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N° 251

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2013 (n° 235),

PAR M. CHRISTIAN ECKERT,

Rapporteur Général,

Député

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ANNEXE N° 43

SÉCURITÉ

Rapporteure spéciale : Mme Sandrine MAZETIER

Députée

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INTRODUCTION 5

CHIFFRES CLÉS 7

I.– UNE NOUVELLE POLITIQUE DE SÉCURITÉ 9

A.– UNE VISION COMMUNE DE LA SÉCURITÉ 9

1.– Créer une relation de proximité 9

2.– Améliorer les statistiques publiques de la délinquance 11

B.– RÉNOVER LE DISPOSITIF DE FORMATION 12

C.– RÉPONDRE AUX PRIORITÉS 14

1.– Les zones de sécurité prioritaires (ZSP) 14

2.– Une meilleure recherche d’optimisation et de coordination des ressources 16

3.– L’emploi des unités de force mobile 18

a) Le recadrage des compagnies de sécurisation 18

b) La réversibilité missionnelle des forces mobiles 19

4.– La coordination en matière de lutte contre les cambriolages 19

D.– AMÉLIORER L’ORGANISATION 20

1.– Vers de nouvelles évolutions de compétence territoriale 20

2.– Un renforcement de la mutualisation des fonctions support 21

II.– LA POLICE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE ET LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE FINANCIÈRE : DES ÉQUILIBRES À TROUVER 22

A.– LE DÉVELOPPEMENT DE LA POLICE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE : DES PROGRÈS À CONSOLIDER 23

1.– Les fichiers d’indices 23

2.– L’activité de recueil et de traitement des indices 25

3.– Les structures nationales d’analyse 26

4.– Les propositions de la Cour des comptes et le plan d’action 2011-2013 28

5.– Conclusions : rechercher des progrès qualitatifs dans tous les domaines de la police scientifique 29

B.– LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE FINANCIÈRE 30

1.– Un domaine où la police joue le rôle principal 31

2.– Une répartition des affaires qu’il convient d’améliorer 33

3.– Un renforcement souhaitable du recouvrement des biens saisis et confisqués 34

III.– LES MOYENS BUDGÉTAIRES DE LA SÉCURITÉ 36

A.– LE PROJET DE BUDGET DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE (POLICE ET GENDARMERIE) POUR 2013 36

1.– L’exécution 2012 : le retour des tensions après l’accalmie de 2011 37

a) les crédits de rémunérations de titre 2 37

b) Les moyens de fonctionnement et d’investissement hors titre 2 40

2.– L’augmentation des charges de personnels en 2013 42

a) Les rémunérations 42

b) Les effectifs 45

3.– Les moyens de fonctionnement et les investissements en 2013 46

a) Les crédits de fonctionnement et d’investissement de la police 46

b) Les moyens de fonctionnement et les investissements de la gendarmerie 48

B.– LES MOYENS DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE 50

1.– Le programme Sécurité et éducation routières 50

2.– Le compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers 52

a) Des recettes croissantes 52

b) Des dotations qui ne concernent la sécurité routière que de façon subsidiaire 53

EXAMEN EN COMMISSION 55

LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE 59

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Au 10 octobre 2012, 100 % des réponses concernant le programme Gendarmerie nationale et 100 % des réponses concernant le programme Police nationale, étaient parvenues à la Rapporteure spéciale.

INTRODUCTION

La sécurité est avec la justice, l’éducation, la jeunesse et l’emploi, l’une des priorités du nouveau gouvernement.

C’est pourquoi, dans un contexte où la puissance publique doit montrer l’exemple en matière de redressement et participe, de fait, pour un tiers à l’effort d’assainissement des finances publiques et de désendettement compétitif du projet de loi de finances pour 2013, la sécurité est l’une des rares missions à voir ses moyens progresser.

Ainsi, alors que depuis 2007 les effectifs de policiers et de gendarmes étaient en diminution et que 3 200 suppressions de postes étaient encore prévues, pour 2013, par l’ancienne majorité, ce sont en fait, 480 créations nettes d’emplois qui interviendront l’an prochain.

Ainsi prend fin le désarmement matériel et moral de la police et de la gendarmerie, ainsi s’efface une période caractérisée par les suppressions de postes, la frénésie législative et l’improvisation au quotidien.

C’en est en effet fini des injonctions paradoxales faites aux forces de sécurité sommées de tenir des objectifs chiffrés toujours plus élevés avec des moyens humains et matériels toujours plus réduits.

Une nouvelle orientation est donnée à la politique de sécurité au service de la Nation.

Elle repose sur l’exigence d’une vision partagée par la population et par les agents des forces de sécurité, ce qui suppose notamment une rénovation du dispositif de formation des gendarmes et des policiers.

Elle implique un partenariat renforcé de l’ensemble des acteurs concernés au niveau national (justice, police, gendarmerie) comme sur le terrain, en particulier dans les zones de sécurité prioritaires.

Elle doit aussi permettre de répondre aux priorités et d'engager l'amélioration de l'organisation de la sécurité publique.

À la politique du chiffre va ainsi succéder une culture du résultat, évalué non seulement quantitativement mais aussi qualitativement, avec la volonté de réconcilier la société française avec celles et ceux qui la protègent et de donner à ces derniers les moyens humains et matériels d’accomplir leur mission.

CHIFFRES CLÉS

Le montant des crédits de la mission Sécurité inscrits dans le projet de loi de finances pour 2013 s’élève à 17,55 milliards d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. La mission est augmentée cette année du programme 207 Sécurité et éducation routières.

Pour les seuls programmes Police nationale et Gendarmerie nationale, les dotations prévues sont de 17,42 milliards en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement (+ 2,17 % pour les crédits de paiement).

Ces dotations sont adaptées à un cadrage budgétaire global contraignant. La progression des crédits résulte pour l’essentiel du dynamisme de la masse salariale et surtout des contributions au compte d’affectation spéciale des Pensions. Les crédits de personnel (titre 2) sont prévus en progression de 3,03 %, par rapport à 2012. La progression des seules rémunérations d’activité est soutenue avec une augmentation de 2,05 % sur le programme Police nationale et de 1,49 % sur le programme Gendarmerie nationale. Les contributions aux pensions de retraite progressent pour leur part de 6,08 %. Elles ont augmenté de 40 % depuis 2007.

En conséquence, la part des crédits de personnel, déjà très élevée, sera encore en augmentation en 2013 pour représenter, sur le programme Police nationale, plus de 90 % des dotations, et sur le programme Gendarmerie nationale plus de 85 % du total. Les crédits hors personnel sont prévus en diminution de 3,82 % en 2013, et ne représentent maintenant que moins de 12 % des crédits sur l’ensemble de la police et de la gendarmerie.

Les crédits du programme Police nationale s’élèveront en 2013 à 9,57 milliards d’euros en autorisations d’engagement (+ 3,24 %), et à 9,48 milliards d’euros en crédits de paiement (+ 2,99 %). Le plafond d’ETPT est de 142 317 (en diminution de 1 218 ETPT nets des transferts, par rapport à 2012).

Les crédits du programme Gendarmerie nationale s’élèveront en 2013 à 7,85 milliards d’euros en autorisations d’engagement (– 0,44 %), et à 7,94 milliards d’euros en crédits de paiement (+ 1,20 %). Le plafond d’ETPT est de 97 093 (soit une hausse nette des transferts de 193 ETPT par rapport à 2012).

Les crédits du programme Sécurité et éducation routières s’élèveront en 2013 à 129,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Le plafond d’ETPT est de 1 526.

Les crédits du compte d’affectation spéciale (CAS) Contrôle de la circulation et du stationnement routiers seront en 2013 de 1 417 millions d’euros.

*

I.– UNE NOUVELLE POLITIQUE DE SÉCURITÉ

Comme l’a exposé M. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, à l’École militaire, le 19 septembre 2012, la sécurité publique est au cœur de l’action politique. Il y a urgence à répondre aux attentes des Français, alors qu’ils ont placé leurs espoirs dans les mains du Président de la République qui a fait de la sécurité une priorité. Le Gouvernement, sous l'égide du Premier ministre, s'est entièrement attelé à cette tâche alors que le pays doit faire face à une crise, qui non seulement frappe son économie, mais remet en cause sa cohésion sociale.

On peut décliner cette nouvelle politique en quatre volets : elle repose sur une vision commune de la sécurité qui doit être partagée par la population comme par les agents des forces de sécurité, ce qui suppose une rénovation du dispositif de formation des gendarmes et des policiers, elle doit permettre de répondre aux priorités et d’engager l’amélioration de l’organisation de la sécurité publique.

A.– UNE VISION COMMUNE DE LA SÉCURITÉ

Après une décennie de politique qui a eu pour effet de multiplier les tensions entre les populations et entre les différents acteurs de la sécurité, la nouvelle politique de sécurité vise à construire un consensus autour des valeurs de la République.

1.– Créer une relation de proximité

La sécurité a constitué le fonds de commerce de la majorité sortante qui, depuis 2002, a multiplié les effets d’annonces et s’est signalé par une gesticulation brouillonne et une accumulation de mesures largement contradictoires. Il en est résulté un mouvement de croissance puis de recul des effectifs de police et de gendarmerie et des moyens et une politique de rémunérations généreuse non contrôlée, qui a pour effet que près de 91 % des crédits de la police sont maintenant dévolus aux rémunérations et pensions.

La Cour des comptes a mis en évidence les limites de cette politique dans son rapport public thématique sur l’organisation et la gestion des forces de sécurité publique, publié le 7 juillet 2011.

Comme l’a indiqué le ministre de l’Intérieur, deux échecs patents ont handicapé l’action des forces de sécurité : d'une part, la tension contre-productive dans leur relation avec l'autorité judiciaire et, d'autre part, l'incapacité ou le refus de traiter sérieusement les questions liées à la relation police-population.

Dans le même temps, les résultats ont été obérés par certaines réalités qui ne cadraient pas avec la politique du chiffre. Il s’agit de la hausse des violences, de la vive reprise, depuis 2009, des cambriolages, de la montée en régime d'une délinquance itinérante, difficile à combattre, parfois liée à des réseaux étrangers, de l'acuité du risque terroriste.

La nouvelle politique repose sur le renforcement des liens entre, d'une part, des forces de l'ordre qui agissent et, d'autre part, une population bien consciente de l'action menée.

Ce lien de confiance se bâtit en priorité sur le terrain, par une présence visible et un contact aussi fréquent et diversifié que possible avec les habitants.

Il ne s'agit pas de hiérarchiser ou d'opposer les différents modes d'intervention de police et de gendarmerie, des plus préventifs aux plus coercitifs. Tous sont nécessaires et pertinents, à condition qu'ils soient proportionnés à l'événement, sans contretemps, qu'ils soient bien articulés entre eux et qu'aucun ne supplante les autres.

La police et la gendarmerie doivent donc s'efforcer de nouer partout, et vis-à-vis de toutes les catégories de la population, une relation de proximité, en s'appuyant sur les relais utiles.

La légitimité que procure un contact régulier constitue un gage d'efficacité dans la résolution des problèmes. Elle permet fréquemment de prévenir les tensions ou de gérer la désescalade en cas de situation difficile. Elle permet d'isoler, y compris dans les quartiers populaires, les comportements inciviques ou délinquants.

Cette légitimité doit être confortée par la double nécessité du respect des forces de l’ordre par la population et du comportement exemplaire et respectueux des policiers et des gendarmes.

À cet égard, on ne peut admettre la manifestation de policiers en tenue et en armes, en décembre 2010, après le déroulement de telle audience judiciaire, à l’issue de laquelle certains de leurs collègues avaient été condamnés à des peines de prison ferme pour faux témoignage. On ne peut tolérer non plus des manifestations publiques de policiers en tenue et en armes, bloquant les Champs-Élysées en avril 2012, en pleine période d’élections générales.

Pour la police nationale, l’ambition est d’inscrire l’amélioration de la sécurité des personnes et des biens dans le cadre d’une stratégie globale de sécurité plus qualitative, plus respectueuse des partenaires, plus attentive aux attentes de la population. Cette stratégie s’inscrira dans un cadre opérationnel rénové englobant, outre les services de police, l’autorité judiciaire, les élus nationaux et locaux, les acteurs sociaux et privés.

La Gendarmerie, pour sa part, devra entretenir son lien de confiance traditionnel établi avec la population, en étant attentive à la croissance démographique dans les secteurs périurbains et à la moindre densité des secteurs ruraux.

Le respect des forces de l’ordre par la population est le corollaire du respect que les personnels lui portent. Le métier de policier et de gendarme est, rappelons-le, l’un des plus difficiles : il est malaisé de gérer, en première ligne, la dimension de plus en plus violente de la société, lorsque l’on est dépositaire de l’autorité publique.

2.– Améliorer les statistiques publiques de la délinquance

Le ministre de l’Intérieur a rappelé la tentation trop forte de vouloir gommer certaines réalités dans une course effrénée au chiffre officiel, qui imposait aux forces de sécurité des statistiques prescrites à l'avance et qui a nui à leur recherche d’une véritable efficacité professionnelle, en les détournant des missions véritablement prioritaires du traitement de fond des problèmes de délinquance et de criminalité.

Il a donc décidé d’améliorer la fiabilité de la statistique publique de la délinquance, et la sincérité dans son maniement, afin de sortir de l'instrumentalisation politique et médiatique permanente de données, trop hétérogènes pour être significatives, ou trop agrégées pour ne pas être manipulables.

La Cour des comptes a décrit dans son rapport précité sur l’organisation et la gestion des forces de sécurité publique l'art et la manière de piloter un taux d'élucidation global ou un volume attrape-tout d'infractions révélées par l'action des services (IRAS), les secondes pouvant servir à gonfler artificiellement le premier.

Les indicateurs statistiques demeureront un outil de pilotage et d'évaluation, mais ils seront revus et affinés et seront complétés par les interventions recensées en main courante.

Ces indicateurs seront alimentés via de nouveaux logiciels de procédure, le LRPPN2 (logiciel de rédaction des procédures de la police nationale) et LRPGN (logiciel de rédaction des procédures de la gendarmerie nationale).

Le ministre a expliqué qu’un avant-projet de tableau d'indicateurs rénovés sera adopté après une large concertation. Cette concertation réunira l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), l'INSEE, les commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat, les inspections générales et un panel de chercheurs, avec l’objectif que le nouvel outil de pilotage soit opérationnel à compter du 1er janvier 2013.

Au sein de la mission Sécurité, le dispositif de mesure de la performance en matière de lutte contre la délinquance, dont on vient de souligner les limites, avait été profondément modifié.

En 2010, il avait été décidé de mettre en place une nouvelle architecture de la statistique de la criminalité permettant de mieux distinguer l’évolution constatée de la délinquance, et la performance des services, tout en conservant l’ancienne nomenclature comme instrument de collationnement.

Les principales modifications portent sur l’utilisation des trois agrégats de l’observatoire national de la délinquance pour les infractions résultant de plaintes ou assimilées (atteintes aux biens, atteintes à l’intégrité physique des personnes, escroqueries et infractions économiques et financières), et sur une présentation nettement séparée des infractions révélées par l’activité des services (IRAS).

Si on se réfère aux quatre agrégats retenus en 2010, les évolutions les plus récentes sont les suivantes.

Le nombre de crimes et délits en matière d’atteinte aux biens continue de diminuer de 1,7 % en 2011 par rapport à 2010 : 2 146 479 crimes et délits en 2011 au lieu de 2 184 460 en 2010. La prévision actualisée pour 2012 est une nouvelle baisse de 1,7 %.

L’indicateur d’évolution des atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes, qui porte sur des nombres beaucoup plus limités, connaît en pourcentage une évolution récente favorable. Après une forte augmentation depuis 2002, la progression a été limitée à 0,1 % entre 2010 et 2011. La prévision actualisée pour 2012 est une baisse de 1,6 %.

Les crimes et délits en matière d’escroqueries et d’infractions économiques et financières ont diminué de 1,3 % en 2011 par rapport à 2010. Les prévisions pour 2012 sont une nouvelle diminution de 1,7 %.

L’indicateur d’évolution du nombre d’infractions révélées par l’action des services rend compte non pas de l’évolution de la délinquance, mais de l’action répressive conduite à l’initiative des services de sécurité sans plainte préalable de la part d’une présumée victime. Le nombre d’infractions révélées par l’activité des services avait diminué de 3,7 % de 2009 à 2010, mais il a augmenté de 5,4 % de 2010 à 2011.

Il est à noter que l’indicateur relatif à l’évolution du nombre d’infractions révélées par l’action des services de police (IRAS) a été supprimé dans le PAP 2013. La plupart des indicateurs sont désormais exprimés en tendances et non plus en objectifs chiffrés.

B.– RÉNOVER LE DISPOSITIF DE FORMATION

La nouvelle politique de sécurité met l’accent sur le renforcement de l’éthique et de la déontologie, qui doivent être des préoccupations permanentes. Le premier chantier annoncé par le ministre de l’Intérieur est celui de la rénovation du dispositif de formation.

La rénovation du lien police-population passe notamment par la réaffirmation de l’exemplarité, de la déontologie comme valeurs cardinales de la formation des policiers nationaux. La formation des policiers doit être adaptée à cette volonté politique.

Des assises de la formation de la police nationale doivent ouvrir la réflexion sur la formation des policiers à l’ensemble des acteurs de la sécurité. Ces assises déboucheront pour 2013 sur un nouveau schéma directeur de la formation pour la police nationale.

La rénovation en profondeur de la formation des policiers est une priorité du ministère de l’Intérieur. 10,4 millions d'euros seront consacrés en 2013 à la mise en œuvre de la formation initiale et continue de l’ensemble des fonctionnaires de la police nationale, soit une augmentation de plus de 15 % par rapport au budget exécuté en 2011.

À ce titre, en 2013, la formation initiale va croître pour prendre en compte les créations d’emplois de gardiens de la paix et d’adjoints de sécurité (ADS) qui ont été décidées. Le renforcement de la formation continue se traduira par les formations traditionnelles telles que les qualifications au grade de brigadier, brigadier-chef et d'officier de police judiciaire et par une enveloppe budgétaire consacrée aux formations professionnelles de mise à niveau ou d'amélioration des compétences des agents tout au long de leur carrière.

De nouvelles formations seront mises en place en raison, entre autres, de la poursuite du déploiement du nouveau système d’information dédié à l’investigation (NS2I), notamment dans son volet statistique. Ceci nécessitera le renforcement du réseau des formateurs informatique en charge de la formation des agents. Par ailleurs, la police nationale s'adaptera aux évolutions législatives ou réglementaires. Parallèlement, il a été demandé aux délégations interrégionales au recrutement et à la formation de la police nationale de répondre aux sollicitations des services de police afin d'adapter au mieux les formations aux exigences locales.

Enfin, dans le cadre de la mise en œuvre des premières zones de sécurité prioritaires, un accompagnement en termes de formation sera mis en place pour de nombreux fonctionnaires de police. L’accompagnement par la formation de l’insertion professionnelle des adjoints de sécurité représentera, cette année encore, un effort financier conséquent.

À partir de 2013, les missions de l’ENSP et de l’École nationale supérieure des officiers de police (ENSOP) seront regroupées. Le rapprochement des deux écoles de formation des cadres de la police nationale se traduira par la révision du statut actuel de l’ENSP, qui sera à la fois chargée de la formation des commissaires et des officiers de la police nationale. Le regroupement des missions de formation des cadres de la police nationale au sein d'un opérateur unique poursuit à la fois des objectifs pédagogiques, de rationalisation des fonctions supports, d’amélioration de la gouvernance mais également de recherche de nouveaux partenariats et de développement des ressources propres de l’établissement.

Dans la gendarmerie, trois principes majeurs président à l'élaboration des programmes de formation, la nécessité d'inculquer et d'entretenir l'enseignement des valeurs militaires, celle de garantir la sécurité des citoyens, la prise en compte du besoin, pour chaque gendarme, de développer des partenariats avec tous les acteurs de la sécurité. Les besoins en matière de formation de la gendarmerie s’élèvent à 4,18 millions d'euros en AE et CP pour 2013.

C.– RÉPONDRE AUX PRIORITÉS

La réponse du dispositif de sécurité publique aux priorités se traduit par la mise en place emblématique des zones de sécurité prioritaires, et également par la recherche de l’optimisation et de la coordination des ressources. Il doit résulter de cette dernière orientation la mutualisation des fonctions support et la réduction des missions périphériques, pour libérer des ressources au profit des missions de lutte contre la délinquance. De même un effort est conduit pour redéployer des effectifs actifs occupés à des tâches administratives vers des missions opérationnelles.

Le ministre de l’Intérieur a annoncé également un emploi accru des unités de force mobile pour des missions de sécurisation et un traitement spécifique des cambriolages.

1.– Les zones de sécurité prioritaires (ZSP)

Le ministre de l’Intérieur a expliqué la nature des zones de sécurité prioritaires (ZSP). Elles sont à la fois des zones de concentration des moyens et des terrains d’expérimentation pour la mise en œuvre des principes fondateurs de la nouvelle politique de sécurité publique : la responsabilisation des acteurs de la sécurité, l’ancrage local de l’action qui doit s’adapter aux spécificités du terrain, la nécessité de l’optimisation et de la coordination des ressources et la mise en œuvre de partenariats solides et efficaces.

Les ZSP sont emblématiques d’une nouvelle politique de gestion des personnels qui fait appel, à chaque échelon, au développement du sens des responsabilités et à l’esprit d’initiative.

Les zones de sécurité prioritaires ne constituent pas un dispositif spécifique ni ne procèdent d’une doctrine mais répondent à la nécessité de mettre en œuvre, sur des territoires ciblés, car difficiles et caractérisés par une délinquance enracinée, une méthode au service de l'action.

15 ZSP ont été mises en place dès septembre 2012 et le ministre de l’Intérieur s’est rendu le 11 septembre 2012 à Saint-Ouen pour lancer le dispositif, qui sera progressivement étendu. Il est prévu de créer 50 à 60 ZSP d’ici septembre 2013, en zone de police comme en zone de gendarmerie. En zone de police (hors agglomération parisienne), 8 secteurs sont déjà classés en ZSP : Lyon (quartier de la Duchère), Amiens (quartiers Nord), Corbeil-Essonnes (quartier des Tarterêts), Lille (quartiers du moulin, de Lille sud et faubourg de Béthune), Mantes-la-Ville et Mantes-la-Jolie (quartiers du Val Fourré et Les Merisiers) et Strasbourg (quartier Neuhof). Les 2 derniers secteurs sont mixtes avec la gendarmerie, il s’agit de Marseille quartiers nord et de Cayenne.

Leur action reposera sur une coordination opérationnelle renforcée de l’ensemble des forces de sécurité intérieure intervenant dans un territoire donné (brigades anti-criminalité, services départementaux d’information générale, forces mobiles, police judiciaire, etc.), pour utiliser tout l’éventail des techniques policières, et sur un partenariat resserré et renouvelé avec les acteurs locaux (justice, élus, éducateurs…). L’objectif est, en agissant sur plusieurs leviers, d’apporter des réponses opérationnelles efficaces et pérennes, mais également de renforcer le lien entre les forces de l’ordre et la population. Pour éviter une dispersion des ressources, les actions seront concentrées sur un nombre restreint d’objectifs clairement identifiés.

Ce dispositif bénéficiera autant que possible de l’allocation de moyens spécifiques. L’objectif est de doter les ZSP de personnels déjà formés. Les créations de postes permettront ainsi de faciliter les mutations de policiers et de gendarmes expérimentés vers les ZSP. Toutefois, les délais de recrutement et de formation ne permettront pas d’en disposer immédiatement.

Le contexte contraint, en matière d’effectifs, conduit donc à concevoir un dispositif reposant également sur la mobilisation et la coordination des ressources existantes. En fonction des problématiques rencontrées dans la zone et de l’organisation locale des forces de l’ordre, les leviers suivants pourront être utilisés : des redéploiements d’effectifs si le niveau des ressources locales le permet (grandes agglomérations), l’action des compagnies de sécurisation et d’intervention (CSI) orientée préférentiellement sur les ZSP, le déploiement de forces mobiles en sécurisation, soit 10 compagnies républicaines de sécurité (dont 1 dans le Nord, 1 dans le Rhône et 2 dans les Bouches-du-Rhône et 2 sur le ressort de la préfecture de police), des capacités d’investigation (sûretés, police judiciaire) et de renseignement opérationnel (services départementaux d’information générale, BAC, patrouilleurs…) orientées en priorité vers les ZSP, l’utilisation éventuelle des brigades spécialisées de terrain (BST), si leur territoire d’action correspond à tout ou partie du périmètre d’une ZSP, l’utilisation des ressources en matière de prévention avec les délégués à la cohésion police-population, volontaires citoyens, intervenants sociaux, psychologues...

Le pilotage du dispositif sera assuré par deux structures à vocation opérationnelle.

Une cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure réunissant régulièrement l’ensemble des services sous la codirection du préfet et du procureur de la République aura pour but de favoriser les échanges d’informations, de cibler les objectifs à atteindre, de définir puis déployer les moyens nécessaires de façon coordonnée, et d’évaluer les résultats.

Une cellule de coordination opérationnelle du partenariat conduira des actions de prévention de la délinquance en privilégiant une approche de traitement individualisé des situations problématiques, et pilotera l’action des ressources complémentaires à l’action des services (polices municipales,…). Sa composition sera fixée en fonction des configurations propres à chaque zone : elle pourra, par exemple, réunir le maire, le responsable territorial de la sécurité publique, le délégué à la cohésion police – population, le référent de l'éducation nationale, les bailleurs sociaux, etc.

Par ailleurs, des réunions de quartiers ou de secteurs pourront être organisées à échéances régulières pour organiser les échanges police/population/acteurs locaux et promouvoir les actions entreprises.

2.– Une meilleure recherche d’optimisation et de coordination des ressources

Le ministre de l’Intérieur a souhaité l’amélioration de l'optimisation et de la coordination des ressources, tout en abandonnant le réflexe qui a consisté, face à chaque problème rencontré, à créer des unités spécialisées, ces créations qui se font au détriment des effectifs généralistes.

Les services communs déjà en place sont la direction de la Coopération internationale (DCI) et le service des Technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure (STSI²) ainsi que les offices centraux qui relèvent soit de la police, soit de la gendarmerie : office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants, office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre, office central pour la répression de la délinquance itinérante, office central de lutte contre le travail illégal, office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique.

Policiers et gendarmes coopèrent dans plusieurs structures qui ne constituent pas tant des unités spécialisées que des modules de coordination. Ils travaillent ensemble au sein des groupes d’intervention régionaux (G.I.R), créés en mai 2002, pour lutter contre les trafics et l’économie souterraine, notamment dans les quartiers sensibles.

Au 8 août 2012, le dispositif G.I.R. se composait de 37 entités regroupant au sein des unités d'organisation et de commandement des personnels interministériels (police, gendarmerie, douanes, impôts). Les dernières entités G.I.R. mises en place concernent l’antenne du G.I.R. centre à Dreux (15 décembre 2011) et le G.I.R. de Nouvelle-Calédonie (31 octobre 2011).

22 G.I.R. relèvent de la police nationale (dont 17 rattachés à la direction centrale de la police judiciaire (D.C.P.J.), 4 à la préfecture de police et 1 à la direction départementale de la sécurité publique de La Réunion) et 15 de la gendarmerie nationale.

7 G.I.R. sont situés dans des départements ou collectivités d’outre-mer : Martinique, Guadeloupe, Réunion, Guyane, Mayotte, Polynésie française et Nouvelle-Calédonie.

Au niveau national, la mise en place de structures de coordination dans les domaines de l'insécurité routière (UCLIR), des forces d'intervention (UCOFI) et de la sécurité dans les transports en commun (UCSTC) a été réalisée en 2010. Elle s'appuyait sur l'existence préalable de structures de ce type, pour la lutte anti-terroriste (UCLAT) ou la gestion harmonisée de la ressource en forces mobiles (UCFM).

Dans chacun de ces domaines, ces structures assurent un suivi global et cohérent, contribuent à une prise en compte objective et équilibrée des difficultés rencontrées sur la base d'une analyse partagée des problématiques. Elles permettent ainsi d'ajuster la réponse des forces de sécurité tant dans l'adaptation des modes d'action ou des équipements que dans la définition des priorités et la complémentarité de leur engagement.

C'est dans le même esprit que les échelons départementaux ont été invités à mettre en œuvre des cellules anti-cambriolages. Le lien périodique ainsi créé a permis de générer confiance et proximité entre les unités de gendarmerie et les services de police, préalable nécessaire à des échanges fructueux. Il permet une meilleure prise en compte de la situation de la délinquance par le préfet et le procureur de la République et une définition plus pertinente des priorités. En termes opérationnels, ces échanges permettent régulièrement de compléter les données des services et de progresser dans leurs enquêtes respectives voire d'organiser des opérations conjointes de lutte anti-délinquance sur des zones touchées par des phénomènes identiques. La mise en œuvre de ces cellules entretient un lien permanent entre les acteurs de terrain.

Le travail en commun au niveau local a été fluidifié par la mise en place du processus de coordination opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires (CORAT). La formalisation de protocoles a permis, tout en conservant la nécessaire souplesse de gestion et d'emploi, de donner un cadre pour un meilleur emploi des ressources en vue d'une meilleure sécurité au quotidien.

Sous l'autorité du préfet, le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) et le commandant de groupement de gendarmerie départementale (CGGD) sont responsables de l'organisation, de la cohérence opérationnelle et de l'emploi optimal de leur force.

Aux limites des agglomérations et des territoires, où les problématiques de sécurité sont souvent communes, il était indispensable d'améliorer la coordination entre la police et la gendarmerie nationales en renforçant les échanges d’informations opérationnelles, en développant la concertation dans l’action et en valorisant, sans modification structurelle ni redéploiement, les modes d'action spécifiques développés par chaque force dans sa zone de compétence.

La coordination opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires (CORAT) permet aux responsables territoriaux, notamment le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) et le commandant du groupement de gendarmerie départementale (CGGD), de développer sur des zones contiguës des opérations coordonnées, en application de l’analyse opérationnelle de la délinquance, des directives gouvernementales et des orientations de l'autorité.

À ce jour, 90 protocoles CORAT ont été formalisés et 5 autres sont en cours de finalisation.

L'analyse à laquelle vont se livrer, d'ici à la fin de l'année 2012, les deux directions générales, permettra de déterminer, s'il y a lieu d'envisager des évolutions en matière de synergies opérationnelles. Au plan local, la mise en place des zones de sécurité prioritaires s'accompagnera de la mise sur pied de cellules de coordination opérationnelle, qui constitueront un espace nouveau d'échange pour améliorer la réponse en matière de sécurité.

3.– L’emploi des unités de force mobile

Le ministre de l’Intérieur a considéré que l'emploi des unités de force mobile est perfectible, les efforts devant être poursuivis. Les dispositifs de maintien de l'ordre, tout comme les services d'ordre lors des déplacements d'autorités, doivent être conçus – en intégrant les distances à parcourir – et mis en œuvre au plus juste des besoins. Ainsi, les CRS et les escadrons de gendarmerie mobile (EGM) pourront-ils davantage être mobilisés pour des missions de sécurisation.

Il convient de souligner que la perspective de renforcement de l’emploi des forces mobiles en mission de sécurisation est la conséquence de l’échec de la mise en place des compagnies de sécurisation, échec largement dû à l’insuffisance des effectifs disponibles.

a) Le recadrage des compagnies de sécurisation

La mise en œuvre des compagnies de sécurisation en 2008, a conduit à créer six compagnies de sécurisation en 2009 en zone de sécurité publique dans les départements des Bouches-du-Rhône (Marseille), de la Haute-Garonne (Toulouse), du Bas-Rhin (Strasbourg), des Yvelines (Versailles), de l’Essonne (Evry) et du Val-d’Oise (Cergy).

Un audit mené par l’inspection générale de l’administration, l’inspection générale de la police nationale et l’inspection générale des services sur le fonctionnement des compagnies de sécurisation a conduit à regrouper, en septembre 2010, les compagnies de sécurisation, les compagnies départementales d’intervention mais également les brigades anti-criminalité départementales dans une nouvelle unité : les compagnies de sécurisation et d’intervention (CSI).

Les CSI doivent mener des missions de prévention et de lutte contre toutes les manifestations de violences urbaines, de lutte contre la délinquance de proximité, de maintien et de service d’ordre, d’assistance et de soutien opérationnels. Elles comprennent une unité de sécurisation et une unité d’intervention, qui, quoique distinctes, doivent à tout moment pouvoir intervenir en commun, soit lors d’opérations programmées, soit en cas de violences urbaines importantes.

Elles doivent pouvoir répondre aux exigences locales à tout moment et dans un délai très court afin de renforcer les services territoriaux notamment dans leur lutte contre les violences urbaines.

b) La réversibilité missionnelle des forces mobiles

La doctrine d’emploi des forces mobiles, accompagnée d’une nouvelle instruction commune d’emploi, a été élaborée en décembre 2009. Elle conforte le principe de déconcentration de l’emploi des unités au niveau du préfet de zone de défense hors missions nationales. La nouveauté réside dans la rationalisation de l’emploi des unités, avec la sécabilité des unités en mission de maintien de l’ordre (MO), la réversibilité missionnelle (passage d’une mission de MO à une mission de sécurisation), et la fongibilité des zones de compétence gendarmerie/police nationales en matière de sécurisation, pour les forces mobiles.

Les forces mobiles ont connu depuis 2007 une réduction sensible de leurs effectifs. La police nationale a privilégié, pour les CRS, la réduction du potentiel opérationnel des unités de service général qui a été diminué de 5,5 unités, 11 compagnies composées de 6 sections ayant été ramenées à 4 sections entre 2007 et décembre 2010. Pour la gendarmerie nationale, la diminution des unités a été significative. En 2007, la gendarmerie mobile comptait 123 escadrons (EGM) totalisant un effectif de 14 082 militaires. En 2010 et 2011, 15 unités ont été dissoutes, portant le nombre d’escadrons à la fin 2011 à 108, pour un total de 12 373 militaires.

4.– La coordination en matière de lutte contre les cambriolages

Le ministre de l’Intérieur a invité les forces de sécurité à intensifier les efforts en matière de police judiciaire et de police technique et scientifique de proximité quand une zone rurale ou périurbaine est touchée par une recrudescence des cambriolages, en particulier, quand les ressources s'y prêtent, l'action des cellules ou des groupes d'enquête de lutte anticambriolages (CAC et GELAC).

En octobre 2009, des cellules anti-cambriolages, structures mixtes police-gendarmerie, ont été créées dans chaque département et différentes mesures ont été adoptées en matière d’élucidation (recours systématique à la police technique et scientifique…) et de prévention (extension du dispositif « opérations tranquillité vacances » à toutes les vacances scolaires…). En 2011, le nombre de faits constatés a augmenté de 5,46 % par rapport à 2010. Cette hausse est sensible pour les faits visant les habitations principales (+ 17,10 %) mais demeure contenue pour les faits visant les résidences secondaires (+ 1,75 %). En revanche, les cambriolages commis au préjudice des locaux industriels, commerciaux ou financiers (– 11,10 %) ont diminué. 99 cellules départementales et 8 cellules Outre-mer sont aujourd’hui en activité, ainsi qu’1 cellule au niveau de l’agglomération parisienne.

D.– AMÉLIORER L’ORGANISATION

Le ministre de l’Intérieur considère qu’au-delà de la réforme de la formation des policiers, il convient d’améliorer la rationalisation de l’organisation de la sécurité publique. Il a annoncé que de nouvelles évolutions de compétence territoriale interviendraient, après une concertation approfondie, avec les élus comme avec les personnels, et à condition qu'elles accroissent véritablement l'efficacité de chacune des deux forces. Il a invité également à l’approfondissement du soutien logistique.

1.– Vers de nouvelles évolutions de compétence territoriale

Des redéploiements de zones de compétence sont intervenus depuis une dizaine d’années en deux étapes, la première de 2003 à 2009 et la seconde à partir de 2009 dans le cadre de la mise en place de la police d’agglomération.

Entre 2003 et 2005 en métropole et achevée outre-mer en 2009 la redéfinition des zones a consisté à élargir les zones de compétence de la police nationale à la périphérie des grandes villes et à donner une compétence générale à la gendarmerie nationale sur les zones rurales, y compris les villes moyennes, jusqu’à 20 000 habitants.

Le redéploiement a concerné 343 communes relevant de 66 départements et regroupant près de 1,8 million d’habitants :

– 222 communes ont été transférées à la police nationale (pour environ 1 million d’habitants), par extension de 81 circonscriptions de sécurité publique et création de 3 nouvelles circonscriptions ;

– 121 communes ont été transférées à la gendarmerie nationale (pour environ 800 000 habitants), par suppression de 41 circonscriptions de sécurité publique, ou resserrement de l’assise territoriale de 21 autres.

Il restait encore, fin 2011, 37 circonscriptions de sécurité publique de moins de 20 000 habitants. Sur ces 37 circonscriptions, 7 sont le siège d’une préfecture (Foix, Basse-Terre, Mende, Privas, Guéret, Tulle, Digne-les-bains). Les plus petites sont Le Touquet Paris Plage (5 428 habitants en 2011) et Héricourt (10 797 habitants en 2011).

Une nouvelle vague de redéploiements a été déployée en 2007, dans le cadre de la mise en œuvre de la police d’agglomération.

Dans le rapport que la Cour des comptes a communiqué à la commission des Finances le 14 octobre 2011, et qui porte sur la redéfinition des zones de compétence de la police et de la gendarmerie nationales, la Cour observe notamment que des CSP de moins de 20 000 habitants, malgré un niveau de délinquance modeste, bénéficient d’une densité élevée de policiers au regard de leur population. La Cour préconise, qu’à l’avenir, les prochaines opérations de redéploiement portent particulièrement sur les petites CSP « isolées ».

La Cour considère, comme la DGGN, que les critères d’instauration du régime de la police d’État, inscrits dans le décret du 16 septembre 1996, seraient à réviser. Elle recommande que soit étudiée la possibilité de porter le seuil de population à 50 000 habitants, voire davantage.

La Cour ajoute que l’instauration de nouveaux redéploiements entre les deux zones serait facilitée si l’on renonçait à rechercher, pour chaque force, un impact globalement compensé, en termes de population couverte comme d’effectifs. La recherche de cet équilibre, surtout s’il se fait à l’intérieur de chaque département, peut en effet bloquer des redéploiements qui permettraient un emploi globalement plus efficient des policiers et des gendarmes.

La Cour considère qu’il n’y a en effet pas de raison a priori pour que l’extension de la zone de police dans les grands pôles urbains et celle de la zone de gendarmerie dans les petites CSP, qui répondent à des logiques différentes, mobilisent des moyens équivalents au sein de chaque force. Le solde des emplois dégagés et mobilisés par ces opérations serait à évaluer au plan national, sans exclure des mouvements d’emplois d’un programme à l’autre, au sein de la mission Sécurité.

Les ZSP semblent relever de cette logique.

2.– Un renforcement de la mutualisation des fonctions support

Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur trouve tout son sens dans le développement de structures mutualisées entre la police et la gendarmerie, en ce qui concerne les fonctions support.

Il s’agit d’accroître les complémentarités, la mise en commun des compétences et des moyens. Tout en préservant leur identité, la police et la gendarmerie nationales approfondissent les mutualisations engagées et en étendent le principe à de nouveaux domaines.

Trois domaines se prêtent tout particulièrement à la mutualisation des fonctions support : la politique d’achats groupés de matériel, la mutualisation des structures (par exemple des garages de maintenance automobile, ou d’entretien des armes) et les fichiers de police technique et scientifique.

Le rapport de la Cour des comptes transmis à la commission des Finances en septembre 2011 sur la mutualisation en matière de police technique et scientifique, d’achats et de gestion des véhicules, des réseaux de transmission et des achats et de la gestion des armes et équipements, entre la police et la gendarmerie nationales, considère que les mutualisations ne sont devenues prioritaires qu’en 2008, avec la RGPP.

La Cour considère que les économies imputées à la mise en œuvre des mutualisations entre la police et la gendarmerie sont encore trop modestes pour en faire un levier stratégique de la maîtrise des dépenses de la mission Sécurité. Elles ne représentent en effet qu’une part marginale de la réduction globale des crédits de fonctionnement alors qu’aucune estimation n’a été faite des économies budgétaires éventuellement réalisées en matière de dépenses de personnel.

La mutualisation a été relativement poussée pour les achats de véhicules comme pour le soutien automobile. La rationalisation des réseaux d’ateliers de maintenance automobile, préalable au rattachement de la gendarmerie à l’Intérieur, a été efficace. Globalement, la mutualisation de la maintenance automobile a encore une portée limitée.

Dans le domaine des transmissions et des systèmes d’information, la mutualisation entre la police et la gendarmerie a donné lieu à la création d’un service commun, baptisé le STSI2. Les deux forces étant dotées de réseaux mobiles de transmission distincts (RUBIS et ACROPOL), une stratégie reste à définir pour la constitution d’un réseau unifié avec des étapes de mise en cohérence au plan technique et organisationnel.

La Cour concède que les achats d’armements sont apparus, à la suite de la LOPPSI, comme le symbole des premières mutualisations réussies entre les deux forces. De fait, une proportion importante des achats d’armements est aujourd’hui mutualisée. Selon la Cour, les économies induites par cette mutualisation sont néanmoins difficiles à évaluer. La Cour a émis un certain nombre de propositions d’ordre pratique.

II.– LA POLICE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE ET LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE FINANCIÈRE : DES ÉQUILIBRES À TROUVER

La Rapporteure spéciale a décidé, dans le contexte de la mise en œuvre d’une nouvelle politique de sécurité publique, de porter une attention particulière à la police technique et scientifique comme à la lutte contre la délinquance financière. On présente en effet la première comme constituant une avancée décisive en matière de police judiciaire alors que la seconde semble avoir été délaissée par la majorité précédente.

A.– LE DÉVELOPPEMENT DE LA POLICE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE : DES PROGRÈS À CONSOLIDER

Dans son discours du 19 septembre 2012, M. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, a expliqué que, s’il mesurait pleinement les vertus de la conversion vers la police technique et scientifique de masse, il considérait pour autant que les avancées de la mutualisation entre la police et la gendarmerie restaient encore trop timides. La mutualisation ne saurait avoir pour objet de réaliser des économies, mais au contraire de prolonger l'amélioration du service rendu aux enquêteurs et à l'élucidation, par le concours mutuel des structures dédiées à la police scientifique, dans le respect des identités de chacun.

La Rapporteure spéciale a réalisé des auditions de responsables de la police technique et scientifique de la gendarmerie et de la police.

Elle en conclut que le développement des deux grands fichiers d’indices, le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) constitue une avancée majeure mais ne permet pas seul d’assurer l’efficacité des chaînes criminalistiques.

Le développement des complémentarités entre la police et la gendarmerie, la rationalisation des dispositifs et des coûts en particulier pour le recueil des empreintes génétiques, la démarche qualité, la recherche et la mesure de l’efficacité opérationnelle, conditionnent l’arrivée à maturité de la police technique et scientifique.

1.– Les fichiers d’indices

La police technique et scientifique (PTS) a connu une montée en puissance importante, avec le développement du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), ainsi que la création de l’institut national de la police scientifique (INPS), et l’activité des chaînes de génotypage de masse de Lyon et Pontoise.

Cette orientation est essentielle pour la sécurité des personnes et des biens : la recherche des auteurs d’infractions est facilitée et ceux-ci savent que l’on peut les retrouver, des années après, à raison des empreintes qu’ils ont laissées sur les scènes de crime. Elle est essentielle à la police judiciaire pour permettre le passage d’une culture de l’aveu à celle de la preuve, et ainsi prévenir les éventuelles erreurs judiciaires.

Le FAED a été créé en 1987 et le FNAEG en 1998. Ces fichiers ont connu une très forte extension depuis 2002.

Les fichiers d’empreintes permettent aux forces de sécurité intérieure de disposer des preuves techniques et contribuent fortement à l'élucidation des crimes et délits. Les fichiers FAED et FNAEG s’inscrivent dans le cadre d’une modernisation des systèmes d’information et d’investigation et permettent la résolution d’affaires de plus en plus nombreuses.

Le FAED permet l’identification des personnes et des traces papillaires relevées sur les lieux d’infractions, et contenait au 31 décembre 2011 4,33 millions de références individuelles à comparer à 1,5 million en 2002. Pour 2011, 843 073 nouvelles fiches décadactylaires ont été saisies (+ 9,18 % par rapport à 2010).

Le FNAEG était initialement destiné à recevoir les empreintes génétiques dans le seul cadre de la délinquance sexuelle, il a vocation aujourd’hui à contenir le génotype de tout auteur d’une infraction qualifiée de crime ou délit et punie de peine d’emprisonnement, et de tout condamné définitif pour l’une de ces infractions. Au 31 mars 2012, la base contenait plus de 1,9 million de profils à comparer à 1,6 million un an avant et 4 000 profils en 2002. Le FNAEG avait permis en 2011 60 171 rapprochements à comparer à 2 rapprochements en 2002. En 2011, 319 077 nouveaux profils ont été enregistrés (+ 6 % par rapport à 2010).

Pour autant, les résultats mettent en évidence le caractère incomplet voire fragile et encore insuffisamment efficace aux différentes étapes de la chaîne criminalistique, dans la couverture technique des scènes d’infraction comme dans l’alimentation et l’exploitation des bases nationales d’empreintes digitales ou génétiques.

Le taux d'identification des traces papillaires exploitables recueillies sur les scènes d'infraction (qui correspond au rapport entre le nombre d'identifications de traces réalisées par le FAED et le nombre de traces papillaires exploitées au FAED parmi les traces exploitables recueillies par les services sur les scènes d'infraction couvertes par l'investigation technique) renseigne sur un résultat opérationnel ayant un réel impact sur l’élucidation des crimes et délits. Il reste bas aussi bien pour la police (24 % en 2011) que pour la gendarmerie (20,3 %).

De même, alors que le plan d’action national PTS 2008-2010 avait fixé comme objectif la signalisation papillaire et génétique de 100 % des mis en cause pour crime ou délit, les statistiques mettent en évidence des résultats très inférieurs à cet objectif. Selon les indicateurs du PAP, le taux de signalisation au FNAEG des individus mis en cause, (qui correspond au rapport entre le nombre de personnes signalisées par prélèvement biologique et le nombre de personnes mises en cause) serait de 24,3 % pour la police fin 2011 et de 54,7 % pour la gendarmerie.

Le rapport général d’audit de décembre 2010 (commun à la DGPN et à la DGGN) sur le fonctionnement et les performances de la PTS dans la lutte contre la délinquance de masse et la criminalité organisée retient que le taux global de signalisation par prélèvement biologique (rapport entre le nombre de mis en cause et le volume des opérations de prélèvement pratiquées) est passé de 34 % en 2006 à presque 57 % en 2010 aussi bien pour la police que pour la gendarmerie.

Au-delà de la relative faiblesse de la signalisation des mis en cause, les faibles résultats obtenus en matière d’atteinte aux biens mettent en évidence les limites de l’application de la PTS dans la lutte contre la délinquance de masse.

Le taux d’élucidation en matière d’atteinte aux biens s’élevait à 14 % en 2011 pour la police et à 17 % pour la gendarmerie, selon les données du PAP. Les taux d’élucidation habituels sont de l’ordre de 12 % pour les cambriolages, de 7 % pour les vols à la roulotte et de 11 % pour les vols d’automobiles. Les fonctionnaires de la Direction centrale de la police judiciaire auditionnés par la Rapporteure spéciale considèrent que le progrès est indéniable, les résultats étant encore plus faibles auparavant. On peut à tout le moins s’interroger entre le coût de la PTS de masse et les résultats obtenus. Cette interrogation est d’autant plus justifiée que l’un des interlocuteurs de la Rapporteure spéciale lui a indiqué que l’activité des policiers polyvalents de PTS sur les sites de cambriolage procédait autant de la volonté de manifester la présence de la police auprès de la population que de celle d’obtenir des résultats tangibles en matière d’élucidation. Il s’agissait donc d’un avatar de plus de la politique sécuritaire d’affichage qui a caractérisé la décennie qui vient de s’écouler.

Pour la mise en œuvre de la police technique et scientifique de masse, les forces de sécurité ont installé des structures parallèles et non coordonnées, qui agissent il est vrai généralement dans des zones de compétences distinctes.

2.– L’activité de recueil et de traitement des indices

La mise en œuvre de la police technique et scientifique de masse a été réalisée de manière peu différente dans la police et dans la gendarmerie.

Pour ce qui est de la gendarmerie nationale, la prise en charge du premier niveau de police technique a longtemps été confiée à l’ensemble des militaires des unités territoriales, en principe formés à la recherche de traces et disposant de l’équipement nécessaire.

La police nationale a procédé de son côté à la mise en place d’une police technique de proximité, décidée en 1995, afin d’améliorer un dispositif jugé alors d’un caractère incomplet, hétérogène et insuffisant.

Le dispositif de la police nationale, pour ce qui est de la couverture des scènes d’infraction par l’investigation technique, est réparti sur trois niveaux :

– le premier niveau : celui des « groupes d’enquête criminalistique » et des « bases techniques » avec leurs opérateurs et les « policiers polyvalents » rattachés ;

– le deuxième niveau : des « services locaux de police technique » avec leurs spécialistes confirmés ;

– le troisième niveau : celui des «services régionaux d’identité judiciaire » et des services centraux de la sous direction de la police technique et scientifique de la police judiciaire avec leurs spécialistes hautement qualifiés.

Tout cela forme, certes, un dense maillage territorial, mais à travers une mosaïque de services rattachés à des directions différentes (Direction centrale de la police judiciaire, Préfecture de police, Direction centrale de la sécurité publique, Direction centrale de la police aux frontières), qui ne sont pas nécessairement en phase quant aux choix à faire et qui disposent de personnels actifs comme scientifiques aux statuts différents. Le rapport d’audit précité ne recense pas moins de 15 services distincts de la police nationale qui interviennent dans le domaine de la PTS et relèvent de quatre directions différentes.

Le dispositif criminalistique de la gendarmerie nationale comporte, comme celui de la police nationale, trois niveaux qui prennent en compte la vaste étendue géographique des zones de la compétence de la gendarmerie :

– le niveau élémentaire relevant des communautés de brigades et des brigades territoriales autonomes, avec des techniciens en identification criminelle de proximité (TICP) ;

– le niveau départemental avec, dans chaque groupement, une brigade départementale de renseignement et d’investigation judiciaire (BDRIJ) où œuvrent des techniciens en identification criminelle ;

– le niveau national, avec un institut de recherche criminelle (IRCGN) servi par des personnels hautement qualifiés et un service technique de recherche judiciaire et de documentation (STRJD) où exercent notamment les dactylo-techniciens de haut niveau du site FAED de la gendarmerie.

Depuis 2008, le premier niveau de PTS de la gendarmerie a considérablement progressé avec le déploiement sur l’ensemble du territoire, en métropole comme outre-mer, de techniciens en identification criminelle de proximité (TICP) n’existant pas jusque-là.

Ces dispositifs de couverture des scènes d’infraction par l’investigation technique alimentent des structures nationales de PTS de la police ou de la gendarmerie, l’autorité judiciaire pouvant également faire effectuer des analyses par des laboratoires privés.

3.– Les structures nationales d’analyse

La police technique et scientifique est organisée différemment dans la police et dans la gendarmerie. Dans la police, l’Institut national de police scientifique (INPS), créé en 2001, établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre de l’Intérieur, relève de la direction centrale de la police judiciaire. Il comprend les laboratoires de police scientifique (LPS) de Lille, Lyon, Marseille, Paris et Toulouse, le laboratoire de toxicologie de police scientifique et le service central des laboratoires. Son siège est situé à Écully dans le Rhône. Il s’y ajoute le laboratoire central de la Préfecture de police.

L’organisation de l’INPS tend à une relative spécialisation des laboratoires.

L’INPS a pour mission de procéder à tous les examens, recherches et analyses d’ordre scientifique et technique qui lui sont demandés par les autorités judiciaires et les services de la police et de la gendarmerie nationales, aux fins de constatation des infractions pénales et d’identification de leurs auteurs.

Le pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN) dispose, lui, de l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) qui est un laboratoire unique installé au fort de Rosny-sous-Bois et du service technique de recherches judiciaires et de documentation (STRJD).

L’IRCGN réalise des examens scientifiques et des expertises, sur un seul site. Avec l’unité nationale d’investigation criminelle (UNIC) qui dispose d’un laboratoire mobile et l’unité gendarmerie d’identification des victimes de catastrophes (UGIVC), l'IRCGN offre également des capacités de projection et peut assister les enquêteurs sur le terrain (crimes complexes, catastrophes...) par l'envoi de personnels hautement qualifiés et de matériels adaptés et spécialisés.

Enfin, des marchés ont été passés avec des laboratoires privés par le ministère de la Justice depuis 2009. Après diverses péripéties, dont une annulation contentieuse en novembre 2010, un marché a été alloti et attribué à 3 laboratoires privés différents (IFEG, IGNA et AZUR GENETIQUE) en octobre 2011, pour une durée de 18 mois jusqu’en avril 2013.

Le non-renouvellement du marché public « traces de PTS de masse », par la Chancellerie, en avril 2010, n'a pas permis aux laboratoires publics de faire face à cette augmentation des demandes.

En 19 mois, du 1er avril 2010 au 31 octobre 2011, l’INPS a reçu 61 100 saisines portant sur des traces biologiques (avec généralement plusieurs scellés à analyser), contre 26 400 durant les 19 mois précédents.

Au 31 juillet 2012, 64 152 résultats d'analyse avaient été transmis par les trois laboratoires retenus dans le cadre de l'appel d'offre (20 906 par l’IFEG, 15 285 par AZUR GENETIQUE et 27 961 par IGNA), soit 18 739 profils exploitables au sein du FNAEG (29,21 %) et 45 413 profils vides, profils trop partiels ou dont l’analyse a échoué (70,79 %).

L’intervention des laboratoires privés a permis à l’INPS de réduire le stock de dossiers en instance. Constitué de 23 000 dossiers au 31 décembre 2011, il était redescendu à 9 500 au 30 juin 2012.

La question de la coexistence de structures de police scientifique différentes au sein de la police et de la gendarmerie pose au moins les problèmes de leur coordination et de la mutualisation de leurs moyens.

4.– Les propositions de la Cour des comptes et le plan d’action 2011-2013

La Cour des comptes, dans le rapport sur la mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie nationales, qu’elle a réalisé à la demande de la commission des Finances en application de l’article 58-2° de la LOLF et transmis le 14 octobre 2011, a abordé ces questions.

Dans le domaine de la police technique et scientifique, la Cour propose de relancer le fonctionnement du conseil supérieur de la police technique et scientifique (CSTP) ; d’assurer une meilleure complémentarité des laboratoires et des structures de deuxième niveau, notamment celles implantées dans les villes chefs-lieux de département ; de définir dans un cadre mutualisé les réponses aux exigences d’accréditation et de normalisation des installations ; de rapprocher les recensements de leurs équipements faits par les deux forces afin que les décisions soient prises dans un souci d’efficacité et d’économie des moyens ; de développer la mutualisation des achats en matière d’équipement, y compris ceux destinés aux laboratoires ; et d’établir un schéma directeur portant sur le développement des applications et bases de données de police technique et scientifique afin de favoriser la convergence de celles qui ne sont pas encore mutualisées ainsi que la programmation de nouvelles bases et applications communes.

Ces propositions ont été largement reprises dans le cadre du plan d’action PTS 2011-2013.

Dans le prolongement du premier plan d’action (2008-2010), un nouveau plan mutualisé d'action PTS triennal pour les années 2011-2013 a été décidé, son pilotage étant confié à un comité national de coordination et de suivi Police-Gendarmerie.

Les vingt-sept mesures du plan d’action concernent notamment tous les stades de l’alimentation et de l’exploitation du FAED et du FNAEG.

La modernisation technologique des systèmes FAED et FNAEG est prévue, dont les systèmes d’exploitation indispensables à une bonne mise en œuvre des échanges européens de données en application du traité de Prüm (1).

Le plan prévoit la mise en œuvre des évolutions imposées par la décision-cadre européenne du 30 novembre 2009 relative à l’accréditation applicable aux laboratoires de la police et de la gendarmerie en matière d’empreintes digitales et d’empreintes génétiques. En effet, cette décision impose une accréditation des laboratoires publics et privés œuvrant dans le domaine des empreintes génétiques et des empreintes digitales, notamment lorsque les résultats des analyses ou examens sont destinés à être utilisés dans le cadre d’une procédure pénale. Ces méthodes criminalistiques sont spécialement visées dans la mesure où elles garantissent l’identification formelle d’un individu.

Il prévoit également l'augmentation des capacités (formation, effectifs, matériels) de la police technique et scientifique, afin d'intervenir systématiquement sur les lieux de commission des délits de voie publique, la diversification des indicateurs d’activité communs à la police et à la gendarmerie de manière à mieux évaluer le volume, la qualité et la portée de l’investigation technique sur le terrain.

Il s’y ajoute différentes mesures techniques (utilisation de la cire pour la confection des scellés judiciaires, mise en service d’écouvillons de prélèvement des traces ADN adaptés au traitement des scènes d’infraction liées à la délinquance de masse).

Le plan prévoit la mise en place d’un comité national de coordination et de suivi (CNCS), chargé de veiller à l’application des différents volets du plan d’action 2011-2013, co-piloté par un représentant de la police nationale et un représentant de la gendarmerie nationale qualifiés dans le domaine de la police technique et scientifique.

Le plan comporte également de revitaliser et étendre les interactions entre laboratoires et services spécialisés, notamment en toxicologie et stupéfiants, en peintures et polymères comme en d’autres domaines de la physico-chimie, en balistique, en identification des victimes de catastrophes, en biologie et en explosifs.

5.– Conclusions : rechercher des progrès qualitatifs dans tous les domaines de la police scientifique

Dans un contexte budgétaire contraint, il apparaît que l’amélioration de la mise en œuvre de la police technique et scientifique passe par un recentrage qualitatif.

On observe que, faute d’une concurrence entre laboratoires publics et privés, les services de police londoniens se font facturer 40 livres (soit près de 48 euros) chaque analyse sur signalisation génétique destinée à alimenter leurs bases de données. En France, où les laboratoires publics ont développé leurs capacités en la matière, le coût d’une telle analyse n’a cessé de diminuer pour être actuellement autour de 17 euros. Selon les informations recueillies, les coûts d’analyse des laboratoires privés sont sensiblement plus élevés.

Le « tout ADN » est donc coûteux et il comporte le risque d’un effet d’éviction sur les autres domaines de la police scientifique alors que le FNAEG ne reçoit pas encore les signalements de tous les mis en cause et qu’il ne concoure qu’imparfaitement à la résolution des affaires les plus simples, de délinquance de masse. Les faibles taux de profils exploitables à la suite d’analyses par les laboratoires privés en portent témoignage.

Dans un domaine de la PTS où les prix peuvent devenir exorbitants faute de véritable concurrence, le dispositif français (qui, comme tout dispositif se doit naturellement d’être consolidé, rationalisé et porté vers l’excellence) apparaît aujourd’hui comme la meilleure garantie contre toute forme de dérive financière.

Il convient donc de limiter les prélèvements génétiques de PTS de masse à ce qui apparaît nécessaire et utile au binôme constitué par l’enquêteur et l’opérateur de police technique et scientifique qui lui apporte son concours dans le cadre des investigations, en particulier dès la phase initiale de constatation technique et de recherche de traces. Dans ce domaine comme dans d’autres, il convient de passer d’une politique du chiffre ou de la « bûchette » à une culture du résultat avec la recherche d’efficience réelle.

Les moyens budgétaires économisés doivent alimenter l’activité et la recherche dans les autres secteurs de la PTS : balistique, entomologie, analyse morphologique des traces de sang, numérisation des scènes d’infraction, nouvelles technologies numériques (téléphone portable, informatique, Internet, cartes à puces), fraude documentaire, portraits-robots.

Ces moyens doivent permettre le développement de la recherche dans plusieurs secteurs : la reconnaissance faciale, la signature vocale, l’utilisation des traces olfactives, la technologie de marquage par liquide codé ou l’ADN rapide (qui permettrait aux enquêteurs de terrain de procéder sur place à la détermination d’un profil génétique à partir d’un prélèvement sur individu ou d’un prélèvement de trace biologique).

B.– LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE FINANCIÈRE

La Rapporteure spéciale considère que le renforcement de la lutte contre la délinquance financière doit constituer une priorité de la politique de sécurité publique, ce qu’il n’a pas été ces dernières années.

En effet, la lutte contre la délinquance financière est moins médiatique et donne moins lieu à affichage que le déploiement de forces de sécurité sur la voie publique, patrouilleurs en uniforme visibles de la population ou fonctionnaires circulant dans des voitures sérigraphiées.

Cependant, la récente affaire de blanchiment ayant révélé un réseau franco-suisse a rappelé l’efficacité des structures dédiées à la lutte contre la délinquance financière.

La lutte contre la délinquance financière revêt évidemment un intérêt essentiel puisque les produits de la délinquance nécessitent toujours un traitement par ceux qui les accaparent, un recyclage, du blanchiment. La délinquance financière concerne, au-delà des faits constatés, les produits de la criminalité.

La Rapporteure spéciale a donc procédé à différentes auditions de responsables de la police et de la gendarmerie nationales sur la lutte contre la délinquance financière.

1.– Un domaine où la police joue le rôle principal

Les principales structures de lutte contre la délinquance financière dépendent, au sein de la police nationale, de la Direction centrale de la police judiciaire et de la sous-direction des affaires économiques et financières de la préfecture de police.

Deux structures sont dédiées à titre principal à la lutte contre la délinquance financière : la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière (SDLCODF) de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), installée à Nanterre. Elle comporte en son sein notamment l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (ORGDF). La seconde structure est constituée par la sous-direction des affaires économiques et financières de la Direction régionale de la police judiciaire de la Préfecture de police de Paris qui comprend sept brigades dédiées à la lutte contre la délinquance financière, dont la brigade financière de la PP (rue du Château des rentiers à Paris).

L’OCRGDF, créé par un décret du 9 mai 1990, est placé au sein de la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Il a pour domaine de compétence les infractions à caractère économique, commercial et financier liées à la criminalité professionnelle ou organisée, notamment celles en relation avec le grand banditisme, le terrorisme ou le trafic de stupéfiants.

Son action est principalement orientée vers la lutte contre le blanchiment d'argent produit de crimes ou de délits, la lutte contre le financement du terrorisme, la lutte contre les escroqueries et les fraudes communautaires qui sont le fait d'escrocs chevronnés ou d'ampleur nationale et la recherche et l'identification en vue de la saisie et de la confiscation des avoirs criminels, en complément des enquêtes menées par les autres services et unités de police et de gendarmerie.

Plusieurs structures sont rattachées à l’OCRGDF :

– la brigade centrale de répression des fraudes communautaires, en liaison avec l'office de lutte anti-fraude à Bruxelles, chargée des atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne (U.E.) ;

– la plate-forme d'identification des avoirs criminels (PIAC), chargée de l'identification des avoirs financiers et des biens patrimoniaux des délinquants, en vue de leur saisie ou de leur confiscation et de la centralisation des informations relatives à la détection d'avoirs illégaux par les services d'enquête en tous points du territoire national. La PIAC a été désignée bureau de recouvrement des avoirs pour la France par les instances européennes et est en étroite relation avec l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) créée le 1er janvier 2011. Cette entité est composée à parité, de policiers et de gendarmes. Un inspecteur des impôts est en poste à mi-temps et un officier de police judiciaire affecté à l’AGRASC assure la liaison avec la PIAC ;

– la brigade de recherches et d'investigations financières nationale (BRIFN) chargée d'apporter un soutien opérationnel aux services d'enquêtes spécialisés dans la lutte contre le blanchiment d'argent et les autres manifestations de la criminalité organisée dans le domaine économique et financier.

Pour mener ses missions, l’office dispose de deux sections opérationnelles :

– la section de lutte contre les escroqueries et les fraudes communautaires, est chargée des enquêtes sur les escroqueries d'envergure et des atteintes aux intérêts financiers de l'U.E. ;

– la section anti-blanchiment, composée de quatre groupes d'enquêtes dont trois sont chargés des affaires de blanchiment classiques (blanchiment de trafic de stupéfiants, d'extorsions, etc.) et un de la lutte contre le financement du terrorisme et d’une section de documentation opérationnelle.

L'office dispose d'un officier de liaison au sein de TRACFIN qui assure les échanges d'informations entre ces deux structures. Des réunions régulières sont organisées entre le chef de l’OCRGDF et le directeur de TRACFIN, afin d’évoquer les évolutions constatées en matière de blanchiment à l'occasion des enquêtes, ou par les professionnels assujettis à l'obligation déclarative.

L’OCRGDF participe aux côtés de TRACFIN au conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, structure réunissant les partenaires concernés par la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme et ayant vocation à dresser un état de la menace.

Chargé de centraliser l’ensemble des demandes internationales dans son domaine de compétence, l’OCRGDF entretient des relations quasi quotidiennes avec EUROPOL et INTERPOL au travers des échanges internationaux opérationnels transitant via la division des relations internationales de la DCPJ.

La gendarmerie nationale ne participe à ce dispositif central que par la présence de 5 gendarmes à la PIAC. Elle n’intervient au plan national dans la lutte contre la délinquance financière que par les offices centraux dont elle est responsable, l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI), l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) et l’Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI).

Pour le reste, la gendarmerie assure le traitement des petites infractions économiques essentiellement au sein des brigades et communautés de brigades territoriales. Elle dispose pour ce faire de spécialistes formés à la délinquance financière, qui sont cependant en nombre insuffisant pour être représentés dans toutes les unités élémentaires. Des militaires peuvent bénéficier de stages d’enquêteur patrimonial au centre de formation de la police judiciaire de Fontainebleau.

30 spécialistes de la gendarmerie sont par ailleurs formés tous les ans en licence professionnelle d’investigation judiciaire en matière économique et financière et une quinzaine en master de lutte contre la criminalité organisée en matière économique et financière.

Les 1 024 officiers et sous-officiers qui sont détenteurs de plusieurs formations servent dans les offices centraux, les sections de recherche près les cours d’appel, les brigades de recherche dans les départements.

La doctrine d’emploi de la gendarmerie repose, comme dans le cas de la police technique et scientifique, sur la montée en puissance des moyens selon la complexité des affaires. Les dossiers les plus lourds sont donc le fait, pour l’essentiel, de la section de recherche de Paris.

2.– Une répartition des affaires qu’il convient d’améliorer

Même si l’autorité judiciaire dispose aussi bien des OPJ de police et de gendarmerie pour mener les enquêtes, les services de police judiciaire dépendant de la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière (SDLCODF) tendent à attirer l’essentiel des grandes affaires de délinquance financière, peu de dossiers étant dévolus à la gendarmerie. A contrario, les structures de la gendarmerie prennent en charge une bonne part des petites infractions en zone rurale, infractions simples pour lesquelles la réponse pénale est le plus souvent inexistante.

Cependant, les services généralistes de la police nationale ne prennent pas en charge lesdites infractions simples qui sont renvoyées pour traitement aux services interrégionaux ou régionaux de police judiciaire, voire aux structures nationales installées à Nanterre. Il en résulte un encombrement desdites structures et un manque de moyens pour mener des investigations sur les montages complexes, alors que l’ingénierie financière de la criminalité est de plus en plus poussée et qu’il existe une porosité certaine entre la criminalité classique et la criminalité financière. C’est ainsi que l’on retrouve certaines mêmes personnes mises en cause dans des affaires d’extorsion, de stupéfiants et d’escroquerie à la taxe carbone. Le récent démantèlement d’un réseau de blanchiment a montré l’intrication de ces problèmes.

Il importe donc d’améliorer le traitement directement par les services généralistes des petites infractions financières afin de redéployer les moyens des services spécialisés vers les infractions les plus importantes.

Cette orientation correspond à l’une des préconisations avancées par une dizaine d’organisations de magistrats et 82 magistrats spécialisés dans une tribune tendant au renforcement de la lutte contre la délinquance financière publiée en juin 2012. Ils avaient préconisé notamment le renforcement des juridictions interrégionales et la création de « groupes » financiers au sein de toutes les directions départementales de sécurité publique.

3.– Un renforcement souhaitable du recouvrement des biens saisis et confisqués

L'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), créée par la loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, est composée de 11 agents provenant des ministères de la Justice, de l’Intérieur et du Budget.

Elle contribue à mieux appréhender les profits générés par la délinquance et le crime organisé et, ce faisant, à renforcer l’effet dissuasif de la sanction pénale, par l’élargissement du champ des biens susceptibles d’être saisis et confisqués. Elle met en œuvre une procédure de saisies pénales spéciales aux fins de confiscation, plus adaptée que les procédures civiles d’exécution, complexes et coûteuses.

L’agence a principalement pour mission, outre son rôle général d’aide, de conseil et d’orientation donnés aux magistrats en matière de saisies et de confiscations, d'assurer la gestion centralisée de toutes les sommes saisies, c'est-à-dire appréhendées dans l’attente d’un jugement définitif, en vue d’une éventuelle confiscation, lors de procédures pénales en France ; de procéder à l’ensemble des ventes avant jugement de biens meubles saisis, décidées par les magistrats lorsque ces biens meubles ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité et qu’ils sont susceptibles de dépréciation.

Depuis la loi du 14 mars 2011 (dite LOPPSI II), l’agence est également chargée de l’aliénation ou de la destruction des véhicules confisqués après avoir été immobilisés et mis en fourrière en application de l’article L. 325-1-1 du code de la route.

L’agence est chargée de procéder à l’ensemble des publications, auprès des bureaux de conservation des hypothèques, des saisies pénales immobilières (article 706-151 du code de procédure pénale). Elle est également chargée, par l’article 707-1 du code de procédure pénale, de la publication des confiscations immobilières prononcées par les juridictions.

L’agence centralise donc des saisies de divers types (de numéraires, de comptes bancaires, d’immeubles, etc.) et elle s’assure tant de la bonne gestion de ces biens saisis que, une fois ces biens confisqués par une décision définitive, du versement du produit de leur vente au budget général de l’État ou, dans le cas de condamnation pour infractions à la législation sur les stupéfiants, au fonds de concours « Stupéfiants », géré par la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT). La MILDT a attribué 6,7 millions d’euros en 2010 et 21,3 millions d’euros en 2011 sur les produits du fonds de concours à des services de police, de la gendarmerie, des douanes, de la justice et de la santé.

Selon les éléments transmis par la police judiciaire à la Rapporteure spéciale, le total des avoirs criminels appréhendés en France (TACA) a atteint 93,8 millions en 2008, 185,7 millions en 2009, 151,4 millions en 2010 et 247,5 millions en 2011 dont 37,7 millions dans des dossiers où une infraction à la législation sur les stupéfiants est relevée.

La lutte contre la délinquance financière organisée est rendue particulièrement efficace en cas de saisie des avoirs, menace beaucoup dissuasive pour les criminels que celle de l’enfermement.

Les services de police concernés souhaitent donc le renforcement de la plate-forme d'identification des avoirs criminels (PIAC), et celui de l’AGRASC et une amélioration des procédures permettant la mise à disposition des services des véhicules saisis.

III.– LES MOYENS BUDGÉTAIRES DE LA SÉCURITÉ

Depuis 2007, le budget de la Sécurité connaît la rigueur : les effectifs ont diminué alors qu’ils avaient augmenté lors des cinq années précédentes. Une grave crise a affecté les services gestionnaires de la police nationale pendant l’été 2009 lorsqu’il est apparu que la trajectoire de dépense en matière de rémunérations n’était plus soutenable. Depuis, la gestion budgétaire constitue un problème constant, en particulier pour les rémunérations, mais également pour les moyens de fonctionnement et les investissements.

La mission est augmentée en 2013 du programme 207 Sécurité et éducation routières, qui était précédemment inscrit dans le cadre de la mission Écologie, développement et aménagement durables.

Compte tenu du caractère subsidiaire de ce programme au regard des problématiques générales de la sécurité publique et des masses budgétaires en cause, la Rapporteure spéciale présentera dans un premier temps les budgets de la police et de la gendarmerie nationales. Elle présentera ensuite ceux du programme 207 et du compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.

A.– LE PROJET DE BUDGET DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE (POLICE ET GENDARMERIE) POUR 2013

Pour la mission Sécurité comme pour l’ensemble du budget général, le projet de loi de finances pour 2013 s’inscrit dans un nouveau cadre pluriannuel qui tend à plafonner, à l’horizon 2015, les dotations en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

Très peu d’informations sont disponibles qui permettent de préciser le cadrage budgétaire 2013-2015. Le projet annuel de performances se contente d’indiquer que le plafond des crédits de la mission, au format de 2013, hors contribution directe de l’État au compte d’affectation spéciale des pensions, était de 11 583,3 millions d’euros en 2012 et sera de 11 606,9 millions en 2013, 11 781 millions en 2014 et 11 955,8 millions en 2015.

On peut regretter une fois encore le déficit de communication sur la ventilation programme par programme de la programmation triennale. Sous prétexte que la programmation triennale constitue un cadre d’engagement global, le Gouvernement s’abstient de présenter la ventilation fine de cette programmation, qui a pourtant fait l’objet d’une ventilation fine ministère par ministère et donné lieu à des arbitrages précis.

Aussi bien dans la police que la gendarmerie, le poids des rémunérations augmente encore en 2013 alors que les plafonds d’emplois sont une nouvelle fois abaissés. En effet, si l’on raisonne en emplois budgétaires, les suppressions nettes d’emplois sont de 1 218 dans la police et les créations nettes de 193 dans la gendarmerie. La croissance des effectifs ne sera perceptible que par le mouvement des entrées et sorties avec une croissance des effectifs prévues de 288 personnels dans la police et de 192 dans la gendarmerie.

Il est à noter que la présentation budgétaire retenue en PLF 2013 a pour effet de minorer les moyens hors titre 2. En effet, les crédits (en AE et CP) de dépenses de fonctionnement, de maintenance et d’investissement de la police nationale concernant le réseau ACROPOL et l’infrastructure nationale partagée des transmissions (INPT), à hauteur de 50 millions d’euros, et les crédits de dépenses de fonctionnement de la gendarmerie nationale liées aux systèmes d’information et de communication, pour 30 millions, sont désormais inscrits au programme 763 Optimisation de l’usage du spectre hertzien et des infrastructures du réseau physique de télécommunications du ministère de l’Intérieur du compte spécial Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État.

A contrario, une évolution de périmètre inverse résulte de la fusion absorption de l'école nationale supérieure des officiers de police (ENSOP) qui forme les officiers par l'école nationale supérieure de la police (ENSP), qui forme les commissaires. Budgétairement cela implique que seront inscrits à partir de 2013 sur le hors titre 2 les crédits antérieurement ouverts pour la masse salariale des agents supportés par l'ENSOP (183 ETP, 11,8 millions d’euros) ces rémunérations devant transiter dorénavant par la subvention à l’ENSP.

D’un budget à l’autre depuis 2009, on peut réitérer les mêmes observations : la croissance extrêmement soutenue des dépenses de personnel rigidifie la gestion budgétaire et rend difficile une programmation réaliste des moyens de la mission Sécurité.

1.– L’exécution 2012 : le retour des tensions après l’accalmie de 2011

L’exécution 2012 est caractérisée de nouveau par des tensions sur les rémunérations de la police alors que la consommation des crédits hors rémunérations est également tendue.

a) les crédits de rémunérations de titre 2

Le titre 2 comprend l’ensemble des crédits de rémunérations (rémunérations d’activité, cotisations sociales, contribution au compte d’affectation spéciale CAS des pensions, prestations sociales et allocations diverses).

Dans la police nationale, « le socle d’exécution 2012 retraitée » de la masse salariale hors CAS Pensions est de 5 717,4 millions d’euros (selon le PAP 2013) à comparer à 5 660,4 millions (selon le PAP 2012) et 5 651,6 millions en loi de finances initiale 2012. On constate donc une prévision actualisée de dépenses de rémunérations supérieure aux prévisions.

Selon les indications transmises à la Rapporteure spéciale, en loi de finances initiale pour 2012, 8 245 millions avaient été ouverts pour les dépenses de titre 2 du programme (y compris le CAS Pensions) et la prévision de dépenses de titre 2 pour l’année 2012 présentée lors de l’examen par le contrôleur budgétaire de la prévision budgétaire initiale (PBI), en janvier 2012, s’élevait à 8 203,9 millions. Le taux de mise en réserve des crédits, fixé à 0,5 % de façon interministérielle par le Gouvernement, a été appliqué, ce qui représente 41,2 millions de gels de crédits. Le document prévisionnel de gestion (DPG), remis au contrôleur budgétaire et comptable ministériel en janvier 2012, prévoyait cependant déjà une consommation intégrale de la réserve pour faire face aux besoins du titre 2 du programme 176 Police nationale.

Cette tendance à un dépassement des crédits prévus en programmation budgétaire initiale s’est accentuée lors du point de situation budgétaire de mai 2012 qui prévoyait des dépenses excédant de 45,3 millions les crédits en loi de finances initiale.

Les raisons de cette situation sont diverses.

Le coût réel du « plan de mobilisation » décidé à l’été 2011 n’avait pas pu être inclus dans la prévision. En effet, au cours de l’exécution 2011, les économies constatées sur les rémunérations avaient été redéployées dans le cadre d’un « plan de mobilisation des forces de sécurité », annoncé en juin 2011.

Le « plan de mobilisation » avait pour objectif l’augmentation de la présence et de la visibilité de la police par le recrutement de 800 ADS, le financement de 35 000 vacations supplémentaires de réservistes et un paiement d’heures supplémentaires ciblées. Il apparaît qu’un certain nombre de dépenses consécutives ont été reportées sur 2012 et non financées.

Par ailleurs, les sorties de personnels constatées en gestion en 2012 sont plus tardives que celles prévues lors de l’élaboration du projet de loi de finances, ce qui augmente les dépenses pour les rémunérations d’activité.

Selon les éléments transmis, « l’impact des rappels 2011 constaté sur les premiers mois 2012 a été particulièrement élevé », ce qui s’analyse comme des reports de charges de 2011 sur 2012, et les rétablissements de crédits liés aux contrats d’adjoints de sécurité (ADS) recrutés sous contrat d'accompagnement dans l'emploi (ADS CAE) sont inférieurs à la prévision initiale.

Enfin, « une sous-estimation du GVT positif estimé à 1,6 % en projet de loi de finances 2012 a par ailleurs été constatée (ce taux a été réévalué à 1,9 % pour le projet de loi de finances 2013) » alors qu’une enveloppe de 62,5 millions hors CAS Pensions avait été prévue en 2012 pour les mesures catégorielles et indemnitaires. Ce constat témoigne une nouvelle fois du manque de maîtrise de l’impact des mesures statutaires et indemnitaires sur le dynamisme de la masse salariale dans la police.

La Rapporteure spéciale ne peut que rappeler les observations déjà exprimées par la commission des Finances lors de l’examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2011.

La masse salariale a tendance à augmenter au-delà des effets des mesures générales et de glissement, vieillesse et technicité (GVT), pour plusieurs raisons. Policiers et gendarmes sont engagés dans un processus de longue durée avec la mise en œuvre de deux réformes statutaires de grande ampleur : celles du « protocole corps et carrières » de 2004 dans la police et du plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE) dans la gendarmerie. Au-delà de ces réformes spécifiques à chacune des forces de sécurité, depuis 2007, il est prévu d’accompagner leur rapprochement organique par des mesures tendant à réaliser la « parité globale » entre gendarmes et policiers.

Cette situation pose plusieurs questions : celle des mesures catégorielles obtenues, notamment par la police nationale, puis étendues généralement à la gendarmerie, au-delà des réformes statutaires ; celle du caractère réaliste ou non du calibrage de la masse salariale dans le projet de loi de finances.

La Cour des comptes avait observé qu’elle n’avait pas obtenu, ni de la Direction générale de la police nationale, ni de la Direction du budget, l’analyse détaillée des principaux motifs de dépassement des crédits du titre 2 ouverts dans la loi de finances initiale 2010 qu’elle avait demandée.

La commission des Finances s’interroge également depuis 2009 sur les parts respectives des mesures catégorielles inscrites au « Protocole corps et carrières » et celles qui ont été obtenues, au-delà du protocole, dans le cadre des négociations avec les syndicats.

Il semble que la Cour des comptes ait entrepris d’étudier finement la masse salariale dans la police nationale et ses facteurs d’évolution. La commission des Finances souhaite être tenue informée des résultats de ses investigations.

Selon les informations transmises par le Gouvernement sur la gestion budgétaire en 2012, l’exécution des derniers mois et les mesures d’économies mises en œuvre permettent néanmoins d’envisager un dépassement limité en fin d’année.

En effet, l’actualisation des prévisions de dépenses de rémunérations au 15 octobre 2012 fait apparaître un dépassement par rapport aux dotations ouvertes en loi de finances initiale, contribution au compte d’affectation spéciale (CAS) des pensions comprise, de 38,6 millions d’euros (incluant 8,8 millions consécutifs à la revalorisation du SMIC intervenue le 1er janvier 2012) et de 48,7 millions hors CAS. À ce stade de l'année, il n'est plus envisageable de tenir la dépense dans le cadre des crédits ouverts en LFI même si des mesures d'économie supplémentaires ont été réalisées (baisse des dépenses liées à la réserve civile et au paiement des heures supplémentaires, report de mesures catégorielles). Par ailleurs, un travail de fond a été réalisé afin d'optimiser les rétablissements de crédits liés à l'emploi des ADS-CAE.

Il convient de rappeler également que si ce dépassement est important en valeur, il est minime en pourcentage (0,5 % de la masse salariale hors CAS du programme).

Il est donc très vraisemblable qu’un décret d’avance soit nécessaire en fin de gestion.

Dans la gendarmerie nationale, « le socle d’exécution 2012 retraitée » de la masse salariale hors CAS Pensions est de 3 661,9 millions d’euros (selon le PAP 2013) à comparer à 3 674,9 millions (selon le PAP 2012) et 3 669,2 millions en loi de finances initiale 2012. Égale à 0,5 % du montant T2 voté en loi de finances initiale, la réserve de précaution représente 18,3 millions d’euros. Il n’apparaît donc pas de tension significative sur la masse salariale de la gendarmerie en exécution 2012.

b) Les moyens de fonctionnement et d’investissement hors titre 2

Des moyens supplémentaires en hors titre 2 avaient été prévus en 2012 afin de renforcer la capacité opérationnelle des services, en prévision d’opérations et dépenses immobilières, d’acquisition de véhicules supplémentaires, d’achat de matériel informatique et pour le fonctionnement courant des services.

Ces moyens avaient été gagés par un abattement sur les crédits de rémunérations (de 19 millions hors contribution au CAS Pensions pour le programme Police nationale) qui, en gestion, apparaissent donc insuffisants. Les dépenses de fonctionnement et d’investissement demeurent cependant sous tension en 2012.

Sur le programme Police nationale, les montants retenus pour le budget de fonctionnement, d’équipement et d’investissement de la police nationale dans le cadre de la programmation triennale 2011-2013 étaient de 939 millions de crédits de paiement en 2011, 890 millions en 2012 et 874 millions en 2013. La diminution des moyens exprimait l’effort de la police nationale pour la maîtrise des dépenses publiques et la réduction du déficit de l’État.

Une part importante de cet effort était supportée par le budget d’équipement et les budgets d’investissement immobilier et informatique-télécommunications.

Ces montants ont été abondés, d’abord, en 2011, par un complément de 28 millions ouvert en gestion, pour la modernisation technologique et la maintenance immobilière lourde et, d’autre part, en loi de finances initiale 2012, par un supplément de 66 millions de crédits de paiement afin de préserver les capacités opérationnelles des services.

Ce supplément de crédits était réparti à raison de 20 millions supplémentaires pour le fonctionnement courant des services de la police nationale, de 22 millions pour le renouvellement du parc automobile léger, de 7 millions pour le renouvellement de l’informatique des services et de 17 millions pour l’immobilier.

La loi de finances initiale (LFI) pour 2012 avait donc ouvert 955,9 millions de crédits de fonctionnement et d’investissement. Les crédits réellement disponibles pour 2012 (après mise en réserve puis dégel, fonds de concours, reports, mouvements réglementaires entrants ou sortants) étaient d’un montant très proche fin juillet 2012, de 955,3 millions de crédits de paiement.

La mise en réserve 2012 sur le programme 176, d’un montant de 68,5 millions en autorisations d’engagement (AE) et 64,6 millions de crédits de paiement (CP) a été levée partiellement dès le début de la gestion 2012 à hauteur de 50,2 millions en AE et 46,3 millions en CP, en raison des fortes contraintes budgétaires qui pèsent sur le programme. Le surgel au titre du fonds État exemplaire a été levé en août 2012 (6,7 millions).

Néanmoins, les moyens de fonctionnement hors titre 2 du programme 176 ont connu une annulation, lors de la première loi de finances rectificative, de 10,7 millions en AE et CP. Enfin, dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative, le Gouvernement a décidé d'augmenter la mise en réserve initiale sur le programme police nationale de 10,9 millions en AE et CP.

Ainsi, la prévision de crédits disponibles fin 2012 s’établit à 961 millions. Ce montant est à comparer à la consommation de crédits hors titre 2, de 1 125,4 millions en 2007, de 1 075 millions en 2008, de 1 131,7 millions en 2009, de 1 037,7 millions en 2010 et de 1 009,5 millions en 2011.

La diminution des crédits depuis 2007 (sauf en 2009 avec le plan de relance) a induit de fortes tensions sur le programme. Le dégel d’une partie de la réserve de précaution en 2012 a permis de couvrir certaines dépenses inéluctables : l’indemnisation des gardiens de fourrière (10 millions), des projets informatiques structurants (5,5 millions), le maintien du niveau d’acquisitions technologiques (8,4 millions), et d’une manière générale les budgets de fonctionnement des services de police (13,5 millions).

Selon la Direction générale de la Gendarmerie nationale, le calibrage du budget 2012 était globalement en adéquation avec la programmation triennale, l'abaissement des crédits de rémunérations du T2 de 7,8 millions d’euros ayant été compensé par une hausse des dotations du HT2 à due concurrence. On constate donc un arbitrage en construction budgétaire de même nature que pour la police.

Les dotations ouvertes en loi de finances initiale 2012 pour les moyens de fonctionnement et d’investissement s’élevaient à 1 234,8 millions d’AE et 1 195,3 millions de CP. La réserve de précaution se montait initialement à 79,2 millions d’AE et 76,8 millions de CP. Le dégel de 74,1 millions d’AE et de 71,7 millions de CP a été immédiatement suivi de l'annulation de 13,5 millions en AE et CP. À ce jour, subsiste le gel de 5,1 millions (Fonds État exemplaire et intégration des personnes handicapées de la fonction publique).

Les ressources certaines attendues à fin 2012 s’élèvent à 1 463,9 millions en AE et 1 204,5 millions de CP. Les prévisions de consommation à fin 2012 s’élèvent à 1 248,6 millions d’AE et 1 204,5 millions de CP.

Ce montant est à comparer à la consommation de crédits hors titre 2 de la gendarmerie, de 1 460,5 millions en 2007, de 1 358,6 millions en 2008, de 1 430,5 millions en 2009, de 1 222,4 millions en 2010 et de 1 285 millions en 2011.

2.– L’augmentation des charges de personnels en 2013

a) Les rémunérations

L’augmentation des charges de personnel de la police et de la gendarmerie s’inscrit dans le cadre d’une tendance constante depuis plusieurs années. La part des dépenses de rémunérations inscrites au titre 2 avait représenté 83,44 % du total des crédits de paiement consommés en exécution 2007. Cette part a atteint 86,35 % en exécution 2011 et représentait 87,38 % des dotations en loi de finances initiale 2012.

En projet de loi de finances pour 2013, la part des dépenses de rémunérations inscrites au titre 2 est prévue pour l’ensemble de l’ensemble police/gendarmerie à 88,12 %.

Les dotations de titre 2 s’élèvent à 15 348 millions d’euros sur 17 417 millions d’euros de crédits inscrits pour l’ensemble police/gendarmerie, en augmentation de 3 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. L’an dernier, la progression des crédits de rémunérations de la loi de finances 2012 sur la loi de finances 2011 était de 1,9 %.

Sur 15,4 milliards d’euros de crédits de personnels, 5,91 milliards, soit 38,5 %, sont consacrés à la contribution de la police et de la gendarmerie au compte d’affectation spéciale (CAS) des pensions pour le financement des pensions de retraite, soit une augmentation de 6,1 % par rapport à 2012. Pour la police, la croissance est de 9,4 % par rapport à 2011 ; et pour la gendarmerie nationale de 3,2 %.

La progression des dotations de rémunérations d’activité est également sensible au sein du programme Police nationale (+ 2,1 %), comme sur le programme Gendarmerie nationale (+ 1,5 %).

Lors de la séance de commission des Finances du 18 octobre, le président Gilles Carrez s’est ému de cette situation et il a souhaité obtenir des précisions sur le caractère réaliste ou non du calibrage de la masse salariale de la police en 2013.

Selon les indications transmises à la Rapporteure spéciale, la budgétisation du titre 2 pour 2013, et plus globalement sur le triennal, a fait l’objet d’échanges de vues avec la direction du Budget. Les dotations prévues pour le programme Police nationale sont de 5 749,6 millions hors CAS en 2013, et elles seront de 5 883,2 millions en 2014 et 5 976,2 millions en 2015 soit une augmentation de 1,7 % en 2013 (98 millions) et de 5,74 % (324,6 millions) sur la période de programmation triennale. Cette programmation doit permettre d’éviter le renouvellement du dépassement constaté en 2012, les marges prudentielles ayant été améliorées.

L’enveloppe de rémunérations d’activité de la police pour 2013 continue d’intégrer la nécessité de financer des mesures catégorielles conséquentes. Il convient de rappeler que, depuis 2007 et jusqu’en 2012, près de 450 millions d’euros de mesures catégorielles ont été consommés en faveur de la police, selon les rapports annuels de performances successifs : 37,4 millions en 2007, 43,3 millions en 2008, 94,7 millions en 2009, 94,7 millions en 2010, 62 millions en 2011 et 62,5 millions en 2012 (données du PAP pour 2012). Ces dépenses sont généralement supérieures aux données des PAP (par exemple en 2010 avec 95 millions consommés pour 80 millions annoncés) et n’intègrent pas les coûts en année pleine ni l’impact sur le compte d’affectation spéciale Pensions. L’augmentation de la contribution au CAS Pensions pour la police nationale en PLF 2013 (+ 9,4 %) montre, à l’évidence, que l’impact sur les pensions des avantages statutaires concédés aux agents est conséquent et devrait être évalué, ce qui n’est pas le cas.

La difficulté d’obtenir des éléments d’information précis sur les facteurs d’évolution de la masse salariale a déjà été évoquée.

La commission des Finances demande constamment que les projets annuels comme les rapports annuels de performances présentent des éléments beaucoup plus complets sur l’évolution de la masse salariale, et notamment sur la détermination du socle d’exécution retraité de l’année n –1.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, une nouvelle enveloppe de 29,3 millions (hors CAS Pensions), pour un coût de 41,4 millions en année pleine, est prévue pour les mesures catégorielles et indemnitaires. Cette enveloppe répond à plusieurs objectifs : la poursuite de la mise en œuvre des protocoles d’accord relatifs à la réforme des corps et carrières, lancée en 2004, et du relevé de conclusions relatif à l’adaptation de la nouvelle grille de la catégorie B (24,2 millions hors CAS Pensions). Il s’agit de la suite de la revalorisation indiciaire du corps d’encadrement et d’application (nouvelle grille liée à l’adaptation de la catégorie B), du dispositif visant à mieux fidéliser les personnels dans la région Ile-de-France (prime de fidélisation), de la création d’un grade d’accès fonctionnel (GRAF) pour le corps de conception et de direction, de la rénovation et la revalorisation du régime indemnitaire des personnels de la police technique et scientifique (PTS), de la revalorisation indemnitaire des personnels administratifs.

Par ailleurs, 5,1 millions sont prévus, dans le cadre de la parité globale entre police et gendarmerie, pour le rapprochement des taux d’indemnité de sujétions spéciales police (ISSP) des officiers de police avec ceux des officiers de gendarmerie et la rénovation du régime indemnitaire des officiers dans le cadre de la mise en place d’une indemnité de responsabilité et de performance des officiers et la création de postes difficiles.

L’enveloppe de rémunérations d’activité de la gendarmerie pour 2013, en augmentation de 1,5 %, doit permettre de financer 31,5 millions d’euros de mesures catégorielles (40,4 millions d’euros en année pleine), soit les moyens correspondant à la poursuite du PAGRE rénové (22 millions d’euros) pour l’extension en année pleine de sa dernière tranche 2012 ; à la revalorisation de l’ISSP des officiers supérieurs (0,2 million d’euros) ; au nouvel espace statutaire (transposition de la grille B type : 8,9 millions d’euros) ainsi qu’à l’application des mesures ministérielles au personnel civil : 0,4 million d’euros.

Comme dans le cas de la police, on observe que, depuis 2007 et jusqu’en 2012, 258 millions de mesures catégorielles ont été consommés pour la gendarmerie, selon les rapports annuels de performances successifs : 19,3 millions en 2007, 19,5 millions en 2008, 52,1 millions en 2009, 45,9 millions en 2010, 49 millions en 2011 et 40,8 millions en 2012 (données du PAP). Ces dépenses constatées en exécution sont généralement supérieures aux données des PAP (en prévision) et n’intègrent pas les coûts en année pleine ni l’impact sur le compte d’affectation spéciale Pensions.

CRÉDITS DES PROGRAMMES POLICE NATIONALE ET GENDARMERIE NATIONALE

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Numéro et intitulé du
programme et du titre

LFI 2012

PLF 2013

Évolution
(%)

LFI 2012

PLF 2013

Évolution
(%)

176 – Police nationale

9 266,5

9 566,6

+ 3,2

9 201,0

9 476,1

+ 3,0

Titre 2 : Dépenses de personnel

8 245,1

8 586,2

+ 4,1

8 245,1

8 586,2

+ 4,1

Autres dépenses dont :

1 021,4

980,4

– 4

955,9

889,9

– 6,9

Titre 3 : Dépenses de fonctionnement

703,2

788,1

+ 12,1

743,1

689,9

– 7,2

Titre 5 : Dépenses d’investissement

279,9

148,9

– 46,8

174,5

156,5

– 10,3

Titre 6 : Dépenses d’intervention

38,3

43,4

+ 13,3

38,3

43,4

+ 13,3

152 – Gendarmerie nationale

7 886,2

7 851,7

– 0,4

7 846,7

7 941,0

+ 1,2

Titre 2 : Dépenses de personnel

6 651,4

6 761,9

+ 1,7

6 651,4

6 761,9

+ 1,7

Autres dépenses dont :

1 234,8

1 089,8

– 11,8

1 195,8

1 179,1

– 1,4

Titre 3 : Dépenses de fonctionnement

1 057,5

1 041,7

– 1,5

1 061,1

1 031,1

– 2,8

Titre 5 : Dépenses d’investissement

161,9

48,1

– 70,3

122,3

136,5

+ 11,6

Titre 6 : Dépenses d’intervention

15,3

0

– 100

11,9

11,5

– 3,4

Total

17 152,7

17 418,3

+ 0,6

17 047,7

17 417,1

+ 2,2

Source : Projet annuel de performances

b) Les effectifs

Les plafonds d’emplois de la police et de la gendarmerie continuent de diminuer. En effet, si l’on raisonne en emplois budgétaires, les suppressions nettes d’emplois sont de 1 218 dans la police et les créations nettes de 193 dans la gendarmerie. La croissance des effectifs ne sera perceptible que par le mouvement des entrées et sorties avec une croissance des effectifs prévues de 288 personnes dans la police et de 192 personnes dans la gendarmerie.

Le mouvement de réduction des effectifs des années précédentes, de 3 598 ETPT hors transferts en loi de finances initiale pour 2009, de 2 632 ETPT hors transferts en loi de finances initiale 2010, de 170 ETPT hors transferts en loi de finances initiale 2011, et de 2 606 hors transferts en 2012 est donc arrêté.

Dans la police nationale, la consommation d’emplois exprimée en équivalent temps plein travaillé a diminué de 148 474 en 2007 à 145 060 en 2011. La prévision d’exécution pour 2012 est de 143 689. Le plafond d’emploi devrait continuer à diminuer en 2013 de 1 218 ETPT hors transferts et s’établir à 142 317.

Les effectifs réels de la police nationale au 30 juin 2012 s’élevaient à 144 153 agents y compris les adjoints de sécurité, à comparer à 145 456 agents au 31 décembre 2011 et 145 540 agents au 31 décembre 2010.

Dans la gendarmerie nationale, la consommation d’emplois exprimée en équivalent temps plein travaillé a diminué de 100 410 en 2007 à 95 237 en 2011. La prévision d’exécution pour 2012 est de 95 012.

En 2013, le plafond d’emplois du programme 152 augmentera de 1 235 par rapport à 2012, à raison de la création de 193 ETPT correspondant à l’impact prévu des schémas d’emplois 2012 et 2013 sur l’année 2013, de 1 045 ETPT au titre de la mesure technique visant à réintégrer dans le plafond d’emplois les effectifs mis à la disposition de divers organismes (EDF, GDF, Banque de France, SNCF), et de la suppression de 3 ETPT au titre de différentes « taxations interministérielles ».

Les effectifs réels dans la gendarmerie s’élevaient à 96 795 au 31 décembre 2002. Ils ont été portés jusqu’à 101 336 au 31 décembre 2007 et ramenés à 96 076 au 31 décembre 2011. La prévision d’effectifs au 31 décembre 2012 est de 94 448 et la reprise progressive des effectifs devrait se traduire par un total de 95 683 ETPT au 31 décembre 2013.

Comme l’a indiqué le général Mignaux, Directeur général de la gendarmerie nationale, à la Rapporteure spéciale, la diminution des effectifs prévue par les plafonds d’emplois (moins 6 243, soit moins 6,2 %), pour l'essentiel au titre de la RGPP, a été accentuée en gestion par le fait que la gendarmerie n’a pas pu réaliser les effectifs à hauteur des droits budgétaires, avec 1 410 postes non pourvus. Ainsi, l’arrêt de la RGPP est pour elle un ballon d'oxygène ; l'hémorragie des effectifs ne pouvait continuer sans peser excessivement sur l'opérationnel, les personnels, voire sur le modèle même de l’institution. C'est en ce sens que le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a estimé, en prenant ses fonctions, avoir trouvé une gendarmerie sinistrée. Le bénéfice en est immédiat : en 2013, ce sont plus de 1 000 postes qui ne seront pas supprimés. Même mieux, 200 postes devraient être créés chaque année au cours des 5 ans à venir.

3.– Les moyens de fonctionnement et les investissements en 2013

Les dépenses hors titre 2 (fonctionnement et investissement) ne représentent plus qu’une faible partie des crédits prévus pour la police et la gendarmerie, compte tenu du dynamisme de la masse salariale : moins de 12 %, et cette part diminue d’année en année. Il est vrai que ce ratio est imparfait en construction budgétaire 2013, puisque, comme précédemment indiqué, un changement de périmètre affecte les dépenses de fonctionnement, de maintenance et d’investissement concernant le réseau ACROPOL et INPT et les dépenses de fonctionnement de la gendarmerie nationale liées aux systèmes d’information et de communication qui sont inscrites dans le cadre du compte d’affectation spéciale alimenté par la valorisation de ce réseau, à hauteur de 80 millions d’euros au total.

Le ministre a indiqué, lors de son audition par la commission des lois, le 24 octobre 2012, avoir reçu des assurances sur l’effectivité de la dotation de 80 millions d’euros, même dans l’hypothèse où les recettes attendues ne seraient pas totalement réalisées. En tenant compte du changement de périmètre par la réintégration des 80 millions, le ratio est de 12,3 % à comparer à 12,6 % en loi de finances initiale pour 2012. La tendance à la réduction de la part du hors titre 2 dans le total des crédits n’est donc pas démentie.

Lors de la même audition, le ministre a indiqué que la réduction de 18 % en cinq ans des moyens de fonctionnement de la mission avait fini par mettre en danger les forces de sécurité, à réduire le nombre de patrouilles, faute de véhicules en état ou de carburant.

Les crédits de dépenses hors titre 2 (fonctionnement et investissement) sont prévus à 2 069 millions d’euros pour l’ensemble police/gendarmerie, en baisse de 3,8 %.

a) Les crédits de fonctionnement et d’investissement de la police

Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit pour la police nationale l’ouverture de 980,4 millions d’euros en autorisations d’engagement (– 4 %) et de 889,9 millions d’euros en crédits de paiement (– 6,9 %) de dotations de moyens de fonctionnement et d’investissement. La présentation officielle retient 876,6 millions de crédits hors titre 2 à structure constante, compte tenu de la fusion des deux écoles de police ENSP et ENSOP.

À périmètre constant, compte tenu des 50 millions inscrits sur le CAS Fréquences, les crédits sont ramenés de 956 millions en loi de finances initiale 2012 à 926,6 millions en 2013.

Les dépenses immobilières de fonctionnement représentent une part significative de cet ensemble, 243,5 millions d’AE et 215 millions de CP. Les loyers représentent 138,8 millions en 2013 dont 75,7 millions de loyers de droit commun et 63,1 millions de loyers budgétaires.

Au sein de cet ensemble, les opérations immobilières de type partenariats public privé vont représenter une part grandissante des dépenses. Il s’agit de projets immobiliers sauf dans le cas de l’équipement en vidéoprotection de la ville de Paris (PVPP).

La part des PPP dans les crédits de paiement restant à ouvrir après 2012 pour couvrir les autorisations d’engagement consommées s’élève à 189 millions sur un total de 798 millions de CP générés par des AE antérieures à 2013. Pour l’immobilier, il reste 102,65 millions d’AE consommées à couvrir en CP 2013 et postérieurs et 86,2 millions pour le PVPP.

Ces montants peuvent être mis en relation avec les dépenses réalisées pour les principales opérations en PPP de la police (Château-Thierry, Voiron, Meyzieu, Montereau, Meaux, ENSP, Mulhouse, Sélestat, Saint-Louis) soit 24,5 millions jusqu’en 2011 et 10 millions en 2012.

Ces opérations ont un impact financier conséquent sur les budgets de fonctionnement actuels et futurs, ainsi que sur les budgets d’investissement, les parties de loyers correspondant à l’amortissement de l’investissement initial ainsi qu’aux grosses réparations étant imputées sur le titre 5. Par ailleurs, les loyers sont évolutifs, par indexation et/ou du fait d’échéanciers contractuels qui prennent en compte l’évolution des coûts de maintenance. L’augmentation systématique du coût budgétaire de ces montages, dans un contexte de réduction globale des crédits, diminue les marges de manœuvre des budgets de fonctionnement.

Parallèlement, 78,1 millions en AE et CP sont destinés au paiement des dépenses d’énergie et fluides et à l’entretien courant du parc immobilier (contrats de nettoyage, sécurité incendie, travaux locatifs…).

Enfin, les crédits d’investissement immobilier représentent 85,2 millions en AE et 97,1 millions en CP. Ils vont permettre le lancement de l’opération de relogement de la direction régionale de la police judiciaire de la préfecture de police sur le site de Batignolles. Deux lignes de financement spécifiques : l’une de 13,9 millions d’AE pour des opérations nouvelles ; l’autre de 23 millions d’AE de dotations de maintenance et de rénovations lourdes permettront de réaliser des constructions neuves, de procéder à des reconstructions et à des réhabilitations de sites et d’assurer une maintenance immobilière lourde des bâtiments de la police nationale.

L’opération de Batignolles présente un intérêt certain à plusieurs titres : le ministère de l’Intérieur a acquis dans la ZAC des Batignolles fin 2009 un terrain de 5 150 m² de surface permettant l’édification d’un immeuble destiné au relogement de la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) de 30 000 m² de surface hors œuvre nette environ, pour 1 750 agents, qui sera mitoyen du nouveau tribunal de grande instance (TGI), lequel doit être livré en 2016. Compte tenu des liens fonctionnels étroits entre la DRPJ et le TGI, une livraison concomitante des deux bâtiments doit être recherchée, et c’est le premier intérêt de cette opération.

Le choix du montage juridico-financier d’une Conception Réalisation Aménagement Entretien et Maintenance (CRAEM) résulte d’une concertation entre la direction de l’évaluation de la performance et des affaires financières et immobilières, la direction des ressources et des compétences de la police nationale, la préfecture de police et le cabinet du ministre, et a été confirmé lors de la réunion interministérielle du 14 janvier 2011. Les critères de fiabilité dans le respect des plannings et la maîtrise des coûts ont joué un rôle décisif dans ce choix dans la mesure où ils sont apparus comme des paramètres évidents de la qualité de la maîtrise d’ouvrage. C’est le deuxième intérêt de cette opération qui, sans être un partenariat public privé, incorpore le coût de la maintenance des premières années dans le prix du marché.

La notification du marché CRAEM est prévue pour la fin 2012 et la livraison pour fin 2016.

b) Les moyens de fonctionnement et les investissements de la gendarmerie

Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit pour la gendarmerie nationale l’ouverture de 1 089,8 millions d’euros d’autorisations d’engagement (- 11,8 %) et de 1 179,1 millions d’euros de crédits de paiement (– 1,4 %) en moyens de fonctionnement et d’investissement hors titre 2. En complément, 30 millions en AE et CP devraient être ouverts sur le CAS Fréquences pour la conduite des projets de systèmes d’information et de communication de la gendarmerie.

Dans un contexte de diminution des moyens, le DGGN a fait le choix cette année encore de préserver les crédits de fonctionnement courant des unités.

Au sein du titre 3 qui regroupe les moyens de fonctionnement, la gendarmerie distingue en effet les dépenses de fonctionnement courant (« titre 3 FC ») et les dépenses hors fonctionnement courant (« titre 3 HFC ») correspondant à des investissements inscrits en titre 3 (maintien en condition opérationnelle des systèmes d’information et de communication, MCO des moyens aériens, équipements dont le coût unitaire est inférieur à 10 000 euros, comme l’habillement, l’armement et les munitions, et les véhicules de la gamme commerciale). Cette distinction est opérée dans le projet annuel de performances depuis 2010.

D’un montant de 946,2 millions d’euros après transferts et changement de périmètre, l’évolution du T3 FC est marquée par la hausse des postes les plus sensibles à l'effet prix (loyers, carburant et fluides) et ceux liés à l’entretien des immobilisations (réparation véhicules, gestion du parc immobilier et entretien matériel). Seules les dépenses de fonctionnement non directement liées aux missions opérationnelles sont contenues.

Les prévisions de dépenses de loyers (hors loyers budgétaires) pour 2012 étaient de 444,1 millions d’euros (soit 37 % des dotations hors titre 2). La gendarmerie prévoit un montant de 445,4 millions en 2013 hors loyers budgétaires. On peut s’interroger sur le caractère réaliste de ces prévisions en considération de la dépense constatée en 2010, de 440,2 millions, alors que celle de 2011 (429,1 millions en CP) a été diminuée par des difficultés informatiques mais s’est élevée à 442,5 millions en AE. Il en résulte des reports de charges de 2011 sur 2012.

Les dotations de titre 3 HFC comprennent le maintien en condition opérationnelle (MCO) des hélicoptères et des systèmes d’information et de communication (SIC), les terminaux informatiques, l’habillement, l’armement, les matériels de protection, les munitions, les matériels techniques et divers, le mobilier, la maintenance courante immobilière ainsi que les véhicules de brigade et de police de la route.

Le périmètre du titre 5 comprend les gros équipements et les moyens mobiles (véhicules lourds ; véhicules de transport ; hélicoptères ; motocyclettes ; moyens nautiques…), les programmes des systèmes d’information et de communication et les opérations immobilières domaniales.

Les crédits alloués en 2013 aux titres 3 HFC, 5 et 6, diminuent pour représenter 164,6 millions d’euros d’autorisations d’engagements et 253,9 millions d’euros de crédits de paiement, à comparer à 288,9 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 249,4 millions d’euros de crédits de paiement en 2012.

La diminution importante des AE (– 43 %) et la légère augmentation des CP (+ 1,8 %) par rapport à 2012, traduisent la forte compression de la capacité d’investissement de la gendarmerie en 2013.

Dans un contexte de réduction de la capacité d’engagement, la dotation en CP de 2013 sera principalement consacrée au solde des engagements antérieurs (172,7 millions de CP).

La dotation du titre 3 HFC doit permettre d’assurer le renouvellement des tenues des personnels dans les unités, d’acquérir et de renouveler les munitions, de poursuivre l’acquisition de matériel dans le domaine des systèmes d’information et de communication, d’assurer le maintien en condition opérationnelle des réseaux et systèmes informatiques, de régler les loyers des opérations immobilières lancées sous la forme d'AOT (14,6 millions), à Caen, Châteauroux, Laval, Lyon et Mulhouse, d’assurer l'entretien et le maintien en condition opérationnelle, pour 20 500 heures de potentiel de vol, des 56 hélicoptères de la gendarmerie.

Les dotations sur le périmètre du titre 5 doivent permettre l’achat de véhicules. En revanche, pour ce qui est de l’immobilier, ces dotations ne permettent pas de faire face aux besoins, tant en matière de construction que d’entretien lourd, et, pour la première fois, la gendarmerie ne pourra faire aucun investissement dans le domaine immobilier.

Le recours par la gendarmerie au financement par opérations AOT-LOA (Autorisations d’occupation temporaire-Location avec option d’achat) a permis de lancer sept opérations (Châteauroux, Laval, Caen, Issy-les-Moulineaux, Sathonay-Camp, Mulhouse et La Valette du Var) qui intègrent une prestation complète sur une période d’environ 30 ans : construction, financement, maintenance, entretien courant.

Ces opérations n’auraient pu être initiées en construction domaniale classique en raison des contraintes budgétaires. La dépense en 2013 doit être de 37 millions d’euros, mais le coût total de 1 324 millions d’euros. Sur le programme gendarmerie nationale, l’évaluation des engagements non couverts par des paiements au 31 décembre 2012 était estimée globalement à 648,8 millions dont 378,6 millions au titre des PPP (pour les seuls investissements), sur le programme 152.

Il est à noter qu’à elle seule, l’opération de construction de la nouvelle direction générale de la gendarmerie nationale à Issy-les-Moulineaux (prise en charge sur le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur) représente 424 millions d’euros.

Ces éléments sont de nature à augmenter encore la part des dépenses obligatoires dans le budget de la gendarmerie à l’avenir.

B.– LES MOYENS DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE

Le programme 207 Sécurité et éducation routières, qui était précédemment inscrit dans le cadre de la mission Écologie, développement et aménagement durables l’an dernier, est rattaché à la mission Sécurité à partir de 2013.

Suivant cette logique, la Rapporteure spéciale va également présenter les crédits du compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.

1.– Le programme Sécurité et éducation routières

Le programme 207 Sécurité et éducation routières retrace l’action et les moyens mis en œuvre par le ministère de l’Intérieur en matière de sécurité et d’éducation routières pour l’observation et l’analyse des causes de l’insécurité routière, la communication nationale, les actions locales et l’éducation routière. Ce programme a pour but, dans tous les domaines d’intervention qui sont les siens, de maintenir la mobilisation de l’ensemble des usagers de la route, en coordination avec les actions de la police et de la gendarmerie.

Les dotations du programme en loi de finances initiale 2012 s’élevaient à 54,6 millions d’euros, à raison de 3,6 millions au titre de l’action 1 Observation, prospective, réglementation et soutien au programme, de 25,5 millions pour l’action 2 Démarches interministérielles et communication, et de 25,5 millions pour l’action 3 Éducation routière.

En projet de loi de finances 2013, l’action 1 est abondée de 77,2 millions d’euros de crédits de rémunérations précédemment inscrits sur l’action 9 du programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer.

En effet, à la suite du rattachement de la sécurité routière au ministère de l’Intérieur, les emplois, la masse salariale et les crédits de fonctionnement associés relatifs aux personnels de la délégation à la sécurité et à la circulation routières (DSCR) et aux inspecteurs et délégués du permis de conduire, ont été transférés pour un montant total de 78 millions du programme 217 vers le programme 207.

Ces personnels représenteront 1 526 ETPT en 2013 (compte tenu de 36 suppressions d’emplois) mais ne constituent pas la totalité des effectifs de sécurité routière. En effet, d’autres personnels œuvrant pour le programme 207 affectés dans les services déconcentrés ainsi que les agents affectés dans le réseau scientifique et technique (RST) restent inscrits au programme 217 et représenteront 732 ETPT en 2013. Par ailleurs, les personnels des centres d’études techniques de l’équipement œuvrant pour le compte de la sécurité routière restent inscrits dans l’action 14 Personnels œuvrant dans le domaine de la recherche et de l’action scientifique et technique du programme 217 et représenteront 227 ETPT en 2013.

On peut s’interroger en premier lieu sur le caractère partiel des transferts d’effectifs d’un programme à l’autre puisque 1 526 ETPT ont été transférés alors que 959 emplois restent inscrits sur le programme 217, tout en concourant à la sécurité routière.

L’action 1 Observation, prospective, réglementation et soutien au programme est dotée de 4,2 millions d’euros de moyens de fonctionnement et d’intervention destinés à mener des études et des expérimentations afin de connaître et mieux appréhender les risques relatifs à l’insécurité routière, de diffuser toutes les informations et recommandations utiles susceptibles d’améliorer la connaissance des risques routiers et d’en réduire les effets par la modification des comportements, et d’évaluer l’efficacité des différentes actions contre l’insécurité routière.

L’action 2 Démarches interministérielles et communication est dotée de 23,6 millions de moyens de fonctionnement et d’intervention destinés à la communication gouvernementale dans l’objectif de sensibiliser le public, notamment les jeunes, aux risques liés à l’utilisation et au partage de la route, préparer, d’animer et évaluer la politique interministérielle de sécurité routière notamment par la mobilisation des réseaux nationaux et locaux et de piloter les évolutions de la réglementation routière en matière de signalisation, d’équipements de la route et de circulation.

Enfin, l’action 3 Éducation routière est dotée de 24,7 millions de moyens de fonctionnement, d’investissement et d’intervention destinés à l’organisation des examens du permis de conduire et au fonctionnement du réseau d’éducation routière.

Force est de constater que ce programme aux crédits limités, de 129,7 millions d’euros (à comparer aux 9 476 millions du programme Police nationale et aux 7 941 millions du programme Gendarmerie nationale), procède davantage du pilotage de la politique de sécurité routière que de l’opérationnel. Il serait donc judicieux de l’intégrer à la mission Administration générale et territoriale de l’État.

2.– Le compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Le compte d’affectation spéciale (CAS) Contrôle de la circulation et du stationnement routiers retrace les dépenses financées à partir du produit des amendes de la circulation. Les recettes du CAS correspondent ainsi au produit des amendes perçues par la voie de systèmes automatisés de contrôle-sanction et celui des autres amendes de police de la circulation, à l’exception des fractions de ce produit affectées à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et à l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé) au titre du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

a) Des recettes croissantes

La première section retrace en recettes une première part des amendes forfaitaires dites « radars » plafonnée à 239 millions en projet de loi de finances pour 2013 à comparer à 192 millions en LFI 2012 (+ 24,5 %).

La seconde section, est alimentée par trois recettes : une deuxième part des amendes forfaitaires « radars » avec un plafond de 160 millions comme en 2012 et 2011, le produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation hors «radars », après prélèvement de la fraction de recettes affectées à l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé) au titre du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) et le produit de l’ensemble des amendes forfaitaires majorées (AFM) radars et hors radars.

Ces deux derniers postes de recettes sont regroupés dans la section 04 pour 1 018,3 millions d’euros à comparer à 1 045 millions en 2012.

Cette réévaluation des recettes tient compte de la progression constante des encaissements des amendes forfaitaires perçues par voie de systèmes automatiques de contrôle observée depuis ces trois dernières années et repose sur la base des données connues à la fin du premier semestre 2012.

Il est à noter que l’Assemblée nationale a adopté en première lecture, le 22 octobre, un amendement à l’article 33 du PLF qui modifie la répartition des recettes du compte d’affectation spéciale. Cet amendement a eu pour effet principal de majorer les ressources affectées au Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) de 10 millions d’euros, et aux collectivités territoriales de 5 millions d’euros, en les gageant par une diminution des ressources affectées à l’État de 5 millions d’euros et à l’agence de financement des infrastructures des transports de France (AFITF) de 10 millions d’euros. Comme l’a exprimé la Rapporteure spéciale lors de ce débat, ni l’État, ni les collectivités locales, ne devraient s’habituer au dynamisme de ces ressources, car les radars, en définitive, sont faits avant tout pour que les automobilistes respectent les limitations de vitesse. On peut donc souhaiter, pour la sécurité de nos concitoyens, que les recettes liées aux radars atteignent un seuil, puis décroissent. Il ne faut donc pas trop parier, dans l’intérêt général, sur le dynamisme de ces ressources.

La Rapporteure spéciale a obtenu des informations sur les recettes et les dépenses du CAS en 2012 qui corroborent les prévisions initiales. Les prévisions de recettes actualisées des amendes forfaitaires radars pour l’année 2012 sont de 603 millions (section 1 du CAS), tandis que le produit des amendes forfaitaires hors radars et des amendes forfaitaires majorées s’élève à 970 millions (section 2 du CAS) après prélèvement au titre du FIPD. Sur les 603 millions d’amendes radars, 251 millions devraient alimenter l’AFIPF en recettes.

b) Des dotations qui ne concernent la sécurité routière que de façon subsidiaire

Les crédits sont ouverts dans le cadre de cinq programmes du compte d’affectation spéciale.

Le programme 751 Radars finance principalement l’achèvement du déploiement de nouveaux dispositifs de contrôle de la circulation, qui portera le parc à 4 250 radars d’ici la fin de l’année 2013 sur l’ensemble du territoire. Il est prévu de doter ce programme de 211 millions en 2013 (+ 19,9 %).

Il est organisé en trois actions. L’action 1 Dispositifs de contrôle recouvre le déploiement et le soutien des dispositifs de contrôle, elle est dotée de 114 millions (+ 5,2 %).

L’action 2 Centre national de traitement recouvre les dépenses relatives au traitement automatisé des infractions constatées par un dispositif de contrôle. Ces dépenses sont réalisées par l’Agence de traitement automatisé des infractions (ANTAI), établissement public sous tutelle du ministère de l’intérieur, en charge du traitement des infractions. Ses crédits sont portés à 94,2 millions en 2013 (+ 45,6 %).

L’action 3 Soutien au programme recouvre les dépenses d’étude, de communication et de fonctionnement courant relatives au programme, à l’exception de celles de l’ANTAI. Les crédits prévus sont de 2,7 millions.

Le programme 752 Fichier national du permis de conduire finance la gestion des droits à conduire ainsi que la modernisation du fichier national du permis de conduire. Il a pour objectif d’assurer une information optimale des titulaires de permis de conduire quant à leur solde de points, à l’occasion de chaque retrait ou récupération de points. Il finance, outre les dépenses relatives à l’information des titulaires d’un permis de conduire, les dépenses de maintenance courante et évolutive du fichier national ainsi que les dépenses relatives à l’hébergement et à l’exploitation des plates formes de production du nouveau permis sécurisé (serveurs et logiciels).

Ses dotations sont prévues en augmentation à hauteur de 27,7 millions en 2013 (+ 73 %).

Le programme 753 Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers finance le déploiement du procès-verbal électronique (PVe). Il est prévu en 2013 32,8 millions (– 11,5 %) de subvention pour charges de service public versée à l’ANTAI au titre de sa mission de déploiement et de gestion du PVe pour le compte de l’État et des collectivités territoriales.

Le programme 754 Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières concerne le reversement des recettes encaissées par l’État au titre des amendes de police relatives à la circulation routière au profit des collectivités territoriales, pour 682,3 millions d’euros en 2013 (+ 3,1 %).

Le programme 755 Désendettement de l’État retrace le produit des amendes revenant à l’État sous forme de recettes non fiscales du budget général à hauteur de 463,2 millions en 2013 (– 8,6 %).

Ainsi, les crédits du compte d’affectation spéciale ne concernent la sécurité routière que de façon subsidiaire, plus de 80 % des dotations alimentant les collectivités locales et le désendettement de l’État.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du jeudi 18 octobre 2012 à 14 heures, la Commission examine les crédits de la mission Sécurité et du compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.

Après l’exposé de la Rapporteure spéciale, plusieurs intervenants prennent la parole.

M. Marc Goua. Il n’a pas été question de la police de proximité, supprimée alors que les collectivités locales avaient investi pour elle dans la construction ou l’achat de locaux. Cette police remplissait bien sûr une mission de répression, mais assurait aussi une certaine prévention grâce à sa connaissance du terrain, notamment dans les quartiers difficiles. Qu’envisage-t-on à ce sujet ?

Mme la Rapporteure spéciale. On ne ressuscitera pas la police de proximité sous ce nom, ni surtout sous la forme qu’elle a connue par le passé. D’abord parce que la précédente majorité, après l’avoir stigmatisée, en aura cependant rétabli des variantes, sous des appellations diverses. Ensuite parce que la problématique n’est plus la même qu’à l’époque de sa création : aucun rapprochement n’avait alors été opéré entre la police et la gendarmerie, aujourd’hui englobées dans la mission commune Sécurité. Certaines unités, telles que les unités territoriales de quartier (UTEQ), assurent la sécurité de proximité de nos concitoyens. Les personnels administratifs, dont on salue trop peu le rôle, contribuent aussi à la mission de sécurité en déchargeant, quoiqu’encore insuffisamment, policiers et gendarmes de tâches non directement opérationnelles et en leur permettant ainsi d’être davantage présents sur le terrain. Enfin, comme je l’ai dit, la nouvelle politique de sécurité publique privilégie l’ancrage local, l’élaboration de diagnostics partagés et la mise en commun des moyens dans le cadre de partenariats entre les acteurs locaux – police, gendarmerie, justice, entreprises publiques, bailleurs sociaux et, bien sûr, collectivités territoriales.

M. Thierry Mandon. Les indicateurs de performance de la mission Sécurité donnent l’impression d’une farce. Quelle est leur utilité autre que théorique ? Tous sont en baisse, sauf le taux d’élucidation. Et de récentes études ont montré que les statistiques des commissariats de police et de la gendarmerie visaient à s’adapter à ces indicateurs dépourvus de sens. Doit-on les conserver ou chercher une autre façon d’évaluer ce qu’on attend des services de la sécurité publique ?

Mme la Rapporteure spéciale. J’ai rapidement évoqué cette question en parlant du passage d’une politique du chiffre à une culture du résultat. La première a parfois tyrannisé et même mis en danger nos forces de l’ordre. Les objectifs affichés conduisaient les policiers et les gendarmes, soucieux de les atteindre, à se détourner de leurs missions premières de protection des citoyens. Les statistiques en découlant, contestables et contestées, étaient mises en valeur par une communication gouvernementale spectaculaire, agrégeant des réalités sans rapport les unes avec les autres dans le seul but de faire apparaître une diminution du nombre des délits, bien loin de ce que constataient nos concitoyens.

Le Gouvernement a donc mis fin à ce système d’injonctions paradoxales, au bénéfice d’une politique du résultat : l’évaluation quantitative de l’action des forces de l’ordre est ainsi complétée par une évaluation qualitative, prenant en compte la satisfaction du public. C’est donc la fin de la chasse aux « shiteux » et aux sans-papiers, qui permettait de gonfler artificiellement le taux d’élucidation dans la mesure où celle-ci se confondait avec la constatation de l’infraction.

Cette politique a, depuis dix ans, creusé un fossé d’incompréhension entre les forces de sécurité et la population, tout en conduisant à la suppression de milliers de postes. La nouvelle politique ne s’appuiera donc plus, s’agissant des indicateurs de performance, sur des chiffres bruts, mais sur des tendances d’amélioration.

M. le Président Gilles Carrez. Attention, madame la rapporteure spéciale, aux mots que vous employez, comme celui de « tyrannie ». En tant que maire, je rencontre souvent les forces de police, qui me parlent plutôt de la tyrannie des récépissés et du port du matricule que de celle du chiffre. Elles éprouvent aujourd’hui le sentiment d’un certain abandon. Cependant, dans le cadre de l’examen du budget, nous devons nous en tenir aux données objectives.

Au cours des dernières années, nous avons constaté dans le budget du ministère de l’Intérieur un dépassement systématique des crédits inscrits au titre 2, en raison d’abord de plans catégoriels très coûteux, puis de l’alignement des rémunérations de la police et de la gendarmerie – avec l’effet, bien connu, d’échelle de perroquet – et, enfin, d’un glissement vieillesse technicité (GVT) positif particulièrement élevé – de 1,6, il est même passé à 1,9. Ainsi, malgré la réduction des effectifs, justement soulignée par Mme la rapporteure spéciale, il a fallu inscrire des crédits supplémentaires en cours d’année pour s’adapter à cette augmentation de la masse salariale.

La réduction des effectifs prendra fin en 2013, d’ailleurs sans que l’on crée beaucoup d’emplois comme le montre le rapport spécial. Or le GVT, le plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE) et le protocole « corps et carrières » continueront de produire leurs effets. Dans ces conditions, les dotations budgétaires inscrites au titre 2 seront-elles suffisantes ? Ne faudra-t-il pas les ajuster dans quelques mois ? Ce problème est d’autant plus aigu que le ministère de l’Intérieur est, après celui de l’Éducation nationale, le deuxième en termes d’effectifs, et que le projet de budget prévoit une reconduction, en euros courants, de 82 milliards de masse salariale de l’ensemble des ministères. Si, pour des raisons mécaniques, il fallait ajouter des dotations de titre 2 spécifiques à la police et à la gendarmerie, comment financerait-on cette mesure ?

Mme la Rapporteure spéciale. Le problème ne concerne que la police. J’ai, comme vous, constaté que, pour elle, le dégel des crédits du titre 2 intervenait très tôt dans l’année. En loi de finances initiale, l’enveloppe de ses rémunérations pour 2012 a fait l’objet d’un abattement de 40 millions d’euros, ce qui explique une partie des difficultés signalées. Mais nos interlocuteurs du ministère, qui ont répondu à pratiquement toutes nos questions aux dates prévues, ne nous ont pas signalé de problème particulier pour 2013. Le dégel interviendra-t-il dès cet hiver, comme les années précédentes, ou attendra-t-il le printemps ? Nous n’en savons encore rien.

M. le Président Gilles Carrez. Venons-en au compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

En la matière, les choses ne sont pas si compliquées qu’il y paraît pourvu qu’on connaisse l’histoire. Avant qu’on ne recoure aux radars, il existait deux types d’amendes de stationnement : les amendes forfaitaires, réglées immédiatement, dont le produit allait aux collectivités locales, et les amendes majorées d’une indemnité de retard qui, considérées comme sanctions pénales, revenaient intégralement à l’État. Dans les communes de plus de 10 000 habitants, les sommes dues aux collectivités locales étaient distribuées au prorata des amendes constatées – et non des amendes recouvrées – sur le territoire municipal ; les autres communes bénéficiaient d’une rétrocession de la part des départements, après répartition au prorata des amendes constatées au niveau de ceux-ci.

Ce système aboutissait à des résultats contrastés. Ainsi, les années d’élection présidentielle, beaucoup d’automobilistes attendent une amnistie, et ne payent pas leurs contraventions. Mais les deux dernières fois, il n’y a pas eu d’amnistie : les amendes majorées furent donc très nombreuses – un vrai jackpot pour l’État ! Quand, à l’inverse, les amendes étaient payées en temps et en heure, cela bénéficiait avant tout aux collectivités locales. Cependant, celles-ci se sont dotées progressivement de polices municipales qui, entre autres tâches, infligent des contraventions, et elles se sont alors plaintes de travailler pour l’État, à qui allait une part du produit.

Il fallait changer ce système ; nous avons essayé en 2001, mais la Chancellerie s’y est opposée, de même que la Ville de Paris qui emploie pour surveiller le stationnement des personnels rémunérés par l’État. Il y a deux ou trois ans, sous la pression constante du Comité des finances locales, nous avons enfin réussi à arrêter de nouvelles règles : nous avons fixé une fois pour toutes, à partir d’une photographie de la répartition entre amendes forfaitaires et amendes majorées à un moment donné, le partage entre les collectivités locales et l’État. Les premières reçoivent donc 53 % du produit des amendes, et le second 47 %.

L’État – toujours impécunieux – a ensuite mis en place une tuyauterie particulière, notamment vers le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

Quoi qu’il en soit, la solution arrêtée était à peu près équitable, même si elle était avantageuse pour l’État dans la mesure où la généralisation des procès-verbaux électroniques tendait à tarir le flux des amendes majorées – c’est d’ailleurs ce qui l’avait déterminé à accepter cette réforme !

Puis sont venus les radars, qui font gagner beaucoup d’argent ! L’État a voulu percevoir la totalité de leur produit, avant de se résigner à partager avec les collectivités locales. Les communes ont d’abord obtenu 100 millions d’euros, puis les départements ont longuement négocié pour obtenir une quote-part, de 30 millions au départ en arguant que les radars sont fréquemment installés sur des routes départementales.

M. le rapporteur général a réussi à obtenir hier soir que cette part des collectivités sur le produit des amendes forfaitaires relevées par radars automatiques soit portée de 160 à 180 millions d’euros : il faudra que nous nous battions ensemble pour consolider cette avancée. Il faut d’ailleurs savoir que, les radars se multipliant et les recettes augmentant, l’État conserve pour lui ce surplus – dont il fait toutefois une utilisation vertueuse puisqu’il le consacre au financement de l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.

M. Olivier Faure. Monsieur le président, merci de nous avoir raconté cette histoire que vous avez rendue passionnante !

Pour en revenir à la mission « Sécurité » elle-même, en quoi la création des zones de sécurité prioritaires affecte-t-elle ses crédits ?

Mme la Rapporteure spéciale. Je précise que le compte d’affectation spéciale, dont nous a si bien parlé M. le président, représente 1,4 milliard d’euros. La somme qui revient à l’État va directement au désendettement de notre pays, ce qui, en cette période, paraît tout sauf inutile.

J’ajoute qu’un amendement de M. le rapporteur général, adopté par notre Commission hier soir, permettra au FIPD de mener à bien des projets déjà annoncés par la majorité précédente, mais non financés.

Quant aux zones de sécurité prioritaires, elles n’apparaissent pas comme telles dans le projet de loi de finances : en effet, elles ne sont pas destinées à devenir des structures pérennes, mais doivent surtout permettre d’établir un diagnostic partagé, pour en arriver à une meilleure coordination des différents acteurs et à une meilleure affectation des moyens. Il s’agit plutôt, en quelque sorte, d’une méthode en vue d’une « coproduction » de la sécurité sur les territoires concernés, sans aucun préjudice pour les autres – on ne déshabillera donc pas Pierre pour habiller Paul ! Je précise d’ailleurs qu’elles concernent les zones de police comme les zones de gendarmerie qui, si elles connaissent des situations très diverses, n’en sont pas moins affectées par les évolutions de la démographie et de la délinquance.

Suivant l’avis de la Rapporteure spéciale, la Commission des Finances adopte les crédits de la mission Sécurité, puis ceux du compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.

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LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES
PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

– M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l’égalité des territoires et du logement, chargé de la ville ; M. Sébastien Jallet, directeur adjoint du cabinet ; Mme Laurence Nion, conseillère auprès du ministre ;

– M. le préfet Claude Baland, directeur général de la police nationale ; M. le préfet Hervé Bouchaert, directeur des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) ; M. Eric Requet, chef du bureau des affaires financières et de la politique immobilière à la DRCPN ; M. François-Xavier Lauch conseiller budgétaire au cabinet du directeur général ;

– M. le général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) ; M. le colonel Jean-Luc Payrard, chef du bureau de la planification, de la programmation et de la préparation du budget à la DGGN ;

– M. le préfet Bernard Boucault, préfet de police de Paris ; M. le préfet Éric Morvan, secrétaire général pour l’administration de la préfecture de police ; M. Pierre-André Peyvel, préfet des Hauts-de-Seine ; M. Christian Sonrier, directeur de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne ; M. Jérôme Foucaud, conseiller police du préfet de police ;

– M. le général Jacques Hébrard, conseiller criminalistique du directeur général de la gendarmerie nationale ; M. le colonel François Daoust, commandant l’Institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale (IRCGN) ; M. le lieutenant-colonel Jean-Marc Michelet ;

– M. Bernard Petit, sous-directeur chargé de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière (SDLCODF) à la direction centrale de la Police judiciaire ; M. Jean-Marc Souvira, chef de l'office central pour la répression de la grande délinquance financière de la SDLCODF ; Mme Christine Dufau, chef de la division nationale d'investigations financières et fiscales de la SDLCODF ; M. Noël Robin, sous-directeur des affaires économiques et financières de la Préfecture de police ; M. Denis Collas, chef de la brigade financière de la P.P. ;

– M. Christian Lothion, directeur central de la Police judiciaire ; M. Frédéric Dupuch, directeur de l’Institut national de police scientifique (INPS) ; Mme Muriel Anquet, de la sous-direction de la police technique et scientifique ; M. Jérôme Bonet adjoint au chef du pôle judiciaire du cabinet du DGPN ;

– M. le général David Galtier, directeur des opérations et de l’emploi de la gendarmerie nationale ; M. le lieutenant-colonel Jean-Marc Michelet ; M. le capitaine Jean-Paul Lebeau.

© Assemblée nationale

1 () Le traité de Prüm, signé en 2005 par la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Autriche vise à étendre la coopération transfrontalière en matière de police, en particulier l'échange d'ADN, d'empreintes et de numéros de plaques d'immatriculation.