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N
° 251

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIEME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2013 (n° 235),

PAR M. Christian ECKERT,

Rapporteur Général,

Député

——

ANNEXE N° 9

CULTURE

PATRIMOINES

Rapporteur spécial : M. Jean-François LAMOUR

Député

____

SYNTHÈSE 5

I.– LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE PATRIMONIALE POUR 2013 : UN BUDGET SOUS CONTRAINTE 7

A.– LE PROGRAMME PATRIMOINES : PARENT PAUVRE DE LA MISSION CULTURE 7

1.– La participation du programme au nécessaire effort de redressement des comptes publics suscite des interrogations 7

2.– L’évolution des crédits par action : une décroissance substantielle des moyens alloués aux patrimoines 10

3.– Les ressources humaines de la politique patrimoniale 14

B.– LES DÉPENSES FISCALES RATTACHÉES AU PROGRAMME : UN NÉCESSAIRE TOILETTAGE 16

1.– Des aides fiscales très hétérogènes dans leur montant comme dans leur emploi par les contribuables 16

2.– Les dépenses fiscales dont le Rapporteur spécial propose la suppression 16

II.– LA POLITIQUE MUSÉALE 18

A.– LES PRINCIPALES INSTITUTIONS MUSÉALES : UNE FRÉQUENTATION QUI DEMEURE SOUTENUE 18

1.– Le musée du Louvre 18

2.– Les musées d'Orsay et de l'Orangerie 21

3.– Le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou 22

4.– Le musée et le domaine national de Versailles 23

5.– Le musée du quai Branly 25

6.– L’établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais 26

7.– Le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée 27

B.– L’ACHÈVEMENT DU PLAN MUSÉES EN RÉGIONS 2011-2013 28

III.– LE PATRIMOINE MONUMENTAL, ARCHITECTURAL ET ARCHÉOLOGIQUE 29

A.– LA POLITIQUE MONUMENTALE : L’ENTRETIEN ET LA RESTAURATION DES MONUMENTS HISTORIQUES 29

B.– LA POLITIQUE ARCHITECTURALE : LA CITÉ DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE 30

C.– L’ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE : VERS UN NOUVEL ÉLARGISSEMENT DE LA REDEVANCE ? 31

IV.– LE PATRIMOINE ARCHIVISTIQUE ET LES CÉLÉBRATIONS NATIONALES 32

A.– LA POLITIQUE ARCHIVISTIQUE : L’OUVERTURE DU NOUVEAU SITE DES ARCHIVES NATIONALES 32

1.– Un renforcement de la politique interministérielle des archives 32

2.– Numérisation et communication au public 32

3.– 2013 : année d’ouverture au public des nouvelles Archives nationales 33

B.– LA MISSION DES COMMÉMORATIONS NATIONALES 33

V.– LE PATRIMOINE LINGUISTIQUE : UNE POLITIQUE VOLONTARISTE DE PROMOTION DE TOUTES LES LANGUES 35

COMPTE RENDU DE LA COMMISSION ÉLARGIE DU 5 NOVEMBRE 2012 À 16 HEURES 37

EXAMEN EN COMMISSION 61

Article 63 : Suppression de l’exonération de redevance d’archéologie préventive des constructions individuelles réalisées pour elle-même par une personne physique 63

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 75

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 83 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial.

SYNTHÈSE

1.– Le programme Patrimoines : parent pauvre du budget 2013

L’effort budgétaire public prévu en 2013 en faveur des patrimoines témoigne de la persistance des tensions sur les comptes publics, avec des montants en net recul par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2012.

De fait, les crédits de paiement diminueraient de près de 10 % et atteindraient 775,9 millions d’euros. Les autorisations d’engagement quant à elles, seraient en baisse de 5,5 %, avec 760,5 millions d’euros.

Si le Rapporteur spécial reconnaît qu’il est plus que jamais nécessaire de maîtriser la dépense publique, il regrette le caractère inéquitable des réfactions opérées sur les différents programmes de la mission Culture. En effet, alors que les crédits de paiement alloués aux patrimoines subiraient une contraction substantielle de près de 10 %, les programmes Création et Transmission des savoirs et démocratisation de la culture n’enregistreraient qu’une décroissance de 1,6 % et 0,2 % respectivement. Un partage plus équilibré de l’effort eût été préférable, sauf à minorer l’importance du secteur patrimonial pour la politique culturelle de notre pays.

En outre, le Rapporteur spécial tient à faire part de ses inquiétudes quant aux mesures d’économies prévues en direction des opérateurs du programme. Sans en contester le bien-fondé a priori, il tient à souligner les possibles effets pervers de la méthode retenue. En associant une diminution des subventions, d’une part, et des prélèvements sur les fonds de roulement de certaines institutions patrimoniales, d’autre part, on risque d’obérer leur capacité d’investissement et de faire passer le fonds de roulement de certaines d’entre elles en deçà d’un seuil critique. Avant d’opérer de telles ponctions, peut-être eût-il été plus avisé de réfléchir aux marges de manœuvre existant au sein du programme, avec notamment la suppression des niches fiscales dont l’efficacité n’est pas toujours avérée.

2.– Les dépenses fiscales : un toilettage nécessaire

Constatant que près de la moitié des dépenses fiscales rattachées au programme Patrimoines présentent un coût faible voire nul, que leurs éventuels bénéficiaires sont par ailleurs souvent peu nombreux voire inexistants, et que leur efficacité n’est pas toujours démontrée, le Rapporteur spécial s’est interrogé sur le maintien d’un certain nombre de dispositifs dérogatoires au droit commun dont l’intérêt semble a priori plus que relatif pour la politique patrimoniale.

Si de telles dispositions ne représentent pas un enjeu budgétaire majeur – et pour cause – le Rapporteur spécial estime qu’un effort de toilettage fiscal n’est jamais superflu et a souhaité engager la réflexion à ce sujet.

3.– Le patrimoine monumental : des opérations sous contrainte

Si les opérations relatives au patrimoine monumental se poursuivront évidemment en 2013, les crédits publics afférents subiraient une importante diminution en crédits de paiement (– 13 %). Toutefois, 8 millions de recettes fiscales affectées au Centre des monuments nationaux viendraient abonder les crédits budgétaires. Au total, l’enveloppe atteindrait donc 336,7 millions d’euros en crédits de paiement et 347,6 millions d’euros en autorisations d’engagement.

Au sein de cette enveloppe, les opérations d’entretien et de restauration des monuments historiques bénéficieraient de 322,64 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 309,28 millions d’euros de crédits de paiement.

4.– Le patrimoine muséal : des opérateurs mis sous tension

Avec 353,6 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 375,6 millions d’euros de crédits de paiement, l’action 3 reste la plus importante du programme et concentre respectivement 46,5 % et 48,4 % des crédits bénéficiant à celui-ci.

Par rapport aux montants inscrits en PLF 2012, les subventions pour charge de service public seraient en diminution de 6,7 % en autorisations d’engagement et de 6,8 % en crédits de paiement. Selon les opérateurs concernés, la baisse des diverses subventions (fonctionnement et/ou investissement) serait comprise entre 1 et 2,5 %, à laquelle s’ajouterait, le cas échéant, un prélèvement sur fonds de roulement voire d’autres réfactions (diminution des crédits d’acquisition ou de compensation de la gratuité).

Au-delà des moyens alloués aux établissements pour couvrir leurs charges traditionnelles, les crédits de l’action 3 concerneront notamment les projets suivants :

– les opérations relatives au musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) ;

– et le Plan musées en régions 2011-2013 : initié par la précédente majorité, il sera poursuivi et achevé, ce dont le Rapporteur spécial se réjouit.

En revanche, il ne peut que déplorer l’abandon pur et simple du projet de Maison de l’Histoire de France.

5.– Le patrimoine archivistique : l’ouverture au public des nouvelles Archives

Le bâtiment édifié sur le site de Pierrefitte-sur-Seine a été livré au printemps 2012. Son ouverture au public est prévue au début de l’année 2013.

6.– L’archéologie préventive : vers un nouvel élargissement de la redevance ?

L’article 63 du projet de loi de finances prévoit un élargissement de la redevance d’archéologie préventive (RAP).

Regrettant que le Gouvernement renonce à finaliser la réforme entreprise par la majorité précédente et qui visait à favoriser une maîtrise de la dépense publique, le Rapporteur spécial a proposé la suppression de cette disposition. En effet, celle-ci vise à soumettre à la RAP les constructions de maisons individuelles réalisées par les particuliers alors que rien ne justifie un tel alourdissement de la pression fiscale, les constructions individuelles étant, par nature, peu concernées par les diagnostics d’archéologie préventive.

I.– LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE PATRIMONIALE POUR 2013 :
UN BUDGET SOUS CONTRAINTE

A.– LE PROGRAMME PATRIMOINES : PARENT PAUVRE DE LA MISSION CULTURE

1.– La participation du programme au nécessaire effort de redressement des comptes publics suscite des interrogations

Les moyens qui seraient consacrés aux patrimoines en 2013 témoignent de la persistance des tensions sur les comptes publics, qui réduisent drastiquement les marges de manœuvre budgétaires. De fait, les montants inscrits au projet de loi finances (PLF) sont en net recul par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale (LFI) pour 2012.

Ainsi les crédits de paiement présentent-ils une contraction substantielle de près de 10 % (8,8 % en tenant compte des montants prévisionnels des fonds de concours (1) – FDC – et des attributions de produits (2) – ADP) par rapport à la LFI 2012. De fait, ils atteindraient 775,9 millions d’euros, contre 861,5 millions d’euros ouverts en 2012.

Les autorisations d’engagement diminueraient de 5,5 % (– 5,3 % avec FDC et ADP), avec 760,5 millions d’euros alloués en 2013, contre 804,8 millions d’euros l’an dernier.

Classiquement, le taux d’affectation aux opérateurs du programme reste élevé – 48,2 % en autorisations d’engagement (366,8 millions d’euros) et 46,6 % en crédits de paiement (361,77 millions d’euros) – et reflète la réalité d’une politique culturelle dont l’application concrète relève d’un réseau dense de services et d’institutions présents sur tout le territoire et qui assurent effectivement l’enrichissement, la présentation et la valorisation des collections, la préservation des monuments historiques, ainsi que l’accueil du public.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME PATRIMOINES 2012-2013

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement (a)

Crédits de paiement (a)

Intitulé du programme et de l’action

Ouverts en LFI 2012

PLF 2013

Évolution 2013/2012

Ouverts en LFI 2012

PLF 2013

Évolution 2013/2012

Patrimoines

804,85

760,49

– 5,5 %

861,50

775,92

– 9,9 %

Patrimoine monumental

342,71

339,59

– 0,9 %

377,52

328,76

– 12,9 %

Architecture

26,77

27,89

+ 4,2 %

27,76

27,99

+ 0,8 %

Patrimoine des musées de France

368,61

353,63

– 4,1 %

378,48

375,62

– 0,8 %

Patrimoine archivistique et célébrations nationales

37,33

21,05

– 43,6 %

48,68

25,15

– 48,3 %

Patrimoine linguistique

2,65

2,60

– 1,9 %

2,65

2,60

– 1,9 %

Acquisition et enrichissement des collections publiques

16,71

8,55

– 48,8 %

16,71

8,55

– 48,8 %

Patrimoine archéologique

10,07

7,18

– 28,7%

9,51

7,24

– 23,9%

Source : projet annuel de performances 2013 Culture

(a) : Hors fonds de concours et attribution de produits.

Une analyse comparative de l’évolution des crédits du programme Patrimoines par rapport aux deux autres programmes de la mission Culture
– Création et Transmission des savoirs et démocratisation de la culture – montre que le secteur patrimonial est le grand oublié du projet de loi de finances pour 2013. À cet égard, le Rapporteur spécial regrette que la diminution – nécessaire – de la dépense publique n’ait pas été mieux répartie entre les trois volets de la mission, l’essentiel de l’effort pesant sur le seul programme 175. Symboliquement, ceci est d’autant plus déplorable que 2013 sera, rappelons-le, l’année du centième anniversaire de la loi du 31 décembre 1913 relative aux monuments historiques.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION CULTURE PAR PROGRAMME

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programme

LFI 2012

PLF 2013

Évolution 2013/2012

LFI 212

PLF 2013

Évolution 2013/2012

Patrimoines

804,85

760,49

– 5,5%

861,50

775,92

– 9,9 %

Création

735,66

751,43

+ 2,1 %

787,89

774,9

– 1,6 %

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

1 057,51

1 065,33

+ 0,7 %

1 079,52

1 077,47

– 0,2 %

TOTAL

2 598,02

2 577,25

– 0,8 %

2 728,91

2 628,29

– 3,7 %

Source : projet annuel de performances 2013 Culture

Au-delà de sa préoccupation quant au niveau des crédits du programme Patrimoines relativement aux deux autres programmes de la mission, le Rapporteur spécial tient à manifester son inquiétude vis-à-vis des mesures d’économies prises à l’encontre des opérateurs de la politique patrimoniale. Il ne s’agit pas d’en contester le bien-fondé – dans le contexte actuel de tensions sur les finances publiques, toutes les entités publiques doivent participer à l’effort général de redressement des comptes –, mais de souligner les possibles effets pervers de la méthode retenue.

En effet, en ajoutant à la baisse des subventions pour charges de service public de certains opérateurs un mécanisme de prélèvement sur leur fonds de roulement, on risque, d’une part, d’obérer la capacité d’investissement de ces institutions, et, d’autre part, de faire passer le fonds de roulement de certaines d’entre elles en deçà d’un seuil critique. Comme le rappelait le rapport de l’Inspection générale des Finances relatif aux agences de l’État (3), toutes choses égales par ailleurs, on considère que le niveau de fonds de roulement d’un établissement doit pouvoir couvrir 60 à 90 jours d’activité. Or, certains opérateurs du programme, qui n’atteignent même pas ce seuil actuellement, verront ce plafond s’abaisser encore suite au prélèvement prévu. Ainsi, le fonds de roulement de l’établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais (RMN-GP) ne représente-t-il que l’équivalent de 30 jours de fonctionnement de l’établissement, et il serait sans doute dommageable d’atteindre un niveau encore inférieur.

La tutelle assure que de tels prélèvements seront exceptionnels car limités à 2013. Si le Rapporteur spécial est a priori prêt à en donner acte au ministère, il ne peut ignorer les inquiétudes exprimées par plusieurs opérateurs quant à une éventuelle reconduction de ces ponctions. Il tient donc à prévenir le ministère contre toute tentation de renouvellement d’une telle opération, qui pourrait déséquilibrer financièrement certains établissements et compromettre les actions qu’ils mènent. Le Rapporteur spécial sera particulièrement attentif à cette question dans le cadre de la préparation du projet de loi finances pour 2014.

Enfin, d’après les informations que le Rapporteur spécial a pu recueillir, il n’est pas totalement exclu que la subvention versée par l’État pour compenser aux établissements le coût de la gratuité bénéficiant aux moins de 26 ans soit réduite dans les années à venir, obligeant les institutions patrimoniales concernées à couvrir la perte de recettes afférente sur leurs ressources propres.

MESURES D’ÉCONOMIES TOUCHANT LES PRINCIPAUX OPÉRATEURS DU PROGRAMME

Établissement

Diminution des subventions

Prélèvement sur fonds de roulement

Autres mesures

Cité de l’architecture et du patrimoine

– 2,5 %

 

– 50 % subvention d’acquisition

Centre des monuments nationaux

– 2,5 %

4,7 M€

– 50 % crédits d’acquisition

Centre Pompidou

– 1,3 %

0,5 M€

– 42,3 % subvention d’acquisition

Musée du quai Branly

– 2,5 %

2,88 M€

 

Versailles

– 33,2 % (investissement)

 

– 71,3 % compensation au titre de la gratuité

Fontainebleau

– 2 %

   

Chambord

– 2,5 %

   

Institut national d’histoire de l’art

– 1 %

0,3 M€

 

Musées d’Orsay et de l’Orangerie

– 2,5 %

1,68 M€

 

Musée du Louvre

– 2,5 %

13,7 M€

 

Musée Guimet

– 2,5 %

   

Musée Moreau

– 2 %

   

Musée Rodin

– 2,5 % (investissement)

   

RMN-GP

– 2,5 %

1,1 M€

 

Source : projet annuel de performances 2013 Culture

Il convient de souligner que la diminution des subventions s’appliquerait avant prise en compte de la compensation de la gratuité. De fait, la réfaction nette serait légèrement moins élevée que celle présentée dans le tableau précédent.

2.– L’évolution des crédits par action : une décroissance substantielle des moyens alloués aux patrimoines

● En tant que deuxième action du programme en termes financiers, l’action 1 Patrimoine monumental continuerait de concentrer une large part des crédits alloués à la politique patrimoniale, puisque près de 45 % des autorisations d’engagement et plus de 42 % des crédits de paiement y seraient rattachés.

Pour 2013, les crédits de paiement seraient en baisse de près de 13 % (328,7 millions d’euros) et les autorisations d’engagement seraient en diminution de 0,9 % (339,6 millions d’euros) par rapport aux montants votés en LFI 2012. Comme chaque année depuis 2011 et l’affectation partielle au Centre des monuments nationaux (CMN) du prélèvement sur les mises engagées dans les jeux de cercle en ligne, 8 millions d’euros de recettes fiscales viendraient compléter cette enveloppe en abondant d’autant le budget du CMN (4). Au total, en tenant compte des crédits budgétaires et des ressources fiscales, ce sont 336,7 millions d’euros de crédits de paiement et 347,6 millions d’euros d’autorisations d’engagement qui viendraient abonder l’action 1.

Au sein de cette enveloppe, les opérations d’entretien et de restauration des monuments historiques demeureraient le volet principal de l’action avec 322,64 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 309,28 millions d’euros de crédits de paiement alloués à ce titre.

Les « grands projets » seraient poursuivis, avec 20 millions d’euros en autorisations d’engagement et 12,3 millions d’euros en crédits de paiement. Ces crédits abonderaient quasi exclusivement la subvention d’investissement allouée au château et domaine national de Versailles au titre du financement de la deuxième phase de travaux de son schéma directeur (20 millions d’euros en autorisations d’engagement et 12 millions d’euros en crédits de paiement). Le solde, modeste, serait attribué au musée Picasso afin d’achever la restauration de l’hôtel Salé (0,3 million d’euros en crédits de paiement).

D’autres « grands projets », précédemment destinataires de crédits, ne recevront plus de financement au titre des monuments historiques, soit qu’ils aient été menés à terme (restauration du fort Saint-Jean du MuCEM), soit qu’ils aient été abandonnés par le nouveau Gouvernement (Maison de l’Histoire de France).

Fort logiquement, la plupart des crédits de l’action 1 reste attribuée aux opérations « hors grands projets », qui bénéficieraient de 281,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 276,7 millions d’euros en crédits de paiement.

● Dotée de moyens beaucoup plus modestes, l’action 2 Architecture se verrait allouer quelque 27,9 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 4,2 %) et près de 29 millions d’euros en crédits de paiement (+ 0,8 %).

Traditionnellement, une part substantielle de cette enveloppe serait fléchée au bénéfice de la Cité de l’architecture et du patrimoine (CAPA) via la subvention pour charges de service public allouée à cet opérateur. Celui-ci se verrait ainsi attribuer 15,24 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, soit près de 55 % des crédits totaux de l’action.

En matière d’architecture, le ministère poursuivra la politique précédemment conduite, concentrée notamment sur les problématiques d’aménagement du territoire. Dans ce cadre, il s’agit principalement de soutenir et d’accompagner les collectivités territoriales dans leurs efforts et leurs actions afin de susciter une cohabitation optimale entre des préoccupations d’égale importance, qu’elles soient de nature architecturale, paysagère ou patrimoniale.

● Première action du programme du fait de son importance en termes de masses financières et d’opérations menées, l’action 3 Patrimoines des musées de France serait logiquement la plus dotée en 2013. Ses 353,6 millions d’euros d’autorisations d’engagement et ses 375,6 millions d’euros de crédits de paiement représenteraient respectivement 46,5 % et 48,4 % des montants globaux du programme 175. Les premières seraient en baisse de 4 % tandis que les seconds enregistreraient une diminution de 0,8 % de leur montant.

Compte tenu de l’importance des opérateurs dans la conduite de la politique patrimoniale en général et de la politique muséale en particulier, il n’est guère surprenant de constater que près des 75 % des autorisations d’engagement et plus de 70 % des crédits de paiement inscrits à l’action 3 seraient reversés par le biais de subventions pour charges de service public aux différentes institutions émargeant à celle-ci (soit 264,58 millions d’euros en autorisation d’engagement comme en crédits de paiement). Ces subventions incluent la compensation de la gratuité d’accès aux collections permanentes pour les jeunes ressortissants de l’Union européenne âgés de moins de 26 ans (18 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement)

Par rapport aux montants inscrits en PLF 2012, les subventions pour charge de service public seraient en diminution de 6,7 % en autorisations d’engagement et de 6,8 % en crédits de paiement (5). Selon les opérateurs concernés, la baisse des diverses subventions serait comprise entre 1 et 2,5 % (cf. supra). Or, comme le Rapporteur spécial l’a précédemment souligné, s’il est légitime de faire contribuer l’ensemble de la sphère publique à l’effort de réduction de la dépense, les mesures envisagées par le Gouvernement pourraient fragiliser certaines institutions et, partant, mettre en péril les actions menées par celles-ci.

Au-delà des moyens alloués aux établissements pour couvrir leurs charges traditionnelles, les crédits de l’action 3 concerneront notamment les projets suivants :

– au titre du MuCEM, 7,92 millions d’euros en autorisations d’engagement et 16,71 millions d’euros en crédits de paiement seraient fléchés vers les opérations de construction du bâtiment J4 et les aménagements muséographiques au sein de ce bâtiment et du fort Saint-Jean ; vers les dépenses relatives au chantier des collections (6) ; et vers la constitution du centre de conservation et de réserves ;

– le Plan musées en régions 2011-2013, initié par le Gouvernement précédent, sera mené à terme avec 12 millions d’euros inscrits en autorisations d’engagement et 15,52 millions d’euros en crédits de paiement.

À ce titre, le Rapporteur spécial se réjouit que le Gouvernement poursuive l’action résolue de la précédente majorité en faveur du rééquilibrage culturel de nos territoires.

En revanche, il ne peut que déplorer l’abandon pur et simple du projet de Maison de l’Histoire de France. Dans notre démocratie apaisée, l’expression et la présentation de notre Histoire commune éclairée par la communauté scientifique ne doivent pas faire l’objet de polémique. Il est particulièrement regrettable d’avoir mis un terme à ce projet sans que soit proposée une solution alternative crédible.

● Traditionnellement, c’est l’opération relative au déménagement des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine qui concentre la plus grande partie des financements inscrits à l’action 4 Patrimoine archivistique et célébrations nationales. De fait, pour 2013, si les crédits présentent des diminutions substantielles (– 43,6 % en autorisations d’engagement à 21,05 millions d’euros et – 48,3 % en crédits de paiement à 25,15 millions d’euros), c’est notamment parce que le projet Pierrefitte entre dans sa phase de fonctionnement normal. Le bâtiment ayant été livré en 2012, aux crédits d’investissement précédemment inscrits se substituent dorénavant des crédits de fonctionnement courant.

● L’action 7 Patrimoine linguistique, la moins dotée du programme, bénéficierait de 2,6 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, soit une baisse de 1,9 % par rapport à 2012.

● Les dotations destinées à l’enrichissement des collections nationales atteindraient 8,55 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, diminuant de près de moitié au regard des montants votés pour 2012 (– 48,8 %).

Il convient toutefois de rappeler que les crédits figurant à cette action ne représentent qu’une part marginale de l’effort public consacré à l’enrichissement des collections, les opérateurs étant, en la matière, les acteurs principaux de ce volet de la politique patrimoniale en menant une politique d’acquisition active et en finançant directement lesdites acquisitions sur leur budget propre ou via des mécanismes fiscaux incitatifs.

Ainsi, en 2011, auront participé au financement des acquisitions :

– les opérateurs (7) à hauteur de 25,74 millions d’euros sur leurs budgets propres (recettes de billetterie, mécénat, dons et legs en numéraire etc.) ;

– le mécénat pour l’acquisition de trésors nationaux et d’œuvres d’intérêt patrimonial majeur, à hauteur de 21,63 millions d’euros ;

– les opérations de dations, pour 11,02 millions d’euros ;

– les dons et legs d’œuvres, pour 5,55 millions d’euros (compte non tenu d’une donation anonyme sous réserve d’usufruit effectuée au profit du musée d’Orsay pour 36 millions d’euros) ;

– le fonds du patrimoine, à hauteur de 4,25 millions d’euros.

● Enfin, les crédits inscrits à l’action 9 Patrimoine archéologique atteindraient 7,18 millions d’euros en autorisations d’engagement et 7,24 millions d’euros en crédits de paiement, soit des diminutions respectives de 28,7 % et de 23,9 % par rapport à 2012.

Il faut néanmoins souligner que les dépenses d’archéologie préventive sont largement prises en charge par un opérateur dédié, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), financé par une taxe affectée : la redevance d’archéologie préventive (cf. infra partie dédié et commentaire de l’article 63).

3.– Les ressources humaines de la politique patrimoniale

Rappelons que depuis la loi de finances initiale pour 2011, les crédits relatifs aux emplois du programme 175, et notamment ceux de ses opérateurs figurent au programme 224 de la mission Culture, ce qui, au demeurant, n’apparaît pas conforme à la LOLF et ne facilite ni le suivi complet du coût de la politique publique poursuivie par le programme Patrimoines, ni le contrôle fin et exhaustif de la dépense.

Le tableau suivant retrace les emplois affectés aux opérateurs du programme Patrimoines, et leur évolution entre 2012 et 2013. Le nombre d’équivalents temps plein travaillé (ETPT) rémunérés par le programme 224 seraient en diminution de 11 unités (1 792 ETPT). Les emplois sous plafond des opérateurs baisseraient de 18 unités (8 650 ETP), tandis que les emplois hors plafond augmenteraient de 92 unités (272 ETP).

EMPLOIS DES OPÉRATEURS DU PROGRAMME PATRIMOINES

 

Exercice 2012

Prévisions 2013

Opérateur

Rémunérés par le programme 224 (a)

ETP rémunérés par les opérateurs

Rémunérés par le programme 224 (a)

ETP rémunérés par les opérateurs

ETPT

Sous plafond

Hors plafond

Total

ETPT

Sous plafond

Hors plafond

Total

Cité de l’architecture et du patrimoine

15

135

   

15

132

1

 

Centre des monuments nationaux

457

942

   

455

933

   

Centre national d’art et de culture Georges Pompidou

 

1 057

     

1 047

   

Établissement public du musée du Quai Branly

 

259

     

256

   

Établissement public du musée et du domaine national de Versailles

577

319

20

 

574

309

60

 

Établissement public du château de Fontainebleau

114

1

   

113

4

   

Établissement public du domaine de Chambord

12

104

   

12

102

1

 

Institut national d’histoire de l’art

17

     

17

     

Institut national de recherches archéologiques préventives

 

2 096

4

   

2 095

   

Musée des arts décoratifs

 

277

     

271

26

 

Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée

 

30

     

63

   

Musée d’Orsay et musée de l’Orangerie

439

204

4

 

437

206

4

 

Musée du Louvre

 

2 041

67

   

2 016

73

 

Musée Guimet

113

61

   

112

59

   

Musée Henner

5

2

   

5

2

   

Musée Moreau

16

4

   

16

4

   

Musée Picasso

17

15

   

15

42

   

Musée Rodin

1

101

   

1

100

   

RMN-Grand Palais

20

1 010

86

 

20

1 009

107

 

Totaux

1 803

8 678

181

8 859

1 792

8 650

272

8 922

(a) Emplois des opérateurs inclus dans le plafond d’emplois du ministère.

Source : projet annuel de performances 2013 Culture

B.– LES DÉPENSES FISCALES RATTACHÉES AU PROGRAMME : UN NÉCESSAIRE TOILETTAGE

1.– Des aides fiscales très hétérogènes dans leur montant comme dans leur emploi par les contribuables

Les dépenses fiscales du programme Patrimoines devraient atteindre 149 millions d’euros en 2013 et recouvrent quelque quatorze dispositifs fiscaux incitatifs en faveur du patrimoine.

Toutefois, ainsi que l’avait relevé le précédent Rapporteur spécial, Nicolas Perruchot (8), près de la moitié présentent un coût marginal témoignant, a priori, de leur faible utilisation et donc du peu d’attrait qu’elles représentent pour les contribuables. Un tel constat a récemment été confirmé par la Cour des comptes (9).

De fait, six dispositifs présentent un coût faible (généralement inférieur à 500 000 euros) voire nul, ce qui révèle un taux de recours modeste à ceux-ci et donc l’intérêt relatif que de tels dispositifs représentent pour leurs éventuels bénéficiaires, par ailleurs peu nombreux (leur nombre est souvent marginal, « non déterminé » ou égal à zéro). D’ailleurs, les scores attribués par le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales à ces dispositions fiscales dérogatoires sont révélateurs de leur faible efficacité (10).

Certes de telles dispositions ne représentent pas un enjeu budgétaire majeur – et pour cause. Toutefois, le Rapporteur spécial estime qu’un effort de toilettage fiscal n’est jamais superflu et il a souhaité engager la réflexion à ce sujet. Aussi, a-t-il présenté plusieurs amendements visant à abroger quelques-unes des niches fiscales patrimoniales les moins utilisées, l’effet d’une telle suppression sur la politique patrimoniale étant, par construction, neutre.

2.– Les dépenses fiscales dont le Rapporteur spécial propose la suppression

Le Rapporteur spécial a proposé de supprimer :

– l’exonération de la taxe « sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d’art, de collection et d’antiquité », en cas de vente portant sur de tels objets et effectuées en direction de musées (musées de France ou musées de collectivité territoriale) ou des bibliothèques et services d’archives de l’État, d’une collectivité territoriale, ou d’une autre personne publique (11) (depuis 2008, nombre indéterminé de contribuables bénéficiaires ; coût inférieur à 0,5 million d’euros) ;

– la réduction d’impôt au titre de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu, égale à 40 % de la valeur d’achat d’un bien culturel reconnu trésor national bénéficiant aux entreprises procédant à l’achat d’un tel bien (12) (depuis 2008, nombre de bénéficiaires nul ou indéterminé ; dépense fiscale nulle ou inférieure à 0,5 million d’euros) ;

– l’exonération de TVA dont bénéficient les importations d’œuvres d’art originales, de timbres, d’objets de collection et d’antiquité, lorsque ces importations sont réalisées directement à destination d’établissements agréés par le ministère de la Culture (13) (depuis 2008, nombre indéterminé d’entreprises bénéficiaires ; coût égal à 1 million d’euros) ;

– l’exonération de droits de mutation pour la transmission d’œuvres d’art, de livres, d’objets de collection ou de documents de haute valeur artistique ou historique, lorsque leur propriétaire en fait don à l’État (14) (depuis 2008, nombre de bénéficiaires nul ; dépense fiscale nulle).

Le tableau suivant récapitule l’ensemble des dépenses fiscales dont le Rapporteur spécial a proposé la suppression, en indiquant :

– le nombre de leurs bénéficiaires, selon les dernières données disponibles ;

– le chiffrage prévisionnel pour 2013 ;

– ainsi que le score attribué à ces dispositifs par le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales. Ce score s’échelonne de 0 à 3 : 0 traduit une mesure inefficace ; 1 ou 2 une mesure non efficiente, c’est-à-dire efficace au regard de son objectif mais pas optimale en termes de ciblage, de rapport efficacité/coût etc. ; et 3 une mesure efficiente.

Le dépôt de ces amendements et le débat qu’ils ont provoqué en commission des Finances aura permis d’engager la réflexion quant à la pertinence de certaines niches fiscales. Le Rapporteur spécial mettra à profit ses attributions en matière de contrôle pour poursuivre cette réflexion au cours de l’année 2014.

En effet, le chiffrage de certaines d’entre elles témoigne d’un décalage entre les données officielles qui figurent dans les documents budgétaires, et la réalité dont le Rapporteur spécial a pu avoir connaissance en abordant ce sujet avec les opérateurs.

DÉPENSES FISCALES DONT IL EST PROPOSÉ LA SUPPRESSION

Dépense fiscale

Nombre de bénéficiaires

Chiffrage

2013

Score IGF

Exonération de la taxe forfaitaire sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d’art, de collection et d’antiquité en cas de vente aux musées bénéficiaires de l’appellation « musées de France » ou aux services d’archives et bibliothèques de l’État, d’une collectivité territoriale ou d’une autre personne publique

Impôt sur le revenu

Article 150 VJ du code général des impôts

non déterminé

< 0,5 M€

non évalué

Réduction de l’impôt au titre des sommes consacrées par les entreprises à l’achat d’un trésor national

Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés

Article 238 bis-0 AB

non déterminé

< 0,5 M€

0

Exonération de TVA sur les objets d’art, de collection et d’antiquité, importés par les établissements agréés par le ministre chargé des affaires culturelles

TVA

Article 291 du code général des impôts

non déterminé

1

1

Exonération des mutations à titre gratuit ou onéreux portant sur des œuvres d’art, livres, objets de collection ou documents de haute valeur artistique ou historique agréés, dont le nouveau propriétaire fait don à l’État

Droits d’enregistrement et de timbre

Article 1131 du code général des impôts

0 ménage

(2010)

0

0

II.– LA POLITIQUE MUSÉALE

A.– LES PRINCIPALES INSTITUTIONS MUSÉALES : UNE FRÉQUENTATION QUI DEMEURE SOUTENUE

1.– Le musée du Louvre

En 2011, le Louvre aura enregistré 8,89 millions de visites. Il s’agit d’un record de fréquentation, après les niveaux plus modestes constatés entre 2008 et 2010 du fait d’une conjoncture économique morose. Pour la première fois, la fréquentation des collections permanentes a dépassé le seuil des 8 millions de visiteurs, tandis que les autres espaces du musée enregistraient également de bons résultats : plus de 500 000 visiteurs aux expositions temporaires organisées dans le Hall Napoléon ; stabilisation de la fréquentation de l’auditorium (66 600 visiteurs) ; 47 00 visiteurs au musée Delacroix.

Rappelons que si le public français demeure le plus représenté au Louvre, les visiteurs étrangers restent largement majoritaires puisqu’ils représentent les deux tiers de la fréquentation totale (67 %) (15). En outre la part du jeune public progresse puisque les moins de 26 ans comptent pour 39 % de la fréquentation (38 % en 2010), et les moins de 30 ans 50 %.

Il semblerait que la dynamique observée en 2011 se confirme au premier semestre 2012 puisque la fréquentation totale atteint les 4,76 millions de visites fin juin 2012, soit une progression de 12 % par rapport au premier semestre 2011.

L’enrichissement des collections s’est naturellement poursuivi, le musée y consacrant quelque 20 % des recettes de billetterie tirées de l’accès aux collections permanentes, complétées le cas échéant par le mécénat et les libéralités. Ainsi, en 2011, 84 nouvelles œuvres ont rejoint les collections du Louvre et du musée Delacroix, pour un montant total de 20,9 millions d’euros, dont 16 millions d’euros concernent des acquisitions à titre onéreux (68 %). Les principales acquisitions effectuées en 2011 comprennent, entre autres, deux trésors nationaux : les Trois Grâces de Lucas Cranach (16), et une Étude d’homme nu par Michel-Ange (17).

Au cours du premier semestre 2012, les acquisitions ont atteint un montant global de 14,73 millions d’euros pour 64 œuvres, dont 24 acquises à titre onéreux (18) pour 13,61 millions d’euros (92 % du montant total) et 40 libéralités pour un montant de 1,13 million d’euros (8 % du total).

Rappelons qu’après le succès de l’ouverture du nouveau département des Arts de l’Islam en septembre dernier, le Louvre continuera de mener une politique d’investissement ambitieuse, dans le respect des contraintes budgétaires pesant sur l’établissement. Ainsi se poursuivront les opérations de rénovation des salles du Mobilier XVIIIème siècle, financées par mécénat pour un montant total de 25,5 millions d’euros, l’ouverture au public étant prévue en 2013.

Par ailleurs, le projet Pyramide devrait entrer dans sa phase opérationnelle. Après les études de conception architecturale, fonctionnelle et technique menées sur la période 2011-2013, les travaux devraient débuter cette même année et se prolonger jusqu’en 2018 (contre mi-2015 prévu à l’origine). Les opérations, dont le coût est évalué à 67 millions d’euros, visent notamment à permettre l’absorption des flux des plus en plus massifs de visiteurs (avec une perspective de 12 millions de visiteurs annuels alors que la Pyramide de Pei avait été conçue pour en accueillir 4 millions).

Enfin, les travaux relatifs au schéma directeur sécurité incendie (52 millions d’euros sur la période 2005-2015) et au schéma directeur accessibilité (17 millions d’euros sur la période 2008-2015) seront poursuivis.

En 2013, le musée bénéficierait de crédits budgétaires à hauteur de 102 millions d’euros environ (en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement), décomposés comme suit :

– 86,5 millions d’euros de subvention de fonctionnement ;

– 6,3 millions d’euros de subvention d’investissement ;

– 3,5 millions d’euros au titre du monument historique ;

– 5,6 millions d’euros au titre de la compensation de la gratuité.

Le plafond d’emplois du musée serait en diminution nette de 19 ETPT et s’établirait à 2 016 ETPT l’an prochain.

LES RESSOURCES DU MUSÉE DU LOUVRE 2011-2012

(en euros)

 

2011

(compte financier)

2012

(budget primitif)

Quote-part liée aux amortissements

8 399 337

9 002 633

Subventions

116 174 638

115 828 195

Billetterie (dont audioguide et activités culturelles)

51 895 431

54 688 693

Mécénat et parrainages (investissement/fonctionnement)

16 219 424

18 962 991

Recettes domaniales (concessions, locations, exploitation image)

14 571 334

12 304 052

Recettes liées aux collections (activités éditoriales)

2 069 237

3 001 443

Produits financiers et exceptionnels

6 963 796

4 339 000

Refacturation de charges de personnel

1 542 317

1 326 846

Divers

3 384 801

282 262

Total ressources propres

96 646 340

94 905 287

Total ressources

221 220 315

219 736 115

Part des ressources propres

44 %

43 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire

2.– Les musées d'Orsay et de l'Orangerie

En 2011, des travaux d’importance, d’un montant global de 23,3 millions d’euros, ont été achevés. Ils concernaient :

– le réaménagement du pavillon Amont ;

– le réagencement de l'ensemble des salles du niveau médian Lille ;

– la rénovation de la galerie des impressionnistes et des salles du 5ème étage ;

– le réaménagement du Café de l'horloge.

Ces opérations n’ont évidemment pas empêché la tenue d’expositions qui ont connu un grand succès. Au titre des événements organisés au sein des seuls musées d’Orsay et de l’Orangerie (hors expositions hors les murs), citons : pour Orsay, Manet, inventeur du moderne (470 300 visiteurs), Beauté, morale et volupté dans l'Angleterre d'Oscar Wilde (423 000 visiteurs), ou encore La photographie préraphaélite et Gustav Malher ; pour l’Orangerie, une rétrospective consacrée au futuriste italien Gino Severini, et une exposition relative à la peinture espagnole, L’Espagne entre deux siècles 1890-1920 (195 000 visiteurs).

Les réaménagements du musée se poursuivront en 2013 et au-delà. À ce titre, la principale opération concernera le tympan est du bâtiment, dont les tirants présentent des traces de corrosion.

2012 aura vu l’organisation d’une grande exposition consacrée à Degas et le nu (460 000 visiteurs), tandis que L'impressionnisme et la mode, programmé à l’automne, devrait mobiliser un large public. À l’Orangerie, l'exposition Debussy, la musique et les arts aura réussi à mobiliser le public avec 280 000 visiteurs. Par ailleurs une rétrospective consacrée à Chaïm Soutine vient d’ouvrir ses portes.

En 2013 sont notamment prévues au musée d’Orsay une exposition consacrée au fantastique dans la peinture, L’Ange du bizarre, ainsi qu’une exposition centrée sur La question sociale et la révolution naturaliste en France. Le musée de l’Orangerie proposera une exposition relative à la peinture italienne des années 1850-1877, I Macchiaioli, avant une rétrospective Frida Kahlo/Diego Rivera à l’automne. Enfin, une grande rétrospective Félix Vallotton sera présentée aux galeries nationales du Grand Palais.

La fréquentation du musée d’Orsay est restée dynamique en 2011, en progression de 5 % à 3,15 millions de visiteurs, après trois années de stabilisation aux alentours de 3 millions. L’afflux du public s’explique notamment par l’exposition Manet et par la réouverture, en octobre 2011, des 7 200 m² d’espaces rénovés du « nouvel Orsay ». Quant à l’Orangerie, sa fréquentation s’est élevée à 0,7 million de visiteurs, un niveau stable par rapport à 2010. En 2012, la fréquentation du musée d’Orsay pourrait dépasser 3,5 millions de visiteurs tandis que l’Orangerie anticipe un niveau de fréquentation équivalent à celui des deux dernières années.

Concernant les moyens attribués à l’établissement pour 2013, le projet de loi de finances propose le versement de 8,95 millions d’euros crédits de fonctionnement (en autorisations d’engagements comme en crédits de paiement), de 0,96 million d’euros au titre de l’investissement (en autorisations d’engagements comme en crédits de paiement), et de 2,13 millions d’euros au titre de la compensation de la gratuité, soit 12,04 millions d’euros au total. Quant au plafond d’emplois, il serait en augmentation de 2 ETP et atteindrait 206 ETP.

LES RESSOURCES DU MUSÉE D’ORSAY 2011-2012

(en euros)

 

2011

(compte financier)

2012

(budget primitif)

Billetterie

18 169 541

22 877 000

Mécénat, parrainage, partenariats médias

2 333 205

1 500 000

Locations d’espaces

1 216 314

1 215 000

Redevances commerciales (boutiques, espaces de restauration etc.)

2 109 891

1 855 000

Autres

6 188 449

4 211 000

Subventions

11 770 631

12 367 165

Total ressources propres

30 017 426

31 658 000

Total ressources

41 788 057

44 025 165

Part des ressources propres

72 %

72 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire

3.– Le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou

Entre 2007 et 2011, le CNAC a enregistré une croissance impressionnante de sa fréquentation (+ 30 %). De fait, pour cette dernière année, le cap des 3 millions d’entrées a été largement franchi avec 3,6 millions de visites, permettant de dépasser le record établi en 2009. Dans le détail, les expositions permanentes auront enregistré plus de 1,53 million de visites, tandis que les expositions temporaires auront dépassé 2,07 millions d’entrées, la part du public national restant prépondérante (61 %, contre 56 % en 2010).

Les deux projets emblématiques que constituent le Centre Pompidou-Metz et le Centre Pompidou Mobile confirment leur succès. Depuis son ouverture le 12 mai 2010, l’établissement lorrain enregistre une fréquentation remarquable, ayant accueilli plus de 1,4 million de visiteurs au 1er août 2012. Quant au musée mobile, il poursuit son itinérance sur tout le territoire français, la saison 2012-2013 consacrant des expositions consacrées aux formes géométriques et à l’abstraction dans l’art moderne et contemporain qui s’établiront successivement à Libourne, au Havre, puis à Nantes.

Le projet de loi de finances pour 2013 propose d’allouer au CNAC 92,18 millions d’euros en autorisations d’engagement et 90,04 millions d’euros en crédits de paiement. Les recettes propres étaient inscrites à hauteur de 26,5 millions d’euros dans le budget prévisionnel 2011 et sont estimées à 28 millions d’euros pour 2012. Le plafond d’emplois pour 2013 serait fixé à 1 047 ETP, soit une diminution de 10 unités par rapport à 2012.

LES RESSOURCES DU CENTRE POMPIDOU 2011-2012

(en millions d’euros)

 

2011

(compte financier)

2012

(budget primitif)

Billetterie

13,5

13,5

Éditions et produits dérivés

2,7

3,1

Itinérances d’expositions

3,2

3,1

Ingénierie culturelle

1

1,1

Mécénat

5,4

3,8

Locations commerciales et échanges de marchandises

1,7

1,4

Concessions

3,5

3,3

Produits financiers

0,2

0,2

Subventions

76,4

76

Total ressources propres

31,2

29,5

Total ressources

107,6

105,5

Part des ressources propres

28,9 %

27,9 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire

4.– Le musée et le domaine national de Versailles

En cumul au mois de juin 2012 (dernières données disponibles), la fréquentation de l’Établissement public du musée et du domaine national de Versailles (EPV) approche les 3,2 millions de visites.

Les principaux résultats financiers pour 2011 confirment la bonne tendance observée notamment en 2010, avec l’enregistrement d’un bénéfice de 15,25 millions d’euros (contre 9,98 millions d’euros l’année précédente, soit + 52,8 %) et d’une capacité d’autofinancement de 18,86 millions d’euros (12,87 millions d’euros en 2010, + 46,5 %). Fin 2011, le fonds de roulement s’était établi à un niveau de 44,37 millions d’euros. En 2012, du fait du report d’opérations initialement prévues en 2011, le fonds de roulement disponible (19) atteint un niveau plus classique de 7,07 millions d’euros, soit 52,8 jours de fonctionnement.

En 2013, l’EPV recevrait une subvention d’investissement en diminution substantielle de 33,2 % en crédits de paiement, atteignant 12,12 millions d’euros en crédits de paiement contre 18,15 millions d’euros en 2012. En autorisations d’engagement, le montant serait en progression à 20,13 millions d’euros (contre 19,15 millions d’euros en 2012), du fait du lancement des travaux de la deuxième phase du schéma directeur dans le corps central du château. Le plafond des emplois rémunérés par l’EPV serait en diminution de 10 unités, s’établissant 309 ETP. Il ne s’agit toutefois pas d’une décroissance nette, la baisse des emplois sous plafond correspondant en réalité aux retraitements suivants : transfert de 9 ETP d’apprentis vers les emplois hors plafond ; transfert d’un emploi de titre 2 vers le titre 3 ; et diminution de 2 ETP au titre de la participation de l’EPV à la maîtrise de l’emploi public.

LES RECETTES DE FONCTIONNEMENT DE VERSAILLES 2011-2012

(en euros)

 

2011

(exécution)

2012

Ressources de l’État

6 423 692

6 195 131

Billetterie

44 359 297

42 834 000

Mécénat

1 610 731

0

Recettes domaniales / valorisation du site

6 899 511

2 181 000

Activité commerciale, éditoriale, et prestations de services

3 221 156

5 633 000

Produits financiers

337 286

559 702

Autres

8 577 176

4 379 982

Total ressources propres

65 005 157

54 492 395

Total ressources

71 428 849

60 687 526

Part des ressources propres

91 %

90 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Rappelons que 2013 sera une année marquante pour l’EPV pour son fonctionnement quotidien avec le déménagement d’une partie de ses services administratifs au Grand Commun. Une telle opération permettra de libérer les espaces du pavillon Dufour, afin d’améliorer l’accueil des visiteurs hors billetterie.

Par ailleurs, les travaux relatifs à la modernisation du corps central partie sud (20) (appartements de la Reine, du Dauphin et de la Dauphine) démarreront au printemps 2013 et se traduiront par la fermeture des espaces concernés pour une durée de 18 mois.

Enfin, les travaux de restauration devraient se poursuivre, bien qu’à un rythme moins soutenu que les années précédentes. Le programme portera notamment sur les jardins et parcs (bosquets sud, allées des Mortemets, allée royale de Marly), sur des travaux de clos et couvert (toitures du corps central, des salons d’Hercule et de la chapelle, de la galerie des glaces, menuiseries du corps central et des ailes des ministres), mais aussi sur des opérations de nature fonctionnelle ou sécuritaire.

5.– Le musée du quai Branly

En 2011, plus de 1,45 million de visiteurs se sont rendus au musée du quai Branly, soit une hausse de 10 % par rapport à 2010. Les moins de 18 ans (21) représentent 19 % des visiteurs, le public étant majoritairement composé de visiteurs nationaux (86 %).

Au cours de l’année 2012, le musée aura organisé sept expositions, notamment : Les Maîtres du désordre ; Cheveux chéris, frivolités et trophées ; La pluie, Patagonie, images du bout du monde ; ou encore Les séductions du palais, manger et cuisiner en Chine.

Pour 2013, la programmation comprendra six nouveaux événements : Bogota-Cali organisée dans le cadre de la quatrième Biennale de Photoquai ; Un artiste voyageur en Micronésie, le monde flottant de Paul Jacoulet ; Charles Ratton, l’invention des Arts Premiers ; Lega ; Philippines, archipel de l’échange et Kanak.

Le projet de loi de finances pour 2013 propose d’attribuer 23,23 millions d’euros de crédits de fonctionnement à l’établissement (en autorisations d’engagements comme en crédits de paiement) au titre du programme Patrimoines. Le même montant est inscrit au programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire, reflet de la double tutelle exercée par les ministères de la Culture et de la Recherche sur l’établissement. Au total, celui-ci bénéficierait donc de 46,4 millions d’euros. Ses ETP seraient réduits de trois unités et atteindraient 256.

LES RESSOURCES DU QUAI BRANLY 2011-2012

(en euros)

 

2011

2012

Billetterie, publications, mise à dispositions d’espaces, activités annexes

6 412 800

5 945 000

Mécénat, partenariats, participations financières diverses

2 209 557

2 571 633

Refacturations, remboursements divers, gestion courants, variation des stocks

1 692 843

960 102

Produits financiers

456 675

240 000

Produits exceptionnels, cessions d’actifs

529 834

50 000

Subventions d’État

48 772 686

48 223 419

Autres subventions d’exploitation

360 802

193 830

Total ressources propres

11 301 709

9 766 735

Total ressources

60 435 197

58 183 984

Part des ressources propres

18,7 %

16,8 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire

6.– L’établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais

Deux millions de visiteurs se rendent chaque année aux expositions organisées par la RMN-GP. En 2011, une programmation particulièrement riche et variée se sera tenue au Grand Palais, avec une quarantaine d’événements qui auront touché des domaines très variés : beaux-arts, jeu vidéo, création contemporaine, photographie, musique, danse, sport, mode.

Les résultats financiers pour 2011 présentent un résultat positif à 0,8 million d’euros. Le fonds de roulement atteint 29,7 millions d’euros et doit permettre de financer non seulement les investissements courants déjà prévus (travaux en cours au Grand Palais, projets informatiques), mais aussi les études préalables au lancement des travaux de rénovation et d’aménagement du bâtiment. À cet égard le Rapporteur spécial tient à réitérer sa mise en garde : il ne faudrait pas que d’exceptionnel, le prélèvement sur fonds de roulement prévu en 2013 devienne durable, au risque de remettre en cause certains investissements essentiels portés par les établissements.

Le chiffre d’affaires de la RMN-GP s’établit quant à lui à 107 millions d’euros, soit une croissance de 4,4 % par rapport au budget révisé. Il atteint pratiquement le niveau du chiffre d’affaires consolidé des deux établissements qui préexistaient à la fusion en 2010, étant entendu que cette même année avait par ailleurs été exceptionnelle grâce au succès de l’exposition Monet.

La subvention pour charges de service public atteindrait à 20,29 millions d’euros en 2013 (en autorisations d’engagements comme en crédits de paiement), et le plafond d’ETP sous plafond s’établirait à 1 009 (contre 1 010 en 2010). Les ETP hors plafond atteindraient 107 (soit + 21 par rapport à 2012 en raison du décompte des apprentis). Au total, les ETP augmenteraient de 10 unités, soit 1 116.

7.– Le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée

C’est en 2013 que le MuCEM ouvrira ses portes, dans le cadre de l’événement « Marseille, capitale européenne de la culture ». Rappelons que le nouvel établissement a hérité des collections du musée national des arts et traditions populaires (MNATP), fermé depuis 2005. Enrichies par une politique d’acquisition active, celles-ci comprennent près de 1,3 million de références (22).

Le MuCEM prendra corps sur trois emprises différentes :

– l’ancien môle portuaire J4 : réalisé par l’architecte Rudy Ricciotti associé à Roland Carta, ce bâtiment formera le cœur du musée en accueillant sur 12 550 m² les espaces d’exposition répartis sur deux plateaux (3 640 m²), un auditorium, une librairie, un restaurant et des espaces dédiés aux enfants. La livraison du bâtiment est prévue pour décembre 2012 ;

– le Fort Saint-Jean : monument historique dont les origines remontent au XIIème siècle, a été restauré puis sera relié au bâtiment du J4 par une passerelle et comprendra un jardin paysager et une présentation des collections d’arts et traditions populaires du MuCEM. Une seconde passerelle est en cours de réalisation, qui reliera le Fort au quartier du Panier par la Porte Royale, créant ainsi un accès supplémentaire au bâtiment et à ses collections. Les travaux doivent s’achever début 2013 ;

– le centre de conservation et de ressources : construit dans le site de la caserne de Muy, dans le quartier de la Belle de Mai, sa réalisation a donné lieu à la conclusion d'un partenariat public-privé, sous la maîtrise d’œuvre de l’architecte Corinne Vezzoni. C’est dans ce lieu que seront abritées les réserves du MuCEM (23), de mêmes que d’importants fonds documentaires destinés notamment aux étudiants et aux chercheurs. Le bâtiment a été livré en août 2012.

Rappelons que les travaux relatifs au bâtiment J4 et au Fort Saint-Jean représentent un coût de 160 millions d’euros, assumé par le ministère de la Culture à hauteur de 102 millions d’euros, et par les collectivités territoriales pour 58 millions d’euros. En outre, le ministère prend en charge le coût des chantiers connexes nécessaires au fonctionnement du MuCEM, à savoir le chantier des collections, les opérations relatives à la mise en place d’un système d’information, les travaux de numérisation et l’achat des premiers équipements, pour un coût de 23 millions d’euros.

Le PLF 2013 propose d’allouer 17,68 millions d’euros au MuCEM (en autorisations d’engagements comme en crédits de paiement).

B.– L’ACHÈVEMENT DU PLAN MUSÉES EN RÉGIONS 2011-2013

Doté d’un budget global de 70 millions d’euros sur la période, ce plan d’investissement volontariste initié par la majorité précédente vise à assurer un rééquilibrage territorial et à renforcer la conservation et la mise en valeur des collections des musées en régions.

Quelque 79 projets – musées territoriaux et petits musées nationaux – devraient être soutenus dans ce cadre, l’apport financier de l’État couvrant en moyenne 20 % du coût total des opérations. Les critères de sélection des projets, sont relatifs :

– au développement culturel des territoires ;

– à la qualité du projet scientifique et culturel porté ;

– à l’ambition architecturale du projet ;

– à l’engagement de la collectivité bénéficiaire des fonds ;

– et à l’équilibre des thématiques représentées au sein du musée (archéologie, Beaux-Arts, histoire etc.).

Citons, au titre des opérations qui seront finalisées en 2013 : les travaux de rénovation du musée Girodet (Centre) ; la rénovation du familistère de Guise (Picardie) ; ou encore les travaux au musée des Pêcheries de Fécamp (Haute-Normandie).

En outre, les crédits d’investissement débloqués en 2013 permettraient de financer les nouvelles phases de travaux portant sur plusieurs projets, parmi lesquels : la rénovation et l’extension du musée Unterlinden de Colmar (Alsace) ; la rénovation de l’extension du musée des Beaux-Arts de Nantes (Pays de la Loire) ; la création du musée Soulages à Rodez (Midi-Pyrénées).

III.– LE PATRIMOINE MONUMENTAL, ARCHITECTURAL ET ARCHÉOLOGIQUE

A.– LA POLITIQUE MONUMENTALE : L’ENTRETIEN ET LA RESTAURATION DES MONUMENTS HISTORIQUES

En 2013, 347,6 millions en autorisations d’engagement et 336,7 millions d’euros en crédits de paiement seraient alloués au patrimoine monumental (crédits budgétaires et recettes fiscales affectées au CMN).

Le Centre des monuments nationaux (CMN) est l’opérateur majeur de la politique monumentale menée par le ministère de la Culture et de la communication. Établissement public à caractère administratif, il a pour mission d’entretenir, de conserver et de restaurer les monuments nationaux ainsi que leurs collections, d’en favoriser la connaissance, de les présenter au public et d’en développer la fréquentation, lorsque celle-ci est compatible avec leur conservation ou leur utilisation (24). Le réseau CMN comprend près de 100 monuments que l’établissement gère, anime et ouvre à la visite, et où près de 9,2 millions de visiteurs ont été accueillis en 2011, ce qui constitue un record de fréquentation (+ 6,9 % par rapport aux 8,6 millions de visiteurs en 2010).

Ce réseau comprend un certain nombre de monuments qui comptent parmi les plus importants et les plus emblématiques de l’histoire de France, tels que l’Arc de triomphe, le Panthéon, l’hôtel de Sully, la Sainte-Chapelle et la Conciergerie à Paris, l’abbaye et les remparts du Mont-Saint-Michel, les grottes ornées de Font-de-Gaume, des Combarelles et du Cap-Blanc, le site mégalithique de Carnac, ou encore les fortifications de Carcassonne et d’Aigues-Mortes. Plusieurs sont inscrits par l’UNESCO au patrimoine mondial.

Fidèle à sa vocation et conformément à ses missions, le CMN conduit une politique d’entretien et de restauration permanente. Pour la période 2012-2014, la programmation en matière d’investissement s’articulera autour des axes suivants : la connaissance de l’état sanitaire du patrimoine (via la réalisation d’études diagnostiques) ; des programmes de conservation ; de grands programmes de travaux concentrés sur un nombre réduit de projets d’envergure portant sur certains monuments majeurs du réseau (25). S’ajouteraient à cette programmation les investissements plus traditionnels relatifs aux opérations d’entretien et de réparation des monuments, aux aménagements au sein de ceux-ci (parcours de visite notamment), et aux autres dépenses courantes (informatique et acquisitions par exemple).

Dans le cadre du présent projet de loi de finances, le CMN bénéficierait de 21,74 millions d’euros en autorisations d’engagement et 21,24 millions d’euros en crédits de paiement au titre des crédits budgétaires, complétés par 8 millions d’euros de recettes fiscales issus de l’affectation partielle du produit du prélèvement sur les mises engagées dans les jeux de cercle en ligne (26). Son plafond d’emploi s’établirait à 933 ETP, en diminution de 9 unités par rapport à 2012.

B.– LA POLITIQUE ARCHITECTURALE : LA CITÉ DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE

Au titre de la subvention pour charges de service public qu’elle reçoit, la Cité de l’architecture et du patrimoine (CAPA) concentre traditionnellement la majeure partie des crédits inscrits à l’action 2. En 2013, elle bénéficierait ainsi de 15,24 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement (55 % des crédits de l’action). Son nombre d’ETP passerait de 135 à 132, soit deux suppressions nettes et une mesure de périmètre, avec le transfert des apprentis vers les emplois hors plafonds.

Plusieurs expositions ont été organisées ou vont prendre corps dans le cadre de la programmation 2012, notamment les expositions « Hôtel particulier », une ambition parisienne, et Circuler, quand nos mouvements façonnent les villes. À compter du mois d’octobre, une exposition consacrée à l’œuvre d’Henri Labrouste, coproduite avec la Bibliothèque nationale de France et le Museum of Modern Art de New York est proposée au public. La fréquentation aura atteint 372 389 visiteurs et usagers (collections permanentes du musée, expositions temporaires, offre de l’auditorium, des centres de documentation, de l’école et manifestations événementielles), dont 326 269 visites au musée et aux expositions temporaires.

Pour 2013, trois événements majeurs seront organisés : deux monographies relatives à Marcel Breuer et Rudy Ricciotti, et une grande exposition Art déco : le style made in France qui a conquis le monde.

LES RECETTES DE FONCTIONNEMENT DE LA CAPA 2011-2012

(en euros)

 

2011

2012

Ressources de l’État

16 265 480

16 176 631

Autres subventions et dotations

361 754

106 000

Refacturations, remboursements divers, gestion courants, variation des stocks

1 692 843

960 102

Billetterie

1 057 846

1 175 000

Mécénat

1 442 564

1 348 000

Recettes domaniales / valorisation du site

1 686 719

1 675 000

Activité commerciale, éditoriales, et prestations de services

360 802

193 830

Total ressources propres

5 655 124

5 648 359

Total ressources

22 282 358

21 930 990

Part des ressources propres

25,4 %

25,7 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire

C.– L’ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE : VERS UN NOUVEL ÉLARGISSEMENT DE LA REDEVANCE ?

Le présent projet de loi de finances comporte une disposition dédiée à l’archéologie préventive, l’article 63, rattaché à la mission Culture, prévoyant un élargissement de la ressource affectée à cette politique publique : la redevance d’archéologie préventive (RAP).

Pour davantage de précisions, on se reportera au commentaire dudit article figurant dans le présent rapport. Toutefois, le Rapporteur spécial tient à résumer sa position quant au dispositif envisagé par le Gouvernement.

Il regrette que celui-ci ait renoncé à finaliser la réforme de la RAP entreprise par la majorité précédente et qui visait à favoriser une maîtrise de la dépense publique d’archéologie préventive. Au contraire, le Gouvernement opte pour la solution de facilité consistant à augmenter encore les ressources allouées à cette politique.

Pour ce faire, il entend soumettre à la RAP les constructions de maisons individuelles réalisées par les particuliers, alors que rien ne justifie un tel alourdissement de la pression fiscale, les constructions individuelles étant, par nature, peu concernées par les diagnostics d’archéologie préventive.

Pour l’ensemble de ces raisons, développées dans le commentaire de l’article 63, le Rapporteur spécial a proposé la suppression de cette disposition.

IV.– LE PATRIMOINE ARCHIVISTIQUE ET LES CÉLÉBRATIONS NATIONALES

A.– LA POLITIQUE ARCHIVISTIQUE : L’OUVERTURE DU NOUVEAU SITE DES ARCHIVES NATIONALES

1.– Un renforcement de la politique interministérielle des archives

Sur la base du rapport rendu par Maurice Quénet en 2011 sur l'avenir des archives en France, le Gouvernement avait procédé à la création, auprès du Premier ministre, d’un délégué interministériel aux Archives de France ainsi que d'un comité interministériel aux Archives de France (27).

Cette fonction de délégué est assurée par le Directeur général des Patrimoines du ministère de la Culture et de la communication, qui dispose dans ce cadre du service interministériel des Archives de France. En tant que de besoin, il peut en outre solliciter les services d'archives relevant des Affaires étrangères et de la Défense.

2.– Numérisation et communication au public

Le service des Archives de France est le référent de la politique d’archivage numérique pour l'ensemble des services de l'État et des collectivités territoriales, en liaison avec la direction générale de la modernisation de l'État, l'agence nationale pour la sécurité des systèmes d'information, et la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication de l'État (DISIC).

Un des enjeux principaux pour l’avenir consiste à déployer une plateforme d’archivage numérique pour les archives historiques des administrations centrales de l’État et des opérateurs nationaux. Dans ce cadre, les Archives nationales devront assumer leurs missions en évoluant vers des processus industrialisés de collecte, de conservation et de communication des informations.

Par ailleurs, la communication au public des archives constitue un axe central de la politique du service des Archives. Ainsi, les archives départementales mettent à disposition plus de 171 millions de pages, dont 133 millions pour les registres paroissiaux et l'état civil, et plus de 3,2 millions d'images, dont près de 240 000 pour les plans et le cadastre.

En 2011, plus de 32 millions de visiteurs uniques auront consulté plus de 1,9 milliard de pages d’archives.

Afin d’améliorer encore la communication de ces documents au public, le service des Archives a soutenu la création d’un portail national d’accès à toutes les archives françaises numérisées, le portail « France-Archives », qui devra être compatible avec son équivalent européen.

3.– 2013 : année d’ouverture au public des nouvelles Archives nationales

Rappelons que la décision de l’État de construire un nouveau bâtiment pour les Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine a été prise pour remédier à la saturation et à l’inadaptation des sites de Paris et de Fontainebleau. Les principales caractéristiques du site de Pierrefitte sont les suivantes :

– une capacité totale de conservation de 320 kilomètres linéaires ;

– une capacité des salles de lecture de 310 places ;

– une surface utile de 62 000 m², dont 75 % dédiés à la conservation des archives.

Le bâtiment a été livré le 15 mai 2012 avec réserves. Le déménagement des fonds d'archives a démarré le 22 mai 2012 et prendra 18 mois. L'ouverture au public est prévue pour début 2013. Le coût total de la construction est de 195,48 millions d’euros (28).

Le budget de fonctionnement du service est estimé à 8,2 millions d’euros à l'ouverture en 2013, puis à 8,9 millions d’euros par an à partir de 2014.

B.– LA MISSION DES COMMÉMORATIONS NATIONALES

Chaque année, la mission des commémorations nationales établit la liste des anniversaires célébrés au nom de l'État et réalise le Recueil qui regroupe ces grands événements, classés en cinq catégories : institutions et vie politique ; lettres et sciences humaines ; beaux-arts, musique et cinéma ; sciences et techniques ; économie et société.

Outre la version physique du Recueil, la mission travaille à la modernisation de son équivalent Internet, tandis qu’une application pour smartphones a été développée.

La mission collabore également avec le département de la recherche, de l'enseignement supérieur et de la technologie (DREST) du ministère de la Culture, afin de réaliser des sites multimédias qui ont vocation à toucher les publics jeunes et scolaires. Enfin, elle s’efforce de maintenir son soutien, notamment financier, aux organismes réalisant des colloques autour des anniversaires labellisés (cofinancement des actes), dans une perspective de progression de la recherche.

PREMIÈRE LISTE D’ANNIVERSAIRES POUR 2013

313
Édit de Milan

813
Découverte du tombeau de saint Jacques le Majeur et début des pèlerinages

1163
Pose de la première pierre de Notre-Dame de Paris

1563
Assassinat du duc de Guise

1613
Naissance de Le Nôtre

1713
Traités d’Utrecht
Naissance de Jacques-Germain Soufflot
Publication de la bulle Unigenitus
Naissance de Diderot

1763
Naissance de Claude Chappe

Mort de Marivaux

1813
Naissance de Claude Bernard

1863
Mort d'Eugène Delacroix
Claude Monet peint Le déjeuner sur l’herbe et Olympia
Naissance de Charles Pathé, industriel du cinéma
Naissance de Pierre de Coubertin
Création du Petit Journal
Mort d’Alfred de Vigny

1913
Loi sur les Monuments historiques
Inauguration du Théâtre des Champs-Élysées
Ouverture du Théâtre du Vieux-Colombier
Naissance d’Albert Camus
Publication d’Alcools de Guillaume Apollinaire
Publication du Grand Meaulnes d’Alain-Fournier
Naissance de Charlotte Delbo

1963
Mort de Robert Schuman
Traité « d’amitié » de l’Élysée, entre l’Allemagne et la France
Mort de Jean Cocteau
Le n° 99 de Poètes d’aujourd’hui (Seghers) est consacré à Georges Brassens
Publication de Le roi se meurt de Ionesco
Mort d’Edith Piaf
Mort de Georges Braque
Sortie du film de Georges Lautner, Les tontons flingueurs
Inauguration de la maison de la Radio

V.– LE PATRIMOINE LINGUISTIQUE : UNE POLITIQUE VOLONTARISTE DE PROMOTION DE TOUTES LES LANGUES

La délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), rattachée ministère de la Culture, assure la coordination et l’animation de la politique linguistique de l’État au plan interministériel.

Conformément au décret du 11 novembre 2009 relatif aux missions et à l’organisation de l’administration centrale du ministère de la Culture et de la communication (29), la DGLFLF construit son action autour des quatre axes suivants :

– assurer la présence de la langue française dans la vie sociale : notamment en veillant à l’application du droit, consacré par la loi du 4 août 1994 (30), à l'exercice de la langue française dans plusieurs domaines tels que la consommation, le travail, l’enseignement, l’audiovisuel, la publicité, les transports ou les colloques scientifiques ;

– contribuer à la maîtrise du français : dans ce cadre la délégation collabore étroitement avec l’Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI), et contribue à la réflexion sur les nouveaux rapports à la langue qu'induisent les technologies numériques ;

– faire vivre la pluralité des langues : la DGLFLF attribue notamment des aides financières au plurilinguisme et aux langues régionales (2,55 millions d’euros en 2012) ; en outre, la délégation s’engage fortement dans la reconnaissance de la langue des signes française (LSF) et soutient à cet effet plusieurs programmes, comme l'élaboration d'un dictionnaire en ligne français-LSF ;

– favoriser la diffusion du français dans le monde.

*

* *

COMPTE RENDU DE LA COMMISSION ÉLARGIE
DU 5 NOVEMBRE 2012 À 16 HEURES

(Application de l’article 120, alinéa 2, du Règlement)

M. le président Gilles Carrez. Madame la ministre, je suis heureux de vous accueillir avec mon collègue et ami Patrick Bloche, président de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, afin d’examiner en commission élargie les crédits de la mission « Culture » pour 2013.

Cette procédure, je le rappelle, vise à favoriser des échanges interactifs entre les députés et le Gouvernement, fondés sur des interventions brèves et des réponses précises.

M. le président Patrick Bloche. Je me réjouis moi aussi de présider avec Gilles Carrez cette réunion qui nous permet de nous retrouver, madame la ministre, après l’examen la semaine dernière, selon la procédure classique, des crédits des médias.

Comme le disait le Président de la République en début d’année, nous avons d’autant plus besoin de culture que la crise économique et sociale est profonde. Madame la ministre, l’occasion vous est offerte aujourd’hui de nous exposer, compte tenu des arbitrages budgétaires qui ont été opérés et dans le cadre contraint que nous connaissons tous, les priorités que vous avez fait valoir.

M. Pierre-Alain Muet, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la création, la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture. Dans ce projet de budget fortement contraint, les deux programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sont relativement préservés. Les moyens du premier, en baisse de 1,6 %, sont ramenés à 774,9 millions d’euros ; ceux du second ne diminuent que de 0,2 %.

En ce qui concerne la création, vous avez clairement choisi, madame la ministre, de soutenir les structures de production et de diffusion, pour le spectacle vivant comme pour les arts plastiques, dont les dotations de fonctionnement progressent respectivement de 1,2 et de 3,4 %. En contrepartie, les opérateurs du programme sont mis à contribution par une baisse différenciée de leurs subventions, qui pèse davantage sur les plus solides d’entre eux et passe parfois par un prélèvement exceptionnel sur leur fonds de roulement. Il s’agit d’une sorte de rééquilibrage territorial qui privilégie le soutien aux réseaux de création à travers tout le territoire, les opérateurs auxquels des efforts sont demandés étant essentiellement implantés à Paris.

Par ailleurs, les moyens alloués aux investissements sont en hausse, ce qui s’explique principalement par le projet de Philharmonie de Paris. Cinquante millions d’euros sont inscrits pour honorer les échéances de ce chantier d’envergure en 2013, mais 25 millions d’autorisations d’engagement supplémentaires sont également prévus pour faire face au dérapage substantiel du coût du projet, passé de 336,5 à 387 millions d’euros, soit une augmentation de 15 % qui ne laisse pas d’inquiéter votre rapporteur spécial. Le surcoût est partagé entre la Ville de Paris et l’État.

Enfin, l’année 2012 a été marquée par la réouverture du Palais de Tokyo après dix mois de travaux qui ont presque triplé sa superficie et dont l’achèvement explique en grande partie la baisse de 10 % des crédits alloués aux arts plastiques.

Une question : un récent rapport sur le financement du spectacle vivant conclut à la nécessité d’une loi d’orientation, maintes fois évoquée et qui a fait l’objet d’un engagement du Président de la République. Quelles sont vos intentions en la matière, madame la ministre ?

Au sein du programme « Transmission des savoirs », priorité est donnée à l’enseignement supérieur culturel et à l’éducation artistique et culturelle. Pour le premier, les crédits de paiement augmentent de 2,5 %, à 232,2 millions d’euros. Trente postes d’enseignants sont créés dans les écoles nationales d’architecture et dans les écoles d’art. Les ressources allouées aux bourses augmentent de plus de 10 %, ce qui témoigne d’une ferme volonté d’améliorer les conditions de la vie étudiante. En outre, un plan ambitieux est engagé en faveur de l’éducation artistique et culturelle pour un montant total de 15 millions d’euros sur trois ans, dont 2,5 l’année prochaine.

Le plan Lang-Tasca a été un formidable moyen de démocratiser la culture et lorsque les précédents gouvernements ont mis fin aux crédits dont il bénéficiait, de nombreuses municipalités ont comme la mienne, à Lyon, reconduit sans financement de l’État les projets engagés. On ne peut donc que se réjouir de voir renaître cette grande ambition. L’art ne doit pas être la matière que l’on pratique après toutes les autres, il ne saurait être sacrifié aux savoirs jugés fondamentaux. L’éducation artistique et culturelle est un merveilleux sésame offert à toutes les formes d’intelligence. Il s’agit d’éveiller la passion des enfants et, comme le savent tous les enseignants, c’est d’abord la passion que l’on transmet ; or, qui mieux que l’artiste peut transmettre la passion pour l’art ? Il faut avoir vu le quatuor Debussy travailler avec les enfants des écoles de la Croix-Rousse pour mesurer le prix du contact entre l’enfant et l’artiste.

En contrepartie, les financements dévolus à l’action culturelle internationale ainsi qu’aux conservatoires régionaux et départementaux diminuent.

Enfin, les moyens de soutien pour le ministère sont eux aussi très contraints : si la diminution des effectifs se ralentit nettement, les crédits de fonctionnement baissent de 7 %.

Rattaché au programme « Transmission des savoirs », le Centre national du cinéma, essentiel à la diversité et à la vitalité de notre production cinématographique, est fortement mis à contribution par un prélèvement de 150 millions sur son fonds de roulement, alors même que l’incertitude est grande s’agissant de l’une des taxes qui lui sont affectées – la TST distributeurs –, dont la réforme issue de la loi de finances pour 2012 n’a pas été avalisée par la Commission européenne. Pourriez-vous, madame la ministre, nous apporter des précisions sur ce point ? Quand un nouveau projet de réforme sera-t-il présenté et sur quels principes se fondera-t-il ?

Je l’ai dit lors de la discussion générale du budget, je ne peux que regretter les fortes restrictions dont les crédits de la culture font l’objet. Cette critique ne s’adresse pas à vous, madame la ministre, qui avez géré au mieux les crédits qui vous étaient alloués. Mais le financement de la culture doit être considéré comme un investissement fondamental pour une société, au même titre que celui du système éducatif, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Son budget avait doublé au cours des quatre premières années de la présidence de François Mitterrand, et il a augmenté sous tous les gouvernements de gauche. Je regrette donc qu’il n’ait pu être davantage préservé pour 2013 et je m’inquiète des perspectives que trace la loi de programmation des finances publiques pour 2012-2017. J’espère, madame la ministre, que cette critique pourra vous être utile, d’autant qu’elle émane du porte-parole du groupe SRC pour le budget, qui, en dehors de ce point de désaccord, ne tarit pas d’éloges quant à l’équilibre et la pertinence du projet de loi de finances pour 2013.

Le financement de la création culturelle doit également s’appuyer sur l’un des acquis fondamentaux de l’exception culturelle française : le statut des intermittents du spectacle, lequel ne peut être considéré comme une simple assurance chômage. Sans financement public de la recherche, pas de recherche fondamentale ; le financement de la création, notamment de la période de création indispensable au spectacle vivant, est tout aussi primordial. J’espère que l’on s’en souviendra, lors de la renégociation prévue d’ici à la fin 2013.

M. Jean-François Lamour, rapporteur spécial de la Commission des finances, pour les patrimoines. L’effort budgétaire en faveur des patrimoines, en net recul par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2012, témoigne des tensions persistantes sur les comptes publics. Les crédits de paiement diminuent de près de 10 % pour revenir à 775,9 millions d’euros et les autorisations d’engagement, en baisse de 5,5 %, sont ramenées à 760,5 millions. En outre, par rapport aux deux autres programmes de la mission, les patrimoines font figure de parents pauvres de la politique culturelle. Conscient de la nécessité plus impérieuse que jamais de maîtriser la dépense publique, je déplore néanmoins que l’effort ne soit pas plus équitablement réparti – les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs » ne baissent que de 1,6 et 0,2 %. Le choix de traiter moins bien le patrimoine est particulièrement regrettable à l’approche du centième anniversaire de la loi relative aux monuments historiques.

Je m’inquiète par ailleurs des mesures d’économie dont les opérateurs du programme feront l’objet. Si je n’en conteste pas le bien-fondé, l’ensemble de la sphère publique devant participer à l’effort de maîtrise de la dépense, je redoute les effets pervers de la méthode retenue. C’est un rasoir à double lame qui sera passé sur les opérateurs, puisqu’à la diminution des subventions s’ajouteront des prélèvements sur le fonds de roulement de certaines institutions patrimoniales. En procédant de la sorte, et sans même parler de la diminution des crédits d’acquisition ou de la compensation de la gratuité, l’on risque d’obérer la capacité d’investissement des opérateurs et de ramener le fonds de roulement de certains d’entre eux en deçà du seuil critique de trente jours. N’eût-il pas été plus avisé de réfléchir aux marges de manœuvre envisageables au sein du programme, notamment par la suppression de niches fiscales dont l’efficacité n’est pas toujours avérée ? Concernant le montant de certaines d’entre elles, je m’étonne par ailleurs du décalage entre les données officielles qui figurent dans les documents budgétaires et les informations que m’ont communiquées les opérateurs.

Au-delà de la diminution de crédits qui s’explique par l’achèvement ou l’arrêt de certains projets, comment justifier l’inégalité de traitement entre le programme 175 et les programmes 131 et 224 ? D’autre part, madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que les prélèvements sur fonds de roulement seront véritablement exceptionnels ?

J’en viens à l’action 3, « Patrimoine des musées de France », qui concentre 48,4 % des crédits de paiement du programme, destinés notamment à financer les derniers travaux relatifs au musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée ainsi que le plan Musées en régions 2011-2013. Je me réjouis que le Gouvernement mène à terme ce plan volontariste de rééquilibrage culturel de nos territoires, lancé par la précédente majorité. En revanche, je ne peux que déplorer l’abandon pur et simple du projet de Maison de l’histoire de France. Dans une démocratie apaisée, la présentation de notre histoire commune, éclairée par la communauté scientifique, ne devrait pas susciter la polémique.

En ce qui concerne les musées, le projet relatif au centre des réserves de Cergy a été abandonné alors que le risque de crue centennale demeure et que les plans d’évacuation de certaines institutions, le Louvre et Orsay par exemple, ne semblent pas pouvoir assurer la mise à l’abri de toutes leurs réserves dans cette éventualité. Quelles actions prévoyez-vous à cette fin ?

Quant à l’augmentation envisagée de la redevance d’archéologie préventive, je suis sceptique. En revenant sur l’exonération dont bénéficient les constructions individuelles, vous opéreriez une ponction fiscale supplémentaire sur les contribuables. Contrairement à ce qu’a laissé entendre le Premier ministre, il est probable que plus de 10 % de nos concitoyens seront concernés. Pourtant, rien ne justifie objectivement ce prélèvement : les surfaces aménagées sont trop réduites pour que le patrimoine enfoui encoure un risque, sinon de manière marginale. L’exonération n’a d’ailleurs jamais nui au respect des impératifs scientifiques. En outre, vous choisissez la facilité en pilotant l’archéologie préventive par la seule recette, sans tenter de maîtriser la dépense.

Enfin, madame la ministre, vous avez récemment annoncé une rénovation de nos lois patrimoniales. Pouvez-vous nous indiquer les grandes orientations et le calendrier du futur projet de loi ?

Mme Colette Langlade, rapporteure pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour la création, la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture. Dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, le ministère de la culture ne saurait se soustraire à l’effort de redressement des comptes publics. C’est l’occasion d’une réflexion stratégique sur les priorités de la politique culturelle pour les cinq ans à venir.

Au nombre de ces priorités figurent la jeunesse et l’éducation. L’éducation artistique et culturelle bénéficiera de 2,5 millions supplémentaires dès 2013, puis de 5 millions en 2014 et de 7,5 millions en 2015. Il convient de s’en féliciter, car elle est essentielle à la démocratisation culturelle. Vous avez en outre annoncé, madame la ministre, l’ouverture d’un chantier national en faveur de l’éducation artistique et culturelle. Comment le concevez-vous ? Sous quelle forme comptez-vous associer au projet les collectivités territoriales ? Comment s’articulera-t-il aux réflexions sur la refondation de l’école ?

La priorité donnée à la jeunesse et à l’éducation se traduit par une hausse de 2,5 % des crédits de paiement destinés aux établissements d’enseignement supérieur. Pourriez-vous les détailler, s’agissant des écoles nationales supérieures d’architecture, dont les directeurs avaient appelé l’attention des élus, dans une lettre ouverte, sur l’insuffisance des moyens mis à leur disposition. L’enseignement et la recherche en architecture ont fait l’objet d’une attention toute particulière : plus de 50 postes vont être créés et vous avez annoncé une vaste concertation associant tous les acteurs des écoles – enseignants, personnels administratifs, étudiants – et les représentants de la profession, des maîtres d’ouvrage publics et privés, des collectivités territoriales et de la société civile. Pouvez-vous nous en préciser les objectifs et le déroulement prévisionnel ?

S’agissant du soutien à la création, les crédits d’intervention en faveur du spectacle vivant et des arts plastiques sont sanctuarisés. Cela découle logiquement de l’importance économique et sociale de la culture, trop souvent présentée comme une source de dépenses, alors qu’elle est aussi un facteur de croissance et d’emploi sur tout le territoire. Vous avez d’ailleurs annoncé, madame la ministre, un projet de loi d’orientation pour la création qui doit contribuer à faire de celle-ci un moyen de développement. Pourriez-vous en détailler les mesures ? D’autre part, pouvez-vous nous éclairer sur les objectifs et le fonctionnement de la mission « Musique » que vous souhaitez créer au sein de votre ministère ?

L’action du CNC est à bien des égards remarquable. Le financement des contenus par les diffuseurs est un principe vertueux qu’il faut préserver. La bonne santé du cinéma français en apporte l’éclatante démonstration, ainsi que notre avance en matière de numérisation des salles. Où en est cette dernière, notamment dans les salles peu actives ? Quid de la situation des circuits itinérants, essentiels à l’animation et à l’accès à la culture dans nos territoires, en particulier ruraux ?

Malheureusement, le CNC risque d’être fragilisé, et avec lui tout l’écosystème du cinéma et de l’audiovisuel, par les conséquences du veto communautaire auquel s’est heurtée la réforme de la TST distributeurs adoptée l’an dernier afin de faire cesser certains comportements d’optimisation fiscale. Où en sont vos discussions avec la Commission européenne, madame la ministre ? Dans ce contexte, sur quelles ressources le CNC peut-il compter pour 2013 ?

M. Gérald Darmanin, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour les patrimoines. Dans notre civilisation, disait Malraux, l’avenir ne s’oppose pas au passé, il le ressuscite. Convenons, madame la ministre, que, pour préparer l’avenir immédiat, votre projet de budget ne tient guère compte de notre passé patrimonial.

Vous nous présentez en effet une baisse spectaculaire et inédite des crédits alloués aux patrimoines, parfaitement résumée par mon collègue Lamour. Si certaines baisses doivent être relativisées – ainsi la diminution de 48 % des crédits de l’action 4 s’explique-t-elle en grande partie par l’achèvement du projet de Pierrefitte-sur-Seine –, d’autres sont plus inquiétantes. J’en retiendrai trois : la baisse de moitié des crédits d’acquisition ; la diminution de 20 % des crédits de l’action « Patrimoine archéologique » ; la réduction de 13 % de ceux de l’action « Patrimoine monumental ».

Ces baisses touchent des dépenses d’investissement, s’agissant notamment de cette dernière action, ce qui ne pourra que ralentir les opérations d’entretien et de restauration. Je ne partage pas l’optimisme du dossier de presse fourni par votre ministère, qui évoque un rééquilibrage au profit des territoires alors que ceux-ci sont loin de bénéficier d’un effort supplémentaire. Si les crédits d’entretien se maintiennent peu ou prou, les crédits de restauration baissent de 13,2 % pour les monuments historiques appartenant à l’État et de près de 11 % pour les autres. Les conséquences sur l’état de notre patrimoine pourraient être lourdes : tout élu le sait, lorsqu’une restauration est reportée, l’état du monument risque de se dégrader.

Les crédits alloués aux grands projets baissent en conséquence de l’abandon du projet de Maison de l’histoire de France. À ce propos, je note que les 15 millions inscrits en projet de loi de finances pour 2012 n’ont pas été redéployés.

S’agissant enfin des acquisitions, même si les crédits ne sont pas très élevés – 8,55 millions –, leur baisse de moitié inquiète d’autant plus que le Gouvernement a semblé incertain à l’égard du mécénat. Il s’en est fallu d’un cheveu de Mona Lisa que les dispositifs fiscaux favorables au mécénat d’entreprise disparaissent ! Si vous avez su, madame la ministre, vous soustraire sur ce point à l’autoritarisme du ministre du budget, nous espérons que les arbitrages vous resteront favorables au cours des années à venir.

Selon un rapport publié par le CREDOC en juin dernier, 57 % des Français auraient visité un musée ou un monument au cours des douze mois précédents. Pourtant, l’accès des classes populaires et moyennes aux collections nationales reste insuffisant. Les statistiques manquent pour juger de l’effet des mesures adoptées sur la démocratisation, qu’il s’agisse de la gratuité pour les jeunes de 18 à 25 ans, ou des expériences et projets de déconcentration culturelle – « Pompidou mobile » et Pompidou-Metz, en attendant le Louvre-Lens. Selon un constat partagé, toutefois, la communication vis-à-vis des publics les plus éloignés de la culture n’est pas suffisante pour provoquer le fameux choc culturel que Malraux appelait de ses vœux.

Quelques questions. Sur les 15 millions alloués en 2012 au projet de Maison de l’histoire de France, 11,25 millions devaient financer des travaux touchant des établissements censés participer à la MHF, dont le musée du château de Compiègne et le musée des plans-reliefs des Invalides. Ces travaux seront-ils réalisés ?

Comment l’espace libéré par le transfert des archives à Pierrefitte-sur-Seine sera-t-il utilisé ?

Le musée du Louvre et la Caisse des dépôts devaient être sollicités pour vérifier le schéma économique du projet d’Hôtel de la marine : qu’en est-il ?

Dans l’acte III de la décentralisation annoncé par le Président de la République, faut-il s’attendre à ce qu’une partie du programme « Patrimoines » soit décentralisée au profit des régions ?

Enfin, comment concrétiser la démocratisation de l’accès aux collections nationales, le coût n’étant manifestement pas le seul obstacle à la création d’un habitus culturel parmi les publics visés ?

M. le président Gilles Carrez. Les rapporteurs ont mis l’accent sur la baisse, voire l’insuffisance des crédits. Je me suis intéressé, pour ma part, à l’évolution du budget consolidé de la culture et des médias au sens large : si l’on additionne les crédits budgétaires stricto sensu, les dépenses fiscales, les comptes spéciaux et les subventions aux opérateurs, cela représentait 6,056 milliards d’euros en 2004 et 8,836 milliards en 2012 – et près de 10 milliards si on ajoute le coût du régime des intermittents du spectacle –, soit une progression de 46 % en 8 ans. Notre pays peut-il, compte tenu de l’état de ses finances publiques, soutenir durablement de telle évolutions ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Mon budget s’établit à 7,2 milliards, l’impact économique des secteurs culturels est généralement sous-estimé : leur contribution représente au moins 2,8 points de PIB, soit 28,7 milliards d’euros. Cela est loin d’être négligeable.

On débat actuellement de compétitivité. Mais les externalités positives des activités culturelles – en matière de développement et d’attractivité économiques, d’emploi, de renforcement du lien social, de prévention de la délinquance, d’amélioration des conditions de vie des personnes âgées dans les maisons de retraite –, qui apparaissent évidentes aux élus locaux, ne sont pas suffisamment prises en compte dans les évaluations de la politique culturelle à l’échelle nationale.

L’excellence française est reconnue dans plusieurs domaines : muséographie ; restauration et conservation du patrimoine ; production cinématographique – qui s’exporte très bien – ; organisation de festivals – qui ont connu une fréquentation record cette année encore, malgré la crise. Sachons nous appuyer sur ces secteurs pour favoriser la relance.

La culture est un puissant facteur de construction de la citoyenneté et du lien social, mais son poids économique doit également être mieux pris en compte. J’ai d’ailleurs saisi mon collègue de l’économie et des finances pour que nous lancions une mission conjointe de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale des affaires culturelles (IGAC) afin d’évaluer l’impact économique de la culture dans notre pays.

Le ministère de la culture participe, naturellement, à l’effort de redressement des finances publiques. On ne pourra pas le qualifier de ministère dépensier cette année. Le budget de la mission « Culture » s’établit à 2,63 milliards d’euros en 2013, soit 94 millions d’euros de moins qu’en 2012, en baisse de 3,3 %.

Il a donc bien fallu faire des choix : j’ai préféré préserver l’ensemble des crédits d’intervention dans les régions et faire porter l’effort sur les opérateurs dont la situation financière était la plus solide, afin de n’affecter les missions fondamentales d’aucun d’entre eux. Certains disposaient de fonds de roulement élevés.

En outre, il convenait d’abandonner la logique inflationniste des grands projets, lourds en termes d’investissement et de frais de fonctionnement. Après évaluation de chacun d’entre eux, nous avons décidé d’arrêter entièrement certains, tel l’aménagement d’un deuxième espace consacré à la photographie dans Paris, à l’hôtel de Nevers.

D’autres ont été réorientés, en particulier la Maison de l’histoire de France : son installation physique est abandonnée, mais le ministère de la culture consacrera 2 millions en 2013 au développement d’un site internet qui mettra en réseau l’ensemble des musées d’histoire de France. Ce projet revêt une forte dimension pédagogique : dans le cadre des commémorations de la guerre 1914-1918, il permettra notamment un travail dans les archives à partir des matricules des soldats. Nous utilisons ainsi les fonds très riches de nos musées sans créer d’établissement public supplémentaire, avec tous les coûts induits.

D’autres projets ont été redimensionnés, en concertation avec les collectivités territoriales : la tour Utrillo à Clichy-sous-Bois et Montfermeil, le Centre d’art pariétal Lascaux IV, la nouvelle salle de la Comédie française.

En revanche, les projets déjà bien engagés, et correspondant à de réelles nécessités, seront poursuivis : le nouveau bâtiment des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine ; le MuCEM à Marseille, qui sera capitale européenne de la culture en 2013 ; la Philharmonie de Paris, qui sera inaugurée dans deux ans. L’accumulation de grands projets ne fait pas une politique culturelle, mais nous avons préservé ceux qui avaient une justification et un intérêt véritable.

En raison de l’arrêt ou de la réorientation de certains projets, l’effort budgétaire semble porter davantage sur le programme 175 « Patrimoines ». Cependant, les opérateurs les plus importants du programme « Création » sont également concernés : leur subvention sera diminuée de 1,5 à 2,5 % en 2013. Quant aux prélèvements sur les fonds de roulement, je confirme leur caractère exceptionnel, monsieur Lamour. Le ministère de la culture a fait sa part des économies. Je compte sur la représentation nationale pour défendre ce budget l’année prochaine.

Alors que notre politique s’est trop longtemps concentrée sur un petit nombre de grands projets à Paris et en Île-de-France, j’ai souhaité préserver les crédits d’intervention et de fonctionnement du ministère dans les régions. Les crédits déconcentrés en faveur du spectacle vivant, amputés ces dernières années, augmenteront même légèrement – de 1,2 % – pour s’établir à 422 millions.

Les engagements déconcentrés de l’État en faveur des monuments historiques et de l’architecture sont également maintenus. Les premiers s’élèveront à 322 millions en 2013. Ils contribueront à la protection et à la mise en valeur des sites, et permettront de poursuivre la transformation des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) en aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP). À cet égard, l’échéance de 2015 fixée par la loi Grenelle II de 2010 sera très difficile à tenir : au rythme actuel, seule une moitié des ZPPAUP aura changé de statut à cette date. L’un des objectifs de la loi sur le patrimoine sera de maintenir le niveau de protection de l’autre moitié.

Pour vous répondre, madame Langlade, je souhaite un dialogue accru avec les collectivités territoriales, notamment sur l’utilisation des crédits consacrés aux monuments historiques. À cette fin, je compte réunir régulièrement le conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel – je l’ai déjà fait une fois – et installer des antennes locales de ce conseil. En revanche, je ne prévois pas, monsieur Darmanin, de nouvelle étape de décentralisation en matière culturelle. Les collectivités ne sont d’ailleurs pas particulièrement demandeuses d’un transfert de compétences supplémentaires, s’agissant des monuments historiques.

J’ai choisi de donner la priorité à l’éducation artistique et culturelle, en augmentant ses crédits – certes modestes – de plus de 8 %, ce qui les porte à 33,2 millions en 2013. Il s’agit d’accompagner les actions des établissements et des services en ce domaine. Cette démarche s’inscrit également dans le cadre de la concertation sur l’école lancée par le ministre de l’éducation nationale. J’installerai la semaine prochaine un comité de pilotage présidé par Marie Desplechin, qui sera chargé de faire des propositions pour que les enfants de toutes les régions de France soient touchés par les actions d’éducation artistique et culturelle. De nombreuses initiatives sont prises par les collectivités territoriales, mais seuls 15 % des élèves seraient actuellement concernés pendant toute la durée de leur scolarité.

L’enseignement supérieur et la recherche étant une priorité forte du Président de la République, les moyens consacrés aux écoles supérieures d’art, d’une part, et d’architecture, d’autre part, progresseront de 2 % pour s’établir à 232,2 millions en 2013. Cet effort permettra d’achever la réforme LMD et de créer 30 postes dans ces écoles. Les crédits affectés aux bourses seront augmentés, pour leur part, de 10,8 % afin de financer le dixième mois de bourse qui n’avait pas été budgété. En outre, le ministère de la culture participe au dispositif des emplois d’avenir, qui permettra aux jeunes d’acquérir une première expérience et une formation. Je vais signer prochainement, à ce titre, les premières conventions avec le musée du Louvre, le château de Versailles et le Centre des monuments nationaux.

Pour la première fois, la gratuité accordée aux 18-25 ans sera compensée en loi de finances initiale, à hauteur de 18 millions d’euros. La gratuité a été évaluée positivement par l’IGAC. Elle n’est cependant pas suffisante en soi : j’encouragerai les musées à développer leurs actions en faveur des jeunes.

La loi d’orientation attendue en 2013 permettra d’inscrire dans la loi les principes de liberté d’expression, de pluralisme et de diversité artistique, et de donner des objectifs et des moyens à une politique nationale en faveur de la création dans son ensemble – spectacle vivant et arts plastiques. Elle sera l’occasion de mieux définir la place et le rôle de l’État et des collectivités territoriales. Il convient de mieux utiliser le réseau très dense des structures, labellisées ou non, qui existent dans les territoires et de clarifier les financements accordés à chaque type d’établissement.

Une réflexion sera également menée au sujet des dispositifs statutaires, conventionnels et sociaux. La mission d’information sur les emplois culturels conduite par Patrick Bloche et Jean-Patrick Gille, constituera une contribution précieuse à cette réflexion. Les annexes VIII et X à la convention relative à l’assurance chômage arrivant à expiration le 31 décembre 2013, les partenaires sociaux renégocieront l’an prochain le régime des intermittents du spectacle. L’État les y encouragera : il convient de pérenniser le système d’accompagnement des artistes et des techniciens, dont l’activité est par nature précaire, tout en renforçant les vérifications pour lutter contre les dérives et les abus.

Des interrogations ont vu le jour, dans le rapport du sénateur Yann Gaillard notamment, à propos de la Philharmonie de Paris. Il s’agit d’un projet ancien que plusieurs majorités ont eu à traiter et qui a pris du retard : le précédent gouvernement a suspendu les travaux pendant un an, en 2010, avant que le Président de la République de l’époque ne décide finalement de poursuivre le chantier. La ville de Paris a besoin de cette grande salle symphonique de 2 400 places. Le gros œuvre est aujourd’hui achevé, et il convient de mener le projet à bien. Le surcoût de 50 millions sera assumé à parité par l’État et la ville de Paris, le Conseil régional d’Île-de-France devant maintenir sa participation à hauteur de 20 millions.

Contrairement à ce qui est avancé dans le rapport Gaillard, l’affectation de crédits supplémentaires à la Philharmonie ne se fait pas au détriment de l’éducation artistique et culturelle. Ce projet revêt en effet depuis l’origine une forte dimension pédagogique : dans les salles autres que la grande salle de concert, des activités pédagogiques seront organisées pour les élèves des quartiers défavorisés. L’ouverture de la Philharmonie sur l’Est de Paris et la banlieue constitue un atout pour notre politique de démocratisation de l’accès à la musique classique. Nous devons faire de ce projet un succès.

S’agissant du Centre des réserves et de restauration de Cergy-Pontoise, monsieur Lamour, nous allons proposer, en concertation avec les élus locaux et le président-directeur du musée du Louvre, un projet alternatif pour sécuriser les réserves – en premier lieu celles du Louvre – face au risque de crue centennale. En revanche, nous avons suspendu les autres volets – très ambitieux – du projet, qui consistaient à transférer des ateliers de restauration du service des musées de France à Cergy-Pontoise et à ouvrir aux visiteurs l’accès aux réserves et aux ateliers.

Vous vous interrogez encore, monsieur Lamour, sur la pertinence de la redevance d’archéologie préventive (RAP). Son extension aux constructions de maisons individuelles a été préconisée par l’IGAC, dans son rapport d’évaluation de la loi de 2003, en réponse à la sous-dotation structurelle de l’Institut national des recherches archéologiques préventives (INRAP). Le ministère de la culture était en effet systématiquement amené à abonder le budget de l’INRAP par redéploiement en fin d’année. Cette extension répond en outre à un objectif d’équité : toute personne, qu’elle réside en habitat collectif ou individuel, participe ainsi au financement de ce service public, le diagnostic d’archéologie préventive étant réalisé soit par les services compétents des collectivités territoriales, soit par l’INRAP. Cet effort – minime à l’échelle du coût de construction d’une maison – permettra à l’INRAP d’atteindre son niveau de financement cible, fixé par l’IGF à 122 millions d’euros.

En outre, je viens de confier une mission d’évaluation de l’archéologie préventive dans tous ses aspects – scientifique, économique, social, territorial – à une trentaine de grands professionnels de l’archéologie, qui me rendront leur conclusions en mars 2013. Il s’agit de faire un état des lieux, dix ans après la réforme de 2003, et d’améliorer ce qui peut l’être. De nombreuses collectivités territoriales se plaignent des délais de réalisation trop longs des diagnostics d’archéologie préventive : l’INRAP a une charge de travail très lourde, et il faut lui donner les moyens d’y faire face dans de bonnes conditions.

La loi sur le patrimoine que j’espère présenter à la fin de l’année 2013 comportera quatre volets : archéologie préventive ; archives ; musées ; patrimoine bâti. Sur ce dernier point, j’envisage de faire sauter le verrou de 2015 pour permettre le passage des ZPPAUP aux AVAP. À l’occasion du cinquantenaire de la loi Malraux et du centenaire de la loi de 1913, je ne souhaite en rien affaiblir la protection de notre patrimoine, bien au contraire ! il s’agira d’actualiser les dispositifs pour mieux répondre aux exigences nouvelles, par exemple permettre l’aménagement de logements sociaux en centre ville dans les zones classées.

S’agissant du CNC, le produit de la TST distributeurs a crû très fortement entre 2008 et 2011 avec la multiplication des offres « triple play ». Cependant, nous avons dû retirer la notification à la Commission européenne de l’assiette de la TST distributeurs votée l’année dernière par le Parlement. Nous allons proposer une nouvelle assiette pour sécuriser les ressources du CNC. Il convient de maintenir le principe vertueux d’un financement de la création par les diffuseurs en fonction de leur chiffre d’affaires : c’est cette logique même qui permet de justifier l’existence d’une taxe affectée aux yeux de la Commission européenne. En outre, afin de compenser partiellement le prélèvement exceptionnel de 150 millions sur le fonds de roulement du CNC, le Gouvernement a décidé de mettre fin à l’écrêtement du produit de la TST distributeurs. Le reversement du surplus au budget de l’État risquait d’être invalidé par la Commission européenne.

Quoi qu’il en soit, nous pouvons nous enorgueillir des succès du cinéma français, non seulement parce qu’ils assurent notre rayonnement culturel et contribuent à diffuser notre vision du monde, mais aussi pour des raisons économiques : rares sont en effet les pays où la production nationale représente une si grande part – de 35 à 40 %, selon les années – de la fréquentation en salles, laquelle a connu d’ailleurs une progression continue pour atteindre 200 millions de spectateurs en 2012. Ces résultats attestent le succès du modèle de financement issu de la Libération ; aussi la préservation du compte de soutien nous apparaissait-elle essentielle, malgré les nécessaires efforts de redressement des finances publiques. Le CNC n’est certes pas un organisme privilégié : il est placé sous tutelle du ministère de la culture, et son directeur recevra prochainement une lettre de mission. Les représentants des ministères de la culture d’une part, et de l’économie et des finances de l’autre, qui siègent à son conseil d’administration et valident ses choix, n’ont d’ailleurs jamais été en désaccord.

M. le président Gilles Carrez. Ce sont à présent les porte-parole des groupes qui vont s’exprimer.

Mme Françoise Dumas. Au-delà de la participation du ministère à l’effort de redressement des finances publiques, on peut se féliciter de la priorité désormais accordée aux actions culturelles structurantes qui permettent d’assurer ses missions fondamentales.

Il convient non seulement de sauvegarder, protéger et mettre en valeur notre patrimoine culturel dans toutes ses composantes, mais aussi de le rendre accessible à tous et partout. En ce sens nous saluons la budgétisation de la gratuité d’accès aux collections permanentes des musées et monuments pour la jeunesse française et européenne. Rappelons que la précédente majorité n’avait pas financé cette mesure, qui était restée à la charge des institutions culturelles.

La politique patrimoniale pour 2013-2015 se déploiera donc selon deux grandes orientations, la première étant de conforter le patrimoine dans ses missions fondamentales. L’année 2013 verra s’achever plusieurs grands projets, tant à Paris qu’en province : le nouveau centre des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine accueillera le public dès le début de l’an prochain ; à Marseille, le nouveau musée des civilisations euro-méditerranéennes, qui bénéficiera de 9,7 millions d’euros de crédits de fonctionnement supplémentaires par rapport à 2012, ouvrira ses portes à l’été 2013, comme le fera le musée Picasso à l’issue de deux ans de travaux de rénovation. Pour ce musée et le MuCEM, 12 millions d’euros de crédits et soixante emplois supplémentaires sont prévus. D’autres projets se prolongeront, comme la rénovation de la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine à Charenton-le-Pont.

L’accent est mis aussi sur des projets en régions, avec la rénovation de plusieurs bâtiments des archives municipales ou départementales, comme celui des archives du Gard. Plus généralement, les services à compétence nationale, qu’il s’agisse des musées ou des archives, verront leurs moyens de fonctionnement maintenus.

En ce qui concerne la restauration et l’entretien des monuments historiques, capitaux pour l’attractivité touristique et l’activité économique des territoires, le Gouvernement soutiendra l’emploi des PME du secteur en maintenant les engagements au niveau de 2012, à hauteur de 309 millions d’euros en crédits de paiement, dont plus des deux tiers exécutés en régions.

En outre, signe d’un engagement fort de votre ministère en faveur des acteurs du patrimoine, plusieurs dispositifs fiscaux – dispositif Malraux ou aide aux propriétaires –, seront maintenus, pour un coût total de 149 millions.

Il faut enfin souligner la progression de 75 % des crédits de fonctionnement du label « Ville et Pays d’art et d’histoire », et celle de la politique archéologique des fouilles programmées, dont les crédits passent de 2 millions en 2012 à 2,5 millions en 2013.

Notons également la place importante occupée par la promotion de la qualité architecturale au sein du programme. Il s’agit de faire émerger une véritable culture en ce domaine – grâce à des événements tels que le Grand Prix national de l’architecture –, de relancer le label « Patrimoine du XXe siècle » et de sensibiliser le public scolaire via des actions ponctuelles.

La seconde grande orientation consiste à renouer avec l’accompagnement du développement économique culturel. Le poids économique de la culture est largement sous-estimé ; pourtant, 157 000 entreprises et près de 700 000 salariés ont contribué à produire 28,7 milliards d’euros de valeur ajoutée en 2010, soit 2,8 % du PIB. Ce secteur est essentiel à l’économie de notre pays. Les succès de fréquentation de nos musées, théâtres, cinémas et festivals, la qualité et la diversité patrimoniale et créative, sont autant de sources d’innovation et de croissance, qui de surcroît contribuent à l’attractivité touristique de notre pays, à son cadre de vie, à son rayonnement international et à l’économie locale. Avec la promotion de la diversité et de l’accessibilité des œuvres et du patrimoine, l’accompagnement du développement économique culturel est l’une des missions fondatrices de votre ministère : il doit donc renouer avec elle, d’autant que le contexte de crise fragilise, depuis plusieurs années, les entreprises et les structures, et menace la diversité créative. On peut donc se réjouir de la réflexion engagée sur la protection des sites classés par l’Unesco, tels que les Causses et les Cévennes, paysage culturel de l’agropastoralisme méditerranéen.

En conclusion, je veux rappeler l’héritage que nous laisse le Gouvernement précédent en matière de patrimoine : une vingtaine de projets mal budgétés et mal ficelés, pour un coût évalué à 1 milliard d’euros sur les trois prochaines années. La solution retenue, qui consiste à mener à bien les projets financés et à réorienter ou redimensionner les autres, nous semble juste.

Si la baisse de 2 % des crédits du patrimoine participe de l’effort de redressement des finances publiques, le présent budget ne fait ni victimes, ni perdants. Les missions fondamentales sont préservées, ce qui témoigne d’une véritable ambition pour le patrimoine français. Vous avez d’ailleurs annoncé, madame la ministre, une grande loi en la matière en 2013. Nous y sommes sensibles et ne manquerons pas de vous accompagner dans cette voie. Pour toutes ces raisons, le groupe SRC votera ce budget.

M. Michel Herbillon. « La création et la culture ne sont pas un luxe en temps de crise, elles offrent au contraire des atouts pour en sortir » : voilà ce que déclarait il y a un an Martine Aubry, alors première secrétaire du Parti socialiste, en proposant d’augmenter le budget de la culture de 50 % en cinq ans. François Hollande, candidat à l’élection présidentielle, promettait de son côté, au printemps dernier, que le budget de la culture serait « sanctuarisé, préservé, protégé ».

Au regard de ces déclarations et des engagements pris devant les Français et les acteurs de la culture par le Président de la République, je vous le dis tout net, madame la ministre : le projet de budget que vous nous présentez est une sorte de duperie – pour ne pas dire d’imposture. Le budget de la culture est condamné, et c’est vous qui avez fait tomber la sentence. Il témoigne que François Hollande a tout simplement menti : non seulement ce budget n’est pas sanctuarisé, mais il subit une véritable saignée avec un recul historique de plus de 4 % ; encore n’est-ce qu’un début, puisque la baisse devrait se poursuivre jusqu’en 2015, pour atteindre au total 7,5 %.

La ritournelle de l’héritage, comme celle de la contribution à la réduction des finances publiques, sont connues : j’espère donc que vous nous les épargnerez. Durant tout le quinquennat de Nicolas Sarkozy, y compris après la crise de 2008, le budget de la culture a toujours été protégé, et même augmenté. L’ensemble des acteurs, des observateurs et des médias – y compris ceux favorables à votre majorité – soulignent ce fait incontestable pour déplorer vos propres choix.

De fait, votre budget traduit une réalité simple et cruelle : au-delà des incantations, la culture ne fait tout simplement pas partie des priorités du Président de la République et du Gouvernement. Il ne faut pas s’étonner, dès lors, que Bercy ait pris le pas sur la rue de Valois en ces temps de crise.

Les membres de votre majorité s’apprêtent à renier tout ce qu’ils avaient prôné lorsqu’ils étaient dans l’opposition. « Rationner la culture est inacceptable », nous expliquait le porte-parole du groupe SRC il y a un an, dans l’hémicycle. Il ne s’agit plus aujourd’hui de rationner, on taille à la hache dans les projets d’investissement structurants : tous sont annulés, y compris en région. Abandonnée, la maison de l’Histoire de France, pour des raisons tant idéologiques que budgétaires ; annulés, les projet de musée de la photographie à Paris, du Centre des réserves de Cergy et de la nouvelle salle de la Comédie-Française. Quant à la contribution de l’État à Lascaux 4, elle passe aux oubliettes. Enterré, le Centre national de la musique ; en sursis, la tour Médicis de Clichy-Montfermeil. Les arts plastiques ne sont pas en reste, avec l’annulation de Monumenta et les réductions budgétaires imposées au Palais de Tokyo, lesquelles remettent en cause non seulement son programme, mais aussi son ambition même. En vérité, seuls les projets dont l’état d’avancement empêche l’annulation sont préservés : le musée des civilisations euro-méditerranéennes à Marseille, le Centre national des archives à Pierrefitte-sur-Seine, la Philharmonie de Paris, le plan « Musées en régions ».

S’agissant de la Philharmonie, je vous donne acte de vos propos ; mais au-delà des crédits d’investissement prévus, où en sont les discussions avec la ville de Paris sur la gestion de cette structure et sur la prise en charge de son fonctionnement ?

Outre l’annulation de nombreux grands projets, les réductions budgétaires affecteront la quasi-totalité des secteurs culturels. Les crédits dédiés à la création s’affichent en baisse ; les opérateurs nationaux du spectacle vivant verront leurs moyens réduits de 3 %. Vous avez récemment promis une grande loi sur le patrimoine mais votre premier acte est de diminuer de 10 % les moyens qui lui sont alloués, les musées étant les plus touchés ; quant aux crédits dédiés à la restauration des monuments historiques, ils connaîtront également une baisse vertigineuse.

Pour les crédits d’acquisition des musées, le ministère évoque sobrement une réduction temporaire ; mais nous confirmez-vous, madame la ministre, que ceux des fonds régionaux seront réduits de 50 à 60 % l’an prochain ?

Si je me réjouis que vous poursuiviez la politique de démocratisation de la culture engagée par la précédente majorité, et mainteniez l’accès gratuit aux musées pour les jeunes, le reste, en dépit des grands discours qui font de la jeunesse une priorité, me semble flou et dépourvu de ligne directrice. En matière de moyens, on nous parle d’accroître le budget de l’éducation artistique de 15 millions d’ici à 2015 ; mais cette augmentation plafonnera à 2,5 millions l’an prochain.

Vous comprendrez donc que le groupe UMP s’oppose à ce budget qui marque un recul sans précédent de l’action de l’État en faveur de la culture. Il est encore temps d’infléchir votre position, madame la ministre ; et si vous restez sourde aux critiques de l’opposition, peut-être entendrez-vous la voix de ceux qui, au sein de votre propre majorité ou des syndicats de la culture, s’alarment de vos choix budgétaires. Le pessimisme gagne tous les acteurs car, au-delà des restrictions budgétaires, on peine à discerner votre projet. Les réductions de crédits et l’abandon de projets ne font pas une politique. La rigueur budgétaire pourrait être contrebalancée par l’innovation et l’audace ; mais votre budget, hélas, ne contient ni l’une ni l’autre.

M. Rudy Salles. Avec la mission « Culture », nous abordons la partie historique et essentielle du budget du ministère.

Pauvre culture, qui voit ses crédits passer de 2,54 milliards en 2012 – ce qui représentait alors une hausse 2,9 % par rapport à 2011 – à 2,43 milliards en 2013, en recul de 4,3 % ! Cette baisse est d’autant plus frappante qu’elle touche des missions fondamentales du ministère.

Je comprends les impératifs budgétaires et leur caractère prioritaire. Mais est-ce une raison suffisante pour casser des dynamiques essentielles ? Mes remarques s’inspireront de l’objectif affiché dans le rapport qui nous a été transmis : une action culturelle en faveur du plus grand nombre, équitablement répartie sur le territoire. Dans ce cadre, je m’en tiendrai à quatre observations relatives au programme 175.

Ce budget met un terme à quelques grands projets, qui sont non seulement des facteurs de croissance économique et de création d’emplois dans les territoires, mais aussi d’identité et de fierté locales. Mais c’est votre choix. Vous n’avez retenu que des projets parisiens : si l’on excepte le MuCEM, trop avancé pour être annulé. Vous avez confirmé le projet de la Philharmonie et la réouverture du musée Picasso, ainsi que l’ouverture du Centre des archives de Pierrefitte-sur-Seine. Nous étions pourtant en droit d’attendre des choix plus équilibrés sur de tels dossiers, qui participent très directement au rayonnement des territoires et à leur attractivité touristique et économique : le soutien à l’entretien et à la rénovation des monuments historiques eût constitué, à cet égard, une voie médiane ; malheureusement, cette ligne budgétaire passe de 381 millions en 2012 à 362 millions en 2013.

La compensation financière prévue pour l’accès gratuit aux musées, d’un montant de 18 millions d’euros, me semble un pur affichage dans la mesure où l’on sait depuis longtemps que le facteur financier, en ce domaine, n’est pas discriminant ; de surcroît, les inégalités d’accès à la culture n’ont cessé de se creuser au cours des dernières décennies. Permettez-moi d’ailleurs, monsieur le président de la Commission des affaires culturelles, de vous rappeler que vous approuvez aujourd’hui ce que vous critiquiez l’an passé en déclarant : « Mon opinion est que ce ne sont pas des dispositifs financiers incitatifs qui sont les plus efficaces. Dans ce domaine l’éducation artistique est la priorité. »

Quant au plan « Musées en régions », il se prolongera jusqu’à son terme. Ce plan n’aura été ni anodin, ni inutile : au-delà d’un effort budgétaire complémentaire de l’État, il a introduit une excellente méthode de mobilisation des ressources, d’émulation et de transparence partout sur les territoires. Compte tenu de ce bilan et de l’issue prochaine du dispositif, nous pouvions nous attendre à un prolongement ou un approfondissement, via une série d’évaluations par exemple. On ne peut dire, en tout cas, que les mesures présentées signent une politique de « rééquilibrage territorial ».

En ce qui concerne le programme 131, il est très surprenant que son budget n’ait pas été sanctuarisé, dans la mesure où il constitue une amorce des politiques culturelles dans les territoires. C’est tout particulièrement vrai pour le spectacle vivant, qui représente plus de 90 % du programme. Les choix en ce domaine sont d’autant plus surprenants que Mme la ministre avait montré de bonnes dispositions en débloquant, au mois de juillet dernier, 23,5 millions, dont 18,5 millions pour les régions. Mais force est de constater que les crédits du programme 131, après avoir augmenté de 51,87 millions en 2012 – en raison, il est vrai, de l’intégration des 45 millions d’euros dédiés à la Philharmonie de Paris, laquelle demeure financée l’an prochain –, accusent un recul de 13 millions en 2013.

L’action n° 1 – « Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant » – voit ses crédits de paiement ramenés de 719 à 713 millions, soit le niveau budgétaire de 2011. Sur ce total, le financement du spectacle vivant ne représente que 284 millions d’euros de crédits d’intervention déconcentrés en fonctionnement. Au demeurant cette baisse problématique ne s’accompagne pas d’une meilleure visibilité de la destination des fonds publics, comme l’avait pourtant recommandé la Cour des Comptes.

Je trouve dommage que le nouveau pouvoir ne se soit pas fixé pour objectif de réfléchir aux conditions d’un développement harmonieux et durable du spectacle vivant ; ce projet de loi de finances pouvait très bien en offrir l’occasion. Il n’est pas question de dénigrer une profession ou un régime de protection sociale, mais bien plutôt de reconnaître le formidable développement en France, depuis les années 80, d’un secteur qui a irrigué tous les territoires de créations artistiques et d’animations culturelles. C’est là un exemple de collaboration systématique entre l’État et les collectivités locales qui va potentiellement bien au-delà du périmètre culturel.

La réforme de l’intervention de l’État s’impose de façon urgente autour d’axes déjà connus : réviser les critères, qu’ils soient artistiques ou économiques ; réexaminer les labels du spectacle vivant et rationaliser la carte des financements en systématisant les conventions-cadres pluriannuelles ; améliorer les conditions de production et de diffusion des œuvres en développant les liens entre le public et le privé ; mettre en place de nouvelles sources de financement – via les apports des entreprises audiovisuelles ou un fonds national d’aide à la diffusion – ; poursuivre la professionnalisation des entreprises de spectacle ; développer des pôles européens de spectacle intégrés et favoriser l’exportation ; enfin, responsabiliser les établissements publics sur leur mission de diffusion. Cette clarification des critères d’intervention et l’élargissement de la diffusion permettront de retrouver des marges de manœuvre pour soutenir l’innovation artistique.

Pour le maintien de la vie artistique dans nos territoires, nous attendons moins des DRAC, les directions régionales des affaires culturelles, ou des FRAC, les fonds régionaux d’art contemporain, que d’une collaboration vivante et efficace entre les acteurs de la culture, l’État et les collectivités locales. Nous souhaitons une véritable dynamique permettant de dresser une nouvelle carte des labels, une politique d’intervention de l’État mieux ciblée et mieux articulée avec celle des collectivités, une augmentation de la diffusion des spectacles favorisant leur rentabilité, et la professionnalisation accrue des artistes et des diffuseurs. Les possibilités de rapprochement et de mutualisation entre certaines institutions doivent aussi être examinées.

Le groupe UDI votera contre ce projet de budget qui, en plus de ne pas répondre à l’objectif affiché d’une offre culturelle équitablement répartie sur le territoire, contribue selon lui à entretenir des ambiguïtés et des malentendus.

Mme Isabelle Attard. Lors de la campagne électorale, l’actuel Président de la République s’était engagé en effet à sanctuariser le budget de la culture, élément fondamental de la cohésion nationale comme de la diffusion de l’image de la France à l’étranger. Cependant la situation économique contraint l’ensemble des secteurs de l’État à des efforts budgétaires.

M. Michel Herbillon. La crise était déjà là lorsque le Président de la République a fait cette déclaration !

M. le président Gilles Carrez. Monsieur Herbillon, vous n’avez pas la parole.

Mme Isabelle Attard. Le ministère de la culture participe lui aussi à l’effort national. Nous aurions certes souhaité que son budget soit plus conséquent, mais nous comprenons la démarche engagée.

Dans cette optique, madame la ministre, vous avez reporté ou mis un terme à des projets pharaoniques trop coûteux et souvent controversés, comme la Maison de l’histoire de France, ce dont nous vous félicitons. Nous considérons en effet, monsieur Lamour, que l’histoire de France est partout présente sur le territoire national et dans l’ensemble de nos musées : elle n’a pas besoin d’un lieu spécifique.

Le budget de 2013 ne doit toutefois pas prolonger des années de restrictions. Vous avez parlé, madame la ministre, de la Philharmonie de la Villette. Pouvez-vous nous préciser quels seront les critères retenus pour définir les grands projets à venir ?

La baisse de 113 millions d’euros est un effort sans précédent, qui nous éloigne de l’objectif historique du 1 % du budget de l’État consacré à la culture. Demander plus de rigueur budgétaire aux grandes institutions culturelles n’aura de sens que si l’on accompagne les acteurs dans cette évolution, tout en leur permettant de tenir leur rôle dans le paysage culturel européen. Comment comptez-vous les y aider ?

Nous aspirons à une nouvelle vision de la politique culturelle, fondée sur la reconnaissance des droits culturels des citoyens. Ainsi, nous aurions souhaité un véritable changement des modes de gouvernance à travers une décentralisation effective des moyens. Avec l’augmentation du coût des déplacements, comment éviter le renforcement des inégalités d’accès sur le territoire, en particulier pour les populations rurales ? Envisagez-vous une répartition des financements en fonction des territoires ? Quels encouragements apporterez-vous aux initiatives des collectivités locales ?

M. Lamour a exprimé ses réticences sur l’extension de la redevance d’archéologie préventive à la construction de maisons individuelles réalisées par les particuliers : pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ? Un trou de pelleteuse pouvant créer les mêmes dommages archéologiques sur un terrain privé que sur un terrain appartenant à l’État, une participation privée me semblerait logique, d’autant que Mme la ministre a rappelé le sous-financement initial de l’INRAP.

Vous avez fait en sorte, madame la ministre, que votre ministère poursuive ses activités essentielles que sont la sauvegarde du patrimoine, l’aide à la création et le soutien à l’éducation et aux pratiques artistiques : c’est là un choix politique fort. Nous soutenons votre volonté de préserver et de développer l’éducation artistique et culturelle. Les crédits pour la transmission des savoirs sont ainsi renforcés, afin d’améliorer l’attractivité de l’enseignement supérieur culturel. Les efforts de structuration de cette filière et la reconnaissance accrue des diplômes qu’elle dispense, notamment des doctorats, devront nécessairement accompagner le renforcement des crédits qui lui sont alloués. Quelles orientations pouvez-vous proposer en ce domaine ?

Nous saluons, en tout cas, votre détermination pour rendre à la culture la dimension politique qu’elle mérite, et vous rappelons le soutien des écologistes dans votre démarche.

Mme Marie-George Buffet. Plus que jamais, on l’a rappelé, nous avons besoin de la culture. Celle-ci est source de développement économique, social et humain pour la société tout entière ; mais, au-delà de ces enjeux, chacun a droit au beau, à l’émotion, à la découverte, et son accès à la culture est source de civilisation.

Je regrette que votre ministère ne soit pas considéré comme prioritaire, au même titre que celui de l’éducation nationale, et ne voie pas ses crédits augmenter. Vous nous appelez à réagir pour éviter que le prochain budget ne ressemble à celui-ci, mais une loi organique, que mon groupe n’a pas votée, nous soumet à un engagement triennal.

Dans un cadre budgétaire réduit, vous privilégiez les structures locales qui ouvrent l’accès à la culture et permettent aux jeunes artistes en résidence de trouver leur public. J’ai mesuré l’attachement de celui-ci au Studio Théâtre de Stains ou à l’orchestre Divertimento, qui, sous l’autorité de la directrice du conservatoire d’une ville populaire, a acquis une renommée internationale. Au-delà de la question des moyens, quelle est votre philosophie sur ces structures locales qui atteignent l’excellence en favorisant l’accès de tous à la culture ? Comment voyez-vous leur développement dans les prochaines années ?

Dans les villes populaires dont je suis l’élue, les conservatoires, que certains présentent comme élitistes, accueillent des enfants qui seront demain des artistes de renom. Vous vous êtes engagée à rénover la politique d’éducation artistique et culturelle avec le concours des collectivités territoriales. Qu’attendez-vous d’elles, alors que leur dotation globale de fonctionnement, qui avait déjà diminué sous une majorité de droite, continuera de baisser dans les prochaines années ?

Que pensez-vous du partenariat public-privé, auquel la précédente majorité tenait tant, mais dont le coût réel pour l’État comme pour les collectivités territoriales s’avère considérable, en termes de loyers et de frais financiers, notamment quand il s’agit de grands équipements comme le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée ?

Je regrette la baisse des crédits alloués aux acquisitions. Pour ne citer que cet exemple, il était indispensable de mettre les manuscrits de Robespierre à la disposition des chercheurs et des historiens. Quelles sources de financement externes existe-t-il dans ce domaine ?

Enfin, comment faire perdurer les missions et les métiers d’un ministère dont les recrutements continuent à baisser après des années de RGPP aveugle menée par la droite ?

Mme Sophie Dessus. François Mitterrand disait que c’est en période de crise que la culture est prioritaire, et Jean Monnet que, s’il fallait recommencer l’Europe, il le ferait par la culture. Quelle que soit notre orientation politique, nous nous rejoignons sur un point : il faut toujours plus de culture !

Certains députés ont émis des critiques caricaturales sur ce budget. Trop peu ont souligné son épine dorsale : la politique culturelle ambitieuse que vous proposez. Certes, les crédits baissent, mais la culture ne pouvait s’exonérer de la lutte pour redresser les comptes publics. Cela dit, son effort sera difficilement renouvelable.

Les priorités de ce budget sont la jeunesse et la culture, l’art et l’éducation, qui doivent devenir aussi inséparables que les oiseaux de Hitchcock. Entre création et patrimoine, vous proposez un juste équilibre, car la création d’aujourd’hui est le patrimoine de demain. Dans le dialogue avec l’outre-tombe que nous avons ouvert, Baudelaire pourrait répondre à Malraux : « La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable. »

La conquête de l’espace public numérique, nouveau lieu de création et de diffusion, est une de vos priorités, avec l’acte II de l’exception culturelle, qui participe au rayonnement international de notre pays. Vous nous offrez ainsi un regard complet sur la culture, un vrai projet qui unit culture et lien social, culture, développement économique et création d’emploi, culture et aménagement du territoire, enfin culture et éducation.

Certes, des grands projets – ou prétendus tels –, qui n’avaient pas été budgétés, ont été abandonnés ou reportés, mais, comme vous l’avez souligné, une accumulation de grands projets ne fait pas une politique culturelle.

M. Michel Herbillon. Leur abandon non plus !

Mme Sophie Dessus. Malgré la tourmente économique, vous nous proposez une politique basée sur l’égalité d’accès à la culture, la transmission des savoirs et la foi en l’esprit créatif de la jeunesse. Je vous en remercie.

M. François de Mazières. Le beau slogan que vous avez choisi – « La culture n’est pas un luxe » – est malheureusement démenti par la baisse de 3 % de ce budget qui avait augmenté de 21 % entre 2007 et 2012.

Le plus grave est la chute des crédits de paiement alloués au patrimoine qui passent de 377 à 328 millions. Ses effets se feront sentir pendant deux ou trois ans, car le désengagement de l’État incite les collectivités territoriales à retarder les projets ou à y renoncer. C’est d’autant plus grave que le patrimoine est contracyclique par rapport à la crise : cette année, alors que la construction de logements neufs s’est effondrée, la rénovation du patrimoine a tenu bon. Ce ne sera plus le cas l’an prochain.

De même, on peut comprendre qu’en temps de crise, on réduise les crédits d’acquisition des musées, mais leur diminution de 50 % est extrêmement sévère, car la politique d’acquisition est fondamentale. Sur les 8 000 demandes de certificats d’exportation que l’État reçoit chaque année, le ministère peut procéder au classement d’une quinzaine d’œuvres comme trésor national. Des richesses patrimoniales ne risquent-elles pas de quitter le territoire ? Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?

S’agissant des grands chantiers abandonnés, telle la maison de l’Histoire de France, les uns les regrettent, les autres considèrent qu’ils ne représentaient pas une priorité, compte tenu des charges financières pesant sur les nouvelles institutions. Mais, sur les fonds alloués à ces chantiers, 4 millions devaient financer la rénovation de musées existants, dont le clos et couvert ne sont plus assurés.

Je suis particulièrement attaché à Versailles, un de nos fleurons nationaux, dont la rénovation est en cours depuis des années. La réduction de ses crédits de 18 à 12 millions est d’autant plus sévère que la gratuité pour les moins de 26 ans, compensée dans toutes les institutions, sera supportée par le budget du château.

En matière d’archéologie préventive, le recul de l’activité diminuera nécessairement les recettes, de sorte que l’INRAP, verra son budget déséquilibré.

Enfin, c’est une belle idée que de construire du logement social dans les quartiers historiques, mais l’article 4 ter de la loi sur le logement social exclut le recours au prêt locatif social, ce qui est catastrophique. Sur ce point, vous parviendrez peut-être à convaincre Cécile Duflot, ce que je n’ai pas réussi à faire.

M. Marcel Rogemont. Pour M. Herbillon, tout, même votre budget, prend la forme d’un écorché d’Honoré Fragonard !

Je regrette que vous n’ayez pas été ministre en 2009 ou en 2010, quand j’avais déposé des amendements visant à supprimer la Philharmonie. Celle-ci n’est pas un mauvais investissement, mais, quand on n’a pas d’argent, on ne lance pas de grands travaux. Alors que son fonctionnement avait été évalué à 17,4 millions, elle n’en recevra que 4 cette année, qui, dans un budget contraint, pèsent nécessairement sur les autres projets. Sur ce poste, j’estime que vous avez été courageuse.

Je remercie M. Lamour d’avoir souligné que toutes les tentatives d’ouverture à la concurrence pour peser sur le prix et le coût de l’archéologie préventive sont fumeuses.

M. Jean-François Lamour. Je n’ai pas dit cela !

M. Marcel Rogemont. Vous vous êtes plaint que les coûts de l’archéologie préventive ne baissaient pas. J’en conclus que la concurrence est sans effet sur les prix. La taxe initialement prévue pour rapporter 122 millions, puis réduite à 105, n’en rapportera que 90. Quand aurons-nous enfin un ministre qui aime l’archéologie préventive ?

Je souhaite que la loi d’orientation sur le spectacle vivant, dont vous avez le projet, mobilise les crédits de l’État et soutienne l’effort des collectivités territoriales en faveur de la création.

J’espère également que les taxes affectées ne seront plus versées au budget général. Chaque fois que nous les détournons de leur mission, nous fragilisons notre position vis-à-vis de l’Union européenne. Je regrette que 150 millions aient été prélevés sur le fonds de roulement du Centre national du cinéma et de l’image animée, et souhaite que cette ponction ne se renouvelle pas.

Je me réjouis enfin que les versements à la SOFICA soient exemptés du plafonnement des niches à 10 000 euros. À mon sens, ce n’en est à pas une. La culture est une industrie dont on ne doit pas négliger l’impact, en termes d’emplois, dans les régions.

Mme Marie-Odile Bouillé. En pleine période d’efforts budgétaires, je vous félicite, madame la ministre, d’avoir développé une véritable politique culturelle.

Vous donnez la priorité à l’éducation artistique et culturelle. L’enjeu est de taille. Au cours des après-midi de liberté que créera la réforme des rythmes scolaires, les enfants pourront-ils rencontrer ou pratiquer les arts ? Le ministre de la culture et celui de l’éducation nationale ont parfois du mal à mettre en œuvre une politique commune. Quels sont votre volonté et vos souhaits en la matière ? Comment mènerez-vous la concertation avec les collectivités territoriales pour faire avancer partout l’éducation artistique et culturelle ?

M. Pascal Deguilhem. La restauration et la conservation du patrimoine étant des secteurs d’excellence, je me réjouis que, dans ce domaine, les engagements relatifs aux crédits déconcentrés soient maintenus. Dans certains départements, le tourisme patrimonial est un moteur essentiel de l’économie locale. En Dordogne, il représente un quart de la richesse.

Par ailleurs, il est essentiel de soutenir les compétences et les savoir-faire artisanaux, à l’heure où État et collectivités diffèrent ou abandonnent certains projets de restauration ou de réhabilitation. Parfois, les DRAC tentent de faire baisser les tarifs très bas que pratiquent ces professionnels indispensables au maintien du patrimoine et soumis à la concurrence des auto-entrepreneurs. Comment protéger leur savoir-faire ? Plus largement, quelles recommandations adressez-vous aux DRAC pour l’engagement de leurs crédits budgétaires ?

M. Pierre Léautey. En 2011, votre prédécesseur avait annoncé, en accord avec les élus, le rapprochement du Théâtre des Deux-Rives, à Rouen, centre dramatique régional, avec la scène nationale de Petit-Quevilly-Mont-Saint-Aignan. Depuis lors, un comité de pilotage étudie la faisabilité de ce projet qui doterait la région de Haute-Normandie, comme la majorité des autres régions françaises, d’un centre dramatique national.

Au-delà de sa mission de production, le nouvel établissement s’appuierait sur les trois sites pour jouer le rôle de diffuseur pluridisciplinaire dans les territoires concernés. Dans l’attente d’un projet de loi d’orientation dédié à la création, votre budget pour 2013 sanctuarise les crédits d’intervention en faveur du spectacle vivant. Pouvez-vous confirmer que l’État continuera à accompagner la création du Centre national dramatique de Haute-Normandie ?

M. le président Patrick Bloche. Notre échange fait le lien entre la première et la seconde partie du projet de loi de finances.

Pour enrichir leurs collections, les musées ne disposent pas seulement du budget de la culture, mais aussi de dations ou de donations des collectionneurs. C’est pourquoi nous avons choisi, dans la première partie du projet de loi de finances, de ne pas intégrer les œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF.

De même, lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, nous avons évoqué le prélèvement exceptionnel de 150 millions opéré sur le budget du CNC.

Au-delà des divergences entre l’opposition et la majorité, l’essentiel a été préservé dans ce budget contraint, puisque les institutions avaient les reins solides. Mais la réduction des crédits est un fusil à un coup. Dans le budget pour 2014, ceux de la culture devront être arbitrés différemment.

Je terminerai par une suggestion. N’aurait-il pas fallu attribuer à la culture le prélèvement de 150 millions sur le budget du CNC, dont le financement est vertueux ? La Commission européenne aurait probablement vu cette décision d’un bon œil.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Vous avez raison, monsieur le président, de souligner le lien entre les deux parties du budget, et je vous sais gré de votre implication constante sur ces sujets.

Le coût des dispositifs fiscaux qui participent au financement de la culture se monte à 540 millions, qui, en générant de l’activité et de l’emploi sur le territoire, rapportent plus de 1,8 milliard de rentrées fiscales. Si le budget que je présente est en baisse, il préserve les dispositifs de financement vertueux qui complètent les subventions budgétaires. L’ensemble est équilibré. Il définit entre autres priorités l’éducation artistique, l’enseignement supérieur, la formation, ainsi que la structuration économique et juridique du secteur, notamment les travaux sur le numérique.

La culture, ce ne sont pas d’abord des projets somptuaires. Certains grands projets, bien sûr, ont une forte valeur pédagogique, confortent notre citoyenneté et renforcent notre patrimoine : je pense au nouveau bâtiment des archives à Pierrefitte ou au MuCEM, qui symbolise l’important engagement du Gouvernement en faveur de Marseille. Nous avons donc établi des priorités, tout en adoptant une démarche responsable en termes de finances publiques.

L’économie de la culture repose sur des équilibres fragiles, qu’il ne faut pas déstabiliser. Le prélèvement de 150 millions sur le fonds de roulement du CNC aura malheureusement des conséquences sur le programme de numérisation. Mais nous avons fixé là aussi des priorités : j’ai tenu à sanctuariser les crédits de numérisation pour les actions d’éducation artistique à destination des collégiens, lycéens, apprentis… La numérisation des salles est quant à elle achevée à 90 %, ce qui nous permet – à la différence de nombreux pays européens – de conserver un réseau très dense et attractif. En revanche, il faudra sans doute échelonner le programme de numérisation du patrimoine, et donc ralentir le développement de l’offre légale.

L’éducation artistique et culturelle est effectivement l’une de nos priorités : notre objectif est une augmentation de 30 % en trois ans des crédits d’éducation artistique du ministère. Nous espérons que tous les élèves auront accès dès la rentrée de septembre 2013 aux pratiques artistiques. Notre action comportera trois volets : enseignements spécialisés pour la musique et les arts plastiques ; histoire des arts – l’idée d’une épreuve de cette discipline au brevet des collèges me paraît intéressante, mais il faudra aussi modifier les programmes de toutes les années du collège ; et enfin contact des élèves avec les œuvres et les artistes.

Je travaillerai bien entendu avec Vincent Peillon, car cette réforme doit s’insérer dans celle des rythmes scolaires, qui libérera des heures en fin de journée pour les devoirs, le sport et les pratiques culturelles, mais elle suppose aussi une évolution de la formation des enseignants. À cet égard, l’expérience tirée du programme « Collège au cinéma » sera fort utile : elle a permis de former de nombreux enseignants, qui sont ensuite à même d’accompagner les élèves dans leur découverte du cinéma. Nous voulons également définir, à partir de janvier 2013, une sorte de parcours commun, en collaboration avec les collectivités locales, car ce sont elles qui connaissent les modes d’organisation, mais aussi les particularités et les richesses de chaque territoire.

Notre action doit se déployer sur l’ensemble de notre territoire, et notamment ne jamais laisser de côté les zones rurales. L’Agence pour le développement régional du cinéma, dont le président est le cinéaste Lucas Belvaux, travaille avec le CNC à la bonne répartition des salles sur l’ensemble de notre territoire ; aujourd’hui, toutes les villes de plus de 50 000 habitants disposent au moins d’une salle. C’est un travail important, qui nécessite des analyses géographiques fines pour savoir quelle distance sépare d’une salle chacun de nos concitoyens : vous en serez d’accord avec moi, le cinéma, c’est mieux en salle !

L’enseignement de l’architecture est également l’un des domaines d’excellence français. Vous savez que c’est un projet rhônalpin qui vient de remporter le prix Solar Décathlon 2012, prestigieux concours international d’architecture solaire. Nous avons également un plan de rénovation des écoles d’architecture, qui débutera par celles de Strasbourg et de Clermont-Ferrand. Il faut encourager ces écoles, qui ont été très bien évaluées par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur : trente emplois et des crédits supplémentaires ont été dégagés. Nous mènerons également une grande concertation nationale sur le rythme des travaux de rénovation ainsi que sur les synergies possibles entre les différentes écoles.

Au vu du contexte économique, il me semble pouvoir dire que les emplois du ministère sont préservés : seuls 15 emplois pour l’administration centrale, et 85 chez les opérateurs, seront rendus ; ils seront tous prélevés parmi ceux qui n’étaient pas pourvus. Nous consentons en revanche un très gros effort en diminuant nos frais de fonctionnement de 7 % : nul ne pourra plus dire que la rue de Valois mène grand train !

Les propos de M. Herbillon étaient manifestement excessifs : le budget précédent affichait une hausse apparente que, grâce à une accumulation de grands projets dont la moitié n’étaient pas financés. Ainsi, le Centre national de la musique avait été annoncé à grand renfort de tambours et trompettes : c'eût été encore un opérateur public, avec emplois budgétaires et coûts fixes, mais son financement reposait sur du sable, puisque la taxe sur les services de télévision-distributeurs est aujourd’hui dans le collimateur de la Commission européenne.

J’ai donc choisi de reprendre entièrement le chantier de l’accompagnement du secteur musical, qui compte un grand nombre de petites et moyennes entreprises de production et de diffusion. Dans ce but, j’ai créé au sein du ministère une mission consacrée à la musique, commune à la direction générale de la création artistique – DGCA – et à la direction générale des médias et des industries culturelles – DGMIC.

Ce que nous voulons, c’est rechercher la plus grande efficacité possible, et non annoncer de grands projets sans lendemain.

Le crédit d’impôt en faveur de la production phonographique a d’ailleurs été prolongé par l’Assemblée nationale lors de la discussion de la première partie de la loi de finances, et modifié pour aider plutôt les petites entreprises, dont le crédit d’impôt passera de 20 % à 30 % ; le plafond passe en revanche de 1,3 million d’euros à 800 000 euros. Je vous en remercie, car c’est là, je crois, une mesure de bonne politique.

À l’initiative des collectivités locales, la fusion de la scène nationale du Petit-Quevilly-Mont-Saint-Aignan et du Théâtre des Deux-Rives à Rouen permettra la création d’un centre dramatique national, qui aura la particularité nouvelle d’être interdisciplinaire. L’État accompagne ce processus de toute sa bienveillance ; nous regarderons d’ailleurs ce type d’expérience de près pour la loi d’orientation sur la création que nous préparons.

Le coût des déplacements en zone rurale doit effectivement être pris en considération, madame Attard, non seulement pour le cinéma, mais aussi pour le spectacle vivant et pour toutes les actions d’éducation artistique à l’école.

J’aime l’archéologie, monsieur Rogemont – j’ai même failli faire des études dans ce domaine. La France détient là une expertise, un savoir-faire, regardés avec grand intérêt par nombre de nos voisins. L’archéologie contribue à l’enrichissement du patrimoine comme à la gestion durable de notre territoire, et c’est pourquoi nous avons suivi les préconisations de l’inspection générale des finances, qui recommandait que la redevance s’applique de manière égale pour tous les types de construction.

Les dispositions qui s’appliquent aux SOFICA ont été préservées par la loi de finances pour 2013, car elles demeurent indispensables au financement du cinéma, comme le sont les différentes taxes affectées au CNC.

Le crédit d’impôt « international » devrait nous permettre, pour un coût nul, et dans un environnement européen très concurrentiel, d’attirer des tournages de films : alors que la part de marché du Royaume-Uni est aujourd’hui de 50 %, celle de la France ne s’élève qu’à 3 %. Notre objectif est d’arriver à une part de marché d’un tiers, et je vous proposerai donc des mesures à ce sujet dans une loi de finances rectificative.

Les métiers techniques du cinéma, monsieur Deguilhem, les métiers d’art, les métiers de la restauration et de la conservation, sont de beaux métiers, valorisants, qui font rêver les jeunes. Le ministère leur accorde donc toute son attention.

Quant à la Philharmonie de Paris, monsieur Herbillon, elle coûtera à l’État 9 millions d’euros pour son budget de fonctionnement, soit à peu près ce que coûte aujourd’hui la salle Pleyel. La contribution de la Ville de Paris s’élèvera également à 9 millions ; les recettes propres fourniront enfin 15 millions d’euros, dont 9 millions de billetterie, le reste provenant du mécénat. Il restera ensuite à se mobiliser pour assurer le succès lors du rendez-vous de la saison 2014-2015.

M. Michel Herbillon. Mais les engagements de l’État et de la Ville de Paris seront-ils tenus ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Il ne saurait être question de laisser partir à vau-l’eau un tel projet, qui permettra la structuration de la filière musicale et renforcera la renommée de Paris sur la scène musicale internationale. Du point de vue de l’égalité des territoires, le choix de l’emplacement est d’ailleurs loin d’être anodin ! Les critiques qui prédisent l’échec de la Philharmonie parce qu’elle est installée dans le XIXe arrondissement de Paris sont tout simplement insupportables.

Les dispositifs de la loi Malraux, en faveur du mécénat, sont également préservés, monsieur Herbillon. On devrait en retrouver la substance dans la grande loi sur le patrimoine.

La diminution des crédits d’acquisition sera donc compensée, je l’espère, par le mécénat, mais aussi par les dations et donations, qui représentent aujourd’hui plus de 90 % de l’enrichissement de nos collections ; nous sommes donc heureux que les œuvres d’art n’aient pas été intégrées dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. François de Mazières. Mais le mécénat s’effondre aujourd’hui !

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. En tout cas les dispositifs qui soutiennent le mécénat, tout comme ceux qui encouragent les dations et donations, sont maintenus. Si les crédits budgétaires diminuent, les mécanismes qui les complètent sont donc préservés.

Par ailleurs, les crédits d’acquisition des FRAC sont maintenus, et quatre nouveaux FRAC – accompagnés financièrement par l’État, pour une partie de leur fonctionnement et pour 30 % de leur budget d’investissement – seront inaugurés l’an prochain. C’est un soutien crucial : le Fonds national d’art contemporain et les FRAC possèdent aujourd’hui la plus grande collection d’art contemporain au monde. C’est un patrimoine inestimable ! Le Palais de Tokyo, inauguré cette année, a vu ses crédits passer de 5 à 6 millions : c’est moins que ce que souhaiterait sa direction, bien sûr, mais c’est là encore un effort de l’État en faveur de l’art contemporain.

Ceux qui peuvent disposer de recettes issues du mécénat, ou disposent de ressources propres, voient en revanche leurs crédits pour cette année diminuer légèrement.

Encore une fois, il fallait préserver les missions fondamentales du ministère de la culture, notamment l’implantation sur tous les territoires : les Français sont infiniment attachés à la culture, au patrimoine, à la création – le patrimoine de demain. Ils entretiennent aussi un lien particulier avec les archives : celles-ci feront l’objet d’une modification législative l’an prochain, afin d’en élargir l’accès.

Mais le ministère de la culture se devait aussi d’être responsable. Ce n’est pas le ministère du strass, des paillettes et de la poudre aux yeux : la culture, c’est aussi un pilier de la citoyenneté, c’est du lien social, de l’éducation, de la formation – sans oublier le développement économique.

M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie, madame la ministre, au nom de tous mes collègues.

EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la communication, lors de la commission élargie, la commission des Finances examine les crédits de la mission Culture.

La commission est saisie de l’amendement n° II-CF 109 de
M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour, rapporteur spécial. Alors que le projet de Maison de l’Histoire de France est totalement abandonné, une ligne budgétaire de 2,8 millions d’euros demeure afin de financer un projet dont, selon le projet annuel de performances, « le périmètre et les modalités exactes sont en cours de concertation ». En somme, le ministère de la Culture propose d’allouer près de 3 millions d’euros à un projet pour l’heure inexistant. Si l’on en croit les déclarations faites par la ministre il y a quelques minutes en commission élargie, un site Internet devrait être mis en place. Mais, d’une part, ce projet n’apparaît pas dans les documents budgétaires transmis au Parlement, et, d’autre part, attribuer près de 3 millions à la création d’un site Internet semble pour le moins exagéré alors que par ailleurs, des actions essentielles du programme Patrimoines souffriront d’un sous-financement en 2013. Le présent amendement de crédits propose donc de supprimer cette dotation.

La commission rejette l’amendement n° II-CF 109.

Puis, suivant l’avis favorable du rapporteur spécial, M. Pierre-Alain Muet, et en dépit de l’avis défavorable du rapporteur spécial, M. Jean-François Lamour, la commission adopte les crédits de la mission Culture.

Article 63

Suppression de l’exonération de redevance d’archéologie préventive
des constructions individuelles réalisées pour elle-même
par une personne physique

Texte du projet de loi :

I.– Au 1° de l'article L. 524-3 du code du patrimoine, les mots : « , ainsi que les constructions de maisons individuelles réalisées pour elle-même par une personne physique » sont supprimés.

II.– Les dispositions du I sont applicables aux constructions pour lesquelles des demandes d’autorisation de construire ont été déposées à compter du 1er janvier 2013.

Exposé des motifs du projet de loi :

La redevance d'archéologie préventive est due par les personnes publiques ou privées projetant de réaliser des travaux affectant le sous-sol et soumis à autorisation préalable en application du code de l'urbanisme ou donnant lieu à une étude d'impact en application du code de l'environnement ou soumis à déclaration administrative spécifique.

Le présent article vise à intégrer dans l’assiette de cette redevance les constructions de maisons individuelles réalisées pour elle-même par une personne physique, constructions actuellement exonérées. Cette exonération est contraire à l’objectif de lutte contre l’étalement urbain et soulève la question de l’équité entre la construction de maisons individuelles et la construction de logements sociaux qui sont, eux, soumis à cette redevance.

En outre, cette exonération limite le rendement de la redevance d’archéologie préventive, ce qui est susceptible de remettre en cause la volonté du Gouvernement de remédier aux difficultés structurelles de financement de cette activité ainsi que de réduire les délais de diagnostic.

Enfin, la suppression de cette exonération, qui représente 277 € en province et 314 € en Ile-de-France pour un pavillon de 150 m², apparaît acceptable au regard de l'investissement total nécessaire pour disposer du foncier comme pour procéder à la construction du pavillon.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article modifie le régime juridique de la redevance d’archéologie préventive (RAP) en élargissant son assiette, afin d’augmenter son produit de 30 millions d’euros et d’ainsi porter son rendement à 122 millions d’euros.

I.– LA PRÉCÉDENTE MAJORITÉ A PROCÉDÉ À L’ACTE I DE LA RÉFORME DE LA REDEVANCE D’ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

A.– LE FINANCEMENT DE L’ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

● La finalité de l’archéologie préventive est la détection, la protection et l’étude du patrimoine archéologique susceptible d’être affecté par les opérations d’aménagement du territoire.

Ces missions sont dévolues à un opérateur dédié, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), établissement public administratif de recherche placé sous la double tutelle des ministères chargés de la culture et de la recherche et créé en application de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l’archéologie préventive.

Deux volets composent cette politique publique :

– les diagnostics préventifs : prescrits par l’État, ils sont exclusivement pris en charge par la sphère publique, seuls l’INRAP ou les collectivités territoriales dotés de services archéologiques agréés par l’État pouvant intervenir en la matière. L’activité de diagnostic est financée par une ressource fiscale spécifique, la redevance d’archéologie préventive (RAP) ;

– les fouilles : cette activité est totalement ouverte à la concurrence et peut relever de tout opérateur, public comme privé (INRAP, collectivités territoriales, entreprises privées), dès lors que celui-ci a obtenu l’agrément de l’État. Le financement de ces fouilles se fait sur la base d’une prestation contractuelle qui se traduit par un prix négocié entre l’aménageur et l’opérateur qu’il a choisi pour réaliser la fouille et, marginalement, par la RAP pour ceux des aménageurs qui ne disposent pas des ressources suffisantes (cf. infra).

● Le régime de la RAP résulte de la loi n° 2003-707 du 1er août 2003 modifiant la loi n° 2001-44 précitée, de la loi n° 2004-804 du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l’investissement, et de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 (article 79).

Elle est due à l’occasion des travaux affectant le sous-sol et soumis à autorisation ou déclaration préalable en application du code de l’urbanisme, ou devant être précédés d’une étude d’impact en application du code de l’environnement : opérations d’aménagement ou de construction, réalisation d’infrastructures, affouillements.

Majoritairement affectée à l’INRAP pour financer la réalisation de diagnostics et, plus marginalement, aux collectivités territoriales agréées à cette fin (environ 83 % des diagnostics sont réalisés par l’INRAP), la RAP est également fléchée, à hauteur d’au moins 30 % de son produit, vers le Fonds national pour l’archéologie préventive (FNAP) (31).

Budget annexe hébergé dans les comptes de l’INRAP, le FNAP participe au financement des fouilles :

– via une prise en charge de droit, totale ou partielle, du coût de telles opérations lorsqu’elles sont prescrites à l’occasion de la construction de logements locatifs aidés ou de logements réalisés par des personnes physiques pour elles-mêmes. La décision de prise en charge relève alors du préfet de région ;

 ou par le biais de subventions versées aux aménageurs « impécunieux », à condition que leurs projets d’aménagement répondent aux critères définis par la commission du FNAP. Ces subventions, plafonnées à 50 % du coût de la fouille, sont accordées par le FNAP sur décision du ministère chargé de la culture.

Au total la RAP, taxe affectée :

– répond à la logique de paiement pour service rendu, les aménageurs payant le prix de l’activité de diagnostic prise en charge par les opérateurs publics de l’archéologie préventive ;

– renvoie au principe « pollueur-payeur » et au souci d’internalisation des externalités négatives que sont susceptibles de produire les opérations d’aménagement affectant le sous-sol (dégradation ou destruction d’éléments patrimoniaux).

En ce sens elle permet d’honorer l’engagement international pris par la France aux termes duquel le financement de l’archéologie préventive doit reposer sur un lien entre celui qui est susceptible de porter atteinte au patrimoine archéologique enfoui – l’aménageur – et celui qui contribue au financement des mesures nécessaires pour atténuer ces dommages potentiels (32).

De fait l’aménageur est soumis, d’une part, à l’acquittement d’un impôt dédié (la RAP) pour l’activité « diagnostics », et, d’autre part, au paiement d’un prix pour l’activité « fouilles ».

B.– LA RÉFORME DE 2011 : LE RÉGIME ACTUEL DE LA REDEVANCE D’ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

La RAP comprend en réalité deux volets, correspondant à deux types d’opérations relevant de deux régimes juridiques différents.

La « redevance DDE », ou RAP filière « urbanisme », est due pour les projets d’aménagement relevant du code de l’urbanisme confiés aux directions départementales de l’équipement (DDE, désormais incluses dans le périmètre des directions départementales des territoires – DDT) ou aux collectivités territoriales en cas de transfert de compétence. Jusqu’au vote de la loi n° 2011-1978 précitée, elle était calculée selon un mode comparable à la taxe locale d’équipement, avec application aux valeurs immobilières définies à l’article 1585 D du code général des impôts d’un taux de 0,4 %, porté ensuite à 0,5 % à partir du 1er janvier 2011.

La « redevance DRAC », ou RAP filière « culture », concerne tous les autres dossiers, instruits par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC). Le montant de la RAP « culture » est égal au produit de la superficie du terrain (ou de l’emprise au sol pour les bâtiments agricoles) par un montant de 0,50 euro, lequel est annuellement indexé sur l’indice du coût de la construction. Actualisé au titre de l’année 2012, ce montant est actuellement de 0,51 euro/m².

Toutefois, face à l’insuffisance structurelle du produit de la RAP, qui n’a jamais atteint le rendement initialement espéré d’environ 80 millions d’euros, des subventions compensatrices ont régulièrement été versées par le ministère chargé de la culture, en lois de finances initiales comme en gestion. On estime ainsi à 134 millions d’euros le montant cumulé des subventions accordées à l’INRAP depuis 2002 (33).

S’appuyant notamment sur un rapport d’octobre 2010 remis par l’Inspection générale des Finances qui dressait le constat de l’inadéquation entre le rendement de la RAP et les charges relatives au service public de l’archéologie préventive, la précédente majorité avait initié une première réforme du financement de celle-ci, en révisant principalement le régime de la « redevance DDE ».

Ainsi, dans un souci de simplification et de meilleur rendement de la redevance, le législateur avait procédé, à l’occasion du dernier collectif budgétaire de 2011, à un adossement du régime de la RAP « urbanisme » sur le régime applicable aux parts départementale et régionale de la taxe d’aménagement (TA) créée par la quatrième loi de finances rectificative pour 2010 (34). Concrètement, un tel adossement s’était traduit par un élargissement d’assiette (intégrant notamment les surfaces de moins de 1 000 m² qui étaient jusque-là exonérées) et, corrélativement, par un abaissement du taux de la RAP de 0,5 % à 0,4 % (35).

En outre, les exonérations de RAP avaient été alignées sur celles applicables aux parts départementale et régionale de TA (36), à savoir :

– les constructions destinées à être affectées à un service public, ou d’utilité publique ;

– les logements sociaux construits au moyen d’un prêt locatif aidé d’intégration (PLA-I) ;

– les constructions agricoles autres que les annexes d’habitation ;

– les aménagements prescrits par un plan de prévention des risques naturels, technologiques ou miniers ;

– sous certaines conditions, les reconstructions de bâtiments détruits depuis moins de dix ans ;

– les constructions dont la surface est inférieure ou égale à 5 m2.

La réforme de 2011 avait également conservé l’exonération traditionnelle de RAP bénéficiant aux constructions de logements réalisées par une personne physique pour elle-même, c'est-à-dire les constructions de maisons individuelles par des particuliers. Se rangeant aux analyses de la commission des Finances de l’Assemblée nationale à ce sujet, le Gouvernement avait procédé au maintien de cette exonération par un amendement déposé en séance publique. C’est sur cette exonération que le présent article du PLF propose de revenir (cf. infra).

C.– LA RÉFORME DE 2011 DEVAIT ÊTRE COMPLÉTÉE PAR UN VOLET « CONTRÔLE DE LA DÉPENSE »

La précédente majorité n’entendait toutefois pas se contenter d’une revalorisation, objectivement nécessaire, du produit de la RAP. Cette mesure « recettes » n’était que le premier volet d’une réforme qui devait se poursuivre avec l’adoption de dispositions de nature à mieux maîtriser la dépense d’archéologie préventive.

À cet effet était prévue la création, en 2013, d’un compte d’affectation spéciale (CAS), lequel aurait permis un pilotage strict de la dépense publique : un CAS devant nécessairement être équilibré (37), tout déficit étant de facto proscrit, l’équilibre financier de l’archéologie préventive à ressources constantes aurait reposé, le cas échéant, sur un légitime effort de maîtrise de la dépense.

Malheureusement, le Gouvernement actuel issu de la nouvelle majorité abandonne dans l’immédiat toute perspective de maîtrise de la charge, lui préférant une nouvelle mesure d’augmentation de la recette.

II.– L’ARTICLE 63 DU PLF : UNE SIMPLE MESURE D’ASSIETTE QUI NE S’ACCOMPAGNE D’AUCUN EFFORT DE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE

Il est regrettable que le Gouvernement ait renoncé à finaliser la réforme de la RAP entreprise par la précédente majorité et par ailleurs réclamée par la mission d’évaluation et de contrôle (MEC), bipartisane, de la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Les rapporteurs de la MEC rappelaient en effet la nécessité de moderniser les outils de pilotage de l’archéologie préventive et de mieux responsabiliser les différents acteurs afin de maîtriser la dépense publique correspondante (38).

A.– LA FIN DE LA SUPPRESSION DE L’EXONÉRATION POUR CONSTRUCTIONS INDIVIDUELLES : UNE NOUVEAU PRÉLÈVEMENT FISCAL QUI NE SE JUSTIFIE PAS

Au lieu de piloter la politique publique d’archéologie préventive par la dépense en s’efforçant d’en maîtriser la charge à recettes constantes via le dégagement de gains de productivité ou une diminution des prescriptions de diagnostics de la part de l’État, l’article 63 du PLF propose d’augmenter à nouveau les recettes de RAP afin que celles-ci atteignent le montant que le Gouvernement estime a priori nécessaire à la couverture des charges d’archéologie préventive.

Pour ce faire, le Gouvernement entend soumettre à la RAP « urbanisme » les constructions de maisons individuelles réalisées pour elle-même par une personne physique (I de l’article 63). Ces nouvelles dispositions s’appliqueraient « aux constructions pour lesquelles des demandes d’autorisation de construire ont été déposées à compter du 1er janvier 2013 » (II).

Les particuliers procédant à la construction de leur maison individuelle deviendraient alors redevables de la RAP, modulo un abattement de 50 % sur les 100 premiers mètres carrés de la résidence principale en application de l’article L. 331-12 du code de l’urbanisme. L’évaluation préalable de l’article précise que le montant de la RAP s’élèverait, pour la construction d’un pavillon de 150 m², à environ 277,20 euros en province et 314 euros en Île-de-France. Le produit attendu de la mesure atteindrait 30 millions d’euros (cf. infra).

De fait, une telle mesure revient à faire peser un nouveau prélèvement sur les contribuables alors que rien ne le justifie. En effet, eu égard à la modestie des surfaces aménagées, les constructions individuelles sont, par nature, peu concernées par les diagnostics d’archéologie préventive. Ne représentant qu’un risque marginal – pour ne pas dire inexistant – quant à la détection et la préservation du patrimoine archéologique enfoui, il n’est par conséquent pas acceptable de les soumettre à la logique pollueur-payeur portée par la convention de Malte et qui sous-tend la RAP.

Milite d’ailleurs en ce sens le fait que ce type de construction a toujours bénéficié d’une exonération de RAP, sans que l’archéologie préventive et les impératifs scientifiques attachés à celle-ci aient eu à en pâtir (39).

Rappelons enfin qu’au moment de la création de la RAP les besoins avaient été estimés à 80 millions d’euros environ pour prendre en charge les dépenses d’archéologie préventive. Or le produit estimé de la RAP sans la suppression de l’exonération pour les constructions individuelles permettrait d’atteindre un montant de 92 millions d’euros. De fait, avec 92 millions d’euros de ressources affectées, l’archéologie préventive n’aura jamais été aussi bien financée. À cet égard, il convient de souligner que selon l’Inspection des Finances, le produit cible objectivement nécessaire de la RAP pouvait être estimé à une centaine de millions d’euros, montant qui permettrait de couvrir intégralement les coûts de fonctionnement actuels de l’INRAP, du FNAP et des collectivités territoriales, l’Inspection ayant toutefois précisé que le fait de calibrer la RAP sur les dépenses précédemment constatées était sujette à caution.

En tout état de cause, avec 92 millions d’euros et dans l’hypothèse d’actions résolues de maîtrise de la dépense (cf. infra), le produit de la RAP avec maintien de l’exonération est plus proche du montant objectivement nécessaire à la couverture des charges actuelles de l’archéologie préventive que les 122 millions d’euros de produit final espéré en cas de suppression de l’exonération, lequel dépasserait alors largement les besoins de financement de cette politique publique. Rappelons en outre que, lors de la réforme de la RAP votée en 2011, le rendement de la redevance avec maintien de l’exonération était estimé non pas à 92 millions d’euros, mais à 105 millions d’euros.

Au-delà de l’argument selon lequel une augmentation des recettes est nécessaire, le Gouvernement justifie la suppression de l’exonération par l’exigence de simplification d’un dispositif complexe et peu lisible pour les redevables. Il excipe du fait que l’exonération de RAP pour les constructions de maisons individuelles réalisées pour eux-mêmes par les particuliers n’existe pas pour les parts départementale et régionale de la taxe d’aménagement (TA) alors que, précisément, la RAP y a été adossée (cf. supra).

Un tel argument ne paraît pas recevable dans la mesure où RAP et TA, via les dépenses qu’elles permettent de financer, poursuivent des objectifs différents. S’il est sans doute légitime que les constructions individuelles soient soumises à la TA eu égard à la finalité assignée aux dépenses que cette taxe finance (40), inversement, pour les raisons précédemment développées, ce type d’aménagement n’a pas vocation à entrer dans le champ de la RAP.

Par ailleurs, ce qui est présenté comme une mesure de simplification a peut-être moins vocation à profiter aux redevables qu’à l’administration fiscale elle-même, laquelle aurait alors à gérer un seul système d’exonération unifié entre RAP et TA.

Au total, au regard des principes et de la finalité de l’archéologie préventive, il n’est pas légitime de soumettre les constructions de maisons individuelles opérées par les particuliers à une redevance qui, pour modeste qu’elle puisse paraître au regard du coût total d’une opération de construction, n’en constitue pas moins une ponction supplémentaire qui touchera un grand nombre de redevables (d’après l’évaluation préalable, la part des surfaces bâties au titre de maisons individuelles représente près de 45 % de la surface totale de logements bâtis (41)), qui pèsera notamment sur les classes moyennes désireuses d’accéder à la propriété et de posséder leur logement individuel, et qui ne favorisera pas le développement de l’offre de logements alors que celui-ci est censé constituer une priorité de l’action gouvernementale.

B.– UNE ABSENCE DE RÉFLEXION QUANT À LA NÉCESSAIRE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

En opérant un élargissement de l’assiette de la RAP et en renonçant parallèlement à la création de tout mécanisme permettant un contrôle plus poussé de la dépense (via par exemple la création d’un CAS, envisagée par la majorité précédente), le Gouvernement opte pour la solution de facilité consistant à piloter la politique publique par la recette en abdiquant toute volonté de maîtriser davantage la dépense publique.

Ainsi, l’Inspection générale des Finances comme la MEC avaient souligné que toute revalorisation de la RAP devait s’accompagner d’une réflexion sur la maîtrise des coûts de cette politique publique et sur les marges de productivité qu’il était possible de dégager au sein de l’INRAP. La MEC relevait en outre que, en dernière analyse, il appartenait à l’État de mieux calibrer et d’adapter ses prescriptions en matière de diagnostic, les ressources affectées à l’archéologie préventive n’étant de fait pas extensibles à l’infini. En se contentant uniquement de renforcer encore les moyens alloués à l’archéologie préventive, le Gouvernement renonce à cette réflexion d’ensemble sur le niveau de la dépense.

Enfin, le Rapporteur spécial ne peut que s’étonner du caractère pour le moins incertain du chiffrage de la mesure tel que présenté dans l’évaluation préalable de l’article, soit 30 millions d’euros de rendement.

Il est en effet permis de douter de sa pertinence considérant que, pour parvenir à un tel résultat, le Gouvernement agrège des données datant de 2006 (part des surfaces bâties au titre des maisons individuelles au regard de la surface totale construite) et de 2011 (surface totale construite). Or il n’est pas totalement improbable que depuis 2008, du fait de la crise économique et financière, la part des constructions individuelles se soit contractée, modifiant en conséquence le produit attendu d’une suppression de l’exonération.

Au total, le Rapporteur spécial déplore :

– un pilotage de l’archéologie préventive qui s’opère exclusivement par la recette, ce qui exonère de facto de tout effort de maîtrise de la dépense publique ;

– et un alourdissement de la pression fiscale pesant sur les contribuables qu’aucun impératif objectif ne justifie.

Il s’oppose donc résolument à la mesure présentée par le Gouvernement et propose en conséquence la suppression de l’article 63 du présent projet de loi de finances.

*

* *

La commission est ensuite saisie de l’amendement n° II-CF 108 de
M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. L’élargissement de la redevance d’archéologie préventive (RAP) aux constructions individuelles réalisées par les particuliers ne se justifie pas, sauf à changer la philosophie de cette redevance. En effet, du fait de la modestie des surfaces aménagées, ce type de constructions ne fait peser aucun risque pour le patrimoine enfoui. D’ailleurs, elles ont toujours bénéficié de l’exonération de RAP depuis la création de celle-ci. En outre, le Gouvernement opère un pilotage de l’archéologie préventive uniquement par la recette, sans consentir aucun effort quant à la maîtrise de la dépense publique. Enfin, en dernière analyse et même si les sommes en jeu peuvent paraître modestes, la mesure proposée revient à faire peser un nouveau prélèvement sur les contribuables, alors qu’aucun impératif objectif ne le justifie. C’est pourquoi je demande la suppression de l’article 63.

M. Gilles Carrez, Président. Voilà dix ans que je suis la question de la redevance d’archéologie préventive. Nous pouvons nous adresser un reproche collectif, celui de n’avoir jamais cherché à en maîtriser la dépense et les procédures. Au fil des réformes, le pilotage s’est exclusivement fait par la recette, sans aucune réflexion concernant les procédures, les financements devant nécessairement s’adapter aux coûts. Ceci constitue la pire des approches, et je pense que la commission des Finances s’honorerait à demander des études sur les procédures applicables en la matière. Les budgets de l’archéologie préventive se sont envolés depuis la loi de 2001, sans compter les retards constatés sur les chantiers et les surcoûts induits. J’ajoute que l’extension de la redevance aux petites constructions est une réforme de fond contraire à la philosophie du système. Ce qui était visé initialement, c’était les grandes opérations d’aménagement qui, par leur ampleur, peuvent effectivement faire courir un risque au patrimoine enfoui. Une telle mesure sera sans doute très mal vécue par nos concitoyens, avec un coût politique majeur. Si elle peut sembler modeste, son poids symbolique et psychologique est considérable. Je soutiens donc sans réserve l’amendement de suppression de notre Rapporteur spécial.

La commission rejette l’amendement n° II-CF 108 et en conséquence adopte l’article 63.

*

* *

Amendement n° II-CF 109 présenté par M. Jean-François Lamour

ARTICLE 46

ÉTAT B

Mission « Culture »

Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

   

(en euros)

Programmes

+

-

Patrimoines

0

2 809 000

Création

0

0

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

0

0

Dont titre 2

0

0

TOTAUX

0

2 809 000

SOLDE

- 2 809 000

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le nouveau Gouvernement a choisi d'abandonner le projet de Maison de l'Histoire de France.

Les documents budgétaires indiquent qu’une partie des financements précédemment affectés à cette opération – 2,809 millions d'euros – sera fléchée vers un autre projet « dont le périmètre et les modalités exactes sont en cours de concertation ».

En somme, le ministère de la Culture propose d'allouer près de 3 millions d'euros à un projet pour l'heure inexistant.

Dans un contexte de tensions sur les finances publiques qui empêchent parfois certains ministères de mener à bien des actions pourtant objectivement identifiées, il semble de bonne pratique de définir précisément la nature et le périmètre d'une opération avant d'en prévoir le financement. Aussi le présent amendement propose de supprimer les crédits afférents, afin de laisser au ministère le temps de la réflexion (suppression de 2,809 millions d’euros sur l’action n° 3 du programme Patrimoines, AE=CP).

Amendement n° II-CF 108 présenté par M. Jean-François Lamour

ARTICLE 63

Supprimer cet article.

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Par ordre chronologique

Réunion des musées nationaux – Grand Palais

M. Jean-Paul Cluzel, président

M. Gregory Berthelot, secrétaire général

Musée du quai Branly

M. Stéphane Richard, président

M. Karim Mouttalib, directeur général

Mme Claire Hébert, directrice de l’administration et des ressources humaines

Centre des monuments nationaux

M. Philippe Bélaval, président

Mme Bénédicte Lefeuvre, directrice générale

Institut national de recherches archéologiques préventives

M. Arnaud Roffignon, directeur général

Mme Christiane Berthot, directrice adjointe de l’administration et des finances

Musée du Louvre

M. Hervé Barbaret, administrateur général

M. Pascal Perrault, directeur des affaires financières et juridiques

M. Benoît de Saint-Chamas, conseiller auprès du Président

Direction générale des Patrimoines

M. Bertrand-Pierre Galey, directeur général

Mme Marie-Christine Labourdette, directrice du Service des musées de France

Mme Isabelle Maréchal, chef de service, chargée du patrimoine

M. Jean Michel Loyer-Hascoët, sous directeur des monuments historiques et espaces protégés

M. Jean Pascal Lanuit, sous directeur des affaires financières et juridiques par interim

M. Kevin Riffault, Service des musées de France, pôle stratégies, réseaux et tutelles

Musées d’Orsay et de l’Orangerie

M. Guy Cogeval, président

M. Alain Lombard, administrateur général

Musée et domaine national de Versailles

Mme Catherine Pégard, présidente

M. Thierry Gausseron, administrateur général

Centre national d’art et de culture Georges Pompidou

M. Alain Seban, président

Mme Agnès Saal, directrice générale

© Assemblée nationale

1 () Les fonds de concours comprennent :

– des fonds à caractère non fiscal versés par des personnes morales ou physiques en vue du financement de dépenses d’intérêt public ;

– les produits de legs et dons attribués à l’État.

2 () Les recettes tirées de la rémunération de prestations régulièrement fournies par un service de l’État peuvent faire l’objet d’une attribution de produits au service concerné.

3 () « L’État et ses agences », rapport de l’Inspection générale des Finances, mars 2012.

4 () En application de l’article 47 de la loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, le CMN se voit affecter 15 % du prélèvement sur les mises engagées dans les jeux de cercle en ligne (poker, black jack etc.), dans la limite de 10 millions d’euros par an. Toutefois, depuis la loi de finances pour 2012, le CMN, comme la plupart des opérateurs de l’État, voit sa taxe affectée plafonnée à 8 millions d’euros (article 46 de la loi n° 2011-1977 de finances pour 2012).

5 () Soit 264,58 millions d’euros en en autorisations d’engagements comme en crédits de paiement en 2013, contre 283,54 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 283,96 millions d’euros en crédits de paiement en 2012.

6 () Opérations de récolement, compléments d’inventaire, prises de vue, code barrage des objets, manipulation, conditionnement et transport de ceux-ci depuis Paris, etc.

7 () Hors Centre Pompidou.

8 () Cf. le commentaire du rapport annuel de performances du programme 175 Patrimoines pour 2009 (doc. AN n° 2651 tome 2).

9 () Cour des comptes, note d’exécution budgétaire de la mission Culture, mai 2012.

10 () Rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, juin 2011.

11 () Article 150 VJ du code général des impôts.

12 () Article 238 bis-0 AB du code général des impôts.

13 () Article 291 du code général des impôts.

14 () Article 1131 du code général des impôts.

15 () Les dix pays les plus représentés au Louvre sont, par ordre décroissant : la France, les États-Unis, le Brésil, l’Australie, l’Italie, la Chine, l’Espagne, l’Allemagne, le Royaume-Uni, et la Russie.

16 () Pour un montant de 4 millions d’euros (1,95 million d’euros à titre onéreux et 2,04 millions d’euros en libéralités).

17 () Pour un montant de 0,6 million d’euros à titre onéreux.

18 () Dont un trésor national : Pietà avec Saint Jean et deux anges, attribuée à Jean Malouel), pour une valeur de 7,8 millions d’euros (soit 53 % de la valeur totale des acquisitions).

19 () Après reprises sur provision et prélèvement.

20 () Rénovation des installations de chauffage notamment.

21 () Hors groupes scolaires.

22 () 275 000 objets ; 150 000 estampes, dessins ethnographiques, affiches, peintures ; 500 000 photographies ; 140 000 cartes postales ; 70 000 partitions musicales ; 70 000 phonogrammes ; 80 000 ouvrages ; 460 heures d'enregistrements audiovisuels.

23 () Sur 10 000 m² de surface utile, 7 000 m² sont consacrés aux réserves.

24 () Article L. 141-1 du code du patrimoine.

25 () Le Panthéon, l’Hôtel de Sully, le château de Champs-sur-Marne, l’abbaye du Mont-Saint-Michel, la Sainte Chapelle, la villa Cavrois, le château de Pierrefonds, le domaine national de Saint-Cloud, le château de Rambouillet, le château de Ferney Voltaire, le château d’Angers, la Conciergerie, et le château de Jossigny. Cette liste pourra être révisée.

26 () Article 302 bis ZI du code général des impôts.

27 () Décret n° 2012-479 du 12 avril 2012 relatif au délégué interministériel aux Archives de France et au comité interministériel aux Archives de France.

28 () Cette évaluation intègre la révision des prix en fonction d’une estimation de l’indice BT01.

29 () Décret n° 2009-1393.

30 () Loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française.

31 () Article L. 524-14 du code du patrimoine.

32 () Cf. décret n° 95-1039 du 18 septembre 1995 portant publication de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée), signée à Malte le 16 janvier 1992.

33 () Cf. rapport d’information Assemblée nationale n° 3798 sur le financement des politiques culturelles de l’État par des ressources affectées.

34 () Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finance rectificative pour 2010.

35 () Pour davantage de précisions, cf. rapport Assemblée nationale n° 4006 sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011, commentaire de l’article 22.

36 () Article L. 331-7 du code de l’urbanisme.

37 () Article 21 de la loi organique n° 2011-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

38 () Cf. rapport d’information Assemblée nationale n° 3798 précité.

39 () Article L. 524-3 du code du patrimoine dans ses rédactions successives, du 11 février 2004 au 30 décembre 2011.

40 () Article L. 121-1 du code de l’urbanisme.

41 () Données 2006.