesse qu’il nous a alors conjurés de ne plus toucher au droit de la nationalité. Ce type de débat – comme celui sur l’identité nationale, il y a deux ans – déchire la société française, et nous n’en ouvrirons pas de nouveau. Un cadre juridique existe, auquel Mme Guigou a beaucoup contribué comme garde des sceaux ; son application est assurée par des circulaires, comme celle que j’ai récemment signée – et vous en conviendrez, monsieur Larrivé, il y a quand même une différence entre une circulaire signée d’un ministre et un mail non signé.

Tout cela implique un travail important qui ne peut pas s’accomplir en quelques semaines. Une mission d’inspection qui examine en ce moment l’ensemble du dispositif pour me faire des propositions d’évolution, y compris d’évaluation organisationnelle, me remettra son rapport à la mi-novembre ; vous-mêmes, parlementaires, effectuez également un travail de qualité sur ces questions. Mais nous avons souhaité parer à l’urgence en revenant sur les critères les plus discriminants – le temps de présence sur le territoire national, l’âge, la détention d’un CDI – à l’origine de près de 70 % des refus de naturalisation. Soyez rassurés, avec les nouveaux critères, les futurs naturalisés seront de bons Français, et non des « Français au rabais » comme certains l’ont prétendu. Qui peut douter un seul instant de la volonté de ces personnes de s’intégrer dans notre société et d’être des citoyens faisant vivre nos valeurs ? Il s’agit de respecter les droits et les devoirs de chacun : si le Premier ministre a décidé l’abandon du QCM, nous maintenons le niveau d’exigence de maîtrise de la langue française, à laquelle je suis très attentif, ainsi que le principe d’une attestation, qui devient gratuite. Au total, je souhaite mener un travail ambitieux en matière de naturalisation, sans engager de polémique, mais en essayant de corriger le dispositif pour le rendre juste, transparent et efficace.

Vous avez évoqué la création de plateformes interdépartementales pour l’examen des dossiers de naturalisation. Je n’exclus pas de proposer en effet la mise en place d’une nouvelle organisation qui contribuerait à rendre le dispositif plus juste et plus transparent, qui simplifierait le traitement des dossiers tout en restant réaliste et compatible avec les moyens dont disposent les préfectures. Le cas échéant, j’examinerai la proposition de création de ce type de plateformes fondé sur le principe de la professionnalisation et de la mutualisation des pratiques des agents des préfectures. Toutefois, une telle mutualisation peut parfois soulever des problèmes s’agissant notamment des demandeurs d’asile, comme M. Grandguillaume le sait fort bien. Quoi qu’il en soit, nous tirerons tous les leçons de l’examen que nous nous apprêtons à réaliser.

Les conditions d’accueil des étrangers en préfecture, Monsieur Grandguillaume, Madame Dagoma, doivent en effet être satisfaisantes tant sur le plan du confort que de la discrétion. Il faut prendre sans tarder des mesures concrètes en ce sens. Cela constitue d’autant plus une priorité que la situation demeure inacceptable dans nombre de départements. Les personnes concernées attendent trop longtemps, elles sont parfois refoulées, des trafics se développent même pour accéder à la préfecture. C’est inacceptable ! Lorsque j’habitais en face de la préfecture de l’Essonne, j’ai été témoin de pareilles situations dont sont victimes, je le rappelle, des étrangers en situation régulière.

Les contraintes auxquelles nous sommes confrontés sont connues. La demande d’accueil s’est stabilisée depuis quelques années à un point haut avec près de 800 000 titres délivrés par an et 4,5 millions de réceptions aux guichets. Le nombre des étrangers accueillis augmentera toutefois puisque la biométrisation des titres oblige ces derniers à se déplacer en personne au guichet pour prendre leurs empreintes. Autre conséquence : le transfert en préfecture et en sous-préfecture de l’accueil réalisé jusqu’ici par les mairies ou les universités. C’est dans ce contexte que j’ai demandé là aussi à l’Inspection générale de l’administration de remettre un rapport faisant un point objectif de la situation et proposant des pistes d’amélioration.

S’agissant de la communication au Parlement des taux de décisions défavorables et des motifs sur lesquels elles se fondent, comprenez-moi, monsieur Mennucci : en mettant immédiatement fin aux critères les plus discriminants, je ne souhaite pas entrer dans une politique du chiffre ; je veux redonner à la France, sous l’autorité du Président de la République, des raisons d’être fière de son histoire et de ses valeurs. La chute du nombre de naturalisations que nous connaissons et sur laquelle vous avez insisté résulte d’une politique de repli. C’est précisément cela que nous voulons changer. Je veillerai à l’application de la première circulaire que j’ai envoyée aux préfets comme à celle de la circulaire cadre qui sera élaborée au début de l’année prochaine.

L’indicateur du nombre de refus n’est à cet égard pas suffisant. Il convient d’en analyser les motifs, travail forcément lourd et compliqué. Je me suis prononcé en faveur de la transparence du dispositif et, là encore, j’examinerai avec beaucoup d’attention votre proposition.

Messieurs Geoffroy et Ciotti, j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer les questions de l’intégration des politiques d’immigration dans le périmètre du ministère de l’intérieur, du délai d’examen des dossiers à l’OFPRA et à la Cour nationale du droit d’asile, ainsi que des moyens déployés.

S’agissant de la vacance du poste de directeur général de l’OFPRA, Laurent Fabius et moi-même proposerons dans quelques jours aux Commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat le nom d’un candidat que nous avons choisi pour que vous l’auditionniez. Il est en effet très important que l’OFPRA ait un directeur et il n’est pas question de réaliser des économies sur ce type de poste. Compte tenu des enjeux à venir, nous voulions choisir quelqu’un qui ait un profil d’organisateur et de diplomate. Je ne peux que vous assurer de ses grandes capacités.

Monsieur Dolez, le Président de la République, au cours de la campagne électorale, s’est engagé à fixer plus précisément les critères ouvrant droit à la délivrance d’un titre de séjour. En effet, d’aucuns peuvent avoir le sentiment que la politique menée est arbitraire en constatant les différences existant à ce propos d’un département à l’autre. J’ai donc demandé à mon cabinet et aux services du ministère d’engager la rédaction d’une circulaire en concertation avec les organisations syndicales et le milieu associatif - dont j’ai reçu personnellement les représentants - afin de clarifier les éléments d’appréciation à prendre en compte lors de l’examen par l’autorité administrative compétente.

Les catégories visées par la circulaire seront les parents d’enfants scolarisés, les jeunes majeurs et les étrangers pouvant faire valoir des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, notamment en raison de leur insertion professionnelle. La circulaire précisera les modalités d’appréciation de la durée de séjour mais, à ce stade, nous ne sommes pas encore entrés dans le détail. Il conviendra, ensuite, que le demandeur prouve son insertion dans la société française ainsi qu’une maîtrise orale minimale de notre langue et manifeste son respect des valeurs de la République. Les parents d’enfants scolarisés devront quant à eux prouver qu’ils assurent effectivement la charge qui leur incombe dans le suivi de la scolarité de leurs enfants. Comme vous le savez, l’engagement des parents auprès des enfants dans le cadre de la vie scolaire pendant plusieurs années constitue une preuve satisfaisante d’intégration sociale.

Pour les étrangers qui feront état de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires, il sera tenu compte de leurs capacités à s’insérer professionnellement, en application de l’un des articles du CESEDA. Le champ de l’admission exceptionnelle au séjour par le travail sera quant à lui ouvert à tous les métiers, la procédure de régularisation par le travail n’étant plus limitée aux titulaires d’un contrat de travail dont le métier est listé par arrêté ministériel. Pour les jeunes mineurs devenus majeurs, la circulaire soulignera sans doute l’importance de prendre en considération non seulement les liens personnels et familiaux tissés en France, mais aussi le parcours de réussite scolaire et universitaire.

La circulaire sera publiée dans le courant du mois de novembre et consacrera l’engagement de François Hollande de formuler des règles claires et appliquées de façon égale pour tous et partout. En fixant des critères, elle permettra de régulariser beaucoup d’étrangers, comme c’est déjà le cas du reste – 30 000 sont régularisés tous les ans –, mais il y aura aussi des reconduites à la frontière. Cela signifie donc qu’il n’y aura pas de régularisation massive. Je l’ai déjà dit : cette politique ne se traduira pas par des évolutions sensibles en termes de chiffres, s’agissant tant des régularisations que des reconduites à la frontière. Telle est la volonté du Gouvernement. Personne ne peut en douter : nous serons extrêmement fermes. Nous sommes, en effet, dans une situation économique et sociale où il faut être très prudent. Nous ne pouvons pas nous permettre de promouvoir des politiques qui ne seraient ni acceptables ni acceptées par nos compatriotes.

M. Pierre-Alain Muet, président. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour ces réponses détaillées et complètes.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je vous remercie également, monsieur le ministre, pour la clarté et la précision de vos réponses qui montrent que vous avez une ligne et tenez un cap, ce qui est évidemment essentiel. Je partage les orientations dont vous venez de faire état, lesquelles illustrent une certaine continuité non seulement avec la politique de gouvernements dont j’ai jadis fait partie, mais aussi avec certaines politiques menées, ce qui est une bonne chose.

Les politiques dont vous avez la charge ont une dimension européenne importante, que ce soit en matière d’immigration ou d’asile. De ce point de vue là, la qualité des politiques européennes mises en œuvre s’est accrue, de même que les processus d’intégration, mais la pression à laquelle nous sommes confrontés s’est aussi accentuée.

La principale porte d’entrée de l’immigration clandestine se situe à la frontière gréco-turque. La Grèce, pour toutes sortes de raison, éprouve les plus grandes difficultés à contrôler cette frontière extérieure de l’Union européenne. Le système européen hérité de Schengen et d’autres traités repose sur la liberté de circulation à l’intérieur de l’espace européen, ainsi que sur un contrôle vigilant des frontières extérieures. Comment évaluez-vous le mécanisme européen de responsabilité et de solidarité auquel chaque État membre est soumis, lequel se manifeste à travers les fonds de concours intégrés dans cette mission budgétaire ? Est-il équitablement partagé ?

L’Europe ayant l’intention de développer un partenariat avec les pays d’immigration, notamment suite au printemps arabe, quelles sont vos priorités en la matière ?

Les politiques européennes du droit d’asile devraient être communes. De nouvelles intentions ont été formulées en ce sens et un calendrier a semble-t-il été fixé pour qu’un « paquet » de directives et de règlements nouveaux créant un tel régime commun soit adopté avant la fin de cette année. Ce calendrier vous paraît-il raisonnable ? Là encore, quels axes prioritaires entendez-vous développer ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’intérêt des questions que je souhaitais vous poser, monsieur le ministre, est un peu obéré par la précision et l’étendue de vos réponses. Je me contenterai donc de vous demander d’approfondir certaines de celles que vous avez apportées.

Vous avez en mémoire les polémiques et les difficultés qui se sont fait jour lorsque le gouvernement précédent a quasiment fermé l’accès aux CRA. Comment jugez-vous le travail des cinq associations qui interviennent en matière d’accompagnement social, d’aide à l’information et d’exercice des droits des personnes retenues ? Qu’en est-il des définitions des modalités de l’appel d’offres ? Dans quelles conditions envisagez-vous la mise en œuvre des dispositifs d’assignation à résidence actuellement à l’étude ?

Le rapport du Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) de M. Arnaud Bernard et Mme Hoffman-Rispal qui avait été rédigé parallèlement à celui de la Cour des Comptes montre, s’agissant des problèmes de logement, d’hébergement d’urgence et de CADA, que nous sommes confrontés à un véritable goulot d’étranglement. La lente augmentation des places, y compris pour des raisons techniques, génère une véritable embolie. Entre les personnes qui peuvent bénéficier des logements d’urgence mais qui n’en trouvent pas et celles qui, faute d’avoir obtenu le statut de demandeur d’asile, ne sortent pas très rapidement des CADA, on mesure l’ampleur des difficultés. Conséquence encore plus grave d’une telle situation : les offres d’hébergement d’urgence sur les territoires, indépendamment du statut des réfugiés et des demandeurs d’asile, sont réduites à la portion congrue. Dans certains départements, après le mois de novembre, on n’en dénombre même plus aucune. Comment faire pour éviter d’avoir à gérer dans l’urgence de telles situations ? Alors que des familles vont de squat en squat, que l’on confond des personnes qui ont des papiers avec celles qui n’en ont pas et que l’offre de logement est totalement fermée, les difficultés rencontrées sont grandes. Une réflexion soutenue sur les enjeux du logement ne pourrait-elle pas être menée conjointement par les ministères du logement, de la cohésion sociale et de l’intérieur ? Je me permets de rappeler que la situation actuelle se traduit par un coût d’hébergement de 1 million d’euros par jour, soit 365 millions d’euros par an : c’est une somme supérieure à l’investissement en faveur de l’aide à la pierre réalisé par le précédent gouvernement !

Enfin, ne pourrait-on pas résoudre le problème des CADA en nouant des partenariats avec Adoma, dont je tiens à souligner les difficultés, en réformant la démarche de cette institution ? Une révision des stratégies d’abandon de patrimoine que nous avons connues ces dernières années pourrait sans doute être aussi engagée afin de proposer des offres nouvelles.

Je suis très satisfait du contenu de la circulaire que vous venez d’annoncer, monsieur le ministre. Les conditions dans lesquelles les décisions interviennent seront enfin mises à plat et leur légitimité, qu’il s’agisse de reconduites à la frontière ou d’informer les demandeurs de la nature des décisions appliquées, en sera confortée.

M. Philippe Goujon. Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, monsieur le ministre. Comme vos prédécesseurs, vous essayez d’associer fermeté et humanité dans un domaine particulièrement difficile. Je crains, toutefois, que cet équilibre ne soit rompu.

En effet, j’ai du mal à croire que, comme vous le dites, vous parviendrez à maintenir un haut niveau de reconduites à la frontière d’étrangers clandestins – 33 000 en 2011 alors que l’objectif du précédent gouvernement était d’atteindre 40 000 en 2012. Aujourd’hui, à Paris, les interpellations d’étrangers sans papier ont chuté de 50 %. Le taux d’occupation des CRA, quant à lui, a baissé de 65 % au mois de mars 2012, de 57 % au mois d’avril, de 55 % au mois de mai, de 48 % au mois de juin, de 41 % au mois de juillet et d’environ 35 %, dit-on, au mois de septembre. La situation n’est donc pas tout à fait la même que sous la précédente majorité. Il y a quelques semaines, on nous a indiqué qu’au CRA du Mesnil-Amelot, le plus grand de France, seules 90 places sur 240 étaient occupées.

Nous sommes très inquiets, car vous ne fixez aucun objectif chiffré. Nous voulons bien vous croire et ne pas vous faire de procès d’intention quand vous dites que le taux de reconduites à la frontière sera supérieur cette année, mais vous ne fixez aucun objectif chiffré pour des raisons de fond.

Vous augmentez de 24 % les crédits de prise en charge de demandeurs d’asile, mais pas ceux consacrés aux reconduites à la frontière. Vous prônez la fermeté dans vos discours, je vous en donne acte de façon républicaine, mais vous assouplissez les critères de régularisation au risque de provoquer une vague massive d’immigration, comme nous l’avons connue sous le Gouvernement Jospin avec les 80 000 régularisations de 1998. Si votre circulaire rassure nos collègues de gauche, elle nous inquiète en revanche au plus haut point.

Favoriser l’intégration ne me semble pas compatible avec l’ouverture tous azimuts des naturalisations – même si la formule est un peu forte – auxquelles vous procédez en abaissant le niveau d’exigence de connaissances de notre langue, de notre culture, de notre histoire, en abandonnant la condition d’insertion professionnelle durable – suppression du critère de CDI –, en divisant par deux la durée de présence en France, etc. Peut-être ne s’agit-il d’ailleurs là, si je me reporte à des journaux du matin, que de compenser le report du droit de vote des étrangers aux calendes grecques…

Vous voulez inciter les ressortissants des pays d’Europe de l’Est, en particulier les Roms, à repartir dans leur pays en démantelant leurs campements – je constate ce soir encore que les choses vont dans le bon sens puisqu’un charter a été affrété à Lille pour organiser le retour, il est vrai volontaire, de 179 Roms roumains. À la fin du mois de septembre, le nombre d’expulsions sera de 7 000, mais il n’en reste pas moins que vous ouvrez le droit au logement et à l’emploi à cette population alors que nous battons des records de chômage. De plus, quels types de logements pourront-ils être mis à sa disposition ?

Vous savez également que la délinquance des ressortissants de l’Europe de l’est, concentrée sur des faits de vols et de mendicité agressive, n’a cessé de croître. À Paris, elle est en hausse de 78 % et était en 2011, pour 60 %, le fait de mineurs. Il y a bien trouble grave à l’ordre public. Le chiffre est terrible : un déferrement sur dix à la justice, à Paris, concerne désormais un migrant roumain. Certains d’entre eux sont interpellés vingt, trente, cinquante fois en flagrant délit et la justice peine à les dissuader de récidiver. Leur présence a même suscité récemment l’exaspération des Marseillais – je parle sous le contrôle de M. Mennucci. Quels moyens comptez-vous donc mettre en œuvre pour lutter contre cette délinquance de masse alors que le seul geste significatif auquel nous avons récemment assisté à Paris est la suppression des arrêtés anti-mendicité sans qu’ils aient été remplacés par un autre dispositif ?

Pouvez-vous donner de plus amples informations sur les résultats de votre déplacement en Roumanie dans le but – et nous sommes d’accord avec vous si tel est bien le cas – de développer efficacement l’aide au retour et de réintégrer cette population dans son pays d’origine en liaison avec l’Union européenne ?

Enfin, je note que l’aide au développement ne figure plus dans les crédits de votre ministère.

M. Patrick Mennucci, rapporteur pour avis de la Commission des lois. Des collègues ont souligné que les questions relatives à la naturalisation relevaient désormais du seul ministère de l’intérieur. Je m’en suis également fait la remarque, mais je me suis forgé une conviction suite aux différentes auditions auxquelles j’ai assisté. Peu importe, en fait, le ministère qui a la main en la matière : le problème, ce sont les orientations politiques défendues. Il serait possible, par exemple, d’imaginer une Chancellerie extrêmement sévère et un ministère de l’intérieur qui agirait comme il le fait aujourd’hui. Poser la question de cette manière, c’est donner le sentiment que notre conception du ministère de l’intérieur s’inscrit non pas dans celle que nous avons de l’action gouvernementale, mais dans ce qui se dit ou dans l’image que l’on peut avoir de la police. Je crois, quant à moi, que la politique change les choses. Ce qui compte, c’est la façon dont on applique une politique et non le ministère auquel on appartient. Prétendre qu’il en est autrement peut même être blessant. Je le dis d’autant plus volontiers que, je le répète, j’ai pu partager le point de vue qui a été exprimé avant d’examiner la façon dont les choses se sont passées et de comprendre, grâce à Manuel Valls et aux directives qui ont été prises, que ce n’est pas tant la question du ministère qui importe que celle de l’orientation politique.

M. Marc Dolez. Je ne voulais ni irriter M. le ministre ni blesser M. Mennucci, mais nous aurions préféré revenir à la répartition des compétences d’avant 2007. De plus, comme je l’ai dit au ministre, le Gouvernement ne doit pas confirmer la conception sécuritaire de l’immigration qui était celle du précédent Gouvernement. Mais j’ai cru comprendre, en l’écoutant, qu’il ne la confirmerait pas.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. La situation à la frontière de la Grèce et de la Turquie est en effet préoccupante, même si la Grèce, avec le soutien de l’Union européenne, a commencé à assumer ses responsabilités dans une situation très difficile. Nous cherchons à obtenir de l’aide de la part de la Turquie. Ce pays a ainsi signé une convention de coopération technique avec la Grèce sous l’égide de l’agence Frontex, laquelle est évidemment soutenue par la France. La situation demeure néanmoins très fragile et la pression migratoire est très forte à la frontière gréco-turque, comme dans l’ensemble des Balkans. Nous travaillons aussi avec la Roumanie et la Bulgarie afin de les aider à renforcer leurs frontières. Des missions ont lieu ; la Commission européenne émet des avis ; les accords de Schengen soulèvent de nombreux débats qui se poursuivront dans les mois à venir. Nous sommes allés trop vite en intégrant la Roumanie et la Bulgarie, d’où les incontestables défis et problèmes auxquels nous sommes confrontés.

S’agissant des directives relatives à l’asile, le calendrier prévu pour la fin de l’année 2012 est réaliste pour une partie des textes en discussion. Il est plus incertain pour la directive procédure, qui nécessitera deux mois supplémentaires de travail à la Commission, au Parlement et au Conseil JAI, mais l’idée est de la boucler pour le début de l’année 2013.

Certes, les débats sur le nouveau système d’asile européen ont parfois été complexes, car les visions de la Commission et du Parlement, d’un côté, et du Conseil JAI, de l’autre, n’ont pas toujours été semblables. Mais il est clair qu’une adaptation des règles est nécessaire. Ce sera le cas pour l’OFPRA, avec l’entretien en présence d’une tierce personne, et pour l’agence européenne chargée de l’asile, mise en place depuis deux ans, qui aura un rôle d’appui.

La responsabilité et la solidarité seront au cœur de ces nouveaux dispositifs avec les deux pôles du système européen, le projet pilote de réinstallation des réfugiés présents à Malte et les fonds européens. Le plan d’action pour la Grèce en est l’illustration avec la réforme indispensable du système d’asile dans ce pays.

La responsabilité et la solidarité impliquent également d’assumer la reprise des demandeurs d’asile dans les pays d’entrée, conformément au règlement de Dublin. C’est aussi mettre en place un système d’alerte précoce pour éviter que ne se reproduise la situation de la Grèce : il s’agit de déclencher très tôt un programme d’appui lorsque la situation d’un État membre devient critique par rapport à ses obligations.

Monsieur Goujon, Monsieur Larrivé, cette politique ne s’inscrit pas toujours dans la continuité de mes prédécesseurs, mais il était important de faire passer le message, au premier Conseil JAI, que la France ne sortirait pas et ne menaçait pas de sortir de Schengen. Il est inutile de créer des tensions avec les pays européens, même si les discussions avec eux sont franches : si nous voulons être efficaces nous avons besoin, dans cet espace défini par Schengen, de rapports de confiance consolidés.

Monsieur Le Bouillonnec, le marché de l’assistance juridique arrive à son terme. À la demande des associations titulaires du marché, j’ai donné mon accord pour que ne soit pas republié tout de suite un marché pluriannuel. L’articulation entre rétention et assignation à résidence doit être clarifiée, et pas seulement pour les familles. Je vais m’y employer. Le travail réalisé par la Cimade, l’Ordre de Malte, le Forum des réfugiés, l’ASSFAM et France Terre d’asile est de qualité. Je ne stigmatiserai pas le rôle de ces associations, qui est très important. Je tiens à maintenir avec elles un dialogue de grande qualité, même si nous pouvons diverger sur certains sujets, ne poursuivant pas les mêmes objectifs. Je n’ai pas d’a priori, car écarter telle ou telle serait contraire à l’idée de ce marché.

Vous avez raison de souligner le problème de rotation dans les CADA. Les réfugiés doivent pouvoir accéder au logement social, d’où l’effort du Gouvernement en la matière. Les déboutés, eux, doivent être reconduits quand ils doivent l’être.

Avec le ministère en charge du logement, nous menons un important travail de coordination sur l’hébergement d’urgence. Il sera long, et je ne vous cache pas mon inquiétude au regard des sommes engagées. Je mesure le défi à relever.

Nous aurons à faire face à de vrais problèmes avec l’arrivée de populations en provenance de Macédoine, d’Albanie ou de Serbie. Il nous faudra les traiter à un moment difficile pour le pays, mais je ne doute pas que le dialogue fructueux avec le Parlement nous y aidera.

Monsieur Goujon, s’agissant de la naturalisation, le niveau d’exigence de maîtrise de la langue française est maintenu. Nous ne bradons pas la nationalité française, mais nous voulons un dispositif transparent, juste et efficace. Accueillir de nouveaux Français dans de bonnes conditions est un défi pour notre pays. Sur ce sujet, nous devrions nous retrouver.

Je vous rappelle que, lors de la mission sur la nationalité, votre collègue Claude Goasguen, qui en était le rapporteur, avait mis en cause la double nationalité avant de revenir sur cette position, et avait même émis l’idée du droit de vote pour les résidents étrangers pour mettre en cause les procédures de naturalisation. Avec une certaine cohérence, François Fillon a demandé au Président de la République de renoncer au projet sur le droit de vote des étrangers et d’examiner la possibilité d’intégrer davantage par la nationalité, autrement dit par la naturalisation. L’idée de faire baisser le nombre de naturalisations me paraît totalement contraire au projet national : ne faisons pas de ce sujet un débat entre nous.

Le taux d’occupation des CRA remonte. En juin 2011, il était de 26 %, contre 48 % pour le même mois en 2012. Il est passé de 31 % en juillet 2011 à 41 % en juillet 2012. Certes, alors qu’il était de 48 % en août 2011 et de 57% en septembre 2011, il est retombé à 39 % en août 2012 et à 45,90 % en septembre de cette année, mais je vous ai expliqué pourquoi en évoquant les conséquences de la décision de la Cour de justice et de la Cour de cassation. Monsieur Goujon, je vous propose que nous nous retrouvions à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine pour évaluer les résultats du nouveau texte de loi sur la rétention.

La double politique du chiffre pour le travail des forces de l’ordre, d’un côté, et les reconduites à la frontière, de l’autre, crée des tensions et engendre l’inefficacité. J’ai donné des consignes claires aux préfets sur les reconduites à la frontière ; elles seront poursuivies. Mais je vous le dis franchement : nous enfermer dans un chiffre nous amènera à reconduire de plus en plus de Bulgares et de Roumains. Donc, pas de laxisme, pas de naïveté, mais fermeté et justice !

S’agissant de la Roumanie, Monsieur Goujon, je connais les chiffres de la délinquance en Ile-de-France, notamment à Paris, et je partage votre analyse. Lors de la réunion interministérielle sur ces questions, le Premier ministre a réaffirmé que la lutte contre le crime et la délinquance était une priorité. D’ailleurs, le travail de notre police avec nos amis roumains, mis en œuvre par le précédent gouvernement, a donné d’excellents résultats. Je me suis rendu en Roumanie avec Bernard Cazeneuve, ministre chargé des affaires européennes, et le préfet de police qui a confirmé les accords avec le gouvernement roumain. Nous ne pouvons pas admettre la délinquance et l’exploitation des mineurs – mendicité, prostitution. Ces dernières heures encore, plusieurs réseaux ont été démantelés. Il y a quelques semaines, le journal Marianne a consacré un article édifiant à des réseaux dits étrangers – tchétchènes, géorgiens, roumains, bulgares – qui participent à l’organisation de la délinquance et de la criminalité. Il faut les combattre, en lien avec ces pays.

Ce que je retiens de ce déplacement en Roumanie, dans un contexte politique très particulier, c’est une volonté d’agir ensemble. Nous avons signé avec les autorités roumaines l’accord OFII, qui permet le financement de 80 microprojets pour les Roumains qui quittent la France pour retourner en Roumanie. J’ai évoqué le groupe de travail européen. Nous devons également mener un important travail avec les villes qui souhaitent appliquer la circulaire, signée par plusieurs ministres, sur les villages d’insertion et les parcours d’insertion à travers le logement, l’école, le travail. Je le dis de la manière la plus claire : ces populations ont vocation à retourner en Roumanie et à y rester. Il appartient au gouvernement roumain de faire des efforts très importants. Un grand nombre de villes se lancent dans des projets, et nous devons les aider. Si toutes les associations ne sont pas d’accord sur les villages et les parcours d’insertion, essayons néanmoins d’organiser ce débat de la manière la plus respectueuse qui soit.

Enfin, dans le cadre du projet de loi, un transfert a été opéré vers le budget du ministère des affaires étrangères, plus particulièrement du développement. Pascal Canfin m’a assuré que les obligations juridiques créées par ces accords, notamment pour le volet développement solidaire, seraient tenues. Pour l’avenir, en cas de besoin ponctuel, le ministère de l’intérieur pourra faire valoir ses priorités et proposer éventuellement la signature de nouveaux accords.

En conclusion, Mesdames, Messieurs, j’essaie de donner de la cohérence à une politique dans un domaine passionnant, difficile, mais que j’assume avec beaucoup d’engagement.

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EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de Monsieur Manuel Valls, Ministre de l’Intérieur, lors de la commission élargie, la commission des Finances examine les crédits de la mission Immigration, asile et intégration.

M. Laurent Grandguillaume. Je suis favorable à ce budget de fermeté, de sincérité et de dignité.

La Commission adopte, sur l’avis favorable du Rapporteur spécial, les crédits de la mission Immigration, asile et intégration.

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ANNEXE :
LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Ministère de l’Intérieur – Secrétariat général à l’Immigration et à l’intégration

M. Stéphane Fratacci, secrétaire général

M. François Lucas, directeur de l’immigration (DIMM)

M. Jean de Croone, directeur adjoint de l’immigration

M. Michel Auboin, directeur de l’accueil, de l’intégration et de la nationalité (DAIC)

Mme Brigitte Frénais-Chamaillard, chef du service de l’Asile (SAS)

Mme Sylvie Moreau, chef de service, adjointe au DAIC

M. Rémy-Charles Marion, chef du Service des Affaires Générales et des finances (SGAF)

M. Hugues Besancenot, sous-directeur de la lutte contre les fraudes, des contrôles et de l’éloignement

Mme Julia Capel, chef du département des réfugiés et de l’accueil des demandeurs d’asile

Cour nationale du droit d’asile

Mme Martine Denis-Linton, présidente

M. Pascal Girault, secrétaire général

Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) 

Mme Agnès Fontana, Secrétaire générale

Office français de l’immigration et l’intégration (OFII)

M. Jean-Luc Frizol, secrétaire général

Mme Yolande Muller, directeur général adjoint en charge de l’asile

Adoma (ex Sonacotra)

M. Bruno Arbouet, directeur général

Mme Nathalie Chomette, directrice du Pôle de l’exploitation

CFDA (Coordination française du droit d’asile)

Mme Florence Boreil pour l’ACAT (Association des chrétiens pour l’abolition de la torture)

M. Jean-Marie Carrière pour JRS (Jesuite refugee service)

M. Jean-François Dubost pour Amnesty International

M. Gérard Sadik pour la CIMADE

ASSFAM

M. Jean-François Merle, président

M. Christian Laruelle, directeur

Forum Réfugiés

M. Jean-François Ploquin, directeur général de l’association

Mme Nadine Camp

France Terre d’asile

M. Pierre Henry, directeur général

M. Mathieu Tardis, responsable du secrétariat administratif général

Ordre de Malte-France

M. Xavier Allouis, directeur des actions de secours et de solidarité

Mme Lucie Feutrier, responsable de la coordination des centres de rétention administrative

Auditions de contrôle menées par le rapporteur spécial sur la gestion des flux d’immigration par les services préfectoraux

Ministère de l’Intérieur – Direction de la modernisation et de l’administration territoriale (DMAT)

M. Jean-Benoît Albertini, directeur

M. Julien Charles, sous-directeur de l’administration territoriale

M. Florian Lehoux, chargé de mission

Préfecture de police de Paris

M. David Julliard, sous-directeur de l’administration des étrangers

Des représentants des équipes du Centre de réception des étrangers, du centre d’accueil des demandeurs d’asile et du bureau des étudiants étrangers

Préfecture de région de Bourgogne - Service général des affaires régionales (SGAR) et Service régional intégration immigration (SRII)

M. Pascal Mailhos, Préfet de Région

M. Julien Marion, Secrétaire général de la Préfecture de région Bourgogne

Des représentants du SRII.

© Assemblée nationale

1 () Bornes informatique qui gèrent la base de données contenant les empreintes digitales des demandeurs d’asile et immigrants illégaux se trouvant sur le territoire de l’Union européenne.

2 () Direction générale de la modernisation de l’État.

3 () Hors fonds de concours et attribution de produits.

4 () Y compris fonds de concours et attribution de produits.

5 () Soit un fonds « Asile et migration » et un instrument pour les frontières extérieures et les visas intégré au fonds pour les frontières extérieures.

6 () Les CADA accueillent, dans la limite des places disponibles, ceux qui acceptent leur prise en charge, à l’exception des demandeurs d’asile en procédure prioritaire (définie à l’article L. 723-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) ou sous convocation Dublin (personnes déjà identifiées dans un autre État membre de l’Union européenne et en instance de réadmission dans cet État).

Les réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire peuvent y rester encore trois mois, renouvelables une fois avec l’accord du préfet, après la notification de la décision définitive sur la demande d’asile.

La durée de maintien dans les centres n’est que d’un mois s’agissant des personnes dont la demande d’asile a fait l’objet d’une décision définitive défavorable (les déboutés). Le recours contre cette décision ne rouvre pas un droit d’accès aux CADA.

7 () S’ils n’ont pas accès aux CADA, les demandeurs d’asile en procédure prioritaire (jusqu’à la notification de la décision de l’OFPRA) ou en procédure dite Dublin (jusqu’à la notification de la décision de réadmission) peuvent bénéficier d’un hébergement dans le dispositif d’accueil d’urgence financé par le programme 303. Peuvent a fortiori y prétendre les demandeurs d’asile éligibles à un accueil en CADA sans y trouver de place (éventuellement jusqu’à la décision de la CNDA).

En revanche, n’y ont pas accès ceux qui ont refusé l’offre de principe ou l’offre effective d’admission en CADA (mais la situation ne concerne qu’une petite minorité) ou ceux dont la demande d’asile n’a pas encore été officiellement enregistrée. Cet enregistrement dépendant notamment de leur domiciliation par les plates-formes de premier accueil, un certain temps peut s’écouler après les premiers contacts.

Tous peuvent solliciter un hébergement d’urgence dans les dispositifs généralistes gérés par le programme 177 Prévention des exclusions et insertion des personnes vulnérables.

8 () Dans ce cas, le versement intervient à raison de 30 % versés en France avant le départ, 50 % 6 mois après le retour et 20 % 12 mois après le retour, les sommes payables à l’étranger étant versées par l’intermédiaire des ambassades et consulats de France ou par les représentations de l’Office à l’étranger.

9 () À l’exception des centres sous la gestion de la Préfecture de police de Paris.

10 () Programme de la mission Aide publique au développement qui fait l’objet du rapport spécial de M. Jean-François Mancel.

11 () Les visas valant titre de séjour (VLS-TS) ont été instaurés le 1er juin 2009 afin de simplifier les procédures de délivrance aux étrangers de bonne foi et d’alléger la charge de travail des préfectures. Ce type de visa dispense son titulaire d’un titre de séjour pendant toute la durée de sa validité, comprise entre 4 et 12 mois. Il est en particulier délivré aux conjoints de français, aux étudiants et aux travailleurs salariés.

12 () Son programme chef de file est le 224 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture.